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N° 3220

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 juin 2006.

PROPOSITION DE LOI

visant à la création d'un statut de la santé étudiante,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Richard MALLIÉ

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre système de santé connaît depuis quelques temps, et ce plus particulièrement depuis la mise en place de la réforme de l'assurance maladie du 13 août 2004, une profonde restructuration. Cette refonte était en effet nécessaire non seulement pour que le système de soins « à la française » puisse être préservé, mais aussi pour que son fonctionnement puisse être amélioré. Qu'il s'agisse de la rationalisation des dépenses, ou encore de la responsabilisation du patient dans le cadre du parcours de soins, la vaste réforme engagée il y a deux ans par notre gouvernement a déjà donné des signes encourageants quant à sa bonne marche.

Si de gros efforts ont été faits par les pouvoirs publics, notamment via la création de dispositifs spécifiques à destination des plus défavorisés, afin qu'aucune catégorie de population ne soit exclue du système, force est de constater qu'un pan entier de notre société demeure particulièrement pénalisé en matière de couverture sociale : le public jeune en général, et plus particulièrement étudiant.

On ne peut en effet que constater que la population étudiante française est aujourd'hui particulièrement « morcelée » entre différents régime de sécurité sociale, et donc différents opérateurs de prise en charge de sa santé. Cette hétérogénéité s'explique notamment par le fait que nombre de critères entrent en ligne de compte pour la définition de la couverture sociale de l'étudiant : choix de la filière d'études, existence d'une activité professionnelle parallèle, etc.

Une telle hétérogénéité n'est pourtant pas anodine, et porte préjudice à l'efficacité de la prise en charge de cette population qui recouvre en grande partie les 18-25 ans. En effet, cette diversité conduit inéluctablement à une prise en charge désordonnée, sans cohérence, et trop souvent partielle, de la santé de nos étudiants.

Pourtant, en la matière, le monde étudiant nécessite de plus en plus une attention toute particulière des pouvoirs publics, cette population étant victime d'une recrudescence des risques sanitaires liés notamment aux comportements.

Déjà en 1998, le Haut Comité de Santé Publique mettait en garde contre ces risques en indiquant dans son rapport « La progression de la précarité en France et ses effets sur la santé » : « Il existe un problème d'intégration des jeunes dans la société, qui peut conduire à une absence de perspectives d'avenir et à un sentiment d'inutilité générateurs de mal-être, voire d'une véritable souffrance psychique à l'origine de comportements à risques... ».

Malheureusement, en 2006 on ne peut que constater que les chiffres confirment et valident cette prévision : en effet, 10 % de nos étudiants sont sujets à des pensées suicidaires au cours de l'année universitaire, comme l'a montré récemment l'enquête santé nationale USEM/FNORS de juin 2005. De même, s'agissant de la souffrance psychique, alors que le baromètre santé 2005 de l'INPES montre que 8,5 % des jeunes de 15-24 ans ont souffert d'un épisode dépressif caractérisé au cours des douze derniers mois, il a également été démontré que, sur ce type de pathologie, le recours aux soins est plus faible chez les 15-24 ans, que dans les autres tranches d'âge.

Regardant les autres comportements à risque, tels que la consommation d'alcool, là encore on déplore une augmentation dangereuse de ce type d'attitudes. En effet, lorsque l'on interroge les jeunes de 17-18 ans à ce sujet, 8 sur 10 déclarent avoir consommé au moins une fois de l'alcool au cours des 30 derniers jours. D'ailleurs, le dernier baromètre santé de 2000 constatait que les jeunes de 20-25 ans étaient ceux qui déclaraient la plus forte consommation d'alcool durant le week-end avec un pic de 5,1 verres le samedi.

Mais l'augmentation de l'usage des drogues, et notamment du cannabis, est également préoccupant : aujourd'hui, plus de la moitié des jeunes de 18 ans ont déjà fumé au moins une fois du cannabis. Tout aussi inquiétant, parmi les 850 000 consommateurs réguliers de cette substance, dont 450 000 consommateurs quotidiens, les jeunes tiennent la tête de l'affiche. Ces chiffres, 2 à 3 fois plus élevés qu'il y a 10 ans, placent malheureusement la France en tête des pays européens avec la République Tchèque et le Royaume-Uni.

De plus, nous savons que les trafiquants ont augmenté la concentration du principe actif (THC) entre 10 et 100 fois par rapport à la valeur des années 70 et ce, pour deux raisons : la sanction pour le cannabis est moins lourde que pour les autres drogues, et cela augmente plus rapidement le phénomène d'addiction.

