Commander ce document en ligne
Version PDF

graphique

N° 385

(2ème partie)

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 novembre 2002.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE LOI (n° 187) relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008,

PAR M. François d'AUBERT,

Député.

--

Défense.

INTRODUCTION

I.- LE BILAN MITIGÉ DE LA MISE EN OEUVRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 1997-2002

III.- RÉFORME ET MODERNISATION 7

A.- L'EXTERNALISATION 7

B.- LES MODALITÉS INNOVANTES DE FINANCEMENT D'ÉQUIPEMENT 8

1.- Les alternatives à l'acquisition patrimoniale 8

2.- Les perspectives de maîtrise des coûts des programmes 9

3.- Les perspectives relatives au suivi des programmes 10

C.- LA RÉFORME DES MODES GESTION 10

1.- Le développement de « l'interarmisation » 11

2.- La modernisation de l'administration 11

IV.- LA RESTAURATION DE LA DISPONIBLITÉ TECHNIQUE OPÉRATIONNELLE : L'ENJEU DE LA PROGRAMMATION DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT 13

A.- DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT EN FORTE PROGRESSION 16

1.- Une progression sur six ans des crédits d'équipement 16

2.- Le périmètre du projet de loi de programmation militaire 17

a) Un périmètre plus restrictif 17

b) La définition du montant annuel des crédits d'équipement 20

c) La mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances 25

B.- ASSURER LE PRÉSENT : LA PRÉPARATION ET LE MAINTIEN DE LA CAPACITÉ OPÉRATIONNELLE 26

1.- La préparation opérationnelle des forces 26

2.- L'évolution des crédits consacrés au maintien en condition opérationnelle 27

C.- PRÉPARER L'AVENIR : L'EFFORT EN MATIÈRE DE RECHERCHE 28

V.- L'ADAPTATION DES SYSTÈMES DE FORCES 31

A.- LA DISSUASION 31

1.- Conforter la crédibilité de notre force nucléaire 32

2.- La force océanique stratégique 33

3.- La composante aéroportée 34

B.- LA COMMUNICATION ET LE RENSEIGNEMENT 35

1.- Le renseignement stratégique 35

2.- Les satellites de communication 36

C.- LA PROJECTION ET LA MOBILITÉ 37

1.- La projection aérienne de la force de réaction 37

2.- La capacité aéromobile de théâtre 39

3.- Les moyens du transport stratégique militaire 40

D.- LA FRAPPE DANS LA PROFONDEUR 40

1.- Le second porte-avions 40

2.- Le Rafale 41

3.- Les missiles de croisière 42

E.- LA MAÎTRISE DU MILIEUR AÉROTERRESTRE 43

F.- LA MAÎTRISE DU MILIEU AÉROMARITIME 46

1.- Le renouvellement de la flotte de surface et des sous-marins d'attaque 46

2.- Renforcer les moyens de surveillance pour lutter contre le terrorisme et les trafics illicites 47

G.- LA MAÎTRISE DU MILIEU AÉROSPATIAL 47

1.- La composante de détection et de conduite des opérations aériennes 47

2.- L'amélioration de la capacité des missiles d'interception aériens 48

3.- Le développement de la composante de défense sol-air 48

4.- Le renforcement de la couverture radar du territoire national et de ses approches 49

VI.- PROGRAMMATION ET INDUSTRIELS D'ÉTAT 51

A.- LA DIRECTION DES CONSTRUCTIONS NAVALES : UNE MODERNISATION À POURSUIVRE 51

1.- Le changement de statut de la DCN 51

a) Le statut d'entreprise nationale 51

b) La clôture du compte de commerce 52

c) Les conséquences financières et budgétaires 53

2.- Des perspectives prometteuses 53

B.- LES PERSPECTIVES DE GIAT INDUSTRIES 55

1.- Un fardeau financier dont le groupe peine à se départir 55

a) Des pertes importantes 55

b) Une nouvelle recapitalisation est probable 55

2.- L'avenir du groupe 56

a) Des perspectives d'activité encore limitées 56

b) La réduction des coûts 57

EXAMEN EN COMMISSION 59

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 63

III.- RÉFORME ET MODERNISATION

Le ministère de la défense a fortement modernisé ses méthodes de gestion ces dernières années. Cependant, des efforts restent à accomplir. Afin de recentrer le ministère sur le c_ur de ses missions, l'externalisation de certaines tâches doit permettre d'accroître l'efficacité de ses services. De même, la recherche de méthodes de financement innovant, permettant notamment d'offrir une alternative à l'acquisition patrimoniale, doit être encouragée. Plus généralement, la modernisation des modes de gestion du ministère et l'anticipation de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances sont aussi des axes majeurs de réforme du ministère de la défense.

A.- L'EXTERNALISATION

L'externalisation consiste à confier certaines tâches à des sociétés extérieures aux armées. Elle se distingue de la sous-traitance en e qu'elle transfère au co-contractant la responsabilité de l'exécution des tâches concernées. Une telle démarche semble de nature à réduire certains coûts, notamment parce que les prestataires privés sont spécialisés dans leur domaine et donc plus efficace. L'externalisation doit permettre aux armées de se concentrer sur leurs tâches essentielles.

La directive ministérielle n° 30.892 du 3 août 2000 fixe le cadre général de la démarche d'externalisation au sein du ministère de la Défense. Si l'externalisation a commencé avant la professionnalisation des armées, celle-ci en a fortement accéléré le processus. En effet, certaines tâches telles que le nettoyage et l'entretien courant des immeubles étaient généralement confiées aux appelés. Ces tâches ne correspondent pas aux aspirations des militaires engagés professionnels.

À ce titre, la directive du 3 août 2000 prévoit que trois types de tâches sont à externaliser en priorité. Ce sont :

· les tâches assurées par les appelés, qui sont insuffisamment attractives pour être confiées à des personnels civils ou militaires du ministère de la Défense ;

· les fonctions de soutien général ;

· et les opérations de forte technicité sous réserve des dispositions permettant de garantir la réversibilité du mode de gestion.

Cette démarche doit permettre aux armées de se recentrer sur le c_ur de leurs missions. En soi, cette politique participe pleinement de la modernisation du ministère.

L'externalisation présente des avantages indéniables en termes financiers et d'efficacité. Votre Rapporteur est donc particulièrement favorable au développement de telles expériences.

B.- LES MODALITÉS INNOVANTES DE FINANCEMENT D'ÉQUIPEMENT

Le recours à des modes innovants de financement peut permettre à l'État de relever le défi technologique et financier que représentent les nouveaux programmes d'armement. L'initiative de financement privé britannique constitue l'un des exemples les plus aboutis.

L'externalisation et le recours au financement privé peuvent présenter un intérêt dans les cas où le tiers responsable de la fourniture du service pourra exploiter des synergies dont l'État n'aurait pas pu bénéficier dans un schéma d'acquisition classique.

Mais, seul le partage des frais fixes entre plusieurs applications ou clients permet de compenser le surcoût induit par les charges financières générées par le financement privé britannique. En effet, les taux d'intérêt consentis à une structure d'investisseurs privés seront toujours plus élevés que ceux de la dette de l'État, qui n'a donc pas intérêt à recourir à des intermédiaires privés pour emprunter.

Deux axes de mutualisation sont à approfondir :

· la mutualisation par effet de synergie avec d'autres clients civils lorsque le besoin à satisfaire fait appel à des produits présentant un caractère de dualité. Le schéma optimal d'acquisition consiste alors à raisonner en terme d'acquisition de services, afin que le prestataire privé puisse exploiter au mieux le potentiel de mutualisation des matériels correspondants ;

· la mutualisation par effet de synergie avec des clients militaires, c'est-à-dire d'autres nations exprimant un besoin militaire similaire au nôtre. Ce type de mutualisation est exploité de longue date sous la forme de schémas de coopération classique entre nations pour les programmes avec des résultats variables. L'externalisation et le recours au financement privé peuvent permettre une nouvelle approche de la coopération européenne, en laissant aux industriels transnationaux la latitude nécessaire pour proposer un produit répondant au meilleur compromis industriel et technique entre les besoins des nations.

1.- Les alternatives à l'acquisition patrimoniale

Au-delà de l'externalisation, les Britanniques recherchent désormais le plus souvent le financement intégral par le secteur privé d'équipements publics. C'est ainsi qu'ils travaillent actuellement sur un projet relatif au ravitaillement en vol.

Le « private finance initiative », c'est-à-dire « initiative de financement privé » est un procédé reposant sur le financement par le secteur privé d'équipements publics, ce qui permet un lissage des dépenses publiques. En effet, l'entreprise qui finance l'équipement public loue ensuite son utilisation à l'État.

L'externalisation est même devenue la règle car « l'initiative de financement privé » doit être examinée en priorité avant l'hypothèse d'un financement public. Certaines activités relèvent d'ores et déjà de ce type de contrats.

Il s'agit notamment :

· du système de télécommunications fixe des armées ;

· de l'administration des ressources humaines ;

· ou encore de la gestion du parc des véhicules.

Actuellement, le Royaume-Uni réfléchit à la possibilité d'externaliser le ravitaillement en vol. Si l'armée de l'air britannique étudie cette question, c'est évidemment pour des raisons de coût. En effet, une entreprise privée est en mesure d'utiliser les appareils lorsque l'armée ne les utilise pas, augmentant ainsi leur rentabilité. Deux avions permettraient de réaliser de telles missions, tout à tour civiles et militaires : le Boeing 767 T/T et l'Airbus A.330-200 MRTT.

La France compte 14 ravitailleurs en vol. Est-il pour autant envisageable de confier à une entreprise privée les trois ravitailleurs réservés à la dissuasion nucléaire ?

Cependant, alors qu'une vingtaine de ravitailleurs seraient nécessaires à l'armée de l'air française, l'hypothèse selon laquelle les six avions manquant pourraient être loués selon la méthode britannique doit être sérieusement étudiée.

Le projet de loi prévoit un recours accru à des financements d'équipement innovants. À ce titre, il conviendra de procéder à des expérimentations dans certains domaines tels que les programmes d'armement, des opérations immobilières ou l'achat de prestations, voire de capacités.

2.- Les perspectives de maîtrise des coûts des programmes

La réduction des coûts des programmes s'effectue par trois catégories de moyens :

· la limitation des besoins en matériels et systèmes au juste nécessaire pour l'exécution des missions des forces armées ;

· l'accroissement de l'efficacité du processus d'acquisition et de conduite des programmes ;

· et l'instauration de nouvelles relations contractuelles avec les industriels, leur permettant en particulier d'accroître leur compétitivité.

Parallèlement à ces moyens de réduction des coûts, une démarche de contrôle de gestion basée sur des objectifs de réduction des coûts fixés à chaque programme a été engagée.

Des coûts objectifs et les pistes de réduction possibles pour les atteindre ont été établis, dans le cadre d'une opération « coup de poing » entre le printemps et la fin de l'année 1996.

Le contrôle de gestion a ensuite été mis en _uvre à partir du débat de 1997.

Chaque mois, les responsables de programme fournissent une estimation du coût à terminaison de leur programme, intégrant les réductions de coût obtenues. La progression des programmes vers leur coût objectif est examinée mensuellement.

Au 31 août 2002, le nombre de programmes ou opérations suivis en contrôle de gestion est de 99. Le montant des réductions de coût obtenues depuis la mise en _uvre du contrôle de gestion s'élève à 96 milliards d'euros (au coût des facteurs de janvier 2000). Ces réductions sont à rapporter aux dépenses restant à engager lors de la mise sous contrôle de gestion des programmes considérés (ce sont les dépenses sur lesquelles il était encore possible d'agir). Ainsi, les réductions de coût acquises cumulées au 31 août 2002 représentent-elles 94 % de ce reste à engager. L'objectif, à la fin de l'année 2002, est fixé à 984 milliards d'euros (au coût des facteurs de janvier 2000). L'objectif de réduction de coût à terminaison des 99 programmes ou opérations en contrôle de gestion s'élève à 18,38 milliards d'euros, soit 18 % du reste à engager de référence.

3.- Les perspectives relatives au suivi des programmes

L'instruction générale n° 1514 sur le déroulement des programmes d'armement régit les relations entre la DGA et les États-majors pour la conduite et le suivi des programmes.

Les évolutions introduites dans le texte de l'instruction actuellement en vigueur, approuvé par le ministre de la Défense en 1998, visent à améliorer la performance globale du processus d'acquisition d'armements du ministère en suivant trois axes principaux : un effort accru en amont du lancement des programmes pour mieux cerner le besoin et examiner les solutions possibles sur le rapport coût/efficacité, la mise en _uvre d'une démarche d'ingénierie simultanée qui consiste à faire travailler en même temps et non plus de manière séquentielle l'ensemble des acteurs du programme, et un management par objectifs associé à un contrôle de gestion.

La prochaine révision de l'instruction a pour objectif de simplifier le phasage du processus de conduite de programme en réduisant le nombre de jalons de décision et de mettre l'accent sur la maîtrise des risques et la tenue des délais.

C.- LA RÉFORME DES MODES GESTION

Élève modèle de la réforme de l'État, le ministère de la défense devrait amplifier la modernisation de ses structures et de ses modes de gestion. En son sein se réunit chaque mois le comité pour la réforme et l'innovation administratives.

Outre le recours à l'externalisation, deux axes de modernisation du ministère seront privilégiés : le renforcement des synergies entre les armées et la réforme de l'administration du ministère.

1.- Le développement de « l'interarmisation »

Les trois armées sont, bien évidemment, marquées par les spécificités propres à chacune d'elles. Pour autant, la recherche de synergies entre les armées doit être recherchée. Jusqu'ici, elle s'est principalement traduite par la mise en commun des structures destinées au soutien des matériels.

Il y a maintenant deux ans et demi était créée la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautique de la défense (SIMMAD). Cette structure s'est vue confier la mission d'assurer le maintien en condition opérationnelle de l'ensemble des aéronefs du ministère. Cette économie d'échelle et la recherche de synergies a donné des résultats spectaculaires. La création de la SIMMAD a permis le relèvement de 10 points du taux de disponibilité des appareils de l'armée de l'air, ce qui illustre le succès de cette réforme profonde, dont l'importance ne doit pas être sous-estimée.

Cette réforme, placée sous le signe d'une approche interarmées des matériels, s'est donc matérialisée par l'apparition d'autres structures interarmées consacrées à la maintenance de certaines catégories de matériel.

C'est ainsi que la création du Service de soutien de la flotte a pour objectif de répondre aux carences constatées dans les prestations de la Direction des constructions navales au titre de l'entretien de la flotte, en transférant à la Marine un certain nombre de compétences et de moyens dans ce domaine.

De même, une structure intégrée de la maintenance du matériel terrestre (SIMMT) devrait être chargée du maintien en condition opérationnelle du matériel terrestre.

Il s'agit là d'efforts de longue haleine qui mobilisent d'importantes ressources humaines et matérielles, mais qui sont indispensables à la préservation du caractère opérationnel de nos forces, tant le processus de maintenance des équipements s'était enlisé dans d'interminables procédures administratives.

2.- La modernisation de l'administration

Dans le cadre plus général de réforme de l'État, le ministère de la défense développe de grands chantiers de modernisation de sa gestion administrative.

S'agissant du personnel, un plan de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences sera établi afin d'optimiser la gestion des ressources humaines.

