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N° 2424

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 juin 2005.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,

FAMILIALES ET SOCIALES

sur

la politique des pouvoirs publics dans le domaine de l'éducation
et de la formation artistiques

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Muriel Marland-Militello,

Députée.

___

INTRODUCTION 7

INTRODUCTION 9

I.- LA PLACE INCERTAINE DES ARTS AU SEIN DE L'ÉCOLE 13

A. UN INTÉRÊT RECONNU PAR DE NOMBREUX PÉDAGOGUES ET DES EXPÉRIENCES VARIÉES ET ANCIENNES 15

1. L'éducation artistique a un intérêt intrinsèque : construction de la personnalité et diffusion de valeurs essentielles 15

2. L'éducation artistique a un effet pédagogique très positif confirmé par des expériences anciennes et variées 15

B. LA RECONNAISSANCE OFFICIELLE D'UNE NÉCESSAIRE DÉMOCRATISATION DE L'ÉDUCATION ARTISTIQUE CONTREDITE PAR UNE PRATIQUE FLUCTUANTE 20

1. Les projets et les discours officiels sont nombreux 20

a) Le grand intérêt de la loi du 6 janvier 1988 relative aux enseignements artistiques 20

b) Le plan de développement des arts et de la culture à l'école de Mme  Catherine Tasca et M. Jack Lang 20

c) Le plan de relance de l'éducation artistique et culturelle de MM. François Fillon et Renaud  Donnedieu de Vabres 22

2. Mais les pouvoirs publics remettent régulièrement en cause les projets d'éducation artistique précédemment lancés 23

a) Une application lacunaire de la loi du 6 janvier 1988 24

b) Une remise en cause périodique de l'éducation artistique 25

C. D'OÙ UNE INÉGALITÉ PERSISTANTE SUR LE TERRITOIRE 27

II.- LA FORMATION ARTISTIQUE : UN PRÉALABLE INDISPENSABLE À UNE ÉDUCATION ARTISTIQUE DE QUALITÉ 31

A. LA FORMATION ARTISTIQUE DES ENSEIGNANTS DU PREMIER ET DU SECOND DEGRÉS EST AUJOURD'HUI DÉFAILLANTE 31

1. Une formation initiale qui néglige la formation artistique 32

a) La formation des enseignants de musique et d'arts plastiques 34

b) La formation initiale des autres enseignants 34

2. Une formation artistique continue qui est encore insuffisante 42

a) Les difficultés de la formation artistique continue des professeurs 43

b) Des expériences intéressantes à généraliser 45

B. LA QUESTION DE LA FORMATION DES CADRES DE L'ÉDUCATION NATIONALE EST POSÉE 46

III.- LE DÉVELOPPEMENT D'UNE ÉDUCATION ARTISTIQUE DE MEILLEURE QUALITÉ 49

A. STRUCTURER L'ÉDUCATION ARTISTIQUE AUTOUR DES ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES 49

1. Quelles disciplines étudier dans le cadre des enseignements artistiques obligatoires ? 50

2. Selon quelle pédagogie ? 50

3. Sur quelle durée et selon quelles modalités et périodicité ? 52

a) Sur quelle durée ? 52

b) Selon quelles modalités et périodicité ? 54

B. S'INSPIRER DES PROJETS REMARQUABLES QUI FLEURISSENT DANS LES RÉGIONS FRANÇAISES 55

a) L'exemple breton  56

b) L'exemple alsacien  58

c) La région Provence-Alpes-Côte d'Azur 60

d) La ville de Paris 63

C. MIEUX COORDONNER LES DISPOSITIFS D'ÉDUCATION ARTISTIQUE 66

1. Favoriser le décloisonnement institutionnel 66

2. Mieux coordonner éducation et enseignements artistiques 67

3. Harmoniser les dispositifs et moyens nationaux et locaux en faveur de l'éducation artistique 69

a) Améliorer la coordination et le dialogue de proximité 70

b) Privilégier la contractualisation et la mutualisation des moyens sur des périmètres cohérents 72

c) Poser la question des locaux adaptés 73

D. MIEUX ASSOCIER LES ARTISTES ET LES INSTITUTIONS CULTURELLES DE PROXIMITÉ 74

1. Bien distinguer le travail pédagogique de l'enseignant de la présence de l'artiste ou de l'intervenant extérieur 75

2. Développer et pérenniser les collaborations 77

a) La question de la durée de l'intervention artistique 77

b) L'intérêt de la mise à disposition d'enseignants dans les structures culturelles 78

c) Le nécessaire développement des structures éducatives des institutions culturelles 80

d) L'importance d'objectifs clairs d'action éducative dans les institutions culturelles 82

e) Le développement de l'aide au montage de projets 82

3. Favoriser le développement des pratiques amateures dans et hors de l'école 84

E. QUELS MOYENS FINANCIERS NATIONAUX POUR L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ? 89

1. Le budget actuellement consacré par le ministère de l'éducation nationale 89

a) Les crédits affectés aux enseignements artistiques 89

Source : ministère de l'éducation nationale. 89

b) Les crédits affectés à l'éducation artistique 90

2. Le budget actuellement consacré par le ministère de la culture 91

3. La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances : une chance pour l'éducation artistique ? 93

TRAVAUX DE LA COMMISSION 97

ANNEXES : 1RE PARTIE 101

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION 105

ANNEXE 2 : SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS 107

ANNEXE 3 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES À L'ASSEMBLÉE NATIONALE 113

ANNEXE 4 :LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES LORS DES DÉPLACEMENTS 117

ANNEXES : 2EME PARTIE : 127

ANNEXE 5 : COMPTE RENDUS DES AUDITIONS 127

ANNEXE 6 : BIBLIOGRAPHIE 315

ANNEXE 7 : TEXTES EN VIGUEUR 317

ANNEXE 8 : LISTE DES PÔLES DE RESSOURCES 321

ANNEXE 9 : LISTE DES PROGRAMMES ET ACTIONS FINANÇANT L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE AU SEIN DU BUDGET DU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE 323

ANNEXE 10 : EXEMPLES LOCAUX 327

INTRODUCTION

« Assurer à chacun la facilité de (...) se rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a droit d'être appelé, de développer toute l'étendue des talents qu'il a reçus de la nature, et par là, établir entre les citoyens une égalité de fait et rendre réelle l'égalité politique reconnue par la loi : tel doit être le premier but d'une instruction nationale ; et, sous ce point de vue, elle est pour la puissance publique un devoir de justice ».

Condorcet, Discours devant l'Assemblée nationale législative, 2 avril 1792

Depuis le XVIIIe siècle jusqu'à nos jours, le discours des pouvoirs publics dans le domaine de l'éducation artistique est étonnamment constant. Récemment encore, en janvier 2005, le plan de relance de MM. François Fillon et Renaud Donnedieu de Vabres qualifie l'éducation artistique de « composante essentielle de la formation des enfants d'âge scolaire et des jeunes ». M. Jack Lang, alors ministre de l'éducation nationale, déclarait déjà en 2000 qu'il n'y a pas « d'autre lieu que l'école pour organiser la rencontre de tous avec l'art, il n'y a pas d'autre lieu que l'école pour instaurer de manière précoce le contact avec les œuvres. Il n'y a pas, enfin, d'autre lieu que l'école pour réduire les inégalités d'accès à l'art et à la culture ».

Pourtant, force est de constater que les moyens humains et financiers alloués à la formation des maîtres et à l'éducation artistique des élèves n'ont jamais permis de traduire dans la réalité ces bonnes intentions.

Donc, en dépit de la grande richesse des initiatives et des projets d'éducation artistique et de la qualité des enseignants comme des intervenants œuvrant dans ce domaine, l'éducation artistique est loin de bénéficier à tous et même les enfants touchés à un moment de leur scolarité ne manifestent pas à l'âge adulte autant qu'on pourrait s'y attendre un intérêt durable pour les arts. Malgré l'augmentation de l'offre, les manifestations culturelles n'attirent toujours qu'un public en nombre restreint et souvent composé d'initiés.

Pourquoi et comment y remédier ?

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales s'est fixé pour objectif de répondre à ces questions et a décidé le 21 décembre 2004 de créer, à cette fin, une mission d'information pour mener une réflexion sur la politique des pouvoirs publics dans le domaine de l'éducation et de la formation artistiques.

Au sein de l'univers culturel, l'éducation artistique s'attache plus particulièrement à initier les élèves aux arts plastiques et visuels et aux expressions musicales en faisant appel à leurs sens, leur sensibilité, leur imagination.

Cette éducation artistique comprend à la fois des enseignements spécifiques et des pratiques et dispositifs transversaux.

Les modalités de mise en œuvre de l'éducation artistique en France

- Les enseignements artistiques : de la maternelle au collège, les enseignements artistiques s'inscrivent dans la formation générale obligatoire. Ils se partagent entre arts visuels et éducation musicale à l'école primaire, arts plastiques et éducation musicale au collège. A partir du lycée, ils procèdent d'un choix de l'élève. Ils peuvent être une des composantes de sa formation générale ou correspondre à un choix d'orientation professionnelle.

- Des dispositifs pédagogiques transversaux : depuis quelques années, le ministère de l'éducation nationale a mis en place des dispositifs pédagogiques transversaux (itinéraires de découverte, travaux personnels encadrés, classes à projet artistique et culturel, projets pluridisciplinaires à caractère professionnel). Ils permettent aux élèves de découvrir concrètement les relations entre la création artistique, les humanités, les sciences et les techniques. De l'école au lycée, les enseignements s'enrichissent de ces différentes démarches.

- Des activités complémentaires : dans le cadre du projet de l'établissement, d'autres activités artistiques et culturelles (chorales, ateliers artistiques, classes culturelles transplantées, jumelages, « école et cinéma ») peuvent être proposées aux élèves. A l'initiative et sous la responsabilité des professeurs, elles prennent appui sur les ressources de proximité et sont souvent soutenues par les collectivités locales. A partir du collège, les activités s'adressent à des élèves volontaires et peuvent se dérouler dans le (ou hors) temps scolaire.

Source : ministère de l'éducation nationale

La notion d'« éducation artistique » recouvre donc toutes les démarches pédagogiques concourant à apporter aux jeunes d'âge scolaire (maternelle, primaire, collège et lycée) un éveil, une initiation ou un enseignement aux arts. Elle est le fruit de quatre composantes complémentaires : une pratique artistique qui met en jeu le corps et la sensibilité, une approche culturelle réunissant les savoirs sur les œuvres du patrimoine et la découverte de la création contemporaine, mais également l'approche artistique des matières fondamentales, et, enfin, des techniques et des méthodes à maîtriser.

Les enseignements artistiques, qui sont donc une composante de l'éducation artistique, recouvrent plus spécifiquement les matières artistiques enseignées de manière obligatoire aux enfants.

La mission s'est attachée à étudier la pertinence des différents dispositifs d'éducation artistique existants :

- enseignements artistiques obligatoires à l'école et au collège ;

- options obligatoires ou facultatives du lycée ;

- ateliers artistiques et autres dispositifs : classes culturelles, classes à projet artistique et culturel (PAC), classes à horaires aménagés ;

- dispositifs de sensibilisation : Ecole au cinéma, collège au cinéma, Lycéens au cinéma, chartes « Adopter son patrimoine », Architecture au collège, etc.

La notion de « formation artistique » recouvre quant à elle la formation des enseignants et intervenants de l'éducation artistique, c'est-à-dire :

- la formation initiale et continue des enseignants et des personnels de l'éducation nationale ;

- la formation des artistes et des acteurs culturels intervenant en milieu scolaire.

La mission a tenté d'évaluer les conditions d'application des différents textes en vigueur et s'est interrogée sur ce qui explique le cas échéant qu'ils ne soient pas appliqués.

Pour ce faire, elle a auditionné plus de cinquante personnes à l'Assemblée nationale, afin d'entendre les acteurs de l'éducation artistique et de se nourrir de leurs propres réflexions. Elle s'est également déplacée sur le terrain pour recueillir un maximum d'informations sur les expériences menées en Bretagne, en Alsace, en Provence-Alpes-Côte d'Azur et dans deux autres pays européens : l'Italie et la Norvège.

C'est dans ce cadre que la mission formule des propositions pour garantir une éducation et une formation artistiques, à chacun, dignes de ce nom et assurer, par ce biais, une véritable démocratisation artistique et culturelle.

I.- LA PLACE INCERTAINE DES ARTS AU SEIN DE L'ÉCOLE

Les arts sont souvent mal perçus, voire dévalorisés à l'école, chaque fois que certains professeurs, peu ou mal informés, n'en perçoivent pas l'intérêt ou ne savent pas comment mieux intégrer les arts dans leur enseignement, chaque fois que les institutions culturelles ne font pas toujours de l'éducation artistique une priorité.

Le débat sur l'école est d'ailleurs aujourd'hui centré sur les matières dites « fondamentales », ce qui semble renvoyer d'emblée les disciplines artistiques au second plan. L'impression qui prévaut est qu'elles ne font pas partie des préoccupations centrales du ministère de l'éducation nationale.

M. Jean Benezech, ancien membre de la mission pour l'éducation artistique et l'action culturelle, le rappelait lors de son audition devant la mission : le statut de l'art au sein du système scolaire n'est pas clair et est perçu très différemment selon les enseignants et selon leur formation. Il n'est parfois pas perçu du tout.

L'exemple fourni par M. Henri Loyrette, président directeur du Musée du Louvre, est à cet égard troublant. L'appréhension dissuade souvent les enseignants d'amener une classe au musée, et la crainte de ne pas « savoir faire » les conduit toujours à demander une conférencière. Le palais du Louvre est un lieu intimidant, qui peut même paraître arrogant avec ses collections savantes. Il faut un certain bagage pour comprendre et expliquer un tableau de Poussin.

Or les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) manquent du temps nécessaire pour corriger les idées préconçues de certains élèves maîtres, selon lesquelles l'art serait réservé à une élite ou serait, en quelque sorte, la « cerise sur le gâteau » de l'éducation des enfants, selon la comparaison employée par Mme Christine Herth, directrice-adjointe de l'IUFM de Paris, en charge de la formation.

Par ailleurs, très souvent, mal informés, certains enseignants ne sont donc pas persuadés que ce qui est fait dans le domaine artistique va éveiller les compétences qui serviront dans les autres disciplines. Au contraire, l'éducation artistique est perçue comme un alourdissement de la charge de travail et les professeurs considèrent en général, à juste titre, qu'ils n'ont pas le temps de ménager une place à l'art, étant donné l'ampleur actuelle des programmes.

Cette réaction du corps enseignant est aggravée par celle des parents. Comme le rappelait Mme Jeannine Hugo, professeur d'histoire-géographie au collège Rameau à Versailles, la logique dans laquelle s'inscrivent les parents n'arrange pas les choses. Ils veulent une rentabilité immédiate et ils pensent que les classes européennes ou les options scientifiques permettront plus facilement à leur enfant de disposer de tous les atouts pour réussir professionnellement. Dans cette optique, tout ce qui relève de l'art est laissé de côté, sauf lorsque c'est « utile ». Ainsi, le lycée Hoche de Versailles a mis en place une seconde Patrimoine, qui connaît un véritable succès parce que c'est la seule et unique option qui permette aux parents d'inscrire leurs enfants dans une classe où les élèves sont « sélectionnés »...

M. François Fillon, alors ministre de l'éducation nationale, ne disait pas autre chose devant la mission : l'opposition des parents est très forte lorsque l'on tente des expériences d'aménagement des rythmes scolaires ou de suppression de certaines heures de cours pour permettre aux établissements de développer d'autres activités, notamment artistiques.

Ainsi, comme le rappelait M. Didier Lockwood, musicien, président du Haut comité pour l'éducation artistique et président d'honneur du Comité national pour l'éducation artistique, devant la mission, « parce qu'elles ne sont pas rentables et parce qu'elles peuvent même être subversives, les activités artistiques pâtissent des effets pervers de l'orientation actuelle de la société » française.

Parallèlement, de nombreux interlocuteurs auditionnés par la mission l'ont souligné, les élèves s'excluent eux-mêmes des activités culturelles. Beaucoup pensent que ce n'est « pas pour eux ». Ainsi, au lycée Jean Geiler de Strasbourg, les élèves étaient initialement très réticents à participer à un projet artistique et culturel (PAC) sur l'Opéra national du Rhin, institution culturelle qu'ils ne connaissaient pas et pensaient ne jamais fréquenter. Le constat est identique à Paris, dans le cadre de l'opération « Dix mois d'école et d'opéra » menée par l'Opéra national. Mais après cet apprentissage, ils sont en revanche tous enthousiastes pour recommencer.

Enfin, les institutions culturelles de notre pays, percevant leurs missions de façon encore trop cloisonnée, ne font pas toujours de l'action culturelle et éducative une priorité. Comme le rappelait M. Robin Renucci, comédien, devant les membres de la mission en se remémorant sa propre expérience, « dès la formation des artistes, au Conservatoire, on ne s'intéresse pas au public. On se prépare à devenir une vedette, à entrer dans cette nouvelle bourgeoisie des comédiens. On n'y parle pas d'action culturelle ». Lors de la même audition, M. Didier Lockwood regrettait et soulignait que « les artistes doivent comprendre que l'art, en tant qu'objet culturel, tend à disparaître ? Il est donc particulièrement important, pour leur propre avenir, de travailler à créer un public chez les jeunes, ce qu'ils ne peuvent plus faire dans les médias ».

Ces freins expliquent en partie pourquoi les arts ont bien du mal à se frayer une place au sein des écoles : l'intérêt de l'éducation artistique est pourtant reconnu par de nombreux pédagogues et par des expériences anciennes et variées. Mais la reconnaissance officielle de la nécessaire démocratisation de l'éducation artistique est contredite par la pratique, beaucoup plus fluctuante.

A. UN INTÉRÊT RECONNU PAR DE NOMBREUX PÉDAGOGUES ET DES EXPÉRIENCES VARIÉES ET ANCIENNES

L'éducation artistique permet d'une part à l'enfant de se construire et de s'émanciper, en développant ses facultés sensibles et imaginatives, elle a d'autre part des effets pédagogiques indéniablement positifs pour l'appréhension d'autres domaines de l'enseignement.

1. L'éducation artistique a un intérêt intrinsèque : construction de la personnalité et diffusion de valeurs essentielles

« Donner à chacun les clés du trésor »

André Malraux

Au sein de l'éducation nationale, « il s'agit d'équilibrer le champ de l'intelligible par celui du sensible »(1). L'éducation artistique se fonde sur « la pratique dans une relation avec la création artistique et incite à l'expression personnelle ». Elle veille donc à donner la parole aux élèves pour qu'ils puissent exprimer leur étonnement, leurs inquiétudes, pour qu'ils puissent expliquer leur démarche individuelle et prendre conscience de la pluralité des perceptions du monde sensible au travers de créations multiformes. L'éducation artistique participe indiscutablement à la construction de la personnalité en développant particulièrement les aptitudes liées à la sensibilité, à l'imagination créatrice, tout en proposant des références culturelles et artistiques communes pour construire du lien social et, par delà, accéder à l'ensemble des valeurs humanistes transmises à l'école, « pour donner aux enfants de mon temps des modèles qui leur permettent de vivre mieux que nous ne le faisons aujourd'hui dans le monde qui sera le leur demain. C'est bien là ce que j'essaie de faire », nous écrit M. Raphaël Monticelli, délégué académique à l'action culturelle de Nice.

2. L'éducation artistique a un effet pédagogique très positif confirmé par des expériences anciennes et variées

De nombreux interlocuteurs auditionnés l'ont souligné : on peut parvenir, par les pratiques artistiques, à susciter la curiosité puis l'intérêt des enfants, et c'est à partir de ces petites expériences qu'une ouverture à la connaissance peut être trouvée. Mme Teresa Wagner, responsable du programme « Liens pour l'éducation et l'art » de l'Unesco, tout comme Mme Danièle Fouache, responsable du programme « Dix mois d'école et d'Opéra » à l'Opéra national de Paris, ont soulevé devant la mission un des grandes problématiques de l'éducation nationale : comment des enfants tellement éloignés de la connaissance, confrontés à la violence et aux difficultés de toutes sortes, pourraient-ils spontanément éprouver l'envie d'apprendre et de découvrir ?

En effet, la plupart des matières enseignées sont étrangères à leurs préoccupations quotidiennes et parfois à leur culture.

En matière artistique, une grande liberté d'initiative est offerte aux élèves. Les professeurs accordent une importance particulière à des aptitudes nouvelles moins conditionnées par le milieu social et culturel. Enfin, les projets pédagogiques et leur pratique des arts vivants suscitent évidemment plus facilement la curiosité des enfants qui comprennent plus vite l'intérêt qu'il y a à apprendre.

L'effet positif de ces différentes méthodes pédagogiques est particulièrement sensible auprès des enfants les plus en difficulté. Elles réconcilient souvent ces élèves avec le système éducatif et permet de mieux apprécier tout leur potentiel. Les connaissances et les comportements des élèves se modifient favorablement, comme la mission a pu le noter au lycée professionnel Jean Geiler de Strasbourg, dans le cadre des actions menées par le Centre national de la danse en Seine-Saint-Denis ou par l'orchestre philharmonique de Strasbourg dans le quartier de la Meinau. De même, au collège Vernier de Nice, dans le cadre de l'itinéraire de découverte de la classe de 5e, chaque élève a pu révéler ses talents en harmonie avec ses camarades lors de la création de la comédie musicale Oliver Twist.

Le témoignage de M. Bernard Esposito, professeur de musique au collège Condorcet à Dourdan, qui monte chaque année un spectacle musical avec ses élèves issus de différentes classes, est à cet égard également éclairant : si le travail est « énorme », il est « extrêmement gratifiant pour les élèves. La plupart de ceux qui ont été éblouissants sont en grande difficulté scolaire. L'art a une puissance qui nous dépasse considérablement. L'élève qui tenait le rôle principal était l'année dernière en immense difficulté. Il va partir en internat, en prenant part à des cours de théâtre. Les matières artistiques ne sont pas en haut des bulletins scolaires. Elles ne sont peut-être pas considérées comme fondamentales. Mais quand les élèves chantent sur du Rossini, du Mozart ou du Carl Orff, quand ils jouent la Sarabande de Haendel, on se dit qu'on a réussi à mettre en mouvement quelque chose ».

Comme l'illustre le bonheur des élèves de la classe de CM2 de l'école des Moulins de Nice, située dans une zone d'éducation prioritaire lorsqu'ils ont chanté Le chemin des Abeilles.

Dans le cadre de ces activités artistiques, les enfants découvrent le désir de transmettre de qu'ils ont appris. Les classes plus ou moins stigmatisées d'un établissement deviennent alors au contraire un pôle de rayonnement. L'opération « Dix mois d'école et d'opéra » est à cet égard exemplaire, en ce qu'elle rassemble dans le lieu le plus élitiste de France, l'Opéra national de Paris, ceux qui en étaient le plus éloignés : des jeunes gens déstructurés, en révolte contre la société, les institutions et l'école en particulier, « fâchés avec tout le monde et surtout avec eux-mêmes », comme le souligne Mme Danièle Fouache, chargée de ce projet. L'idée première est de leur redonner confiance en eux, en leur permettant, alors qu'ils ont été orientés par défaut vers des sections qu'ils considèrent comme dévalorisantes, de trouver des repères dans le monde du travail et de redonner du sens aux apprentissages par le contact avec les 150 corps de métier de l'Opéra.

Pour autant, comme l'ont rappelé de nombreux intervenants auditionnés, il convient de souligner les dangers d'une telle optique « palliative » lorsqu'elle seule prévaut, au détriment des autres aspects positifs de l'éducation artistique : les projets artistiques sont alors uniquement valorisés par les pouvoirs publics lorsqu'ils sont rédempteurs pour les élèves, c'est-à-dire dans les zones en difficulté.

Mme Hélène Séverin, professeur de musique au collège les Vallées à La Garenne-Colombes, rappelait, lors de son audition, les dangers d'une conception pour ainsi dire « thérapeutique » des arts. La musique n'est pas un remède à la fracture sociale, pas plus qu'à d'autres maux. On ne peut pas inviter les enfants à faire de la musique pour être forts en mathématiques ou pour être de bons citoyens.

Les arts ont un intérêt propre, qu'il faut également faire apparaître, même si, par ailleurs, ils peuvent aussi contribuer à favoriser la cohésion sociale grâce à l'épanouissement personnel de chacun.

De même, l'association Peuple et culture dénonçait devant la mission le fait que les dispositifs des contrats de ville qui visent à un rééquilibrage culturel sont formulés, de façon discriminante, en termes de « lutte contre ». Il est anormal que les activités, notamment artistiques, destinées aux enfants des milieux populaires pendant les vacances continuent à être marquées du sceau de la « lutte contre la délinquance ». Cela revient à penser que, si on a de l'argent, l'enfant fera du piano pour faire du piano, si on n'en pas, il fera du piano dans le cadre d'un dispositif de lutte contre la délinquance. Et cela vaut pour un grand nombre de mesures, qu'elles soient destinées à lutter contre l'illettrisme, contre la toxicomanie ou contre l'échec scolaire. Désigner ceux à qui elles sont destinées comme des « êtres à part susceptibles d'être dangereux » risque de ne créer guère de désir pour les pratiques artistiques en tant que telles...

Les moyens alloués à l'éducation artistique étant limités, on risque par ailleurs de créer de nouvelles inégalités. Pourquoi les écoles et les classes qui accueillent des enfants qui ne sont pas en difficulté scolaire et qui ne sont pas forcément issus de familles défavorisées devraient-elles se voir trop souvent refuser les moyens d'offrir à leurs élèves une éducation artistique motivante ? Ces familles que l'on dit « favorisées » ne sont d'ailleurs pas forcément les plus cultivées !

