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N° 2247

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 avril 2005.

RAPPORT D'INFORMATION

déposé en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,

FAMILIALES ET SOCIALES

sur

La définition des savoirs enseignés à l'école

ET PRÉSENTÉ

par M. Pierre-AndrÉ PÉRISSOL,

Député.

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INTRODUCTION 5

I.- POURQUOI UNE MISSION D'INFORMATION PARLEMENTAIRE SUR LES SAVOIRS ENSEIGNÉS À L'ÉCOLE ? 7

A. LES RÉSULTATS DE NOTRE ÉCOLE 7

1. L'école a obtenu des résultats remarquables en une génération 7

2. Les performances des élèves français dans les enquêtes internationales sont juste dans la moyenne 8

3. L'école est aujourd'hui concurrencée en tant que lieu de transmission des savoirs et d'acquisition de compétences 9

B. LES CONTENUS DES SAVOIRS ENSEIGNÉS CONSTITUENT UN ENJEU MAJEUR 10

1. La démarche engagée voici dix-huit mois pour réformer l'école a mis les contenus des savoirs enseignés au cœur du débat 10

2. Une expression du Parlement sur les contenus est à la fois utile et légitime 10

C. À QUELLES FINALITÉS RÉPONDENT LES CONTENUS DES SAVOIRS ENSEIGNÉS ? 12

II.- QUELS SAVOIRS ENSEIGNER ? 13

A. CHANGER NOS MÉTHODES POUR DÉFINIR DE NOUVELLES PRIORITÉS ADAPTÉES 13

1. Des connaissances mais aussi des compétences 13

2. L'approche par les disciplines n'est pas pertinente 14

3. Ne pas opposer connaissances et compétences 15

4. La définition des savoirs enseignés, encouragée par l'Union européenne, a été conduite avec succès dans des pays voisins 15

B. QUELLES COMPÉTENCES DÉVELOPPER ? 17

1. Savoir communiquer dans sa langue 17

2. Savoir travailler en équipe, coopérer avec autrui, « vivre ensemble » 18

3. Se forger un esprit critique, savoir valider, analyser, trier l'information 19

4. Savoir se repérer dans le temps et dans l'espace 19

5. Développer son potentiel à apprendre 20

6. Savoir assumer ses responsabilités, participer, s'impliquer, s'engager, s'orienter, mener un projet 20

C. COMMENT CERTAINS APPRENTISSAGES CONTRIBUENT-ILS AU DÉVELOPPEMENT DE CES APTITUDES ? 20

1. Savoir parler, lire et écrire pour maîtriser sa langue 21

2. Savoir accepter la complexité du monde. 22

3. Le travail manuel, la technologie, les métiers 23

4. L'éducation physique et l'apprentissage des règles et du respect des autres 24

III.- LES CONDITIONS D'UNE TRANSMISSION RÉUSSIE DE CES CONNAISSANCES ET COMPÉTENCES 25

1. Personnaliser les temps et les modes d'apprentissage 25

2. Décloisonner les disciplines 26

3. Valoriser les diverses formes d'intelligence 27

4. Nourrir la motivation des élèves 27

5. Adapter l'évaluation aux nouvelles priorités 28

IV.- LA DÉFINITION DES SAVOIRS ENSEIGNÉS DEVRA ÊTRE CONCERTÉE POUR ÊTRE PARTAGÉE ET DEVRA RECEVOIR UNE LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE 29

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

ANNEXES 35

COMPOSITION DE LA MISSION 35

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 37

QUELQUES OBSERVATIONS RETENUES PAR LA MISSION D'INFORMATION 41

INTRODUCTION

Que faut-il apprendre à l'école et surtout comment l'apprendre à tous ? Si cette question est aussi vieille que la démocratie, la réponse ou plutôt les réponses doivent évidemment évoluer avec la transformation du monde et des élèves eux-mêmes.

Pourquoi doit-on se poser ou plutôt pourquoi doit-on enfin apporter aujourd'hui une réponse à cette question régulièrement évoquée ?

Dans quels sens les pays qui ont fait l'exercice ont-ils fait évoluer les contenus ? Quel impact cela a-t-il eu sur les performances scolaires ?

Quelles conditions devront être réunies pour arriver à mettre concrètement en œuvre les priorités qui seront retenues et les nouveaux contenus des savoirs enseignés à l'école qui en résulteront ?

L'expression du Parlement sur ces sujets est-elle utile, est-elle légitime ?

C'est pourquoi, la commission des affaires culturelles familiales et sociales de l'Assemblée nationale a créé en son sein, le 5 octobre dernier, une mission d'information sur la définition des savoirs enseignés à l'école. Cette mission composée de onze membres est représentative de tous les groupes politiques de l'Assemblée.

La mission a procédé depuis sa création à l'audition de soixante-dix-huit personnes venant d'horizons très variés mais ayant tous une légitimité, à des titres divers, à se prononcer sur les savoirs, les savoir-faire et les savoir-vivre, qu'il n'est pas permis d'ignorer aujourd'hui à la sortie de l'école obligatoire quelle que soit la suite du parcours scolaire ou professionnel.

A l'issue de ce travail d'écoute, les membres de la mission, après plusieurs réunions de synthèse et d'échanges, ont formulé un certain nombre de pistes et de propositions concrètes qui sont développées dans le présent rapport et dont l'ambition est de contribuer à la définition des grands axes du patrimoine que la Nation assigne à l'école de transmettre à 100 % de ses enfants.

Les propositions développées dans ce rapport ont été approuvées à l'unanimité par l'ensemble des membres de la mission.

La célèbre formule de Jules Ferry, « Ne pas embrasser tout ce qu'il est possible de savoir, mais bien apprendre ce qu'il n'est pas permis d'ignorer », a constitué un guide utile tout au long de ce travail.

I.- POURQUOI UNE MISSION D'INFORMATION PARLEMENTAIRE SUR LES SAVOIRS ENSEIGNÉS À L'ÉCOLE ?

A. LES RÉSULTATS DE NOTRE ÉCOLE

1. L'école a obtenu des résultats remarquables en une génération

Entre 1960 et 1975, le nombre de bacheliers augmente de façon soutenue, passant de 61 500 à 206 000 et le taux de bacheliers par rapport à l'ensemble de la population double sur la période, passant de 11,3 % à 24,4 %.

La croissance du nombre de bacheliers va être extrêmement rapide entre 1985 et 1995 passant alors de 30 % à 63 %.

Mais elle se révèle impuissante à résorber et même à réduire des poches d'échec importantes et inacceptables.

Les années postérieures à 1995 sont marquées par un coup d'arrêt à la croissance historique de la période précédente, le nombre et le taux de bacheliers stagnent.

Malgré la réforme des programmes, le soutien individualisé et les nouvelles activités pédagogiques, le système éducatif marque incontestablement le pas dans sa dynamique de progrès et de démocratisation. L'Éducation nationale stagne depuis dix ans à un palier qu'elle semble ne pas pouvoir dépasser tant en ce qui concerne le nombre de bacheliers que le nombre de diplômés de l'enseignement supérieur. Elle semble tout aussi impuissante à résorber ou à réduire le nombre d'élèves sortant du système scolaire sans aucune qualification et bien souvent avec de graves difficultés en lecture et en calcul. 15 % des élèves sont en échec sur le plan de leur aptitude à lire et en fin de troisième.

« Une minorité d'élèves atteignent les objectifs des programmes », c'est sous ce titre qu'un article du journal Le Monde du 24 septembre 2004 annonçait les résultats d'une étude réalisée par la Direction des études et de la prospective (DEP) du ministère de l'éducation nationale. Cette étude révèle en effet que seule une minorité d'élèves ont une maîtrise complète des compétences de base à la fin du primaire, à peine un tiers des élèves ont une maîtrise complète des aptitudes prévues par les programmes en matière de compréhension écrite et orale à l'issue du collège. La moitié des élèves (54 %) n'ont pas acquis une maîtrise complète des objectifs sans pour autant être en rupture, la DEP parle alors de compétences fragiles. Au bout du compte, 15 % des élèves sont en difficulté ou en grande difficulté, proportion qui dépasse un tiers en ZEP.

Elle ne progresse plus en matière d'égalité des chances.

Dès les premiers apprentissages l'écart se creuse entre les enfants de milieux populaires et ceux d'origine socioculturelle plus favorisée. L'évaluation en français et en mathématiques de l'ensemble des élèves de CE2 et de sixième réalisée chaque année depuis 1989 par le ministère de l'Éducation nationale, confirme la forte corrélation entre réussite et milieu social.

L'impact des disparités sociales se renforce tout au long de la scolarité. Si en sixième, 12 % des élèves ont des parents appartenant aux professions libérales ou cadres, ils sont 20 % en seconde générale contre seulement 4 % en seconde professionnelle, puis 42 % en première année de classes préparatoires aux grandes écoles. A l'opposé les enfants d'ouvriers qui représentent un tiers des élèves de sixième, ne sont plus que 6 % en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE).

La persistance de ces inégalités suscite l'incompréhension et jette un doute sur l'institution scolaire, qui n'apparaît plus capable d'assurer l'égalité des chances et la promotion sociale par le savoir : le lien entre l'école et une partie de la population devient de plus en plus distendu.

L'intégration par l'école et l'ascenseur social par le mérite scolaire - bases du ciment social et de l'élitisme républicain - sont en panne. Il y a danger à terme pour la cohésion sociale dans notre pays.

2. Les performances des élèves français dans les enquêtes internationales sont juste dans la moyenne

Lors des deux enquêtes du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) lancées par l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE) auprès des élèves de quinze ans, celle de 2000 consacrée à la compréhension de l'écrit et celle de 2003 sur les mathématiques, la France se classe au treizième rang des pays de l'OCDE, soit juste dans la moyenne.

Or, que mesure en priorité PISA ? L'évaluation PISA s'intéresse d'abord aux compétences mobilisant des connaissances. Dans les trois domaines évalués par PISA, priorité est donnée à l'aptitude à mettre en œuvre un certain nombre de processus fondamentaux dans des situations très diverses, généralement différentes des situations scolaires, en s'appuyant sur la compréhension globale de concepts clés plutôt que sur l'accumulation de connaissances spécifiques. L'accent est mis sur la maîtrise des raisonnements et la capacité de réfléchir face à des situations variées, aléatoires et complexes.