Sur la base des travaux conduits en 2002, un plan triennal de développement du contrôle de gestion sera mis en _uvre. Il conduira au développement d'outils de contrôle ainsi qu'à l'adoption de comptabilités analytiques. S'inscrivant pleinement dans la logique de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, des indicateurs de performances seront développés.

Par ailleurs, l'application coordonnée de comptabilité, d'ordonnancement et de règlement de la dépense de l'État (ACCORD) sera progressivement étendue à l'ensemble du ministère. Enfin, la comptabilité patrimoniale sera, elle aussi, encouragée.

UN EXEMPLE DE MODERNISATION :
LA PROCÉDURE DE DÉMATÉRIALISATION DES PROCÉDURES D'ACHAT PUBLIC

Un système de dématérialisation de la procédure d'achat public, fondé sur un portail Internet, doit permettre de simplifier et d'améliorer les relations entre le ministère et ses fournisseurs. Le portail ixarm.com sera destiné aux matériels de guerre tandis que le portail eachat@defense.gouv.fr sera dédié aux achats de fournitures courantes par le ministère.

Ces deux portails, qui devraient être opérationnels dès 2003 devraient contribuer au développement de la place des technologies de l'information et de la communication dans la gestion du ministère de la défense.

Actuellement en phase d'expérimentation, la mise en place d'un dispositif de carte d'achat doit permettre de simplifier et de fiabiliser les achats de fournitures de faible montant. Chaque fonctionnaire qui disposera d'une telle carte pourra passer des commandes - d'un montant plafonné - auprès des fournisseurs dûment agréés. La banque paiera alors le fournisseur, mais c'est seulement à la livraison que l'organisme relevant du ministère procèdera au paiement auprès de la banque.

IV.- LA RESTAURATION DE LA DISPONIBLITÉ TECHNIQUE OPÉRATIONNELLE : L'ENJEU DE LA PROGRAMMATION DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT

Le projet de loi prévoit une hausse significative des crédits d'équipement par rapport à la loi de programmation militaire 1997-2002, et, a plus forte raison, par rapport à cette loi corrigée par la revue des programmes menée par le précédent gouvernement.

La programmation pluriannuelle en crédits de paiement vise à accroître la prévisibilité de la politique de commandes, ce qui doit permettre la réduction du coût des programmes. Contrairement à la précédente loi de programmation, les crédits sont désormais prévus seulement en crédits de paiement et non plus en crédits de paiement et autorisations de programme. En effet, ce sont les dépenses effectives qui doivent permettre de juger de la bonne exécution de la loi et ce, d'autant, qu'à partir de 2006 les crédits des programmes, tels qu'ils sont définis à l'article 7 de la loi organique du 1er août 2001 seront fongibles.

A.- DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT EN FORTE PROGRESSION

1.- Une progression sur six ans des crédits d'équipement

Le projet de loi rompt avec la logique de la loi précédente, qui proposait des dotations fixes sur la période, en programmant un montant en crédits de paiement progressif sur la période (en euros constants). Rappelons que tel était déjà le cas avec les lois de programmation militaire pour les années 1990 à 1993 et pour les années 1995 à 2000.

Le montant annuel moyen des crédits d'équipement militaire est fixé à 14,64 milliards d'euros constants 2003 en crédits de paiement, soit un montant nettement supérieur aux 14,22 milliards d'euros constants 2002 fixés par la loi de programmation 1997-2002, ainsi qu'au montant de 13,55 milliards d'euros fixé par la revue des programmes. Ces crédits sont pourtant en retrait par rapport à ceux mobilisés par la loi de programmation militaire 1995-2000 (entre 16,96 milliards d'euros en 1995 et 17,39 milliards d'euros en 2000), et par la loi de programmation militaire 1990-1993 (entre 18,93 milliards d'euros en 1990 et 21,30 milliards d'euros en 1993).

Le projet de loi prévoit une progression des dotations pendant les six années, avec une forte augmentation en 2004 (+6,96%). Au-delà, le taux de croissance des annuités sera de 0,8%.

CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT PRÉVUS PAR LE PROJET DE LOI

(en milliards d'euros constants 2003)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

13,65

14,60

14,72

14,84

14,96

15,08

Source : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008

Votre Rapporteur constate qu'en 2003 toutes les catégories d'investissement se voient dotés de moyens d'engagement ou de paiement en hausse très significative, excepté les crédits destinés aux restructurations. La dotation consacrée à l'entretien programmé des matériels progresse notamment de 8,6% en crédits de paiement et de 10,1% en autorisations de programme. Ces crédits seront particulièrement affectés aux armées qui en ont le plus besoin, comme l'armée de terre qui voit ses crédits progresser de 12% pour se fixer à 148,4 millions d'euros, tandis que ceux de l'armée de l'air progressent de 23%. La croissance de 10,1% qui accompagne cette dotation en crédits de paiement devrait permettre de financer la mise en cohérence interarmées des matériels. Les crédits pour 2003 semblent donc correspondre aux orientations du projet de loi de programmation militaire.

2.- Le périmètre du projet de loi de programmation militaire

a) Un périmètre plus restrictif

L'annexe à la loi de programmation militaire précise que « le périmètre de chaque annuité exclut le fonds de développement de la Polynésie et la recapitalisation des entreprises publiques, en particulier GIAT et DCN ». Par ailleurs, « le démantèlement des installations de production de matières fissiles, qui n'est pas inclus dans le périmètre de la présente programmation, devra être financée par un fonds qui sera mis en place avant l'été 2003 ».

Depuis la loi de finances pour 1996, des compensations de plus en plus importantes étaient accordées par l'État au territoire de la Polynésie française à la suite de l'arrêt des essais nucléaires et des activités du centre d'expérimentations du Pacifique (CEP). Le projet de loi de finances pour 2003, voté en première lecture par votre Assemblée le 19 novembre 2002, propose de transférer ces crédits sur le fascicule des charges communes, et sont désormais inscrits au chapitre 68-01 créé à cet effet. Du fait du transfert de ces crédits, la mention présente dans le rapport annexé prend tout son sens, puisque ces crédits, n'étant plus inscrits au budget de la défense, ne pourront pas masquer une contraction des crédits d'équipement.

La recapitalisation des entreprises publiques (en particulier GIAT et DCN) a également été exclue du périmètre de la loi de programmation militaire. La gestion du compte de commerce n° 904-05 « Construction navales de la marine militaire » retraçant l'activité de DCN a été jugée durement par la Cour des comptes dans son rapport particulier d'octobre 2001 (1). L'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) a d'ailleurs prévu la clôture de ce compte au plus tard le 31 décembre 2005, après transformation de la DCN en société de droit privé, ce qui justifie l'exclusion de la recapitalisation du champ de la loi de programmation militaire.

Le groupe GIAT Industries connaît des résultats difficiles depuis sa création en 1990, occasionnant des recapitalisations répétées(2).  L'État vient de décider une nouvelle recapitalisation de 591,5 millions d'euros le 31 décembre 2001. Ces dotations, qui atteignent le total de 3,12 milliards d'euros depuis 1991, obèrent le budget d'équipement des armées puisqu'elles ont été largement gagées par les annulations sur le titre V du budget de la défense. Le fait que la loi de programmation militaire exclut les recapitalisations de son périmètre doit donc être interprété comme un effort de sincérité positif, dans la mesure où il permettra au législateur de mieux contrôler les crédits effectivement mis en _uvre à des fins d'équipement des forces armées.

Le démantèlement des installations de production de matières fissiles concerne les deux sites de Marcoule et de Pierrelatte, et devrait durer plusieurs dizaines d'années. Le coût prévisible annuel du programme de Pierrelatte s'établit entre 39 et 42 millions d'euros sur la période 2003-2008, mais atteint la somme considérable de 5,6 milliards d'euros hors taxes pour le site de Marcoule. Les crédits pour 2003 sont en baisse apparente car les charges financières du démantèlement des installations de Marcoule et de Pierrelatte sont également prises en charge, à partir de 2003, à hauteur de 79,4 millions d'euros en autorisations de programme et crédits de paiement, par des ressources extérieures provenant du fonds de démantèlement prévu par la loi de programmation militaire avant l'été 2003.

b) La définition du montant annuel des crédits d'équipement

L'article 2 du projet de loi de programmation militaire fixe l'évolution des crédits de paiement consacrés à la défense sur six ans, en spécifiant qu'à « ces crédits s'ajoutent, pour la gendarmerie nationale, ceux que prévoit la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ». Cette mention permet de penser que les crédits de paiement de la loi d'orientation, d'un montant de 1.033 millions d'euros (valeur de 2003), ne sont pas compris dans les montants détaillés par le projet de loi de programmation.

Pourtant, le rapport annexé précise que « la loi de programmation militaire 2003-2008 prend en compte (...) les crédits d'investissement de la gendarmerie nationale, y compris ceux attribués par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ».

De cette contradiction apparente, il faut comprendre que les crédits d'équipement prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ne sont pas compris dans les montants détaillés à l'article 2 du projet de loi de programmation militaire, mais qu'ils sont néanmoins compris dans le projet de loi, dans la mesure où ils sont visés par ailleurs, lorsque le rapport annexé spécifie également, dans le paragraphe consacré à la sécurité intérieure, que « la gendarmerie sera dotée de 3.177 millions d'euros 2003 sur la période 2003-2008, dont 1.033 au titre de la LOPSI (pour les années 2003 à 2007) ».

Le projet de loi mobilise donc parler 2.144 millions d'euros (valeur de 2003) de crédits d'investissement pour la gendarmerie, à ventiler sur 6 ans, auxquels il faut ajouter 1.033 millions d'euros (valeur de 2003) au titre de la loi d'orientation, à ventiler sur 5 ans, pour avoir une vision globale des crédits mis en _uvre pour la Gendarmerie, soit 3.177 millions d'euros (valeur de 2003).

Ces crédits doivent notamment permettre de financer des dépenses déconcentrées d'infrastructure et d'habillement, la livraison de 14 hélicoptères de sauvetage et de 15 hélicoptères de surveillance et le remplacement de 122 véhicules blindés à roue. Le détail par année des crédits d'investissement figure dans le tableau suivant :

CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT DE LA GENDARMERIE ENTRE 2003 ET 2008

(en millions d'euros 2003)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total

Projet de loi de programmation militaire

342

346

349

359

369

379

2.144

Loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure

94

196

253

258

232

0

1033

Total

436

542

602

617

601

379

3.177

Si l'enveloppe annuelle proposée à l'article 2 du projet de loi de programmation ne contient qu'une partie des crédits affectés à la gendarmerie, cette précision ne suffit pas à faire concorder le montant proposé avec celui voté, en première lecture par l'Assemblée nationale, dans le projet de loi de finances pour 2003.

En effet, si l'on ajoute 94 millions d'euros de crédits de paiement destinés à la gendarmerie pour financer les mesures spécifiques à la loi d'orientation au montant programmé, soit 13,65 milliards d'euros, on obtient un montant total de crédits d'équipement de 13.744 millions d'euros. Or, le montant prévu par le budget pour 2003 est de 13.644 millions d'euros.

En réalité, cet écart apparent s'explique par le fait que, lors de la rédaction du projet de loi de programmation, certaines rémunérations de personnels de DCN, ainsi que des centres d'essais de la délégation générale pour l'armement, étaient rémunérés sur le compte de commerce n° 904-05 « Constructions navales de la marine militaire » dont la clôture est prévue par l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001. Dès lors, comme il l'a précédemment indiqué dans son rapport spécial relatif au budget de la défense pour 2003 (3), ces personnels étaient rémunérés par les commandes passées par l'État, c'est-à-dire par des crédits du titre V.

Compte tenu de la disparition prochaine du compte de commerce, les personnels de DCN qui ont été intégrés dans les services de la marine (pour la gestion des rechanges, notamment) sont désormais intégrés dans le périmètre budgétaire du ministère. L'une des conséquences de cette situation est le transfert des rémunérations concernées du titre V vers le titre III. Ce transfert sera effectif à partir du 1er janvier 2003, mais son impact n'est pas répercuté dans le présent projet de loi.

Ce sont donc 100 millions d'euros qui sont transférés du titre V au titre III à compter du budget pour 2003. Dans la perspective de l'appréciation qu'il portera chaque année sur la mise en _uvre de cette programmation, votre Rapporteur utilisera la méthode illustrée par le tableau suivant :

graphique
graphique

c) La mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances

L'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 entrera en vigueur en 2006. Donc, dès le projet de loi de finances pour 2005, les crédits de la défense devront être présentés sous forme de missions et programmes.

Or le présent projet de loi de programmation fixe une enveloppe de crédits d'équipement jusqu'en 2008, en se référant aux crédits ouverts en lois de finances initiales. La référence aux lois de finances initiales dans le dispositif du projet vise, très certainement, à éviter que le financement des opérations extérieures, généralement imprévisibles et financées par des lois de finances rectificatives, ne vienne réduire les crédits destinés aux équipement.

Pour autant, il aurait sans doute été plus pertinent de faire référence aux crédits réellement disponibles. En effet, compte tenu du caractère fongible des crédits à compter de 2006, le respect formel de l'enveloppe de crédits d'équipement en loi de finances initiale ne constituera pas une garantie suffisante de la mise à disposition de ces crédits à nos armées.

Le Rapporteur spécial des crédits de la défense devra donc contrôler le respect de la loi de programmation au regard des crédits réellement ouverts et consommés.

B.- ASSURER LE PRÉSENT : LA PRÉPARATION ET LE MAINTIEN DE LA CAPACITÉ OPÉRATIONNELLE

L'enjeu majeur de la prochaine programmation sera de restaurer la disponibilité technique des matériels afin de permettre à notre armée de pouvoir disposer, à tout moment, des pleines capacités qu'exigent les engagements de la France.

Au-delà d'un maintien en condition opérationnelle amélioré des matériels et du renforcement des entraînements, c'est bien le bon fonctionnement de notre armée que le présent projet de loi de programmation entend assurer.

1.- La préparation opérationnelle des forces

Le projet de loi de programmation militaire pour la période 2003-2008 se distingue de la précédente loi de programmation militaire en ce qu'il prévoit, dans le rapport annexé, des normes de préparation opérationnelles précises.

Des normes quantitatives annuelles de préparation des forces sont retenues pour la période de programmation :

NORMES QUANTITATIVES RETENUES POUR LA PRÉPARATION DES FORCES

Marine

Air

Gendarmerie

Principaux indicateurs retenus
pour caractériser l'activité

Niveau annuel
sur la période 2003-2008

Terre

Nombre annuel de jours d'activité pour les 100 000

hommes projetables du modèle (dont jours avec

matériels organiques)

100 jours (50)

Nombre annuel d'heures de vol par pilote d'hélicoptère

180 heures

Nombre annuel de jours à la mer pour l'ensemble des

bâtiments (dont ceux de haute mer)

100 jours (110)

Nombre annuel d'heures de vol par pilote de chasse

(appontage de nuit)

180 heures (220)

Nombre annuel d'heures de vol par pilote d'hélicoptère

220 heures

Nombre annuel d'heures de vol par équipage de patrouille

maritime

350 heures

Nombre annuel d'heures de vol par pilote de chasse

180 heures

Nombre annuel d'heures de vol par pilote de transport

400 heures

Nombre annuel d'heures de vol par pilote d'hélicoptère

200 heures

Entraînement et formation collective

15 jours pour la

départementale

35 jours pour la mobile

Service desessences

Entraînement

30 jours

Ces normes quantitatives s'accompagnent d'un renforcement du contenu qualitatif de l'entraînement opérationnel dans trois domaines :

- le développement des savoir-faire spécifiques par une participation accrue aux exercices qualifiants, une partie de ces activités étant menée en coopération à l'étranger ;

- l'entraînement systématique au tir, pour se rapprocher des conditions réelles de combat ;

- et la participation accrue à l'entraînement interarmées, pour assurer l'insertion efficace des forces dans un dispositif interarmées, national ou interallié ; ces exercices concerneront, en particulier, le personnel des noyaux d'états-majors de niveaux stratégique et opératif :

2.- L'évolution des crédits consacrés au maintien en condition opérationnelle

Les crédits consacrés à l'entretien programmé du matériel connaîtront une hausse sensible en 2003, puisqu'ils se chiffreront à 566,95 millions d'euros constants (base 1998) en autorisations de programme, soit une hausse de 35,9% par rapport à l'année 2002. Ces crédits avaient déjà connu une augmentation significative en 2002, puisqu'ils avaient augmenté de 30,6%, même si cette hausse correspondait surtout à un rattrapage par rapport aux années 1998-2000, au cours desquelles ils avaient presque été divisé par deux. Cette augmentation des crédits sera confortée par le projet de loi.

