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le 3 février 2003

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N° 572

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 janvier 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE SUR LE PROJET DE LOI pour l'initiative économique (n° 507 rectifié),

TOME I

Articles non fiscaux.

2ème Partie : Examen des articles

______

Président,

M. Hervé NOVELLI,

Rapporteure,

Mme Catherine VAUTRIN,

Députés.

--

Politique économique.

 

EXAMEN DES ARTICLES 85

TITRE IER - SIMPLIFICATION DE LA CRÉATION D'ENTREPRISE 85

Article 1er (article L. 223-2 du code de commerce) : Liberté de fixation du capital social d'une SARL 85

Article 2 (article L. 123-9-1 [nouveau] et L. 223-8 du code de commerce, article 19-1 [nouveau] de la loi du 5 juillet 1996) : Création du récépissé de création d'entreprise 88

Article 3 (article 4 de la loi du 11 février 1994) : Création d'une entreprise par la voie électronique 92

Article 4 (articles L. 123-10, L. 123-11 et L. 123-11-1 [nouveaux] du code de commerce) : Domiciliation d'une entreprise dans le local d'habitation de son dirigeant 94

Article additionnel après l'article 4 (article 12-2 [nouveau] de la loi du 5 juillet 1996) : Domiciliation des personnes physiques exerçant une activité artisanale 99

Article 5 (article L. 631-7-3 du code de la construction et de l'habitation) : Extension aux sociétés de la possibilité d'utiliser l'habitation de leur représentant légal dans certaines zones 100

Article 6 (articles L. 526-1 à L. 526-3 [nouveaux] du code de commerce) : Insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel 101

Après l'article 6 110

Article additionnel après 6 (article L. 611-1 du code du commerce) : Groupements de prévention agréés 111

Article additionnel après l'article 6 (articles L. 331-2, L. 341-2 et L. 341-3 [nouveaux] du code de la consommation) : Protection des cautions 111

Article additionnel après l'article 6 (article L. 133-5 du code de la sécurité sociale) : Guichet unique pour le recouvrement des charges sociales afférentes à l'emploi de salariés 112

Après l'article 6 113

Article additionnel après l'article 6 (article L. 128-1 du code du travail) : Chèque-emploi entreprises 113

Article additionnel après l'article 6 : Dépôt annuel d'un projet de loi de simplification administrative 113

TITRE II - TRANSITION ENTRE LE STATUT DE SALARIÉ ET CELUI D'ENTREPRENEUR 115

Article 7 (article L. 121-9 [nouveau] du code du travail) : Non-opposabilité des clauses d'exclusivité au salarié créateur ou repreneur d'entreprise 115

Après l'article 7 119

Article 8 (article L. 161-1-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale et article L. 731-13-1 [nouveau] du code rural) : Exonération de cotisations sociales et ouverture de droits à prestations des salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise durant la première année de cette activité 119

Article additionnel après l'article 8 (article L. 161-1-3 [nouveau] du code de la sécurité sociale) : Extension du dispositif d'exonération au créateur bénéficiaire d'un régime de sécurité sociale en tant que conjoint ou concubin d'un assuré 123

Article 9 (articles L. 122-32-12 à L. 122-32-15, L. 122-32-16-1 à L. 122-32-16-3 [nouveaux], L. 122-32-26, L. 122-32-27 et L. 227-1 du code du travail) : Congé et période de travail à temps partiel pour la création d'entreprise 123

Article additionnel après l'article 9 (article L. 122-1-1 du code du travail) : Extension des cas de recours au contrat à durée déterminée au remplacement d'un salarié en temps partiel pour création d'entreprise 134

Article 10 (articles L. 127-1 à L. 127-7 [nouveaux] du code du commerce) : Contrat d'accompagnement à la création d'une activité économique 134

Article 11 (articles L. 322-8, L. 783-1 et L. 783-2 du code du travail ; articles L. 311-3 et L. 412-8 du code de la sécurité sociale) : Soutien au contrat d'accompagnement à la création d'entreprise et droits sociaux des bénéficiaires de ce contrat 139

Article additionnel après l'article 11 : Portage salarial 141

Article 12 (article L. 612-4 du code de la sécurité sociale) : Cotisations sociales applicables aux entrepreneurs exerçant une activité occasionnelle 141

Article additionnel après l'article 12 (articles L. 120-3 et L. 120-3-1 [nouveaux] du code du travail) : Présomption de non salariat 142

Après l'article 12 143

TITRE III - FINANCEMENT DE L'INITIATIVE ÉCONOMIQUE 145

Article 17 (article L. 313-3 du code de la consommation, article L. 313-4 du code monétaire et financier, articles L. 313-5-1 et L. 313-5-2 (nouveaux) du code monétaire et financier) : Relèvement du taux de l'usure applicable aux entreprises 145

TITRE IV - ACCOMPAGNEMENT SOCIAL DES PROJETS 151

Avant l'article 18 151

Article 18 (article L. 131-6-1 (nouveau) du code de la sécurité sociale, article L. 243-1-1 (nouveau) du code de la sécurité sociale) : Report et étalement des charges sociales de la première année d'activité 151

Article additionnel après l'article 18 (article.L. 131-6-3 (nouveau) du code de la sécurité sociale, art. L. 136-5, L. 200-2, L. 213-1, L. 611-3 et L. 623-2 du même code) : Création d'un guichet unique pour les travailleurs non salariés des professions non agricoles 156

Article 19 : Modification du dispositif d'aide à la création d'entreprise par les populations fragilisées 156

Article 20 (article L.351-24-2 [nouveau] du code du travail) : Harmonisation du maintien des revenus de solidarité en cas de création d'entreprise 162

Après l'article 26 163

TITRE V - DISPOSITIONS DIVERSES 165

Avant l'article 27 165

Article 27 : Application outre-mer 165

Après l'article 27 166

EXAMEN DES ARTICLES

Le tome I du rapport porte sur le titre I, le titre II, l'article 17 du titre III,

les articles 18 à 20 du titre IV et l'article 27 du titre V.

Les autres articles sont examinés dans le tome II.

TITRE IER

SIMPLIFICATION DE LA CRÉATION D'ENTREPRISE

Article 1er

(article L. 223-2 du code de commerce)

Liberté de fixation du capital social d'une SARL

Le présent article, qui modifie l'article L. 223-2 du code de commerce, supprime l'exigence légale d'un capital social minimum pour une SARL, actuellement fixé à 7 500 euros. Ce faisant, il pose le principe de la totale liberté des associés pour fixer le capital au niveau qui leur apparaît correspondre le mieux aux caractéristiques du projet qu'ils entendent mettre en œuvre.

1. La suppression du capital minimum légal

En vertu du deuxième alinéa du paragraphe I, l'article premier supprime toute référence à un montant minimum et se borne à indiquer que le capital de la SARL « est fixé par les statuts ». Il s'agit d'ailleurs d'une règle qui s'applique déjà à toutes les formes de société, en vertu de l'article L. 210-2 du code de commerce.

A cet égard, votre rapporteure se félicite que le Gouvernement ait quelque peu corrigé son discours de présentation, en renonçant à mettre en avant la formule de « la société à 1 € ».

L'objectif poursuivi était certes louable. Souhaitant « dédramatiser » l'acte de création d'une entreprise, il visait à déconnecter l'acte de création lui-même de la recherche des fonds nécessaires au financement de l'activité de l'entreprise, nul n'étant oublieux à ce point des réalités économiques pour penser que 1 euro pourrait suffire pour mettre en œuvre n'importe quel projet.

Force, cependant, est de reconnaître que cette formule avait été mal comprise par les milieux concernés par la création d'entreprises, qui redoutaient qu'elle ne fasse accroire aux créateurs que les problèmes de financement de la création d'une entreprise étaient secondaires et aussi aisément résolus.

En supprimant toute notion de capital minimum légal, le présent article tire également les conséquences d'une évolution juridique et économique, qui a largement ôté beaucoup de sa signification au capital social, notamment pour les plus petites entreprises.

D'une part, il s'agit de rétablir la liberté de choix du statut juridique de l'entreprise en création. En effet, il n'existe aucune exigence légale d'un minimum d'apports initiaux lors de la création d'une entreprise individuelle. Il est incontestable que, notamment pour un certain nombre d'activités de services peu gourmandes en capital, l'obligation d'apporter 7 500 euros dès le démarrage peut dissuader de choisir la forme sociétale. Devant la Commission, M. François Hurel a d'ailleurs rappelé que 85 % environ des projets de création mobilisaient des sommes inférieures ou égales à ce seuil de 7 500 euros.

D'autre part, le capital social était traditionnellement considéré comme un gage protégeant les créanciers de la société. Cette approche a été progressivement contestée. La possibilité de ne libérer que progressivement le capital initial pendant les cinq premières années d'existence de la société, permise par l'article L. 223-7, lui enlevait déjà une grande part de sa signification initiale. Plus fondamentalement, il apparaît que le capital initial est rapidement utilisé pour l'investissement ou le démarrage de l'activité et ne constitue donc plus une véritable garantie. Il ne faut pas perdre de vue que c'est l'actif social, plus que le capital figurant au passif, qui constitue le gage effectif des créanciers, puisque seul il est constitué de biens saisissables.

En supprimant l'exigence d'un capital minimum, le projet de loi se borne à conforter la liberté d'entreprise. Comme l'explique l'exposé des motifs, « il n'y a aucune logique à ce que la loi détermine arbitrairement quel est le bon niveau de capital pour lancer une activité économique : c'est à chaque entrepreneur de le faire en fonction de son plan d'affaires ».

2. Les dispositions relatives à la réduction du capital

A l'heure actuelle, le deuxième alinéa de l'article L. 223-2 du code de commerce instaure une dérogation exceptionnelle et temporaire à l'obligation de respecter le montant minimum du capital. La réduction du capital à un montant inférieur à 7 500 euros n'est, en effet, possible que « sous la condition suspensive d'une augmentation de capital destinée à amener celui-ci à un montant au moins égal [à 7 500 euros], à moins que la société ne se transforme en société d'une autre forme ». La sanction de l'inobservation de cette obligation est la possibilité donnée à toute personne intéressée de demander en justice la dissolution de la société.

Le troisième alinéa du paragraphe I du présent article maintient cette disposition, en remplaçant le montant minimum légal par le montant initial du capital.

Ce qui pourrait apparaître, à première vue, comme une simple mesure de coordination possède en fait une portée beaucoup plus grande, qui impose aux SARL des obligations nouvelles qui peuvent se révéler particulièrement lourdes.

Ainsi, par exemple, une SARL, dont le capital initial a été fixé à 20 000 euros, peut actuellement décider, sans contrainte ni obligation particulière, de le réduire à 18 000. En vertu de la rédaction actuelle du projet de loi, cela ne lui sera plus permis.

Outre que l'on voit mal en quelle autre forme de société la SARL pourrait utilement se transformer, la rédaction proposée pose une question de fond : est-il légitime de donner à une libre décision des associés - la fixation du capital initial - le même caractère intangible qu'à une obligation légale ?

On comprend les motivations du Gouvernement, qui exprime là un souci légitime de protection des créanciers. Il s'agit d'éviter des manœuvres quasi frauduleuses, consistant à fixer le capital initial à un montant élevé et rassurant pour les éventuels partenaires de la société, à ne le libérer que partiellement et à le réduire, plus ou moins rapidement, à 1 euro. Mais, ne s'agit-il pas là des derniers vestiges de la conception traditionnelle du capital social comme gage des créanciers, alors que l'ensemble de l'article premier est sous-tendu par l'idée que cette conception a perdu, comme on l'a vu, l'essentiel de son sens ?

Cette disposition ne peut donc être laissée en l'état. D'une part, la réduction du capital peut être motivée par des raisons qui sont indépendantes de la constatation de pertes éventuelles. Il en est ainsi du départ d'un associé qui souhaiterait récupérer son apport initial. Il n'apparaît pas opportun de contraindre les autres associés à compenser ce départ. D'autre part, on mesure mal comment la présente disposition pourrait se concilier avec l'obligation faite à la SARL, en vertu de l'article L. 223-42, de réduire son capital d'un montant au moins égal à celui des pertes qui n'ont pu être imputées sur les réserves, lorsque les capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié du capital social. D'ailleurs, l'article L. 223-42 constitue une mesure suffisante au regard de la nécessaire protection des tiers. Dès lors, il apparaît préférable de supprimer, purement et simplement, cette disposition et tout mécanisme d'encadrement de la réduction du capital d'une SARL.

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure, supprimant ces dispositions (amendement n° 61).

3. Coordination

Par coordination avec la suppression du minimum légal pour l'ensemble des SARL, le paragraphe II du présent article supprime le dernier alinéa de l'article L. 223-2 du code de commerce qui dérogeait au seuil de 7 500 euros pour les SARL exploitant une entreprise de presse et fixait, pour celles-ci, le seuil minimum à seulement 300 euros.

Il existe une autre disposition dérogatoire de ce type à l'article 27 de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Cet article fait référence au code de commerce et fixe le montant minimum du capital d'une SARL sous forme coopérative à la moitié du seuil de droit commun, soit 3 750 euros.

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure, supprimant cette référence à un montant de capital minimum dans la loi de 1947 (amendement n° 62).

M. Eric Besson a exprimé de très fortes réserves sur l'article premier et sur l'idée de « société à un euro » qui lui semble particulièrement trompeuse pour les créateurs eux-mêmes, personne n'imaginant sérieusement que l'on puisse effectivement créer une entreprise avec seulement un euro.

La Commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

Article 2

(article L. 123-9-1 [nouveau] et L. 223-8 du code de commerce

article 19-1 [nouveau] de la loi du 5 juillet 1996)

Création du récépissé de création d'entreprise

Le présent article crée un « récépissé de création d'entreprise » qui permettra au créateur d'agir avant même son immatriculation et avant l'obtention de l'attestation de celle-ci, dès lors qu'il aura déposé un dossier complet de demande d'immatriculation.

Les paragraphes I et III définissent l'objet et les modalités de délivrance de ce récépissé pour les personnes assujetties respectivement à l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés et au répertoire des métiers. Le paragraphe II modifie le code de commerce pour permettre au mandataire d'une société d'avoir accès au compte bancaire de la société qui vient de se créer, avant son immatriculation effective.

1. Délivrance du récépissé aux personnes assujetties à l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés (paragraphe I)

L'immatriculation au registre a une portée juridique essentielle. Elle confère à la société la jouissance de la personnalité morale et le point de départ de sa durée. Elle emporte des conséquences fiscales et sociales. Surtout, elle permet le déblocage des fonds provenant de la libération des parts sociales ou des actions.

A l'heure actuelle, l'article L. 210-6 du code de commerce et la jurisprudence admettent que, avant même l'immatriculation de la société, ses fondateurs puissent conclure un certain nombre d'actes au nom et pour le compte de la société (conclusion d'un bail, obtention d'un concours bancaire, achat de matériel, recrutement de personnel,...). Mais, il est communément admis que ces actes doivent être limités et avoir pour but de préparer le commencement de l'activité sociale et non pas correspondre au début de l'exploitation elle-même.

Cependant, il apparaît que le créateur peut rencontrer des difficultés pour agir avant l'immatriculation effective de sa société et qu'il soit dans l'obligation d'attendre l'obtention de l'extrait d'immatriculation (dit Kbis en ce qui concerne le registre du commerce et des sociétés) pour entreprendre un certain nombre de démarches auprès des administrations et d'organismes publics ou privés.

C'est pour pallier cette difficulté et pour permettre au créateur d'agir plus rapidement que le présent paragraphe prévoit la délivrance d'un « récépissé de création d'entreprise ». Les dispositions relatives à celui-ci feront l'objet d'un article additionnel, numéroté L. 123-9-1, inséré dans le code de commerce au sein des dispositions relatives à la tenue du registre du commerce et des sociétés.

Cet article définit l'objet de ce récépissé. Il permet « d'accomplir les démarches nécessaires auprès des organismes publics et des organismes privés chargés d'une mission de service public » avant même l'immatriculation effective sur le registre. Cette rédaction vise l'ensemble des administrations, la Poste ou les organismes de sécurité sociale par exemple. On peut d'ailleurs se demander si les conditions dans lesquelles les démarches auprès de tels organismes peuvent être entreprises ne relèvent pas du domaine réglementaire, voire de la simple circulaire.

Il précise également que ce récépissé est délivré par le greffier du tribunal, qu'il l'est « gratuitement » et à la condition que le dossier soit complet. L'article renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les autres modalités de délivrance du récépissé, son contenu et sa durée de validité. D'après les informations recueillies par votre rapporteure, cette validité pourrait être d'environ une quinzaine de jours.

Le choix d'une délivrance du récépissé par le greffier du tribunal peut, à première vue, paraître naturelle. C'est, en effet, à lui que l'article L. 123-6 confie la tenue du registre. En outre, le décret du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce et des sociétés a renforcé les pouvoirs de contrôle du greffier. Son article 30 précise que « le greffier, sous sa responsabilité, s'assure de la régularité de la demande ». Il « vérifie que les énonciations sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires, correspondent aux pièces justificatives et actes déposés en annexe » et « vérifie en outre que la constitution et les modifications statutaires des sociétés commerciales sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires qui les régissent ». Par ailleurs, l'intention du Gouvernement est de permettre, avant la délivrance du récépissé, un premier contrôle rapide du dossier, notamment pour s'assurer que l'objet de la société n'est pas illicite ou qu'il ne s'agit pas de l'exercice d'une profession réglementée pour laquelle le créateur ne remplit pas les conditions requises.

Cependant, pour logique qu'il soit, ce choix limite considérablement la portée et l'intérêt de la création du récépissé.

D'une part, ce n'est pas le greffier qui reçoit, normalement, en premier le dossier de demande d'immatriculation. C'est, en effet, auprès des centres de formalités des entreprises (CFE) que l'ensemble des formalités relatives à la constitution des sociétés commerciales doit être effectué, à charge pour les centres d'assurer la transmission du dossier au greffe du tribunal et aux autres organismes destinataires. Le saisine des CFE est obligatoire, même si les entreprises peuvent, si elles le jugent utile, transmettre le dossier directement au greffe. Mais, dans ce cas, elles doivent avoir préalablement saisi, malgré tout, le CFE.

Dès lors, le présent paragraphe laisse subsister un délai entre le dépôt du dossier au CFE et la délivrance du récépissé par le greffier, celui de la transmission du dossier entre le CFE et le greffe. Certes, ce délai est normalement court, puisque l'article 5 du décret du19 juillet 1996 relatif aux centres de formalités des entreprises précise que cette transmission doit intervenir « le jour même » du dépôt du dossier complet. Il n'en demeure pas moins qu'il existe et, surtout, le créateur serait obligé de s'adresser à un autre interlocuteur pour obtenir ce récépissé, interlocuteur qui peut se trouver dans une autre ville. La proposition du rapport Hurel de permettre à l'entrepreneur de « donner une existence légale effective à sa société dans la journée » n'est donc pas entièrement satisfaite.

D'autre part, les délais de vérification imposés au greffier sont déjà très courts. L'article 31 du décret du 30 mai 1984 précité précise que « le greffier procède à l'inscription dans le délai d'un jour ouvrable après réception de la demande ». Ce n'est que si « la complexité du dossier exige un examen particulier » que ce délai est porté à cinq jours ouvrables. D'après les informations recueillies par votre rapporteure, ce délai est respecté dans la grande majorité des cas. Dès lors, le temps gagné par la création du récépissé serait très limité.

Il apparaît donc que, pour donner tout son sens à la création du récépissé de création d'entreprise, il convient de confier sa délivrance à l'organisme que reçoit en premier le dossier complet. Dans la plupart des cas, ce sera le CFE Dans d'autres, plus rares, ce sera le greffe du tribunal. Il est vrai que, en vertu de l'article 6 du décret du 19 juillet 1996, le centre remet déjà un récépissé à la personne déposant un dossier. Si celui-ci est complet, le récépissé précise les organismes auquel le dossier est transmis le jour même.

La Commission a examiné trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune :

- le premier présenté par Mme Arlette Grosskost, préservant le rôle des centres de formalités des entreprises (CFE), ceux-ci offrant des prestations de conseil, particulièrement importantes et qu'il serait dommage de négliger ;

- le deuxième présenté par M. Charles de Courson confiant aux CFE, et non au greffe, le soin de délivrer le récépissé ;

- le troisième présenté par votre rapporteure précisant que le récépissé sera délivré par l'organisme qui est le premier destinataire du dossier complet, les CFE dans la plupart des cas et le greffe dans certains autres.

M. Eric Besson a fait observer que les auteurs des amendements se donnaient beaucoup de mal pour un document dont la valeur juridique est incertaine et qui se révèlera inutile, puisqu'il n'aboutira qu'à anticiper de quelques heures une immatriculation qui intervient aujourd'hui en une journée.

Après que Mme Arlette Grosskost et M. Charles de Courson aient retiré leur amendement, la Commission a adopté l'amendement de votre rapporteure (amendement n° 64).