Car l'éducation artistique a un impact positif majeur sur tous les enfants, quel que soit leur milieu social : elle recrée du lien social et du lien familial. Comme la mission a pu le constater lors de ses déplacements, notamment en Bretagne, les enfants emmènent leurs parents à l'école pour leur montrer une exposition, un spectacle, ou font avec eux un voyage commun pour découvrir le patrimoine local ou national. Ce ne sont plus les parents qui font découvrir les arts et la culture à leurs enfants et les sortent du domicile familial, mais les enfants qui font redécouvrir les activités artistiques et culturelles à leurs parents ! Ainsi, à Nice, au collège Port Lympia, les parents viennent au vernissage des expositions que leurs enfants ont préparées et réalisées avec leur professeur d'arts plastiques et l'artiste exposé.

Indépendamment de leur intérêt intrinsèque, les méthodes pragmatiques et souvent attractives de la pédagogie artistique facilitent l'acquisition des autres savoirs en développant des enseignements empiriques et transversaux. Ainsi, dans les pays européens visités, la mission a constaté que l'apprentissage de la danse était un excellent moyen pour faire comprendre aux élèves le fonctionnement de leur corps humain et les professeurs de sciences de la vie se félicitaient de cette coopération fructueuse entre les deux disciplines.

Mme Teresa Wagner indiquait pour sa part que, pour rendre moins difficile et volatile l'acquisition des langues étrangères, une méthode d'enseignement a été développée en Allemagne à partir de disciplines artistiques : le théâtre, les chansons, la poésie servent l'apprentissage linguistique. Cette méthode, qui semble porter ses fruits, est reprise en France. Ainsi, la mission a pu constater que les enfants de l'école élémentaire Gustave Doré de Strasbourg avaient réalisé une petite pièce de théâtre en allemand leur permettant de s'exprimer sur des sujets de la vie quotidienne avec aisance.

De même, Mme Arlette Meneau, ancienne professeur de musique auditionnée par la mission, a souvent remarqué que les enfants qui font de la musique ont des facilités étonnantes dans l'apprentissage des langues.

Au collège A. Vannier de Saint-Brice-en-Coglès (Ille-et-Vilaine), la politique volontariste de la direction de l'établissement dans le domaine de l'éducation artistique depuis 2001 a porté ses fruits, comme le montrent les tableaux ci-dessous : alors qu'à la rentrée 2004, 57,1 % des élèves de l'établissement venaient d'un milieu défavorisé, contre 35,6 % au niveau du département, et que les niveaux à l'évaluation d'entrée en 6e étaient légèrement inférieurs à ceux du département (68,70 de score moyen global en français contre 68,80 au niveau du département, et 66,20 en mathématiques contre 68,80 au niveau du département), les élèves du collège ont obtenu leur brevet à 88,60 % contre 86,10 % sur l'ensemble du département. Par ailleurs, il n'y a eu aucun redoublement en fin de 6e et en fin de 4e, contre respectivement 5,50 et 6,20 élèves par classe au niveau du département.

Catégorie socio-professionnelle des parents

Collège

Département

Académie

France

% favorisés A

9,2

23,1

19,0

20,2

% favorisés B

10,3

15,9

15,1

14,4

% moyens

23,4

25,4

29,4

26,0

% défavorisés

57,1

35,6

36,5

39,4

Source : Collège A. Vannier

Evaluation à l'entrée en 6e (score moyen global)

Rentrée 2000

Rentrée 2001

Rentrée 2002

Rentrée 2003

Rentrée 2004

(public)

Français

Maths

Français

Maths

Français

Maths

Français

Maths

Français

Maths

Collège

64,60

63,00

71,40

70,14

n.d.

n.d.

70,40

64,60

68,70

66,20

Département

69,04

67,52

75,83

72,40

n.d.

n.d.

69,70

68,20

68,80

68,80

France

67,60

63,80

70,90

65,60

65,60

64,80

64,70

61,20

63,70

63,30

Source : Collège A. Vannier

Diplôme national du brevet

(public)

Admis (%)

Moy. Français

Moy. Maths

Sessions

Coll.

Dépt

Coll.

Dépt

Coll.

Dépt

2001

89,40

82,20

10,48

11,83

6,66

10,01

2002

80,30

84,50

10,89

11,37

9,86

10,38

2003

61,54

83,49

10,54

11,33

6,44

9,91

2004

88,60

86,10

11,56

11,53

13,12

11,06

Source : Collège A. Vannier

Redoublement

6e

4e

3e

Juin

Coll.

Dépt

Coll.

Dépt

Coll.

Dépt

2001

3,90

8,90

2,20

10,30

2,30

6,70

2002

4,20

7,80

0,00

9,00

4,70

6,30

2003

0,00

7,70

2,10

8,20

2,50

5,20

2004

0,00

5,50

0,00

6,20

4,80

5,40

Source : Collège A. Vannier

On pourrait s'étonner que l'ensemble de ces vertus pédagogiques n'ait pas mieux été pris en compte par les pouvoirs publics jusqu'à maintenant. Cet état de fait s'explique en partie par l'importance trop grande accordée par notre pays à l'intelligence abstraite, spéculative, au détriment de la sensibilité. Or, comme le soulignait M. Pierre-André Périssol, député, président de la mission d'information sur la définition des savoirs enseignés à l'école, lors d'un échange de vue avec la mission, l'éducation artistique développe cette sensibilité, indispensable dans le monde actuel où la créativité devient fondamentale.

Mme  Teresa Wagner ne disait pas autre chose lorsqu'elle préconisait un changement d'approche. Le monde n'a plus besoin de « petits soldats » obéissants car l'économie est de moins en moins fondée sur la production et de plus en plus sur la créativité.

Il conviendrait donc de mieux évaluer l'impact de l'éducation artistique sur les enfants scolarisés, afin de disposer enfin de données nationales, validées par l'ensemble des acteurs, pour conforter l'action des pouvoirs publics en ce domaine. A cet égard, M. Laurent Bazin, chef du bureau des actions éducatives, culturelles et sportives de la direction de l'enseignement scolaire du ministère de l'éducation nationale a indiqué à la mission qu'un colloque européen serait organisé en 2007 sur ce thème. Il convient de s'en féliciter.

B. LA RECONNAISSANCE OFFICIELLE D'UNE NÉCESSAIRE DÉMOCRATISATION DE L'ÉDUCATION ARTISTIQUE CONTREDITE PAR UNE PRATIQUE FLUCTUANTE

Si de nombreux projets, textes réglementaires et déclarations ont vu le jour au cours de 20 dernières années (2), dont les trois plus emblématiques sont la loi du 6 janvier 1988 relative aux enseignements artistiques, le plan Tasca-Lang de décembre 2000 et le plan de relance de l'éducation artistique et culturelle de MM. Fillon et Donnedieu de Vabres de janvier 2005, il semble que la pratique en la matière soit nettement plus fluctuante, voire contredise trop souvent les bonnes intentions initialement affichées.

1. Les projets et les discours officiels sont nombreux

a) Le grand intérêt de la loi du 6 janvier 1988 relative aux enseignements artistiques

Par la promulgation de la loi n°88-20 du 6 janvier 1988 relative aux enseignements artistiques, M. Jacques Chirac, alors Premier ministre, avait montré son attachement au développement des disciplines artistiques. Cette loi donne en effet un cadre juridique stable aux disciplines artistiques que sont la musique et les arts plastiques.

Elle réaffirme que les enseignements artistiques « font partie intégrante de la formation scolaire primaire et secondaire », rappelle leur caractère obligatoire et la nécessité du partenariat entre enseignants et artistes ou structures culturelles. Grâce à cette stabilité, le déficit en heures obligatoires d'éducation musicale et d'arts plastiques s'est progressivement résorbé et les enseignants de ces matières ont gagné en reconnaissance à l'intérieur de la communauté éducative.

b) Le plan de développement des arts et de la culture à l'école de Mme  Catherine Tasca et M. Jack Lang

Le 14 décembre 2000, M. Jack Lang, alors ministre de l'éducation nationale et Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, réaffirment l'importance de l'éducation artistique en annonçant un plan sur cinq ans de développement des arts et de la culture à l'école. Il s'agissait pour l'éducation nationale d'affirmer une volonté forte de ne plus considérer l'art comme une matière sacrifiée à la faveur des savoirs dits « fondamentaux », mais de l'inscrire aux programmes et d'assurer la généralisations des pratiques.

Du côté de l'éducation nationale, les principales mesures concernaient :

- un renforcement des enseignements artistiques obligatoires par la formation des maîtres et une augmentation des moyens pédagogiques et des horaires ;

- une meilleure répartition sur le territoire national des offres d'options artistiques en lycée ;

- l'accroissement des activités artistiques et culturelles facultatives ;

- un souhait de généralisation des dispositifs actuels (classes culturelles et ateliers artistiques) et la création du projet artistique et culturel (PAC). La classe à projet artistique et culturel est une organisation de classe où l'activité s'adresse à tous et non aux seuls élèves volontaires. Elle doit « favoriser des initiatives de terrain qui s'inscrivent dans le cadre horaire des enseignements obligatoires. C'est une demande ancrée dans la réalité d'une création et d'une production, construite sous la responsabilité d'un enseignant volontaire, avec le concours d'un artiste ou d'un professionnel de la culture appuyé de préférence par un établissement culturel de proximité » ;

- la confirmation, auprès des recteurs et des inspecteurs d'académie, des délégués académiques à l'action culturelle (DAAC).

Du côté du ministère de la culture et de la communication, l'action s'organisait autour :

- d'une mobilisation des institutions culturelles par la généralisation de leurs services éducatifs ;

- de la formation des intervenants et médiateurs culturels et des enseignants dans toutes les disciplines artistiques et patrimoniales ;

- de la consolidation des partenariats avec les collectivités territoriales, le ministère de la jeunesse et des sports, les fédérations d'éducation populaire afin de mieux intégrer l'éducation artistique aux actions hors temps scolaire.

Dans le cadre de ce plan, la priorité était surtout donnée à l'école primaire, afin d'améliorer les enseignements obligatoires - musique, chant et arts plastiques - et de les enrichir par les arts du spectacle et une éducation à l'image. La mise en œuvre de cette priorité passait tant par l'accroissement du partenariat avec les artistes et les structures culturelles que par la formation des maîtres et des intervenants.

Au collège, les professeurs des domaines artistiques devaient se voir progressivement attribuer une réduction des temps de service dans un souci de valorisation de la matière et d'amélioration de la qualité.

Enfin, le rôle de l'établissement scolaire (collège ou lycée) comme pôle culturel devait être développé dans les quartiers ou les zones rurales éloignées de l'offre culturelle (lieux polyvalents de pratique, galeries d'art, etc.).

Des moyens importants devaient être débloqués par le ministère de l'éducation nationale pour les plans de formation, les équipements nécessaires aux activités culturelles et les actions en partenariat. Les budgets déconcentrés devaient devenir spécifiques et expressément fléchés vers l'éducation artistique. Les orientations et les projets devaient figurer au plan académique pour les arts et la culture. Des conférences régionales annuelles pour l'éducation artistique devaient permettre la circulation de l'information et assurer un réel développement de la place accordée à l'éducation artistique et à la culture en général.

c) Le plan de relance de l'éducation artistique et culturelle de MM. François Fillon et Renaud  Donnedieu de Vabres

Le 3 janvier 2005, M. François Fillon, alors ministre de l'éducation nationale et M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, ont annoncé un plan de relance de l'éducation artistique et culturelle. Ils ont présenté une communication sur ce thème en Conseil des ministres et ont publié une circulaire interministérielle le même jour.

Ils y réaffirment que l'éducation artistique et culturelle est une composante essentielle de la formation des enfants d'âge scolaire et des jeunes. Ils détaillent les quatre orientations de la politique en faveur de l'éducation artistique et culturelle, en précisant qu'elle est commune aux ministères chargés de l'éducation et de la culture :

Le recentrage de l'action de l'Etat et le développement de stratégies partenariales : l'Etat doit jouer un rôle de pilotage et d'impulsion et les services déconcentrés de l'Etat sont chargés de mettre en place des partenariats avec les collectivités territoriales. Chaque région et chaque académie doivent bénéficier d'un groupe de pilotage en matière d'éducation artistique et culturelle réunissant, à l'initiative des recteurs et des directeurs régionaux des affaires culturelles, tous les partenaires concernés.

Un Haut conseil de l'éducation artistique et culturelle, remplaçant le Haut comité créé par la loi du 6 janvier 1988 qui ne se réunissait plus, est institué pour assister les ministres dans la définition et la mise en oeuvre des programmes d'action. L'Etat doit également encourager la création de groupements d'intérêt public (GIP) ou, à l'initiative des collectivités territoriales, d'établissements publics de coopération culturelle (EPCC) agissant dans ce domaine.

Une meilleure formation : il s'agit de développer les conventions entre les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) sur les dominantes « arts et culture » et les certifications complémentaires. Par ailleurs, les personnels des deux ministères doivent être accueillis dans les pôles nationaux de ressources et bénéficier de formations conjointes. Enfin, les jeunes artistes et professionnels de la culture, en formation initiale dans les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de la culture, seront encouragés à transmettre leur art en intervenant à l'école ou au collège.

La mobilisation des établissements culturels : l'attribution de subventions de fonctionnement aux établissements culturels est désormais subordonnée à la production d'une action éducative. Par ailleurs, une aide spécifique est accordée aux services éducatifs des nouveaux établissements : Musée du quai Branly, Cité nationale de l'histoire de l'immigration, Cité de l'architecture et du patrimoine.

Des conventions doivent être signées avec les collectivités territoriales qui développent des projets visant à faire des conservatoires et écoles de musique de véritables partenaires de l'éducation musicale en milieu scolaire.

Une meilleure prise en compte des nouveaux enjeux de la société : les jeunes doivent recevoir une éducation aux oeuvres produites par les industries culturelles (meilleure information sur les accès publics à l'Internet, plus grande diffusion des oeuvres acquises par le Centre national de documentation pédagogique).

Il est surprenant de constater qu'à peine cinq ans après le plan Tasca-Lang, le gouvernement doive à nouveau réaffirmer ces principes. Déjà, le protocole mis en œuvre en 1993 par M. François Bayrou préconisait une politique sélective de sites, prenant appui sur les ressources culturelles locales. Il visait à offrir dans les territoires considérés, à chaque enfant un « itinéraire cohérent d'initiation artistique », afin de donner aux élèves « les repères nécessaires à la fréquentation autonome des équipements culturels et à la rencontre avec les œuvres d'art. » L'accent était également déjà mis sur la formation des enseignants. Dans la pratique, depuis la loi de 1988 relative aux enseignements artistiques, un certain nombre de progrès, non négligeables, ont été réalisés, mais ils ne semblent pas être à la hauteur des nombreuses déclarations d'intention et des moyens mobilisés.

2. Mais les pouvoirs publics remettent régulièrement en cause les projets d'éducation artistique précédemment lancés

On peut en premier lieu déplorer que la loi du 6 janvier 1988 fasse l'objet d'une application que de nombreux intervenants ont qualifiée de « lacunaire » ou partielle. Ce constat est le simple reflet de la remise en cause périodique de l'éducation artistique dans notre pays, chaque gouvernement voulant apposer sa marque sans toujours prendre en compte ce que ses prédécesseurs ont mis en œuvre. Ainsi, à une période d'intense réflexion sur la question de l'éducation artistique, succède souvent, après chaque changement de gouvernement, un coup d'arrêt qui dure en moyenne deux ans.

a) Une application lacunaire de la loi du 6 janvier 1988

Chacun s'accorde à le reconnaître, la loi n° 88-20 du 6 janvier 1988 relative aux enseignements artistiques est appliquée de façon lacunaire. En accord avec M. Alain Casabona, la mission le regrette car la stricte application de la loi aurait permis une meilleure coordination entre les différents acteurs de l'éducation artistique.

Dans le cadre du vote de la loi, avait été annoncée la création de nombreux postes de conseillers pédagogiques en arts plastiques et musique, chargés d'épauler et de conseiller les professeurs des écoles dans ces deux domaines. Or la création de près de 200 postes dans les années qui ont suivi la promulgation de la loi a été suivie d'un coup d'arrêt brutal.

Selon les informations fournies à la mission par le ministère de l'éducation nationale, les conseillers pédagogiques en arts plastiques et musique sont aujourd'hui au nombre de 247 pour les arts plastiques et de 251 pour la musique, soit un total de 498 postes. Leur nombre est stable depuis 1999 puisque deux postes ont été créés pour les arts plastiques et un supprimé pour la musique. Par ailleurs un effort important a été entrepris pour la formation de ces conseillers, afin notamment de leur apporter une sensibilisation complémentaire dans les domaines du cinéma, de la danse et du théâtre.

Pour autant, si l'on rapporte ces 498 postes aux 317 293 professeurs des écoles en poste en 2002-2003, chaque conseiller pédagogique musique et arts plastiques a la « charge » de plus de 1 200 enseignants...

De même, l'article 3 de la loi du 6 janvier 1988 dispose que « les enseignements comportent au moins un enseignement de la musique et un enseignement des arts plastiques. Ils ont pour objet une initiation à l'histoire des arts et aux pratiques artistiques ». Or l'histoire des arts est très peu abordée, aussi bien à l'école primaire qu'au collège ; quand elle l'est, c'est plutôt en cours d'histoire que dans le cadre des enseignements artistiques.

On peut également considérer que l'article 5 de la loi n'est aujourd'hui pas convenablement appliqué puisque les enseignements artistiques dispensés ne sont pas sanctionnés « dans les mêmes conditions que les enseignements dispensés dans les autres disciplines ». La remise en cause du contrôle continu en musique et en arts plastiques dans le cadre de la réforme du brevet est à cet égard en flagrante contradiction avec cette disposition légale.

Par ailleurs, l'article 16 de la loi du 6 janvier 1988 dispose que le gouvernement présente chaque année au Parlement, en annexe du projet de loi de finances, un état récapitulatif, plus communément appelé « jaune budgétaire », des crédits affectés au développement des enseignements artistiques. Or cette disposition n'a jamais été appliquée, malgré les demandes répétées des parlementaires.

b) Une remise en cause périodique de l'éducation artistique

De nombreux interlocuteurs auditionnés par la mission l'ont déploré : depuis vingt-cinq ans, tous les responsables qui travaillent à ce grand chantier ont les mêmes intentions et les mêmes objectifs, de même que ceux qui travaillent sur le terrain, mais chaque changement de gouvernement amène un coup d'arrêt.

Ainsi, les missions interministérielles chargées de coordonner les différentes actions en faveur de l'éducation artistique sont régulièrement dissoutes - comme celle de 1993 créée par M. François Bayrou et dissoute en 1995 et celle instituée par le Plan Tasca-Lang.

Selon les informations fournies à la mission par le ministère de l'éducation nationale, il n'existe pas, stricto sensu, de bilan du plan Lang-Tasca de cinq ans pour les arts et la culture, dans la mesure notamment où les exercices budgétaires successifs ont conduit à en ajuster la mise en œuvre en fonction des impératifs et des disponibilités dans un contexte de globalisation des crédits. Dans ce cadre le message adressé aux académies portait sur la rationalisation des moyens et l'optimisation des politiques : consolider et approfondir les actions plutôt que les amplifier ; valoriser la qualité des projets plutôt que leur quantité.

Pour apprécier le degré de réalisation du plan, il faut donc se pencher sur ses modalités de mise en œuvre pour voir si, dans ce contexte contraint, les grandes orientations annoncées ont été suivies d'effet. L'esprit général, d'abord, est globalement resté d'actualité, avec un accent porté sur le champ de l'éducation artistique et culturelle et une importance accordée au partenariat qui se sont maintenus jusqu'à aujourd'hui.

Certains dispositifs, en revanche, sont restés en deçà des objectifs affichés. C'est le cas notamment des pôles nationaux de ressources, censés se spécialiser dans la production de nouveaux outils d'accompagnement mais qui se sont presque tous concentrés sur la mise en place de programmes de formation parallèles aux plans académiques de formation. Un rapport sur ces pôles a été commandé aux inspections générales des deux ministères ; sa publication est attendue d'ici la fin du mois.

Quant aux classes à projet artistique et culturel (PAC), elles ont été très vite survalorisées au point de devenir dans l'opinion publique le principal instrument de mesure du degré d'avancement du plan. Or il serait excessif de privilégier ce nouveau dispositif au détriment de tous les autres, et ce pour plusieurs raisons :

- parce qu'il ne touche que peu d'élèves ;

- parce que l'objectif recherché (la diversification des champs artistiques) est très loin d'avoir été réalisé, et qu'à l'inverse les thèmes les plus représentés dans les projets menés au titre des projets artistiques et culturels (PAC) sont étroitement liés aux enseignements (arts plastiques, littérature, musique et théâtre) ;

- parce que l'éducation artistique et culturelle est loin de se résumer à cette seule innovation qui ne doit pas cacher le fruit de trente années d'avancées pas moins productives (enseignements optionnels, ateliers artistiques, classes à horaires aménagés, chorales, chartes, classes culturelles, projets d'action éducative, jumelages avec des structures culturelles...).

Par ailleurs l'analyse géographique des classes à PAC fait nettement apparaître qu'elles ne se répartissent pas sur le territoire français proportionnellement à la taille des académies. La plupart d'entre elles ont moins de 300 classes à PAC, tandis que 4 d'entre elles avaient plus de 300 classes à PAC en 2004-2005.

On peut donc considérer en somme que le dispositif des classes à PAC a permis d'étoffer une palette déjà riche en dispositifs partenariaux non sans laisser place à plusieurs dérives : surdétermination d'un dispositif au détriment de tous les autres ; prime donnée à la spontanéité affective des enseignants au détriment d'une vision rationalisée des besoins (avec des établissements surdotés en actions selon l'engagement des équipes et d'autres où rien ne s'est passé).

Suite au changement de gouvernement et au contexte budgétaire très contraint, il a fallu attendre le début de l'année 2005 pour que les deux ministres concernés se ressaisissent officiellement du dossier.

Au niveau déconcentré, ces constants revirements de l'Etat se vérifient également : les changements d'inspecteurs d'académie ou de recteurs entraînent souvent des redéploiements de crédits qui défavorise l'éducation artistique. M. Laurent Bazin l'a d'ailleurs reconnu devant les membres de la mission : lorsque son ministère ne rappelle pas l'importance de l'éducation artistique, les recteurs ont tendance à redéployer les crédits sur d'autres priorités. Dans cette situation, la circulaire conjointe du 3 janvier 2005, rappelant l'importance de l'éducation artistique, prend tout son intérêt.

Ces changements récurrents de politique ministérielle perturbent tout autant les professeurs. Le témoignage de Mme Christine Herth le confirme : tous ceux qui, dans les IUFM, voudraient s'engager dans des projets culturels entendent régulièrement un double discours. Il y a un constant mouvement de « yoyo » qui décourage les meilleures volontés : à certaines périodes il faut privilégier les disciplines fondamentales, à d'autres accroître la composante culturelle... Le mouvement de balancier est permanent, sans oublier que les maîtres doivent faire face au mécontentement sporadique de parents qui estiment que leurs enfants ne savent pas lire assez vite !

Ces remises en cause périodiques ont pour conséquence directe des financements erratiques, tantôt de l'Etat, tantôt des collectivités, qui nuisent à l'efficacité de l'éducation artistique.

Il conviendrait de laisser le temps aux projets de faire leurs preuves avant de les supprimer, car c'est dans la durée qu'on peut véritablement évaluer les dispositifs. Or cette évaluation fait aujourd'hui cruellement défaut.


Proposition

Stabiliser la mise en œuvre de la politique des pouvoirs politiques en matière d'éducation artistique pour pérenniser les expériences probantes sur une période d'au moins cinq ans.

C. D'OÙ UNE INÉGALITÉ PERSISTANTE SUR LE TERRITOIRE

Une des grandes difficultés est de réussir à instaurer une réelle égalité sur l'ensemble du territoire. En effet, du fait de ces remises en cause périodiques, l'éducation artistique repose beaucoup trop en France sur la motivation et le volontariat des professeurs et des chefs d'établissement et sur le partenariat avec les collectivités locales.

Les projets d'excellence existants ne doivent donc pas masquer les inégalités territoriales, les inégalités entre élèves au sein des établissements et le trop faible nombre d'enfants touchés.

Si, selon les chiffres fournis à la mission par le ministère de l'éducation nationale, sur l'année scolaire 2004-2005, plus de 10 millions d'élèves ont été concernés par l'enseignement artistique obligatoire (6,55 millions à l'école primaire et 3,24 millions au collège) et si plus de 800 000 élèves ont profité d'un enseignement artistique obligatoire ou optionnel au lycée d'enseignement général et technologique ou au lycée professionnel (3), seules 6 400 classes à projet artistique et culturel (PAC) étaient recensées à l'école primaire, 2 500 au collège, 1 000 en lycée professionnel et 350 en lycée, soit 10 250 classes au total, touchant plus de 300 000 élèves (soit seulement 2,47 % des élèves du premier et du second degrés). Seuls quelques 3 000 ateliers artistiques en collèges et lycées existaient sur l'ensemble du territoire et 750 ateliers de pratique artistique à l'école primaire, touchant 16 000 élèves du primaire (0,24 % des écoliers) et 65 000 élèves du secondaire (1,16 % de l'ensemble des collégiens et lycéens). Enfin, 14 516 établissements sont dotés d'une chorale (21,16 % de l'ensemble des établissements scolaires).

Plus d'un million d'élèves participent chaque année aux dispositifs « Ecole, collège et lycéens au cinéma », en partenariat avec le Centre national de la cinématographie, mais cela ne représente que 8,24 % des élèves. 210 classes culturelles transplantées ont permis à plus de 4 000 élèves du premier degré de travailler avec des professionnels du secteur culturel, mais ce ne sont que 0,06 % des écoliers qui sont concernés. Enfin, une centaine de structures culturelles sont jumelées avec 350 établissements scolaires, soit 0,51 % des établissements scolaires...

Par ailleurs, seules 80 écoles (0,14 % du total des écoles primaires) et 110 collèges (soit 1,57 % des collèges français) proposaient un enseignement musical ou chorégraphique renforcé dans le cadre de classes à horaires aménagés.

La mission regrette que ces dispositifs soient pour la plupart en régression depuis 2001-2002, comme le montre le tableau ci-dessous. On peut espérer que le plan de relance de janvier 2005 renverse la tendance.