Ces crédits nouveaux permettront d'améliorer la disponibilité technique opérationnelle des matériels français, (4) qui s'est beaucoup dégradée depuis le milieu des années 1990. Au cours de l'année 2001, la disponibilité moyenne pour l'ensemble de ces parcs a montré une légère progression, contrariée par des difficultés récurrentes, en particulier le vieillissement de certains parcs (AMX 10P, AMX 10 RC, AMX 30 B2, AMX 30 AUF 1, Roland, EBG et Gazelle).

En 2002, à l'exception d'une légère amélioration pour le parc blindé à roues (véhicules de l'avant blindés et véhicules blindés légers), les autres grandes catégories de matériels majeurs ne connaissent pas de progression vraiment significative. Cette stagnation résulte de causes connues et déjà recensées :

- des difficultés persistantes dans l'approvisionnement en pièces de rechange, notamment pour les blindés et les hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de terre (rupture de la chaîne des approvisionnements, lourdeur de la réglementation en matière d'acquisition et de passation de marchés) ;

- des réorganisations d'unités et de formations du matériel ;

- de l'utilisation intensive et systématique des matériels majeurs (blindés, hélicoptères), notamment en opérations extérieures (notamment dans les Balkans) ;

- de l'âge important des équipements majeurs de l'armée de terre (engins du génie, blindés à roues et à chenilles, hélicoptères de combat et de man_uvre, véhicules de la gamme tactique) pour lesquels des rénovations sont en cours ou prévues ;

- et des difficultés pour recruter et pour conserver des personnels de valeur. L'aéronautique civile est un secteur en expansion et l'arrivée d'appareils comme l'A.380 ne va pas manquer de créer de nouveaux besoins en personnels. Les 400 spécialistes formés en France chaque année ne sont pas assez nombreux. Les techniciens militaires de l'aviation légère de l'armée de terre, bien formés mais moins bien rémunérés que dans le secteur civil ont parfois du mal à résister aux offres qui leur sont faites. Il semble illusoire d'espérer conserver ces personnels très qualifiés sans envisager de réduire l'écart de revenu qui les sépare de ceux du secteur privé.

Un plan d'action a été mis en _uvre depuis janvier 2000 pour redresser cette situation. Les escadrilles de maintenance des hélicoptères sont par exemple rattachées depuis juillet 2002 aux différents régiments et ne dépendent plus de la direction du matériel.

C.- PRÉPARER L'AVENIR : L'EFFORT EN MATIÈRE DE RECHERCHE

Durant la programmation 1997-2002, les dotations d'études ont été fortement réduites. Les autorisations de programme sont passées de 940 millions d'euros en 1997 à 648 millions d'euros en 2002, alors que les crédits de paiement ont connu une évolution similaire, passant de 950 millions d'euros en 1997 à 678 millions d'euros en 2002.

La recherche constituant un enjeu majeur de la de l'indépendance technologique française - lui permettant ainsi d'assurer son rang sur la scène internationale - le projet de loi de programmation militaire réaffirme l'importance de la recherche dans la préparation de l'avenir. Le projet de loi de finances pour 2003 traduit cette volonté en fixant le montant des autorisations de programme à 712 millions d'euros. Cette progression, de 10 % par rapport à 2002, est la plus forte enregistrée depuis 1997.

L'agrégat « recherche et technologie » mesure l'effort consenti en amont des programmes d'armement. Il correspond à l'activité qui permet, en s'appuyant notamment sur les travaux réalisés dans le secteur civil, d'acquérir l'expertise, les connaissances et les capacités scientifiques, techniques et industrielles permettant de définir et de lancer les programmes d'armement.

Cet agrégat comprend :

· le budget des études amont ;

· le budget des études à caractère opérationnel ou technico-opérationnel, et des études à caractère politico-militaire, économique et social ;

· les subventions versées aux organismes de recherche sous tutelle du ministère de la défense (ONERA, Institut Saint-Louis) ;

· le financement des travaux de recherche fondamentale et relatifs aux nouveaux moyens d'expérimentation et de simulation du Commissariat à l'énergie atomique ;

· la participation du ministère de la défense au budget civil de recherche et développement ;

· et le financement des centres de recherche des écoles sous la tutelle de la DGA.

L'effort en matière de recherche et technologie programmé pour la période 2003-2008 permettra de consolider ou d'acquérir les technologies nécessaires à la réalisation des systèmes d'armes futurs. Il concourt à l'atteinte du modèle de capacités technologiques dont la maîtrise est visée en 2015. Dans le domaine de la dissuasion, des études seront entreprises pour améliorer les performances du M51 lors de sa rénovation à mi-vie. Dans le domaine des missiles, sont lancées des études destinées à acquérir la capacité antimissiles balistiques à partir du système de missiles sol-air moyenne portée SAMP/T, ainsi qu'une capacité d'alerte spatiale sur des tirs de missiles et des études sur les micro-drones. Dans le domaine aéronautique, des études préparatoires à la réalisation d'une plate-forme furtive sont programmées ainsi que des travaux pour la réduction du coût de possession du moteur du Rafale.

Pour l'ensemble de ces objectifs, le projet de loi propose une enveloppe d'un montant global de 3.815 millions d'euros sur la période couverte par la loi de programmation.

La programmation prévoit, en outre, le financement direct des organismes de recherche tels que l'ONERA, l'institut franco-allemand de Saint-Louis, et la contribution aux grandes écoles d'ingénieurs sous tutelle du ministère de la défense. De même, le projet de loi propose la poursuite du financement de la recherche nucléaire. Les dotations seront attribuées (5) au commissariat à l'énergie atomique afin de financer des travaux de recherche spécifiques mais aussi les investissements dans les moyens d'expérimentation et de simulation tels que le laser mégajoule.

L'effort global du ministère de la défense pour la recherche atteindra 7.072,7 millions d'euros (valeur 2003), à l'exclusion des crédits du budget civil de recherche et de développement (BCRD).

V.- L'ADAPTATION DES SYSTÈMES DE FORCES

Le présent projet de loi présente les programmes non par domaine ou par armée mais par systèmes de forces, qui reprennent les « fonctions opérationnelles » du modèle d'armée 2015 prévu par la loi de programmation militaire 1997-2002. Le service des architectes de système de forces de la Délégation générale pour l'armement a la responsabilité essentielle de superviser cette modification qui semble cohérente avec l'esprit de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

A.- LA DISSUASION

La dissuasion reste au c_ur des moyens garantissant à la France l'autonomie stratégique face aux menaces que pourraient faire peser sur ses intérêts les puissances régionales dotées d'armes de destruction massive. Comme le mentionnait l'annexe à la loi de programmation militaire 1997-2002, la politique de dissuasion doit pourtant tenir compte de l'atténuation de la menace nucléaire, ce qui implique pour l'avenir à la fois une adaptation du format de la force de dissuasion et une modernisation des moyens matériels - notamment l'avancement du programme de simulation.

Pour mener à bien ce double objectif, l'annexe au présent projet de loi entend mobiliser 2.825 millions d'euros par an en moyenne. Les crédits de paiement votés pour 2003 s'élèvent à 2.963 millions d'euros (soit 4,8% de plus que l'objectif), en hausse de 11,7% par rapport à 2002, tandis que les autorisations de programme enregistrent une progression de 35% pour atteindre 3.402 millions d'euros. Le budget 2003 met donc en application les orientations du projet de loi de programmation, rompant en cela avec une chute progressive de 37% des crédits de paiement depuis 1991.

Le présent projet de loi articule la politique de dissuasion principalement autour de trois programmes :

· Le programme des sous-marins lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG) avec la mise en service du SNLE-NG n°3 en 2004 et du SNLE-NG n°4 en 2010.

· Le programme de développement du missile M51, avec sa mise en service en 2010 sur le SNLE-NG en 2010.

· La livraison en 2007 du nouveau Missile nucléaire air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A), emportée sur Mirage 2000 N après les adaptations nécessaires et sur Rafale en fin de période.

1.- Conforter la crédibilité de notre force nucléaire

Le tableau suivant détaille les ressources de la direction des applications militaires du CEA issues pour l'essentiel du budget du ministère de la défense (6) :

RESSOURCES DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES DU CEA
PROVENANT DU BUDGET DE LA DÉFENSE POUR LA PÉRIODE 2003-2008

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

Autorisations de programme

Études et infrastructures armes

3231,7

3323,8

Développements et essais armes

1278,6

1357,2

Fabrication des armes

496,5

476,3

Maintien en condition opérationnelle armes

931,8

927,7

Études, développements et infrastructures propulsion navale

732,1

720,3

Fabrication des réacteurs embarqués

84,3

79,6

Maintien en condition opérationnelle réacteurs embarqués

561,8

563,3

Total

7316,8

7448,2

Ces crédits doivent notamment permettre de promouvoir les capacités de simulation nucléaire de la France. La simulation consiste à reproduire, à l'aide d'expériences ou par le calcul, les phénomènes rencontrés au cours du fonctionnement d'une charge nucléaire. Les deux moyens expérimentaux utilisés pour effectuer des simulations sont la machine AIRIX, pour la visualisation détaillée du fonctionnement hydrodynamique de l'amorce, et le laser mégajoule (LMJ), pour l'étude de nombreux processus physiques élémentaires, dont celle des phénomènes thermonucléaires

Le LMJ est l'investissement le plus important du programme de simulation. Il devrait permettre de créer à très petite échelle les caractéristiques physiques d'utilisation des armes nucléaires. Le projet LMJ comporte deux éléments importants que sont la ligne d'intégration laser et le laser mégajoule lui-même. La mise en service de la LIL doit intervenir en principe fin 2002 pour une partie du projet et fin 2003 pour l'autre partie. La mise à disposition du LMJ à pleine puissance est prévue fin 2009, mais la première expérience de combustion thermonucléaire d'une cible cryogénique est prévue pour fin 2011.

La réalisation de l'installation AIRIX dotée d'un axe de mesure est achevée, et elle est déjà utilisée pour le développement de la future tête nucléaire aéroportée. Un second axe, permettant d'obtenir, au cours d'une même expérience, plusieurs clichés radiographiques différents, doit être disponible en 2011.

Le développement de la simulation numérique suppose l'acquisition d'ordinateurs extrêmement puissants permettant l'intégration de nombreux modèles physiques. Une machine effectuant 1000 milliards d'opérations par seconde a déjà été acquis en 2002. L'acquisition d'appareils d'une capacité dix fois supérieure, puis cent fois plus puissants, sont prévus respectivement en 2006 et 2009.

La mise en place des moyens de simulation représente un coût global d'environ 5 milliards d'euros aux conditions économiques de l'année 2002, dont 2,3 milliards d'euros de dépenses externes correspondant à 1,5 milliards d'euros d'investissements et de 0,8 milliards d'euros de sous-traitance, d'étude et de développement. Sur la période 2003-2008, les dotations projetées sont de 2.463,7 millions d'euros en autorisations de programme et de 2.382 millions d'euros en crédits de paiement.

Par ailleurs, l'engagement de la France d'arrêter les essais nucléaires a rendu nécessaire le démantèlement des usines de Pierrelatte et de Marcoule, dont le financement est également assuré par une dotation transférée au CEA, mais qui est expressément exclu du périmètre de la loi de programmation. Une partie des charges de démantèlement de ces deux usines doit être prise en charge par un fonds spécifique , qui doit être mis en place avant l'été 2003 et est d'ores et déjà alimenté par 79,39 millions d'euros en autorisations de programme et en crédits de paiement.

2.- La force océanique stratégique

La force océanique stratégique représente la composante mer-sol balistique de la dissuasion. La ventilation des crédits par année est la suivante :

CRÉDITS DESTINÉS À LA FORCE OCÉANIQUE STRATÉGIQUE ENTRE 2003 ET 2008

(en millions d'euros constants 2003)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Moyenne annuelle

Crédits de paiement

1.563,4

1.546,2

1.470,9

1.410,2

1.283,9

1.318,0

1432,1

Autorisations de programme

1.647,0

1.846,4

1533,6

905,8

1.486,9

976,2

1.399,9

S'agissant des sous-marins, la loi de programmation militaire envisage la mise en service du SNLE-NG n°3 en 2004 et du SNLE-NG n°4 en 2010. Le modèle d'armée 2015, prévoyant la mise en place de 4 SNLE au titre de la dissuasion serait ainsi réalisé dès 2010. Le programme des SNLE-NG a été lancé en 1986, la cible initiale étant de sept puis de six sous-marins. Puis la cible a été ramenée à 4 engins de nouvelle génération en 1991, permettant à la France de disposer en même temps de deux sous-marins à la mer. La FOST comprend donc actuellement deux sous-marins de l'ancienne génération (l'Inflexible et l'Indomptable) et deux SNLE-NG admis au service actif, le Triomphant et le Téméraire.

Le devis du SNLE-NG a augmenté de 45 millions d'euros, car il sera directement réalisé en version M51. Ce surcoût est en revanche plus que compensé par la baisse corrélative de 207 millions d'euros du devis du programme « adaptation M51 » puisque seuls les trois premiers SNLE-NG seront refondus. Le devis global prévisionnel du programme a par ailleurs augmenté de 67 millions d'euros en 2000, en raison notamment de l'augmentation du taux de charges patronales applicable aux ouvriers d'État de la direction des constructions navales. Les dotations prévues pour la période 2003-2008 sont de 2.014,1 millions d'euros en autorisations de programme et de 2.000,9 millions d'euros en crédits de paiement.

Dans le domaine des missiles balistiques, la loi de programmation prévoit le développement du missile M51, avec sa mise en service en 2010 sur le SNLE-NG en 2010. Les missiles balistiques actuellement en dotation sont, d'une part, le M4 pour les sous-marins de l'ancienne génération, et d'autre part le M45 pour les deux sous-marins de nouvelle génération. Pour assurer la crédibilité de la dissuasion, le lancement du programme M5 a été décidé en 1992, mais dès 1996 un souci d'économie a conduit le Président de la République à réorienter le programme vers un missile moins ambitieux, le M51. La revue de programmes de 1998 a avancé de 2010 à 2008 le remplacement des M4 et des M45 par des missiles M51 équipés, dans un premier temps, de la tête nucléaire TN75 et des aides à la pénétration du missile M45 (version M51.1), puis à partir de 2015, de la nouvelle tête nucléaire océanique (TNO) associée à des systèmes d'aide à la pénétration (version M51.2).

