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N° 755

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mars 2003.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

sur la formation des cadres dans les écoles militaires

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Jérôme RIVIÈRE,

Député.

--

Défense.

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I. - L'ÉVOLUTION ET LA RATIONALISATION DES MOYENS CONSACRÉS À LA FORMATION 7

A. UN OUTIL DE FORMATION LE PLUS SOUVENT PLACÉ SOUS CONTRAINTE BUDGÉTAIRE 7

B. UN RAPPROCHEMENT DES STRUCTURES DE FORMATION DÉJÀ TRÈS AVANCÉ 11

II. - DES RÉFORMES PROFONDES DU DÉROULEMENT ET DU CONTENU DES SCOLARITÉS 15

A. DIVERSIFIER LES MODES DE RECRUTEMENT 15

B. ADAPTATIONS ET ENRICHISSEMENTS DES ENSEIGNEMENTS DISPENSÉS 17

1. Une évolution contrastée de la durée des formations initiales DE L'OUVERTURE INTERNATIONALE 25

1. Un enseignement des langues étrangères plus soutenu, mais à développer davantage 25

2. Des échanges internationaux à approfondir 27

D. UNE FORMATION INITIALE DEVANT PARFOIS FAIRE FACE AU FORT BESOIN DE RECRUTEMENT 30

III. - LA FORMATION CONTINUE ET SUPÉRIEURE 32

A. L'ADAPTATION PROGRESSIVE DE LA FORMATION CONTINUE 32

1. Une individualisation croissante 33

2. Des difficultés multiples 35

B. UNE FORMATION SUPÉRIEURE DE QUALITÉ 37

1. Le collège interarmées de défense : une institution de grande qualité 37

2. Le projet de campus de défense 40

CONCLUSION 43

TRAVAUX DE LA COMMISSION 45

ANNEXE : LISTE DES DÉPLACEMENTS ET DES PERSONNES AUDITIONNÉES 49

INTRODUCTION

Si l'évolution des matériels des armées et de leur disponibilité fait l'objet d'une attention constante de la part des parlementaires, les questions relatives à la formation sont nettement moins suivies. Le dernier rapport d'information de l'Assemblée nationale en la matière date de 1995 (1).

Compte tenu de l'impact considérable de la professionnalisation sur les armées, un point sur la situation actuelle de la formation des cadres s'imposait.

La première constatation est que le paysage de la formation a énormément changé en huit ans, à l'image d'ailleurs de l'ensemble des armées. Un mouvement considérable de réduction et de rationalisation des outils de formation a été mis en œuvre, notamment par le biais d'un recours accru aux formations interarmées. De ce point de vue, il semble qu'un palier ait été atteint, l'intégration des formations demandant désormais de s'orienter vers un processus par nature assez long d'harmonisation des cursus.

I. - L'ÉVOLUTION ET LA RATIONALISATION DES MOYENS CONSACRÉS À LA FORMATION 

Les infrastructures et les organismes chargés de la formation au sein des armées n'ont pas échappé aux grandes mutations qui ont accompagné la professionnalisation. Si certains problèmes rencontrés par les armées, comme celui de la disponibilité des matériels par exemple, sont plus visibles, les insuffisances des moyens consacrés à la formation n'en sont pas moins importantes. Les capacités humaines et matérielles de l'outil de formation apparaissent désormais sollicitées parfois au-delà de ce qui serait raisonnable et il est à craindre à terme un impact sur la qualité même des formations. L'effort de rationalisation de l'outil de formation, au moyen notamment du développement des formations interarmées, est désormais largement engagé, même si des progrès peuvent être encore accomplis. Les marges de manœuvre sont donc de fait actuellement limitées, alors que les besoins augmentent rapidement, tout particulièrement en ce qui concerne la formation des sous-officiers.

A. UN OUTIL DE FORMATION LE PLUS SOUVENT PLACÉ SOUS CONTRAINTE BUDGÉTAIRE

La formation initiale et continue dans les armées occupe une place considérable non seulement du fait de l'importance des objectifs qu'elle poursuit (fournir aux forces les personnels compétents dont elles ont besoin), mais aussi en raison du poids des infrastructures et du nombre de personnels qui y sont consacrés. Cette taille même rend très difficile, voire impossible, tout jugement d'ensemble sur la capacité de l'outil de formation à répondre correctement aux besoins. Chaque armée possède son histoire et ses contraintes propres ; au sein même de chacune d'entre elles, l'adéquation des capacités de formation aux besoins peut varier grandement selon les grades ou les catégories de personnels et les spécialités enseignées.

Il n'en reste pas moins qu'à des degrés divers toutes les armées font face à des difficultés assez similaires. La suspension de la conscription et le passage à une armée professionnelle ont conduit à une adaptation de la taille de l'outil de formation. Les armées ont dû faire face à cette occasion à la perte de la ressource que pouvaient constituer les appelés pour le soutien des unités de formation. Une très large série de tâches, allant de la restauration à l'informatique, était assurée par le biais du service national. Par ailleurs, la réduction de l'effort de défense entre 1997 et 2002 s'est également traduite dans les crédits de fonctionnement et d'investissement destinés à la formation, même si une amélioration a pu être constatée au cours de la deuxième moitié de la p&eacut écoles de l'armée de l'air (CEAA), l'évolution des dépenses de fonctionnement, de déplacements, d'instruction centralisée, d'informatique et de documentation aéronautique.

Evolution du budget du CEAA

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Dépenses de formation initiale (en millions d'euros)

3,955

3,818

3,778

4,077

4,006

4,793

5,628

Évolution (en %)

n.d.

- 4,4

- 1,0

+ 7,9

- 1,7

+ 19,6

+ 17,4

Source : armée de l'air.

Les personnels enseignants et de soutien au sein des écoles de l'armée de l'air ont également vu leurs effectifs réduits.

Evolution des personnels

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

École de Salon-de-Provence :

- Élèves

456

451

531

555

488

547

480

- Enseignants

260

245

232

203

211

136

136

- Soutien

281

267

261

232

232

267

267

École de Rochefort :

- Élèves

1 120

1 322

1 358

1 423

1 465

1 487

1 557

- Enseignants

610

587

495

477

484

489

489

- Soutien

461

474

393

399

387

385

385

Source : armée de l'air.

Pour la marine nationale, la professionnalisation a représenté un changement de taille très sensible. Ainsi, entre 1996 et 2002, les effectifs sont passés d'environ 70 000 à 55 000 militaires et civils. Le flux de recrutement reste cependant dynamique, avec environ 5 150 personnes par an, dont 150 officiers, 100 officiers sous contrat court et 800 officiers mariniers. Pourtant, face à ce flux, la capacité de formation des écoles de la marine nationale a beaucoup pâti de la réduction de format. Plusieurs facteurs se sont cumulés en la matière.

La fin de la circonscription, la féminisation accrue et l'absentéisme qui y est lié, le passage des personnels civils aux 35 heures et les importantes incitations au départ en 1997-1998 ont conduit à des sous-effectifs. Le problème de la marine n'est pas celui du recrutement, qui reste de qualité, mais celui de l'outil de formation.

Le tableau ci-après récapitule l'évolution des moyens humains et budgétaires consacrés à la formation initiale et continue de la marine depuis 1997.

Evolution des crédits et des personnels, enseignants et de soutien, consacrés à la formation initiale et continue par la marine depuis 1997

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Personnel militaire d'encadrement

5 633

5 446

4 878

4 519

4 282

4 001

Personnel civil (professeurs uniquement)

51

75

87

100

101

103

Coût global (en millions d'euros)

286,53

305,197

306,404

282,573

280,021(a)

265,364(a)

Nombre d'écoles et de sections d'écoles

25

27

28

27

26

25

(a) Le coût global pour les années 2001 et 2002 est une projection par rapport au coût constaté en 2000.

Source : marine nationale.

L'armée de terre est sans doute l'armée la plus affectée par l'adaptation de format consécutive à la professionnalisation. Les effectifs du commandement de la formation de l'armée de terre (CoFAT) ont ainsi connu depuis 1997 une réduction de l'ordre de 50 % et atteignent aujourd'hui environ 11 000 personnes.

Si l'on raisonne en base 100 en 1996, les effectifs du CoFAT sont passés à 43 en 2001. L'activité de formation est quant à elle passée à 88, tandis que le budget géré par le CoFAT (hors rémunérations et charges sociales) atteint 117 en 2001.

En ce qui concerne les personnels, pour le CoFAT la professionnalisation a eu pour conséquence la suppression progressive des unités de soutien constituées majoritairement d'appelés. Celles-ci avaient notamment pour vocation de fournir les troupes de manœuvre au profit de l'instruction des cadres officiers et sous-officiers, mais le personnel appelé participait également largement aux fonctions de soutien de la vie courante (administration, alimentation, santé...). Pour pallier ces deux déficits, ont été instaurés un partenariat avec les forces - pour les exercices - et l'appel à la sous-traitance par le secteur civil pour la vie courante. Ce recours à la sous-traitance est général pour l'entretien des locaux, mais il existe aussi des sous-traitances particulières, comme le transport à l'école militaire de haute montagne, l'alimentation à l'école d'application de l'aviation légère de l'armée de terre ou encore le gardiennage dans certains centres.

La baisse relativement moins forte de l'activité de formation est due au fait qu'une des conditions d'efficacité de la professionnalisation passait par l'amélioration du taux d'encadrement des unités, afin de le rapprocher des ratios des autres armées occidentales équivalentes.

Enfin, l'accroissement de la charge financière traduit à la fois les coûts de sous-traitance et ceux liés au financement du partenariat.

Au total, la rationalisation de l'outil de formation de l'armée de terre a été poussée très loin, ce qui risque d'entraîner de sérieux problèmes compte tenu de l'accroissement continu des flux de formations, notamment en raison des besoins très importants en sous-officiers.

La gendarmerie nationale doit également faire face à l'augmentation très importante du poids de la formation, initiale ou continue. Comme l'indique le tableau ci-après, le nombre de stagiaires a augmenté de 35  % entre 1998 et 2001. Cette progression est de 14,5 % pour les sous-officiers et de 36,6 % pour les officiers, m&e par la gendarmerie

1998

1999

2000

2001

Nombre de stagiaires

28 853

37 135

37 741

38 978

Dont :

- officiers de gendarmerie

1 729

1 979

2 052

2 362

- sous-officiers de gendarmerie

26 351

29 747

29 754

30 185

Coût de la formation (1)

176,99

177,30

185,23

n.d.

Fonctionnement courant des écoles (1)

14,46

14,70

16,73

16,81

Loyers (1)

8,54

9,42

10,38

11,84

Investissements d'infrastructures (1)

1,6

6,55

20,05

32,99

(1) En millions d'euros

Source : gendarmerie nationale.

Les investissements en infrastructures n'ont pas suivi au même rythme, ce qui entraîne actuellement des problèmes de capacités. En raison du retard pris, la majorité des grands centres de formation technique est sous-dimensionnée au regard des besoins. C'est tout particulièrement le cas du centre de formation à la police judiciaire (CNFPJ) de Fontainebleau, qui connaît une situation difficile. Comme l'indique le tableau ci-dessous, le volume général de la formation dispensée au sein du CNFPJ a connu une augmentation de 35 % au cours de ces six dernières années.