Nombre d'élèves concernés par les dispositifs d'éducation artistique

Dispositif

Année scolaire 2004-2005

Variation 2001-2002

Classes à PAC

16 000 en primaire

3 800 au collège

2 100 en lycée professionnel

425 en lycée

- 60 %

- 34,21 %

- 52,38 %

- 17,65 %

Ateliers

1 200 à l'école primaire

4 000 au collège et au lycée

- 37,5 %

- 25 %

Chorale

11 079

+ 31,02 %

Classes à horaires aménagés

80 écoles

110 collèges

0 %

0 %

Dispositif CNC « cinéma »

900 000

+ 11,11 %

Jumelages

90 structures culturelles

300 établissements scolaires

+ 11,11 %

+ 16,67 %

Intégration des projets artistiques au projet d'établissement

4 849 établissements

+ 2,47 %

Source : ministère de l'éducation nationale.

Si l'engagement de l'enseignant est nécessaire pour la réussite de tout projet et si les enseignants impliqués offrent généreusement leur temps, voire leur argent, l'on ne peut nier qu'une éducation artistique fondée en partie sur le volontariat introduit une inégalité inévitable entre les élèves. Cette inégalité est accentuée au niveau local par le fait que, comme le constate M. Jean-Marc Lauret, chef du département éducation, formations, enseignements et métiers du ministère de la culture et de la communication, ce sont les collectivités territoriales qui ont la plus forte et la plus constante volonté politique qui signent les conventions financières les plus régulières et les plus importantes avec les directions régionales des affaires culturelles (DRAC)...

La nécessaire « bonne volonté » des uns et des autres entraîne un certain nombre de difficultés matérielles pour les porteurs de projet, qui accroissent encore les inégalités. Ainsi, la pratique collective de la musique à travers le chant choral est souvent très difficile à mettre en place et demande de la part des enseignants une très forte motivation. Aucun créneau horaire n'est réellement mis à la disposition des classes pour participer à cette activité facultative, qui doit souvent trouver sa place entre 12 heures et 14 heures. Les élèves qui souhaiteraient participer à la chorale sont souvent dans l'impossibilité de le faire, en raison des cours ou du déjeuner qui ont lieu durant cette plage horaire. Un problème similaire se pose le soir, à défaut d'ouverture tardive de l'établissement ou de mise à disposition de transports scolaires pour ramener les enfants chez eux, notamment en milieu rural.

Par ailleurs, si certaines collectivités territoriales prennent en charge une partie du coût de ces dispositifs, et notamment le transport des enfants, ce n'est pas toujours le cas. De même, les visites de musée ou les transplantations de classes dans le cadre des classes culturelles ont un coût, difficile à assumer pour certaines familles.

Il convient également de souligner, avec M. Henri Loyrette, que les institutions culturelles ont des difficultés à répondre favorablement à toutes les demandes des enseignants tant elles sont fortes, et parallèlement, comme les projets sont complexes à monter, seul un petit nombre d'élèves peut bénéficier de cette coopération.

Donc les partenariats avec les collectivités locales ne peuvent réellement porter leurs fruits que si l'enseignement des « fondamentaux artistiques » est satisfaisant sur l'ensemble du territoire, c'est-à-dire si l'ensemble des élèves français disposent d'un enseignement artistique approprié, dispensé par des professeurs correctement formés.

II.- LA FORMATION ARTISTIQUE : UN PRÉALABLE INDISPENSABLE À UNE ÉDUCATION ARTISTIQUE DE QUALITÉ

Les enseignants ont fait part à la mission de leurs inquiétudes en ce qui concerne la préservation des projets pédagogiques en cours dans les établissements scolaires. Elle risque en effet d'être délicate car nombre d'enseignants et d'intervenants extérieurs participant actuellement aux différents dispositifs d'éducation artistique vont partir à la retraite, puisque la moitié des enseignants seront remplacés dans les années qui viennent. Les enseignants qui sont appelés à les remplacer ne disposent que de deux à trois jours de formation artistique (contre 120 à 200 heures précédemment) et seront mal préparés à cette relève faute d'une formation suffisante.

Pour débloquer une telle situation, il faut que les pouvoirs publics affichent une volonté politique forte de renforcer la formation artistique initiale au sein des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), mais également continue, des enseignants et des cadres de l'éducation nationale.

En effet, la communauté enseignante dispose d'un fort capital culturel. Ses membres, bien formés, peuvent devenir les indispensables médiateurs des arts et de la culture auprès des enfants et faire partager leur savoir. Par ailleurs, la formation des cadres de l'éducation nationale sur ce sujet est quasi-inexistante, alors même que les chefs d'établissement sont amenés à devenir des gestionnaires de plus en plus autonomes de leur établissement. Ils auront donc, eux aussi, directement en main l'avenir de l'éducation artistique.

A. LA FORMATION ARTISTIQUE DES ENSEIGNANTS DU PREMIER ET DU SECOND DEGRÉS EST AUJOURD'HUI DÉFAILLANTE

La réforme des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) introduite par la loi d'orientation sur l'école devrait permettre de redéfinir le rôle et la place des disciplines et de la formation artistiques au sein de ces instituts. En effet, à l'heure actuelle, le ministère de l'éducation nationale ne décide pas directement de l'enseignement dispensé aux élèves-maîtres dans ces instituts, largement autonomes. Dans le cadre de l'application de la loi d'orientation, un cahier des charges s'imposera à tous les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Le projet en sera élaboré par le Haut conseil de l'éducation et l'on saura ainsi précisément ce que l'on attend des futurs enseignants. Comme le soulignait M. François Fillon devant la mission, « dans ce cadre, la réflexion doit s'engager sur les enseignements artistiques et culturels à introduire dans leur cursus ».

Pour autant, comme le souligne un récent rapport du ministère de la culture et de la communication (4), s'agissant de la formation des professeurs, particulièrement importante alors que s'annonce un renouvellement important du corps enseignant dans les prochaines années, « l'effort en la matière diminue très sensiblement, en raison de la forte diminution des crédits consacrés par l'éducation nationale à la formation continue des enseignants, et de la crise que traversent aujourd'hui nombre d'IUFM, après l'annonce de leur intégration prochaine au sein des universités ».

Dans ce cadre, il convient de se féliciter que plusieurs directions régionales des affaires culturelles aient cherché, à hauteur de leurs faibles moyens, à pallier le désengagement de l'éducation nationale dans le domaine de la formation artistique en prenant appui sur les institutions culturelles, dans le cadre des contrats locaux d'éducation artistique - ainsi à Nice, l'espace Magnan a élaboré dans le cadre d'un CLEA un projet pour développer une action forte d'éducation artistique dont le cinéma est l'axe principal, des jumelages (Rhône-Alpes, Pays de la Loire), ou le plus souvent sur les pôles régionaux et nationaux de ressources, comme la mission a pu le constater en Bretagne.

Les conventions DRAC/IUFM

En 2004, 21 Drac ont signé ou reconduit une convention avec le ou les IUFM de leur région. Ces conventions régissent les modalités du partenariat concernant :

- la formation initiale et continue ;

- les pratiques artistiques et culturelles des étudiants et stagiaires ;

- l'animation culturelle de l'établissement.

L'action des Drac en direction des IUFM prend la forme d'un soutien financier et/ou d'interventions d'artistes ou de professionnels de la culture dans le cadre :

- de modules de formation, optionnels ou obligatoires ;

- d'ateliers artistiques ;

- de stages d'initiation aux pratiques artistiques et culturelles ;

- d'écoles du spectateur ;

- de la mise en œuvre de « semaines culturelles » ;

- de résidences d'artistes ou d'écrivains.

Source : ministère de la culture

1. Une formation initiale qui néglige la formation artistique

A l'heure actuelle, la formation artistique est facultative en IUFM. Ainsi, par exemple, comme le rappelait Mme Jeannine Hugo, professeur d'histoire-géographie au collège Rameau de Versailles devant la mission, les neuf dixièmes des professeurs d'histoire n'ont aucune formation en histoire de l'art. Or on ne peut espérer que des enseignants qui n'ont pas un minimum de formation artistique sensibilisent leurs élèves dans ce domaine. Par ailleurs, Mme Christine Herth regrettait devant la mission qu'il n'existe aucune reconnaissance des parcours individuels avant l'entrée dans les IUFM.

Dans ce cadre, on ne peut donc que se féliciter de la mise en place des« certifications complémentaires » par une circulaire d'octobre 2004. Ces mentions peuvent être délivrées, après examen des dossiers et entretien avec un jury, aux professeurs titulaires de toutes disciplines ayant des connaissances dans les domaines artistiques. On pourra ainsi être « capésien de lettres, mention théâtre ». L'IUFM de Rennes, visité par la mission, dispose déjà d'une mention en théâtre et de trois mentions en cinéma et audiovisuel. L'obtention de cette certification impose 60 heures de cours supplémentaires, lourdes à gérer dans le cadre d'un cursus déjà court et dense, mais gages d'une formation complémentaire de qualité. Il n'est pas encore possible de mesurer avec précision l'impact qu'aura cette mesure pour l'année en cours, mais une première enquête a permis de montrer que 600 dossiers ont déjà été déposés auprès de 13 académies.

Les avancées de la circulaire interministérielle du 3 janvier 2005

L'importance de la collaboration entre les universités, les IUFM, les écoles et les institutions culturelles a été réaffirmée à l'occasion de la communication conjointe des ministres. Seront dans ce cadre encouragés :

- la création de modules de formation « arts et culture » en partenariat avec les structures culturelles et soutenue par les DRAC ;

- l'accueil de futurs enseignants en stages dans les institutions culturelles ;

- des accords de coopération entre les établissements d'enseignement supérieur du ministère de la culture et les IUFM.

Il conviendrait de permettre plus largement aux enseignants d'exploiter pleinement leurs talents artistiques et, comme le soulignait M. Lallias, professeur de lettres à l'IUFM de Créteil, la logique commanderait que l'on commence par faire le bilan systématique des compétences des futurs professeurs au moment de leur entrée dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) et que l'on tienne compte des résultats de cette évaluation. Il est étonnant, sinon paradoxal, de se rendre compte que certains futurs professeurs ont pratiqué assidûment la danse ou le théâtre mais que leurs savoirs demeureront sous le boisseau.


Proposition

Faire le bilan systématique des compétences artistiques des élèves au moment de leur entrée dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

Au-delà de ce constat général, il convient de se pencher d'une part sur la formation spécifique des enseignants des disciplines artistiques (musique et arts plastiques) et, d'autre part, sur la formation artistique des autres enseignants.

a) La formation des enseignants de musique et d'arts plastiques

De nombreux interlocuteurs auditionnés l'ont souligné : les professeurs d'arts plastiques et de musique travaillent dans la plus grande solitude et dans des conditions souvent très difficiles. Étant donné qu'ils dispensent une heure de cours par classe, il n'est pas rare qu'ils aient 18 classes et 600 élèves... Dans ces conditions, une formation initiale solide est indispensable au bon déroulement de leur cours.

Or M. Alain Casabona, secrétaire général du Comité national pour l'éducation artistique, considère que l'on n'apprend pas correctement aux futurs professeurs des collèges l'enseignement du dessin et de la musique. Ainsi, lorsqu'il se rend dans les instituts universitaires de formation des maîtres, « les futurs professeurs des collèges posent toujours la même question : comment allons-nous apprendre aux élèves à dessiner et à chanter ? ».

Par ailleurs, de nombreux professeurs auditionnés ont souligné le fait que les programmes actuels des disciplines artistiques sont rébarbatifs pour les enfants. Selon M. Pierre-André Périssol, ces difficultés viennent de ce que les enseignements artistiques sont d'une extrême austérité et privilégient la même forme d'intelligence que les matières dites « fondamentales ». Or, dans ces matières, l'essentiel est de commencer très jeune et par le biais de la pratique et de l'observation.

Il convient donc de revoir les modalités de formation de ces enseignants. Ainsi, pour la musique, comme le préconisait M. Gérard Mortier, directeur de l'Opéra national de Paris, « il faut enseigner ce que l'art a de sensuel, apprendre aux jeunes à écouter l'œuvre de Mozart au lieu de chercher à toute force à leur expliquer selon quels schémas il a composé ».

De même, pour les arts plastiques, la demande de formation au dessin n'est pas suffisamment prise en considération.


Proposition

Engager une réflexion avec les professeurs et les professionnels afin d'améliorer la formation initiale des professeurs de musique et d'arts plastiques.

b) La formation initiale des autres enseignants

Pour les autres enseignants, du premier et du second degrés, il semble que le problème majeur vienne du peu de temps dont disposent les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) pour former les futurs professeurs. Il existe par ailleurs des difficultés spécifiques au premier degré d'enseignement.

Les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM)

Les IUFM sont 31 au total : 26 en France métropolitaine (1 par académie) et 5 outre-mer. Chaque IUFM est un établissement autonome, reparti sur plusieurs sites. Depuis le vote de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, ils sont rattachés à une université. Les différents sites des IUFM sont en fait ceux des anciennes écoles normales de chaque département. Il existe au total 130 sites.

Les IUFM forment les futurs enseignants sur deux ans : la première année est facultative et prépare aux concours de recrutement des enseignants de la fonction publique et des établissements privés sous contrat. En seconde année, les IUFM réalisent la formation professionnelle des professeurs stagiaires et des enseignants des établissements privés sous contrat. Les professeurs stagiaires ont une formation en alternance comportant trois parties :

- prise de responsabilité d'une classe, 

- formation sur le métier et le système éducatif français, 

- enseignements et didactiques disciplinaires.

Les professeurs des écoles effectuent des stages en responsabilité de 9 semaines en trois périodes dans des classes différentes, le stagiaire est seul dans sa classe devant les élèves. Les professeurs certifiés et les professeurs des lycées professionnels ont, tout au long de l'année, la responsabilité de une à deux classes.

Les IUFM sont également compétents en matière de formation continue des enseignants en poste.

Source : IUFM.fr

● Des problématiques communes

Le temps dont disposent les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) est trop limité pour qu'ils puissent consacrer un horaire spécifique à l'enseignement artistique. Pour M. Jacques Durand, président de la conférence des directeurs d'IUFM, un des problèmes essentiels de l'année de formation pré-concours est l'empilement des disciplines dans le cadre d'une formation initiale de 216 heures en une année pour les futurs enseignants de collèges et lycées et de 450 heures pour les professeurs des écoles, qui sont polyvalents. Or, dans ce contingent, la priorité est donnée au français et aux mathématiques, parce que ce sont les matières que les élèves enseignants devront présenter au concours. Dans ces conditions, il est normal que les étudiants ne soient pas toujours demandeurs de formation artistique : ils accordent, logiquement, une priorité aux épreuves du concours.

Le principal problème tient donc au fait que les stagiaires sont d'abord là, pendant un an, dans l'optique du concours, et que ce n'est qu'ensuite, en deuxième année, de septembre à avril, qu'on peut véritablement les former. Or, comme le soulignait M. Jacques Durand, « c'est aussi au cours de cette période qu'on nous demande sans cesse d'ajouter aux disciplines habituelles des matières aussi diverses que la sécurité routière ou la prévention des risques domestiques ».

Pour l'ensemble des futurs professeurs, deux voies doivent donc être étudiées par le ministère de l'éducation nationale :


Propositions

1.  Offrir deux années de formation après le concours, notamment aux professeurs des écoles.
2. Réformer en profondeur les épreuves du concours et les programmes de formation des enseignants stagiaires.

La mission est tout à fait consciente que la première proposition a un coût financier non négligeable. Elle estime que le ministère devrait l'évaluer et déterminer ensuite ses choix en les motivant. On pourra ainsi mesurer comment les discours sur le caractère essentiel de l'éducation artistique pour la construction et l'éducation des enfants scolarisés se traduisent dans la réalité et quelle priorité est effectivement accordée à l'éducation artistique.

La réforme des programmes de formation et des épreuves du concours doit s'accompagner d'une réforme parallèle des programmes enseignés aux enfants et des méthodes de travail. Il convient de travailler dans trois directions :

Premièrement, il est fondamental de mieux prendre en compte la dimension artistique des savoirs fondamentaux.

Il existe par exemple des liens forts entre les arts plastiques et la langue française ou les mathématiques, tout comme l'histoire doit faire une place à l'histoire de l'art. De même, l'étude des zones géologiques en géographie peut se nourrir de la photographie. Ce changement radical de méthode d'enseignement permettrait de dépasser un certain nombre de cloisonnements. Il faut ainsi mettre en valeur la dimension artistique de chaque domaine d'enseignement.

Dans ce cadre, l'affirmation de M. Renaud Donnedieu de Vabres devant la mission prend tout son sens : « les enseignements artistiques ont toute leur place parmi les savoirs fondamentaux que l'école a pour mission de transmettre ». M. François Fillon a confirmé cette interprétation devant la mission : « le Haut Conseil de l'éducation proposera la déclinaison du socle de connaissances nécessaires année par année ; dans ce cadre, l'utilisation de méthodes d'enseignement intégrant les arts et la culture me paraît aller de soi, et presque toutes les disciplines s'y prêtent ».

En effet, chacun s'accorde à le reconnaître, les pratiques artistiques peuvent être un véhicule innovant et surtout très efficace de la transmission des connaissances. Ainsi, comme la mission a pu le constater en Alsace, la pratique du théâtre est très bénéfique, notamment pour les jeunes élèves, par rapport à l'acquisition de la lecture, en permettant de sortir du langage ânonné ou de la récitation, et par rapport à l'apprentissage des langues étrangères. L'expérience menée en allemand au sein de l'école élémentaire Gustave Doré de Strasbourg est à cet égard exemplaire. Toutes les disciplines dites fondamentales ont une dimension artistique, qu'il s'agisse du français - songeons au mouvement Support-Surface ou à l'art conceptuel - ou des mathématiques, qui sont à l'origine de bien des partitions musicales contemporaines, et de beaucoup de compositions artistiques, par exemple celles de François Morellet. Introduire, au sein de l'enseignement de chaque matière dite fondamentale, sa dimension artistique ne serait ni très coûteux, ni très difficile à mettre en œuvre.

Par ailleurs, certains établissements se prêtent déjà à ce type d'enseignement. Ainsi, l'enseignement en lycée professionnel permet une utilisation plus innovante et plus facile de l'art. Comme l'enseignant de français est également la plupart du temps professeur d'histoire, il lui est plus facile de choisir un support artistique pour ses cours. Les aspects artistiques permettent ainsi de couvrir la quasi-totalité du programme, les professeurs du lycée professionnel Jean Geiler de Strasbourg l'ont clairement souligné devant la mission.

Deuxièmement, il convient d'apprendre aux futurs professeurs à jouer la carte de la complémentarité et de la transversalité avec l'ensemble des disciplines et avec le corps enseignant de l'établissement.

On peut ainsi imaginer qu'une œuvre soit abordée sous l'angle historique par le professeur d'histoire et sous l'angle artistique par le professeur d'arts plastiques. Cette jonction ne se fait aujourd'hui que trop rarement. Il convient donc de mieux former les professeurs à la « pédagogie de projet », chaque sujet étant abordé selon plusieurs angles d'attaques, avec, au centre, un projet plutôt que des disciplines juxtaposées et cloisonnées.

Ainsi, en Norvège, comme la mission a pu le constater, l'éducation artistique fait partie intégrante des programmes. L'éducation est fondée sur les « compétences » au sens large et sur la créativité. Les professeurs sont formés pendant quatre ans et ne sont pas totalement spécialisés, puisqu'ils enseignent deux à trois matières. Ainsi, l'enseignant de norvégien peut également enseigner l'histoire et l'éducation artistique, ce qui crée plus facilement des ponts entre les disciplines et facilite l'acquisition des savoirs par les enfants.

M. Bernard Esposito pratique ce type d'approche et souligne combien l'éducation musicale peut être l'épicentre d'énergies fédératrices : « nous avons donné un spectacle auquel 110 élèves participaient. Nous avons rempli quatre salles de 300 personnes, dont des élèves d'école primaire. Pour ce spectacle, le professeur de la Section d'enseignement professionnel adapté (SEGPA) a fait faire à ses élèves des écussons et des épées pour la décoration. Le professeur de mathématiques a fait travailler les élèves sur ordinateur pour concevoir tous les dessins d'exécution. Le professeur d'éducation physique et sportive a pris en charge des chorégraphies. Un autre s'est occupé de la régie. Mon collègue professeur de musique a été chef de chœur. Bref, dix enseignants se sont investis, avec quatre classes - deux cinquièmes, une quatrième et la chorale ».


Propositions

1.  Modifier les programmes d'enseignement et d'examen de l'ensemble
des matières dites « fondamentales » afin d'intégrer la dimension artistique
de chaque matière.
2.
  Réformer les méthodes d'enseignement et former tous les professeurs
à ces nouvelles méthodes afin d'améliorer la transversalité
et la complémentarité des enseignements.

Troisièmement, les modules « arts et culture » devraient faire partie intégrante de la formation de tous les professeurs.

Si, pour ce qui est du premier degré, les futurs enseignants peuvent choisir une option artistique, pour ce qui est du second degré, les étudiants d'IUFM n'ont pas d'option artistique à choisir mais peuvent, dans le cadre de la deuxième année, suivre des modules de formations portant sur l'art et la culture. Ces modules sont optionnels et leur offre varie beaucoup selon les IUFM.

Ainsi, en deuxième année de formation, les professeurs stagiaires ne bénéficient pas d'une réelle formation artistique puisqu'elle n'est pas obligatoire. M. Robin Renucci notait avec regret devant la mission que « dans les IUFM, les enseignants ne savent pas lire [à haute voix] une page d'Hugo, de Balzac, de Flaubert. Ils vont pourtant, dans les semaines qui suivent, avoir la responsabilité de prendre la parole devant leur classe. Mais ils en sont incapables parce qu'ils viennent de subir leur propre éducation scolaire dans laquelle on s'est adressé à leur cortex, jamais à leur sensibilité ».

L'enjeu actuel réside donc dans l'intégration, au sein des plans de formation des professeurs stagiaires, des modules « art et culture ». Dans ce cadre, l'action menée par l'IUFM du Nord-Pas-de-Calais est exemplaire puisque les modules « art et culture » sont depuis deux ans déjà obligatoires pour tous les enseignants. Comme le souligne un récent rapport du ministère de la culture et de la communication(5), ces modules sont « co-animés pendant quinze heures par un formateur de l'IUFM et un artiste (...). Ils reposent sur un temps de pratique artistique dans l'un ou l'autre des domaines de la création et un temps d'information concrète sur le partenariat (...). Le fait que ces modules soient obligatoires (...) inscrit pleinement le fait artistique et culturel dans la formation initiale de tous les enseignants. Cela conduit très rapidement à une prise d'initiative des jeunes maîtres dès leurs premières années d'entrée en fonction (prise de contact direct avec les structures culturelles ...) ».


Proposition

Rendre obligatoire la formation artistique pour tous les professeurs en deuxième année d'IUFM.

Enfin, une dernière proposition permettrait également de mieux intégrer les arts dans les programmes des matières dites fondamentales, notamment l'histoire. Comme le soulignait Mme Jeannine Hugo devant la mission, avant l'instauration du collège unique, les élèves étudiaient le programme d'histoire de la sixième à la terminale et ils avaient le temps de le faire. Aujourd'hui, les élèves doivent avoir abordé l'époque contemporaine à la fin de la troisième. Ainsi, actuellement, les professeurs de collège sont contraints de parcourir le programme à vive allure entre la sixième et la troisième. La même situation se reproduit au lycée et au lycée professionnel.

Il faudrait donc procéder à une remise à plat des programmes d'histoire. Dans la mesure où 80 % d'une classe d'âge doit atteindre le niveau du baccalauréat, rien ne s'oppose à ce que l'on étale à nouveau les programmes de la sixième à la terminale, ce qui permettrait de dégager du temps et de revenir à une démarche chronologique, plus satisfaisante.


Proposition

Lisser les programmes d'histoire de la sixième à la terminale afin d'y inclure plus aisément une dimension artistique.

● Le problème spécifique du premier degré : des professeurs des écoles surchargés de missions et dont la formation artistique est de plus en plus négligée

Il convient de se pencher plus spécifiquement sur les problèmes de l'école primaire, les compétences requises d'un professeur des écoles étant très différentes de celles demandées à un professeur plus spécialisé de collège ou de lycée.

Comme le souligne M. Jean-Michel Bichat dans son rapport au Conseil économique et social(6) « théoriquement, de part sa structuration, l'enseignement du premier degré délivre une éducation artistique qui semble satisfaisante mais qui demeure, dans la réalité, l'un des points faibles de notre système éducatif alors qu'il est proclamé par certains que " tout se joue au primaire" ».

Le rapport de 2003 commandé par les ministres de l'éducation nationale et de la culture (7) ne dit pas le contraire puisque les inspecteurs estiment « que la situation de l'éducation artistique dans le premier degré malgré la richesse des textes et les proclamations d'usage est plus qu'hétérogène et pose de graves questions de formation des maîtres et d'accompagnement pédagogique. Des réalisations exemplaires côtoient des carences irréversibles : l'égalité républicaine est loin d'être respectée ».

Les compétences artistiques qui sont demandées aux professeurs des écoles dans les textes officiels (8) sont extrêmement difficiles à mettre en oeuvre s'ils n'ont pas reçu une formation solide. En vérité, seuls les professeurs spécialisés pourraient faire le travail qui leur est demandé. Or, selon les programmes, à l'école élémentaire, trois heures hebdomadaires doivent être consacrées aux arts visuels et à la musique...

M. Jean-Michel Bichat revient sur ce point dans son rapport pour estimer que « toutes les études, auditions et témoignages s'accordent sur le nombre très élevé - le chiffre de un tiers revient souvent même s'il n'existe aucune évaluation précise - des élèves qui n'auraient aucune éducation artistique et un autre tiers qui aurait quelques éléments d'éveil artistique plus ou moins régulier et de plus ou moins bonne qualité ».