Parmi ces comportements sanitaires à risques, seule la consommation de tabac connaît une légère diminution depuis 2003, cette baisse étant en partie liée à l'augmentation des prix du tabac, ainsi qu'aux actions de prévention conduites par certaines mutuelles étudiantes.

Cette situation est donc particulièrement préoccupante, et pose aujourd'hui un véritable problème de santé publique. Les raisons présidant à cette situation ne sont toutefois pas inconnues, et nous avons les moyens d'agir pour peser sur le phénomène.

Comme évoqué plus haut, l'une des raisons qui peut expliquer ce triste constat, et les difficultés qui sont les nôtres à influer de façon efficace sur les comportements de cette population : le caractère hétérogène de la population étudiante, au regard de sa prise en charge par un régime de sécurité sociale.

En effet, la population étudiante, qui représente environ 2,25 millions de personnes, se répartit entre d'une part les étudiants qui sont 1,6 million à être affiliés à la sécurité sociale étudiante, et d'autre part 600 000 étudiants, qui sont régis par le régime général de sécurité sociale, car salariés plus de 60 heures par mois.

À ces étudiants qui poursuivent une formation dans les établissements d'enseignement supérieur, il faut ajouter également près de 370 000 apprentis, qui ne bénéficient pas eux non plus d'une couverture sociale étudiante, ainsi que l'ensemble des étudiants qui ont choisi de suivre une formation en alternance. La situation n'est pas simple non plus pour les jeunes qui, dans le cadre de leurs parcours universitaires, sont amenés à réaliser des stages professionnels de longue durée. Ces stages les amènent en effet à changer de régime de protection sociale, puis à revenir dans le régime de sécurité sociale étudiante lorsqu'il s'inscrivent dans un cycle universitaire moins professionnalisant.

Ce morcellement des situations d'étudiants au regard de leur régime de sécurité sociale, les allers-retours fréquents entre régime de sécurité sociale que cela entraîne, conduit à des conséquences importantes au niveau de la qualité, de la continuité et de la cohérence de la prise en charge de leur santé. Cette situation est également dommageable en termes de diffusion des messages destinés à familiariser ces jeunes avec notre parcours de soins et les bonnes pratiques en matière de santé.

Mais ce morcellement de régime n'est pas seul en cause. En effet, une seconde raison est à rechercher dans l'actuelle structure des plans nationaux de prévention santé. À ce jour, dans le détail des financements des actions prévues dans ces plans, aucune ligne budgétaire n'est spécifiquement dédiée à la population étudiante. C'est le cas du plan alcool 2004-2008, du plan Cancer, ou des actions de l'INPES. Faute de moyens spécifiques, il est donc difficile de mener une action globale et cohérente de prévention à destination des étudiants.

Vous l'aurez aisément compris, face à ces risques, nous ne pouvons rester indifférents, et nous avons le devoir de prendre les mesures nécessaires pour améliorer la prise en charge de la santé de nos étudiants.

Pour cela, il me semble urgent de proposer la création d'un statut global de la santé étudiante, qui permettrait à tous les jeunes, à partir du moment où ils s'inscrivent pour la première fois dans un établissement d'enseignement supérieur et jusqu'au moment où il sont en phase de réelle insertion professionnelle, de bénéficier d'une véritable couverture sociale, gérée par un même régime de sécurité sociale. Cette couverture sociale sous entend bien évidemment la prise en charge et le remboursement des actes de soins, mais également l'accès sur tout le territoire national et pour l'ensemble des risques sanitaires qui touchent cette population, à des actions de prévention.

Cette proposition s'articule autour de 3 points forts.

1) Tout d'abord, il me semble important que ce statut global rationalise la gestion de la sécurité sociale étudiante et clarifie les modalités de prise en charge, notamment dans le cadre de la gestion des droits de sécurité sociale étudiante. Tel est l'objet de l'article 1 de cette proposition de loi, qui vise à modifier l'article L. 381-6 du code de la sécurité sociale.

L'objectif poursuivi ici est double. Tout d'abord, l'idée est de mettre un terme à la complexité de la procédure d'affiliation actuelle. Reposant sur les seuls établissements, celle-ci retarde considérablement la délivrance des cartes Vitale aux étudiants et donc l'accès aux remboursements. Certains étudiants ne disposent pas de leur carte Vitale avant le mois de janvier, voire février. Sans compter qu'il existe un risque pour les étudiants de défaut de couverture maladie, en cas de non affiliation par erreur.