Année

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Jours/gendarme

25 205

26 120

27 595

32 775

34 905

35 100

Le développement de stages nouveaux, en rapport avec les nombreuses évolutions de la procédure pénale ou pour faire face à l'émergence de nouvelles menaces (délinquance économique et financière, nouvelles technologies...), conduisent à une réduction inquiétante de la capacité de formation du centre, débouchant sur une incapacité de pouvoir satisfaire l'ensemble des besoins en formation exprimés annuellement par les unités.

De manière plus générale, la gendarmerie doit faire face à l'accroissement prévisible de la charge de formation.

D'une part, la mise en œuvre de nouvelles actions de formation, notamment dans le domaine des relations humaines, du management et du contrôle de gestion, viendra s'ajouter aux modules déjà existants. Ainsi, en 2002, environ 3 400 officiers et sous-officiers ont été concernés par ce type de formations, au lieu de 2 800 en 2001, dans le cadre de treize stages différents.

D'autre part, et surtout, les 1 400 emplois supplémentaires prévus en moyenne par an par la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure du 29 août 2002 (LOPSI) poseront un problème de capacité. Les formateurs devront être détachés pour trois ou quatre mois de leur unité d'origine et les effectifs de formateurs prévus à cet effet représentent 70 000 journées-gendarme ponctionnées par an sur les unités opérationnelles. La LOPSI prévoit à titre indicatif que, sur l'ensemble des emplois créés, 800  seront destinés à la formation à l'administration et au contrôle, dont 120 en 2003 avec 46 postes de formateurs seulement. L'encadrement d'une compagnie d'élèves gendarmes nécessite quatorze cadres permanents et, actuellement, 32 compagnies sont en formation. Si des effectifs de formateurs supplémentaires ne sont pas prévus, il y aura inévitablement une ponction supplémentaire sur les unités. La formation initiale et continue emploie en permanence de l'ordre de 1 000 personnes. Or, actuellement, ce sont environ 400 cadres qui font défaut dans les écoles.

Cette insuffisante capacité de formation et la nécessité de fournir rapidement les effectifs demandés par les unités opérationnelles ont conduit par ailleurs à une réduction de la durée de formation des sous-officiers de la gendarmerie. Le rapporteur reviendra plus loin sur les modalités de cette mesure et les risques qu'elle entraîne.

B. UN RAPPROCHEMENT DES STRUCTURES DE FORMATION DÉJÀ TRÈS AVANCÉ

· La constitution de pôles de formation interarmées ou le recours aux capacités reconnues de certaines armées pour assurer ces formations n'est pas une nouveauté. Dans un souci de rationa vocation interarmées (OVIA). Ces organismes sont issus de la désignation d'une école donnée comme pôle d'excellence dans une spécialité. Ils doivent être distingués des organismes de formation purement interarmées (OIA), tels que l'école du renseignement et des études linguistiques (EIREL) ou l'école interarmées des sports (EIS), qui sont beaucoup moins répandus. De fait, l'interarmisation de la formation relève en général plus d'actions mutualisées que d'actions réellement fusionnées.

S'il n'est ni raisonnable ni utile de présenter de façon exhaustive l'ensemble des protocoles conclus entre armées en vue de mutualiser leurs moyens, il est cependant possible d'avoir un aperçu de l'importance que revêtent ces échanges de capacités de formation. On rappellera que les protocoles d'accord et les conventions mises en place définissent une participation financière des armées bénéficiaires des actions de formation au prix coûtant.

Les formation interamées assurées par l'armée de terre représentent ainsi 147 actions de formation en 2001 (+ 8 % par rapport à 2000), réparties en 21 pôles de compétences. Elles ont concerné 2 799 stagiaires et sont encadrées par 45 protocoles.

Dans la gendarmerie nationale, la volonté de renforcer l'ancrage militaire de la formation a conduit à assurer davantage les formations techniques continues et qualifiantes dans un cadre interarmées, essentiellement avec l'armée de terre. Toutefois, seuls les officiers reçoivent une formation interarmées initiale, l'ensemble des chefs de section étant formé à l'école militaire spéciale de Saint-Cyr- Coëtquidan, afin d'assurer la capacité à faire face à des situations allant du maintien de l'ordre à la guerre.

Actuellement, la gendarmerie bénéficie de 25 actions de formation assurées par d'autres armées. En retour, elle assure des actions bénéficiant à d'autres administrations, notamment dans des domaines comme les enquêtes fiscales, la plongée (CNING d'Antibes), la formation motocycliste (CNFM de Fontainebleau), la police judiciaire (CNFPJ de Fontainebleau).

La marine nationale pratique également la mutualisation des formations depuis longtemps, puisque ses pilotes d'hélicoptère sont formés par l'armée de terre à Dax depuis 1965. L'armée de l'air assure pour le compte de la marine la formation des officiers « énergie aéronautique » depuis 1994 (Salon-de-Provence) et celle des sous-officiers chargés de la maintenance aéronautique depuis 2001 (Rochefort-Saint-Agnant). Pour sa part, la marine assure la formation des pilotes d'hélicoptères des autres armées à l'appontage sur bâtiment. Par ailleurs, elle gère l'école des fourriers de Querqueville qui, depuis 2002, forme aux métiers de l'administration et de la restauration des personnels des trois armées et de la gendarmerie.

Cette liste partielle des formations interarmées illustre la diversité et le grand nombre des act recensement précis des formations dispensées dans chaque armée ainsi que de leurs caractéristiques, afin d'assurer une bonne connaissance mutuelle des possibilités offertes et de faciliter une utilisation réciproque. Ce travail présente d'autant plus d'importance qu'il est susceptible de favoriser le recours aux formations existantes dans les armées et d'éviter dans certains cas l'externalisation, bien souvent plus coûteuse.

Ensuite, il apparaît que des coopérations renforcées restent à mettre en œuvre, soit du fait du rapprochement des missions, soit dans le cadre de la mise en œuvre de nouveaux matériels communs à plusieurs armées.

Ainsi, les missions communes à la gendarmerie et à la police doivent permettre l'organisation de formations spécialisées communes. Entre quatre et cinq possibilités de formations communes avec la police ont été identifiées et pourraient être mises en œuvre rapidement et sans dépassement budgétaire. Cela pourrait être le cas dans les domaines scientifiques et techniques, en fonction des disponibilités des écoles respectives. C'est également le cas pour le management, avec des formations communes avant leur prise de fonction pour les futurs directeurs départementaux de la sécurité publique et les commandants de groupement de gendarmerie. La mise en commun des formations entre police et gendarmerie connaît toutefois des limites. En ce qui concerne le maintien de l'ordre, les formations sont très différentes, la gendarmerie mobile devant être capable de gérer des situations beaucoup plus conflictuelles que celles pour lesquelles les compagnies républicaines de sécurité sont préparées. De plus, pour des raisons évidentes tenant au caractère militaire de la gendarmerie, il n'apparaît pas souhaitable de s'engager dans la voie d'un rapprochement des formations initiales des sous-officiers de gendarmerie et des gardiens de la paix.

Dans un avenir proche, de nombreux matériels devraient devenir communs à plusieurs armées (Rafale, NH 90). Il est dès lors souhaitable de réfléchir aux rapprochements qui peuvent être mis en œuvre à l'occasion du déploiement de ces nouveaux matériels. Depuis 2001, l'école de formation des sous-officiers de l'armée de l'air (EFSOAA), implantée à Rochefort-Saint-Agnant, accueille la formation des techniciens de l'aéronautique navale. Avec la livraison du NH 90, la formation à la maintenance d'un même appareil sera également dispensée, pour les mécaniciens de l'armée de terre, à l'école d'application de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT) à Dax. La réunion de la formation de l'ensemble des sous-officiers chargés de l'entretien de cet appareil semble être une voie à étudier sérieusement. Toutefois, elle suppose une harmonisation préalable des cursus de formations entre les différentes armées, tant en ce qui concerne leur durée et leur contenu que pour le nombre de spécialités enseignées.

En effet, même pour des formations en apparence très proches dispensées par des armées différentes, d'importantes disparités peuvent se pr armées. Au-delà de cet aspect géographique, la fusion des formations est demeurée l'exception. Dans certains cas, une interchangeabilité des formateurs des différentes armées a été mise en œuvre. Ainsi, 70 % des cours dispensés à l'EFSOAA peuvent l'être indifféremment par des cadres de la marine ou l'armée de l'air, mais les groupes d'élèves restent séparés, essentiellement pour des raisons tenant aux différences de modules d'enseignement (six spécialités pour l'armée de l'air, quatre pour la marine).

L'interarmisation n'est donc pas un processus que l'on peut considérer comme achevé. Toutefois, les progrès à venir seront plus longs et difficiles à mettre en œuvre, car ils touchent à l'organisation et au contenu mêmes des enseignements. Compte tenu des contraintes budgétaires et humaines, mais aussi de la rapidité des évolutions techniques, ces derniers ne pourront en tout état de cause plus prétendre au même degré d'exhaustivité que par le passé. Les avancées futures en matière d'enseignement interarmées sont donc étroitement liées aux réformes du contenu même des formations.

II. - DES RÉFORMES PROFONDES DU DÉROULEMENT ET DU CONTENU DES SCOLARITÉS

Pour faire face aux évolutions liées à la professionnalisation et à la rapidité des changements techniques, l'ensemble des armées s'est engagé dans un processus de réforme des formations initiales des cadres. Même si chaque armée effectue des réformes qui présentent des caractéristiques propres, il apparaît que les objectifs poursuivis sont relativement similaires. Il s'agit tout d'abord d'assurer la nécessaire diversité des recrutements, ensuite de moderniser et d'enrichir les enseignements et, enfin, de promouvoir l'ouverture internationale des formations.

A. DIVERSIFIER LES MODES DE RECRUTEMENT

Face à la professionnalisation, toutes les armées semblent vouloir parer le risque d'un isolement progressif par rapport à la société. Aux voies de recrutement par concours classiques, externes et internes, sont désormais ajoutés des recrutements sur titres afin d'élargir le vivier de recrutement en intégrant, à différents niveaux, un nombre accru d'étudiants issus des grandes écoles et de l'université. Les élèves recrutés par cette voie sont intégrés au sein des formations existantes de façon plus aisée grâce à la conception modulaire des enseignements, organisés en semestres cohérents. Ce recrutement sur titre constitue une nouveauté pour l'armée de terre et la marine. L'armée de l'air procédait déjà quant à elle à un recrutement sur titre (bac + 4 ou bac + 5) à l'école de l'air (2).

En ce qui concerne l'armée de terre, il a été constaté Coëtquidan. Les premiers officiers recrutés sur titre à bac + 4 devraient, pour leur part, être intégrés en septembre 2003.

Les élèves entrés directement au niveau bac + 5 en dernière année ne restent à l'école qu'une année et suivent la seule formation dispensée au cours des deux semestres à dominante militaire (semestres un et six), avec quelques aménagements de détail. Ceux qui entreront directement au niveau bac + 4 resteront deux années et suivront la même formation que les élèves du cursus classique, à l'exception des deux semestres à dominante académique. En application du principe de validation des acquis antérieurs, ceux qui sont entrés à bac + 4 seront dispensés des enseignements dans la ou les matières au titre desquelles ils ont obtenu un diplôme civil.

