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N° 2922

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er mars 2006.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 86, alinéa 8, du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

sur la mise en application de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003
relative à la
maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France
et à la
nationalité

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Thierry MARIANI,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. -  UN ARSENAL LÉGISLATIF PERMETTANT DE LUTTER EFFICACEMENT CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE 11

A. LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DE L'ENTRÉE EN FRANCE 11

1. L'amélioration des contrôles au stade de la délivrance des visas 11

a) Des exigences plus grandes à l'égard des demandeurs de visas 12

b) Les prémices d'une réforme fondamentale : la mise en place progressive des visas biométriques 15

2. Une plus grande efficacité de la maîtrise de la pression migratoire illégale aux frontières 22

a) Des dispositions législatives utiles... 23

b) ... qui ont accompagné une amélioration des procédures de contrôle des entrées 25

B. L'AMÉLIORATION DES PROCÉDURES D'ELOIGNEMENT 26

1. Des conditions d'interpellation satisfaisantes 28

2. Le placement en rétention : un effort budgétaire sans précédent 29

3. Des recours juridictionnels nombreux 32

a) Un contentieux de masse 32

b) Une administration inégalement défendue dans les instances 33

c) La délocalisation des audiences 36

4. La difficile obtention des laissez-passer consulaires 38

5. L'organisation de l'éloignement 44

II. -  UNE LUTTE PLUS DÉTERMINÉE CONTRE LES DÉTOURNEMENTS DE PROCÉDURES ET LES FILIÈRES 47

A. DES SUCCÈS ENCOURAGEANTS DANS LA LUTTE CONTRE LES FILIÈRES DE « PASSEURS » 47

B. DES EFFORTS A CONCRÉTISER EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL CLANDESTIN 48

C. UNE RÉFORME INSUFFISANTE EN MATIÈRE DE MARIAGE 51

D. LES AUTRES DISPOSITIONS POUR LUTTER CONTRE LES FRAUDES (PATERNITÉS, ÉTAT-CIVIL) 54

III. -  LA RÉFORME DU DROIT AU SÉJOUR : MIEUX PRENDRE EN COMPTE ENCORE L'EXIGENCE D'INTÉGRATION 56

A. UN SUCCÈS : LA RÉFORME DE LA DOUBLE PEINE 56

B. LA NOUVELLE ARCHITECTURE DES TITRES DE SÉJOUR : UNE PRISE EN COMPTE DE L'INTÉGRATION À AMÉLIORER 57

1. La condition d'intégration républicaine 58

2. La dispense de titre de séjour pour les ressortissants de l'Union européenne 60

3. Les dispositions relatives aux titres de séjour « vie privée et familiale » 62

a) Les régularisations pour présence régulière en France depuis plus de dix ans 62

b) La carte de séjour « étranger malade » 63

C. LE REGROUPEMENT FAMILIAL 64

EXAMEN EN COMMISSION 69

SUIVI DES TEXTES D'APPLICATION DE LA LOI N° 2003-1119 DU 26 NOVEMBRE 2003 RELATIVE À LA MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION, AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE ET À LA NATIONALITÉ 71

CIRCULAIRES PUBLIÉES EN APPLICATION DE LA LOI DU 26 NOVEMBRE 2003 77

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 79

DÉPLACEMENTS DU RAPPORTEUR 81

MESDAMES, MESSIEURS,

En décembre 2004, une année après la promulgation de la loi n°2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, votre rapporteur avait rendu un premier rapport (1), en vertu de l'article 86 alinéa 8 du Règlement de l'Assemblée nationale, sur la mise en application de cette loi. L'unique objectif de ce travail était de faire le point sur l'état d'avancement des mesures réglementaires nécessaires à l'application des dispositions législatives votées par le Parlement. De fait, ce rapport avait fait apparaître que les principaux décrets d'application de la loi venaient soit d'être pris, soit ne l'avaient pas encore été : il était donc impossible d'évaluer l'efficacité des nouvelles dispositions législatives.

Plus d'un an après la publication de ce rapport, il était donc nécessaire d'adopter une démarche plus ambitieuse et de s'interroger sur tous les aspects de la mise en application de la loi du 26 novembre 2003, à savoir non seulement sa mise en œuvre juridique, mais également sa mise en œuvre concrète sur le terrain. En effet, cette loi avait trois principaux objectifs qui étaient de renforcer le dispositif de lutte contre l'immigration clandestine, de lutter contre les détournements de procédures et les filières criminelles liés à l'immigration, et enfin de conditionner davantage l'immigration légale à une exigence d'intégration.

· En premier lieu, votre rapporteur a donc voulu faire un nouveau point sur la publication des décrets nécessaires à la pleine application de cette loi. Le bilan qu'il en fait est contrasté. En effet, celui-ci est quantitativement très bon : la quasi-totalité des mesures phares de la loi sont aujourd'hui applicables, qu'il s'agisse par exemple de la réforme de rétention administrative, de celle de l'entrée sur le territoire ou du nouveau régime du regroupement familial. Ainsi, sur les 28 dispositions législatives dont la mise en œuvre exigeait la prise d'une mesure réglementaire, seules 3 ne sont aujourd'hui pas encore applicables, soit 10 %. Si ce taux peut être considéré comme satisfaisant par rapport à l'ensemble des lois en vigueur, cela signifie néanmoins que 25 mois après la promulgation de la loi, d'importantes dispositions d'une loi votée selon la procédure d'urgence n'ont pas été mises en œuvre, ou viennent tout juste de l'être : ainsi, suite aux interrogations formulées par votre rapporteur, le processus de finalisation du décret sur les commissions médicales régionales a été accéléré, ce qui a permis de le publier au journal officiel du 28 février 2006...

Votre rapporteur ne peut donc pas se satisfaire de ce taux de 90 % d'application pour plusieurs raisons :

-  les dispositions inapplicables sont, pour l'essentiel, des mesures très utiles pour lutter contre l'immigration clandestine. Ainsi, trois des quatre décrets qui manquaient encore en début de semaine concernent des dispositions particulièrement importantes.

La première (article 11 de la loi) concerne le fichier des empreintes digitales et de la photographie des étrangers qui ne remplissent pas les conditions pour franchir la frontière ou qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour. Compte tenu de l'incidence des difficultés d'identification des étrangers en situation irrégulière sur le faible taux de reconduite à la frontière, la publication de ce décret aurait dû être une priorité, d'autant que ce fichier trouve son origine première, non dans la loi du 26 novembre 2003, mais dans celle du 24 avril 1997. Même s'il apparaît que le retard mis à prendre ce décret s'explique d'abord par une difficulté d'ordre technique et informatique, et non à la volonté de ne pas mettre en œuvre le dispositif voté, il est très regrettable que ce décret n'ait pas encore été publié.

La deuxième mesure qui souffrait d'une absence de décret d'application (article 17) jusqu'au 27 février 2006 a trait à la création de commissions médicales régionales chargées d'étudier le cas des étrangers gravement malades faisant une demande de titre de séjour pour raison humanitaire. Il semble que le Gouvernement ait été hésitant à adopter ce texte, approuvé par le Conseil d'État en mai 2005. Sa publication au Journal officiel du 28 février 2006 permettra de disposer d'un outil utile pour mieux distinguer les demandes fondées de celles qui sont purement dilatoires.

Une troisième disposition importante attendant toujours la publication de son décret d'application (article 32) a trait à la mise à la charge des employeurs d'étrangers en situation irrégulière d'une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger. Ce décret est actuellement soumis à l'examen du Conseil d'État. La mise en œuvre de cette disposition novatrice sera nécessaire pour manifester la détermination du gouvernement à lutter contre le travail illégal et afin de faire naître une prise de conscience de l'important coût budgétaire de l'éloignement des étrangers.

Enfin, le dernier décret faisant défaut concerne également une disposition importante, même si son absence n'empêche pas une application partielle de celle-ci. En effet, l'article 27 a accru les amendes à la charge des compagnies de transport qui acheminent sur le territoire des étrangers dépourvus de titres de voyage. Il avait cependant été prévu une amende minorée pour les compagnies équipées d'appareil de numérisation et de transmission aux autorités française des documents de voyage de leurs passagers, dispositif très utile pour l'identification des étrangers dont l'admission sur le territoire est refusée mais qui ne peut malheureusement pas encore être mis en œuvre ;

-  les dispositions encore non appliquées sont majoritairement issues d'amendements parlementaires : en effet, trois parmi les quatre concernées ont été introduites dans la loi par des amendements présentées par votre rapporteur (concernant la commission médicale régionale, la numérisation des documents de voyage et la contribution forfaitaire aux frais de réacheminement). Votre rapporteur est bien conscient que les dispositions législatives issues d'amendements parlementaires nécessitent probablement plus de temps pour être applicables dans la mesure où les administrations concernées n'avaient pas forcément anticipé leur adoption. Il ne sous-estime pas non plus que certaines ont pu susciter des interrogations juridiques délicates ou des questions techniques d'ordre informatique. Il n'en demeure pas moins regrettable que des dispositions législatives d'origine parlementaire restent sans application plus de deux ans après le vote de la loi ;

-  les décrets qui restent à prendre se caractérisent tous par l'intervention nécessaire de plusieurs acteurs, ce qui ralentit sensiblement le processus d'adoption de ces textes : dans deux cas sur quatre (fichier des non admis et des demandeurs de titre de séjour, numérisation des documents de voyage), un avis préalable de la cnil est requis ; dans trois cas sur quatre, le décret nécessaire doit faire l'objet d'une concertation interministérielle, l'exemple le plus frappant étant celui du décret sur la contribution des employeurs aux frais de réacheminement qui a fait l'objet d'un débat pour savoir quel était le ministère chef de file avant que le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ne demande personnellement à ses services, en juillet 2005, de rédiger un texte que les Affaires sociales avaient manifestement refusé de préparer.

Encore une fois, et votre rapporteur avait déjà noté ce dysfonctionnement dans son précédent rapport, l'interministérialité est synonyme de lenteur, voire d'absence de prise de décision. À cet égard, le rapporteur se félicite de ce que, pour la première fois dans l'histoire de la République, le décret du 16 juin 2005, portant attributions du ministre de l'intérieur l'ait « chargé de l'ensemble des questions concernant l'immigration ». Cette coordination désormais assurée par la Place Beauvau va de pair avec la création du comité interministériel de contrôle de l'immigration (cici) par le décret du 26 mai 2005. C'est un authentique progrès : les réunions fréquentes de ce comité, au niveau politique des ministres, permet de faire les arbitrages nécessaires. Le secrétaire général du cici, M. Patrick Stefanini, placé auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, anime une utile structure de pilotage et d'impulsion des différentes administrations.

Au total, les difficultés persistantes dans la publication des décrets d'application dans des délais raisonnables montrent comment, dans certaines circonstances, le pouvoir réglementaire peut remettre en cause une volonté politique déterminée. Est-il normal que délai moyen d'adoption d'une disposition législative, entre le début de préparation de l'avant projet de loi et la promulgation définitive du projet de loi, soit très sensiblement inférieur au délai moyen nécessaire pour publier une mesure réglementaire ? Dans la mesure où la norme législative, bien que plus solennelle, résulte d'un processus décisionnel potentiellement beaucoup plus rapide que celui de la norme réglementaire, il est parfaitement normal que le pouvoir politique soit tenté d'introduire des dispositions de nature réglementaire dans les lois. En effet, votre rapporteur considère que la non application d'une loi votée par le Parlement en raison de l'inertie du pouvoir réglementaire est un phénomène autrement plus grave que l'empiètement du pouvoir législatif sur le domaine réglementaire.

· En second lieu, ce travail sur l'application de la loi du 26 novembre 2003 a pour but d'évaluer son efficacité, c'est-à-dire de faire le point sur l'adéquation des moyens juridiques votés par le Parlement aux objectifs fixés à la politique de contrôle de l'immigration.

Au fil des développements de ce rapport, votre rapporteur montrera les succès incontestables rencontrés dans ce domaine, que l'on peut évaluer par exemple au regard des progrès en matière de reconduite à la frontière qui ont connu un quasi doublement entre 2002 et 2005 en passant de 10 067 à 19 841. Bien évidemment, tous les succès rencontrés ne peuvent pas être mis directement au crédit de l'évolution de la législation, car de nombreux autres paramètres doivent être pris en compte dans l'amélioration de la politique de contrôle de l'immigration. En effet, la politique menée depuis 2002 a su combiner un volet législatif, un volet budgétaire et un volet organisationnel.

Au plan budgétaire, les moyens consacrés au contrôle de l'immigration ont fortement augmenté que se soit en matière de fonctionnement (les effectifs de la police aux frontières ont augmenté de 11,4 % entre 2001 et 2006) ou d'investissement avec un plan immobilier de construction de centres de rétention administrative qui permettra de faire passer le nombre de places disponibles de 893 en 2003 à 2700 en 2008.

Par ailleurs, les administrations chargées de lutter contre l'immigration clandestine ont été réellement mises en ordre de bataille afin de remplir plus efficacement cette mission. Votre rapporteur exposera ainsi les progrès en matière de pilotage de la politique de l'immigration et en matière de réorganisation de la police de l'immigration. Il est fréquent d'insister, au moment du vote de la loi, sur la nécessité d'accompagner celle-ci d'une véritable volonté politique et d'un accompagnement budgétaire : en l'occurrence, il faut se féliciter que la loi du 26 novembre 2003 en ait bénéficié, ce qui a permis d'utiliser efficacement les nouveaux outils juridiques qu'elle mettait à disposition, par exemple la mise en place des visas biométriques, l'alourdissement des sanctions pénales contre les filières d'immigration clandestine, ou encore l'allongement de la durée de rétention.

Cependant, votre rapporteur montrera que les dispositions législatives qui se sont avérées le plus efficaces concernent la lutte contre l'immigration illégale, qui était d'ailleurs l'objectif principal de cette loi. Dans le domaine de l'immigration régulière, la loi du 26 novembre 2003 innovait en cherchant à remettre en cause le caractère trop souvent automatique du droit au séjour. Pour cela, la loi a mis en place de nouvelles conditions à l'obtention de la carte de résident, et a encadré l'obtention de certains titres de séjour. Il s'agissait d'une première étape qu'il conviendra de compléter, afin par exemple de donner toute sa mesure à l'introduction d'une condition d'intégration républicaine à l'obtention d'une carte de résident. Au-delà de la mise en œuvre plus ou moins efficace et déterminée des nouveaux dispositifs par les administrations compétentes, votre rapporteur montrera que les modifications à attendre de la loi du 26 novembre 2003 en matière de droit au séjour ne pouvaient qu'être limités dans la mesure où une grande partie de l'immigration légale en France relève d'accords bilatéraux qui constituent autant de régimes spéciaux, et sont donc inégalement concernés par les dispositions législatives.

Enfin, il arrive que certaines des dispositions législatives soient applicables, mais ne soient pas appliquées sur le terrain. En effet, le plus souvent, les administrations attendent de recevoir des instructions de la part de leur administration centrale pour changer leurs pratiques, même lorsque les dispositions applicables ne requièrent pas d'intervention du pouvoir réglementaire. D'où l'importance d'une publication rapide de circulaires d'application de la loi : dans ce domaine, il en va comme en matière de publication des décrets d'application, si les circulaires ministérielles sont rapidement publiées, il n'en va pas de même lorsqu'elles font intervenir plusieurs ministères, comme celle sur les nouvelles règles du regroupement familial qui n'a été publiée que le 17 janvier 2006.

Ainsi, votre rapporteur a constaté que des outils juridiques importants créés par la loi du 26 novembre 2003 étaient peu ou pas du tout utilisés. Dans certains cas, des dispositions peuvent être appliquées de façon très inégale sur le territoire, telle la création d'une procédure d'appel suspensif du Parquet des décisions du juge de la liberté et de la détention en matière de droit des étrangers : manifestement les pratiques menées diffèrent très sensiblement sur le territoire. Plus grave est le cas où une disposition législative est tout simplement inappliquée alors qu'elle répond à une véritable nécessité : par exemple, votre rapporteur avait fait adopter un amendement permettant au préfet de retirer le titre de séjour d'un étranger faisant venir sa famille en France en dehors des règles du regroupement familial car il avait constaté un développement de cette pratique illégale mais dénuée de toute sanction. Or, au cours de ses auditions et de ses déplacements, il a pu constater que cette procédure n'était jamais mise en œuvre alors que le phénomène qu'elle cherchait à combattre a pris des proportions inquiétantes. Le rapporteur se félicite néanmoins de ce que le ministère de l'intérieur ait diffusé à tous les préfets, le 28 février 2006, un télégramme appelant leur attention sur ces dispositions et leur demandant de les mettre en œuvre avec détermination.

Ce type de phénomène illustre le caractère indispensable du travail de suivi de l'application des lois par le Parlement. En effet, celui-ci ne peut plus se contenter de voter la loi, car ce qui intéresse nos concitoyens est l'incidence concrète de celle-ci sur leur vie quotidienne. Par ailleurs, le législateur doit également savoir adopter une démarche évolutive pour, au besoin, modifier ou compléter les dispositions qu'il a adoptées en fonction de leur efficacité plus ou moins grande.

Ainsi, alors que le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire s'apprête à présenter devant le Conseil des ministres un projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, il paraît particulièrement utile que la commission des Lois puisse faire le point sur l'application de la loi du 26 novembre 2003.

I. -  UN ARSENAL LÉGISLATIF PERMETTANT DE LUTTER EFFICACEMENT CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE

La lutte contre l'immigration clandestine était l'un des objectifs centraux de la loi du 26 novembre 2003. En effet, le très faible nombre de reconduites à la frontière avait pour conséquence de multiplier le nombre de « sans papier » sur le territoire et d'accroître l'attractivité du territoire français dans les pays d'origine de l'immigration.

Il était donc temps d'inverser la tendance et de restaurer une application juste mais effective de la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France. Pour réaliser cet objectif, il était nécessaire d'agir sur plusieurs leviers différents, dont un volet législatif constitué de nombreuses dispositions issues de la loi du 26 novembre 2003.

A. LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DE L'ENTRÉE EN FRANCE

Le premier axe d'une politique de lutte contre l'immigration clandestine repose sur la capacité à prévenir l'entrée en France de futurs clandestins. En effet, compte tenu du faible taux de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, et de leur coût très important pour la collectivité, il est important de contrôler strictement l'entrée sur le territoire français. Toute la difficulté vient de ce qu'il n'est pas souhaitable d'ériger notre pays en forteresse et de fermer les frontières, c'est pourquoi la loi du 26 novembre 2003 a mis en place des instruments juridiques permettant un meilleur contrôle de l'entrée sur le territoire.

1. L'amélioration des contrôles au stade de la délivrance des visas

Bien qu'il soit difficile d'évaluer précisément la proportion d'étrangers en situation irrégulière entrées en France légalement sur la base d'un visa de court séjour, prolongé ensuite indûment, il est clair qu'il s'agit là de l'un des facteurs les plus importants d'immigration clandestine. Votre rapporteur souligne qu'il a sur ce point précis constaté une divergence d'appréciation entre le ministère de l'Intérieur et le ministère des Affaires étrangères, ce qui ne fait que renforcer la nécessité de mettre en place un véritable dispositif de suivi du « parcours » des personnes qui obtiennent un visa, et notamment un contrôle de leur départ du territoire à l'expiration de leur visa.

a) Des exigences plus grandes à l'égard des demandeurs de visas

La loi du 26 novembre 2003 a tout d'abord renforcé les moyens de lutter contre les détournements de visas de court séjour.

L'ACTIVITÉ DE DÉLIVRANCE DES VISAS

2001

2002

2003

2004

2005

Total demandes

2 913 202

3 044 004

2 508 052

2 514 429

2 411 370

Taux de refus

27,1 %

33,1 %

19,3 %

18,1 %

14,8 %

Nombre de refus de visas

788 147

1 007 722

483 873

454 969

307 575

Total délivrances

2 125 055

2 036 282

2 024 179

2 059 460

2 053 378

1° Visa Schengen (90 jours) *

1 944 940

1 848 688

1 850 463

1 895 831

1 896 219

dont visas de circulation)

191 745

181 262

209 981

246 020

251 082

2° Visas nationaux :

167 381

176 936

168 045

157 598

149 053

visas de long séjour

131 161

143 289

133 791

125 686

122 594

dont étudiants

57 883

65 017

69 568

64 045

61 320

visas DOM-TOM

36 220

33 647

34 254

31 912

26 459

3° Visas pays tiers **

12 734

10 658

5 671

6 031

6 062

* y compris visas diplomatiques ou de service

** pays africains représentés par la France

Source : ministère des Affaires étrangères

· Ainsi, l'une des dispositions à l'époque la plus débattue en 2003 concernait le rétablissement d'un régime de contrôle des attestations d'accueil par l'article 7 du de la loi (article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, aujourd'hui articles L. 211-3 à L. 211-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). En effet, le remplacement, par la loi reseda du 11 mai 1998 du certificat d'hébergement par l'attestation d'accueil comme pièce nécessaire à l'obtention d'un visa de court séjour s'était traduit par la quasi disparition de toute forme de contrôle préalable et par une explosion des attestations d'accueil (qui étaient passées de 160 000 en 1997 à 715 000 en 2001).

La disposition législative adoptée en 2003, précisée par le décret n° 2004-1237 du 17 novembre 2004, avait donc pour objectif de replacer le maire au centre du dispositif de délivrance des attestations d'accueil en lui donnant les moyens d'assurer une véritable validation de celle-ci (par le contrôle des ressources et du logement de l'hébergeant, par la mise en œuvre d'un traitement de ces demandes...).

Après un an environ de mise en œuvre de la nouvelle procédure, il est difficile d'évaluer son efficacité et sa contribution à la lutte contre l'immigration illégale dans la mesure où les chiffres pour 2005 ne sont pas connus (2). Cependant, il est d'ores et déjà possible de dire que la majorité des craintes formulées lors des débats parlementaires étaient largement exagérées, notamment celles concernant d'éventuels abus de ce nouveau pouvoir par les maires, qui l'appliquent manifestement avec prudence, comme l'illustre l'absence de critiques sur ce point de la part des associations de défense des droits des étrangers, ainsi que la non réalisation de la crainte d'une explosion d'un contentieux spécifique sur ce sujet : les syndicats de magistrats administratifs rencontrés par votre rapporteur, qui ont fait part de leur inquiétude quant à la croissance globale du contentieux en matière de droit des étrangers, ont indiqué que sur ce point spécifique du contentieux des attestations d'accueil, la situation était satisfaisante.

Cependant, cette situation peut s'expliquer par une relative inertie des comportements des maires qui n'utilisent peut être pas encore tous les nouveaux pouvoirs de contrôle dont ils disposent préalablement à la validation des attestations. En effet, pour effectuer ce contrôle, les maires peuvent s'appuyer soit sur les agents de la commune, soit sur les services de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (anaem qui a remplacé en 2005 l'omi). Or, il s'avère que l'anaem n'a effectué que 1043 enquêtes de ce type à la demande maires en 2005, ce qui est inférieur aux prévisions anticipées par l'agence.

Dans certaines villes, il semble que l'entrée en vigueur de la loi n'ait entraîné aucun changement en ce qui concerne la délivrance des attestations d'accueil.

Par ailleurs, votre rapporteur a été informé de l'existence d'un phénomène consistant pour un étranger qui ne parvient pas à obtenir une attestation d'accueil dans une commune à tenter de l'obtenir de la part d'un autre maire, considéré comme moins exigeant.

