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Recommandations

Au cours de l'élaboration du présent rapport deux initiatives sont intervenues, l'une, gouvernementale, visant à présenter une loi d'orientation et de programmation de la recherche, à la suite de laquelle plusieurs études ont été engagées par le Parlement232, l'autre, parlementaire cette fois, consistant à créer au sein de l'Assemblée nationale une mission d'information sur les enjeux des essais et de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés233.

Le rapporteur a souhaité, autant que possible, dans ses recommandations, éviter des chevauchements avec les travaux parlementaires en cours. Il n'a donc pas exploré tous les sujets relatifs à la recherche en France se concentrant sur les sciences de la vie et les biotechnologies. Selon la même démarche, il n'épuise pas les conclusions de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les enjeux des OGM, mais a ouvert quelques pistes sur les modifications réglementaires sur les OGM qu'il estime nécessaires.

Quinze grandes recommandations sont définies. Elles comprennent 63 propositions :

1 - Combattre l'immobilisme et lutter contre l'obscurantisme.

2 - Définir et afficher au niveau national une stratégie scientifique et industrielle en faveur des sciences de la vie et des biotechnologies.

3 - Valoriser les atouts scientifiques, économiques et socio-politiques de la France.

4 - Se soucier enfin de l'impact réel des réglementations édictées au niveau national.

5 - Encourager la formation en biotechnologie par une meilleure valorisation des métiers des sciences de la vie et une pluridisplinarité accrue.

6 - Accroître les moyens de la recherche publique dans le domaine des sciences de la vie.

7 - Se préoccuper de la gestion des droits de propriété intellectuelle issus des travaux de recherche financés sur fonds publics.

8 - Offrir aux chercheurs souhaitant acquérir des compétences entrepreneuriales des formations adaptées.

9 - Soutenir davantage la création et le développement de nos sociétés de biotechnologies.

10 - Créer un environnement favorable au maintien sur le territoire national et à l'implantation de centres de recherche et de production de groupes industriels.

11 - Donner une impulsion nouvelle aux essais cliniques en France.

12 - Agir dans le cadre européen, pour l'affermir et renforcer la position française.

13 - Engager de grands programmes dans le domaine des biotechnologies.

14 - Mieux organiser le système d'évaluation des bénéfices et des risques dans le domaine de la biologie végétale.

15 - Assurer au niveau parlementaire un suivi de la politique gouvernementale dans le secteur des sciences de la vie et des biotechnologies.

1 - COMBATTRE L'IMMOBILISME ET LUTTER CONTRE L'OBSCURANTISME

Le présent rapport a abordé des thèmes abondamment traités par la classe politique et les média - la santé, l'alimentation, l'environnement, la sécurité. Or, le décalage existant entre l'approche habituellement retenue pour en discuter et la démarche empruntée lorsqu'on évoque les perspectives offertes par les biotechnologies est saisissant.

D'un côté, les positions, notamment celles des consommateurs, sont presque toujours exclusivement défensives - limiter les dépenses de santé, éviter les crises alimentaires, interdire toute activité susceptible de menacer l'environnement -, d'un autre, incarnées par les chercheurs elles sont plus volontaristes, plus prospectives - trouver de nouveaux traitements pour des maladies pas ou mal soignées, subvenir aux besoins alimentaires, en quantité et en qualité, découvrir de nouveaux procédés plus respectueux de l'environnement ou capables de réparer les dommages causés, se doter des moyens nécessaires pour protéger la population contre des attaques biologiques, fabriquer de nouveaux produits renouvelables, biodégradables, produire de l'énergie à partir de la biomasse.

D'un côté, on observe une France plutôt immobiliste et plutôt frileuse, méfiante vis-à-vis du progrès sans en mesurer réellement les bénéfices, de l'autre une frange en mouvement, consciente que le progrès doit être maîtrisé mais confiante dans l'avenir, car elle pense que c'est par le progrès que l'on améliorera la santé, la nutrition, l'environnement ou la sécurité.

Ce repli sur soi d'une partie de la population, conforté par l'absence de débat public et l'inertie des gouvernements, constitue l'une des causes du retard enregistré par la France et l'Europe, qui sont d'ailleurs en train de se faire rattraper par des pays dont le niveau de vie est très inférieur au leur et pour lesquels le développement économique et le progrès scientifique constituent une ardente obligation. C'est une des causes du déclin de la vieille Europe.

Dans beaucoup de cas, les craintes, souvent compréhensibles, de nos concitoyens reposent sur une méconnaissance des mécanismes du vivant, des technologies et des produits qui en sont issus ou qui lui sont appliqués. Il ne s'agit pas ici de reprendre un argumentaire que votre rapporteur a lui-même développé dans une communication « OGM ni tout blanc ni tout noir », mais il n'est peut-être pas inutile de citer deux opinions formulées lors des auditions organisées pour la préparation du présent rapport et qui sont susceptibles d'ébranler quelques idées reçues bien établies. « L'agriculture constitue une activité qui produit des effets négatifs, quelle que soit la technologie utilisée » (Julia A. Moore, de la National Science Foundation). « Un médicament efficace n'est jamais inoffensif » (Noël Renaudin, Président du comité économique des produits de santé).

Comme l'a fort justement souligné M. Jean-Paul Betbèze, « on ne peut justifier l'immobilisme par l'incertain». La précaution ne peut justifier l'inaction.

Les responsables politiques doivent inverser un discours uniquement basé sur le risque et la précaution. En matière de santé, d'environnement, ou d'agroalimentaire, le plus grand risque serait de ne rien faire. Les biotechnologies constituent une technique qui n'est en soi ni bonne, ni mauvaise et son utilité dépend des applications qui en sont faites. Elles peuvent donc constituer un progrès, puisqu'elles peuvent contribuer à résoudre certains enjeux sociaux, économiques, ou sanitaires.

La concrétisation de ce vœu repose avant tout sur une prise de conscience collective de l'ensemble des responsables politiques, sociaux, économiques et médiatiques. Les actions pouvant être entreprises par le système éducatif sont aussi déterminantes. L'existence de structures, telles que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques au sein du Parlement français, comme d'un Haut Conseil Scientifique dont la création est actuellement envisagée au sein de l'Exécutif peuvent également y contribuer. Mais à l'heure où des réflexions sont engagées sur la réforme de l'Etat, où aussi est affirmé l'objectif d'une « économie fondée sur la connaissance » dynamique et, dans la mesure où le retard français dans le domaine des biotechnologies reste en partie imputable à une insuffisante prise en compte des enjeux scientifiques et technologiques, les trois propositions suivantes méritent d'être formulées.

Proposition 1 :

Dans une société inquiète de son avenir, il faut réaffirmer le principe de progrès, assorti d'une maîtrise par l'homme de l'utilisation des technologies et renouveler la base du dialogue entre expert, politique et citoyen.

Proposition 2:

Votre rapporteur propose que soient nommés dans les cabinets ministériels un ou plusieurs conseillers scientifiques, la présence d'un conseiller en sciences de le vie devant de surcroît être assurée dans les ministères « horizontaux », tels que, outre celui de la Recherche bien évidemment, le ministère de l'Economie et des Finances ou de l'Industrie par exemple, ainsi que dans les ministères à compétences spécialisées, comme ceux de la santé, de l'environnement, de l'agriculture et de l'alimentation.

Proposition 3 :

Il propose également l'ouverture selon une voie spécifique du concours de l'Ecole normale d'administration (ENA) aux enseignants chercheurs et aux chercheurs.

2 - DEFINIR ET AFFICHER AU NIVEAU NATIONAL UNE STRATEGIE SCIENTIFIQUE ET INDUSTRIELLE EN FAVEUR DES SCIENCES DE LA VIE ET DES BIOTECHNOLOGIES

L'élaboration du présent rapport a permis de mettre en évidence plusieurs facteurs d'échec des politiques mises en œuvre, en France et dans d'autres pays européens.

En France, la première cause d'échec est liée aux hésitations des politiques industrielles et gouvernementales dans ce domaine. Le diagnostic de votre rapporteur rejoint celui de M. Jean-Louis Beffa. La définition d'une stratégie industrielle et d'une politique de l'innovation a cruellement fait défaut. La France, dans le domaine des biotechnologies, doit créer des emplois à haute valeur ajoutée et adopter une véritable stratégie de création d'entreprises biotechnologiques.

L'intérêt des biotechnologies n'a pas pu être clairement identifié par l'opinion publique. Pour celle-ci, l'objectif général de croissance économique et la prise en compte des enjeux de l'économie de la connaissance ne suffisent pas. Pour qu'une technologie soit acceptée, il faut que le consommateur en perçoive les bénéfices. Les premiers domaines d'application des biotechnologies - santé, alimentation, environnement et sécurité - montrent que le développement de ces nouvelles technologies est étroitement dépendant des stratégies mises en œuvre en faveur de l'innovation. La France a pris du retard et, alors que d'autres pays ont su assurer la promotion de leur territoire par l'affichage d'une politique volontariste au niveau national, l'absence en France d'une impulsion gouvernementale soutenue au cours des dernières années a fortement dégradé son image à l'extérieur qui était celle d'une nation à la pointe de l'innovation dans les technologies émergentes. Or force est de constater qu'en France, les politiques de transfert de technologies et d'innovation manquent de constance et de consistance, alors même que notre pays peut, dans les domaines de la pharmacie et de l'agroalimentaire, encore compter sur une recherche et une industrie nationales qui tiennent leur rang au niveau international. Le constat est unanime. Si l'on veut rattraper ce retard, ce potentiel scientifique et économique doit impérativement être sauvegardé et valorisé, pour éviter une « perte de substance » de la recherche et de l'industrie françaises, dans des domaines où la France possède encore des atouts et auxquels les Français attachent une grande importance. Il faut désormais prendre conscience que toute régression industrielle et scientifique dans ces domaines affaiblira la France économiquement et politiquement sur le plan international. La situation de l'Europe est comparable, même si la Grande-Bretagne a sans doute mieux anticipé que les autres pays membres de l'Union la révolution des sciences de la vie.

Lorsqu'une volonté politique a été affirmée, comme dans les années 1960-1970 où ont démarré les grands programmes aéronautique, spatiaux, nucléaire, ou dans les années 1981-1986 avec l'impulsion donnée par François Mitterrand, des progrès ont eu lieu. Mais, dans le cas des biotechnologies, le « mal français » s'est à chaque fois manifesté par :

- une insuffisante continuité de l'action publique, alors que les biotechnologies exigent du temps et un soutien qui s'inscrive dans la durée,

- un manque de visibilité des politiques mises en oeuvre, liée à la fois à l'absence de stratégies industrielles dans les domaines d'application concernés, à une confusion entre la définition d'objectifs stratégiques et la simple énumération de moyens disparates, une multiplication de structures et une prolifération de règles pesantes et handicapantes, notamment en matière de passation de marchés publics et de contrôle budgétaire,

- une cohérence mal assurée des instruments mis en œuvre par l'Etat, aux niveaux budgétaire, financier et réglementaire (à l'échelon national et européen) et un suivi pratiquement inexistant alors qu'une évaluation des politiques publiques permet de vérifier les résultats des stratégies engagées,

- une vision trop cloisonnée du système ne permettant pas de prendre en compte l'ensemble des acteurs et l'importance des relations devant se nouer entre eux, en particulier entre les universités, les institutions publiques de recherche, les directions chargées de la recherche et du développement, les groupes industriels, et les sociétés de biotechnologies créées.

Il convient dès maintenant de définir une stratégie nationale engageant l'Etat et inscrite dans la durée en faveur des sciences de la vie et des biotechnologies.

La politique de la recherche et du développement en matière de biotechnologie, comme pour l'ensemble de la recherche, doit être marquée par une méthode associant continuité, visibilité et intégration. Deux écueils classiques doivent être combattus : les politiques sinusoïdales, de type « stop-and-go » et le maillon faible. L'engagement de toute politique en matière de recherche doit être pluriannuel et la parole de l'Etat respectée. La survalorisation des maillons forts ne fait que fragiliser encore plus les maillons faibles, et aucune chaîne de création allant de la formation à la recherche fondamentale, de la recherche fondamentale à la recherche finalisée, de la recherche finalisée à la recherche et développement, puis un retour vers une demande de formation et de recherche fondamentale, ne peut-être réalisée sans une politique globale, intégrée et de long terme. La manifestation d'une telle volonté politique par le gouvernement constituerait un puissant vecteur de mobilisation de tous les acteurs, scientifiques, industriels et financiers, et offrirait l'occasion de mettre en valeur les atouts de la France.

Proposition 4 :

La formation, la recherche et l'innovation doivent devenir la première priorité politique de la France. Ce continuum est indispensable pour préparer l'avenir ; un maillon faible suffit à rendre toute politique publique incohérente.

Proposition 5 :

Un programme pluriannuel doit être voté au parlement, précisant les crédits et les emplois sur plusieurs années et déterminant les moyens mis en œuvre pour soutenir la formation universitaire, la recherche, l'innovation et le développement technologique.

3 - VALORISER LES ATOUTS SCIENTIFIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIO-POLITIQUES DE LA FRANCE

Proposition 6 :

L'élaboration d'une nouvelle stratégie en faveur des sciences de la vie et des biotechnologies doit reposer sur la prise en compte, le soutien et la valorisation des atouts que possède la France.

Les atouts de la France sont nombreux mais malheureusement méconnus, cette méconnaissance résultant en partie de la diversité des domaines d'application des biotechnologies et donc du caractère très éclaté des activités concernées. Elle s'explique aussi par des imperfections de notre système de gouvernance.

La France bénéficie tout d'abord, dans les domaines des biotechnologies, d'atouts scientifiques. Ils résident dans son système de formation et dans ses organismes publics et privés de recherche, dans ses étudiants, ses professeurs et ses chercheurs. Ceci n'a pas été démenti lors des visites à l'étranger où nos étudiants et nos chercheurs sont appréciés et où certaines de nos universités et plusieurs de nos organismes de recherche sont reconnus, même si, au niveau international, il est difficile d'identifier des pôles d'excellence français disposant d'une masse critique comparable à ceux des Etats-Unis. Alors que les comparaisons internationales sont de plus en plus prisées, beaucoup d'incertitudes demeurent lorsqu'on aborde un secteur aussi foisonnant que celui des sciences de la vie et des biotechnologies. La plupart des informations collectées pour la préparation du présent rapport émanaient en effet soit d'études ponctuelles effectuées sur la base de contrats ministériels, soit de statistiques internationales, notamment celles de l'OCDE, retraçant parfois de manière très incomplète la situation de la France, soit d'organismes privés. C'est seulement en 2004, que l'observatoire des sciences et techniques a produit un rapport sur les biotechnologies.

La France dispose aussi d'atouts économiques et industriels dans les secteurs utilisant les sciences de la vie et les biotechnologies en particulier. Mais encore une fois, les statistiques ne permettent pas d'avoir une vision exhaustive de la situation. Si nous disposons d'informations régulières sur le secteur de la pharmacie, encore que beaucoup d'éléments émanent d'organismes privés, en particulier pour les produits en développement, il est très difficile d'obtenir des informations sur les secteurs de l'environnement, ou même ceux touchant à l'agriculture ou à l'alimentation, en raison notamment de la répartition des compétences statistiques entre les ministères. Cette situation nuit à la prise de conscience du poids des sciences de la vie et des biotechnologies en particulier dans l'économie française. Au cours de la préparation du présent rapport, certains éléments ont pu être glanés ici ou là, par exemple sur les produis étiquetés OGM importés pour l'alimentation animale ou certains produits de santé issus des biotechnologies, mais aucune étude exhaustive n'a été trouvée.

Proposition 7 :

L'Etat doit se doter d'un outil statistique lui permettant d'avoir une vision à peu près claire du poids des sciences de la vie au sein du dispositif public et privé de recherche, y compris celui des groupes étrangers implantés sur le territoire national, du nombre d'étudiants et de chercheurs partis à l'étranger, de la localisation de ces activités de recherche et de leurs « retombées » (publications, brevets, produits en développement, produits commercialisés), lui permettant d'en suivre les grandes tendances. Cet outil devrait également analyser les différents secteurs industriels susceptibles d'utiliser les biotechnologies et l'utilisation de ces technologies par les secteurs industriels et les services, comme la consommation en France des produits issus des biotechnologies. L'observatoire des sciences et des techniques doit pouvoir remplir cette mission en lui donnant des moyens accrus pour jouer ce rôle.

La France devrait aussi mettre en valeur ses atouts socio-politiques qui, loin de constituer des handicaps, peuvent soutenir le développement des biotechnologies et doivent le prendre en compte. Sa conception d'un système de santé ouvert à tous et reposant sur une médecine de qualité, ses préoccupations environnementales, son engagement en faveur des pays du Sud, sa volonté de sauvegarder sa richesse agricole, son désir d'indépendance, non limitée au domaine de la défense, militent pour qu'elle favorise les technologies innovantes. A défaut, il est fort à craindre que ce développement qui, en tout état de cause, aura lieu, serve d'autres fins et produise des effets que l'on ne pourra plus maîtriser. De l'étranger, on a trop souvent le sentiment que les préoccupations sociales et politiques françaises sont perçues comme des freins dirimants au progrès scientifique et au développement économique. Ceci dessert la cause que la France entend défendre et affaiblit sa position. C'est notamment le cas dans le domaine de la santé où le principe de l'accès des malades aux technologies et produits innovants n'est pas suffisamment affirmé, ce décalage résultant pour partie d'une insuffisante transparence des procédures d'autorisation de mise sur le marché, de fixation des prix des médicaments et de prise en charge des soins, comme des essais cliniques. Il serait judicieux de défendre ces atouts, relevant quelquefois de l'exception française, en s'appuyant sur le potentiel positif des biotechnologies et en définissant des orientations politiques qui intègrent désormais le principe d'un développement de ces nouvelles technologies.

Proposition 8 :

Créer une « force de proposition » sur l'attractivité de la France dans les biotechnologies et sur la maîtrise des technologies clés réunissant deux fois par an les ministres concernés, quatre parlementaires de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, quatre présidents d'université ou directeurs d'organismes et quatre industriels des secteurs de la pharmacie, de l'environnement ou de l'agroalimentaire.

4 - SE SOUCIER ENFIN DE L'IMPACT REEL DES REGLEMENTATIONS EDICTEES AU NIVEAU NATIONAL

De nombreuses critiques émanant d'acteurs français comme étrangers ont été formulées à l'encontre des réglementations édictées.

Il faut avoir conscience que les différences de réglementations, même au sein de l'Europe, déterminent en grande partie la localisation des activités de recherche et de production.

Les propositions émises apparaissent en contrepoint des critiques formulées à l'encontre des règles françaises, étant observé que des améliorations portant sur les procédures européennes sont prévues par le traité établissant une Constitution pour l'Europe. Ces règles générales s'appliquent bien sûr aux biotechnologies.

Proposition 9 :

Le processus d'élaboration des textes nationaux doit être plus rapide qu'il ne l'est actuellement. Tout pays qui tarde, notamment au sein de l'Union européenne, à se doter d'un cadre réglementaire clair subit un handicap. Les directives européennes devraient être mieux préparées en amont par une discussion dans les parlements nationaux et transposés en droit interne dans un délai de deux ans.

Proposition 10 :

Les réglementations nationales transposant des textes européens doivent faire l'objet systématiquement d'une étude d'impact prenant en compte les différences entre les réglementations nationales des pays de l'Union (délais par exemple) et évaluant les effets de ces différences sur les activités de recherche et de développement. Tout écart d'un pays membre de l'union par rapport aux textes européens devrait être justifié.

Proposition 11:

Le Parlement doit assurer une évaluation régulière des dispositifs mis en place en veillant à ce que les structures créées ne soient pas redondantes ou ne soient pas devenues inutiles par l'effet du progrès des connaissances ou du fait de l'adoption de nouveaux textes européens, qu'elles disposent des moyens nécessaires pour exercer les tâches qui leur sont confiées et que leur mode de fonctionnement soit totalement transparent.

Il faut enfin tenter de retrouver un équilibre entre la gestion des risques éventuels et la prise en compte des bénéfices potentiels. Toute décision sur l'utilisation d'un produit ou d'une technique devrait être prise après évaluation de la balance entre bénéfices et risques. Le gouvernement devra, dans les domaines sensibles liés à la sécurité alimentaire, à la sécurité environnementale, à l'autorisation de mise sur le marché de produits pharmaceutiques ou de procédés thérapeutiques, se baser sur une échelle des risques connus.

Sur ce point, le secteur des biotechnologies a cumulé tous les handicaps, ce qui explique d'ailleurs la revendication d'une « loi fondatrice sur les biotechnologies ».

5 - ENCOURAGER LA FORMATION EN BIOTECHNOLOGIES PAR UNE MEILLEURE VALORISATION DES MÉTIERS DES SCIENCES DE LA VIE ET UNE PLURIDISCIPLINARITÉ ACCRUE

Des mesures visant à attirer de nouvelles vocations dans les disciplines scientifiques, à rendre les carrières plus attractives, à revaloriser les statuts, doivent être prises. Sur ces points, il convient de souligner l'importance des mesures d'amélioration qui pourront être apportées au secteur des sciences de la vie où la crise de l'emploi scientifique, les multiples difficultés rencontrées pour disposer des moyens nécessaires à l'engagement ou à la poursuite de travaux de recherche, le manque de reconnaissance incitent des chercheurs, jeunes ou confirmés, à s'expatrier ou à se réorienter.

Proposition 12 :

Attirer de nouvelles vocations en développant, dès l'école primaire, l'initiation à la biologie, à l'écologie, aux sciences expérimentales, aux grandes questions de protection de l'environnement.

Proposition 13 :

Former les collégiens et lycéens au débat contradictoire sur les bénéfices et les risques liés aux avancées de la science.

Proposition 14 :

Soutenir les associations assurant la diffusion et la formation de la culture scientifique et technique, les exposciences, les cafés des sciences, les conférences régionales de citoyens, les semaines de la science... afin d'assurer cette diffusion à tous les échelons du système de formation.

Proposition 15 :

Développer la médiation scientifique en permettant la transmission de l'information académique, en vulgarisant la recherche pour permettre à tout citoyen d'avoir accès à la connaissance. Il convient de doter les pôles régionaux de recherche et d'enseignement supérieur de structures de communication interne et externe avec l'appui de professionnels.

La question de l'attractivité des carrières scientifiques est majeure, car la France et l'Europe viennent d'entrer dans la spirale du déclin scientifique. Les applications des technologies sont montrées du doigt, les ressources des laboratoires sont insuffisantes, les bons éléments, docteurs ou managers, vont partir, tandis que les nouvelles vocations se tarissent. Il faut revenir à un cercle vertueux. Comme nous l'indiquons dans la première recommandation, la science doit être replacée au centre de la société. Pour cela, il faut revaloriser les carrières scientifiques. C'est la France qui paye le moins ses doctorants et ses post-doctorants. De surcroît, la coupure entre formation d'ingénieurs et formation par la recherche en France, aboutit à ce que, dans de très nombreuses entreprises, il n'y a aucun lien avec la recherche publique, à cause notamment d'une culture différente.

Le rapport que j'avais rédigé en 1999 avec Monsieur Pierre Cohen, député de Haute-Garonne, comportant 60 recommandations, pour la plupart reprises lors des Etats Généraux de la recherche, faisait déjà ce constat ; votre rapporteur ne reprendra pas toutes ces propositions, mais pour renforcer l'attractivité des carrières scientifiques, notamment dans les sciences de la vie, il nous apparaît nécessaire de formuler la proposition suivante :

Proposition 16 :

La thèse est le début de l'activité professionnelle. Tout doctorant doit bénéficier d'un statut et d'une protection sociale. Tout doctorant inscrit dans une école doctorale doit bénéficier, sauf dérogation justifiée, d'une allocation de recherche. Les montants des allocations doctorales doivent être unifiés et ne doivent pas être inférieurs à 1 500 € par mois net, ce qui doit induire, dès 2005, une hausse de 50 % des actuelles allocations.

La création de PRES, proposée dans le cadre des Etats Généraux de la Recherche, offre une opportunité intéressante pour valoriser les métiers liés aux sciences de la vie, renforcer les emplois scientifiques de haut niveau et favoriser la multidisciplinarité.

Proposition 17 :

Ces PRES pourraient ainsi constituer la structure d'appui permettant

- de « mixer les cultures d'ingénieur et de docteur »,

- d'intégrer des enseignements de biologie dans les filières de formation des chimistes, des mathématiciens, des « managers » et des commerciaux,

- d'adjoindre des formations complémentaires pour les biologistes, les médecins et les pharmaciens,

- d'inscrire une expérience pratique, sous la forme d'un stage d'initiation scientifique, dans tout cursus de formation au sein d'un PRES.

6 - ACCROITRE LES MOYENS DE LA RECHERCHE PUBLIQUE DANS LE DOMAINE DES SCIENCES DE LA VIE

La recherche publique doit être le moteur du développement de la connaissance, notamment dans les sciences de la vie. La France s'est engagée, il y a quarante ans, dans de grands programmes aéronautiques, nucléaires, spatiaux, mais les efforts financiers n'ont pas suivi dans les nouvelles disciplines émergentes (intelligence logicielle, biotechnologie, nanotechnologies, écotechnnologies...). Tous les pays développés visent à atteindre 50 % de l'effort de recherche dans les différents secteurs relevant des sciences de la vie et de l'environnement.

Si l'on veut rattraper le retard actuel et créer une nouvelle dynamique, l'Etat devra dégager les moyens nécessaires à un niveau suffisant et pendant une durée assez longue.

Des mesures seront proposées dans le cadre de la future loi d'orientation et de programmation de la recherche, visant notamment à revaloriser les statuts, à assouplir les règles de gestion des organismes de recherche, à assurer une meilleure efficacité aux systèmes d'évaluation, à éviter un émiettement excessif des financements. Il convient ici d'insister sur quelques points particuliers nécessitant l'engagement de moyens supplémentaires

La préparation du présent rapport n'a pas permis de définir des solutions « clés en mains » et il est difficile de transposer au système français certains dispositifs étrangers, compte tenu notamment des différences de statuts des organismes. Mais les enjeux sont suffisamment importants pour justifier l'organisation d'une réflexion, associant les différentes structures de recherche intervenant dans le domaine des sciences de la vie, pour tenter de donner un contenu précis et un cadre pratique à des notions qui restent encore très floues et qui sont pourtant essentielles, comme la mobilité des chercheurs, l'interdisciplinarité, la valorisation, le transfert de technologies, la transparence vis-à-vis de l'opinion publique et les collaborations.

Proposition 18 :

Le soutien à la recherche fondamentale, toutes disciplines confondues, doit être accru et ce n'est qu'à cette condition que les chercheurs accepteront sans méfiance une meilleure coordination entre recherche publique et politique de soutien à l'innovation Le « plan de rattrapage du retard français » impose d'y consacrer un milliard d'euros supplémentaire par an jusqu'en 2010 (l'équivalent d'un point de TVA).

Proposition 19 :

Il faut rééquilibrer l'effort national de recherche en faveur des sciences de la vie, dans le cadre d'un rattrapage budgétaire.

Proposition 20 :

Votre rapporteur propose de lancer sur trois ans un programme spécial de retour de 1000 chercheurs ou jeunes entrepreneurs spécialisés dans les biotechnologies ou les sciences de la vie, favorisant leur intégration dans les universités ou les organismes de recherche publique ou leur embauche dans le secteur privé ou la réalisation de leurs projets de création d'une société de biotechnologies.

Proposition 21 :

Favoriser par des incitations fortes (prise en compte dans l'évaluation, promotions...) la mobilité entre les secteurs publics et privés.

Proposition 22 :

Soutenir la création dans le domaine des sciences de la vie, d'équipes multidisciplinaires tenant compte de la diversité des nouvelles thématiques (protéomique, génomique fonctionnelle, imagerie, criblage rapide, biomatériaux...).

Proposition 23 :

Aider à la publication des travaux de recherche en anglais par la mise en place dans les universités et les PRES de laboratoires de langues dignes de ce nom, de systèmes d'aide à la traduction, de véritables services de communication. Le niveau médiocre de performance révélé par certains indicateurs scientifiques internationaux s'explique en partie par des barrières linguistiques.

Proposition 24 :

Favoriser la visibilité des sciences de la vie en soutenant les réunions et les colloques scientifiques en France, en encourageant les meilleurs scientifiques à participer en tant qu'orateurs invités à des conférences dans les grands congrès, en encourageant la présence de scientifiques français et européens dans les bureaux éditoriaux des grandes revues scientifiques. Nos chercheurs et nos directeurs d'équipes doivent être des ambassadeurs des sciences de la vie, l'administration doit revoir les indemnités misérables de déplacement qui condamnent nos chercheurs à des voyages de « routards » ou à supporter des coûts personnels trop élevés.

7 - SE PREOCCUPER DE LA GESTION DES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE ISSUS DES TRAVAUX DE RECHERCHE FINANCES SUR FONDS PUBLICS

Lorsque l'on évoque les partenariats, les collaborations, la valorisation, le transfert, on est nécessairement conduit à examiner cette question. Un savoir-faire dans ce domaine existe; il est alors nécessaire de s'inspirer des mécanismes les plus performants mis en place et de diffuser ce savoir-faire.

Proposition 25:

Votre rapporteur propose de créer une « force de proposition » (task force), associant chercheurs, gestionnaires d'organismes de recherche et d'universités, entrepreneurs, investisseurs et représentants des ministères concernés pour définir les conditions d'une organisation et d'un meilleur suivi du transfert technologique et de la valorisation.

Proposition 26 :

Créer des PRES, à visibilité européenne et mettre en place des structures communes de valorisation de la recherche (propriété intellectuelle, dépôt de brevets, protection juridique). L'objectif est d'arriver à la constitution d'équipes de professionnels performants et en nombre suffisant. Il convient par ailleurs de favoriser la mutualisation des structures de valorisation publiques, afin de rassembler l'ensemble des professionnels concernés, atteindre une masse critique suffisante, simplifier le dispositif actuel en garantissant une meilleure « visibilité » aux différents interlocuteurs.

L'exemple de l'INSERM est significatif. Sur environ 5 000 personnes y travaillant, moins de 1 % en fonction sont chargés de la valorisation (20) et du transfert de technologie (25). C'est nettement insuffisant.

Un système d'aide à la défense des brevets (ou au contraire de soutien aux actions contentieuses contre les abus liés à l'exploitation de brevets) devrait être mis en place.

Le Parlement français doit se saisir de la question de la valorisation qui se trouve au cœur du principe de « transfert technologique », lequel constitue l'une des faiblesses du système français d'innovation dans le domaine des biotechnologies.

Proposition 27 :

Parallèlement à cette réflexion, une réévaluation des dispositions de la loi de 1999 sur la participation des chercheurs dans des sociétés de biotechnologie, comme des règles d'intéressement pourrait être envisagé, précisant la partie des dividendes perçus par les universités, les établissements de recherche, les incubateurs ou pépinières, les financiers engagés dans les premiers travaux menés pour vérifier la preuve du concept.

8 - OFFRIR AUX CHERCHEURS SOUHAITANT ACQUERIR DES COMPETENCES ENTREPRENEURIALES DES FORMATIONS ADAPTEES

L'une des propositions du rapport britannique « Bioscience 2015 » porte sur la préservation et le renforcement des emplois scientifiques de haut niveau et des talents « manageriaux » ; il souligne l'impérieuse nécessité de développer la multidisciplinarité.

Les auditions organisées révèlent que des progrès sont encore nécessaires pour former des « managers » qualifiés à la fois dans le domaine des « affaires » et des sciences. Dans certains pays visités, comme le Japon par exemple, de telles formations ont été mises en place. Un certain nombre de responsables de groupes industriels ont aussi regretté l'insuffisante connaissance par les chercheurs du secteur public des procédures d'homologation et des processus de développement des produits, notamment dans le domaine de la pharmacie. Des critiques ont aussi été parfois formulées à l'encontre de dirigeants de sociétés de biotechnologies issus de la recherche publique ou même de certaines structures d'évaluation de projets innovants. Les conditions de gestion des licences ne semblent pas non plus optimales, ce qui suscite des reproches, d'organismes de recherche, de sociétés de biotechnologies ou de groupes industriels.

Il est temps de se préoccuper de cette question, en recensant tout d'abord ce qui existe déjà et en renforçant au besoin le dispositif actuel.

Proposition 28 :

Votre rapporteur propose de mettre en place une formation managériale, permettant d'acquérir des compétences de gestion, de management et de marketing, associant des connaissances théoriques et un savoir-faire pratique, et délivrée par des agents publics (universitaires, agents des administrations et des agences, notamment) et par des professionnels du secteur privé (industriels, gestionnaires, financiers, consultants, avocats, par exemple), avec un regard sur les dispositifs étrangers les plus performants. La mise en place de formations associant technologies, gestion et marketing, design et communication, comme le propose la nouvelle formation ARTEM234 à Nancy, doit être encouragée.

Proposition 29 :

Il convient également d'inciter tout étudiant à effectuer un stage de 4 mois en entreprise, avant la délivrance d'un diplôme de Master ou de Docteur.

9 - SOUTENIR DAVANTAGE LA CREATION ET LE DEVELOPPEMENT DE NOS SOCIETES DE BIOTECHNOLOGIES

La création et le développement d'une société de biotechnologies, notamment lorsqu'elle développe un médicament, exige des financements importants. Sur 10 000 molécules potentielles, une seule franchira les différentes étapes pré-cliniques et cliniques. C'est donc tout au long de la chaîne, de l'idée à la mise en place du médicament, qu'il faut, par des financements adaptés, soutenir les recherches.

Un maillon faible suffit à bloquer l'ensemble du système. Toute solution de continuité freine l'innovation. Votre rapporteur propose donc des modifications s'appuyant sur l'existant, notamment la « loi Allègre » de 1999, et recommande de faciliter le financement public des premières étapes de l'innovation qui vont de la preuve du concept au produit. C'est la véritable signification d'un partenariat public-privé. On ne peut pas à la fois demander des créations d'emplois et ne pas mettre en œuvre un système efficace apte à les favoriser.

La sensibilisation à la création d'entreprise est la première étape.

La démonstration de la preuve du concept est l'étape suivante. Le soutien à cette étape est quasi inexistant en France. Pour passer du brevet au candidat médicament, il faut prouver, dans un stade pré-clinique, que ce produit peut être bénéfique, ce qui permettra d'entrer en phase I.

Cette étape pourrait certes être menée dans de grosses sociétés pharmaceutiques ; l'expérience nous montre qu'elles restaient hésitantes ou avaient délocalisé leurs centres de recherche principalement vers les Etats-Unis. Il faut donc être pragmatique et soutenir la valorisation de la recherche menée dans les laboratoires publics.

Proposition 30 :

Il faut que les pouvoirs publics soutiennent la preuve du concept de 150 dossiers par an pour les sciences de la vie dans les incubateurs, les pépinières ou des instituts d'innovation thérapeutique qui, sur le modèle de celui qui vient d'être créé avec le soutien du CNRS et de l'INSERM et a précisément pour but de cibler les candidats-médicaments, pour passer de 150 brevets à vocation thérapeutique à 10 projets qui entreront en phase clinique, permettant ensuite de parvenir au médicament susceptible d'être commercialisé au niveau mondial. La dotation annuelle allouée à ce programme doit être de 100 millions d'euros. Ce financement de la preuve du concept pourrait être géré par la nouvelle structure associant l'ANVAR et la BDPME, en utilisant le système d'avances remboursables en cas de succès de l'entreprise.

La création de l'entreprise innovante est l'étape suivante. Le développement est conditionné par l'accès aux capitaux d'amorçage et au capital risque.

Les bilans établis par le ministère de la Recherche sur les mesures de soutien à l'innovation montrent que le secteur des biotechnologies a fait preuve d'un certain dynamisme, notamment en ce qui concerne les créations d'entreprises innovantes, mais que peu de sociétés ont atteint une taille critique suffisante.

Proposition 31 :

Votre rapporteur suggère que la création d'entreprises biotechnologiques soit facilitée par un abondement des prix octroyés lors du concours de la jeune entreprise innovante. Il propose notamment que les dossiers évalués positivement par l'ANVAR puissent être co-financés par l'Etat et les régions où s'installeraient les entreprises. La région Lorraine vient de mettre en place, dans le budget 2005, un dispositif venant abonder les dotations d'Etat. Les mesures générales destinées à favoriser l'innovation sont essentielles.

Proposition 32 :

Votre rapporteur propose la création d'un programme de soutien à l'innovation des petites entreprises (SIPE), grâce à la mise en place d'un dispositif d'aides directes à la création d'entreprise. Les plafonds pourraient atteindre des montants de 100 000 € en émergence et de 500 000 € pour la création qui seraient accordés sur trois ans. Les lauréats seraient évalués conjointement par des scientifiques et des experts industriels ou commerciaux, couvrant tous les domaines d'application des biotechnologies (santé, mais aussi agriculture et alimentation, environnement, sécurité) et permettant de sélectionner les projets de telle sorte qu'un équilibre puisse être trouvé entre ceux à haut risque et ceux, moins risqués, mais à fort potentiel commercial, sans exclure les services liés notamment aux activités de recherche.

Ce dispositif s'inspire du dispositif fédéral mis en place aux Etats-Unis. Il devrait être validé par la Commission Européenne. Les auditions organisées ont révélé que si le dispositif français donne généralement satisfaction, il reste insuffisant, notamment en ce qui concerne le pré-amorçage, et doit être amélioré. Les questions qui restent en suspens concernent le type de contreparties pouvant être exigées et la prise en compte d'un critère territorial.

Proposition 33 :

Mettre en place des mécanismes incitatifs favorisant l'établissement de relations entre les petites entreprises et les organismes de recherche académique. Les systèmes du « Small Business Technology Transfer Programm » aux Etats-Unis reposent ainsi sur le principe d'une affectation d'un pourcentage du montant des dépenses externalisées de R&D des agences fédérales vers les petites entreprises. L'attribution de moyens supplémentaires à la recherche publique, évoquée précédemment, doit ainsi inciter à la commande publique vers les petites sociétés de biotechnologies. Des appels d'offres pour la fabrication de molécules ou de vaccins de recherche, de bactéries dégradant les hydrocarbures par exemple, devraient permettre de soutenir les PME par la commande publique. Il faut aussi favoriser la valorisation, par les sociétés de biotechnologies, des résultats de la recherche académique, sans se limiter à la seule création de sociétés par des chercheurs des organismes concernés.

Proposition 34 :

Mettre en place des mécanismes incitatifs favorisant l'établissement de relations avec les groupes industriels implantés sur le territoire français. S'il est difficile d'orienter les stratégies de recherche des groupes industriels, il est possible de concevoir un instrument d'incitation fiscale leur permettant de nouer des relations avec des sociétés de biotechnologies dans des secteurs ou pour des activités de recherche qu'ils délaissent ou qu'ils n'entendent pas prendre en charge directement.

Proposition 35 :

Introduire dans les mécanismes fiscaux tendant à favoriser le financement privé du capital risque dans les sociétés innovantes, des incitations plus fortes lorsqu'une partie de ce financement est orientée vers des activités de recherche finalisée à haut risque.

Proposition 36 :

Améliorer le financement de l'amorçage et du développement en étudiant la possibilité d'instituer « un système d'impôt choisi » en faveur de sociétés de biotechnologie labellisées. Compte tenu du caractère très novateur d'un dispositif de ce type, des difficultés financières rencontrées par les sociétés de biotechnologie implantées sur le territoire français, des premiers domaines d'application des biotechnologies qui ont un caractère d'intérêt général et sont très encadrés réglementairement, et de l'existence de mécanismes fiscaux (FCPI et FCPR en particulier) destinés à favoriser leur financement sur une base mutualisée, il est proposé de mettre en œuvre à titre expérimental cette mesure pour favoriser le développement de sociétés de biotechnologies préalablement labellisées par un organisme indépendant, comme l'ANVAR afin d'éviter un éclatement des financements vers des projets mal évalués.