Jusqu'à cette année, le concours de professeur des écoles prévoyait une épreuve orale d'entretien où le candidat devait choisir entre une langue étrangère, les arts plastiques ou la musique. Les statistiques suivantes permettent d'avoir une idée de l'importance des choix artistiques dans le cadre de cette épreuve d'admission et permettent de se rendre compte que 46 % des étudiants qui ont fait une première année d'IUFM deviennent professeurs des écoles stagiaires sans avoir choisi une matière artistique.

Epreuve choisie par les élèves admissibles au concours de professeur des écoles

Dominante

Présents (en %)

Admis (en %)

Langue étrangère

50%

46%

Musique

26%

31%

Arts plastiques

24%

23%

Total dominantes artistiques (musique + arts plastiques)

50%

54%

Source : ministère de l'éducation nationale.

Par ailleurs, la première année d'IUFM n'est pas obligatoire. Certains élèves deviennent donc professeur stagiaire sans avoir suivi cette formation de première année.

Pourtant, en deuxième année, en 2003, selon le ministère de l'éducation nationale, seuls 20 % des professeurs stagiaires ont choisi une dominante « arts ».

Certes, les IUFM conseillent en général aux professeurs stagiaires de choisir une dominante différente de celle choisie au concours. Cela permet de compléter la formation du futur professeur et va dans la logique de la polyvalence attendue du professeur des écoles. Mais il reste qu'un certain nombre de futurs professeurs des écoles, chargés d'enseigner des matières artistiques, n'auront jamais été formés ou même sensibilisés à ces matières.

Or, tant lors de ses déplacements que lors des auditions, la mission a pu constater que la nouvelle maquette du concours du premier degré est, dans ces conditions, tout à fait insatisfaisante.

Selon les informations fournies par le ministère de l'éducation nationale à la mission, l'un des objectifs de la loi d'orientation relative aux lois de finances (LOLF) serait « de réduire le nombre des épreuves et de diminuer leur coût d'organisation »... Selon le ministère, étant donné que la moitié des candidats préparent ce concours en IUFM et que tous les candidats reçus sont ensuite formés un an à l'IUFM pour compléter leur formation disciplinaire et apprendre le métier d'enseignant, la modification de la maquette du concours n'aurait qu'un faible impact sur les compétences des futurs enseignants.

La mission ne partage pas ce point de vue.

Elle estime que le souci d'économie a pour conséquence de réduire le temps de préparation aux disciplines artistiques dans les IUFM. Ainsi, une des épreuves du concours est un oral en deux parties dont la première, professionnelle, consiste à faire parler le candidat sur sa motivation à enseigner. Pour la seconde, il devra avoir préparé une option, et il pourra s'agir soit de musique, soit d'audiovisuel, soit de littérature de jeunesse. Le candidat disposera de dix minutes pour commenter une production qu'il aura choisie et qui aura ou qui n'aura pas été réalisée par lui. Il reviendra alors à un jury composé de deux personnes, au lieu de cinq en moyenne auparavant, de déterminer si le candidat est apte à enseigner.

Modification du concours de professeurs des écoles

Avant

Après

Deux épreuves séparées

Deux épreuves qui se succèdent :

- entretien de culture générale

- épreuve d'arts visuels ou de musique

Un nombre de membres du jury significatif (en pratique autour de 5 personnes) rémunérés au nombre de candidats vus

Deux personnes, rémunérées au nombre de candidats vus

Choix entre arts plastiques, musique ou langues

Choix entre arts visuels (arts plastiques, photo, cinéma, vidéo...), musique ou littérature de jeunesse, l'épreuve de langues devenant obligatoire

Coefficient affecté à la note : 2/10 pour l'admission ou 2/18 au total

2/6 pour l'admission ou 2/14 au total (comme l'histoire-géographie et la technologie)

Durée de l'épreuve : 20 minutes

Durée de l'épreuve : 25 minutes

Arts plastiques : épreuve en deux parties : exposé (à partir d'une réalisation du candidat) puis entretien

Arts visuels : épreuve en deux parties : exposé à partir d'un document apporté par le candidat (petite réalisation personnelle OU photo, vidéo, etc. non réalisés mais uniquement choisis par le candidat) puis entretien à partir d'un document proposé par le jury

Musique : épreuve en deux parties : interprétation et entretien

Musique : même schéma mais clavier électronique fourni au lieu de piano ou batterie

Source : ministère de l'éducation nationale


Propositions

1. Fonder l'épreuve artistique du concours de professeur des écoles sur une épreuve pratique personnelle

2. La rendre obligatoire pour tous les futurs professeurs des écoles.

2. Une formation artistique continue qui est encore insuffisante

De manière générale, la formation continue des professeurs n'est pas encore aujourd'hui optimale. Dans ce cadre, la formation artistique continue est insuffisamment développée pour qu'un nombre conséquent de professeurs soient formés, servent de relais et transmettent des méthodes pédagogiques innovantes dans leurs établissements. Pour autant, un certain nombre d'expériences intéressantes sont menées sur le terrain, qu'il conviendrait de généraliser.

a) Les difficultés de la formation artistique continue des professeurs

La formation continue

Elle concerne potentiellement près de 900 000 enseignants. Le recteur (l'employeur au niveau local) propose un cahier des charges après l'analyse des besoins sur le terrain. L'IUFM répond à la demande par des stages correspondants. Les propositions sont alors totalement ou partiellement avalisées par le recteur. Les propositions deviennent le plan académique de formation.

Source : IUFM.fr

Le ministère de l'éducation nationale contribue à la formation artistique continue des enseignants dans le cadre des plans académiques de formation, avec l'aide du ministère de la culture et de ses services déconcentrés en tant que de besoin.

Mais selon le ministère de la culture, les domaines « éducation artistique » et « Arts et patrimoine » ont perdu « le caractère prioritaire qu'il avait eu en 2000 et 2001. Le désengagement financier de l'éducation nationale a entraîné une baisse très sensible des actions de formation, conjointes ou non »(9).

Dans le premier degré, le domaine intitulé « Education artistique » regroupe l'ensemble des formations proposées dans le cadre des volets départementaux des plans académiques de formation, que ces formations aient pour objectif d'accompagner les nouveaux programmes de l'école primaire ou le développement de certains projets d'école. Ce domaine représente en moyenne seulement 10 % des modules réalisés, 10 % des stagiaires formés et 12 % des journées-stagiaires mises en œuvre.

Dans le second degré, le domaine « Arts et patrimoine » des plans académiques de formation concerne seulement 7 % des modules, 7 % des stagiaires et 7 % des journées-stagiaires. La multiplicité des disciplines artistiques proposées aux enseignants implique par ailleurs que chacune d'entre elles correspond à un pourcentage réduit de formations proposées chaque année.

Au niveau national, la Direction de l'enseignement scolaire du ministère de l'éducation nationale organise chaque année, dans le cadre de son programme national de pilotage (PNP), des séminaires nationaux, des regroupements interacadémiques, des universités d'été ou d'automne dans le domaine de l'éducation artistique et culturelle.

Formations artistiques et culturelles inscrites au programme national de pilotage

Type de formation

Coût total

Nombre de participants

2002-2003

1 université d'automne

4 séminaires nationaux

4 regroupements interacadémiques

_ 103 000 €

_ 540

2003-2004

2 universités d'automne

1 séminaire national

1 colloque

_ 177 000 €

_ 530

2004-2005

3 séminaires nationaux prévus

_ 111 000 €

_ 410

Source : ministère de l'éducation nationale.

Il convient également de s'interroger sur les modalités pratiques de mise en œuvre de cette formation.

Les problèmes majeurs liés aux remplacements des professeurs en formation freinent, à n'en pas douter, un certain nombre d'entre eux et/ou leur directeur d'établissement à s'inscrire à ces formations.

Par ailleurs, le contenu de la formation n'est pas toujours adapté aux attentes des enseignants.

Ainsi, M. Esposito a donné à la mission un exemple flagrant de cette inadaptation des formations aux exigences de l'enseignement. Il a récemment suivi une formation en musique qui développait pendant une journée la question suivante : « le 4e mouvement d'une symphonie de Mahler est-il une passacaille ? ».

Il va sans dire que ce type de formation est tout à fait inadapté à l'enseignement en collège et sans intérêt pour le professeur qui la suit, si ce n'est pour sa culture générale...


Propositions

1. Développer le nombre de formations artistiques continues.
2. Prévoir des modalités adaptées de remplacement des professeurs en formation.
3.  Modifier les plans académiques de formation afin de mieux prendre en compte les demandes des enseignants ; pour cela, les consulter et répertorier leurs besoins.

b) Des expériences intéressantes à généraliser

Dans le cadre des plans académiques de formation, un travail important de partenariat entre certaines institutions culturelles, le ministère de l'éducation nationale et les IUFM a été réalisé. Ainsi, en région parisienne, la cité de la musique, le Musée du quai Branly ou celui du Louvre, mais également le Centre national de la danse offrent des formations conjointes aux enseignants et aux artistes.

De même, M. Robin Renucci a créé en Corse, puis à Pantin, des stages de réalisation où des enseignants du premier et du second degré, en formation initiale ou continue, des artistes professionnels et amateurs et des formateurs travaillent ensemble, dans le cadre d'une résidence longue, le plus souvent au cours de l'été.

Par ailleurs, les pôles nationaux de ressources (PNR) proposent également des formations innovantes.


Les pôles nationaux de ressources

Ces pôles ont été officiellement créés par la circulaire interministérielle n°2002/087 du 22 avril 2002. Ils sont dispersés en région et reposent sur le partenariat entre une structure culturelle spécialisée (danse, patrimoine, architecture, photographie, etc.), un institut universitaire de formation des maîtres (IUFM), et un Centre régional de documentation pédagogique (CRDP). Ils font la liaison entre art et pédagogie.

Les PNR sont placés, suivant les règles qui instituent les structures qui les composent, sous la responsabilité du recteur et du directeur régional des affaires culturelles et, le cas échéant, des collectivités territoriales qui assurent, ou partagent avec l'Etat, la tutelle des structures culturelles. Une convention d'objectifs pluriannuelle concrétise cette nouvelle coopération.

Par leur spécialisation, les PNR ont vocation à accompagner dans un domaine donné, la mise en œuvre des actions :

- de formation initiale et continue des enseignants et des acteurs culturels ;

- d'information, de formation et d'accompagnement des opérateurs de formation susceptibles d'intervenir dans les programmes académiques de formation ;

- de documentation et de ressources pédagogiques ;

- d'animation d'un réseau national de personnes ressources pour les arts et la culture.

Ils ont donc trois missions principales (la formation, la documentation et l'animation d'un réseau de personnes ressources) qui peuvent s'exercer dans le cadre d'un partenariat élargi et faire appel à d'autres partenaires : universités, services déconcentrés d'autres ministères, associations, etc.

Actuellement il existe 50 pôles de ressources(10).

Source : SCEREN-CRDP

Pour l'année scolaire 2004-2005, ces pôles ont programmé 48 actions de formation ouvertes à un public inter-académique (ce qui représente 1 100 personnes et 2 800 journées stagiaires). Dans ces séminaires, deux tiers des participants sont des personnels du ministère de l'éducation nationale (inspecteurs, conseillers pédagogiques, professeurs relais, formateurs), un tiers des participants sont des personnels relevant du ministère de la culture, des structures culturelles ou des collectivités territoriales.

Ces formations conjointes enseignants-artistes sont fondamentales, car elles permettent aux deux parties d'apprendre à se connaître. Elles permettent également à chacun d'apprendre à monter des projets (montage du dossier, demande de financements, recherche de subventions, contact avec un artiste ou un enseignant demandeur, etc.) et à les mettre en œuvre dans les meilleures conditions. Les professeurs auditionnés, tout comme les syndicats d'enseignants, ont souligné que ce type de formation fait cruellement défaut aux professeurs qui veulent s'investir dans l'éducation artistique.

Il conviendrait par ailleurs de généraliser les formations conjointes entre enseignants et étudiants des établissements d'enseignement supérieur du ministère de la culture afin que les futurs artistes soient rapidement sensibilisés au monde de l'éducation et l'appréhendent ensuite plus facilement.


Propositions

1. Généraliser les formations conjointes enseignants-artistes.
2. Développer dans ce cadre les formations au montage de projet.

B. LA QUESTION DE LA FORMATION DES CADRES DE L'ÉDUCATION NATIONALE EST POSÉE

Dans le cadre de l'autonomie croissante des établissements scolaires et de la mise en place de la loi d'orientation relative aux lois de finances (LOLF), la formation, ou tout du moins la sensibilisation artistique des chefs d'établissements et de leurs adjoints, ainsi d'ailleurs que d'autres cadres de l'éducation nationale (recteurs, inspecteurs, fonctionnaires de l'administration centrale) est une nécessité vitale à la survie de l'éducation artistique dans notre pays. En effet, c'est la direction de l'établissement qui, déjà aujourd'hui, décide des choix de classes et projets pédagogiques, et non les professeurs.

De même, les projets d'éducation artistique ou culturelle doivent être retenus dans les projets d'établissements. Ils ne bénéficient dans le cas contraire d'aucun crédit. Il convient de le rappeler très régulièrement aux responsables des établissements. On ne peut donc que se féliciter de la publication de la circulaire interministérielle du 3 janvier 2005 qui dispose qu'« un volet d'éducation artistique et culturelle sera inscrit dans chaque projet d'école et d'établissement. Les actions seront d'autant plus pertinentes qu'elles seront conçues comme les points d'appui de projets rayonnant sur l'ensemble de la population scolaire (au niveau de l'école et/ou de l'établissement, voire à l'échelle des territoires) ».

Par ailleurs, pour l'année scolaire 2004-2005, selon les informations fournies par le ministère de l'éducation nationale à la mission, seuls 6 165 écoles primaires (soit 10,78 % des écoles) et 4 969 établissements du second degré (soit 43,88 %) ont intégré un projet artistique dans leur projet d'établissement.


Proposition

Vérifier régulièrement que les projets artistiques sont inscrits dans les projets d'établissements et subordonner le versement des dotations à cette inscription..

Au demeurant, la formation artistique des responsables d'établissement est aujourd'hui totalement défaillante. Il conviendrait donc de réfléchir à la mise en œuvre d'une journée de formation sur ce thème, afin que l'ensemble des chefs d'établissement dispose de toutes les informations pour choisir les projets artistiques de leur établissement.


Proposition

Mettre en place une journée de formation ou de sensibilisation artistique pour les responsables de l'ensemble des établissements scolaires
.

III.- LE DÉVELOPPEMENT D'UNE ÉDUCATION ARTISTIQUE
DE MEILLEURE QUALITÉ

L'éducation artistique s'articule autour de deux « pôles » majeurs : les enseignements artistiques obligatoires à l'école primaire et au collège et les autres dispositifs, facultatifs, d'éducation artistique, tout au long de la scolarité.

Il ne paraît pas indispensable de répertorier et d'évaluer les uns après les autres les dispositifs existants (projets artistiques et culturels, itinéraires de découverte, ateliers artistiques, etc.) puisque de nombreux rapports ont été publiés sur ce sujet(11). Il ne s'agit pas non plus de proposer des solutions idéales mais irréalisables. Ainsi, les programmes d'enseignement des écoliers, collégiens et lycéens de France étant beaucoup plus chargés que ceux des enfants des autres pays européens, la solution ne réside pas dans l'ajout d'une discipline artistique supplémentaire.

Il s'agit plutôt d'évaluer la pertinence et la cohérence du système : comment intégrer le monde de l'art dans le monde éducatif, comment structurer, coordonner, décloisonner les dispositifs d'éducation artistique ? Comment favoriser la mutualisation des moyens humains et financiers entre l'Etat, les collectivités territoriales et les institutions culturelles et comment pérenniser ces moyens ?

La mission s'attachera également à mettre en valeur les projets remarquables qui fleurissent dans les établissements de certaines villes ou régions françaises qui ont fait leurs preuves et méritent d'être mieux connus.

A. STRUCTURER L'ÉDUCATION ARTISTIQUE AUTOUR DES ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES

La mission tient à réaffirmer l'importance d'une application stricte de la loi du 3 janvier 1988 sans laquelle le caractère obligatoire des enseignements artistiques n'aurait pu se concrétiser et se pérenniser.

Elle se félicite de la prise de position claire des deux ministres sur ce sujet puisque la circulaire interministérielle du 3 janvier 2005 dispose que « le ministère de l'éducation nationale assure aux élèves des écoles et des collèges des enseignements artistiques obligatoires. Structurés autour des trois champs indispensables d'une formation artistique et culturelle pour tous (arts visuels, arts du son, arts du spectacle), ces enseignements articulent étroitement patrimoine et création vivante. Le ministère consacre à cette fin d'importants moyens humains et budgétaires qui permettent d'assurer une éducation artistique et culturelle pour la totalité des élèves sur l'ensemble du territoire et durant toute la durée de la scolarité obligatoire ».

La démocratisation de l'éducation artistique suppose une égalité de répartition sur le territoire national ainsi qu'une égalité entre les élèves au sein de ces territoires. Or seuls les enseignements artistiques obligatoires sont également répartis sur le territoire, dans toutes les classes, et dispensés selon le même programme à tous les enfants de France. Cette égalité d'accès à l'éducation artistique est une des chances offertes à nos jeunes pour que, devenus adultes, ils puissent prolonger ces premières approches artistiques en une appétence sans cesse renouvelée pour les activités artistiques (qu'ils enrichissent de nouveaux publics, qu'ils deviennent des amateurs ou des artistes eux-mêmes).

1. Quelles disciplines étudier dans le cadre des enseignements artistiques obligatoires ?

Faut-il étendre et diversifier les expressions artistiques pour enseigner en classe les développements contemporains du son et de l'image ou bien doit-on former les jeunes aux deux disciplines fondamentales que sont le chant et le dessin ?

Si l'éducation artistique doit permettre aux enfants d'aborder le plus grand nombre de disciplines artistiques, dans un esprit d'ouverture, l'enseignement artistique, qu'il s'agisse des arts plastiques ou de la musique, constitue la colonne vertébrale de l'éducation artistique. Il ne sert à rien d'explorer d'autres domaines si l'on n'a pas acquis les bases fondamentales, comme le soulignaient M. Jean Benezech et M. Alain Casabona devant la mission.

Car il s'agit, ne l'oublions pas, d'enseigner à tous les enfants des connaissances auxquelles beaucoup d'entre eux n'ont pas accès dans leur famille, leur milieu social et leur quartier.

La mission rejoint sur ce point M. Jean-Louis Langronet, inspecteur général de l'éducation nationale, doyen du groupe enseignement artistique, et pense que la maîtrise d'un enseignement artistique de masse suppose des choses simples : une formation aux données visuelles et aux univers sonores, la découverte du potentiel expressif de la voix et du corps et, si les maîtres sont bien formés, l'apprentissage du traitement numérique du son et la création d'ateliers de production.


Proposition

Les arts plastiques et la musique doivent constituer la « colonne vertébrale » de l'éducation artistique

2. Selon quelle pédagogie ?

A l'écoute de nombreux enseignants rencontrés à Paris et dans leur région, la mission est convaincue qu'il convient par ailleurs de résister au discours actuel prônant l'équivalence générale de toutes les formes de production et de pratiques. Comme le rappelait M. Stéphane Martin, président-directeur général du musée du Quai Branly, l'éducation artistique doit être réalisée sur la base de contenus scientifiques et intellectuels et non uniquement conçue comme une activité ludique.

La mission estime que respecter les jeunes, éduquer leur regard, c'est leur offrir ce qui ne fait pas partie de leur univers quotidien. Contrairement à ce que l'on croit, c'est d'ailleurs ce qu'ils demandent à l'école. L'art immédiat est un art de génération. Seule une expression artistique à laquelle le temps a donné une légitimité peut être considérée comme un art intemporel qui unit les générations et donc contribue à favoriser la cohésion sociale.

Cela n'exclut pas la possibilité de relier les formes actuelles à celles d'un passé plus traditionnel. L'exemple fourni par M. François Bou, directeur artistique de M. Jean-Claude Casadesus est à cet égard intéressant : on peut partir du rap et le relier aux formes musicales d'où il vient, également faire des ponts, avec des formes parallèles, comme les minimalistes américains ou Darius Milhaud, qui a composé en 1913 des œuvres dans lesquelles un texte parlé défile sur des percussions.

Parallèlement, l'Unesco estime qu'il est extrêmement important de fonder les programmes d'éducation artistique sur la culture nationale. C'est en effet en donnant à l'enfant une base identitaire solide, grâce à la culture et aux arts, qu'il pourra apprécier « l'autre » et d'autres cultures. Si la problématique de la diversité culturelle est importante, il faut qu'elle s'appuie sur une réalité : les enfants doivent être capables de s'ouvrir à la diversité sur la base de leur propre culture.

Comme le rappelait M. François Fillon devant la mission, « il est fondamental de former les futurs citoyens français et européens à une approche esthétique conforme au modèle de civilisation que nous nous attachons à promouvoir et à défendre. Le renforcement de la formation artistique des jeunes citoyens - formation au goût, formation esthétique et formation historique à nos racines et aux origines de notre civilisation - est la seule vraie barrière à l'uniformisation culturelle véhiculée par les grands médias ».

Cependant, on ne peut dispenser un enseignement avec les mêmes règles pédagogiques selon que l'on s'adresse aux enfants des écoles, des collèges ou aux adolescents des lycées.

A l'école, il s'agit d'éveiller la curiosité de l'enfant et de lui faire découvrir, à partir d'expressions et de pratiques artistiques multiformes, la dimension sensible de son environnement tout en les rattachant à quelques grands principes artistiques (règles de base musicales et plastiques).

Au collège, la démarche pourrait s'inverser : il faudrait plus précisément axer les enseignements artistiques obligatoires sur les deux fondamentaux que sont les arts plastiques (du dessin aux arts visuels, en passant par la peinture, la sculpture et les installations) et la musique (de la note aux arts du son). Cette dualité du monde artistique (musique et dessin) doit être enseignée jusqu'à la fin de la troisième.

Dans leur rapport(12) présenté aux ministres de l'éducation nationale et de la culture en janvier 2003, les inspecteurs généraux Mme Christine Juppé-Leblond, Mme Anne Chiffert, Mme Marie-Madeleine Krynen et M. Gérard Lesage, préconisaient une diversification en troisième, dans le cadre du chantier « des enseignements choisis ».

Les rapporteurs estiment que « dans la continuité de la diversification opérée en primaire et pour mieux de préparer les choix qu'ils auront à effectuer au lycée il paraît en effet légitime d'offrir aux élèves de 3e une offre artistique diversifiée, approfondie, correspondant à leurs motivations d'adolescents ».

Ils pensent que « s'il est tout à fait indispensable de conserver l'obligation d'un enseignement artistique en 3e,(...) il est également souhaitable dans cette perspective de cohérence avec le lycée de travailler la question d'une offre plus large que celle du binôme arts plastiques / musique en proposant lorsque cela est possible dans l'établissement une amorce des domaines correspondant à ceux qu'ils pourront trouver en seconde, à savoir le théâtre, la danse, cinéma et l'audiovisuel ».

La mission ne partage pas ce point de vue et estime qu'il convient de préserver l'enseignement de la musique et des arts plastiques jusqu'à la fin de la troisième, la diversification devant s'opérer dans le cadre des autres dispositifs d'éducation artistique et le choix d'une spécialisation intervenant au lycée. C'est seulement au lycée que les jeunes, en pleine connaissance de cause, peuvent choisir l'art qu'ils préfèrent perfectionner.


Proposition

L'enseignement de la musique et des arts plastiques doit rester obligatoire jusqu'à la fin de la troisième
.

3. Sur quelle durée et selon quelles modalités et périodicité ?

a) Sur quelle durée ?

A l'heure actuelle, l'enseignement de la musique et des arts plastiques est obligatoire de l'école primaire à la fin du collège. La mission a le sentiment qu'il ne faut pas rompre le fil d'Ariane artistique entre le collège et le lycée.

Une seule matière artistique doit être obligatoire dans toutes les filières du lycée, choisie parmi les offres de l'établissement. En effet, pourquoi l'art serait-il réservé aux sections littéraires ? Pourquoi les futurs ingénieurs et futurs commerciaux devraient-ils en être exclus ?

La mission est consciente que les offres seront différentes et plus ou moins nombreuses selon les lycées. Mais elle a tenu compte pour l'application de cette proposition de l'environnement culturel du territoire du lycée et des moyens propres à l'établissement. Sans admettre ces inégalités inévitables, le système, trop rigide et trop coûteux, n'aurait aucune chance de voir le jour.


Proposition

Rendre obligatoire l'enseignement d'une matière artistique au choix
pour tous les lycéens.

On pourrait même aller plus loin dans ce domaine et imaginer la création de lycées artistiques et de lycées d'arts appliqués, sur le modèle de l'Italie. Lors de son déplacement, la mission a été très impressionnée par la qualité des travaux des élèves étudiant dans ces structures originales.

Dans les lycées artistiques, lycées d'enseignement général « spécialisés », en plus des matières « fondamentales » étudiées par l'ensemble des lycéens, les élèves se familiarisent avec la pratique et la théorie de l'ensemble des disciplines artistiques (peinture, sculpture, architecture, restauration d'œuvres, etc.). Le cursus dans ces lycées est sanctionné de la même manière que dans les autres lycées et cette formation n'est pas dévalorisée, bien au contraire. Elle mène ensuite les lycéens vers des cursus universitaires spécialisés, en fonction de leurs goûts personnels (écoles d'art, design, architecture, etc.), mais également vers des cursus plus « classiques » (lettres, droit, histoire, etc.)

Dans les instituts d'arts appliqués, équivalents de nos lycées professionnels, mais spécialisés uniquement dans les disciplines artistiques, les élèves, là encore, sont formés à l'ensemble des techniques artistiques et leurs travaux sont d'une très grande qualité. C'est une grande différence avec les lycées professionnels français où les élèves sont obligés de se spécialiser dès 16 ans, sans même avoir évalué leur intérêt pour l'une ou l'autre des matières artistiques ou artisanales qu'ils sélectionnent. Ces instituts sont souvent spécialisés en fonction des spécificités artisanales du territoire local (par exemple, le verre à Murano). Ils ont été initialement créés pour garder vivant le patrimoine artistique italien, pour que les jeunes qui cherchaient des emplois trouvent des canaux de formation spécifiques et attractifs pour développer leur vocation.