Les résultats moyens des élèves français sont surtout le fait de performances médiocres quand il s'agit d'utiliser des connaissances en dehors du contexte scolaire.

Ainsi, en compréhension de l'écrit, la France se positionne au-dessus de la moyenne internationale dans la compétence « s'informer » avec un score de 515. En revanche, les élèves français obtiennent un score inférieur à la moyenne internationale dans la compétence « réagir » (496 contre 502), qui mesure l'aptitude des élèves à mettre en œuvre des techniques d'argumentation, d'analyse critique et d'évaluation des textes. Les élèves français, très performants dans des exercices susceptibles d'être proposés à l'école sont beaucoup plus médiocres sur des supports moins familiers.

Ainsi, en culture mathématique, les résultats de l'enquête 2003 montrent que les élèves français savent « appliquer une formule », «lire un graphique » et « prélever des informations » à partir de divers documents. En revanche, ils sont faibles dés qu'il s'agit de « généraliser », de « prendre des initiatives » ou de recourir à la « pratique de l'expérimentation en mathématiques, faire des essais, critiquer, recommencer... ».

Les performances moyennes des élèves français des PISA s'expliquent par une maîtrise insuffisante des compétences instrumentales de base.

3. L'école est aujourd'hui concurrencée en tant que lieu de transmission des savoirs et d'acquisition de compétences

Le savoir scolaire est de plus en plus concurrencé dans ses contenus et dans ses modalités par les nombreuses autres formes d'accès à l'information et à la connaissance qu'autorisent les moyens actuels de transmission des données, des images et des informations.

Les trois heures passées en moyenne chaque jour devant des médias télévisés ou un écran leur ouvrent la porte d'une somme considérable d'informations voir de savoirs.

Mais les caractéristiques de ces modes d'accès à l'information, instantanéité, zapping, force émotionnelle de l'image, rompent évidemment avec le processus lent, exigeant et vertical des apprentissages scolaires.

D'autre part, les modèles de réussite facile plébiscités par les médias détournent un nombre croissant d'élèves des principes de travail, de concentration et d'efforts propres à l'école.

Si l'on veut rendre leur attractivité à des formes d'apprentissages qui privilégient la découverte sur le connu, la rigueur sur l'approximation, la réflexion critique sur l'évidence, la raison sur l'émotion, il est impératif de reconquérir les jeunes esprits en leur offrant de nouvelles clés pour découvrir le monde et en redonnant du sens à l'enseignement scolaire. Il faut être en mesure de répondre à la question : « à quoi ça sert ? ».

La légitimité même de l'école ne va plus de soi. Certains élèves considéraient hier qu'ils n'étaient pas faits pour l'école. Aujourd'hui ils disent : « l'école n'est pas faite pour moi ».

B. LES CONTENUS DES SAVOIRS ENSEIGNÉS CONSTITUENT UN ENJEU MAJEUR

1. La démarche engagée voici dix-huit mois pour réformer l'école a mis les contenus des savoirs enseignés au cœur du débat

Le débat national sur l'avenir de l'école, voulu par le Président de la République, a permis au million de Français qui y ont participé de dire leurs attentes en matière d'éducation.

Leur demande de voir l'école faire réussir tous les élèves, en assurant à tous l'acquisition de bases solides et en permettant à chacun de trouver sa voie, a été clairement exprimée ainsi que le souhait d'un certain recentrage sur les fondamentaux.

La commission du débat national sur l'avenir de l'école, présidée par Claude Thélot, a formulé des propositions dans ce sens à partir des résultats de ce débat.

Elle a mis au cœur de ses propositions, le socle commun des fondamentaux auxquels doivent s'ajouter des enseignements complémentaires faute de quoi l'accusation de réduction de niveau ou de « smic scolaire » prendrait corps.

Afin que 100 % des élèves malgré la diversité de leurs capacités et de leurs talents, puissent acquérir ce socle commun, plus de personnalisation des apprentissages est proposée.

La loi sur l'école votée définitivement le 24 mars reprend certaines de ces notions dont le principe d'un socle commun.

Tout ceci place au cœur du système éducatif la question des contenus enseignés à l'école.

La définition du contenu de ce socle commun de fondamentaux que chaque élève devra maîtriser à la fin de sa scolarité obligatoire, constitue donc un enjeu majeur.

2. Une expression du Parlement sur les contenus est à la fois utile et légitime

Elle est utile car les instances composées d'experts ou l'administration centrale du ministère, se heurtent très vite aux conflits entre disciplines et aux pressions des lobbys. Il en résulte les blocages que chacun a pu constater.

Cette situation favorise le maintien du statut quo et l'empilement de connaissances plutôt que la prise de choix. Tous ceux qui ont observé le système éducatif - François Gros / Pierre Bourdieu ou Roger Fauroux - ou y ont exercé des responsabilités - Luc Ferry au Conseil national des programmes (CNP), Claude Allègre - ont dénoncé cet état de fait.

C'est bien pour cela que la commission Thélot avait proposé avec force que le Parlement valide une définition générale du contenu du socle, les grandes compétences et connaissances correspondantes, et qu'une instance technique ait en aval la charge de traduire en programmes ce « cahier des charges » fort de sa validation démocratique.

L'expression du Parlement est légitime.

Définir les grandes lignes du contenu de ce qui doit être retransmis à tous les élèves est un acte fondateur de la démocratie qui donne un véritable sens au droit à l'éducation de tous les citoyens.

La définition du contenu d'un socle commun de connaissances indispensables constitue donc un enjeu majeur pour notre pays car ce socle contribue à renforcer le ciment de la cohésion sociale. La cohésion de notre société - alors même que celle-ci est traversée de communautarismes religieux, ethnique, culturel, doit se construire autour d'un noyau culturel fondateur d'une identité commune. C'est l'école qui est la première marche vers l'appropriation d'une identité et d'une culture nationale et européenne commune.

Le Parlement doit contribuer à la définition des valeurs que l'école de la République doit transmettre : recherche de l'objectivité et de la vérité scientifique, importance du débat contradictoire, laïcité, mixité, apprentissage de la civilité, devoir de mémoire, antiracisme, respect des institutions démocratiques, patriotisme, sont essentiels à leur appropriation par l'ensemble de la société.

Les représentants de la Nation sont dans leur rôle lorsqu'il s'agit de dire quel patrimoine de connaissances et de valeurs l'école doit transmettre aux générations à venir et à quelles fins politiques, sociales ou économiques.

Le Parlement doit se réapproprier la question des enjeux de l'instruction obligatoire. Il peut certes le faire à compter de janvier 2006 en veillant à l'application des principes et procédures de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pour ce qui concerne les missions et programmes scolaires, mais il doit aussi définir ce que la Nation veut transmettre à ses enfants à l'école.

L'expression du Parlement sur la définition générale des contenus est légitime car il s'agit là de ce que la Nation demande à son école de transmettre à ses enfants, et notamment à tous ses enfants pour ce qui concerne le socle commun. Il s'agit là d'un exercice identitaire dont la représentation nationale ne peut être absente.

C. À QUELLES FINALITÉS RÉPONDENT LES CONTENUS DES SAVOIRS ENSEIGNÉS ?

Dans ce but, la mission d'information a posé aux personnalités auditionnées les questions suivantes.

Quels sont les savoirs, les savoir-faire et les savoir-vivre que tout jeune doit maîtriser ou avoir intégré à la fin de scolarité obligatoire, de fait à la fin du collège :

- pour pouvoir poursuivre ses études, que ce soit dans la voie générale ou dans les voies technologique ou professionnelle ?

- pour avoir un maximum de chances de réussir son insertion professionnelle puis de faire face aux aléas, aux mutations de sa vie professionnelle, quels que soient les apports d'une formation continue ultérieure ?

- pour pouvoir assumer correctement sa vie de citoyen, sa vie avec les autres ?

Comment favoriser les apprentissages ultérieurs qui pourront intervenir tout au long de la sa vie ?

Il s'agit là de ce qui permettra de définir le contenu du futur socle commun de fondamentaux.

En effet, une définition plus précise des finalités du socle commun a pu être introduite dans la loi d'orientation comme étant l'ensemble de connaissances et de compétences permettant de réussir sa scolarité, quelque soit la voie choisie, sa vie professionnelle et sa vie de citoyen.

Cela ne peut ni ne doit représenter la totalité de ce qui sera enseigné. Aussi des enseignements complémentaires doivent compléter les enseignements du socle commun.

Cela nécessite de raisonner en termes de finalités en amont de la question des contenus. Quels acquis fondamentaux la Nation veut-elle voir transmettre à tous les élèves pour que ceux-ci puissent notamment aller plus loin vers une formation réussie, disposer des compétences indispensables pour vivre et travailler dans la société d'aujourd'hui, s'épanouir dans leur vie de citoyen, adopter des comportements responsables en société ? Quel est le « bagage » utile à l'honnête homme du XXIè siècle ?

II.- QUELS SAVOIRS ENSEIGNER ?

L'engagement de la Nation n'a de sens que si des choix sont réellement faits et des priorités effectivement définies en matière de connaissances et de compétences. Selon le mot de Claude Thélot, notre système éducatif est aujourd'hui « le lieu d'un encyclopédisme mou et non de maîtrises dures ».

A. CHANGER NOS MÉTHODES POUR DÉFINIR DE NOUVELLES PRIORITÉS ADAPTÉES

1. Des connaissances mais aussi des compétences

Bien évidemment les savoirs, les connaissances sont indispensables et leur acquisition reste une priorité. Mais les capacités à utiliser ces connaissances dans des situations variées, c'est-à-dire les compétences correspondantes, sont également déterminantes et leur développement doit être affirmé comme tel.

- La complexification du monde et sa rapidité d'évolution rendent indispensable le développement des capacités à s'adapter, à comprendre, à apprendre.

- En raison de l'accroissement du rythme des changements sociaux, professionnels et techniques, de l'évolution accélérée des contenus de connaissances, et de l'évolution des exigences de formation qui y sont liées, il convient, aujourd'hui plus qu'hier, de définir et de développer chez les élèves les savoir-faire et les savoir-vivre indispensables permettant de réagir et de s'adapter face à des situation variées, aléatoires et complexes. Au-delà de la transmission de contenus spécifiques de savoirs, il convient d'apprendre aux élèves à mobiliser leurs connaissances dans des contextes changeants et à savoir actualiser leurs connaissances tout au long de leur vie.