L'impôt choisi sera, bien sûr, plafonné, mais il devrait permettre de diriger des flux financiers importants vers les petites entreprises, dans les domaines de la santé, de l'environnement, de la sécurité alimentaire...

Lors de l'audition publique, plusieurs participants ont souligné la nécessité de disposer d'un marché boursier européen.

L'idée n'est pas nouvelle. Ainsi dans son rapport remis en 1997 au Ministre de la Recherche M. Pierre CHABBAL, du Conseil Général des Mines, observait que l'absence en Europe d'un marché de type NASDAQ, constituait « le handicap majeur de notre système européen de financement de l'innovation ».

La constitution d'un marché de valeurs spécialisé « paneuropéen » est absolument nécessaire pour fournir des capitaux suffisamment abondants au développement des sociétés innovantes, pour offrir aux « capitaliseurs » une sortie « vers le haut » et soutenir les investissements dans les PME innovantes.

Diverses initiatives ont depuis été prises mais elles n'ont pas donné les résultats attendus. Le retard de l'Europe dans les biotechnologies, et de la France plus particulièrement, mesuré en termes de nombre de sociétés, de taille de ces sociétés et de potentiel de développement, résulte en grande partie de l'éclatement et du cloisonnement des marchés boursiers européens. Les européens, dans ce domaine aussi, ont plus de vingt-cinq ans de retard par rapport aux Etats-Unis qui bénéficient désormais d'un réseau efficace soutenant le développement du capital-risque et des PME innovantes.

Proposition 37 :

Il faut aujourd'hui que s'affirme une volonté politique suffisamment forte pour mobiliser les différents acteurs et susciter des démarches convergentes vers la fédération des différents marchés qui permettrait de dépasser les réglementations et les traditions différentes des Etats européens.

10 - CRÉER UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE AU MAINTIEN SUR LE TERRITOIRE NATIONAL ET À L'IMPLANTATION DE CENTRES DE RECHERCHE ET DE PRODUCTION DE GROUPES INDUSTRIELS

Votre rapporteur propose de trouver des solutions efficaces pour faciliter un partenariat gagnant/gagnant entre les secteurs publics et privés.

Si nous essayons de répertorier les différents facteurs de localisation/délocalisation qui ont été évoqués lors des différentes auditions organisées en France et à l'étranger, la liste se résume principalement aux questions suivantes :

- charges de personnel (ne constituant pas un élément déterminant dans le secteur pharmaceutique),

- mobilité et flexibilité du personnel,

- compétence du personnel,

- fiscalité,

- réglementation sectorielle et contrôles,

- lieu d'implantation des instances d'homologation,

- conditions dans lesquelles les « essais » peuvent être effectués,

- système de recherche (financement, compétences, souplesse des transferts),

- marchés financiers et commerciaux et prix,

- politiques publiques, nationales ou locales.

Dans le domaine des biotechnologies, les stratégies de localisation ou de délocalisation sont plus difficiles à analyser que celles du secteur textile par exemple. Il s'agit d'opérations qui s'effectuent essentiellement d'un pays à un autre de niveaux de développement très voisins.

Les délocalisations des centres de recherche des groupes industriels vont à l'encontre des objectifs de Lisbonne en diminuant l'effort privé de recherche. A l'inverse, la localisation de telles activités sur le territoire national contribue à la réalisation de ces objectifs.

Mais le facteur d'attractivité le plus fort est sans conteste le soutien de la puissance publique à la recherche amont. La stratégie de « débordement financier » réalisé par le NIH est des plus efficaces. L'argent public attire les centres de recherche privés et le résultat est au rendez-vous. Il y a six fois plus d'emplois créés dans les biotechnologies aux Etats- Unis qu'en Europe. La recherche se fait là où l'entreprise a son siège social. Dans les domaines d'application des biotechnologies, un aménagement du crédit d'impôt recherche n'est pas suffisant, il faut mettre en place de véritables politiques industrielles adaptées à chaque secteur, arrivant à concilier, dans des domaines fortement concurrentiels, l'objectif d'une consolidation des sociétés « françaises » et celui d'un renforcement de l'attractivité de la France.

Dans le domaine de la pharmacie, le Royaume-Uni est parvenu à définir une stratégie de ce type.

Quelques mesures concrètes devraient donc être prises.

Proposition 38 :

Le crédit d'impôt recherche doit être modifié pour faciliter le recrutement des jeunes docteurs. Toute grande entreprise bénéficiant du crédit d'impôt recherche devrait justifier du recrutement d'un pourcentage de docteurs dans les années précédentes.

Proposition 39 :

Créer un fonds de partenariat public/privé de 150 millions d'euros avec une contribution des industriels pour soutenir les projets de recherche mixte. Votre rapporteur est favorable à une baisse de la fiscalité spécifique pour les entreprises du médicament qui s'engageraient dans ces partenariats ou qui soutiendraient la création de sociétés de biotechnologies ainsi qu'à l'abondement du crédit impôt recherche du montant des collaborations avec les « jeunes pousses ».

Proposition 40 :

Favoriser la mise en place, dans les régions où émerge un pôle reconnu de sciences de la vie, la création de grandes plateformes technologiques de type Génopole où la protéomique, la génomique fonctionnelle, la bioinformatique, les biomatériaux, le criblage rapide des molécules, la glucomique seraient développés avec les techniques les plus récentes. Ce programme de grandes plateformes devrait être doté d'un fonds de 150 millions d'euros.

11 - DONNER UNE IMPULSION NOUVELLE AUX ESSAIS CLINIQUES EN FRANCE

Les « big-pharma » étrangères n'investissent pas en France en R&D parce que la régulation des prix leur parait imprévisible et qu'en matière d'essais cliniques la compétitivité de la France s'amenuise. Les dépenses relatives aux essais cliniques représentent un milliard d'euros. Alors que nous avions deux atouts majeurs, notre système d'assurance-maladie et notre facilité d'accès aux soins d'une part, des centres de ressources biologiques très performants d'autre part, la dérive vers des procédures administratives de plus en plus lourdes, le recrutement lent et la difficulté d'accès aux patients, la mauvaise pratique de la langue anglaise des médecins font qu'aujourd'hui les grandes sociétés pharmaceutiques internationales s'adressent aux pays d'Europe de l'Est pour les essais cliniques. Le système handicape d'ailleurs de plus en plus les petites sociétés qui se créent et qui n'ont pas les moyens financiers de répondre à ces lourdes exigences. La réglementation empêche l'innovation. Le « théorème du parapluie » joue à plein. On ne prend plus de risques, même pour des maladies dangereuses comme pour les infections nosocomiales, pour lesquelles le pire est pourtant de ne rien faire.

Proposition 41 :

Ne pas accroître le délai d'autorisation de démarrage des essais cliniques, réduire la complexité administrative, simplifier la réglementation européenne.

Proposition 42 :

Utiliser les bases de données de la CNAM dans le respect de la loi informatique et libertés pour mieux comprendre l'efficacité des médicaments et les corrélations entre les effets secondaires et la prise de certaines molécules.

La question de l'habilitation des biogénériques pose un problème inédit. Des molécules comme l'insuline ou l'érythropoiétine (EPO) ne sont plus aujourd'hui protégées par des brevets mais chacun s'accorde à reconnaître que le savoir-faire biotechnologique peut différer suivant les méthodes de préparation de la molécule. Alors que les procédés de synthèse chimique sont reproductibles, il est difficile de garantir qu'une molécule de haut poids moléculaire présente exactement les mêmes propriétés. Sans redemander des essais cliniques longs et coûteux, un mécanisme spécifique de contrôle qualité et de vigilance s'impose.

Alors, que des débats ont lieu au Parlement européen et dans divers Etats, en particulier aux Etats-Unis, mais aussi en Suisse, sur les conditions d'autorisation sur le marché des biogénériques, alors aussi que les génériques constituent un véritable enjeu pour les groupes industriels pharmaceutiques - sociétés titulaires de brevets de produits biotechnologiques, comme « groupes suiveurs » dans ce domaine - mais également pour les gestionnaires des systèmes de santé, on ne peut qu'être surpris par le retard de la France dans la réflexion menée sur ce point ou par l'opacité du processus de décision.

La question des biogénériques est complexe. Elle fait intervenir des considérations commerciales, notamment en ce qui concerne la possibilité d'utiliser certaines données, scientifiques, avec le principe de « bioéquivalence » et juridiques, liées à la définition des produits biotechnologiques et la portée des brevets déposés.

Proposition 43 :

Il est recommandé de créer un groupe de travail sur les biogénériques, associant les administrations concernées, y compris les organismes d'assurance maladie, les groupes industriels, et des scientifiques pour définir dans la transparence une position française sur cette question dont les enjeux sont à la fois économiques et sanitaires.

12 - AGIR DANS LE CADRE EUROPÉEN, POUR L'AFFERMIR ET RENFORCER LA POSITION FRANÇAISE

La définition d'une stratégie européenne en faveur des sciences du vivant et des biotechnologies ne constitue nullement un argument justifiant que l'Etat n'en élabore pas, bien au contraire. Plusieurs pays européens, en particulier l'Allemagne et le Royaume-Uni, ont mis au point des stratégies nationales ; on peut bien entendu contester la pertinence des moyens utilisés, on ne peut toutefois manquer d'observer qu'elles ont produit des effets certains, l'Allemagne ayant rattrapé son retard par rapport à la France et le Royaume-Uni ayant augmenté son avance. De manière plus fondamentale, l'élaboration d'une stratégie nationale permet de peser sur les orientations européennes en amont et de se fixer un « ordre de marche » cohérent au niveau européen ; inversement, l'existence d'une stratégie nationale permet de mieux mesurer les conséquences des réglementations adoptées au niveau européen et de s'y adapter pratiquement « en temps réel ». L'absence de stratégie nationale explique les multiples balbutiements qui ont jalonné le processus de transposition des directives européennes.

Toutes les initiatives susceptibles de renforcer l'action de l'Union européenne doivent être soutenues par le gouvernement. Les principales propositions de votre rapporteur en matière de politique européenne sont les suivantes :

Proposition 44 :

Il convient de tripler les financements du 7ème PCRDT si l'Europe veut d'une part contrôler les technologies clés, et d'autre part développer la recherche dans les pays entrants. La part insignifiante du financement de la recherche au sein de l'Union européenne (5 % des crédits octroyés par les Etats membres) ne permet pas de développer une politique ambitieuse d'innovation. Le 6ème programme cadre de recherche et de développement technologique (PCRDT) a seulement consacré 3,5 milliards d'euros par an au financement des programmes européens.

Proposition 45 :

Augmenter l'enveloppe consacrée aux sciences du vivant et aux biotechnologies, et particulièrement à la biologie végétale.

Proposition 46 :

Votre rapporteur suggère depuis plusieurs années de sortir les dépenses publiques de R&D des critères du pacte de stabilité et de croissance.

Proposition 47 :

Votre rapporteur est favorable à l'institution d'un impôt européen permettant de financer le 7ème PCRDT et à plus long terme la totalité des dépenses de recherche de l'Union.

Plusieurs autres mesures doivent s'imposer au niveau européen :

Proposition 48 :

Il faut se préoccuper de l'insuffisance des capitaux, de la fragmentation des marchés européens des valeurs mobilières, organiser un relais entre le capital risque et les entrées en bourse au niveau européen.

Proposition 49 :

Faire évoluer le statut de la jeune entreprise innovante en modifiant l'encadrement communautaire des aides à l'innovation et à la recherche développement, en prévoyant une harmonisation des exonérations sociales et fiscales, des dérogations aux règles de minimis.

Dans le domaine de la recherche en biotechnologies, la recherche est internationale. Aussi, peut-on se demander si l'application stricte des règles visant à réguler la concurrence au sein de l'Union européenne n'affaiblit pas les entreprises innovantes qui y sont implantées et si le régime est suffisamment attractif vis-à-vis des entreprises innovantes désirant s'installer en Europe.

L'Europe n'a pas suffisamment pris en compte la nécessité de défendre sa législation spécifique en matière de propriété intellectuelle. La convention UPOV sur le certificat d'obtention végétale existe toujours mais ce dispositif risque d'être menacé par les nouvelles règles de brevetabilité des inventions biotechnologiques.

Proposition 50 :

Demander la renégociation immédiate de la directive de 1998 sur la protection des inventions biotechnologiques.

13 - ENGAGER DE GRANDS PROGRAMMES DANS LE DOMAINE DES BIOTECHNOLOGIES

Comme nous l'avons indiqué, il est devenu commun de distinguer, lorsqu'on évoque les biotechnologies, les biotechnologies « rouges », « vertes », « blanches » et même les biotechnologies « bleues », en dépit des imperfections d'une telle classification. On pourrait même lancé le concept de biotechnologies « bleu-blanc-rouge », s'agissant des biotechnologies mises en œuvre pour lutter contre les menaces bioterroristes.

On s'est jusqu'à maintenant beaucoup intéressé aux biotechnologies appliquées au domaine de la santé humaine (les « rouges ») et au domaine agricole (les « vertes »), même si les moyens accordés à ces domaines de recherche n'ont pas été à la mesure des enjeux.

Pour préparer l'avenir, votre rapporteur propose de :

Proposition 51 :

Soutenir la recherche dans le domaine des biotechnologies bleues. Au cours de la préparation du présent rapport cette question a été, il convient de le reconnaître, peu étudiée. Mais lors de son déplacement aux Etats-Unis, votre rapporteur a pu prendre la mesure des enjeux que recèle l'exploitation du monde biologique marin. Il convient donc de ne pas sous-estimer ces possibilités, surtout que nous disposons d'organismes de recherche performants dans ce domaine.

Proposition 52

Favoriser le développement des écotechnologies, en mettant en place plusieurs programmes nationaux prioritaires de recherche et de développement technologique, afin de soutenir l'innovation et le transfert technologique dans le domaine des « biotechnologies blanches ». Un tel soutien pourrait s'appuyer sur le prochain septième PCRDT qui devrait comporter un volet consacré à cette thématique et des collaborations avec d'autres pays européens pourraient être avantageusement recherchées.

Ces programmes technologiques dotés de 50 millions d'euros par an et par programme seraient consacrés notamment aux questions de fourniture d'énergie à partir de la biomasse, à la recherche de matériaux à propriétés nouvelles, ou biodégradables à partir des plantes, à la filière hydrogène et à la pile à combustible, aux puits de carbone et à la transformation biologique du CO2 en carbone.

Dans le domaine de la santé, il faudrait :

Proposition 53 :

Engager une concertation approfondie avec l'Union européenne pour permettre le développement des traitements des maladies négligées et peu rentables pour l'industrie pharmaceutique : maladies nosocomiales, maladies orphelines, mais aussi maladies tropicales.

Proposition 54 :

Votre rapporteur propose notamment d'engager en France un grand programme sur la traçabilité des produits qui devrait permettre de répondre à beaucoup de questions qui se posent dans le secteur de la pharmacie, de l'agroalimentaire ou de l'environnement.

Proposition 55 :

S'agissant des recherches engagées pour lutter contre le bioterrorisme, il est suggéré que, pour les activités de la DGSE, des parlementaires membres de l'OPECST et des Commissions de la Défense du Parlement soient agréés à recevoir des informations classées « confidentiel défense » afin de pouvoir contrôler le système de riposte à ce type de menaces.

Des grands programmes technologiques prioritaires devraient bien sûr englober les questions non résolues en matière de santé (cancer, sida, paludisme, maladies neuro-dégénératives) ainsi que l'amélioration des pratiques agricoles ou de sécurité alimentaire.

Le baron Haussmann avait à la fin du XIXème siècle engagé un programme de grands travaux, ce sont de grands travaux technologiques que nous devons aujourd'hui proposer au niveau européen pour le XXIème siècle.

14 - MIEUX ORGANISER LE SYSTEME D'EVALUATION DES BENEFICES ET DES RISQUES DANS LE DOMAINE DE LA BIOLOGIE VÉGÉTALE

Votre rapporteur résume ici les différentes propositions qu'il a formulées dans la partie de son rapport consacrée aux OGM dans l'agriculture et dont certaines d'entre elles dépassent le cadre de cette seule problématique, puisque certains dispositifs traitent des OGM susceptibles d'être utilisés dans différents secteurs d'application, comme celui de la santé, et dans la mesure où la gestion de certains risques, comme les risques allergiques et toxiques, prend en compte différentes sources potentielles, sans se limiter aux seuls OGM.

Dans le domaine de la gestion des risques sanitaires potentiels, les propositions suivantes ont été émises :

Proposition 56 :

Créer en France, sous l'égide de l'AFSSA, un centre d'allergovigilance comprenant une sérothèque de référence qui existe déjà au CHU de Nancy.

Proposition 57 :

Réformer en France le dispositif d'évaluation des risques toxiques des OGM en élargissant les compétences de l'AFSSA à la dissémination volontaire des OGM et en proposant le regroupement, dans une même instance, de l'AFSSA et de la commission des toxiques.

Proposition 58 :

Soutenir les recherches sur la précision d'insertion d'un transgène et sur les interactions entre l'insertion d'un gène et l'expression du génome des plantes pour étudier en particulier l'activation des gènes dormants.

Proposition 59 :

Les questions d' « assurabilité » et de responsabilité juridique du « risque de pollution génique » devraient faire l'objet d'un examen attentif, en excluant le principe d'une responsabilité sans faute pour les produits autorisés.

La gestion du risque économique lié aux contaminations fortuites, doit conduire à être extrêmement vigilant sur les répercussions économiques de la fixation de seuils trop bas qui, de fait, feraient obstacle à la mise en œuvre du principe de coexistence des filières et qui aurait mécaniquement un effet sur le coût des productions agricoles.

Proposition 60 :

Le même seuil devrait être appliqué pour toutes les contaminations fortuites sur les produits autorisés, que ce soit pour l'étiquetage des produits ayant reçu l'autorisation de mise sur le marché, les produits alimentaires importés, les autorisations de disséminations volontaires, ou les contaminations fortuites de l'agriculture biologique. Les denrées et aliments pour le bétail doivent être étiquetés dans les mêmes conditions mais il n'est pas souhaitable que la viande ou les œufs issus de ces animaux soient étiquetés. La réglementation sur l'étiquetage des substances extraites de plantes génétiquement modifiées et pour lesquelles aucune présence d'ADN n'est détectée devrait être revue par la nouvelle Commission européenne.

Proposition 61 :

Votre rapporteur souhaite que le cahier des charges européen sur l'agriculture biologique soit également revu et qu'il fixe les taux de présence fortuite d'OGM dans les produits issus de l'agriculture biologique. Celle-ci doit aussi être soumise à des obligations de résultat en matière de taux résiduels de pesticides, d'herbicides, d'insecticides, et surtout de mycotoxines. Il lui apparaît en effet paradoxal que la seule obligation de résultat exigée concerne les produits transgéniques.

Pour les essais, et plus particulièrement les essais en plein champ, votre rapporteur souhaite :

Proposition 62 :

Réaffirmer le principe d'une analyse au cas par cas des dossiers de disséminations volontaires et d'autorisations de mise sur le marché des plantes génétiquement modifiées. Il suggère de procéder à la fusion, au sein d'une même commission, de la commission du génie génétique, de la commission du génie biomoléculaire et du comité de biovigilance, pour assurer un suivi tout au long de la chaîne (confinement, expérimentation en plein champ, suivi après les essais). Les autorisations des essais devraient reposer sur une expertise pluridisciplinaire, collégiale, transparente et indépendante, prenant en compte les bénéfices attendus et les risques potentiels. La nouvelle commission comporterait deux sections, l'une technique, se fondant sur les connaissances scientifiques en génétique et biologie moléculaire, mais aussi en botanique, biologie des populations, physiologie et écologie, l'autre, socio-économique, qui aurait pour rôle d'évaluer l'intérêt de ces technologies pour la société mais ne procèderait pas à un examen au cas par cas des autorisations. Les avis de cette commission seraient publiés. L'expérimentation aux champs serait autorisée sous le triple principe de précaution, de parcimonie et de transparence. Il pourrait être envisagé d'étendre les compétences de cette commission à l'examen de la localisation des sites.

15 - ASSURER AU NIVEAU PARLEMENTAIRE UN SUIVI DE LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE DANS LE SECTEUR DES SCIENCES DE LA VIE ET DES BIOTECHNOLOGIES

La politique conduite dans le domaine des sciences de la vie et des biotechnologies a manqué cruellement de continuité.

Diverses propositions précédemment exposées visent à doter l'Etat des moyens nécessaires pour mieux apprécier les effets des mesures qu'il prend dans ce domaine (élaboration d'une stratégie et programmes de recherche, mise en place d'outils statistiques, présence dans l'administration d'agents ayant suivi des cursus scientifiques ou médicaux au sein des organes placés « au sommet de l'Etat », réalisation d'études d'impact lors de la transposition de textes européens).

Mais il convient aussi de s'assurer que le Parlement dispose des instruments de contrôle et d'évaluation nécessaires à l'exécution de ses missions, notamment lors du vote du budget, afin qu'il puisse mieux orienter l'action du gouvernement.

Proposition 63 :

Il est donc proposé que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques élabore annuellement, dans le cadre de l'examen par le Parlement de la loi de finances initiale, un avis sur les crédits destinés à soutenir la recherche dans les sciences de la vie et l'innovation dans le secteur des biotechnologies.

Examen du rapport par l'Office

L'Office a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Yves Le Déaut, député, sur « la place des biotechnologies en France et en Europe » lors de sa réunion du 26 janvier 2005.

M. Jean-Yves Le Déaut a indiqué qu'après seize mois d'étude au cours desquels environ 140 auditions ont été organisées, il était parvenu au constat du retard de la France et de l'Europe dans le domaine des biotechnologies et des sciences de la vie.

Alors que les biotechnologies constituent une technologie clé, la France et l'Europe ont « décroché », tant pour la recherche que pour l'innovation, et ce, en dépit de ses atouts, notamment en ce qui concerne la formation.

La perte de compétitivité de l'industrie pharmaceutique française et européenne est perceptible. Le secteur de l'agroalimentaire subit une perte de crédibilité à cause de l'épineux dossier sur les OGM. Les positions ont été hésitantes sur des sujets difficiles et actuellement, alors que 80 millions d'hectares d'OGM sont cultivés dans le monde, le paysage européen est presque inexistant et les expérimentations y sont même contestées. Les biotechnologies restent par ailleurs peu utilisées dans l'environnement et dans de nouveaux secteurs, alors que, dans le cadre du 7ème PCRDT, une impulsion est attendue pour favoriser l'utilisation de la biomasse, la mise au point de matériaux nouveaux à partir de végétaux et de nouveaux outils de dépollution de l'air, du sol et de l'eau.

Mais si la situation est sérieuse, elle n'est pas irrémédiable. Si l'on s'en donne les moyens, on peut la redresser. Sinon, une « facture recherche » s'ajoutera à la « facture pétrolière » et la France et l'Europe devront acheter les brevets, les nouveaux médicaments et les nouvelles technologies. L'économie du XXIème siècle sera en effet une économie de la matière grise. Les rapports récents de MM. Lionel Fontagne et Hervé Lorenzi sur la désindustrialisation, de M. Jean-Paul Betbèze sur le financement de la R&D, de M. Jean-Louis Beffa sur la politique industrielle convergent sur ce point et abordent la question des biotechnologies.

La dimension stratégique des sciences de la vie et des biotechnologies doit être rapidement reconnue. A la différence de nombreux Etats, la France ne semble pas avoir pris conscience des enjeux d'un développement des connaissances et d'un soutien à l'innovation dans ce domaine, et a privilégié une démarche excessivement défensive sans se doter de moyens d'action adaptés à un secteur aussi « foisonnant ».

Il faut prendre en compte le continuum reliant la formation, la recherche et l'innovation ; les biotechnologies en sont le résultat et si un « chaînon » est manquant, les politiques resteront inefficaces.

Les biotechnologies ont vocation à être utilisées dans de nombreux secteurs et une même technologie peut avoir une application multisectorielle. Ainsi la biotechnologie végétale peut s'appliquer non seulement dans les domaines agricoles et alimentaires, mais aussi dans le domaine médical ou dans d'autres domaines industriels, pour la production de textiles ou de produits biodégradables. Les biotechnologies reposent aussi sur une série de disciplines, comme la physique, les mathématiques, la biologie et la chimie.

Les bénéfices pouvant en résulter sont très variés, tant dans le domaine de la santé, que dans ceux de l'alimentation, de l'environnement et de la sécurité, notamment pour lutter contre le bioterrorisme. Les biotechnologies se sont largement diffusées, notamment dans le domaine de la pharmacie.

En dépit de leurs atouts, notamment scientifiques, la France et l'Europe se sont affaiblies.

Le secteur de la pharmacie est sur le point de connaître une véritable crise liée à l'arrivée d'un nombre croissant de génériques, supérieur au nombre de nouveaux produits. Il subit une double concurrence, celle des « génériqueurs », certains pays se spécialisant dans ce domaine, et celle des sociétés nouvelles spécialisées dans les biotechnologies qui sont très majoritairement américaines. La politique des investisseurs, l'augmentation des coûts de R&D et la pression exercée sur les prix conduisent les grandes sociétés pharmaceutiques à se spécialiser sur la propriété intellectuelle et la vente de médicaments, même si elles maintiennent des centres de recherche qu'elles concentrent d'ailleurs aux Etats-Unis. Leur R&D est de plus en plus sous-traitée à des sociétés de biotechnologie. Si ces sociétés ne se développent pas - et en Europe, peu de sociétés de biotechnologie ont atteint la masse critique nécessaire, sauf au Royaume-Uni - le mouvement de concentration va s'exacerber, comme on l'a observé en France. La production est également de plus en plus sous-traitée. Or, dans le domaine des biotechnologies, les procédés de production sont très lourds et exigent une spécialisation technique. Dans ce secteur également, la France compte trop peu de sociétés. Face à cette situation, il convient de réagir.

Dans le domaine agricole, la France et l'Europe sont confrontées à la lancinante question des OGM. Les polémiques et les controverses perdurent et la question n'a pas été tranchée. Le rapport des « quatre sages » avait formulé des propositions il y a deux ans, en préconisant les principes de parcimonie, de précaution et de transparence, et en demandant la poursuite des recherches. Aujourd'hui, les recherches elles-mêmes sont contestées, comme le montrent la diminution du nombre d'essais entrepris et le nombre de destructions. Les chercheurs sont de plus en plus démoralisés et les vocations s'étiolent. Sur 80 millions d'hectares de cultures OGM, l'Europe est pratiquement inexistante.

Il faut aujourd'hui prendre conscience des enjeux économiques et des contraintes pesant sur les biotechnologies et définir les voies d'un redressement nécessaire pour favoriser l'innovation dans ce domaine, en examinant plus particulièrement la question cruciale du financement et celle des relations entre les secteurs public et privé.

Le rapporteur a ensuite présenté ses quinze recommandations comportant soixante-trois propositions.

M. Pierre Laffitte, sénateur, a mis l'accent sur les différentes applications possibles des biotechnologies. Ayant souligné l'impact des réglementations, il a observé que la non- transposition de textes européens et le maintien de textes nationaux spécifiques entraînaient des délocalisations, comme ce fut récemment le cas d'une usine de fabrication de nutriments qui s'est installée en Italie. C'est ainsi qu'une législation française établie sous le régime de Vichy, contraignante en matière d'herboristerie, limite le développement du secteur de la parapharmacie en France.

M. Louis Guédon, député, a précisé que ladite législation avait, pour des raisons de santé publique, confié aux seuls pharmaciens compétence pour commercialiser certaines substances, en exigeant un diplôme apportant toutes les garanties nécessaires.

M. Pierre Laffitte, sénateur, a considéré qu'un excès de protection n'était pas justifié dans tous les cas et que les formations devaient s'adapter au développement de la phytopharmacie. Il a souligné les potentialités des biotechnologies dans le domaine de l'environnement, notamment pour remplacer les matières plastiques et développer une industrie utilisant les produits végétaux, sachant que la France dispose de compétences dans ce domaine. Il a aussi souligné l'importance des structures de capital risque.

M. Christian Kert, député, a demandé au rapporteur une clarification rédactionnelle de ses conclusions relatives à la technologie des OGM.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, rapporteur, a répondu que la technologie de la transgénèse n'était effectivement ni bonne, ni mauvaise ; elle peut être utilisée pour le meilleur comme pour le pire. Il en va de même d'autres techniques, comme dans le domaine de la physique. Les OGM sont issus d'une même technique, mais il en existe une multitude. Certains sont utilisés dans divers secteurs, comme celui de la santé où cela ne soulève par de problèmes. Dans l'agroalimentaire, renoncer à toute utilisation de cette technologie serait une erreur et les recherches, notamment les expérimentations en plein champ, doivent se poursuivre. Il ne s'agit pas non plus de substituer cette technique aux autres. Il convient aussi de considérer ses bénéfices potentiels, en prenant en compte les besoins des pays du Sud, tant dans le domaine alimentaire, avec par exemple le riz doré, que dans celui des énergies renouvelables.

M. Claude Saunier, sénateur, a observé que le présent rapport, en développant des arguments sur les enjeux économiques, était bien venu. Mais s'il convient d'alerter l'opinion publique sur certaines évolutions négatives, il faut aussi reconnaître les atouts de la France qui existent, comme l'INRA par exemple, et dire qu'il n'est pas encore trop tard, que la France peut trouver sa place dans cet enjeu. Les OGM constituent certes un élément important mais il ne s'agit que d'un élément parmi d'autres. Dans ce domaine, les connaissances restent encore incertaines, comme le montre l'exemple du riz doré qui a suscité diverses controverses.

Par ailleurs, M. Claude Saunier a suggéré que l'Office dresse un bilan de l'application des recommandations qu'il a formulées depuis deux ou trois ans, afin de contribuer aux réflexions conduites par le Parlement dans le cadre de la future loi de programmation et d'orientation de la recherche.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, rapporteur, a souligné que s'agissant des OGM dans l'agriculture, il avait souhaité poursuivre l'étude qu'il avait engagée en 1998 et essayé de faire un bilan. Toutefois ce n'est pas l'objet essentiel du rapport : sur soixante-trois propositions, seules sept leur sont consacrées. En ce qui concerne le riz doré, l'AFSSA a analysé l'ensemble des publications traitant de cette question, ce qui conduit à relativiser les critiques qui avaient été émises.

M. Jean-Claude Etienne, sénateur, a relevé que l'approche retenue par le rapporteur vise à afficher la gravité de la situation, à formuler de nombreuses propositions pour tenter d'y remédier et à essayer de « purger l'hypothèque » des OGM. Il a noté que certaines propositions étaient plus faciles à mettre en œuvre que d'autres. S'agissant plus particulièrement des essais cliniques, le Directeur général de l'INSERM a lui aussi souligné, lors de l'audition publique du 2 décembre 2004, la nécessité de faire évoluer la situation qui se dégrade ; si des mesures immédiates peu compliquées existent, il faut les formuler précisément. Il faut savoir par exemple que, dans les CHU, un essai clinique mobilise des personnels qui ne peuvent plus se consacrer aux soins des malades et se heurte à diverses difficultés.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, rapporteur, a suggéré qu'une démarche soit entreprise par l'Office pour signaler certaines difficultés particulières.

Faisant droit à cette observation, M. Henri Revol, Président, et M. Claude Birraux, Premier Vice-Président, ont à leur tour suggéré diverses démarches de l'Office pour diffuser et suivre l'application des conclusions du rapport.

L'Office a adopté, à l'unanimité des présents, le rapport « sur la place des biotechnologies en France et en Europe », ainsi que l'ensemble des recommandations proposées par le rapporteur. (Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, empêchée d'assister à la réunion, avait indiqué qu'elle s'abstenait sur ce vote).

Composition du groupe de travail

Le Bureau de l'Assemblée nationale a, le 9 avril 2003, saisi l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'une étude portant sur « la place des biotechnologies en France et en Europe ».

M. Jean-Yves Le Déaut, Député de Meurthe-et-Moselle, Vice-président de l'Office, désigné Rapporteur le 6 mai 2003, a conclu à la faisabilité d'un rapport sur cette question, sur la base d'une étude adoptée le 25 juin 2003 par l'Office parlementaire.

Pour l'assister dans son travail, le Rapporteur a formé le comité de pilotage ainsi constitué :

_ M. Michel Caboche, Directeur, Laboratoire de Biologie des semences, INRA

_ M. Hervé Chneiweiss, MD PhD, Responsable de l'équipe de Neuro-oncologie moléculaire et cellulaire - INSERM U114, Collège de France

_ M. Jean-Jacques Doyen, Directeur de la R & D, Suez

_ M. François Jackow, Vice-président Recherche et Développement, Air Liquide

_ M. Bernard Pau, Directeur des Sciences de la vie, CNRS

_ M. Lionel Segard, Directeur général de la société Inserm Transfert S.A., filiale privée de l'INSERM

_ M. Charles Woler, Président directeur général de Neuro3d, membre du conseil d'administration de France Biotech

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Le rapporteur tient à remercier les membres de ce groupe de travail pour leur participation aux auditions et leurs suggestions.

Liste des personnes auditionnées

Le Rapporteur tient à remercier Messieurs les Ambassadeurs de France en Allemagne, au Japon, au Royaume-Uni, en Suisse, aux Etats-Unis, en Hongrie et auprès de l'Union européenne, Messieurs les Consuls de France à Munich, Osaka et Boston, pour la qualité de leur accueil, ainsi que leurs collaborateurs, pour le concours très efficace qu'ils ont apporté à l'organisation des missions.

Ses remerciements s'adressent également aux élus locaux des deux régions visitées, ainsi qu'à l'ensemble des personnes qui ont participé aux auditions à Paris et en province.

Missions à l'étranger effectuées par le Rapporteur :

- Allemagne (septembre/octobre 2003) :

o Berlin (29 et 30 septembre 2003) :

_ Professeur Marcel BERVEILLER, Conseiller pour la Science et la Technologie à l'Ambassade de France en Allemagne et Mme Gabrielle FRELAUT.

_ BMBF (Ministère fédéral de la foramtion et de la recherche) : M. Wolf-Michael CATHENHUSEN, Secrétaire d'Etat.

_ Max-Delbrück-Centrum (MDC) de Berlin-Buch : Professeur Detlev GANTEN, Professeur Jens REICH, Dr Christof TANNERT, Dr Günter PEINE, Dr Pavel STROHNER, Mme Christine GERNAT, Mme Anette KRAUSE, M. Ali BEN SALEM. Visite du site.

_ Institut Max Planck pour la physiologie moléculaire végétale - MPI Golm (Potsdam) : Dr Rainer HOFGEN et Dr Jens FREITAG.

_ Ministère fédéral de la Justice : M. Raimund LUTZ.

_ Schering AG : Dr Klaus BOSSLET, Directeur de la recherche oncologique, Dr Dominik MUMBERG et M. Bernard HAENDLER.

o Munich (1er octobre 2003) :

_ TVM : M. Hubert BIRNER, General Partner.

_ Office européen des brevets : M. Manuel DESANTES, Vice-Président, Mme Siobhan YEATS, M. Jean-Pierre BOUTRUCHE, M. Pierre TREICHEL, M. Jean-Christophe MARTINONI et M. Bart CLAES.

_ Ministère bavarois de l'Economie : M. Klaus JASPER, Sous-Directeur et M. Ronald MERTZ, en charge des biotechnologies.

_ Pépinière d'entreprises de biotechnologies de Martinsried : Dr Horst DOMBEY, Directeur de BioM (Munich Biotech Development). Visite du site.

- Japon (novembre 2003)

o Tokyo (17, 18, 19, 20 novembre 2003) :

_ M. Koji OMI, Député et M. Shuichi FUKUDA, Directeur du Japan International Science § Technology Center.

_ M. Michel ISRAEL, Conseiller pour la Science et la Technologie à l'Ambassade de France au Japon.

_ MEXT (Ministry of Education, Culture, Sports, Science and Technology) : M. Masayuki INOUE, Senior Deputy, Directeur Général Science and Technology Policy Bureau, M. Kasuo TODANI, Directeur, Life Sciences Division, Research Promotion Bureau, M. Fumiyasu HIRASHITA, Directeur, International Science and Technology Affairs Division.

_ METI (Ministry of Economy, Trade and Industry) : M. Keiji TAKITA, Directeur, Bio-Industry Division, M. Hiroji KATO, Deputy Director, Bio-Industry Division, M. Katsuaki NAGANO, Assistant Director, Bio-Industry Division, M. Jun MAEDA, International Coordination Division.

_ AIST (National Institute of Advanced Industrial Science and Technology) : M. Naoto KOBAYASHI, Trustee, M. Kotoku KURACHI, Director Age Dimension Research Center, M. Keizo HASHIMOTO, Deputy Director, Coordinator for International Affairs, International Affairs Department, M. Hirotaka UZAWA, Chef d'équipe (Glyco-Informatics) au Research Center of Advanced Bionics, M. Kouichi YOSHINARI, Senior Research Scientist, Cell Proliferation Research Team, Gene Function Research Center. Visite de laboratoires.

_ Japan Health Sciences Foundation : M. Soichi IKEGAYA, Director, Human Science Technology Transfer Center (HSTTC).

_ Office japonais des brevets : M. Yoshiaki AITA, Director, Examination Standards Office, M. Susumu HIKICHI, Deputy Director, Technology Research Division, M. Koji MANAKA, Deputy Director, Technology Research Division, M. Yoshiyuki TAKAYAMA, Deputy Director, Technology Research Division, M. Koji MANAKA, Deputy Director, Examination Research Office, Third Patent Examination Department.

_ Professeur Ryuichi IDA, de l'Université de Kyoto, Vice-Président du Comité d'éthique japonais, ancien Président du Comité International de Bioéthique (CIB).

_ Mitsubishi Kagaku Life Science Institute (MITILS) : M. Takao SEKIYA, Vice-Président et M. Hirokazu FUJIMOTO, Manager, Information and Public Relations Section. Visite des laboratoires.

o Chiba (18 novembre 2003) :

_ M. Michio OISHI, Directeur Général du Kazusa DNA Research Institute. Visite du Centre et des laboratoires.

o Yokohama (19 novembre 2003) :

_ Riken Yokohama Institute (RYI) : M. Sadayuki TSUCHIYA, Director, Research Promotion Division, M. Masaru TSUNODA, Manager, Research Promotion Division, M. Masami TAKAHASHI, Chief, Planning Section, Research Promotion Division. Visite des laboratoires.

o Osaka (21 novembre 2003) :

_ Professeur Ryuichi MORISHITA, Université d'Osaka, Faculté de Médecine, Fondateur d'AnGes MG Inc.

_ Préfecture d'Osaka : M. Masayuki NAKAGAWA, Director, Department of Planning and Coordination, Saito Bio Cluster Promotion Division, M. Kazuhiro NISHIMURA, Assistant Director, M. Yoichi SAITO, Senior Executive Staff, M. Kiyoji TAKESHIBA, Senior Executive Staff, New Industry Promotion Division.

o Kobe (21 novembre 2003) :

_ Ville de Kobé : M. Masami KATO, Director of Medical Industry Development Project, M. Yukio TAKENAKA, Directeur Général en charge du Medical Industry Development Project, Planning and Coordination Bureau, M. Testsuya HATTORI, Assistant Manager, Project Research Office, Planning and Coordination Bureau.

_ Riken Kobe Institute : M. Michio SEKI, Deputy Director et M. Toshio NAKAJIMA, Director, Research Promotion Division. Viste du site et de laboratoires.