Le quatrième SNLE-NG doit être admis au service actif doté de missiles M51, mais la date a été reportée de 2008 à 2010 lors de la préparation du projet de loi de programmation militaire. Le coût total du développement, hors tête nucléaires et adaptation au missile du SNLE-NG, est estimé à 4.980,6 millions d'euros au coût des facteurs de janvier 2002. L'augmentation de 4,1% par rapport au coût estimé en 2001 résulte principalement de la modification de la logique d'essai qui a conduit à négocier un avenant au marché de développement en cours. Les dotations projetées sur la période 2003-2008 sont de 2.498,5 millions d'euros en autorisations de programme et de 2.888,7 millions d'euros en crédits de paiement.

3.- La composante aéroportée

La composante aéroportée de la dissuasion comprend les Super-Etandard du groupe aéronaval et les Mirage 2000 N des forces aériennes stratégiques (FAS). Leur armement commun est le missile air-sol moyenne portée (ASMP). En 2008, le binôme Rafale -ASMP amélioré devrait succéder au couple Mirage 2000N-ASMP. La dotation prévue pour les forces aériennes stratégiques entre 2003 et 2008 est la suivante :

CRÉDITS DESTINÉS AU SYSTÈME DE FORCES « DISSUASION »

(en millions d'euros constants 2003)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Moyenne annuelle

Crédits de paiement

391,2

394,7

408,6

363,8

401,0

357,7

386,2

Autorisations de programme

644,8

618,2

285,8

424,5

240,9

290,0

417,4

Le missile ASMP amélioré sera en principe disponible en 2007 sous les mirages 2000N et en 2008 pour les Rafale. Ce sont 79 missiles qui doivent être livrés d'ici 2011. Le coût du programme doit s'élever à 1.195,9 millions d'euros au coût des facteurs de janvier 2002. Le coût unitaire moyen est de 1,82 millions d'euros au coût des facteurs de janvier 2002. Les dotations globales projetées pour la période 2003-2008 s'élèvent à 974,1 millions d'euros en autorisations de programme et à 831,5 millions d'euros en crédits de paiement. Les crédits votés pour 2003 pour le développement du ASMP-A s'élèvent quant à eux à 341,4 millions d'euros en autorisations de programme et à 159,3 millions d'euros en crédits de paiement.

B.- LA COMMUNICATION ET LE RENSEIGNEMENT

La France consent depuis plusieurs années un effort important en faveur du système de forces C3R (Commandement, conduite, communication, renseignement).

En réalisant la chaîne complète de commandement, du niveau stratégique au niveau tactique, incluant le commandement interarmées de théâtre, dont l'expérience des opérations des Balkans ou d'Afghanistan a confirmé l'importance. Le but est de pouvoir tenir le rôle de « nation cadre » pour la planification et la conduite d'une opération d'envergure menée par l'Union européenne. C'est cet objectif que poursuit le présent projet de loi.

Cette capacité suppose un investissement massif et continu, tant dans les systèmes d'information et de communication dont les exigences de débit sont toujours croissantes, que dans la chaîne des capteurs du renseignement ou la formation des états-majors de force. Les ressources affectées à ce système de forces permettent de réaliser les capacités de traitement de l'information et de sa diffusion.

1.- Le renseignement stratégique

Le projet de loi met l'accent sur trois programmes dans ce domaine :


Renseignement stratégique

Helios 2

Lancement du premier satellite en 2004 et disponibilité au tir du deuxième en 2005 pour un lancement prévu en 2008

successeur Helios 2

Études amont et initiation d'une coopération européenne pour assurer la pérennisation d'une capacité globale tout temps

MINREM

Livraison en 2006 du bâtiment d'écoute remplaçant le Bougainville

Source : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008

Le programme Helios II dont les études de faisabilité ont été lancées en 1992 doit prendre le relais des satellites de la première génération et apporter un certain nombre de progrès opérationnels au nombre desquels :

· améliorer les capacités de prise de vue et de transmission des images de façon à réduire les délais d'acquisition de l'information et à augmenter le nombre d'images réalisables ;

· améliorer la résolution dans la bande optique visible de façon à garantir en particulier la reconnaissance de tous les objectifs d'intérêt militaire ;

· introduire une capacité d'observation infrarouge de façon à permettre l'observation de nuit et le recueil d'indices d'activités ;

· introduire une capacité multispectrale afin de déjouer les tentatives de leurres et de camouflages.

Le programme Helios II comprend la définition, le développement et la réalisation de deux satellites de deuxième génération et le segment français d'une composante au sol adaptée des installations au sol déjà réalisées pour Helios I et conçue pour être compatible avec l'arrivée éventuelle de cinq autres coopérants. À ce jour, seulement l'Espagne et la Belgique ont rejoint le programme, pour des participations très faibles de 2,5 %.

Le coût du programme Hélios II est actuellement estimé à plus de 1,7 milliard d'euros.


DÉCOMPOSITION DU COÛT DE HELIOS II PAR CATÉGORIES DE DÉPENSES

Montant
(en millions d'euros)

% du total

Conception

335

20

Satellites

808

48

Lancements

252

15

Composante sol utilisateurs

191

11

Autres

100

6

Total

1.686

100

Le lancement de Helios II A est prévu pour mars 2004 et Helios II B doit être disponible au tir à partir de 2005 pour un lancement prévu en 2008. Ces dates sont confirmées par le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008. Même s'il apparaît coûteux, le système Hélios est un atout précieux pour la France. Comme l'expérience des opérations en Afghanistan l'a montré, la capacité d'évaluation autonome des situations est essentielle.

2.- Les satellites de communication

Le programme Syracuse II de télécommunications militaires par satellite a commencé sa phase de développement en 1988. Il se compose de trois parties (système, composante spatiale et composante sol). La livraison de la version finale comportant toutes les capacités opérationnelles date du mois d'avril 1997. Le coût du programme s'élève à 2,2 milliards d'euros (au coût des facteurs de 2001).

Le système successeur de Syracuse II doit assurer sa continuité, étendre le parc de stations, accroître la capacité de résistance à la guerre électronique d'un nombre important de liaisons et étendre la zone de couverture.

Une première phase, sous maîtrise d'_uvre nationale, doit permettre à la France de mettre en orbite un premier satellite de nouvelle génération. Son lancement est prévu pour fin 2003.

Une deuxième phase, qui devrait être conduite en coopération franco-allemande, devra satisfaire l'ensemble du nouveau besoin opérationnel. Le coût du programme Syracuse III est estimé à 2,05 milliards d'euros.

Une acquisition selon le schéma désormais étudié par les Britanniques qui recourent à la location de services (Private Finance Initiative) a constitué un volet d'étude spécifique de la définition en compétition de la première phase. Parmi les avantages espérés, on notera en particulier la possibilité d'un différé de paiement, une approche en termes de services (qui paraît plus proche de l'utilisateur et pourrait parfois dégager des solutions plus efficaces) et la possibilité de partager l'emploi d'un système avec d'autres utilisateurs via un opérateur privé (ce qui évite la complexité des coopérations).

Parmi les inconvénients induits, on peut citer le risque de perte de souveraineté et d'autonomie de décision (le propriétaire des moyens, l'industriel a priori multinational, bénéficiant alors d'une situation de monopole dans un domaine où la concurrence est de fait inexistante), le transfert du traitement des désaccords entre client et fournisseur devant les tribunaux de façon systématique.

C.- LA PROJECTION ET LA MOBILITÉ

Afin de répondre à l'exigence de projection des forces de manière autonome, à distance du territoire national et sous faibles délais, il est essentiel d'assurer leur mobilité tactique sur le théâtre. C'est pourquoi le projet de loi de programmation fixe trois séries d'objectifs au système de forces « projection et mobilité » sur la période 2003-2008.

1.- La projection aérienne de la force de réaction

La programmation 2003-2008 répond au souci d'améliorer la réactivité des forces face aux crises conjoncturelles en acquérant des avions de transport à très long rayon d'action. Sont ainsi prévus l'acquisition de deux avions de transport à très long rayon d'action, qui permettront de remplacer les deux DC-8 avec l'apport à terme d'une capacité multi-rôle, et la rénovation de la flotte des onze C135FR et des trois KC135R.

Il s'agit surtout de poursuivre, malgré les difficultés, la réalisation de l'avion de transport militaire A400M initialement attendu en 2002. On rappellera qu'aux termes du memorandum of understanding signé par six États (7) le 19 juin 2001, les engagements suivants - non contraignants juridiquement - ont été approuvés :


INTENTIONS DE COMMANDES ANNONCÉES EN 2001

Pays

Calendrier
1er avion

Nombre d'avions

Allemagne

2009

73

France

2008

50

Espagne

2010

27

Royaume-Uni

2009

25

Turquie

2009

10

Luxembourg

2014

1

Belgique

2018

7

Portugal

2011

3

Source : ministère de la défense

Toutefois, le gouvernement portugais issu des élections d'avril 2002 a demandé un délai supplémentaire pour s'engager officiellement dans le programme.

Par ailleurs, une annexe (8) réservait la validité du contrat à l'approbation du parlement allemand. Le 24 janvier 2002, ce dernier a approuvé le lancement du programme mais n'a voté qu'une première tranche de 5,1 milliards d'euros.

Aujourd'hui, une nouvelle annexe modifie les accords, en prévoyant un lancement du programme à 6 pays au lieu de 7 et amende le contrat permettant ainsi au Portugal de confirmer ou non sa participation avant le 31 décembre 2002. Ces aléas retardent de nouveau la date du lancement du programme et, par voie de conséquence, la date de livraison des premiers avions.

D'après les dernières informations recueillies par votre Rapporteur, l'Allemagne pourrait commander entre 45 à 55 appareils en dépit de ses nombreuses difficultés financières. Si cet engagement se confirmait, le programme pourrait être réalisé à coût constant sachant que l'Italie a fait valoir son intérêt pour la commande de 10 appareils. Votre Rapporteur s'engage à suivre avec attention ce dossier au financement délicat et aux enjeux déterminants.

Du point de vue budgétaire, le devis du programme A400M (9) s'élevait à 6,7 milliards d'euros courants pour la France, y compris une provision pour les hausses économiques. L'approbation du document de lancement de la réalisation a permis de libérer 3,049 milliards d'euros d'autorisations de programme, ouvertes par la loi de finances rectificative de fin d'année 2000. Le solde des autorisations de programme, s'élevant à 3,613 milliards d'euros, nécessaires à la notification du contrat a été ouvert dans la loi de finances rectificative de fin d'année 2001. On rappellera, du reste, que la loi de finances initiale pour 2002 a créé un article consacré à l'A400M, doté de 100 millions d'euros dont 45 millions d'euros de reports de la gestion 2001. L'article 17 du chapitre 53-81, devrait être doté, en 2003, de 60,41 millions d'euros en crédits de paiement.

Le programme A400M répond au besoin capacitaire de transport stratégique et tactique dans un cadre multinational, européen ou dans un cadre purement national (10). Cependant, cette capacité ne sera acquise qu'après 2015. D'ici là, il faudra affronter, dès 2005, date de début du retrait des Transall, un trou capacitaire important jusqu'en 2011.

Les ressources prévues dans le projet de loi de programmation permettront la livraison des trois premiers A400M en 2008.

2.- La capacité aéromobile de théâtre

Dans la mesure où la réduction de la capacité aéromobile de théâtre est inéluctable jusqu'en 2010, il est impératif de redynamiser la mobilité et notamment de faire un effort de rénovation profonde du parc actuel d'hélicoptères pour répondre au besoin permanent de transport héliporté dans tous les types de missions (de présence et de souveraineté, de crise ou de service public).

Le projet de loi de programmation prévoit ainsi des opérations de rénovation profonde des 24 Cougar et d'une part significative des 45 Puma. Ces opérations seront entreprises pour conférer à ces leur pleine aptitude opérationnelle en termes de protection et de mise aux normes, dans l'attente des premiers hélicoptères NH90 de l'armée de terre qui ne seront livrés qu'en 2011. Une première tranche de 34 appareils de ce type sera commandée au cours de la période 2003-2008.

L'hélicoptère de transport NH90 se décline en deux versions principales, le NFH (NATO frigate Helicopter), conçu pour répondre aux besoins des marines des pays membres du programme, et le TTH (Tactical Transport Helicopter), conçu pour répondre aux besoins des armées de Terre. Pour l'armée de terre, l'hélicoptère de transport tactique est un appareil de la classe des 9 tonnes avec systèmes d'armes intégrés. Pour la marine, il s'agit de transport tactique mais aussi de lutte anti-sous-marine et anti-navires à partir de frégates (version NFH).

Le coût du développement est de 540 millions d'euros (au coût des facteurs de janvier 2000). Celui de la fabrication s'élève à 5 milliards d'euros (au coût des facteurs de janvier 2001) pour un prix unitaire de la version terre à 19 millions d'euros TTC, de la version marine soutien à 25,6 millions d'euros et de la version marine combat à 30,5 millions d'euros. Depuis le début de ce programme, l'armée de terre lui a consacré 642 millions d'euros d'autorisations de programme votés ainsi que 488 millions d'euros de crédits de paiements. On rappellera que les coûts ont suscité les critiques de la Cour des comptes dans son rapport public de 1999 sur les modalités de financement du développement du programme(11).

3.- Les moyens du transport stratégique militaire

Il est impératif d'améliorer la capacité de projeter, par moyens amphibie, un groupement interarmes de type blindé léger. Aussi, dans le domaine maritime, la relève de deux transports de chalands de débarquement (TCD) par deux bâtiments de projection et de commandement (BPC), en 2005 et 2006, offrira les capacités d'action amphibies permettant l'engagement d'un groupement interarmes blindé léger de 1.400 hommes à partir de la mer.

On rappellera que les BPC ont fait l'objet d'une commande groupée fin 2000 tandis que les quatre TCD actuellement en service (12) remplissent les missions essentielles de participation au transport et à la mise à terre des premiers échelons lors d'une intervention terrestre, d'accueil et de soutien du PC interarmées et de l'antenne chirurgicale et de soutien médical aux opérations amphibie ou humanitaire.

Le coût de ce programme, dont la phase préliminaire a reposé sur des équipes intégrées faisant intervenir la DCN mais aussi des architectes civils des Chantiers de l'Atlantique dont l'apport a été décisif, est de 560 millions d'euros, soit un coût unitaire de 280 millions d'euros.

D.- LA FRAPPE DANS LA PROFONDEUR

L'acquisition lente de la capacité de frappe de précision tout temps à distance de sécurité illustre bien la difficile mutation de nos systèmes d'armes, encore très marqués par leur époque de conception et l'omniprésence de la menace soviétique. Des enseignements ont pourtant été tirés des crises récentes, et notamment de la campagne aérienne du Kosovo et, surtout, en Afghanistan. Les programmes de modernisation continue des Mirage 2000 D et des Super-Étendard en sont des illustrations concrètes.

1.- Le second porte-avions

Le rapport annexé au présent projet de loi propose de construire un second porte-avion, afin d'assurer la permanence à la mer du groupe aéronaval.

En effet, l'Europe a besoin de deux bâtiments de ce type à la mer en permanence. Or le Charles de Gaulle connaîtra des périodes d'entretien ou d'indisponibilité. Il devra donc être relevé par un second bâtiment afin d'assurer la permanence à la mer de notre groupe aéronaval.