Mme Arlette Grosskost a retiré un amendement faisant référence au registre des entreprises existant dans les départements d'Alsace et de Moselle, après que la rapporteure ait indiqué que cette précision était inutile, une disposition générale de la loi du 5 juillet 1996 prévoyant déjà que, dans ces départements, le registre des entreprises fait office de répertoire des métiers.

2. Retrait des fonds provenant de la libération des parts sociales (paragraphe II)

En vertu de l'article L. 223-7 du code de commerce, les fonds correspondant aux apports en numéraire au capital d'une SARL doivent être libérés d'au moins un cinquième de leur montant avant la signature des statuts de la société et doivent être déposés, soit à la Caisse des dépôts et consignations, soit chez un notaire, soit dans une banque. Ils sont bloqués jusqu'à la date d'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, puisque l'article L. 223-8 du code interdit au mandataire d'une SARL de retirer ces fonds avant l'immatriculation de la société. Le document que doit présenter le mandataire est l'extrait Kbis et, dans une réponse à une question écrite de 1972, la Chancellerie a indiqué qu'un simple récépissé provisoire émanant du greffe, même comportant la dénomination sociale de la société et son numéro d'immatriculation, ne pouvait suffire pour obtenir le retrait des fonds.

Le présent paragraphe modifie donc le premier alinéa de l'article L. 223-8 du code, afin d'autoriser le mandataire à retirer les fonds avant l'immatriculation de la SARL dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État.

Ce décret devrait préciser que le retrait des fonds sera permis sur la base du récépissé de création d'entreprise et comporter des dispositions permettant de s'assurer de la qualité réelle de mandataire de la personne qui se présente pour retirer les fonds.

Il convient de noter que la disposition analogue concernant les sociétés anonymes et le blocage des fonds provenant de la souscription des actions de la société (article L. 225-11 du code de commerce) n'est pas modifiée. Dans ce cas, le retrait continuera à être subordonné à l'immatriculation de la société. En effet, il est apparu que le statut de société anonyme n'est que très rarement adopté par les créateurs de petites et moyennes entreprises dont le projet de loi entend simplifier les démarches.

3. Délivrance du récépissé aux personnes assujetties à l'immatriculation au répertoire des métiers (paragraphe III)

Par symétrie avec les dispositions du paragraphe I, le paragraphe III insère un article 19-1 (nouveau) au sein de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, qui prévoit la délivrance par la chambre des métiers d'un récépissé de création d'entreprise à l'artisan qui a déposé un dossier complet d'immatriculation au répertoire des métiers.

L'objet du récépissé est défini dans les mêmes termes qu'au paragraphe I et les modalités de sa délivrance seront également déterminées par décret en Conseil d'État.

L'institution d'un tel récépissé délivré aux artisans par la chambre des métiers milite en faveur de la délivrance par le CFE du récépissé prévu en matière d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés. En effet, ce sont les CFE mis en place par les chambres de métiers qui sont chargés de traiter, à la fois, les dossiers en vue de l'immatriculation au répertoire des métiers et, si les artisans sont également assujettis à l'immatriculation au registre en raison de la nature commerciale de leur activité ou du choix du statut de société commerciale, les dossiers d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Si l'on maintenait dans le second cas la délivrance par le greffier, on risquerait d'aboutir, pour une même entreprise artisanale, à l'obtention de deux récépissés à vocation identique à des dates différentes.

Enfin, même s'il est géré par la chambre des métiers, le CFE pour les artisans est distinct du service de la chambre chargé de la tenue du répertoire des métiers. Il conviendrait donc que le décret d'application précise que c'est bien le CFE qui sera effectivement chargé de délivrer le récépissé.

La Commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3

(article 4 de la loi du 11 février 1994)

Création d'une entreprise par la voie électronique

Dans le cadre de la simplification des formalités administratives imposées aux entreprises, l'article 4 de la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle a autorisé la transmission par voie électronique de toute déclaration destinée à une administration ou à un établissement public administratif de l'État, à une collectivité territoriale ou à un de ses groupements, à une personne privée chargée d'un service public administratif, à un organisme gérant un régime de protection sociale ou un organisme tenant un registre de publicité légale.

Cette transmission électronique s'effectue dans des conditions fixées par contrat. Celui-ci précise notamment, pour chaque formalité, les règles relatives à l'identification de l'auteur de l'acte, à l'intégrité, à la lisibilité et à la fiabilité de la transmission, à sa date et à son heure, à l'assurance de sa réception ainsi qu'à sa conservation.

Toutefois, compte tenu de l'importance juridique des actes concernés, le paragraphe III de cet article a exclu expressément « les déclarations relatives à la création de l'entreprise, à la modification de sa situation ou à la cessation de son activité ».

C'est à cette exclusion que le présent article entend mettre fin, parachevant ainsi le processus de simplification des démarches liées à l'immatriculation des entreprises.

En effet, même si la création des CFE a constitué une mesure essentielle de simplification des formalités, le créateur doit encore se déplacer auprès du centre compétent pour obtenir le formulaire de demande d'immatriculation et la liste des pièces à fournir. Même s'il peut déjà télécharger ces documents par la voie électronique, il doit ensuite retourner au CFE pour déposer son dossier ou le transmettre par la voie postale.

Sans être obligatoire, cette nouvelle possibilité de transmission par la voie électronique permettra d'effectuer ces démarches depuis un poste mis à disposition par une structure d'accompagnement ou depuis son domicile. Celui-ci bénéficiera donc d'économies de déplacement et de la possibilité d'effectuer les démarches 24 heures sur 24, 365 jours par an. La transmission électronique améliorera également la qualité des données transmises, dans la mesure où celles-ci n'auront plus à faire l'objet d'une saisie par le CFE pour leur retransmission aux administrations et organismes destinataires.

La mise en œuvre du présent article est grandement facilitée par le fait que de nombreuses initiatives ont été prises au cours des dernières années pour intégrer l'outil Internet. Ainsi, l'Agence pour la création d'entreprises (APCE) a mis en ligne une application permettant d'avoir les coordonnées des CFE compétents, d'obtenir la liste des pièces justificatives à fournir, de télécharger les formulaires ou tout autre documents utiles (modèles de lettres, de statuts, etc.). De même, l'INSEE a mis en ligne un annuaire des CFE et l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a mis en place un outil interactif d'aide au remplissage des formulaires des CFE. Enfin, les greffes des tribunaux de commerce et les chambres de commerce et d'industrie poursuivent le développement d'un système déclaratif des entreprises en ligne.

Contrairement aux autres formalités pour lesquelles la transmission par la voie électronique se fait dans des conditions fixées par contrat (paragraphe I de l'article 4 de la loi de 1994), les modalités de transmission des déclarations relatives à la création de l'entreprise, à la modification de sa situation ou à la cessation de son activité seront déterminées par décret en Conseil d'État.

La possibilité offerte de procéder aux démarches de création d'une entreprise par la voie électronique suscite certaines inquiétudes. Le président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie s'en est fait l'écho devant la Commission. Cette mesure risque de renforcer l'isolement d'un certain nombre de créateurs, qui pourraient ainsi créer une entreprise depuis leur domicile, sans rencontrer quiconque susceptible de leur délivrer des conseils ou de les orienter vers des structures d'accompagnement. Or, le simple choix du mode d'exploitation - entreprise individuelle ou société et forme de celle-ci - emporte un certain nombre de conséquences sociales, fiscales ou patrimoniales qu'un créateur isolé n'est pas à même de mesurer complètement. Tout le monde, et le rapport Hurel en dernier lieu, s'accorde à reconnaître le rôle essentiel joué par les quelques 3 000 structures d'accompagnement dans la pérennisation des entreprises qui se créent.

Jointe à la suppression du capital minimum légal prévue à l'article 1er, elle pourrait conduire à une trop grande banalisation de l'acte de création, lourde de risques et de désillusions. L'APCE met en ligne un Guide pratique du créateur qui met bien en évidence que la phase juridique de la création de l'entreprise - pour incontournable qu'elle soit - n'intervient qu'après une étude commerciale et financière approfondie.

Pourtant, force est de constater que cette mesure s'inscrit dans le cadre du développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication et de la volonté du Gouvernement de mettre en place une véritable administration électronique. Dans une large mesure, elle était inéluctable. L'Assemblée nationale l'avait d'ailleurs déjà adoptée en février 2002 dans le cadre du projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat.

Cependant, il faudra veiller à ce que les différents sites qui permettront cette création par la voie électronique mettent effectivement à destination de leurs visiteurs et utilisateurs les coordonnées des structures d'accompagnement existantes dans la zone géographique concernée et la nature des conseils et aides qu'elles peuvent leur offrir. Il faudra également qu'une aide en ligne soit proposée pour guider le créateur dans le remplissage des formulaires nécessaires. Dans une large mesure, il faut reconnaître que cela est déjà largement le cas sur l'ensemble des sites concernés, au premier rang desquels celui de l'APCE.

Votre rapporteure est convaincue que l'on peut faire le pari que cette nouvelle faculté ne sera, dans les faits, utilisée que par des créateurs avertis, qui auront préalablement préparé leur projet avec soin, en s'entourant de tous les conseils utiles. La création par la voie électronique ne sera plus, pour eux, qu'une faculté simple et pratique d'accomplir le dernier acte formel du processus de création.

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4

(articles L. 123-10, L. 123-11 et L. 123-11-1 [nouveaux] du code de commerce)

Domiciliation d'une entreprise dans le local d'habitation de son dirigeant

La domiciliation d'une entreprise revêt une grande importance juridique. C'est elle, en effet, qui détermine sa nationalité, la loi qui lui est applicable, les tribunaux territorialement compétents pour connaître des litiges la concernant, le lieu d'accomplissement des formalités relatives au registre du commerce et des sociétés, etc.

Le droit des sociétés et la jurisprudence sont fondés sur le principe que la localisation de l'entreprise, quelque soit d'ailleurs son statut juridique, doit être distincte du domicile de ses dirigeants. Pour une entreprise individuelle, ce sera le local où l'activité est effectivement exercée. Pour une société, le siège social se définit, en principe, comme le lieu où fonctionnent les organes de direction et les principaux services de la société. Il peut donc être distinct du lieu où l'activité est effectivement exercée. Pour tirer toutes les conséquences de l'existence d'une personnalité juridique distincte de celle du ou des dirigeants de la société, le siège de la première doit également être normalement différent du domicile des seconds.

C'est pourquoi, l'actuel article L. 123-10 du code de commerce précise que « toute personne demandant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés doit justifier de la jouissance du ou des locaux où elle s'installe ». Cependant, pour faciliter l'installation des entreprises, la loi du 21 décembre 1984 relative à la domiciliation des entreprises, aujourd'hui codifiée dans le code de commerce, a autorisé :

- la domiciliation collective « dans des locaux occupés en commun » (actuel article L. 123-10),

- la domiciliation provisoire, pour une durée maximale de deux ans, dans le local d'habitation de l'entrepreneur individuel ou du futur représentant légal de la société (gérant ou du président de la société), « nonobstant toute disposition légale ou toute stipulation contraire » (article L. 123-11).

La portée de cette dernière possibilité a été singulièrement réduite par la jurisprudence. En effet, dans l'esprit du législateur, rappelé par une circulaire du ministère de la Justice de 1998, cette disposition signifiait que, dans l' hypothèse où n'existerait aucune disposition légale ou stipulation contractuelle contraire, cette domiciliation était autorisée de manière permanente sans être limitée à deux ans. Cette interprétation libérale a été contredite par un arrêt de la Cour d'appel de Paris de septembre 1999. S'appuyant sur le maniement délicat de la préposition « nonobstant », elle a estimé que le caractère temporaire de la domiciliation s'imposait dans tous les cas.

De même, il est admis que, dans la mesure où elle ne change pas la destination de l'immeuble, la domiciliation dans un local d'habitation ne doit pas s'accompagner d'une activité trop intense, incompatible avec l'affectation de l'immeuble à un usage d'habitation. Seraient ainsi exclus l'installation de machines, l'emploi de main d'œuvre ou la réception d'une clientèle nombreuse et régulière. En tout état de cause, l'installation de l'entreprise ne doit pas provoquer des atteintes graves aux droits des autres occupants (troubles anormaux de voisinage, troubles de jouissance) ou la disparition de logements et la désertification des centres-villes.

Le présent article vise donc, d'une part, à revenir à l'intention initiale du législateur de 1984, afin de permettre la domiciliation dans l'habitation de l'entrepreneur individuel ou du représentant légal de la société sans limitation de durée lorsqu'il n'existe aucune disposition légale ou stipulation contraire et, d'autre part, à porter à cinq ans la domiciliation provisoire dans le cas contraire.

En effet, il est apparu que la durée de 2 ans était insuffisante pour assurer une stabilisation suffisante de l'entreprise, d'autant plus que la troisième année coïncide avec l'interruption d'autres dispositions favorables à la création. Il s'agit donc d'éviter de lui imposer, au même moment, un déménagement et de lui faire supporter ainsi de nouvelles charges d'exploitation.

Par ailleurs, cet article procède d'abord à une modification formelle de la présentation des dispositions relatives à la domiciliation des personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés. A l'heure actuelle, ces dispositions font l'objet de deux articles - articles L. 123-10 et L. 123-11 - rassemblés au sein d'une sous-section et qui s'appliquent indistinctement aux entreprises individuelles et aux sociétés. Désormais, cette sous-section sera scindée en deux paragraphes, le premier consacré aux personnes physiques (composé de l'article L. 123-10 dans une rédaction nouvelle), le second aux personnes morales (composé de l'article L. 123-11 dans une rédaction nouvelle et d'un nouvel article L. 123-11-1).

1. Les dispositions applicables aux personnes physiques (1 °)

Le projet de loi procède donc à la réécriture totale de l'article L. 123-10 du code de commerce, afin qu'il soit uniquement consacré aux personnes physiques, c'est-à-dire aux entreprises individuelles. En effet, une rédaction commune aux personnes physiques et aux personnes morales est apparue comme une source d'ambiguïté, la notion de siège social étant totalement étrangère à l'entreprise individuelle.

Le premier alinéa supprime donc la notion de « siège social » pour une personne physique. L'entrepreneur devra continuer à déclarer l'« adresse de [son] entreprise ».

La Commission a adopté un amendement de précision de votre rapporteure, pour confirmer que l'adresse doit correspondre au lieu où le déclarant exerce effectivement son activité professionnelle (amendement n° 65).

Bizarrement, l'obligation de justifier la jouissance du ou des locaux correspondant à cette adresse, comme c'est le cas en vertu de la rédaction actuelle du code de commerce, a disparu.

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure, rétablissant cette obligation (amendement n° 66).

A également disparu la possibilité d'une domiciliation collective qui, en l'état actuel du projet de loi, ne serait donc plus permise aux entreprises individuelles. D'après les informations recueillies par votre rapporteure, il apparaît que cette faculté n'a pratiquement jamais été utilisée par une personne physique. De plus, elle serait contraire à l'esprit du premier alinéa et, dans l'hypothèse d'une absence d'établissement fixe, elle est rendue inutile par la faculté de déclarer son domicile (cf. troisième alinéa).

Le deuxième alinéa marque le retour à l'intention initiale du législateur de 1984, en autorisant l'entrepreneur individuel à déclarer l'adresse de son local d'habitation et à y exercer son activité « dès lors qu'aucune disposition législative ou stipulation contractuelle ne s'y oppose », et ce sans limitation de durée. A l'inverse, comme il résulte de la jurisprudence actuelle, l'usage de l'adresse du domicile reste interdit lorsqu'il existe des dispositions législatives - hormis l'application des dispositions de l'article L. 631-7-3 du code de la construction et de l'habitation (cf. article 5 du projet de loi) - ou des stipulations contractuelles qui s'y opposent. Rappelons que des stipulations de ce genre sont nombreuses, puisqu'elles peuvent figurer dans les baux d'habitation, les règlements de copropriété, les cahiers des charges des lotissements, les conventions d'indivision, etc. Par ailleurs, cette faculté de domiciliation n'est ouverte, comme aujourd'hui, que pour les entreprises nouvellement créées, puisqu'elle ne concerne que les « personnes physiques demandant leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ».

M. Charles de Courson a présenté un amendement proposant d'harmoniser la rédaction des dispositions applicables aux personnes physiques avec celle des dispositions applicables aux sociétés, estimant que la rédaction proposée marquait un recul par rapport au droit actuel. La domiciliation dans l'habitation du chef d'entreprise serait possible, même si des dispositions s'y opposent.

La rapporteure a fait observer que les dispositions de l'article 4 n'étaient pas plus restrictives que le droit actuel, tel qu'il est interprété par la jurisprudence. Elle a indiqué qu'elle avait déposé plusieurs amendements pour harmoniser sur d'autres points les dispositions relatives aux personnes physiques et aux sociétés.

Après que M. Charles de Courson ait à nouveau souligné l'intérêt d'une harmonisation, la Commission spéciale a adopté l'amendement (amendement n° 67).

Le troisième alinéa concerne les personnes physiques qui « ne disposent pas d'un établissement fixe ». Sont ainsi visées les personnes qui ont une activité ambulante et celles qui exercent des professions pour lesquelles des difficultés particulières se sont faites jour dans le passé (par exemple, les marins-pêcheurs ou les bûcherons). Ces personnes sont autorisées à déclarer leur local d'habitation comme adresse « exclusive » de leur entreprise. La précision selon laquelle cette déclaration « n'entraîne pas de changement d'affectation des locaux » a pour effet d'ouvrir cette faculté même en présence de dispositions législatives ou de stipulations contractuelles contraires. Enfin, cette utilisation du local d'habitation n'est enserrée dans aucun délai et peut donc être permanente.

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure, précisant que cette déclaration n'entraîne pas non plus l'application du statut des baux commerciaux, comme cela est précisé dans les dispositions relatives aux personnes morales (amendement n° 68).

2. Les dispositions relatives aux personnes morales (2 °)

Les dispositions relatives aux personnes morales seront désormais rassemblées dans deux articles du code de commerce, l'article L. 123-11 dans une rédaction nouvelle et un nouvel article L. 123-11-1.

La nouvelle rédaction de l'article L. 123-11 reprend, sous réserve des seules modifications rédactionnelles rendues nécessaires par sa non application aux personnes physiques, les dispositions figurant actuellement à l'article L. 123-10, en ce qui concerne les justifications à fournir quant à la jouissance du ou des locaux où sera installé le siège social d'une part, et les modalités de la domiciliation collective d'autre part.

Le nouvel article L. 123-11-1 vise à assouplir les conditions dans lesquelles une société nouvellement créée peut installer son siège social dans le local d'habitation de son représentant légal. Pour se faire, il reprend, en la modifiant profondément la rédaction actuelle de l'article L. 123-11.

Comme on l'a vu précédemment, cette faculté n'est aujourd'hui ouverte qu'à titre provisoire - pour une durée de deux ans au maximum - qu'il existe ou non des dispositions législatives ou des stipulations contractuelles qui s'y opposent. Dans tous les cas, la jurisprudence interdit l'exercice effectif de l'activité au siège social installé dans l'habitation du chef d'entreprise.

Le premier alinéa pérennise cette faculté de domiciliation dans un local d'habitation lorsqu'il n'existe aucune disposition législative ou stipulation contractuelle contraire. Contrairement aux dispositions applicables aux personnes physiques, il n'est pas précisé que, au-delà de l'installation du siège social, l'activité de la société peut être exercée dans ce local.

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure, insérant cette précision (amendement n° 69).

Le deuxième alinéa permet, comme c'est le cas aujourd'hui, d'installer provisoirement le siège social dans le local d'habitation du représentant légal de la société, même lorsqu'une disposition législative ou stipulation contractuelle s'y oppose. Dans ce cas, le projet de loi se borne à allonger de 2 à 5 ans la durée maximale de cette domiciliation provisoire. Naturellement, cette période de transition ne peut, comme actuellement, conduire à dépasser le terme légal, contractuel ou judiciaire de l'occupation des locaux.

Le troisième alinéa reprend et complète une disposition actuelle du code de commerce qui oblige la société, préalablement à sa demande d'immatriculation, à « notifier par écrit au bailleur, au syndicat ou au représentant de l'ensemble immobilier, son intention d'user de la faculté [ouverte par l'article L. 123-11-1] ». La notion de « représentant de l'ensemble immobilier » n'existe pas dans la rédaction actuelle du code : elle est destinée à viser le cas d'un lotissement par exemple.

La Commission a adopté un amendement de précision de votre rapporteure, visant les syndicats de copropriété (amendement n° 70).

Le quatrième alinéa reprend, sous une forme quelque peu modifiée, la disposition actuelle qui soumet la société à l'obligation de communiquer au greffe du tribunal, avant l'expiration de la période de 5 ans, les éléments justifiant le transfert de son siège social dans d'autres locaux. Le projet de loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les modalités de cette communication. Ces modalités sont actuellement prévues par l'article 42-2 du décret du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce et des sociétés : trois mois avant l'expiration de la période prévue, le greffier doit adresser à la personne immatriculée une lettre l'invitant à lui communiquer l'adresse de son nouveau siège. La sanction de l'inobservation de cette obligation est la « radiation d'office » du registre du commerce et des sociétés et donc l'interdiction de poursuivre l'activité de la société.