- Cela exige de définir, outre des savoirs, des savoir-faire et des savoir-vivre utiles « tout au long de la vie » pour s'adapter à la complexité d'un monde en mutation accélérée.

- Et d'ailleurs, l'Europe, l'OCDE comme l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme et la majorité des personnes auditionnées insistent sur la nécessité de développer les compétences indispensables pour affronter un monde très changeant. Tous tendent à situer les connaissances moins pour elles-mêmes que du point de vue de la capacité à les utiliser dans des situations variées, c'est-à-dire à les associer aux compétences.

2. L'approche par les disciplines n'est pas pertinente

- S'appuyant sur les nombreux témoignages entendus, la mission a acquis la conviction que l'approche par disciplines pour définir le contenu des enseignements n'est pas pertinente, parce qu'elle résiste à l'adaptation rapide et constante des savoirs et se heurte aux revendications maximalistes des représentants de chaque discipline.

S'agissant de la définition du socle commun, il faut, en premier lieu, éviter de raisonner de façon binaire, en distinguant des éléments disciplinaires qui en feraient partie et d'autres qui en seraient exclus et seraient inévitablement, de ce fait, perçus comme secondaires. Une approche par discipline provoque immanquablement des pressions qui conduisent à une impasse. La mission considère qu'il est indispensable d'aborder la question des disciplines et des enseignements dans un second temps. C'est à l'exécutif qu'il appartiendra de délimiter les champs des disciplines et de concevoir l'apport de chacune d'elles à la transmission du socle commun.

- Aborder le problème du socle par les disciplines enseignées porte en germe le risque d'un empilement de savoirs qui auront peu de chances d'être réellement assimilés, encore moins retenus. Ils sont en tout cas inaccessibles à 15 % d'entre eux au moins et probablement bien plus dès lors que 30 % à 40 % des collégiens seulement assimilent les fondamentaux en matière de lecture ou de mathématique selon l'étude de la DEP citée par le Monde du 24 septembre 2004.

Or l'inégalité fondamentale de notre système éducatif est celle qui sépare les 85 % d'élèves qui maîtrisent les savoirs de base des 15 % qui ne les maîtrisent pas. Depuis quinze ans, on a eu de cesse de dénoncer et de combattre cet état de fait, sans grand résultat.

- L'approche disciplinaire laisse en outre peu de place aux finalités explicitées en termes de compétences. Cela est réducteur même si bien souvent ces compétences s'acquièrent par le biais de différentes disciplines.

- Enfin et particulièrement dans le domaine des sciences, comme l'a fait observer M. Hubert Curien, l'approche disciplinaire, avec les segmentations du savoir qu'elle induit, nuit à l'appréhension des processus globaux. Or il faut faire comprendre aux enfants que la connaissance est globale.

Penser qu'il faut « arroser large » pour qu'il en reste un petit quelque chose est une grave erreur. Il faut à l'inverse motiver, sensibiliser, susciter des comportements actifs et valoriser la curiosité, encourager les questions donner envie d'en savoir plus.

- La mission tient à écarter un danger qui a percé dans certaines auditions. Cela consisterait à conserver la somme actuelle des disciplines et d'y ajouter un certain nombre de compétences ou de savoir-vivre acquis parallèlement. La mission estime que l'ensemble serait encore plus lourd et indigeste qu'aujourd'hui.

3. Ne pas opposer connaissances et compétences

- Il serait cependant absurde d'opposer connaissances et compétences car les compétences se développent au travers de l'apprentissage de connaissances. L'acquisition de savoirs, de connaissances solides est bien évidemment indispensable. Mais il est en contrepartie vrai que telle ou telle compétence peut se développer plus ou moins selon qu'elle constitue ou non une priorité explicitée.

En fait, les différentes matières enseignées sont des outils indispensables à l'apprentissage de ces compétences clés.

- Lors d'un colloque du Conseil européen, en 1996, consacré aux compétences clés, un chercheur irlandais, John Coolahan a proposé que soit considérée comme compétence une aptitude générale basée sur les connaissances, l'expérience, les valeurs et des dispositions qu'une personne a développées par son éducation.

- L'Union européenne s'est fixée comme objectif de définir « la combinaison de connaissances, d'aptitudes, de dispositions et d'attitudes » afin de satisfaire « l'épanouissement personnel et le développement tout au long de la vie - c'est-à-dire le capital culturel -, la citoyenneté active - c'est-à-dire le capital social - et la capacité d'insertion professionnelle - c'est-à-dire le capital humain.

4. La définition des savoirs enseignés, encouragée par l'Union européenne, a été conduite avec succès dans des pays voisins

- Un cadre européen de référence a été défini pour les nouvelles compétences clés.

Le groupe de travail sur les compétences de base, mis en place par la Commission européenne qui a commencé ses travaux en 2001 a, dans un premier rapport en février 2002, introduit un cadre de huit compétences clés assorties des connaissances, des aptitudes et des attitudes associées à ces domaines.

Selon l'Union européenne, « les compétences clés constituent un ensemble transposable et multifonctionnel de connaissances, d'aptitudes et d'attitudes nécessaires à tout individu pour son épanouissement et développement personnel, son intégration et sa vie professionnelle. Elles devraient être acquises au terme de la période obligatoire d'enseignement et servir de base à une poursuite de l'apprentissage dans le cadre de l'éducation et la formation tout au long de la vie ».

Le groupe de travail a également avancé dans le contenu de chaque compétence.

Les États membres sont invités à utiliser ce cadre comme un outil de référence pour faire progresser leur propre système éducatif.

- Le socle fondamental en Europe.

La Finlande, la communauté française de Belgique, le Portugal et le Royaume-Uni ont d'ores et déjà intégré les compétences clés dans leurs programmes éducatifs. Quant aux autres États, ils débattent publiquement pour la plupart de cette éventualité.

En Belgique francophone, c'est le Parlement qui a validé un « socle commun de compétences » pour l'enseignement primaire et le collège, décliné pour chaque discipline en « savoirs » ou « compétences  disciplinaires » et en « savoir-faire » ou « compétences transversales », et fixant le niveau de maîtrise attendu aux différentes étapes de la scolarité.

En Angleterre, un National Curriculum a été instauré en 1989 avec une triple finalité, de définition des contenus d'enseignement, de définition des objectifs à atteindre en fin de chaque cycle, et d'évaluation des performances des élèves. L'ambition affirmée est que le contenu de ce Curriculum soit acquis par tous les élèves.

- La définition des contenus au Québec et aux Etats-Unis.

Au Québec, on privilégie un apprentissage basé sur le développement de compétences essentielles pour le parcours scolaire et pour la vie sociale.

Les contenus comportent des compétences transversales d'ordre intellectuel : exploiter l'information, résoudre des problèmes, exercer son jugement critique, mettre en œuvre sa pensée créatrice.

Des compétences méthodologiques : trouver des méthodes de travail efficaces, exploiter les technologies de l'information et de la communication.

Des compétences d'ordre personnel et social : structurer son identité, coopérer.

Des compétences de l'ordre de la communication : communiquer de façon appropriée.

Il comporte également des domaines généraux de formation qui découlent d'un ensemble de grandes problématiques que les jeunes doivent affronter (domaine des langues, domaine de la mathématique de la science et de la technologie, domaine de l'univers social, domaine des arts, domaine du développement personnel).

Aux Etats-Unis, l'objectif visé par les National Science Education Standards est de faire en sorte que les citoyens américains possèdent une culture scientifique de base leur donnant une aptitude au raisonnement scientifique et une bonne compréhension de ses enjeux. L'ambition des standards, par-delà l'acquisition de connaissances, vise à former des citoyens aptes notamment à faire usage des principes et méthodes scientifiques dans leur prise de décision personnelle, à se développer professionnellement, à s'engager dans les débats publics sur les questions de nature scientifique et technologique, etc.

La France ne saurait rester à l'écart de ce mouvement de définition des compétences et connaissances à transmettre à tous les élèves. Et cela, d'autant plus que nombre des pays qui ont fait l'exercice se placent devant nous dans les évaluations internationales.

Il s'agit donc moins pour la représentation nationale, de fixer les savoirs qu'il faut enseigner que d'identifier et de définir - en fonction de finalités politiques, économiques et sociales propres à notre pays - les aptitudes ou compétences-clés que chaque jeune Français doit posséder pour réussir sa vie de citoyen d'une démocratie moderne.

A cet égard, le rôle du Parlement ne diffère pas beaucoup aujourd'hui de celui qui était le sien lorsqu'il débattait et votait les lois scolaires de la IIIè République. Si le contexte était évidemment tout autre, les enjeux d'une école républicaine comprenaient déjà un combat humaniste pour le rationalisme, une lutte pour l'unité de la Nation et la laïcité de l'Etat, la nécessité d'élever le niveau d'instruction de la population pour accompagner les mutations économiques et affronter les défis de demain.

La question scolaire reste dans notre pays - à la différence de nombre de nos voisins - une question qui intéresse directement la cité, sa structuration morale - transmission des valeurs -, sa structuration sociologique - renouvellement des élites -, sa cohésion sociale. Elle est donc au sens premier une question politique. Le Président de la République a souhaité que le débat sur l'école intéresse tous les Français. Le Parlement est dans son rôle lorsqu'il interroge ce que l'école transmet aux enfants de ce pays. Le travail de la mission s'inscrit dans cette perspective.

B. QUELLES COMPÉTENCES DÉVELOPPER ?

Les auditions ont permis de dégager des lignes de convergence claires sur la priorité à accorder au développement de compétences indispensables pour mener à bien sa scolarité, sa vie professionnelle, sa vie de citoyen, c'est-à-dire des compétences clés en réponse aux finalités assignées au socle commun et de façon plus générale à la scolarité obligatoire.

1. Savoir communiquer dans sa langue

La mission considère que l'école doit transmettre des savoirs et contribuer à former des personnes. La maîtrise du maniement de la langue et la capacité à l'utiliser comme instrument de communication constituent le fondement du travail de socialisation qui incombe à l'école.

Apprendre à mettre en mots sa pensée, comprendre que l'on peut ainsi mieux dominer ses émotions, apprendre à écouter les autres et développer ainsi la patience et la tolérance que requière tout échange social doivent être au cœur des missions de l'école.