La concomitance avec le programme britannique d'acquisition de deux porte-avions de 50.000 tonnes permet d'envisager une coopération, s'il est possible de concevoir avec les britanniques un navire permettant le catapultage des avions.

Le Royaume-Uni a récemment décidé de se doter d'une flotte de F-35B Joint Strike Fighter à décollage court et vertical. Dès lors, ce pays devrait se doter d'un porte-avions équipé d'une rampe de décollage destinée aux avions à décollage court. Cependant, la conception de ce bâtiment pourrait offrir tout de même la possibilité de l'équiper plus tard de brins d'arrêt et de catapultes. Dans ces conditions, la décision d'acheter l'avion américain ne semble pas remettre en cause l'éventualité d'une coopération.

Par ailleurs, il est aussi possible de fabriquer ce second porte-avion sans coopération. Dans ce cas, le choix s'offre entre la construction d'un autre bâtiment à propulsion nucléaire ou bien d'un bâtiment à propulsion classique.

La construction du Charles de Gaulle a généré un surcoût d'environ 17 %, dont le montant apparaît finalement raisonnable, compte tenu des retards budgétaires observés et des aménagements rendus nécessaires par le renforcement des normes de sécurité nucléaire (5.000 tonnes de blindage ont dû être ajoutées). En outre, le coût d'entretien d'un bâtiment nucléaire, compte tenu de la spécificité de ce mode de propulsion, est particulièrement élevé. Cependant, la construction d'un bâtiment à propulsion classique ne permettrait pas de bénéficier d'un effet de série.

L'objectif d'état-major a été adopté en octobre 2002. Désormais, la phase de faisabilité du programme est ouverte. Cette phase d'études devrait s'étendre jusqu'à la fin 2003. Elle couvrira tous les aspects liés à la propulsion, à la coopération éventuelle, aux éléments techniques et à la rédaction de l'appel d'offres européen. C'est seulement à cette date qu'il sera possible de présenter aux autorités un dossier complet couvrant toutes les facettes technique, financière, calendaire et descriptive des risques associés conduisant au choix de la version retenue.

Le programme destiné à la construction du second porte-avions sera doté de 600 millions d'euros en crédits de paiement sur la période de la programmation. Au sein de cette enveloppe, 550 millions d'euros relèveront du gouverneur de crédits de la Marine, tandis que 50 millions d'euros d'études amont relèveront du gouverneur de crédits qu'est le Délégué général pour l'armement.

C'est donc sur la prochaine loi de programmation que portera l'effort financier principal. Rappelons que le coût du porte-avions Charles de Gaulle s'est stabilisé à 3 milliards d'euros dont 1 milliard d'euros pour le développement et l'industrialisation et 2 milliards d'euros pour la fabrication. Le porte-avions à propulsion nucléaire avait fait l'objet d'une décision de lancement de construction en 1986 et sa mise sur cale date de 1989 pour une admission au service actif programmée pour 1996, finalement intervenue en 2001.

2.- Le Rafale

La flotte de combat actuelle est modernisée en attendant la montée en puissance des livraisons de Rafale. La flotte de combat actuelle, comptant de l'ordre de 350 avions, repose essentiellement sur les Mirage 2000 qui sont sans cesse modernisés en raison des décalages continus des livraisons de Rafale.

En juin 1999, une commande globale de 48 appareils a été effectuée, dont une tranche ferme de 28 appareils et une tranche optionnelle de 20 appareils à affermir en 2001. Cette commande globale a permis, au terme d'une négociation difficile tant au sein de l'État qu'avec les industriels, d'aboutir à un accord qui satisfait les deux parties puisque l'État a obtenu des réductions de prix en globalisant sa commande et les industriels ont acquis une meilleure visibilité de leur plan de charge. Avant cette commande, les chaînes de fabrication avaient été interrompues pendant plus de 18 mois.

On estime que l'économie imputable à la seule globalisation de la commande s'élève à 8 % par rapport au prix de série consenti pour une commande annuelle du type de celles qui avaient précédé.

Le projet de loi prévoit la livraison de 234 appareils pour l'armée de l'air et de 60 pour la Marine. 125 commandes et 76 livraisons sont prévues sur la période. En 2002, la Marine dispose de neuf Rafale. En dix ans, la date du premier escadron opérationnel de l'armée de l'Air a reculé de six ans. Les livraisons sont actuellement censées s'étaler jusqu'en 2020, soit trente et un ans après le lancement du développement.

L'étalement des livraisons, décidée en 2001 atténuent néanmoins très fortement la portée de la commande globale passée en juin 1999, puisqu'à peine deux ans après, il a été procédé à un « décadencement » des livraisons prévues, y compris sur la tranche ferme de 28 avions, ce qui sera difficile à obtenir avec les mêmes conditions financières que celles qui avaient été concédées au titre de la commande globale. Il s'agirait ainsi de repousser au-delà de 2006, les livraisons initialement prévues pour la Marine en 2004 (deux appareils) et 2005 (cinq appareils). C'est la Marine qui subit surtout les conséquences des étalements car elle a des besoins plus urgents que l'armée de l'Air qui a régulièrement, par des programmes successifs et ininterrompus, modernisé et augmenté les capacités de ses Mirage 2000.

La Marine ne bénéficiera de la pleine polyvalence du Rafale qu'avec la livraison des avions au standard F3, c'est-à-dire en 2008. D'ici cette date, les Super Étendard modernisés resteront seuls aptes à délivrer le missile nucléaire ASMP au sein de la Marine. L'armée de l'air, quant à elle, bénéficiera directement du standard F2 à partir de 2005 et du standard F3 en 2007 qui constitue une réelle rupture qualitative dans tous les domaines par rapport aux Mirage 2000 les plus récents.

Le développement des trois premiers standards opérationnels est actuellement estimé à 9,9 milliards d'euros dont 8,1 à la charge de l'État.

3.- Les missiles de croisière

Toutes les crises récentes, depuis la guerre du Golfe jusqu'à la campagne d'Afghanistan, ont démontré l'utilité des missiles de croisière. Ce type d'armes est massivement utilisé par les États-Unis, au moins pour détruire les défenses sol-air afin de détenir la maîtrise du ciel et de passer à une autre phase de bombardement plus classique.

Dans un contexte de crise de moins grande intensité, le missile de croisière, de par sa grande précision, permet d'adresser un avertissement ou de mener une action de coercition ciblée. La fiche de caractéristiques militaires du Scalp-emploi général date de 1996. Son coût s'élève à 312 millions d'euros en développement et à 473 millions d'euros en production. Des dotations en crédits de paiement, atteignant respectivement 260 millions d'euros et 46 millions d'euros ont été déjà été consommées. Le projet de loi prévoit la livraison de 500 de ces missiles.

En outre, le programme d'armement air-sol-modulaire (AASM) sera destiné aux objectifs de valeur très défendus. L'AASM est un armement modulaire de portée intermédiaire, à capacité multi cible, de type « tire et oublie », pouvant s'adapter rapidement à la nature et à l'environnement de tous les objectifs, particulièrement souple d'emploi afin de pouvoir être utilisé à partir des avions en service dans l'armée de l'Air et dans la Marine, par tout temps, de jour et de nuit et sur tous les objectifs du champ de bataille.

La notification du contrat de réalisation est intervenue en 2000, et les premières livraisons devraient intervenir début 2005. La cible est de 3.000 exemplaires dont 2.000 pour l'armée de l'air et 1.000 pour la Marine.

Le coût total est de 408 millions d'euros dont 142 millions d'euros de développement. Cependant, votre Rapporteur souligne que la configuration aéromécanique du kit de guidage ne donne pas satisfaction. Cet incident entraîne un retard d'au moins 6 mois dont le coût n'est pas encore chiffré.

E.- LA MAÎTRISE DU MILIEUR AÉROTERRESTRE

Le projet de loi prévoit de mettre l'accent sur la protection du fantassin embarqué, avec la livraison de 272 nouveaux véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) destinés à équiper trois régiments à partir de 2006, et une nouvelle commande de 157 véhicules articulés chenillés (VAC). En outre, la rénovation du parc de véhicule de l'avant blindé (VAB), la livraison de 500 véhicules blindés légers (VBL) supplémentaires et la rénovation des blindées AMX 10RC seront poursuivies. Enfin, 14.000 systèmes Félin seront mis en service, bénéficiant à 2/3 des unités au cours de la période. Les objectifs sur la période 2003-2008 concernent la poursuite du programme du char Leclerc et de l'hélicoptère Tigre.

AVANCEMENT PRINCIPAUX PROGRAMMES DU SYSTÈME DE FORCES « MAÎTRISE DU MILIEU AÉROTERRESTRE » ENTRE 2003 ET 2008

Tigre

Livraison de 37 hélicoptères en version appui-protection à partir de 2003

Leclerc

Livraison des 117 derniers chars Leclerc entre 2003 et 2008

Leclerc dépanneur

Livraison des 15 derniers dépanneurs

VBCI

Commande de 433 VBCI à partir de 2005 et livraison de 272 engins à partir de 2006

VAC

Commande et livraison de 157 VAC à partir de 2005

VBL

Livraison de 500 VBL supplémentaires

AMX 10 RC

Commande de la rénovation de 59 blindés, et livraison de 180 AMX 10 RC rénovés entre 2003 et 2005

Système du combattant Félin

Commande de 14.000 équipements

Roquette LRM-G

Commande et livraison de 1.000 roquettes

Valorisation AUF1

Commande de la valorisation de 80 canons automoteurs, et livraison de 174 canons valorisés

Radar COBRA

Livraison de 10 systèmes

ATLAS canon

Livraison des 7 derniers systèmes

Obus à effet dirigé

Livraison des 7 derniers systèmes

Au 31 décembre 2002, la France possèdera 289 chars Leclerc, contingent que la loi de programmation militaire prévoit d'augmenter de 117 unités entre 2003 et 2005 (45 en 2003, 45 en 2004 et 27 en 2005). Le coût total du programme est de 5,89 milliards d'euros au coût des facteurs de 2002, dont 3,8 milliards d'euros ont déjà été consommés en crédits de paiement sur les 3,94 milliards d'euros ouverts. Pour 2003, 279,36 millions d'euros ont été votés en crédits de paiement et 19 millions d'euros en autorisations de programme.

Le prix unitaire du char atteint cependant 8,1 millions d'euros, soit 20 % de plus que le montant prévu par les devis initiaux, principalement en raison des surcoûts du maître d'_uvre et de la réduction de cible. Le prix établit par la Cour des Comptes dans son rapport public particulier sur les industries d'armement de l'État atteint en revanche 15,91 millions d'euros, en y incluant les frais de développement.

La livraison de 15 dépanneurs, permettant de venir en aide aux unités de chars Leclerc, a été prévue par la loi de programmation militaire 2003-2008, pour un montant de 107 millions d'euros, soit 7 millions d'euros par appareil. En l'état, le dépanneur dont est dotée l'armée de terre ne fonctionne pas, contrairement à celui livré aux Émirats Arabes Unis.

L'hélicoptère de combat Tigre a été conçu en version appui-protection (HAP), retenue par la France, et en version anti-char, retenue par les armées de terre française et allemande. (13) Un premier accord bilatéral concernant le Tigre a été signé avec l'Allemagne et amendé fin 1987. Le premier vol du prototype s'est effectué en 1991 puis le programme a été intégré dans l'OCCAR en février 1998.

Le contrat d'industrialisation a été signé le 20 juin 1997, et l'accord bilatéral sur la production le 20 mai 1998. Les contrats de série, signés le 18 juin 1999, portent sur 80 hélicoptères pour la France et 80 pour l'Allemagne. La commande française est constituée de 70 appareils appui-protection (HAP), dont la livraison s'échelonne entre 2003 et 2011, et 10 appareils anti-char (HAC), qui seront livrés à partir de 2011. A l'horizon 2015, la France devrait être équipée de 120 appareils dont 70 HAP et 50 HAC. Le nombre total d'appareils prévus est de 215 pour la France (115 HAP et 100 HAC), et de 212 pour l'Allemagne.

Le coût total du programme est estimé à 7,26 milliards d'euros aux conditions de 2002, dont 1,5 milliard d'euros pour le développement et 5,7 milliards d'euros pour la production. Le prix unitaire s'établit donc à 17 millions d'euros pour la version HAP et à 20 millions d'euros pour la version HAC. Pour 2003, les moyens prévus par le budget s'élèvent à 211,87 millions d'euros en autorisations de programme et à 207,28 millions d'euros en crédits de paiement.

La loi de programmation militaire a prévu la commande de 14.000 systèmes « Félin », qui est un équipement de combat moderne pour les fantassins. Il comprend une tenue, une structure d'accueil, un équipement de tête, des équipements électroniques et une arme équipée.

D'un poids maximal de 23 kg avec les armes et les munitions, il bénéficie d'une autonomie de 12 heures et doit permettre une bonne visibilité de nuit, une communication vocale et des transmissions de données. Ce programme est encore dans sa phase d'essais Son coût prévisionnel de développement est évalué à 389,64 millions d'euros, avec un coût de fabrication de 503,08 millions d'euros. Le coût unitaire atteint donc 17.680 euros, avec, à terme, un besoin pour l'armée qui s'élèverait à plus de 22.000 systèmes Félin.

Le Véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI), est destiné à assurer la succession des engins AMX 10P et PC sur la période 2006-2013. Il a la faculté d'assurer à la fois les missions de transport blindé pour le combat débarqué et les missions d'un véhicule armé pour le combat à bord. Il est prévu d'acheter 700 de ces engins, dont 150 appareils dans la version VPC (véhicule poste de commandement), et 550 exemplaires dans la version VCI (véhicule de combat d'infanterie).

Ce type de véhicule bénéficie de la nouvelle technologie mise au point par GIAT industries pour des véhicules d'infanterie sur roue. L'ensemble mécanique est produit par Renault-Volvo, ce qui permet de réduire le coût unitaire. L'arrivée des prototypes est prévue pour 2004, et une première livraison était prévue pour 2006. Cependant, compte tenu de retards pris dans la définition des spécifications, il est probable qu'elle intervienne qu'en 2007. Le coût unitaire d'un VCI est estimé à 2,28 millions d'euros, et celui d'un VPC à 1,6 millions d'euros.

L'armée de terre poursuivra par ailleurs son programme d'acquisition du véhicule blindé léger long (VB2L) qui est une version allongée du véhicule blindé léger (VBL) dont l'armée de terre s'est déjà dotée. Elle a déjà acquis 899 VBL et commandé 200 VB2L, dont 131 ont été livrés. Un nouveau marché de 210 VBL et de 290 VB2L a été passé, dont les livraisons vont s'échelonner jusqu'en 2008.

Le programme de rénovation du blindé léger AMX 10RC sera poursuivit entre 2003 et 2008. Il est prévu de rénover 300 engins, avec des commandes s'échelonnant entre 2000 et 2006 et des livraisons entre 2001 et 2008. Le coût du programme est évalué à 256,6 millions d'euros, montant qui inclus le développement, l'industrialisation et la fabrication. Le coût unitaire par engin rénové est environ de 690.000 euros.