En revanche, la nouvelle rédaction proposée supprime les dispositions permettant au bailleur ou au syndic de la copropriété de déclencher le processus de vérification du transfert du siège de la société dans d'autres locaux. En effet, actuellement, ceux-ci peuvent demander, deux mois avant l'expiration de la période autorisée, à la société de justifier du transfert de son siège. A défaut, « le tribunal constate la résiliation de plein droit du bail ou condamne le copropriétaire, le cas échéant, sous astreinte, à se conformer aux clauses du règlement de copropriété, et fixe, s'il y a lieu, des dommages et intérêts ». Il apparaît que cette faculté, qui n'a guère été utilisée, est inutile puisque les dispositions propres aux baux d'habitation ou à la copropriété permettent déjà de saisir la justice en cas de manquement du locataire ou du copropriétaire à ses obligations. Par ailleurs, rien ne leur interdit d'attirer l'attention du greffe sur ce point en cas de besoin.

Enfin, le dernier alinéa reprend les dispositions actuelles selon lesquelles cette domiciliation temporaire dans le local d'habitation du représentant légal de la société n'entraîne « ni le changement de destination de l'immeuble, ni l'application du statut des baux commerciaux ».

La Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 4

(article 12-2 [nouveau] de la loi du 5 juillet 1996)

Domiciliation des personnes physiques exerçant une activité artisanale

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure appliquant les règles de domiciliation des personnes physiques, prévues à l'article 4, aux artisans qui ne sont pas tenus de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés, la législation actuelle étant muette à ce sujet (amendement n° 71).

Article 5

(article L. 631-7-3 du code de la construction et de l'habitation)

Extension aux sociétés de la possibilité d'utiliser l'habitation de leur représentant légal dans certaines zones

L'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation interdit le changement d'affectation des locaux d'habitation ou des locaux à usage professionnel situés à Paris, dans les communes situées dans un rayon de 50 kilomètres des anciennes fortifications et dans celles de plus de 10 000 habitants. Ces dispositions sont également applicables à d'autres communes par décision du ministre chargé du logement, après avis du maire et du préfet (article L. 631-9). En revanche, elles ne sont pas applicables dans les zones franches urbaines (article L. 631-10).

Ainsi, les locaux à usage d'habitation ne peuvent être ni affectés à un autre usage, ni transformés en meublés, hôtels et pensions de famille ou autres établissements similaires. De même, les locaux à usage professionnel ou administratif - ainsi que les meublés, hôtels, pensions de famille et établissements similaires - ne peuvent, en cas de changement de destination, être affectés à un usage autre que l'habitation.

Il ne peut être dérogé à ces interdictions que par une autorisation préalable du préfet.

En vertu de la loi du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière, cette interdiction de transformer les locaux à usage d'habitation en locaux professionnels ne s'applique ni aux sociétés civiles professionnelles ni aux membres des professions libérales réglementées ou dont le titre est protégé (notaires, avocats, huissiers, conseils juridiques, architectes...).

De même, la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a inséré, dans le code de la construction et de l'habitation, un article L. 631-7-3 qui introduit une nouvelle dérogation aux dispositions de l'article L. 631-7. L'exercice d'une activité professionnelle, y compris commerciale, est autorisée dans une partie d'un local d'habitation à la triple condition que ce local soit la résidence principale de l'intéressé, que l'activité soit exercée exclusivement par le ou les occupants de l'habitation et que l'activité pratiquée ne conduise à « y recevoir ni clientèle, ni marchandises ». Cette dérogation, qui n'est soumise à aucune condition de durée et est ouverte à toutes les entreprises quelle que soit la date de leur création, vise à favoriser le développement d'activités nouvelles, telles que le télétravail ou le commerce électronique.

Cette dérogation ne fait qu'écarter les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. Si une autre disposition législative ou une stipulation contractuelle s'y oppose, on revient aux règles générales de domiciliation prévues par le code de commerce (cf. article 4 du projet de loi)

Le rapport Hurel indique que, dans la mesure où l'article L. 631-7-3 ne vise pas expressément les sociétés, une interrogation persiste sur la possibilité pour un dirigeant de société, de bénéficier de cette dérogation, dès lors qu'il remplit les trois conditions précédemment énumérées.

Le présent article entend clarifier ce point. Il complète donc l'article L. 631-7-3 par un alinéa précisant que les « représentants légaux des personnes morales » bénéficient également de cette dérogation. Cependant, l'extension aux personnes morales n'est pas totale et la situation de celles-ci diffère de celle des personnes physiques sur deux points :

- d'une part, la dérogation ne s'applique qu'aux sociétés nouvellement créées,

- d'autre part, la dérogation n'est pas permanente et est limitée à 5 ans, par référence aux dispositions de la nouvelle rédaction de l'article L. 123-11-1 du code de commerce.

On peut s'interroger sur l'opportunité d'une telle différence de traitement, dans la mesure où les conditions mises à cette dérogation (absence de réception de clientèle ou de marchandises, absence de fait de personnel) ne visent que des activités très légères n'entraînant pas de nuisance pour le voisinage. Dès lors, le statut juridique de l'entreprise ne devrait pas influer sur la durée d'application de cette dérogation.

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure prévoyant que les dispositions de l'article L. 631-7-3 s'appliquent de la même manière aux personnes physiques et aux sociétés, tant que la condition d'une activité très légère, c'est-à-dire sans personnel, ni réception de clientèle ou de marchandise, était respectée (amendement n° 72). Un amendement analogue de M. Charles de Courson est alors devenu sans objet.

La Commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6

(articles L. 526-1 à L. 526-3 [nouveaux] du code de commerce)

Insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel

Le créateur d'entreprise doit choisir le statut juridique le mieux adapté à son projet professionnel et à sa situation personnelle. On le sait, il a le choix entre l'entreprise individuelle et la forme sociétale. Ce choix va conditionner sa protection sociale, son régime d'imposition, l'étendue de sa responsabilité, la possibilité de s'ouvrir à des partenaires financiers ou à des associés, le développement économique de l'entreprise, sa pérennité et les modalités de sa transmission éventuelle.

En France, sur les 2,5 millions d'entreprises recensées en 2002, près de 1,4 million sont exploitées sous forme d'entreprises individuelles. Même si elle recule progressivement depuis plusieurs années, la proportion d'entreprises individuelles reste donc de 55,6 %. Surtout, plus de la moitié des créations d'entreprises (52,3 % en 2001) se fait sous cette forme, témoignant de l'intérêt que la simplicité de cette formule rencontre chez les créateurs.

En matière patrimoniale, le choix de l'entreprise individuelle a de lourdes conséquences. En effet, le patrimoine de l'entreprise et celui de l'entrepreneur sont confondus en application du principe de l'unicité du patrimoine posé par le code civil. Sa responsabilité est illimitée et est donc engagée sur l'ensemble de ses biens, ce qui lui apporte un fort sentiment d'insécurité, notamment pour les biens familiaux. A l'inverse, dans la mesure où la société jouit de la personnalité morale, son patrimoine est distinct de celui des associés. De plus, dans les sociétés de capitaux (SARL ou sociétés anonymes), la responsabilité de ces derniers est limitée à leurs apports.

C'est pourquoi, les milieux professionnels réclament, depuis de nombreuses années, une séparation entre les patrimoines professionnel et personnel de l'entrepreneur individuel, permettant à celui-ci d'affecter une partie de son patrimoine à l'exploitation de l'entreprise. Déjà contenue dans le rapport du Conseil économique et social sur l'entreprise individuelle de 1993, cette proposition est reprise dans le rapport Hurel. Le « patrimoine d'affectation » ferait ainsi l'objet d'une déclaration et porterait « sur tous les éléments actifs et passifs de l'exploitation, c'est-à-dire sur l'ensemble des biens que, par décision de gestion, le chef d'entreprise individuelle accepte de garder affectés à son entreprise, et sur le montant des capitaux permanents (...) que le dirigeant accepte de maintenir comme garantie de stabilité des fonds propres à l'égard de ses partenaires financiers ».

Cette idée est séduisante, mais sa mise en œuvre apparaît extrêmement délicate. D'ailleurs, le document de consultation et d'orientation, diffusée par le Secrétariat d'Etat en août dernier, témoignait de cette difficulté, puisque cette question (« faut-il protéger les biens personnels du créateur et selon quelles modalités ? ») était soumise à la discussion.

Le présent projet a renoncé à opérer cette distinction au sein du patrimoine de l'entrepreneur individuel. Devant la Commission, M. Renaud Dutreil a expliqué que cet abandon avait été justifié par « l'extrême difficulté » de sa mise en œuvre.

La solution finalement retenue est donc plus simple et ne vise que la protection de la résidence principale de l'entrepreneur. Selon les propos du Secrétaire d'Etat, cette solution « parvient au même résultat et répond aux attentes des petits entrepreneurs qui souhaitent, avant tout, concilier la souplesse de l'entreprise individuelle et la protection de l'élément essentiel de leur patrimoine personnel ou familial qu'est leur domicile ».

Votre rapporteure est sensible à cette argumentation et convient que le projet de loi apporte, malgré tout, un élément important de sécurisation des entrepreneurs individuels.

Il est évident que, si la solution du patrimoine d'affectation avait été retenue, la composition de la partie restante du patrimoine ne serait pas limitée à la seule résidence principale. Pour autant, serait-il légitime d'apporter à ces autres éléments du patrimoine personnel (résidence secondaire, comptes bancaires, portefeuille de valeurs mobilières, etc.) une protection particulière ? Ne serait-ce pas perdre de vue la population visée prioritairement par le projet de loi, à savoir le petit entrepreneur individuel dont le patrimoine personnel est réduit, et, au contraire, s'adresser à des personnes plus fortunées qui auraient un patrimoine personnel plus important à protéger et pour lequel la forme sociétale est tout naturellement la solution la mieux adaptée ? Par ailleurs, alors que la question de l'accès des très petites entreprises au crédit est souvent posée, il convient de rester très prudent quant à la séparation des patrimoines : soit, le patrimoine non affecté est large et la possibilité d'obtenir des prêts pour l'entreprise s'en trouvera réduite par manque de garanties présentables, soit le besoin de crédit conduira l'entrepreneur à renoncer de lui-même à la protection qui lui aurait été offerte. La solution du patrimoine d'affectation se révèlerait ainsi inopérante et illusoire.

La solution proposée par le projet de loi s'inspire partiellement de la notion de « bien de famille » mise en place par la loi du 12 juillet 1909. Le bien de famille est un immeuble que son propriétaire soumet à un régime d'insaisissabilité destiné à en assurer la conservation dans l'intérêt de la famille. Chaque famille ne peut avoir qu'un seul bien de famille et celui-ci est un immeuble qui doit être occupé ou exploité par la famille, ce qui exclut la résidence secondaire. La constitution ne peut concerner ni un bien indivis, ni un bien grevé de privilège ou d'hypothèques conventionnelle ou judiciaire. La valeur du bien est au maximum, lors de sa constitution, de 7 500 euros. La faiblesse de ce montant, ainsi que la lourdeur de la procédure (acte notarié faisant l'objet d'une publicité par affiches, d'une insertion dans les journaux d'annonces légales du département et d'une publication au bureau des hypothèques, ainsi que d'une homologation par le juge d'instance), explique que ce dispositif ait eu peu de succès.

La Commission a examiné un amendement de M. Alain Madelin présenté par M. Jean-Pierre Gorges, permettant à l'entrepreneur individuel d'affecter tout ou partie de ses biens à son entreprise.

M. Charles de Courson a rappelé que cet amendement reprenait une idée très ancienne et qu'il serait très intéressant de savoir pourquoi le Gouvernement avait renoncé à une solution pourtant plus séduisante que celle retenue par le projet de loi.

Votre rapporteure a reconnu que l'idée d'un patrimoine d'affectation était intéressante, mais elle a estimé que sa mise en œuvre était particulièrement complexe, ce qui expliquait la position du Gouvernement. Elle a fait observer que l'amendement posait quelques difficultés de mise en œuvre : d'une part, il se borne à dire que les biens affectés répondent prioritairement du passif de l'entreprise, d'autre part, il évoque un engagement de maintenir le niveau des capitaux propres dont on mesure mal la portée. Enfin, elle a rappelé que la solution retenue par le projet de loi visait prioritairement les petits entrepreneurs individuels disposant d'un patrimoine modeste, la forme sociétale restant la solution la mieux adaptée aux chefs d'entreprise disposant d'un patrimoine plus important.

Le président Hervé Novelli a indiqué que l'auteur de l'amendement avait souhaité ouvrir le débat sur ce sujet important et ne se formaliserait pas si la Commission le rejetait.

La Commission a alors rejeté l'amendement de M. Alain Madelin.

L'article 6 du présent projet de loi ouvre donc la possibilité pour un entrepreneur individuel de déclarer insaisissable sa résidence principale. Le dispositif proposé fait l'objet d'un chapitre nouveau inséré au sein du titre II (« Des garanties ») du livre cinquième (« Des effets de commerce et des garanties ») du code de commerce. Ce chapitre nouveau, intitulé « De la protection de l'entrepreneur individuel », est composé de trois nouveaux articles.

1. Champ d'application de la protection (article L. 526-1 du code de commerce)

L'article L. 526-1 précise d'emblée que le dispositif mis en place déroge aux principes généraux posés par le code civil en matière de privilèges et de garanties. Ces principes généraux figurent dans les articles 2092 et 2093 du code civil. L'article 2092 prévoit que le patrimoine du débiteur, constitué de « tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir », est le gage général de ses engagements. L'article 2093 pose le principe de l'égalité des créanciers, à moins qu'il n'existe entre eux « des clauses légitimes de préférence », c'est-à-dire des privilèges et hypothèques (cf. article 2094).

La rédaction proposée ne fait référence, pour y déroger, qu'à l'article 2093 du code civil. Il semblerait plus judicieux de viser également l'article 2092, qui est l'article de principe sur le gage général des créanciers.

La Commission a adopté un amendement en ce sens de votre rapporteure (amendement n° 73).

Le présent article détermine le champ d'application du dispositif proposé, en précisant les personnes physiques qui peuvent faire la déclaration, l'objet de cette déclaration et les effets de celles-ci.

Le dispositif est ouvert de manière très large, puisqu'il s'applique à tous les entrepreneurs individuels, quelle que soit l'activité qu'ils exercent. Sont, en effet, visées les personnes physiques :

- immatriculées à un « registre de publicité légale à caractère professionnel », c'est-à-dire le registre du commerce et des sociétés, le répertoire des métiers et le registre de la batellerie artisanale, ou

- exerçant une activité professionnelle agricole, ou

- exerçant une activité professionnelle indépendante.

La déclaration est porte sur les « droits » que l'entrepreneur possède sur « l'immeuble où est fixée sa résidence principale ». Sont donc visés les immeubles que le déclarant possède en son nom propre, ou en commun avec son conjoint ou dans le cadre d'une indivision.

Le second alinéa précise les conditions dans lesquelles la déclaration peut être faite si l'immeuble est à usage mixte professionnel et d'habitation. Dans ce cas, la déclaration peut porter sur la partie affectée à la résidence principale, à condition que celle-ci soit « désignée dans un état descriptif de division ». Cette exigence signifie qu'il doive être matériellement possible de faire cette distinction entre la partie affectée à l'usage professionnel et celle affectée à la résidence principale.

En effet, aux termes des dispositions de l'article 71 du décret du 14 octobre 1955 pour l'application du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, l'état descriptif de division doit opérer une division de l'immeuble concerné en lots et attribuer un numéro à chacun d'eux. Le lot est défini comme toute fraction d'immeuble sur laquelle peuvent s'exercer des droits réels concurrents. Ainsi, s'agissant d'un bâtiment, chaque local principal (appartement, boutique, local à usage commercial, professionnel ou industriel, etc.) et chaque local secondaire (chambre de service, cave, garage, grenier, etc.) constitue un lot. Chacun d'eux doit être identifié par son emplacement, lui-même déterminé par la description de sa situation dans l'immeuble ou par référence à un plan.

Dès lors, à défaut de pouvoir faire l'objet d'une division en lots, la partie d'un immeuble à usage mixte affectée à la résidence principale ne pourra faire l'objet d'une déclaration et donc d'une protection.

Enfin, les effets de la déclaration sont précisément définis. Elle rend insaisissable les droits sur la résidence principale à l'égard des créances nées « à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant » après la date de publication de la déclaration au bureau des hypothèques. Dès lors, la résidence principale n'est pas protégée à l'encontre des créances professionnelles nées avant cette publication (on peut même imaginer qu'elle ait été grevée d'une hypothèque au profit d'un créancier antérieurement à cette date) et à l'encontre de toutes les autres créances qui ne seraient pas nées à l'occasion de l'activité professionnelle, quelle que soit la date de leur naissance (ainsi par exemple, la résidence n'est pas protégée à l'encontre de l'hypothèque accompagnant le prêt immobilier qui a servi à l'acquérir).

La rédaction proposée pour l'article L. 526-1 précise que la déclaration doit faire l'objet d'une publication au bureau des hypothèques. Or, l'article L. 526-2 prévoit que la déclaration fait l'objet d'un acte notarié qui est publié au bureau des hypothèques. Dès lors, la mention qui figure à l'article L. 526-1 apparaît redondante et inutile.

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure la supprimant (amendement n° 74).

2. Publicité de la déclaration (article L. 526-2 du code de commerce)

Dans la mesure où la déclaration devra faire l'objet d'une publication au bureau des hypothèques, l'article L. 526-2 impose qu'elle soit « reçue devant notaire sous peine de nullité ». Cette exigence d'un acte authentique a été contestée devant la Commission, au nom de sa lourdeur et de son coût.

Il convient de rappeler que cette exigence est la règle commune en matière de publicité foncière, en vertu des dispositions de l'article 4 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, les exceptions à ce principe étant très limitées. De plus, l'intervention d'un notaire constitue une sécurité juridique pour le déclarant, garantie que sa déclaration sera correctement rédigée et pourra effectivement produire les effets attendus d'une part, garantie que les formalités de publicité foncière seront convenablement effectuées d'autre part. L'acceptation d'un simple acte sous sein privé ne procure pas une protection aussi assurée, même si le déclarant s'entoure des conseils d'un professionnel du droit.

La Commission a adopté un amendement de M. Jean-Louis Christ faisant référence au livre foncier existant en Alsace et en Moselle, après qu'un premier amendement analogue à l'article L. 526-1 soit devenu sans objet (amendement n° 75).

Outre la publication de l'acte notarié au bureau des hypothèques, qui en droit suffit pour rendre la déclaration opposable aux tiers, l'article L. 526-2 prévoit une autre formalité de publicité afin que les futurs partenaires de l'entrepreneur soient avertis des dispositions qu'il a prises en ce qui concerne sa résidence principale. Cette publicité varie selon la nature de l'activité professionnelle exercée par le déclarant :

- s'il est immatriculé à un registre de publicité légale à caractère professionnel, la déclaration doit être mentionnée sur ce registre,

- s'il exerce une activité professionnelle agricole ou indépendante, « un extrait de la déclaration doit être publié dans un journal d'annonces légales du département dans lequel est exercée l'activité professionnelle ».

Cette publicité est nécessaire pour que le déclarant puisse se prévaloir du bénéfice de la déclaration. L'article L. 526-2 le précise pour la publication dans un journal d'annonces légales. En revanche, cette précision n'est pas nécessaire en matière de mention au registre du commerce et des sociétés, puisque l'article L. 123-9 du code de commerce précise que l'intéressé ne peut se prévaloir à l'égard des tiers d'un acte sujet à mention que si celui-ci a été effectivement publié au registre.

Votre rapporteure reconnaît volontiers que les exigences de publicité de la déclaration sont lourdes et donc coûteuses. D'après les informations qu'elle a recueillies, le coût d'une telle déclaration se répartirait comme suit :

- en ce qui concerne la fiscalité : le droit fixe sur état (75 euros), les droits de timbre (6 euros par page, pour un acte qui devrait en comporter environ une dizaine) et le salaire du conservateur des hypothèques (0,1 % de la valeur du bien) ;

- en ce qui concerne les émoluments du notaire : la déclaration n'entre pas dans les différentes catégories actuelles de la tarification des notaires et devra donc être déterminée par décret ;

- en ce qui concerne les autres formalités : la tarification des annonces légales (elle varie selon les départements et s'élève à environ 5 euros par ligne) ou l'inscription au registre (environ 21 euros).

Selon la valeur des biens concernés, le coût de la procédure n'est donc pas négligeable, puisqu'il dépasserait 300 euros pour un bien d'une valeur de 100 000 euros.