M. Alain Bentolila, linguiste, professeur à l'université de Paris V René Descartes, a résumé cette ambition en disant qu'il faut faire comprendre aux élèves que la capacité linguistique donne le pouvoir d'exister face aux autres et face au monde.

L'aptitude à communiquer est sans contexte la priorité absolue.

Elle comprend la capacité à communiquer de façon appropriée dans des contextes variés, oralement et par écrit, à choisir un langage pertinent en tenant compte de l'intention, du contexte et des destinataires, à ajuster la communication en fonction de la réaction des destinataires, à respecter les règles propres aux langages utilisés.

L'éducation à et par la langue doit mettre l'accent sur l'expression orale. L'aptitude à communiquer inclut l'aptitude à écouter, la capacité de comprendre des messages énoncés dans divers types de situation, la faculté de contrôler que le message passe bien.

Elle comprend l'aptitude à formuler ses arguments de façon convaincante, à l'oral ou à l'écrit, et à tenir compte des autres points de vue que le sien. Elle nécessite la capacité à mettre en forme sa pensée, à formuler un questionnement.

2. Savoir travailler en équipe, coopérer avec autrui, « vivre ensemble »

Cette compétence a été mise en avant de façon insistante par la plupart des personnes auditionnées, et aussi bien par des confédérations syndicales que patronales.

Elle comprend notamment la capacité d'écouter, de respecter le point de vue des autres, d'exprimer et faire valoir son opinion de façon constructive, de travailler en équipe et en réseau, de contribuer à résoudre un conflit. Il s'agit de pouvoir atteindre des objectifs qui ne peuvent se réaliser sans conjuguer les forces de chacun.

L'Union européenne précise qu'elle inclut la faculté d'exprimer de manière constructive sa frustration, c'est-à-dire la maîtrise de l'agressivité et de la violence.

Elle comprend la compréhension des codes de conduite et usages généralement acceptés et promus dans différentes sociétés.

Elle inclut une certaine aptitude à identifier et à comprendre des points de vue différents engendrés par exemple par la diversité culturelle.

3. Se forger un esprit critique, savoir valider, analyser, trier l'information

Il s'agit là de savoir tenir compte des faits, de faire la part de ses émotions, de recourir à l'argumentation logique, de relativiser ses conclusions en fonction du contexte, d'accepter de faire une place au doute.

Toutes les personnes entendues ont situé l'apprentissage des technologies de l'information et de la communication (TIC) non pas dans une optique de connaissances des techniques usuelles à des fins utilitariste professionnelles mais comme un moyen de développer l'aptitude à rechercher, valider, trier de l'information. C'est indispensable pour développer l'esprit critique, la capacité à discerner, essentielle dans un monde saturé d'informations.

La conscience doit avoir été développée selon laquelle le monde ne répond pas à une pensée magique mais à des lois rationnelles, d'où l'importance des apprentissage scientifiques.

4. Savoir se repérer dans le temps et dans l'espace

Les trois présidents de fédérations de parents d'élèves auditionnés ont une analyse convergente.

Comment avoir un projet quand on n'a aucune notion de chronologie ? Comment se situer dans un monde sur lequel la télévision ouvre largement quand on n'a aucune notion d'espace ? L'un des principaux problèmes des 150 000 jeunes qui sortent chaque année en échec du système scolaire est de se situer dans l'espace et dans le temps.

Tout élève achevant sa scolarité obligatoire, qu'il ait ou non la nationalité française, doit savoir se repérer dans le fonctionnement de la société qui l'entoure, se repérer dans l'espace géographique, historique, culturel, institutionnel français et européen.

Savoir se situer dans l'espace géographique doit également contribuer à consolider une culture commune indispensable pour appréhender le réel et décrypter les informations.

La mission considère que l'objectif général est de former des citoyens adaptés à leur temps et à leur environnement et ayant acquis une vision aussi claire que possible du monde dans lequel ils vivent. Le citoyen d'aujourd'hui reçoit des masses d'informations et il faut lui donner des cadres de référence pour les trier.

Tout élève doit pouvoir ainsi prendre conscience de la diversité des sociétés et des cultures, passées et présentes et accepter la pluralité des jugements.

5. Développer son potentiel à apprendre

C'est la condition même pour pouvoir continuer à apprendre, à s'adapter, à progresser tout au long de sa vie.

La capacité d'apprendre tout au long de sa vie se joue lors de la scolarité obligatoire. Avec l'acquisition de bases de connaissances indispensables d'une part. Avec le développement des compétences et d'attitudes face à l'acte d'apprendre qui permettront de dépasser d'éventuelles résistances ultérieures.

On retrouve les aptitudes à se motiver face à la démarche d'apprendre, à auto-évaluer sa propre capacité à réaliser une tâche, à organiser son travail, à avoir acquis un certain degré d'autonomie. On retrouve aussi des facteurs personnels comme le développement d'un bon niveau d'estime de soi à l'élaboration duquel l'école joue un rôle.

6. Savoir assumer ses responsabilités, participer, s'impliquer, s'engager, s'orienter, mener un projet

Il s'agit là de la compétence civique qui inclut la reconnaissance de l'intérêt général, l'acceptation de devoirs au-delà des droits, l'appropriation des grandes problématiques sociales, économiques, environnementales, le respect de l'opinion d'autrui, la capacité à se prendre en charge, à s'engager, à prendre des décisions et à les assumer. Savoir choisir, réaliser un projet, prendre des initiatives, c'est-à-dire développer son autonomie.

C. COMMENT CERTAINS APPRENTISSAGES CONTRIBUENT-ILS AU DÉVELOPPEMENT DE CES APTITUDES ?

La définition des apprentissages dans les différentes disciplines, la déclinaison en programmes relèvent bien évidemment du pouvoir réglementaire de l'exécutif même s'il est souhaitable que le Parlement soit régulièrement associé.

La mission réaffirme le rôle primordial des connaissances, la nécessité pour tous les élèves de maîtriser correctement les savoirs fondamentaux. Ils sont en effet indispensables pour toute réussite ultérieure et sont le vecteur et la condition de l'acquisition de compétences.

Elle propose les réflexions suivantes sur quatre domaines pris en exemple, cela ne signifie évidemment pas qu'elle ignore les autres, qu'il s'agisse des mathématiques des langues étrangères, des technologies de l'information et de la communication (TIC), ou de l'enseignement artistique par exemple.

1. Savoir parler, lire et écrire pour maîtriser sa langue

M. René Rémond, historien, l'a rappelé avec force devant la mission : l'acquisition de la langue maternelle est essentielle pour l'émancipation des individus et leur capacité à assimiler d'autre connaissances.

C'est à partir de la langue même, que par étapes successives, on atteint tous les domaines du savoir. Apprendre à s'exprimer de façon différente selon les situations et les personnes est aussi une immense leçon de civilité.

Rappelons que l'enquête PISA révèle que les élèves français sont très bons lorsqu'ils doivent choisir une réponse juste mais totalement déconcertés lorsqu'ils doivent fournir leur propre réponse, évaluer et comparer deux textes, beaucoup n'essayent même pas. L'analyse de cette enquête montre qu'ils ont peur de faire des erreurs et d'exprimer un jugement personnel.

La maîtrise de la langue passe par les points suivants :

- Avoir la connaissance d'un solide vocabulaire de base et maîtriser la grammaire pour l'employer.

- Savoir lire pour Alain Bentolila, c'est avoir développé :

_ une autonomie permettant de lire seul

_ une polyvalence pour pouvoir lire avec autant d'efficacité un énoncé de maths et un conte, un texte littéraire comme un genre plus quotidien et pratique, des textes littéraires, informatif, historique, scientifique,...

_ une endurance permettant de dépasser les 300 mots.

- Savoir lire à seize ans c'est pour René Fauroux, ancien ministre, industriel et président d'honneur de la compagnie Saint Gobain ²:

_ savoir articuler à voix haute un texte de 1 500 mots en six minutes dans la langue française et répondre à cinq questions portant sur le sens général du texte lu ;

_ savoir résumer à voix haute un texte de 1 500 mots au terme de sa lecture silencieuse et répondre à tout ou partie d'une batterie de questions de difficulté graduellement croissante sur son contenu ;

_ savoir tirer les conclusions d'une notice d'utilisation d'un médicament, ou appliquer le mode d'emploi d'un appareil ménager, ou suivre les instructions de montage d'un meuble livré en pièces détachées avec indication, le cas échéant, d'une durée maximale de résolution.

Selon lui, dans le même esprit, on pourrait convenir que savoir écrire, c'est savoir résumer dans un temps donné en 300 mots, puis en 100 mots, un texte de 2 000 mots, en commettant un nombre de fautes de syntaxe et d'orthographe inférieur à un seuil donné, et dans un second temps savoir transcrire, ou même saisir directement le texte produit sur un clavier d'ordinateur.

2. Savoir accepter la complexité du monde.

La quasi unanimité des autorités scientifiques consultées - Académie des sciences, Académie des technologies, Prix Nobel, enseignants - a mis en avant les objectifs suivants s'appliquant aux différents champs de connaissances scientifiques qui seront retenus.

La communauté scientifique est largement convaincue que ce qui compte au stade de l'enseignement obligatoire est moins le contenu de l'enseignement que la démarche. Elle insiste pour :

- faire approcher la science à partir des diverses formes d'intelligence, abstraite, technique ou manuelle pour développer la motivation, l'envie d'apprendre la science, objectif primordial pour réalimenter les vocations scientifiques ;

- réintroduire le raisonnement de type inductif au même titre que le raisonnement déductif ;

- enseigner les utilisations qu'on peut faire de la science pour développer une attitude positive par rapport à la science ;

- développer la capacité d'observation en privilégiant les démarches d'investigation. Savoir observer - Savoir expérimenter ;

- faire un continuum entre les mathématiques, les sciences de la nature  - sciences physique, chimie, biologie - la technologie, de telle manière qu'on ne passe que progressivement de la science aux sciences. Ne pas compartimenter les sciences, quelques soient les éléments de connaissances qui seront retenus. Aider les élèves à passer d'un ensemble de notions juxtaposées à un ensemble de notions intégrées qui font sens ;

- transmettre à tous ce qui permet de réaliser que le monde n'est pas le fruit de processus magiques mais qu'il obéit à des lois rationnelles. L'école doit rendre compte de la complexité du monde, aider à la comprendre et surtout à l'accepter afin d'éviter la tentation des comportements irrationnels et obscurantistes. L'histoire des sciences, des technologies et des grandes découvertes doit avoir sa place dans cette initiation qui cherche à éveiller la curiosité et à détourner du dogmatisme ;

- susciter une tension vers le savoir plutôt que rechercher une accumulation du savoir ; transmettre ce qu'il faut savoir pour comprendre les enjeux, mesurer les risques, décoder soi-même et participer aux choix collectifs ;

Ainsi orienté, l'apprentissage de la science contribuera non seulement à la formation de l'esprit critique et rationnel mais aussi au développement des capacités langagières en favorisant une richesse d'expression orale ou écrite. Il est vecteur d'éducation morale et civique, d'éducation aux comportements.