Ensuite, l'objectif visé est d'améliorer considérablement la vie quotidienne des étudiants, en faisant en sorte de leur faciliter la gestion de leur budget. Pour cela, il est proposé un fractionnement en 10 fois du paiement des droits de sécurité sociale, ce qui est déjà le cas aujourd'hui pour le paiement des garanties complémentaires santé étudiantes.

2) Le second point fort de la présente proposition de loi réside dans une modification de la structure actuelle des plans de prévention. Il apparaît en effet urgent que la population étudiante puisse être intégrée de manière visible et spécifique dans les publics cibles de ces campagnes, et qu'une ligne budgétaire soit dédiée à cet effet, l'alimentation de cette ligne se faisant chaque année dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est ce que propose l'article 2 du texte, en introduisant une modification de l'article 1 du titre 1er de la loi du 5 janvier 1988 relative à la sécurité sociale, qui a créé le fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires.

3) Mais ce statut global de la santé étudiante serait foncièrement incomplet s'il ne donnait pas aux jeunes des moyens supplémentaires pour qu'ils puissent eux-mêmes s'engager dans une démarche visant à obtenir une meilleure couverture santé. Tel est donc l'objet du dernier axe de cette proposition de loi, qui vise à la mise en place d'un chèque santé étudiant.

Son principe est simple : il s'agit de créer une aide forfaitaire de 40 euros, à destination de tous les étudiants qui s'inscrivent pour la première fois à l'Université, et ce pendant les deux premières années d'études supérieures, afin de les aider à acquérir une complémentaire santé dite « responsable », c'est-à-dire qui respecte le parcours de soins. Il semble en effet important que, dès le plus jeune âge, l'acquisition d'une complémentaire santé soit entrée dans les habitudes de chacun.

Là encore, les chiffres montrent que les étudiants ne sont pas les mieux lotis en la matière : selon un sondage réalisé par le CREDOC en novembre 2005, sur « Les Français, la réforme de l'assurance maladie et la complémentaire santé », seuls 87 % des moins de 30 ans disposaient d'une complémentaire santé, contre 91 % pour l'ensemble de la population. Véritable coup de pouce financier, ce chèque santé étudiant permettra également aux jeunes d'être responsabilisés, et de prendre davantage conscience encore que la santé a, elle aussi, un coût.

Cette disposition s'inscrit par ailleurs dans la parfaite continuité de la volonté du Président de la République, qui a annoncé lors du Congrès de la Mutualité Française le 8 juin dernier qu'il souhaitait une extension de l'aide à la souscription d'une assurance santé privée.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L'article L. 381-6 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 381-6. - Les bénéficiaires énumérés à l'article L. 381-4 sont affiliés aux caisses primaires d'assurance maladie à la diligence de la section locale ou correspondant local de la mutuelle étudiante choisie par chaque bénéficiaire, à l'occasion des inscriptions universitaires en partenariat avec le service de scolarité de l'établissement d'enseignement supérieur ou assimilé où l'étudiant est inscrit.

« Les cotisations sont recouvrées de manière fractionnée en dix fois au cours de l'année universitaire. Elles sont versées à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale dont dépend l'établissement.

« Un décret précisera les conditions d'application du présent article. »

Article 2

Le II de l'article 1er de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988 relative à la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« II. - Dans le cadre du fonds prévu par le I, il est prévu un chapitre spécifique dédié à la population étudiante. Les crédits affectés à ce chapitre sont intégrés chaque année dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

« Un décret précise les conditions d'application du présent II. »

Article 3

Après le chapitre 3 du titre VI du livre VIII du code de la sécurité sociale, il est inséré un chapitre 3 bis ainsi rédigé :

« Chapitre 3 bis

« Chèque-santé étudiant

« Art. L. 863-7. - Il est créé un chèque santé-étudiant, destiné à faciliter l'acquisition d'une couverture complémentaire santé par les étudiants. D'un montant forfaitaire de 40 €, ce chèque sera remis à chaque étudiant qui s'inscrit pour la première fois dans un établissement d'enseignement supérieur, une école technique supérieure, une grande école ou une classe du second degré préparatoire à ces écoles, et ce pendant les deux premières années d'études supérieures.

« Ce chèque santé pourra être déduit du montant de la cotisation d'une couverture complémentaire santé, à la condition, d'une part, que le contrat souscrit soit un contrat dit "responsable", respectant les conditions mentionnées à l'article L. 871-1 et, d'autre part, que ce contrat ait été souscrit pour le compte de l'étudiant bénéficiaire du chèque-santé. »

Article 4

La charge résultant pour l'État des dispositions de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 402 bis et 403 du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121338-1
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 3220 - Proposition de loi visant à la création d'un statut de la santé étudiante (M. Richard Mallié)


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