À cet égard, la disposition législative autorisant la mise en place de traitements automatisés des demandes de validation d'attestation d'accueil « afin de lutter contre les détournements de procédure » ne suffit pas pour permettre de mettre à la connaissance du préfet l'existence de ce « tourisme administratif ». Le décret n° 2005-937 du 2 août 2005 a certes permis la mise en place par les maires, s'ils le souhaitent, de tels traitements automatisés et a autorisé les préfets à être destinataires de ces informations. Cependant, comme le précise une circulaire du 12 août 2005 (3) « la création de tout fichier départemental ou supra-communal est donc à proscrire ». Il semble en effet que la disposition législative prise en 2003 ne prévoyant qu'une « consultation » des fichiers municipaux, ce dispositif ne pourrait donc pas être utilisé pour mettre en place un fichier central permettant de détecter les détournements de procédure. En revanche, il semble bien que l'instauration d'une taxe de 15 euros acquittée par l'hébergeant au profit de l'anaem ait un effet dissuasif sur les demandes multiples.

Enfin, il faut rappeler que l'intérêt de l'attestation d'accueil est d'être un document permettant de faire le lien, dans la procédure de délivrance de visa, entre l'administration consulaire chargée de délivrer le visa, et les administrations de proximité qui sont à même de disposer d'informations fiables sur les personnes susceptibles d'héberger les demandeurs de visa. À cet égard, le mouvement de rapprochement entre préfectures et consulats a été lancé par le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire lors de la première Conférence préfectorale et consulaire sur l'immigration qu'il a présidée à Marseille le 11 juillet 2005, et à laquelle votre Rapporteur avait pu assister. Il s'agit d'un élément essentiel d'une politique migratoire complète et cohérente. Lors de ses rencontres avec des agents des consulats et des préfectures, votre rapporteur a pu d'ailleurs constater une véritable demande pour davantage de coopération réciproque afin notamment de pouvoir mieux contrôler les différents justificatifs présentés par les demandeurs de visas. Ainsi, la mise en place depuis le début 2006 d'un réseau protégé de transmission d'informations entre la quasi-totalité des consulats et les préfectures devrait permettre une transmission numérique des attestations d'accueil, remplaçant le peu satisfaisant système actuel de transmission d'un bordereau prédécoupé. Désormais, les préfectures et les consulats utilisent les messageries internes des deux ministères pour communiquer, reliées par le réseau de chiffrement interministériel « ADER », dans l'attente de la mise en place du nouveau système de chiffrement des communications du ministère des Affaires étrangères.

· L'autre grand apport de la loi du 26 novembre 2003 concernant les justificatifs exigés de la part des demandeurs de visa concerne l'obligation pour ceux-ci de présenter un justificatif d'assurance leur permettant de couvrir d'éventuels frais médicaux lors de leur séjour en France (article 3 de la loi réformant le 2° de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, devenu l'article L. 211-1 du ceseda).

Comme en ce qui concerne l'attestation d'accueil, il semble que les craintes soulevées par les opposants de cette disposition étaient largement exagérées. Ceux-ci craignaient en effet que l'obligation de fournir une attestation d'assurance n'entraîne une sélection par l'argent des demandeurs de visas. Sans avoir fait une étude approfondie sur le sujet, votre rapporteur a pu constater auprès des agents du ministère des affaires étrangères que le coût de ce type d'assurance était modéré et que les demandeurs de visa n'avaient aucune difficulté à en obtenir. Bien souvent, les employés des compagnies d'assurance locales proposent leurs services à proximité immédiate du consulat de France. Pour ne prendre qu'un exemple, les polices acquittées par les demandeurs de visa à Minsk pour un séjour d'une quinzaine de jours s'élèvent généralement entre dix et quinze dollars.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, les hôpitaux essaient effectivement d'obtenir le remboursement des frais engagés auprès des assureurs relais français des compagnies étrangères. Cependant, il s'avère que les contrats souscrits contiennent généralement des clauses restrictives nombreuses qui empêchent un bon niveau de remboursement. Ainsi, la Direction de la sécurité sociale, la Direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins et la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (cnamts) ont pris l'initiative de rédiger une charte pour la rédaction de contrats types. Après consultation du ministère des finances, compétent en matière d'assurance, cette charte pourra être proposée aux consulats de France qui pourront l'utiliser afin de valider les attestations d'assurance qui leur sont présentées.

b) Les prémices d'une réforme fondamentale : la mise en place progressive des visas biométriques

Bien que les débats parlementaires aient assez peu porté sur cette question, il est probable que l'une des dispositions qui apparaîtra rétrospectivement comme l'une des plus novatrices de la loi du 26 novembre 2003 est celle qui permet le relevé des éléments biométriques (empreintes digitales et photographie) des demandeurs de visa, ainsi que le traitement automatisé de celles-ci (article 12 de la loi créant l'article 8-4 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 devenu les articles L. 611-6 et L. 611-7 du ceseda).

· Cette disposition fait l'objet d'une mise en œuvre progressive. En effet, le décret n° 2004-1266 du 25 novembre 2004 a créé à titre expérimental un « traitement automatisé des données à caractère personnel relatives aux ressortissants étrangers sollicitant la délivrance d'un visa », limité à sept postes consulaires(4), pour le relevé des données biométriques, et à sept postes frontières(5), pour la vérification de ces données pour les personnes rentrant en France avec un visa biométrique. Cette expérimentation, baptisée programme biodev s'inscrit dans une perspective européenne, puisque à terme, l'ensemble des demandeurs de visas Schengen devrait faire l'objet d'une collecte de leurs données biométriques. En effet, l'espace Schengen étant ouvert aux détenteurs de visas de court séjour délivré par tous les pays appartenant à cette espace, il est clair qu'un tel système ne peut fonctionner que s'il est généralisé à tous ses membres. Ainsi, le programme biodev est financé par la Commission européenne, il s'agit, de même que l'expérimentation menée dans trois consulats belges, d'une préfiguration du système vis de gestion des visas Schengen.

Le VIS

Le VIS (Visa Information System) est un système d'échange d'informations en matière de visas de court séjour entre les États membres, en cours d'élaboration au niveau de l'Union européenne. Sa création est prévue par la décision du Conseil 2004/512/CE du 8 juin 2004. Il vise à renforcer l'efficacité de la lutte contre la fraude documentaire, ainsi qu'à améliorer la coopération consulaire, l'identification des personnes en situation irrégulière et l'application du règlement dit « Dublin II » relatif à la détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. Le VIS mettra fin aux pratiques divergentes entre États membres et évitera que des demandes multiples de visas puissent être déposées auprès de différents États membres (« visa shopping »).

Le VIS reposera sur une architecture centralisée et comprendra un système d'information central, une interface dans chaque État membre pour en assurer la connexion avec l'autorité centrale nationale de l'État membre concerné, et une infrastructure de communication entre le système central et les interfaces nationales. Il comprendra la photographie et les empreintes digitales des demandeurs.

Deux propositions de textes européens sont en cours d'examen. La première vise à établir le Système d'information sur les visas et a été présentée par la Commission le 27 décembre 2004 (6). La seconde a été présentée le 24 novembre 2005 et a pour objet de permettre aux services de police d'accéder au VIS (7). Ces deux propositions seront examinées prochainement par la Délégation pour l'Union européenne.

Source : Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne

Concrètement, l'expérimentation a été effectivement menée dans cinq postes (Annaba, Bamako, Minsk, Colombo, San Francisco), elle ne l'a donc pas été à Shanghai, vraisemblablement pour des raisons diplomatiques, ni à Genève, du fait du coût de l'équipement de l'ensemble de la frontière terrestre franco-suisse en systèmes de lecture des visas biométriques.

Compte tenu du caractère très novateur de la mise en place des visas biométriques, il a été particulièrement judicieux de prévoir une mise en œuvre expérimentale de la disposition votée par le Parlement. En effet, après environ un an d'expérimentation, il est déjà possible de retirer un certain nombre d'enseignements permettant d'envisager une généralisation progressive du système. Suite aux visites de votre rapporteur dans des services des visas de certains consulats de France, appliquant ou non l'expérience biodev, et sur la base des rapports d'évaluation de la « mission pour la mise en place des visas biométriques », commune au ministère de l'intérieur et au ministère des affaires étrangères, on peut considérer que l'expérimentation a atteint ses objectifs, en faisant la preuve que le système biodev était applicable sur le terrain, mais aussi en permettant de distinguer les dysfonctionnements à résoudre avant la généralisation du système :

-  L'expérimentation menée dans les cinq postes consulaires montre que, malgré le caractère très ambitieux de la mise en place d'une procédure aussi nouvelle, la mise en place de la collecte des données biométriques de l'ensemble demandeurs de visas ne pose pas de problèmes majeurs :

* d'un point de vue technique, la satisfaction est générale : le mécanisme de prise d'empreintes fonctionne bien, de même que, selon les cas, le scannage ou la numérisation des photos. Le temps nécessaire à la prise de ces données est de l'ordre de quelques minutes (entre une et quatre selon les postes concernés). Certes, tous les postes ont été confrontés à des problèmes spécifiques (empreintes digitales abîmés et donc difficilement lisibles, logiciels trop lents ou mal adaptés...) mais ils ont su les régler empiriquement et préconiser des solutions qui pourront être très utiles au moment de la généralisation du système. À titre d'exemple, à Minsk, s'est posé le problème rare de personnes à qui il manque une main : le logiciel n'avait pas prévu cette possibilité et n'était pas en mesure de poursuivre la procédure lorsque cela arrivait. La dernière version du logiciel a pris en compte cette situation, ce qui montre l'utilité de l'expérimentation avant le lancement généralisé de procédures aussi novatrices ;

* d'un point de vue psychologique, le constat d'une très bonne acceptabilité de la part des demandeurs de visas est unanime ; ils ont parfaitement accepté et intégré la nouvelle procédure, dans des pays aux caractéristiques pourtant très différentes (Mali et États-unis par exemple) ;

* d'un point de vue diplomatique et politique, les situations ont été contrastées et l'acceptation a parfois été difficile, notamment de la part des élites politiques, qui ont parfois d'ailleurs bénéficié de dérogations. Pour autant, il semble que les principales difficultés ne tenaient pas tant au principe de la biométrie lui-même qu'à un certain sentiment d'inégalité de traitement par rapport à des pays voisins non retenus pour l'expérimentation. La forte implication des ambassades dans la réussite de l'expérimentation a cependant généralement permis d'atténuer ces critiques qui, par définition, seront beaucoup moins forte lors de la généralisation de l'expérimentation.

-  L'expérimentation a également permis de démontrer l'existence de difficultés inhérentes à la prise des données biométriques de l'ensemble des demandeurs de visas, qu'il faudra nécessairement prendre en compte avant de généraliser l'expérience. Ces difficultés tournent toutes autour de l'obligation d'une comparution individuelle de l'ensemble des demandeurs de visas, alors que la présence personnelle de ceux-ci est actuellement très variable d'un poste à l'autre. En effet, les visas peuvent actuellement souvent être obtenus par correspondance ou par l'intermédiaire d'une agence de voyage. Des solutions adaptées à chaque cas devront donc manifestement être trouvées :

* pour les consulats qui accordent un nombre important de visas sans comparution personnelle des demandeurs, la mise en place de biodev aurait pour conséquence d'augmenter considérablement les besoins en locaux et en personnels pour pouvoir recevoir un public beaucoup plus nombreux, d'autant que la prise d'empreintes et de photographie entraîne déjà un allongement de la durée moyenne d'entretien. Ainsi, quand une faible proportion de comparution personnelle s'accompagne d'un très faible taux de refus de visa, il est légitime de se demander si les inconvénients et le surcoût financier de la mise en place de biodev ne l'emportent pas sur ses avantages. Au consulat de France à Moscou par exemple, les conditions de travail sont déjà difficiles compte tenu de l'exiguïté des locaux et de faibles effectifs alors que le taux de comparution personnelle est de l'ordre de 40 % et que le taux de refus est extrêmement faible, environ 2 %, ce qui révèle un risque migratoire très faible et ne milite pas en faveur de la mise en place de biodev dans un consulat possédant ces caractéristiques ;

* en tout état de cause, il sera indispensable de prévoir un accompagnement budgétaire à la mise en place de biodev. En effet, même dans les consulats où le taux de comparution individuelle est déjà élevé, le passage à la biométrie entraînera nécessairement un accroissement du temps passé avec chaque demandeur de visa, et donc des besoins supplémentaires en termes de locaux et de personnels. Certes, la nécessaire maîtrise des finances publiques peut expliquer la lenteur mise à augmenter les moyens des consulats, mais ce problème pourrait être contourné en permettant un juste retour au ministère des Affaires étrangères d'une partie significative des frais de chancellerie acquittés par l'ensemble des demandeurs de visa, et dont le montant pourrait d'ailleurs être augmenté au moment de la mise en place du système vis par les pays de l'espace Schengen (8) ;

LE COÛT DU PASSAGE AUX VISAS BIOMÉTRIQUES

Les surcoûts engendrés par la généralisation des visas biométriques ont été évalués à 145 millions d'euros pour le ministère des affaires étrangères (acquisition de matériel informatique, frais de personnel supplémentaire, extension des capacités d'accueil). La recherche d'un financement de ces investissements est donc un impératif. Or, il faut savoir que depuis l'introduction des frais de visa au moment du dépôt du dossier, et non plus lorsque le visa est accordé, les recettes de visa sont passées de 55 millions d'euros en 2002 à 80 millions d'euros en 2004, recette qui pourrait croître d'environ 50 millions d'euros supplémentaires si le coût du visa « Schengen » passe, comme cela est envisagé de 35 à 60 euros.

Votre rapporteur estime qu'il serait logique que ces recettes, qui sont la contrepartie d'une prestation, reviennent aux consulats par l'intermédiaire d'un fonds de concours. Le ministère des finances s'y était opposé jusqu'au CICI du 27 juillet 2005 où le principe de la couverture des dépenses par une mobilisation d'une partie de la recette générée par les visas a fait l'objet d'un accord de principe qui a été finalisé le 17 janvier 2006. Pour 2006, 16 millions d'euros ont été débloqués sur les 26 millions que le ministère des Affaires étrangères jugeait nécessaires.

* un autre inconvénient de la comparution personnelle de tous les demandeurs de visa réside porte sur le caractère contraignant pour ces derniers d'un déplacement sur le site du Consulat. Cette question est problématique tant pour certaines catégories de demandeurs dites « vip » (chercheurs, chefs d'entreprises, personnalités politiques) que pour l'ensemble des demandeurs lorsqu'ils résident très loin du Consulat. Par exemple, il faut savoir que Vladivostok se trouve dans la circonscription consulaire de Moscou, et Hawaï, l'Alaska ou les Îles Mariannes dans celle de San Francisco. Ainsi, pour donner un minimum de souplesse au système, la généralisation de biodev devrait s'accompagner de la mise en place de procédés alternatifs de collecte des données biométriques par rapport à la pratique habituelle consistant à les collecter au Consulat. Il faut en effet distinguer l'instruction du dossier de demande de visa, qui pour des raisons évidentes ne peut être faite qu'au Consulat de France et qui n'exige pas forcément la présence physique du demandeur, de la prise des données biométriques.

À cet égard, les expérimentations ont été particulièrement utiles car elles ont incité les consulats concernés à faire preuve d'imagination et à tester des solutions empiriques qui devront être généralisées : à San Francisco, le consul honoraire de Seattle a été autorisé à relever les données biométriques à l'agence consulaire qu'il transfère ensuite numériquement au Consulat où le dossier est instruit ; à Minsk, le poste dispose d'une station mobile de prise de données qui permet à un agent consulaire français de dispenser certaines personnes de se rendre elles-mêmes au Consulat pour la prise de leurs empreintes et de la photographie. Cet outil est principalement utilisé pour les personnalités politiques, mais il pourrait tout à fait être utilisé de façon plus large. Enfin, dans la mesure où l'expérimentation biodev est également menée par la Belgique, des cas de mutualisation des moyens sont déjà à l'œuvre (des agents consulaires belges collectent les données biométriques dans les locaux du consulat de France, tout en instruisant les dossiers dans leurs propres locaux). Il est clair que lorsque l'expérience sera mutualisée, et dans la mesure où les visas Schengen permettent de se rendre dans l'ensemble des pays de l'espace Schengen, il sera indispensable de prévoir une large mutualisation des moyens de collecte des données biométriques, et notamment utiliser la complémentarité qui existe parfois entre les réseaux consulaires de nos différents partenaires.

-  Sur la base des enseignements tirés de cet expérimentation, le Gouvernement a décidé de passer à une deuxième phase, plus ambitieuse, afin, d'utiliser toutes les potentialités offertes par l'article 12 de la loi du 26 novembre 2003. À cet effet, un nouveau décret, modifiant le décret n° 2004-1266 du 25 novembre 2004, est actuellement soumis au Conseil d'État, afin de rendre le dispositif biodev réellement opérationnel et apte à remplir les objectifs qui lui sont assignés par la loi :

* il étend considérablement le nombre de postes frontières concernés couvrant ainsi une grande partie des points d'entrée aériens et maritimes du territoire national (9). Bien évidemment, le contrôle réel des données biométriques des personnes se rendant sur le territoire français ne sera complet que lorsque l'ensemble des pays de l'espace Schengen aura adopté les visas biométriques, s'agissant notamment des pays qui possèdent une frontière extérieure de cette espace ;

* l'extension géographique du dispositif est considérable et elle est concentrée sur les principaux pays d'immigration : 34 nouveaux postes consulaires  (10) pourront mettre en place la collecte des données biométriques des demandeurs de visa. Au total, les postes équipés délivrent actuellement environ 1,1 million de visas par an (sur 2,5 millions dans le monde, soit 44 %). Il s'agit donc d'un développement considérable du dispositif qui vise à permettre de disposer des données biométriques de la grande majorité des demandeurs de visa issus de pays présentant un risque migratoire. Ainsi, cet outil pourra réellement être utilisé pour lutter contre l'immigration clandestine ;

* les données biométriques pourront également être collectées par les services consulaires d'autres États membres de l'Union européenne, à condition cependant qu'ils possèdent un niveau adéquat de protection des données personnelles. Pour autant, le poste consulaire français sera toujours seul compétent pour l'instruction du dossier et pour la décision de délivrer ou non le visa. Mais il ne devra pas nécessairement être équipé lui-même d'un capteur d'empreintes ou d'un dispositif de numérisation de la photographie. Ainsi, des demandeurs de visa pour la France pourront parfois être dispensés de faire un long trajet s'il existe un poste consulaire équipé d'un pays de l'Union européenne à proximité de son domicile ;

LES PROJETS DE CONSULATS COMMUNS

Le programme de La Haye, adopté par le Conseil européen le 4 novembre 2004, définit les priorités devant présider à la construction de l'espace de liberté, sécurité et justice au cours de la période 2005-2010. Il évoque la création, à long terme, de bureaux communs chargés de la délivrance des visas, et le Conseil européen se félicite des initiatives prises par certains États membres en ce sens.

La France souhaite la création d'un réseau de consulats et d'un service consulaire communs aux pays appartenant à l'espace Schengen. Elle a d'ores et déjà décidé de mutualiser ses équipements de prise d'empreintes digitales dans les consulats à l'étranger, en mettant à disposition de ses partenaires ses équipements et en profitant des leurs là où elle en est dépourvue.

La France mène, en particulier, une coopération étroite avec l'Allemagne en vue d'une mutualisation de nos moyens respectifs à l'étranger. L'article 26 de la déclaration commune adoptée le 22 janvier 2003, à l'occasion du 40e anniversaire du traité de l'Élysée, affirme ainsi que « nos ministres des affaires étrangères accentueront la complémentarité entre nos réseaux diplomatiques et consulaires, notamment par le biais d'implantations et de services communs » et évoque la perspective d'ambassades communes. Des bureaux communs d'ambassade existent déjà à Banja Luka (Republika Srpska, en Bosnie-Herzégovine) et à Podgorica (Monténégro), de même qu'une « colocalisation » d'ambassades à Almaty (Kazakhstan), qui a été élargie à nos partenaires britanniques. Le conseil des ministres franco-allemand du 26 octobre 2004 a lancé de nouveaux projets de colocalisation, qui pourraient voir le jour en 2007 ou 2008, notamment à Maputo (Mozambique) et Dacca (Bangladesh) dans le domaine diplomatique, et à Yaoundé (Cameroun) comme une préfiguration de consulat européen auquel la partie belge pourrait s'associer.

Le Ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a donné une nouvelle impulsion à cette mutualisation des moyens consulaires, dans le cadre du G5 (France, Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni) qu'il a présidé à Evian les 4 et 5 juillet 2005.

Source : Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne

* enfin, le projet de décret permet une utilisation effective des données collectées pour lutter contre l'immigration clandestine. Ainsi, les agents consulaires auront-ils accès à la base centrale, ce qui leur permettra de vérifier si un demandeur de visa ne s'est pas déjà présenté devant le consulat, ou celui d'un pays partenaire, sous une autre identité. Compte tenu du manque de fiabilité des documents d'état-civil présentés dans certains pays, cette nouvelle potentialité du système sera très utile pour les agents qui instruisent les demandes.

De même, l'efficacité opérationnelle du système exige que les données biométriques collectées puissent être utilisées pour retrouver la véritable identité d'étrangers en situation irrégulière qui n'ont plus de papiers, et qui ne peuvent donc pas se voir accorder un laissez-passer consulaire. Or, on sait que le très faible taux de délivrance des laissez-passer consulaires est l'une des principales raisons de la difficulté à reconduire à la frontière les étrangers en situation irrégulière. Ainsi, il est indispensable que les agents de police et de gendarmerie chargés de l'interpellation des étrangers puissent consulter la base centrale biodev pour les comparer avec les empreintes digitales d'un étranger interpellé en situation irrégulière, relevés en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale : ils pourront alors connaître l'identité de cette personne si celle-ci est rentrée en France légalement avec un visa de court séjour avant de se maintenir illégalement sur le territoire (11), et même si celle-ci avait fait une demande de visa ayant fait l'objet d'un refus, précisément en raison d'un risque migratoire.

À titre expérimental, le projet de décret prévoit donc que certains agents de la police nationale des circonscriptions de sécurité publique dépendant de l'autorité du préfet de police de Paris, du commissariat central de Lille, du commissariat central de Lyon et du commissariat central de Marseille pourront consulter la base centrale biodev. La cnil considère que la loi du 26 novembre 2003 ne permet pas une telle consultation des données biométriques par les services de police. Votre rapporteur ne partage pas du tout cette analyse ; il avait d'ailleurs pris soin dans son rapport législatif (12) de préciser que la disposition législative avait pour objet « permettre d'effectuer des rapprochements dans l'hypothèse d'une nouvelle demande de visa sous une autre identité, en cas de tentative d'entrée illégale ou de contrôle en situation irrégulière sur le territoire français ». Afin de rendre encore plus claires les finalités du dispositif il avait au demeurant fait adopter un amendement énumérant celles-ci : « mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France ». L'intention du législateur est donc claire quant à l'utilisation souhaitée de ce dispositif pour identifier des étrangers en situation irrégulière sur le territoire national.

Au total, la mise en œuvre de l'article 12 de la loi du 26 novembre 2003 est donc une réussite, dont il sera possible d'apprécier la réelle portée d'ici quelques années. Lorsque le système sera généralisé à l'ensemble des pays de l'espace Schengen, l'enregistrement informatique des entrées et sorties des détenteurs de visa court séjour permettra par ailleurs de disposer enfin d'un mécanisme fiable du respect de leurs obligations par les bénéficiaires de visa. Dans l'attente de cette généralisation, Le Comité interministériel de contrôle de l'immigration (cici) a sélectionné dix postes diplomatiques et consulaires (13) qui ont mis en pratique depuis le 15 septembre 2005, à titre expérimental et pour une période de six mois, la procédure dite de « déclaration ou rendez-vous de retour » pour les bénéficiaires de visas de court séjour. Si cette expérience donne satisfaction, elle n'a pas été étendue compte tenu la logistique lourde qu'elle sous-tend.