- Royaume-Uni (mai 2004) :

o Londres (5 et 7 mai 2004) :

_ M. Ian YOUNG, Business Relations Manager et M. David MASINO, Senior Policy Adviser, Bioscience Unit du Département du Commercre et de l'Industrie (DTI).

_ M. Simon B CUTLER et M. Andy N CURETON, Innovation Programme Managers, du BBSRC (Biotechnology and Biological Sciences Research Council).

_ M. John BURT, Head, Medical § Life Sciences, Imperial Innovations de l'Imperial College de Londres.

_ MM. Simon CARTMELL, Directeur Général et Peter LAWES, de la société APATECH.

_ Mmes Diana GARNHAM, Chief executive, et Lee-Ann COLEMAN, Head of Policy Research, de l'AMRC (Association of Medical Research Charities).

_ Dr Philip WRIGHT, Director of Science and Technology, de l'ABPI (The Association of the British Pharmaceutical Industry).

_ Mme Valerie JOLLIFFE, de JAVELLIN VENTURES.

o Norwich (6 mai 2004) :

_ Visite du Norwich Research Park, sous la conduite de Mme Belinda CLARKE, Science Liaison Manager.

_ Entretiens avec M. Roger FENWICK, International Co-ordinator de l'IFR (Institute of Food Research), Mme Sue SOUTHON, Directrice du Bureau Recherche et Innovations et Mme Nicola STOCKMAN, Technology Licensing Manager de l'IFR Entreprises.

_ Entretiens avec le Professeur Andrew HART, de Norwich University Hospital et M. Gerald CLANCY, Business Development Officer du Centre d'Innovations de University of East Anglia.

_ Visite du bio-incubateur de Norwich, sous la conduite du Dr Jon CARTER, Business Development Manager au John Innes Center.

_ Entretiens avec M. Jan CHOJECKI, Managing Director de PBL.

_ Entretiens avec M. Ian GIBSON, Membre de la Chambre des Communes.

- Suisse (juin 2004) :

o Genève et Lausanne (21 juin 2004) :

_ M. Marc AUBERT, Directeur de la Communication de Serono International SA.

_ M. Bertrand DAMOUR, Président directeur général de GeneProt.

_ Professeur Ernest FEYTMANS, Directeur de l'Insitut suisse de bioinformatique (ISB).

_ M. Benoît DUBUIS, Doyen de la Faculté des Sciences de la Vie de Lausanne de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) et M. Laurent-Dominique PIVETEAU, chargé des liaisons industrielles au Centre d'appui scientifique et technologique ; visite du laboratoire de M. Yann BARRANDON.

o Berne (22 juin 2004) :

_ Berna Biotech : M. Reinhard GLUECK, Directeur scientifique et dirigeant de Berna, Président de l'Association Swiss Biotech, M. Jean-François VIRET, Directeur de la recherche sur les vaccins à Berna Biotech. Visite de laboratoires.

_ Groupement de la Science et de la Recherche : M. Claudio FISCHER, Directeur de la Section politique Scientifique internationale.

_ Commission pour la Technologie et l'Innovation (CTI) : Mme Jeannie CASEY, Responsable du pôle « Biotechnologie » et le Professeur Beda STADLER, Chef du groupe d'experts « Sciences de la Vie » à la CTI et Directeur de l'Institut d'Immunologie de l'Hôpital de l'Ile de Berne.

_ Fonds national suisse de la Recherche : Mme Heidi DIGGELMANN, Présidente du Conseil national de la Recherche du FNS et M. Jürg PFISTER, Directeur des Relations internationales.

_ Lors du dîner organisé à l'Ambassade, entretiens avec M. Félix ADDOR, Chef de la Division Droit et Affaires internationales de l'Institut fédéral de la Propriété intellectuelle, Mme Heidi DIGGELMANN, Présidente du Fonds national Suisse de la Recherche scientifique, M. Benoît DUBUIS, Doyen de la Faculté des Sciences de la vie de l'Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne, M. Eric FUMEAUX, Directeur de l'Office fédéral de la Formation professionnelle et de la Technologie, M. Klaus HUG, Président de TA-SWISS Management Committee, M. Hervé de KERGROHEN, Président du Forum BioData, M. Robert KUSTER, Délégué au développement économique du Canton de Genève, Coordonnateur suisse du projet de création d'une Fondation franco-suisse pour la Recherche et la Technologie, M. Willy ROOS, Président de l'Académie des Sciences Techniques, M. Werner STAUFFACHER, Président de l'Académie des Sciences Médicales.

o Bâle (23 juin 2004) :

_ Actélion : Mme Martine CLOZEL, Vice Présidente et Cofondatrice et M. Louis de LASSENCE, Vice Président.

_ Novartis Suisse : M. Heinz BOLLER, Directeur et M. Rudolf GYGAX, Directeur de Novartis Venture Fund.

_ Association BioValley : M. Peter RABER, Membre du Directoire.

_ Biozentrum de l'Université de Bâle : les Professeurs Guy CORNELIS et Michael PRIMIG. Visite de laboratoires.

- Etats-Unis (3 au 9 octobre 2004) :

o Boston (3 au 5 octobre 2004) :

_ Mme BENARD, Conseiller, Chef de la mission pour la science et la technologie à l'Ambassade de France aux Etats-Unis.

_ Mme Bérengère BOUZON, post-doctorant au département de Biologie au MIT, puis au département de Neurologie au MGH (Massachusets General Hospital) et M. Matthieu PIEL, post-doctorant au département MCB de l'Université d'Harvard.

_ M. Guillaume COTTAREL, Directeur du département de la génomique fonctionnelle de la société Genome Therapeutics (jusqu'au mois de septembre 2002), puis VP Biologie de la société Cellicon Biotechnologies depuis 2003.

_ M. Alexis WALLACE, Principal de PureTech Development.

_ M. Christian LEGUERN, Associate Professor, Harvard Medical School, Centre Transplantation Biology Research du Massachusets General Hospital.

_ Mme Irène ABRAMS et Mme Shawna VOGEL, Technology Licensing Office, Massachusets Institute of Technology (MIT).

_ Pr Patrick S. Doyle, laboratoire « dynamics of Biopolymers and Complex Fluids », du département d'ingénierie chimique au MIT.

_ M. Sylvain FERRARI, Coordinateur du Programme MIT-France, MIT International Science and Technology Initiatives (MISTI).

_ Mme Carine SALOFF-COSTE, Manager USA de BIOTEAM Paris Region

_ Participation au séminaire sur l'innovation, organisé par la mission scientifique de l'Ambassade de France, l'Anvar et le Boston Photonics Center, au cours duquel sont notamment intervenus MM. Ronald COOPER, de la Small Business Administration, Jean-Claude POREE, Directeur des Relations internationales à l'ANVAR, Alain GRIOT, de la DiGITIP, M. Jean-François BALDUCCHI, Président de l'Association française des incubateurs (FTEI) et Patrick FAURE, Chef de Projet à la Génopoloe (Paris région).

_ M. Chris CLEMENT, Chef des Opérations Pharmaceutiques, Millennium Pharmaceuticals Inc.

_ M. Jacky VONDERSCHER, Vice Président et Head of Drug Development, Novartis Institutes.

o Washington (5 au 9 octobre 2004) :

_ M. Steve USDIN, Senior Editor, BioCenturyPublications.

_ MM. Raymond BRISCUSO, Executive Director, Michael J. WERNER, Chief Policy, Brent ERICKSON, Vice President, Industrial and Environmental Section, Mme Caroline RUGGIERI, Manager, International Relations, Biotechnology Industry Organization (BIO).

_ James C. GREENWOOD, Membre du Congrès des Etats-Unis.

_ Dr Janet WOODCOCK, FDA Deputy Commissioner of Operations, Mme Nancy BRADISH MYERS, Senior Policy Counsel, M. Thomas W.WELCH, International Policy Analyst, Food and Drug Administration (FDA).

_ M. Charles R. ELOSHWAY, Patent Attorney, Office of International Relations, U.S. Patent and Trademark Office (USPTO).

_ M. John HOLADAY, Président d'Harvest Bank of Maryland.

_ Dr Elizabeth MILEWSKI, Hazard Assessment Coordination and Policy Division, Office of Science Coordination and Policy et Mme Breck MILORY, Environmental Ptotection Specialist, Office of Program Management Operations, Office of Prevention, Pesticides and Toxic Substances, Environmental Protection Agency (EPA).

_ MM. Michael RODEMEYER, Executive Director, et Michael FERNANDEZ, Director of Science, Pew Initiative on Food and Biotechnology.

_ M. Jonathan SPEAR, Vice President, Public Policy Global Government Affairs, AMGEN.

_ Mme Julia A. MOORE, Senior Advisor, Office of International Science and engineering, Mme Rita A. TEUTONICO, Program Director, Division of Molecular and Cellular Bisciences, Mme Rose GOMBAY, Senior Program Manager, Office of International Science and Engineering, National Science Foundation (NSF).

_ Participation à la Conférence AGIPHARM organisée par l'Ambassade, dans le cadre d'une table ronde consacrée à la recherche et à la coopération et réunissant M. J. CRAIG VENTER, Président de The J. Craig Venter Science Foundation, Mme Rachel LEVINSON, Directeur Adjoint pour les Sciences de la vie, Office of Science and Technology Policy, bureau exécutif du Président des Etats-Unis et M. Stephen W. HUNT, Directeur Exécutif, Molecular Sciences and Technologies, Pfizer Global Research and Development.

- Bruxelles (27 octobre 2004) :

_ Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne : M. Jean-Marc BOURNIGAL, Délégué aux Affaires agricoles, M. Eric ZUNINO, Délégué agricole adjoint, M. Cyril COSME, Conseiller pour la santé, M. Bertrand BOUCHET, Conseiller pour la Science et la Technologie, Mme Lilas BERNHEIM, Conseillère Environnement.

_ Commission européenne - Direction Générale de la Santé et de la Protection des consommateurs : Mme Paola TESTORI COGGI, Directrice, Sécurité alimentaire, Production et distribution.

_ Commission européenne - Direction Générale de l'Environnement : M. Hervé MARTIN, Chef de l'Unité « Biotechnologie et Pesticides » et M. Julien MOUSNIER, Administrateur chargé des Biotechnologies.

_ Commission européenne - Direction Générale de la Recherche : Dr Manuel HALLEN, Chef d'Unité, Directeur de la Stratégie et des Politiques pour les Biotechnologies, l'Agriculture et l'Alimentation.

- Hongrie (15 au 17 novembre 2004) :

o Budapest (15 et 17 novembre 2004) :

_ M. Vincent VOLCKAERT, Directeur de SYNGENTA, en charge de l'Europe centrale et orientale.

_ NKTH, Office national de la Recherche et de la Technologie : Mme Ilona VASS, Directrice adjointe, M. István MÁNYI, Chef du Département des Relations internationales, M. Peter JUDÁK, Conseiller, M. Artur WIELAND, Directeur scientifique et Mme Renáta ROMÁN, Chef de Projet.

_ M. Norbert KROÓ, Secrétaire Général de l'Académie des Sciences de Hongrie.

_ M. Frédéric OLLIER, Directeur et Professeur Péter ARÁNIY, Vice-Président R&D du groupe SANOFI AVENTIS.

o Szeged (16 novembre 2004) :

_ Entretiens à la mairie de Szeged, en présence de M. Làszlo BOTKA, Maire de la ville de Szeged, Mme Enikô PITO, Directrice de l'Agence hongroise d'investissement et de développement commercial, M. Dénes DUDITS, Directeur général du Centre de Recherche de Biotechnologie, M. Làszló PÁLVÖLGYI, Directeur de l'Institut de Recherche sur les Céréales, M. Kornél KOVÁCS, Directeur de chaire de Biotechnologie à l'Université de Szeged.

_ M. Miklos KALMAN, Directeur de l'Institut Fondation Bay Zoltan/Institut de Biotechnologie et visite des laboratoires.

_ Entretiens au Centre de Recherche de Biotechnologie : M. Dénes DUDITS, Directeur général du Centre de Recherche de Biotechnologie, M. Istvàn MOLNAR, Responsable de Biopolisz, Mmes Anna BORSODI, Neurobiologiste et Anikó Páy, M. Pál ORMOS, Directeur de l'Institut de Biophysique, M. István RASKÓ, Directeur de l'Institut de Génétique, M. Kornél KOVÁCS, Directeur de chaire de Biotechnologie à l'Université de Szeged. Visite des laboratoires.

Déplacements en France :

- Auvergne - Société Limagrain (22 janvier 2004) : M. Pierre PAGESSE, Président, M. Alain CATALA, Directeur Général, M. Daniel CHERON, Directeur Général Adjoint, chargé de l'Agro-industrie et Président de Biogemma, M. Jean-Claude GUILLON, Directeur de la Stratégie et de la Communication, M. Renaud LEBLOND, Directeur des Relations extérieures. Visite de laboratoires.

- Midi-Pyrénées (3 juin 2004) :

o Entretiens au Conseil régional de Midi-Pyrénées, sous la Présidence de M. Martin MALVY, Président du Conseil régional et avec la participation notamment de M. Pierre COHEN, Député de Haute-Garonne, M. Alain BENETEAU, Vice-Président, chargé de la recherche, Mme Frédérique MASSAT, Vice-Présidente chargée de l'environnement, M. Jean TKACZUK , Président de la commission sectorielle Recherche, M. Jean-Claude CAZAUX, Président du Comité consultatif régional pour la Recherche et le Développement technologique, M. Jean-Claude PECH, Professeur de Biochimie à l'Ecole nationale supérieure Agronomique de Toulouse, M. Mondher BOUZAYEN, Professeur de Biologie moléculaire à l'ENSAT et M. Jean LAUMONNIER.

o Visite du Laboratoire de Labège de SANOFI : Entretiens avec MM. Jean-Claude GUILLEMOT, Jan LUPKER, David SHIRE ; visite des locaux du PLC avec M. Gaëtan Di-Bernardo, du laboratoire de spectrométrie de masse avec M. Denis LOYAUX, de la salle du robot avec Mme Florence PECCEU et démonstration du microspcope à force atomique, avec M. Jorge ROSENFELD.

- Languedoc-Roussillon (6 juillet 2004):

o Elus du Conseil régional : Mme Anne-Yvonne LE DAIN, Vice-Présidente, chargée de la Recherche et M. Max LEVITA, Vice-Président, chargé de l'enseignement supérieur.

o Délégation régionale à la Recherche et à la Technologie : M. Gérard GRASSY, Délégué régional à la Recherche et à la Technologie et M. François CHALLOT, Délégué régional adjoint.

o Centre IRD (Institut de Recherche pour le Développement) de Montpellier : M.M. Jean-Claude PROT, Directeur, Didier BRUGIDOU (Biotechnologie/Riz), Jean-Loup LEMESRE (Pathogénie des Trypanosomalidés), Didier BOGUSZ (Biologie moléculaire des plantes) et Yves DUVAL (Biotechnologie du développement des plantes tropicales pérennes).

o Centre CIRAD (Centre de Coopération internationale en Recherche agronomique pour le Développement) de Montpellier : Mme Francine CASSE, Professeur de Biologie, M.M. Jacques MEUNIER, Directeur scientifique adjoint, Emmanuel GUIDERDONI, Responsable de la plate-forme de transgénèse, Joël BOCKAERT, Directeur de la Génopole Languedoc-Roussillon, Jacques SOLIER et Michel DELSENY, respectivement Secrétaire général et Directeur adjoint de la Génopole, M. Yvan MATHIEU, Directeur de la société VITROPIC, M. Christian POISSON, Chargé de projets, du Département « amélioration des méthodes pour l'innovation scientifique » CIRAD-amis et M. Jean-Christophe BREITLER, Chercheur CIRAD - Biologie moléculaire.

o Agropolis International : M. Gérard MATHERON, Président.

o Visite de l'Hôtel des Biotechnologies et entretien avec M. André CHOJNACKI, Président Directeur Général de la société MAXMAT ; visite du laboratoire.

Auditions du rapporteur à Paris et réunions du comté de pilotage :

- Réunion du comité de pilotage (9 septembre 2003).

- Dr Philippe POULETTY, Président de France-Biotech et Président du Conseil stratégique de l'innovation (14 octobre 2003).

- Délégation du LEEM, Mme Catherine LASSALE, Directrice des Affaires scientifiques, pharmaceutiques et médicales, M. Marc de GARIBEL, Président d'AMGEN France et Président du comité des biotechnologies du LEEM, Mme Aline BESSIS-MARAIS, Chargée des relations avec le Parlement (14 octobre 2003).

- M. Gérard MATHIEU, Sous-Directeur chargé des Technologies du vivant, à la DiGITIP du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (21 octobre 2003).

- M. Marc CLUZEL, PDG de SANOFI-SYNTHELABO-Recherche et M. Jean-Pierre MAFFRAND, Directeur de la Recherche « Amont » de SANOFI-SYNTHELABO (21 octobre 2003).

- Mme Hélène CHARRONDIERE d'EUROSTAF et Mme Chantal HOUZELLE, Directrice en Chef de « Biotechnologies § Finances » (21 octobre 2003).

- M. Laurent ARTHAUD, Président d'ORGANIBIO, M. Alain JOUQUEY, ancien Président de cet organisme, M. Jean LUNEL, Conseiller scientifique chez Aventis, et M. Christian MORIN, Directeur de la Communication et des Affaires publiques de SYNGENTA (5 novembre 2003).

- M. Laurent ARTHAUD, Vice-Président de Venture Capital Activities d'AVENTIS, M. Jean LUNEL, Mme Marie-Christine DUBROEUCQ, Senior Director des alliances et licences, Centre de recherche de Vitry d'AVENTIS (5 novembre 2003).

- M. Jean-Bernard BORFIGA, Directeur de la coopération scientifique et du Business Development, M. Edouard BIDOU, Directeur adjoint des Relations extérieures et de la Communication, du groupe SERVIER (26 novembre 2003).

- M. Patrick O'QUIN, Directeur des Relations extérieures et Mme Agnès DAVI, Responsable de la Réglementation, du groupe DANONE (4 décembre 2003).

- M. Jean GAUTHIER-LAFAYE, Directeur scientifique et M. Alain COINE, Directeur de la Communication et des Affaires publiques, du groupe RHODIA (4 décembre 2003).

- M. Jacques FOURNET, Directeur Général et M. Henri PONTAGNIER, Vice-Président, Responsable de la Recherche, des Laboratoires Pierre FABRE (4 décembre 2003).

- M. Thierry JEAN, PDG de CEREP (18 décembre 2003).

- M. Jean DEREGNAUCOURT, Directeur du Département de la Bio-ingénierie, ministère de la Recherche (18 décembre 2003).

- M. Vincent PETIARD, Directeur du centre de recherche NESTLE de Tours (8 janvier 2004).

- M. Pierre TAMBOURIN, Directeur Général de Génopole (Evry) (8 janvier 2004)

- Dr Jean-Baptiste LEAUTE, Chargé des Relations Laboratoires - Entreprises, Université Paris VII (28 janvier 2004).

- M. Philippe GRACIEN, Directeur du GNIS, M. François THIBOUST, Directeur des Affaires publiques et gouvernementale de BAYER CROPSCIENCE, M. Stéphane PASTEAU, Directeur des Relations Institutionnelles et industrielles de MONSANTO (14 janvier 2004).

- Pr Jacques HAIECH, Directeur de l'IFR 85 Gilbert Laustriat « Biomolécules et innovation thérapeutique » de Strasbourg (28 janvier 2004).

- Pr Axel KAHN et M. Jean-Marie EGLY, membre du Conseil scientifique de l'OPECST dans le cadre d'une réunion du comité de pilotage (5 février 2004)

- Mme Elettra RONCHI, Coordinatrice des activités relatives à la Santé et la Biotechnologie, à la Direction de la Science, de la Technologie et de l'Industrie de l'OCDE, M. Rob VISSER, Chef de la Division Hygiène et Sécurité à la Direction de l'Environnement, M. Peter KEARNS, Administrateur Principal à la même Division, Mme Brigitte VAN BEUZEKOM, Chargée des Etudes statistiques (2 mars 2004).

- M. David BARIAU, Responsable des biotechnologies à ALCIMED et M. Louis-Marie BACHELOT, Consultant (2 mars 2004).

- M. François GERARD, Directeur de la Technologie à l'ANVAR, Mme Anne-Valère MARIONNET, Chargée d'affaires, secteur santé, Mme Christine TON NU, Chargée d'affaires, secteur agroalimentaire, M. Marc DUFAU, Chargé de l'environnement et de l'énergie (25 mai 2004).

- M. Denis LUCQUIN, Partenaire associé de SOFINNOVA Partners (25 mai 2004)

- M. Bernard CHEVASSUS-AU-LOUIS, dans le cadre d'une conférence sur le principe de précaution à Nancy (29 mai 2004).

- M. Bernard PAU, Directeur du Département des Sciences de la Vie au CNRS et M. Daniel TINET, Directeur adjoint (8 juin 2004).

- M. Jean-Hugues TROUVIN, Directeur de l'évaluation des médicaments et des produits biologiques de l'Agence Française de Sécurité sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) (8 juin 2004).

- Pr Didier SICARD, Président du Comité consultatif national d'éthique (9 juin 2004).

- Agence de développement économique Bordeaux-Gironde- M. Robert GHILARDI de BENEDETTI, Directeur Général et Mme Marie-Laure DUFAU, Chargée de mission de l'Agence, M. Bruno VALLAYER, Vice-Président du Directoire de l'Agence Aquitaine de Développement industriel et Operating Manager de Bertin Technologies, M. Pascal BLEHS, Chef de service, actions sectorielles, du Conseil régional d'Aquitaine, Pr Brigitte LINDET, Directrice adjointe de l'Ecole Supérieure de Technologies des Biomolécules de Bordeaux (ESTBB) et Présidente de Biotechnica, Mme Marie-Laure DUFAU, Chargée de mission à l'Agence de développement économique Bordeaux-Gironde (audition à Paris, le 9 juin 2004).

- M. Ambroise MARTIN, Directeur à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) (10 juin 2004)

- Pr Marc FELLOUS, Président de la Commission du Génie Biomoléculaire et M. Antoine MESSEAN, Vice-Président (20 octobre 2004).

- Mme Hélène MORAUT-PESTANES, Chargée de mission Agriculture et Alimentation, UFC-QUE CHOISIR (20 octobre 2004).

- Pr Roland ROSSET, Président de la Commission du Génie Génétique (20 octobre 2004).

- Institut Pasteur de Paris : M. Philippe KOURILSKY, Directeur Général, M. Alain GOUYETTE, Directeur Général adjoint pour les Affaires Scientifiques et Médicales, M. Jean CASTEX, Directeur Général adjoint pour l'administration et les finances, Mme Michèle GALLARD, Directeur de la Communication, M. Dominique BLOSSIER, du département financier, M. Abdelkader NAMANE, Responsable de la plate-forme protéomique, Mme Pascale ALTIER, Responsable de Pasteur BioTop, M. Jacques HERVIER, Administrateur de l'Incubateur BioTop, Mme Dinah WEISSMANN, PDG de la société Biocortech, Mme Marta BLUMENFELD, Présidente et M. Jean-Michel GAUTHIER, Directeur R&D de la société Anaconda Pharma ; visite de laboratoires (visite de l'Institut le 26 octobre 2004).

- M. Philippe BOUCHERON, Président du Directoire du Fonds commun de placement à risque BIOAM (10 décembre 2004).

- M. Noël RENAUDIN, Président du Comité économique des produits de santé (10 décembre 2004).

- M. Jean-Paul BETBEZE, Membre du Conseil d'analyse économique, auteur du rapport « Financer la R § D » (10 décembre 2004).

- M. Pierre HILAREAU, Directeur Général du groupe NOVASEP (séparateur de molécules biologiques - Pompey (54) - (6 janvier 2005).

- M. Gérard PASCAL, Directeur de recherche honoraire à l'INRA, chargé de l'alimentation humaine à la Commission européenne (18 janvier 2005)

- Réunion du comité de pilotage (18 janvier 2005), en présence du de M. Jean-Marc EGLY, Directeur de recherche, membre du conseil scientifique de l'OPECST.

Audition publique (2 décembre 2004) :

- M. Christian BRECHOT, Directeur Général de l'INSERM,

- M. Jean-Claude MULLER, Senior Vice-Président Administration et Ressources, Opérations scientifiques et médicales, SANOFI AVENTIS,

- M.Thierry JEAN, Président directeur général de la CEREP,

- Mme Marion GUILLOU, Présidente de l'INRA,

- M. Pierre PAGESSE, Président de LIMAGRAIN,

- M.Guy KASTLER, Membre de la Confédération paysanne,

- M. Philippe POULETTY, Président de France-Biotech,

- M. Gilles NOBECOURT, Directeur associé d'Edmond Rothschild Investment Partners,

- M. Charles WOLER, Président directeur général de NEURO3D,

- M. Christian PATERMANN, Directeur à la Direction Générale de la Recherche de la Commission européenne.

Audition publique du Jeudi 2 décembre 2004

SOMMAIRE

Introduction de M. le Président, Jean-Yves LE DEAUT, rapporteur de l'OPECST

Table ronde « Santé » 327

M. le Président

Intervention de M. Christian BRECHOT, Directeur général de l'INSERM,

Intervention de M. Jean-Claude MULLER, Senior Vice-Président Administration et Ressources, Opérations scientifiques et médicales du groupe SANOFI-AVENTIS,

Intervention de M. Thierry JEAN, Président Directeur Général de CEREP,

Débats : M. le Président, M. Bernard PAU, ancien Directeur du département des sciences de la vie du CNRS, M. Christian BRECHOT, M. Philippe POULETTY, Président de France-Biotech, M. Jean-Claude MULLER, M. Charles WOLER, Président directeur général de NEURO 3D, M. Lionel SEGARD, Directeur général d'Inserm Transfert, M. le Sénateur Jean-Claude ETIENNE.

Table ronde « Agriculture »  357

M. le Président

Intervention de Mme Marion GUILLOU, Présidente Directrice Générale de l'INRA,

Intervention de M. Pierre PAGESSE, Président de LIMAGRAIN,

Intervention de M. Guy KASTLER, Représentant de la Confédération paysanne,

Débats : M. le Président, M. Guy KASTLER, Mme Marion GUILLOU, MM. Philippe POULETTY, Pierre PAGESSE, Marc FELLOUS, Président de la Commission du génie biomoléculaire, M. le Sénateur Jean-Claude ETIENNE.

Table ronde « Financement »  388

M. le Président,

Intervention de M. Philippe POULETTY, Président de FRANCE-BIOTECH,

Intervention de M. Gilles NOBECOURT, Directeur associé d'EDMOND ROTHSCHILD INVESTMENT PARTNERS,

Intervention de M. Charles WOLER, Président Directeur Général de NEURO 3D,

Débats : M. le Président, M. Gilles NOBECOURT, M. Charles WOLER, M. Lionel SEGARD.

Intervention de M. Christian PATERMANN, Directeur du directorat Biotechnologie, Agriculture, Alimentation à la Direction générale de la Recherche de la Commission européenne, introduite par M. le Président

Conclusion de M. le Président.

La séance est ouverte à 9 h 10 sous la présidence de Monsieur Jean-Yves LE DEAUT, Député, Rapporteur.

M. LE PRESIDENT Jean-Yves LE DEAUT, Rapporteur de l'OPECST- Nous allons débuter cette audition sur les biotechnologies, et un certain nombre de participants nous rejoindront au cours de la matinée.

Cette audition est conçue souplement, même si des thèmes ont été identifiés dans le cadre du sujet traité qui porte sur « la place des biotechnologies en France et en Europe ».

Je voudrais déjà remercier Monsieur Christian BRECHOT, Directeur Général de l'INSERM, qui a bien voulu consacrer une partie de son temps à cette audition.

Sont également parmi nous :

- Monsieur Jean-Claude MULLER, Senior Vice-Président Administration & Ressources des Opérations Scientifiques et Médicales dans le Groupe Sanofi-Aventis.

- Monsieur Thierry JEAN, Président Directeur Général de la CEREP.

Dans la première partie de cette matinée, nous aborderons plus particulièrement les questions des biotechnologies appliquées au domaine pharmaceutique et au domaine de la santé.

Pour la deuxième table ronde au cours de laquelle nous parlerons des questions des biotechnologies appliquées à l'agriculture, nous écouterons :

- Madame Marion GUILLOU, Présidente de l'INRA, qui nous rejoindra tout à l'heure,

- Monsieur Pierre PAGESSE, Président du Groupe Limagrain,

- Monsieur Guy KASTLER, Représentant de la Confédération Paysanne.

Dans une troisième table ronde, nous aborderons les questions liées au financement des biotechnologies, sur lesquelles un grand journal du soir a récemment consacré un article. Y participeront :

- Monsieur Philippe POULETTY, Président de France-Biotech,

- Monsieur Charles WOLER, Président d'une jeune pousse, Neuro 3D,

- Monsieur Gilles NOBECOURT, Directeur associé d'une société de venture capital, qui nous rejoindra ultérieurement.

J'ai demandé à Monsieur Thierry JEAN s'il pouvait rester avec nous jusqu'à cette table ronde, car lui et Monsieur Charles WOLER pourront nous indiquer de quelle manière ils ont vécu ces questions de financement des biotechnologies.

Enfin Monsieur Christian PATERMANN, Directeur du Directorat Biotechnologie, Agriculture et Alimentation à la Direction générale de la Recherche de la Commission Européenne, nous présentera les positions européennes en matière de biotechnologie.

A ces participants, s'ajoutent les membres du comité de pilotage m'ayant assisté tout au long de cette étude.

L'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques a déjà publié 81 rapports.

Créé par la loi de 1983, il discute et donne des informations en amont du processus législatif, sur les grands problèmes scientifiques et technologiques qui se posent à notre société et sur leurs implications en matière législative.

Son premier rapport, qui date de 1985 - l'Office a mis du temps à se mettre en place -, traitait des pluies acides.

Etant Président de l'Office en 1989, j'ai eu l'honneur de faire la première audition publique ouverte et contradictoire à l'Assemblée Nationale, sur l'exploitation des ressources minérales de l'Antarctique.

Le Commandant COUSTEAU a « inauguré » ce type d'auditions publiques et contradictoires. Cela se pratiquait déjà aux Etats-Unis et dans d'autres pays démocratiques ; dans le cadre des travaux d'une commission, des personnalités qualifiées sont interrogées et les séances sont publiques.

Au sein de l'Office, l'étude est confiée à un parlementaire qui, à titre individuel, examine le sujet. Je tiens à saluer la présence parmi nous de mon collègue M. le Sénateur Jean-Claude ETIENNE.

Pour l'aider à réaliser son étude, le parlementaire est assisté par des responsables des milieux scientifiques et industriels.

Ces comités de pilotage constituent aussi une originalité du travail de l'Office, qui a été introduite à l'Assemblée Nationale et au Sénat.

Le comité de pilotage que j'ai mis en place compte en son sein M.Bernard PAU, Directeur des Sciences de la Vie au CNRS qui- et je l'en remercie - en me sensibilisant à ces questions, a été à la base de cette étude.

Font également partie de ce comité de pilotage :

- Hervé CHNEIWEISS, membre du Conseil Scientifique de l'Office.

- Michel CABOCHE, de l'Institut National de Recherche Agronomique.

- François JACKOW, Directeur de la Recherche & Développement d'Air Liquide.

- Jean-Jacques DOYEN, Directeur de la Recherche Développement du Groupe Suez, qui nous a éclairés sur les problèmes de biotechnologie et d'environnement.

- Charles WOLER, ici présent.

- Lionel SEGARD, ici présent, qui est le responsable d'INSERM Transfert.

Dans le cadre de cette étude, des auditions ont été organisées en France, aussi bien à Paris que dans quelques régions françaises, et sept missions ont été effectuées à l'étranger. Au total, 150 personnes environ ont été entendues.

Il s'agit donc d'une étude de fond, commencée il y a plus d'un an. Ces longues études sont, à mon sens, nécessaires pour la compréhension de sujets complexes.

Aussi bien lors des auditions à Paris qu'au cours de trois déplacements en Auvergne, dans la région Midi-Pyrénées et dans la région Languedoc Roussillon, les avis des acteurs des biotechnologies dans les domaines de la recherche, de l'industrie, d'associations, des administrations et des organismes de financement, mais aussi d'élus régionaux, ont été recueillis.

Les sept missions à l'étranger nous ont permis d'étudier la situation en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suisse, mais également en Hongrie pour voir la manière dont un pays nouvellement entré dans l'Union européenne traitait cette question, ainsi qu'aux Etats-Unis et au Japon, et des représentants de la Commission européenne ont été interrogés.

Nous aurions pu aller dans d'autres pays comme la Chine ou des pays émergents, mais le temps nous a manqué. Au cours de ces déplacements à l'étranger nous avons rencontré de nombreux représentants des administrations, des instituts de recherche, des groupes industriels, des sociétés de biotechnologie, des organismes de financement, des offices japonais, américain et européen des brevets, et des chercheurs, en particulier des chercheurs français installés à l'étranger.

Ce travail était, je crois, nécessaire, même si les biotechnologies ont déjà fait l'objet de travaux parlementaires, notamment au sein de l'Office parlmentaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et si plusieurs textes de loi sont intervenus récemment dans ce domaine.

Je voudrais d'ailleurs vous dire que le texte qui transpose en droit interne la directive de 1998 sur la protection des inventions biotechnologiques a été voté lundi dernier à l'Assemblée Nationale, avec des positions européennes différentes des positions américaines ou japonaises. La semaine dernière lorsque nous en avons parlé avec Monsieur KASTLER ce n'était pas encore fait, maintenant le texte est voté.

Dans le cadre de l'examen de la loi du 6 août 2004 sur la bioéthique un certain nombre de sujets traitant de la biomédecine et des essais cliniques ont également été abordés.

Les textes sont donc en train d'évoluer.

D'autre part, il reste à transposer la directive européenne 2001-18 sur la dissémination volontaire des OGM dans l'environnement; nous aborderons ce sujet ce matin bien qu'il ne représente qu'une partie du thème qui nous réunit aujourd'hui.

J'ai déjà eu l'occasion d'en parler avec les organisations syndicales et une autre initiative a été prise par le président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Louis DEBRE, qui a, pour la quatrième fois, mis en place ce qu'on appelle des commissions pluralistes où majorité et opposition se retrouvent sur des sujets. La présidence de la mission constituée est confiée à un membre de l'opposition et le rapport à un parlementaire de la majorité, ou inversement. En l'occurrence, j'ai été choisi comme Président de la nouvelle mission sur les organismes génétiquement modifiés et les premiers travaux ont été engagés.

Il peut y avoir une certaine confusion dans les esprits puisque je termine le travail sur les biotechnologies et que nous avons déjà démarré un travail sur la dissémination volontaire des OGM et la préparation de la transposition de la directive 2001-18.

Mon rapport sur la place des biotechnologies en France et en Europe sera rendu en janvier - nous fixerons la date dans les prochains jours - alors que les travaux sur la dissémination volontaire des OGM se termineront en avril. Nous aurons donc deux rapports sur ce sujet.

Nous avons, là aussi, décidé de fonctionner, à partir du 15 décembre, je le dis, en tables rondes publiques ouvertes et contradictoires.

Pour l'instant, nous avons fait beaucoup d'auditions « privées » d'organismes de recherche, d'organisations syndicales et nous allons poursuivre ces auditions privées.

Ces auditions seront d'abord organisées par thème, nous pouvons dire « non-contradictoires » si par exemple nous recevons les Académies ou les organisations agricoles, encore que dans un certain nombre de cas, il peut y avoir des positions très divergentes.

Ensuite nous fonctionnerons en tables rondes contradictoires avant de rendre le rapport et la presse sera invitée. Chacun pourra y assister.

J'ai terminé cette introduction et voudrais maintenant ouvrir la partie qui traite de la santé en quelques mots.

TABLE RONDE « SANTÉ »

M. LE PRESIDENT - Je voudrais d'abord souligner l'intérêt et l'importance des biotechnologies qui constituent une technologie clé. Les sciences de la vie se sont en effet beaucoup développées au cours des dernières années.

En guise de brève introduction - c'est aux témoins de parler - nous pouvons dire que le développement des sciences de la vie ne se fait pas de manière identique dans tous les pays du monde aujourd'hui.

Dans un certain nombre de pays, les impulsions ont été beaucoup plus fortes qu'ailleurs en faveur de la recherche et du développement industriel dans ce domaine, dont le marché est celui de la « biopharmacie », comme l'a souligné M. Bernard PAU qui, dans le cadre des travaux du comité de pilotage, a souhaité retenir cette dénomination.

Le marché pharmaceutique repose aujourd'hui sur des médicaments de synthèse encore à 90 %, Monsieur MULLER nous en parlera. Mais déjà des vaccins, des protéines recombinantes et des procédés de biotechnologie sont utilisés pour la fabrication. Et cette évolution s'amplifie.

La Food and Drug Administration, où je me suis rendu en octobre dernier, a indiqué qu'en 2004, parmi les médicaments nouveaux et les thérapies nouvelles agréés, ceux provenant des biotechnologies étaient plus nombreux que ceux issus des procédés traditionnels de synthèse.

Même si nous en restons encore à un nombre qui peut apparaître faible au niveau des apports des biotechnologies dans le domaine de la biopharmacie, des changements importants sont en cours.

Ces technologies appellent l'intégration de techniques différentes : la pharmaco-génomique, la bio-informatique, le criblage à haut débit.

Elles sont devenues l'un des premiers secteurs industriels mondiaux tant en volume qu'en progression annuelle et en perspectives de développement à long terme.

Lors d'un récent colloque aux Etats-Unis auquel j'ai participé avec notamment Craig VENTER et Mark B. Mc CLELLAN, qui est actuellement le responsable de Medicare et qui a dirigé la Food and Drug Administration, l'idée s'est dégagée - je la reprendrai après au cours des questions, mais je vais dès maintenant essayer de traduire ce qui s'est dit - qu'il pourrait y avoir une crise globale du secteur dans les prochaines années.

Il pourrait y avoir une crise, dans la mesure où un nombre croissant de médicaments de synthèse vont tomber dans le domaine public, alors que de moins en moins de produits nouveaux arrivent sur le marché. C'est une tendance lourde, mais je vous laisserai donner vos avis à ce sujet.

La concurrence des génériques se fait de plus en plus forte et si jamais on est absent dans le domaine des biotechnologies et des nouveaux médicaments relevant de ce qu'on appelle la biopharmacologie, la crise ne pourra pas être évitée.

Deuxièmement, les concentrations successives d'un certain nombre de groupes, - nous l'avons vu au niveau national et nous pouvons peut-être nous en féliciter si cela renforce leur position - conduisent à la disparition dans certains pays de pans entiers de la recherche-développement.

Si dans le même temps, de nouvelles sociétés ne se développent pas et si elles n'arrivent pas à trouver les financements longs nécessaires au difficile « parcours du combattant » qui permet de passer de la molécule, du candidat potentiel au médicament ayant franchi toutes les étapes pour être mis sur le marché, si jamais nous ne soutenons pas cette partie de l'industrie, nous risquons d'avoir un certain nombre de problèmes.

Il y a donc une problématique et des enjeux qui sont importants ; ils commencent à être analysés, mais nous avons un peu l'impression qu'il n'y a pas de stratégie nationale et européenne pour essayer de bien identifier ce qu'il faut faire en matière de recherche-développement, dans le secteur public, comme dans le secteur privé, pour renforcer les partenariats entre le public et le privé et pour financer les jeunes pousses tout en confortant les sociétés industrielles qui existent dans notre pays.

Ce sont des enjeux majeurs. En tout cas les analyses qui sont faites aujourd'hui ne sont pas plus optimistes que ce que je viens de vous dire.