Afin de simplifier les formalités de publicité, il pourrait être envisagée de supprimer l'obligation de publication dans un journal d'annonces légales lorsque le déclarant n'est pas immatriculé à un registre légal à caractère professionnel. En effet, au contraire d'une mention au registre - par nature pérenne -, la publication dans un journal d'annonces légales est éphémère et ne laisse guère de trace. L'utilité en est donc réduite.

La Commission a examiné un amendement de votre rapporteure supprimant cette obligation.

M. Charles de Courson s'est demandé si l'absence de publication ne risquait pas de se retourner contre les intéressés en affaiblissant la sécurité juridique de la déclaration.

Mme Arlette Grosskost a jugé que les journaux d'annonces légales sont lus et que cette publication pouvait être utile.

Mme Chantal Brunel a partagé cette analyse et rappelé que ces informations sont aujourd'hui consultables sur Internet.

M. Gilles Carrez a également abondé en ce sens et rappelé que les annonces légales constituent une recette importante des journaux concernés.

Votre rapporteure a indiqué qu'elle avait déposé cet amendement dans un souci de simplification, par suppression d'une formalité peu utile, et de réduction du coût de la déclaration. Cependant, elle a indiqué qu'elle était prête à le retirer s'il apparaissait injustifié à la majorité de la Commission.

Après avoir rappelé qu'il s'agissait en effet d'une ressource importante pour la presse quotidienne régionale, M. Charles de Courson a estimé que cet amendement posait le problème plus général de la tarification des annonces légales.

M. Nicolas Forissier s'est montré très réservé à l'égard de cet amendement susceptible de menacer les recettes des petits journaux régionaux.

Le président Hervé Novelli a rappelé que l'objet du projet de loi n'était pas de protéger les entreprises de presse.

Votre rapporteure a alors retiré son amendement.

La Commission a examiné un autre amendement de votre rapporteure précisant que l'acté notarié fera l'objet du versement d'un émolument fixe déterminé par décret, afin d'en limiter le coût en évitant que le tarif soit proportionnel à la valeur du bien.

M. Charles de Courson a demandé si cet acte entrait dans la tarification actuelle des actes notariés et si, dans ce cas, l'amendement n'aurait pas un effet contraire à l'objectif poursuivi. Il a dès lors proposé un sous-amendement précisant que ces émoluments ne pourront pas dépasser un plafond déterminé par le décret.

Mme Chantal Brunel s'est interrogé sur l'opportunité d'imposer l'établissement d'un acte authentique dans le cadre de l'article 6.

M. Gilles Carrez a, en effet, rappelé que cette question avait suscité, devant la Commission elle-même, un débat entre représentants des avocats et des notaires qui ne s'accordaient pas sur ce point.

Mme Arlette Grosskost s'est interrogée sur les modalités de la protection de la résidence principale lorsque celle-ci appartient à une société civile immobilière dont l'entrepreneur individuel possède des parts. Elle a exprimé ses craintes que, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi impose, de manière générale, un acte authentique pour la cession des parts d'une SCI.

La rapporteure a fait observer que l'article 6 concernait l'insaisissabilité des droits sur la résidence principale et non pas la cession de ces droits. Elle a indiqué qu'elle allait examiner les conditions d'application aux parts de SCI et s'est déclarée favorable au sous-amendement de M. Charles de Courson.

La Commission a adopté le sous-amendement et l'amendement ainsi modifié (amendement n° 76).

3. Validité de la déclaration (article L. 526-3 du code de commerce)

L'article L. 526-3 précise les hypothèses dans lesquelles la déclaration conserve ou perd des effets.

En application du principe de libre disposition de ses biens, le deuxième alinéa de cet article offre naturellement au déclarant la possibilité de renoncer à la protection de sa résidence principale. Dans ce cas, cette renonciation est « soumise aux mêmes conditions de validité et d'opposabilité » que la déclaration initiale. La déclaration portant renonciation doit donc suivre la même procédure et respecter les mêmes règles de publicité que la déclaration initiale.

En l'absence de renonciation expresse, la déclaration continue de produire ses effets tant que l'immeuble concerné reste dans le patrimoine du déclarant. Ainsi, le présent article précise que « les effets de la déclaration subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque le déclarant est attributaire du bien ». Dans cette hypothèse, une nouvelle déclaration n'est donc pas nécessaire.

Si le déclarant n'est pas attributaire du bien, les effets de la déclaration disparaissent. Il en va de même lorsque le bien est vendu. Dès lors, parce que la déclaration est attachée à un immeuble précisément identifié, en cas de « remploi de l'immeuble » - c'est-à-dire d'acquisition d'un autre bien avec le produit de la vente du premier -, une nouvelle déclaration est nécessaire si l'entrepreneur souhaite protéger le nouveau bien.

Enfin, l'article précise que le décès du déclarant « emporte révocation de la déclaration ». Il ne faut pas se méprendre sur les effets d'une telle révocation. Le bien reste protégé, de manière permanente, à l'égard des créances professionnelles qui seraient nées entre la date de publication de la déclaration au bureau des hypothèques et le décès du déclarant. Pour la période postérieure au décès, il appartient au nouveau propriétaire du bien, s'il est entrepreneur individuel et s'il en a fait sa résidence principale, d'établir une nouvelle déclaration à son nom s'il le souhaite.

M. Jean-Louis Christ a présenté un amendement supprimant cette disposition, estimant qu'elle réduirait la protection de l'épouse et des héritiers.

Votre rapporteure a indiqué que cette inquiétude n'était pas fondée, dans la mesure où la protection à l'égard des créances professionnelles nées avant le décès du déclarant est permanente.

M. Jean-Louis Christ a alors retiré l'amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Charles de Courson imposant, lorsque le couple vit sous le règne de la communauté légale, que l'entrepreneur individuel présente le consentement explicite de son conjoint pour engager le patrimoine commun dans la création d'une entreprise. Il a indiqué que cet amendement éviterait bien des drames, car il n'est pas rare que l'un des conjoints ait été dans l'ignorance des engagements pris par l'autre. De plus, il a fait observer que les défaillances des entreprises individuelles entraînaient fréquemment la séparation du couple.

M. Daniel Garrigue s'est étonné que l'amendement ne vise que la communauté légale et a proposé un sous-amendement visant l'ensemble des régimes de communauté.

M. Charles de Courson a indiqué qu'il n'avait pas visé la communauté universelle parce que celle-ci résultait d'un choix volontaire et que la communauté légale concernait la grande majorité des couples.

Mme Chantal Brunel s'est déclarée favorable à l'amendement dans sa rédaction initiale, rappelant que, lorsqu'il y a contrat de mariage, il y a normalement obligation de réunir la signature des deux conjoints.

Votre rapporteure s'est également déclarée favorable à l'amendement.

La Commission a alors adopté le sous-amendement présenté par M. Daniel Garrigue, puis l'amendement ainsi modifié (amendement n° 77).

M. Michel Vergnier a regretté que la protection offerte par l'article 6 ne concerne que les entrepreneurs individuels, instaurant un traitement inégal entre les chefs d'entreprise et les salariés licenciés, qui voient leurs biens saisis lorsqu'ils ne peuvent faire face à leur endettement.

M. Jean-Pierre Gorges a fait observer que la situation du salarié n'était pas comparable à celle du chef d'entreprise, puisqu'il n'engage pas ses biens dans son activité salariée.

La Commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Après l'article 6

Après que M. Charles de Courson eut retiré un amendement permettant à un entrepreneur individuel d'affecter une partie de ses biens à son entreprise, la Commission a examiné un amendement de M. Dominique Tian, visant à mettre un terme à l'inégalité de traitement entre les créanciers privilégiés et les créanciers chirographaires afin d'éviter les faillites en cascade des entreprises sous-traitantes. Il a indiqué qu'il ne comprenait pas pourquoi le Trésor était privilégié par rapport à ces entreprises.

Votre rapporteure a reconnu que l'objet de cet amendement était louable, mais elle a indiqué qu'il s'agissait d'une question complexe et qu'elle était incapable d'évaluer précisément les conséquences de l'amendement. Elle a rappelé que les sous-traitants bénéficiaient déjà des dispositions de la loi du 31 décembre 1975.

M. Gilles Carrez s'est associé aux interrogations de votre rapporteure.

Après avoir estimé qu'il avait peu de lien avec le projet de loi, M. Xavier de Roux a rappelé qu'il s'agissait d'une question très compliquée qui devrait faire l'objet d'un prochain projet de loi sur les difficultés des entreprises.

M. Charles de Courson a indiqué que cet amendement abordait une question largement discutée dans le passé. Rappelant qu'en moyenne les créanciers chirographaires ne récupéraient que 5 % de leurs créances en cas de liquidation judiciaire, il a indiqué que ce qui était le plus choquant c'était le privilège du Trésor. Dès lors, il a fait observer que la solution la plus efficace serait de rétrograder le Trésor dans l'ordre de priorité des créanciers.

Le président Hervé Novelli a, en outre, fait observer que cet amendement avait peu de lien avec le projet de loi.

M. Dominique Tian a alors retiré son amendement.

La Commission a ensuite examiné un amendement de votre rapporteure visant à exclure de la liquidation judiciaire les salaires perçus par l'entrepreneur individuel postérieurement à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

M. Charles de Courson a estimé que cet amendement était très dangereux et qu'il risquait de multiplier les situations analogues à celle de M. Bernard Tapie. Il a rappelé que celui-ci avait créé une association, « les Amis de Bernard Tapie », qui perçoit 75 % de ses salaires et lui accorde des avantages en nature, dont l'usage de son hôtel particulier parisien. Il a estimé que les risques de détournements ouverts par cet article étaient énormes.

M. Eric Besson a contesté cette analyse, estimant qu'il existait des moyens légaux de contrecarrer de tels agissements.

Votre rapporteure a rappelé que l'ensemble du projet de loi visait à conforter l'esprit d'entreprise et elle a indiqué que son amendement visait à accorder à l'entrepreneur qui a échoué une seconde chance, car ce premier échec fait aussi partie de l'expérience acquise.

Rappelant qu'il convenait quand même de se soucier des créanciers, M. Xavier de Roux a estimé que cet amendement ouvrait la porte à tous les excès.

Mme Chantal Brunel a également insisté sur les risques que l'amendement risquait d'engendrer, tout en en comprenant l'esprit.

Mme Arlette Grosskost a exprimé la crainte que cet amendement n'encourage les dépôts de bilan.

Votre rapporteure a alors retiré son amendement.

Article additionnel après 6

(article L. 611-1 du code du commerce)

Groupements de prévention agréés

Après que votre rapporteure eût estimé que ces groupements remplissaient un rôle d'accompagnement des chefs d'entreprise, la Commission a adopté un amendement présenté par M. Jean-Michel Fourgous autorisant les entreprises individuelles à adhérer aux groupements de prévention agréés et élargissant leurs compétences (amendement n° 78).

Article additionnel après l'article 6

(articles L. 331-2, L. 341-2 et L. 341-3 [nouveaux] du code de la consommation)

Protection des cautions

La Commission a ensuite examiné un amendement de votre rapporteure visant à renforcer la protection des cautions, d'une part en élargissant le champ de compétence des commissions de surendettement aux dettes nées d'un cautionnement, d'autre part en attestant que la personne qui se porte caution est parfaitement informée des conséquences de son engagement et, enfin, en interdisant aux banques de se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné aux biens et aux revenus de la caution.

Le président Hervé Novelli a jugé que cet amendement constituait un complément intéressant.

Après s'être déclaré favorable aux deux premières dispositions de l'amendement, M. Charles de Courson a déposé un sous-amendement supprimant la troisième, estimant que la mise en œuvre de la responsabilité des banques soulevait des questions difficiles. Il s'est interrogé sur la date à laquelle le patrimoine de la caution serait estimé manifestement disproportionné.

M. Xavier de Roux a partagé les remarques de M. Charles de Courson.

M. Daniel Garrigue s'est interrogé sur les critères qui seraient utilisés pour apprécier le caractère manifestement disproportionné de la caution. Il a jugé qu'il n'était pas concevable que la caution tente d'échapper à ses engagements au moment même où ils devraient être mis en œuvre.

M. Eric Besson s'est déclaré favorable à la disposition contestée, estimant qu'elle répondait à des cas réels. Il a estimé que les critères d'appréciation qui seraient utilisés ne seraient pas plus arbitraires que ceux utilisés par le juge, par exemple pour définir le caractère léonin d'une clause d'un contrat.

M. Daniel Garrigue a indiqué qu'il préférerait permettre à la caution de protéger sa résidence principale comme l'article 6 l'autorise à l'entrepreneur individuel.

Votre rapporteure a indiqué que cette disposition entendait responsabiliser les banques puisque le caractère manifestement disproportionné des engagements de la caution devait être apprécié lors de la conclusion du contrat de cautionnement.

La Commission a alors adopté le sous-amendement de M. Charles de Courson puis l'amendement ainsi modifié (amendement n° 79).

Article additionnel après l'article 6

(article L. 133-5 du code de la sécurité sociale)

Guichet unique pour le recouvrement des charges sociales afférentes
à l'emploi de salariés

La Commission a examiné un amendement de votre rapporteure, visant à centraliser dans un guichet unique le recouvrement des charges sociales liées à l'emploi de salariés.

Elle a précisé que ce guichet unique, couplé à la mise en place d'un chèque-emploi entreprises, répond à un objectif de simplification. Ce guichet assurera pour les employeurs concernés la plupart des obligations déclaratives liées à la conclusion du contrat de travail. Il calculera en outre les charges sociales qui feront l'objet d'un versement unique.

La Commission a adopté l'amendement (amendement n° 80).

Après l'article 6

M. Jean-Michel Fourgous a ensuite retiré un amendement permettant aux conjoints collaborateurs d'exercer une activité salariée à temps partiel quelle que soit sa durée, après que votre rapporteure eut estimé qu'il aurait plus sa place dans le prochain projet de loi annoncé par le Gouvernement pour la fin de l'année.

Article additionnel après l'article 6

(article L. 128-1 du code du travail)

Chèque-emploi entreprises

La Commission a examiné un amendement de votre rapporteure, visant à créer un chèque-emploi entreprises. Elle a précisé que le dispositif s'inspire de celui du chèque-emploi service ouvert aux particuliers. Grâce à ce chèque, l'employeur peut s'acquitter d'un certain nombre d'obligations (rédaction d'un contrat de travail, remise de bulletins de paie, tenue du registre d'embauche) et voit les déclarations, le calcul et le paiement des charges sociales simplifiés.

En réponse aux interrogations de M. Xavier de Roux, elle a précisé que ce chèque serait utilisable par les entreprises comptant au plus trois salariés et par toutes les entreprises, sans condition d'effectif, pour leurs salariés employés moins de cent jours par an.

La Commission a adopté l'amendement (amendement n° 81).

Article additionnel après l'article 6

Dépôt annuel d'un projet de loi de simplification administrative

La Commission a examiné un amendement présenté par le président Hervé Novelli prévoyant que le Gouvernement déposera un projet de loi de simplification administrative chaque année.

M. Nicolas Forissier s'est demandé s'il ne convenait pas de préciser que cette simplification devrait concerner notamment l'environnement juridique et fiscal des entreprises.

M. Charles de Courson a rappelé que cet amendement constituait une injonction au Gouvernement prohibée par la Constitution et qu'il témoignait d'une attitude digne de Ponce Pilate, demandant au Gouvernement de faire ce que le Parlement reconnaît ne pas savoir faire lui-même.

M. Daniel Garrigue a estimé qu'il ne s'agissait pas à l'évidence de législation, mais d'une simple pétition de principe. Il a fait observer qu'il s'agissait d'une manière étonnante de simplifier notre droit que de multiplier inutilement des dispositions de ce genre.

Le président Hervé Novelli a rappelé que, par cet amendement, il s'agissait de relayer le train d'ordonnances annoncé par le Gouvernement et d'associer ainsi le Parlement à ce travail indispensable de simplification.

M. Jean-Jacques Descamps a estimé que la simplification administrative relevait avant tout de la compétence du pouvoir exécutif et que le fait de demander au Gouvernement de proposer lui-même les mesures nécessaires était gage d'efficacité.

M. Xavier de Roux s'est associé à cet amendement, tout en suggérant de ne parler que de simplification législative, la simplification administrative lui paraissant couvrir un champ trop large.

La Commission a alors adopté l'amendement (amendement n° 82).

TITRE II

TRANSITION ENTRE LE STATUT DE SALARIÉ ET CELUI D'ENTREPRENEUR

Article 7

(article L. 121-9 [nouveau] du code du travail)

Non-opposabilité des clauses d'exclusivité
au salarié créateur ou repreneur d'entreprise

Le présent article vise, par la création d'un article L. 121-9 au sein du code du travail, à rendre inopposables au salarié créateur ou repreneur d'entreprise les clauses d'exclusivité qui s'imposeraient à lui du fait de dispositions conventionnelles ou contractuelles et à rendre ainsi possible l'exercice de cette activité indépendante.

1. Le régime actuel des clauses d'exclusivité

Certains employeurs, souhaitant s'assurer que leurs salariés consacrent à leur activité professionnelle la totalité de leur force de travail, désireux aussi parfois de se prémunir contre les risques d'infidélité ou de concurrence de leurs salariés, assortissent la relation de travail d'une clause d'exclusivité.

Celle-ci a pour effet d'interdire au salarié pendant l'exécution du contrat de travail, toute activité professionnelle extérieure, y compris d'éventuelles activités non concurrentes de celles de l'employeur. On rappellera qu'en l'absence d'une clause d'exclusivité explicite, le cumul d'emplois par un salarié est possible dans les conditions définies au chapitre IV du titre II du livre II du code du travail, notamment sous réserve des dispositions de l'article L. 324-2 dudit code relatif à la durée maximale de travail.

La clause d'exclusivité peut résulter de l'application de dispositions conventionnelles et fait l'objet d'une stipulation spécifique dans le contrat de travail. Il convient de rappeler qu'il existe une clause d'exclusivité dont le fondement est légal, celle applicable en vertu de l'article L. 751-3 du code du travail aux voyageurs, représentants et placiers (VRP).

La violation de la clause d'exclusivité, quelles qu'en soient les circonstances, a longtemps exposé le salarié à un licenciement pour faute grave voire pour faute lourde. Cela a par exemple conduit la Cour de cassation à juger que reposait sur une faute grave le licenciement d'un représentant exclusif qui avait pris une représentation nouvelle sans autorisation de l'employeur alors même que cette représentation ne portait pas sur des activités concurrentielles.

Toutefois, la Cour de cassation a, dans quatre arrêts en date du 11 juillet 2000, réduit la portée des clauses d'exclusivité. Ce revirement de jurisprudence a été confirmé à plusieurs reprises depuis cette date et a, par exemple, donné lieu à un arrêt du 13 novembre 2002, Mme X contre Société Direct Ménager.

Se fondant sur le préambule de la Constitution de 1946 et sur l'article L. 120-2 du code du travail relatif à la liberté individuelle, la Cour juge ainsi que « la clause d'exclusivité porte atteinte à la liberté du travail » et lie sa validité aux conditions suivantes :

- elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise ;

- elle doit être justifiée par la nature de la tâche ;

- elle doit être proportionnée au but recherché.

La Cour conclut notamment au caractère inopposable d'une clause d'exclusivité à un salarié à temps partiel (y compris, dans le cas d'espèce, s'agissant d'un VRP).

Cet encadrement des clauses d'exclusivité ne vide cependant pas celles-ci de toute portée comme en atteste par exemple l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 janvier 2002 confirmant que la violation de la clause d'exclusivité répondant aux conditions énumérées ci-dessus constitue une faute grave.

En conséquence, afin de favoriser le début de l'exercice d'une activité indépendante par un salarié assujetti à une telle clause, il est nécessaire de modifier le droit en vigueur.

2. Les modifications proposées par l'article 7

L'article 7 propose, par la création d'un article L. 121-9 nouveau du code du travail, de rendre les clauses d'exclusivité éventuelles non opposables aux salariés concernés qui créeraient ou reprendraient une entreprise.

La disposition est d'ordre public puisqu'elle s'applique même en présence de dispositions découlant d'accords collectifs ou du contrat de travail prévoyant explicitement l'existence d'une clause d'exclusivité. Elle vaut donc pour les relations de travail préexistant à l'entrée en vigueur de la présente loi comme pour celles nouées postérieurement.

Elle concerne les salariés créant ou reprenant une entreprise. Le fait générateur caractérisant la création ou la reprise est soit l'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers soit la déclaration de début d'activité professionnelle agricole ou indépendante.

La non-opposabilité de la clause concerne l'ensemble des salariés créateurs ou repreneurs, indépendamment de la forme que prend la poursuite du contrat de travail. Sont ainsi concernés aussi bien les salariés poursuivant l'exécution de leur contrat de travail à temps complet que ceux à temps partiel dont le contrat est modifié, l'exécution de celui-ci se poursuivant néanmoins, ou encore ceux en congé pour création d'entreprise ou en congé sabbatique dont le contrat de travail est suspendu.