2. Une plus grande efficacité de la maîtrise de la pression migratoire illégale aux frontières

La perméabilité de nos frontières est, avec le maintien au-delà de la durée de validité d'un visa de court séjour, l'autre facteur important expliquant la présence sur notre territoire d'étrangers en situation irrégulière.

Depuis 2002, la pression migratoire à nos frontières semble s'être stabilisée, comme l'illustre par exemple la baisse du nombre de jours moyens passés en zone d'attente, passé par exemple de 5 jours en 2003 à 2 jours en 2005.

INDICATEURS DE PRESSION À L'ENTRÉE

2003

2004

2005

2005/2004

Personnes placées en zone d'attente

17 073

17 098

16 157

- 5,5 %

Refus d'admission

20 278

20 893

23 542

+ 12,68 %

Réadmissions

11 945

12 339

12 379

+ 0,32 %

Demandes d'asile à la frontière

5 912

2 513

2 278

-9,35 %

Source : ministère de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire

a) Des dispositions législatives utiles...

La loi du 26 novembre 2003 n'a pas fondamentalement modifié le régime de l'entrée sur le territoire français, mais elle a apporté un certain nombre de modifications qui se sont avérées utiles.

Le dispositif de maintien dans les zones d'attente des étrangers non admis sur le territoire national est ainsi aujourd'hui plus efficace. Tout d'abord la réforme du « jour franc » (article 5 de la loi, modifiant le dernier alinéa de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, devenu l'article L. 213-2 du ceseda) ne rend plus automatique cette disposition qui permet de ne pas être ré-acheminé vers son pays d'origine en cas de non admission avant l'expiration d'un délai d'un jour franc. Désormais, ce droit doit être demandé par la personne non admise qui, sinon, est réputé renoncer au bénéfice de ce droit. Cette disposition législative avait été prise afin de sécuriser les procédures juridiques de non admissions qui étaient fragilisées par une lecture trop rigoureuse de la règle du jour franc : cette disposition de la loi du 26 novembre 2003 a donc contribué à la baisse des libérations des zones d'attente par le juge des libertés et de la détention ou la Cour d'appel pour vice de forme ou de procédure. En outre, certains non admis ne souhaitant pas bénéficier du jour franc et préférant un ré-acheminement à un placement en zone d'attente, il est désormais possible de procéder à celui-ci avant l'expiration des 24 heures contribuant ainsi au soulagement de la zone d'attente, notamment à Roissy. Il est ainsi possible de ré-acheminer ces personnes en utilisant le vol retour, ce qui est particulièrement important pour certaines destinations sur lesquelles les fréquences sont peu élevées.

De la même manière, d'autres modifications de l'ancien article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ont permis de réduire le nombre d'affaires perdues par l'administration pour vice de forme ou de procédure, il en est ainsi de la clarification des règles en matière de communication des droits aux personnes non admises : cette communication doit se faire dans une langue comprise par l'étranger, mais éventuellement en utilisant des moyens de télécommunication (article L. 221-4 du ceseda) (14).

Une autre disposition de la loi du 26 novembre 2003 a eu un impact direct, il s'agit de celle, prise à l'initiative de votre rapporteur, qui prolonge le placement en zone d'attente des personnes qui demandent l'asile au cours des quatre derniers jours de ce placement (12° de l'article 50 de la loi du 26 novembre 2003, aujourd'hui l'article L. 222-2 du ceseda). En effet, cette demande tardive avait très souvent pour conséquence d'entraîner une entrée sur le territoire de ces personnes dans la mesure où leur demande ne pouvait pas être examinée avant la fin de leur maintien en zone d'attente. La nouvelle disposition ne remet aucunement en cause le droit pour ces personnes de demander l'asile, il empêche seulement que cette demande ne soit faite dans un but dilatoire. De fait, cette disposition explique en partie l'importante baisse du nombre de demandes d'asile à la frontière passé de 7 786 en 2002 à 3 281 en 2005.

Enfin, le début de maîtrise de la pression migratoire dans les aéroports internationaux s'explique aussi par l'action des compagnies aériennes qui ont considérablement accru leurs moyens de contrôle au moment de l'embarquement, voire ont développé des moyens pour prouver l'identité de ceux de leurs clients qui détruiraient leurs papiers d'identité (photocopie à l'embarquement, numérisation des documents...). Les responsables de la police aux frontières expliquent cette nette amélioration par l'impact de l'article 27 de la loi du 26 novembre 2003 (modification de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 devenu les articles L. 625-1 à L. 625-6 du ceseda). En effet, l'amende à la charge des transporteurs débarquant un passager démuni de documents de voyage valables a été porté de 1 500 à 5 000 euros et concernent dorénavant aussi les passagers en transit. Le montant de cette amende a donc clairement un effet dissuasif, notamment pour des compagnies connaissant des difficultés financières, comme c'est le cas de beaucoup de compagnies africaines (15). En conséquence, celles-ci ont fait de réels efforts pour mieux contrôler l'identité de leurs passagers, ce qui les a parfois conduit à accepter une coopération plus étroite avec la police aux frontières, notamment en ce qui concerne la formation à la reconnaissance de la fraude documentaire.

Si cette disposition était d'application directe, et a connu de nombreuses applications depuis 2003, elle devait néanmoins être complétée par deux décrets d'application :

-  un décret n° 2005-913 du 29 juillet 2005 a été pris qui permet l'application de l'obligation de consignation immédiate du montant de l'amende lorsque le passager est un mineur ;

-  en revanche, le décret qui permettrait la mise en œuvre de la procédure d'amende minorée pour les compagnies acceptant la numérisation des documents de voyage de ses passagers et leur transmission aux autorités françaises se fait toujours attendre. La cnil vient tout juste d'être été saisie d'une demande d'avis, le 27 février 2006. Une expérimentation sur deux liaisons africaines est en cours dont les enseignements seront utilisés pour mettre en œuvre définitivement cette disposition particulièrement utile compte tenu de l'intérêt qu'il y a de disposer numériquement des documents de voyage de l'ensemble des passagers d'un vol.

b) ... qui ont accompagné une amélioration des procédures de contrôle des entrées

La baisse de la pression migratoire à l'entrée, fondée sur la diminution du nombre d'étrangers placés en zone d'attente (120 personnes par jour à la zone d'attente de Roissy en 2003, 77 en 2004) et la baisse du temps passé en zone d'attente (de 5 jours en 2003 à moins de 2 aujourd'hui) ne s'expliquent pas uniquement par le caractère plus adapté des nouvelles dispositions législatives. En effet, une certaine amélioration avait pu être constaté dès le début de l'année 2003 grâce à une meilleure organisation des contrôles frontaliers à Roissy et une adaptation des structures et des méthodes de la police aux frontières.

L'instauration du visa de transit aéroportuaire (vta) pour les ressortissants d'un certain nombre de nationalités se rendant dans un pays hors de l'espace Schengen en transitant par un aéroport français est ainsi unanimement considéré comme l'un des motifs principaux de la baisse des non admissions à partir de 2002 (cette année là 26 000 non admis avaient été comptabilisé ; depuis 2003, le chiffre tourne autour de 20 000 (16)). En effet, le défaut de vta peut empêcher jusqu'au débarquement de l'avion et a fortiori le passage en salle de transit. De plus, les personnes titulaires d'un vta ont dû remplir un dossier contenant la photocopie de leurs papiers d'identité, ce qui rend inopérant une éventuelle destruction de leurs papiers. En l'absence d'une telle obligation, de nombreux candidats à l'immigration profitaient de leur transit dans les aéroports français pour tenter de rentrer sur le territoire français. L'extension progressive de l'obligation de détenir un vta (17), notamment pour certaines nationalités particulièrement pourvoyeuses de migrants illégaux, a manifestement dissuadé un nombre croissant de ceux-ci de tenter de se faire admettre en France au cours d'une escale.

Par ailleurs, la réorganisation des méthodes des services de la Police aux frontières présents dans les aéroports internationaux et la bonne coordination avec l'ofpra et la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur ont permis de considérablement améliorer l'efficacité du système :

-  la paf a augmenté les contrôles en porte d'avion, notamment lors de l'arrivée des vols les plus sensibles, qui permettent d'identifier les personnes qui n'ont pas vocation à entrer sur le territoire avant qu'elles n'entrent dans la zone internationale. Ce type de contrôle permet aussi de s'assurer de façon incontestable de la provenance des personnes non admises ;

-  la paf s'est par ailleurs donné les moyens d'assurer la réadmission effective des personnes refoulées à l'entrée du territoire, en développant son unité d'escorte pour raccompagner les passagers récalcitrants, et en organisant des vols groupés vers certaines destinations ;

-  la paf développe par ailleurs sur les aéroports parisiens une action à finalité à la fois répressive et préventive sur les filières d'immigration clandestine et sur les faux documents. Il s'agit, par une analyse approfondie de la pression migratoire, de « cibler » les évolutions de l'immigration clandestine, pour adapter les contrôles en conséquence, de trouver une parade à la fraude documentaire et à mettre fin à l'activité de véritables filières. Parmi les filières démantelées en 2004 par l'Unité d'investigation de la Brigade mobile d'investigation de la paf de Roissy, créée en 2003, on peut citer 9 filières chinoises, une filière comorienne, une filière sri-lankaise et une filière sud américaine. Ce dernier exemple montre l'utilité du démantèlement des filières pour agir sur la pression migratoire aux frontières : l'arrestation d'un passeur brésilien spécialisé dans l'immigration clandestine de ressortissants boliviens en octobre 2004 a eu un impact immédiat sur le nombre de non admissions en provenance de ce pays, qui avaient fortement augmenté dans les mois précédent. En effet, au cours de l'année 2004, la Bolivie était brusquement devenue le deuxième pays de provenance des non admis (1 671 personnes à Roissy, contre 217 l'année en 2003), phénomène qui s'est avéré purement temporaire.

Enfin, la réforme de l'asile, issue notamment de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003, a contribué fortement à la réduction des délais d'examen des demandes d'asile à la frontière, ce qui a très probablement contribué à rendre celles-ci moins attractives. En effet, 85 % des demandes sont dorénavant traitées en moins de quatre jours. La baisse en 2004, première application de la loi, a en effet atteint par exemple 57 % au niveau de la zone d'attente de Roissy (2 630 demandes contre 6 077 en 2003).

B. L'AMÉLIORATION DES PROCÉDURES D'ELOIGNEMENT

L'un des principaux objectifs de la loi du 26 novembre 2003 était d'améliorer les procédures de reconduite à la frontière des personnes en situation irrégulière. Bien que ces derniers n'aient pas vocation à rester sur le territoire, la très faible probabilité d'être effectivement reconduits a pour conséquence le maintien d'un très fort niveau d'immigration clandestine dans notre pays, voire un caractère incitatif pour tous les candidats à l'immigration, et tout particulièrement pour les filières.

À l'inverse, il est difficilement envisageable de mener une ambitieuse politique d'intégration des étrangers en situation régulière, voire d'envisager d'avoir une politique d'accueil de certaines catégories de migrants, avec un système de reconduite aussi inefficace que celui dont disposait notre pays en 2003.

Pour mémoire, en 2002, dernière année complète avant le vote de la loi, le nombre de reconduites effectives avait atteint 10 067, pour 49 124 mesures prononcées (soit un taux de 22,5 %) et pour un nombre de clandestins présents sur le territoire bien supérieur, même s'il est par définition impossible à chiffrer précisément (entre 200 000 et 400 000 selon les estimations).

En 2004, le nombre d'éloignements effectifs s'élevait déjà à 15 660 (sur 69 602 mesures prises), et le chiffre des 20 000 a été approché en 2005 (19 849 reconduites en métropole). Si ce chiffre reste faible en valeur absolue, et par rapport au nombre d'étrangers interpellés, un doublement a néanmoins été obtenu en trois ans, ce qui constitue un progrès remarquables.

Les dispositions législatives n'ont pas seules permis d'obtenir ce résultat, qui est la conséquences d'un triple effort : législatif donc, mais aussi organisationnel et enfin budgétaire.

LA RÉFORME DE LA POLITIQUE DU CONTRÔLE DE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

Afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre l'immigration illégale, le dispositif gouvernemental a été profondément modifié :

− par la responsabilité de coordination qui incombe désormais au ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, dont le décret d'attributions du 16 juin 2005 indique expressément qu'il est "chargé de l'ensemble des questions concernant l'immigration" ;

− par la mise en place, au niveau interministériel, d'une structure de pilotage et de coordination, le Comité interministériel de contrôle de l'immigration, institué par le décret du 26 mai 2005. Son secrétaire général, M. Patrick Stefanini, est placé auprès du ministre de l'Intérieur et chargé d'animer le comité des directeurs des administrations centrales et des établissements publics concernés. Votre rapporteur se félicite des premiers résultats obtenus grâce à l'existence de cette structure interministérielle qui n'est pas simplement destinée à un effet d'affichage mais est une instance où les éventuels désaccords peuvent être tranchés et qui a un rôle, indispensable, de suivi de l'application des décisions prises par des administrations trop souvent inertes. Votre rapporteur qui avait été consulté par le secrétaire général dès juin 2005 a ainsi pu lui signaler un certain nombre de différends entre les administrations sur des décrets d'application restés en cours de préparation après son premier rapport du 1er décembre 2004. De fait, les relevés de décision du CICI font apparaître une véritable volonté de suivi des textes d'application nécessaires ;

− au plan opérationnel, une circulaire du 23 août 2005 précise l'organisation de la police de l'immigration. Elle s'articule autour d'une direction spécialisée, la direction centrale de la police aux frontières, aux compétences redéfinies et au maillage territorial élargi, chargée, sous l'autorité du directeur général de la police nationale, d'une mission générale de coordination. Elle repose aussi nécessairement sur la mobilisation des services territoriaux de la police et de la gendarmerie nationales (directions départementales de la sécurité publique et groupements de gendarmerie départementale de la gendarmerie nationale). La coordination sera assurée au niveau central par l'unité de coordination de la lutte contre l'immigration irrégulière (UCOLII) placée auprès du directeur central de la police aux frontières, et, au niveau de la zone de défense, par une cellule de coordination aux attributions comparables, placée sous l'autorité du préfet de zone.

- au niveau local, les préfets ont été incités à revoir leur dispositif de lutte contre l'immigration clandestine, notamment afin de pouvoir respecter les objectifs qui leur ont été assignés en matière d'éloignement. Ainsi, depuis 2004, 92 départements ont mis en place des pôles départementaux d'éloignement, permettant de mieux organiser l'action de l'ensemble des services de l'État : police aux frontières, sécurité publique, gendarmerie, services préfectoraux.

1. Des conditions d'interpellation satisfaisantes

Si les reconduites à la frontière peuvent être ordonnées par l'autorité préfectorale en dehors d'une procédure de contrôle d'identité, en revanche les reconduites effectives suivent presque toujours un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) pris suite à une interpellation. En effet, le taux infime d'exécution des APRF transmis par voie postale, suite à une mesure de refus de titre de séjour par exemple, conduit à fonder l'efficacité du circuit de la reconduite sur les contrôles d'identité prévus par l'article 78-2 du code de procédure pénale. Cet article définit les conditions dans lesquelles « les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints » (art. 78-2 cpp, 1er alinéa) peuvent procéder à des contrôles d'identité, sous des conditions très encadrées qui ont été fixés progressivement par le législateur, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

Lorsque ces contrôles peuvent être effectués à l'égard « de toute personne », ils sont particulièrement utiles dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine. Depuis la loi du 10 août 1993, qui prend notamment acte de la suppression des contrôles aux frontières au sein de l'espace Schengen, les possibilités de contrôle ont été fortement étendues. Le régime des contrôles d'identité semble aujourd'hui stabilisé après que le législateur ait rempli certaines lacunes du dispositif en permettant des contrôles, sous certaines conditions, au-delà de la bande des 20 kilomètres, sur les autoroutes (par la loi du 26 novembre 2003) et dans les trains transfrontaliers (article 3 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers).

Ainsi, les outils procéduraux existent aujourd'hui pour permettre des interpellations d'étrangers en situation irrégulière en nombre important, même si cela est variable selon les départements, notamment en fonction de la qualité de la coopération entre services interpellateurs et parquets (qui autorisent les contrôles d'identité, hors contrôles « Schengen »).

Parallèlement, afin que les nouveaux instruments législatifs et procéduraux mis à la disposition de l'administration soient pleinement efficaces, le ministre de l'intérieur a décidé, fin 2003, la mise en place d'une politique de pilotage par objectifs de l'activité d'éloignement. Ce dispositif a engendré une forte mobilisation des services de police, de gendarmerie et des préfectures, et contribué à restaurer la crédibilité de la politique de maîtrise de l'immigration.

Même si cette initiative a pu être critiquée, force est de constater qu'elle a permis de montrer que le cadre législatif actuel permettait, en s'en donnant les moyens, d'accroître considérable le nombre d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière et leur éloignement effectif vers leur pays d'origine. Par exemple, à droit constant, les brigades de gendarmerie départementale du Vaucluse ont, suite aux instructions qui leur ont été données, multiplié par cinq le nombre d'interpellations auxquelles elles ont procédé en 2005 par rapport à 2004. Ainsi, sur l'ensemble de la métropole, le nombre d'étrangers interpellés en situation irrégulière est passé de 44 545 en 2004 à 63 681 en 2005 selon la police aux frontières, soit une hausse considérable de 43 % (18).

Le problème posé par cette augmentation des interpellations ne réside donc pas dans leur régime juridique - le nombre d'interpellations non conformes étant minime - mais plutôt dans ses conséquences pratiques pour l'organisation des services interpellateurs (sécurité publique et gendarmerie départementale). En effet, l'augmentation du nombre d'étrangers en situation irrégulière interpellés nécessite la mobilisation d'importants moyens humains et matériels pour procéder aux contrôles, rédiger des procédures assez complexes, conduire les étrangers dans les centres de rétention, surtout lorsque ceux-ci ne se trouvent pas à proximité du lieu d'interpellation. Une fois l'étranger placé en centre de rétention, les moyens nécessaires pour les escortes liées à la rétention - le problème étant le même s'agissant des zones d'attente - mobilisent encore de nombreux véhicules, policiers et gendarmes, au détriment de leur action sur le terrain contre la délinquance (19).

L'article 53 de la loi du 26 novembre 2003 (article 35 octies de l'ordonnance du 2 novembre 1945 devenu les articles L. 821-1 à L. 821-6 du ceseda) avait permis d'externaliser le transport des personnes maintenues en rétention ou en zones d'attente. Certes, en raison d'un obstacle constitutionnel, ce type de marché public ne pouvait concerner que le transport proprement dit « à l'exclusion de ce qui concerne la surveillance des personnes retenues ou maintenues au cours du transport qui demeure assurée par l'État », restriction qui limitait probablement l'utilité de sa mise en œuvre. La procédure ainsi créée le fut à titre expérimental pour deux ans, soit jusqu'au 26 novembre 2005. Or, les mesures réglementaires nécessaires à son application ne furent prises que par le décret n° 2005-617 du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et aux zones d'attente pris en application des articles L. 111-9, L. 551-2, L. 553-6 et L. 821-5 du ceseda. Votre rapporteur déplore que l'Administration n'ait pas jugé bon de l'informer de son souhait de ne pas appliquer l'expérimentation votée par le législateur, notamment lors de l'élaboration de son premier rapport d'application de la loi.

2. Le placement en rétention : un effort budgétaire sans précédent

Une fois l'interpellation d'un étranger en situation irrégulière effectuée en conformité avec les dispositions du code de procédure pénale, celui-ci va être mis en rétention administrative, le temps que soient accomplies les différentes formalités préalables à une reconduite effective. Cela signifie que la mise en rétention de l'étranger en situation irrégulière conditionne de facto la réussite de la reconduite, même si, de jure, l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière s'impose à son destinataire, y compris lorsque celui-ci n'est pas placé en rétention. En réalité, les personnes libérées suite à interpellation, faute de place en centre de rétention, resteront sur le territoire. En 2005, 29 257 personnes ont été placées en cra, contre 27 397 en 2004.

Le nombre de places disponibles en centres de rétention est donc un élément décisif du circuit de la reconduite à la frontière. D'ailleurs, certains services interpellateurs admettent bien volontiers qu'ils sont beaucoup moins incités à déployer d'importants moyens pour procéder à des interpellations d'étrangers en situation irrégulière lorsqu'ils savent que les centres de rétention administrative sont en situation de saturation.

Ainsi, le succès de la loi du 26 novembre 2003 reposait sur la nécessité de déployer un effort considérable pour accroître le nombre de places disponibles en cra. En effet, comme on le verra, l'un des principaux apports de cette loi étant de permettre l'augmentation de la durée moyenne de rétention (passée de 5 jours en 2003 à 10 jours en 2005), il en résultait mécaniquement une pression sur les capacités d'accueil quotidiennes des cra. De fait, le taux d'occupation moyen des cra est élevé puisqu'il s'élève en moyenne à 83 % en 2005.

Déjà passé de 893 à 2003 à 1 300 fin 2005, le nombre de places en cra va connaître un nouvel élan dans le cadre du plan triennal d'extension des capacités de rétention administrative adopté au cici du 27 juillet 2005 qui portera le nombre de places disponibles à 2 700 en juin 2008. Par ailleurs, cette augmentation se fera non seulement par des extensions de centres existants ou leur « dédoublement » (comme cela est prévu à Vincennes), mais aussi par la création de centres entièrement nouveaux (comme à Metz) afin de permettre une meilleure répartition géographique des centres. En effet, si les cra ont tous une compétence nationale, votre rapporteur a néanmoins constaté qu'il est plus facile de mener à bien une mesure d'éloignement lorsqu'il existe un cra à proximité.

Par ailleurs, le vaste programme immobilier ainsi entrepris permettra d'améliorer sensiblement les conditions de vie en rétention, afin de respecter, à l'échéance prévue du 31 décembre 2006, les normes en matière de confort, d'équipement et de prestations prévues aux articles 13 à 15 du décret n° 2005-617 du 30 mai 2005. Dans sa réponse au rapport présenté par M. Alvaro Gil-Roblès, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, le ministre d'État indique que 76 millions d'euros ont déjà été affectés à ce plan. Ainsi, les plus vieux cra, tels la partie réservée aux hommes de celui du Palais de justice de Paris (le « dépôt ») ou de Marseille-Arenc, seront fermés, alors que les nouveaux cra offriront des conditions de rétention beaucoup plus satisfaisantes. Pour avoir visité le cra récent de Coquelles et celui, beaucoup plus vétuste d'Arenc, votre rapporteur a pu constater que la conception des centres récents était bien davantage adaptée à une rétention humaine. A titre d'exemple, à Coquelles, les retenus se déplacent librement entre les différents espaces (chambres, parties communes, espace de promenade, infirmerie, bureaux de l'anaem et de la cimade), ce qui n'est pas le cas à Arenc où les différents espaces sont cloisonnés. Cependant, si le cra d'Arenc est incontestablement situé dans un local inadapté, le dernier étage d'un hangar dans le port de la Joliette, justifiant ainsi son remplacement par un cra entièrement moderne dans le quartier du Canet, il est néanmoins juste de préciser que les conditions d'hébergement (climatisation, confort des chambres...) se sont nettement améliorées à Arenc depuis la précédente visite de votre rapporteur.