J'ai ainsi remarqué qu'il y avait un décalage entre les conclusions du rapport remis par M. Antoine MASSON, Ingénieur en chef des Mines qui a rendu un rapport sur l'attractivité de la France dans le secteur pharmaceutique, et les propos tenus par Les Entreprises du Médicament l'année dernière lors de la conférence de presse de Monsieur LE SOURD.

Je crois qu'il faut clarifier toutes ces choses et le but de l'Assemblée Nationale aujourd'hui n'est pas de faire des réquisitoires, mais d'essayer de faire une analyse de la manière la plus claire possible pour que nous puissions formuler des propositions au niveau du Parlement.

Des avancées ont déjà eu lieu. Monsieur POULETTY a fait des propositions qui, pour certaines, commencent à se concrétiser, même si pour certains cela ne va pas suffisamment vite.

J'aborderai pour terminer les Etats Généraux de la Recherche qui viennent d'avoir lieu à Grenoble. Notamment dans le domaine des sciences de la vie, un fantastique signal d'alarme a été lancé par la communauté des chercheurs sur la nécessité de soutenir la recherche publique.

Ces chercheurs ont voulu indiquer, d'abord par des manifestations puis par leurs propositions, qu'il était important de réagir. Même si la situation reste difficile pour cette technologie clé, la partie est loin d'être perdue pour l'Europe et notre pays.

Je vais maintenant laisser les trois premiers intervenants faire un exposé initial en leur demandant d'être concis pour que nous puissions débattre entre nous après.

M. Christian BRECHOT, Directeur général de l'INSERM - Etant le premier intervenant, je propose de faire mon exposé en trois points rapides.

Le premier point - et je vous prie de m'en excuser - reprendra une partie de ce que vous venez de dire et sera sans doute présenté par des personnes sûrement plus compétentes que moi par la suite. Il me semble cependant intéressant de reprendre certains chiffres concernant les biotechnologies.

Ensuite je ferai  une analyse de nos faiblesses dans la relation recherche publique recherche privée, et enfin je formulerai quelques propositions, à partir de la situation de l'INSERM, mais qui devraient dépasser son cas particulier.

Pour notre compréhension des choses dans le domaine de la santé, il faut rappeler quelques chiffres.

On estime à 24 Mds$ le chiffre d'affaires des médicaments issus des biotechnologies, avec d'ailleurs des questions de définition qui sont toujours intéressantes. Quand on parle de biotechnologie dans le domaine de la santé, il faut savoir si on prend uniquement en compte des produits qui viennent des recombinaisons ou pas, c'est-à-dire la notion de modification, ou si on part de l'ensemble des produits et des innovations technologiques qui viennent du domaine des sciences de la vie.

Vous avez :

- 24 Mds$ de chiffre d'affaires qui représentent environ 6 % des chiffres totaux de l'industrie pharmaceutique, avec des prévisions de doublement sur des périodes de douze ans.

- 400 médicaments générés par les biotechnologies, couvrant environ 200 maladies et produits par environ 144 entreprises. Ce chiffre de 400 médicaments me paraît extrêmement frappant quand nous examinons la courbe au cours des dernières années.

Il y a ensuite les difficultés liées à ce secteur, en particulier les coûts et la durée entre le moment où une cible est découverte et celui où on arrive réellement à un médicament.

En ce qui concerne le secteur du diagnostic, l'INSERM a par exemple un portefeuille de 572 brevets qui a augmenté de 50 % au cours des six dernières années et à mon avis, ce point est souvent sous-estimé. Pour 90 % ce portefeuille de brevets correspond aux biotechnologies pour les médicaments et pour 10 % au secteur du diagnostic.

Ma compréhension des choses - mais je serais intéressé par l'avis d'autres personnes autour de cette table - est que ce secteur est en réexpansion et, du point de vue de l'INSERM, c'est un axe qui se révèle probablement plus important qu'il y a quelques années.

Au niveau des sociétés de biotechnologie puisque c'est bien sûr le sujet, je voudrais là aussi rappeler quelques chiffres.

En France nous avons 625 entreprises qui, dans leurs mots clefs, ont directement ou indirectement le mot biotechnologie, mais nous en avons - et on confirmera ou infirmera mon chiffre par la suite - environ 300 qui ont réellement une activité centrée actuellement sur les biotechnologies, qui emploient environ 10 000 personnes, la moitié d'entre elles ayant été créées il y a moins de dix ans.

Un point me paraît très frappant en tant que responsable d'un organisme de recherche publique. D'après mes informations seulement 15 % de ces sociétés bénéficient d'un personnel en mobilité venant d'un organisme de recherche publique. Ce point me paraît important.

Nous savons bien que ce chiffre de 300 doit être comparé au niveau européen à un chiffre d'environ 1 870 entreprises générant 80 000 emplois et aux Etats-Unis à 1 446 sociétés, donc un peu moins, mais 200 000 emplois.

Ayant donné ces quelques chiffres, je voudrais en venir à des questions plus directement liées aux relations entre le secteur public et le secteur privé.

Dans ce partenariat public privé, nous avons des avantages en France qui sont souvent sous-estimés et qui tiennent compte des forces de la recherche publique française.

Nous avons cependant des difficultés et je citerai en premier, les difficultés de carrière.

On peut toujours inventer des structures - et c'est là une démarche assez française -, la réalité des choses est que ce dont nous souffrons le plus, c'est de la faible mobilité et ce, malgré beaucoup de discours, de prises de position de principe entre les deux secteurs et j'y reviendrai dans les propositions.

Le deuxième point qui me paraît vraiment très important est la difficulté que nous avons à faire émerger des projets dans les phases précoces.

Nous avons dans nos laboratoires - et c'est vrai au CNRS, à l'INRA, au CEA comme dans d'autres organismes -, des « trésors » en termes de nouvelles cibles, de nouvelles molécules. Notre difficulté est de les amener, à un niveau qui soit « présentable », à un partenaire industriel pour qu'il y ait prise de risque.

Cette « preuve du concept », cette phase intermédiaire de dix-huit à vingt-quatre mois où, sur projet, on peut stimuler de façon plus rapide la présentation, la mise en forme, la preuve de concept est sûrement une grande faiblesse de notre recherche publique et de sa relation avec le privé.

Donner une visibilité de ce qui se fait dans nos organismes à nos partenaires privés constitue une autre difficulté. Dans nos discussions, je suis toujours frappé par la faible visibilité qu'ont nos partenaires du portefeuille au sens large de ce qui se fait dans un organisme de recherche comme l'INSERM et je pense que c'est vrai pour les autres.

Dans le cadre plus spécifique de la recherche clinique, il y a les essais. Le rapport d'Antoine MASSON dont vous parlez, cite l'enquête de Quintiles qui gère environ 10 % des essais cliniques en France et qui montre que, de 1996 à 2003, la part française dans les essais cliniques a diminué en passant de 28 à 13 %, et que nous sommes sur un rythme de pertes de parts de marché de 5 % par an dans les essais cliniques.

Cela conduit à nous interroger sur un certain nombre de procédures réglementaires, le morcellement des prises de décision et, d'une façon générale, le poids d'une bureaucratie souvent insupportable.

Je ne parlerai ni des questions de financement, même si elles sont essentielles, parce qu'elles seront reprises après, ni de la relation financement public financement privé, ni du prix du médicament qui est cependant un point tout à fait clef, ni des questions de cotation sur le marché. Tous ces points seront repris tout à l'heure.

Je voudrais souligner maintenant les avantages et un certain nombre de propositions que nous pouvons faire qui, prises isolément, n'ont évidemment aucun sens, si elles ne sont pas prises dans un effort global du pays dans ce domaine.

Je voudrais d'abord souligner que nous sommes dans une situation où nous avons une recherche publique qui permet de faire une recherche sur le moyen et le long terme, qui s'appuie sur un réseau d'infrastructures de plates-formes technologiques avec l'ensemble des plates-formes qui ont été mises en commun par le CNRS, l'INSERM, l'INRA, le CEA, au cours des trois dernières années dans le programme qu'on appelle RIO pour réunions interorganismes, le Réseau National des Génopôles, et associées au Centre National de Séquençage et au Centre National de Génotypage.

Nous avons là une plate-forme qui, clairement, n'existe pas dans les autres pays européens. Ce n'est pas du tout pour faire de l'autosatisfaction - ce n'est pas notre style -, mais clairement sur ce point, nous avons une assise extrêmement solide.

Nous avons une capacité de faire une recherche à moyen et long terme avec une puissance indiscutable et nous avons une recherche qui a marqué des signes de déclin non moins indiscutables.

Le diagnostic que je ferai personnellement sur cette question, est que s'il est faux de dire que nous avons perdu, il est exact de dire que nous pouvons totalement perdre dans les dix à quinze ans qui viennent.

Ce que nous essayons de faire à l'INSERM -  c'est ma troisième partie - et qui s'intègre dans un cadre plus général, peut être décomposé de la façon suivante.

Je pense profondément qu'il faut partir des individus, je ne crois pas à des mesures qui ne placent pas les chercheurs au centre du système.

Dire cela, c'est aborder premièrement - et bien sûr cela nous dépasse, mais d'un autre côté, ça doit être traité -, la réforme de l'université.

Ce n'est pas un sujet que je dois prendre en charge à titre personnel, mais je pense que la réflexion sur les lieux technologiques, passe par la formation et la capacité d'offrir dès 2005 aux universités la possibilité de faire des expérimentations dans un certain nombre de secteurs.

Deuxièmement, nos modalités de recrutement. La mise en place de contrats précédant le recrutement sur position permanente, de salaires qui soient des vrais salaires à un niveau élevé, permettant d'avoir également de l'argent sur projets, doit se faire en partie, mais pas en totalité, dans le cadre d'un partenariat avec l'industrie qui permette que, d'emblée, un jeune chercheur dans ses premières expériences professionnelles, soit placé dans un contexte de partenariat.

Une fois qu'on a donné des positions permanentes aux chercheurs - il est fondamental de continuer à en donner et c'est tout à fait indépendant de la discussion de fonctionnariat ou pas, qui en est une autre -, il faut leur donner aussi des capacités d'évolution et de flexibilité.

A titre d'exemple nous avons mis en place à l'INSERM - et nous l'avons concrétisé sur environ 200 de nos 2 000 chercheurs -, une formule avec laquelle, lorsqu'on a une position permanente à l'INSERM, sur la rémunération totale du chercheur :

- deux tiers correspondent à sa position permanente de base qui est inchangée ; son salaire de base est inchangé ;

- un tiers correspond à des contrats temporaires de trois à cinq ans en plus de sa rémunération de base, qui représentent une interface - d'où le nom de contrats d'interface - avec les partenaires que sont l'hôpital, l'université, mais aussi l'industrie, des agences sanitaires et des institutions internationales.

Nous avons actuellement un appel d'offres en cours dans le cadre duquel nous avons sélectionné des chercheurs qui ont été proposés à nos partenaires industriels pour bénéficier de ces contrats.

Je me permets d'insister sur ce point, parce qu'en France, je crois que nous avons un système totalement binaire. Soit on est dans la recherche publique, soit on « fait le saut » pour aller dans la recherche privée. Il n'y a aucun problème pour aller dans la recherche privée, on peut être mis à disposition, être en détachement, en disponibilité personnelle, le statut permet tout.

La question n'est pas là, mais réside dans cette dichotomie, et si on fait le saut, on a peur d'être évalué par des commissions qui ne prendront pas réellement en compte le travail effectué, ne serait-ce que l'ancienneté et les formations.

Il faut essayer d'introduire des systèmes intermédiaires dans les carrières.

Le deuxième point porte sur la création de centres de recherche, le regroupement des forces, la construction de nouveaux centres qui sont une occasion unique de repenser l'organisation de la recherche, d'insérer les biotechnologies au coeur de ces centres de recherche ainsi que l'hôpital dans le cadre de l'INSERM.

Le troisième point concerne la preuve de concepts. Il y a des initiatives et des personnes autour de cette table qui en parleront après, y compris un appel d'offres du ministère qui va dans ce sens.

Je vais simplement reprendre ce que j'ai dit tout à l'heure, comme le soutien sur projet, parallèlement au soutien aux unités de recherche, amenant finalement un certain nombre de cibles, de nouvelles molécules à un niveau de preuves de concept, de faisabilité qui permettent réellement au partenariat public et privé de se développer, et je pense que ces points seront repris.

En ce qui concerne la réorganisation de la prise en charge de la recherche et de la valorisation dans les domaines des sciences de la vie et de la santé, je crois que nous avons un morcellement des intervenants qui est tout à fait extraordinaire. Il y a les universités, les organismes de recherches, les hôpitaux.

Lionel SEGARD est le Directeur de la filiale privée de l'INSERM, INSERM Transfert, il en parlera lui-même.

Je pense personnellement qu'on ne peut plus raisonner de façon totalement morcelée, organisme par organisme, institution par institution, dans un secteur donné et je crois que la tâche d'un intervenant dans le domaine des biotechnologies et en santé, est rendu extrêmement compliquée par la multiplicité des intervenants.

En ce qui concerne les essais cliniques - ce sera mon dernier point- je crois que la situation est tout simplement « folle ».

Nous avons l'AFSSAPS, la DGS, l'INSERM, les hôpitaux. Pour conduire un essai clinique actuellement en France, on passe devant différentes instances. Le dispositif en est rendu plus compliqué, ainsi que par l'effet de certaines mesures d'application de directives européennes.

Il est temps de créer un espace homogénéisé où un investigateur qui souhaite développer un programme innovant impliquant des essais cliniques et thérapeutiques puisse rencontrer en même temps des agences régulatrices, des experts scientifiques, des représentants du monde industriel, mais aussi des associations de patients, et avoir ainsi le moyen d'avancer de façon beaucoup plus rapide dans la définition d'essais.

L'INSERM a mis en place à cet effet une structure, le COSSEC - Comité d'Orientation Stratégique et de Suivi des Essais Cliniques - permettant une rencontre avec l'ensemble des intervenants. Il est cependant clair que c'est insuffisant et qu'il faut tenir compte du contexte, avec l'AFSSAPS, la DGS et les hôpitaux dont j'ai parlé.

Voilà quelques pistes, j'ai conscience qu'elles sont un peu « en mosaïque », mais ce sont les points qui me paraissaient importants dans ce domaine.

M. LE PRESIDENT - Merci Monsieur BRECHOT, nous entamerons la discussion générale lorsque nous aurons demandé aux trois participants de cette première partie, d'intervenir.

Nous dirons peut-être à Monsieur Bernard PAU qui a suivi cette question, de la compléter également en quelques mots pour le CNRS.

Monsieur BRECHOT a bien campé le sujet, il a indiqué qu'il y avait un problème de recherche et que ce sujet était majeur.

C'est d'ailleurs ce que disaient à l'époque les représentants d'Aventis et de Sanofi de manière séparée quand nous les avons interrogés, en déclarant que l'Etat devait faire plus en matière de recherche développement.

Je reviens au rapport de M. MASSON, de 1995 à 2001, les dépenses en R&D au niveau mondial ont augmenté de 80 % dans le secteur pharmaceutique et de 20 % en France.

En 1985 la France et le Royaume-Uni étaient au même niveau en ce qui concerne la recherche et développement dans ce secteur et en 2001, le niveau du Royaume-Uni dans ce domaine est le double de celui de la France.

La part de R&D sur la production de médicaments en France est de 13 % contre 34 % au Royaume-Uni et 43 % en Suède.

Désintérêt aussi s'agissant des investissements R&D des entreprises étrangères, des « Big Pharma » : les dépenses sont en diminution puisque les dépenses de R&D des Big Pharma représentent 1 325 M$ au Royaume-Uni et 379 M$ en France.

En examinant l'ensemble des chiffres, nous voyons que, globalement, les positions françaises s'effritent.

Est-ce que c'est vrai ?

Est-ce que finalement la fusion entre Sanofi et Aventis va permettre de résister à cet effritement?

M. Jean-Claude MULLER, Senior Vice-Président Administration et ressources, Opérations scientifiques et médicales, du groupe SANOFI-AVENTIS - Monsieur le Député, je vais essayer de répondre à deux ou trois questions de manière précise, mais je vais aussi exprimer quelques affirmations pour planter un peu le décor.

On a raison de dire que, quand on examine la décennie passée - ce qui nous permettra peut-être de nous projeter sur la décennie à venir - de l'évolution des biotechnologies - et comme Bernard PAU, je préfère le mot de biopharmacie dans ce cas parce qu'il rassemble les deux activités -, quand on prend en compte tous les critères ou indicateurs qu'on voudra bien utiliser, on constate qu'aux Etats-Unis, il y a environ deux fois plus d'activité qu'en Europe.

Il y en a deux fois plus, que ce soit pour le nombre de sociétés, le nombre de produits, le chiffre d'affaires, le nombre de produits mis sur le marché, le nombre de produits rentables, etc., c'est un fait et c'est ce qui explique que de nombreuses sociétés européennes se sont d'abord tournées vers les Etats-Unis plutôt que vers des entreprises européennes. Je ne vais pas dire qu'elles y étaient meilleures, mais qu'il y en avait beaucoup plus.

Je pense que, clairement, si le mouvement naturel s'est arrêté, il ne s'est pas encore inversé. C'est pourquoi, on retrouve encore, naturellement, un peu plus de partenaires aux Etats-Unis qu'en Europe et qu'il y a cette tendance lourde à aller voir du côté des Etats-Unis.

Sanofi-Aventis ne se tourne pas massivement vers les Etats-Unis, vous avez entendu son Président dire à plusieurs reprises qu'une des raisons de cette fusion consistait à garder un pôle extrêmement fort en Europe et tout particulièrement en France.

Quand on prend en considération nos effectifs de recherche, on constate que sur environ 12 000 personnes, il y en a un peu plus que 8 000 en Europe dont 5 000 en France. Vous voyez donc bien que, contrairement à certains autres groupes que je ne nommerai pas et que je ne chercherai pas à imiter, nous ne sommes pas dans la tendance consistant à dire que c'est mieux de l'autre côté de l'Atlantique. S'il y a des choses qui y sont meilleures, tout n'est cependant pas mieux aux Etats-Unis.

Deuxième grande affirmation, là aussi on s'est peut-être un peu trompé ou alors on a cru à certaines chimères.

Replaçons-nous encore une fois un peu en arrière. Les fondamentaux de la biologie ont été découverts il y a moins de cinquante ans. Les grandes premières applications qu'on peut identifier, sont arrivées depuis les deux ou trois dernières décennies et elles sont plutôt devant que derrière nous.

J'estime en effet que les grands progrès de la biologie sont plutôt devant que derrière nous. Il faudra s'appuyer là-dessus et tenir compte du temps nécessaire à partir du moment où des progrès de nature fondamentale sont réalisés ; il faut donc qu'énormément de choses fondamentales continuent à fonctionner en Europe, que ce soit à travers des sociétés biopharmaceutiques ou dans des instituts de recherche publics. Je crois qu'il faut qu'on attende un peu et qu'on soit plus patient.

On a tous entendu dire que dès qu'on aurait la connaissance des génomes, quelques semaines, quelques mois après, voire quelques années après, on aurait de nouveaux médicaments. Il faut se détromper, ce sera plus long. Quand on regarde toutes les grandes percées entre le moment où les fondamentaux sont établis et le moment où on a des applications industrielles, il y a quand même une à deux décennies.

Je ne serais pas pessimiste sur le fait qu'il y aura beaucoup de choses à faire dans le futur. Il y a déjà des choses en cours. Je pense qu'on commence à voir les progrès de la biopharmacie, tout particulièrement dans le domaine de l'oncologie, dans les phénomènes inflammatoires ou anti-inflammatoires. Il n'y en aura pas partout, mais ils sont en train d'arriver.

En revanche il est fondamentalement faux de dire que toute innovation vient uniquement de la biopharmacie. Vous disiez tout à l'heure qu'il y a peut-être effectivement moins de progrès qui sont faits dans le temps, moins de produits.

C'est vrai qu'il y a moins de produits qui vont au marché, mais lorsque qu'on s'intéresse au nombre de nouveaux produits qui constituent de véritables avancées thérapeutiques, ils ne sont pas tellement moindres sur les trois décennies qui viennent de s'écouler.

Il y a deux ou trois décennies, il était relativement facile dans l'industrie pharmaceutique de faire des me too. Le premier avait fait sa percée, le deuxième avait encore certainement une valeur ajoutée, le troisième on pouvait en débattre, quant au sixième on pouvait franchement se demander s'il y avait encore une percée.

Il ne faut donc pas comparer le nombre de produits qui ont été mis au marché, mais plutôt le nombre de produits qui ont constitué une véritable percée thérapeutique. Lorsqu'on fait cela, la tendance n'est pas aussi lourde que celle qui est publiée partout.

Au cours les vingt dernières années, sur le nombre de produits nouveaux, on compte entre quatre à dix nouveaux produits constituant une véritable percée thérapeutique et arrivant tous les ans.

Quand on est quatre, six, sept, huit, il y a des années creuses et des années pleines, mais la tendance n'est pas aussi lourde que ce que l'on voudrait faire croire partout.

M. LE PRESIDENT - Le chiffre que j'ai donné est celui de 2003 et c'est la tendance des deux ou trois dernières années.

Je n'ai pas non plus opposé les deux catégories. Je dis simplement qu'à un moment donné une stratégie qui consisterait à oublier que les biotechnologies sont également importantes dans le dispositif, pourrait s'avérer une stratégie à 50 %.

M. MULLER - Il ne faut pas laisser croire que le développement des produits biopharmaceutiques ou biotechnologiques sera plus simple que le développement de ceux qui sont actuellement sur le marché.

Je crois que les progrès réalisés au sein des biotechnologies vont s'appuyer sur toute une série de techniques ou technologies qui, aujourd'hui, soit ne sont pas validées soit restent à être démontrées de manière précise.

Elles sont finalement plus complexes que ce qu'on croyait. Aujourd'hui on a une bonne maîtrise de ce qu'on appelle les protéines recombinantes ; certains ont une bonne maîtrise de ce qu'on appelle les anticorps. Beaucoup moins encore ont une maîtrise technologique jusqu'à l'industriel.

Je ne parle pas que de la maîtrise de la production, mais de la maîtrise de l'outil industriel, de ce qu'on appelle les immuno-conjugués. On a vu récemment que bien que les antisens soient une technologie connue depuis une trentaine d'années, ils n'ont toujours pas fait leur percée jusqu'au bout.

La thérapie génique reste un domaine difficile, la thérapie cellulaire également. Quant au secteur du diagnostic, il faut effectivement développer les outils.

Vous voyez qu'il va falloir mener de front à peu près toutes ces approches parce qu'aucune d'elles n'est validée aujourd'hui, aucune d'elles n'a fait totalement ses preuves et il est fort possible qu'il faille les mener toutes de front.

Elles sont nettement plus complexes que ce que nous croyions tous. Elles demandent un outil industriel beaucoup plus compliqué que ce que ce que nous croyions. Et là où nous avons eu une très grande surprise, c'est que les autorités de santé sont beaucoup plus exigeantes que nous ne le croyions sur cette maîtrise industrielle, non seulement sur tous les outils d'analyse qu'il faut avoir autour, mais aussi sur la demande des Autorités sur un certain nombre de critères exigés par les autorités sanitaires que nous n'imaginions pas.

Je ne prendrai pas d'exemple précis, mais je peux vous dire que des dossiers sont restés dix-huit mois chez les autorités de santé pour savoir si le paramètre d'eau oxygénée était de 1 ou de 3 PPM.

A ce niveau, la demande des autorités de santé est beaucoup plus exigeante aujourd'hui que nous ne l'imaginions. Il faut donc maîtriser toutes ces techniques.

La solution à tout ceci résidera évidemment dans un partenariat fort avec le secteur public. Quand les progrès, les découvertes et le premier niveau d'innovation seront acquis, il faudra évidemment s'appuyer sur ceux qui auront développé du savoir-faire, lequel sera « semi-industrialisé ». Ceci permettra effectivement de passer de la partie exploratoire du laboratoire à une partie qui permettra d'avoir les premiers lots, lesquels, eux, permettront de faire les essais cliniques, puis à une maîtrise industrielle. Nous n'y arriverons que si nous travaillons dans le cadre de ce partenariat.

Je suis très heureux d'entendre qu'au niveau de l'INSERM vous parliez de notion de projet, je crois que la réponse sera une notion de projet. Ce sera la manière dont des personnes, qui ont de la connaissance, du savoir-faire de l'innovation et qui auront travaillé ensemble, pourront faire progresser ce genre de choses.

Cela voudra dire que, lorsqu'on est dans les notions de projet, dès les phénomènes d'innovation, il faudra que les personnes aient une bonne compréhension de ce que constitue la mise sur le marché d'un produit.

Ces trois fondamentaux sont :

- de découvrir les choses qui ont un caractère d'innovation,

- de vérifier que tous les critères nécessaires pour mettre un produit sur le marché sont connus,

- d'enregistrer ces produits, c'est-à-dire passer toutes les étapes de l'enregistrement, ce qui est une connaissance d'ordre réglementaire.

Je ne dis pas une connaissance parfaite du côté réglementaire, mais je crois qu'il y a une méconnaissance assez importante dans les phases précoces concernant les pré-requis incontournables exigés par les autorités pour enregistrer les produits.

Dans ces approches de projet, il est extrêmement important qu'effectivement il y ait un partage de compétences, de connaissances, entre ceux qui savent innover, ceux qui savent industrialiser et développer et ceux qui savent enregistrer. Ce ne sont en effet pas trois métiers différents, mais un continuum ; il n'y a pas de frontières entre les trois.

Très clairement, si nous réussissons à avoir une collaboration forte à ce niveau, il n'y a aucune raison de croire que l'Europe prendra un retard colossal par rapport aux Etats-Unis.

Il y a un retard aujourd'hui, mais il n'y a pas de raison d'être pessimiste et de penser qu'on ne puisse pas le remonter, si l'on prend en compte les percées, les connaissances fondamentales et le réseau tel que vous l'évoquez, qu'il soit français, hongrois, britannique ou scandinave ; je crois qu'il y a là un réseau de connaissances extrêmement important.

Il ne faut pas qu'il y ait trop de saupoudrage des moyens. Il faut qu'il y ait effectivement des pôles forts, des pôles de compétences ou des pôles d'excellence, où on puisse réunir un maximum de personnes ayant une bonne connaissance interdisciplinaire, donc sans s'arrêter à une seule discipline. Et si on réussit à faire cela, je ne suis pas pessimiste du tout sur l'évolution de l'Europe.

Les progrès à venir, oui, ils sont déjà là ; je pense qu'il y a des produits dans les pipelines. Encore une fois, c'est tout particulièrement vrai au niveau de l'oncologie, des phénomènes inflammatoires également. Il y a toute une série de choses pour lesquelles je ne suis pas aussi pessimiste que certains collègues ou certaines Cassandre nous prédisant des évolutions assez catastrophiques.

Quant aux moyens financiers, contrairement à ce qu'on peut dire, je crois qu'ils ont toujours plus ou moins existé. Les fonds d'investissements ne sont pas nationaux, mais internationaux. Ces fonds ne vont cependant pas uniquement financer le meilleur projet scientifique, et c'est là qu'il faut faire très attention.

Je crois que pour les financements, il n'y a pas que les projets scientifiques, mais aussi la manière dont le business va être conduit autour de ce projet, la capacité qu'auront les personnes non seulement à mener ce projet au niveau scientifique, mais à pouvoir le défendre auprès de partenaires. Il y a eu, là aussi, peut-être un peu d'excès, de la part de personnes croyant qu'à des phases très précoces on pouvait valoriser ce genre de choses à des niveaux fondamentaux et inacceptables.

Comme les coûts - et vous le savez, mettre un produit sur le marché représente des centaines de millions d'euros- , il faut que ces risques soient partagés et qu'ils le soient de manière raisonnable. Si les business plans proposés ne sont pas raisonnables, les partenaires seront difficiles à trouver.

Voici un peu les propositions que je voulais vous faire.

M. LE PRESIDENT - Merci beaucoup Monsieur MULLER.

Avant de donner la parole à Monsieur JEAN qui nous parlera des petites sociétés qui démarrent, même si sa société est déjà importante et constitue une success story française, je voudrais dire qu'il est certain que les biotechnologies vont révolutionner le domaine de la santé.

Nous allons arriver vers de nouveaux types thérapeutiques et nous les voyons déjà apparaître. Cela ne veut pas dire - et personne ne l'a dit - que les succès remportés par les médicaments de synthèse, vont cesser, bien sûr. Il faut cependant avoir les deux volets et ces deux volets doivent être présents dans l'activité d'une grande entreprise pharmaceutique.

Ce que je ressens aujourd'hui en tant que parlementaire et observateur, c'est qu'au bout du compte la fusion de Roussel, Uclaf, Hoescht avec Rhône-Poulenc qui a donné naissance à Aventis, les progressions de Sanofi et les acquisitions faites pour donner le Groupe Sanofi-Aventis, ne se traduisent pas globalement par un renforcement de la recherche et développement.

Vous n'avez pas cité vos concurrents, mais quand on voit ce que Novartis - j'étais à Boston -, est en train de faire aujourd'hui en termes d'installations aux Etats-Unis, on a vraiment l'impression que les sommes énormes investies sur fonds publics aux Etats-Unis irriguent le monde de la recherche.

En ce qui concerne cette masse financière énorme investie, on peut citer notamment le chiffre d'environ 27 Md$ représentés par les fonds du NIH, suite à l'augmentation au cours des cinq années Clinton puis Bush. L'augmentation des crédits annuels du NIH qui n'atteignaient pas 4 Md$, représentait huit fois le budget de l'INSERM. Cela montre l'importance de ces fonds qui sont vraiment énormes.

La stratégie des grands groupes est d'aller là où il y a de l'argent, car là où il y a de l'argent, il y a une concentration de cerveaux, qui attire un certain nombre de personnes.

Globalement les chiffres parlent : 10 000 emplois dans le secteur R&D au niveau de la France et 40 000 au niveau de l'Europe, un peu plus en Grande-Bretagne que chez nous, un peu plus en Allemagne, encore qu'elle connaisse des problèmes aujourd'hui dans ce domaine, contre 200 000 en 2002 ou 2003 aux Etats-Unis et on parle de 800 000 en 2007 dans ce secteur.

A un moment donné, une technologie clé apparaît et nous reviendrons tout à l'heure sur les deux récents rapports, celui de Monsieur LORENZI et de Monsieur BETBEZE, qui ont dit la même chose.

On est sans doute dans une situation critique pour des technologies clés et les sciences de la vie en sont une. Il faut donc essayer d'en analyser les causes.

Nous allons bien sûr soutenir une grande entreprise nationale dans le domaine du médicament qui apporte des emplois, mais en même temps, il faut quand même essayer de comprendre la situation actuelle.

Deuxièmement, si sur la partie médicaments de synthèse, il n'y a pas de problèmes, je ne suis pas sûr qu'en ce qui concerne la partie strictement biotechnologique, il n'y ait pas eu parfois, dans l'historique des deux entreprises qui viennent de fusionner, des erreurs stratégiques pour l'une des deux - je suis diplomate, politiquement responsable - et que l'importance des deux volets de l'industrie pharmaceutique ait suffisamment été prise en compte.

Je dis toujours ce que je ressens, il ne faut pas prétendre avoir la vérité, mais il faut que, dans un débat, chacun puisse s'expliquer.

Monsieur JEAN, vous avez démarré à Poitiers, ce n'était ni la Silicon Valley ni la Biotech Valley, et petit à petit vous avez monté une entreprise. Vous allez nous dire ce que vous faites, comment vous l'avez fait, les difficultés que vous avez rencontrées. Et dites-nous aussi comment vous feriez pour améliorer les choses si vous étiez aujourd'hui Ministre de l'Innovation.

M. Thierry JEAN, Président Directeur Général de CEREP - Merci de m'avoir invité ; oui, effectivement, vous avez parlé de jeune pousse quoique je n'aie pas vraiment l'impression de représenter une jeune pousse. Je me vois plutôt comme un vétéran de la biotechnologie aujourd'hui.

CEREP a quinze ans ; je l'ai créée en 1989 dans la région de Poitiers et même pas au Futuroscope, mais dans la campagne poitevine, au sud de Poitiers, avec au départ 19 employés. Aujourd'hui nous sommes à peu près 500 dont 350 en France. Nous avons une filiale à l'étranger, en Suisse, et quelques bureaux au Japon.

C'est donc - j'hésite à employer le mot de succès - une certaine réussite, avec une place un peu à part dans le monde des biotechnologies françaises, étant considéré qu'elle est la seule entreprise rentable en France et, à notre niveau, même pratiquement en Europe, et qu'elle est cotée au nouveau marché depuis 1998.

Je vais vous raconter très rapidement ce que nous faisons et comment nous nous sommes développés. Le business model que nous avons suivi nous a permis d'être à l'écart de problèmes que rencontrent beaucoup de sociétés de biotechnologie aujourd'hui, à savoir des problèmes de financement.

Nous proposons des prestations de services et des produits issus de nos technologies innovantes. C'est à ce titre, que nous méritons peut-être le titre de biotechnologie bien que ce titre nous soit souvent contesté ; nous ne nous battons cependant pas pour un nom. Nous utilisons des technologies innovantes dans le domaine de la biologie, de la chimie et de l'informatique et nous proposons des prestations.

Nous avons environ 300 clients dans le monde, Sanofi en est un, toutes les sociétés françaises de pharmacie sont nos clients.

Aujourd'hui l'essentiel de notre chiffre d'affaires est réalisé aux Etats-Unis ; seulement 15 % l'est en France et 60 % environ aux Etats-Unis.

Nous nous sommes développés en autofinançant notre recherche et développement, en bénéficiant de l'appui de sociétés capital risque au départ, avec un apport jugé très minime puisque j'ai bénéficié d'un apport de 3 MF- et je parle bien en francs - en 1989 et de 2 MF en 1991. C'est sur cette base que nous nous sommes développés jusqu'à notre introduction en bourse en 1998 sur une valorisation d'environ 60 M€.

Nous nous sommes développés grâce aux liens que nous avons créés avec les industries pharmaceutiques très tôt et en nous développant dans une logique industrielle bien plus que financière au début, en travaillant sur des prestations industrielles et la qualité scientifique des services que nous pouvions proposer, dégageant des bénéfices à partir de ces prestations et réinvestissant ces bénéfices dans une R&D permanente.

Aujourd'hui, nous investissons environ 11 à 12 M€ par an en R&D pour un chiffre d'affaires de 34 M€ l'année dernière ; ce sont donc des investissements importants.

Les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont de divers ordres. On parlait des liens avec les organismes de recherche, les choses ont beaucoup changé- je tiens à féliciter l'INSERM et le CNRS -, mais au début ce n'était pas très facile.

Je suis moi-même issu du CNRS et j'étais en disponibilité pour création d'entreprise en 1989. Le CNRS s'est totalement désintéressé de moi et de CEREP pendant de longues années. Je trouve cela dommage, cela ne facilitait pas l'éclosion de CEREP et il y avait certainement quelque chose qui aurait pu être fait en termes de transfert de technologies.

Je disais que les choses avaient changé à ce niveau. Nous avons un excellent contrat avec l'INSERM de valorisation de travaux réalisés dans les laboratoires de l'INSERM. Nous venons de signer le même contrat avec le CNRS et je pense que c'est au bénéfice mutuel des laboratoires académiques comme de CEREP.

Nous avons également eu des problèmes de financement, spécialement au moment de l'entrée en bourse, et c'est un point extrêmement important sur lequel il faudra revenir. Je pense aujourd'hui que le problème de la biotechnologie en France réside dans le vide qui s'est créé entre de nombreuses petites structures et une industrie pharmaceutique mâture ; nous manquons de relais.

Je trouve que CEREP est trop seul ; je ne devrais pas dire cela car nous sommes deux ou trois sociétés cotées d'une taille de maturité, mais nous sommes trop peu. J'ai à peu près les mêmes chiffres que vous, Monsieur BRECHOT, sur la biotechnologie en France. Ils sont un peu plus anciens, mais le résultat est le même.

La grosse différence, le critère qu'il faut regarder, est le nombre d'emplois par société. Aux Etats-Unis et selon les chiffres, nous avons en moyenne entre 110 et 130 emplois dans une société de biotechnologie alors qu'en France le chiffre varie de 18 à 30 selon les statistiques.

En France nous avons énormément favorisé la création de sociétés sans nous intéresser et sans favoriser les conditions pour un développement performant des sociétés qui auraient passé le stade du capital risque.

Que n'a-t-on pas bien fait ?

A mon avis, en ce qui concerne le marché boursier, on ne devrait même pas parler de biotechnologie française, mais de biotechnologie au niveau européen. On devrait avoir un seul marché boursier qui permette aux sociétés innovantes d'être reconnues.

Le marché boursier ne suffit pas. Aujourd'hui, l'ISDAC est mort, le nouveau marché est mourant, le Neuer Markt est mort. Pour essayer d'avoir une structure relais, il nous reste Londres, Zurich étant exclusivement réservée aux Suisses, les marchés scandinaves qui sont totalement isolés, et pourtant il y a d'excellentes sociétés de biotechnologie en Scandinavie.

Je regrette vraiment qu'on n'ait pas créé une structure au niveau européen pour rassembler tout ce potentiel.

Il y a également les investisseurs eux-mêmes. A l'époque, en 2000, 2001 il y a eu ce boom inverse que vous connaissez. Aujourd'hui les investisseurs se sont désintéressés du secteur parce qu'ils ont vécu des expériences malheureuses, des désillusions graves.

En France on a eu le cas de Genset dont on gère encore aujourd'hui les remous avec des investisseurs qui se sont sentis trompés et qui que se sont donc désintéressés du secteur. Genset n'est pas isolé dans le monde, simplement il y avait tellement peu de sociétés en France qu'il a créé un trouble qui reste encore.

De l'étranger, la France est vue comme un groupe de sociétés suscitant une certaine méfiance et aujourd'hui, en tant que société cotée, dans nos road shows en France, nous nous heurtons à une méconnaissance totale du secteur. Ce désintérêt fait que les gérants, qui ne connaissent pas la biotechnologie, ni les problèmes de la gestion de la R&D, ont donc peur et vont plutôt investir dans des sociétés traditionnelles.

A l'étranger, en Allemagne et en Angleterre, nous avons une tribune plus importante, mais la France apparaît trop isolée dans ce secteur.

Ce sont les principales difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés et auxquelles nous nous heurtons encore parfois.

Si j'avais trois propositions à faire, elles seraient les suivantes.

Premièrement, nous devons continuer à travailler sur les liens entre la recherche publique et de la recherche privée.

J'ai été pendant trois ans aux NIH avant de rejoindre le CNRS en France. J'ai vu et je vois comment les NIH favorisent le transfert de technologie vers les petites structures ; c'est leur politique affichée. Nous avons connu nous-mêmes des refus de collaboration de groupes académiques. Ils disaient qu'ils ne voulaient pas nous transférer cette technologie, même si nous la payions, parce qu'ils préféraient aller vers les gros groupes qui étaient des sources de financement plus sûres.

C'est dommage et je pense qu'il y a beaucoup à faire dans ce domaine. Je vois par exemple que les NIH nous envoient régulièrement la liste des technologies qui seraient susceptibles de nous intéresser, donc une sorte de « catalogue » de ce qu'ils sont prêts à transférer, que nous avons malheureusement beaucoup de mal à avoir en France.

Deuxièmement, nous n'avons pas parlé des aides aux entreprises, mais je crois qu'en France, nous souffrons d'un manque de cohésion et surtout d'un manque de structures d'évaluation des projets.