Il est à noter que le premier alinéa de l'article prévoit la non-opposabilité de la clause d'exclusivité et non pas sa nullité. Au terme de la durée fixée par cet alinéa à un an, la clause redevient applicable et le salarié soit doit renoncer à son activité de créateur ou repreneur d'entreprise, soit s'expose à un licenciement pour faute grave.

L'article vise en effet à favoriser le démarrage de l'activité indépendante pas à permettre son exercice durable en parallèle avec l'activité salariée.

Toutefois, le second alinéa de l'article prévoit au profit des salariés passant à temps partiel une prolongation temporaire de la période de non-opposabilité de la clause d'exclusivité précédemment évoquée. La disposition apparaît non seulement sans objet mais de nature à jeter un doute sur la jurisprudence ; il semble donc opportun de la supprimer.

En revanche, on peut se demander si, dans l'esprit de cette disposition, il ne serait pas opportun de prévoir une extension de la période de non-opposabilité de la clause d'exclusivité pour la faire coïncider avec la prolongation éventuelle à vingt-quatre mois du congé pour création d'entreprise. Telle est la raison pour laquelle votre rapporteure proposera un amendement en ce sens.

3. Des ambiguïtés à lever

La levée de la clause d'exclusivité suscite des réserves. Ainsi, le MEDEF préférerait que cette levée « se fasse par accord entre les parties » et qu'elle soit « limitée aux contrats conclus après la promulgation de la loi ». La rapporteure ne peut que partager l'opinion exprimée par le Président Novelli selon lequel ces réserves doivent être conciliées « avec l'ambition de produire des lois ayant des effets sur la réalité ». Plus fondamentale est la critique exprimée par le MEDEF - mais formulée également par plusieurs membres de la commission - qui souhaiterait que « l'application de l'article 7 ne conduisît pas à ce que des chefs d'entreprises fussent obligés d'aider des anciens salariés devenus leurs concurrents ».

Il importe de rappeler que la clause d'exclusivité se distingue nettement de la clause de non-concurrence avec laquelle elle est souvent confondue. Tout d'abord, elles ne portent pas sur les mêmes périodes : la clause d'exclusivité porte sur la période d'exécution du contrat de travail ; la clause de non-concurrence s'applique à compter de la rupture de ce contrat. Elles sont également distinctes dans leurs effets : la clause d'exclusivité interdit quelque activité professionnelle que ce soit en sus de celle prévue par le contrat de travail ; la clause de non-concurrence n'interdit que celles concurrentes de l'activité de l'employeur

Cette distinction ne signifie pas que le salarié peut, en l'absence de clause d'exclusivité ou pendant la période où celle-ci n'est pas opposable, exercer des activités concurrentes de celles de son employeur. En effet, le salarié est tenu pendant l'exécution de son contrat de travail, y compris en l'absence de stipulation explicite dans celui-ci, à une obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur qui lui interdit d'exercer des activités qui concurrenceraient celui-ci. Cette obligation découle de l'article L. 120-4 du code du travail et d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Dans un arrêt du 10 mai 2001, Métropolight contre Mme Harter, la Cour a ainsi rappelé que le salarié ne peut se dérober à son obligation de loyauté y compris pendant les périodes de suspension du contrat de travail.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. François Sauvadet visant à lier l'opposabilité de la clause d'exclusivité au salarié créateur d'entreprise à sa justification par la protection des intérêts de l'entreprise.

M. Charles de Courson a souligné que cet amendement visait à concilier les intérêts des parties et à éviter ainsi les litiges.

Votre rapporteure a objecté que l'adoption de cet amendement rendrait l'article inopérant dès lors que la clause d'exclusivité ne pouvait être justifiée que par la protection des intérêts de l'entreprise et que la clause d'exclusivité serait donc nécessairement opposable.

M. Charles de Courson a alors retiré l'amendement.

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Michel Fourgous visant à permettre l'opposabilité aux créateurs d'entreprise de clauses d'exclusivité motivées incluses dans des accords collectifs ou dans les contrats de travail.

Votre rapporteure a estimé préférable l'affirmation du principe de non-opposabilité de la clause tout en rappelant que l'employeur peut, soit différer, soit refuser une réduction de l'activité du salarié créateur et que celui-ci reste soumis à l'obligation de loyauté.

M. Jean-Michel Fourgous a retiré l'amendement.

La Commission a examiné un amendement de Mme Arlette Grosskost prévoyant qu'un salarié ne peut exercer pour son propre compte une activité concurrente à celle de son employeur qu'avec l'autorisation expresse et écrite de ce dernier.

M. Daniel Garrigue a observé que le seul problème résulte de l'éventuelle concurrence déloyale de la part du salarié.

Votre rapporteure a rappelé que la non-opposabilité de principe est préférée à la démarche proposée par l'amendement. Au surplus, la réaffirmation prévue de l'obligation de loyauté contribuera à prévenir toute concurrence déloyale de la part du salarié.

La Commission a rejeté l'amendement.

La Commission a également rejeté un amendement de Mme Chantal Brunel visant à interdire pendant deux ans au salarié créateur de travailler directement ou indirectement pour les clients de l'entreprise dont il est salarié.

La Commission a adopté deux amendements de votre rapporteure :

- le premier étendant la période de non-opposabilité des clauses d'exclusivité à la durée de la prolongation éventuelle du congé pour la création d'entreprise (amendement n° 83) ;

- le second, destiné à dissiper toute ambiguïté sur la portée de cet article, réaffirmant la soumission du salarié créateur à l'obligation de loyauté vis-à-vis de l'employeur (amendement n° 84).

La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Après l'article 7

La Commission a examiné un amendement de M. Michel Vergnier subordonnant la validité des clauses de non-concurrence au respect des principes de non-atteinte à la liberté du travail et de protection des intérêts légitimes de l'entreprise.

Votre rapporteure a objecté que cette reprise de la jurisprudence, outre qu'elle fige le droit, n'est que partielle.

La Commission a rejeté l'amendement.

Article 8

(article L. 161-1-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale
et article L. 731-13-1 [nouveau] du code rural)

Exonération de cotisations sociales et ouverture de droits
à prestations des salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise
durant la première année de cette activité

Cet article vise à favoriser la bi-activité, c'est-à-dire l'exercice simultané par un salarié d'une activité de création ou de reprise d'entreprise, par l'exonération pendant les douze premiers mois d'exercice de cette activité, des cotisations sociales y afférentes et par l'ouverture des droits correspondants.

Dans cet objectif, le paragraphe I prévoit une exonération en faveur des salariés créant ou reprenant une entreprise non agricole, tandis que le paragraphe II étend le bénéfice du dispositif à la création ou la reprise d'une entreprise agricole. Le paragraphe III précise la date d'application des dispositions du présent article.

La Commission a examiné un amendement de M. Michel Vergnier de suppression de l'article.

M. Charles de Courson a souligné que certaines catégories de fonctionnaires bénéficient déjà de dispositions comparables à celles proposées par l'article, par exemple les instituteurs-secrétaires de mairie et les chefs de services hospitaliers-enseignants.

Votre rapporteure a reconnu la nécessité de s'informer sur le plafond des revenus ouvrant droit à exonération. En revanche, il convient de rappeler que le créateur, s'il est exonéré de cotisations au titre de sa nouvelle activité, doit acquitter des cotisations salariales et devra par la suite payer des cotisations au titre de sa nouvelle activité. Le système proposé par l'article 8 n'a donc rien de choquant.

La Commission a rejeté l'amendement.

Le paragraphe I, par la création d'un article L. 161-1-2 dans le code de la sécurité sociale, pose le principe et définit les modalités d'application de l'exonération applicable aux salariés créant ou reprenant une entreprise.

·  Nature des droits ouverts

Le premier alinéa de l'article L. 161-1-2 pose le principe d'une exonération, plafonnée, au profit d'un salarié créateur ou repreneur d'entreprise, de cotisations sociales liées à cette activité dans les douze premiers mois de celle-ci. L'objet de la mesure est de favoriser la démarche de création d'entreprise tout en évitant de soumettre la période de bi-activité à un double versement de cotisations. Exonéré des cotisations liées à sa nouvelle activité, le salarié n'en a pas moins droit aux prestations correspondantes d'où la formule lapidaire « sans perdre les droits aux prestations correspondantes ». Il serait plus explicite de préciser que la nouvelle activité, nonobstant l'exonération des cotisations, « ouvre droit aux prestations » servies par le régime de sécurité sociale dont relève cette activité, à l'instar de ce qui est prévu à l'article L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale.

Exonération de cotisations et ouverture des droits sont liées au respect des conditions suivantes.

·  Conditions relatives à la nature de l'entreprise créée ou reprise

La dérogation faite par le premier alinéa de l'article L. 161-1-2 nouveau du code de la sécurité sociale aux articles L. 612-4, L. 633-10, L. 642-1 et L. 723-5 du même code circonscrit le champ de l'exonération. Sont visées les activités relevant du régime des professions industrielles et commerciales du fait de la référence à l'article L. 633-10, de celui des professions libérales par la référence à l'article L. 642-1 ou encore de celui des avocats par celle à l'article L. 723-5.

On peut s'interroger sur la pertinence du renvoi ainsi fait aux dispositions spécifiques à chaque type d'activités indépendantes plutôt qu'à une clause plus générale comparable à celle existant à l'article L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale : « par dérogation aux dispositions en vigueur ». Une telle rédaction éviterait des interrogations sur l'applicabilité de la mesure qui concernerait ainsi de façon claire l'ensemble des entreprises créées ou reprises.

·  Conditions relatives aux salariés créateurs ou repreneurs

- La première d'entre elles consiste naturellement en l'exercice d'une activité constituant une création ou une reprise d'entreprise. On peut sur ce point se demander s'il ne serait pas opportun de viser la définition de la création ou de la reprise d'entreprise figurant à l'article L. 351-24 du code du travail.

- La deuxième porte sur l'exercice simultané d'une ou plusieurs activités salariées. Ce régime ne doit pas être confondu avec celui applicable à la première année d'activité en tant que travailleur indépendant en vertu du l'article 18 du présent projet de loi. Le présent article vise bien la période de bi-activité. Etant en même temps salarié, le créateur est déjà assujetti à des cotisations à ce titre, il est donc légitime de l'exonérer largement de cotisations au titre de sa nouvelle activité ; il n'en va pas de même du créateur qui a d'emblée le statut de travailleur indépendant et doit donc s'acquitter de cotisations à ce titre même si l'article 18 en prévoit l'étalement sur cinq ans.

- La troisième porte sur l'affiliation du salarié au régime d'assurance-chômage en vertu de l'article L. 351-4 du code du travail. On rappellera que cet article prévoit une affiliation volontaire à l'assurance-chômage pour certains employeurs parmi lesquels les agents non fonctionnaires de l'Etat et les agents titulaires des collectivités territoriales.

Il n'est pas pour autant possible de déduire du présent article que les fonctionnaires, mêmes s'ils appartiennent aux catégories précitées, seraient autorisés à exercer une autre activité de nature lucrative au-delà des strictes limitations aujourd'hui prévues. Les dispositions de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 et du décret-loi du 29 octobre 1936 restent applicables.

- La quatrième condition a trait à la date de début de l'exercice de l'activité salariée simultanée. Il faut que celle-ci soit préalable, l'avant-dernier alinéa de l'article L. 161-1-2 renvoie à un décret pour la définition de la durée d'activité salariée préalable requise : celle-ci sera fixée par référence à un minimum d'heures ou par la détermination d'une durée équivalente pour les professions soumises au dernier alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail ou encore par celle d'une durée assimilée pour les salariés dont le temps de travail ne peut être calculé en heures (cadres en forfait-jours, pigistes, VRP, ...).

Le but de cette dernière condition est d'éviter que l'affiliation à un régime de salariés serve à détourner le présent dispositif et permette aux créateurs d'entreprise de s'affranchir des règles ordinairement applicables aux travailleurs indépendants.

Dans le même esprit, le dernier alinéa de l'article prévoit que le bénéfice des exonérations ne peut être obtenu pour une nouvelle création ou reprise d'entreprise par le même salarié dans un délai de trois ans suivant la précédente. Le but de l'exonération n'est pas d'affranchir durablement le créateur d'entreprise de ses obligations en matière de cotisations mais de favoriser le démarrage de l'activité en lui évitant un double prélèvement.

·  Champ d'exonération

- Même si les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 161-1-2 visent « les cotisations » sans préciser quelles sont celles concernées, il est possible de déduire des dérogations visées au premier alinéa et du renvoi, par le paragraphe II, aux cotisations visées à l'article L. 731-10 du code rural, qu'il s'agit des cotisations d'assurance sociale, c'est-à-dire :

- des cotisations d'allocations familiales ;

- des cotisations d'assurance maladie et maternité ;

- des cotisations d'assurance veuvage, invalidité et décès ;

- des cotisations d'assurance vieillesse.

Sont notamment exclues de façon classique les cotisations accidents du travail ou de retraite complémentaire ainsi que les contributions au régime d'assurance chômage.

- L'exonération est limitée à un plafond de revenu qui sera fixé par décret. Il s'agit encore une fois de favoriser le démarrage de l'activité ; au-delà de ce plafond, on peut considérer que son démarrage est assuré et que le créateur peut s'acquitter de la part des cotisations normalement applicables correspondante. On rappellera que les prestations sont servies sur la base de ce revenu : il convient donc de ne pas octroyer un avantage indu au créateur.

- L'exonération porte selon les cas sur les cotisations applicables au créateur ou repreneur exerçant cette nouvelle activité avec un statut salarié (1°) ou non-salarié (2°).

1° - Dans le cas d'exercice salarié (par exemple, cas de la gérance salariée) de l'activité de création ou de reprise, l'exonération porte sur les cotisations patronales et salariales.

On doit relever la formule utilisée par le texte, selon laquelle l'intéressé doit relever « du régime des salariés ». La référence faite par l'article L. 161-1 du code de la sécurité sociale à « un régime de salariés » semble plus pertinente et adaptée à la diversité des régimes de salariés.

2° - Dans le cas d'exercice non salarié, les cotisations visées sont celles applicables au travailleur indépendant.

On notera que l'exonération, dans les deux cas, est accordée « sur demande du créateur ». Même si, dans le premier cas, le créateur exerce le contrôle de l'entreprise dont il est le salarié, la rédaction du dernier alinéa de l'article L. 161-1-1 apparaît juridiquement plus fondée.

De façon générale, on peut s'interroger sur l'opportunité d'avoir retenu pour le nouvel article L. 161-1-2 une rédaction différente de celle de l'article L. 161-1-1 alors que les dispositifs sont très proches. Aussi la Commission a-t-elle adopté trois amendements de votre rapporteure : le premier précisant certains des points constitutifs de l'exonération de cotisations (amendement n° 85) ; le deuxième rédactionnel sur la référence aux régimes de salariés visés (amendement n° 86) ; le troisième de précision sur les conditions entourant la demande d'exonération (amendement n° 87).

- Le coût annuel de la mesure, pour les régimes de sécurité sociale des travailleurs non salariés, est estimé à 16 millions d'euros. Cette exonération sera naturellement, en vertu de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, intégralement compensée par l'Etat.

Le paragraphe II, par la création d'un article L. 731-13-1 au sein du code rural, étend le bénéfice de la mesure à la création ou à la reprise d'une entreprise agricole.

Le paragraphe III  prévoit que les dispositions des deux paragraphes précédents sont applicables aux créations ou reprises intervenant à compter du 1er janvier 2004.

Votre rapporteure a retiré un amendement visant à rendre l'exonération de cotisations applicable dès l'entrée en vigueur de la loi.

La Commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 8

(article L. 161-1-3 [nouveau] du code de la sécurité sociale)

Extension du dispositif d'exonération au créateur bénéficiaire d'un régime
de sécurité sociale en tant que conjoint ou concubin d'un assuré

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Jacques Descamps visant à étendre le bénéfice des dispositions de l'article 8 aux créateurs bénéficiant de la protection sociale de leur conjoint ou concubin.

Votre rapporteure s'est déclarée favorable à l'amendement tout en demandant que ses dispositions ne soient applicables qu'à compter du 1er janvier 2004.

La Commission a adopté l'amendement ainsi rectifié (amendement n° 88).

Article 9

(articles L. 122-32-12 à L. 122-32-15, L. 122-32-16-1 à L. 122-32-16-3 [nouveaux], L. 122-32-26, L. 122-32-27 et L. 227-1 du code du travail)

Congé et période de travail à temps partiel pour la création d'entreprise

Le présent article a pour objet de rénover les règles relatives au congé pour la création d'entreprise et de créer une possibilité de travailler à temps partiel dans le même objectif. Il fixe les conditions de recours à ces possibilités (paragraphe I), détermine les modalités spécifiques de passage au temps partiel (paragraphe II), comprend des dispositions de coordination (paragraphes III et IV) et prévoit enfin que le compte épargne-temps peut être utilisé pour accompagner le salarié passant à temps partiel (paragraphe V).

Le paragraphe I, comme en témoigne la modification des intitulés de la section V-2 et de sa sous-section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du travail, modifie, en opérant une nouvelle rédaction des articles L. 122-32-12 à L. 122-32-15 du même code, les conditions de recours au congé pour la création d'entreprise et les étend à la période de travail à temps partiel pour la création d'entreprise ainsi créée.

On notera que la nouvelle rédaction opérée par l'article 9 du présent projet de loi de la sous-section 1 de la section V-2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du travail ne concerne pas l'article L. 122-32-16 relatif aux modalités de retour dans l'entreprise du salarié en congé pour la création d'entreprise.

1. Ouverture des droits au congé ou au passage à temps partiel (articles L. 122-32-12 et L. 122-32-13 du code du travail)

L'article L. 122-32-12 du code du travail ouvre droit pour le salarié créateur ou repreneur d'entreprises soit à un congé soit à une période de travail à temps partiel.

L'ouverture de ces droits est, en vertu de l'article L. 122-32-13, subordonnée à une ancienneté minimale dans l'entreprise d'au moins vingt-quatre mois, consécutifs ou non. Il est à noter que cette disposition commune au congé et au passage à temps partiel a pour effet de réduire la durée d'ancienneté ouvrant droit au congé pour la création d'entreprise actuellement fixée à trente-six mois.

La durée maximale du droit ainsi ouvert est fixée par le deuxième alinéa de l'article L. 122-32-12 à un an. Elle peut cependant être prolongée pour une durée maximale identique.

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Michel Fourgous visant à porter à deux ans la durée maximale, renouvelable une fois pour la même durée maximale, du congé ou du passage à temps partiel pour création d'entreprise.

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Michel Fourgous limitant le droit de passer à temps partiel pour la création d'entreprise aux salariés des seules entreprises de plus de deux cents salariés.

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. François Sauvadet encadrant la possibilité de passer à temps partiel pour le salarié créateur d'une entreprise concurrente.

Les dispositions proposées par le projet de loi appellent deux remarques :

- la nouvelle rédaction proposée de l'article L. 122-32-12 omet la précision figurant à l'article actuel selon laquelle le contrat de travail est suspendu pendant la durée du congé pour la création d'entreprise ; aussi la Commission a-t-elle adopté un amendement de votre rapporteure précisant que le contrat de travail est suspendu pendant le congé pour la création d'entreprise (amendement n° 89) ;

- en dépit de la formulation du premier alinéa de l'article L. 122-32-12 selon laquelle le salarié a droit « soit » au congé « soit » au passage à temps partiel, le texte n'exclut pas clairement la possibilité d'enchaîner l'usage des deux droits et ne fixe pas non plus le délai devant séparer le nouvel exercice par le salarié de ces deux droits. La condition d'ancienneté ne peut lui être opposée puisqu'il reste dans les deux cas salarié de l'entreprise ; la Commission a pour cette raison adopté un amendement de votre rapporteure visant à éviter qu'un salarié puisse enchaîner les périodes de bi-activité (amendement n° 90).

2. Dispositions communes à l'exercice de ces droits (articles L. 122-32-14 et L. 122-32-15 du code du travail)

a) L'article L. 122-32-14 détermine les obligations d'information de l'employeur incombant au salarié.

Par lettre recommandée avec accusé de réception, il doit, en vertu du premier alinéa, l'informer :

- de son souhait d'exercer son droit à congé ou au passage à temps partiel ;

- de la date à laquelle il souhaite exercer ce droit, celle-ci ne pouvant intervenir moins de deux mois (contre trois dans les dispositions actuellement applicables au congé pour création d'entreprise) après l'envoi de la lettre ;

- de la durée envisagée du congé ou de la période à temps partiel ;

- de l'amplitude de la réduction du temps de travail souhaitée en cas de demande de passage à temps partiel.

Ces quatre points concernent l'organisation du travail ; ils doivent permettre à l'employeur d'apprécier les conséquences de la demande du salarié et servent de base de réflexion à la décision :

- de différer la date d'exercice du droit sur le fondement des articles L. 122-32-15, L. 122-32-16-2 ou L. 122-32-22 ;

- de refuser le congé dans les conditions prévues aux articles L. 122-32-23 et L. 122-32-24 du code du travail ou le passage à temps partiel dans celles prévues à l'article L. 122-32-16-2 du même code ;

- d'accepter ou non la prolongation du congé ou de la période de travail à temps partiel dans les mêmes conditions que la demande initiale.