Le recrutement des premiers officiers sur titre qui ont intégré l'ESM en septembre dernier fait apparaître une très bonne qualité des dossiers présentés et une motivation certaine des candidats.

L'école navale s'engage dans une voie comparable, en prévoyant d'accueillir à compter de la rentrée prochaine, en plus des élèves issus des traditionnels concours externes et internes, une vingtaine d'élèves d'horizons divers, recrutés sur titres (bac + 4 et bac + 5) et intégrant l'école directement en deuxième ou troisième année. Là encore, la réforme de l'architecture de la formation par semestres permet d'intégrer des élèves aux profils différents de façon cohérente avec l'ensemble de l'enseignement dispensé.

La question des modalités de recrutement des officiers de gendarmerie peut se poser dans des termes similaires de maintien d'une diversité suffisante des parcours et des profils des élèves-officiers.

On rappellera en effet que le décret n° 2001-61 du 16 janvier 2001 modifiant le décret portant sur le statut particulier du corps des officiers de gendarmerie prévoit que le recrutement de ces derniers par le biais de l'école militaire de l'air, de l'école militaire de la flotte et de l'école militaire interarmes s'éteint après 2002. Les recrutements parmi les élèves figurant sur la liste de sortie de l'école navale, de l'école de l'air et de l'école spéciale militaire s'interrompront pour leur part après 2005. Le choix opéré consiste à y substituer un recrutement essentiellement par la voie d'un concours ouvert aux étudiants titulaires d'une maîtrise, quelle qu'en soit la spécialité.

Le premier concours de ce type pour l'entrée à l'école des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN), implantée à Melun, a eu lieu en 2002. Le niveau des candidats et des reçus est apparu à cette occasion d'excellente qualité. Il est également prévu un recrutement, moins nombreux, par concours sur titre parmi les titulaires d'un titre d'ingénieur délivré dans une matière figurant sur en 2002 pour l'entrée à l'EOGN, pour 37 reçus sur 490 candidats ayant concouru, 32 sont des juristes disposant au moins d'une maîtrise, les autres se répartissant entre un reçu issu d'un IEP, un économiste, un scientifique et deux littéraires, dont un normalien. Les épreuves actuelles favorisent les candidats juristes, au détriment des candidats issus de formations scientifiques, lesquelles répondent cependant à un véritable besoin de l'arme. Enfin, onze femmes ont été reçues, ce qui confirme le taux de succès de ces dernières dans les concours ouverts aux diplômés des universités.

Face aux inquiétudes suscitées par la réforme de 2001, la ministre de la défense a annoncé le 18 novembre 2002, à l'occasion des quatorzièmes rencontres de la gendarmerie nationale tenues à Montluçon, que serait rétablie la possibilité du recrutement direct au sein des grandes écoles militaires, en complément de la voie d'accès à l'EOGN par le concours de niveau maîtrise. Il s'agit de conforter le statut et le renom de grande école militaire de l'EOGN, mais aussi de garantir la nécessaire diversité du recrutement.

B. ADAPTATIONS ET ENRICHISSEMENTS DES ENSEIGNEMENTS DISPENSÉS

En raison des évolutions techniques, sociales et internationales, toutes les armées ont ressenti le besoin impérieux d'une adaptation et d'une rénovation de leurs enseignements. Il est en effet arrivé un moment où l'accumulation par strates successives des matières enseignées a fini par risquer de remettre en cause les objectifs mêmes de la formation, à savoir fournir aux forces des cadres compétents, polyvalents et capables de s'adapter aux évolutions. De grandes réformes ont donc été réalisées ou sont en cours de mise en œuvre. Si, en matière de durée des études, les choix restent assez contrastés, en ce qui concerne les enseignements, bien des convergences peuvent être soulignées.

1. Une évolution contrastée de la durée des formations initiales

Face à l'importance croissante des programmes et des exigences, la question de l'allongement de la durée des études s'est posée et se pose encore à la plupart des armées, leurs situations particulières conduisent pourtant à des réponses très différentes.

Ainsi, le cursus de formation à l'école spéciale militaire de Saint-Cyr a été porté à trois années dès 1983. S'y ajoute une année en école d'application, afin de préparer les jeunes officiers à l'arme choisie en fonction du classement de sortie.

La durée des études à l'école de l'air est actuellement en tout de trois ans. L'armée de l'air souhaite maintenir cette durée, un allongement de la scolarité risquant de poser des problèmes compte tenu des limites d'âge

Le service de santé des armées voit la durée de formation de ses médecins augmenter, mais il s'agit d'une évolution qui est davantage liée à la réforme des études médicales qu'à une problématique d'ordre militaire. Avec la réforme des études médicales, la formation des généralistes va passer de huit ans et demi à neuf ans. Le SSA doit en outre faire face à un déficit très sensible de médecins. Alors que les effectifs budgétaires au 1er janvier 2003 s'élèvent à 3 415 officiers et assimilés, les effectifs réalisés sont en fait de 2 987. Avec la suspension du service national, c'est près d'un tiers des postes de médecins qui a été supprimé. Dans certaines spécialités, comme les dentistes ou les kinésithérapeutes, les appelés représentaient 85 % des effectifs.

La particularité de la formation initiale des médecins du SSA réside dans le fait que l'enseignement dispensé par l'école d'officiers sur les deux sites de Bordeaux et de Lyon a lieu dans le cadre des facultés de médecine civiles, les 800 élèves passant les mêmes concours que les étudiants civils et étant également soumis au numerus clausus (3). La sélection opérée par le SSA pour le recrutement de ses élèves est à l'origine d'excellents résultats aux concours d'entrée en médecine.

Compte tenu de ses problèmes d'effectifs, le SSA a d'une part souhaité développer les recrutements dits per cursus, soit en fin de deuxième année de médecine (environ quinze postes), soit en sixième année (deux postes). D'autre part, il a recours aux recrutements post cursus d'officiers sous contrats, qui doivent passer devant une commission de sélection.

Par ailleurs, pour accélérer la mise à disposition des forces de spécialistes, il a été décidé de modifier le déroulement de leur formation. Actuellement, tous les médecins du SSA doivent passer trois ans en unité comme généralistes, à l'issue desquels ils peuvent opter pour une spécialisation. Ce système présente l'inconvénient de fournir des spécialistes au bout d'un très long délai, ces derniers étant relativement proches des 25 ans de services au bout desquels ils peuvent cumuler leur retraite militaire et un emploi civil. Se pose alors un problème de fidélisation, surtout pour les spécialités où les besoins du secteur civil sont importants comme la radiologie ou l'anesthésie-réanimation.

A l'occasion de la réforme de l'internat, prévue pour 2004, le SSA a fait le choix d'une spécialisation plus précoce, permettant d'accélérer la mise à disposition des spécialistes dans les unités. Le délai sera ainsi en moyenne raccourci d'environ huit années. Pour pallier l'éloignement par rapport aux forces qui pourrait en résulter, il est envisagé de mettre davantage l'accent sur la formation milit formation maritime conservait une place suffisante, mais régulièrement comprimée pour ce qui concerne le temps à la mer.

L'allongement de la scolarité permet de maintenir une formation aux métiers de l'ingénieur correctement dimensionnée avec le renouvellement en 2002 de l'habilitation par la commission du titre d'ingénieur. Cette formation, modernisée récemment dans ses méthodes (introduction d'enseignements optionnels) et bien assise dans son thème général de l'environnement naval, ne semble pas requérir de mise à jour importante. Surtout, l'année d'étude supplémentaire va permettre d'aérer les formations et de mettre davantage l'accent sur la formation humaine et militaire.

Enfin, la formation aux métiers du marin vient d'être revue avec l'adoption de la norme STCW 95 (Standard Training and Certification Watchkeeping). Elle devrait permettre d'atteindre un des objectifs majeurs de la réforme de la scolarié : approfondir la culture et la compétence acquises en formation initiale par les futurs officiers de marine de carrière, dans les domaines jusqu'alors séparés des opérations et de l'énergie-propulsion.

2. Un enseignement moins massifié et modernisé

L'étude du processus de modernisation des formations fait apparaître des évolutions rapides et profondes qui prennent des formes multiples, tant en ce qui concerne l'organisation générale que la pédagogie, les contenus enseignés et l'utilisation des moyens informatiques modernes et des réseaux qui y sont associés, encore que le processus en soit à ses débuts pour cette dernière matière.

a) La semestrialisation et la modularisation de la formation

La formation initiale des cadres a fait l'objet de réformes tendant, d'une part, à assouplir le cadre des études en optant pour une organisation en semestres, susceptibles d'évolutions plus rapides, et, d'autre part, à tenir compte des acquis des élèves.

Ainsi, la formation des officiers de gendarmerie à l'EOGN, qui dure deux ans, débute par une évaluation des acquis permettant d'orienter les élèves vers des formations modulaires, en fonction de leurs études passées. Cette individualisation est indispensable compte tenu de la relative diversité des parcours d'étudiant des lauréats du concours d'entrée directe à l'EOGN et elle le restera dans la mesure où la voie d'accès par les grandes écoles militaires sera maintenue. La première année, majoritairement consacrée à la formation au commandement dans un contexte militaire et d'intervention professionnelle, comporte notamment une formation « chef de section toutes armes » suivie d'un module « peloton porté sur véhicule de groupe » à Coëtquidan (douze semaines), une formation parachutiste à l'école des troupes aéroportées à Pau (deux semaines) et un s&eacut particularité d'être dispensé conjointement par la direction générale de l'enseignement et de la recherche et la direction des études techniques et de l'instruction militaire, manifestant par là le caractère global et intégré de la formation. Le deuxième semestre est consacré aux enseignements fondamentaux et à des compléments de culture générale largement communs aux trois filières (4). Toutefois, la filière sciences de l'ingénieur y aborde son « tronc commun sciences ». Le troisième semestre a pour dominante les enseignements spécifiques à chacune des filières. Seule, la filière sciences de l'ingénieur y entame le cycle de ses enseignements d'option (mécanique, informatique, électronique), qui sera achevé au semestre suivant. La dominante du quatrième semestre réside dans les options d'approfondissement et complémentaires propres à chaque filière. Enfin, le cinquième semestre est entièrement consacré au stage de fin d'études à l'étranger, en entreprise ou en laboratoire de recherche (douze semaines), à sa préparation et à la rédaction du mémoire ou du projet d'ingénierie (quatre semaines).

En ce qui concerne l'armée de l'air, on notera que la principale réforme récente de la formation à l'école de l'air est la semestrialisation des cours. Les semestres sont désormais composés de dominantes (sciences humaines et scientifiques). Selon la réponse fournie au rapporteur, « cette réforme offre le double avantage de marquer une rupture franche avec la mentalité scolaire des classes préparatoires aux grandes écoles pour ouvrir l'esprit des élèves aux domaines des sciences humaines et de permettre une intégration au sein des promotions des élèves recrutés sur titres pour suivre les semestres consacrés à ces sciences humaines. » On notera que les cours dispensés à l'école de formation des sous-officiers de l'armée de l'air (EFSOAA) de Rochefort ont également fait l'objet d'une modularisation, permettant une meilleure adaptabilité en fonction des changements de programme.