LES MESURES RELATIVES À L'INTERPRÉTARIAT

La loi du 26 novembre 2003 contient d'importantes mesures concernant l'interprétariat, introduites à l'initiative de votre rapporteur à l'article 51 (article 35 sexies de l'ordonnance du 2 novembre 1945, article  L. 111-7 à L. 111-9 du CESEDA) :

- le principe du droit de l'étranger à un interprète dans une langue qu'il comprend est affirmé lorsqu'il fait l'objet d'une mesure de non-admission sur le territoire national, de maintien en zone d'attente ou de placement en rétention et qu'il ne parle pas le français. Certes, en contrepartie de ce droit, l'assistance de l'interprète peut se faire par téléphone : certaines associations entendues par votre rapporteur ont critiqué cette méthode qui, selon elles, ne permettraient pas d'informer correctement l'étranger de ses droits, notamment dans les cas de non admission. Pourtant, il est évident que le principe du droit à l'interprétariat serait inapplicable sans cette souplesse, car il est matériellement impossible d'organiser une permanence physique d'interprètes dans l'ensemble des langues 24 heures sur 24.

Compte tenu de l'existence de cette disposition législative, la mise à la charge du retenu des frais de traduction liés aux demandes d'asile en rétention par le décret n° 2005-617 du 30 mai 2005 a été fortement critiquée par les associations de défense des droits des étrangers. Cependant, la demande d'asile en rétention, qui constitue quasi systématiquement une mesure dilatoire si l'on en juge par le taux extrêmement faible d'attribution du statut de réfugié dans ce cadre, ne fait pas partie des procédures visées par l'article 51 de la loi du 26 novembre 2003. En effet, il n'est pas souhaitable d'inciter les étrangers en situation irrégulière d'attendre d'être placés en rétention pour déposer leur demande d'asile, alors que ceux-ci ont eu précédemment le temps matériel pour déposer leur demande dans les formes habituelles : la situation est différente en ce qui concerne la demande d'asile en zone d'attente où les frais d'interprétariat sont donc logiquement à la charge de l'administration.

- l'autre apport de la loi du 26 novembre 2003 consistait dans l'encadrement de la profession d'interprète, avec l'établissement d'une liste d'interprètes agréés tenus par le procureur de la République. Cette disposition est pleinement applicable depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2005-214 du 3 mars 2005, elle donne pleinement satisfaction car elle permet de s'assurer de la probité et de l'impartialité des interprètes, et notamment de l'absence de liens avec certaines filières d'immigration clandestine.

Pour autant, si la situation juridique des interprètes est aujourd'hui stabilisée, tel n'est pas le cas de leur situation financière. En effet, l'attention de votre rapporteur a été appelée sur l'intention des services fiscaux de considérer les revenus des interprètes requis dans les procédures judiciaires comme des bénéfices non commerciaux (c'est-à-dire assujettis à la TVA et aux charges sociales) : compte tenu de la modicité des tarifs (16,58 euros de l'heure, contre par exemple 92 euros par client pour les avocats commis d'office), cela reviendrait à rendre le revenu net dérisoire et conduirait une grande majorité des interprètes à renoncer à cette mission, alors même que les interprètes sont un maillon indispensable de la chaîne judiciaire en matière de droit des étrangers.

Face à l'explosion du contentieux des étrangers lié à la détermination du gouvernement à lutter contre l'immigration clandestine, il est devenu urgent de clarifier le statut des interprètes, et d'harmoniser les solutions retenues par les différents ministères. En effet, contrairement au ministère de la justice, le ministère de l'intérieur envoie chaque mois aux interprètes le détail des sommes perçues, avec déduction des cotisations sociales et indication du montant imposable.

3. Des recours juridictionnels nombreux

a) Un contentieux de masse

Fort complexe, le contentieux des étrangers, et notamment celui de la reconduite à la frontière, connaît par ailleurs une véritable explosion. Il en résulte un contentieux peu lisible, et qui par conséquent se caractérise par de nombreuses annulations. Il est incontestable que la faiblesse du taux de reconduite des étrangers en situation irrégulière en France s'explique en partie par la complexité procédurale de la reconduite à la frontière. Certes, il arrive qu'un juge des libertés et de la détention ordonne la remise en liberté d'une personne retenue ou qu'un juge administratif annule un aprf pour des raisons de fond, mais le maquis procédural en matière de droit des étrangers est incontestablement un handicap.

Ainsi, le contentieux des étrangers peut réellement être qualifié de contentieux de masse, il connaît d'ailleurs une croissance continue ces dernières années, notamment, il faut bien l'admettre, en raison de la complexité croissante de ce droit. Dans la juridiction administrative, ce type de contentieux est ainsi devenu le premier motif de contentieux devant les tribunaux administratifs, avec 24 % des affaires, devant la fiscalité. En 2004, il a connu une augmentation de 20 %, et même de 50 % pour le seul contentieux de la reconduite à la frontière.

Dans ces conditions, il est parfois difficile de rendre une justice de bonne qualité, d'autant que les recours devant les différentes juridictions (devant le juge administratif pour la contestation de l'aprf, de la décision de refus de titre de séjour et pour celle fixant le pays de renvoi, ainsi que pour d'éventuels recours en référé ; et devant le juge judiciaire concernant les demandes de mise en liberté des personnes en rétention) s'entrecroisent, dans des délais souvent très brefs.

La loi du 26 novembre 2003 contenait certaines dispositions visant à soulager la pression pesant sur la juridiction administrative du fait de l'accroissement du contentieux des étrangers :

-  son article 34 a en effet modifié le I. de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (article L. 512-2 du ceseda) afin de porter de 48 à 72 heures le délai dans lequel le juge administratif doit se prononcer sur une demande d'annulation d'une mesure d'éloignement (20). L'existence d'un délai aussi bref s'explique par le caractère suspensif du recours, qui pourrait faire obstacle à la mesure d'éloignement si le jugement était rendu trop tardivement, après le délai maximum de rétention. La loi du 26 novembre 2003 ayant allongé la durée de rétention, il a donc été possible de donner un peu plus de temps à la juridiction administrative pour se prononcer sur les aprf : cette réforme simple a été très appréciée par les magistrats administratifs qui l'avaient souhaitée. En revanche, il ne semble pas souhaitable d'allonger encore ce délai, du moins pour les aprf notifiés par voie administrative, car il ne faudrait pas que l'allongement possible de la durée de rétention n'entraîne un allongement des durées de procédure, réduisant ainsi de facto la capacité d'accueil des centres de rétention administrative ;

- l'article 49 a modifié en profondeur l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : l'une de ces modifications (aujourd'hui à l'article L. 551-1 du ceseda) précise que seuls peuvent être mis en rétention les étrangers faisant l'objet d'un aprf édicté moins d'un an auparavant. Le législateur a pris acte de la jurisprudence(21) qui indiquait qu'un étranger ne pouvait être reconduit à la frontière sur la base d'un aprf trop ancien et avait alors le droit à un réexamen de sa situation.

Au-delà, cette question pose une nouvelle fois le problème de l'intérêt qu'il y a à continuer de délivrer des arrêtés de reconduite à la frontière par voie postale qui ne sont quasiment jamais exécutés et qui ne sont qu'imparfaitement exécutoires puisque de nouveaux éléments peuvent être intervenus entre la date de l'aprf et celle où l'administration décide de mettre en œuvre la mesure d'éloignement. Or, l'existence de cette mesure, dont l'utilité est peu évidente, entraîne une charge de travail importante, et peu valorisante compte tenu du taux d'exécution, à la fois pour les services préfectoraux et pour les juridictions administratives. Il semblerait même que certains étrangers en situation irrégulière utilisent les aprf par voie postale successifs qu'ils ont reçus depuis leur installation sur le territoire comme pièce justificative de leur présence continue en France depuis dix ans afin de bénéficier d'un titre de séjour au titre du 3° de l'article L. 313-11 du ceseda. Votre rapporteur a d'ailleurs constaté que certaines préfectures avaient tout simplement cessé de délivrer des APRF par voie postale, ce qui ne les a pas empêchées, dans le même temps, d'augmenter le nombre de reconduites effectivement réalisées.

Certes, il a été indiqué à votre rapporteur que la délivrance d'aprf par voie postale n'était pas totalement dénuée de justifications, puisque leur existence permettait par exemple d'inscrire le nom des personnes concernées dans certains fichiers de police, et notamment celui des personnes recherchées. Cependant, dans la mesure où les aprf par voie postale sont généralement la conséquence d'un refus de titre de séjour, qui fait l'objet d'une procédure administrative distincte, il serait probablement plus efficace de réunir ces deux décisions, et de prévoir que la mesure de refus de titre de séjour ne se contente pas « d'inviter » son destinataire à quitter le territoire mais vaut obligation de le faire. Il est temps aujourd'hui de faire cette réforme longtemps attendue et qui devrait permettre une meilleure administration de la justice.

b) Une administration inégalement défendue dans les instances

En matière de contentieux des étrangers, le taux d'annulation des décisions de l'administration, 16 %, peut être considéré comme normal, compte tenu de la complexité de la matière. Pour autant, si ces annulations se justifient parfois par la non reconnaissance d'un droit légitime au séjour par l'administration, bien souvent, ces annulations ne remettent pas en cause le caractère irrégulier du séjour, tout en faisant obstacle à la réalisation de l'éloignement. Cette situation dans laquelle des personnes dépourvues de droit au séjour ne peuvent être reconduites à la frontière suite à une procédure juridictionnelle n'est pas satisfaisante quand cela s'explique par l'incapacité de l'administration à défendre efficacement ses intérêts.

On constate, en effet, que l'administration est très inégalement défendue selon les ressorts des tribunaux et l'implication des différents préfets. La situation propre au tribunal administratif de Paris doit être signalée. Il apparaît en effet que les services de la préfecture de police s'abstiennent le plus souvent de produire un mémoire en défense dans les affaires de reconduite à la frontière. Cette carence est d'autant plus regrettable qu'elle s'applique évidemment, à Paris, à un nombre considérable de dossiers. Il est certain que les services des étrangers des préfectures subissent une très forte pression et qu'ils n'ont pas reçu les renforts budgétaires et humains correspondant à l'explosion du contentieux des étrangers depuis quelques années. En effet, les services préfectoraux jouent un rôle au moins aussi fondamental dans la réussite d'une procédure d'expulsion que les services de police, spécialisés ou non, qui, eux, ont bénéficié d'importantes ressources budgétaires supplémentaires.

Compte tenu de ces contraintes, le ministère de l'intérieur a engagé une série d'actions afin d'améliorer l'efficacité de la défense contentieuse de l'État. Tout d'abord, au sein de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, une cellule spécifiquement chargée d'aider les services territoriaux en charge de la lutte contre l'immigration irrégulière à améliorer l'exécution des mesures d'éloignement a été créée. Par la mise en œuvre d'actions de formation en direction des bureaux des étrangers des préfectures, l'organisation de déplacements visant à recueillir et à mutualiser les bonnes pratiques en matière contentieuse et l'alimentation d'un site intranet à l'attention des préfectures et des services interpellateurs, rassemblant des conseils pratiques et juridiques, le Centre national d'animation et de ressources (cnar) contribue à l'amélioration de la défense contentieuse de l'État. En outre, l'administration centrale du ministère fournit des conseils procéduraux et assure, soit directement, soit par le recours à des cabinets d'avocats spécialisés, la gestion des contentieux sensibles en matière d'étrangers.

Il reste que, devant le juge des libertés et de la détention, un véritable problème se pose concernant la capacité de l'administration à être représenté dans les instances afin d'apporter d'éventuels éléments nécessaires au juge et de défendre la position de l'administration. S'agissant d'un contentieux hautement spécialisé, dans lequel la défense des étrangers est souvent assurée par des avocats à la fois compétents et combatifs, l'absence de représentation de l'administration est souvent un grave handicap. Les magistrats judiciaires rencontrés par votre rapporteur considèrent que beaucoup de décision de libération de personnes en rétention s'expliquent par un déficit d'explication de la part de l'administration, parfois en raison de la simple absence d'une pièce, problème qui pourraient être facilement résolu si l'administration pouvait organiser, d'une façon ou d'une autre, une forme de représentation. Ce problème est encore plus prégnant s'agissant des dossiers défendus par des préfectures éloignées du siège du tribunal, et pour lesquelles le déplacement d'un agent de la préfecture est particulièrement contraignant, d'autant que le juge des libertés et de la détention statue souvent en dehors de horaires administratifs traditionnels.

Les agents des services des étrangers sont d'ailleurs parfaitement conscients de cette situation qu'ils ne nient pas et ont parfois imaginé d'intéressantes pistes de réflexion pour y faire face. Certaines préfectures, comme celle des Bouches-du-Rhône, ont ainsi recours aux services d'un cabinet d'avocat pour les représenter devant le jld, ce qui doit permettre d'éviter certaines libérations d'étrangers retenus pour de simples erreurs procédurales, mais peut avoir un coût budgétaire certain, qui a d'ailleurs conduit cette préfecture à renoncer à cette expérience. Pour autant, elle continue à être systématiquement représentée depuis janvier 2005 en envoyant systématiquement des agents du service des étrangers lors des audiences du jld, avec des résultats très encourageants : en 2004, 26,7 % des procédures d'éloignement ne pouvait être menées à bien en raison d'une décision d'assignation à résidence ou de libération du jld, taux qui est passé à 14,9 % en 2005.

L'expérience menée dans le département du Rhône, qui consiste à recourir aux réservistes de la police nationale, est également une solution particulièrement intéressante car elle permet de mobiliser des personnes connaissant très bien la matière et qui peuvent donc rendre de très utiles services.

Par ailleurs, la loi du 26 novembre 2003 (article 49 rédigeant le IV de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, devenu l'article L. 552-10 du ceseda) a institué une nouvelle procédure en matière d'appel des décisions de libération du jld, tant en matière de rétention que de maintien en zone d'attente. En effet, alors que ce type de recours n'est pas suspensif, la nouvelle disposition prévoit que le parquet peut demander au premier président de la Cour d'appel ou à son délégué, dans les quatre heures suivant la notification de l'ordonnance de libération, de déclarer le recours suspensif, si l'étranger présente un risque pour l'ordre public ou ne dispose pas de garanties de représentation. En effet, la conséquence quasi systématique d'une libération par le jld est de faire obstacle à l'éloignement de l'étranger en situation irrégulière. Si, comme nous avons vu que cela était souvent le cas, cette libération a été décidée sur des motivations strictement procédurales (pièce manquante...), le recours formé par l'administration a de très fortes chances d'être favorablement accueilli par la Cour d'appel, mais sans aucune conséquence pratique, l'étranger ayant été libéré. Dans le département de Vaucluse par exemple, lors de neuf premiers mois de l'année 2005, la préfecture a formé 14 appels de décisions du jld et l'a à chaque fois emporté devant la Cour d'appel : cela signifie qu'il existe des cas facilement identifiables où la décision de libération du jld ne devrait pas entraîner une libération immédiate de la personne retenue.

Malheureusement, cette procédure créée par la loi du 26 novembre 2003, est utilisée de façon confidentielle par le ministère public, ce que certaines associations de défense des droits des étrangers ont d'ailleurs confirmé à votre rapporteur, pour s'en féliciter... Très encadrée par la loi, cette procédure respecte les principes fondamentaux de la procédure pénale et pourrait être bien davantage utilisée par les parquets, le nombre important d'appels gagnés par l'administration montrent que l'application du droit aurait à y gagner. D'ailleurs, dans les quelques cas où cette procédure a été utilisée, elle a donnée d'excellents résultats, puisque la Cour d'appel a donné raison dans 90 % des cas au Parquet. Le parquet près le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer, qui comprend la salle d'audience déconcentrée de Coquelles, demande ainsi régulièrement l'application de cette disposition. A l'inverse, les premiers cas d'utilisation de cette procédure par le Parquet de Bobigny, compétent pour la zone d'attente de Roissy, sont très récents et peu nombreux. Plus globalement, il semble que de très nombreux parquets n'appliquent jamais l'article L. 552-10 du ceseda.

Il serait donc souhaitable que la chancellerie rédige une circulaire à l'attention des procureurs généraux et des procureurs de la République pour leur expliquer précisément les modalités de mise en œuvre de cette procédure et les cas dans lesquels elle devrait être utilisée.

Sur ce point, conscient des difficultés rencontrées par ses services, le ministère de l'intérieur a, par deux courriers du 9 septembre 2005 et du 21 février 2006, saisi la chancellerie pour lui faire part des préoccupations régulièrement évoquées par les préfets en la matière. Le ministère de l'intérieur a proposé l'élaboration d'une circulaire conjointe afin qu'une doctrine d'action commune à l'occasion des procédures juridictionnelles de rétention administrative puisse être établie et diffusée.

c) La délocalisation des audiences

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 92-625 du 6 juillet 1992, la législation prévoyait que le jld pouvait statuer, en matière de prolongation du maintien d'une personne en zone d'attente, dans une salle d'audience spécialement prévue à cet effet sur l'emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, dans des ressorts prévus par un décret en Conseil d'État. Si celui-ci n'est jamais intervenu, une telle salle d'audience avait néanmoins été construite en 2001 (soit neuf ans après le vote du Parlement) près de la zone d'attente de Roissy. Afin de rendre opérationnelle cette disposition législative votée en 1992, le législateur a décidé en 2003, onze ans plus tard :

-  de préciser que le juge devait statuer dans la salle d'audience lorsque celle-ci existe, cette disposition étant d'application directe ;

-  d'étendre la possibilité de tenir des audiences du jld au contentieux de la prolongation de la rétention.

Depuis le mois de juin 2005, cette disposition législative a enfin fait l'objet d'un commencement d'application. En effet, depuis cette date, les audiences du jld statuant sur la prolongation de la rétention des personnes placées au centre de rétention administrative de Coquelles (Pas-de-Calais) n'ont plus lieu à Boulogne-sur-Mer, siège du tgi, mais dans une salle d'audience spécialement aménagée, laquelle était d'ailleurs prête depuis le milieu de l'année 2004.

Votre rapporteur s'est rendu à Coquelles, a visité la salle d'audience, a rencontré l'ensemble des personnes concernées, et assisté à des audiences de prolongation. Il en a retiré l'impression d'un fossé gigantesque entre les arguments théoriques critiquant cette initiative et la réalité concrète de celle-ci, qui est objectivement un succès :

-  les conditions d'exercice de la justice sont très bonnes et apportent toutes les garanties que l'on est en droit d'attendre dans un État de droit (locaux pour s'entretenir avec les avocats, entrée séparée du public et des magistrats, conditions de travail...) ;

-  si la salle d'audience se trouve effectivement à proximité de bâtiments de la police aux frontières, elle s'en distingue clairement et elle est réellement accessible au public. En effet, contrairement à ce qui a pu être parfois insinué, la salle d'audience ne se trouve pas « au milieu de nulle part », mais dans une zone très fréquentée, facile d'accès, à proximité d'un centre commercial. Il y avait d'ailleurs du public, des proches d'une personne dont la prolongation de rétention était demandée, le jour de la visite de votre rapporteur ;

-  pour les personnes retenues, et il s'agit là d'un constat unanime, la situation est incomparablement meilleure que celle qui prévalait lorsqu'ils devaient être conduits à Boulogne-sur-Mer, à 35 minutes du cra. En effet, ces déplacements signifiaient souvent l'obligation de passer une journée entière au TGI, menottés, dans des locaux inadaptés, avec des conditions de restauration médiocres. De plus, ils ne pouvaient être reconduits au cra avant la fin de l'ensemble des audiences, c'est-à-dire parfois à une heure très avancée. En cas d'appel suspensif, ils devaient rester quatre heures supplémentaires au tribunal, tel n'est plus le cas aujourd'hui où ils peuvent alors être reconduits au cra ;

-  pour les finances publiques, les économies réalisées sont substantielles en termes de moyens matériels et en personnels qu'il n'est plus nécessaire de mobiliser pour réaliser les escortes vers le tribunal ;

-  au total, le seul réel inconvénient réside dans la contrainte que constitue la nécessité de se déplacer jusqu'à Coquelles, pour les magistrats, greffiers, avocats, interprètes... Il semble en effet que ces raisons pratiques expliquent en grande partie les craintes formulées par les avocats, du moins ceux résidant à Boulogne, car la salle d'audience est au contraire plus facilement accessible que le siège du tgi pour les avocats de Calais. Pour autant, à Coquelles, le système de permanence du barreau fonctionne bien, même si certains incidents ont été constaté dans les premiers mois ayant suivi l'inauguration de la salle d'audience.

En fin de compte, l'expérience de Coquelles est une véritable réussite, qui conduit votre rapporteur à espérer que la salle d'audience de Roissy pourra bientôt être opérationnelle, près de cinq ans après sa construction. D'après le ministère de la justice, les retards relatifs à l'ouverture de cette salle d'audience s'expliquent par des raisons immobilières et juridiques (nécessité de reconfigurer la salle d'audience pour l'adapter aux contraintes d'un établissement judiciaire, problèmes de conventions d'occupation des lieux...). Il faut souhaiter que ces difficultés soient rapidement surmontées et ne constituent pas un prétexte. Rappelons que lorsque la salle sera prête, la tenue des audiences du jld n'y sera pas une option mais une obligation formulée par la loi à deux reprises par des majorités différentes (en 1992 et réaffirmée en 2003), qui s'imposera à tous.

4. La difficile obtention des laissez-passer consulaires

Le principal obstacle à l'exécution des mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière résulte de la difficulté à obtenir des laissez-passer consulaires. Ainsi, en 2002, année où 10 067 reconduites avaient été effectuées, parallèlement, un nombre supérieur - 11 687 - n'avaient pu l'être, faute pour l'administration d'avoir pu obtenir dans les délais impartis le laissez-passer consulaire nécessaire. En effet, le taux de délivrance de ces derniers par les consulats des pays dont sont originaires les étrangers en situation irrégulière était structurellement inférieur à 30 % (26,88 % en 2002, 28,75 % en 2003). Le législateur a donc pris des mesures pour remédier à ces dysfonctionnements.

· La première cause de refus de délivrance des laissez-passer consulaires repose sur l'absence d'éléments objectifs concernant la nationalité de la personne en situation irrégulière lorsque celle-ci a détruit ses documents d'identité. La seule parade à ce phénomène réside dans le développement de traitements automatisés contenant les données biométriques des personnes susceptibles de s'installer illégalement sur le territoire français. Le législateur a donc autorisé, dans le but affiché de lutter contre l'immigration irrégulière, la constitution de deux traitements automatisés des empreintes digitales et de la photographie des étrangers dans certaines conditions :

-  le premier traitement, celui des demandeurs de visa, fait l'objet d'une expérimentation dont votre rapporteur a déjà longuement rendu compte et a montré l'utilité en matière d'identification des personnes interpellées en situation irrégulière sur le territoire ;

-  le second, prévu à l'article 11 de la loi du 26 novembre 2003 (article 8-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, article L. 611-3 du ceseda) concerne en premier lieu les personnes qui demandent la délivrance d'une carte de séjour. Cette disposition, qui figure dans l'ordonnance de 1945 depuis la loi n° 97-396 du 24 avril 1997, serait très utile pour l'identification des personnes en situation irrégulière puisque, par définition, les personnes qui se voient refuser un titre de séjour deviennent des étrangers en situation irrégulière si elles ne quittent pas le territoire. Par ailleurs, le législateur a étendu ce traitement en 2003 aux personnes qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français ou qui ont fait l'objet d'une mesure de refoulement à la frontière, personnes dont le risque migratoire est alors avéré. En dépit de l'utilité incontestable d'un tel traitement, dont le législateur a montré par deux fois l'intérêt qu'il y attachait, aucune mesure réglementaire d'application n'a encore été prise, près de 9 années après l'adoption de la loi du 24 avril 1997. Il apparaît que l'administration éprouve des difficultés à mettre en œuvre ces dispositions pour des raisons techniques et informatiques, alors que la refonte de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (agdref) est un chantier majeur engagé par le ministère de l'intérieur. Développée entre 1988 et 1990, cette application n'est plus adaptée aux besoins d'une gestion moderne de la politique d'immigration. Sa modernisation en cours (projet « Grégoire ») est une nécessité urgente, qui conditionne l'application effective de l'article 11 de la loi du 26 novembre 2003.