L'éducation à la rationalité et à la citoyenneté repose en grande partie sur l'observation raisonnée du monde comme le dit M. Édouard Brézin, président de l'Académie des sciences.

3. Le travail manuel, la technologie, les métiers

La mission après avoir posé régulièrement la question au cours des auditions considère les avantages multiples que présentent différentes formes de travail manuel.

Il s'agit d'abord d'apprendre à travailler avec ses mains et ainsi à maîtriser son geste ; le maîtriser au sens propre contribue à se maîtriser au sens figuré.

Il s'agit ensuite de revaloriser l'image même de ce qui est manuel et qui sera une des conditions de revalorisation de l'enseignement professionnel.

Il s'agit enfin de permettre aux élèves de repérer les compétences nécessaires pour développer un éventuel projet professionnel.

Il faut impérativement faire percevoir une continuité entre, le travail manuel, les sciences expérimentales, les technologies et les métiers.

Le travail de la matière doit être pratiqué conjointement avec l'enseignement des technologies et ces dernières doivent bénéficier d'un éclairage scientifique, de l'histoire des découvertes, et de l'évolution des métiers.

Pour l'Académie des technologies, le terme technologie désigne l'ensemble des connaissances et des pratiques mises en œuvre pour offrir à des usagers des produits ou des services. Cette définition s'accorde parfaitement avec celle des métiers. Un métier est caractérisé par des savoirs des savoir-faire et des comportements qui permettent de maîtriser des éléments de technologies et de s'intégrer dans un processus économique et social.

Il est difficile de concevoir une approche plus complète associant, théorie, pratique, savoirs et savoir-faire et initiant à un pan entier du fonctionnement de notre société, à condition de maintenir la continuité et les liens entre les différentes composantes énoncées.

M. Hubert Curien, ancien ministre de la recherche, a abondé dans ce sens car pour lui, il est important d'habituer les enfants, dès l'école, à faire le lien entre les bases scientifiques qui leur sont enseignées et les métiers. Partir de l'observation de la nature, c'est très bien, mais observer les processus à l'œuvre dans l'industrie ou l'agriculture, c'est essentiel également.

4. L'éducation physique et l'apprentissage des règles et du respect des autres

Selon Mme Marie-Thérèse Geffroy, directrice de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, il ne faut pas négliger dans les apprentissages scolaires la préparation physique et mentale : gérer le stress et gérer l'effort permettent de décupler les capacités.

L'audition de M. Aimé Jacquet, directeur technique national de la Fédération française de football, a également mis en évidence l'intérêt d'associer un projet artistique ou sportif, au projet éducatif. Cela contribue à améliorer considérablement les résultats scolaires et la motivation des enfants surtout pour ceux qui sont en difficultés et en échec. Selon lui, pour aider les jeunes il faut savoir les écouter, les valoriser mais aussi poser des limites strictes, transmettre le goût de l'effort, toujours expliquer les raisons d'une décision même sévère. C'est le seul moyen de développer la confiance chez l'enfant.

Le sport collectif est un atout indispensable pour apprendre les règles de la vie en société, le respect de l'adversaire, la communication et aussi pour savoir rebondir après un échec.

Les compétences pour l'acquisition desquelles l'éducation physique et sportive (EPS) peut jouer un rôle déterminant : la connaissance de son propre corps, de son fonctionnement et de ses réactions, l'acquisition du goût du risque, l'acceptation et la maîtrise des affrontements pour apprendre à gérer les conflits dans le respect de soi et des autres, la capacité à prendre des décisions, particulièrement dans les situations d'urgence.

III.- LES CONDITIONS D'UNE TRANSMISSION RÉUSSIE DE CES CONNAISSANCES ET COMPÉTENCES

Si on veut que ces contenus soient réellement acquis par tous les élèves à l'issue de leur scolarité obligatoire, à la fin du collège, un certain nombre de conditions sont indispensables qui correspondent à autant de mutations dans notre système éducatif.

1. Personnaliser les temps et les modes d'apprentissage

Les enfants sont différents dans le rythme de leur progression, dans les ressorts de leur motivation, leur maturité, dans leurs talents. L'école prend insuffisamment en compte cette diversité notamment de rythme. Cela conduit à condamner à l'échec un pourcentage certain d'élèves qui ne sont pas en mesure d'acquérir tel apprentissage dans le temps qui leur est imparti, ou à ce moment là, ou bien encore selon les modalités pédagogiques mises en œuvre. Si on veut que tous les élèves avec leur diversité, réussissent et notamment acquièrent le socle commun, il faut personnaliser l'organisation de l'enseignement. Et le faire le plus en amont possible pour prévenir l'échec, plutôt que de se résoudre à remédier une fois l'échec avéré. Cette personnalisation doit s'aménager tout au long de la scolarité obligatoire.

Les rythmes de progression de l'élève, qu'ils soient lents ou rapides, appellent une adaptation du temps scolaire.

L'acquisition du socle commun constituant la priorité, chaque élève doit pouvoir consacrer, à l'intérieur du cadre scolaire, le temps qui lui est nécessaire pour en acquérir une maîtrise correcte.

Cette personnalisation des temps d'apprentissage doit pouvoir intervenir à l'intérieur du temps scolaire tout au long de l'année scolaire. Elle doit également pouvoir intervenir à l'intérieur des cycles. Certes leur application est faussée dans la mesure où les programmes restent strictement annuels au collège. Mais ce n'est pas parce qu'ils sont très peu mis en œuvre aujourd'hui qu'on doit se résigner à les abandonner. S'ils sont utiles à une meilleure prise en compte du développement intellectuel, psychologique, social des élèves et de ce fait facteurs de réussite, il faut au contraire les mettre en œuvre effectivement.

Personnalisation des temps d'apprentissage, mais aussi personnalisation des pratiques pédagogiques pour tenir compte des diverses formes d'intelligence, avec par exemple le recours à des approches plus pratiques pour transmettre des savoirs enseignés jusqu'ici de façon exclusivement théoriques.

Personnalisation des temps et des modes d'apprentissage, accompagnement personnel de chaque élève, prise en compte précoce de ses difficultés et mise en place de solutions adaptées à ses faiblesses sont des facteurs incontestables de réussite scolaire qui ont fait leur preuves dans plusieurs pays.

2. Décloisonner les disciplines

Le constat est presque unanime et clairement posé par M. Jean-François Bach, membre de l'Académie des sciences : on a aussi raté beaucoup de virages à cause de la tendance à cloisonner et à empiler les connaissances, une tendance qui va en s'aggravant.

L'enseignement obligatoire doit être articulé autour de thèmes particulièrement formateurs parce que rapprochant deux ou plusieurs matières.

Cela est tout particulièrement vrai dans certains secteurs. Ainsi l'approche pluridisciplinaire des sciences expérimentales (physique, chimie, sciences de la vie et de la terre) et peut-être même des technologies, regroupées dans un unique enseignement et confiée à un seul enseignant devrait contribuer à donner plus de sens à cette formation au collège. C'est ce qu'on affirmé avec force toutes les personnalités scientifiques auditionnées. Pour elles, modéliser, expérimenter, faire des hypothèses, bâtir une démonstration, se documenter, évaluer la pertinence des résultats et les formuler clairement, toutes ces compétences doivent s'acquérir à travers une démarche scientifique générale autour de thèmes transversaux.

M. Paul Malartre, secrétaire général de l'enseignement catholique, citait l'exemple de la Renaissance, parce qu'il peut être abordé à travers les cours de français, de mathématiques, d'histoire, d'enseignement artistique ou encore des faits religieux.

Avec une telle approche, il est plus aisé de donner du sens à la culture scolaire.

M. Hubert Curien soulignait combien la connaissance humaine est une connaissance globale. Montrer les liens, les interrelations entre disciplines permet d'en prendre conscience et de faire sens.

Cette transdisciplinarité répond aussi à un besoin de développement de l'enfant préadolescent. Ainsi il serait souhaitable, au moins dans les premières années du collège, que les élèves aient un seul et même professeur chargé de leur prodiguer un enseignement dans plusieurs matières notamment scientifiques.

La difficulté à valoriser des aptitudes et à apprécier un élève dans la globalité de sa réflexion et des ses activités est évidemment aggravée au collège par l'intervention de nombreux enseignants et par les contenus des enseignements axés sur les disciplines et non sur des objectifs. Seuls les résultats obtenus dans chaque discipline, avec de surcroît des disciplines nobles et d'autres qui le sont beaucoup moins, sont valorisants pour l'élève.

3. Valoriser les diverses formes d'intelligence

La culture scolaire est encore très marquée par une dominante très intellectuelle privilégiant l'abstraction, l'aridité des savoirs et le formalisme et prenant le risque de rejeter tous ceux qui ne peuvent adhérer à ce modèle.

Toutes les autorités scientifiques auditionnées ont insisté avec force pour qu'on approche la science à partir des diverses formes d'intelligence sans la réserver aux seules intelligences abstraites ou théoriques.

Elles soulignent - comme M. Michel Pebereau, membre du comité des écoles du MEDEF, et plusieurs syndicats - la nécessité de rééquilibrer les approches inductives et déductives, de prendre en compte les intelligences techniques et manuelles, de plus faire appel à la créativité, à l'innovation.

4. Nourrir la motivation des élèves

C'est évidemment une des clés de la réussite.

Mais c'est aussi devenu une des préoccupations majeures des enseignants qui ont choisi en numéro un dans le cadre du débat national sur l'avenir de l'École l'interrogation : « Comment motiver les élèves ? ».