Enfin, à compter de la rentrée 2003, l'architecture de la formation à l'école navale reposera également sur la semestrialisation. La formation délivrée à l'école navale comprendra ainsi six semestres, la quatrième année étant consacrée à l'application. Chaque semestre est une entité d'enseignement autonome et cohérente, qui dispose d'objectifs de formation propres. Les domaines de formation sont globalement répartis sur les semestres de la façon suivante. Le premier semestre est consacré au métier élémentaire et le second au tronc commun. La deuxième année comprend un semestre d'options et un semestre d'approfondissement des acquis scientifiques et marins. Le cinquième semestre est l'occasion de faire la synthèse des enseignements reçus dans le cadre d'un projet. Le sixième semestre est consacré à la formation supérieure au métier (qualification officier chef de quart et aptitude au commandement).

b) Des projets pédagogiques rénov&ea responsabilités dans le cadre de leur première affectation. Les méthodes pédagogiques sont donc appelées à évoluer, les séminaires, travaux dirigés, travaux de groupe et tutorat devant être privilégiés par rapport aux cours magistraux. Ce choix n'est pas neutre quant aux effectifs enseignants et au budget, ces méthodes de travail nécessitant plus de personnel.

Le corps professoral sera constitué d'une équipe de professeurs résidents de l'enseignement supérieur (professeurs des universités, maîtres de conférence) et de l'enseignement secondaire (professeurs agrégés et certifiés), ainsi que d'instructeurs militaires, officiers et officiers mariniers. Il sera fait appel à un large éventail de vacataires qui interviendront dans les différents enseignements, de manière suffisamment systématique pour d'une part permettre aux professeurs résidents de se consacrer véritablement à la conduite de la programmation et de la pédagogie et, d'autre part, pour faciliter le renouvellement des contenus par un apport extérieur régulier.

Les enseignants devront également faire passer des savoir-faire, à l'occasion de travaux en petits groupes. Ils seront aidés dans cette tâche par des assistants d'enseignement et de recherche, jeunes doctorants se consacrant en parallèle à un enseignement pratique et à une thèse. L'enseignement des sciences humaines doit être assorti d'une importante dimension de recherche personnelle.

L'ouverture sur l'extérieur sera très présente puisque, sur la durée totale de la scolarité, 38 semaines (soit presque une année d'enseignement) seront passées hors de l'école.

Les écoles d'officiers des autres armées ont déjà mis en place des modifications substantielles du contenu de leur formation.

Les trois semestres de formation commune à l'EOGN comportent des enseignements visant à préparer les élèves à leur futur rôle de chef opérationnel, de gestionnaire de ressources humaines et d'acteur public de la sécurité intérieure évoluant dans un contexte interministériel. Les périodes d'enseignements dispensées à Melun alternent donc pendant une durée de dix-huit semaines avec des stages de découverte dans des unités de la gendarmerie et des autres services de l'Etat, permettant aux élèves d'enrichir leurs connaissances de l'expérience des divers acteurs. Ces stages, outre la participation au séminaire interarmées des grandes écoles militaires (SIGEM) pendant  quinze jours, ont lieu notamment à l'école nationale de la magistrature et à l'école nationale supérieure de police, avec des actions de formation communes. À l'avenir, ces contacts devraient s'élargir à l'école des douanes, l'école nationale d'administration et l'école nationale de l'administration pénitentiaire.

Enfin, dans le cadre de leur scolarité, les élèves suivent les enseignements du DESS « Droit et stratégies de la sécurité » considéré comme décisif. La formation de l'officier ne peut pas s'abstraire des évolutions du monde civil, mais l'aspect militaire de la formation doit faire l'objet d'un soin particulier afin de garantir l'« acculturation » militaire des élèves-officiers.

Par ailleurs, bien qu'elle soit déjà ouverte sur le monde extérieur, la formation initiale des cadres de l'armée de l'air voit sa politique se renforcer dans ce domaine. Ainsi, elle vise à adapter au mieux la formation initiale à la prise en compte de l'environnement interarmées, international et civil, tout en développant l'esprit d'équipage indispensable à la maîtrise du fait aérien. Cette politique s'est traduite notamment par la délivrance, depuis le 1er janvier 2003, de la licence européenne de pilote de ligne lors de l'attribution du brevet de pilote militaire du deuxième degré.

En ce qui concerne l'armée de terre, la réforme ESM 2002 poursuit un double objectif. Il s'agit, d'une part et de façon générale, d'intégrer l'élève-officier au sein de l'institution militaire, en lui transmettant le socle de valeurs et de références nécessaires. D'autre part, elle vise à développer son autonomie, en stimulant son sens des responsabilités et en favorisant sa capacité à s'adapter, à décider, à agir et à commander.

La pédagogie et l'organisation générale de la scolarité a donc évolué, afin de donner plus d'« aération » aux élèves (volume horaire consacré aux recherches et études personnelles, encouragements apportés à l'auto-formation), de personnaliser davantage les cursus grâce à un plus large jeu d'options (et au principe de valorisation des acquis antérieurs) et de mettre l'accent sur les relations et les connaissances acquises au titre de disciplines ou matières différentes (notamment entre formation académique et formation militaire), sur l'application pratique et la communication. Par ailleurs, le suivi pédagogique individuel est plus affirmé et la réduction du volume de cours magistraux (pédagogie unilatérale) doit favoriser une pédagogie interactive et privilégiant les mises en situation. Le volume des cours en amphithéâtre a ainsi été ramené de 51,7 % à 10,6 % du temps d'études pour la filière sciences de l'ingénieur, de 50,3 % à 30,5 % pour la filière relations internationales et de 46 % à 25,6 % pour la filière management public. Par ailleurs, le nombre des examens a été réduit de façon sensible.

La volonté d'allègement du poids des enseignements a trouvé également une large traduction pour la formation initiale des sous-officiers. Au caractère exhaustif des enseignements, succède ainsi progressivement la transmission d'un socle technique et militaire commun, complété par une formation plus spécialisée destinée à pouvoir assurer correctement les missions assignées dans le premier emploi. De fait, ce système tend à privilégier la capacité d'adaptation des personnels. Il impose également que la formation continue s les formations techniques dispensées par l'EFSOAA. Le rapporteur estime que ces possibilités ne doivent pas être écartées, même s'il ne s'agit pas d'en faire une priorité pour les armées. La meilleure connaissance des formations disponibles en leur sein, que les armées vont développer grâce aux travaux liés à l'interarmisation, devrait fournir une base pour une meilleure communication vis-à-vis d'éventuels partenaires.

Par ailleurs, le recours accru à des formateurs extérieurs dans le cadre de l'accroissement des stages et formations brèves contribuera à mieux faire connaître à l'extérieur la nature et la qualité des enseignements dispensés dans les armées. Tisser des partenariats multiples, variés et pérennes avec l'ensemble du monde de l'éducation est également une condition pour assurer à long terme un recrutement suffisant et de qualité.

c) La modernisation des supports pédagogiques

Lors de la visite de l'EFSOAA, le rapporteur a pu constater de quelle manière était mise en œuvre la modernisation des supports d'enseignements traditionnels. Les cours techniques donnés aux sous-officiers reposent traditionnellement sur le « trois colonnes » (5). Ces cours ont été transposés sur des fichiers informatiques, accessibles à tout moment aux élèves. Cette mise à disposition permanente, par le biais de réseaux informatiques ou de CD-ROM, permet des révisions de qualité et un meilleur travail. Elle contribue à la responsabilisation des élèves. Des animations visuelles et aides pédagogiques multimédia y ont été associées et devraient à terme prendre de l'ampleur, même si ces compléments ont un coût certain.

Des réflexions sont en cours pour la diffusion de ces outils sur le réseau intranet de l'armée de l'air, voire, plus tard, d'autres armées. Cette diffusion apparaît d'autant plus nécessaire que le système de formation tend désormais à ne pas accabler les élèves de cours exhaustifs sur toutes les matières et que la formation continue et l'autoformation sont appelées à prendre de plus en plus de place. La diffusion des savoirs techniques et militaires par le biais des réseaux modernes de communication est donc indispensable. Pour schématiser, on peut estimer que, si le sous-officier d'il y a dix ans partait encore en unité avec comme viatique pour presque toute sa carrière l'édition du manuel du sous-officier, à l'avenir, il devrait pouvoir disposer de ces informations sur des supports modernes, capables d'évoluer rapidement en fonction des besoins et garantissant un accès rapide à l'information (6).

Le caractère impératif d'une bonne maîtrise des nouvelles technologies de l'information et des communications a été pris en compte. Ainsi, les élèves de l'ESM, dès l'entrée à l'école, doivent posséder un ordinateur portable et montrer dès le second semestre la dexté L'OUVERTURE INTERNATIONALE

Toutes les armées ressentent profondément le besoin d'approfondir l'aspect international de la formation initiale de leurs cadres. Aussi bien la marine que l'armée de l'air ou l'armée de terre interviennent désormais dans le cadre de coalitions internationales.

La prise en compte de cette contrainte se retrouve dans la place accrue donnée à l'enseignement des langues. Toutefois, la connaissance approfondie des armées alliées, notamment dans le cadre de la construction de l'Europe de la défense, implique aussi d'aller plus loin que l'échange de stagiaires pour un temps généralement bref et d'accroître progressivement le nombre d'élèves recevant une formation complète à l'étranger.

1. Un enseignement des langues étrangères plus soutenu, mais à développer davantage

Si l'armée de l'air a depuis longtemps une tradition d'excellence en anglais, cette langue étant celle de la navigation aérienne, le renforcement des langues concerne également les sous-officiers. L'EFSOAA dispense à cet effet une formation à l'anglais, en immersion pour une durée d'une à deux semaines.

La marine nationale et l'armée de terre renforcent également leur enseignement linguistique.

Ainsi, la réforme de la scolarité dispensée à l'école navale prévoit qu'en anglais, la langue de travail indispensable, les élèves devront obtenir le certificat militaire de langue anglaise de deuxième degré (CML2 anglais, avec éventuellement une équivalence civile à déterminer) à la fin de leur scolarité. Cette acquisition conditionnera l'attribution du diplôme d'ingénieur en troisième année. Dès l'obtention du CML2 anglais, les élèves ne seront plus astreints à suivre les cours d'anglais. Ils seront alors eux-mêmes responsables de l'entretien, voire de la progression de leur niveau dans cette langue. Ils pourront se concentrer sur leur seconde langue, pour laquelle le certificat militaire de langue de premier degré sera l'objectif initial, le degré supérieur devant être systématiquement visé, avec une très forte incitation.

Par ailleurs, une seconde langue est proposée aux élèves, à raison d'une heure par semaine, dès le deuxième semestre, de façon à ne pas perdre les éventuels acquis du secondaire.

Les principales langues européennes seront proposées. À plus long terme, le russe, l'arabe et le chinois pourraient être enseignés, de façon à fournir à la marine un petit vivier de spécialistes qui s'orienteraient plus tard, à la suite de formations complémentaires en cours de carrière, vers une dominante « relations internationales/renseignement ».

Enfin, les élève relations internationales et management public étudient une seconde langue obligatoire. Pour les élèves de la filière sciences de l'ingénieur, la seconde langue est facultative et peut être choisie en option au quatrième semestre.

Les langues proposées à ce titre aux élèves français sont l'allemand, l'arabe, l'espagnol, l'italien et le russe. Les langues dites rares (arabe et russe) bénéficient d'un régime particulier de notation destiné à compenser leur difficulté relative et à inciter plus d'élèves à les choisir.