· Compte tenu de la difficulté d'établir la nationalité de certains étrangers en situation irrégulière, de la nécessité de lancer des démarches parfois longues devant des consulats dont la réactivité n'est pas toujours la qualité première, un certain temps est indispensable pour pouvoir obtenir un laissez-passer consulaire. Ce constat a donc été un facteur important de la décision d'allonger la durée de rétention par la loi du 26 novembre 2003. (article 49 de la loi modifiant l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, aujourd'hui articles L. 552-7 et L. 552-8 du ceseda) :

-  tout d'abord, la durée de prolongation de la rétention décidée par le jld, à l'expiration des 48 heures décidées par le préfet, passe de 5 à 15 jours ;

-  ensuite la seconde prolongation passe également de 5 à 15 jours (22) : soit une durée totale maximale passant de 12 à 32 jours ;

-  cette seconde prolongation peut dorénavant également être décidée par le juge, mais seulement alors pour une durée de cinq jours, si l'éloignement n'a pu être exécuté « en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé », ou si cette délivrance est intervenue trop tardivement.

Un peu plus de deux années après le vote de la loi, et alors que la durée moyenne de rétention est passée de 5 à 10 jours, une augmentation sensible du taux de délivrance des laissez-passer consulaires a pu être obtenue, alors que celui-ci était structurellement inférieur à 30 %. Ainsi, ce taux est passé de 28,75 % en 2003, à 35 % en 2004, et 45,73% en 2005.

Certes, l'allongement de la durée de rétention n'est pas la seule raison de cette augmentation, qui s'explique aussi par des démarches effectuées en direction des consulats les plus récalcitrants. Cependant, ces démarches n'avaient de chance d'aboutir que dans la mesure où les ressortissants de ces États étaient maintenus suffisamment longtemps en rétention.

Pour autant, en dépit d'une augmentation spectaculaire depuis 2003, le taux de délivrance de laissez-passer reste trop faible, du fait de la mauvaise volonté ou de l'inefficacité de certains consulats. En effet, alors que certains se montrent très coopératifs, d'autres ne délivrent ces laissez-passer qu'au compte goutte, ce qui signifie qu'une action spécifique en direction de ces derniers peut être efficace. En effet, les différences entre consulats dans la délivrance des laissez-passer consulaires sont considérables, ce qui montre que l'attitude personnelle de chaque consul joue un rôle décisif en la matière : par exemple en 2005 alors que le taux de délivrance s'élève à 65,87 % par les consulats d'Algérie, il ne s'élève qu'à 33,87 % pour la Tunisie. Parfois, les différents consulats d'un même État ont des attitudes très variées : le consulat du Maroc à Marseille délivre ainsi en moyenne deux fois moins de laissez-passer consulaires que la moyenne des consulats marocains en France.

Une action diplomatique ciblée est donc indispensable dans la mesure où une grande partie de ces refus est totalement injustifiée. Afin de rendre cette action plus efficace et plus concrète, les comités interministériels de contrôle de l'immigration du 27 juillet et du 25 août 2005 ont décidé d'inviter douze pays (23) à se montrer plus coopératifs dans la délivrance des laissez-passer consulaires. Si aucune amélioration n'était constatée, il était prévu que des mesures restrictives en matière de visa, notamment pour les titulaires de passeports diplomatiques ou de service, seraient prises. Il faut d'ailleurs préciser que les démarches officielles menées par le ministère des affaires étrangères se sont accompagnées de proposition d'assistance en direction des consulats rencontrant des difficultés. Votre rapporteur souhaiterait souligner l'engagement résolu et déterminé des services du ministère des affaires étrangères qui ont bien compris, mais cela est également vrai en matière de délivrance des visas, qu'ils jouent un rôle important dans la réussite de la politique migratoire de la France.

Les démarches entreprises n'ont globalement pas été vaines car des améliorations ont été constatées pour la majorité des pays concernés : cinq pays ont fait preuve d'une réelle réactivité et délivrent désormais plus facilement ces laissez-passer consulaires (Biélorussie, Cameroun, Guinée, Pakistan, Serbie-Monténégro), ils approchent ou dépassent un taux de délivrance des LPC de 50%, qui peut être jugé comme correct. En revanche, pour l'Egypte et la Tunisie, une détérioration peut être constatée entre les 3ème et 4ème trimestres 2005. Pour autant, aucune mesure à l'égard de ces deux pays n'a encore été prise.

DÉLIVRANCE DE LAISSEZ-PASSER CONSULAIRES

BILAN 2005 PAR NATIONALITÉ (24)

Consulats

Nombre d'étrangers en possession d'un document d'identité pour lesquels un laissez-passer a été demandé

Nombre d'étrangers sans aucun document d'identité pour lesquels un laissez-passer a été demandé

Nombre d'étrangers pour lesquels un laissez-passer a été délivré dans les délais utiles

Nombre d'étrangers pour lesquels un laissez-passer a été délivré hors délais

Nombre de demandes de laissez-passer ayant fait l'objet d'un refus

Nombre de demandes laissées sans réponse

% d'étrangers ayant obtenu un laissez-passer dans les délais utiles par rapport à l'ensemble des demandes effectuées

% d'étrangers ayant obtenu un laissez-passer dans les délais utiles et hors délai par rapport à l'ensemble des demandes

Nombre de demandes

Nombre de réponses

Écart

TURQUIE

332

342

526

9

19

142

78.04%

79.38%

674

696

-22

ALGÉRIE

723

1763

1636

25

604

348

65.81%

66.81%

2486

2613

- 127

ALBANIE

24

127

95

5

21

24

62.91%

66.23%

151

145

- -

6

SRI LANKA

41

85

75

1

13

46

59.52%

60.32%

126

135

- 9

SÉNÉGAL

75

152

125

2

65

47

55.07%

55.95%

227

239

- 12

NIGERIA

49

163

105

6

40

77

49.53%

52.36%

212

228

- 16

MOLDAVIE

78

269

164

2

116

70

47.26%

47.84%

347

352

- 5

MALI

265

487

314

13

296

207

41.76%

43.48%

752

830

- 78

AFGHANISTAN

6

166

73

1

75

14

42.44%

43.02%

172

163

9

CHINE

256

460

277

21

175

263

38.69%

41.62%

716

736

- 20

MAROC

254

1481

657

21

696

326

37.87%

39.08%

1735

1700

35

UKRAINE

29

116

49

7

27

57

33.79%

38.62%

145

140

5

TUNISIE

193

861

357

46

292

366

33.87%

38.24%

1054

1061

- 7

INDE

52

234

102

6

16

175

35.66%

37.76%

286

299

- 13

PAKISTAN

36

216

92

1

94

63

36.51%

36.90%

252

250

2

CONGO, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU

131

239

132

3

148

89

35.68%

36.49%

370

372

- 2

CAMEROUN

81

168

79

3

107

66

31.73%

32.93%

249

255

- 6

GUINÉE

38

109

39

3

52

55

26.53%

28.57%

147

149

- 2

CONGO, RÉPUBLIQUE DU

34

72

27

3

50

34

25.47%

28.30%

106

114

- -

- 8

SERBIE-MONTENEGRO

68

118

43

6

61

75

23.12%

26.34%

186

185

1

CÔTE D'IVOIRE

63

127

47

0

55

91

24.74%

24.74%

190

193

- 3

EGYPTE

32

278

68

2

132

140

21.94%

22.58%

310

342

- 32

ANGOLA

40

74

19

2

51

45

16.67%

18.42%

114

117

- 3

FÉDÉRATION DE RUSSIE

38

148

32

2

87

65

17.20%

18.28%

186

186

0

GABON

9

85

14

0

58

22

14.89%

14.89%

94

94

0

GÉORGIE

65

164

29

2

26

166

12.66%

13.54%

229

223

6

MAURITANIE

50

83

17

1

49

56

12.78%

13.53%

133

123

10

IRAN

4

105

3

1

76

14

2.75%

3.67%

109

94

15

TOTAL

3670

10458

6461

223

4058

3682

45.73%

47.31%

14128

14424

- 296

Source : Ministère de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire

Afin de faciliter ces démarches, il est également souhaitable de multiplier les accords de réadmission entre l'Union européenne et les pays tiers : ce type d'accord permet de faciliter les mesures d'éloignement des ressortissants de ces pays. Chaque pays signataire réadmet sur son territoire sans formalité toute personne possédant sa nationalité en situation illégale dans l'autre pays ou qui a franchi ses frontières illégalement. A ce jour, cinq accords de réadmission ont été conclus par la Communauté européenne, avec Macao, Hong Kong, le Sri Lanka, l'Albanie et la Russie, sur les onze mandats de négociation qui ont été confiés à la Commission. Les discussions s'engagent ou se poursuivent avec le Maroc, la Turquie, le Pakistan, l'Ukraine, la Chine et l'Algérie.

5. L'organisation de l'éloignement

Un autre avantage reconnu de l'allongement de la durée de rétention est qu'il a permis de mieux organiser les reconduites. En effet, lorsque le délai de droit commun était de sept jours, et la durée maximale de 12 jours, il pouvait être matériellement impossible de trouver une place disponible pour des destinations aériennes connaissant des fréquences très irrégulières.

Par ailleurs, certains étrangers en situation irrégulière peuvent être issus de pays avec lesquels il n'existe pas de liaisons aériennes régulières, comme l'Afghanistan. Dans ce cas, la seule solution envisageable est d'organiser des vols spécialement affrétés, si possible en coordination avec d'autres pays européens, et tout spécialement avec les pays du G5 (Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni). Or, pour l'organisation pratique de tels vols, il est indispensable de disposer d'un minimum de temps, ce qui est désormais possible avec l'allongement de la durée de rétention, d'autant que la deuxième prolongation peut intervenir en raison de « l'absence de moyens de transport ».

En conséquence, le nombre de « vols groupés » a fortement augmenté depuis l'entrée en vigueur de la loi : 3 seulement avaient été organisés en 2002, 5 en 2003 et 2004, et 17 en 2005 (déjà 2 pour le mois de janvier 2006), généralement co-organisés avec un ou plusieurs pays du G5. L'organisation de vols groupés européens, organisés conjointement par plusieurs États membres à destination de pays tiers, a été décidée sur l'initiative de la France lors du G5 qui s'est tenue à Evian les 4 et 5 juillet 2005. Des vols groupés ont ainsi par exemple été organisés avec le Royaume-Uni à destination de l'Afghanistan en juillet 2005, et avec l'Espagne et l'Italie à destination de la Roumanie en septembre 2005.

Ce type d'initiative est important pour montrer aux candidats à l'émigration dans certains pays la détermination de la France à maîtriser ses flux migratoires.

PROPOSITION DE DIRECTIVE RELATIVE AUX NORMES ET PROCÉDURES COMMUNES EN MATIÈRE DE RETOUR

La Commission européenne a déposé, le 1er septembre 2005, une proposition de directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (25). Cette proposition vise à harmoniser le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, l'interdiction de réadmission de ces étrangers et les recours juridictionnels qu'ils seraient susceptibles d'engager. Sa principale innovation consiste en l'instauration d'une interdiction de réadmission empêchant toute entrée sur l'ensemble du territoire de l'Union d'un étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement dans un des États membres.

Cette proposition soulève, en l'état, de nombreuses difficultés, liées notamment à la priorité accordée au retour volontaire et à l'absence de prise en compte de l'organisation des compétences entre autorités judiciaires et administratives en France. Cette proposition devrait être examinée prochainement par la Délégation pour l'Union européenne.

Source : Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

II. -  UNE LUTTE PLUS DÉTERMINÉE CONTRE LES DÉTOURNEMENTS DE PROCÉDURES ET LES FILIÈRES

A. DES SUCCÈS ENCOURAGEANTS DANS LA LUTTE CONTRE LES FILIÈRES DE « PASSEURS »

Les articles 28 à 31 de la loi du 26 novembre 2003 ont modifié les dispositions pénales présentes dans l'ordonnance du 2 novembre 1945, aujourd'hui inscrites aux articles L. 622-5 à L. 622-9 et L. 623-1 à L. 623-3 du ceseda. Ces dispositions avaient pour objet d'alourdir la répression pénale contre les filières de criminalité organisée qui exploitent le désir d'émigrer de personnes souhaitant s'installer sur le territoire français, phénomène qui constitue un véritable trafic d'êtres humains. Ces mesures ont notamment pour but de :

-  permettre l'application de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000 ;

-  étendre l'application du délit d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers, en prévoyant de nouveaux cas de circonstances aggravantes, s'ajoutant à celui de la « bande organisée », et tout particulièrement lorsque les réseaux de passeurs utilisent une habilitation ou un titre de circulation en zone réservée d'un aéroport, ou lorsque ces réseaux concernent des mineurs ;

-  créer un délit spécifique de mariage simulé.

De l'avis des praticiens rencontrés par votre rapporteur, l'intervention de la loi du 26 novembre 2003, couplée avec la loi du 9 mars 2004 adaptant la justice aux évolutions de la criminalité, a entraîné un bouleversement dans la répression pénale des filières d'immigration clandestine. Ainsi, la création de nouvelles circonstances aggravantes a réellement permis de démanteler plus facilement des filières, concernant par exemple des mineurs et, surtout, de permettre une répression significative de ce type de comportements. En effet, les premiers jugements intervenus en application des nouvelles dispositions législatives ont abouti à des condamnations à de la prison ferme pour plusieurs années, alors que les sanctions prononcées jusque là était beaucoup plus légères. À tel point qu'il n'était pas rare que les services compétents, notamment ceux de l'ocriest (26), interviennent de façon récurrente contre une même personne, celle-ci n'étant condamnée à chaque fois qu'à de très courtes peines, et reprenant ses activités délictueuses ensuite : ce phénomène est aujourd'hui révolu grâce à l'alourdissement des peines. De même, en matière de « mariages blancs », les nouvelles incriminations ont permis d'intensifier l'activité judiciaire contre ce type de réseaux, de nombreuses enquêtes sur de tels faits étant en cours sur l'ensemble du territoire français, certaines ayant d'ailleurs d'ores et déjà donné lieu à des condamnations à de la prison ferme.

Ainsi, le nombre « d'aidants à l'immigration » interpellés par les services de police a augmenté sensiblement depuis l'entrée en vigueur de la loi : + 36,86 % en 2004 (1 892 personnes concernées), + 33,22 % en 2005 (2 619 personnes concernées).

Pour autant, l'amélioration de la répression pénale contre les filières d'immigration clandestine ne repose pas uniquement sur le renforcement de l'appareil législatif, mais également sur une meilleure organisation des services répressifs. Tout d'abord, la lutte contre les filières d'immigration clandestine fait partie des cibles des nouvelles juridictions interrégionales spécialisées (jirs) créées par la loi « Perben 2 ». Les services de police ont constaté la plus value importante résultant d'une spécialisation des magistrats dans des domaines aussi complexes et spécialisées, dont le succès opérationnel repose souvent sur une coopération internationale poussée. L'opération « Pachtou », menée en décembre 2005 conjointement en France, Italie, Grande-Bretagne, Turquie et Grèce, a permis le démantèlement d'une filière irako-kurde qui aurait organisé l'acheminement en Europe de près de 5 000 clandestins. Or, ce succès a été rendu possible par un travail de fond mené pendant 14 mois, en coopération avec nos partenaires européens, par des magistrats de la jirs de Paris.

Par ailleurs, la mobilisation croissante des services de police dans la lutte contre les filières s'est traduite par une réorientation de l'activité des brigades mobiles de recherche (bmr) de la police aux frontières. En effet, les bmr étaient de facto chargées d'interpeller les étrangers en situation irrégulière afin de favoriser leur éloignement, tâche qui monopolisait la majorité de leur activité, au détriment de la lutte contre les filières. Mais, avec la réorganisation de la police de l'immigration, les bmr retrouvent leur mission initiale car elles ont été largement déchargées de leurs missions liées à la reconduite, maintenant considérées comme relevant des services de police « généralistes ». Au contraire, il est utile de disposer sur tout le territoire d'équipes policières spécialisées dans le démantèlement de filières : d'ores et déjà, les bmr traitent un tiers d'affaires dans lesquelles la circonstance aggravante de « bande organisée » est utilisée, révélant alors l'existence de véritables filières. L'objectif de la paf est que les bmr consacrent très rapidement la moitié de leur activité à ce type d'affaires.

B. DES EFFORTS A CONCRÉTISER EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL CLANDESTIN

· Le titre II de la loi du 26 novembre 2003, modifiant le code du travail, a été introduit par amendements parlementaires lors de la première lecture à l'Assemblée nationale. En effet, le législateur avait estimé que ce texte ayant pour finalité de lutter contre l'immigration irrégulière, il était nécessaire d'agir sur l'un des facteurs de développement de celle-ci, à savoir l'existence d'un marché du travail clandestin employant des étrangers en situation irrégulière.

Pendant de nombreuses années, la lutte contre le travail clandestin n'était pas considérée comme un volet important de la politique de contrôle de l'immigration. Ces dernières années, une prise de conscience a pu être observée, qui s'est traduite par une volonté de pénalisation de ces comportements, volonté qui tarde cependant à entrer dans les faits.

Les dispositions du titre II (articles 56 à 62 de la loi du 26 novembre 2003 modifiant les articles L. 364-3, L. 364-8, L. 364-9, L. 364-10, L. 611-1, L. 611-6 et L. 611-8 du code du travail) renforcent considérablement le cadre répressif de la lutte contre le travail des étrangers sans autorisation de travail. Les peines encourues sont dorénavant parmi les plus sévères d'Europe (cinq ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende), une circonstance aggravante est prévue si le délit est commis en bande organisée (dix ans d'emprisonnement, 100 000 euros d'amende)... Ces dispositions législatives ont été prises dans le contexte d'une volonté marquée de prendre réellement en compte le problème du travail clandestin, comme l'a par exemple montré la réunion en juin 2004, pour la première fois depuis 1998, de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, créée par le décret du 11 mars 1997 en application de la loi du même jour pour renforcer la lutte contre le travail illégal, où toutes les administrations et les partenaires sociaux sont représentés. Par ailleurs, le ministère de la justice a publié le 27 juillet 2005 une circulaire de politique pénale pour la répression des infractions relatives au travail illégal, invitant les procureurs à mener une action publique dynamique en la matière, et donc une application stricte des dispositions législatives. De fait, après une baisse certaine du nombre de personnes interpellées pour travail illégal en 2003 et 2004, les chiffres de 2005 révèlent une forte hausse.

INDICATEURS

2001

2002

2003

2004

Évolution 03/04 en %

1er semestre 2004

1er semestre 2005

Évolution 04/05 en %

Employeurs (travail illégal)

1 274

1 126

1 291

1 142

- 11,54 %

604

794

+ 31,46 %

Salariés (travail illégal)

2 126

1 795

1 827

1 412

- 22,71 %

661

1 497

+ 126,48 %

Source : ministère de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire

Un autre signe de la volonté du gouvernement de renforcer l'efficacité de la lutte contre le travail illégal a été la création de l'Office central de lutte contre le travail illégal (oclti) par un décret du 12 mai 2005, organisme dépendant de la sous direction de la police judiciaire de la Direction générale de la gendarmerie nationale. Cependant, votre rapporteur s'interroge sur la pertinence de la coexistence de ce nouvel office avec l'ocriest qui, depuis sa création en 1996, travaille sur la thématique de l'emploi d'étrangers sans titre. Certes, ces deux offices centraux aux moyens très différents (110 policiers prévus en 2006 à l'ocriest, 5 gendarmes à l'olti) travaillent actuellement en bonne coordination et ne cherchent pas à rentrer dans une concurrence stérile. Mais, cette situation s'explique par la bonne volonté des policiers et des gendarmes, qui réussissent à pallier les inconvénients d'une situation insatisfaisante, notamment vis-à-vis de l'étranger dans un domaine où la coopération internationale est primordiale.

Par ailleurs, les peines effectivement prononcées en matière de travail d'étrangers sans titre sont particulièrement modestes pour plusieurs raisons :

-  le travail clandestin est un domaine fort complexe qui exige, comme la lutte contre les réseaux de passeurs, une bonne spécialisation des policiers et des magistrats. Or si les gir (groupements interrégionaux composés de policiers, de gendarmes, de douaniers et de représentants des services fiscaux) ont commencé à s'intéresser au sujet, les magistrats chargés de se prononcer sur ce genre d'affaires ne sont pas spécialisés : il serait donc utile d'impliquer davantage les JIRS dans ce combat contre l'emploi d'étrangers en situation irrégulière ;

-  par ailleurs, les éventuelles condamnations restent légères car il est quasiment impossible d'identifier le donneur d'ordre, ou du moins d'engager sa responsabilité. Il est vrai que l'article L. 324-9 du code du travail sanctionne le travail totalement ou partiellement dissimulé mais aussi le « recours sciemment ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé », mais sa responsabilité peut être largement exonéré s'il fournit un certain nombre de documents (27) qu'il ne manque jamais de produire, bien que l'existence de ces documents, notamment les attestations sur l'honneur, ne soient pas forcément le signe d'un véritable contrôle du sous-traitant par le donneur d'ordre.

· Toujours pour lutter contre le travail clandestin, à l'initiative de votre rapporteur, l'article 32 de la loi du 26 novembre 2003 (article 21 quinquies de l'ordonnance du 2 novembre 1945 devenu l'article L. 626-1 du ceseda) a institué une procédure de mise à la charge de l'employeur d'un étranger en situation irrégulière d'une contribution forfaitaire représentative des frais de rapatriement de ce dernier. Certes, il est difficile d'estimer ces frais qui englobant de nombreux paramètres (prix du billet d'avion, coût éventuel de l'escorte, coût de la rétention administrative...). De plus les entreprises concernées sont souvent des structures juridiques évanescentes ayant une faible durée de la vie, ce qui peut expliquer par exemple que le taux de recouvrement des amendes perçues par l'anaem à l'encontre d'entreprises condamnées pour travail illégal ne dépasse pas 20 %.

Pour autant, le dispositif imaginé par le législateur a certainement une portée pédagogique, en montrant le coût généralement sous estimé du rapatriement des étrangers en situation irrégulière : le coût global de l'éloignement a pu être chiffré à 204 millions d'euros en 2004. Or cette disposition législative reste virtuelle dans l'attente du décret d'application. Le très long cheminement de ce texte révèle, à tout le moins, un dysfonctionnement :

-  prise à l'initiative du Parlement, la disposition législative est tout d'abord laissée dans l'oubli dans les dix-huit mois qui suivent le vote de la loi ;

-  dès son retour place Beauvau, le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a indiqué, lors de la première réunion du comité interministériel de contrôle de l'immigration (cici) le 10 juin 2005, qu'il convenait de « prendre rapidement le texte mettant à la charge des employeurs des travailleurs immigrés en situation illégale le financement de leur retour dans leurs pays d'origine » ;

-  six semaines plus tard, constatant que les services du ministère chargé des affaires sociales n'avaient pas proposé de projet de décret, le ministre d'État a demandé, lors du cici qu'il a présidé le 27 juillet 2005, que les services du ministère de l'intérieur proposent un texte pour le mois de septembre ;

-  le projet de décret, présenté par le ministère de l'intérieur, a été adopté lors d'une réunion interministérielle à Matignon le 19 octobre 2005 ;

-  le 29 novembre 2005, le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, annonce devant la commission d'enquête du Sénat que le projet de décret est prêt et que la contribution forfaitaire sera de l'ordre de 5 000 à 10 000 euros ;

-  mais le « bleu » de Matignon, officialisant l'accord interministériel, n'a été produit par le secrétariat général du gouvernement qu'à la fin du mois de janvier 2006 et transmis officiellement au ministère de l'intérieur à la mi-février ;

-  de sorte que le projet de décret est actuellement soumis à l'examen du Conseil d'État.