Le salarié doit en outre informer l'employeur de la nature de l'activité de l'entreprise qu'il souhaite créer ou reprendre. Cette disposition prévue au deuxième alinéa de l'article L. 122-32-14 doit être satisfaite à l'occasion de l'envoi du courrier visé au premier alinéa. Il convenait de clarifier ce point. La Commission a donc adopté un amendement de votre rapporteure précisant le contenu de la demande du salarié (amendement n° 91).

L'information sur la nature de l'activité présente une importance considérable. La précision ainsi apportée par le salarié est en effet déterminante pour l'employeur dans son appréciation du respect par le salarié de son obligation de loyauté ainsi que d'éventuelles clauses d'exclusivité pour les VRP. La dissimulation par le salarié d'une activité susceptible de concurrencer celle de l'employeur constituerait à l'évidence une faute.

Le troisième alinéa de l'article L. 122-32-14 prévoit que le salarié doit remplir les mêmes obligations d'information vis-à-vis de l'employeur dans le cas où il demande la prolongation de la période initiale de congé ou de temps partiel sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 122-32-12.

La Commission a en outre adopté un amendement de votre rapporteure précisant les formes que doit revêtir la réponse de l'employeur (amendement n° 92).

b) L'article L. 122-32-15 prévoit un droit pour l'employeur de différer la date de début de congé ou de passage à temps partiel pour la création d'entreprise.

S'agissant du congé pour la création d'entreprise, ce report est soumis au respect des articles L. 122-32-23 et L. 122-32-24 du code du travail (cf. infra commentaire de l'article L. 122-32-16-2).

En revanche, pour le temps partiel, aucune condition de forme n'est imposée s'agissant de la réponse de l'employeur non plus qu'un délai de réponse. Il semblerait utile de prévoir des dispositions comparables à celles existant à l'article L. 122-32-24 du code du travail. Telle est la raison pour laquelle la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure précisant les formes que doit revêtir la réponse de l'employeur (amendement n° 93).

Cette faculté de report était déjà cependant partiellement encadrée puisque le report ne peut excéder six mois à compter de la réception de la lettre du salarié et non à compter de la date envisagée d'exercice du droit. Ainsi, un salarié qui enverrait sa demande six mois avant la date du début du congé ou du passage à temps partiel ne pourrait pas se voir opposer le présent article.

3. Dispositions spécifiques à la période de travail à temps partiel

Le paragraphe II traite des modalités spécifiques à la période de travail à temps partiel par l'insertion de trois nouveaux articles (L. 122-32-16-1 à L. 122-32-16-3) dans le code du travail.

a) L'article L. 122-32-16-1 nouveau du code du travail traite de plusieurs points distincts.

Le premier alinéa porte sur les conditions formelles du passage à temps partiel.

La modification sur un point essentiel du contrat de travail justifie l'obligation prescrite par le présent alinéa de formaliser l'accord des parties dans un avenant au contrat de travail initial. Cette formalisation en un acte écrit répond à l'obligation posée à l'article L. 212-4-3 du code du travail dont la première phrase énonce que « le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit ».

La référence faite à cet article L. 212-4-3 rend applicables au salarié créateur les clauses obligatoires du contrat de travail à temps partiel (qualification, rémunération, répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois) et les dispositions le protégeant contre les modifications abusives de ces éléments (modalités de communication des horaires détaillés, délais de prévenance, cas et modalités de changement de la répartition des horaires, limitation des heures complémentaires). Cette référence est essentielle : on voit mal, par exemple, comment le salarié pourrait exercer son activité de création ou de reprise si ses horaires fluctuaient sans arrêt.

Il a semblé opportun de préciser, qu'à côté de ces clauses obligatoires, l'avenant doit naturellement fixer la durée de la période de travail à temps partiel. La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure en ce sens (amendement n° 94).

Le deuxième alinéa proposé répond à la même logique de protection du temps consacré par le salarié à son activité de création ou de reprise.

Il crée en effet un droit pour le salarié de refuser d'effectuer des heures complémentaires (c'est-à-dire des heures allant au-delà de la durée prévue par le contrat), y compris lorsque le recours à celles-ci est autorisé par l'avenant au contrat de travail.

Cette disposition, louable dans son principe, appelle plusieurs observations :

- le principe des heures complémentaires est négociable au moment de la conclusion de l'avenant ; son inscription dans celui-ci résulte de l'accord des deux parties. Dès lors, il semble paradoxal de permettre au seul salarié de les remettre en cause en cours d'exécution de l'avenant ;

- les heures complémentaires sont par nature limitées puisqu'elles ne peuvent, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, excéder un dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle du contrat, ce qui signifie qu'elles ne peuvent pas par exemple atteindre deux heures par semaine pour un salarié à mi-temps ; on notera toutefois qu'un accord collectif peut porter ce maximum à un tiers de l'horaire fixé ;

- le refus du salarié d'effectuer des heures complémentaires dans ces limites ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement si l'employeur l'en informe moins de trois jours avant, en vertu du quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 précité.

Il semble donc que les dispositions légales assurent une protection suffisante du temps consacré par le salarié à son activité de créateur et que le présent alinéa déséquilibre par trop, au détriment de l'employeur, l'exécution d'une clause contractuelle librement consentie.

Votre rapporteure en a donc proposé la suppression dans un amendement adopté par la Commission (amendement n° 95).

Le troisième alinéa prévoit que la prolongation de la période de travail à temps partiel initialement convenue donne lieu à la conclusion d'un nouvel avenant. Même si cela semble aller de soi, il est opportun de rappeler que ce second avenant doit répondre aux mêmes conditions que l'avenant initial posées par le premier alinéa. Tel est le sens d'un amendement proposé par votre rapporteure et adopté par la Commission (amendement n° 96).

Le dernier alinéa de l'article L. 122-32-16-1 porte sur les conditions de retour à temps plein du salarié au terme de la période de travail à temps partiel fixée par l'avenant visé au premier alinéa, éventuellement prolongée par l'avenant visé au troisième alinéa.

Ces dispositions diffèrent légèrement des conditions de retour posées par l'article L. 122-32-16 à l'issue du congé pour la création d'entreprise.

N'est pas évoqué le retour du salarié sur une activité « similaire » à celle qu'il exerçait précédemment puisqu'il n'a pas interrompu son activité mais l'a simplement réduite. On peut cependant noter la souplesse laissée par le texte qui prévoit qu'il retrouve « une activité à temps plein » et non « son activité à temps plein ». Il est en effet concevable que la période de travail à temps partiel se traduise par un changement d'activité.

L'élément essentiel est le maintien de la rémunération dont on notera que le présent texte prévoit qu'elle doit être « équivalente » à celle antérieurement versée alors que l'article L. 122-32-16 prévoit qu'elle doit être « au moins équivalente » dans le cas du congé sabbatique.

On peut noter que les dispositions de cet alinéa auraient davantage eu leur place dans l'article L. 122-32-16-3. La commission a adopté un amendement à cet effet (amendement n° 97).

b) L'article L. 122-32-16-2 traite des conditions de refus ou de report de la demande du salarié de passer à temps partiel.

Ces dispositions s'inspirent largement de celles applicables au salarié demandant un congé pour la création d'entreprise ou un congé sabbatique.

·  Le premier alinéa de l'article L. 122-32-16-2 prévoit et encadre les conditions de refus par l'employeur de conclure un avenant de passage à temps partiel pour la création d'entreprise ou de prolongation de cette période.

Cette possibilité est ouverte aux entreprises dans les conditions suivantes :

- elles doivent comporter moins de deux cents salariés. Ces entreprises, en particulier les plus petites, sont naturellement plus vulnérables au départ, même partiel, de leurs salariés. Cette condition d'effectifs, en l'absence d'autre précision, est appréciée selon les règles classiques fixées par l'article L. 421-2 du code du travail ;

- les institutions représentatives du personnel doivent, lorsqu'elles existent, être consultées, les délégués du personnel ne l'étant qu'en l'absence de comité d'entreprise. L'inexistence du comité d'entreprise peut viser deux cas : la situation de carence dans les entreprises de cinquante salariés et plus ; les entreprises comprenant de onze à quarante-neuf salariés. La situation des entreprises n'ayant ni comité d'entreprise ni délégués du personnel, c'est-à-dire pour l'essentiel les entreprises employant au plus dix salariés n'est pas expressément définie. Il semble cependant évident que l'esprit du texte n'est pas de leur dénier la possibilité de refuser le passage à temps partiel d'un salarié au motif qu'elles sont dépourvues d'institutions représentatives du personnel dont l'avis n'est au demeurant que consultatif ;

- à la condition d'effectif et aux conditions de procédure, s'ajoute une condition de fond : la transformation du temps plein en temps partiel aura des « conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l'entreprise ».

Cette condition est d'ores et déjà applicable au refus opposable par l'employeur au congé d'entreprise ou sabbatique ainsi qu'à la demande de passage à temps partiel dans les conditions de droit commun en vertu du septième alinéa de l'article L. 212-4-9. Les conséquences préjudiciables peuvent par exemple résulter du faible nombre de salariés (passage à temps partiel du seul salarié de l'entreprise), du caractère stratégique de l'emploi occupé ou encore de la technicité particulière de ses fonctions.

- le refus de l'employeur doit respecter certaines conditions formelles, par le renvoi fait aux articles L. 122-32-23 et L. 122-32-24 relatifs au congé pour la création d'entreprise et au congé sabbatique :

_ information du salarié par lettre remise en main propre contre décharge ou par lettre recommandée avec accusé de réception ;

_ motivation du refus ;

_ refus opposé dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande ; à défaut, l'accord de l'employeur est réputé acquis.

Le salarié peut contester le refus qui lui est opposé. Il va de soi que la décision de justice doit être rapide afin de ne pas vider de tout sens la demande du salarié. Aussi, par renvoi à l'article L. 122-32-23 (notamment à son second alinéa), le salarié a-t-il la faculté de porter l'affaire, dans un délai de quinze jours suivant la réception du refus de l'employeur, directement devant le bureau de jugement du conseil des prud'hommes, qui statue en premier et dernier ressort dans la forme des référés. Sont ainsi évitées la phase de conciliation et la longueur de la procédure ordinaire (douze mois en moyenne).

·  Le second alinéa de l'article L. 122-32-16-2 porte sur les conditions dans lesquelles l'employeur peut reporter le passage à temps partiel ou la prolongation de la période à temps partiel.

Cette possibilité élargit celle ouverte par l'article L. 122-32-15 du code du travail puisque l'employeur peut reporter le passage à temps partiel à une date excédant six mois à une double condition :

- le pourcentage des salariés de l'entreprise ayant bénéficié du passage à temps partiel pour création d'entreprise dépasse 2 % des effectifs de l'entreprise ;

- l'entreprise doit compter au moins deux cents salariés : cette condition vise à rendre la première applicable ; il va de soi que, sans elle, le passage à temps partiel d'un salarié pourrait être indéfiniment repoussé dans les entreprises de moins de cinquante salariés et que les possibilités seraient très restreintes dans celles comptant entre cinquante et deux cents salariés.

La Commission a examiné en discussion commune quatre amendements :

- le premier de M. Eric Besson substituant la faculté de différer le passage à temps partiel du salarié créateur à la possibilité de le refuser dans les entreprises de deux cents salariés au plus ;

- le deuxième, du même auteur, limitant la faculté de refuser le passage à temps partiel dans les entreprises de cinquante salariés au plus ;

- les deux derniers de Mme Chantal Brunel portant le seuil permettant à l'entreprise de refuser le passage à temps partiel à cinq cents salariés au plus et restreignant aux entreprises de plus de 500 salariés la faculté de différer ce passage.

Votre rapporteure ayant défendu le caractère équilibré du seuil prévu par le texte, la Commission a rejeté les quatre amendements.

L'article L. 122-32-16-2 proposé appelle néanmoins plusieurs observations :

- on constate tout d'abord que, à l'instar de l'article L 122-32-15 et à la différence du premier alinéa de l'article L. 122-32-16-2, aucune condition de forme n'est imposée à la réponse de l'employeur et aucune possibilité de recours n'est ouverte au salarié ; la Commission a donc adopté un amendement de votre rapporteure précisant les conditions de forme entourant la réponse de l'employeur (amendement n° 98) ;

- la formulation « ayant bénéficié » laisse planer une ambiguïté sur la prise en compte ou non dans le pourcentage maximal des salariés revenus à temps plein ; aussi la Commission a-t-elle adopté un amendement de votre rapporteure précisant les conditions d'appréciation du seuil de 2 % des effectifs en temps partiel pour création d'entreprise (amendement n° 99) ;

- enfin, il n'est pas prévu de terme au report proposé par l'employeur ; il semblerait logique que ce report ne puisse, au-delà des six mois prévus par l'article L. 122-32-15, dépasser la date à partir de laquelle le pourcentage retombe sous la barre des 2 % d'autant plus que les auteurs du projet ont visiblement envisagé deux cas de figure : dans les entreprises de moins de deux cents salariés, le refus est possible tandis que dans celles de plus de deux cents, il n'y a pas de possibilité de refus mais seulement de report. La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure en ce sens (amendement n° 100).

c) L'article L. 122-32-16-3 prévoit que le salarié bénéficiant d'un temps partiel ne peut exiger de revenir à temps plein avant le terme fixé par l'avenant.

Cette disposition vise à permettre à l'employeur de mieux gérer l'organisation de son entreprise. De ce point de vue, on peut s'interroger sur la possibilité d'ouvrir à son profit un nouveau cas de recours au contrat à durée déterminée pour compenser la réduction du temps de travail du salarié créateur. Il convient, pour lever toute ambiguïté, de préciser que le salarié ne peut invoquer les règles de droit commun applicables aux salariés à temps partiel prévues au premier alinéa de l'article L. 212-4-9 du code du travail. La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure en ce sens (amendement n° 101). On notera que si l'employeur n'est pas tenu d'accéder à la demande du salarié en vertu de cet article, il peut en revanche décider de le faire.

La Commission a également adopté un amendement de votre rapporteure complétant cet article par les dispositions supprimées au dernier alinéa de l'article L. 122-32-16-1 afin de traiter de façon cohérente l'ensemble des dispositions régissant le retour à temps plein (amendement n° 102).

Elle a en revanche rejeté un amendement de M. Michel Vergnier permettant au salarié à temps partiel pour création d'entreprise de refuser la modification de la répartition de ses horaires de travail incompatible avec son activité de créateur.

4. Dispositions diverses

Le paragraphe III vise, en dépit de références erronées, à ajouter dans l'article L. 122-32-26 du code du travail les articles nouveaux relatifs au temps partiel (articles L. 122-32-16-1 à L. 122-32-16-3) à ceux dont l'inobservation par l'employeur donne déjà lieu au versement de dommages et intérêts au salarié concerné (article L. 122-32-16 relatif au congé pour la création d'entreprise et article L. 122-32-21 relatif au congé sabbatique).

Il est à noter que cette disposition vise actuellement à faire respecter l'obligation de permettre au salarié de revenir dans son emploi antérieur (ou un emploi similaire dans le cas des deux congés) et de percevoir une rémunération au moins équivalente à celle précédant le départ en congé. Dès lors, si l'inclusion dans cet article de la référence à l'article L. 122-32-16-1, notamment à son dernier alinéa, est justifiée, celle des deux autres articles semble inopportune.

L'ajout des mots « s'il y a lieu » à la fin de l'article L. 122-32-26, apporte une précision au texte actuellement en vigueur mais n'en modifie pas la portée : l'inobservation par l'employeur des dispositions visées ne donne pas nécessairement lieu à un licenciement.

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure de rédaction globale du paragraphe III afin de régler les deux problèmes posés par la rédaction actuelle évoqués supra. (amendement n° 103).

Le paragraphe IV comporte une disposition de coordination.

Il ajoute par une modification de l'article L. 122-32-28 les demandes de passage (ou leur prolongation) à temps partiel pour la création d'entreprise ainsi que les suites qui leur ont été données aux informations transmises semestriellement au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel.

Le paragraphe V étend la possibilité de recourir au compte épargne-temps pour indemniser les périodes de travail à temps partiel au cas du temps partiel pour la création d'entreprise créé par l'article L. 122-32-12 du code du travail issu de l'article 9 (paragraphe I) du présent projet de loi.

La rédaction opérée à la troisième phrase du neuvième alinéa vise en fait simplement à ajouter la référence à cet article L. 122-32-12 à celles existantes qui concernent le passage à temps partiel suivant le congé maternité ou d'adoption (article L. 122-28-1), la maladie, l'accident ou le handicap d'un enfant (article L. 122-28-9) et le passage d'un poste à temps plein à un autre poste à temps partiel (article L.  212-4-9).

Il s'agit ainsi de permettre au salarié créateur de faire valoir les droits accumulés dans le compte épargne-temps pour compléter ses revenus dans la période de travail à temps partiel.

La Commission a examiné un amendement de Mme Arlette Grosskost restreignant aux salariés des entreprises de plus de cinquante salariés le droit au congé ou au passage à temps partiel pour la création d'entreprise.

Votre rapporteure ayant objecté que cet amendement s'inscrirait en retrait par rapport au droit actuellement en vigueur et ne tenait pas compte du fait que les entreprises de moins de cinquante salariés pouvaient être un foyer de création comme en témoigne le secteur de l'informatique, l'amendement a été retiré.

La Commission a examiné un amendement de M. Michel Vergnier visant à inclure la formation des salariés créateurs d'entreprise dans la négociation de branche obligatoire relative à la formation.

Votre rapporteure a rappelé que cette négociation comprenait déjà douze thèmes et qu'il vaudrait mieux laisser aux partenaires sociaux le soin de se saisir volontairement du sujet.

La Commission a rejeté l'amendement.

La Commission a examiné un amendement de M. François Sauvadet visant à étendre aux agents publics le droit ouvert par le présent article de passer à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise.

Votre rapporteure a souligné que l'amendement n'était pas applicable compte tenu des dispositions figurant dans le statut général de la fonction publique et dans le décret-loi de 1936 sur le cumul de rémunérations. Par ailleurs, il faudrait prévoir un régime d'incompatibilités : un fonctionnaire qui exerce des fonctions de contrôle sur les entreprises d'un secteur peut-il sans risque créer une entreprise dans ce même secteur ? Peut-on par ailleurs renoncer ainsi à l'idée qu'un fonctionnaire doit se consacrer pleinement au service public ? Enfin, ne faudrait-il pas consulter les organisations syndicales concernées ?

M. Charles de Courson a objecté que les dispositions du décret-loi ne sont pas appliquées, qu'il suffirait de modifier les textes concernés et que la Commission de déontologie pourrait statuer sur les éventuelles incompatibilités. Par ailleurs, force est de constater que les fonctionnaires, de fait, travaillent de plus en plus souvent à temps partiel.

La Commission a adopté l'amendement (amendement n° 104).

Mme Chantal Brunel est intervenue pour déplorer que ses amendements à l'article 7 et au présent article aient été rejetés par la Commission, considérant que, s'il faut aider la création d'entreprises, il faut aussi éviter que celle-ci se fasse au détriment des entreprises existantes.

Le président Hervé Novelli a rappelé que ces amendements avaient fait l'objet d'un débat.

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Michel Fourgous prévoyant la prolongation de la période transitoire relative au seuil de déclenchement de l'imputation des heures supplémentaires sur le contingent.

Votre rapporteure a formulé les remarques suivantes :

- en matière d'heures supplémentaires, le Gouvernement a avancé sur les deux points essentiels, la majoration des heures supplémentaires et le niveau du contingent ;

- l'amendement proposé ne ferait que prolonger la période transitoire ; il faut justement donner aux entreprises la sécurité juridique dont elles ont besoin en sortant des dispositifs transitoires ;

- si l'on veut recourir davantage aux heures supplémentaires, il ne faut pas légiférer de nouveau mais laisser au dialogue social le soin d'exploiter les assouplissements existants.

La Commission a rejeté l'amendement.

Elle a ensuite adopté l'article 9 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 9

(article L. 122-1-1 du code du travail) 

Extension des cas de recours au contrat à durée déterminée
au remplacement d'un salarié en temps partiel pour création d'entreprise

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure créant un nouveau cas de recours au contrat à durée déterminée de façon à permettre le remplacement d'un salarié passé à temps partiel pour créer une entreprise (amendement n° 105).

Article 10

(articles L. 127-1 à L. 127-7 [nouveaux] du code du commerce)

Contrat d'accompagnement à la création d'une activité économique

Cet article vise, par la création au sein du code de commerce d'un chapitre VII dans le titre II du livre Ier comprenant sept articles (L. 127-1 à L.127-7), à favoriser la pratique des couveuses d'entreprises ou d'activités.

Article L. 127-1 nouveau du code de commerce

Cet article crée un nouveau contrat destiné à fournir un cadre juridique précis aux entreprises hébergeant des porteurs de projets de création d'entreprises.