F.- LA MAÎTRISE DU MILIEU AÉROMARITIME

La promotion du système de forces « maîtrise du milieu aéromaritime » doit permettre de disposer des capacités nécessaires pour conférer aux forces une totale liberté d'action sur mer ou à partir de la mer et de garantir la souveraineté des espaces maritimes sous juridiction française. Deux axes sont ainsi définis dans le cadre du projet de loi de programmation.

1.- Le renouvellement de la flotte de surface et des sous-marins d'attaque

La priorité consiste à assurer le renouvellement de l'ensemble des frégates de la marine et des sous-marins d'attaque. Tout d'abord, huit frégates multi-missions seront commandées, pour une entrée en service des premiers bâtiments en 2008. Ces bâtiments polyvalents, embarquant un hélicoptère et armés notamment de missiles de croisière auront une capacité soit anti-sous-marine (F-ASM), soit d'action vers la terre (F-AVT). Ces frégates seront, en outre, aptes aux missions de surveillance, de protection et de lutte anti-navire.

Deux sous-marins nucléaires d'attaque de type Barracuda seront commandés au cours de la période 2003-2008 et entreront en service en 2012. Ces sous-marins participeront à la protection du groupe aéronaval. Le programme Barracuda prévoit, au total, la construction de six unités en remplacement des sous-marins actuellement en service. En faisant appel aux capacités informatiques civiles et profitant des retombées du programme le Triomphant, ces sous-marins seront armés de torpilles, de missiles anti-navires et du missile de croisière naval.

Enfin, l'amélioration de la capacité de lutte anti-aérienne sera surtout amorcée avec la livraison des deux premières frégates de type Horizon, en 2006 et 2008. Sans préjudice d'un éventuel programme de commande globale, la troisième frégate sera commandée en 2007.

On rappellera que la mission prioritaire de la frégate type Horizon est d'assurer l'escorte antiaérienne d'un groupe aéronaval constitué autour d'un porte-avions type Charles de Gaulle ou l'escorte d'un groupe de bâtiments peu ou pas armés comme, par exemple, une force amphibie. Les deux premiers exemplaires du programme actuel sont destinés à remplacer les frégates Suffren et Duquesne, admises au service actif respectivement en 1967 et en 1970. Les deux derniers exemplaires de ce programme devraient être commandés après 2008 pour une admission au service actif vers 2015 ce qui prolongera d'autant l'activité des deux frégates type Cassard.

En raison des retards issus de l'échec de la coopération avec le Royaume-Uni, le premier bâtiment sera opérationnel au mieux à la fin 2006 et le second à la mi-2008. En effet, si la France et l'Italie sont parvenues à définir un bâtiment commun au terme de concessions réciproques, la frégate Horizon reste un exemple des difficultés de la coopération européenne. La phase de faisabilité et de définition aura duré huit ans (14), elle aura été marquée par le retrait du Royaume-Uni annoncé à l'été 1999. Les ministres de la défense français, britannique et italien ont officialisé l'échec de la coopération trilatérale le 25 avril 1999, après trois ans de négociations (15).

Le devis du programme Horizon est de 1,9 milliard d'euros dont 721 millions d'euros au titre de la conception et du développement et 1,160 milliard d'euros au titre de la fabrication des deux frégates.

Par ailleurs, le système d'armes de la frégate Horizon repose sur le PAAMS (Principal anti-air military system). Ce système est destiné à fournir aux frégates Horizon, un système capable de protéger une force maritime face à des missiles aérodynamiques supersoniques. Le coût prévisionnel du développement et de la fabrication de deux systèmes PAAMS avec 120 munitions Aster s'établit à 630 millions d'euros. Le projet de loi de programmation prévoit la livraison de deux systèmes PAAMS en 2004 et 2005 pour les deux premières frégates Horizon. Un système sera également commandé en 2007 pour la troisième frégate Horizon.

2.- Renforcer les moyens de surveillance pour lutter contre le terrorisme et les trafics illicites

Dans le domaine de la surveillance et de la sauvegarde des approches maritimes, la modernisation de certains moyens dédiés et le renforcement des capacités sont prévus par le projet de loi de programmation. Il s'agit, en particulier, de lutter contre le terrorisme et les trafics illicites. Le projet de loi prévoit des moyens de lutte contre la pollution.

G.- LA MAÎTRISE DU MILIEU AÉROSPATIAL

Il est impératif de continuer à garantir la souveraineté de l'espace aérien national, de protéger et d'assurer la liberté d'action des forces déployées sur les théâtres extérieurs, ainsi que de s'opposer à l'emploi de l'espace aérien par l'adversaire. Pour ce faire, plusieurs objectifs sont fixés pour consolider la maîtrise du milieu aérospatial.

1.- La composante de détection et de conduite des opérations aériennes

La livraison en 2003 du troisième Hawkeye et la modernisation du système de conduite et de détection (SDCA) renforceront la capacité de conduite et de contrôle des opérations aériennes à l'horizon 2008. Le SDCA est la version française du système AWACS (16), dont quatre appareils sont en service depuis 1992. Maillon essentiel de la conduite des opérations aériennes, ce système facilement déployable et interopérable avec les équipements de l'OTAN est utilisé dans un cadre national ou interallié. Il dispose d'un radar, d'équipements de commandement, de contrôle aérien, de protection électronique et de moyens de transmission performants.

2.- L'amélioration de la capacité des missiles d'interception aériens

Les moyens d'acquisition de la supériorité aérienne seront améliorés par la livraison de 850 missiles d'interception de combat aérien (MICA) sur les 1.135 exemplaires commandés entre 2003 et 2008. Le MICA est amené à remplacer toute la gamme des missiles air-air en service. Équipant déjà les Mirage 2000-5 et les Rafale, il se décline en deux versions (17) permettant de conférer au système d'armes de l'avion des capacités « tire et oublie » et multicibles. Grâce à une portée maximale de 60 kilomètres, une très forte adaptabilité aux conditions de combat et une grande résistance aux contre-mesures adverses, il permet d'augmenter notablement la puissance de feu et la capacité de survie des avions qu'il équipe.

Par ailleurs, le développement d'un missile d'interception à domaine élargi (MIDE/METEOR) sera poursuivi, en coopération européenne, sur la période de la loi de programmation, pour une mise en service opérationnel à compter de 2012. Il s'agit d'un missile air-air longue portée, complémentaire du MICA, destiné à la destruction à grande distance de toute cible aérienne grâce à son autodirecteur électromagnétique actif. La France, le Royaume-Uni, la Suède, l'Italie et l'Espagne ont conclu un premier engagement auquel l'Allemagne pourrait s'associer. Ce missile sera conçu pour équiper l'Eurofighter, le Rafale et le Gripen.

3.- Le développement de la composante de défense sol-air

L'arrivée des premiers systèmes sol-air de moyenne portée/Terre (SAMP/T) au cours de la période 2003-2008 permettra de contrer une menace omnidirectionnelle à base d'avions ou de missiles. Réalisé en coopération franco-italienne, le SAMP/T comprend essentiellement un radar de poursuite Arabel associé à un missile Aster (18). Entre 2003 et 2008, seront livrés 4 SAMP/T (sur les 10 commandés au cours de la période) et 110 munitions (sur les 505 commandées). La défense sol-air sera valorisée dans ses composantes très courte et courte portée. Les moyens consacrés permettront de se doter, à l'horizon 2010, d'une première capacité de protection de site face à des menaces de missiles de rayon d'action limité. Cette capacité nécessite le développement d'un ensemble cohérent de moyens d'alerte, de détection (en particulier radar), de poursuite, ainsi qu'une évolution des missiles antiaériens.

Il est important de disposer, à l'horizon 2010, d'une première capacité de protection des sites d'une force déployée sur un théâtre d'opération extérieure contre les missiles balistiques rustiques de moyenne portée, dont la prolifération est identifiée comme une menace.

4.- Le renforcement de la couverture radar du territoire national et de ses approches

La couverture radar au-dessus du territoire national sera renforcée par l'acquisition de deux radars Girafe, au profit de la protection des points sensibles nationaux. En effet, l'évolution des menaces et, en particulier, le risque terroriste nécessitent le renforcement de la détection des vecteurs aériens. Il est donc prévu d'acquérir une capacité de détection et de contrôle à toutes altitudes, locale mais autonome, facilement déployable, en vue de créer une zone de protection autour de sites ou de zones restreintes soumises à risques.

Le système Girafe sera constitué d'un radar aux capacités de détection à moyenne portée, ainsi que de moyens de défense sol-air. Il contribuera à la création des bulles de protection vis-à-vis de menaces pesant aussi bien sur le territoire national que lors des opérations.

VI.- PROGRAMMATION ET INDUSTRIELS D'ÉTAT

Le rapport annexé au présent projet de loi précise que « le périmètre de chaque annuité exclut le fonds de développement de la Polynésie et la recapitalisation des entreprises publiques, en particulier GIAT et DCN ». Votre Rapporteur se doit de se pencher sur l'avenir des entreprises publiques d'armement, car leur plan de charge dépend largement du présent projet de loi. Le rapport particulier de la Cour des Comptes d'octobre 2001 (19) dresse un bilan exhaustif de la gestion des principaux acteurs du secteur. Votre Rapporteur a, pour sa part, préféré se concentrer sur les deux acteurs essentiels que sont les entreprises publiques GIAT et la Direction des constructions navales (DCN), qui devrait devenir une société nationale à compter du 1er janvier 2003.

A.- LA DIRECTION DES CONSTRUCTIONS NAVALES : UNE MODERNISATION À POURSUIVRE

1.- Le changement de statut de la DCN

a) Le statut d'entreprise nationale

Depuis ses origines, en 1631, jusqu'aux années soixante-dix, la construction navale militaire française a été organisée en une structure unique, assumant l'ensemble des responsabilités « étatiques » et « industrielles ». Les possibilités de séparation de ces deux pôles ont été envisagées à partir de 1989, soit environ vingt ans plus tard que chez les autres acteurs comparables du secteur.

En 1997, deux entités distinctes, au sein de la DGA, ont été chargées de prendre en charge la construction navale : le Service des programmes navals (SPN), et la Direction des constructions navales, chargée des seules activités industrielles. Pour l'exportation des productions de la DCN, plusieurs structures ont été créées, mais sans lien juridique explicite entre elles (20).

Le 12 avril 2000, la DCN a été transformée en service à compétence nationale, détaché de la DGA et placé sous l'autorité directe du ministère. Le 6 juillet 2001, le Gouvernement a décidé de transformer la DCN en société de droit privé détenue par l'État, les personnels employés par la DCN conservant leur statut.

L'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) a, enfin, prévu, la transformation en « entreprise nationale régie par le code de commerce, dont le capital est détenu en totalité par l'État ». Cette transformation doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2003, par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre de la défense, transférant à la nouvelle structure « tout ou partie des droits, biens et obligations de l'État relatifs au service à compétence nationale DCN » (21).

La gestion de l'entreprise nationale ainsi créée sera encadrée par un contrat d'entreprise pluriannuel, qui sera conclu au cours du premier trimestre du premier exercice d'activités de l'entreprise nationale, afin de fixer ses relations financières avec l'État et ses objectifs économiques et sociaux. En contrepartie, l'État garantira un volume d'activité sur la période d'exécution du contrat d'entreprise.

La transformation de la DCN en entreprise publique, sous forme de société de droit privé à capitaux détenus par l'État, permettra une gestion plus souple de ses activités : les contrats de l'entreprise ne seront plus soumis au ode des marchés publics, qui alourdit actuellement la passation des contrats et surtout de leurs avenants.

La soumission aux voies d'exécution de droit commun offrira des garanties aux clients privés, ce qui devrait faciliter la conclusion de contrats. Enfin, l'existence d'un capital social peut permettre les alliances stratégiques avec d'autres entreprises du secteur.

En revanche, ce nouveau statut appelle une certaine vigilance de l'État. En cas de mauvais résultats, l'exemple de GIAT montre que l'obligation de recapitaliser, dès lors que les fonds propres sont inférieurs à la moitié du capital social, peut, à terme, être très coûteuse.

b) La clôture du compte de commerce

L'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 a prévu la clôture du compte de commerce n° 904-05 « Constructions navales de la marine militaire », créé par l'article 81 de la loi de finances initiale pour 1968. Cette clôture doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2005, même si la transformation de la DCN en société de droit privé détenue par l'État peut intervenir dès le 1er janvier 2003, entraînant alors la clôture du compte.

Cette échéance mettra fin à une gestion que la Cour des Comptes n'hésite pas à qualifier, dans son rapport au président de la République précité, de « gestion budgétaire hors de contrôle ». Les principaux éléments relevés par la Cour des Comptes sont les suivants :

· Jusqu'en 2000, les établissements locaux de la DCN n'étaient pas soumis au contrôle financier déconcentré, donc leurs dépenses ne faisaient l'objet que d'un contrôle de simple régularité par le comptable signataire. (22)

· La DCN a utilisé les structures créées à son profit pour l'exportation (DCN-I et DCN Log), en leur faisant prendre en charge certains frais, afin de contourner les contrôles administratifs (comme par exemple les frais de mission à l'étranger).

· La DCN a systématiquement dépassé, en exécution, les crédits évaluatifs du compte de commerce. Ainsi, la diminution des budgets affectés aux constructions navales à partir de 1994 ne s'est-elle pas traduite immédiatement par une réduction des activités de la DCN. En 1997, ces dépassements s'élevaient à près de 300 millions d'euros.

· La DCN a utilisé à grande échelle les comptes d'attente. Ils ont non seulement permis d'anticiper l'arrivée de crédits normalement prévus pour une opération décidée, mais aussi de financer des opérations qui ne l'étaient pas encore.

c) Les conséquences financières et budgétaires

Les dépenses du titre V de la Marine incluent, jusqu'à l'exercice 2002, les rémunérations des personnels de la DCN, via le paiement des commandes passées. Après le changement de statut, la TVA s'appliquera donc à taux plein à l'ensemble des commandes, qui incluront donc les coûts de personnel. Cette situation conduira à une augmentation de 2 à 17 % du montant des prestations, soit, en moyenne, une hausse de 8 %.

Le projet de budget pour 2003 intègre, au sein des crédits d'équipement de la marine, l'annuité 2003 des surcoûts liés à la restructuration de la DCN. Cependant n'ont été inscrits que 290 millions d'euros en autorisations de programme, les ressources correspondantes en crédits de paiement devant être attribuées dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2003.

L'application de cette hausse aux futurs contrats et aux sommes restant dues sur les contrats en cours est aujourd'hui estimée à 119 millions d'euros par an entre 2003 et 2008. L'appréciation du montant de ce surcoût demande cependant un examen précis de chaque contrat pour distinguer la part des travaux relevant réellement de la DCN de celle confiée à la sous-traitance, déjà soumise à la TVA.

En plus de la hausse de la TVA, une stricte application du code des impôts aux contrats en cours pourrait conduire à un rappel de TVA non pas sur les seuls montants restant à payer mais sur la totalité de la valeur de ces contrats qui représente globalement plusieurs milliards d'euros. Une solution comptable est envisagée, mais elle demande de réviser les quelque 500 contrats à transférer.

2.- Des perspectives prometteuses

Le rapport de la Cour des Comptes souligne les « points forts » de la DCN : l'intégration entre les métiers d'ingénierie et de construction navale permet d'optimiser la conception, la gamme des produits est complète, sa compétence technique est reconnue, et le partage des activités entre construction neuve et réparation est un atout dont ne dispose pas GIAT Industries. Par ailleurs, les perspectives commerciales de la DCN sont meilleures que celles de GIAT Industries.