Je tiens à dire qu'un projet n'est pas forcément une société ; il peut être porté par une société de taille mâture et nous en sommes un exemple. Ce dont nous manquons en France et en Europe - et je crois vraiment que cette structure devrait être européenne - est une structure d'évaluation qui, à mon avis, devrait être mixte, comporter des personnalités du secteur industriel qui seraient aptes à juger les stratégies de développement des projets, leur durabilité.

J'aimerais, à ce moment-là, qu'on réfléchisse en termes de création d'emplois plutôt qu'en termes de création de richesses immédiates pour l'investisseur.

Il devrait également y avoir dans cette structure des scientifiques de la recherche publique, qui viendraient valider la qualité scientifique de ces projets.

Je tiens à dire qu'un tel réseau existait en France, c'était le réseau GenHomme et je regrette qu'il ait été supprimé l'année dernière pour des raisons de manque de moyens.

Je ne parle pas bien sûr des manques de moyens de la recherche qui sont quand même à la base d'un grand nombre de nos difficultés et même de la difficulté des relations entre la recherche académique et la recherche privée, la recherche industrielle étant souvent vue comme un moyen de financement de la recherche publique aujourd'hui.

Troisièmement, j'évoquerai la création de ce marché boursier et une réelle politique d'éducation des gérants.

Je pense vraiment que la France - et l'Europe, mais parlons de la France - a besoin de réussites. Je pense qu'il faut comprendre que si la biotechnologie américaine est en avance sur nous, elle le doit à des succès, comme AMGEN, GENENTECH, CHIRON, et qu'en France il nous faut absolument favoriser les conditions de réussites similaires pour attirer les jeunes biotechnologies et favoriser l'éclosion des succès futurs.

M. LE PRESIDENT - Merci Monsieur JEAN.

 Avant de débattre d'une façon plus large, vous pouvez peut-être, M.Bernard PAU, de manière assez courte, nous donner votre vision de responsable des sciences de la vie au CNRS, peut-être pas pour la période dont vient de parler Monsieur JEAN.

M. Bernard PAU, ancien Directeur du département des Sciences de la vie du CNRS - J'assume et j'adhère complètement à ce que vient de dire Thierry JEAN.

Je voudrais vous remercier, M. le Député, pour votre initiative ; cette étude est transversale, originale et elle apportera indiscutablement sa contribution à la relation entre la problématique sociale qui est l'objet de notre réflexion et la décision politique. Maintenant il faut en effet convertir toutes ces idées en décisions politiques.

Je partage avec Jean-Claude MULLER l'optimisme sur le fait que le meilleur est à venir dans le domaine du vivant et le fait que notre patrimoine français de recherche, de réseau et de tissu industriel est là et bien vivant et qu'on a beaucoup de choses à faire ; rien n'est perdu.

Quand on se penche rapidement sur l'évolution du domaine du vivant en tant que domaine d'exploration, on s'aperçoit qu'on est encore dans un espace peu mâture d'évolution scientifique qui n'a par exemple rien à voir avec l'évolution qu'a connue la physique depuis déjà un siècle où, à grands traits, elle a sinon résolu, en tout cas éclairé énormément notre compréhension du monde.

En ce qui concerne le vivant, nous sommes loin d'être à ce stade. Nous sommes simplement en train de passer de l'ère de la « cueillette » de l'information - aujourd'hui c'est la cueillette à haut débit - à l'ère de la synthèse de ces informations en réelles connaissances.

Nous sommes simplement à l'aube de commencer à comprendre ce qu'est l'émergence de la pensée, la relation à l'autre. Il faudra peut-être encore dix, vingt ans pour transformer tous ces éléments d'informations en connaissance de l'émergence de la conscience par exemple.

Nous sommes dans un champ d'élaboration même des processus de savoir. Il n'est pas étonnant qu'il en soit de même et le parallèle avec la physique reste. Si la physique a développé des applications extraordinaires qui, aujourd'hui, sont les fers de lance de l'industrie, c'est parce que ses bases théoriques de la connaissance du monde étaient bonnes.

Nous pouvons donc présager qu'il en sera de même dans le vivant et que là aussi, comme nous allons passer de la cueillette à la synthèse, nous allons passer finalement de la surprise de la découverte à la professionnalisation de l'innovation. C'est bien ça qui est en cause aujourd'hui, comment condenser, professionnaliser la relation entre ce champ extraordinaire de découvertes qu'est la recherche publique et ce monde d'attente de l'innovation certifiée qu'est l'industrie et derrière elle, les malades, la maladie. L'enjeu est celui-là.

Je reviendrai sur un point de sémantique, merci d'avoir repris le terme de biopharmacie. Nous sommes dans un espace où il ne suffit pas de chercher, il faut trouver, certifier l'innovation, arriver au traitement et au développement industriel. Donc, de toute façon, c'est « pharmaceutique » au sens pur.

Quand on parle de biotechnologie, très schématiquement il y a deux espaces d'activité.

Il y a l'espace de recherche qui se conclut par une production d'un agent biologique, protéine recombinante, un anticorps, ou même un procédé dans le futur de la thérapie cellulaire ou génique. Aujourd'hui c'est un champ fertile, c'est un peu moins de 10 % du marché mondial du médicament. Vous avez un peu plus de 400 Md€ pour le marché mondial en croissance régulière et un peu moins de 40 Md€ pour le marché de la bioproduction.

C'est donc un marché extrêmement prometteur. Mais gardons en mémoire qu'il représente 10 % du marché total, peut-être un peu plus dans l'avenir, et que l'extraordinaire ressource d'innovation réside dans le marché aujourd'hui encore principal, qui est celui des petites molécules.

Je veux dire simplement que la biotechnologie est présente partout, en amont de la découverte de ces substances chimiques où la chimie va jouer de plus en plus un rôle central, de même que la chimie industrielle. La biotechnologie est présente aujourd'hui.

Dans les laboratoires de Sanofi, d'Aventis ou de CEREP, je ne sais pas si on doit dire qu'on fait de la biotechnologie, on fait de la recherche exploratoire sur le vivant qui utilise les principes mêmes de la biotechnologie pour extraire l'innovation certifiée.

Ne perdons pas le cap, nous sommes bien sur deux marchés tous deux intéressants ; il n'y a aucune frontière et ce serait une grosse erreur stratégique de le croire.

Si nous réfléchissons au rapport entre ce monde extraordinairement fertile de la connaissance, pour avoir été pendant deux ans et demi à la Direction du Département des Sciences de la Vie du CNRS, comme le ferait Christian BRECHOT pour l'INSERM, je peux témoigner que véritablement cette recherche française et européenne est fertile et féconde.

Elle nous montre aujourd'hui la voie pour ces grands paradigmes de connaissances qui seront les grandes applications pharmacologiques du futur, notamment dans la manipulation des réseaux de signalisation cellulaire.

Comment faire pour optimiser, professionnaliser ce transfert, cette innovation encore très fragile, très ténue que représente le premier brevet déposé sur une nouvelle cible potentielle ? Comment, par exemple, empêcher l'effet de dissémination métastatique d'un cancer ? Aujourd'hui des travaux permettent d'identifier quelques pistes.

A ce stade, cette innovation sous forme du premier brevet est encore extrêmement fragile. Ses chances de parvenir sur le marché mondial, si tant est que nous fournissions l'ingénierie scientifique et financière suffisantes, sont à peu près de 1 %. Cela veut dire qu'il faut faire de l'assemblage de brevets, donc en produire d'autres. Les brevets de la recherche publique ne suffisent pas, même si leur production est en progression constante en nombre.

Christian BRECHOT l'a dit, nous avons fait ensemble cette exploration. Le secteur public académique français dans son ensemble, en incluant bien sûr aussi les grandes fondations comme l'Institut Pasteur, produit aujourd'hui, bon an mal an, de 120 à 150 brevets qualifiés pré-thérapeutique, très en amont. Ce sont de plus en plus des brevets extrêmement solides parce que notre astringence dans la sélection est grande aujourd'hui.

M. LE PRESIDENT - Quand on regarde la liste des cinquante grands organismes mondiaux qui déposent des brevets, on voit que les brevets provenant des Etats-Unis représentent la moitié des brevets déposés en Europe, et que l'inverse, c'est-à-dire des Européens vers les Etats-Unis, n'est pas vrai.

Par ailleurs dans les cinquante premiers, il y a peut-être l'Institut Pasteur - et c'est le seul pour l'instant - et il est encore « limite ».

C'est juste pour dire que nous sommes loin...

M. PAU - Je conteste, nous n'allons pas faire de la comparaison inter établissements ici, mais en production de brevets et en valorisation, en ce qui concerne la recherche publique dans son ensemble - et ce sont les chiffres qui parlent -, le vivant est le seul secteur d'activité où la production de brevets du monde académique est largement majoritaire et ce, au niveau mondial et national.

Aujourd'hui le CNRS est le cinquième déposant national de brevets en France, derrière les quelques grandes entreprises qui vivent de leur brevet. Il ne peut donc pas être devancé par l'Institut Pasteur au niveau mondial alors qu'il est le cinquième en France.

En tout cas notre analyse est que la production de brevets aujourd'hui n'est pas suffisante pour donner naissance à un véritable renforcement de la bio-industrie du médicament.

Il faut simplement passer de la surprise de la découverte, comme par exemple celle liée au génie d'un homme, à un autre stade. Prenons le cas de Pierre POTIER qui, il y a quelques années, à travers une association entre une tradition de chimie pharmaceutique et l'élaboration de process de synthèse nouveaux, a découvert le Taxotère qui est aujourd'hui un des premiers médicaments mondiaux en oncologie.

C'est ce que j'appellerai la surprise de la découverte faisant qu'aujourd'hui le CNRS se trouve à la tête d'un montant de redevances de près de 50 M€ grâce au génie de cet homme et de cette équipe. Derrière cela, la Navelbine et d'autres molécules venant de la recherche publique arrivent dans la grande industrie.

C'est cependant insuffisant, il nous faut dix fois cela dans l'avenir proche et, pour obtenir ce résultat, il nous faut condenser un effort là même où aujourd'hui, on ne trouve ni l'argent ni l'ingénierie scientifique suffisants, c'est-à-dire à la prise en charge de ces premiers éléments d'innovation encore fragiles, qui n'ont aucune chance d'être reçus par le capital risque et peu de chance d'être perçus en tant que tels par les partenaires pharmaceutiques.

Nous sommes en voie, ensemble, le CNRS, l'INSERM, l'Institut Pasteur et d'autres, de créer un de ces modèles d'activité qui va naître dans les prochains jours et va s'appeler « l'Institut d'Innovation Thérapeutique », société de droit privé et d'intérêt public, « I2T », qui va proposer d'être un partenaire de choix pour le monde de l'investissement à risques.

Les innovations seront détectées et « mâturées » au sein de cette entreprise en partenariat étroit avec la recherche publique de façon à arriver à un stade de développement permettant non seulement le financement à risque raisonné par le monde de l'investissement, mais aussi la possibilité de transmettre à nos amis de l'industrie pharmaceutique des produits qu'elle puisse enfin prendre en charge en préclinique ou en phase précoce du développement clinique.

C'est un pari qui va être fait et, pour finir, je ferai un clin d'œil à Christian BRECHOT qui parlait de mobilité tout à l'heure ou à Thierry JEAN.

Je vous dirai que je ne suis plus Directeur du Département des Sciences de la Vie depuis un mois et demi. J'ai choisi de quitter mon bureau, d'aller « dans les soutes » et de prendre la direction de cette opération de création de l'ITT, société anonyme de droit privé créée par la recherche publique pour développer du médicament.

M. LE PRESIDENT - Avant de laisser brièvement la parole à Philippe POULETTY, je vais souhaiter la bienvenue à Monsieur Christian PATERMANN qui suit les biotechnologies au sein de la Direction de la Recherche de la Commission européenne, avec un nouveau commissaire - vous nous en parlerez en conclusion - et dire qu'aujourd'hui notre problématique s'inscrit - et c'est le titre du rapport - dans un cadre européen.

Nous avons abordé plusieurs questions, nous ne les reprendrons pas toutes, mais je laisserai Philippe POULETTY, qui le souhaite, dire un mot.

Est-ce qu'aujourd'hui, après les états généraux de Grenoble, ce qui est prévu au niveau de la recherche est suffisant ?

Est-ce qu'il faut une loi de programmation de la recherche ?

J'ai tendance à dire - il y a environ dix-huit ans que je suis dans le monde politique, mais auparavant j'ai eu une autre carrière d'universitaire et de chercheur - que le monde politique européen globalement ne considère pas que la recherche est une des toutes premières priorités. Si aujourd'hui nous ne sommes plus numéro un dans certaines technologies clés, c'est parce que la recherche vient après d'autres priorités. Il suffit d'être dans le bureau national d'un parti politique pour pouvoir en témoigner.

C'est ma perception, et je le dis de manière claire ici.

Est-ce suffisant ? Je vous demanderai de répondre rapidement à cette question.

Deuxième question, nous venons de parler pendant une heure et demie, et nous n'avons pas abordé le problème du développement des biotechnologies dans le domaine de la santé. Or quand nous aborderons l'agriculture tout à l'heure, aussi bien avec Monsieur KASTLER qu'avec Monsieur PAGESSE, nous allons tout de suite commencer avec des questions d'inquiétude de la société. Là, comme personne n'en a parlé, cela veut-il dire que ce n'est pas la priorité.

M. BRECHOT - Je me permets de dire que lorsque j'ai parlé d'un comité qui inclut les associations de patients, ce point me paraissait fondamental. Je ne crois pas qu'on pourra valider le développement des biotechnologies si on n'inclut pas les patients dans la réflexion sur leurs applications.

M. LE PRESIDENT - Absolument. Je pense comme vous, mais je me voulais provocateur. Vous l'avez dit, mais ce n'est pas ce qui est apparu comme le thème dominant.

Vous avez cette préoccupation, nous l'avons et je pense qu'un certain nombre de personnes l'ont également, mais la situation est quand même significative.

Le troisième point dont nous n'avons pas parlé est technique, Monsieur MULLER vous le connaissez.

Que vont donner ce que l'on peut appeler les biogénériques ?

Par rapport à une molécule de synthèse, le générique était quelque chose de simple. A un moment, cela passait dans le système public, globalement les procédés de fabrication étaient les mêmes, et l'industrie pharmaceutique savait comment copier. Certains le faisaient d'ailleurs très tôt, avant d'en avoir forcément les droits.

En ce qui concerne le biogénérique, les procédés sont beaucoup plus complexes ; on n'est pas du tout sûr que la technique appliquée pour fabriquer le même médicament sera la même.

Il y a eu un biogénérique en Inde récemment et on a interdit l'autorisation de mise sur le marché d'un biogénérique fabriqué dans un autre pays.

Cette question vous préoccupe-t-elle ?

Même si elle est technique, que pouvez-vous sur cette question compliquée ?

Je salue au passage Madame GUILLOU, Présidente Directrice Générale de l'INRA, qui vient d'arriver.

M. Philippe POULETTY, Président de FRANCE-BIOTECH - Il y a deux moteurs à la biotechnologie dans le monde : le marché boursier dont je parlerai tout à l'heure et la recherche en sciences de la vie, notamment la recherche fondamentale.

Ce n'est pas être négatif que de reconnaître les faits. On ne peut pas être schizophrène en permanence en disant que, d'un côté, la France n'a pas de moyens pour sa recherche publique, qu'elle en a trois fois moins que les Etats-Unis et ce, à PIB corrigé et, d'un autre côté, prétendre que la recherche publique est fantastique, que tout va bien.

Nous le savons très bien, les chiffres le montrent, que ce soit les différents indices bibliométriques dont on peut discuter ad vitam aeternam ou d'autres.

Si le CNRS, l'INSERM et l'Institut Pasteur sont bons, ils ne sont pas au top niveau mondial par rapport aux universités qui sont au centre des gros clusters. L'excellence scientifique, le très fort dynamisme sont essentiels au transfert de sauts technologiques, à l'attraction d'investisseurs et à la croissance de petites et grosses entreprises.

Si vous regardez les gros clusters dans le monde, vous avez : le centre de la Silicon Valley, avec Stanford, Berkeley, UCS, la Californie du Sud, avec UCSD notamment, Boston, avec le MIT et Harvard, l'Angleterre, avec Cambridge et Oxford.

La France, elle, doit mieux faire sinon nous ne serons pas de grands acteurs.

Bien sûr, il faut plus de moyens et si on ne vise pas un doublement des dépenses en recherche académique en sciences de la vie à cinq ou six ans, on ne sera ni dans la cour des grands ni même dans celle des moyens.

Comme Christian BRECHOT l'a dit tout à l'heure, il faut remettre le chercheur au centre et accepter de dire qu'on va distribuer les crédits surtout aux meilleurs chercheurs, aux meilleurs projets et que ceux qui ne sont pas suffisamment compétitifs sur la base d'une excellence scientifique, n'auront pas ces crédits.

Tout à l'heure nous parlerons peut-être de la réforme et nous verrons si c'est une non-réforme - de nombreux indices pourraient d'ailleurs faire craindre une fausse réforme - ou une véritable réforme qui, forcément, ne pourra pas faire plaisir à tout le monde. Mais si on essaye de ménager la chèvre et le chou, on aura une non-réforme.

M. LE PRESIDENT - Nous reviendrons sur cette question en fin de table ronde.

M. MULLER - Je suis d'accord avec Monsieur BRECHOT sur le fait que pour ces nouveaux produits issus de la biotechnologie, il faudra associer le patient pour sa compréhension.

Je rappelle simplement que dans le volet biopharmaceutique le relais naturel pour parler aux patients, sera le médecin et non pas l'industrie. Il faut donc travailler d'abord avec le médecin et ensuite avec les patients. Or nous n'avons pas d'accès direct ou nous avons difficilement accès direct à des panels de patients, ce n'est donc pas simple.

En ce qui concerne le volet biogénérique, le premier est en train d'arriver puisque nous savons que l'EPO générique va arriver.

Je vous ai indiqué très clairement tout à l'heure que le volet du dossier d'analyse autour des biotechnologies est beaucoup plus complexe, beaucoup plus difficile, beaucoup plus intriqué dans de nombreux paramètres que ne le sont de petites molécules. C'est dû tout simplement au fait que pour des molécules de synthèse, nous avons maintenant et dans beaucoup de cas, cinquante voire cent ans de recul sur la manière d'étudier un dossier d'analyse.

Ma recommandation est que les autorités soient beaucoup plus présentes sur l'étude de ces bio-équivalences qu'elles ne le sont sur les petites molécules parce que, là, le risque est vraiment nettement plus élevé.

Ce n'est pas du tout du protectionnisme. Pendant que les produits sont protégés par des brevets et bien brevetés, il faut qu'il y ait un prix important, une reconnaissance des innovations.

En revanche le biogénérique doit exister comme les autres génériques, mais les paramètres analytiques seront beaucoup plus difficiles à mettre en œuvre.

M. BRECHOT - Je vais malheureusement devoir partir, et par rapport à la discussion qu'il y aura sur la réforme, je voudrais faire un point en deux minutes.

Premièrement, je l'ai énoncé tout à l'heure, je crois que cette preuve du concept - cela a été repris dans un des schémas particuliers par Bernard PAU - est essentielle.

Dans le domaine de la santé, un enjeu est tout à fait majeur, celui de se donner la capacité de production de lots cliniques de façon beaucoup plus performante en France, avec des normes GMP. Si cela peut apparaître comme un point technique, c'est un point tout à fait majeur pour la validation d'un certain nombre d'hypothèses. Cela aurait un effet très significatif dans notre pays sur la réalisation d'un certain nombre d'essais.

Deuxièmement, je voudrais à nouveau insister sur cette notion d'harmonisation entre l'AFSSAPS, la DGS, les hôpitaux, l'INSERM, tous les autres intervenants et bien sûr les partenaires industriels ainsi que sur la manière de prendre en compte très tôt pour un investigateur l'ensemble des pré-requis nécessaires pour qu'un projet puisse aboutir.

Au niveau de la réforme, le point de vue de l'INSERM est que nous ne sommes pas en contradiction avec ce que dit Philippe POULETTY, je crois que le message que nous souhaitons délivrer - et je sais que Bernard PAU est d'accord avec cela - n'est pas un message disant que tout va bien.

Tout à l'heure, j'ai dit ce que je pensais très sincèrement, que nous devons trouver dans notre analyse l'intermédiaire entre le fait que, oui, il y a eu un déclin, il faut le dire et oui, il y a une solidité profonde et des bases pour rebondir.

Je dis cela parce que je crois que, dans la réforme, il faut que nous essayions de résister à la tentation de tout résoudre - et ce, même si cela peut révéler des approches très intéressantes - en créant uniquement de nouvelles structures et ce, sans réformer les organismes.

Nous n'aurons pas de partenariats publics/privés tant que nous n'arriverons pas à faire des choses extrêmement simples consistant par exemple à dire que sur un raisonnement, sur un projet qui existe déjà dans les organismes, nous devrions pouvoir donner la possibilité aux chefs de projet, d'utiliser une partie des subventions pour un emploi temporaire d'ingénieur-technicien.

S'il peut apparaître curieux à des partenaires privés que cette mesure soit demandée avec autant de force dans ce cénacle par un directeur d'organisme, il s'agit cependant d'une mesure essentielle et qui se heurte à toutes les résistances au niveau des statuts et de l'organisation de notre recherche. C'est une mesure qui ne demande pas de loi, mais une volonté.

Il y a également la possibilité de donner des primes.

Ces deux possibilités sont essentielles, l'utilisation de l'argent sur des contrats, et la possibilité de donner des primes sur ces contrats à des personnes performantes.

Les enjeux financiers majeurs dépassent ce que je suis en train de dire. Mais nous ne devons pas oublier que nous n'aurons aucune relation entre le public et le privé si nous ne donnons pas un minimum d'assouplissement au fonctionnement.

Un troisième point est le contrôle a priori. Tant que la vie d'un organisme sera régie par un contrôleur financier, je pense que tout ce dont nous discutons autour de cette table sera théorique.

M. LE PRESIDENT - Les contrôleurs financiers devraient avoir du souci à se faire, mais pas tout de suite encore, ils ont déjà survécu à de nombreuses attaques. Il est cependant vrai que le contrôle a posteriori par rapport au contrôle a priori, serait déjà...

M. BRECHOT - Ce n'est pas une attaque.

M. LE PRESIDENT - Non mais le contrôle a posteriori serait une bonne évolution, nous l'avons vu sur les marchés publics.

M. Charles WOLER, Président Directeur Général de NEURO 3D - Je résumerai ce que disait Monsieur BRECHOT tout à l'heure par flexibilité. Il y a quelques mots-clefs qui sont importants par rapport au débat de ce matin.

L'industriel se délocalise, il va là où se trouvent les marchés. Etats-Unis, Europe c'est pratiquement équivalent, le problème ne se pose donc pas.

Les marchés sont là où se trouvent les financements, or, à ce niveau, il y a un décalage entre les Etats-Unis et l'Europe, et entre certains pays européens et la France. Et là, nous sommes effectivement en désavantage compétitif majeur.

Quand il y a des financements, il y a des chercheurs parce qu'il faut bien sûr financer les activités de recherche. Là encore, nous sommes probablement - et je reviens à ce que disait Christian BRECHOT - en situation un peu défavorable.

S'il y a des chercheurs, il y a des organismes et s'il y a des organismes, il y a une corrélation ou tout au moins une interface entre public et privé. Sur ce plan, il y a beaucoup de progrès à faire parce que l'excellence découle non seulement des chercheurs, mais aussi des organismes, de l'interaction entre le public et le privé.

M. Lionel SEGARD, Directeur général d'Inserm Transfert - Je voudrais réagir sur ce qu'a dit tout à l'heure Thierry JEAN sur une agence européenne qui évaluerait.

C'est vrai qu'il existe aujourd'hui un programme européen de support à la recherche et au développement, le sixième programme cadre est en cours.

Au niveau de l'INSERM, nous avons inclus toute une partie de la stratégie du rapprochement public privé dans ces logiques, avec des réseaux d'excellence thématisés sur des grandes pathologies comme les pathologies vasculaires par exemple.

On peut critiquer le sixième programme cadre sur certains choix, certaines évaluations, etc., mais je crois qu'au-delà des critiques, il est important de renforcer l'investissement de l'Europe dans le septième programme cadre.

Je crois - et je profite du fait d'être ici - que c'est aussi le rôle de nos élus de demander au niveau européen que l'effort en recherche et développement sur ces programmes cadres soit renforcé et c'est un des points souligné par Thierry JEAN tout à l'heure.

Christian BRECHOT demandait juste que j'ajoute un élément sur INSERM Transfert en ce qui concerne le financement et la création d'entreprises innovantes. Si nous manquons effectivement de financements, il en existe quand même en France.

55 entreprises ont été créées, issues de l'INSERM au cours des cinq dernières années. Nous en avons supporté financièrement dix au sein d'INSERM Transfert, pour environ 600 000 € et elles ont trouvé plus de 80 M€ de financement auprès de capital risqueurs.

Il y a quand même un manque et je crois que Philippe POULETTY parlera aussi du manque de sorties avec des projets d'innovation sur les jeunes entreprises cotées.

Je crois qu'il y a vraiment un manque dans le financement de ce transfert. Nous avons travaillé sur des réflexions sur ce sujet et il faudrait effectivement se garder de dire qu'en faisant un pas, avec par exemple une innovation thérapeutique, on a tout résolu.

M. ETIENNE - Je ferai deux remarques cher Président à propos de ce premier chapitre.

En ce qui concerne le premier aspect, par-delà ce qui peut aller bien ou mal, les sources d'inquiétude, etc., il y a certaines réalités objectives et notamment la problématique dans les biopharmacies de se trouver en bout de chaîne.

Or le bout de chaîne - et là, je parle en tant que médecin plus qu'autre chose - c'est l'essai clinique. Et quand on apprend notamment - Christian BRECHOT l'a souligné - que non seulement en France, mais aussi en Europe, les essais cliniques sont en perte de vitesse totale et que nos parts de marché diminuent considérablement, je crois qu'il serait bon qu'au plan réglementaire, on se demande enfin s'il n'y a pas, là, des mesures à prendre d'urgence pour que, précisément, ces essais cliniques puissent bénéficier d'accompagnements différents plutôt que de supporter des contraintes telles qu'on les connaît.

Comment alléger les contraintes sans faire courir de risques ?

Comment faciliter ces essais cliniques ?

Comment la France et l'Europe peuvent-elle reconquérir des parts de marché ?

Le deuxième aspect qui attire mon attention est le suivant : si, d'après ce que j'ai compris, nous ne manquons pas de brevets, nous avons même un vivier assez considérable, pour mettre tout ceci sur le marché, en revanche les opérateurs de prise de risques sont volontiers absents.

Un certain nombre d'éléments ont été introduits, comme la problématique du patient, du malade et, hier, j'étais avec Luis GARCIA au sujet de la maladie de Duchesne.

Nous voyons ce qui peut être réalisable à partir de l'accompagnement des patients, de la reconnaissance de leur place dans notre société, de ce qu'ils représentent pour dynamiser la recherche, parce qu'ils en sont précisément les premiers bénéficiaires et, en tant qu'élus, nous devons prendre ce fait en compte.

Nous avons des réussites qui viennent de s'enclencher, ça va paraître dans une revue dans huit jours et nous sommes intéressés de savoir comment cela va devenir une réalité dans le domaine du marché pharmaceutique non pas dans dix ans comme cela a été dit ici puisque Luis GARCIA affiche deux ans. Nous le verrons concrètement.

L'autre point dont je voulais parler, porte sur des petites choses comme le « catalogue » des NIH que j'ai regardé il n'y a pas si longtemps.

Pourquoi n'avons-nous pas un équivalent européen ou tout au moins français de ce vivier de brevets dans lequel toute personne intéressée pourrait aller picorer quelque chose pouvant les amener à prendre un risque ?

Ce sont les deux remarques que je voulais faire, cher Président, en vous remerciant d'avoir organisé cette réunion.

M. LE PRESIDENT - Merci beaucoup.

Nous allons faire une petite pause avant de démarrer sur la partie qui traite davantage de la biologie végétale, puis nous terminerons par le financement.

Des sujets importants ont été abordés sur les essais cliniques, la recherche, le partenariat public privé, les chartes éthiques, les discussions avec les associations de malades, la réglementation et son amélioration, et tous ces points, que nous avons déjà entendus, seront intégrés à notre rapport.

La table ronde va se poursuivre maintenant avec une autre thématique, mais tous ceux qui, même s'ils ont déjà parlé, souhaitent rester, peuvent bien sûr le faire.

TABLE RONDE « AGRICULTURE »

M. LE PRESIDENT - Nous redémarrons sur le rôle des biotechnologies dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation.

Au cours de cette audition, nous n'aurons pas tout traité ; nous n'aurons pas notamment abordé le rôle des biotechnologies dans d'autres secteurs. Vous savez que nous avons coutume de parler de biotechnologies verte, rouge et blanche :

- Les biotechnologies vertes sont les biotechnologies en lien avec l'agriculture l'agroalimentaire.

- En ce qui concerne les biotechnologies rouges, nous venons d'avoir un débat sur les biotechnologies et la santé.

- Les biotechnologies blanches sont l'utilisation de biotechnologies pour fabriquer de l'énergie, des produits nouveaux à partir des plantes par exemple, pour utiliser des micro-organismes génétiquement modifiés - nous n'en avons pas encore parlé -, qui interviennent pourtant de manière classique pour produire des protéines recombinantes, des enzymes, des vaccins ainsi que des molécules nouvelles.

Peut-être, Monsieur PATERMANN, nous direz-vous tout à l'heure la manière dont la Commission Européenne va développer ce secteur des biotechnologies.

Pour cette table ronde, nous aurons trois intervenants que mon collègue ETIENNE et moi-même allons interroger :

- Madame Marion GUILLOU, Présidente Directrice Générale de l'INRA,

- Pierre PAGESSE, Président de Limagrain,

- Guy KASTLER, responsable de la Confédération paysanne.

Tout à l'heure j'ai dit que dans le domaine de l'agriculture et de l'agroalimentaire, le sujet était beaucoup plus controversé. Nous nous en apercevons puisque, actuellement, une mission de l'Assemblée Nationale a été créée pour traiter du sujet des OGM, de leurs enjeux et les risques éventuels.

Quand les biotechnologies se sont développées, un certain nombre d'assertions ont été formulées, à savoir qu'il y a des bénéfices liés à la prévention de pathologies, à la réduction de l'allergénicité de certains produits, à la diminution des risques liés aux mycotoxines pour la santé, à la prévention des maladie cardio-vasculaires, à l'amélioration de la qualité nutritive des aliments, à l'utilisation moindre de pesticides et de produits phytosanitaires.

On a également indiqué que cette nouvelle révolution verte pourrait constituer une solution aux problèmes de production de denrées alimentaires dans des pays qui en manquent aujourd'hui.

Mais au bout du compte, une contestation importante s'est développée. Elle a démarré dans les années 1996/1997 et je dois dire ici que le débat de la transposition de la première directive européenne en 1991 a eu lieu dans l'indifférence générale. Quand je suis intervenu sur ce texte à l'Assemblée, aucune association, aucun groupement organisé n'était venu nous en parler et nous avons transposé ce premier texte.

A l'inverse de ce qui est dit parfois, il n'y a pas un manque de législation aujourd'hui, puisqu'il y a déjà une législation, laquelle est sans doute imparfaite. J'avais d'ailleurs proposé en 1998 de la modifier, mais cette réglementation existe. Et d'ailleurs le Président de la Commission du Génie Biomoléculaire est ici dans la salle.

En second lieu, on a assisté à la montée de ce débat sur les biotechnologies et l'agroalimentaire depuis les années 1996/1997, à partir de l'arrivée des premières cargaisons de soja génétiquement modifié dans nos ports. A cette époque, il y a eu une « bataille » entre le Ministre de l'Environnement et celui de l'Agriculture, qui n'avaient pas les mêmes appréciations sur ce sujet.

A l'Office, un premier rapport, en 1998, m'a été confié sur les organismes génétiquement modifiés dans l'agriculture et l'alimentation.

Au cours de l'élaboration de ce rapport, j'ai réuni la première conférence de citoyens sur ce sujet, qui a eu lieu ici même. C'était une première en France. Quatorze citoyens qui avaient été choisis au hasard, avaient travaillé sur le sujet, se l'étaient approprié et avaient posé des questions aux experts. Ils avaient rendu un rapport qui est, ô combien, d'actualité aujourd'hui.

A l'époque, la demande visait globalement à parvenir à une identification des bénéfices, à garantir la transparence, l'étiquetage, la traçabilité et à élaborer une réglementation européenne.

Ceci s'est fait petit à petit, nous sommes arrivés difficilement à une réglementation. Nous avions bien sûr posé la question des seuils à l'époque qui, aujourd'hui, est une question majeure car elle débouche sur la question de la coexistence de plusieurs types de cultures dans un pays, et nous avions répondu à ces questions.

A l'époque aussi les citoyens, le parlementaire que j'étais et l'Office avaient conclu qu'il fallait une liberté totale de la recherche dans ces domaines.

Le sujet qui a ensuite éclos fut celui de l'expérimentation en plein champ contre laquelle se sont déclarées un certain nombre d'organisations et d'associations.

A la fin de 2001, le gouvernement a demandé à un groupe dénommé « quatre sages »- Jacques TESTARD, Président du Commission française du développement durable, Didier SICARD, Président du Comité consultatif national d'éthique, André BABUZIAUX, Président du Conseil national de l'alimentation, et moi-même, en qualité de Président de l'Office- de réfléchir sur le sujet de l'expérimentation en plein champ.

A l'époque, les quatre sages avaient conclu à la nécessité de l'expérimentation à certaines conditions de parcimonie, de transparence et de précaution. Cela a été également balayé par un certain nombre de contestations qui sont venues depuis.

La réglementation européenne donne une définition de l'OGM. C'est compliqué et la définition a été à la fois scientifique, technique et politique.

Est ainsi considéré comme un OGM, un produit extrait d'une plante génétiquement modifiée comme la lécitine. Mais dans le texte européen, n'est pas considérée comme OGM, une enzyme extraite d'une bactérie génétiquement modifiée.

J'ai déjà dit que je ne comprenais pas forcément cette différence, mais dans toute réglementation il y a également de la diplomatie et dans toute négociation, il y a un équilibre auquel on doit parvenir.

Enfin un nouveau sujet est en train de se profiler. Les organismes génétiquement modifiés, du fait de la réticence des consommateurs qui n'en voient pas les bénéfices, ne se développent pas en grande quantité, pour les produits destinés à l'alimentation humaine.

Nous pouvons en avoir en quantité très faible dans un certain nombre de produits ; dans ce cas, il est nécessaire de l'étiqueter et un certain nombre de règles sur les seuils ont été fixées.

Nous en avons cependant beaucoup, et c'est le commerce international qui l'impose, dans l'alimentation animale.

Aujourd'hui, certains souhaitent qu'on étiquette les animaux qui auraient pu consommer des OGM. Il y a là un fossé entre le scientifique d'une part et le citoyen d'autre part, qui ne sait pas si en consommant un animal qui, lui-même, a mangé des OGM, il pourrait en consommer. A côté de la question technique, il y a une question de sensibilisation du public.

Enfin il y a la coexistence des filières. A partir du moment où il y a des OGM, quid de la filière de l'agriculture biologique, de l'agriculture traditionnelle et des OGM si, dans le même pays, on accepte que ces différents types de culture coexistent ?

A ce sujet, je vais d'abord donner la parole à Marion GUILLOU. Là aussi, comme tout à l'heure, se poseront d'autres problèmes et d'autres questions, les problèmes des chercheurs, de leur confiance dans des filières qui sont contestées par la société et de la place de notre pays - Monsieur PAGESSE l'indiquera peut-être - dans le domaine des biotechnologies végétales.

Monsieur KASTLER défendra lui, la thèse de la Confédération Paysanne.

Je souhaite d'abord qu'on reste courtois. Ici à l'Assemblée Nationale - comme au Sénat d'ailleurs - tout doit pouvoir se dire et nous devons pouvoir confronter nos avis et nos idées.

Quand nous aurons terminé cette table ronde, nous passerons à la question du financement.

Mme Marion GUILLOU, Présidente Directrice Générale de l'INRA - Je vais vous parler de biotechnologies verte et blanche et au démarrage, je reviendrai sur la définition des biotechnologies parce qu'il vaut mieux s'entendre sur ce dont nous parlons aujourd'hui.

Je pense en effet que nous parlons de choses beaucoup plus larges que les organismes génétiquement modifiés, c'est en tout cas le parti que j'ai pris en préparant cette courte présentation.

« Technologies utilisant les capacités du vivant », c'est ce que j'ai retenu parmi les nombreuses définitions des biotechnologies, et je vais énoncer quelques-uns des enjeux de ces biotechnologies dans le domaine agronomique.

Vous avez déjà largement parlé de l'innovation pour la santé de l'homme.

Concernant l'innovation pour la santé des animaux, faut-il citer le vaccin contre la rage qui est un vaccin recombinant ayant permis d'éliminer la rage en France ? Faut-il également citer l'utilisation d'anticorps et je vous donnerai au moins un bel exemple tout à l'heure ?

Les biotechnologies permettent aussi de mettre au point des produits de consommation, je ne vais pas répéter le saucisson, le fromage, le vin ou la bière, toutes ces biotechnologies traditionnelles. Au-delà, il y a la mise au point de nouveaux produits, comme les arômes, les fermentations.

En ce qui concerne les nouveaux débouchés pour la production végétale, il faut sans doute que je cite les biocarburants, la fermentation des sucres, les nouvelles voies de fermentation des sucres, tout ce qu'on appelle désormais la chimie verte.

En France c'est un sujet particulièrement important, mais je pense aussi que, pour l'Europe, c'est un sujet particulièrement important et c'est souvent à travers des procédés biotechnologiques que nous arriverons à fabriquer ces nouveaux produits, qu'il s'agisse de dégradations, de ce qu'on appelle dans notre jargon la lignocellulose, à savoir les parois des végétaux qui permettent d'obtenir ensuite des produits énergétiques, ou encore de micro-organismes et d'enzymes. Tout ceci relève des biotechnologies.

En ce qui concerne la réduction des impacts environnementaux des systèmes de production, il y a également de la biotechnologie dans les procédés biologiques d'épuration des effluents, de dépollution des effluents et je pourrai vous donner des exemples si cela vous intéresse.

Quelles sont les questions pour la recherche ?

Il est clair que le développement des biotechnologies nous fait déplacer les types de recherches pratiquées dans nos laboratoires de manière équilibrée. Je crois que dans ces cas, il faut éviter d'être victime des modes, c'est-à-dire d'oublier que la physiologie générale ou la taxonomie sont encore utiles. Cela nous fait cependant développer la biologie intégrative, la génomique, la protéomique, tout ce qui relève des biologies du vivant plus modernes.

Au-delà des types de disciplines pratiquées, cela pose également à la recherche le problème des gros investissements puisque ce sont des recherches biologiques nécessitant de gros investissements.

Cela pose également la question - et là, nous rejoignons, je pense, le débat médical - de la pré-valorisation, car ce qui sort des laboratoires est rarement utilisable tel quel. C'est ce que Christian BRECHOT a appelé la preuve du concept. L'idée est la pré-valorisation ou le développement après la mise au point, la découverte ou l'invention.

Je vais vous donner quelques chiffres sur la place des biotechnologies agricoles, car lorsqu'on parle des biotechnologies, on pense généralement aux médicaments et à la santé.

Je vais vous citer au moins un chiffre qui vous montrera qu'en Europe, si avec 61 % la santé est dominante, l'agriculture, l'agroalimentaire et la santé animale représentent 32 % des biotechnologies.