Il est certain que la motivation d'un élève passe notamment par tout ce qui peut améliorer son estime de soi.

M. Marcel Ruffo, pédopsychiatre a confirmé l'importance de la confiance en soi dans le parcours scolaire et personnel. Selon lui, les troubles de l'estime de soi constituent le facteur majeur de l'échec scolaire et ils sont mal évalués et pas pris en charge.

Les compétences personnelles que tous les jeunes doivent impérativement acquérir à la fois pour réussir leur parcours éducatif et leur vie, sont directement liées à la construction de l'image de soi dans laquelle l'école joue un grand rôle.

M. Christophe André, psychiatre, a particulièrement attiré l'attention de la mission sur cette dimension fondamentale dans le processus d'apprentissage.

L'estime de soi est un facteur indispensable pour l'adaptation à son environnement scolaire, social puis professionnel. Une bonne estime de soi, incluant un regard positif sur soi et un bon rapport aux autres est une source de motivation et d'initiative. Elle forge également la capacité à former son propre jugement et à se soustraire à l'influence des autres.

L'objectif de valoriser l'estime de soi par l'école est fondamental. L'estime de soi n'est pas innée. M.  Christophe André précise que c'est surtout au plan de la stabilité de l'estime de soi que l'école est déterminante.

Cela passe par l'apprentissage de compétences sociales : capacité à communiquer sans agressivité, à trouver sa place dans le groupe, à poser des questions, à oser dire non, à répondre à une critique, à faire ou à recevoir un compliment (ni hérisson ni paillasson), prendre la parole en public, négocier et travailler en équipe.

Certaines attitudes adoptées par les enseignants favorisent le développement de l'estime de soi. Ne pas critiquer la personne mais le comportement, valoriser les initiatives même si le résultat est mauvais, développer une intelligence de l'échec pour rebondir, favoriser les compétences collectives. Montrer aux élèves en quoi ils sont bons et éviter de toujours stigmatiser les domaines où ils sont mauvais. Pour cela les matières artistiques ou le sport peuvent jouer un rôle important.

5. Adapter l'évaluation aux nouvelles priorités

Les comportements, les priorités que se fixent l'enseignant comme l'élève sont forgées par l'évaluation, par ce qui est évalué et par la nature même de l'évaluation.

Or l'évaluation est aujourd'hui quasiment exclusivement orientée sur l'acquisition de connaissances. Certes on pourra développer telle ou telle compétence au travers de l'apprentissage d'un contenu disciplinaire. Mais il n'y a pas d'automaticité entre l'évaluation de tels savoirs académiques et l'évaluation de compétences. On en vient à oublier la mesure de l'acquisition d'aptitudes et tout particulièrement des aptitudes transdisciplinaires.

En outre notre système d'évaluation privilégie l'intelligence théorique, spéculative, abstraite.

Notre système d'examen est très orienté sur la mémorisation de savoirs et la production d'une réponse correcte plutôt que vers l'application des connaissances dans une démarche de réflexion critique et créative. Il en résulte que les programmes sont élaborés en fonction des connaissances les plus faciles à noter lors de l'examen.

Le mode d'évaluation aux examens structure les contenus de l'enseignement et organise la scolarité. Des modifications des contenus et des modes d'évaluation permettraient au système de mieux prendre en compte les nouvelles compétences requises.

Le socle doit permettre, pour l'UNSA et le SGEN, de déterminer les contenus non par l'aval c'est-à-dire par le programme du baccalauréat, mais par l'amont, c'est-à-dire par ce que l'on considère comme le bagage indispensable en fin de scolarité obligatoire. Les évaluations doivent dès lors s'adapter en conséquence.

Dans d'autres pays, le débat sur les contenus et notamment sur la place des compétences a progressé à partir de l'évaluation.

La Finlande par exemple a mis au point une grille d'évaluation du potentiel à apprendre avec une batterie d'indicateurs faisant référence à des connaissances factuelles, à des capacités de pensée et de raisonnement, par exemple à l'utilisation dans d'autres contextes de ce qui a déjà été appris mais en renvoyant aussi à certaines attitudes à l'égard de l'apprentissage comme la motivation à apprendre, l'acceptation des tâches, l'autoévaluation, etc.

IV.- LA DÉFINITION DES SAVOIRS ENSEIGNÉS À L'ÉCOLE DEVRA ÊTRE CONCERTÉE POUR ÊTRE PARTAGÉE ET DEVRA RECEVOIR UNE LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE

En conclusion, la mission d'information parlementaire a acquis deux convictions.

La définition des « savoirs enseignés à l'école » devra être concertée pour être partagée.

C'est la condition pour qu'elle soit demain mise en œuvre.

C'est tout particulièrement indispensable pour le contenu en termes de compétences et de connaissances du socle commun. Pour que le socle commun soit demain adopté par les enseignants, pour qu'il soit compris par les parents, une véritable concertation est indispensable avec tous les acteurs de l'école, avec les parents, avec ceux qui sont directement concernés par l'école qu'il s'agissent des organisations syndicales, patronales, des grandes autorités scientifiques, morales, des associations représentatives des élus, etc.

Cette concertation, comme la mission l'a menée dans le temps et avec les moyens qui lui étaient impartis, doit permettre d'écouter, d'échanger sur ce qui marche chez nous comme chez nos voisins, de restituer les propositions envisagées avant qu'elles ne soient arrêtées. Ce n'est pas en le décrétant d'en haut qu'on pourrait faire du contenu du socle commun, un élément du patrimoine de la Nation, ce qui est pourtant indispensable car il s'agit bien de cela.

La définition des « savoirs enseignés à l'école » devra recevoir une légitimité démocratique.

Le choix des grandes compétences clés qui structureront la définition du socle commun devra être validé par le Parlement d'une manière à définir.

Certes la loi d'orientation a renvoyé la définition des compétences et connaissances constituant le socle commun à un décret pris après avis du Haut conseil de l'éducation (HCE). C'est pourquoi il faudra trouver la voie que pourra prendre cette validation. Mais elle est nécessaire.

Les raisons qui jusqu'à ce jour, ont toujours conduit aux blocages interdisciplinaires, restent intactes. Pour les surmonter, l'instance technique doit pouvoir s'appuyer sur un « cahier des charges » doté d'une vraie légitimité démocratique.

Ce qui est proposé ne consiste pas en de simples ajustements de programmes plus ou moins importants. En effet, le prolongement de l'acquisition de connaissances par les compétences correspondantes, c'est-à-dire par les capacités à utiliser ces savoirs dans des situations variées, les choix qu'impose la notion de socle commun, les conditions à réunir pour que 100 % des élèves puissent réellement l'acquérir, tout cela constitue un vrai changement d'approche. Un mandat validé par la représentation nationale sera bien utile pour que l'instance d'experts nommés que constitue le HCE puisse engager et mener à bien ces véritables changements.

Enfin, comme il a été dit, il s'agit dorénavant de ce que la Nation demande à son école de transmettre à tous ses enfants. Le contenu touche à la compétitivité de notre économie, à la cohésion de notre société, à l'avenir de notre pays, à l'identité de notre Nation.

Le Parlement a donc particulièrement vocation à en débattre et à en valider les grands éléments.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le présent rapport d'information au cours de sa réunion du mercredi 13 avril 2005.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est interrogé sur la notion de validation démocratique des connaissances. Si l'on voit bien son intérêt dans l'idéal, on peut douter de son efficacité. N'existe-t-il pas d'autres structures qui se révéleraient moins sensibles aux pressions de certaines disciplines ?

Par ailleurs, on peut regretter le manque d'articulation dans le rapport entre les savoirs enseignés à l'école et l'enseignement supérieur. Les connaissances acquises à l'école doivent former un puzzle, cohérent et pluridisciplinaire, avant que l'étudiant ne se spécialise dans un parcours universitaire. Bon nombre de grandes découvertes ont été le fait de jeunes chercheurs qui trouvent des idées parce qu'ils sont encore très proches de leur formation scolaire générale. Ainsi, Watson a découvert la structure de l'ADN à 23 ans grâce à ses connaissances en géométrie de l'espace et en chimie acquises à l'école, avant de devenir généticien.

Mme Martine David a remercié le rapporteur pour sa synthèse complète des travaux de la mission d'information. Il est regrettable que ces travaux soient passés presque inaperçus, occultés par la discussion du projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école alors qu'ils sont de grande qualité et que les auditions ont été diverses et très intéressantes. Le rapport devrait toutefois permettre aux responsables du ministère de l'éducation nationale de prendre conscience qu'il existe des partenaires pouvant apporter des contributions importantes à la réflexion sur l'évolution du système éducatif. Il est également regrettable de ne disposer des résultats de la mission qu'après le vote de la loi d'orientation. Beaucoup d'éléments du rapport auraient pu être pris en compte par le ministre lors des débats.

La structure, le contenu et la conclusion du rapport reflètent bien l'état de notre système éducatif ainsi que les marges de progression et les remises en cause nécessaires. Il ne faut pas figer dans le marbre le contenu de la loi d'orientation et le rapport de la mission propose à juste titre d'autres voies d'évolution que la seule expertise technique.

Les deux éléments de la conclusion du rapport sont particulièrement importants : la concertation sur un socle qui ne doit pas être figé ; la légitimité démocratique de la validation du socle. Sur ce dernier point, il appartient au HCE de présenter des propositions mais elles ne seront qu'un avis d'experts enfermés dans leur coquille. Si on s'en tenait à cet avis, on commettrait une erreur et on passerait à côté de la véritable réforme. En outre, seul le Parlement pourrait rendre toute sa crédibilité au système éducatif. Aussi, dès lors que le contenu du socle n'a pas été inscrit dans la loi, l'Assemblée nationale pourrait-elle, dès la prochaine rentrée scolaire, organiser un débat sans vote sur cette question afin de montrer l'engagement des parlementaires.

Craignant que ses propos n'aient été mal interprétés, le président Jean-Michel Dubernard a précisé qu'il est favorable à l'organisation d'un débat sur l'école à l'Assemblée nationale, indiquant toutefois que l'influence des groupes de pression n'y est pas absente.