Le marché accessible à l'exportation est globalement stable en volume. Dans le domaine des sous-marins conventionnels, le marché du renouvellement parait particulièrement porteur, puisque 50 pays utilisent actuellement un total de 135 sous-marins, dont près de la moitié a plus de 20 ans. La création ou l'extension de flottes de pays tels que l'Arabie Saoudite, la Malaisie, les Émirats arabes unis, la Thaïlande ou encore Singapour offre des perspectives intéressantes. La DCN peut prétendre à contrôler un tiers d'un marché potentiel pouvant atteindre 600 millions d'euros entre 2002 et 2009.

S'agissant des bâtiments de surface, le développement des menaces aériennes et sous-marines conduit les marines clientes à vouloir plus d'armement sur leurs navires, avec des exigences de furtivité et d'automatisation. La DCN peut prétendre à contrôler près du quart d'un marché potentiel pouvant atteindre 590 millions d'euros entre 2002 et 2009. Elle est notamment particulièrement bien positionnée sur le marché des frégates.

Dans ce contexte commercial relativement favorable, il apparaît pourtant que la DCN est encore dans une situation atypique dans le monde occidental. L'ensemble des constructeurs navals du Royaume-Uni, des États-Unis et de l'Allemagne sont des sociétés de droit privé, à capital privé. Face à un marché en forte concentration, la compétitivité de la DCN est en retrait. Le chiffre d'affaire par employé est de 106.000 euros, contre 240.000 euros pour Fincantieri et 210.000 euros pour les Chantiers de l'Atlantique. Ce décalage est dû en partie à un manque d'ouvriers disposant de certaines compétences, mais aussi à une décroissance de l'activité et à un processus d'achat encore bridé par le code des marchés publics. La DCN s'est fixé comme objectif un gain de productivité de 3 % par an sur la main d'_uvre et de 3 % par an sur les achats.

La DCN a déjà engagé un processus de modernisation lui permettant de se positionner favorablement sur un marché assez concurrentiel. Outre le changement de statut, la DCN a opéré une alliance avec Thalès, conduisant à la création d'une filiale commune, Armaris, au 1er octobre 2002. Cette société prend en charge la commercialisation des exportations et la gestion des contrats portant sur les domaines où la compétence des deux partenaires est partagée, comme la maîtrise d'_uvre des navires ou des systèmes de combat, à l'exclusion de la construction proprement dite.

Par ailleurs, un effort de restructuration des effectifs a été engagé, afin de les adapter à l'activité prévisible. Ils sont passés de 17.515 en 1998 à 15.650 à la fin de l'année 2000. Un système de gestion d'entreprise a été lancé en 1999 et un service d'audit interne a été créé. La charte de gestion, mise en place par les ministres chargés de la Défense et des Finances en 1999, dont le but est de rapprocher les modes de gestion de la DCN d'une entreprise industrielle privée, permet de promouvoir la contractualisation des commandes, d'augmenter la transparence de la structure des coûts, et d'améliorer le pilotage stratégique et financier. Ces efforts de modernisation, qui auront permis de faciliter le passage au statut d'entreprise nationale, sont encore loin d'avoir produits tous leurs fruits, mais les perspectives sont prometteuses pour la DCN.

B.- LES PERSPECTIVES DE GIAT INDUSTRIES

Comme votre Rapporteur l'a montré dans son récent rapport spécial sur les crédits de la défense (23), la situation du groupe GIAT Industries demeure inquiétante. Pour autant, le présent projet de loi de programmation, s'il consacre l'achèvement du programme Leclerc, offre certaines perspectives de commandes, strictement nationales, qui nécessitent, sans doute, une adaptation des effectifs à ce plan charge réduit.

1.- Un fardeau financier dont le groupe peine à se départir

a) Des pertes importantes

Depuis sa création en 1990, l'histoire du groupe GIAT Industries aura été par la réduction de son activité ainsi que par de mauvais résultats. En douze années d'existence, GIAT Industries aura totalisé plus de 3,89 milliards d'euros de pertes. Il faut néanmoins rappeler que l'entreprise a dû faire face à un contexte difficile. L'effondrement des marchés de l'armement terrestre l'a frappée de plein fouet. Le groupe est aujourd'hui contraint d'assumer un lourd fardeau, conséquence de sa gestion passée. En effet, la stratégie initialement choisie était caractérisée par une forte croissance externe et une tendance à prendre des contrats déséquilibrés à l'exportation. Au total, la Cour des comptes estime, dans son rapport particulier sur l'industrie de l'armement, publié en octobre 2001, que sur les 3,66 milliards d'euros de pertes, 1,98 milliard d'euros sont la conséquence « de décisions malheureuses » prises avant 1995 et que 1,07 milliard d'euros sont imputables aux coûts des plans sociaux successifs et le solde aux capacités excédentaires.

Votre Rapporteur ne citera que le contrat signé en 1993 avec les Émirats arabes unis, pour la fourniture de chars Leclerc. La perte à terminaison de ce contrat est estimée 1,3 milliards d'euros, soit presque 50 % du chiffre d'affaires et presque 3,35 millions d'euros par char. Il faut ajouter que ce contrat contient des dispositions qui obligent le groupe à mettre au niveau technologique le plus récent les premières tranches de chars livrées. Ce programme de « retrofitage » représente un coût particulièrement lourd pour le groupe puisqu'on peut l'estimer à environ 150 millions d'euros. En outre, le contrat prévoit - comme la plupart ce type de contrats, il est vrai - le contrôle de ce programme est également financé par le groupe. En outre, des engagements hors bilan, de l'ordre de 500 millions de dollars américains, sont également

b) Une nouvelle recapitalisation est probable

Actionnaire unique de l'entreprise, l'État est périodiquement contraint de respecter le code de commerce en recapitalisant dès lors que les fonds propres sont inférieurs à la moitié du capital social.

La société a été créée le 1er juillet 1990 par apport en nature de l'État de 283,56 millions d'euros, complété en 1991 par une dotation en capital de 163,12 millions d'euros. Depuis, GIAT Industries a bénéficié de deux dotations successives de 0,56 milliard d'euros chacune en 1996 et en 1997 et d'une troisième dotation d'un montant de 0,66 milliard d'euros en février 1998. Le capital social de la société, d'un montant de 446,68 millions d'euros, est resté inchangé de 1991 à 1997. Une dotation en capital, d'un montant de 0,87 milliard d'euros, a été décidée en décembre 1998 et réalisée en janvier 1999. Lors de cette dernière opération, il a été effectué successivement une augmentation puis une réduction du capital social de la société qui s'établit actuellement à 60 millions d'euros. Une nouvelle recapitalisation a été décidée le 31 décembre 2001, pour un montant de 591,5 millions d'euros, dont 286,6 millions d'euros seront versés ultérieurement.

D'ores et déjà, ce sont donc 3,12 milliards d'euros qui ont été versés au groupe depuis 1991. Ce montant ne prend pas en compte les 286,6 millions d'euros qui n'ont pas encore été libérés et qui devraient l'être prochainement. Ces dotations ont largement mis à contribution le budget d'équipement des armées puisqu'elles ont été largement gagées par des annulations sur le titre V du budget de la Défense. Le rapport annexé (24) au présent projet de loi précise que la recapitalisation de GIAT Industries est exclue du périmètre de la programmation. Dès lors, la recapitalisation à venir ne devrait pas affecter le volume des crédits d'équipement programmés.

À la fin de l'exercice 2001, les capitaux propres de la société s'établissaient à - 172 millions d'euros, ce qui signifie qu'une nouvelle dotation en capital sera très vraisemblablement opérée d'ici au 31 décembre 2004.

2.- L'avenir du groupe

a) Des perspectives d'activité encore limitées

Le chiffre d'affaires consolidé de GIAT industries a retrouvé en 2001 son niveau de 1999, en passant de 0,55 milliard d'euros à 0,8 milliard d'euros. Cette hausse est principalement due à la reprise des livraisons de chars aux Émirats arabes unis.

S'agissant des chars de combat, la perspective à moyen terme est une décroissance forte du marché mondial sous l'effet de l'achèvement des programmes de rééquipement des grands pays de l'OTAN, des restrictions budgétaires qui poussent de nombreux pays à moderniser les matériels existants plutôt qu'à acheter du neuf, de l'abondance du matériel d'occasion qui suffit à certains pays, et surtout de la disparition des concepts d'emploi des chars de bataille du fait de l'évolution géostratégique. Il faut rappeler que la France elle-même a tiré les leçons de l'effondrement du mur de Berlin en ramenant ses commandes de Leclerc de 1.400 à 406 exemplaires.

Le véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) peut offrir à GIAT une réelle perspective. Les sociétés GIAT Industries et Renault véhicules industriels ont constitué un groupement d'entreprises et ont remporté l'appel d'offres pour le futur blindé léger avec une première commande ferme en date du 6 novembre 2000 portant sur le développement et 65 véhicules. Le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 prévoit la commande de 700 véhicules au total. En outre, 117 chars Leclerc seront livrés entre 2003 et 2005.

Pour le reste, les principales perspectives de GIAT reposent notamment sur la modernisation de 108 chars AMX 10 RC entre 2003 et 2005, de canons AUF2, de 70 tourelles de Tigre ou encore de 600 systèmes d'exploitation terminaux. En outre, le groupe participera au programme FELIN.

Au total, on estime à 600 millions d'euros le montant des commandes annuelles générées par la programmation 1997-2002. Sur ce montant, environ 350 millions d'euros étaient liés au programme Leclerc. Autrement dit, le volume de commandes, d'environ 250 millions d'euros par an, qui serait généré par la programmation 2003-2008 devrait permettre de stabiliser l'activité du groupe à son niveau actuel, hors Leclerc.

b) La réduction des coûts

À la suite des pertes massives de 1995, GIAT a défini un plan de retour à l'équilibre en mai 1996, puis en juillet 1998, un plan stratégique, économique et social (PSES), entré en application le 1er janvier 1999 pour la période 1999-2002.

Le projet initial prévoyait la fermeture de trois sites (Rennes, Le Mans et Salbris) et, éventuellement, la fermeture d'un quatrième site, celui de Saint-Pierre-en-Faucigny qui abrite la société Cime Bocuze, filiale du groupe.

Concernant le site de Rennes, l'activité de la douillerie sera arrêtée à l'achèvement des dernières commandes. L'activité résiduelle sur les abris mobiles a intéressé un partenaire britannique avec lequel GIAT Industries a créé une filiale, la Société de développement d'abris mobiles (SDAM), qui a intégré l'ensemble de l'activité de fabrication et de commercialisation des abris, puis elle a cédé 50 % des participations à la société Hunting Engineering Ltd, filiale de Hunting PLC. La dénomination de cette nouvelle filiale est désormais Euro-Shelter.

La fermeture du site du Mans (petit calibre) est réalisée. Les activités d'encartouchage et de chargement de munitions de gros calibre du centre de Salbris ont été transférées vers la filiale Luchaire Défense sur le site de La Chapelle-Saint-Ursin.

Le site de Saint-Pierre-en-Faucigny abrite la société Cime-Bocuze, filiale du groupe GIAT Industries. Dans la version initiale du projet stratégique, la fermeture du site était envisagée. C'est finalement un groupe autrichien, la société Plansee, qui s'est porté acquéreur de cette activité dont GIAT garde 34 %.

Les activités résiduelles du site de Saint-Étienne relatives aux armes de petit calibre ont été transférées à Saint-Chamond. Il est prévu de filialiser l'activité optique de Saint-Étienne et de l'adosser à un partenaire spécialisé du secteur en la maintenant sur le site dans le cadre du pôle optique et vision.

Certaines activités concernant le soutien logistique des blindés feront enfin l'objet d'un regroupement sur le site de Roanne. Il en est de même des activités de ravitaillement (pièce détachées). Ce dispositif est d'évidence encore surdimensionné et trop dispersé. La Cour des comptes estime, dans son rapport précité que la taille optimale de GIAT Industries passe par une « contraction » forte des moyens de la société : « fermeture ou reconversion des centres aujourd'hui reconnus comme excédentaires, en fait tous les centres sauf ceux retenus comme cible finale, c'est-à-dire vraisemblablement Satory et Roanne pour les blindés, Bourges et la Chapelle pour les armes et munitions, avec une variante possible, consistant à supposer que le marché des blindés lourds disparaîtra dans le futur, ce qui condamnerait Roanne en tant que centre de production ; à l'inverse, si les blindés légers ont un avenir, c'est peut-être Saint-Chamond qu'il faut conserver. »

A défaut de nouvelles mesures de contraction de son dispositif industriel, la Cour estime que les pertes de GIAT pourraient atteindre un montant cumulé de 1,5 milliard d'euros sur les six exercices de 2000 à 2005, soit une moyenne de 250 millions d'euros par exercice.

Un nouveau projet de plan stratégique, économique et social devrait être prochainement présenté pour les années à venir.

Votre Rapporteur sera particulièrement attentif à l'avenir du groupe et assurera un suivi précis, en tant que Rapporteur spécial des crédits de la défense, de la mise en _uvre de ce plan.

EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a procédé sur le rapport de votre Rapporteur, à l'examen pour avis du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n° 187).

Un débat a suivi l'exposé de votre Rapporteur.

M. Alain Rodet a relevé de nombreuses incertitudes concernant le second porte-avions portant notamment sur son mode de propulsion, ses matériels embarqués, les possibilités de coopération, ainsi que le calendrier de sa réalisation. L'armée de terre paraît sacrifiée alors même que ses missions sont fondamentales, délicates et variées, ce qui ne peut manquer de susciter une réelle inquiétude.

M. Louis Giscard d'Estaing a rappelé que le présent projet de loi faisait suite à deux événements d'importance : la fin du service militaire et les retards pris dans l'application de la loi de programmation pour les années 1997 à 2002. Un effort de rattrapage, en pleine cohérence avec la professionnalisation des forces armées, est donc indispensable. Toutefois, la question des réserves ne paraît pas suffisamment prise en compte. Il est essentiel de disposer à ce titre de candidats suffisamment qualifiés. La réserve opérationnelle doit atteindre 82.000 réservistes en 2008 et 100.000 réservistes en 2015. Une dotation de 85,83 millions d'euros est prévue sur la période 2003-2008. On peut, par conséquent, considérer que le projet de loi de programmation consacre une somme d'environ de 1.000 euros par réserviste sur six ans. Ce montant est-il suffisant ? L'ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense attribue la compétence de la protection des personnes au ministère de l'intérieur, et non pas au ministère de la défense. La loi de programmation militaire doit être cohérente avec l'impact budgétaire global de l'ensemble de la mission de protection des personnes.

M. Jean-Claude Sandrier a récusé l'idée selon laquelle la loi de programmation en cours d'exécution aurait été mal appliquée, même si, à son terme, environ une année de crédits de paiement manque encore. Cette loi de programmation militaire a été la mieux respectée depuis près de trente ans. Par ailleurs, la plus forte baisse des crédits d'armement est intervenue en 1996. Il ne sert donc à rien de polémiquer sur l'exécution passée.

On peut se demander si la stratégie mise en _uvre aujourd'hui, qui résulte du Livre blanc de 1994 et de la décision d'abandon de la conscription intervenue en 1996, est encore valable pour la durée de la programmation. A l'époque, les spécialistes avaient expliqué que certaines adaptations seraient probablement nécessaires, notamment s'agissant de l'identification des menaces. La menace terroriste étant actuellement la plus préoccupante, la vraie question est désormais de savoir comment s'en prémunir. Comme l'ancien chef d'état-major des armées, le général Kelche, l'a souligné, la réponse au terrorisme ne peut être uniquement militaire.