C'est minoritaire certes, mais aussi bien dans les procédés de fermentation, les mises au point de médicaments que dans les mises au point de nouveaux produits alimentaires, c'est significatif.

Il y a 7 % pour l'environnement et je vous citerai un exemple tout à l'heure puisque les digesteurs sont des bons procédés d'épuration pour un certain nombre de déchets.

Je vous donnerai maintenant quelques chiffres pour replacer les enjeux - et je pense que Monsieur PAGESSE reviendra largement sur ce sujet. J'ai voulu citer quelques chiffres pour que nous nous rendions compte de la disproportion de ce qui se passe dans le monde.

Les investissements en recherche de grandes firmes agrochimiques, qui représentent pour les biotechnologies agricoles entre 75 et 150 M$.

J'ai également mentionné quelques chiffres sur les engagements du Gouvernement Fédéral Américain sur un des programmes, le programme génome végétal, qui est doté d'un budget de 1,3 milliard d'euros de 2003 à 2008 (contre 80 millions d'euros par an accordés au total sur fonds publics par l'Europe des 15 et un budget annuel de l'INRA de 580 millions d'euros, le budget annuel de Génoplante étant de l'ordre de 45 millions d'euros).

Cela me permet de regretter au passage - et je profite lâchement de la présence de Monsieur PATERMANN - que l'Union Européenne soit très peu engagée sur ces programmes. Si je peux me permettre au début du débat, j'affirmerai que travailler sur les génomes végétaux, leur fonction, leur expression dans un environnement, n'est pas réductible au fait de faire des OGM. En revanche ne pas travailler sur les génomes animaux, végétaux et microbiens, c'est perdre une capacité d'être présent dans un débat international. Et il me paraîtrait extrêmement grave que la Commission Européenne ne réenvisage pas sa position dans le cadre de la préparation du septième programme cadre. J'en profite pour passer ce message.

Vous avez vu que dans le monde et chez nous, ces biotechnologies demandent des moyens plus forts que les techniques habituelles en biologie. Cela souligne la nécessité encore plus que pour d'autres sujets, de se regrouper, de focaliser les objectifs, de savoir qu'on veut travailler sur un blé résistant à la sécheresse, sur le stockage d'amidon dans le grain de maïs, d'avoir des objectifs assez clairs pour rassembler les forces autour de ces objectifs, et éviter ainsi de partir dans tous les sens.

De fait ces biotechnologies, en général et en particulier, toutes ces biotechnologies, issues de l'étude des génomes, des fonctions et de l'expression dans un environnement, sont des biotechnologies lourdes qui nécessitent une organisation de la recherche beaucoup plus collective que la biologie classique.

Je vais revenir sur les domaines d'activité de l'INRA et vous verrez que, dans chacun, je pourrai mettre des biotechnologies, à peu près partout.

Quand je parle par exemple de qualification des produits, de maîtrise environnementale des systèmes et des procédés, pour faire de la traçabilité, nous avons des biotechnologies.

Pour identifier la traçabilité de certains aliments, les biotechnologies ont été utilisées.

Elles l'ont été également pour comprendre la biodiversité, pour faire de l'ingénierie des matières premières agricoles, pour la sécurité biologique et chimique.

Je pourrais vous envoyer des exemples d'applications très concrètes des biotechnologies dans tous ces secteurs.

J'ai repéré quelques programmes de recherche en cours.

Je citerai d'abord un programme sur la maîtrise de ce qu'on appelle les écosystèmes fromagers, à savoir l'ensemble microbien extrêmement riche que vous trouvez dans un fromage, les compétitions, pour mieux comprendre ce qui se passe, étudier comment éviter qu'à un moment les pathogènes dominent les non-pathogènes, puisque c'est une fermentation avec une compétition entre les microbes. Il y a un programme de recherche collective sur cette maîtrise des écosystèmes fromagers et c'est de la biotechnologie.

Nous avons un autre programme sur les probiotiques, les organismes vivants que nous mangeons, qui vont enrichir la population microbienne. Vous savez que nous abritons quelques milliards de bactéries et que c'est de cette manière que les systèmes s'équilibrent, le fait qu'un yaourt contienne des organismes vivants qui sont en compétition avec d'autres organismes vivants. Il s'agit d'étudier ce qui se passe, comment on peut utiliser les propriétés favorables de ces fermentations.

J'ai également voulu citer un programme européen, EADGENE. C'est un programme communautaire à base de génomique, pour trouver de nouvelles modalités de traitement des pathologies animales ainsi que de nouveaux tests de détection des maladies et améliorer la qualité des produits d'origine animale.

Un autre exemple de programme est orienté vers l'économie ; il ne faut pas oublier que lorsqu'on fait de la recherche en biotechnologie, il faut aussi faire de l'économie, des sciences humaines et sociales, pour comprendre l'effet des brevets, les structures industrielles, les questions qu'on adresse aux biotechnologies.

J'ai également voulu mentionner deux exemples très récents, qui vous donnent une idée de la diversité des débouchés de ce genre de travaux.

Il s'agit d'une part, d'un procédé de traitement des effluents d'origine agro-industrielle, qui est commercialisé. Je crois que cela date de deux ans. C'est la digestion anaérobie de déchets d'entreprises.

Et nous avons d'autre part un très beau résultat sur une bactérie insecticide, qui rend malade certains insectes vivants. Elle vit en cohabitation dans un ver et elle a des gènes codant pour des toxines qui sont pathogènes pour les insectes. Cela peut être utilisé dans le futur - et j'espère que cela le sera - pour mettre au point des insecticides à base biologique. C'est là aussi une biotechnologie.

A travers ces biotechnologies, je pense qu'on peut poser plus généralement tous les problèmes qui accompagnent l'innovation, c'est-à-dire comment, à partir d'une recherche, peut-on déboucher sur une innovation et à ce moment-là, quels sont les problèmes particuliers, à quelles questions faut-il être attentif ?

Je reprendrai ce que disait Monsieur LE DEAUT tout à l'heure, à savoir qu'une innovation est rarement quelque chose de tout blanc ou tout noir. En revanche, il faut avoir une évaluation des risques et des bénéfices de chacune des innovations. Ce n'est pas spécifique aux biotechnologies, mais il faut l'avoir en tête en particulier sur cette biotechnologie de rupture que sont les OGM par exemple.

Une innovation est aussi au-delà d'un objet technique, un changement des modes de travail, de production, une incorporation dans un contexte social et je pense qu'il faut aussi l'étudier de cette manière.

Le lien avec la politique de propriété intellectuelle est aussi important. De fait, le brevet est arrivé dans le domaine des biotechnologies ; il est assez présent. Il faut voir comment équilibrer les différents systèmes de protection, les certificats d'obtention végétale et les brevets, comment s'assurer de l'accessibilité au patrimoine génétique, comment faire en sorte qu'il y ait une circulation des connaissances et en même temps un résultat monétaire pour celui qui a travaillé sur une recherche ambitieuse.

Enfin pour un organisme public comme l'INRA, il est très important d'être clair sur les partenariats, savoir avec qui travaille-t-on, comment, pourquoi, sur quels sujets et dans quelles conditions ?

Je me permets de vous donner un résultat très récent, pour le plaisir. C'est un résultat des biotechnologies dont j'espère que tout le monde sentira l'utilité immédiate, et qui vient d'être validé par la Commission Européenne.

C'est un nouveau test de détection de l'encéphalopathie bovine spongiforme qui utilise un anticorps permettant non seulement de mieux connaître la conformation de la protéine - c'est le côté fondamental de la découverte des chercheurs -, mais aussi une innovation puisqu'un test rapide vient d'être validé au niveau communautaire sur quelques milliers d'échantillons, pour le bovin.

C'est un test rapide, apparemment plus commode d'utilisation que ses prédécesseurs, mais c'est malheureusement un test qui se fait toujours sur cerveaux d'animaux abattus.

C'est un résultat de biotechnologie, un résultat d'un travail dans les laboratoires qui est passé par l'utilisation des biotechnologies et qui a permis de mettre au point un test qui va être utilisé concrètement pour détecter la maladie de la vache folle.

En conclusion, comme je crois que vous vouliez aussi parler du lien entre les recherches en biotechnologie et les activités de création d'entreprises, je vous citerai quelques exemples.

Bioprotein Technologies est une petite entreprise qui produit des protéines à visée thérapeutique dans le lait de lapin.

Vivalis produit une protéine à propriété vaccinale.

Il se trouve que les marchés de produits médicaux sont actuellement beaucoup plus explorés que les autres.

J'ai quand même cité l'exemple d'une entreprise, Biorize, qui utilise un champignon vivant en symbiose avec les racines des plantes. En inoculant ce champignon, cela favorise la nutrition - tout le monde rêve à l'assimilation de l'azote par les plantes, ressource peu limitée au niveau naturel - et l'enracinement des plantes.

C'est pour vous dire que, pour nous, la biotechnologie va de la pratique de disciplines scientifiques à la nécessité de regroupements opérationnels, jusqu'à des découvertes scientifiques et des mises au point de produits dont des entreprises assurent la valorisation.

M. LE PRESIDENT - Merci Madame GUILLOU.

M. Pierre PAGESSE, Président de LIMAGRAIN- Merci Monsieur LE DEAUT, d'abord de m'avoir invité et aussi d'organiser ce débat.

Je sais que votre souci, que vous avez d'ailleurs rappelé, à travers la conférence de consensus notamment, est d'essayer de porter à la connaissance de tous les enjeux liés à ces technologies des sciences de la vie.

Je commencerai par dire que finalement je trouve beaucoup de similitudes entre ce qui a été dit sur le médicament et ce que l'on pourrait aussi dire au sujet des technologies des sciences de la vie appliquées à l'agriculture.

Nous sommes entrés dans ce qu'on appelle l'économie de la connaissance et nous voyons un décalage important entre les investissements et l'emploi entre les Etats-Unis et l'Europe.

Tout à l'heure il était indiqué qu'il y avait des variations d'un à deux concernant les investissements et l'emploi entre les Etats-Unis et l'Europe. Pour les biotechnologies utilisées en agriculture, on peut dire que le décalage est, approximativement, d'un à quatre. Les chiffres indiqués par Madame GUILLOU corroborent bien cela.

Parce qu'il y a un marché aux Etats-Unis, des moyens affluent vers les grandes entreprises qui s'occupent de ces secteurs et le décalage est en train de s'accroître.

Je crois aussi qu'il faut souligner l'ampleur des découvertes fondamentales liées à la connaissance des génomes - et en agriculture c'est encore plus compliqué puisque vous avez au moins autant de génomes que de plantes cultivées, le fait qu'on peut étudier, en plus, les génomes d'un certain nombre d'auxiliaires - aboutit à un champ d'investigation énorme.

Vous savez qu'en ce qui concerne le séquençage du génome humain, il y a eu un programme international. Or nos plantes cultivées ont parfois des informations génétiques beaucoup plus importantes ; imaginez qu'entre le blé et le génome humain, on est devant un rapport d'un à cinq en termes d'information génétique.

Il y a donc, dans le domaine végétal, un champ d'investigation encore beaucoup plus large avec des moyens amoindris, et je me tourne également du côté de l'Europe.

Je crois que cela a été une erreur fondamentale qui, je l'espère, sera corrigée dans le septième programme, d'aborder les biotechnologies agricoles uniquement par le petit bout de la lorgnette santé alors qu'on sait que ces technologies des sciences du vivant ont des applications beaucoup plus larges.

Puisque je suis agriculteur et en même temps Président d'une coopérative dont la spécialité, le métier est l'amélioration des plantes...

M. LE PRESIDENT - Une grosse coopérative quand même.

M. PAGESSE - Tout est relatif, cela dépend à qui on se compare.

Je crois qu'il faut comprendre qu'en ce qui concerne l'agriculture et l'agroalimentaire, premier secteur économique de la France représentant quelque 200 Md€ générés par l'ensemble de la chaîne, nous ne pourrons pas durablement garder notre rang si nous n'utilisons pas les nouveaux outils qui sont à notre disposition dans le cadre du programme visant à l'amélioration des plantes.

Les outils de biotechnologie sont aujourd'hui, y compris pour les sélectionneurs, des outils indispensables pour poursuivre notre métier.

Nous pourrions tout à fait le mesurer et même si la génétique n'est pas le seul vecteur de l'amélioration de la compétitivité de notre agriculture, en trente ans, les rendements européens ont été doublés.

Que serait l'indépendance de l'Europe sur le plan alimentaire si nous n'avions pas fait ces progrès ?

Aujourd'hui l'Europe achèterait environ la moitié de sa nourriture sur le marché international, si tant est qu'elle soit disponible et que nous ayons les moyens de la payer. Et si c'était le cas, nous enlèverions le pain de la bouche de pays plus pauvres que nous.

Je dis ceci un peu rapidement et de manière lapidaire, pour simplement faire mesurer que ces nouveaux outils de la connaissance des génomes, issus du séquençage, de la génomique et de la fonctionnalité des gènes, sont des informations indispensables dans le cadre de la poursuite de l'amélioration de nos plantes.

Cette amélioration a bien entendu non seulement un rôle de sécurité alimentaire pour notre pays, mais elle doit aussi participer à la sécurité alimentaire de l'ensemble des êtres humains qui vivent sur cette planète et, demain, elle aura probablement un nouveau rôle aussi bien pour la production d'une partie de notre énergie que pour celle de biomatériaux.

On sait bien qu'en termes de recyclage, de carbone vert et de carbone fossile, on a des processus de dégradation qui sont beaucoup plus rapides. Et il y a tout ce que Madame GUILLOU a dit sur la connaissance de ces procédés de fermentation qui peuvent nous permettre de générer des pans nouveaux d'économie.

Je dirai aussi que dans l'ensemble de la panoplie des sciences de la vie qui sont de plus en plus interdisciplinaires - et ce point a été un peu soulevé tout à l'heure -, on avance. Aujourd'hui on se rend compte qu'il n'y a pas de solutions miracles ; il faut encore des physiologistes, des sélectionneurs et, en même temps, produire de la connaissance en amont qui nous permettra de mieux cibler cette véritable amélioration des plantes.

Dans ces outils, il y a la transgénèse qui a deux applications.

C'est un outil pour améliorer ces connaissances, pour comprendre la fonctionnalité des gènes et donc mieux comprendre les interactions et la physiologie des plantes. La transgénèse est donc un outil de recherche qui nous permet le décodage d'un certain nombre de fonctionnalités.

Et puis, vous avez l'OGM, connu du grand public, qui peut être un outil d'application avec les quelques grandes applications qu'on connaît aujourd'hui et notamment la tolérance aux insectes, voire la tolérance aux herbicides, qui, dans un certain nombre de grands pays, facilite la maîtrise de la flore adventice poussant en même temps que nos plantes cultivées.

Aujourd'hui nous sommes dans une situation complètement paradoxale que Monsieur LE DEAUT a soulignée.

A partir de 1998, l'Europe a acheté des plantes OGM, notamment à travers les sojas. Sachez que nous importons plus de 55 millions de tonnes de protéines et notamment de soja, qui sont déjà issues de plantes modifiées.

En Europe où tout au moins nos animaux consomment largement des plantes issues des OGM, nous sommes dans une situation complètement paradoxale dans laquelle finalement, pour un certain nombre de raisons, y compris celles liées à la réticence de nos concitoyens et consommateurs, les agriculteurs de notre zone n'ont pas à leur disposition, la possibilité d'utiliser ces mêmes techniques.

Nous sommes face à cette situation, qui accélère le désinvestissement au moins des sociétés privées et peut-être même la démobilisation des fonds publics attribués à nos instituts, et donc le différentiel est en train de se creuser.

Aux Etats-Unis non seulement les quelques compagnies qui ont pignon sur rue mobilisent des fonds extrêmement importants - nous sommes dans un rapport d'un à cinq -, mais aussi le secteur public se mobilise et je vais prendre un exemple.

Le « plant génome initiative » pour le maïs aux Etats-Unis a mobilisé 143 M$, sur cinq ans, la mobilisation française est, elle, de 10 M€.

Pourquoi y a-t-il eu ce plan ?

Le maïs est la plus grande production des Etats-Unis avec 270 millions de tonnes cette année soit presque 40 % de la production planétaire. C'est une plante tout à fait stratégique pour l'économie américaine parce que, lorsque vous détenez les clefs de l'alimentation, c'est malheureusement de la géostratégie. Faisons attention, l'Europe n'existera pas politiquement si elle n'est pas indépendante sur le plan alimentaire.

On a probablement exagéré la rapidité des bénéfices qui étaient soulignés tout à l'heure en termes de pathologies, de réduction des mycotoxines, etc. Dans le domaine de la santé on a entendu tout à l'heure qu'entre la découverte fondamentale et l'application il y avait vingt ans et il n'y a pas de raison qu'il n'en soit pas de même pour les applications agricoles. Mais ces progrès viendront.

Tout à l'heure, quand Madame GUILLOU a montré un certain nombre de travaux, que ce soit sur les champignons ou sur les bactéries pouvant sécréter des toxines qui tuent les insectes prédateurs de nos plantes cultivées, ce sont bien les prémisses de futures applications.

Ces technologies sont absolument indispensables pour réconcilier la production agricole, elle-même indispensable pour notre indépendance alimentaire qu'on a un peu oubliée parce que nos magasins regorgent de produits, et les contraintes environnementales.

Les produits indispensables issus de la chimie de synthèse pour la protection de nos plantes, « les produits de santé de nos plantes », peuvent avoir des inconvénients, y compris au niveau de notre environnement. Chaque fois qu'on aura une solution biologique, on pourra la préférer à la solution de chimie de synthèse, y compris dans ce qu'elle peut représenter en termes d'agression de notre environnement.

C'est la raison fondamentale pour laquelle les sociétés agrochimiques se sont intéressées au secteur des sciences de la vie et donc aux semences parce que la semence est le vecteur de ces technologies innovantes. Ces semences, qui arrivent jusqu'aux agriculteurs et qui font finalement la production agricole, constituent en effet le premier maillon de cette production agricole.

Aujourd'hui le challenge du semencier est d'avoir une plante résistante dans son environnement, aux conditions agro-climatiques. Là on touche l'ensemble des stress dit abiotiques, la tolérance à la sécheresse, à la salinité des sols, etc. Ces plantes doivent en même temps avoir une efficacité en termes de production et résister autant que faire ce peut à un certain nombre de bactéries, de virus, de champignons voire d'insectes.

En même temps comme dans tous les autres secteurs, les innovations entraînent une certaine segmentation du marché et la production agricole devra répondre à ces différents segments, parce que l'amidon produit pour faire du papier - 5 millions de tonnes aujourd'hui en France - devra et a déjà des caractéristiques spécifiques par rapport à l'amidon de blé qui va faire des croissants, ou encore par rapport à un blé qui va nourrir nos poulets.

Ce sont donc des investissements colossaux, multidisciplinaires, sur un marché européen qui, en termes d'applications, existe peu et qui en termes d'indépendance et de stratégie et donc de politiques, nous met dans une situation de décalage par rapport aux Etats-Unis.

Ce n'est pas seulement entre les Etats-Unis et l'Europe, j'étais récemment en Chine. Les investissements y sont colossaux, avec des programmes de rapatriement en Chine des chercheurs installés aux Etats-Unis. Vous avez également des investissements indiens, japonais et de l'autre côté une Europe qui est en train de réduire ses propres investissements.

Le coût de ces outils entraîne une concentration, comme dans le secteur pharmaceutique, si bien que les acteurs producteurs de semences se réduisent de manière drastique et que nous ne sommes peut-être pas loin d'une situation où l'Europe pourrait voir complètement disparaître ces acteurs dans ce secteur. D'où la problématique d'une certaine indépendance non seulement de notre agriculture, mais de notre agroalimentaire et finalement du choix du citoyen.

Se pose aussi bien sûr - et cela a aussi été souligné - un certain nombre de problèmes de coexistence donc de présence fortuite, de seuils de présence fortuite. Je suis un des partisans du fait que l'ensemble des agricultures puissent coexister, je ne vois de toute façon pas comment on pourrait faire autrement.

M. LE PRESIDENT - Pourrait-on aborder ce point sous forme de questions ?

M. PAGESSE - C'est d'accord.

Je voudrais simplement souligner ce décalage d'investissements qui se traduira tôt ou tard par une indépendance amoindrie et donc une zone Europe et France qui a besoin de se ressaisir pour continuer le challenge.

M. LE PRESIDENT - Merci Monsieur PAGESSE.

Monsieur KASTLER, nous essayons d'avoir des présentations assez synthétiques pour que nous puissions avoir débat.

M. Guy KASTLER, représentant de la Confédération Paysanne - Je vous remercie d'abord de me donner l'occasion non seulement de m'exprimer, mais aussi de débattre dans d'autres lieux que les tribunaux puisque malheureusement, jusqu'à aujourd'hui en France, ce sont les seuls lieux où nous pouvons débattre entre des parties agricoles qui ne sont pas d'accord.

Je pense que c'est un signe de démocratie que nous puissions arriver à exprimer un certain nombre de problèmes dans un lieu comme l'Assemblée Nationale et le Sénat.

Je dirai encore en introduction que contrairement à Madame GUILLOU, étant agriculteur, je me contenterai de parler des OGM et non pas des biotechnologies en général.

J'ai passé ma carrière de paysan à utiliser des biotechnologies puisque j'ai fait du vin et du fromage pendant plus de trente ans de manière artisanale. Je pense cependant que le cœur du débat aujourd'hui et tel qu'il est posé par la société civile, tourne autour des OGM et non autour des biotechnologies en général qui existent effectivement depuis des millénaires.

En ce qui concerne ce problème des OGM, je commencerai par une première remarque. Au niveau réglementaire, aussi bien au niveau des lois nationales, qu'internationales ou européennes, nous sommes dans une situation schizophrénique.

D'un côté, comme beaucoup d'autres pays, l'Europe a signé le traité sur les ressources phytogénétiques qui dépend de la FAO, et qui reconnaît aux agriculteurs, de par leur rôle dans l'évolution de la biodiversité et dans le nécessaire maintien de cette biodiversité des plantes cultivées, rôle totalement irremplaçable, le droit de continuer à cultiver cette biodiversité agricole, de pouvoir ressemer leur récolte et échanger leurs semences.

Mais d'un autre côté l'article 9 de ce traité, qui évoque ce droit des agriculteurs, se conclut en précisant qu'il ne s'applique que « sous réserve des dispositions de la législation nationale et selon ce qu'il convient ».

Ceci veut dire très concrètement qu'au niveau mondial nous avons une autre réglementation, celle de l'OMC, qui impose à tous les Etats à partir des réglementations sur les droits de propriété intellectuelle, d'adopter un régime de protection de la propriété intellectuelle qui est tout à fait antagoniste avec ces mêmes droits des agriculteurs.

Vous avez vous-même souligné tout à l'heure que pas plus tard que lundi dernier, vous avez transposé en droit français un certain nombre de directives communautaires concernant ce problème de la protection de la propriété intellectuelle.

Certes dans cette loi vous avez adapté l'existence du brevet à la matière biologique, donc aux plantes, aux variétés. Vous reconnaissez effectivement que le droit de l'obtenteur et le droit du fermier, ce qu'on appelle le privilège du fermier -je préfère quand même parler du droit du fermier à replanter sa récolte, ce n'est pas un privilège, mais un droit - sont reconnus. Ils l'étaient déjà dans la réglementation européenne des semences et prévalaient sur le brevet. Là, il n'y a donc rien de nouveau.

Vous dites qu'en dehors de ces deux droits, la protection accordée à une information génétique s'étend à tout matériel biologique dans lequel cette information est incluse, ainsi qu'à tout matériel biologique issu de la multiplication et de la reproduction de ce matériel biologique.

Cela veut dire très concrètement d'une part qu'une variété ne peut pas être protégée, mais pourtant qu'une variété peut l'être, parce qu'est-ce qu'une variété OGM si ce n'est une matière biologique dans laquelle on a mis une information génétique ?

Surtout, que va-t-il se passer - c'est inévitable, nous le voyons très bien dans les pays où les OGM sont cultivés - quand le champ d'un paysan sera contaminé par une information génétique qui est protégée ?

Comme plus de 50 % des paysans français, j'ai l'habitude de ressemer ma récolte, mais lorsque ma récolte sera contaminée par un gène protégé, à qui appartiendra ma récolte ?

Je ferai une boutade, à moins que je ne connaisse mal la loi, je ne crois pas que les animaux soient exclus de ce champ d'application.

Mme GUILLOU - Ils ne sont pas dedans.

M. LE PRESIDENT - Je ne pense pas qu'il faille aller trop loin là-dessus, car c'est un autre sujet.

M. KASTLER - C'est complètement le sujet.

M. LE PRESIDENT - Dans la loi sur la propriété intellectuelle, une disposition précise - et ce n'est pas le cas au Canada - qu'à partir du moment où l'inclusion dans une semence n'est pas intentionnelle, il n'y a pas de responsabilité. La loi française est donc claire sur ce point.

Vous avez donc une réponse ; je l'ai posée au ministre qui a confirmé mon interprétation.

M. KASTLER - Je vous remercie de cette information, mais je pense que ça va nous amener à des imbroglios juridiques inimaginables, car que se passera-t-il lorsqu'on achètera des semences contaminées ?

Au niveau animal que va-t-il se passer quand le chat de ma voisine qui sera protégé par Bayer va couvrir ma chatte ?

Allez jusqu'au bout de ce genre de questions. Ceci pour vous dire qu'aujourd'hui, nous sommes quand même face à un problème.

En dehors de ce problème de contamination, Monsieur PAGESSE a souligné le fait que ces investissements colossaux générés par la transgénèse, allaient amener une concentration de l'industrie semencière. Cela va surtout - et c'est ce que nous voyons - amener une perte extraordinaire de la biodiversité génétique des plantes cultivées.

Si on laisse passer cette réglementation internationale sur les brevets - et les OGM sont liés aux brevets parce que si vous les enlevez, il n'y a plus d'OGM -, nous allons arriver à une alimentation mondiale basée sur cinq espèces, chacune ayant quatre ou cinq variétés.

Or aujourd'hui, en termes d'autonomie alimentaire de chaque peuple et de sécurité alimentaire de chaque pays, compte tenu des changements climatiques, nous savons très bien qu'une des réponses essentielles à l'adaptation des plantes cultivées à ces changements est justement la biodiversité. Et aujourd'hui on empêche les paysans de continuer à cultiver et à développer cette biodiversité.

La réglementation des semences le faisait déjà en bonne partie puisqu'on reconnaissait le droit de replanter sa semence, mais aujourd'hui, nous avons une réglementation en France qui interdit aux paysans d'échanger leurs semences entre eux si elles ne sont pas au catalogue.

Si les semences sont au catalogue, elles sont homogènes et stables, ce qui n'est pas le cas des variétés paysannes qui, elles, s'adaptent en permanence à des terroirs différents et à des changements permanents. Comme elles sont extrêmement variables, elles ne peuvent pas être dans le catalogue et n'ont donc pas le droit d'exister.

Aujourd'hui, dans les enjeux qui existent au niveau de l'alimentation mondiale et de l'alimentation de chaque pays, nous avons ce rétrécissement de la diversité génétique des plantes cultivées, le fait qu'on en reste à quelques variétés stables et homogènes qui ne pourront pas évoluer même si on a un caractère monogénique de résistance à la sécheresse - et nous savons très bien que tous les caractères monogéniques sont faits pour être contournés et le sont rapidement - alors que seule la diversité peut répondre à cela. Et à cet enjeu, le développement des OGM ne répond absolument pas.

Le deuxième point que je veux souligner porte sur le problème de la sécurité par rapport à l'environnement.

Quand on parle de coexistence, on évoque les transferts de pollen, mais je vois qu'il y a des transferts de graminées là où il y a des transferts de pollen, à plus de vingt kilomètres ; je vois que même avec du maïs, nous avons des pollens qui sont encore capables d'être fertiles à plus de 1 800 m d'altitude, donc je pense qu'ils dépassent les dix mètres de précaution dont on nous parle.

Je ne vais pas citer tous ces exemples, la littérature scientifique est largement documentée à ce sujet. Mais le problème fondamental est-il celui des transferts de pollen ?

L'ensemble des études démontre aujourd'hui que les contaminations ne viennent pas des transferts de pollen, mais essentiellement des transports et de la filière. Des études sont publiées à ce sujet.

J'ouvre une parenthèse pour dire qu'avec un seuil de 0,9 %, il y a quand même contamination, surtout quand on ressème sa propre récolte. Si je ressème ma propre récolte contaminée à 0,8 %, je ne sais pas si l'an prochain elle ne sera pas à 4 ou à 5 % ; ce sont donc de toute façon des seuils inacceptables. Je ferme ma parenthèse.

Même dans le cadre de ces seuils, l'Association Générale des Producteurs de Maïs dit être incapable de les respecter, en ce qui concerne le séchage, la transformation, les transports etc. De ce fait, ces producteurs souhaitent avoir un découpage géographique avec des zones où on cultive des OGM et des zones où on n'en cultive pas.

Je peux vous donner la citation, excusez-moi Monsieur PAGESSE, je vois que vous dites non, je vous donnerai l'origine de mon information.

Aujourd'hui on est incapable de maîtriser ces problèmes de contamination par les graines, les semences et les filières, à tel point qu'au Canada, pour une espèce comme le colza, si vous mettez du colza dans votre champ et que vous ne semez aucune graine transgénique, vous pouvez être sûr d'avoir du colza transgénique qui va pousser dans votre champ.

Je sais que la graine de colza est beaucoup plus légère que celle de maïs, que sa capacité de dormance est bien supérieure, mais les cultures de colza ont été telles au Canada qu'il y a aujourd'hui dans tous les champs des réserves de graines de colzas transgéniques qui sont susceptibles de germer.

Le problème essentiel n'est-il pas aussi dans la contamination des sols ?

Je veux parler de la contamination des sols par transfert bactérien horizontal - et la littérature scientifique est largement documentée à ce sujet -, par l'exsudation de protéines toxiques.

Qu'est-ce qu'une variété Bt si ce n'est une variété qui produit en permanence, y compris par ses racines - les accidents racinaires, c'est cela - une protéine insecticide issue par synthèse certes, mais quand même d'une bactérie du sol, laquelle a son rôle dans le sol au niveau de l'équilibre bactérien et des équilibres microbiens dans le sol ?

Or si on produit cette bactérie en permanence dans le sol, on va générer de la part des autres micro-organismes du sol, des résistances à cette bactérie. On est donc en train de tout déséquilibrer et d'esquinter les sols à ce niveau. Or ce sujet n'est vraiment jamais, mais jamais abordé lorsqu'on parle des risques sur l'environnement.

Je ne voudrais pas non plus conclure sans parler peut-être du premier problème qui se pose à moi qui suis un paysan, celui par rapport à la santé. Certes je suis un paysan, parce que j'ai une entreprise et que je dois faire des bénéfices, mais ma première fonction est quand même de nourrir et de nourrir correctement un certain nombre de consommateurs.

Aujourd'hui en ce qui concerne les résultats scientifiques, il y a controverse dans le monde scientifique, il n'y a pas unanimité. Je voudrais redire que je suis heureux de pouvoir m'exprimer ici, mais je ne suis pas scientifique et je souhaiterais que dans de telles instances, les différents courants scientifiques puissent aussi s'exprimer sur les OGM.

En ce qui concerne les risques sur la santé, de plus en plus de résultats nous montrent que, par exemple, lorsqu'un insecte prédateur des plantes est nourri avec des insectes qui ont mangé du maïs non transgénique et arrosé de toxines Bt naturelles, il a un taux de mortalité bien inférieur à celui constaté lorsqu'il est nourri avec du maïs transgénique Bt.

Il y a d'autres expériences de ce type. Nous voyons aussi que les pommes de terre résistantes transgéniques perturbent non seulement la flore microbienne des sols, mais aussi la flore fongique. Ce n'est cependant pas le cas des mêmes pommes de terre non transgéniques avec la même protéine qui est produite.

On se rend donc compte que, là, il y a un certain nombre de problèmes. Il y a des transferts de gènes à notre système immunitaire et aux bactéries digestives des animaux et des hommes. Cela a été largement montré et documenté.

De nombreuses expériences ont été faites, mais n'ont pas été reproduites parce qu'il n'y a jamais de crédits pour les valider. On reproche à Monsieur PUSZTAI de n'avoir pas reproduit ses expériences, mais on lui a coupé les crédits.

Il a quand même montré que des pommes de terre transgéniques qui produisaient de la leptine provoquaient des proliférations cellulaires dans le système digestif des rats.

Pourquoi n'y a-t-il pas aujourd'hui de crédits pour valider ce genre d'expérimentation ?

Aujourd'hui on a des échantillons prélevés sur des vaches nourries en France avec du maïs transgénique et des échantillons prélevés sur des vaches nourries en France avec du maïs non transgénique. Ces échantillons sont bloqués dans un congélateur depuis deux ans parce qu'il manque 12 000 € pour les analyser.

Veut-on vraiment voir ce qu'il en est de ces problèmes sur la santé ?

Je conclurai en disant un mot sur le premier débat.

Un certain nombre d'intervenants sont partis. Si je n'ai rien à dire sur la recherche en biotechnologie pour faire des médicaments, j'ai en revanche énormément à dire quand on veut disséminer ça dans l'environnement au risque de le retrouver dans mon assiette.

Je vois par exemple qu'une société canadienne fait produire à du colza - et on connaît très bien les risques de transfert de gènes avec une plante comme le colza qui est beaucoup plus performante dans ce domaine que d'autres plantes -, une hirudine qui est un anticoagulant issu d'une sangsue.

Est-ce que demain, nous pouvons, nous, accepter de prendre le risque d'avoir cela dans notre assiette quotidienne et non pas dans notre armoire à pharmacie qui est pourtant la place des anticoagulants ?

Avec les transferts de gènes et de pollen, c'est quelque chose d'inévitable avec une plante comme le colza. Est-ce que nous pouvons prendre le risque d'avoir des anticoagulants dans notre assiette quotidienne ?

Ce sont quand même des produits qui ont une action sur la santé et nous sommes partis pour en manger tous les jours.

On a parlé de biopharmacie, il y a des sites Internet aujourd'hui comme par exemple au Canada, qui sur un certain nombre de données, fait appel à des agriculteurs pour cultiver des plantes transgéniques à visées thérapeutiques. Ils soulignent bien qu'on ne va pas le faire au Canada, aux Etats-Unis ni même en Europe où il y a des réglementations et une société civile qui est alertée et qui, heureusement, a encore les moyens d'avoir un peu d'expression démocratique, mais ils indiquent bien les pays qu'ils recherchent. C'est le Zimbabwe, le Pakistan, Panama, la Roumanie, la Tunisie, l'Indonésie, la Guinée.

Pourquoi vont-ils dans ces pays ?

Auraient-ils peur de venir dans les nôtres ?

Aujourd'hui je dis qu'il y a là des problèmes de fond en termes de santé qui se posent. Des problèmes de fond sont posés et aujourd'hui aucune des firmes qui a mis sur le marché des plantes transgéniques n'est capable par séquençage de prouver la stabilité génétique - je ne parle pas de la présence ou de l'absence du gène d'intérêt qui code pour la protéine - sur plusieurs générations, des plantes qu'ils ont mises sur le marché.

Je dis que ça pose un problème énorme parce que cette instabilité génétique qui commence à être révélée par de plus en plus d'études pose aussi un problème en termes de santé.

Si on a évalué l'impact sur la santé d'une construction génétique, qu'en est-il d'une construction différente qui apparaîtra quelques années plus tard ?

Je conclurai en disant qu'en ce qui concerne les paysans que je représente ici, pour nous, avant de continuer à disséminer dans l'environnement des constructions transgéniques de ce type, la recherche fondamentale, la recherche en laboratoire doit répondre à toutes ces questions de stabilité génétique, d'impact sur la santé humaine, d'impact sur celle des animaux.

C'est du travail qui peut vraiment très bien être fait en laboratoire. L'impact sur les bactéries du sol peut également être étudié en laboratoire avant de faire courir des risques incalculables, parce qu'on ne les maîtrise pas et qu'ils sont susceptibles d'être irréversibles, à la santé des consommateurs.

M. LE PRESIDENT - Merci beaucoup pour ces introductions qui ont été un peu longues, mais nous allons quand même essayer d'avoir un petit débat avant de traiter du financement.

 Je vais poser une première question à Monsieur KASTLER et croyez bien que notre rôle est d'être, comme je l'indiquais tout à l'heure, des catalyseurs de réactions et parfois des provocateurs.

Vous venez à juste titre de poser un certain nombre de problèmes scientifiques ; pour certains il y a des réponses et pas pour d'autres.

Des éléments, comme ceux concernant l'étude de PUTZAI, ont été cités avec lesquels je suis personnellement en désaccord d'un point de vue scientifique. Si vous donnez des leptines à des rats, les rats seront malades ; vous n'avez pas besoin qu'ils soient OGM. Les leptines sont des produits toxiques. Et si vous prenez de surcroît des pommes de terre, il y a de la solanine qui est déjà toxique. C'est donc une double toxicité.

Cette affaire a fait les manchettes des journaux au cours de l'été 1998 ; à mon avis ce sont des informations basées sur la peur et non pas sur une expérience ayant été discutée au sein de comités de lecture internationaux.

Que des expériences nouvelles soient faites, oui, mais l'exemple précis que vous avez cité n'est pas pour moi un exemple de démocratie dans le domaine de la science.

A un moment des choses ont été affirmées, un journal les a reprises à l'époque, c'était au cœur de l'été, et les autres journaux ont suivi. Je n'attaque pas un journal, c'était dans tous les journaux et la télévision c'est bien pire. Quand on affirme quelque chose et qu'on est seul, l'avantage est qu'on ne peut en discuter.

La question provocatrice que je vais vous poser est la suivante.

Vous posez des vraies questions et nous devons débattre de ces questions à l'Assemblée Nationale, mais en même temps, en refusant les expérimentations en champ et notamment des expérimentations de recherche, vous interdisez qu'on donne des réponses à vos propres questions.

Je vous ai posé la question l'autre jour, je vous la repose parce que vous n'y avez pas répondu. J'ai une deuxième occasion de vous la poser et, dans les tables rondes contradictoires que nous aurons, je la reposerai.

Vous posez de bonnes questions, car vous avez ouvert le débat, et si aujourd'hui en France nous pouvons dire que nous sommes exemplaires en ce qui concerne un certain nombre de sujets, c'est sans doute parce qu'il y a des personnes qui se sont posé des questions. Néanmoins quand on refuse de répondre à des questions, cela devient difficile.

Je vais prendre l'exemple du caféier du CIRAD, une expérience de quatre années menée en Guyane. Toutes les conditions de sécurité avaient été prises. La destruction n'a pas été revendiquée et c'est quand même bizarre.

C'était une expérience conduite au cœur de la forêt, entre Sinnamary et Kourou, à un endroit où il n'y a pas de caféier sauvage à proximité, et destinée à mesurer le flux de pollen pour effectivement pouvoir répondre à ces questions.

Alors qu'il y avait une demande d'autorisation qui avait été renouvelée, que la CGB avait réexaminée - il fallait, chaque année se prononcer sur la poursuite de l'expérimentation -, au bout de quatre ans, les plants ont été coupés et personne n'a revendiqué cette destruction.

A mon avis, au regard de la science et des questions que vous posez, ce n'est vraiment pas très correct. Encore une fois je précise que personne n'a revendiqué cette destruction de caféier.

Il en est de même quand on essaye d'arriver - comme l'INRA à Colmar - à un débat avec le public autour d'une expérimentation où cinquante plants sont des porte-greffes, pour étudier la possibilité de résistance à des virus, qu'il n'y a aucune possibilité de dissémination, que la demande a été faite, que la CGB a donné un avis favorable, et que cette tentative échoue, parce qu'il est politiquement compliqué de répondre à des questions difficiles.