Votre rapporteur se félicite, néanmoins, que des efforts opérationnels récents aient été mis en œuvre avec détermination pour lutter contre le travail illégal. À la demande du cici du 27 juillet 2005, 601 « opérations coups de poing » inter-services ont été organisées entre septembre et décembre 2005, dans 97 départements. Ces opérations de lutte contre l'emploi des étrangers sans titre de travail ont permis de contrôler 15 390 personnes. 267 procédures pour emploi d'étrangers sans titre ont été engagées, conduisant à 925 gardes à vue. 611 employeurs ont été interpellés (dont 284 Français et 327 étrangers). 786 étrangers sans titre de travail, dont 609 étrangers sans titre de séjour, ont été contrôlés. Fort de ce succès, le cici a adopté le 9 février 2006 une circulaire sur la mise en œuvre de nouvelles opérations conjointes de lutte contre l'emploi sans titre de travail. Il reste néanmoins qu'il est important pour renforcer ce travail que la publication du décret intervienne désormais très rapidement.

C. UNE RÉFORME INSUFFISANTE EN MATIÈRE DE MARIAGE

Présentant les dispositions du projet de loi, votre rapporteur indiquait en 2003 que « afin de retrouver un équilibre nécessaire entre liberté du mariage et lutte contre les mariages de complaisance, le présent projet de loi propose d'agir dans trois directions » (28) qui étaient la pénalisation des mariages de complaisance, une attractivité moindre pour ce type d'union par l'allongement des durées de communauté de vie pour l'accès à la carte de résident- et à la nationalité, et enfin par un contrôle renforcé des mariages mixtes.

· Un peu plus de deux ans après le vote de la loi, il faut constater que celle-ci a été sans effet sur la progression apparemment irrésistible des mariages mixtes, quel que soit l'indicateur retenu :

-  les mariages célébrés à l'étranger sont passés de 22 000 en 1997 à 44 400 en 2004 ;

-  les mariages mixtes (entre un ressortissant français et un ressortissant étranger, qu'il soit célébré en France ou à l'étranger) ont représenté 95 000 unions (en hausse de 62 % par rapport à 1999) sur 320 000 mariages concernant au moins un français, soit un taux de mariages mixtes de 30 % ;

-  le mariage est devenu un moyen privilégié d'acquisition de la nationalité française : 34 440 l'ont acquis par mariage en 2004 (sur un total de 75 000 acquisitions au total) contre 30 922 en 2003 ;

-  le mariage est enfin devenu le principal motif d'immigration familiale régulière, alors que le regroupement familial stagne : en 2004, 49 888 titres de séjour ont été accordés à des conjoints de français.

L'ensemble de ces éléments indique donc une tendance à l'augmentation des mariages mixtes qu'il ne faut pas confondre avec un essor des mariages de complaisance. En effet, le développement des mariages mixtes est tout d'abord un phénomène de fond, lié à la mondialisation, aux progrès des transports et des communications et aux évolutions de la société en général. Par ailleurs, il est une conséquence directe de la présence en France d'importantes communautés d'origine étrangère dont beaucoup des membres, bien que de nationalité française, préfèrent néanmoins se marier avec une personne venant de leur pays d'origine. D'ailleurs, même s'il ne s'agit pas de mariages blancs, ce phénomène peut néanmoins se traduire par des mariages « arrangés » entre familles installées en France et dans le pays d'origine : ce type de pratique est particulièrement répréhensible quand il se manifeste par des pressions sur le consentement réel de la personne qui se marie, surtout si celle-ci est mineure. Pour autant, il faut garder à l'esprit que les mariages purement frauduleux, qui existent de même que les filières qui les organisent, sont minoritaires et n'expliquent pas à eux seuls l'augmentation importante des mariages mixtes.

Par ailleurs, le Parlement examine actuellement une proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. Or, celle-ci comporte des dispositions importantes visant à lutter contre les mariages forcés qui concernent bien souvent des jeunes filles issues de l'immigration : ainsi, d'une part un amendement adopté par le Sénat en première lecture a fait passer l'âge nubile des femmes de 15 à 18 ans ; d'autre part, à l'initiative de la Mission d'information sur la famille et les droits des enfants, l'Assemblée nationale a adopté un dispositif complet de lutte contre les mariages forcés, visant à renforcer les moyens d'empêcher la célébration de ces mariages ou d'en obtenir l'annulation.

· Le garde des Sceaux a présenté le 1er février dernier un projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, qui modifie certaines dispositions issues de la loi du 26 novembre 2003. En effet, il semble que celles-ci n'ont pas été suffisamment efficaces, et qu'il sera nécessaire d'encadrer encore davantage les mariages entre ressortissants français et étranger.

L'article 65 de la loi du 26 novembre 2003 a tout d'abord réécrit l'article 21-2 du code civil concernant l'acquisition de la nationalité par mariage en allongeant de un à deux ans la durée de vie commune nécessaire (29) (et à trois ans lorsque le couple vit à l'étranger) et en imposant une condition de connaissance de la langue française. De la même façon, l'article 22 a modifié l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (article L. 314-11 du ceseda) afin de porter de un à deux ans la durée nécessaire à un conjoint de français pour pouvoir bénéficier d'une carte de résident de dix ans. Les dispositions prises en 2003 avaient pour objet de rendre moins attractif les mariages de complaisance en réservant les avantages liés au mariage avec un français aux unions consenties dans un véritable but matrimonial. Votre rapporteur a cependant eu connaissance de cas de vie commune brutalement interrompues immédiatement après obtention de la carte de résident : il semble donc que la durée de deux ans de vie commune ne soit pas suffisamment dissuasive pour la conclusion d'un mariage de complaisance. L'immense majorité de nos partenaires, à l'exception de l'Espagne et de l'Italie, exige d'ailleurs une durée plus longue (30) et une véritable procédure de naturalisation, c'est-à-dire que l'acquisition de nationalité par mariage n'y est pas un droit automatique, et généralement soumise à de multiples conditions.

Par ailleurs, l'augmentation du délai de mariage nécessaire à l'acquisition de la nationalité est cohérente avec la nouvelle politique d'immigration qui vise à privilégier une immigration fondée sur une véritable intégration. En effet, dans la mesure où le mariage avec un conjoint français est devenu le principal motif d'immigration légale, il était indispensable de soumettre ces personnes au parcours d'intégration.

Par ailleurs, l'article 74 de la loi a modifié l'article 63 du code civil afin de modifier le régime de vérification préalable des conditions de validité des mariages. A ainsi été notamment instituée une procédure d'entretien préalable des futurs époux afin de permettre à l'officier d'état-civil de détecter d'éventuels mariages forcés ou de complaisance, et de saisir le Parquet en conséquence. Les maires utilisent cette disposition et détectent très souvent des situations suspectes (5 272 saisines du Parquet en 2004).

Pour les mariages célébrés à l'étranger, la difficulté réside dans le fait que seule une minorité de ceux-ci sont célébrés dans les consulats de France (345 en 2004), la grande majorité l'étant par les autorités locales. Pour ces derniers, c'est seulement au moment de la transcription qu'il est possible de s'assurer du respect des règles du code civil, notamment en ce qui concerne le libre consentement du mariage. Ainsi l'article 170 du code civil a été modifié, par l'article 75 de la loi du 26 novembre 2003, afin de renforcer le contrôle en matière de transcription (obligation d'entretien). La conséquence de cette disposition a été une augmentation sensible du nombre de saisines du Parquet de Nantes, compétent en la matière, par les agents diplomatiques et consulaires, passé de 1 300 en moyenne annuelle avant le vote de la loi à 2 000 aujourd'hui. Cette augmentation a même entraîné une surcharge du Parquet de Nantes qui l'a conduit, dans certains cas, à ne pas pouvoir se prononcer sur une transcription d'acte dans le légal de six mois, conduisant à une acceptation tacite de cette transcription. Si cette situation est aujourd'hui résolue, elle a néanmoins fait apparaître un dysfonctionnement du dispositif. Pour y remédier, le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages la modifie substantiellement en inversant le mécanisme : ce sont désormais les futurs époux qui devront saisir le tribunal de grande instance si le ministère public ne s'est pas prononcé sur la transcription de l'acte dans le délai de six mois.

D. LES AUTRES DISPOSITIONS POUR LUTTER CONTRE LES FRAUDES (PATERNITÉS, ÉTAT-CIVIL)

D'autres dispositions de la loi du 26 novembre 2003 avaient pour but de contrer les diverses fraudes permettant à des étrangers en situation irrégulière d'obtenir un visa, un titre de séjour, voire d'accéder à la nationalité française.

· L'article 73 de la loi a modifié en profondeur l'article 47 du code civil qui disposait, depuis la loi du 10 mars 1938, que tout acte d'état-civil fait en pays étranger foi s'il a été rédigé dans les formes usitées dans ce pays. Pourtant, dans certains pays, il est permis d'avoir plus que des doutes sur la qualité de la tenue des registres d'état-civil. Par ailleurs, utilisant cette règle, de nombreux demandeurs de visa falsifient des documents afin de crédibiliser leurs demandes.

Ces falsifications sont manifestement loin d'être des pratiques anecdotiques, mais sont au contraire très fréquentes. Au consulat de France à Moscou, qui pourtant ne subit pas une pression migratoire forte, en 2004, les agents du sctip (service de coopération technique internationale de police) ont détecté 190 cas de falsification avérée.

Plus récemment, une expérience intéressante a été menée par un agent d'une chancellerie détachée de Madagascar qui est allé vérifier en personne l'authenticité d'un certain nombre d'actes d'état-civil dont la validité était contestée par un tribunal français. Or, sur 76 actes contestés par le tribunal de Mamoudzou (Mayotte), seuls 29 ont été déclarés conformes, 26 sont des faux incontestables, 11 sont irréguliers (manque d'une signature), et 10 n'ont pu être retrouvés.

C'était déjà pour remédier à cette situation que le législateur, suite au vote d'un amendement de votre rapporteur, avait profondément modifié en 2003 le principe de l'authenticité présumée des actes d'état-civil étrangers en établissant une procédure de contrôle des documents suspects. Le mécanisme imaginé, précisé par le décret n° 2005-170 du 23 février 2005, reposait sur une saisine du Parquet de Nantes en cas de doute sur l'authenticité de l'acte présenté à l'officier d'état-civil.

Pour diverses raisons, cette procédure n'a pas fonctionné, si l'on n'en juge par le très faible nombre de saisines effectuées (19 en 2004, 10 en 2005), dont aucune n'a d'ailleurs pu aboutir. Il semble certes que le mécanisme déresponsabilisait trop les officiers d'état-civil qui n'étaient pas incités, même si le texte législatif ne l'interdisait pas, à prendre eux-mêmes la responsabilité de se prononcer sur le caractère frauduleux des actes qui leur sont présentés. Cependant, votre rapporteur estime également que les servies du ministère de la justice ont fait preuve de peu d'empressement à mettre en œuvre cette disposition, dont ils ne voulaient pas au moment du vote de la loi, par exemple en ne rédigeant pas de circulaire d'application, en dépit du caractère très novateur de cette procédure.

Prenant acte de l'échec de la nouvelle rédaction de l'article 47 du code civil, mais aussi du caractère impérieux de l'objectif qu'il poursuit, le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages propose de modifier la procédure et de supprimer le mécanisme de sursis administratif et de vérification judiciaire. Autrement dit, il appartiendra en priorité aux fonctionnaires qui se voient présenter des documents qui leur semblent suspect de se prononcer sur la validité de ceux-ci et d'effectuer eux-mêmes les vérifications nécessaires.

· En outre, l'article 23 de la loi du 26 novembre 2003 a instauré une première étape dans la lutte contre les paternités de complaisance en empêchant l'accession d'un étranger au statut de résident du seul fait de la reconnaissance d'un enfant dont il ne s'occupe pas. Si cet article a ainsi donné un outil pour lutter contre les paternités de complaisance, il n'a pas permis, et tel n'était d'ailleurs pas sa vocation, de lutter contre les fausses reconnaissances de paternité. Confrontés également à ce problème, certains pays européens, comme la Belgique par exemple, ont recours à des tests adn. Il pourrait être envisagé que le droit français le permette également, même s'il est vrai que la filiation ne repose pas uniquement sur les liens du sang. Pour autant, l'utilisation de ces tests pourrait être considéré comme un élément à prendre en compte, même s'il ne pourrait bien sûr, à lui seul, motiver une décision.

III. -  LA RÉFORME DU DROIT AU SÉJOUR : MIEUX PRENDRE EN COMPTE ENCORE L'EXIGENCE D'INTÉGRATION

A. UN SUCCÈS : LA RÉFORME DE LA DOUBLE PEINE

À l'initiative de Nicolas Sarkozy, la loi du 26 novembre 2003 a transformé le dispositif injuste dit de la « double peine ». Son article 38 a en effet profondément modifié l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (art. L. 511-4, L. 521-3, L. 521-4 et L. 522-1 du ceseda) afin d'instituer une protection contre l'éloignement de certaines catégories d'étrangers justifiant de liens très privilégiés avec la France. Les articles 86 et 87 de la loi du 26 novembre 2003 complètent ce dispositif en prévoyant un régime transitoire pour les étrangers frappés auparavant d'une mesure d'une mesure d'éloignement, mais se trouvant dans le cadre de la réforme.

Il ressort des auditions menées par votre rapporteur que la réforme de la double peine est une réalité. Les mesures de régularisation nécessaires ont été prises par les préfectures, sans qu'il soit besoin de saisir le juge pour se faire reconnaître un droit au séjour sur cette base. En dehors de la Ligue des droits de l'homme, qui considère que les conditions d'application de la réforme sont trop restrictives, les associations de défense des étrangers entendues, qui ne ménagent pourtant pas leurs critiques sur la loi du 26 novembre 2003, ont dû admettre que le mécanisme fonctionnait convenablement.

Cette bonne application sur l'ensemble du territoire, tant en ce qui concerne les mesures judiciaires d'interdiction du territoire français (itf) que les arrêtés ministériels d'expulsion s'explique probablement par la célérité avec lesquels les ministères concernés ont publié des circulaires d'application des nouvelles dispositions législatives : celle du garde des Sceaux a été prise le 9 janvier 2004, celle du ministre de l'intérieur le 20 janvier 2004, soit moins de 2 mois après la promulgation de la loi.

Par exemple, entre la date d'entrée en vigueur de la loi et la date butoir du 31 décembre 2004, près de 1 200 demandes ont été formulées sur la base du II de l'article 86 (personnes ayant fait l'objet d'un arrêté ministériel ou préfectoral d'expulsion). Certes, le législateur avait prévu des exceptions à l'application de la suppression de la double peine en excluant les étrangers ayant commis des faits susceptibles des les écarter du bénéfice d'une protection absolue. Une première catégorie d'exceptions concerne les comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liées à ces activités terroristes ou constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence : aucune application de ces exceptions n'a été constatée. Par ailleurs, le bénéfice de la protection absolue peut également être refusé dans le cadre de violences familiales : il n'existe pas de statistiques sur ce point, même s'il semble que les services vérifient effectivement le respect de cette condition.

Au total, le nombre de personnes ayant bénéficié des dispositions transitoires est de l'ordre de 880.

En outre, l'article 35 de la loi du 26 novembre 2003 (article L. 524-2 du ceseda) a prévu une procédure de réexamen systématique des arrêtés d'expulsion tous les cinq ans. Il semble que cette procédure soit très peu connue, car les services préfectoraux ont reçu très peu de requêtes sur le fondement de cet article, ce qui n'empêche pas les services de réexaminer les motifs des arrêtés d'expulsion anciens.

B. LA NOUVELLE ARCHITECTURE DES TITRES DE SÉJOUR : UNE PRISE EN COMPTE DE L'INTÉGRATION À AMÉLIORER

Les premiers titres de séjour afférents aux années 1997 À 2005, hors nationalités non soumises à titre de séjour -
France métropolitaine

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

1° motifs familiaux

37 636

43 578

50 950

55 152

59 892

64 704

80 743

82 743

81 285

1 - famille de Français

14 303

20 815

25 337

30 339

35 585

38 568

50 638

50 270

47 806

2 - membres de famille

23 324

19 925

19 644

18 551

19 022

20 216

20 332

20 575

20 365

3 - liens personnels et familiaux

9

2 838

5 969

6 262

5 285

5 920

9 773

12 084

13 114

2° motifs professionnels

33 521

48 202

15 940

13 841

17 411

21 065

12 578

11 094

11 437

1 - actif non salarié

1 669

1 662

922

1 214

844

1 009

348

327

536

2 - scientifique

315

936

1 050

1 268

1 128

1 152

1 047

1 054

3 - artiste

36

219

221

208

235

373

278

295

4 - salarié

29 137

42 972

10 402

7 796

10 512

14 023

6 169

5 212

5 598

5 - saisonniers ou temporaires

2 715

3 217

3 461

3 560

4 579

4 670

4 536

4 230

3 954

3° autres motifs

47 593

51 227

57 497

63 391

68 275

73 209

72 038

73 547

71 512

1 - visiteur

12 542

10 728

9 897

7 785

8 101

7 200

6 174

5 790

5 478

2 - étudiant & stagiaire

24 596

27 672

32 006

39 942

43 859

48 680

45 510

43 019

40 083

3 - étrangers entrés mineurs

1 468

2 334

3 076

2 790

2 231

1 965

1 661

2 179

2 313

4 - admission après 10 ans de séjour

132

737

2 595

2 994

2 653

2 569

3 658

2 883

2 486

5 - rente accident du travail

75

86

66

68

71

190

120

66

36

6 - ancien combattant

260

198

511

487

465

392

474

523

363

7 - réfugié & apatride

3 954

4 167

4 496

4 672

6 119

7 354

8 174

10 088

11 531

8 - étranger malade

2

454

1 413

1 698

2 890

3 368

4 539

6 232

6 307

9 - retraité ou pensionné

2

105

348

349

474

1 248

2 105

2 180

10 - asile territorial / protection subsidiaire

95

292

353

279

207

144

188

272

11 - motifs divers

4 564

4 654

3 040

2 254

1 258

810

336

474

463

Total

118 750

143 007

124 387

132 384

145 578

158 978

165 359

167 570

164 234

Sources : ministère de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire, DLPAJ

La volonté de renforcer les outils de lutte contre l'immigration clandestine dans la loi du 26 novembre 2003 était considérée comme le pendant naturel de la mise en œuvre d'une politique volontariste d'immigration, également éloignée des deux chimères de « l'immigration zéro » et de l'ouverture totale des frontières. Ainsi, pour la première fois, cette loi comportait des dispositions qui permettaient de mettre fin au caractère uniquement subi de l'immigration régulière. Pour cela, il a été mis fin au caractère souvent automatique de la délivrance des cartes de résident. Cependant, si l'évolution était importante au niveau de principes, elle n'a pas entraîné de révolution dans les faits, justifiant ainsi le dépôt d'un nouveau projet de loi sur ce thème.

1. La condition d'intégration républicaine

Au centre du nouveau projet d'intégration voulue par la loi du 26 novembre 2003 se trouvait la modification des conditions d'obtention de la carte de résident, afin de lier celle-ci à une véritable volonté d'intégration de l'étranger.

L'article 21 de la loi a ainsi modifié l'article 14 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (art. L. 314-3, et L. 314-8 à L. 314-10 du ceseda) afin de conditionner la délivrance d'une carte de résident à une durée de résidence de cinq ans au lieu de trois (31) et, surtout, d'inclure une condition d'intégration républicaine de l'étranger dans la société française.

La première condition est objective et elle est donc appliquée sans difficulté. Certaines associations s'étaient émues auprès de votre rapporteur que cette disposition n'entraîne une précarisation de la situation des personnes concernées, celles-ci étant plus longtemps munies d'une simple carte de séjour renouvelable chaque année. Or, compte tenu des délais inhérents à l'instruction de la demande de renouvellement de la carte de séjour, il arrive que ces personnes doivent se contenter de disposer d'un récépissé de demande comme titre de séjour. Cependant, si l'article 9 de la loi du 26 novembre 2003 (article 6-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, article L. 311-4 du ceseda) prévoit que « sauf dans les cas expressément prévus par la loi ou les règlements, ces documents n'autorisent pas leurs titulaires à exercer une activité professionnelle », le décret n° 2005-1051 du 23 août 2005 précise justement que « le récépissé de demande de renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle salariée autorise son titulaire à travailler ». Ainsi, l'obligation de demander le renouvellement annuellement de sa carte de séjour dans l'attente de la délivrance de la carte de résident est sans incidence sur son droit à exercer une activité.

Plus novatrice était la création d'une condition d'intégration républicaine de l'étranger à la société française. En effet, sa mise en œuvre avait pour objet de mettre fin au caractère automatique et inconditionnelle de l'immigration régulière. S'il est parfaitement légitime que certaines personnes étrangères disposent d'un droit au séjour, ce droit ne saurait déposséder notre pays de toute maîtrise de sa politique migratoire. Or, chacun sait que la réussite de celle-ci, et son acceptabilité par la population, dépend de la capacité d'intégration des nouveaux arrivants. C'est pourquoi il est légitime de conditionner l'installation à long terme de ceux-ci à leur bonne intégration dans la société française.

L'article 8 de la loi du 26 novembre 2003 (article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, article L. 314-2 du ceseda) définit certes assez précisément les critères de l'intégration républicaine, « appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française ». Cependant, ni la loi, ni aucun décret d'attention n'indiquent comment doit être appréciée concrètement cette condition d'intégration. Les préfectures se fonderaient sur un faisceau d'indices, dont la signature, qui n'est pas obligatoire, d'un contrat d'accueil et d'intégration. Pour autant, le respect des obligations du contrat d'accueil et d'intégration ne faisant l'objet d'aucun contrôle, la signature d'un tel contrat indique tout au plus la volonté de l'étranger de s'intégrer, mais pas la réussite de cette intégration.

Ainsi, il appartiendra au Parlement de prévoir un dispositif permettant de mieux s'assurer du respect de la condition d'intégration, ce qui devrait passer par l'obligation de signer un CAI, par un renforcement du contenu de celui-ci, et par un contrôle effectif du respect de ses stipulations.

En effet, expérimenté dès 2003 et défini par la loi n°2005-32 du 18 janvier 2005de programmation pour la cohésion sociale, ce contrat est conclu entre le nouvel arrivant et l'État : il se compose tout d'abord d'une formation civique qui permet d'exposer à l'étranger les grands principes de la République française, d'une formation facultative « vivre en France » orientée autour de la vie quotidienne (logement, éducation, formalités administratives...), et enfin d'un bilan linguistique, débouchant si nécessaire sur une formation en français (entre 200 et 500 heures de cours).