Ces lycées et instituts d'arts appliqués sont présents dans toutes les régions italiennes. L'aspect historique de cet enseignement est très important, en raison du passé de l'Italie. Mais la France peut également se prévaloir d'un passé riche en ce domaine. Par ailleurs, en Italie, on considère que l'attirance des enfants pour l'art doit se manifester très jeune et qu'il convient d'encourager les vocations, à tel point que les instituts d'arts appliqués ont initialement été créés au sein des collèges italiens.


Proposition

Envisager la création de lycées artistiques et d'instituts d'arts appliqués sur le modèle italien.

b) Selon quelles modalités et périodicité ?

● Des cours de deux heures bimensuels ?

Le rapport des inspecteurs généraux (13) préconise, mais uniquement en troisième, que les élèves puissent « consacrer un temps plus long (deux heures hebdomadaires) » à ces disciplines artistiques. La mission pense qu'il conviendrait d'introduire cette souplesse sur l'ensemble du cursus du collège, afin d'offrir la possibilité aux professeurs d'avoir des cours d'arts plastiques qui puissent durer deux heures une fois toutes les deux semaines, en alternance avec les cours de musique. De nombreux professeurs ont en effet déploré de ne pouvoir mettre en œuvre un enseignement cohérent sur une seule heure de cours. Ces matières éveillent non seulement la sensibilité mais l'imagination créative, ce qui ne peut pas forcément se déclencher chez l'enfant en l'espace de trois-quart d'heures.

● Le travail en demi-classes ?

Par ailleurs, il conviendrait également d'étudier la possibilité de faire travailler les élèves en demi-classes car s'il est parfois difficile de réaliser un bon travail choral avec 15 élèves, il est totalement impossible de dispenser un enseignement artistique de qualité à plus de 30 élèves !


Proposition

Introduire plus de souplesse dans l'organisation des cours de musique et d'arts plastiques au collège, en fonction des besoins de chaque établissement, par 
:

- la mise en place de cours bimensuels de deux heures ;

- le développement du travail en demi-classes.

● Des passerelles entre le premier et le second degré ?

Enfin, un certain nombre de passerelles pourraient être mises en place entre le premier et le second degrés et soulager par là même les professeurs de musique et d'arts plastiques au collège, alors qu'il travaille aujourd'hui souvent avec 18 classes par semaine. En effet, comme souligné précédemment, à l'école primaire, le programme artistique est lourd et souvent mal appliqué par des professeurs des écoles surchargés. L'enseignement musical est souvent assuré par des musiciens intervenants, communément appelés « dumistes », employés par des municipalités. A l'école maternelle, ils doivent assurer une heure d'enseignement. Beaucoup n'assurent qu'une demi-heure. A l'école élémentaire, les enfants devraient bénéficier d'une heure et demie d'éducation musicale, ce qui bien souvent n'est pas le cas. Par ailleurs, ces dumistes sont inégalement répartis sur le territoire et n'enseignent que la musique.

Si les grandes villes ou les collectivités les mieux dotées devraient privilégier la solution parisienne, qui permet à l'ensemble des professeurs des écoles de bénéficier du soutien de professeurs de musique et d'arts plastiques rémunérés par la municipalité, pour les collectivités les moins riches, cette solution semble difficile à mettre en œuvre. Pourquoi alors ne pas offrir la possibilité aux professeurs de musique et d'arts plastiques des collèges d'enseigner à l'école primaire, en fonction des demandes des professeurs des écoles ? Si l'on peut espérer qu'une meilleure formation artistique de ces derniers leur permettra dans l'avenir d'assumer une partie de l'enseignement artistique, on peut également estimer qu'ils ne pourront en tout état de cause être compétents dans tous les domaines. L'aide d'un professeur spécialisé dans l'une de ces deux matières artistiques leur serait donc utile. C'est d'ailleurs la solution retenue dans les autres pays européens visités par la mission, où les professeurs des écoles sont assistés par des enseignants spécialisés pour l'une, l'autre ou ces deux matières artistiques.


Proposition

Permettre aux professeurs de musique et d'arts plastiques des collèges d'enseigner à l'école primaire
.

On pourrait même imaginer un système plus novateur, se rapprochant de celui qui fonctionne dans les écoles primaires italiennes, dont la mission a pu constater l'efficacité et la souplesse. La direction des établissements dispose d'une grande autonomie dans l'utilisation de ses crédits, ce qui est également la tendance en France. Dans ce cadre, l'école élémentaire Visconti, visitée par la mission, a réalisé un « appel d'offres » afin de sélectionner un professeur de musique, extérieur à l'école. Ce professeur est engagé sur la base d'un projet annuel, qu'il présente à la direction de l'établissement, et rémunéré par honoraires pour cette mission. Les projets sont très novateurs et d'une grande qualité pédagogique.

B. S'INSPIRER DES PROJETS REMARQUABLES QUI FLEURISSENT DANS LES RÉGIONS FRANÇAISES

Tous les intervenants auditionnés par la mission s'accordent à le reconnaître : pour conforter et développer une éducation artistique de qualité, il convient de s'appuyer sur des cas concrets de réussite, c'est-à-dire de partir d'exemples d'établissements où l'éducation artistique donne des résultats probants. Pendant les six mois dévolus à leur mission, les parlementaires n'ont pu se rendre dans toutes les régions et tous les établissements de France et d'Europe. La rapporteure le déplore car de très nombreuses initiatives et réalisations de qualité ne peuvent être mentionnées dans ce rapport.

La mission voudrait ici rendre hommage à toutes ces femmes et ces hommes qui, souvent avec fort peu de moyens et dans un environnement scolaire trop indifférent, oeuvrent avec passion et dévouement pour que les Français de demain soient imprégnés de cette diversité culturelle, qui est une des grandes richesses de notre nation.

La mission s'est rendue dans trois régions françaises - Bretagne, Alsace et Provence-Alpes-Côte d'Azur - et a auditionné les responsables de cette politique dans deux villes - Paris et Nancy (14) - afin d'évaluer la pertinence des dispositifs mis en place au niveau local.

Elle tient à souligner l'excellente qualité des projets qui lui ont été présentés, la motivation tout à fait exceptionnelle des enseignants et intervenants investis et le courage des collectivités locales parties prenantes qui font un beau pari sur l'avenir, qu'il conviendrait de mieux récompenser.

Ces nombreux projets « pilotes » développés au niveau local n'ont pas forcément vocation à être « plaqués » uniformément sur l'ensemble du territoire. Il est en effet rare que des expérimentations réussies se généralisent. Le ministère de l'éducation nationale se heurte à des difficultés financières et logistiques considérables lorsqu'il s'agit de généraliser à 12 millions d'élèves une expérience concluante pour 200 000 enfants dans un territoire donné et en fonction des offres culturelles locales. Il reste que ces projets ont une fonction dynamique et un effet de levier et d'entraînement non négligeable. Ils peuvent servir d'exemple de « bonne pratique » à des régions aux problématiques similaires.

a) L'exemple breton (15)

● La réussite du collège A. Vannier de Saint-Brice-en-Coglès

Il s'agit d'un collège situé en Ille-et-Vilaine, dans une zone rurale particulièrement défavorisée sur le plan économique et social. Il se situe au sein de la communauté de communes du Coglais qui compte 11 communes pour 11 000 habitants. Le collège a clairement évalué ses besoins dans le domaine de l'éducation artistique, puis a contractualisé avec l'Etat et les collectivités locales, à hauteur de ces besoins. Il dresse chaque année le bilan des actions réalisées.

Tout le projet d'éducation artistique repose donc sur une synergie de volontés. Le professeur d'arts plastiques, M. Bouvier, dans le collège depuis plus de 10 ans fut le véritable initiateur de la vie artistique du collège. La communauté de communes du Coglais participe au financement et s'investit dans les activités culturelles et artistiques du collège. Elle a pris la compétence « culture » dans sa totalité et, aujourd'hui, le président participe au conseil d'administration du collège. La communauté est aussi à l'origine du « Printemps du Coglais », une manifestation culturelle annuelle qui dure quatre mois, dont un « mois des poètes » en association avec le collège. En effet, les partenaires du collège ( Etat, Conseil général, communauté de communes et commune de Saint Brice) ont permis l'aménagement d'une salle de pôle culturel multiforme dans l'établissement. Claire et vaste, cette salle est un lieu de vie, de rencontre entre élèves, professeurs, parents et habitants de la région avec des intervenants extérieurs. Lors du dernier mois des poètes du « Printemps du Coglais », la salle a accueilli la romancière-poète Vénus Khovry-Geta. L'artiste a préparé avec les élèves des textes de poésie illustrés par des dessins à partir de créations préalables des collégiens. Le soir, les parents ont pu assister à une conférence de l'artiste.

Dans le cadre du « mois des arts plastiques », la mission a pu admirer l'exposition réalisée par les élèves autour de l'artiste Aurélie Nemours. Les élèves vont par ailleurs confectionner un livre sur la sculpture de l'artiste qui prendra place à Rennes.

Le « mois du théâtre » permet la collaboration des trois associations théâtrales du Coglais et du collège. Cette manifestation a contribué à la restauration d'un ancien théâtre de 150 places, accolé à la future bibliothèque, et à la création de sculptures sur des aires de repos. Le mois de juin est consacré à la musique et au chant et permet de fédérer les trois chorales de la communauté de communes lors d'une soirée de spectacle à laquelle participent les collégiens.

Enfin, dans le collège, les itinéraires de découverte (IDD) sont développés et permettent à la fois de rester dans le cadre des enseignements obligatoires, tout en réalisant des activités annexes. Ainsi, l'IDD Afrique a permis le montage d'une comédie musicale dans le cadre du cours de musique et de l'atelier musical. Des études annexes ont été réalisées dans les autres cours sur le contexte de l'œuvre (en français, en histoire, en géographie, etc.). Pour les professeurs, ces projets se réalisent le plus souvent sur la base du volontariat, en dehors des heures de cours, même si certaines heures supplémentaires sont octroyées par l'Inspection académique. Parallèlement, les intervenants extérieurs sont rémunérés par le biais d'une indemnité décidée en conseil d'administration.

Comme on peut le constater dans tous les établissements scolaires, les taux de réussite du collège Vannier sont éloquents, et bien supérieurs à ce que laisserait espérer l'environnement social des élèves. L'éducation artistique apporte donc une véritable valeur ajoutée, liée notamment à la façon dont les enseignants abordent ensuite leur matière.

Pour prolonger son action, le collège a donc créé un véritable « pôle culturel » au sein de l'établissement et veut le développer avec l'aide du conseil général, afin de l'orienter davantage vers l'extérieur et de dynamiser la communauté de communes, qui ne dispose pas encore d'un véritable établissement culturel. Etant donné que les personnes extérieures, et notamment les parents, viennent de plus en plus aux soirées données par le collège, cela permettrait de développer encore son attractivité.

b) L'exemple alsacien (16) 

Le collège Jacques Twinger de Strasbourg, visité par la mission, se trouve en zone d'éducation prioritaire. Le professeur de musique impliqué dans les projets artistiques est dans le collège depuis 1984. Le professeur d'arts plastiques y travaille depuis dix ans.

Le collège a monté un remarquable projet artistique relatif à l'Afrique, dans le cadre d'un atelier artistique (2 heures de travail en plus des horaires scolaires). Ce projet a eu des répercussions sur l'ensemble des autres cours obligatoires et la dynamique même du collège. Le volontariat est très important dans ce type de projet, car il requiert un travail sur la durée et prend sur le temps libre de l'enfant. On se rend compte à quel point la motivation n'a pas besoin d'injonctions obligatoires pour proposer de beaux projets. Dans le collège, ce projet a permis l'intervention de deux artistes : un chanteur lyrique d'origine camerounaise et un artiste percussionniste. Les agents « non enseignants » de l'établissement, et notamment les agents de service, ont également joué un rôle fondamental (ouverture tardive du collège, nettoyage et rangement des salles).

L'école élémentaire Gustave Doré se situe à Strasbourg dans le réseau d'éducation prioritaire de Cronenbourg. Elle comprend 13 classes, dont une classe d'intégration scolaire (CLIS). La pratique du théâtre est développée dans cet établissement. Elle est bénéfique pour l'ensemble des élèves de l'école, notamment pour l'acquisition de la lecture, car elle permet de sortir du langage ânonné ou de la récitation. Le théâtre est également très utile à l'acquisition des langues étrangères. L'expérience menée en allemand est à cet égard exemplaire. Les élèves ont présenté à la mission des saynètes en allemand au cours desquelles ils se sont appropriés cette langue pour la faire vivre au même titre qu'une langue maternelle.

L'école expérimente aussi des échanges avec les professeurs du collège voisin. En effet, les élèves de CM2 appréhendent souvent le passage en 6e et les professeurs des écoles ne sont pas souvent issus de filières artistiques ou scientifiques, ce qui pose le problème de la transmission des savoirs artistiques ou scientifiques dès le plus jeune âge. Cette année, les enfants ont travaillé sur le thème de l'eau, également porteur en arts plastiques et en musique.

Les personnes rencontrées regrettent que la rotation trop fréquente des enseignants rende difficile la poursuite de tout projet sur le long terme. Comme il n'existe pas de passerelle entre le premier et le second degrés, les temps de formation et de réunion des professeurs des écoles, occupés toute la journée, contrairement à leurs collègues du collège, posent de vrais problèmes.

Le lycée professionnel Jean Geiler accueille quatre classes à projet artistique et culturel (PAC), sur les dix neuf classes présentes. Le lycée, qui est aussi un centre de formation des apprentis (CFA), accueille environ 1 000 élèves par an sur deux sites, dans le cadre de formations aux métiers du tertiaire (fleuriste, vendeur, coiffeur, secrétariat, gestion, comptabilité). Ces jeunes viennent des quartiers difficiles de Strasbourg et le lycée professionnel n'est pas toujours un choix pour eux. Les classes à PAC constituent un bon moyen de les motiver en leur faisant découvrir un monde qu'ils ne connaissent pas. Tous les jeunes de la classe concernée sont obligés de participer au projet, dans le cadre de leurs cours.

Le travail réalisé avec l'Opéra national du Rhin a été très fructueux : il n'y avait en effet aucune réelle motivation au départ mais les résultats et l'implication des élèves sont allés croissant. Tous les professeurs, dans le cadre de leurs matières, se sont investis. A partir d'un projet culturel, on a ainsi pu brosser la totalité du contenu du programme des matières « classiques » de manière intéressante pour les élèves tout en développant le travail en groupe. Sur la base du projet avec l'Opéra, le programme de français, d'histoire ou de langues a été abordé dans sa totalité.

Le projet relatif au théâtre a permis aux élèves d'acquérir des techniques de comédien, utiles dans leur vie professionnelle, pour l'entretien d'embauche. Il leur a permis d'acquérir une plus grande maîtrise d'eux-mêmes, une meilleure élocution et une gestuelle valorisante. Par ailleurs, le théâtre étant au programme de lettres du baccalauréat professionnel, ce projet a permis d'allier l'utile à l'agréable. Les élèves ont également assisté à des répétitions, ce qui leur a permis de mieux apprécier et comprendre le travail de comédien et la pièce ensuite présentée.

Les projets artistiques et culturels permettent à ces élèves en grande difficulté de reprendre confiance en eux et en la société car ils permettent l'aboutissement de réalisations concrètes, qui parlent aux élèves. De plus, ces projets créent des liens plus forts entre les élèves et constituent un indéniable facteur de cohésion.

c) La région Provence-Alpes-Côte d'Azur

● Le collège Vernier

« Vous avez raison Monsieur c'est encore mieux qu'un match de foot ! »

- Le travail sur image : pour un autre regard sur l'autre

Dans cet établissement où beaucoup d'adolescents sont en rupture avec la société et eux-mêmes et n'expriment, en apparence, aucune compassion pour l'autre, un très beau travail esthétique et pédagogique a été mené par les professeurs. L'objectif a été visiblement atteint, car les élèves ont eu à cœur de montrer à la mission leur exposition de photos de portraits (exposés au théâtre de la photographie et de l'Image à Nice). Ces portraits fracturés et recomposés à partir des traits de visages différents, ont fait réfléchir ces adolescents sur leur image en les mettant en situation de la modifier avec celle des autres.

- La classe Patrimoine avec leurs professeurs de français et de nissart : pour un autre regard sur l'environnement urbain

Sur le site de Monaco (enclave prise entre la mer et les collines abruptes), les collégiens ont étudiés les différentes phases de construction de la ville, du Palais Princier sur le Rocher aux quartiers neufs pris sur la mer. Grâce aux visites sur le site avec prises de photos et à leur analyse sur les cartes, les élèves (visiblement très investis) ont bien intégré les différents styles architecturaux et type d'habitats en relations avec l'évolution historique de la principauté.

N'est-ce pas la meilleure approche pédagogique pour permettre aux adolescents de comprendre et de s'approprier leur environnement urbain ?

- L'itinéraire de découverte : « Quand est-ce qu'on rejoue ? », pour un autre regard sur soi

Pour la classe de cinquième, l'itinéraire de découverte (IDD) a permis la création d'une comédie musicale Oliver Twist à l'initiative des enseignants d'anglais, de musique, avec le soutien de la direction et la participation de l'ensemble du personnel du collège. Chaque élève a pu révéler ses talents, dramaturge, metteur en scène, décorateur, chanteur ou acteur... Chacun se découvre, découvre l'autre et le plaisir de bien faire ensemble, avec le bonheur final de participer au Festival de théâtre scolaire de Grasse. Challenge gagné pour ces élèves qui ont su affronter le public et produire un spectacle de qualité sans avoir jamais fait de théâtre.

● Le collège Valéri

- Une année (ordinaire) d'enseignement et d'éducation musicaux (extraordinaires)

Ce collège offre aux élèves, avec le soutien du principal, une éducation artistique ouverte aux créations de tous les temps et des quatre coins de la planète.

Dans une classe de troisième, la thématique « les musiques métissées » a permis aux collégiens de s'ouvrir aux éléments caractéristiques de la musique brésilienne et cubaine, d'être à l'écoute des rythmes syncopés. Ensemble, ils ont interprété le chant brésilien « Manha do carnaval » et ont réalisé une partition musicale pour quatre voix et percussions.

Dans le cadre d'un itinéraire de découverte, le collège a ouvert un atelier de percussion « l'Afrique et ses langages » pour la classe de quatrième avec un travail interdisciplinaire entre le professeur de musique, et le professeur d'éducation physique et sportive. Deux heures par semaine sur un trimestre, les collégiens ont « senti » comment les Africains expriment les instants importants de leur vie par la musique et la danse. Dans l'esprit des musiques et danses africaines, les collégiens ont mis en place deux polyrythmies et créé deux danses en rapport avec les rituels spécifiques, avec l'objectif de favoriser le rapprochement des cultures, développer l'esprit d'entraide et l'écoute mutuelle.

Une autre classe de quatrième bénéficie d'un atelier de hip-hop. Ici encore un beau travail en interdisciplinarité, entre les professeurs de musique, de français et d'anglais, permet aux élèves, d'écrire et de comprendre leur chanson rap, de travailler sur les problèmes de la violence, de la drogue (en démystifiant par exemple le gansta rap qui tient des propos violents, sexistes, tout en faisant l'apologie de la drogue...), pour développer la notion de respect.

- Le projet « Théâtre-Musique », avec une classe de cinquième d'aide et de soutien

L'équipe pédagogique a pris en charge les enfants en retard scolaire pour produire une pièce de théâtre sur le thème de l'étranger (La controverse de Valladolid), entrecoupée d'épisodes musicaux. L'idée était de démontrer à ces enfants qu'ils étaient capables d'assumer une heure de spectacle pour les revaloriser au maximum.

Le jour de la représentation les enfants ont dépassé leur timidité et la mission a pu apprécier leur plaisir de jouer, de chanter.

● Le collège Port Lympia

- L'espace culturel : lieu de vie et de pratique artistique intenses

Installé dans une vaste et lumineuse salle du collège, cet espace est un lieu où s'exercent le regard et l'esprit critique, où se construit l'analyse de l'image et de l'œuvre, par une rencontre avec la production artistique et l'artiste.

C'est le lieu idéal pour donner corps à des activités pluridisciplinaires entre les arts plastiques, les lettres, l'histoire, et les langues.

Aussi, pendant l'année scolaire 2002-2003, à l'occasion de l'exposition Arman, les élèves de 6e-5e (classe à PAC) ont, dans la salle d'exposition, écrit des poèmes « Dans un champ de lavande » inspirés par les œuvres de l'artiste. Un jeune poète parmi tant d'autres :

Soir d'été

Le jour se meurt.

La lavande frissonne sous le vent.

Dans ce champ qui lui sert de berceau.

Elle s'endort dans la splendeur des couleurs.

Le violet et le parme se mêlent au bleu sombre du soir.

La douce lumière de lune illumine ce bouquet.

Alors que le lourd manteau de la nuit se referme déjà

Sur cette campagne fleurie.

F. Lambert (6e 5)

Cette démarche pluridisciplinaire a eu lieu dans la salle d'exposition, dans le cadre de l'atelier d'écriture, sous la responsabilité pédagogique du professeur de lettres et du professeur d'arts plastiques.

Réservées à un public scolaire dans son fonctionnement quotidien, les expositions sont ouvertes à tout public à l'occasion du vernissage. Depuis sa création, « l'Espace culturel » a accueilli une moyenne de mille six cents élèves et quatre cents adultes par exposition. Depuis 1998, vingt-trois artistes ont été exposés. Ces expositions attirent de nombreux parents, amis, amateurs auprès de qui les enfants ne sont pas forcément mécontents de montrer leur talent et leur compréhension des œuvres.

- La création de l'artothèque en 2000

Soutenu par le délégué académique à l'action culturelle, le professeur d'arts plastiques a eu l'idée et le courage d'inventer une artothèque, bibliothèque d'œuvres d'art. Le collège de Port Lympia est responsable du dépôt d'œuvres (sa sécurité et sa conservation) qui ont été acquises grâce aux fonds de réserve de plusieurs établissements volontaires qui se sont réunis pour financer le projet. C'est une commission d'acquisition qui sélectionne les œuvres pour constituer un fonds de collection cohérent. Cette bibliothèque originale a le mérite de créer entre les collégiens et les œuvres de la collection une réelle proximité et une véritable imprégnation de l'univers sensible des artistes.

Enfin et surtout, cette artothèque offre la possibilité aux jeunes d'emprunter une œuvre d'art de son choix, de l'emporter chez lui pour l'exposer à un endroit choisi dans son domicile, suscitant ainsi un échange de vue avec ses parents, ses frères et sœurs et ses amis. Les enfants qui ont bénéficié de ces prêts se sont réjouis d'avoir pu discuter de l'œuvre empruntée en famille plutôt que d'avoir regarder la télévision.

-  L'école des Moulins : fructueux partenariats entre la ville, l'Etat et la mission Mécénat de la Caisse des dépôts et consignations.

Le théâtre de l'Opéra a soumis un projet à l'inspection d'académie consistant en la réalisation d'un opéra pour enfants en collaboration avec plusieurs classes d'établissements primaires de zones d'éducation prioritaire de Nice.

Les deux classes de CM2 de l'école des Moulins ont collaboré avec la librettiste Sugeeta Fribourg pour écrire un livret sur la musique de Pierre Thilloy. Dès janvier, ils ont fait l'apprentissage du chant pour participer à la représentation lyrique comme chanteurs dans les chœurs sur la scène de l'Opéra de Nice. En souvenir de leur belle « aventure » et de ses moments magiques, ils ont à nouveau interprété, devant la mission, des morceaux choisis de leur chant.

Les élèves de cycles II et III des établissements scolaires des Alpes-Maritimes inscrits au projet pédagogique de la saison 2004-2005 ont pu participer au concours organisé par le Crédit agricole Provence Côte d'Azur, à l'issue duquel une création plastique a été choisie comme fond d'affiche pour annoncer l'évènement.

Les élèves ont également créé autour de cet opéra des programmes, des poèmes, des maquettes de décors. De très nombreux soutiens financiers sont nécessaires pour réaliser des projets de cette envergure et une grande motivation, une grande ténacité doit soutenir les maîtres pour les mener à bien, mais la qualité des spectacles, comme le Chemin des Abeilles et le bonheur des enfants à y participer, sont vraiment à la mesure des efforts consacrés.

d) La ville de Paris

La mairie de Paris a mis en place de nombreuses actions visant à développer l'éducation artistique des enfants et des jeunes, que ce soit pendant le temps scolaire ou pendant les temps péri et extra scolaires (17).

· Dans le premier degré

Pendant le temps scolaire, l'intervention concerne deux domaines :

- La mise à disposition des écoles élémentaires d'un corps professoral spécialisé en musique et en arts plastiques ;

- L'organisation de classes spécialisées avec des thématiques artistiques et culturelles, les « classes à Paris », et la participation, en partenariat avec l'Académie de Paris, aux classes à projet artistique et culturel (PAC).

La mairie de Paris encourage l'éducation aux arts au sein de l'école depuis plus d'un siècle, par le biais du corps des professeurs de la ville de Paris, qui assurent l'enseignement des arts plastiques et l'éducation musicale dans chacun des niveaux de classe de l'école élémentaire. Ainsi, tous les élèves parisiens de l'école publique, du cours préparatoire au CM2, reçoivent un enseignement artistique (une heure d'éducation musicale et une heure d'arts plastiques chaque semaine) dispensé par des professeurs spécialisés, dont le travail vient en complément de celui effectué par l'instituteur ou le professeur des écoles. Les centres scolaires des hôpitaux et quelques établissements spécialisés bénéficient également de l'intervention de ces enseignants.

Pour les arts plastiques, l'enseignement s'articule autour de références culturelles indispensables à une bonne cohérence des acquis. Il se rapproche naturellement des institutions muséales et patrimoniales nombreuses à Paris pour assurer un cycle de visites et d'exploitations pédagogiques, notamment dans le cadre « d'ateliers ».