M. Yves Durand a également remercié le rapporteur pour la qualité de son travail et la diversité des personnes auditionnées, diversité d'opinion et de compétence. Au cœur de la mission se trouve une question qui, pour être ancienne, n'en demeure pas moins fondamentale : que doit-on apprendre à l'école ou, pour reprendre une expression célèbre, comment créer un nouvel « honnête homme » ? Claude Allègre, alors qu'il était ministre de l'éducation nationale du gouvernement de Lionel Jospin, avait organisé dans les lycées et sous la direction de M. Philipe Meirieu - auditionné par la mission - un débat sur les savoirs à enseigner.

Si l'on peut partager l'esprit et les conclusions du rapport présenté par M. Pierre-André Périssol, toutefois, la non-concomitance de ce rapport et de l'examen du projet de loi d'orientation est regrettable. De ce fait, le rapport, dont c'était pourtant le but, n'a pas pu alimenter le débat sur le projet de loi. Cependant, les lois ne sont pas figées - et celle-là moins qu'une autre en raison de sa vacuité - de telle sorte que des perspectives restent ouvertes. A ce titre, il serait souhaitable que le travail de la mission - qui dresse un état des lieux et soulève à bon escient de nombreuses questions - ne s'interrompe pas avec la publication du rapport et puisse se poursuivre, sous une forme qu'il reste à déterminer. Le sujet est d'une telle importance qu'une réflexion permanente est nécessaire. Cela pose évidemment la question du rôle et de la place du Parlement dans la définition des savoirs enseignés à l'école. Là encore, le débat n'est pas nouveau. Toutes les organisations syndicales d'enseignants sont favorables à ce que le Parlement décide du type de savoirs que doit transmettre l'école. Si cette dernière est au cœur de la société, le Parlement ne doit pas être écarté, fût-ce au profit d'un comité d'experts dont la composition n'est pas à l'abri de critiques. C'est ce qui se passe dans les pays du Nord comme la Finlande où le Parlement, s'il n'a pas vocation à définir précisément les programmes et les horaires de chaque discipline, se prononce sur la définition des savoirs et les finalités de l'école. Un débat parlementaire régulier sur l'école est donc nécessaire afin de procéder également à une évaluation du système éducatif. A l'évidence, le court débat budgétaire - qui constitue, à l'heure actuelle, la seule intervention régulière de la représentation nationale dans le domaine scolaire - n'est plus suffisante. Les experts doivent mettre en œuvre ce que le Parlement décide. Même la Cour des comptes n'a pas de légitimité démocratique pour décider quoi que ce soit. C'est pourquoi le travail de la mission doit être pérennisé, par exemple, sous la forme d'un groupe de travail.

Le président Jean-Michel Dubernard a répété qu'il est favorable à l'organisation d'un débat régulier sur l'école au Parlement mais pas à la prolongation des travaux de la mission, faute d'un outil juridique approprié. L'Assemblée nationale ne dispose pas d'une commission de l'éducation pouvant assurer la permanence de tels travaux, comme c'est le cas actuellement en Finlande ou l'a été en France sous la IIIe République où cette commission a notamment été présidée par Paul Bert, physiologiste précurseur des greffes animales.

Mme Corinne Marchal-Tarnus a félicité le rapporteur pour son travail et notamment pour le courage avec lequel il a su porter des idées qui n'étaient pas toujours accueillies favorablement. L'école est le premier facteur de cohésion sociale et elle a vocation à former les jeunes en vue de leur vie d'adulte. Dans la poursuite de cet objectif, le système scolaire français rencontre à tous les niveaux - formation des maîtres, sédimentation des programmes, etc. - des difficultés qui sont essentiellement d'ordre structurel. Toutes les approches transversales, par compétences, du système éducatif ont fini par échouer faute d'adhésion des enseignants qui ne sont pas préparés à cela. Pour surmonter les difficultés, il importe, comme l'a très bien fait la mission, de trouver un consensus entre les différentes sensibilités politiques et de replacer le Parlement au centre d'un débat dont l'enjeu est l'avenir des enfants. Les orientations qui seront proposées par le Haut conseil de l'éducation créé par la loi d'orientation seront d'autant plus légitimes, et auront d'autant plus de chances de devenir réalité, qu'elles auront fait l'objet d'une validation par le Parlement.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a indiqué que le champ de la mission était celui de la scolarité obligatoire. Toutefois il y a un lien entre les travaux de la mission et l'enseignement supérieur puisque le rapport, faisant écho aux propos tenus par différentes personnes auditionnées, préconise le développement de capacités et de compétences clés, ce qui les prépare mieux à des études ultérieures.

L'intervention du Parlement pour valider un cahier des charges qui s'imposera aux experts apparaît comme un élément fondamental. Le témoignage de M. Luc Ferry recueilli par la mission est sur ce point très éclairant : ancien président du Conseil national des programmes et ancien ministre de l'éducation nationale, il a connu le versant « expert » et le versant « politique ». Or, fort de cette expérience, il estime impératif la consultation du Parlement car lui seul dispose de la légitimité nécessaire pour faire face aux groupes de pression disciplinaires. Ces derniers structurent l'ensemble du système éducatif et seul le Parlement peut imposer d'autres choix. La mission s'est émancipée de tout lobby en définissant des objectifs prioritaires. Même l'éducation physique et sportive n'est pas traitée dans le rapport comme une discipline mais comme un instrument pour développer les capacités. Reste à trouver le moyen juridique le plus adéquat pour associer le Parlement à cette validation. Il ne s'agit pas, pour la représentation nationale, de faire un coup de force mais, fort légitimement, de prendre position dans un débat fondamental pour la société et de soutenir ainsi l'action du gouvernement.

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La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

ANNEXES

COMPOSITION DE LA MISSION

(11 membres)

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M. Pierre-André Périssol, président

UMP

Mme Martine David

SOC

M. Yves Durand

SOC

M. Yvan Lachaud

UDF

M. François Liberti

CR

M. Lionnel Luca

UMP

Mme Corinne Marchal-Tarnus

UMP

Mme Nadine Morano

UMP

M. Frédéric Reiss

UMP

Mme Juliana Rimane

UMP

M. Patrick Roy

SOC

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

- Mme Josette Daniel, présidente, et Mme Lucile Rabiller, secrétaire générale, de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP) ;

- M. Bernard Hugonnier, directeur-adjoint de la direction de l'éducation de l'OCDE ;

- M. Roger Fauroux, ancien ministre, industriel et président d'honneur de la compagnie Saint Gobain ;

- M. Vincent Merle, professeur au Conservatoire national des arts et métiers ;

- Mme Monique Weber, déléguée nationale, et M. Marcel Brouard, conseiller technique, de la CGE-CGC

- M. Dominique de Calan, président du groupe « enseignement supérieur et recherche » au MEDEF ;

- M. Jean-Louis Laurent, responsable de l'enseignement, et Mme Pascale Brethenoux, secrétaire générale du syndicat de l'éducation nationale, de la recherche et des affaires culturelles (SCENRAC), de la CFTC ;

- M. Antoine Prost, historien de l'éducation ;

- M. Jean-François Veysset, vice-président chargé des affaires sociales de la CGPME ;

- M.  Hubert Brin, président de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) ;

- Mme Annie Quiniou, vice-présidente du syndicat national des lycées et collèges (SNALC), et M. René Brugieres, vice-président du SNALC, M. Jean-Marc Devoge, vice-président du syndicat national des écoles (SNE), et M. Vincent Gavard, secrétaire général du SNE, de la Confédération syndicale de l'Education nationale (CSEN) ;

- Mme Luce Pépin, administratrice à l'unité « développement des politiques de l'apprentissage tout au long de la vie », directrice générale de la Commission européenne ;

- M. Michel Lagües, directeur de l'espace sciences de l'Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles ;

- Mme Marie-Thérèse Geffroy, directrice de l'Agence nationale de lutte contre l'illetrisme;

- M. Georges Charpak, membre de l'Institut de France ;

- M. Alain Bentolila, linguiste, professeur à l'université de Paris V-René Descartes ;

- M. Jean-Pierre Boisivon, délégué général de l'Institut de l'entreprise ;

- Mme Marie-Suzie Pungier, secrétaire confédérale chargée du secteur économique et enseignement, M. François Chaintron, secrétaire général de la fédération enseignement et culture de FO, Mme Marie-Edmonde Brunet, secrétaire générale du syndicat national des lycées et collèges (SNALC) et M. Paul Barbier, secrétaire général du syndicat des instituteurs, de la CGT-FO ;

- M. Gérard Aschieri, secrétaire général, Mme Gisèle Jean, M. Gilles Moindrot et M. Alain Becker, responsables du bureau fédéral, de la Fédération syndicale unitaire (FSU) ;

- Mme Annie Thomas, secrétaire nationale, et Mme Catherine Ducarne, secrétaire confédérale, de la CFDT ;

- M. René Rémond, historien ;

- M. Hervé Hamon, écrivain ;

- M. François de Closets, journaliste ;

- M. Michel Pebereau, membre du comité des écoles du MEDEF et président de BNP Paribas, et M. Bernard Falck, directeur de l'éducation et de la formation au MEDEF ;

- M. Philippe Meirieu, professeur de sciences de l'éducation, directeur de l'institut universitaire de formation des maîtres de Lyon ;

- M. Marcel Ruffo, pédopsychiatre ;

- M. Aimé Jacquet, directeur technique national de la Fédération française de football ;

- M. Christophe André, médecin psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne ;

- M. Hubert Curien, ancien ministre de la recherche ;

- M. Jean-Luc Villeneuve, secrétaire général, Mme Raymonde Piecuch et M. Marc Douaire, membres du SGEN-CFDT ;

- M. Eric Raffin, président de l'Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (UNAPEL) ;

- M. Evencio de Paz, principal du collège Claude Debussy à Aulnay-sous-Bois ;

- M. Jean Lafontan, secrétaire général, M. Jean Becker, secrétaire national, et M. Serge Chabrol, secrétaire national du Syndicat national de l'éducation physique (SNEP-FSU) ;

- M. Jean-François Bach, professeur à l'université René Descartes et membre de l'Académie des sciences - section biologie humaine et sciences médicales ;

- M. Edouard Brézin, président de l'Académie des sciences ;

- Mme Blandine Kriegel, philosophe, professeur des universités, présidente du Haut Conseil à l'Intégration ;

- M.  Claude Thélot, président de la commission du débat national sur l'avenir de l'école ;