Il est conclu entre, d'une part, une personne morale, l'entreprise accompagnante, et  d'autre part :

- soit une personne physique « non salariée à temps complet » ; il peut s'agir d'un salarié à temps partiel de l'entreprise ou extérieur à l'entreprise, d'un demandeur d'emploi ou encore d'un bénéficiaire de minimum social ;

- soit un dirigeant associé unique d'une personne morale.

Ce contrat crée pour l'entreprise accompagnante une obligation de fournir par tous moyens (on peut penser par exemple à la mise à la disposition d'un local, de moyens informatiques, de moyens financiers) une aide à son co-contractant dans le but de créer et gérer une activité économique.

Celui-ci a, quant à lui, pour obligation de suivre un programme de préparation à cet effet. On peut imaginer qu'il comportera notamment des obligations de formation.

Article L. 127-2 nouveau du code de commerce

Cet article fixe les modalités de conclusion et le contenu du contrat d'accompagnement.

1. Modalités de conclusion

Le contrat d'accompagnement doit être écrit sous peine de nullité.

La durée totale ne peut excéder trente-six mois sous forme d'une période maximale de douze mois renouvelable deux fois.

Le présent article ne prévoit aucune disposition quant aux conditions de résolution du contrat laissées à la discrétion des parties.

2. Contenu

Si la définition précise du contrat par la détermination des « modalités du programme d'accompagnement et de l'engagement respectif des parties » est renvoyée à l'accord de celles-ci, le présent article prévoit cependant dans quelles conditions la personne bénéficiaire de l'accompagnement peut prendre des engagements à l'égard de tiers. Cette précision se justifie dès lors que l'article L. 127-4 nouveau crée une solidarité de la personne accompagnante vis-à-vis des engagements souscrits par le bénéficiaire du contrat d'accompagnement.

Article L. 127-3 nouveau du code de commerce

Cet article précise la nature des liens créés pour l'entreprise accompagnante par, d'une part la relation avec la personne bénéficiaire, d'autre part les activités mises en œuvre dans le cadre du contrat.

Le second alinéa de l'article prévoit l'inscription dans les comptes de l'entreprise des frais engagés dans le cadre du contrat d'accompagnement. Doit également être inscrite dans le bilan la « contrepartie éventuelle des frais engagés par l'employeur » : on peut penser à la fois au produit de l'activité économique débutant en cours de contrat mais aussi aux aides éventuellement accordées à l'entreprise accompagnante sur le fondement de l'article 11 du présent projet.

Le lien comptable ne doit cependant pas être conçu comme une confusion entre les activités de l'entreprise accompagnante et de la personne bénéficiaire comme en attestent à la fois les dispositions de l'article L 127-4 nouveau du code de commerce (cf. infra) et la précision apportée au premier alinéa du présent article.

En vertu de celui-ci, les engagements souscrits par l'entreprise accompagnante n'emportent pas par eux-mêmes un lien de subordination de la personne bénéficiaire. Il s'agit d'éviter que le contrat d'accompagnement soit requalifié par le juge en contrat de travail, avec les conséquences que cela comporterait tant sur la nature de la relation les unissant - la personne bénéficiaire deviendrait un salarié de l'entreprise accompagnante - que sur les engagements souscrits par le bénéficiaire.

On mesure le caractère fondamental de cette précision à la lumière des critères constitutifs du contrat de travail dégagés par une jurisprudence constante.

Il convient d'abord de rappeler que la volonté des parties ne saurait suffire à soustraire un salarié au statut initial découlant des conditions d'accomplissement de sa tâche ; en l'occurrence, la seule existence du contrat d'accompagnement ne suffit pas à exclure l'existence d'un contrat de travail au profit du bénéficiaire, en particulier en l'absence d'une présomption de non-salariat.

Dès lors, un examen des critères constitutifs du contrat de travail est nécessaire. Il y a contrat lorsqu'il existe une relation contractuelle dont l'accomplissement effectif place en réalité la personne exécutant le travail dans un état de subordination vis-à-vis de son co-contractant. Cet état de subordination est généralement caractérisé par la capacité pour un employeur de donner des ordres, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements. L'accomplissement de la tâche par une personne intégrée dans un service organisé par l'employeur constitue souvent aux yeux du juge un élément déterminant dans l'appréciation du lien de subordination.

En conséquence, la précision apportée par le texte est essentielle : l'existence d'un éventuel lien de subordination ne peut être déduite de la seule intégration de l'activité de personne bénéficiaire du contrat d'accompagnement dans l'entreprise accompagnante.

On peut toutefois s'interroger sur son caractère suffisant. N'expose-t-on pas l'accompagnateur au risque excessif de requalification de la relation en contrat de travail ? Votre rapporteure a souligné que les garanties prévues, déjà insuffisantes, perdaient en outre tout intérêt avec l'amendement prévu après l'article 12 rétablissant la présomption de non salariat en faveur des travailleurs indépendants.

Aussi, la Commission a-t-elle adopté un amendement de votre rapporteure supprimant l'encadrement prévu par le projet des possibilités de requalification en contrat de travail de l'activité menée dans le cadre d'un contrat d'accompagnement à la création d'entreprise (amendement n° 106).

Article L. 127-4 nouveau du code de commerce

Cet article détermine les obligations incombant à chaque partie au contrat d'accompagnement du fait des engagements souscrits à l'égard de tiers. Dans la rédaction proposée, il tend à instituer une obligation de coresponsabilité des parties jusqu'au terme du contrat.

Le premier alinéa rappelle que l'existence d'un contrat d'accompagnement ne dispense pas le créateur d'entreprise de procéder, dès que l'activité débute, à l'immatriculation de l'entreprise si une telle formalité est requise. Celle-ci est d'importance puisqu'elle détermine le régime de responsabilité applicable aux engagements souscrits à l'égard des tiers visé au second alinéa.

Le second alinéa distingue en effet entre les engagements souscrits avant l'immatriculation et ceux souscrits après celle-ci :

- avant l'immatriculation, les engagements pris à l'égard des tiers sont vis-à-vis de ceux-ci assumés par l'entreprise accompagnante ; sa responsabilité est totale s'agissant des engagements régulièrement consentis par le bénéficiaire en vertu de la dernière phrase du premier alinéa de l'article L 127-2 nouveau du code de commerce ;

- après l'immatriculation, accompagnateur et bénéficiaire sont solidairement responsables des engagements souscrits à compter de celle-ci jusqu'à l'expiration du contrat.

Si les dispositions du premier alinéa n'appellent pas d'observations, il s'agit de donner un contenu au contrat d'accompagnement et de renforcer la position du bénéficiaire par l'appui de l'accompagnant, celles du second alinéa méritent un débat.

L'immatriculation donne une existence juridique à l'activité : s'il est concevable de poursuivre cette activité sous la protection de l'accompagnant, cette « tutelle » doit résulter d'un choix des deux parties. On peut parfaitement comprendre que l'entreprise accompagnante accepte d'assumer les engagements précédant le début de l'activité mais se montre plus réservée quant à ceux suivant celui-ci. L'employeur peut estimer, tout en continuant à apporter son aide matérielle dans le cadre du contrat d'accompagnement, que la nouvelle entreprise est désormais en mesure d'assumer seule les responsabilités découlant des engagements qu'elle souscrit.

En conclusion, la rapporteure estime que l'on ne peut imposer une coresponsabilité obligatoire sous peine de voir les entreprises refuser de prendre le risque de s'engager dans un contrat d'accompagnement. Aussi estime-t-elle nécessaire de confier le choix éventuel de cette coresponsabilité aux parties contractantes.

Un débat s'est engagé sur cette question autour de deux amendements examinés en discussion commune :

- le premier de M. Eric Besson de suppression de la coresponsabilité systématique de l'accompagnateur pour les engagements souscrits par le bénéficiaire d'un contrat d'accompagnement ;

- le second de votre rapporteure tendant à substituer à la coresponsabilité systématique une faculté pour les parties de définir dans le contrat les modalités d'une éventuelle coresponsabilité.

M. Charles de Courson a jugé que l'amendement de la rapporteure constituait un progrès au regard du texte initial.

Mme Chantal Brunel s'est opposée au maintien de la notion de coresponsabilité, estimant qu'on ne pouvait demander aux entreprises, particulièrement aux plus petites d'entre elles, d'appliquer une telle disposition. Elle s'et montrée dubitative quant à la valeur des dispositions du contrat d'accompagnement sur ce point, quant à leur capacité à exonérer l'entreprise accompagnante de sa responsabilité.

Votre rapporteure, tout en comprenant la préoccupation exprimée, a rappelé que le but du contrat d'accompagnement était de favoriser l'aide aux salariés créateurs. La faculté ouverte par son amendement relève de cette volonté.

A l'issue de ce débat, la Commission a adopté l'amendement de votre rapporteure (amendement n° 107) et a donc rejeté l'amendement de M. Eric Besson.

Article L. 127-5 nouveau du code de commerce

Cet article a pour objet d'encadrer les conditions de recours au contrat d'accompagnement.

Le premier alinéa interdit le recours au contrat d'accompagnement ayant pour objet - caractère volontaire - ou pour effet - caractère involontaire - l'atteinte aux dispositions du code du travail relatives :

- au marchandage et au prêt de main-d'œuvre illicite (articles L. 125-1 et L. 125-3) ;

- au travail dissimulé (articles L. 324-9 et L. 324-10).

Il s'agit par là d'éviter par exemple qu'une entreprise ne prête l'un de ses salariés à une entreprise partenaire pour l'exercice par celle-ci de son activité sous forme d'un contrat d'accompagnement. Il n'est pas question non plus de permettre par ce biais aux entreprises de s'affranchir des obligations qui leur incombent du fait de l'emploi d'un salarié (déclarations, paiement des cotisations et contributions).

C'est également dans le but d'éviter l'apparition de ces faux indépendants que le second alinéa dispose que les activités de l'entreprise et de l'accompagnateur doivent être clairement distinguées et autonomes. Il s'agit en outre d'assurer la transparence des comptes.

Article L. 127-6 nouveau du code de commerce

Le présent article a pour objet dans son premier alinéa de préciser la situation professionnelle et sociale des bénéficiaires du contrat d'accompagnement et renvoie pour ce faire aux dispositions des articles L. 783-1 et L. 783-2 du code du travail issus de la rédaction opérée par le paragraphe II de l'article 11 du présent projet de loi (cf. infra le commentaire de ces dispositions).

Il prévoit en outre, par son second alinéa que l'accompagnateur est responsable à l'égard des tiers des dommages causés à l'occasion du programme d'accompagnement. A l'instar de ce qui est fait au second alinéa de l'article L. 127-4 du code de commerce, votre rapporteure a estimé qu'il serait opportun de distinguer entre le régime de responsabilité applicable avant l'immatriculation de la nouvelle entreprise et celui applicable après cette formalité.

La Commission a donc examiné un amendement de votre rapporteure tendant à substituer à la coresponsabilité systématique de l'accompagnant et du bénéficiaire à l'égard des dommages causés aux tiers, une faculté pour les parties de définir dans le contrat d'accompagnement les modalités d'une éventuelle coresponsabilité.

Mme Chantal Brunel s'y est déclarée défavorable estimant que les entreprises accompagnantes devaient être dégagées de toute responsabilité et qu'il fallait protéger les entreprises existantes.

M. Charles de Courson a souligné que tel était le sens de l'amendement proposé.

La Commission a adopté l'amendement (amendement n° 108).

Article L. 127-7 nouveau du code de commerce

Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat les modalités d'application du chapitre « contrat d'accompagnement à la création d'entreprise » et notamment les modalités de publicité afférentes à ces contrats.

La Commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Article 11

(articles L. 322-8, L. 783-1 et L. 783-2 du code du travail ;
articles L. 311-3 et L. 412-8 du code de la sécurité sociale)

Soutien au contrat d'accompagnement à la création d'entreprise
et droits sociaux des bénéficiaires de ce contrat

Cet article a deux objets distincts : le premier est d'autoriser l'octroi d'aides publiques pour soutenir l'exécution d'un contrat d'accompagnement à la création d'entreprise (paragraphe I) ; le second est d'octroyer aux bénéficiaires de tels contrats une protection notamment contre le risque de chômage (paragraphe II), les risques couverts par les assurances sociales (paragraphes II et III) ainsi que contre les accidents du travail (paragraphes II et IV).

Le paragraphe I, en créant une section 2 bis au sein du chapitre II du titre II du livre III du code du travail comprenant un article unique L. 322-8, prévoit la possibilité pour l'Etat et les collectivités publiques (i. e. notamment les collectivités territoriales et les structures intercommunales) de verser des aides à l'appui des contrats d'accompagnement à la création d'entreprise conclus sur le fondement de l'article L. 127-1 du code du commerce. Les bénéficiaires de ces aides ne sont pas précisés : s'il semble évident qu'elles bénéficieront aux entreprises accompagnantes en contrepartie des engagements pris, on peut s'interroger sur la possibilité d'en accorder directement aux bénéficiaires de ces contrats. Les conditions d'application de cet article seront précisées par décret en Conseil d'Etat.

Le paragraphe II opère une nouvelle rédaction du chapitre III du titre VIII du livre VII du code du travail - jusqu'à présent consacré aux Halles centrales de Paris ! - désormais consacré à la situation des bénéficiaires du contrat d'accompagnement à la création économique. Ce chapitre modifié comprend deux articles nouveaux ; les articles L. 783-1 et L. 783-2.

L'article L. 783-1 ouvre pour la personne physique signataire d'un contrat d'accompagnement - non salariée à temps complet ou dirigeant associé unique d'une personne morale - certains droits :

- application des dispositions du titre III du livre II du code du travail relatif à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail ;

- application des dispositions du titre IV du livre II du code du travail relatif aux services de santé au travail ;

- application des dispositions du titre V du livre III du même code relatives aux travailleurs privés d'emploi, ce qui se traduit notamment par leur affiliation obligatoire à l'assurance-chômage et un droit à indemnisation du risque chômage ;

- application des dispositions des articles L. 311-3 et L. 412-8 du code de la sécurité sociale issus de la rédaction prévue aux paragraphes III et IV du présent article.

L'ensemble des charges qui relèvent ordinairement de l'employeur (cotisations patronales d'assurance-maladie et d'assurance vieillesse, cotisations d'accidents du travail, contributions à l'assurance chômage) découlant de cette protection sociale des bénéficiaires incombe à la personne morale accompagnatrice signataire du contrat d'accompagnement.

En vertu de l'article L. 783-2 rédigé par le présent article, les modalités d'application de l'article L. 783-1 sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

Le paragraphe III prévoit, par la modification de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, l'affiliation obligatoire des bénéficiaires de contrats d'accompagnement aux assurances sociales du régime général, les prémunissant contre les risques ou charges de maladie, d'invalidité, de vieillesse, de décès, de veuvage, de maternité ainsi que de paternité.

Le paragraphe IV prévoit par la modification de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, dans des conditions fixées par décret, la couverture obligatoire des bénéficiaires de contrats d'accompagnement contre les accidents du travail.

La Commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article additionnel après l'article 11

Portage salarial

La Commission a adopté un amendement de M. Nicolas Forissier visant à donner une assise juridique au portage salarial, précisant notamment qu'il ne peut couvrir des pratiques de marchandage ou de prêt illicite de main d'œuvre (amendement n° 23).

Article 12

(article L. 612-4 du code de la sécurité sociale)

Cotisations sociales applicables aux entrepreneurs
exerçant une activité occasionnelle

Cet article vise à permettre, par la modification de l'article L. 612-4 du code de la sécurité sociale, un calcul prorata temporis des cotisations d'assurance maladie et maternité des entrepreneurs non agricoles exerçant une activité indépendante occasionnelle.

1. La situation actuelle

En application de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale qui prévoit que les cotisations applicables aux travailleurs non salariés non agricoles sont assises sur le revenu professionnel annuel non salarié, ou le cas échéant, sur des revenus forfaitaires annuels, l'article L. 612-4 du même code, dans son premier alinéa, prévoit qu'elles sont « dans la limite d'un plafond » calculées « dans des conditions fixées par décret ».

Ces dispositions réglementaires, prévues à la section II du chapitre II du titre Ier du livre VI du code de la sécurité sociale, en particulier à l'article D. 612-5, prévoient que la cotisation annuelle minimale ne peut être, indépendamment du revenu issu de l'activité indépendante, inférieure à celle qui serait applicable à un revenu équivalent à 40 % du plafond de la sécurité sociale (11 290 euros). Cela signifie que, quelle que soit son activité réelle, un entrepreneur doit acquitter une cotisation annuelle qui ne peut être inférieure à 734 euros.

Légitime pour une activité s'exerçant pour l'ensemble de l'année, cette cotisation minimale présente dans le cas des entrepreneurs occasionnels un double inconvénient :

- elle est inéquitable au regard des charges pesant sur les autres travailleurs indépendants et crée ainsi des distorsions de concurrence ;

- elle constitue une incitation pour les entrepreneurs occasionnels à dissimuler une activité réduite mais assujettie à un prélèvement portant sur une activité considérée comme annuelle.

2. La modification proposée

Il est donc proposé par le présent article de permettre le calcul de cette cotisation minimale des entrepreneurs occasionnels prorata temporis.

On rappellera qu'une telle faculté existe déjà en vertu du cinquième alinéa de l'article L. 612-4 pour les entrepreneurs exerçant plusieurs activités non salariées donnant lieu à affiliation à plusieurs régimes obligatoires d'assurance maladie lorsque l'activité non salariée non agricole est la principale.

L'extension de cette proratisation aux travailleurs indépendants dont l'activité occasionnelle est la seule exercée dans l'année concerne environ 10 000 entreprises. Sur la base d'une activité équivalente à un trimestre et de l'hypothèse que les revenus n'excèdent pas le plafond de la sécurité sociale, l'économie serait de 230 euros par cotisant. Le coût théorique de la mesure serait donc de 5,2 millions d'euros, coût à nuancer par l'augmentation de l'activité déclarée induite par la mesure.

Cette proratisation est encadrée par trois dispositions :

- la proratisation ne porte que sur la cotisation assise sur un revenu forfaitaire ;

- le nombre de jours d'activité par année civile ne pourra excéder un seuil fixé par décret ;

- la cotisation annuelle ainsi proratisée ne pourra pas être inférieure à un montant fixé par décret.

On soulignera enfin qu'une mesure comparable ne semble pas se justifier pour les cotisations d'allocations familiales, en raison des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 242-11 du code de la sécurité sociale (dispense de versement en deçà d'un certain revenu) et pour les cotisations d'assurance vieillesse (compte tenu de dispositions spécifiques telles celles prévues à l'article L. 633-10 qui prévoient que la cotisation minimale est assise sur un revenu équivalent à deux cents fois le SMIC horaire).

La Commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article additionnel après l'article 12

(articles L. 120-3 et L. 120-3-1 [nouveaux] du code du travail)

Présomption de non salariat

La Commission a examiné en discussion commune deux amendements de votre rapporteure et de M. Alain Madelin, visant à rétablir la présomption de non salariat au profit des travailleurs indépendants.

Votre rapporteure a rappelé que la suppression par la loi « Aubry II » de cette présomption, créée par la loi « Madelin » de 1994, avait conduit de façon fréquente le juge à requalifier la relation contractuelle entre une entreprise et un travailleur indépendant en contrat de travail. Les conséquences induites par cette jurisprudence militent pour un rétablissement de la présomption de non salariat qui offre aux deux parties la sécurité juridique dont elles ont besoin.

La Commission a adopté l'amendement de votre rapporteure (amendement n° 24). En conséquence, l'amendement de M. Alain Madelin est devenu sans objet.

Après l'article 12

La Commission a examiné un amendement de M. Michel Vergnier visant à consolider le statut du conjoint collaborateur.

Votre rapporteure a rappelé que cette question serait traitée dans le projet de loi déposé au second semestre 2003, délai nécessaire, en particulier pour traiter de la question de la couverture vieillesse des conjoints collaborateurs.

La Commission a rejeté l'amendement.

TITRE III

FINANCEMENT DE L'INITIATIVE ÉCONOMIQUE

Article 17

(article L. 313-3 du code de la consommation

article L. 313-4 du code monétaire et financier

articles L. 313-5-1 et L. 313-5-2 (nouveaux) du code monétaire et financier)

Relèvement du taux de l'usure applicable aux entreprises

L'objet de l'article 17 est d'établir des règles différentes de calcul du taux d'usure selon qu'il s'agit de prêts aux particuliers ou de prêts aux entreprises, tous deux régis jusqu'à présent par les articles L. 313-3 à L. 313-6 du code de la consommation.

L'article 17 exclut les entreprises du champ d'application de ces articles dans un paragraphe I. Le paragraphe II définit le taux d'usure pour les prêts aux personnes morales en créant deux nouveaux articles L. 313-5-1 et L. 313-5-2 dans le code monétaire et financier.