Pour l'enseignement musical, c'est à partir du travail de la voix et des différentes techniques de pédagogie active instrumentales et corporelles, que le professeur construit, tout au long des cinq années du cycle élémentaire, un puzzle fondé sur le contact humain, la socialisation, le jeu, la connaissance, l'écoute. Pour enrichir l'enseignement en classe, les élèves bénéficient de diverses activités culturelles et artistiques complémentaires, grâce notamment à des partenariats avec de grandes instances parisiennes : Châtelet, Ensemble orchestral de Paris, Orchestre Pasdeloup, Ensemble Inter-contemporain, Musée Bourdelle, etc.

Les professeurs de la ville de Paris : quelques chiffres

- L'ensemble de leur prestation est entièrement financé par la municipalité (coûts salariaux, dépenses de fonctionnement, frais de formation, fournitures et matériels spécialisés) à hauteur de 19,4 millions d'euros chaque année.

- Au 1er janvier 2005, Paris comptait 220 professeurs d'éducation musicale (équivalents temps plein) et 215 professeurs d'arts plastiques.

Source : mairie de Paris.

Organisées par la direction des affaires scolaires et la ville, les « classes à Paris » sont proposées aux enseignants sur catalogue ; 118 classes artistiques déclinant plus de 37 thèmes (photo, gravure, sculpture, musique, poésie, théâtre, masques, bande dessinée, marionnettes, danse, etc.) pour un budget de 300 000 euros, sont proposées chaque année. Ces classes se déroulent sur le temps scolaire. Elles offrent aux enfants et aux enseignants la possibilité de travailler avec un artiste et de participer à l'élaboration d'une œuvre originale et/ou de réaliser un spectacle. Chaque classe bénéficie de 10 à 30 séances suivant le thème. Leur objectif est d'élargir l'univers scolaire à l'environnement extérieur, de stimuler l'intérêt des enfants en leur permettant de s'initier à des techniques nouvelles, en les mettant en contact avec le monde de la création et de l'art.

Les classes à projet artistique et culturel (PAC) sont quant à elles financées à parité par le rectorat et la ville de Paris à concurrence d'un montant global maximal de 1 200 euros par classe. Elles se déroulent durant l'année scolaire sur quinze heures maximum. Cependant, elles sont montées par les enseignants qui choisissent leur thème et développent leur projet en partenariat avec des artistes, des associations, des institutions culturelles.

En 2005, deux cent vingts projets ont été sélectionnés pour un montant global (rectorat et ville) d'environ 186 000 euros. L'académie a malheureusement diminué le nombre de classes à PAC agréées. Aucun travail n'avait par ailleurs été réalisé avec les professeurs de la ville de Paris lors de la mise en place du dispositif.

● Dans le second degré

Dans les collèges et les lycées, la situation est différente puisque l'ensemble des enseignants est entièrement sous l'autorité de l'Etat. Tous les projets artistiques sont donc construits après validation par le conseil d'administration de l'établissement. Dans ce cadre, la ville impulse des projets et aide au financement de ceux que les conseils d'administration valident, mais son action est moins développée que pour le cycle primaire.

L'objectif du département de Paris est d'intensifier les coopérations avec les établissements scolaires du second degré, afin de développer l'offre d'activités périscolaires proposée par les collèges dans les domaines sportif, culturel, artistique, d'aide et de soutien, de mieux l'adapter aux besoins spécifiques des collégiens tout en les accompagnant dans leur apprentissage de l'autonomie et de la citoyenneté. En effet, les collèges parisiens disposent d'équipements nombreux et de bonne qualité (centres de documentation et d'information, salles de spectacles ou de sports, etc.) mal exploités et très souvent fermés le mercredi, le samedi, voire le vendredi après-midi, et pendant les vacances scolaires.

Depuis la rentrée scolaire 2004/2005, le département encourage et soutient les collèges à passer des conventions avec les centres d'animation ou autres structures extérieures pour accueillir des activités éducatives et de loisirs le mercredi, le soir et pendant les vacances. Elle offre pour ce faire des heures de vacations et l'assistance des animateurs de la ville. Afin de dynamiser cette démarche, le département lancera en 2005 un appel à projets en direction des collèges, destiné à développer cette mutualisation des locaux et ces loisirs éducatifs, en accompagnement de la scolarité. Un groupe de pilotage associant des principaux de collèges se mettra prochainement en place pour construire cet appel à projets et en effectuer le suivi.

Ces quelques exemples parlent d'eux-mêmes. Ils ne représentent qu'un modeste échantillon d'une réussite partagée par bien d'autres. La mission s'est attachée à en tirer les enseignements dans les développements de son rapport.

Les projets réussissent d'autant mieux lorsque des espaces d'art et de culture sont aménagés dans les établissements scolaires. L'ouverture des écoles en dehors du temps scolaire est aussi un facteur d'épanouissement artistique et culturel des élèves et de leur famille. Les projets ont plus de chance d'aboutir et d'obtenir un financement lorsque les professeurs de toutes matières sont sensibilisés à la dimension artistique de tous les domaines d'enseignement. Il est indispensable que les structures culturelles de proximité étoffent leurs services éducatifs en moyens humain et financiers pour soutenir le projet artistique des écoles. Enfin quand les écoles bénéficient de partenariat efficace entre l'Etat et les collectivités territoriales, elles sont à même de réaliser de beaux projets d'envergure.

C. MIEUX COORDONNER LES DISPOSITIFS D'ÉDUCATION ARTISTIQUE

Malgré quelques exceptions, d'une façon générale, comme le déplore M. Jean-Louis Langronet, depuis vingt ans, les dispositifs se sont succédés, que les élus continuent de financer sans qu'aucun n'ait jamais été supprimé ni rénové, et les familles n'y comprennent plus rien. Ce foisonnement devient ainsi contreproductif. Le problème est donc bien le suivant : comment passer d'une éducation artistique faite de mille et un projets à une offre publique d'éducation artistique pensée, raisonnée ? C'est à cette question qu'ont tenté de répondre les collectivités auxquelles la mission a rendu visite. Ces dernières, comme la quasi-totalité des personnes auditionnées par la mission, s'accordent pour expliquer les difficultés actuelles par un cloisonnement institutionnel excessif, une coordination défaillante entre enseignements artistiques et autres dispositifs d'éducation artistique et une valorisation insuffisante des pratiques amateures, dans et hors l'école.

Cela revient à se poser la question du rôle de chaque partenaire de l'éducation artistique et celle de la coordination de l'ensemble des acteurs qui seule permettrait un fonctionnement efficace des dispositifs au niveau local.

1. Favoriser le décloisonnement institutionnel

Les dispositifs nationaux d'éducation artistique sont aujourd'hui plus juxtaposés que coordonnés, notamment en raison de dysfonctionnements interministériels, voire entre directions ministérielles. Le problème majeur est bien celui du cloisonnement institutionnel.

Ainsi, les professeurs auditionnés, comme ceux rencontrés sur le terrain, ont tous évoqué les difficultés qu'ils avaient à établir des collaborations entre premier et second degrés de l'éducation nationale, alors même qu'ils seraient prêts à intervenir auprès des professeurs des écoles, notamment dans le domaine de la musique. Le premier et le second degrés étant géré par deux directions séparées du ministère, peu de ponts existent.


Proposition

Favoriser la mise en réseau et la transversalité des différents services du ministère de l'éducation nationale
.

Par ailleurs, les différents ministères ne se rencontrent pas assez, tant au niveau central que déconcentré. Si les fonctionnaires chargés de l'éducation artistique se connaissent et se réunissent régulièrement, ce n'est pas le cas des autres fonctionnaires dont le rôle peut pourtant s'avérer déterminant sur certains dossiers (budgets, formation, affectations, etc.).

Sans aller peut-être jusqu'à la création d'un secrétariat d'Etat aux enseignements artistiques, comme le préconisait M. Robin Renucci, il convient de mettre d'avantage l'accent sur la nécessaire régularité de la collaboration entre les services du ministère de l'éducation nationale et ceux de la culture, mais aussi ceux de la jeunesse et des sports.

En effet, au niveau local, tous les intervenants auditionnés l'ont souligné, les projets fonctionnent bien lorsqu'il existe de bonnes relations entre les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et les rectorats. Dans ces conditions, il convient de se féliciter de la réunion organisée à Paris en janvier 2005 par les ministères de l'éducation nationale et de la culture, qui a permis à tous les recteurs et directeurs régionaux des affaires culturelles de se rencontrer. Comme le soulignait M. Renaud Donnedieu de Vabres devant la mission, « cette réunion a été difficile à organiser, elle a eu le mérite d'avoir lieu car elle a permis des rencontres fructueuses ». La mission a pu constater que le travail en commun se poursuit sur le terrain. La circulaire commune publiée le 3 janvier 2005 témoigne également de la volonté de sensibiliser toutes les directions concernées de chaque ministère à la nécessité d'un travail en commun.

Il serait sans doute utile que ces réunions interministérielles se développent, à intervalle régulier, car elles permettent aux services déconcentrés de l'Etat de prendre conscience que l'éducation artistique est une priorité politique. On pourrait d'ailleurs imaginer le même type de réunion régulière avec les services centraux.


Proposition

Organiser chaque année une réunion commune aux ministères de l'éducation nationale et de la culture afin de sensibiliser les directeurs régionaux des affaires culturelles et les recteurs à l'importance du travail en commun dans le cadre de l'éducation artistique.
Y associer les directeurs régionaux de la jeunesse et des sports.

2. Mieux coordonner éducation et enseignements artistiques

S'il convient effectivement de ne pas confondre l'enseignement artistique obligatoire, qui fait l'objet d'un effort considérable du ministère de l'éducation nationale, avec les initiatives multiples qui sont venues s'ajouter à l'effort de l'Etat, comme le soulignait M. François Fillon lors de son audition devant la mission, l'on doit malgré tout rechercher une meilleure coordination de ces deux « pôles » de l'éducation artistique.

Or la mission a pu constater que cette coordination est parfois inexistante entre enseignement obligatoire, activités artistiques facultatives et projets artistiques. Ainsi, au sein d'un même établissement, les professeurs porteurs de projets artistiques n'arrivent parfois pas à les mettre en œuvre faute d'une connaissance suffisante du milieu artistique, connaissance dont disposent souvent les professeurs d'enseignement artistique. A l'inverse, certains professeurs d'enseignement artistique n'arrivent pas toujours à mobiliser leurs collègues ou leur administration pour mettre en œuvre des projets d'éducation artistique qui compléteraient fort utilement leur enseignement. En effet, ces projets permettent de diversifier les champs disciplinaires investis et permettent donc aux jeunes de réaliser qu'il n'y a pas que des disciplines cloisonnées mais qu'elles sont complémentaires et qu'un thème peut faire l'objet de différentes approches disciplinaires, d'un dialogue fructueux entre les professeurs.

Trois propositions permettraient d'améliorer cette coordination :

- Comme le suggèrent les associations d'éducation populaire lors de leur audition devant la mission, les professeurs devraient disposer d'un référent dans l'établissement pour concevoir et mettre en œuvre les différents projets d'éducation artistique. Aujourd'hui, personne dans les établissements n'a pour fonction et pour responsabilité d'aider à monter, de coordonner et de négocier le financement des projets culturels et artistiques. Bien souvent, ce sont quelques enseignants qui s'en chargent mais, outre qu'ils ne sont pas formés pour cela, leur rotation rapide, en particulier dans les zones difficiles, ne contribue guère à la cohérence ni à la continuité des actions.


Proposition

Désigner dans chaque établissement un « référent artistique » formé et chargé d'aider à monter, de coordonner et de négocier les budgets des projets culturels et artistiques de l'établissement.

- La stabilité des enseignants dans les établissements est également importante pour mener à bien des projets artistiques viables. Les changements et les incertitudes liées aux affectations freinent incontestablement les élans, comme l'ont souligné les professeurs rencontrés en Bretagne et en Alsace, ainsi que ceux auditionnés à l'Assemblée nationale.


Proposition

Permettre aux professeurs en charge d'un projet artistique de le mener à bien, sans qu'un changement d'affectation non désiré vienne le remettre en cause.

- Enfin, il serait intéressant qu'au moins une heure par semaine, ou à défaut une heure deux fois par mois, soit libérée pour que l'ensemble des professeurs puisse se retrouver et discuter des projets de l'établissement. Cela permettrait par ailleurs d'améliorer le dialogue entre les enseignants des différentes disciplines et la transversalité des projets.


Proposition

Instaurer une réunion de concertation hebdomadaire ou bimensuelle d'au moins une heure entre l'ensemble des professeurs d'un même établissement prise sur les heures de cours.

3. Harmoniser les dispositifs et moyens nationaux et locaux en faveur de l'éducation artistique

Il convient en effet de mieux apprécier et valoriser le rôle des collectivités territoriales. Comme le soulignait M. François Fillon devant la mission, depuis vingt ans, les collectivités territoriales ont consenti de considérables investissements culturels. La répartition des nouvelles infrastructures culturelles est imparfaite, mais elle n'est pas entièrement corrélée à la richesse des différentes collectivités.

Les ministères de l'éducation nationale et de la culture et les collectivités territoriales s'associent de plus en plus autour de la réalisation de dispositifs partenariaux qui favorisent la cohérence territoriale des projets : plans locaux d'éducation artistique, parcours artistiques territoriaux, volet artistique des contrats de plan, etc. La mise en œuvre de ces partenariats passe par la mise en commun des compétences et des expertises ; elle se traduit aussi par une mutualisation des moyens.

Ainsi, l'espace Magnan à Nice a pu construire depuis trois ans une identité culturelle forgée autour du cinéma grâce à la synergie de réseaux d'instances au plan local (inspection et académie de Nice, exploitants de cinéma, faculté Sophia Antipolis, DRAC Provence-Alpes-Côtes d'Azur et associations culturelles) et d'un réseau national avec, par exemple, le Centre national de la cinématographie et la DRAC Ile-de-France.

Il faut valoriser les efforts de ces partenaires locaux et renforcer la coordination avec les ministères car, en matière d'éducation artistique, l'effort se répartit entre les ministères de l'éducation nationale et de la culture pour 75 % et les collectivités territoriales pour 25 %. Selon les informations fournies à la mission par le ministère de l'éducation nationale, les financements apportés par les collectivités territoriales aux dispositifs d'éducation artistique et culturelle ont augmenté entre 2001 et 2005. Ainsi, les classes à PAC suivent cette évolution et deviennent un dispositif de plus en plus partagé avec les DRAC et les collectivités territoriales.

Financement des classes à PAC

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Source : ministère de l'éducation nationale

En revanche, les ateliers artistiques ont été dès le départ définis comme partenariaux, ce qui explique que la répartition du budget entre les collectivités territoriales, la culture et l'éducation nationale soit restée sensiblement la même.

Financement des ateliers artistiques

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Source : ministère de l'éducation nationale

Il s'agit donc de trouver une meilleure synergie entre l'Etat et les collectivités, tout en améliorant et en harmonisant les modalités d'évaluation de la qualité des projets locaux.

a) Améliorer la coordination et le dialogue de proximité

Une meilleure coordination doit être recherchée au niveau local, et ce sous trois angles :

_ Entre les différentes instances chargées de ce dossier au sein d'une même collectivité

En effet, comme le soulignait M. Jean-Louis Langronet, tant au niveau municipal, intercommunal que départemental ou régional, il existe un réel problème de cohérence entre les instances chargées de l'éducation et celles chargées de la culture, qui ne se parlent souvent pas ou mettent en œuvre chacune de leur côté des actions dans le domaine de l'éducation artistique, sans chercher à optimiser les moyens mis en œuvre et à développer des synergies.

Ainsi, à Paris, comme le soulignait M. Eric Ferrand, adjoint au maire chargé des affaires scolaires, la coordination des actions d'éducation artistique n'est pas toujours évidente avec la Direction des affaires culturelles de la ville. Pour autant, on y arrive sur la base de projets éducatifs locaux et l'articulation est plutôt réussie entre temps scolaire, périscolaire et vacances. Il semblerait que l'administration municipale de la culture n'ait encore que faiblement comme objectif l'éducation et la formation artistique, de la même façon qu'elle ne considère pas suffisamment les pratiques amateurs. Elle se concentre encore trop sur l'offre. La ville incite donc les corps de la ville de Paris chargés de l'éducation artistique à un titre ou un autre (institutions culturelles, animateurs, professeurs de la ville de Paris) à travailler plus régulièrement ensemble.

_ Entre les différents niveaux de collectivités

Mme Véronique Noël, directrice des affaires culturelles de la ville de Nancy, estime qu'il est très complexe de mutualiser les moyens municipaux avec ceux d'autres collectivités. Ainsi, par exemple, dans le cas de Nancy, le conseil général ne veut pas participer au financement des actions d'éducation artistique de la ville de Nancy, au motif qu'il finance déjà les transports scolaires. Les conseils régionaux adoptent souvent la même attitude. Or on ne peut laisser à la « ville centre » seule la charge de cette mission et si, effectivement, chaque niveau de collectivité doit participer à cette mission en fonction de ses compétences, il conviendrait que l'ensemble des partenaires puisse discuter de ce qu'il compte mettre en commun de manière régulière.

_ Entre les collectivités locales et l'Etat

L'efficacité des projets dans le domaine de l'éducation artistique est amoindrie par la multiplicité des prescripteurs et des actions sur le terrain. L'empilement de micro-dispositifs vient aussi bien de l'Etat que des collectivités territoriales et nuit grandement à la cohérence des actions, quand chacun veut mener sa propre opération au lieu de travailler en synergie.

M. Jean Benezech attirait également l'attention de la mission sur le fait qu'un professeur de musique peut exercer dans un collège pendant dix ans, en faisant d'ailleurs un très bon travail, sans jamais rencontrer l'équipe de l'école de musique locale ou du conservatoire. Les enseignants invitent parfois un artiste, mais travaillent trop rarement avec les institutions culturelles dépendant des collectivités. Pourtant, les collaborations, hélas trop rares, sont possibles, comme le démontrent les expériences fructueuses que la mission a pu connaître. La réussite est en général au rendez-vous lorsque les projets sont définis, conçus et mis en œuvre par l'ensemble des partenaires.

L'Opéra Le chemin des Abeilles lancé par l'Opéra de Nice et réalisé avec la participation des élèves de l'école des Moulins de Nice illustre bien cet aspect.

Il convient donc de se féliciter du développement des pôles nationaux de ressources (PNR). Dans ces pôles, collectivités, artistes et enseignants travaillent, se forment et s'informent ensemble, comme le montre l'exemple breton évoqué précédemment.


Proposition

Soutenir le développement des pôles nationaux et régionaux de ressources.

b) Privilégier la contractualisation et la mutualisation des moyens sur des périmètres cohérents

Si le développement de structures comme les pôles nationaux de ressources est un premier pas positif, il convient d'aller plus loin, et de privilégier localement une politique de sites, en s'appuyant sur l'ensemble des structures créées par les collectivités locales depuis trente ans, ainsi que le soulignait M. Jean-François Chaintreau, chef de projet « éducation artistique » au ministère de la culture et de la communication.

La directive nationale d'orientation 2004 du ministère de la culture et de la communication avait fixé aux directions régionales des affaires culturelles quatre séries d'objectifs en matière de politique d'éducation artistique et culturelle, dont le développement prioritaire des actions menées en partenariat avec les collectivités territoriales. Or, il semblerait que le principal frein au développement de ces actions soit le retrait du ministère de l'éducation nationale, ainsi que le souligne la Direction régionale des affaires culturelles de Lorraine (18) : « alors qu'il semblait acquis qu'une démocratisation de la culture passait par une politique territoriale conventionnée avec les collectivités locales, l'éducation nationale se retire de ces opérations, tant au niveau du soutien financier que des heures d'enseignants mis à disposition pour appliquer ces politiques. Ainsi, sans personne référente ni coordonnateur de projets, certains projets territoriaux d'éducation artistique vont, à court terme, se résumer à quelques ateliers artistiques dans les établissements, là où une dynamique avait été impulsée, les actions mises en cohérence et les moyens mutualisés. La protestation des collectivités locales, sensibles à ce recul, auprès du rectorat, ainsi que celle des établissements scolaires conscients du rayonnement des différentes actions, semblent être vaines ».

Le plan de relance devrait mettre un terme à ces difficultés budgétaires conjoncturelles, les ministres ayant rappelé leur attachement à l'éducation artistique et culturelle et relancé la dynamique territoriale en janvier, mais il est regrettable que des initiatives locales remarquables soient régulièrement freinées et que les pouvoirs publics fassent preuve d'une telle inconstance dans leur soutien.

En effet, d'une part, il est bon qu'un dispositif national soit ouvert à une participation et des aménagements régionaux, qui l'enrichissent. D'autre part, le bon sens voudrait que l'on mutualise mieux les moyens en fonction des besoins, afin d'éviter un empilement de dispositifs plus ou moins similaires dans certaines zones, principalement urbaines, et une absence quasi totale d'éducation artistique dans d'autres zones, majoritairement rurales.

La généralisation de la coopération entre les différents ministères et les collectivités peut passer par :

- la création de groupements d'intérêt public (GIP) ou d'établissements publics de coopération culturelle (EPCC), sur le modèle des associations départementales de développement de la musique et de la danse (ADDMD), co-gérées par l'Etat et les départements, ou sur le modèle, évoqué précédemment, du GIP ACMISA créé en Alsace et qui fonctionne à la satisfaction de tous depuis plus de vingt ans ;

- le développement corollaire de la contractualisation entre l'Etat et les collectivités, qui permet le développement des projets sur plusieurs années.


Proposition

Développer la coopération territoriale :

- en créant des groupements d'intérêt public (GIP) ou d'établissements publics de coopération culturelle (EPCC) ;

- en renforçant la contractualisation entre l'Etat et les collectivités, afin de permettre le développement et la stabilité du financement des projets sur plusieurs années.

c) Poser la question des locaux adaptés

Dans le cadre du développement de cette contractualisation, il conviendrait également de résoudre le problème de l'absence de locaux adaptés aux pratiques artistiques dans les établissements scolaires. Quand ils existent, ils consistent, la plupart du temps, en une salle de classe inadaptée, réservée à ces enseignements, mais aussi à d'autres réunions. A défaut de l'aménagement de salles de musique ou d'arts plastiques dans l'ensemble des établissements scolaires, on pourrait tout au moins imposer le développement de ce type de salles en milieu rural, sur le modèle du collège A. Vannier de Saint-Brice-en-Coglès. En effet, les communes, ou plus logiquement les intercommunalités, profiteraient de ces petits équipements pour des activités liant parents et enfants.


Proposition

En l'absence de structure culturelle de proximité, aménager dans les établissements scolaires des salles adaptées aux pratiques artistiques et susceptibles de recevoir les publics locaux.

D. MIEUX ASSOCIER LES ARTISTES ET LES INSTITUTIONS CULTURELLES DE PROXIMITÉ

S'il convient de privilégier les projets montés en partenariat entre les collectivités locales et l'Etat, il faut également mobiliser plus efficacement les artistes et les institutions culturelles sous la tutelle du ministère de la culture, dont les collectivités sont d'ailleurs également des bailleurs de fonds.

La directive nationale d'orientation 2004 du ministère de la culture et de la communication avait fixé aux directions régionales des affaires culturelles une série d'objectifs précis dans ce domaine, dont l'insertion systématique d'une dimension éducative dans les projets artistiques et culturels des structures subventionnées.

Comme le rappelle le rapport d'activité publié par le ministère (19), « la mise en œuvre de ces orientations a dû tenir compte du contexte dans lequel s'inscrivait l'action du ministère de la culture : prise de distance de l'éducation nationale après les années de lancement du plan pour l'éducation artistique et culturelle, réticences d'un grand nombre de collectivités territoriales à l'égard de l'Etat suspecté de vouloir leur transférer des charges à la faveur de la préparation des mesures prises en matière de décentralisation, contexte budgétaire difficile. En dépit de ces difficultés, l'effort budgétaire consenti par les DRAC a réellement progressé, grâce à l'effort de terrain mené dans de nombreuses DRAC ». Il convient de s'en féliciter.

Malheureusement, le bilan reste encore mitigé. Un certain nombre de structures culturelles ne se sentent pas assez concernées et, parallèlement, de nombreux artistes et les institutions culturelles auditionnés par la mission ont déploré que les intervenants extérieurs ne soient pas toujours les bienvenus au sein des établissements scolaires.

Un certain nombre de directions régionales des affaires culturelles regrettent le « "positionnement autocentré" de l'éducation nationale, les réserves voire l'opposition de l'éducation nationale à des initiatives qu'elle éprouve comme une remise en cause de ses prérogatives ». En Lorraine, « il est arrivé ainsi que l'on reçoive des lettres de protestation d'inspecteurs de l'éducation nationale parce qu'une structure culturelle, dans le cadre de sa politique en faveur des publics prioritaires, avait répondu aux sollicitations des écoles et était intervenue hors dispositifs officiels »(20).

En réalité, il ne s'agit pas le plus souvent d'un refus de collaboration. Le ministère ne met généralement pas de frein aux initiatives, mais si les institutions culturelles ne vont pas au devant des enseignants, ceux-ci ne viennent pas spontanément à eux, comme le déplorait M. Henri Loyrette.

Cette impression est partagée par M. Stéphane Martin qui déplore le peu de demandes et de « retours » du ministère de l'éducation nationale lorsque ce dernier est sollicité sur ses besoins. Les propositions sont souvent bien accueillies, mais le ministère n'est pas réellement force de proposition.

Pourtant, comme le soulignaient les professeurs du lycée professionnel Jean Geiler de Strasbourg, la présence d'intervenants extérieurs et leur rencontre dans des structures culturelles est importante pour les élèves. Ils ont ainsi l'impression d'être écoutés différemment, ce qui les motive.