Il est admis que les élèves ayant obtenu lors des deux premiers semestres une note au moins égale à quatorze sur vingt en anglais pourront substituer à l'étude de cette langue celle d'une autre langue au cours des semestres suivants. Ils ne sont pas pour autant dispensés de certains exercices ou contrôles d'anglais par la suite.

Les enseignements didactiques classiques, en salle ou en laboratoire, sont complétés par des mises en situation, par l'étude tutorée de textes ou de documents audios ou audio-visuels, et par des « cours libres » professés dans leur langue par des intervenants étrangers invités, cours dont la liste est révisée et renouvelée pour partie chaque année.

Le pourcentage d'heures de cours consacrées aux langues étrangères reste presque stable pour la filière sciences de l'ingénieur (passant de 13,5 à 14,1 %), mais augmente beaucoup plus fortement pour la filière relations internationales (de 21,7 % à 27,6 %) et surtout pour la filière management public (de 17,2 % à 25,4 %).

Il reste que, si l'accent est mis sur les langues étrangères, et tout particulièrement l'anglais, c'est du fait de constats d'insuffisances. Le problème de la maîtrise des langues ne concerne d'ailleurs pas seulement les armées : il touche l'ensemble de la société française et, plus particulièrement, son système de formation jusqu'au bac. Les efforts consentis par les armées dans le cadre de la formation initiale sont méritoires et, de fait, le niveau moyen en langue des cadres a sensiblement progressé par rapport à ce qu'il était il y a vingt ans. Toutefois, la maîtrise d'une langue ne peut pas être considérée comme acquise à vie. En la matière, le rôle de la formation continue doit donc être renforcé et faire l'objet d'une attention toute particulière.

2. Des échanges internationaux à approfondir

L'ouverture internationale par le biais d'échanges avec l'étranger prend plusieurs formes.

Les écoles militaires assurent tout d'abord des formations complètes au profit de promotions d'étudiants étrangers. Ainsi, l'école navale accueille actuellement une trentaine de Koweïtiens par ans, futurs officiers de la jeune marine koweïtienn La seconde forme d'ouverture, très largement pratiquée, réside dans l'échange d'élèves, voire de formateurs, avec des écoles équivalentes étrangères.

La gendarmerie accueille ainsi à l'EOGN 76 élèves étrangers pour l'année scolaire 2002-2003, représentant 26 nationalités. La plupart d'entre eux sont originaires d'Afrique ou du Maghreb, mais de nouveaux pays bénéficient aujourd'hui de l'enseignement de l'EOGN notamment en Asie (Cambodge), en Amérique du Sud (Argentine, Venezuela) et en Europe de l'Est (Géorgie, Ukraine).

Jusqu'alors, certains de ces élèves étaient intégrés au cycle de formation traditionnel de l'école, d'autres bénéficiant d'une formation particulière d'un an au sein du cours supérieur international de gendarmerie. Ce cours sera supprimé en 2003, tous les élèves suivant désormais la même scolarité que leurs camarades français.

Par ailleurs, des échanges de cadres formateurs ont lieu avec l'Espagne, le Portugal et l'Italie, qui disposent de forces de police à statut militaire. Si une internationalisation plus poussée est envisagée par la gendarmerie aussi bien pour les officiers que les sous-officiers, par le biais de stages obligatoires, elle pourra avoir lieu pour les sous-officiers uniquement si la durée de formation est non pas ramenée à sa durée normale, mais portée à dix-huit mois.

Dans le cadre de la réforme ESM 2002, l'armée de terre a également souhaité donner une plus large place à l'international au moyen d'un stage de trois mois à l'étranger durant le cinquième semestre d'enseignement. Ce stage donne lieu à un projet de recherche. L'ensemble des sous-lieutenants des filières relations internationales et management public effectue l'intégralité de ce stage à l'étranger dans un pays non francophone.

La marine et l'armée de l'air présentent la caractéristique d'avoir poussé un peu plus loin ces échanges, même si cela concerne encore un nombre réduit d'élèves.

Pour l'école de l'air, une intégration existe depuis 1969 avec les Etats-Unis, six à neuf cadets étant accueillis chaque année en immersion pour un semestre à Colorado Springs. Par ailleurs, l'école de Salon-de-Provence a récemment remis son poignard d'officier à un élève allemand. L'armée de l'air souhaite aller plus loin en accueillant jusqu'à huit élèves étrangers pour un cycle de formation initiale complet. Des contacts ont été pris avec les Britanniques, mais leur cursus est différent, une très large part de la formation étant assurée par l'université. Cette difficulté existe aussi avec l'Allemagne, où il n'existe pas de sélection sur concours externe tel que pratiqué en France, tous les officiers sortant du rang. Il convient donc de rechercher des points de correspondance entre les cursus.

La marine d moyen de bâtiments communs, ou bien ne vaut-il pas mieux augmenter le nombre d'élèves recevant des formations initiales complètes à l'étranger ?

L'idée d'un bâtiment école franco-allemand, voire européen, est apparue officiellement dans les documents relatifs aux suites possibles à donner au traité de l'Elysée. Ce bâtiment pourrait ainsi succéder à la Jeanne d'Arc, qui, en raison de son âge, ne permet plus d'assurer dans de bonnes conditions sa mission de bâtiment école, notamment les longues croisières d'instruction, et dont le coût d'entretien croît fortement.

Techniquement, il est possible d'envisager une construction à un coût modéré : le bâtiment serait construit aux normes civiles, doté d'un minimum de système d'armes « école » ainsi que de simulateurs, ces derniers pouvant d'ailleurs être co-financés par les industriels, car ceux-ci profitent de l'aspect « vitrine commerciale » qu'un tel navire peut représenter.

La marine nationale souhaite conserver le système du bâtiment école pour plusieurs raisons. L'expérience britannique consistant à déléguer aux bâtiments de combat la mission d'instruction pour des petits groupes d'élèves est difficilement transposable en France. Il y aurait un problème pratique pour répartir 110 à 115 élèves dans les forces, compte tenu du nombre de bâtiments, de leur taux de disponibilité et de leur conception même. De plus, les Britanniques eux-mêmes semblent étudier un retour au système du bâtiment école en raison des insuffisances de leur système de formation : les difficultés à assurer une formation complète sur des bâtiments chargés de missions de combat ont conduit à une augmentation du taux d'accidents. Si d'aventure la marine nationale était contrainte d'adopter une formation pratique dans les forces, cela supposerait d'abandonner la formation à la mer pour les commissaires de la marine, les médecins (environ quinze élèves par an pour chacune de ces catégories) et les élèves étrangers (27 par an).

La création d'un bâtiment école multinational présente toutefois des difficultés de deux ordres.

La première est budgétaire. Pour des raisons financières, l'Allemagne ne semble pas prête à investir dans la construction d'un tel navire. Ce rejet a été confirmé au rapporteur par le représentant de l'état-major de la Bundeswehr à l'occasion des entretiens entre commissions de la défense qui se sont tenus le 16 décembre dernier à Berlin. Compte tenu du fait que le coût d'un bâtiment école peu militarisé serait relativement réduit (de l'ordre de 250 millions d'euros), il pourrait être envisagé un financement européen, ce bâtiment étant alors l'un des premiers éléments concrets d'une Europe de la défense, les Etats membres pouvant y recourir sous forme d'un abonnement. Une telle réalisation constituerait un symbole de taille pour la mise en place d'une Europe de la d&eacu convient donc plutôt de renforcer l'étroitesse des échanges en élargissant les échanges de formation tels qu'ils existent actuellement entre les marines française et allemande. Comme on a pu le voir, cela ne concerne actuellement que deux élèves-officiers de chaque pays. Une augmentation de ce quota peut être mise en œuvre progressivement.

Il faudrait étendre le système à l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni, avec lequel des contacts ont déjà été noués à cet effet. La Royal Navy a modifié ses enseignements, qui sont davantage compatibles avec le nouveau cursus organisé en semestres de Navale. L'armée de l'air cherche elle aussi à développer ce type d'échange complet de formation. L'armée de terre pourrait également suivre cette voie. Il est cependant certain que l'extension de ces systèmes d'échanges nécessite des décisions politiques pour surmonter l'obstacle des organisations différentes des cursus. Ces décisions sont nécessaires, car ce mode d'échange et de sélection des cadres garantit, compte tenu de sa difficulté, une très grande qualité de recrutement. Par la connaissance mutuelle des personnels et des organisations qu'il autorise, ce système permet de jeter les bases d'une Europe de la défense construite à partir des hommes, et non des matériels comme cela a été le cas jusqu'ici.

D. UNE FORMATION INITIALE DEVANT PARFOIS FAIRE FACE AU FORT BESOIN DE RECRUTEMENT

Alors qu'elles projettent de réformer, voire d'allonger, la formation initiale de leurs sous-officiers, aussi bien l'armée de terre que la gendarmerie se trouvent dans une situation délicate. Le flux de recrutement est tel par rapport aux capacités de formation que la durée même des enseignements a dû être écourtée.

Hormis pour les personnels de la légion étrangère et ceux affectés dans les troupes alpines, tous les sous-officiers de l'armée de terre suivent leur formation initiale à l'école nationale des sous-officiers d'active (ENSOA) de Saint-Maixent.

Le tableau ci-après récapitule l'évolution des effectifs formés.

Effectifs formés à l'ENSOA

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003 (a)

2004 (a)

841

919

1 772

2 153

2 471

2 760

2 926

3 550

3 550

(a) Prévisions.

Source : CoFAT.

On peut noter une augmentation importante liée entre autres à la professionnalisation, à la fermeture de l'école nationale technique des sous-officiers d'active (ENTSOA).

Le déficit de sous-officiers à la suite d'importants départs en retraite et les incertitudes sur l'évolution future de ces départs conduisent l'armée de terre à se préparer à former éventuellement jusqu'à 3 700 sous-officiers par an.

Jusqu'ici, l'augmentation du volume d'élèves à former a pu être absorbée par deux moyens.

D'une part, dès le 1er avril 2003, sera créé un cinquième bataillon à Châteauroux (soit 500 élèves), qui bénéficiera du soutien logistique d'un régiment du train. Cette aide n'étant prévue qu'à titre temporaire, des études sont en cours pour évaluer les installations et personnels nécessaires pour permettre à court terme d'organiser l'ensemble des formations de sous-officiers à Saint-Maixent.

D'autre part, et surtout, une révision des objectifs de formation et des cursus des sous-officiers est à l'étude. Elle inclut une réduction de la durée de formation initiale à l'ENSOA de sept à cinq mois et comporte un recentrage sur les points fondamentaux du métier ainsi qu'une prise en compte accrue des acquis des élèves. Elle prévoit également une réforme de la formation de premier niveau dont le but prioritaire est de préparer au premier emploi selon le principe de juste suffisance. Elle serait complétée enfin par une redéfinition de la formation de deuxième niveau, recentrée sur les emplois réellement tenus par les sous-officiers et limitant l'accès à la formation de chef de section aux cadres véritablement concernés.

Le principal souci est de maintenir la qualité des formations, malgré la probable réduction de la durée des cursus.