Monsieur KASTLER, je vous pose donc cette question : ne faut-il pas répondre à des questions scientifiques et laisser la science se développer pour répondre à vos interrogations ?

M. KASTLER - Je n'entrerai pas dans la polémique au sujet de Monsieur PUTZAI, ce n'est pas dans mes compétences.

Je ferai remarquer que si aujourd'hui vous tapez sur un moteur de recherche le mot « instabilité », vous avez plus de 400 études qui sortent. Peut-être que la moitié d'entre elles ne sont pas valables, mais j'aimerais quand même qu'on me réponde.

Aujourd'hui, en ce qui concerne ce débat sur l'instabilité, il n'y a pas de réponse et en ce qui concerne les problèmes de toxicité de plantes transgéniques, c'est-à-dire une toxicité qui n'est pas directement liée à la protéine produite ou à la présence du gène, il y a de plus en plus d'études et on n'a pas de réponse.

Pour répondre directement à votre question, je dirai que, ne serait-ce que cette année, la majorité des essais sont des essais du GEVES réalisés pour inscription au catalogue et non pas des essais de recherche fondamentale. Par rapport à cela, il s'agit d'imposer, d'anticiper sur la réglementation et sur les autorisations, pour arriver à mettre sur le catalogue un maximum de variétés transgéniques.

Je vous ai indiqué le problème que cela posait par rapport aux brevets et aux droits des agriculteurs, nous n'avons pas de réponse à ce sujet et nous sommes obligés d'intervenir.

En ce qui concerne les réponses aux questions que nous posons, soyons extrêmement clairs. Pour étudier de manière fondamentale et en milieu ouvert et pas en laboratoire, les flux de pollen, on n'a pas besoin d'avoir des pollens transgéniques, on sait le faire avec des pollens non transgéniques que ce soit sur colza, caféier ou autre.

On n'a pas besoin d'imposer, parce qu'il y a, là, une volonté délibérée - en tout cas nous n'analysons ainsi -, de dissémination de gènes transgéniques au maximum dans l'environnement pour mettre l'ensemble de la société devant le fait accompli, un peu comme si on lui disait que de toute façon elle n'y peut rien, que des gènes transgéniques, il y en a partout.

Aujourd'hui en ce qui concerne cet exemple des flux de pollen, on peut faire les études sans disséminer des gènes transgéniques et on aura exactement les mêmes réponses.

Je vous ai indiqué l'autre jour - excusez-moi Madame GUILLOU - que lorsque nous avons interrogé Monsieur RIBA au tribunal à Foix, il ne savait pas qu'à moins d'un kilomètre de l'essai de colza, il y avait un rucher.

Une expérimentation a été faite pour étudier les flux de gènes avec du pollen transgénique alors qu'on pouvait très bien la faire autrement qu'avec du pollen transgénique. Mais aucune étude préalable du risque d'impact de cette expérimentation n'avait été faite.

Dans ce cadre, nous n'acceptons pas ce type d'expérimentation.

M. LE PRESIDENT - Cela veut dire que vous contestez la CGB.

M. KASTLER - Je dis que dans ce cas, une erreur a été commise et qu'elle est flagrante.

M. LE PRESIDENT - Les essais sur le riz à Montpellier étaient en serre et certains de chez vous ont dit que c'était une erreur.

M. KASTLER - A la date où les essais en serre ont été détruits, ils devaient avoir lieu en Camargue. C'est parce que les paysans de Camargue ont refusé qu'ils ont été réalisés en serre. Excusez-moi, nous avons aussi l'information parce que nous fréquentons aussi les paysans de Camargue ; cela a été dit au tribunal.

Le but de cette expérimentation était bien la mise sur le marché.

Aujourd'hui nous avons un certain nombre de plantes qui sont à la base de l'alimentation mondiale. Nous avons le maïs et le centre d'origine du maïs a été contaminé de manière irréversible par des gènes transgéniques. Comment pouvons-nous avoir du maïs non transgénique dans notre assiette encore pendant longtemps ?

Une autre plante est le blé. Les Etats-Unis en Irak, qui est le centre d'origine du blé avec les pays voisins, viennent de faire passer une loi sur les semences qui interdit aux paysans de ressemer leur blé et qui les obligeront à acheter la semence des semenciers et donc des gènes. On est en train de contaminer le centre d'origine du blé.

Est-ce que nous allons accepter que la recherche française publique soit responsable d'une contamination irréversible du centre d'origine du riz, en exportant dans le centre d'origine qui est l'Asie, des riz transgéniques.

A ce sujet il y a un certain nombre de choses qu'il faut arrêter tant qu'on ne répond pas à un certain nombre de questions. Et on peut répondre à la plupart de nos questions avec de la recherche en laboratoire sans passer en milieu ouvert. Et vous ne me ferez pas dire que l'expérimentation du CIRAD n'était pas destinée à aller en milieu ouvert.

Mme GUILLOU - Je vais simplement revenir sur quelques éléments.

Heureusement que l'organisation de débats sur les OGM ne date pas que d'aujourd'hui. A mon avis, les chercheurs de l'INRA ont dû participer - et je pourrai vous le chiffrer si cela vous intéresse - à quelques centaines de débats avec des personnes de la Confédération Paysanne ainsi qu'avec d'autres, partout en France ; il y a eu des débats un peu partout.

J'ai débattu moi-même plusieurs fois avec des personnes de chez vous dans la mesure où on se pose des questions et qu'il faut en parler.

M. KASTLER - Je parlais de Limagrain et pas de l'INRA.

Mme GUILLOU - Heureusement ce n'est pas la première fois qu'il y a un débat et les débats ne sont réservés ni à l'Assemblée Nationale, ni au Sénat, ni aux tribunaux, même si je suis particulièrement heureuse qu'il y en ait un aujourd'hui.

Deuxièmement, on peut certes faire la plupart des expériences en serre. Mais comment faites-vous l'expérience détruite cette année, sur les effets dans un environnement de l'utilisation de plantes OGM et de leur croisement en milieu naturel et en conditions naturelles avec des plantes non-OGM, autrement que dans la nature ?

Comment faites-vous de la biovigilance pour savoir ce que donne un essai d'OGM croisés avec des non-OGM dans la nature autrement que dans la nature ?

Je ne sais pas faire une serre grandeur nature.

En ce qui concerne cet essai, je ne vous demande pas qu'on fasse des essais n'importe comment, et d'ailleurs on l'a montré, mais dites-nous comment on répond à certaines questions autrement que par des essais grandeur nature et dites-nous pourquoi vous avez peur qu'on mène ces essais, pourquoi cet essai a été arraché. Notre collègue GOUYON lui-même disait que s'il avait été là, il aurait essayé d'empêcher l'arrachage.

Il y a des moments où vous vous posez des questions, où nous nous posons des questions sur les effets environnementaux de certaines constructions OGM, pourquoi ne laisse-t-on pas l'expérimentation se faire ?

Je ne connais pas la réponse à l'avance, il est cependant sûr que tout le monde est intéressé par la réponse. Pourquoi est-ce qu'on détruit l'essai ?

Je me demande si on ne devrait pas plutôt avoir une discussion pour savoir sur quoi on a des questions, dans quelles conditions on mène l'expérimentation, dans quelles conditions de suivi par une commission locale de transparence l'essai est réalisé. A ce moment-là, on pourra le laisser se dérouler puisqu'il répondra à des questions précises dont tout le monde a envie d'avoir la réponse.

On ne demande pas des milliers d'essais en France. Comme vous le savez, l'INRA n'a plus qu'un essai publié en champ en France, c'est vrai que la pression est forte.

Ne serait-il pas raisonnable de se mettre d'accord sur des listes de questions que tout le monde se pose, que les gens soient pour, contre, ouverts ou neutres ?

A ce moment-là, on aurait un comité de suivi de l'essai en plein champ qui permettrait d'établir des précautions et de connaître les résultats.

Ce qui me choque dans les dérapages récents, c'est que dans ce genre d'expérimentation que l'INRA suivait - elle a été arrachée cette année, nous n'étions pas les opérateurs, mais le conseil scientifique -, nous n'avons plus le moyen de répondre à ces questions de base.

M. LE PRESIDENT - Je voudrais vous dire que nous aurons une table ronde dans le cadre de l'autre étude sur ce thème, qui sera beaucoup plus longue. Je sais que nous sommes frustrés, nous abordons beaucoup de sujets, trop sans doute, mais nous voulions traiter globalement la question des biotechnologies.

Nous avons également la chance d'avoir Monsieur Marc FELLOUS dans la salle. Malgré ma proposition, il n'a pas voulu venir à la table, mais je vois qu'il s'est laissé convaincre. Monsieur FELLOUS est le Président de la Commission du Génie Biomoléculaire.

M. POULETTY - En tant que médecin et scientifique, je dirais que vous êtes extrêmement brillant pour faire peur à nos concitoyens, mais il y a quand même 70 millions d'hectares de culture OGM, cumulativement plusieurs centaines de millions d'hectares.

Citez-moi un incident ou un accident sanitaire. On ne peut pas dire n'importe quoi et dire qu'on va avoir des anticoagulants dans nos assiettes et faire peur en permanence.

Connaissez-vous des exemples de drogués à l'héroïne, aux opiacés, qui ne sont pas des OGM ?

Vous savez que les opiacés sont extraits du pavot. Est-ce que beaucoup de personnes deviennent dépendantes aux opiacés parce que des pavots viennent contaminer leur assiette ?

La France ne sera pas un acteur dans les OGM qui sont une très grande avancée devant être bien sûr réglementée et encadrée. Mais allez regarder de façon très objective vingt ans d'expérience sur 70 millions d'hectare et faire la liste des incidents ou accidents sanitaires et écologiques.

En tant que citoyen je trouve extrêmement choquant qu'une minorité s'arroge le droit antidémocratique et illégal d'aller arracher des plantes qu'elles soient à visées thérapeutiques ou expérimentales. C'est très choquant.

Moi qui m'intéresse à l'alcoolisme et à sa prévention, je ne pense pas qu'il soit nécessaire que les malades, leur famille ou ceux qui luttent contre l'alcoolisme aillent arracher vos vignes pour diminuer la production et la consommation d'alcool.

M. PAGESSE - J'aurais beaucoup de remarques à faire sur ce qui a été dit, mais je n'en ferai que quelques-unes.

En ce qui concerne la biodiversité, je disais que les OGM étaient aussi utiles aux recherches. Les mutants que nous créons augmentent la biodiversité et ne la réduisent pas et ce, contrairement à ce qui a été expliqué tout à l'heure.

Il y a bien sûr toute la question sur la liberté et donc le droit du fermier et l'exception du sélectionneur dans le processus de l'amélioration des plantes.

Nous militons pour faire en sorte que, quelle que soit la protection des plantes, le métier de sélectionneur puisse être perpétré, y compris en utilisant comme matériel de base le matériel biologique protégé, comme c'est prévu.

En ce qui concerne l'AGPM, comme j'en suis le Vice-Président, je connais un peu cette histoire. L'AGPM a simplement répété une des études fondamentales faites par l'INRA en disant qu'au seuil de 1 %, le surcoût de la production est tel que si les cultures étaient développées, il serait difficile de respecter ce seuil, parce que c'est un seuil économique.

Nos flux de pollen existent déjà entre deux parcelles de variétés différentes. Et il est sûr que s'il y a un transgène, il y a des flux entre les parcelles de proximité. Mais les Japonais ont fixé un seuil réaliste à 5 %, les Suisses à 3 % et même les Bio chez nous, en dehors de ce qu'on appelle la présence fortuite, sont aussi à 5 %.

Pourquoi, peut-on étiqueter un aliment bio, donc pur, à 95 %, et avoir un seuil différent pour les OGM ?

En ce qui concerne la destruction des essais, je suis malheureusement bien placé parce que nous menons ensemble des travaux avec l'INRA, et il n'y aura bientôt plus que nos propres travaux.

Une des questions que nous nous posons est de savoir si nous n'allons pas aussi délocaliser. Comme je suis aussi agriculteur, je dis que les intérêts de mon pays sont de poursuivre l'expérimentation dans ce même pays. Mais le comportement, y compris malheureusement de quelques collègues, me peine un peu.

En ce qui concerne les essais détruits au moins dans ma région, ce n'était pas des essais de pré-commercialisation, mais des essais pour connaître la fonctionnalité.

Le champ de Marsa détruit comportait des essais sur le comportement des gènes sur la tolérance à la sécheresse, l'assimilation de l'azote et sur la digestibilité, simplement pour faire avancer la connaissance et mieux comprendre la fonctionnalité des séquences en question pour avoir des informations pour éventuellement mieux sélectionner.

Nous étions donc loin d'un essai de pré-commercialisation, c'était un essai scientifique et d'ailleurs le Ministre de la Recherche a dit publiquement qu'aller casser ces essais c'était exactement comme rentrer dans un laboratoire avec une carabine.

Ne laissons pas croire aux gens que finalement le comportement de groupuscules qui vont détruire le travail des autres, crée un climat scientifique propice au développement de la science et aux solutions que nous devons essayer de trouver aux problèmes qui se posent à nous.

Je souhaite que finalement chacun puisse faire son travail ; je suis aussi agriculteur, ma fonction est aussi de produire la nourriture, de nourrir mes concitoyens et non de les empoisonner.

Je crois qu'il faut regarder tout cela avec un peu de sérénité. Le seul point avec lequel je suis d'accord avec Monsieur KASTLER, c'est que ces sciences de plus en plus multidisciplinaires coûtent tellement cher qu'elles entraînent la concentration.

Le vrai danger est que, demain, toute l'alimentation de la planète soit dans les mains de deux ou trois acteurs. Le vrai danger est celui-là. C'est pour cette raison que je suis un des acteurs ayant essayé de construire Biogemma et Génoplante, pour offrir une solution alternative à cette concentration.

Nous avons la même analyse, mais je préconise une solution différente. Il faut voir comment nous pouvons regrouper nos forces, faciliter le transfert de connaissances entre le public et le privé pour qu'un pays comme le nôtre puisse garder son indépendance alimentaire à terme, merci.

M. LE PRESIDENT - Merci, Monsieur PAGESSE, dans le cadre de la mission sur les OGM, nous aurons l'occasion de poursuivre cette question, en débat contradictoire.

Pour terminer, de manière très courte, Monsieur FELLOUS et Monsieur ETIENNE, puis je ferai la transition vers le financement.

M. Marc FELLOUS, Président de la Commission du génie biomoléculaire - Je parle en tant que Président de la CGB et je voudrais dire à Monsieur KASTLER qu'il a répété deux fois quelque chose d'erroné d'un point de vue scientifique.

Vous avez parlé d'instabilité et il y a quinze jours, nous avons organisé un colloque international sur ce problème, qui va être publié. La conclusion en est la suivante : si on compare la stabilité d'un gène qui est mis dans une plante, qu'on appelle un « transgène », avec le gène endogène identique, nous voyons qu'elle est identique, qu'ils évoluent de la même manière.

Les transgènes ne sont pas plus instables que les gènes d'une plante. Nous allons le publier et je vous enverrai les conclusions de l'article.

Voilà un exemple où vous dites des choses erronées et c'est facile de faire peur avec des choses erronées. Il y a peut-être d'autres points sur lesquels nous pourrions revenir et qui sont erronés.

Je suis cependant d'accord avec ce qui a été dit, il y a un problème, la société a peur. Il faut en tenir compte, analyser ce phénomène et discuter ce point. C'est un point important qui nécessite un développement des sciences humaines.

Maintenant d'un point de vue scientifique, vous avez dit quelque chose qui est erroné et qu'il faut corriger.

M. ETIENNE - Merci Président LE DEAUT d'avoir invité tout le monde et merci à Monsieur KASTLER d'avoir exposé son point de vue comme il l'a fait, avec toutes ses questions.

Toutes les questions sont bonnes. Mais à partir du moment où on s'échine à essayer d'y répondre, conformément à la demande que tout le monde présente, dont vous, il faut laisser les scientifiques construire les réponses.

Je crois que c'est un devoir éthique pour l'humanité qui est essentiel. Vous posez des questions, on essaye de trouver des réponses ; il ne faut pas casser l'outil qui permet de répondre aux questions que vous posez.

En outre, dans l'argumentaire, cela vient d'être dit par mon Président à la Commission de Génie Biomoléculaire, il faut qu'on s'assure de la vérité scientifique - ça c'est la donne scientifique - et ne pas proposer à l'opinion publique des arguments que l'on croit vrais. Je ne mets pas en doute votre honnêteté, vous avez pu penser que c'était vrai, et on vient de vous dire que c'était faux.

Le deuxième point est plus philosophique que scientifique et il faut laisser le médecin y répondre.

Vous avez dit tout à l'heure que lorsqu'il y a des anticoagulants dans l'armoire à pharmacie, il faut quand même savoir qu'ils passent partout ; cela doit être vrai. Vous voyez je n'ai pas de vérification scientifique, je vous fais confiance.

Je ne serais pas étonné que lorsqu'il y a quelque chose quelque part, ça passe un peu partout et c'est d'ailleurs votre grande appréhension qui est légitime, vous avez raison de poser cette question. Mais franchement tout en pensant que les anticoagulants passent un peu partout, j'aime autant vous dire que si on ne les avait pas cela poserait un vrai problème.

Cela veut dire que cette question, et allons directement au but, l'affaire des OGM, est de savoir si le jeu en vaut la chandelle ou pas et pour cela, il faut des scientifiques et il faut qu'ils nous apportent des réponses à nos questions. Nous devons respecter leurs travaux, leurs approches puisqu'elles sont destinées à répondre aux questions que vous-mêmes vous posez et que nous tous, avec vous, nous nous posons.

C'est tout ce que je voulais dire Monsieur le Président.

M. LE PRESIDENT - Merci Monsieur le Sénateur, nous répondrons peut-être à la fin de la table ronde.

M. KASTLER - Je voudrais juste dire deux mots.

On sait fabriquer des anticoagulants en laboratoire, c'est un premier point.

La question de la toxicité est importante. Vous dites que ce n'est pas toxique parce que c'est cultivé aux Etats-Unis et partout, je vous réponds qu'on ne trouve que ce qu'on cherche.

Le ministre français a lui-même indiqué au ministre américain qu'en France on n'accepterait jamais que plusieurs milliers de personnes décèdent chaque année d'intoxications alimentaires, et on n'est jamais allé chercher pourquoi, par exemple, les allergies au soja ne font qu'augmenter aux Etats-Unis.

On ne trouve que ce que l'on cherche et je pense que ce type de réponse est antiscientifique.

Quant au reste, je veux bien attendre d'autres débats.

M. LE PRESIDENT - Nous terminons cette table ronde, nous avons peu abordé la question des chercheurs, je dirai juste un mot.

Dans ce contexte qui est un contexte de débats, un certain nombre de points n'ont pas été traités politiquement dans notre pays. Il y a des chercheurs qui s'expatrient, c'est une vérité, notamment dans le domaine des biotechnologies.

Un chercheur m'a dit qu'il n'aurait jamais imaginé qu'il serait obligé de se coucher devant ses expérimentations pour protéger son travail. C'est donc une sorte de mal vécu global du monde de la recherche.

Monsieur PAGESSE a dit tout à l'heure qu'il y avait de moins en moins de financements, y compris européens, dans le domaine des biotechnologies végétales. Lorsqu'on interroge l'Université de Paris Orsay, on nous indique que le nombre d'étudiants dans cette matière a été divisé par cinq en quelques années.

Lorsqu'on relie ce problème au fait qu'un doctorant perçoit 15 000 € nets par an, soit moins qu'un agent de sécurité faisant partie des 6 800 ayant été embauchés dans le cadre du budget 2003 pour traiter des questions de sécurité dans notre pays, avec une formation d'un an, quand on voit qu'en fin de carrière, les salaires bruts ne dépassent pas 80 000 € dans le monde de la recherche, tous ces points cumulés, avec aujourd'hui la crise de confiance du milieu de la recherche dans les avancées et ces techniques, créent globalement un mauvais climat en France.

J'ai là une lettre d'un chercheur, membre correspondant de l'Académie des Sciences, au Président d'une région française qui a décidé qu'on ne cultiverait pas d'OGM sur son territoire.

« Comment pourrez-vous favoriser la création d'emplois et d'entreprises si les actes du Conseil régional conduisent à encourager nos meilleurs étudiants et chercheurs à partir ailleurs ?

Comment assurerez-vous un développement durable et une agriculture biologique si vous vous privez des outils qui peuvent y contribuer, mis au point par les scientifiques notamment de notre région ?

Comment notre recherche trouvera-t-elle ses applications si on les repousse a priori et si on l'empêche de sortir de son laboratoire et d'expérimenter ?

Comment nos paysans survivront-ils si on leur interdit de cultiver ce que nous autorisons à l'importation ?

Comment notre pays sera-t-il compétitif et respecté s'il se prive de ce que tout le reste du monde utilise ? »

Il y a des passages beaucoup plus durs ; il dit en outre qu'il est de la même sensibilité que le Président de la région.

Il s'agit d'une des nombreuses lettres de scientifiques que nous recevons aujourd'hui à propos de cette question sur laquelle, à mon avis, nous n'avons pas eu suffisamment de débats au niveau politique.

Il manque des lois fondatrices sur les biotechnologies en France et je salue l'initiative du Président DEBRE à ce sujet car nous allons y contribuer, avec des questions qui sont des vraies questions et que nous devons prendre en compte dans notre législation.

TABLE RONDE « FINANCEMENT »

M. LE PRESIDENT - Pour cette troisième table ronde, je vais laisser d'abord la parole à Philippe POULETTY puis à Gilles NOBECOURT.

Deux rapports viennent d'être déposés, celui de Monsieur Jean-Paul BETBEZE et celui de Messieurs Lionel FONTAGNE et de Jean-Hervé LORENZI .

Ces deux rapports traitent de la perte de compétitivité des entreprises françaises dans les secteurs les plus innovants, parmi lesquels figurent les biotechnologies, avec un décrochage des hautes technologies dans les exportations - globalement un recul de 8 % par an .Ils soulignent que si nous continuons sur cette courbe, en 2025, nous ne serons plus dans le monde de la compétition.

Monsieur BETBEZE observe que l'Europe achète de plus en plus ce qu'elle n'invente pas ou invente moins. Après avoir rappelé la facture pétrolière, il estime qu'il y aura peut-être une facture recherche.

Serons-nous demain obligés d'importer des médicaments ?

Tout à l'heure on disait que s'il y avait déclin, les moyens de rebondir existaient. Dans cette conjoncture, avons-nous les moyens de rebondir ou le tableau de plusieurs rapports successifs est-il trop noir par rapport à la situation réelle ?

M. Philippe POULETTY, Président de France-Biotech - La situation actuelle est diagnostiquée et elle est mauvaise. Mais en matière de recherche, d'innovation et d'investissement, il n'y a, par définition, pas de situation acquise. A condition d'y mettre les moyens et de traiter toute la chaîne de la recherche fondamentale finalisée, du financement des jeunes entreprises, de leur émergence sur le marché boursier, etc., nous pouvons en dix, quinze ans, revenir au premier plan.

Pour donner un ou deux chiffres, l'Europe est globalement mal placée par rapport aux Etats-Unis. En 2003 le ratio Europe/Etats-Unis en investissements dans les entreprises de biotechnologie était de 16 %. De 1 à 6, c'est extrêmement mauvais ; la France n'est que troisième en Europe et l'Angleterre pèse environ quatre fois la France.

Pourquoi est-ce important ?

On pourrait dire qu'en fin de compte, on peut faire autre chose que des biotechnologies. Or, les biotechnologies améliorent la qualité et la durée de la vie. En janvier prochain, France-Biotech sortira une étude « Bio-impact » indépendante qui examinera douze médicaments majeurs de biotechnologie et leur impact sur la qualité et la durée de la vie.

Si la durée de la vie augmente de trois mois par an chez nos concitoyens, ce n'est pas un hasard ; il y a de multiples facteurs, mais les médicaments et les vaccins jouent un très grand rôle.

Et puis, d'un point de vue économique, c'est un très gros secteur. Dans les technologies au plan mondial, les sciences de la vie représentent environ 25 % de tous les investissements à la fois en recherche publique et en investissements dans les entreprises.

Nous avons loupé le démarrage et il y a quelques années que la France se dit qu'il faudrait peut-être faire quelque chose. Nous pouvons cependant retrouver une courbe ascendante à condition de traiter le problème de la recherche publique, celui de l'investissement capital risque, celui du marché boursier, et de dire oui, il faut avoir des entrepreneurs, les accueillir et les aider.

Quels sont les moteurs essentiels ?

Il faut bien distinguer les facteurs les plus importants d'abord, puis les secondaires. Le problème est que souvent en France, on met le secondaire en avant, on crée des machins et on oublie les facteurs moteurs.

Le marché boursier, c'est le dernier étage de la fusée et je vais commencer par-là.

Le marché boursier est essentiel non seulement pour les biotechnologies, mais aussi pour toutes les PME qui veulent avoir un fort potentiel de croissance.

A quoi sert un marché boursier ?

Il sert à fournir une sortie aux investisseurs précoces, les business angels, les investisseurs en capital risque ; s'il n'y a pas de sortie financière, il n'y aura pas d'investisseur précoce puisque ce ne sera pas rentable.

Il sert à fournir un relais financier de croissance, car pour avoir une entreprise de biotechnologie profitable, il faut qu'en moyenne elle ait pu trouver 100, 200, 300, 400 M€. Et seul le marché boursier peut apporter 100, 200 ou 300 M€, le capital risque se contentant - et c'est déjà beaucoup - d'apporter au maximum 50, 70, 80 M€.

Nous n'avons donc pas de marché boursier efficace en Europe alors que le NASDAQ a attiré tout le secteur des hautes technologies. On parle de la bulle, mais sur vingt ans, il y a eu des hauts et des bas. Le NASDAQ a été extrêmement efficace pour soutenir la croissance américaine et il est sans doute responsable de 1 à 2 % de la croissance américaine.

Que faut-il faire en France et en Europe ?

Il y a trois choses importantes.

Premièrement, il y a les barrières réglementaires au marché boursier ; aujourd'hui on ne peut pas avoir un prospectus d'introduction en bourse agréé par l'AMF qui serait valide dans toute l'Europe.

Ce sera levé par une directive européenne, le 1er juillet 2005 ; c'est un facteur positif.

Deuxièmement, nous avons des marchés morcelés, le London Stock Exchange, le marché allemand, Euronext pour la Belgique, la France et la Hollande, et d'autres.

Il faut que ces marchés prennent l'initiative de créer des plates-formes communes de cotation et vous pourriez peut-être gentiment les pousser dans le dos ou espérer que l'un achète l'autre, ce qui favorisera une visibilité, un volume d'échanges de titres important.

Mais surtout, il faut orienter les investisseurs vers les PME et pas uniquement les PME de biotechnologie ou les PME technologiques. Vous avez peut-être vu qu'il y a eu récemment deux introductions en bourse, une ratée et une réussie.

Celle qui a été  réussie est celle de Bio-Mérieux. C'est un vieux nom, une vieille famille, une entreprise qui n'a pas de risques, qui croît gentiment sans pour autant avoir une croissance fantastique. L'introduction en bourse s'est faite.

L'autre était celle d'IDM, très belle jeune société française dans le domaine de la thérapie cellulaire. L'offre a cependant été retirée parce qu'il n'y avait pas d'acheteur.

Pour résoudre ce problème qui est absolument crucial - et j'insiste, car tout ce que nous faisons en amont ne fonctionnera pas si nous n'avons pas de marché boursier - il faut une initiative.

Nous présenterons cette semaine au gouvernement au nom du Conseil Stratégique de l'Innovation, de France-Biotech, d'Euronext ainsi que de la Caisse des Dépôts, le projet de jeune entreprise cotée. Les Français sont en effet très réactifs à l'incitation fiscale. Vous leur dites d'aller acheter des palmiers aux Antilles, ils le feront s'ils peuvent réduire leurs impôts sur le revenu ou un autre type d'impôts.

Ce n'est pas très utile, mais là, ce sera extrêmement efficace pour la croissance, pour ce secteur industriel ainsi que pour d'autres secteurs technologiques.

Que permettra ce statut de jeune entreprise cotée s'il est accepté ?

Monsieur LE DEAUT, j'espère que vous favoriserez cette proposition. Ce statut permettra que les actions détenues par des actionnaires dans une jeune entreprise cotée, qui sera une PME cotée depuis moins de huit ans, soient exonérées d'impôt sur les plus-values, d'ISF, d'impôt sur les successions, et les salariés faisant de la recherche auront des charges sociales réduites.

Nous insistons beaucoup sur le fait qu'il faut faire fort. Si vous voulez être efficace, il ne faut pas faire une toute petite mesure fiscale qui dira qu'on améliore un tout petit peu la situation d'hier; ce ne sera pas efficace.

Si vous ciblez la mesure, cela coûte très peu à l'Etat puisqu'il y a très peu d'IPO et les fonds levés grâce à ces incitations fiscales seront réinvestis par ces entreprises pour embaucher, faire de la recherche, conquérir des parts de marché, et seront donc rentables pour l'économie et pour l'emploi.

Cela concerne le marché boursier.

Le deuxième niveau, le moteur de la fusée, tout en bas, c'est la recherche publique.

Je comprends que Christian BRECHOT et Bernard PAU soient un peu schizophrènes, c'est difficile de regarder la réalité.

Il ne s'agit pas de dire que la recherche française est mauvaise ; elle est plutôt bonne, quoique pas excellente. Or en matière de biotechnologie et de hautes technologies, seule l'excellence gagne, c'est la compétitivité. Il faut donc une réforme de la recherche qui favorise l'évaluation des projets des chercheurs, l'embauche de jeunes chercheurs, la flexibilité, et qui dirige les crédits supplémentaires nécessaires vers les meilleurs projets, vers les meilleurs chercheurs.

Nous avons beaucoup insisté pour qu'il y ait une agence de moyens qui a été annoncée par le Premier Ministre et le Ministre de la Recherche. Il s'agit de l'Agence Nationale pour la Recherche.

Il n'est pas nécessaire de réinventer l'eau chaude. Il y a une dizaine d'agences de moyens qui fonctionnent très bien dans le monde, de la NSF au Welcome Trust en passant par les NIH, le Fonds Suisse pour la Science, l'agence canadienne, etc., et le principe est toujours le même.

Une agence de moyens n'a pas de chercheurs, pas de laboratoires, elle fait des appels d'offres, reçoit des projets de tous les chercheurs académiques, que ce soit l'université de Montpellier, celle de Strasbourg ou le CNRS, l'INRA, l'INSERM, etc.

L'agence fait évaluer ces projets par des pairs scientifiques, c'est-à-dire d'autres chercheurs de haut niveau, pas uniquement français, mais européens, anglo-saxons. Il y a trois chercheurs par projet ; ils vont dire si ce projet est très bon, moyen ou pas bon. Les très bons sont financés alors que les moyens et les pas bons ne le sont pas.

C'est un système extrêmement efficace qui favorise l'excellence scientifique, le dynamisme et qui remet le chercheur au cœur du projet.

Il faut bien sûr faire attention à la manière dont on construit l'Agence Nationale pour la Recherche parce qu'il y a un risque de conflit d'intérêts entre celui qui gère les laboratoires et celui qui finance via l'Agence Nationale pour la Recherche.

Si l'Agence Nationale pour la Recherche doit, avec les organismes de recherche, coordonner les grandes thématiques, elle doit être absolument responsable et indépendante quant à l'évaluation des projets et à la décision de financement.

Et actuellement il faut faire très attention à ce qui va être mis dans la loi de recherche et d'innovation. Si ce n'est pas une agence de moyens qui utilise les bonnes pratiques telles qu'elles existent à l'international, ce sera un échec.

Le financement ensuite.

Pour renforcer la confiance des investisseurs et des entrepreneurs, il faut aussi que l'Etat mette ses actes en conformité avec ses paroles.

Il faut cesser d'affirmer que la France et l'Europe vont être le continent et les pays les plus dynamiques au plan de la connaissance et de la recherche, qu'on va faire 3 % du PIB en 2010 et ne pas s'en donner les moyens, car ce n'est pas possible avec les budgets actuels. 3 % du PIB en 2010 représentent 25 Md€ de plus dans la recherche en 2010, dont à peu près 13 à 15 Md€ pour la recherche académique.

Ce n'est pas possible, compte tenu des budgets annoncés, mais ça l'est si la France fait des grands choix économiques. La France est très riche, l'épargne par Français est très élevée, les actifs de l'Etat représentent de 100 à 150 Md€ de sociétés à privatiser, de grands groupes industriels.

Une grande initiative serait de dire que 15 % de toutes les recettes de privatisation des grands groupes industriels à venir seront réinvestis dans la recherche via les organismes, via l'Agence Nationale pour la Recherche. D'un point de vue politique et économique, ce serait très efficace et légitime puisque ces grands groupes industriels sont le fruit de la recherche publique passée.

En sciences de la vie, il ne faut pas rêver avec un différentiel d'un à trois par rapport aux pays anglo-saxons, à PIB corrigé ; on ne peut pas espérer être un acteur majeur si on ne double pas les dépenses de recherche académique en sciences de la vie en cinq ans.

De bonnes choses ont été faites, il y a eu le doublement du crédit impôt recherche, le statut de la jeune entreprise innovante qui est très efficace puisque, aujourd'hui, en huit mois, 700 entreprises en bénéficient dont 150 ou 170 en biotechnologie.

Ce point a été efficace parce que c'était une mesure forte et lisible qui peut se résumer ainsi : si la France était dernière en coût opérationnel pour une jeune entreprise innovante, elle est maintenant première avec réduction totale des charges sociales, de l'impôt sur les plus-values, etc.

C'est la raison pour laquelle il nous faut une Agence Nationale de la Recherche très bien dotée avec une vraie réforme.

Comme le disait Christian BRECHOT, il faut également une réforme des organismes pour qu'on sorte de la rigidité actuelle du statut du chercheur où les très bons ne sont pas traités différemment que les moins bons, où les perspectives pour les jeunes chercheurs sont mauvaises.

Il faut enfin, une initiative importante sur le marché bousier.

Si l'on fait cette chaîne de réformes, je suis très optimiste parce que la France a énormément d'atouts, de qualités et d'envie d'avancer.

M. LE PRESIDENT - Merci Monsieur POULETTY d'avoir indiqué de manière dense, un certain nombre de propositions.

Nous allons maintenant entendre Gilles NOBECOURT qui, récemment, dans un article de presse était plus optimiste que les auteurs des rapports que nous avons cités, en estimant que les biotechnologies se refaisaient une santé, des fonds étant à nouveau apportés aux entreprises dans ce secteur.

Vous êtes un acteur du venture capital au niveau national et international, pouvez-vous nous en dire un mot ?

M. Gilles NOBECOURT, Directeur associé d'EDMOND ROTHSCHILD INVESTMENT PARTNERS - Je modulerai peut-être juste un peu votre propos.

Comme le disait Philippe POULETTY, on peut être optimiste à condition qu'on se rende compte des difficultés actuelles et qu'on prenne les moyens de les relever.

M. LE PRESIDENT - L'article disait cela.

M. NOBECOURT - L'article était optimiste et, comme Philippe POULETTY, je peux l'être à condition qu'on prenne conscience des enjeux qui sont devant nous ; il faut être clair sur ce point.

Deuxième précision que j'aimerais apporter, il se trouve que notre métier en tant qu'investisseurs, notre premier métier est de générer des retours sur les fonds que nous avons en gestion ; il n'est pas de financer la recherche, ni le médicament.

Il se trouve que dans mon secteur, nous essayons de générer ces plus-values à l'occasion de financements d'entreprises de biotechnologie et, pour ce qui nous concerne plus précisément, d'entreprises développant des produits thérapeutiques.

Notre premier métier est cependant de générer des plus-values. Ce point doit être clair parce que trop souvent des équipes viennent nous voir en disant que nous ne comprenons pas, que le projet présenté est extrêmement intéressant, que dans vingt-cinq ans elles auront un médicament pour telle indication. Cela n'est pas notre métier et je crois que ce point doit être gardé clairement en tête.

Par ailleurs, nous ne sommes pas le seul acteur du financement, même si nous sommes un acteur important dans la chaîne de valeur du médicament puisque, pour ce qui nous concerne, nous finançons essentiellement des entreprises qui développent des médicaments, mais cela peut être applicable à d'autres secteurs que les biotechnologies. Il y a d'autres acteurs qui sont tout aussi importants, dont il serait aussi nécessaire d'entendre les préoccupations pour arriver à maintenir tout cet écosystème qui permet à l'ensemble de fonctionner.

Je dirai juste deux choses.

La première est que la difficulté du capital risque appliqué aux biotechnologies médicales et du capital risque d'une manière plus générale en France tient à la place de ce qu'on appelle le private equity ou le financement d'entreprises non cotées par rapport aux allocations d'actifs des grands acteurs institutionnels financiers en France.

On s'aperçoit que, si on se compare avec des pays de niveaux de développement comparable, l'allocation faite au private equity, que ce soit aux fonds de LBO, aux fonds de fonds ou encore au venture ou capital dévelopment, est extrêmement faible par rapport à ce que l'on peut trouver dans d'autres pays et en particulier, quand on remet les choses en proportion, à ce que l'on peut trouver aux Etats-Unis.

Cela tient au fait que non seulement nous n'avons pas su générer encore suffisamment de grands succès pour donner de l'appétit aux investisseurs, mais aussi que nous avons une culture fondamentalement adverse au risque et que nous préférons investir dans l'immobilier - au moins nous verrons les briques dans lesquelles nous aurons mis notre argent -, d'où la montée de l'immobilier dans le pays et la désertion sur ce type d'actifs.

A ce sujet, il est très important qu'il y ait une prise de conscience parce que cela dépasse largement le financement des biotechnologies et, comme le disait Philippe POULETTY, ça touche tout le financement des petites et moyennes entreprises qui, par choix ou par taille, ne sont pas cotées, donc non visibles sur les marchés financiers.

Il y a là un point vraiment très important.

Quand on regarde ce type de placement, qu'on s'intéresse plus particulièrement à notre sujet qui est le capital risque appliqué aux sociétés de biotechnologie, on s'aperçoit qu'en ce qui concerne l'investisseur et pour faire rapide, on aura deux problématiques, une problématique de risque et une problématique de rendement.

On s'aperçoit qu'en général le rendement est mal connu et quand on fait un différentiel entre ce qui a pu être constaté sur une longue durée aux Etats-Unis et en Europe, on voit que le rapport s'établit presque du simple ou double sur une période de vingt ans, ce qui est quand même un différentiel vraiment très important.

Pour amorcer la pompe, peut-être que, de ce point de vue, les pouvoirs publics peuvent essayer de réfléchir à un certain nombre de mécaniques notamment fiscales pour améliorer, je suis d'accord, artificiellement au départ, mais pour améliorer le rendement des fonds qui pourraient être mis à la disposition des investisseurs finals que nous sommes.

Ils pourraient également essayer de réfléchir à une problématique de risque ou à cette aversion du risque. Encore une fois on parle d'amorcer la pompe pour après, pouvoir avoir suffisamment de success stories pour donner envie aux investisseurs d'avoir une mécanique permettant une maîtrise du risque, par éventuellement un organisme de transformation qui permettrait de transformer ce qui est perçu comme un risque important en bout de chaîne quand on se rapproche des entreprises, en un risque maîtrisable qui peut être anticipé pour les investisseurs institutionnels.

Ce sont deux pistes sur ce point.

En ce qui concerne l'autre élément, je me place davantage du côté des biotechnologies puisque j'ai la chance de travailler dans ce secteur depuis maintenant plus de quinze ans en voyant différents points de vue.