Pour ce qu'il a pu en voir, sur la plateforme d'intégration de Marseille, le cai offre une réelle plus value à l'étranger qui désire s'intégrer. Cependant, encore faut-il d'abord que ce dernier signe le cai, puisque ce dernier n'est pas obligatoire et, surtout, qu'il en suive les formations. Actuellement, il n'existe ni suivi du respect effectif des stipulations du contrat, ni sanctions en cas de leur non respect, ce qui est d'ailleurs assez logique dans la mesure où le cai n'est pas obligatoire. Ainsi, si le taux de signature du cai par les primo arrivants à qui il est proposé est élevé, de l'ordre de 90 %, seuls un peu plus de la moitié (de l'ordre de 60 %) des signataires se rendent effectivement à la formation civique, qui constitue pourtant le cœur du dispositif. Concernant la formation linguistique, la situation est encore plus préoccupante puisque moins de la moitié des personnes (environ 40 %) se faisant prescrire une telle formation les suivent dans la durée.

Ainsi, si le cai constitue un ensemble de prestations intéressantes, les nouveaux arrivants l'utilisent en « consommateurs » plus que dans une logique contractuelle. En effet, l'absence de suivi et de sanctions est probablement un handicap important pour la réussite du dispositif.

2. La dispense de titre de séjour pour les ressortissants de l'Union européenne

Dans un but de simplification, l'article 14 de la loi du 26 novembre 2003 (article 9-1 de l'ordonnance du 9 novembre 1945, article L. 121-1 du cesda) a dispensé les ressortissants de l'Union européenne de l'obligation de disposer d'un titre de séjour (32). Compte tenu de la libre circulation des personnes et des travailleurs au sein de l'Union européenne, il s'agit d'une mesure de bon sens qui permet d'alléger les formalités et permet une pleine application du droit communautaire, tout en soulageant les services des étrangers des préfectures d'un travail devenu inutile en matière de contrôle des étrangers.

Pour autant, certains ressortissants communautaires peuvent avoir besoin de continuer à disposer d'un titre de séjour pour des raisons pratiques (pour obtenir un visa pour se rendre dans un pays situé en dehors de l'Union européenne, pour participer à une consultation électorale ou pour permettre à un conjoint lui-même non ressortissant d'un État de l'Union européenne de disposer d'un titre de séjour). C'est pourquoi, la loi avait prévu qu'ils pourraient continuer à demander la délivrance d'un titre de séjour s'ils en font la demande. Cependant, certaines préfectures ont refusé de le faire, la loi ayant renvoyé à un décret d'application les conditions de délivrance de ces titres de séjour : ce décret n° 2005-1332 ayant été enfin publié le 24 octobre 2005, cette difficulté ne devrait plus se poser. Il est à noter que le décret prévoit, qu'à partir du premier renouvellement, ce titre de séjour aura une validité permanente. A l'inverse, votre rapporteur a été informé du fait que certains centres de sécurité sociale refusaient d'immatriculer des ressortissants communautaires sous le prétexte qu'ils ne disposaient pas d'un titre de séjour, manifestement en raison d'une méconnaissance même de l'existence de la loi du 26 novembre 2003.

En ce qui concerne les ressortissants des Etats ayant rejoint l'Union européenne le 1er mai 2004, la France a choisi(33), comme l'ensemble des autres États à l'exception de l'Irlande, du Royaume-Uni ou de la Suède, d'utiliser la période transitoire prévue par le traité sur la non application du principe de libre circulation des travailleurs salariés venant des nouveaux pays. Cette période, d'une durée initiale de deux ans, pourra être prolongée pour trois ans, soit jusqu'en 2009, elle pourra l'être ensuite une dernière fois pour deux ans. Ainsi, les ressortissants des huit pays concernés qui souhaitent exercer une activité salariée doivent obtenir une autorisation et donc continuer à disposer d'un titre de séjour portant la mention « toutes activités professionnelles».

Dans un rapport rendu au nom de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne en juin 2005 (34), votre rapporteur s'interrogeait sur la nécessité d'un assouplissement expérimental et ciblé en matière de libre circulation des travailleurs issus des huit nouveaux États-membres concernés. En effet, outre que la France risque de se trouver isolée sur ce sujet, le maintien de la clause transitoire peut conduire à un développement du travail clandestin de ces ressortissants qui peuvent d'ores et déjà s'installer en France, dès lors qu'ils n'y exercent pas d'activité salariée. De plus, compte tenu du manque de main d'œuvre dans certains secteurs de l'économies française et alors que s'applique la libre prestation de services, les entreprises de ces pays peuvent détacher certains de leurs employés en France, au risque de pratiquer une forme de dumping social, préjudiciable aux intérêts des entreprises françaises. Il serait préférable que nos entreprises puissent directement employer les travailleurs issus de ces huit pays dont elles ont besoin.

Les autres régimes spéciaux en matière de droit au séjour

Une partie importante des dispositions législatives ne s'appliquent pas aux ressortissants de certains pays avec lesquels la France a conclu des conventions internationales en matière de circulation et de séjour sur le territoire français. Dans la mesure où l'article 55 de la Constitution dispose que les traités régulièrement ratifiés ont une autorité supérieure à celles des lois, l'adoption de nouvelles dispositions législatives ne remet pas en cause les stipulations des conventions bilatérales pertinentes.

Pour autant, ces accords internationaux ne concernent jamais les mesures relatives au dispositif d'éloignement des étrangers en situation irrégulière : les très importantes mesures prises dans ce domaine par la loi du 26 novembre 2003 s'appliquent donc aux ressortissants de toutes les nationalités.

Concernant le régime du séjour, c'est-à-dire les mesures relatives par exemple à la délivrance des titres de séjour ou au regroupement familial, on constate une gradation dans l'application des dispositions législatives, bien expliquée par la circulaire du 20 janvier 2004, relative à l'application de la loi :

-  concernant les ressortissants des pays d'Afrique subsaharienne(35), les renégociations des conventions avec ces pays ont conduit à un quasi alignement sur le droit commun en matière d'entrée et de séjour, à l'exception de la délivrance systématique d'une carte de séjour temporaire dans le cadre du regroupement familial et de l'obligation d'un séjour de cinq années pour pouvoir disposer d'une carte de résident (celle-ci peut donc toujours être demandée au bout de trois ans, mais la condition d'intégration s'applique cependant) ;

-  concernant les ressortissants marocains, l'accord du 9 octobre 1987 ne déroge à la législation de droit commun que pour la délivrance des titres de séjour dans le cadre du regroupement familial et aux conditions d'attribution de la carte de résident que pour les détenteurs de titre de séjour « salarié » (la condition d'un séjour de cinq ans au lieu de trois, mais aussi celle de l'intégration dans la société française ne s'appliquent alors pas) ;

-  concernant les ressortissants tunisiens, l'accord du 17 mars 1988 modifié (36) prévoit un régime d'admission au séjour détaillé, tout en renvoyant fréquemment à la législation nationale. Néanmoins, ne s'appliquent pas la délivrance systématique d'une carte de séjour temporaire dans le cadre du regroupement familial, les conditions renforcées pour obtenir une carte de résident dans tous les cas (cinq années de présence régulière et intégration républicaine), la non prise en compte des années passées en France sous couvert d'un faux titre de séjour pour l'obtention d'un titre en raison du séjour habituel depuis dix ans, le délai de deux ans de séjour régulier pour les parents d'enfants français souhaitant obtenir une carte de résident, le passage de un à deux ans du délai de mariage pour obtenir une carte de résident, l'impossibilité d'obtenir une carte de résident au bout de cinq ans pour les personnes qui disposent d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale »...

-  concernant les ressortissants algériens, l'accord du 27 décembre 1968 modifié (37)régit de manière complète les règles relatives à l'admission, au séjour et au travail. Certes, au fil des renégociations successives, les stipulations applicables se rapprochent du droit commun, mais toujours avec un temps de retard, dans la mesure où l'accord ne fait pas expressément référence à la législation nationale applicable. Cela signifie que pour appliquer de nouveaux régimes prévus par la loi, il est toujours nécessaire de négocier un avenant à la convention : ainsi, les stipulations applicables depuis 2003 ne sont pas calquées sur la loi du 26 novembre 2003, mais au contraire sur la loi reseda.

Ainsi, une part importante de l'immigration ne relève qu'en partie des dispositions législatives en matière de séjour pour des raisons historiques dont il est légitime de se demander si elles sont toujours pertinentes. Toujours est-il que l'existence de ces régimes plus favorables oblige les pays concernés qui devraient se montrer irréprochables dans leur coopération avec la France dans la lutte contre l'immigration irrégulière, notamment en ce qui concerne la délivrance des laissez-passer consulaires. Par ailleurs, il est indispensable que l'existence de ces régimes spéciaux ne remette pas en cause le pilotage de la politique d'immigration dorénavant assurée par le ministère de l'intérieur, qui doit donc être étroitement associé au processus de négociation de tels accords ou de leurs avenants.

3. Les dispositions relatives aux titres de séjour « vie privée et familiale »

Certaines des dispositions de la loi du 26 novembre 2003 concernent les titres de séjour « vie privée et familiale », qualification créée par la loi reseda du 11 mai 1998, même si certains motifs de délivrance de ce type de titre de séjour existaient déjà auparavant. Ce titre de séjour est en effet celui qui est utilisé pour régulariser la situation de certains étrangers en situation irrégulière. Ainsi l'article 17 de la loi a modifié à la marge l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (articles L. 313-11 et L. 313-12), sans en bouleverser l'équilibre général.

a) Les régularisations pour présence régulière en France depuis plus de dix ans

Le 3° de l'article L. 313-11, dont l'origine date de la loi « Debré » du 24 avril 1997, ouvre la délivrance de plein droit d'un titre de séjour aux étrangers qui peuvent faire la preuve de leur séjour en France régulier et/ou irrégulier depuis dix ans. Votre rapporteur avait fait voter un amendement permettant de ne pas tenir compte des années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée. Cette disposition a permis d'empêcher certaines dérives dans l'utilisation d'une procédure déjà discutable dans son principe, puisqu'elle constitue une prime à la clandestinité, et fait donc l'objet d'un contrôle très strict de la part des préfectures : le nombre de cartes de séjour délivrés sur ce motif est ainsi passé de 3 659 en 2003 à 2 488 en 2005. Cependant, les juridictions administratives ont interprété très strictement la disposition adoptée en 2003, en considérant que la notion de « documents d'identité » ne concernait pas les fausses cartes de séjour, pourtant bien plus fréquemment utilisées que les faux passeports ou cartes nationales d'identité.

Plus globalement, par son caractère automatique, cette disposition prive d'effet les règles sur l'entrée et le séjour des étrangers que la France a choisies de se donner, même s'il faut permettre aux préfets de pouvoir opérer des régularisations au cas par cas, en fonction de critères humanitaires et de l'intégration des personnes concernées.

b) La carte de séjour « étranger malade »

La loi du 26 novembre 2003 n'est pas non plus revenue sur l'attribution d'une carte de séjour « vie privée et familiale » pour raison médicale, aux étrangers « dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ». (38)

Afin d'éviter que cette procédure ne soit détournée de son objet et ne soit en fait utilisée comme ultime moyen d'obtenir un droit au séjour, votre rapporteur avait pris l'initiative de mieux l'organiser, en introduisant dans la procédure un avis donné au préfet par le médecin inspecteur de la ddass, et en permettant à ce denier de convoquer l'étranger devant une commission médicale régionale dont la composition devait être fixée par un décret trop longtemps attendu, lequel n'a été publié qu'à la veille de la présentation de ce rapport, le 28 février 2006 (39). En effet, le principe même d'un droit au séjour pour raison humanitaire n'est bien sûr pas en cause, mais sa mise en œuvre, de l'avis général, n'est pas satisfaisante : la décision est donc prise par les services préfectoraux sur la base d'un rapport du médecin inspecteur de santé publique ou du chef du service médical de la préfecture de police. En réalité, comme a pu le constater votre rapporteur, cet avis est généralement des plus sommaires, se contentant d'une motivation stéréotypée. Or, les magistrats administratifs, tenus de se prononcer en fonction des seules pièces du dossier qui leur est présenté, considèrent que ce type d'avis est de peu de poids face aux éléments nombreux présentés par l'étranger. Les magistrats n'ont notamment aucun moyen objectif de savoir quel est l'état sanitaire réel dans le pays d'origine de l'étranger. Il est donc urgent aujourd'hui de créer enfin les commissions médicales régionales, voire de leur donner un rôle encore plus important dans le processus décisionnel.

En effet, l'augmentation continue du nombre de demandes à ce titre relève manifestement souvent d'une stratégie de maintien sur le territoire, par l'utilisation de cette procédure en dernier ressort, une fois que toutes les autres possibilités ont été utilisées.

NOMBRE DE CARTES DE SÉJOUR DÉLIVRÉES PORTANT LA MENTION « ÉTRANGER MALADE »

ÉTRANGERS MALADES

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

PREMIÈRES DÉLIVRANCES

455

1 413

1 698

2 891

3 370

4 540

6 232

FLUX GLOBAL (1ères délivrances et renouvellements)

1 045

3 605

4 795

7 109

8 987

12 109

16 164

Source : ministère de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire.

C. LE REGROUPEMENT FAMILIAL

Droit constitutionnel et reconnu par la convention européenne des droits de l'homme, le droit de mener une vie familiale normale implique celui, pour l'étranger légalement installé en France, de faire venir sa femme et ses enfants auprès de lui. Il ne s'agit pas pour autant d'un droit inconditionnel, et le législateur a donc pu l'encadrer, notamment afin que sa mise en œuvre favorise l'intégration des personnes concernées. L'article 42 de la loi du 26 novembre 2003 a donc modifié le régime du regroupement familial tel qu'il était régi par l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, et aujourd'hui par le livre IV du ceseda. Complétées par le décret n° 2005-253 du 17 mars 2005, les dispositions sur le regroupement familial sont aujourd'hui directement applicables. Compte tenu de leur nombre, les services chargés de les appliquer ont exprimé à votre rapporteur leur souhait de pouvoir se fonder sur une circulaire d'application, laquelle, comme souvent lorsqu'il s'agit d'un travail interministériel, a tardé à être finalisée, puisqu'elle n'a été publiée que le 17 janvier 2006.

La première modification importante du régime du regroupement familial a consisté à préciser clairement la notion de « ressources suffisantes », comme condition du regroupement familial, en indiquant clairement qu'elles doivent être au moins d'un niveau égal au smic. L'existence d'une référence objective et dénuée d'ambiguïtés est particulièrement appréciée des services de l'anaem, chargés d'instruire les dossiers. Cependant, le choix d'une référence unique a également ses limites car elle ne permet pas de moduler les exigences en fonction des demandes, et notamment de la taille de la famille. En effet, le seul smic sera manifestement insuffisant pour permettre de faire vivre correctement une famille très nombreuse.

Par ailleurs, un mécanisme de vérification des conditions de logement et de ressources est dorénavant confié aux maires, qui peuvent procéder directement aux contrôles, ou confier cette mission à l'anaem (ce que font systématiquement environ 30 % des communes). Suite à ce contrôle, les maires émettent un avis motivé au préfet, mais il n'est pas contraignant et n'est d'ailleurs pas toujours suivi.

Les critères d'habitabilité du logement ont été précisés par le décret précité du 17 mars 2005 qui fixe par exemple les superficies minimum (16 m² pour 2 personnes, 9 m² par personne supplémentaire jusqu'à huit, 5 m² au-delà). Les agents chargés d'instruire les dossiers font remarquer que ces superficies sont très basses et notamment qu'elles sont inférieures aux critères retenus pour délivrer les attestations d'accueil (14 m² par personne) (40) , alors qu'il ne s'agit que d'un logement temporaire.

Ensuite, la loi du 26 novembre 2003 a mis fin à la pratique qui consistait à accorder aux personnes regroupées le même titre de séjour que le « regroupant ». Désormais, les personnes bénéficiant du regroupement familial reçoivent une carte de séjour temporaire. Elles sont donc soumises aux conditions de droit commun en matière d'accès à la carte de résident, à savoir une présence régulière de cinq ans en France et le respect de la condition « d'intégration républicaine ».

De fait, depuis l'entrée en vigueur de la loi, le regroupement familial a connu une certaine stabilisation : après une forte augmentation entre 2000 et 2002, avec un nombre de bénéficiaires passés de 21 404 à 27 267, ce nombre est passé à 25 420 en 2004, tendance à la baisse qui s'est poursuivi en 2005 d'après les premières indications fournies par l'anaem.

Cependant, le regroupement familial est devenue une simple composante de l'immigration pour motif familial, qui prend de plus en plus d'autres canaux, que sont le mariage, ainsi que la régularisation pour motif familiaux, sur la base de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme. En effet, si le regroupement familial est une procédure encadrée, les autres canaux de l'immigration familiale le sont beaucoup moins.

Le nombre de titres de séjour délivrés au titre des « liens personnels et familiaux », sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11, a ainsi connu une véritable explosion, de 174 % entre 2000 et 2004, alors que stagnait le regroupement familial.

2000

2001

2002

2003

2004

Regroupement familial

21 404

23 081

27 267

26 768

25 420

Liens personnels et familiaux

5 093

5 564

7 123

10 642

13 989

Source :ministère de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire

C'est notamment pour cette raison que le Parlement avait décidé en 2003, à l'initiative de votre rapporteur, de pénaliser le phénomène inquiétant et croissant du regroupement familial en dehors des procédures prévues, c'est-à-dire la pratique consistant à demander la régularisation de la situation des membres d'une famille arrivés souvent légalement dans le cadre des vacances scolaires mais restés illégalement sur le territoire pour rejoindre un étranger en situation régulière. A cet effet, l'article L. 431-3 du ceseda dispose que le titre de séjour de l'étranger qui fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure du regroupement familial peut être retiré.

Votre rapporteur a constaté que cette disposition n'est pas appliquée alors même que la pratique du « rapprochement familial » sur place se multiplie : il est en effet de plus en plus fréquent de voir des mineurs rejoindre leurs parents installés en France en dehors des procédures du regroupement familial, par exemple par un maintien sur le territoire français suite à un séjour en France sur la base d'un visa touristique. Les personnes en question pourront en effet être régularisées en se fondant sur l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme relatif au droit à mener une vie familiale normale. Se faisant, ils s'affranchiront de l'ensemble des conditions du regroupement familial (ressources, taille du logement, intégration républicaine) dont le Conseil constitutionnel a pourtant reconnu que l'existence ne remettait pas en cause le droit de mener une vie familiale normale. Afin d'éviter des détournements du regroupement familial, il semble ainsi urgent de conditionner la délivrance d'un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » à des conditions comparables à celles de la procédure classique du regroupement familial.

Dans une décision du 15 décembre 2005 (41), le Conseil constitutionnel a reconnu que le législateur était fondé à exclure du bénéfice des allocations familiales les parents d'enfants étrangers entrés en France en dehors des règles du regroupement familial. Le Conseil constitutionnel a en effet considéré « qu'en adoptant la disposition contestée, le législateur a entendu éviter que l'attribution de prestations familiales au titre d'enfants entrés en France en méconnaissance des règles du regroupement familial ne prive celles-ci d'effectivité et n'incite un ressortissant étranger à faire venir ses enfants sans que soit vérifiée sa capacité à leur offrir des conditions de vie et de logement décentes, qui sont celles qui prévalent en France, pays d'accueil ; qu'en portant une telle appréciation, le législateur n'a pas opéré, entre les exigences constitutionnelles en cause, une conciliation manifestement déséquilibrée ». Ainsi, pénaliser les étrangers faisant venir leurs familles en dehors des règles du regroupement familial ne remet pas en cause le droit à mener une vie familiale normale(42).

Il est dès lors urgent d'appliquer la disposition dissuasive adoptée en 2003, d'autant que celle-ci est entourée de multiples garanties (avis de la commission du titre de séjour, application impossible à l'encontre des étrangers bénéficiant d'une protection contre les mesures d'expulsion). Votre rapporteur regrette donc que la circulaire du 17 janvier 2006 relative au regroupement familial des étrangers se contente d'indiquer à ses destinataires qu'ils doivent informer les ressortissants étrangers qui font une demande de regroupement familial sur place qu'ils s'exposent au retrait de leur titre de séjour. Il est en effet seulement précisé que « cette démarche se veut surtout dissuasive et doit conduire les membres de famille au bénéfice desquels est demandée la demande de regroupement familial à regagner leur pays jusqu'à la définition définitive  ».

Il faut cependant relever que, très conscient de l'insuffisante application de ce texte, le ministère de l'Intérieur a adressé le 28 février 2006 un télégramme d'instructions très ferme aux préfets leur demandant de mettre en œuvre cette disposition de manière effective.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 1er mars 2006, la Commission a procédé, en application de l'article 86, alinéa  8, du Règlement, à l'examen du second rapport de M. Thierry Mariani, sur la mise en application de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

Après l'exposé du rapporteur, le président Philippe Houillon s'est félicité du développement des travaux de suivi de l'application des lois, qui renforcent l'activité de contrôle du Parlement.

M. Christian Decocq a évoqué les conséquences de la fermeture du centre de Sangatte, intervenue avant l'adoption de la loi du 26 novembre 2003. Il a observé que, malgré cette mesure indispensable, plusieurs centaines de personnes restent aujourd'hui à Calais dans des conditions précaires voire inhumaines et qu'il n'est satisfaisant ni de tolérer cette situation, ni de regrouper à nouveau ces personnes.

M. Christophe Caresche a remarqué que l'allongement des délais de rétention, qui avait constitué un sujet de débat lors du vote de la loi, a pour conséquence l'engorgement des centres de rétention, notamment le centre de rétention administrative du Palais de Justice, récemment critiqué dans un rapport du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe. Il s'est demandé si l'allongement des délais avait effectivement permis de lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine. Il s'est également interrogé sur l'impact des dispositions relatives aux mariages, en particulier la création d'un délit de mariage simulé.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- concernant la situation dans le Calaisis, la question a été largement abordée avec les représentants du Parquet et de la police aux frontières lors du déplacement du rapporteur à Coquelles. La fermeture du centre de Sangatte n'a certes pas mis fin à la présence de très nombreux clandestins désireux de se rendre en Grande-Bretagne dans cette région, mais elle a supprimé un abcès de fixation qui était devenu insupportable. Le problème de fond devra être résolu par une action déterminée contre les filières de passeurs, qui constitue une priorité des services de justice et de police. Par ailleurs, le rapporteur a constaté par lui-même que les clandestins présents dans le Calaisis se rendaient généralement vite compte qu'ils étaient dans une impasse compte tenu de la difficulté pour eux de franchir la Manche ;

- concernant l'allongement de la durée de rétention, celle-ci est en moyenne de dix jours, ce qui est donc très loin du maximum possible de 32 jours. En effet, les services de police évitent de maintenir en rétention des personnes qui ne seront manifestement pas reconduites. Mais cet allongement est très utile pour l'obtention des laissez-passer consulaires, qui étaient très difficiles à obtenir dans le très court délai de rétention d'avant la loi de 2003.

Par ailleurs, le plan immobilier mis en œuvre se traduit non seulement par une augmentation du nombre de places mais aussi par une amélioration des conditions de rétention. Il est vrai que certains des centres de rétention administrative sont indignes de notre pays, ils seront d'ailleurs fermés comme celui de Marseille-Arenc, ou de celui du Palais de justice à Paris ;

- concernant le délit de mariage blanc, les nouvelles incriminations ont permis d'intensifier l'activité judiciaire contre ce type de réseaux. De nombreuses enquêtes sur de tels faits sont en cours sur l'ensemble du territoire français, certaines ayant d'ores et déjà donné lieu à des condamnations à des peines de prison ferme.

Puis la Commission a autorisé le dépôt du rapport d'application de la loi en vue de sa publication.