La mission estime que, s'il convient de bien distinguer le travail pédagogique de l'enseignant de celui de l'artiste ou intervenant extérieur. La pérennisation, mais également le développement des coopérations passent par une hausse de la durée moyenne des interventions, le développement des mises à disposition d'enseignants dans les structures culturelles, le renforcement des structures éducatives des institutions culturelles, l'amélioration de la clarté des objectifs assignés à ces institutions en la matière et la systématisation de l'aide au montage de projets pour les artistes.

Cette meilleure association des artistes et des institutions culturelles permettrait ainsi de favoriser le développement des pratiques amateures, aujourd'hui défaillantes, dans mais également hors de l'école.

1. Bien distinguer le travail pédagogique de l'enseignant de la présence de l'artiste ou de l'intervenant extérieur

Toutes les personnes auditionnées par la mission se sont accordées sur ce point : pour que les deux partenaires s'engagent, chacun doit avoir le sentiment qu'il n'est pas dépossédé d'une partie de sa liberté de décision. Il convient donc de remplir deux exigences contradictoires : inviter les partenaires à œuvrer librement ensemble tout en incitant au développement de ce partenariat sur l'ensemble du territoire.

Mais les institutions culturelles ne doivent plus avoir l'impression qu'il leur est demandé de pallier les carences du ministère de l'éducation nationale. Ainsi, M. Henri Loyrette a l'impression que ce ministère abandonne petit à petit l'éducation artistique aux associations et aux musées. De même, M. Gérard Mortier souligne que l'Opéra de Paris ne peut se substituer au ministère de l'éducation nationale, « dont la première tâche devrait être de revoir la formation des enseignants ».

Le travail pédagogique que doivent continuer à faire les enseignants ne doit donc pas être confondu avec celui que doivent accomplir les artistes eux-mêmes. L'objectif de l'intervention artistique est de multiplier des perspectives différentes sans médiatisation normative, que l'artiste fasse irruption dans un monde qui n'est pas le sien. Comme le soulignait M. Renaud Donnedieu de Vabres lors de son audition, « l'artiste doit rester un artiste, même à l'école, et non un spécialiste de l'intervention en milieu scolaire ».

Plus largement, la question essentielle est de savoir à quel titre chaque personne intervient. Mme Lise Didier Moulonguet, secrétaire générale de Savoir au présent, le rappelait : la plupart des enseignants d'arts plastiques sont en fait des artistes, mais n'en doivent pas moins assumer un rôle d'enseignant. C'est pourquoi il est essentiel que des artistes interviennent à l'école en tant qu'artistes. La distinction des rôles est importante et une meilleure connaissance de l'univers de chacun fondamentale. C'est d'ailleurs tout l'intérêt des formations conjointes, évoquées précédemment.

La pratique artistique ne doit donc pas être le seul fait de l'enseignant. Il est très important qu'une partie de la transmission soit le fait d'un artiste qui exerce quotidiennement son art. M. Jean-Louis Langronet estime que l'éducation artistique est toujours plus féconde lorsqu'elle est assurée par des enseignants convenablement formés, mais ces derniers doivent bénéficier d'apports extérieurs. C'est également le constat qu'a pu faire la mission sur le terrain.

Les résidences d'artiste constituent une modalité appropriée d'intervention : la mission est convaincue que la présence d'artistes dans les établissements scolaires pour que les enfants s'approprient la dimension humaine et créatrice de l'art grâce à des rencontres permanentes à toute heure de la journée et des soirées. Elles sont malheureusement encore trop peu développées. Comme le souligne le rapport précité du ministère de la culture et de la communication (21), « plus d'une DRAC sur trois (neuf sur vingt-cinq), ne mentionne aucune action appuyée sur une résidence, et sur la soixantaine d'actions répertoriées par les autres, une minorité seulement répond aux objectifs des résidences : nourrir un projet artistique d'échanges avec des populations d'enfants et de jeunes, ou au minimum saisir l'occasion de la présence d'une équipe artistique sur un territoire pour initier des populations d'enfants ou de jeunes aux langages et aux formes artistiques. La majorité des actions répertoriées ne dépasse guère le niveau de simples actions de sensibilisation, menées en contrepartie du soutien accordé par l'autorité de tutelle au projet artistique de l'équipe ou de l'artiste en résidence.

« Les liens entre projets de création et éducation artistique restent donc dans l'ensemble assez ténus, justifiant par là même la nécessité d'une meilleure articulation entre le plan de relance en faveur de l'éducation artistique et le plan pour l'emploi dans le secteur du spectacle vivant ».


Proposition

Développer les résidences d'artistes sur la base de projets solides et concertés au sein des établissements scolaires.

Cela suppose l'aménagement de lieu de vie, en particulier de logements, pour que cette proposition puisse atteindre le but recherché.

2. Développer et pérenniser les collaborations

Afin de développer et de pérenniser les collaborations entre artistes, institutions culturelles et enseignants, il ressort des auditions de la mission qu'il convient d'agir dans plusieurs directions :

- la durée des interventions artistiques ;

- la mise à disposition d'enseignants dans les structures culturelles ;

- l'importance des structures éducatives des institutions culturelles ;

- la fixation d'objectifs suffisamment clairs ;

- enfin, la problématique des montages de projets, pour les professeurs et les artistes.

La mission propose donc d'agir dans ces cinq domaines.

a) La question de la durée de l'intervention artistique

Dans les dispositifs actuels, elle est trop souvent très courte. Le ministère de la culture et de la communication ne dispose pas de statistiques sur la durée de ces interventions. Pour autant, les DRAC ne participent au financement de l'intervention que si sa durée est supérieure à 8 heures. En deçà, elles considèrent que le projet ne relève pas vraiment de l'éducation artistique. Donc ces interventions courtes connaissent de vrais problèmes de financement.

Il conviendrait sans doute que l'ensemble des ministères et financeurs locaux s'interroge également sur la nature des projets artistiques subventionnés et sur les seuils en deçà ou au-dessus desquels on peut parler de communication, de sensibilisation ou de réelle pratique. Par ailleurs, il serait opportun de disposer d'une évaluation fiable sur les durées réelles d'intervention des artistes dans les établissements scolaires. Sans trop rigidifier le système (ce qui serait contraire à l'esprit de liberté qui anime les artistes), il semble tout de même nécessaire de prévoir un certain nombre de règles pour que l'on puisse évaluer les résultats obtenus en fonction des buts fixés et des moyens alloués.

b) L'intérêt de la mise à disposition d'enseignants dans les structures culturelles

Selon M. Jean-Marc Lauret, si la mise à disposition d'enseignants dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) n'est plus aussi pertinente qu'à l'origine, la mise à disposition croissante d'enseignants dans les services éducatifs des institutions culturelles serait profitable, à condition qu'elle leur permette de garder le contact avec les réalités pédagogiques.

Dans les DRAC, cette mise à disposition était initialement la réponse à une situation d'urgence : en 1992, faute d'obtenir la création des 27 postes nécessaires aux DRAC pour suivre les questions relatives aux enseignements artistiques, M. Jack Lang, alors ministre de la culture, a eu l'idée de mettre de façon transitoire des enseignants à leur disposition. A l'époque, l'essentiel des crédits consacrés à l'éducation artistique venaient du ministère de la culture et l'idée était qu'il se dote de personnels imprégnés de la culture de l'éducation nationale, essentiellement orientés vers les établissements scolaires, afin de convaincre ces établissements de la nécessité de partenariats avec les institutions culturelles.

Aujourd'hui, l'effort de conviction doit également porter sur les institutions culturelles et la systématisation de leurs relations avec les établissements scolaires. Le développement de leur service d'action éducative implique de démultiplier les mises à disposition.

Les décharges et mises à disposition

Les rectorats accordent des décharges de service à des enseignants afin que ces derniers puissent participer à l'animation du service éducatif d'une structurelle culturelle à visée nationale ou locale (fonds régional d'art contemporain, Opéra national de Lyon, musée Carnavalet, théâtre de Bourgogne...). 125 décharges de ce type ont été accordées en 2004-2005 par les rectorats.

Par ailleurs, 86 personnes sont mises à disposition d'institutions et d'organismes à caractère artistique et culturel.

Des heures supplémentaires sont également dégagées afin de rémunérer les enseignants intervenus dans un service éducatif en plus de leurs cours (environ 2,7 millions d'euros en 2004).

Source : ministère de l'éducation nationale

Les institutions culturelles auditionnées par la mission, qui disposent toutes de personnels mis à disposition par l'éducation nationale, sont persuadées de l'intérêt de cette mise à disposition, mais estiment qu'il conviendrait d'améliorer le dispositif actuel.

_ Le renouvellement de la mise à disposition des enseignants semble souvent problématique.

Ainsi, l'équipe pédagogique du Musée du Quai Branly sera constituée d'une dizaine de personnes et espère la mise à disposition de trois enseignants. Ces mises à disposition dépendent de la bonne volonté du ministère et de ses représentants locaux.

En effet, aujourd'hui, en fonction des priorités ministérielles, une mise à disposition sera ou non renouvelée. Dans le cas de l'Opéra de Paris, Mme Danièle Fouache, en charge de l'opération « Dix mois d'école et d'opéra » est ainsi mise à disposition et donc rémunérée par le ministère de l'éducation nationale, comme ses assistantes. Le ministère peut donc mettre fin à cette collaboration, notamment en cas de difficultés budgétaires ou de réorientation ministérielle, ce qui serait néfaste pour l'Opéra, pour les professeurs détachés, qui se sont largement investis et portent ce dispositif à bout de bras, mais également pour l'ensemble des classes concernées.


Proposition

Améliorer la concertation lors du renouvellement des mises à disposition afin qu'aucune décision unilatérale ne soit prise au détriment du ou des professeurs détachés et de l'institution culturelle.

_ Ces mises à disposition doivent être plus nombreuses et pérennes.

Comme l'a souligné le Centre national de la danse devant la mission, son action éducative s'est construite progressivement ? La mise à disposition de deux professeurs à mi-temps, l'un spécialisé dans les réponses aux enseignants du second degré, l'autre dans le premier degré, l'a grandement aidé. La pérennisation de cette collaboration est indispensable au dynamisme des services éducatifs des institutions culturelles.

A Nancy, les restrictions de budget du ministère de l'éducation nationale mettent en danger les mises à disposition d'enseignants. Or il est fondamental qu'elles perdurent. Selon Mme Véronique Noël, directrice des affaires culturelles de la ville de Nancy, des conventions d'objectifs devraient être passées entre le ministère et les collectivités qui s'investissent sur ce dossier afin d'aboutir à une réelle pérennisation de ces postes et susciter des vocations.

Plus largement, le ministère de la culture et de la communication (22) estime que « le mouvement de baisse du nombre de ces décharges de service semble se poursuivre. (...) Cela se traduit [par exemple] en Lorraine par des suppressions de postes dans les services éducatifs au Frac, à « Musique et danse en Lorraine » et à l'Institut européen de chant choral ».

Par ailleurs, le nombre de professeurs mis à disposition semble encore insuffisant dans de nombreuses institutions. Ainsi, le musée du Louvre reçoit 540 000 scolaires. L'objectif du musée est d'en accueillir 700 000 mais le service éducatif ne peut répondre à la demande, en raison, surtout, selon M. Loyrette, de l'insuffisance des ressources humaines mises à sa disposition par le ministère de l'éducation nationale ; de 0,5 personne à son arrivée, le service est certes passé à 4,5 personnes, mais c'est encore insuffisant.


Propositions

1. Les conventions de mise à disposition passées entre les institutions culturelles et le ministère de l'éducation nationale doivent contenir une clause de « rendez-vous » annuel afin de réévaluer régulièrement les besoins de l'institution.

2. Ces mises à disposition ne doivent pas être remises en cause unilatéralement par le ministère de l'éducation nationale, sauf évaluation sérieuse soulignant leur absence d'intérêt pédagogique.

c) Le nécessaire développement des structures éducatives des institutions culturelles

Si la mise à disposition d'un nombre croissant d'enseignants dans les institutions culturelles constitue une condition nécessaire au développement des partenariats entre ces deux mondes, elle n'est pas suffisante pour réaliser l'objectif fixé par la directive nationale d'orientation 2004 du ministère de la culture et de la communication de « mobiliser les structures artistiques et culturelles en intégrant systématiquement l'éducation artistique dans les contrats d'objectifs ou les projets culturels des structures bénéficiant du soutien financier de l'Etat ».

Le rapport d'activité du ministère dresse un constat mitigé(23) en soulignant que « cet objectif n'est pas encore atteint. Seules trois DRAC (Languedoc-Roussillon, Nord-Pas-de-Calais et Poitou-Charentes) sont en mesure de déclarer que l'ensemble des structures subventionnées consacrent une part de leur budget à l'éducation artistique et culturelle, objectif atteint grâce à une politique systématique de conventionnement avec les collectivités territoriales. Ailleurs, la directive n'a pu être suivie que partiellement. La signature de conventions spécifiques portant sur l'éducation artistique et culturelle ou l'accompagnement des jumelages entre les structures artistiques et culturelles et les établissements scolaires apparaissent de fait, comme une étape préalable à l'intégration des projets éducatifs dans les contrats d'objectifs.

« En dépit de quelques avancées, la place de l'éducation artistique et culturelle dans les missions assignées aux institutions culturelles reste encore périphérique et non considérée comme l'un des éléments du socle fondateur des politiques de création artistique et de conservation du patrimoine. L'action de sensibilisation à l'importance de l'éducation artistique et culturelle vis-à-vis de structures autonomes, engagées avec le ministère dans une relation contractuelle et parfois beaucoup plus fortement soutenues par les collectivités territoriales que par l'Etat, demeure ainsi difficile. La globalisation et la diminution annoncées des budgets et dotations horaires alloués aux établissements scolaires ont été en outre perçues comme une menace de désengagement des établissements scolaires, peu favorable à la mobilisation des structures artistiques et culturelles dans le champ éducatif ».

Dans ce cadre, les institutions culturelles qui s'investissent sur ce secteur sont vite saturées. Les institutions auditionnées reconnaissent pour la plupart que les lieux dédiés à ces activités sont devenus trop petits. Ainsi, le Musée du Quai Branly, qui n'a pas encore ouvert ses portes, craint déjà un engorgement de son service éducatif, d'autant que l'équipe globale du musée sera composée de 200 personnes seulement pour 36 000 m² d'espace muséal, alors que le centre Pompidou en compte 1 200 pour un peu plus du double d'espace.

L'engorgement est réel au Musée du Louvre, au Fonds régional d'art contemporain (FRAC) Alsace, à l'Orchestre national de Lille ou à l'Orchestre philharmonique de Strasbourg. Cet état de fait génère des listes d'attente conséquentes et ne permet pas aux structures de satisfaire toute la demande, d'où évidemment de fortes inégalités d'accès entre les enfants d'un même territoire. Les institutions culturelles ne doivent plus être réservées à un club restreint d'initiés ou à quelques établissements scolaires privilégiés ou bien armés pour s'imposer.

Dans certaines institutions, comme le fonds régional d'art contemporain (FRAC) Alsace, il semble par ailleurs que, le budget consacré à l'action éducative stagne.

Il conviendrait donc de travailler selon quatre axes :

- en conditionnant enfin le versement des subventions globales de fonctionnement allouées aux institutions culturelles à la présentation d'un projet éducatif, comme la directive nationale d'orientation 2004 le demandait et comme le réaffirme la circulaire interministérielle du 3 janvier 2005, tout en leur donnant les moyens de respecter cet engagement ;

- en constituant des équipes plus développées au sein des services éducatifs des institutions culturelles ;

- en développant les espaces consacrés aux activités d'éducation artistique ;

- en augmentant la part des budgets consacrée à l'éducation artistique au sein de ces institutions.


Proposition

Inciter les institutions culturelles à :

- constituer des équipes plus développées au sein de leur service éducatif ;

- développer les espaces consacrés aux activités d'éducation artistique ;

- augmenter la part de leur budget consacrée à l'éducation artistique.

Ces objectifs doivent être intégrés aux contrats d'objectifs et de moyens passés entre les institutions culturelles et le ministère de la culture et le versement des subventions du ministère conditionné à leur inscription et à leur respect.

Cette dernière proposition implique que des objectifs plus clairs soient formulés par le ministère ou la collectivité de tutelle de l'institution en matière d'action éducative.

d) L'importance d'objectifs clairs d'action éducative dans les institutions culturelles

M. Patrick Minard, directeur général de l'Orchestre philharmonique de Strasbourg, regrettait de ne pas recevoir de directive plus claire de sa tutelle sur les proportions que l'action éducative doit prendre dans les priorités de l'orchestre.

Il semble en effet qu'en la matière, les contrats d'objectifs, qu'ils soient passés avec une collectivité et/ou avec l'Etat, restent trop flous, évoquant des priorités variées, mais sans aucun objectif quantitatif (nombre d'enfants ou d'école accueillis, budget à consacrer, nombre d'ateliers ou de projets à mettre en œuvre, etc.)


Proposition

Contractualiser sur la base d'objectifs quantitatifs et qualitatifs d'éducation artistique clairs et contrôler leur respect avec des résultats tangibles.

e) Le développement de l'aide au montage de projets

De nombreux intervenants extérieurs à l'éducation nationale auditionnés par la mission, et notamment Mme Fratellini, artiste de cirque, l'ont déploré : ils ne savent pas vers qui se tourner lorsqu'ils veulent travailler avec un établissement scolaire. Nombreux sont ceux qui ignorent qui peut les renseigner au sein du ministère de l'éducation nationale : conseiller artistique, professeur de musique, coordonnateur de la zone d'éducation prioritaire ? Même lorsqu'ils identifient des lieux où ces expériences peuvent être porteuses de réussite scolaire, ils ne savent pas quels sont les partenaires capables de les piloter.

La création de postes de référents artistiques dans les établissements, précédemment suggérée par la mission, permettra de répondre en partie à leurs interrogations. Il convient par ailleurs de développer les bonnes pratiques existant dans certaines régions, mais surtout de mieux communiquer sur les organismes locaux dont c'est la mission. C'est aux responsables de l'éducation nationale et de la culture de bien les médiatiser pour inspirer d'autres pratiques, dans d'autres lieux.

Ainsi, en Alsace ou dans les Alpes-Maritimes, c'est la délégation académique à l'action culturelle (DAAC), placée auprès du rectorat, qui aide au montage des dossiers et des projets des enseignants et des artistes. Elle aide à la fois à la recherche de financement et à la recherche de partenaires.

Les délégués académiques à l'action culturelle (DAAC)

Nommés par le recteur, les DAAC sont garants de la politique du ministère de l'éducation nationale en matière d'éducation artistique et culturelle. Ils sont en relation avec la Direction de l'enseignement scolaire, afin d'harmoniser les orientations des rectorats au niveau national. La dernière réunion nationale vient de se tenir en avril 2005 en présence du directeur de l'enseignement scolaire.

Chaque académie est dotée d'un délégué et d'enseignants spécialisés qui coordonnent les actions des différentes disciplines artistiques.

Ainsi, les DAAC :

- assurent la cohérence de la politique académique ;

- répartissent au sein des comités de pilotage académique les chapitres budgétaires ;

- proposent des formations aux arts et à la culture, au sein des Plans académiques de formation ;

- sont en contact permanent avec la DRAC et les collectivités territoriales pour nouer des partenariats constructifs et durables.

Source : ministère de l'éducation nationale

C'est également la mission des pôles nationaux de ressources que de mettre en relation artistes et enseignants. Par ailleurs, dans toutes les régions et départements, les centres régionaux et départementaux de documentation pédagogique (CRDP et CDDP) ont pour mission « le montage de projets et l'ingénierie éducative », selon les termes de M. Jean-François Cervel, président du conseil d'administration du Centre national de documentation pédagogique (CNDP).


Proposition

Systématiser l'aide au montage de projet dans chaque département en désignant une structure responsable et mieux communiquer sur cette possibilité d'assistance auprès des artistes et des enseignants.

3. Favoriser le développement des pratiques amateures dans et hors de l'école

A l'école, la mission en est convaincue, l'éducation artistique doit être obligatoire tout au long de la scolarité et attractive pour tous les élèves. Elle doit procurer aux jeunes les bases nécessaires pour comprendre, sentir et donc apprécier les plaisirs de l'esprit que procure l'univers artistique. Son but premier n'est pas de former des spécialistes, ni une élite artistique (n'est-ce pas le rôle des structures éducatives spécialisées ?) mais de favoriser l'émergence de jeunes publics amateurs avec le souci de contribuer à leur épanouissement personnel tout en leur donnant les clés pour pérenniser ce désir d'art et de culture à l'âge adulte.

Dans cette perspective, l'éducation artistique ne peut se limiter au périmètre scolaire. En dehors de l'école, il convient de créer des passerelles entre les élèves et le monde artistique vivant en société. Encore faut-il que les emplois du temps des élèves le permettent : actuellement si l'on ajoute au temps où il est à l'école les trois heures et demie qu'un enfant passe devant la télévision chaque jour, on se demande à quel moment il peut se consacrer à la pratique d'une activité musicale ou plastique ?

Pourtant, il est du devoir de l'éducation nationale d'organiser en son sein des relations avec les institutions et les associations culturelles pour des activités péri et extrascolaires. Que ce soit dans les centres de loisirs ou dans l'enceinte de l'école, les activités artistiques en dehors des horaires scolaires procurent aux enfants un espace de liberté et de créativité supplémentaire.

Parallèlement, la rencontre informelle entre pédagogues de l'enseignement, bénévoles d'associations et animateurs d'institutions enrichit les offres d'activités proposées aux enfants.

Malheureusement, le temps manque, les lieux manquent, même si les personnes volontaires existent. L'ouverture du monde scolaire vers le monde périscolaire est aujourd'hui encore très difficile pour différentes raisons. On confond encore trop, en France, temps de présence des élèves dans l'établissement et temps d'enseignement, alors que les travaux pratiques sont essentiels, comme le sont les moments de vie collective. Il convient de refuser cette dichotomie entre le temps scolaire et le temps extrascolaire et de s'inscrire plutôt dans le temps de l'enfant.

Ainsi, en Norvège, on utilise les établissements scolaires pour réaliser des activités postscolaires, notamment dans le cadre des écoles municipales d'art et de culture, créées depuis 1998 et dont les budgets communaux financent le fonctionnement. Pour les parlementaires norvégiens rencontrés par la mission, il est important que les écoles restent ouvertes l'après-midi et le soir, après les cours. C'est d'ailleurs tout à fait normal en Norvège depuis de longues années puisqu'on y pratique aussi bien des activités artistiques que sportives ou associatives. Des adultes sont responsables de l'établissement pendant son ouverture hors temps scolaire. Ils s'engagent à surveiller les enfants et cela ne semble poser aucun problème aux responsables d'établissement ou au ministère de l'Éducation.

M. Jean-Claude Lallias le soulignait : comme c'est le cas à l'étranger, nos établissements d'enseignement, creuset social sans égal, devraient être les premiers centres culturels du pays et des lieux de vie. Le coût d'un tel dispositif serait bien moins élevé que les dépenses sociales induites par des erreurs de stratégie éducative aux conséquences souvent catastrophiques.

Malheureusement, trop peu d'établissements acceptent de s'ouvrir aux activités périscolaires, pour des raisons de sécurité et par manque de personnel.

Or une plus grande ouverture est fondamentale. Elle permettrait notamment d'attirer les familles, de les faire entrer à nouveau à l'école et de les faire participer à la vie scolaire de leur enfant. Il est nécessaire que l'intervention artistique dans les écoles soit relayée par ce qui se passe à l'extérieur, pour contribuer à résoudre les questions de la relation avec la cellule familiale. De ce point de vue, les mouvements de jeunesse et d'éducation populaire, qui travaillent sur le périscolaire et le postscolaire, de l'élémentaire au lycée, hors du temps scolaire, peuvent jouer un rôle très important, en particulier en direction des publics en difficulté.


Proposition

Ouvrir les écoles hors du temps scolaire.

La mission est consciente des problèmes budgétaires et logistiques posés par cette proposition (Qui paie l'électricité, le chauffage ? Qui est responsable de la sécurité des enfants et des lieux ?). Mais pourquoi la France n'arriverait t-elle pas à réaliser ce qui se fait naturellement dans beaucoup de pays européens ?

Comme la mission a pu le constater, la dimension locale de l'action éducative des institutions culturelles et des associations qui s'investissent dans le domaine de l'éducation artistique est fondamentale et elles ne font pas de dichotomie entre temps scolaire et extrascolaire. A titre d'exemple, le Centre national de la danse privilégie les deux terrains : le milieu scolaire et les associations. Il utilise l'arsenal des ateliers de pratiques artistiques et des classes à projet artistique et culturel (PAC), mais travaille également hors temps scolaire, sur les mêmes thèmes, avec ces associations locales. Ces interventions permettent des échanges et des rencontres non seulement avec les enfants qui y participent, mais aussi avec les enseignants et avec les parents.

Selon Mme Anne Chiffert, présidente du Centre national de la danse et coauteur d'un rapport sur l'éducation artistique(24), il serait par ailleurs intéressant que le ministère de l'éducation nationale se rapproche du réseau des écoles d'enseignement spécialisé hors temps scolaire en musique, théâtre et danse, et notamment des conservatoires, qui relèvent de la compétence des collectivités territoriales.

On sait en effet que le taux d'abandon lors des trois premières années dans ces écoles est très important, ce qui fait perdre des sommes élevées aux collectivités et met les enfants en situation d'échec.

Il serait donc intéressant de développer des formations en commun à l'école primaire, ce qui désengorgeait les écoles spécialisées et leur permettrait ensuite de n'accueillir que les enfants réellement motivés par eux-mêmes (non par leurs parents) et particulièrement talentueux.

Cependant, il convient de se féliciter de l'évolution constaté en 2004 par le ministère de la culture et de la communication (25) qui souligne que « 17 Drac sur 25 observent une implication des établissements d'enseignement spécialisé de la musique, de la danse et du théâtre et des écoles d'art sur le terrain de l'éducation artistique et culturelle en milieu scolaire (...), en temps et en dehors du temps scolaire, et son accompagnement par les collectivités locales », même si cette implication recouvre différentes réalités puisque les actions évoquées mêlent les partenariats dans le cadre des classes à horaires aménagés (qui existent depuis longtemps) et les autres interventions en milieu scolaire et périscolaire, qu'il convient de développer.