La gendarmerie a pour sa part déjà dû procéder à la réduction de la durée de formation initiale de ses sous-officiers. Comme il a déjà été noté plus haut, le cycle d'instruction a été provisoirement réduit en 2001 pour répondre rapidement au manque d'effectifs conjoncturel dans les unités. La durée de la formation initiale est désormais fixée à six mois pour les GAV ayant servi en unité de type brigade territoriale pendant deux ans au moins et à neuf mois pour ceux issus du recrutement dit traditionnel.

Pour ces derniers recrutements, le stage en unité a été réduit de deux à un mois, afin de maintenir la qualité de l'enseignement théorique. Pour le recrutement d'anciens GAV, les risques sont moins grands, compte tenu de l'expérience acquise, et le stage brigade peut être supprimé. La formation initiale théorique et technique a été donc servi de variable d'ajustement. L'objectif est désormais de ramener progressivement la durée de la formation à douze mois à l'horizon 2004.

C'est indispensable à plusieurs titres. Avant la suspension du service national, l'entrée dans la gendarmerie était conditionnée par l'accomplissement de ce dernier. Actuellement, 50 % des sous-officiers recrutés sont d'anciens GAV, les autres étant directement issus du milieu civil. Auparavant, l'élève gendarme disposait déjà de la formation militaire de base, l'année de formation étant avant tout technique et professionnelle. Désormais, il faut commencer par une formation purement militaire et porter une attention soutenue à celle-ci. Ce facteur pèse sur l'organisation de la formation initiale. De plus, une rénovation de cette dernière a eu lieu en 1999 et 2001.

Le programme actuel de formation des sous-officiers de gendarmerie, initialement fixé à douze mois, a ainsi été défini en tenant compte notamment :

- de l'intégration dans le cursus d'un séjour en brigade de deux mois ;

- de la nécessité d'introduire l'enseignement des langues (module d'anglais à hauteur de 50 heures) ;

- de l'approfondissement indispensable de la formation morale et humaine (règles déontologiques, accueil du public et des victimes...) ;

- de la maîtrise des techniques modernes et des armes en service dans les unités.

Même si la durée de formation normale était rétablie, cela serait probablement insuffisant au regard des nécessités. De fait, c'est vers une augmentation de la durée de formation en école de gendarmerie, jusqu'à dix-huit mois, qu'il conviendrait de s'acheminer, pour tenir compte des besoins en matière de contact avec les populations, d'accueil et de maîtrise d'un environnement juridique de plus en plus complexe.

Les difficultés rencontrées aussi bien par la gendarmerie que l'armée de terre sont réelles. Elles soulignent la nécessité de mener de façon aussi sérieuse que possible les études prospectives sur les besoins à venir des armées en matière de recrutement et d'en tirer les conséquences pour ce qui est des personnels formateurs et des infrastructures. La professionnalisation des armées impose de maintenir et d'accroître la qualité des personnels. La formation ne peut pas être considérée comme une variable d'ajustement, sauf à mettre en péril à terme les capacités des armées.

III. - LA FORMATION CONTINUE ET SUPÉRIEURE

La formation continue et supérieure des cadres ne concerne pas seulement les écoles, tant elle est diverse et fait appel à différents outils et organismes. Il s'ag formation continue. Comme pour la formation initiale, ces adaptations présentent des caractéristiques communes à toutes les armées, la principale résidant dans l'individualisation accrue des enseignements dispensés, afin de répondre précisément aux besoins et à l'évolution des postes occupés. Les difficultés rencontrées sont aussi largement similaires.

1. Une individualisation croissante

La formation continue dispensée aux officiers par l'armée de l'air est un exemple de la volonté d'adaptation des formations aux besoins réels. Cette formation est dispensée par le centre d'enseignement supérieur aérien (CESA).

L'enseignement militaire supérieur (EMS) dispensé aux officiers d'active et de réserve de l'armée de l'air a pour mission de les préparer à :

- tenir des postes nécessitant une qualification élevée dans certaines techniques ;

- exercer des fonctions exigeant un haut niveau de connaissances générales ou scientifiques ;

- assumer d'importantes responsabilités de commandement et en état-major.

Cet enseignement comprend un premier degré, sanctionné par un diplôme, généralement dispensé à des officiers subalternes qui doivent acquérir une qualification élevée dans certaines techniques et un deuxième degré, sanctionné par un brevet, qui s'adresse aux officiers supérieurs pour les préparer à l'exercice de fonctions importantes de commandement, d'état-major ou de direction (7).

Depuis 1992, l'EMS du premier degré est assuré dans le cadre du cycle de perfectionnement en commandement, étalé sur cinq ans et s'appuyant sur des cours par correspondance et des séminaires. La formation continue fait actuellement l'objet d'une réflexion importante, devant déboucher sur une réforme opérationnelle à partir de 2004-2005. Le processus de formation continue doit s'appuyer sur un fond de culture générale, alimenté en permanence, et sur des stages courts de formation avant l'emploi. Le processus doit s'étaler sur l'ensemble de la carrière, car il est de plus en plus difficile de dégager des créneaux de trois mois ou plus pour des stages. Les objectifs sont donc l'individualisation, le suivi et le contrôle des formations. Ainsi, sont en cours d'élaboration des stages de formation au commandement de premier niveau (unité de quarante à cent personnes) durant huit jours et comprenant un important enseignement en matière de management. Le recours à des formateurs extérieurs est désormais plus important. A terme, environ 80 % des formations devraient être externalisées. Par ailleurs, sont également créés des stages courts avant l'emploi, préparant au deuxième ou au troisième métier, dans des domain rapides permettant de tenir compte de l'évolution technique. De manière générale, ces réformes se heurtent parfois au culte de l'examen, solidement enraciné. Elles sont pourtant indispensables afin de tenir compte des moyens financiers désormais limités et des besoins réels.

Dans la marine, une évolution vers plus de souplesse a été choisie en ce qui concerne les officiers mariniers. Pour le brevet supérieur, passé après huit à dix ans de carrière et qui concerne ceux qui souhaitent devenir officiers mariniers de carrière, le cursus est désormais moins technique et exhaustif qu'auparavant. Il est davantage ciblé sur les affectations réelles. Des notions de direction et de management des équipes sont enseignées, de même qu'une capacité en opération afin d'assister les officiers responsables des systèmes d'armes.

La gendarmerie a procédé en 2002 à une rénovation générale de la formation continue dans les unités.

L'instruction collective a toujours tenu un grand rôle dans cette arme. Pour la gendarmerie mobile, elle est organisée lors de périodes réservées, à raison d'un stage de deux semaines au centre de Saint-Astier, tous les trois ans en moyenne, et de vingt jours par an pour l'instruction en camp militaire ou en bivouac. Pour la gendarmerie départementale, cette formation collective comprend une séance mensuelle à l'échelon de la brigade, dix demi-journées tous les ans à l'échelon de la compagnie (tirs et exercices) et une fois par an, à l'échelon du groupement, avec l'organisation d'une journée de formation collective.

Pour les officiers de gendarmerie, la principale modification est la mise en œuvre de la politique des carrières à dominantes depuis l'été 2002.

Elle consiste essentiellement en une meilleure différenciation des parcours de carrière, dans le but de mieux utiliser des compétences elles-mêmes plus variées et techniques. L'objectif affiché est aussi de valoriser les formations délivrées et d'accroître le professionnalisme en permettant à chaque officier, dès les premières grandes étapes de la carrière, d'acquérir et d'exploiter plus complètement ses savoirs et son expérience.

En pratique, la carrière de l'officier de gendarmerie sera désormais construite autour de deux compétences principales, l'une opérationnelle, choisie parmi cinq dominantes, l'autre d'état-major, choisie parmi huit (8). L'ouverture vers une plus grande polyvalence, nécessaire à l'accès au management de haut niveau, est prévue pour intervenir en dernière partie de carrière (9).

Du point de vue de la formation professionnelle, cette stabilisation des compétences doit créer les conditions d'une plus grande individualisation des besoins. Alors qu'actuellement les mises en formation s'ef difficultés.

Le principal défi concerne l'enseignement des langues. Si les réformes de la formation initiale ont mis davantage l'accent sur les langues, tout particulièrement l'anglais, il est nécessaire que l'effort d'enseignement soit maintenu tout au long de la carrière, aussi bien pour entretenir les connaissances que pour améliorer le niveau. C'est d'autant plus nécessaire que, dans le cadre d'opérations multinationales, la maîtrise de l'anglais par les officiers, subalternes et supérieurs, conditionne leur crédibilité. Or, l'ampleur de la tâche en la matière ne doit pas être minimisée, même pour les plus brillants éléments des armées. Auditionné par le rapporteur, le directeur du CID a ainsi estimé qu'environ 30 % des stagiaires français ne maîtrisaient pas l'anglais de façon adéquate.

Parmi les raisons de ces insuffisances figure notamment une certaine dispersion des efforts et des directives entre armées.

Il est certes exact que l'état-major des armées (EMA) a élaboré une directive générale et créé la commission spécialisée de formation aux langues étrangères (CSF/LE). Cette commission interarmées, présidée par le CoFAT, a pour rôle d'harmoniser un certain nombre d'actions. Elle a en particulier donné un caractère interarmées aux certificats militaires de langue anglaise des premier et deuxième degrés. Malgré l'implication de l'EMA, chaque armée continue de fait sa propre politique des langues, ce qui se manifeste dans la relative dispersion des moyens.

Plusieurs centres spécialisés dans l'apprentissage des langues existent. Pour l'armée de l'air, il s'agit du centre de langues aéronautiques spécialisé (CLAS) d'Avord ; pour la gendarmerie, du centre de formation aux langues de la gendarmerie (CFLG) de Melun et du centre de langues de la gendarmerie de Rochefort.

Il convient d'y ajouter l'école interarmées du renseignement et des études linguistiques (EIREL) de Strasbourg, dont la principale mission concerne le renseignement, mais qui assure également des formations linguistiques courtes (de une à trois semaines) au profit des unités ou de cadres en vue de leur préparation opérationnelle avant d'être engagés en opérations extérieures.

Il est possible de s'interroger sur l'opportunité d'une centralisation accrue des formations aux langues, sur un même lieu, afin de réaliser éventuellement des économies d'échelles sur certains équipements et, surtout, de parvenir à une coordination accrue de politiques menées par les armées. On notera à cet égard qu'en Allemagne, une seule école assure la formation continue en matière de langues, pour les armées et la plupart des administrations fédérales (Bundessprachenamt de Hürth). Il en est de même au Royaume-Uni pour la formation linguistique interarmées (Defense school of languages à Beaconsfield).

Dans leur grande majorit&eacut pas porter atteinte à la cohésion des unités et des armées. A cet effet, la gendarmerie réfléchit actuellement à un retour plus régulier de ses sous-officiers en école, tous les cinq ou six ans, afin de procéder à une évaluation des acquis et d'assurer un complément de formation. L'incitation donnée à la formation au sein des unités ne doit pas servir de prétexte pour se décharger sur celles-ci d'un certain nombre de tâches d'enseignement lourdes. Du fait des contraintes opérationnelles importantes qui pèsent sur les forces, ces dernières ne sont pas en mesure de suppléer à un « allègement » trop substantiel de la formation initiale.