- Mme Geneviève Zehringer, présidente de la société des agrégés de l'Université, M. Pierre Blazevic, agrégé de physique appliquée, professeur des universités à l'Université de Vélizy et vice-président de la société ;

- M. Paul Malartre, secrétaire général, et M. René Noailhat, responsable de la commission « enseignement et fait religieux », de l'enseignement catholique ;

- M. Alexandre Adler, éditorialiste au Figaro ;

- Mme Jacqueline Costa-Lascoux, directrice de recherche au CNRS ;

- M. Patrick Gonthier, secrétaire général, M.  Jean-Louis Blanc, M.  Philippe Niemec et M. Patrick Roumagnac, de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) ;

- M. Georges Dupont-Lahitte, président et M. Farid Hamana, secrétaire général, de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) ;

- M. Daniel Goudineau, directeur général de France 5, Mme Geneviève Giard, secrétaire générale-adjointe de France 2, et M.  Christopher Baldelli, directeur général de France 2 ;

- M. Marc Fumaroli, professeur honoraire au Collège de France ;

- M. Xavier Nau, secrétaire général, et Mme Marie-Agnès Fondard, secrétaire nationale, de la FEP-CFDT (enseignants du secteur privé) ;

- M. Joël de Rosnay, docteur ès sciences et écrivain ;

- M. Dominique Borne, doyen de l'Inspection générale de l'éducation nationale, et Mme Anne-Marie Bardi, inspectrice générale de l'éducation nationale ;

- M.  Yves Malier, membre de l'Académie des technologies ;

- M. Luc Ferry, ancien ministre de l'éducation nationale, ancien président du Conseil national des programmes ;

- M. Patrick Gérard, directeur de l'enseignement scolaire au ministère de l'éducation nationale (DESCO).

QUELQUES OBSERVATIONS RETENUES
PAR LA MISSION D'INFORMATION

· A propos de l'utilité du Parlement sur la validation des contenus des savoirs enseignés à l'école.

En 1989, la commission de réflexion sur les contenus de l'enseignement présidée par François Gros et Pierre Bourdieu précise : « Il importe de substituer à l'enseignement actuel, encyclopédique, additif et cloisonné, un dispositif articulant des enseignements obligatoires, chargés d'assurer l'assimilation réfléchie du minimum commun de connaissances, des enseignements optionnels, directement adaptés aux orientations intellectuelles et au niveau des élèves, et des enseignements facultatifs et interdisciplinaires relevant de l'initiative des enseignants. Cette diversification des formes pédagogiques et des statuts des différents enseignements devrait tenir compte de la spécificité de chaque spécialité tout en permettant d'échapper à la simple comptabilité par « discipline » qui est un des obstacles majeurs à toute transformation réelle des contenus des enseignements. »

M. Luc Ferry, auditionné par la mission sur son expérience d'ancien président du Conseil national des programmes (CNP), rappelle que dès 1994, les constats du CNP étaient clairs : « La complexité et la spécialisation des savoirs (...) rendent les slogans simples (lire, écrire, compter) insuffisants en même temps que les visées encyclopédiques s'avèrent obsolètes. Nos programmes n'en devraient pas moins afficher une volonté politique, au vrai sens du terme, c'est-à-dire traduire les choix fondamentaux que notre société considère comme nécessaire à la formation de ses enfants ».

En 1996, la commission de réflexion sur l'école présidée par M. Roger Fauroux précisait : « Il est difficile aux pédagogues les plus compétents et les mieux intentionnés, eux-mêmes anciens bons élèves d'admettre que la mission capitale de l'école n'est pas de produire des professeurs ou des savants, mais de garantir à tous, pour la vie entière, des savoirs qui ne sont pas inscrits directement dans les programmes (...) Les savoirs primordiaux de l'obligation scolaire sont liés au fonctionnement du pacte social, à la vie civique, aux circonstances courantes de la vie professionnelle et quotidienne (...). Ces savoirs ne peuvent pas être définis par les seuls enseignants et livrés aux résultats hasardeux de la compétition entre disciplines ».

· A propos des conséquences de l'approche disciplinaire

M. Marcel Ruffo affirme que le saucissonnage des enseignements et des disciplines au collège est un désastre pour les enfants les plus fragiles.

M. Philippe Meirieu déplore la technique du feuilletage et de l'empilement alors qu'il faut reconfigurer l'enseignement autour de priorités et de thématiques.

· A propos de ce qui doit faire sens à l'école

L'école est aujourd'hui concurrencée par d'autres formes d'accès au savoir et à l'information.

« C'est pas fait pour nous », M. Hervé Hamon l'a souvent entendu dans son enquête récente dans les collèges et selon lui il faut recréer une connivence culturelle entre les élèves défavorisés et l'institution.

Mme Jacqueline Costa-Lascoux a parlé de « clash » des cultures, des modes de vie, des relations à l'institution scolaire, à la loi, qui fait apparaître que tout ce que l'on croyait acquis, y compris dans les familles les moins scolarisées, ne va plus de soi. Dans les milieux défavorisés, les motivations scolaires étaient fortes : il fallait aller à l'école pour être instruit, ce qui signifiait être une personne autonome, un citoyen, un bomme responsable, un homme debout.

M. François de Closets a considéré que les réponses apportées par les enseignants à des questions qui ne sont pas posées ne peuvent déclencher que du rejet. Il faudrait donc revoir entièrement les modalités de transmission des savoirs et surtout favoriser leur appropriation par les élèves. Or les programmes sont conçus par les maîtres des disciplines et n'ont de sens que pour ceux qui atteignent le sommet de la pyramide.

· A propos de la responsabilité des médias dans l'éducation

M. Hubert Brin a fait observer qu'il est indispensable d'introduire dans le socle commun la capacité à décrypter et à hiérarchiser les informations et les images diffusées en permanence par les médias. En effet, les enfants passent, en moyenne, 1 400 heures chaque année devant la télévision et seulement 800 heures à l'école.

· A propos des finalités de l'enseignement obligatoire

Les représentants du SGEN-CFDT en ont identifié quatre que le socle commun devrait viser : obtenir une qualification, pouvoir lire la complexité du monde contemporain, détenir un réel pouvoir sur son propre devenir, exercer une citoyenneté active, responsable et solidaire. L'objectif majeur doit être de procurer aux enfants les outils nécessaires pour développer toutes leurs potentialités.

· A propos du développement de la personne des élèves

M. Dominique Borne souligne la contribution de l'éducation physique et sportive qui sert à acquérir la maîtrise du corps. Dans ce but également une place indispensable doit être faite à l'imaginaire et au sensible par l'enseignement de l'art et de la poésie.

· A propos savoir parler, écrire, lire pour maîtriser sa langue

Pour M. Marc Fumaroli, c'est à partir de la langue même que, par étapes successives, on atteint tous les domaines du savoir. Apprendre à s'exprimer de façon différente selon les situations et les personnes est une immense leçon de civilité. L'histoire de la langue amène tout naturellement à celle de la Nation et de ses institutions : le mot « Parlement », par exemple, n'avait pas en 1660 le même sens qu'en 1875.

· A propos de la capacité à accepter la complexité du monde

Selon M. Joël de Rosnay, l'enseignement en France analyse cette complexité du monde en la différenciant en éléments plus simples sans établir de relations entre eux, au moyen d'un « programme » scindé en disciplines. A l'inverse il faut favoriser, selon lui, les disciplines « carrefour » et s'attacher en tout temps à relier des domaines de connaissances différents.

M. Georges Charpak a fait part à la mission, avec enthousiasme, de la mise en place de la forme d'apprentissage que représente la main à la pâte et de ses effets positifs, notamment, sur les enfants en échec scolaire. Tout repose sur l'apprentissage du raisonnement scientifique qui conduit au débat démocratique. Cela conduit à réintroduire le plaisir de l'apprentissage et de la découverte. La méthode de la main à la pâte leur donne un but et leur procure beaucoup de plaisir. C'est une aventure civique autant que scientifique. Les élèves apprennent à discuter par groupe de quatre et l'instituteur peut dire « je ne sais pas » comme un chercheur scientifique. Cette démarche stimule l'innovation dans les écoles.

· A propos de la capacité à se repérer dans le temps et l'espace

Pour M. Marc Fumaroli, la chronologie est le fil qui relie tous les savoirs, qu'il s'agisse de l'histoire politique, militaire, diplomatique, littéraire, de celle des arts ou des langues.

Avoir des repères chronologiques doit permettre de mieux percevoir le monde. Par exemple, il est intéressant de savoir que la même année, 1492, l'Europe s'est fermée en expulsant les musulmans et les juifs d'Espagne et s'est ouverte en envoyant Christophe Colomb découvrir l'Amérique.

A propos du nécessaire décloisonnement des disciplines

M. Jean-François Bach a considéré que l'on a raté beaucoup de virages à cause de la tendance à empiler les connaissances, une tendance qui va s'aggravant. Il serait souhaitable, au moins dans les premières années du collège, que les élèves aient un seul et même professeur chargé de leur prodiguer un enseignement dans plusieurs matières notamment scientifiques.

M. Yves Malier a utilement cité l'exemple de l'apprentissage de l'informatique qui progresse, sans être une discipline reconnue et en dépit de l'absence de professeurs diplômés, sous l'impulsion d'enseignants de diverses matières volontaires et compétents.

· A propos de la valorisation des diverses formes d'intelligence

M. Marcel Ruffo a indiqué qu'il y a deux types d'enfants, ceux qui peuvent synthétiser, imaginer les cultures, et ceux qui sont obligés d'être dans une relation pratique où l'acquisition de connaissances est toujours en relation avec une pratique.

M. René Rémond a demandé s'il ne fallait pas faire plus de place à l'expérimentation personnelle et à la démarche inductive (comme dans l'expérience de la main à la pâte). Les démarches inductives et déductives doivent se compléter, ce qui compte c'est la formation de l'esprit.

· A propos de la nécessaire adaptation de l'évaluation aux nouvelles priorités

M. Jean-Pierre Boisivon a expliqué que l'objectif prioritaire du système est la réussite aux examens, car le marché du travail ne sait évaluer les compétences qu'à travers les diplômes.

Pour les représentants de l'UNSA la notion de compétences s'exprime et s'évalue dans l'action, ce qui implique d'autres modes de validation.

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N° 2247 - Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la définition des savoirs enseignés à l'école (rapporteur : M. Pierre-André Périssol)