Proposition

Multiplier les coopérations entre les établissements de l'éducation nationale et les institutions ou associations oeuvrant hors temps scolaire.

Pour développer les pratiques amateures et professionnelles, on pourrait également imaginer de généraliser l'expérience menée à Paris depuis 1924 par le collège Rognoni, plus communément appelé « l'école des enfants du spectacle », dont la mission a pu constater l'originalité et les performances.

L'établissement a été créé par Louis Raymond Rognoni, sociétaire de la Comédie Française, qui s'inquiétait de voir les enfants comédiens totalement illettrés. Il créa donc une école en 1924 qui devint publique en 1945.

L'Ecole des enfants du spectacle : le témoignage de Marie-Thérèse Naudon,
ancienne directrice

« La rue [du Cardinal Lemoine] abrite aujourd'hui au 24, un établissement unique en son genre : l'Ecole des Enfants du Spectacle. Rien à voir à priori avec le grand Collège du Cardinal, mais on aime à croire que l'esprit de curiosité et de liberté, qui était à l'origine de la création des Collèges, subsiste dans cette petite école atypique.

«  C'est à la fois une école primaire et un collège, ce qui est déjà une exception dans le système public français. Toutes les classes fonctionnent à mi-temps, soit le matin, soit l'après-midi, pour accueillir des enfants qui exercent par ailleurs des activités artistiques exigeant beaucoup de temps : ce sont de jeunes comédiens qui sont de vrais professionnels, mais aussi des élèves musiciens ou danseurs des Conservatoires, des patineurs artistiques, des enfants de l'Ecole du cirque, quelques champions juniors d'échecs, d'escrime...

« Certains élèves viennent du Ve arrondissement, mais la majorité n'habite pas le quartier. S'ils sont nombreux à résider à Paris, quelques-uns arrivent tous les jours de banlieue ou même ont laissé leurs proches en lointaine province pour vivre en famille d'accueil. On y trouve une variété d'âges, d'origines, d'activités artistiques, inconnue ailleurs. Et même si les enfants sont soumis à la difficulté d'une double vie aux horaires draconiens, et souvent stressants, cette diversité crée une atmosphère irremplaçable.

« Je me souviens de ma première visite : la précédente directrice me fit découvrir les lieux et me présenta à chaque classe. Dans une classe de cours élémentaire, l'institutrice demanda à un petit de sept ans s'il voulait bien jouer quelque chose. Il prit son violon au fond de la classe, et nous gratifia, sans se faire prier, de quelques mesures de Mozart.

« Dans la salle des professeurs, mais aussi dans la loge de la gardienne, dans la salle des surveillantes et parfois dans le préau, sont déposés, les instruments de musique les plus encombrants, parfois des violoncelles, ou des patins à glace, pour que les deux activités, scolaire et artistique, puissent s'enchaîner sans perte de temps ; personne ne songe à se plaindre de l'encombrement et chacun slalome entre ces objets pour le moins incongrus dans une école. L'autonomie et le sens des responsabilités des élèves surprennent aussi : les arrivées s'échelonnent pendant une heure avant les cours le matin ou à midi, car les aléas des trajets et du double emploi du temps des élèves ainsi que les disponibilités des accompagnateurs ne permettent pas toujours d'assurer une précision rigoureuse dans les horaires d'arrivée. Ce n'est pas grave, la porte d'entrée reste entrouverte et chacun arrive, salue l'adulte qui l'accueille et s'occupe à sa façon jusqu'au début des cours : on s'installe pour finir un travail sur les tables du préau ou on joue dans la cour après avoir demandé les balles en mousse qui sont prêtées par la gardienne. Je n'ai jamais vu un établissement scolaire fonctionner avec autant de souplesse et si peu de problèmes. Les réticences que j'ai éprouvées au début devant ces méthodes surprenantes ont vite cédé. On regarde, on écoute les enfants et les adultes qui ne cessent de répéter « qu'ici, c'est différent », et très vite, on regrette que les enfants de toutes les écoles ne puissent bénéficier de cette organisation si peu contraignante et pourtant efficace ».

L'établissement reçoit des jeunes de Paris mais aussi de proche et de lointaine banlieue.

Origine géographique des élèves

4e district (Ve, XIIe et XIVe)

Autres districts

Total Paris

Hors Paris

Ve
arrondissement

Autres arrondissements du district

Total district

Ile-de-France

Autres

12

46

58

63

109

82

1

Source : collège Rognoni

Il s'agit d'une structure unique en France, puisque dans un même bâtiment, cohabitent, fait unique en France, les élèves du collège Rognoni, établissement public depuis septembre 2001, et trois classes élémentaires (1 CE1/CE2, 2 CM1/CM2) de l'école des enfants du spectacle. Bien qu'il y ait séparation administrative entre les deux, des liens privilégiés existent depuis toujours. Le collège compte 8 classes allant de la 6e à la 3e avec deux classes par niveau : une dont les cours sont assurés le matin de 8 h 25 à 12 h 50, l'autre l'après-midi de 13 h 00 à 17 h 20. Le contenu des programmes d'enseignement est strictement identique à celui d'un collège public. Les seules matières non enseignées sont l'éducation physique et sportive et la technologie. L'accompagnement du travail personnel des élèves est très important. Ainsi, les élèves entrant en 6e font l'objet d'un accompagnement obligatoire au premier trimestre. Par ailleurs, une heure hebdomadaire pour acquérir des méthodes de travail est réservée aux élèves en difficulté au deuxième et troisième trimestres.

Tous les professeurs de l'établissement offrent bénévolement une aide personnalisée hebdomadaire aux élèves en difficulté, qui se sont absentés (maladie, tournage, concert, compétition, etc.) ou qui demandent à approfondir certaines connaissances. Le choix des horaires, fixes ou à la demande, se fait en privilégiant alternativement la présence des élèves du matin ou de l'après-midi.

Les résultats des élèves sont remarquables. Leur motivation leur fait accepter des règles et une organisation du travail très stricte. Il n'y a aucun problème de discipline dans cet établissement, d'autant plus que ces enfants, doués dans un domaine, ont une image valorisante d'eux-mêmes. Les élèves viennent plutôt de milieux favorisés, sauf les patineurs, qui viennent de milieux plus modestes.

Origine sociale des parents d'élèves

Cadres supérieurs et professions libérales

Artisans commerçants

Professions intermédiaires

Employés

Ouvriers

Retraités Autres

Sans emploi

60,9

4,7

21,9

6,3

2,6

2,1

1,6

Source : collège Rognoni

Réussite au brevet

Collège Rognoni

Académie

2002

95,7 %

69,9 %

2003

91,66 %

Source : collège Rognoni

Aucun élève ne redouble dans l'ensemble des niveaux.

L'établissement reçoit malheureusement beaucoup plus de demandes qu'il ne peut en satisfaire (300 demandes par an pour 48 places en 6e). Il faudrait qu'un établissement de ce type existe dans toutes les académies pour décharger cet établissement et permettre aux enfants de province de disposer des mêmes facilités, les classes à horaires aménagés étant trop peu nombreuses et ne couvrant pas l'ensemble des disciplines artistiques comme cet établissement. Si de tels établissements étaient créés, il faudrait par contre peut-être songer à recruter les principaux sur profil ou sur la base du volontariat.


Proposition

Créer un établissement sur le modèle de l'école des enfants du spectacle dans chaque académie.

E. QUELS MOYENS FINANCIERS NATIONAUX POUR L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ?

1. Le budget actuellement consacré par le ministère de l'éducation nationale

a) Les crédits affectés aux enseignements artistiques

Selon les informations fournies à la mission par le ministère de l'éducation nationale, 1,494 milliard d'euros ont été affectés aux enseignements artistiques obligatoires dans le budget 2005 du ministère, qui se répartissent entre les dépenses de personnel, les crédits pédagogiques, les subventions de fonctionnement en faveur d'actions spécifiques et la formation des enseignants. L'évolution est la suivante sur les cinq dernières années :

Crédits affectés aux enseignements artistiques (en euros)

2000

1 116 803 388,00

2001

1 237 049 075,00

2002

1 321 794 000,00

2003

1 350 596 000,00

2004

1 491 783 000,00

2005

1 494 080 000,00

Source : ministère de l'éducation nationale.

b) Les crédits affectés à l'éducation artistique

En 2004, près de 26 millions d'euros, dont 17 millions d'euros engagés par le ministère de l'éducation nationale, ont financé l'ensemble des dispositifs d'éducation artistique et d'action culturelle. 61% des moyens consacrés par le ministère aux dispositifs d'éducation artistique et d'action culturelle sont des rémunérations en heures supplémentaires (HSE) qui donnent aux enseignants le temps nécessaire pour mener à bien des projets de qualité. Les crédits pédagogiques (36 %) et d'intervention (3 %) complètent les moyens de ces dispositifs. Les crédits pédagogiques sont utilisés afin de rémunérer des intervenants, d'acheter du matériel. Les crédits d'intervention sont peu importants mais nécessaires pour subventionner des associations participant à la réalisation de projets artistiques et culturels.

Les crédits consacrés à l'action culturelle ont malheureusement connu une baisse entre l'année scolaire 2002-2003 et l'année 2003-2004, mais ce constat vaut pour l'ensemble des financements publics et se comprend dans le cadre global d'une conjoncture budgétaire de plus en plus contrainte. En revanche, et contrairement aux critiques entendues dans les médias, le budget consacré par le ministère de l'éducation nationale à l'éducation artistique n'a que très légèrement baissé entre 2003-2004 et 2004-2005 (- 1,81 %). Il s'est maintenu à environ 17 millions d'euros. Selon les informations fournies par le ministère à la mission, les dernières remontées d'information en provenance des académies laissent même à penser que les crédits engagés pour l'année 2004-2005 seront légèrement supérieurs à ceux de l'exercice précédent.

Par ailleurs, on ne peut que regretter que l'enseignement privé soit souvent moins bien loti que l'enseignement public. Ainsi, dans l'académie de Nice, le secteur privé représente 10 % des élèves, mais seulement 5 % des financements de l'éducation nationale.

Les ateliers artistiques restent le dispositif qui bénéficie de la plus grande partie du budget (près de la moitié). Toutefois la comparaison des deux derniers exercices (2003-2004 et 2004-2005) permet de mettre en évidence un phénomène nouveau : à budget constant, les montants consacrés aux dispositifs spécifiques, à savoir ceux qui relèvent de l'initiative individuelle d'un enseignant et sont susceptibles de changer d'une année sur l'autre (classes à PAC et ateliers artistiques), ont tendance à baisser tandis que les crédits alloués à des dispositifs mettant en œuvre des partenariats globaux inscrits dans la durée (jumelages, services éducatifs, dispositifs territoriaux) augmentent en proportion. Si cette répartition se confirme pour l'avenir, il semble donc qu'on assiste à une redistribution des cibles de financement.

Financements par type de dispositif

Année scolaire

2002-2003

2003-2004

2004-2005

Variation 2002-2005

Classes à projet artistique et culturel

4 114 124,67

2 416 071,07

2 314 842,02

- 43,73 %

Ateliers artistiques

11 089 579,90

8 676 767,82

7 929 288,29

- 28,5 %

Projets d'action éducative

1 506 584,90

1 073 826,50

1 041 113,00

- 30,9 %

Jumelages

119 037,80

112 680,54

142 447,34

- 19,67 %

Services éducatifs

2 985 146,29

2 754353,84

3 104 809,54

- 4,01 %

Autres dispositifs : contrats de plan, contrats locaux, etc.

4 206 771,65

1 928 962,68

2 123 468,57

- 49,52 %

TOTAL

24 021 245,21

16 962 662,45

16 655 968,76

- 30,66 %

Source : ministère de l'éducation nationale.

Si, comme le rappelait M. François Fillon à la mission, la globalisation des crédits a pu amener dans ce contexte certaines académies à procéder à des ajustements, le message adressé aux recteurs lors de la réunion commune de janvier 2005 est sans ambiguïté : consolider et approfondir les actions en cours plutôt que de les amplifier ; valoriser la qualité des projets plutôt que leur quantité. Le ministre a également indiqué qu'il avait personnellement veillé à ce que l'enveloppe attribuée à l'action culturelle au titre de l'année en cours ne subisse aucune baisse par rapport à l'exercice précédent.

2. Le budget actuellement consacré par le ministère de la culture

Dans ce cadre, il semblerait que le ministère de la culture ait tenté de compenser partiellement le désengagement de l'éducation nationale en matière d'éducation artistique puisque les budgets consacrés à ce secteur sont en hausse constante depuis 2001, comme le montre le premier tableau.

Evolution du budget consacré à l'éducation artistique et culturelle

Crédits
centraux

Crédits déconcentrés

Total

Variation n/n-1 en %

2001

4 412 413 €

28 075 847 €

32 488 260 €

2002

4 306 010 €

27 385 227 €

31 691 237 €

+ 2,45

2003

4 329 238 €

28 545 918 €

32 875 156 €

+ 3,74

2004

4 294 883 €

29 782 658 €

34 077 541 €

+ 3,66

Source : L'action des DRAC en matière d'éducation artistique et culturelle, synthèse des réponses au questionnaire IGAAC, ministère de la culture et de la communication, délégation au développement et aux affaires internationales, département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers, 27 mai 2005.

Budget exécuté en 2004 par type d'action

Dispositifs partenariaux

- classes à pac

346 356

- classes culturelles

206 327

- ateliers

3 119 995

- options obligatoires

3 685 331

- options facultatives

1 134 921

- autres

541 970

Projets fédérateurs

- missions d'action éducative (services éducatifs, volets éducatifs des contrats d'objectifs avec les structures artistiques et culturelles)

4 718 981

- jumelages

734 367

- conventions avec les collectivités locales (CLEA, volets éducation artistique des contrats de développement culturel de ville, de pays, de VPAH, etc.)

2 157 028

- résidences, projets d'établissements, inter-établissements, espaces de rencontres avec l'œuvre d'art

1 875 069

Hors temps scolaire

- contrats éducatifs locaux

759 600

- autres actions HTS

840 750

Formation, documentation, ...

- formations d'enseignants

778 315

- outils pédagogiques

194 840

- tirage et restauration copies de films

1 200 000

- formations de professionnels de la culture à l'intervention en milieu scolaire (CFMI, CFPI, ...)

3 335 850

- pôles nationaux

840 750

- pôles régionaux éducatifs à l'image

550 639

- autres pôles régionaux

77 912

Programmes de sensibilisation

- école, collège, lycéens au cinéma

2 171 452

- adoptez un jardin

65 444

- architecture au collège

126 048

- divers

396 709

Autres

- associations nationales d'éducation artistique

1 095 526

- lycées agricoles

340 641

- divers (petite enfance, secteur médico-social : IMP, établissements spécialisés pour handicapés)

356 693

- action culturelle dans les établissements d'enseignement supérieur

2 018 835

- éducation à la culture scientifique et technique

407 354

TOTAL

34 077 541

Source : L'action des DRAC en matière d'éducation artistique et culturelle, synthèse des réponses au questionnaires IGAAC, ministère de la culture et de la communication, délégation au développement et aux affaires internationales, département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers, 27 mai 2005.

3. La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances : une chance pour l'éducation artistique ?

Les chiffres avancés par le ministère de la culture ne tiennent pas compte de l'apport des établissements publics et des structures qu'il subventionne. Obtenir des chiffres globaux et un budget enfin sanctuarisé sera donc un des grands enjeux de l'application de la loi d'orientation relative aux lois de finances (LOLF). Ainsi, si Mme Catherine Tasca a obtenu en 2002, un total sans précédent de 27 millions d'euros de mesures nouvelles déconcentrées dans les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) pour financer le plan de cinq ans qu'elle avait annoncé avec M. Jack Lang, ces sommes, ainsi qu'une partie des crédits consommés l'année précédente pour l'éducation artistique, ont été mobilisées à d'autres fins... Les crédits relatifs à l'éducation artistique servent malheureusement encore trop souvent de variable d'ajustement.

L'instrument nouveau qu'est la LOLF garantira à l'éducation artistique un budget dans le cadre de l'action 2 (soutien à l'éducation artistique) du programme 3 (transmission des savoirs et démocratisation de la culture) du ministère de la culture et de la communication. M. Chaintreau, chef de projet « éducation artistique » dans ce ministère, a indiqué à la mission que les services s'attacheront par ailleurs à consolider les indicateurs de ce qui est aussi réalisé à cette fin dans les programmes 1 (Patrimoine) et 2 (Création) du ministère.

Malheureusement, dans ses propres programmes, le ministère de l'éducation nationale ne compte pas isoler l'éducation artistique, ni même les enseignements artistiques. Selon les informations fournies à la mission, l'éducation artistique et culturelle est présente dans le budget du ministère sans pouvoir être distinguée dans un ensemble spécifique. Aucun programme ou action ne concerne expressément l'éducation artistique et culturelle. Cette éducation étant considérée moins une finalité à part entière que comme une des façons de parvenir aux objectifs de réussite des élèves que s'assigne le système éducatif, les crédits utiles pour la mise en œuvre de l'éducation artistique et culturelle sont répartis entre cinq programmes et pas moins de 25 actions(26), où ils pourront être utilisés à des fins d'éducation artistique et culturelle, mais sans être spécifiquement fléchés pour ce faire.

Il conviendrait sans doute d'envisager la création d'une mission interministérielle chargée de veiller à l'application du programme 3 du ministère de la culture et de la partie du programme du ministère de l'éducation nationale consacrée à ce sujet, avec la certitude que les crédits affectés ne pourraient plus s'évaporer. Ce point est capital, car des crédits de plus en plus importants seront désormais confiés aux chefs d'établissements.


Proposition

Regrouper au sein d'une mission interministérielle les crédits du programme 3 du ministère de la culture et des différences parties de programmes et d'actions du ministère de l'éducation nationale consacrées à l'éducation artistique.

On peut donc estimer que, convenablement mise en œuvre, la LOLF serait une réelle chance pour l'éducation artistique, les services de l'Etat ne disposant plus de la possibilité d'utiliser les crédits dévolus à ces actions pour d'autres missions.

*

En conclusion de son travail, la mission considère que l'éducation artistique n'a pas dans notre pays la place qu'elle mérite, ni celle que les déclarations de bonnes intentions lui assignent. Pour remédier à cette situation dommageable, elle propose d'agir dans quatre directions afin :

- de développer les dimensions artistiques et culturelles de toutes les disciplines ;

- d'aménager des espaces d'art et de culture dans les établissements scolaires ;

- de renforcer les services éducatifs dans les structures culturelles ;

- de généraliser les partenariats entre les services de l'Etat et ceux des collectivités territoriales dans le domaine de l'éducation artistique.

La mission est consciente que la mise en œuvre des propositions qu'elle fait au fil de son rapport suppose d'y consacrer des moyens humains, matériels et financiers et de trouver du temps dans des programmes scolaires que l'on sait surchargés. Des choix doivent donc être faits et des priorités fixées. Ils ne le seront que si l'éducation artistique est réellement reconnue comme essentielle au sens étymologique du terme, c'est-à-dire comme faisant partie de l'essence même de toute éducation.

Notre système éducatif est trop exclusivement fondé sur l'acquisition des savoirs, sur l'intelligence abstraite, aux dépens de l'éveil au monde sensible. Pourtant l'épanouissement d'une personnalité, la relation d'un individu à son environnement ne peuvent se réduire au seul développement de son aptitude à raisonner. L'éducation artistique n'est pas seulement indispensable à l'épanouissement et à l'équilibre personnels, elle est aussi un facteur de cohésion sociale. Ceux qui ont des difficultés à construire leur relation aux autres à travers l'acquisition traditionnelle des savoirs, ceux que la confrontation intellectuelle désoriente, ceux que l'abstraction rebute peuvent trouver dans les pratiques artistiques une autre voie pour s'exprimer, prendre confiance en eux et trouver leur place dans la société. Dans un monde de compétition permanente, où la capacité d'adaptation et la créativité sont des qualités recherchées, comment ne pas voir enfin que l'éducation artistique offre à chacun des atouts supplémentaires pour relever les défis auxquels il est confronté ?

Au demeurant, il ne s'agit pas aux yeux de la mission d'opposer le sensé et le sensible, bien au contraire, mais de souligner que l'un et l'autre doivent se compléter et s'enrichir mutuellement.

Apprendre à lire, écrire, compter est à l'évidence fondamental. Apprendre à voir, entendre, sentir ne l'est pas moins. Être capable de s'exprimer de façon cohérente et de concevoir est bien sûr essentiel. Mais le cortex n'a pas à avoir l'apanage de l'expression sauf à réduire la personne humaine à sa seule dimension cérébrale.

Tant que l'on n'aura pas admis qu'il est aussi important d'appréhender le monde par ce qu'il offre à nos sens que de le soumettre à notre compréhension raisonnée, l'éducation artistique sera le parent pauvre de notre enseignement.

A travers ses auditions et ses visites, la mission a pu constater que des progrès ont tout de même été accomplis. S'ils restent insuffisants à ses yeux, ils sont porteurs d'espoir. Les propositions qu'elle fait doivent permettre de donner à l'éducation artistique la place qui lui revient, centrale à ses yeux, d'une France à juste titre attachée à son exception culturelle.

1 () Alain Casabona, Quand la pyramide repose sur sa pointe.

2 () Les différentes mesures et dispositifs existants ne seront pas détaillés dans ce rapport. On pourra utilement se référer au récent rapport du Conseil économique et social faisant le point sur ce sujet, L'enseignement des disciplines artistiques à l'école, rapport présenté par M. Jean-Michel Bichat, 18 février 2004.

Par ailleurs, on trouvera en annexe du rapport la liste des textes en vigueur.

3 () 120 000 en LEGT, soit 7,94 % des lycéens, et 700 000 en lycée professionnel, soit 93,83 % des lycéens professionnels.

4 () L'action des DRAC en matière d'éducation artistique et culturelle, synthèse des réponses au questionnaire IGAAC, ministère de la culture et de la communication, délégation au développement et aux affaires internationales, département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers, 27 mai 2005.

5 () L'action des DRAC en matière d'éducation artistique et culturelle, synthèse des réponses au questionnaire IGAAC, ministère de la culture et de la communication, délégation au développement et aux affaires internationales, département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers, 27 mai 2005.

6 () L'enseignement des disciplines artistiques à l'école, rapport présenté par M. Jean-Michel Bichat, Conseil économique et social, 18 février 2004.

7 () L'éducation aux arts et à la culture, rapport présenté au ministre délégué à l'enseignement scolaire et au ministre de la culture et de la communication par Mmes Christine Juppé-Leblond, Anne Chiffert, Marie-Madeleine Krynen et M. Gérard Lesage, janvier 2003.

8 () Les programmes sont détaillés dans le récent rapport du Conseil économique et social, L'enseignement des disciplines artistiques à l'école, rapport présenté par M. Jean-Michel Bichat, 18 février 2004.

9 () L'action des DRAC en matière d'éducation artistique et culturelle, synthèse des réponses au questionnaire IGAAC, ministère de la culture et de la communication, délégation au développement et aux affaires internationales, département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers, 27 mai 2005.

10 () Cf. Liste en annexe.

11 () Cf. bibliographie annexée au rapport.

12 () L'éducation aux arts et à la culture, rapport présenté au ministre délégué à l'enseignement scolaire et au ministre de la culture et de la communication par Mmes Christine Juppé-Leblond, Anne Chiffert, Marie-Madeleine Krynen et M. Gérard Lesage, janvier 2003.

13 () L'éducation aux arts et à la culture, rapport présenté au ministre délégué à l'enseignement scolaire et au ministre de la culture et de la communication par Mme Juppé-Leblond, Chiffert, Krynen et M. Lesage, janvier 2003.

14 () Cf. annexe.

15 () Le développement de la politique territoriale du rectorat et l'importance des pôles de ressources Danse et Théâtre sont présentés en annexe.

16 () Le groupement d'intérêt public ACMISA et les spécificités alsaciennes sont abordés en annexe.

17 () Les activités péri et extrascolaires sont abordées en annexe.

18 () p. 78, L'action des DRAC en matière d'éducation artistique et culturelle, synthèse des réponses au questionnaire IGAAC, ministère de la culture et de la communication, délégation au développement et aux affaires internationales, département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers, 27 mai 2005.

19 () L'action des DRAC en matière d'éducation artistique et culturelle, synthèse des réponses au questionnaire IGAAC, ministère de la culture et de la communication, délégation au développement et aux affaires internationales, département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers, 27 mai 2005.

20 () L'action des DRAC en matière d'éducation artistique et culturelle, synthèse des réponses au questionnaire IGAAC, ministère de la culture et de la communication, délégation au développement et aux affaires internationales, département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers, 27 mai 2005.

21 () L'action des DRAC en matière d'éducation artistique et culturelle, synthèse des réponses au questionnaire IGAAC, ministère de la culture et de la communication, délégation au développement et aux affaires internationales, département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers, 27 mai 2005.

22 () L'action des DRAC en matière d'éducation artistique et culturelle, synthèse des réponses au questionnaire IGAAC, ministère de la culture et de la communication, délégation au développement et aux affaires internationales, département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers, 27 mai 2005.

23 () L'action des DRAC en matière d'éducation artistique et culturelle, synthèse des réponses au questionnaire IGAAC, ministère de la culture et de la communication, délégation au développement et aux affaires internationales, département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers, 27 mai 2005.

24 () L'éducation aux arts et à la culture, rapport présenté au ministre délégué à l'enseignement scolaire et au ministre de la culture et de la communication par Mmes Christine Juppé-Leblond, Anne Chiffert, Marie-Madeleine Krynen et M. Gérard Lesage, janvier 2003.

25 () L'action des DRAC en matière d'éducation artistique et culturelle, synthèse des réponses au questionnaire IGAAC, ministère de la culture et de la communication, délégation au développement et aux affaires internationales, département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers, 27 mai 2005.

26 () Liste jointe en annexe.