SUIVI DES TEXTES D'APPLICATION DE LA LOI N° 2003-1119
DU 26 NOVEMBRE 2003
RELATIVE À LA MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION,
AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE ET À LA NATIONALITÉ

ARTICLE DE LA LOI

BASE LÉGALE

NATURE DU TEXTE (43)

OBJET

ÉTAT D'AVANCEMENT AU 1ER DECEMBRE 2004

ÉTAT D'AVANCEMENT AU 1ER MARS 2006

Article 3

Ordonnance n°45-2658, art. 5.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art L. 211-1.

CE

Définition des conditions d'agrément des compagnies d'assurance auxquelles devront souscrire les étrangers venant en France.

Décret n° 2004-1237 du 17/11/2004.

Décret n° 2004-1237 du 17/11/2004.

Article 7

Ordonnance n° 45-2658, art. 5-3 al. 2.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art L. 211-4.

CE

Définition des pièces justificatives accompagnant l'attestation d'accueil.

Décret n° 2004-1237 du 17/11/2004.

Décret n° 2004-1237 du 17/11/2004.

Article 7

Ordonnance n°45-2658, art. 5-3, al. 13.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art L. 211-7.

CE, avis CNIL

Détermination des dispositions permettant la mise en place des traitements informatisés des fichiers des demandes de validation des attestations d'accueil.

Projet soumis au Conseil d'État le 26/10/2004.

Décret n° 2005-937 du 2/08/2005.

Article 7

Ordonnance n°45-2658, art. 5-3.

D

Perception du droit de timbre au profit de l'OMI.

Décret n° 2004-1285 du 26/11/2004.

Décret n° 2004-1285 du 26/11/2004.

Article 9

Ordonnance n°45-2658, art. 8-2.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art L. 6-I.

CE

Autorisation provisoire de séjour/récépissé.

Projet en voie de finalisation.

DPM saisie le 19/11.

Décret n°2005-1051 du 23/08/2005.

Article 10

Ordonnance n°45-2658, art. 8-2.

A

Liste des péages jusqu'où des contrôles d'identité pourront être opérés.

Arrêté du 13/07/2004, JO du 23.

Arrêté du 13/07/2004.

Article 11

Ordonnance n°45-2658, art. 8-3.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art L. 611-3.

CE, avis CNIL

Fixer les modalités du relevé, de la mémorisation et du traitement informatique des empreintes digitales ainsi que de la photo de l'étranger qui ne remplit pas les conditions d'entrée à la frontière.

Élaboration engagée

Avant-projet de décret préparé par le ministère de l'intérieur

Le décret est attendu depuis 1997

Article 12

Ordonnance n°45-2658, art. 8-4.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L. 611-7.

CE, avis CNIL

Fixer les modalités du relevé de la mémorisation et du traitement automatisé des empreintes digitales et la photo de l'étranger qui sollicite un visa.

Décret n° 2004-1266 du 25/11/2004.

Décret n° 2004-1266 du 25/11/2004.

Avant-projet de décret modificatif transmis à la CNIL.

Article 14

Ordonnance n°45-2658, art. 9-1.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art L. 121-1.

CE

Conditions de délivrance du titre de séjour des ressortissants des étrangers de l'Union européenne et de la Confédération helvétique.

Élaboration engagée en relation avec le ministère des affaires sociales.

Décret n° 2005-1332 du 24/10/2005.

Article 15

Ordonnance n°45-2658, art. 12-2.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L. 313-7.

CE

Conditions de délivrance d'une carte de séjour à un mineur ou un majeur qui suit un enseignement en France.

Projet en voie de finalisation.

Décret n°2005-1051 du 23/08/2005.

Article 17

Ordonnance n°45-2658, art. 12bis, 11.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L. 313-11.

CE

Carte de séjour des étrangers malades : composition de la commission médicale régionale (CMR).

Projet en cours de finalisation.

Transmission au Conseil d'État prévue pour la première quinzaine de décembre 2004.

Décret n° 2006-231 du 27/02/2006.

Article 19

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art L. 312-1.

D

Commission du titre de séjour.

Décret n°2005-1051 du 23/08/2005.

Article 20

Ordonnance n°45-2658, art. 13 bis.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art L. 313-4.

D

Carte de séjour « VIP ».

Projet en voie de finalisation.

Décret n°2005-1051 du 23/08/2005.

Article 27

Ordonnance n°45-2658, art. 20 bis.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L. 625-4.

CE

Après avis CNIL

Définition des conditions de numérisation et de transmission aux autorités françaises chargées du contrôle à la frontière, des documents de voyage et des visas des passagers par les compagnies de transport.

Élaboration engagée.

Avant projet de décret transmis à la CNIL le 27/02/2006.

Article 27

Ordonnance n°45-2658, art. 20bis I.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L. 625-3.

CE

Définition des conditions de consignation et de restitution de l'amende au transporteur qui a acheminé un étranger mineur sans représentant légal.

Décret n° 2005-913 du 29/07/2005.

Article 32

Ordonnance n°45-2658, art. 21quinquies.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L. 626-1.

CE

Modalités d'application de la contribution forfaitaire des employeurs de travailleurs étrangers en situation irrégulière.

Élaboration engagée.

Projet de décret prêt, transmis au Conseil d'État en janvier 2006.

Article 39

Ordonnance n°45-2658, art. 23, 25 bis, 27, 28, 28 bis, 28 ter, 33.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L. 521-1, L. 521-3, L. 522-2, L. 524-1 et L. 524-2.

CE

Exécution d'une décision d'éloignement prise par un État membre de l'Union européenne, concernant un étranger non ressortissant d'un État de l'Union.

Projet finalisé, validation Intérieur en cours.

Décret n° 2005-615 du 30/05/2005.

Article 42

Ordonnance n°45-2658, art. 29.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L 411-1.

D

Définition des pièces justificatives requises pour le respect des conditions de logement et de ressources.

Examen au Conseil d'État le 30/11/2004.

Décret n° 2005-253 du 17/03/2005.

Article 44

Ordonnance n°45-2658, art. 32.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L. 811-1 à L. 811-9.

CE

Conditions d'application des règles relatives au bénéfice de la protection temporaire.

Élaboration engagée.

Décret n° 2005-968 du 10/08/2005.

Article 49

Ordonnance n°45-2658, art. 35 bis.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L. 551-1 à L. 555-3.

CE

Régime de la rétention administrative.

En cours de contreseing.

Publication imminente.

Décret n° 2005-617 du 30/05/2005.

Article 49, dernier alinéa

Ordonnance n°45-2658, art. 35 quater.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art L. 553-6.

CE

Définition des actions d'accueil, d'information et de soutien des étrangers en rétention.

Décret n° 2004-1215 du 17/11/2004.

Décret n° 2004-1215 du 17/11/2004.

Article 50

Ordonnance n°45-2658, art. 35 quater.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L. 221-5 à L. 222-7.

CE

Régime du placement en zone d'attente.

En cours d'élaboration.

Décret n° 2005-617 du 30/05/2005.

Article 51

Ordonnance n°45-2658, art. 35 sexies.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L. 111-9.

CE

Définition des règles d'inscription et de révocation des interprètes traducteurs inscrits auprès du procureur de la République, ainsi que de l'exercice du recours à l'interprétariat pour les personnes non admises, maintenues en zone d'attente ou placées en centre de rétention.

En cours de finalisation.

Saisine du Conseil d'État en novembre.

Décret n° 2005-214 du 3/03/2005.

Article 53

Ordonnance n°45-2658, art. 35 octies.

Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, art. L. 821-5.

CE

Définition des conditions dans lesquelles l'État peut passer des marchés publics pour le transport de personnes retenues en centres de rétention ou maintenues en zone d'attente, ainsi que les conditions dans lesquelles les agents de sécurité privée pourraient être armés.

En cours d'élaboration.

Décret n° 2005-617 du 30/05/2005.

Article 54

Ordonnance n°45-2658, art. 35 nonies.

CE

Définition des modalités de fonctionnement de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétentions des zones d'attente.

Projet en voie de finalisation.

Décret n° 2005-616 du 30/05/2005.

Articles 68, 69

Code civil, articles 21-24 et 21-24 I.

CE

Modification des critères d'acquisition de la nationalité par décret.

Arbitrage rendu : pas de disjonction de la remise du décret de nationalité de celle des actes d'état-civil.

Décret n° 2005-25 du 14/01/2005.

Article 73

Code civil, art. 47.

CE

Modification des critères d'opposabilité des actes de l'état-civil étrangers.

Ministère de la Justice porteur

Attente de l'avis du Conseil d'État.

Décret n° 2005-170 du 23/02/2005.

Article 93

D

Définition des modalités d'organisation et de fonctionnement de la commission chargée d'apprécier les conditions d'immigration en Guyane et de proposer les mesures d'adaptation nécessaires.

Élaboration en cours.

Arbitrage à rendre pour harmoniser les dispositifs « Guyane » et « La Réunion ».

Décret n° 2005-1594 du 13/12/2005.

Article 94

D

Définition des modalités d'organisation et de fonctionnement de la commission chargée d'apprécier les conditions d'immigration pour La Réunion et de proposer les mesures d'adaptation nécessaires (regroupement familial).

Élaboration en cours

Décret n° 2005-1593 du 13/12/2005

Circulaires publiées en application de la loi
du 26 novembre 2003

Circulaire NOR/JUS/D/0430001/C du garde des sceaux, ministre de la justice du 9 janvier 2004 : Modifications apportées par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, aux dispositions du code pénal et du code de procédure pénale en matière de peine complémentaire d'interdiction du territoire français. Nouvelles dispositions applicables à la libération conditionnelle et au sursis avec mise à l'épreuve en cas de condamnation à une peine complémentaire d'interdiction du territoire français

Circulaire NOR/INT/D/04/00006/C du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 20 janvier 2004 : Application de la loi n°2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité

Circulaire NOR/INT/D/04/00066/C du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 26 mai 2004 : Régime applicable aux ressortissants de l'Union Européenne, de l'Espace Economique Européen et de la Confédération Helvétique en matière d'admission au séjour et au travail

Circulaire NOR/INT/D/04/00134/C du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 30 octobre 2004 : Conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée

Circulaire NOR/INT/D/04/00135/C du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 23 novembre 2004 : attestations d'accueil

Circulaire NOR/INT/D/05/00026/C du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 18 février 2005 :

graphique
Codification des textes relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile. Application de l'ordonnance n°2004 1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Circulaire NOR/JUS/C/0520349/C du garde des sceaux, ministre de la justice du 2 mai 2005 : Lutte contre les mariages simulés ou arrangés

Circulaire NOR/JUS/C/0520257/C du garde des sceaux, ministre de la justice du 4 avril 2005 : Décret n° 2005-214 du 3 mars 2005 pris pour l'application de l'article 35 sexies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 et relatif aux interprètes traducteurs

Circulaire NOR/INT/D/05/00053/C du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 2 mai 2005 : Modalités d'admission au séjour des ressortissants étrangers entrés en France, de manière isolée, avant l'âge de 18 ans, et ayant fait l'objet d'une mesure judiciaire de placement en structure d'accueil

Circulaire NOR/JUS/D/O530113/C du garde des sceaux, ministre de la justice du 27 juillet 2005 : Politique pénale pour la répression des infractions relatives au travail illégal

Circulaire DPM/N2/2005/358, du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, de la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité et du garde des sceaux, ministre de la justice du 27 juillet 2005 relative à la procédure d'acquisition de la nationalité française par déclaration à raison du mariage

Circulaire NOR/INT/D/05/00079/C du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du 12 août 2005 :

graphique
Attestation d'accueil. Mise en œuvre du décret n°2005-937 du 2 août 2005 pris pour l'application de l'article L.211-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et portant sur le traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux demandes de validation des attestations d'accueil

Circulaire NOR/INT/D/05/00097/C du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du 31 octobre 2005 : conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Circulaire NOR/INT/D/06/00009/C du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement du 17 janvier 2006 : Regroupement familial des étrangers

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Comité interministériel de contrôle de l'immigration

M. Patrick Stéfanini, Conseiller d'État, Secrétaire général du comité interministériel de contrôle de l'immigration.

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire

-  M. Stéphane Fratacci, directeur  ;

- M. Rémy-Charles Marion, sous-directeur adjoint des étrangers et de la circulation transfrontalière ;

Direction centrale de la police aux frontières du ministère de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire

- M. Yves Jobic, sous directeur de la lutte contre l'immigration irrégulière de la police aux frontières ;

- Mme Nadine Joly, chef de l'unité de coordination opérationnelle de lutte contre l'immigration irrégulière (ucloii) ;

- M. Denis Pajaud, chef de l'office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (ocriest).

Direction des affaires civiles et du Sceau du ministère de la Justice

- M. Marc Guillaume, directeur ;

- Mme Marie-Noëlle Teiller, sous-directrice du droit civil.

Direction de la population et des migrations du ministère de l'Emploi, de la cohésion sociale et du Logement

-  M. Patrick Butor, directeur ;

-  Mme Anne-Sophie Canihac, chef du bureau de la réglementation, des autorisations de travail et du regroupement familial.

Direction des Français à l'étranger et des étrangers en France du ministère des affaires Étrangères

-  M. Philippe Bossière, directeur adjoint, chef du service des étrangers en France ;

-  M. Alain Le Seac'h, sous-directeur de la circulation des étrangers ;

-  M. Eric Lubin, chargé de mission « biométrie ».

Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (dilti)

-  Mme Colette Horel, déléguée ;

-  M. Pierre-Jean Gaury, magistrat à la dilti.

Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (anaem)

-  M. Henri Toutée, président ;

-  M. André Nutte, directeur.

Syndicat de la juridiction administrative

-  M. Bernard Even, président ;

- M. Gil Cornevaux.

Union syndicale des magistrats administratifs

-  Mme Sabine Saint-Germain, présidente ;

-  M. Paul-Louis Albertini.

Union syndicale des magistrats

-  M. Dominique Barella, président ;

-  M. Nicolas Blot, secrétaire général.

Syndicat de la magistrature

-  Mme Odette Luce-Bouvier, secrétaire générale adjointe.

Ligue des droits de l'homme

-  M. Jean-Paul Dubois, président ;

-  Mme Catherine Teule, vice-présidente.

cimade :

- M. Laurent Giovannoni, secrétaire général ;

- Mme Marie Hénocq, coordinatrice du service de la défense des étrangers reconduits.

Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (anafé) :

- Mme Hélène Gacon, présidente.

Forum réfugiés :

- M. Olivier Brachet, directeur ;

- M. Jean Costil, président.

DÉPLACEMENTS DU RAPPORTEUR

-  Consulat de France à Moscou : visite du service des visas et du service de la nationalité.

-  Consulat de France à Minsk : visite du service des visas (consulat test pour l'expérimentation BIODEV).

-  Avignon : visite du service des étrangers de la préfecture de Vaucluse, entretien avec les services chargés des interpellations (sécurité publique et gendarmerie nationale).

-  Marseille : visite de la plateforme d'accueil et d'intégration de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations- participation à un module de formation civique dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration - visite du Centre de rétention d'Arenc - entretien avec les responsables des bureaux des étrangers et de la nationalité de la préfecture des Bouches-du-Rhône.

-  Coquelles : visite de l'annexe du TGI de Boulogne-sur-mer, présence à une audience du juge des libertés et de la détention - visite du Centre de rétention administrative.

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N° 2922 - Rapport déposé en application de l'article 86, alinéa 8, du Règlement par la commission des lois sur la mise en application de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité (M. Thierry Mariani)

1 () Rapport n°1962.

2 () La baisse du nombre d'attestation délivrées en 2004 (545 082) et la stabilisation de 2004 (570 000) ne sont pas liées aux nouvelles dispositions législatives, lesquelles ne s'appliquaient pas encore.

3 () Circulaire n° NOR INT/D/05/ 00079/C du 12 août 2005.

4 () Annaba (Algérie), Bamako (République du Mali), Genève (Suisse), Colombo (Sri Lanka), Minsk (Biélorussie), San Francisco (États-Unis), Shanghai (République populaire de Chine).

5 () Aéroport de Roissy, aéroport d'Orly, aéroport de Genève, postes aux frontières terrestres entre la France et la Suisse, aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, aéroport de Marseille-Provence, port de Marseille-Joliette.

6 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant le système d'information sur les visas (VIS) et l'échange de données entre les États membres sur les visas de court séjour (COM [2004] 835 final).

7 () Proposition de décision du Conseil concernant l'accès en consultation au système d'information sur les visas (VIS) par les autorités des États membres compétentes en matière de sécurité intérieure et par l'Office européen de police (Europol) aux fins de la prévention et de la détection des infractions terroristes et des autres infractions pénales graves, ainsi qu'aux fins des enquêtes en la matière (COM [2005] 0600 final).

8 () Les frais de dossier pour un visa de court séjour Schengen sont actuellement de 35 euros. Une proposition de les faire passer à 60 euros est à l'étude, qui ne semble pas excessive au regard des tarifs pratiqués par exemple par le Royaume-Uni (60 livres) ou par les États-Unis (80 dollars).

9 () Seraient concernés l'aéroport de Bâle-Mulhouse, l'aéroport de Bordeaux-Mérignac, l'aéroport de Lille-Lesquin, l'aéroport de Nantes-Atlantique, l'aéroport de Nice-Côte d'Azur, l'aéroport de Strasbourg-Entzheim, l'aéroport de Toulouse-Blagnac, la gare maritime de Sète, le service de la police aux frontières et le port d'Ajaccio, le service départemental de la police aux frontières à La Rochelle, le Poste de Waterloo-Station.

10 () Agadir (Maroc), Alger (Algérie), Amman (Jordanie), Ankara (Turquie), Bombay (Inde), Brazzaville (Congo), Bujumbura (Burundi), Casablanca (Maroc), Chisinau (Moldavie), Cotonou (Bénin), Dakar (Sénégal), Damas (Syrie), Douala (Cameroun), Fès (Maroc), Islamabad (Pakistan), Istanbul (Turquie), Kigali, (Rwanda), Kinshasa (République démocratique du Congo), Lagos (Nigeria), Le Caire (Égypte), Lomé (Togo), Marrakech (Maroc), Moroni (Comores), Niamey (Niger), Nouakchott (Mauritanie), Ouagadougou (Burkina Faso), Rabat (Maroc), Saint-Louis (Sénégal), Tanger (Maroc), Tbilissi (Géorgie), Tripoli (Libye), Tunis (Tunisie), Washington (États-Unis), Yaoundé (Cameroun).

11 () lorsque le système sera généralisé, il sera par ailleurs possible de savoir exactement la proportion d'étrangers en situation irrégulière qui sont entrés en France légalement.

12 () Rapport n°949 (XIIe législature) au nom de la commission des Lois, page 53.

13 () Bamako, Douala, Kinshasa, Nouakchott, Tunis, Le Caire, Yaoundé, Dakar, Islamabad et Tbilissi

14 () cf. p. 31 l'encadré consacré aux dispositions relatives à l'interprétariat.

15 () En 2004, 2 799 procès-verbaux ont été établis, dont 1 006 ont fait l'objet d'un classement sans suite. Les principales compagnies concernées sont Air France (1 646 pénalités émises), puis Air Togo (136), Air China (86), Camroon airlines (61), Vietnam airlines (56), Varig (48), Chinaneastern (46), Aeroflot (39), Air Gabon (36), Gulf Air(33).

16 () Le nombre des personnes non admises a augmenté de 12 % en 2005, à 23 542. Il est néanmoins difficile d'interpréter ce type d'évolution qui peut soit traduire une hausse de la pression migratoire, soit une plus grande efficacité des contrôles à l'entrée du territoire.

17 () 29 pays sont aujourd'hui soumis à cette obligation suite aux arrêtés des 7 avril, 17 avril, 23 juin 2003 et 12 janvier 2006 qui ont complété la liste établie par l'arrêté du 17 octobre 2005 en l'étendant à la grande majorité des pays d'Afrique subsaharienne. Les ressortissants des pays suivants sont aujourd'hui soumis à cette obligation : Afghanistan, Albanie, Angola, Bangladesh, Burkina Faso, Cameroun, République démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Erythrée, Ethiopie, Gambie, Ghana, Guinée, Haïti, Inde, Iraq, Iran, Libéria, Libye, Mali, Nigéria, Pakistan, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Sri Lanka, Soudan, Syrie et Cuba.

18 () une partie de cette hausse s'explique par une modification de la comptabilisation statistique utilisée dans le Pas-de-Calais.

19 () Les effectifs nécessaires à ces transfèrements seraient d'ailleurs beaucoup moins importants si les possibilités offertes par la loi en matière de visioconférence et d'installation de salles d'audience à proximité des CRA étaient davantage utilisées.

20 () le délai de saisine reste de 48 heures en cas d'APRF suite à interpellation et de une semaine en cas d'APRF par voie postale.

21 () CE, 18 février 1998, préfet des Alpes-Maritimes.

22 () En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement.

23 () Cameroun, Egypte, Géorgie, Mauritanie, Pakistan,, Inde, Tunisie, Serbie et Monténégro, Biélorussie, Côté d'Ivoire, Soudan et Maroc.

24 () Pays pour lesquels plus de 100 demandes de laissez-passer consulaires ont été faites au cours de l'année.

25 () Proposition de directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (COM [2005] 391 final).

26 () Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre.

27 () en application de l'article R. 324-4 : Extrait K Bis ou carte d'identification au Répertoire des Métiers ; Attestations de déclarations sociales et fiscales ; attestation sur l'honneur certifiant que le travail est réalisé par des salariés régulièrement déclarés au regard des articles L. 320 (déclaration préalable à l'embauche), L. 143-3 (remise du bulletin de paie).

28 () Rapport AN n° 949 (XIIe législature) p17.

29 () Par ailleurs, compte tenu du nombre de mariages concernés, il est impossible pour les services compétents de diligenter des enquêtes systématiques sur la réalité de la vie commune.

30 () Cf. l'étude de législation comparée n° 155 du service des études juridiques du Sénat sur l'acquisition de la nationalité par mariage.

31 () Cette modification a permis à la France de respecter le critère de résidence de cinq ans fixé par la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée.

32 () ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique.

33 () Malte et Chypre ne sont pas concernées par cette période transitoire qui s'applique donc à l'Estonie, à la Hongrie, à la Lettonie, à la Lituanie, à la Pologne, à la Slovaquie, à la Slovénie et à La République tchèque.

34 () Rapport d'information n°2365 pp. 22 à 24.

35 () Bénin,Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Côte d'Ivoire, Gabon, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo.

36 () Notamment par l'avenant du 8 septembre 2000, dont l'approbation a été autorisée par la loi du 29 octobre 2002 et qui est entré en vigueur le 1er novembre 2003.

37 () Notamment par l'avenant du 11 juillet 2001, dont l'approbation a été autorisée par la loi du 29 octobre 2002 et qui est entré en vigueur le 1er janvier 2003.

38 () 11° de l'art L. 313-11 du CESEDA.

39 () Décret n° 2006-231 du 27 février 2006 relatif à la commission médicale régionale prévue au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et modifiant le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 (J.O n° 50 du 28 février 2006 page 3042).

40 () La circulaire du 23 novembre 2004 relative aux attestations d'accueil renvoie au code de la construction et de l'habitation dont l'article R. 111-2 fixe une telle superficie.

41 () Décision n°2005-528 DC du 15 décembre 2005- Loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

42 () Cependant, le Conseil constitutionnel a assorti sa décision d'une réserve d'interprétation selon laquelle « lorsqu'il sera procédé, dans le cadre de la procédure de regroupement familial, à la régularisation de la situation d'un enfant déjà entré en France, cet enfant devra ouvrir droit aux prestations familiales ». Il n'est donc pas possible d'interdire, par principe, le regroupement familial sur place.

43 () CE (décret en Conseil d'Etat), CE avis CNIL (décret en Conseil d'Etat après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés), D (décret simple), A (arrêté)