La question de l'autonomie stratégique de notre pays est également fondamentale. Le rapport annexé au projet de loi affirme l'importance de l'alliance transatlantique, sans en préciser les implications pour la France. Le secrétaire général de l'OTAN prévoit une multiplication et une coordination des missions destinées à lutter contre le terrorisme. Pendant ce temps, la mise en _uvre d'une force militaire propre à l'Union européenne ne progresse pas, et sa stratégie militaire tend à se confondre avec celle des États-Unis.

Enfin, la situation de l'industrie de l'armement est préoccupante, que ce soit dans le domaine terrestre, maritime ou aéronautique. Le rapport annexé ne laisse entrevoir qu'un recul de l'autonomie industrielle de la France, ce qui ne peut qu'inciter à voter contre ce projet de loi, en dépit des aspects intéressants qu'il comporte quant à la maintenance des matériels et à la condition militaire.

M. Laurent Hénart a estimé qu'il était important, pour la protection des intérêts de la France, de conforter sa capacité de projection. Il a souhaité savoir si le Gouvernement allait mettre l'accent sur l'acquisition de nouveaux hélicoptères pour l'armée de terre, ou bien simplement rénover le parc existant et si de nouveaux systèmes d'armes étaient prévus. L'efficacité des hélicoptères a été vérifiée, lors des opérations tant civiles que militaires, notamment dans les Balkans.

M. Michel Bouvard, Président, s'est interrogé sur les moyens consacrés aux organismes de recherche, notamment l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), dont les besoins sont estimés à 24 millions d'euros. Cet organisme ne dispose pas des moyens nécessaires pour mettre en _uvre le programme de modernisation des installations qui lui permettrait pourtant d'être compétitif et de préserver la confidentialité de ses travaux. Il a souhaité savoir où en étaient les projets de standardisation des armements.

En outre, le sommet franco-italien de Rome a permis de confirmer l'achat par l'Italie d'une frégate, mais la question de la coopération européenne dans le domaine militaire reste posée. Les élargissements de l'OTAN et de l'Union européenne ouvrent également des perspectives nouvelles en matière industrielle, à la faveur desquelles les objectifs de coopération militaire devraient être réaffirmés.

La dimension du nouveau porte-avions mériterait d'être précisée. Les crédits destinés à soutenir les bases françaises sur le continent africain seront-ils pérennisés ?

En réponse à l'ensemble de ces interventions, votre Rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- l'armée de terre n'est pas négligée par le projet de loi de programmation militaire. Son budget pour 2003 a même progressé de 5 %. Le développement du véhicule blindé de combat d'infanterie et des hélicoptères correspond aux besoins de l'armée de terre. D'une manière générale, le projet de loi répond aux attentes de l'ensemble des forces armées, sans qu'il subsiste de frustrations particulières. Les programmes en cours, comme le char Leclerc, même si ses livraisons s'achèvent en 2005, généreront un besoin de maintenance à long terme pour les arsenaux. Le problème sera plutôt celui de la capacité d'absorption des commandes ;

- s'agissant du second porte-avions, une coopération paraît logique, voire nécessaire, pour autant que l'on puisse développer une approche technique commune. La priorité française, en termes de matériel embarqué, consiste à disposer de Rafale, dont 9 sont déjà affectés au Charles de Gaulle. En ce qui concerne le mode de propulsion, il est important qu'une expertise puisse être faite par le Parlement. L'augmentation de 17 % des coûts du Charles de Gaulle demeure modérée, compte tenu des retards budgétaires observés et des surcoûts générés par la sécurité nucléaire. La construction d'un second porte-avions classique risque de générer un surcoût plus important encore, en l'absence d'effet de série ;

- la réserve est un enjeu majeur pour la professionnalisation des armées, comme l'ont montré les exemples étrangers. Toutefois, les problèmes liés à la fidélisation des réservistes sont plus forts en France qu'en Grande-Bretagne ou aux États-Unis. Il est essentiel de développer l'attractivité de la réserve. C'est pourquoi la création d'une prime d'incitation au volontariat à servir dans la réserve opérationnelle, d'un montant de 1.500 euros, permettra à ces personnes de disposer d'une aide significative, lors de leur installation dans la vie active. D'autre part, le financement d'un dispositif de formation militaire initiale dans le cadre d'un engagement à servir dans la réserve sera renforcé. Au vu des besoins technologiques des armées, il est impératif de s'assurer de la qualité du recrutement des réservistes. On pourrait, par exemple, s'inspirer de l'exemple britannique, où des personnels sont mobilisables dans le cadre d'opérations particulières et dont l'engagement est alors lié à des formations d'enseignement supérieur. Ainsi, tout en étant préparés à la sortie du cadre militaire, ces personnels pourront y revenir après avoir suivi des formations très spécialisées ;

- les crédits prévus permettront le maintien et la mise à niveau des bases françaises en Afrique ;

- les spécifications techniques du nouveau porte-avions sont encore en cours de définition ;

- l'achat du Joint Strike Fighter par la Pologne montre que l'influence des États-Unis en Europe centrale laisse mal augurer de la coopération européenne. Le marché le plus porteur est actuellement celui de la Marine, puisque les matériels d'armement terrestre sont encore abondants du fait du volume des stocks de la guerre froide. La fin de la course aux armements a, en effet, occasionné une réduction drastique des besoins dans le domaine des matériels militaires. Ainsi, la France possèdera 406 chars Leclerc alors que le parc prévu devait être de 1.400 unités. En revanche, compte tenu de l'intérêt des gouvernements européens, en particulier ceux des Pays-Bas, de l'Italie et du Royaume-Uni, pour le matériel aéronautique, les perspectives sont encourageantes. La coopération se développe autour de grands programmes, notamment celui de l'A400M. S'agissant des simulateurs du Tigre, elle devrait être développée entre l'Allemagne et la France ;

- la standardisation des équipements militaires européens est encore limitée, surtout si l'on considère que l'Allemagne est dotée de chars Léopard, alors que la France est équipée des chars Leclerc. Pourtant, l'impulsion politique, encore trop souvent donnée par l'OTAN, n'est pas toujours à l'origine des difficultés de cette standardisation, puisque la barrière technique est également très importante ;

- l'ONERA a des besoins importants, mais ses circuits de financement vont être optimisés : les crédits pourront faire l'objet d'une gestion directe ;

- la capacité de projection française sera améliorée par la livraison de l'hélicoptère NH90, conçu à la fin des années 80. 34 exemplaires doivent être livrés à partir de 2011. En attendant, la France s'est engagée dans la rénovation de 24 Cougar et de 45 Puma ;

- l'exécution de la loi de programmation actuelle fait apparaître un manque de crédits d'équipement, correspondant à une annuité environ. Le titre III a, certes, été exécuté au-delà des objectifs, mais la programmation militaire doit, pour l'essentiel, prévoir les crédits d'équipement ;

- la loi de programmation militaire 2003-2008, plus ambitieuse que la programmation actuelle et que le projet élaboré en 2001, montre la volonté du Gouvernement d'accorder la priorité à l'équipement militaire ;

- la dissuasion nucléaire reste une priorité de la politique de défense française, puisqu'elle demeure la garantie de sa puissance sur la scène internationale. Elle absorbe encore 20 % des crédits d'équipement et bénéficie d'un effort soutenu de recherche, permettant le développement du laser mégajoule et du simulateur AIRIX ;

- l'industrie de l'armement doit effectivement être préservée. Le fait qu'une partie de l'industrie européenne de l'armement passe sous le contrôle américain est préoccupant. En outre, le budget américain de la défense atteint 370 milliards de dollars, soit dix foix plus que le budget de la défense de la France, lequel comprend par ailleurs 8,89 milliards d'euros de pensions. La France reste en revanche, avec le Royaume-Uni, le plus fort contributeur européen en matière de défense. Le changement de statut de DCN doit s'accompagner de restructurations internes. Une réforme de GIAT Industries est par ailleurs souhaitable. Ses effectifs doivent être mieux adaptés à son plan de charge réel. En revanche, les perspectives commerciales de DCN sont plus prometteuses.

Puis, la Commission a examiné quatre amendements présentés par votre Rapporteur, portant sur le rapport annexé :

- les deux premiers tendent à préciser que les crédits d'investissement de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure attribués à la gendarmerie n'entrent pas dans le champ de la loi de programmation militaire. M. Louis Giscard d'Estaing a observé que ceci résultait par ailleurs de la page 40 du texte du rapport annexé ;

- le troisième corrige une erreur rédactionnelle dans la première phrase du dernier alinéa du 3.1 de la deuxième partie du rapport ;

- le quatrième mentionne que les effectifs de la gendarmerie sont « prévus » et non « créés » par la loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure.

La Commission des Finances a alors adopté ces quatre amendements et a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 1er

_ Amendement n° 1 présenté par M. François d'Aubert, Rapporteur pour avis :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du 1.1 de la 2ème partie du rapport annexé :

« Le périmètre de la présente loi intègre l'ensemble des effectifs de la gendarmerie nationale, y compris ceux prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. En outre, il inclut les crédits d'investissement de la gendarmerie nationale, à l'exception de ceux prévus au titre de cette même loi d'orientation et de programmation. »

_ Amendement n° 2 présenté par M. François d'Aubert, Rapporteur pour avis :

Rédiger ainsi la dernière phrase du deuxième alinéa du 2.3 de la 2ème partie du rapport annexé :

« Les objectifs de la présente loi s'articulent avec ceux de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Les crédits d'investissement prévus à cette fin ne sont pas compris dans le périmètre de la présente loi. »

_ Amendement n° 3 présenté par M. François d'Aubert, Rapporteur pour avis :

Dans la première phrase du dernier alinéa du 3.1 de la 2ème partie du rapport annexé, supprimer le mot :

«  rendues »

Article 3

_ Amendement n° 4 présenté par M. François d'Aubert, Rapporteur pour avis :

Au dernier alinéa de cet article, substituer au mot :

« créés »

le mot :

« prévus »

 

1 () La Cour des comptes a notamment souligné que la gestion du compte a échappé depuis plusieurs années à tout contrôle, et que « la DCN a pleinement utilisé le fait que les crédits du compte de commerce sont évaluatifs, permettant aux montants figurant dans chaque ligne budgétaire d'être dépassés en exécution par rapport au budget initial ».

2 () L'État, en tant qu'actionnaire unique, est périodiquement contraint de respecter le code de commerce en recapitalisant l'entreprise dès lors que les fonds propres sont inférieurs à la moitié du capital social.

3 () Annexe 40 au rapport n° 256 de la Commission des finances, du 23 octobre 2002.

4 () La disponibilité technique opérationnelle correspond au rapport entre le nombre de matériels en service et ceux qui ont la capacité d'assurer les fonctions opérationnelles pour lesquelles ils ont été conçus.

5 () Sur les modalités de financement du Commissariat à l'énergie atomique, voir le rapport spécial relatif aux crédits de la défense ; annexe 40 du rapport n° 256, 23 octobre 2002.

6 () Le CEA poursuit en outre, pour un montant de 5 millions d'euros par an, des actions de valorisation de ses compétences au bénéfice du ministère de la Défense.

7 () France, Royaume-Uni, Allemagne, Belgique, Espagne, Turquie.

8 () Suite aux documents intergouvernementaux et au contrat entre l'OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d'armement) et Airbus military signés le 18 décembre 2001 à Bruxelles.

9 () Établi dans l'hypothèse d'une commande ferme de 196 avions par l'ensemble des États partenaires.

10 () Il permet notamment la projection d'une force de réaction immédiate, soit environ 1.600 hommes avec les véhicules et les hélicoptères associés, à 5.000 kilomètres en moins de 72 heures sur le théâtre d'opération.

11 () La Cour des comptes a notamment dénoncé une dérive des prix risquant de rendre plus difficile la commercialisation du NH90. La diminution du nombre des participants au projet s'est traduite par une redéfinition limitée du programme initial et la répartition des coûts de développement entre les États participants a été modifiée au détriment de la France : l'Allemagne et l'Italie ont réduit leur participation et la France a accepté d'augmenter la sienne (42,37 %), alors qu'elle comptait, dès le départ, ne commander que 30 % des appareils fabriqués, pourcentage qui pourrait encore diminuer si la réduction des commandes françaises est plus importante que celles de ses partenaires. Au total, la part du développement à la charge du budget français a été jugée excessive par la Cour des comptes, parce que justifiée par aucun avantage exceptionnel accordé aux industriels français.

12 () Et notamment les plus récents, la « Foudre » et le « Siroco ».

13 () Cette deuxième version comporte une variante française (le HAC), et une version allemande (L'UHT).

14 () L'objectif commun d'état-major franco-britannique remonte à mars 1991 (pour une date d'entrée en service du premier bâtiment en 2002) et la fiche de caractéristiques militaires de décembre 1992.

15 () Cette décision est la conséquence des difficultés rencontrées par l'Industrial Joint Venture Company, maître d'_uvre industriel, qui regroupait GEC-Marconi, DCN-International et Orizzonto dans la définition industrielle et opérationnelle de la frégate, conjuguées à la difficulté de définir des spécifications communes. La poursuite d'une coopération avec l'Italie a été décidée début septembre 1999 après accord sur la définition d'une frégate antiaérienne commune à partir des résultats des études de définition du programme tripartite et de projet nationaux.

16 () Airbone Warning And Control System.

17 () MICA EM à autodirecteur électromagnétique actif et MICA IR à autodirecteur infrarouge passif.

18 () Le système d'arme SAMP/T, qui équipera les armées de terre française et italienne et l'armée de l'air française, est destiné à remplacer le système d'arme HAWK à compter de 2006. Le système se caractérise par une automatisation poussée, une aptitude à fonctionner en présence de contre-mesures électroniques intenses et une capacité multicibles face à des avions très man_uvrant et des missiles tactiques. En outre, il est recherché un excellente mobilité, dont l'aérotransportabilité, et des temps de réaction très courts (6 à 8 secondes). Les performances du système sont de 30 kilomètres (15.000 m d'altitude) sur avion très man_uvrant et de 80 kilomètres (20.000 m d'altitude) sur gros porteurs (brouilleurs par exemple).

19 () Cour des Comptes, Les Industries d'armement de l'État, rapport au président de la République, octobre 2001.

20 () Ce sont principalement la société Sofrantem, DCN-International, société à capitaux publics, adossée depuis 2002 à Armaris , en partenariat avec Thalès,, DCN-Log, filiale à 100% de DCN-I, et la Société de systèmes de défense navale (SSDN), société détenue à part égales entre l'État et Thalès, créée le 13 mars 2001.

21 () Les biens appartenant au domaine public doivent être déclassés à la date de leur apport..

22 () La Cour des Comptes souligne même qu'un établissement local parisien a été créé par la DCN pour accroître le champ des dépenses non contrôlées préalablement à leur engagement

23 () Annexe n° 40 du rapport n°256, du 23 octobre 2002.

24 () Voir le paragraphe 1.1 de la 2ème partie du rapport annexé.

Accès à la fin du rapport

N° 0385 - Avis sur le projet de loi de  programmation militaire 2003-2008 (M. François d'Aubert)

 


© Assemblée nationale