L'externalisation des formations continues découle à la fois de la réduction des moyens dont disposent les armées pour l'enseignement et de la nécessité de disposer de formations évolutives et variées. Il ne faut toutefois pas oublier qu'elle présente un coût certain. Par ailleurs, si au Royaume-Uni, cette solution a été poussée très loin, en France, les contraintes en matière de marchés publics et de recrutement dans la fonction publique sont beaucoup plus lourdes. Le caractère complexe de la réglementation des marchés publics pèse également dans le domaine de la formation, certains contrats avec des partenaires anciens en matière de formation, voire avec les seuls acteurs sur le marché, ayant été refusés pour des raisons procédurales. Au Royaume-Uni, les procédures d'achats sont plus souples, ce qui permet d'engager des partenariats dans la durée avec les sociétés contractantes.

Enfin, parmi les soucis partagés de façon presque identique par les responsables de la formation continue dans les armées, figure le problème de la fidélisation. Il convient de mener une politique qui ne mène pas à la surqualification, de façon à éviter les trop grandes tentations de départs faciles vers le privé.

Le défi à venir pour les armées est celui de la fidélisation des personnels. Compte tenu de l'évolution démographique, la concurrence va s'accroître entre les divers recrutements de la fonction publique et avec le secteur privé. Elle est déjà forte pour les informaticiens, mais aussi pour les métiers du bâtiment. La marine connaît le même problème avec ses atomiciens, dont la formation est particulièrement longue, dont le rôle est indispensable sur les bâtiments à propulsion nucléaire et qui sont très demandés sur le marché du travail. Cette concurrence existe aussi entre administrations pour des spécialités pointues n'ayant pas forcément de véritable équivalent dans le secteur civil. Ainsi, la prime accordée par le ministère de l'intérieur aux spécialistes en destruction d'explosif est trois fois supérieure à celle versée par les armées. Il est possible de pallier ces problèmes de baisse des flux en organisant une meilleure fidélisation des militaires, au moyen notamment du fonds de consolidation. Toutefois, les moyens dont ce dernier dispose ne sont pas extensibles à l'infini. L'armée de terre réfléchit également à des contrats plus contraignants, liant le mesurer la qualité avec le recul nécessaire. Le rapporteur s'est également intéressé à des réflexions en cours visant à ouvrir davantage la réflexion militaire et stratégique, menées dans le cadre du projet de campus de défense.

1. Le collège interarmées de défense : une institution de grande qualité

Créé en 1993, le collège interarmées de défense (CID) a remplacé les écoles supérieures de guerre, de guerre navale, de guerre aérienne, de guerre interarmées ainsi que l'école supérieure de gendarmerie. Il est né du constat des insuffisances du commandement lors de la première guerre du Golfe en ce qui concerne la connaissance réciproque des armées et la maîtrise d'un environnement opérationnel multinational.

Comme l'indique la charte du CID, celui-ci a pour mission de préparer les officiers supérieurs des trois armées et de la gendarmerie à assumer de hautes responsabilités au sein de leur armée d'appartenance, dans les états-majors et dans les organismes interarmées ou interalliés. Il contribue par ailleurs au développement des études et de la recherche dans les domaines stratégiques et opérationnels.

Ce caractère interarmées et international se retrouve dans la composition de la dixième promotion (2002-2003) qui, sur un total de 317 stagiaires, comporte 108 étrangers, représentant 72 nationalités. Les 209 français sont répartis ainsi : 100 pour l'armée de terre, 31 pour la marine, 44 pour l'armée de l'air, 29 pour la gendarmerie, trois pour les services et deux pour la DGA.

Le tableau ci-après récapitule l'évolution récente de la composition des promotions du CID.

1997-1998

1998-1999

1999-2000

2000-2001

2001-2002

2002-2003

Terre

99

108

102

99

98

100

Mer

35

35

35

35

34

31

Air

61

55

51

45

44

44

Gendarmerie

21

21

21

27

28

29

Services communs

4

5

5

5

5

5

Total France

220

224

214

211

209

209

Etrangers

109

95

104

107

109

108

TOTAL

329

319

318

318

318

317

Source : CID.

Il met en évidence que la participation des étrangers est très importante depuis la création du CID, même s'il faut rappeler que cette situation existait déjà dans le système antérieur des écoles de guerre, en particulier au sein de l'école supérieure de guerre interarmées (ESGI).

Le régime de croisière de 110 stagiaires étrangers au CID, soit près de 35 % des effectifs du collège, est désormais atteint.

Cependant, on peut observer des évolutions pour ce qui concerne les origines des stagiaires. Ainsi, on peut constater une augmentation régulière des pays européens ne faisant pas partie de l'OTAN. Il s'agit en particulier de pays de l'ex-pacte de Varsovie.

En revanche, on observe une diminution constante de la participation de stagiaires africains, dont la moyenne est passée de près d'une cinquantaine en 1993 à environ 25 en 2002. La capacité d'accueil du CID n'étant pas extensible, l'Afrique souffre de la politique d'ouverture vers d'autres acteurs comme ceux de la CEI, de l'Asie ou de l'Amérique du sud. Pour autant, le niveau désormais atteint devrait être stable à l'avenir.

La part de l'enseignement consacrée à l'international est de 44 % tous modules confondus. Après dix ans d'enseignement et de maturation, ce ratio est considéré comme satisfaisant.

La part de cet enseignement dans l'enseignement général est de 46 %. Elle a pour objet de donner aux stagiaires des connaissances leur permettant de mieux appréhender la complexité du monde moderne et les principaux facteurs d'instabilité, ainsi que l'environnement de la défense et des actions militaires. Elle est complétée par des missions d'études à l'étranger, qui ont pour objectifs pédagogiques de compléter le cycle de formation en matière de stratégie et de géopolitique. Elles s'inscrivent dans un cadre diplomatique global répondant aux orientations que la France souhaite donner à sa politique étrangère.

Pour l'enseignement opérationnel, la part de l'enseignement international s'élève à 41 %, notamment dans le cadre de conférences et d'exercices destinés à développer la compétence opérationnelle des stagiaires, afin de leur permettre d'occuper des postes importants dans les états-majors chargés de concevoir, planifier et conduire des opérations interarmées dans un cadre national, interallié ou multinational.

Du point de vue international, il existe par ailleurs une politique d'échange.

Depuis plusieurs années (y compris à l'époque des écoles supérieures de guerre), les armées françaises envoient dans des structures d'enseignement militaire supérieur, en particul scolarité au titre de l'année 2003, sont :

- l'Allemagne : FüAk à Hambourg, avec six stagiaires par an (quatre de l'armée de terre, un de l'armée de air, un pour la marine) ;

- le Royaume-Uni : Joint Services Command & Staff College (JSCSC) à Watchfield-Shrivenham, avec quatre stagiaires par an (deux de l'armée de terre, un de l'armée de air, un pour la marine) ;

- l'Espagne : Escuela Superior de las Fuerzas Armadas à Madrid, avec trois stagiaires par an (un de l'armée de terre, un de l'armée de l'air, un pour la marine) ;

- l'Italie : Instituto Superiore di Stato Maggiore Interforze à Rome, avec deux stagiaires par an (un de l'armée de terre, un de l'armée de l'air) ;

- la Belgique : Institut royal supérieur de Défense à Bruxelles, avec un stagiaire par an (de l'armée de terre).

Il existe deux autres échanges annuels de scolarité, l'un avec les Etats-Unis (quatre stagiaires) et l'autre avec le Canada (un stagiaire). Par ailleurs, depuis janvier 2003, un stagiaire français suit sa scolarité en Australie. Cet échange ne sera pas annuel, mais reviendra tous les trois ans.

Au total, ce sont vingt-deux officiers supérieurs français, dont douze en Allemagne, qui sont ou seront en scolarité à l'étranger en 2003, auxquels il est possible d'ajouter les six qui sont ou seront aux Etats-Unis, au Canada et en Australie. C'est donc un peu plus de 7 % des effectifs d'officiers supérieurs français qui suivront une formation à l'étranger, au titre de l'enseignement militaire supérieur du deuxième degré.

L'importance de ces échanges ainsi que celle du nombre de stagiaires étrangers au sein du CID témoigne de la crédibilité internationale du collège, ainsi que de l'étroitesse des liens entretenus avec nos principaux partenaires européens.

Le bilan du CID apparaît donc largement positif, ce qui n'empêche pas les réflexions sur ses évolutions ultérieures. Le choix d'une formation en un an n'est pas remis en cause. Or, la volonté actuelle étant d'alléger les enseignements et de dégager plus de temps au profit des recherches et travaux personnels, cela implique une recherche précise des marges de manœuvre disponibles. La durée des enseignements spécifiques par armée a déjà été réduite d'une semaine il y a deux ans et il convient de prendre garde à ne pas altérer la connaissance intime de leur armée que doivent avoir les officiers brevetés.

2. Le projet de campus de défense

L'origine du projet de campus de défense est très ancien de niveau international, permettant de pallier le manque de moyens des universités délivrant des diplômes de défense, le campus de défense vise à engendrer des projets de recherche dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire. Ces projets permettraient de fournir des cadres de réflexion en amont des crises et non en réagissant à la pression de l'actualité. Le campus de défense permettra aux acteurs d'exprimer leurs besoins, de valider les projets et d'aider à la constitution d'équipes de recherche.

Le principe est de pouvoir travailler sur commande en associant les militaires, les universités, les administrations, les médias et les politiques. Le campus aurait pour mission de clarifier l'expression des besoins, de rallier les compétences, de définir les projets et leur montage financier, puis d'assurer le suivi du travail et le respect des délais. L'accueil des chercheurs étrangers est nécessaire, ne serait-ce que pour accéder à la qualification de « réseau d'excellence » exigée pour bénéficier de fonds européen dans le cadre du programme-cadre de recherche et développement.

Le coût en fonctionnement de ce projet en cours d'achèvement est relativement réduit (environ huit millions d'euros par an), mais son ambition est grande. Il vise à fournir un lieu de rencontre autorisant l'expression libre des idées, permettant le renouvellement de la pensée stratégique française.

CONCLUSION

La formation des cadres dans les armées a évolué au même rythme que la professionnalisation. Ce sont donc des réformes de grande ampleur qui ont été mises en œuvre, efficacement et dans des délais dont la brièveté doit être soulignée. Les armées ont montré une capacité d'adaptation que peuvent leur envier bien d'autres administrations. Au total, le paysage en matière de formation a été bouleversé, et ce avec un esprit d'ouverture et un souci constant de répondre aux besoins d'une armée professionnelle moderne. Ces éléments incitent à l'optimisme, à condition que les problèmes concernant l'insuffisance des capacités de formation dans certains domaines, tel que la formation initiale des sous-officiers, puissent être rapidement résolus.

Si les principales mesures de réforme sont désormais prises, il n'en reste pas moins que des progrès supplémentaires doivent être accomplis dans trois domaines.

Tout d'abord, l'ouverture internationale doit être approfondie. Cela peut être effectué par le biais de matériels communs, comme par exemple avec la définition d'un programme de navire école franco-allemand ou européen, susceptible de succéder à la Jeanne d'Arc. Par ailleurs, et peut-être surtout, les échanges complets de formation doivent être plus nombreux, afin de produire à terme une imbrication et une connaissance mutuelle bien plus étroite des cadres des armées européennes.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Charles Cova a regretté que les difficultés évoquées par le rapporteur n'incitent pas à l'optimisme pour le remplacement de la Jeanne d'Arc par un navire école franco-allemand. Il a ensuite demandé si, dans les écoles d'officiers, notamment l'école navale, des cours de « management » avaient été mis en place. En effet, dans le rapport d'information qu'il avait élaboré avec M. Bernard Grasset sur le lien entre la Nation et son armée, il avait pu noter les très importantes lacunes dans ce domaine. Des évolutions ont-elles eu lieu ? Sont-elles sensibles ? Apprend-on désormais aux élèves-officiers à comprendre les hommes autant qu'à maîtriser le matériel ?