Ce qui est très important, c'est de le remettre en perspective de filière. Il m'a toujours semblé absurde que dans un pays comme la France, on puisse essayer de promouvoir l'innovation sur ce secteur et l'émergence de petites sociétés qui vont développer l'innovation et les utilisations finalisées, alors même qu'à l'autre bout de la chaîne, il n'y a pas de politique intégrée, y compris du médicament et que, quelque part, on massacre l'industrie porteuse.

Il faut être clair, les petites sociétés que nous contribuons à développer ont deux évolutions possibles.

Soit ces sociétés ont l'assise et la crédibilité qui leur permettra un jour d'être cotées sur les marchés financiers, de voler de leurs propres ailes et éventuellement d'évoluer vers des sociétés intégrées qui vont générer suffisamment de chiffre d'affaires pour couvrir leurs dépenses.

Soit, si ces sociétés réussissent, elles pourront être amenées à être acquises par des grands groupes industriels qui, eux, vont amener leurs innovations sur le marché.

Force est de constater que sur les vingt dernières années, le tissu pharmaceutique français s'est largement restreint et que les grands acteurs susceptibles d'acheter les sociétés ayant réussi à développer des produits thérapeutiques ou des technologies d'intérêt sont maintenant essentiellement nord-américains.

Et donc, si on ne prend pas en compte l'ensemble de la filière pour permettre à une industrie nationale du médicament de survivre sur son marché propre, on met des ressources dans le développement de petites sociétés qui, à terme, vont aller alimenter la capacité d'innovation de grands groupes anglo-saxons qui ne sont pas chez nous.

Je pense que c'est un point important à garder en tête.

Je dirai un dernier point quant à l'optimisme. Il vient essentiellement de ce qu'aujourd'hui la pharmacie est en train de connaître des mutations extrêmement profondes sur ces mécaniques essentielles de fonctionnement.

Pour un grand nombre de raisons, les grands marchés thérapeutiques sont en train d'éclater en sous-marchés. La stratégie des grands groupes pharmaceutiques qui a toujours été de poursuivre ce qu'on appelle les gros « blockbusters » et qui s'adresse à de grandes populations de patients en générant de grands profits, intervient à un moment où l'évolution de la connaissance met en évidence la diversité biologique des pathologies.

Une même pathologie qui peut obéir à des diversités biologiques importantes, sera donc éventuellement traitée par des produits différents et devra ainsi répondre à des besoins de marché beaucoup plus petits et segmentés.

Dans ce cas, la réponse des « grandes pharmas », avec des approches de grands marchés nécessitant des milliers de visiteurs médicaux, n'est plus appropriée et peut laisser la porte ouverte à l'émergence de petites sociétés qui, parce qu'elles s'adresseront à des marchés limités en taille, pourront développer de petits réseaux commerciaux et, de ce fait, se développer en sociétés intégrées.

Il y a là, aujourd'hui, de notre point de vue, une opportunité tout à fait importante si on veut essayer de revivifier le marché pharmaceutique européen en permettant l'émergence de petites sociétés qui, à leur tour, permettront la création d'autres sociétés.

Il y a donc une opportunité importante, ce qui permet aujourd'hui, si on est conscient de tout ceci, d'être optimiste sur l'avenir. Merci.

M. LE PRESIDENT - Je partage ce que vous dites. Nous avons visité à Bâle une société, Actélion, qui s'est placée sur le secteur assez étroit de l'hypertension artificielle pulmonaire. Elle est issue de Roche et le démarrage a été très rapide puisque la société compte actuellement 8 ou 900 employés.

Avant d'avoir une petite discussion, nous allons écouter Charles WOLER que je remercie pour l'aide qu'il m'a apportée lors de ma mission.

Charles WOLER va nous indiquer comment il vit cela.

M. Charles WOLER, Président Directeur Général de NEURO 3D - Je suis un simple opérateur du domaine, de formation scientifique, puis je suis entré dans le monde du management de sociétés un peu partout dans le monde et je suis revenu en France depuis quelques années, à la demande d'investisseurs, pour précisément créer une société et la financer par le capital risque.

Je vous dirai d'abord quelques mots sur ce parcours, puis j'essayerai de ne pas séparer le financement d'autres considérations, tant il est important de prendre le problème globalement.

Lever des fonds en France - ce n'est pas vraiment en France, mais en France et en Europe, parce que nous avons levé nos fonds un peu partout dans le monde - est difficile.

C'est difficile parce qu'il y a le côté risque adverse dont nous avons parlé, parce que les craintes sont de plus en plus importantes, puisque les demandes sont de plus en plus grandes.

Je termine un tour de table de 31,5 M€ qui a duré six mois et si cela peut sembler peu, c'est long quand on le fait. Ce tour de table a vraiment été très difficile, c'est en fait le tour de table le plus compliqué et le plus pénible qu'il m'ait été donné de vivre.

On peut essayer d'expliquer ceci.

Il faut bien comprendre que l'industrie pharmaceutique classique et la biopharmacie sont complémentaires, mais par nature différentes, c'est-à-dire que l'une alimente l'autre.

Les petites sociétés de biopharmacie que nous sommes alimentent actuellement les grandes pharmacies pour deux raisons.

La première est que la productivité de la recherche et développement décroît, ce n'est cependant pas le propos d'en débattre.

La deuxième - Gilles NOBECOURT l'a évoquée -, est qu'il y a une fragmentation des indications thérapeutiques par sous-populations grâce à la pharmaco-génomique.

Ceci pose de nombreux problèmes auxquels les « grandes pharmas » ne sont pas habituées ou aptes à répondre d'emblée et auxquels de petites sociétés comme les nôtres peuvent aider à apporter des réponses.

En revanche l'interaction entre les grandes et les petites sociétés que nous sommes, passe par le transfert de technologie, le transfert de projet, le transfert de composés. C'est la même image qu'on avait tout à l'heure, entre le transfert du public vis-à-vis du privé ; on vit exactement dans la même dimension.

Le deuxième point est de savoir ce qu'est la biopharmacie dans le monde.

Il y a des pays pionniers - les Etats-Unis, l'Angleterre et le Canada - et des pays suiveurs. La France appartient à un pays suiveur, or être suiveur entraîne de nombreuses conséquences.

La première conséquence est qu'il y a un coût au rattrapage qui, avec le temps, s'alourdit. Il faut créer une masse critique qui elle-même croît.

On essaye donc de courir après quelque chose qui avance déjà vite. Et on peut être très vite distancé sauf si, comme l'évoquait Philippe POULETTY, on prend d'emblée des mesures extrêmement significatives. Autrement, comme il n'y a pas de place pour tout le monde dans ce monde, on sera distancé, c'est une évidence.

Je partage à 100 % les conclusions de Monsieur BETBEZE. Ce n'est pas réjouissant et il faut prendre la dimension dès maintenant.

Qu'est-ce qu'un pays pionnier dans le domaine de la biotechnologie ou de la biopharmacie ?

C'est un pays avec des infrastructures ; on soutient le développement des sociétés ; elles ont été créées et elles sont là pour contribuer au développement ; il faut faciliter le développement de ces sociétés biopharmaceutiques.

Le deuxième point a été évoqué par plusieurs intervenants, il concerne le vivier scientifique. Là où il y a de l'argent, il y a des scientifiques, on finance des projets et cela reste, cela ne se délocalise pas.

Le vivier scientifique est donc fondamental pour pouvoir aller vers le développement de ces sociétés.

Troisièmement, il y a des modes de financement diversifiés et importants et comme un grand nombre de sociétés ont été créées dans ces pays pionniers et qu'il y a eu des succès, le succès appelle le succès, des financements nouveaux ; tout cela reste localisé et se développe.

Chez nous, en France, nous n'avons malheureusement pas cela. Nous avons peu de sociétés, peu de succès. Il y a la crainte du risque qui a été effectivement évoquée et donc une culture et un état d'esprit face à ce développement qui est très peu présent à ce stade.

Quand on sait que, clairement, la compétitivité d'un pays au plan économique dérive du monde de la connaissance et que ce monde de la connaissance est celui dont nous faisons usage tous les jours dans notre métier, on se dit qu'il y a un lien très étroit entre le développement de la biopharmacie en France, son financement, le développement du niveau de santé publique dans ce pays qui va croître - du moins je l'espère - et le contexte favorable économique qui va en découler, la croissance économique ; tout ceci est intimement lié.

Je répète encore une fois ce que j'ai évoqué en introduction, le financement des sociétés de biopharmacie ne peut être séparé d'autres considérations extrêmement importantes.

Dernier point : il faut attirer les capitaux, c'est fondamental, l'argent est le nerf de la guerre. Il faut attirer, maintenir, c'est de cette manière que les chercheurs restent - nous l'avons évoqué - et que les entrepreneurs naissent.

Si c'est bien d'avoir des chercheurs, le problème est que tout seuls, ils ne font rien. Quand je suis revenu en France - j'ai dirigé auparavant une société cotée au NASDAQ aux Etats-Unis - les investisseurs qui voulaient soutenir des projets, disaient qu'ils avaient des projets intéressants et mâtures d'un point de vue scientifique, mais personne pour s'en occuper.

S'il n'y a pas d'entrepreneurs, de managers, il n'y aura pas de biopharmacie en France ; ce ne sera pas possible.

Le transfert de la « Big Pharma », comme nous l'avons évoqué et comme l'a évoqué le Président LE DEAUT, vers la biopharmacie, n'est pas une transition simple. J'ai vécu vingt ans de ma vie dans de grosses sociétés mondiales, un peu partout dans le monde, et je dirai que ce n'est pas le même métier, on ne transpose pas l'entrepreneur, c'est une vocation particulière.

« Manager » des sociétés comme les nôtres est quelque chose d'extrêmement compliqué, qui demande beaucoup d'efforts et d'énergie, des compétences multiples qu'il faut avoir acquises ailleurs ; cela ne s'improvise pas.

Les scientifiques ne sont pas des managers, des entrepreneurs, il faut bien le dire. Or si les chercheurs partent, les entrepreneurs partent aussi. Le contexte local étant compliqué, le contexte fiscal n'étant pas agréable tous les jours, mes collègues se délocalisent.

Pour terminer, puisque les financements sont aussi nécessaires pour cela, je dirai que tant que nous n'aurons pas des infrastructures importantes de soutien dont les jeunes pousses ont besoin pour se développer, elles perdront du temps en procédures administratives, à réinventer la roue.

En faisant cela, non seulement elles ne pourront se consacrer à leur projet avec l'argent qu'elles auront levé, mais elles financeront également une part de l'infrastructure et perdront du temps - or comme on dit en anglais, c'est un « management time » très important - à créer une partie de leur environnement.

Une volonté politique et stratégique extrêmement forte est nécessaire.

Il est tout à fait évident que même si les petites « mesurettes » ont un effet d'annonce intéressant, elles ne pourront pas faire évoluer positivement notre industrie biopharmaceutique naissante face aux pays leaders et pionniers que sont les Etats-Unis, l'Angleterre et le Canada.

Nos concitoyens doivent comprendre ce point et il ne faut pas oublier qu'ils financent également les sociétés et l'argent que Gilles NOBECOURT dispense éventuellement, quand il a envie de le faire, ne vient pas de n'importe où.

Nos concitoyens apportent leur argent pour les valoriser, mais s'ils comprennent mieux ce qui se passe, indépendamment des mesures fiscales auxquelles Philippe POULETTY faisait référence, en étant intégrés à la chaîne générale, au bout de quelques années on devrait pouvoir avoir une vision un peu différente des choses, des succès plus importants, une dynamique recréée et enfin redresser notre compétitivité face aux pays pionniers.

M. NOBECOURT - J'ajouterai juste une considération géographique.

On passe notre temps à se comparer à ce qui se passe en Amérique du Nord qui est effectivement le continent pionnier le plus avancé sur ces sujets. Il se trouve que si on continue à ne faire que cela, on risque de laisser passer le train de l'Inde et de la Chine sans l'avoir vu arriver.

Il y a quinze jours, j'étais à Boston où les personnes de Harvard me disaient que pour cette année universitaire, la moitié des étudiants inscrits en biologie moléculaire aux Etats-Unis et ce, tous niveaux confondus, étaient des Chinois.

M. WOLER - Votre exemple est parfaitement clair ; ils reviendront après et créeront localement leur industrie. Et ils seront financés parce que l'enjeu stratégique, politique et économique aura été compris dès maintenant.

Cela met dix ans, le cycle est long. Le problème est que ce ne sont pas des choses qui se font rapidement, il faut des cycles relativement longs et si on ne finance pas dès maintenant, on aura du mal.

M. NOBECOURT - Exactement, cela donne une idée de l'importance de l'effort public fait par la Chine pour se positionner sur ce marché.

Quant à ce que disait Charles WOLER sur la durée des cycles, il y a vingt ans, l'Europe était leader en matière de médicaments.

M. PAU - Il y a une simplification du cahier des charges qui renforce ce qui vient d'être dit.

M. LE PRESIDENT - Pour aller dans ce sens, et je l'ai dit dans un colloque récent, il y a bien sûr la Chine avec toute une stratégie de formation, de retour des chercheurs et des moyens attribués, mais il y a également le Japon.

En ce qui concerne le Japon qui n'était pas un des tout premiers pays dans l'industrie pharmaceutique, je dois dire que sa stratégie dans le domaine des biotechnologies est assez impressionnante.

Ceci veut dire qu'à un moment donné et dans le cadre d'une simple stratégie de rattrapage, non pas de la totalité de la pharmacie, mais de l'un des secteurs qui est en train de se développer - et je suis tout à fait d'accord avec Monsieur MULLER qui disait qu'il n'y avait pas que cela - les mesures prises peuvent être de très grande ampleur.

M. NOBECOURT - En Inde aussi. C'est une stratégie de remontée à partir de la fabrication. Ils sont partis des génériques et ils sont en train de s'attaquer à la fabrication des biogénériques, ils vont donc partir sur toute la production de produits recombinants et on les voit très bien remonter et commencer à avoir une démarche de rapatriement en Inde de scientifiques formés aux Etats-Unis.

M. SEGARD - Je voudrais juste réagir sur trois points.

En ce qui concerne l'Agence Nationale de la Recherche, Christian BRECHOT m'a demandé de confirmer la position de l'INSERM sur ce point.

L'évolution de l'INSERM a intégré l'évaluation par projets et ce n'est pas un vain mot de dire qu'aujourd'hui les unités de recherche de l'INSERM sont évaluées « par équipe sur projet ». On n'évalue plus une unité de recherche dans son ensemble, mais on évalue les équipes qui sont dans cette unité de recherche sur les projets.

Au niveau de l'INSERM, depuis deux ans et demi, les contrats à venir représentent 85 projets financés sur 360 unités de recherche ; ce sont des contrats qui sont donnés sur des projets.

Je le dis juste pour indiquer que, dans ce contexte et par rapport à la création de l'ANR, il faut se méfier d'une position consistant à dire qu'un organisme ne peut pas être en même temps opérateur et agence de moyens, je crois que c'est faux. On a cité le NIH, on peut également citer le NRC. Il existe des exemples où des acteurs sont opérateurs en même temps agences de moyens.

Aujourd'hui certains organismes de recherche comme l'INSERM, ont recours à des experts internationaux, qui sont donc en nombre limité. Et ce sont toujours les mêmes experts qui interviennent dans les évaluations internationales, il faut le savoir.

Si on veut gérer l'excellence, on fait toujours appel - et j'entends bien Monsieur PATERMANN, c'est le même problème au niveau des programmes cadres européens -, aux mêmes experts et le stock n'est pas extensible.

Il faut se méfier de rajouter une couche d'évaluation qui risquerait de « saturer » ces experts qui, par ailleurs, sont des chercheurs de très grand talent, qui ont aussi besoin de faire de la recherche et qui doivent donc libérer du temps pour pouvoir en faire.

Voir une antinomie entre une gestion de programmes délégués par l'ANR à des organismes qui, par ailleurs, seraient également des opérateurs, me paraît dangereux dans ce contexte de limitation du nombre d'experts.

Je crois qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts et je donnerai juste un exemple. En ce qui concerne la biosécurité, nous avons mené un appel d'offres financé par l'industrie, notamment par Sanofi-Aventis et Bayer. Cet appel d'offres qui a été évalué par un conseil scientifique composé majoritairement de l'INSERM, a donné le résultat suivant : 20 % du financement vont vers des laboratoires INSERM, et à peu près autant vont vers des laboratoires de l'Institut Pasteur, du CNRS, des universités, le service de santé des armées, des entreprises, etc.

On démontre également que, dans les programmes nationaux de recherche, l'INSERM - et le CNRS l'a également fait dans certains domaines, de même que l'INRA - peut être une agence de moyens et ne pas sombrer dans cette logique de conflit d'intérêts. C'était le premier point.

Le deuxième point porte sur le transfert de technologies. Christian BRECHOT parlait du contrôleur financier, c'est un vrai problème aujourd'hui ; une grande partie du budget des organismes sert à payer des salaires, ce qui est antinomique avec la logique d'agence de moyens.

Le transfert de technologie est un moyen et il faut agir en agence de moyens pour le financer.

Peut-être que l'Europe peut nous aider, peut-être que par la BEI ou des investissements cautionnés par la Commission Européenne, on peut accélérer le transfert de technologies.

Aujourd'hui on ne peut pas financer à hauteur de 1 % du budget de l'INSERM, le développement du transfert de technologies de l'INSERM. Imaginez la difficulté de trouver 1 %, c'est quasiment impossible dans un budget d'organisme aujourd'hui, tellement la contrainte de la charge salariale est forte.

Il y a donc un vrai problème de fond ; il faut peut-être que l'ANR, la Commission Européenne, en tout cas que le gouvernement incite au transfert de technologies en finançant le transfert de technologies des organismes d'une façon plus importante.

Il faut a minima 1 à 2 % du budget d'un organisme pour breveter et transférer les technologies de façon efficace. C'est le deuxième point.

Le dernier point concerne l'Europe parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous nous sommes tournés vers l'Europe de manière très précoce. Au niveau d'INSERM Transfert, nous gérons dix-sept projets dans le cadre du sixième programme cadre, représentant plus de 100 M€ de financement de la Commission Européenne.

La majorité d'entre eux sont coordonnés par l'INSERM, certains le sont par l'université de Cambridge ou d'autres universités étrangères. C'est dire si on sait « manager » des projets en France puisque certaines universités étrangères prestigieuses font appel à nous pour cela.

L'Europe est un élément clef. Je crois que l'investissement et ce que je disais tout à l'heure sur le septième programme cadre sont des points essentiels, il faut cependant également maintenir la continuité de ce qui a été fait. Je crois que les grands instruments sont des bons instruments, et il faut que le gouvernement français, mais aussi les autres gouvernements le disent à la Commission Européenne.

On a créé des instituts virtuels d'excellence dans des domaines thérapeutiques, les pathologies vasculaires, virales, neuro-dégénératives, etc. Il faut renforcer le soutien à ces outils et les développer.

Au-delà, dans le domaine des plates-formes, l'Europe n'a pas mis aujourd'hui, dans son programme, de financement dédié à des plates-formes en recherche clinique.

Tout à l'heure on a parlé de la perte de compétitivité de l'Europe dans le domaine des essais cliniques. Je crois que si au niveau français, des mesures doivent être prises dans ce domaine, il faut aussi intégrer, au niveau européen, une réflexion sur le financement d'une plate-forme européenne de recherche clinique qui puisse être effectivement compétitive avec les pays émergents dont on vient de parler.

C'est tout ce que je voulais dire, je crois qu'il faut renforcer le transfert des technologies ainsi que les essais cliniques et donner aux organismes les moyens de continuer à intervenir en tant qu'agences de moyens.

M. LE PRESIDENT - Merci beaucoup, je crois que plusieurs idées très intéressantes ont été avancées.

On connaissait celles de Philippe POULETTY. A côté de la jeune entreprise cotée pour laquelle on supprime tous les impôts, certains préfèrent l'impôt choisi, en attribuant une part de son imposition à des organismes de recherche ou à des fondations ; c'est une autre manière plus facile politiquement à expliquer, mais c'est un autre sujet.

Aux Etats-Unis, j'ai été marqué par le système du « Small Business Innovation Research » qui, à l'instar de notre concours de la jeune entreprise innovante, permet de financer - peut-être que l'Europe peut y réfléchir - directement des sociétés émergentes, et après une évaluation d'un an, de donner des fonds significatifs de démarrage.

L'amorçage et le pré-amorçage sont effectivement des périodes difficiles même si, après, il y en a d'autres. Le fait est qu'après c'est davantage pris en compte.

Je trouve - et je parle, là, en homme de terrain, comme premier Vice-Président de ma région - qu'en ce qui concerne le démarrage de la chaîne de l'innovation, le trou de la sensibilisation et le trou de l'amorçage et du pré-amorçage, sont deux trous difficiles.

Je ne vais cependant pas développer pour pouvoir passer à l'Europe et je vais très rapidement formuler trois observations.

Premièrement, 5 % de financement des projets globaux, ce n'est pas assez. A nous de nous battre pour que la recherche devienne la priorité de l'Europe et que nous ayons de vraies manettes.

Deuxièmement, il faut réfléchir à des grands axes de recherche européens ; cela a été fait, Philippe BUSQUIN l'a déjà commencé.

Il ne faut pas oublier la recherche fondamentale dans la définition des grands axes et je crois que vous y réfléchissez actuellement. En effet, on ne peut pas avoir de politique européenne sans politique de recherche fondamentale.

Troisièmement, je suis pour sortir les dépenses de recherche, je l'ai écrit plusieurs fois, et je suis heureux que Monsieur LORENZI ait repris cette idée, du pacte de stabilité.

Je défends ce point dans mon parti politique depuis très longtemps parce que si on se met des boulets aux pieds pour participer à des courses de haies, on n'est pas sûr de les gagner.

Il faut des organismes de financement au niveau européen, c'est vrai. Je crois que la vraie difficulté aujourd'hui - et nous l'avons vue ce matin sur les biotechnologies - n'est plus nationale, mais européenne. On a les mêmes problèmes, même si le Royaume-Uni s'en est mieux sorti par une politique sur le long terme, « au long cours », et si l'Allemagne qui a voulu faire du court terme et tout changer trop rapidement, a aujourd'hui quelques désillusions que j'ai vérifiées sur place.

Si nous nous donnons les moyens de ne pas se contenter de « mesurettes » au niveau national et de les conforter au niveau européen, cela nous permettrait d'avancer.

Monsieur PATERMANN, je vous donne la parole pour que vous puissiez nous dire ce que vous en pensez.

Intervention de Monsieur Christian PATERMANN,

Directeur du Directorat Biotechnologie, Agriculture et Alimentation à la Direction générale Recherche de la Commission Européenne

Messieurs les Députés, Monsieur le Président, merci de m'avoir invité ici, c'est un événement national et je suis ravi que vous n'ayez pas oublié l'Europe. Merci également à vous tous d'être restés jusqu'à la fin, d'être, comme on le dit en français, le dernier carré.

Ne pensez pas que les problèmes auxquels nous faisons face en Europe soient très éloignés de ceux dont vous avez discuté aujourd'hui. Je vais évoquer quelques remarques, quelques initiatives, quelques indications qui pourront être utiles pour votre discussion.

D'abord j'aimerais bien répéter une nouvelle fois - et c'est aussi important pour la nouvelle Commission - que les chefs d'Etat veulent faire en sorte que l'Europe devienne une économie fondée sur la connaissance la plus compétitive et dynamique dans le monde d'ici 2010. Monsieur BAROSSO a repris ce point et s'il va en changer quelques aspects, il va fondamentalement le garder.

En même temps, nous voulons établir un véritable espace de la recherche européenne, il ne faut pas l'oublier.

Ce qui n'est peut-être pas tellement connu de vous tous, c'est qu'à Stockholm, en mars 2001, les chefs d'Etat ont dit qu'ils étaient convaincus qu'après les technologies de l'information, la prochaine vague de cette économie fondée sur la connaissance, concernerait les sciences de la vie et donc la biotechnologie.

Il ne faut pas l'oublier et le répéter aux députés du Parlement Européen comme à ceux des Parlements Nationaux.

Nous avons repris cet appel, si je peux me permettre de le qualifier ainsi, en répondant par une stratégie paneuropéenne dans les sciences de la vie et la biotechnologie, avec trois questions vraiment très importantes, qui vont vous démontrer que nous ne voulons pas pousser aveuglément ces technologies, mais que nous le faisons d'une manière très équilibrée et très convaincante.

1. Comment acquérir les ressources humaines, industrielles et financières pour développer et appliquer ces technologies afin de répondre aux besoins de la société, mais aussi accroître la compétitivité industrielle ?

2. Comment s'y prendre pour livrer des politiques efficaces, mais aussi crédibles et responsables ?

3. Comment peut-on relever les défis globaux et développer les politiques avec une perspective globale claire ?

C'est la dernière question, mais pas la moindre, et je pense par exemple à un changement global ou encore à la manière de lutter contre la pauvreté ou le développement durable.

En conséquence, nous avons développé cette stratégie - c'est très important - ainsi qu'un plan d'action avec trente actions concrètes. Et nous sommes obligés, chaque année, de faire un rapport au Parlement et aux pays membres, dans lequel nous devons indiquer clairement ce que nous avons fait sur chacun de ces trois points ; nous pouvons aussi en ajouter de nouveaux.

Pour cette raison, je peux simplement vous recommander de lire les deux rapports - j'ai donné le deuxième rapport en français, qui a six ou huit mois maintenant - qui vous donnent vraiment un excellent bilan de tout ce qui se passe en Europe.

Je ne vais pas entrer dans le détail, mais vous dire que ce rapport est très honnête parce qu'il dit très clairement que si nous avons accompli beaucoup de choses, il reste cependant de très nombreux « mais ».

En ce qui concerne les aspects positifs, il est clair que cette stratégie a eu une retombée. Et à la suite la discussion entre les chefs d'Etat, il y a eu une augmentation du soutien financier aux sciences de la vie et à la recherche en matière de biotechnologie, d'environ 20 à 25 % par rapport au cinquième programme.

Mais le problème - et cela a déjà été critiqué ici - provient de ce que plus des deux tiers de cet argent vont exclusivement à la santé. Le reste va un peu à la biotechnologie verte, d'une manière pas très visible mais un peu cachée, parce que ce n'était pas dans le programme cadre, et un peu à l'environnement.

Pourquoi est-ce ainsi ?

Cela s'est passé avant que je ne m'occupe du secteur qui est le mien actuellement, mais on m'a très clairement expliqué qu'il y a eu une très grande vague de concentration. On voulait se concentrer sur la santé parce qu'en même temps, il y avait le problème de la qualité alimentaire et aussi de la sécurité alimentaire, l'une des conséquences des grandes maladies comme l'ESB.

Pour cette raison, on s'est concentré clairement sur la santé. On va maintenant voir si ça va rester. Ce sera avec votre aide, car je suis personnellement déterminé à apporter un changement, pas à partager l'argent mais à augmenter les fonds destinés aux biotechnologies verte et blanche, plus tard.

Il y a également d'autres points très intéressants comme la révision de la législation pharmaceutique qui a été adoptée au début de cette année ainsi que le cadre réglementaire relatif aux OGM.

Malheureusement M. KASTLER n'est plus là, car je vais vous dire quelque chose de très fondamental sur la question de la coexistence.

La commission a dépensé plusieurs millions d'euros, 340 M€ peut-être, avec 80 projets depuis 1995 sur la sécurité concernant les questions des OGM.

Jusqu'à aujourd'hui, il n'y aucune preuve que les questions liées à l'utilisation d'OGM présentent un dommage plus important que l'utilisation de l'agriculture normale conventionnelle.

Ce sont ces résultats scientifiques qui sont à la base des directives et aussi de la coexistence. Si on juge par exemple que les OGM sont plus désavantageux, qu'ils ont davantage d'impacts écologiques que les autres, on ne peut pas être en faveur d'une coexistence ; c'est tellement facile. La Commission s'est très clairement prononcée pour aller vers la coexistence en agriculture avec des lignes directrices.

Nous faisons beaucoup de recherches actuellement à ce sujet. En ce moment il y a un grand projet intégré sur la coexistence avec un coordinateur français où, tout au long de la chaîne alimentaire, toutes les différences sont examinées ainsi que les questions éthiques, légales, etc. sur la coexistence en agriculture.

Ce projet est très intéressant ; on nous bombarde d'invitations, émanant des Russes, des Chinois, des Australiens qui vont faire partie de ce projet.

Nous avons noté aussi, et c'est très important, de nombreuses initiatives en faveur du financement ; c'est un bilan positif, mais il y a également « un mais ».

A ce sujet, je peux simplement m'associer à tout ce qui s'est déjà dit dans la troisième table ronde aujourd'hui.

Nous avons un grand comité consultatif qui nous aide pour les questions de financement et les aspects commerciaux. Il est très intéressant de noter que, dans le deuxième rapport de progrès d'il y a quelques mois, ses membres aient souligné l'énorme insuffisance des capitaux et aussi la fragmentation des marchés européens des valeurs mobilières, et ils ont fait une proposition très concrète.

Vous avez parlé des « trous » et je m'associe tout à fait à ce que vous avez dit. Ils ont aussi recommandé l'établissement de fonds privés/publics destinés à combler l'écart entre les financements par le capital-risque traditionnel et la phase d'IPO.

C'est justement un des trous dont vous avez parlé et nous sommes actuellement en train d'en discuter.

Je vais maintenant vous parler des points moins positifs et des points plus négatifs de ce bilan.

Il faut accroître les investissements publics et privés dans la recherche, c'est ce que le rapport dit très clairement et j'espère bien que dans le septième programme, avec votre aide, on sera vraiment en position d'attribuer les capitaux nécessaires pour la recherche. 3 Md€ pour le sixième programme c'est déjà bien, mais ce ne sera pas suffisant, c'est très clair.

Un autre point très négatif est la question de la transposition de la directive 98-44 CE relative à la protection juridique des inventions en biotechnologie.

Jusqu'à aujourd'hui seuls sept pays ont transposé cette directive et l'adoption d'un brevet communautaire n'est pas encore acquise, ce qui a conduit de nombreuses entreprises à adopter une stratégie pour obtenir principalement des brevets aux Etats-Unis et simplement dans quelques pays européens.

C'est un point très important auquel le rapport fait également allusion.

M. LE PRESIDENT - En France, on a voté en termes conformes à l'Assemblée Nationale lundi dernier.

M. PATERMANN - Je ne le savais pas.

M. LE PRESIDENT - Je vous le dis et vous pouvez considérer que c'est acquis pour la France.

M. PATERMANN - Merci et félicitations, nous en sommes très heureux.

Un autre point qui n'est pas à sous-estimer concerne la nouvelle législation applicable aux OGM ; c'est la réglementation la plus sévère et la plus stricte du monde, mais il faut l'appliquer.

J'étais le représentant de la commission au sommet de la biotechnologie aux Nations Unies à Concepción au mois de mars. Il était intéressant de voir comment les Américains ont discuté avec des pays émergents comme l'Argentine, le Chili, l'Afrique du Sud, l'Australie, etc.

Ils disaient que certes, les Européens avaient peut-être le régime le plus parfait, mais que si eux n'avaient peut-être pas un régime aussi parfait, ils l'avaient appliqué, alors que les Européens « font des manières », qu'il leur appartenait à eux, Argentine, Australie, Japon, Chine, de juger quel était le système le plus approprié.

Il ne faut ni oublier ni perdre de vue que nous avons un régime et qu'il faut maintenant l'appliquer.

Pour l'avenir, en ce qui concerne le sixième programme, vous avez déjà dit qu'il y avait de grands axes. Je ne vais pas entrer dans le détail des six axes contenus dans ce programme, mais seulement vous parler de l'un d'entre eux qui concerne les partenariats technologiques à grande échelle parce qu'ils auront un impact immédiat pour les sciences de la vie et la biotechnologie.

Vous savez peut-être que nous avons établi de nombreuses plates-formes technologiques européennes et les sciences de la vie sont au premier rang. Parce qu'il y avait cette lacune avec la biotechnologie pour les plantes, nous avons établi une plate-forme sur les « plantes pour demain ».

Jusqu'à aujourd'hui c'est un bon succès et je vais vous indiquer ce que ces plantes pour demain vont faire.

Ces plantes pour demain vont assurer un approvisionnement alimentaire de haute qualité, sain et varié aux consommateurs européens.

Nous avons ensuite créé une base d'agriculture durable européenne pour la production des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, ainsi que d'autres produits renouvelables issus du vivant, ce qui me permettra de parler ensuite de la biotechnologie blanche.

Nous avons renforcé la compétitivité du secteur alimentaire européen pour assurer un approvisionnement alimentaire solide et donner le choix aux consommateurs.

Nous avons rassemblé toutes les personnes concernées, y compris dans une étape ultérieure, les investisseurs, les banques, ainsi que les régulateurs.

Nous voulons bien développer un plan d'action très concret pour l'Europe pour les dix ou quinze années à venir. Si c'est fait, avec une très forte puissance conjointe de tout le monde, il sera, j'espère, très difficile à la Commission de ne pas prendre en considération tout ce qui aura été dit.

Il y a également une autre plate-forme technologique, également très importante, qui s'occupe de la biotechnologie blanche que nous avions négligée.

J'étais le Directeur de l'Energie, de l'Environnement et du Développement durable pendant sept ans, jusqu'à la fin 2003. Je peux vous dire que les grands problèmes climatiques ne seront pas résolus si nous n'utilisons pas les nouvelles technologies.

Je sais exactement de quoi je parle puisque j'étais responsable pour Kyoto et les autres négociations. Nous ne pourrons jamais vraiment changer notre vie et notre conception de travail si nous ne voulons pas exploiter notre connaissance sur les cellules animales, des plantes et des micro-organismes.

Si on ne fait pas cela, ça ne marchera pas, on ne pourra pas limiter les gaz à effet de serre, ni faire une bio-remédiation du sol et de l'eau ; ce sera impossible.

Ces techniques sont nécessaires pour faire face à nos grands défis comme les limites des réserves fossiles, la population globale accrue, le protocole de Kyoto, le principe de la durabilité, la nécessité de soutenir les revenus des agriculteurs, de favoriser le développement durable, les objectifs de Lisbonne. Pour tout ceci, nous avons besoin de la connaissance des systèmes biologiques.

En conclusion je dirai que nous avons développé un concept de l'économie du vivant fondée sur la connaissance - The knowledge based on bio-economy - pour lequel nous avons défini trois piliers.

Le premier pilier concerne la gestion et la production durables des ressources biologiques qui viennent de la terre, des forêts et de la mer. De la mer aussi, il y aura probablement bientôt la « biotechnologie bleue ». Vous trouvez aussi les « cropsciences », ce que nous avons négligé au sixième programme.

Le deuxième pilier est constitué par l'approvisionnement alimentaire sain et diversifié de la fourche à la fourchette : alimentation, santé et bien-être.

Le troisième pilier concerne la génomique et les biotechnologies avancées pour les produits et les processus durables. Vous y trouvez le développement, la production de matériaux issus du vivant pour l'utilisation non alimentaire, y compris pour l'énergie, l'industrie, les vitamines, des polymères, mais aussi pour l'environnement.

J'espère bien qu'avec cette vision du vivant, de la « knowledge based on bio-economy », nous pourrons peut-être contribuer à la résolution de nombreux grands défis de notre planète. Merci.

M. LE PRESIDENT - Merci Monsieur PATERMANN d'être venu. Il était important que vous interveniez à titre de témoin devant l'Assemblée Nationale et le Sénat.

Je crois que ce que vous avez développé est très important et je vous demanderai de transmettre nos encouragements au nouveau Commissaire que nous espérons rencontrer.

Je voudrais clôturer cette table ronde de manière très courte.

Les auditions publiques contradictoires ouvertes à la presse font par principe partie de notre travail. C'est ainsi, de manière contradictoire, que nous essayons de voir ce qui nous oppose, mais aussi ce qui pourrait nous réunir, majorité, opposition et partis qui, dans le débat national ou européen, sont manifestement « aux antipodes ».

Ce matin, nous avons tous reconnu l'importance de la recherche, je crois que cela a été dit, et l'importance du partenariat entre le public et le privé.

Nous avons tous dit qu'en ce qui concernait ces débats compliqués, il était important de dialoguer avec la société.

Nous avons reconnu que sans que la situation ne soit désespérée, elle pouvait être critique aujourd'hui, qu'au-delà des Etats-Unis qui, manifestement, sont dans une position plus avantageuse, d'autres pays étaient en train de prendre place dans le « concert international ».

Nous avons vu que sans financement aussi bien de l'Etat que du secteur privé, il n'y aurait pas de développement d'entreprises et que s'il n'y avait pas de développement d'entreprises, il n'y aurait pas d'emplois de demain.

Je viens d'une région industrielle, la Lorraine, où les emplois industriels disparaissent. Si on n'a pas d'emplois provenant de l'économie de la connaissance pour les remplacer, on se retrouvera dans une situation où on continuera peut-être à avoir des croissances faibles dans les pays développés mais où on aura de moins en moins de personnes qui trouveront leur place dans la société.

Sur ces sujets majeurs que sont la biotechnologie rouge, verte, blanche, bleue peut-être demain, les rapports avec les pays du Sud - nous n'en avons pas parlé - sont essentiels. Tous les liens entre propriété intellectuelle et pays du Sud sont des problèmes majeurs.

Ce sont des questions que nous aborderons dans le rapport, car trois heures et demie, même en débordant, ne sont pas suffisantes.

Je crois qu'en ce qui concerne ces sujets très importants, il est nécessaire de dire qu'au niveau de l'Europe, on doit assurer le développement des sciences de la vie, cela fait partie des nouvelles technologies clefs et si on en perd le contrôle ce sera vraiment très ennuyeux. On le voit sur l'informatique, où malheureusement on n'a pas été très bon.

Deuxièmement, il faut que dans le paysage européen des pôles émergent. Les Etats doivent faire un effort de rationalisation et en tout cas de mise en coopération à ce sujet.

Nous avons cependant également des atouts dans notre pays et cela a été indiqué en conclusion.

Notre rôle est de valoriser ces atouts pour que ceux qui, aujourd'hui, tentent l'aventure de la création d'emplois dans le domaine des biotechnologies, soient récompensés. Et ils nous récompenseront dans la mesure où on mettra en place un bon environnement avec l'Europe.

Merci chers amis d'être restés jusqu'au bout.

La séance est levée à 13 h 40

232 Notamment, travaux de l'OPECST sur les freins au développement de la recherche, avec en particulier les déplacements dans les régions françaises et à l'étranger (Jean-Yves Le Déaut s'est rendu en Alsace et en Lorraine dans le cadre de cette étude en juin 2004), rapport d'information de M. Jean-Pierre Door, pour la Commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale, sur « la recherche publique et privée en France face au défi international », rapport de M. Daniel Garrigue, pour la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur « l'organisation de la recherche publique en Europe », constitution d'un groupe de réflexion du Sénat sur l'avenir de la recherche, rapport d'information de M. Joël Bourdin, pour la Délégation du Sénat pour la planification, sur « les incidences économiques d'une augmentation des dépenses de recherche en Europe ».

233 Cette mission d'information, dont le rapporteur est M. Christian Ménard, est présidée par M. Jean-Yves Le Déaut, auteur du présent rapport. Elle fait suite à la mission d'information de la Commission des affaires économiques du Sénat relative aux enjeux économiques et environnementaux des OGM, présidée par M. Jean Bizet et dont le rapport a été rendu en mai 2003.

234  Formation et recherche communes à l'Ecole des Mines de Nancy (INPL), à l'Institut Commercial de Nancy (ICN-Nancy 2) et à l'école des Beaux-Arts