Le rapporteur a souligné que l'obstacle à la construction d'un navire école franco-allemand était essentiellement budgétaire, car il n'existe aucune opposition de nature politique des autorités allemandes à la création d'un tel bâtiment.

La visite de l'école navale a permis de voir combien celle-ci était en profonde mutation. La formation au « management » fait désormais partie des enseignements qui y sont dispensés. La volonté d'ouverture y est d'ailleurs manifeste, tout comme dans l'ensemble des écoles de formation d'officiers.

M. Jean-Michel Boucheron a fait observer que la période difficile que connaissait l'Europe de la défense était temporaire et due avant tout aux positions britanniques, alignées sur la politique des Etats-Unis. Il ne faut donc pas cesser de formuler des propositions de constitution d'organismes communs dans tous les domaines où cela est crédible.

La proposition de créer un navire école commun franco-allemand est une très bonne idée. Elle a un précédent avec l'école commune franco-allemande de formation au pilotage de l'hélicoptère Tigre. Les difficultés budgétaires militent aussi pour le développement de tels organismes communs.

Il a ensuite suggéré que la commission de la défense fasse tout au long de l'année des propositions de ce type. Après le navire-école franco-allemand, elle pourrait proposer la création d'un parc commun d'appareils de transport militaire. Si l'A 400 M permettra de répondre à la quasi-totalité des besoins de projection, quelques Antonov 124 seront toujours nécessaires pour les équipements les plus volumineux. Aujourd'hui, ces appareils sont loués dans des conditions opérationnelles toujours complexes à des compagnies biélorusses, ukrainiennes ou ouzbèques. La possession en commun de six ou sept Antonov 124 rendrait les opérations plus faciles, à un coût qui serait certainement modeste.

La mise en commun de l'imagerie satellitaire pourrait être une autre proposition : l'actualité internationale témoigne de ce que les autorités de cha croisières réalisées pour l'instruction.

Le président Guy Teissier a fait observer qu'une telle démarche avait ses limites.

Rappelant les décisions prises par le précédent gouvernement en matière de formation des officiers de gendarmerie, M. Michel Voisin a demandé au rapporteur s'il pouvait faire le point de la situation actuelle.

Le rapporteur a répondu que, conformément au vœu exprimé par la commission, le recrutement des officiers de gendarmerie à partir des grandes écoles militaires serait maintenu et que la réforme adoptée par le précédent gouvernement n'aurait de fait pas le temps de s'appliquer. L'école spéciale militaire de Saint-Cyr, entre autres, continuera à offrir des places pour servir dans la gendarmerie lors du classement de sortie. Ce retour au système traditionnel n'est cependant pas exclusif du recrutement par concours au niveau maîtrise, qui s'avère d'excellente qualité, même si la proportion des candidats disposant d'une formation juridique est peut-être un peu trop prononcée.

Insistant sur l'importance de la connaissance des langues étrangères dans le cadre de la construction de l'Europe de la défense et de l'intéropérabilité des forces, M. Yves Fromion a demandé s'il n'était pas concevable que des élèves officiers, à l'instar de ce qui se fait dans les grandes écoles civiles, partent étudier une année dans un pays étranger.

Le rapporteur a répondu que la mise en œuvre de stages linguistiques de longue durée s'inscrivait déjà pleinement dans les réformes en cours ou à venir. A titre d'exemple, il est possible de noter que l'école navale réalise un tel effort en organisant un projet de recherche à l'étranger, suivi de la présentation d'un mémoire en anglais. La principale difficulté est d'ordre financier : les élèves ont un statut militaire et tout séjour à l'étranger a un impact sur le régime indemnitaire. Sur ce plan, une évolution du statut des élèves serait souhaitable.

Le président Guy Teissier a suggéré que la commission formule une proposition en ce sens, d'autant plus qu'une modification du statut général des militaires est à l'ordre du jour. Par ailleurs, 60 % des sous-officiers en service dans les armées sont sous contrat, ce qui représente un statut précaire. Il serait souhaitable de donner à ces sous-officiers, après la sortie de l'école d'application et au bout d'une année de service, la possibilité de bénéficier d'un statut plus stable, semblable à celui de leurs officiers.

La suppression du passage des médecins généralistes militaires pendant trois ans dans les unités, avant leur spécialisation, risque de faire oublier à ces derniers les spécificités de la condition militaire. Or, l'exemple du rôle des médecins embarqués à bord des sous-ma tous être spécialistes. L'objectif de la réforme prévue est de permettre une spécialisation plus précoce. Elle a été rendue nécessaire par l'évolution du cursus universitaire civil et répond également à une demande opérationnelle de pouvoir disposer plus rapidement de spécialistes. Le service de santé des armées a également permis l'entrée de médecins à différents niveaux du cursus (début des second et troisième cycles d'études médicales, thésards) ou sous contrat et prévu à cet effet un comité de sélection, suffisamment rigoureux pour s'assurer que les postulants répondent aux exigences des armées.

S'agissant de la gendarmerie, il faudra veiller à ce que la formation des sous-officiers revienne à douze mois aussi vite que possible. Il est en effet très difficile de garantir en six mois une formation complète de qualité, à la fois juridique et militaire.

La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

--____--

ANNEXE

LISTE DES DÉPLACEMENTS ET DES PERSONNES AUDITIONNÉES

· Armée de terre :

- général Thierry de BOUTEILLER, chef de la division organisation ressources humaines à l'état-major de l'armée de terre et colonel Eric MICHEL, chef du bureau planification, ressources humaines ;

- visite du commandement des organismes de formation de l'armée de l'armée de terre (CoFAT) :

_ général de corps d'armée Michel POULET, commandant du CoFAT ;

_ général de division de COURREGES, adjoint major ;

_ général de division GALLINEAU, adjoint formation ;

_ général de brigade BEAULIEU, adjoint lycées et centres ;

_ général de brigade DELOCHRE, chef d'état-major ;

_ colonel de LABARTHE, division logistique ;

_ colonel KOESSLER, chef de la division formation ;

_ colonel SIFFERLEN, division formation ;

_ lieutenant DUTRIEUX, division formation.

· style="text-align: justify">_ capitaine de corvette Bruno CREN, directeur de la formation aux métiers de marin ;

_ professeur Jean-Yves BILLARD, directeur de la recherche scientifique et directeur de l'institut de recherche de l'école navale ;

_ professeur Jean-Pierre MARTINEAU, directeur de l'enseignement scientifique.

· Armée de l'air :

- général de division aérienne Jean MICHEL, commandant des écoles de l'armée de l'air ;

- visite de l'école de formation des sous-officiers de l'armée de l'air (EFSOAA) :

_ général de brigade aérienne Bernard LIBAT, commandant de l'EFSOAA ;

_ colonel Armand WISSELMANN, commandant de la base aérienne 721 ;

_ lieutenant-colonel Mario CORTÈS, commandant en second de la base aérienne 721 ;

_ lieutenant-colonel Philippe BALLAGNY, commandant en second de la division de la formation militaire ;

_ lieutenant-colonel Ramon SANS, commandant de la division des spécialités du soutien ;

_ capitaine Eric DAUENHAUER, adjoint au chef du département soutien technique ;

_ lieutenant-colonel Michel FONVIEILLE, commandant de la division des spécialités aéronautiques ;

_ capitaine de frégate CARDOT, commandant en second de la division des spécialités aéronautiques ;

_ commandant Laurent LAFONTAINE, chef de la section d'enseignement maintenance structure aéronef ;

_ lieutenant-colonel Eric ROUX, commandant de la division du soutien des formations ;

_ lieutenant-colonel Jacques SAVARIT, chef du soutien technique ;

_ commissaire lieutenant-colonel Jean-François PÉNEAU, chef du soutien du personnel ;

_ capitaine Jean-Pierre PAULY, officier relations extérieures.

· Gendarmerie nationale :

- M. Pierre MUTZ, directeur général de la gendarmerie nationale ;

- général de division Henri-Charles PUYOU, chef du service des ressources humaines ;

- médecin général Jean-René GALLE-TESSONNEAUD, directeur adjoint ;

- médecin général Jean-François GOUTEYRON, sous directeur ressources humaines ;

- médecin chef des services Didier LORY, chef du bureau enseignement.

· Campus de défense :

- contrôleur général Daniel HERVOUËT, chef du projet « campus de défense de l'école militaire ».

· Collège interarmées de défense (CID) :

- contre-amiral Pierre TOUBON, directeur du CID ;

- lieutenant-colonel François MULLER, chef de cabinet du directeur.

· Ecole interarmée du renseignement et des études linguistiques :

- lieutenant-colonel Serge SOHET, chef de la division langues.

· Cabinet de la ministre de la défense :

- M. Michel LE DREN, conseiller social ;

- M. Vincent DESFORGES, conseiller technique pour les affaires budgétaires.

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N° 0755 - Rapport d'information sur la formation des cadres dans les écoles militaires (M. Jérôme Rivière)

1 () Les cadres militaires de demain : quel recrutement pour quelle formation ? M. Guy Teissier, rapporteur, dixième législature, N° 2063.

2 () Les élèves ainsi recrutés effectuent une année de formation militaire et sportive et de formation humaine au sein des promotions de l'école de l'armée de l'air, complétée éventuellement, selon leur bagage et leur spécialité d'accueil, de l'année de spécialisation dispensée aux élèves de l'école de l'air.

3 () Depuis 2001, un numerus clausus « flottant » a été instauré : tous les élèves du SSA obtenant une note moyenne au moins égale à celle du dernier reçu sont admis.

4 () Les trois filières d'enseignement à l'ESM sont sciences de l'ingénieur, relations internationales et management public.

5 () La première colonne comprend le plan détaillé du cours, la seconde les connaissances indispensables et la troisième les éléments plus détaillés ajoutés par le formateur et l'élève.

6 () À titre d'exemple, on notera que l'armée américaine met en ligne une très large partie de ses manuels, techniques ou de combat (field manuals) sur le site www.adtdl.army.mil, seuls les manuels les plus « sensibles » étant réservés aux militaires d'active ou de réserve.

7 () Ce deuxième degré est assuré par le CID depuis 1993.

8 () Les cinq dominantes opérationnelles sont : maintien de l'ordre / défense, police judiciaire, sécurité publique générale, sécurité routière et sécurité en milieu spécialisé (gendarmeries spécialisées). Les huit dominantes d'état-major sont : organisation et doctrine d'emploi, ressources humaines, criminalistique, télécommunications et informatique, communications et relations publiques, contrôle de gestion / plan gestion finances, renseignement et relations internationales.

9 () Une dominante « transverse » rassemble l'ensemble des postes de généraliste. Logiquement, celle-ci est surtout composée par des emplois correspondant aux grades les plus élevés (lieutenant-colonel au moins).