Le paragraphe I de l'article 17 exclut les entreprises du champ d'application des dispositions du code de la consommation relatives à l'usure.

L'article 17 du projet de loi ajoute un alinéa à l'article L. 313-3 du code de la consommation, dont l'objet est de soustraire l'ensemble des prêts aux entreprises du champ d'application des articles du code de la consommation relatifs au taux de l'usure.

Les dispositions actuellement en vigueur définissent le taux de l'usure, indistinctement pour les personnes morales et pour les personnes physiques, comme un taux effectif global excédant de plus du tiers le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour les opérations de même nature comportant des risques analogues.

Il s'applique aux prêts conventionnels, c'est-à-dire aux prêts d'argent à intérêt consentis par des particuliers, par des banques et des établissements financiers. La jurisprudence a étendu la notion de prêt conventionnel à l'escompte, opération par laquelle le client endosse un effet de commerce au profit de son banquier qui en paie immédiatement le montant diminué des intérêts, aux découverts en compte, aux contrats d'affacturage et aux avances consenties au porteur d'une carte de crédit.

Dans l'article L. 313-1 du code de la consommation, le taux effectif global est défini comme le taux prenant en compte le maximum d'éléments mis à la charge de l'emprunteur, et formant un tout avec l'acte de prêt, à savoir les intérêts augmentés des frais, des commissions et des rémunérations de toutes natures. Ce taux fait l'objet d'une obligation de mention dans tout contrat de prêt, conformément à l'article L. 313-2 du code de la consommation.

Les taux effectifs moyens sont calculés chaque trimestre civil par la Banque de France, après collecte auprès d'un large échantillon d'établissements de crédit des taux pratiqués pour 11 catégories de prêts aux particuliers et aux entreprises. Ces taux, augmentés d'un tiers, constituent donc les seuils de l'usure correspondants qui sont ensuite publiés sous la forme d'un avis au Journal Officiel à la fin de chaque trimestre pour le trimestre suivant.

La notion d'opération de même nature comportant des risques analogues mentionnée à l'article L. 313-3 du code de la consommation a été précisée par l'arrêté du 25 juin 1990 ; le tableau suivant retranscrit ces différentes catégories de prêts, avec les taux effectifs moyens et les taux d'usure qui y sont actuellement associés.

TAUX DE L'USURE PAR CATEGORIE DE PRÊT
APPLICABLE AU 1ER JANVIER 2003

Catégorie de prêt

Taux effectif pratiqué au quatrième trimestre 2002 par les établissements de crédit

Seuil de l'usure applicable à compter du 1er janvier 2003(1)

Prêts immobiliers aux particuliers

Prêts à taux fixe

5,95%

7,93%

Prêts à taux variable

5,54%

7,39%

Prêts relais

5,97%

7,96

Prêts aux particuliers sous la forme de crédits de trésorerie

Prêt d'un montant inférieur ou égal à 1524 euros

16,56%

22,08%

Découverts en compte, prêts permanents et financements d'achats ou de ventes à tempérament d'un montant supérieur à 1524 euros

13,23%

17,64%

Prêts personnels et autres prêts d'un montant supérieur à 1524 euros

8,10%

10,80%

Prêts aux entreprises

Prêts consentis en vue d'achats ou de vente à tempérament

7,28%

9,71%

Prêts d'une durée initiale supérieure à deux ans, à taux variable

5,64%

7,52%

Prêts d'une durée initiale supérieure à deux ans, à taux fixe

6,14%

8,19%

Découverts en compte

8,84%

11,79%

Autres prêts d'une durée initiale inférieure ou égale à deux ans

7,50%

10,00%

(1) Avis pour le 1er trimestre 2003 publié au J.O. des 25-26 décembre 2002.

Si le mode de calcul du taux effectif moyen applicable aux catégories d'opérations de même nature comportant des risques analogues reste applicable aux entreprises dans le nouveau dispositif, le mode de détermination du taux de l'usure tel que défini à l'article L. 313-3 du code de la consommation ne le demeure que pour les prêts aux particuliers.

Cette modification doit permettre de résoudre les problèmes engendrés par la codification du code de la consommation par la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993. Dans son article 4, cette loi a abrogé les articles 1 à 7 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l'usure, aux prêts d'argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité. Les articles abrogés précisaient la notion de taux effectif global, imposaient la mention de celui-ci dans tout contrat de prêt et prévoyaient la définition et la sanction du délit d'usure. Le contenu de ces textes a été transposé, à droit constant, dans le code de la consommation.

Le transfert de ces articles dans un code régissant les relations entre professionnels et non professionnels a été source d'un important contentieux, dans la mesure où certains justiciables soutenaient que le délit d'usure et l'obligation de mention du taux effectif global ne concernaient plus les emprunteurs professionnels.

Dans son rapport annuel pour 1999, la Cour de cassation a émis le souhait qu'un article soit introduit dans l'ordonnance de codification alors en cours de préparation, afin que les dispositions relatives à l'usure soient aussi introduites dans le code monétaire et financier. L'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 relative à la partie législative du code monétaire et financier a donc introduit, dans le nouveau code, un article L. 313-5 renvoyant à l'article L. 313-3 du code de la consommation pour la définition du taux de l'usure, précisant ainsi que ce dernier était également applicable aux entreprises.

L'article 17 du présent projet a donc pour objet de clarifier définitivement la situation, en excluant les prêts aux entreprises des dispositions du code de la consommation relatives à l'usure, pour les placer exclusivement dans le champ d'application du code monétaire et financier. Il rend ainsi inapplicable aux entreprises dotées de la personnalité morale le mode de détermination du taux de l'usure tel que défini à l'article L. 313-3 du code de la consommation, mais également la sanction pénale prévue à l'article L. 313-5 du code de la consommation pour les personnes consentant un prêt à taux usuraire. Cet article prévoit une peine de deux ans d'emprisonnement et une amende de 45 000 euros, avec éventuellement des mesures complémentaires comme la fermeture de l'entreprise et la publication de la décision.

Le paragraphe II de l'article 17 assouplit les règles relatives à l'usure pour les entreprises.

La deuxième partie de l'article 17 instaure un mode de calcul du taux de l'usure différent de celui actuellement en vigueur dans le code de la consommation, puisqu'on l'obtiendra en additionnant le taux de 15 % et le taux effectif moyen, alors qu'on le calcule actuellement en augmentant le taux effectif moyen du tiers.

Le a) du paragraphe II modifie l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, en adjoignant une référence à l'article L. 313-2 du code de la consommation, relatif à l'obligation de mention du taux effectif global dans tout contrat de prêt et à l'amende de 4500 euros prévue en cas d'infraction, à la référence à l'article L. 313-1 du code de la consommation, précisant les modalités de détermination du taux effectif global.

Le nouveau dispositif applicable en matière d'usure pour les prêts aux entreprises fait l'objet des articles L. 313-5-1 et L. 313-5-2 introduits dans le code monétaire et financier par le b) du paragraphe II de l'article 17.

Il s'applique à toute personne morale exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale. Le champ d'application de la mesure est donc plus large que celui des seules entreprises, mentionné dans l'exposé des motifs : il comprend en effet les personnes morales de droit privé et les personnes morales de droit public (en particulier les entreprises publiques et les associations). Les fonds communs de placement et les fonds commun de créance, dénués de personnalité morale, sont exclus du champ d'application de la mesure, de même que les entrepreneurs individuels.

Le critère relatif à l'activité de la personne morale retenu dans l'article L. 313-5-1 est le plus large possible, puisqu'il englobe toutes les activités à caractère économique. Les personnes publiques exerçant des activités d'intérêt général sont donc exclues du champ de cet article.

Pour toutes ces personnes morales, le taux de l'usure est considérablement relevé. Le tableau suivant permet de comparer le taux de l'usure actuellement en vigueur, et celui qui serait applicable dans le nouveau dispositif avec les mêmes taux effectifs moyens.

COMPARAISON DES TAUX DE L'USURE EN VIGUEUR
AVEC CEUX PREVUS PAR LE PROJET DE LOI

Catégorie de prêt aux entreprises

Taux effectif moyen au 4ème trimestre 2002

Taux de l'usure applicable au 1er janvier 2003

Taux de l'usure projeté avec le nouveau dispositif

Prêts consentis en vue d'achats ou de ventes à tempérament

7,28%

9,71%

22,28%

Prêts d'une durée initiale supérieure à deux ans, à taux variable

5,64%

7,52%

20,64%

Prêts d'une durée initiale supérieure à deux ans, à taux fixe

6,14%

8,19%

21,14%

Découverts en compte

8,84%

11,79%

23,84%

Autres prêts d'une durée initiale inférieure ou égale à deux ans

7,50%

10,00%

22,5%

Enfin, l'article L. 313-5-2 précise les conséquences juridiques d'un prêt contracté par une entreprise à taux usuraire. Dans le dispositif en vigueur tel que fixé par l'article L. 313-5 du code de la consommation, le prêteur est passible d'une amende de 45 000 euros et de deux ans d'emprisonnement ou de l'une de ces deux peines seulement. Par ailleurs, le tribunal peut ordonner la publication intégrale ou par extraits de sa décision dans un journal de son choix, ainsi que la fermeture provisoire ou définitive de l'entreprise. D'autre part, la personne ayant contracté un prêt à taux usuraire bénéficie du droit de voir ses échéances futures diminuées des sommes indûment perçues, conformément à l'article L. 313-4 du code de la consommation. Si le prêt a été intégralement remboursé, ces sommes doivent être restituées augmentées des intérêts légaux.

Le dispositif qui sera applicable aux termes du nouvel article L. 313-5-2 ne retient que le droit de la personne morale ayant contracté un prêt à taux usuraire de récupérer les sommes indûment perçues par le prêteur, soit sous la forme d'une diminution des échéances futures, soit par restitution de ces sommes dans le cas où la créance est déjà éteinte.

Les dispositions de l'article 17 suscitent des appréciations opposées. Les partisans de ce relèvement estiment qu'il permettra aux entreprises en création qui ont peu de fonds propres et peu de garanties à offrir en contrepartie d'un emprunt, d'obtenir les fonds nécessaires à leur activité, tout en assurant aux banques prêteuses la juste rémunération de leur prise de risque.

Relever le taux de l'usure serait paradoxalement le moyen de faciliter l'accès au crédit pour les petites entreprises. Il est vrai qu'un taux d'intérêt élevé n'est pas nécessairement dissuasif lorsque l'emprunt est contracté pour une échéance courte, et qu'il est vital d'obtenir un minimum de fonds propres pour amorcer l'activité de l'entreprise. La fédération des banques françaises a également fait valoir que la possibilité pour une banque de prêter à des taux plus élevés pouvait également permettre à une entreprise victime d'une difficulté passagère d'obtenir les crédits nécessaires pour passer un cap difficile. Une étude de la Commission européenne a montré récemment que seulement 29 % des créateurs déclarent avoir bénéficié d'un financement bancaire au démarrage ; or, l'on sait par ailleurs que les entreprises bénéficiant d'un prêt bancaire ont un taux de survie à 5 ans de 59 % contre 33,4 % seulement pour celles qui n'en ont pas bénéficié.

Du côté des établissements de crédit, le taux d'intérêt consenti doit représenter la rémunération du risque qu'ils prennent en mettant cette somme à disposition de l'entrepreneur, compte tenu notamment de son risque de défaillance. Or, les nouvelles entreprises déposent actuellement le bilan avant cinq ans dans 17 % des cas. Il est par ailleurs très difficile pour le prêteur d'obtenir des informations sur la fiabilité de l'emprunteur. Pour ces deux raisons, le taux d'intérêt correspondant à la prise de risque de l'établissement prêteur peut se situer, pour des raisons simplement économiques, au dessus du taux actuel de l'usure. Par conséquent, cette mesure est très attendue par les établissements de crédit, qui considèrent que la concurrence existant entre les banques est suffisante pour éviter toute dérive des taux.

L'augmentation du taux de l'usure pour les entreprises permettrait par ailleurs à la France de se rapprocher des pratiques de la majorité des pays de l'OCDE, dans lesquels il est rarement fixé par la loi, mais par des règles jurisprudentielles définies par le juge en fonction de la situation de l'emprunteur. Cette solution permet de protéger les entreprises en difficulté qui sont dans une situation de faiblesse par rapport à l'établissement de crédit.

COMPARAISON INTERNATIONALE DES TAUX DE L'USURE
AUX ENTREPRISES

Aux Etats-Unis et au Canada, il n'existe pas de taux de l'usure.

En Italie, un taux est usuraire lorsqu'il dépasse de 50 % le taux moyen élaboré par le ministère du Trésor. Néanmoins, un taux même inférieur appliqué à un emprunteur en grave difficulté financière peut être considéré comme usuraire.

En Allemagne, la notion d'usure est jurisprudentielle, puisque le code civil prévoit la nullité des contrats usuraires sans fixer de taux. Le code vise de manière générale l'abus de faiblesse du cocontractant en vue de se procurer un avantage disproportionné par rapport à la prestation. La jurisprudence fixe donc une double limite : est usuraire un prêt dont le taux effectif annuel est supérieur à deux fois le taux usuellement pratiqué sur le marché, ou qui excède de 12 points le taux usuellement pratiqué sur le marché.

Au Royaume-Uni, la législation interdit les « contrats de crédit exorbitants ». Le contrôle est effectué par les tribunaux avec une large marge d'interprétation, puisqu'elle tient compte de l'âge et de la situation de l'emprunteur.

En Espagne, la loi du 23 juillet 1908 prévoit la nullité de tout contrat dont l'intérêt est « notablement supérieur au taux normal de l'argent et manifestement disproportionné ». Le juge apprécie donc le caractère excessif de l'intérêt.

En Autriche, le code civil prévoit la nullité des contrats « portant atteinte à une interdiction légale ou aux bonnes mœurs », et en particulier lorsqu'il y a manifestement exploitation de la situation d'un des contractants, ou abus de position dominante. En revanche, il n'existe pas de taux plafond.

Les adversaires de cette mesure, au premier rang desquels les représentants des petites et moyennes entreprises qui ont été auditionnées par la Commission, craignent qu'elle n'ait un effet d'entraînement à la hausse de l'ensemble des crédits offerts aux entreprises. M. François Hurel, quant à lui, se montre relativement sceptique quant à l'utilité du relèvement des taux, dans la mesure où le taux d'intérêt moyen des prêts bancaires à la création d'entreprise est actuellement de 6,79 %, donc de deux points inférieur aux taux de l'usure en vigueur. Il ajoute par ailleurs que les « créateurs d'entreprise qui ne parviennent pas à bénéficier d'un prêt bancaire financent le cas échéant leur projet par le recours à des prêts à la consommation pour lesquels le taux d'usure est supérieur à 18 % ».

Votre rapporteure, comme la plupart des membres de la Commission, a été sensible aux arguments présentés par les adversaires de la mesure concernant les risques de renchérissement du crédit aux entreprises que pourrait entraîner l'article 17.

La Commission spéciale a ainsi été saisie de trois amendements tendant à supprimer l'article 17, déposés par votre rapporteure, par MM. Michel Vergnier et François Sauvadet. M. Charles de Courson s'est interrogé sur la possibilité de supprimer le taux de l'usure pour les entreprises.

La Commission a alors adopté l'amendement (n° 37) de votre rapporteure supprimant l'article 17.

TITRE IV

ACCOMPAGNEMENT SOCIAL DES PROJETS

Avant l'article 18

M. Michel Vergnier a présenté un amendement visant à instituer un comité des activités sociales et culturelles dans les entreprises de moins de 50 salariés, afin de leur permettre de bénéficier d'avantages équivalents à ceux fournis par les comités d'entreprises dans les entreprises de plus de 50 salariés.

Votre rapporteure a affirmé être défavorable à cet amendement dans la mesure où il s'éloigne de l'objet du texte, et tend à rendre complexe le fonctionnement des petites entreprises.

La Commission spéciale a ensuite rejeté cet amendement.

Article 18

(article L. 131-6-1 (nouveau) du code de la sécurité sociale

article L. 243-1-1 (nouveau) du code de la sécurité sociale)

Report et étalement des charges sociales de la première année d'activité

L'article 18 du présent projet ajoute deux articles aux titres III et IV du code de la sécurité sociale, dont l'objet est d'éviter que les entreprises nouvellement créées n'aient à supporter des cotisations sociales alors que leur chiffre d'affaires est souvent encore modeste.

Il est donc prévu de reporter le paiement des charges sociales exigibles au titre de la première année et de les étaler ensuite sur une période de cinq années, afin de ne pas créer un effet couperet à la fin de la première année.

Le paragraphe I de l'article 18 instaure un dispositif de report et d'étalement du paiement des cotisations sociales sur les revenus d'activité des travailleurs non salariés des professions non agricoles.

Le quatrième alinéa de l'article L. 131-6 en vigueur prévoit que les cotisations sont calculées, pour une année normale, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu professionnel de l'avant-dernière année. Elles font ensuite l'objet d'un ajustement provisionnel calculé en pourcentage du revenu professionnel de l'année précédente. Enfin, lorsque le revenu professionnel est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation.

Dans le cas d'une création d'entreprise, le sixième alinéa de l'article L. 131-6 prévoit que les cotisations sont calculées les deux premières années sur des assiettes forfaitaires, et que les acomptes provisionnels sont versés dès la fin du premier trimestre d'activité. Celles-ci, initialement différentes pour les trois catégories de cotisations sociales acquittées par les non-salariés (maladie, allocations familiales et vieillesse), ont été harmonisées par la réforme du 1er juillet 2000.

Les cotisations concernées par ce dispositif sont :

- la cotisation d'assurance maladie-maternité ;

- la cotisation d'assurance vieillesse de base des industriels et des commerçants ;

- la cotisation d'assurance vieillesse de base des artisans ;

- les cotisations personnelles d'allocations familiales, la CSG et la CRDS.

Par conséquent, les cotisations d'invalidité-décès, les cotisations du régime complémentaire obligatoire de retraite des artisans et les cotisations complémentaires facultatives des industriels, des commerçants et des artisans en sont exclues.

L'assiette des cotisations sociales est fixée par référence à celle retenue pour le calcul de la cotisation d'allocations familiales. En début d'activité, la cotisation est calculée, à titre provisionnel, sur la base d'un revenu forfaitaire égal :

- pour la première année civile d'activité, à 18 fois la valeur de la base mensuelle de calcul des prestations familiales en vigueur au 1er octobre de l'année civile précédente ;

- pour la deuxième année civile d'activité, à 27 fois la valeur de base mensuelle de calcul des prestations familiales en vigueur au 1er octobre de l'année civile précédente.

Pour une création en 2003, l'assiette de calcul de la première année est donc de 6 154 euros, et celle de la deuxième année est de 9 230 euros, conformément au décret n° 2001-1241 du 21 décembre 2001.

La base forfaitaire de la première année ne s'applique que la première année civile d'activité, jusqu'au 31 décembre de l'année de début d'activité. Celle de la deuxième année s'applique entre le 1er janvier et le 31 décembre de l'année civile suivante. En cas de début d'activité en cours d'année, la base forfaitaire de la première année d'activité doit être calculée au prorata.

Le créateur d'entreprise a par ailleurs la faculté de demander que ses cotisations soient établies sur des bases provisoires inférieures, à condition qu'il apporte la preuve que son revenu professionnel est moins élevé que les bases forfaitaires fixées par les textes.

Par la suite, les cotisations forfaitaires de début d'activité font l'objet d'une régularisation sur la base du revenu réel du chef d'entreprise lorsque celui-ci est connu. Le chef d'entreprise peut bénéficier d'une dispense des cotisations d'allocations familiales si le revenu réel est inférieur à un certain montant.

Le dispositif de calcul des cotisations sur une assiette forfaitaire permet aujourd'hui un allègement de charges sociales de début d'activité à hauteur de 30 % pour la première année, et de 15 % pour la deuxième année. Par ailleurs, les modalités de versement des cotisations ont fait l'objet d'un aménagement depuis le 1er juillet 2000. Si le chef d'entreprise a la faculté de s'acquitter de ses cotisations selon une périodicité semestrielle, trimestrielle ou mensuelle, la date limite de paiement de la première échéance a été fixée au premier jour du quatrième mois qui suit la décision d'affiliation.

Dans le nouveau dispositif, il est prévu qu'aucune cotisation, qu'elle soit provisionnelle ou définitive, ne sera exigée pendant la première année de l'activité non salariée. Les contributions sociales - CSG et CRDS - ne sont donc pas concernées par le dispositif. Le paiement des cotisations sera, à la demande du travailleur non salarié, étalé sur une période maximale de cinq années. A cet effet, la somme exigible sera fractionnée en parts égales correspondant au nombre d'années sur lesquelles le travailleur aura choisi d'étaler le paiement. La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure tendant à préciser les conditions du remboursement des cotisations dont le paiement a été reporté (amendement n° 40).

Cet étalement ne donne lieu à aucune majoration de retard, ce qui correspond donc à un avantage en trésorerie de 4 000 euros pendant cinq ans au maximum. Le bénéfice de cette mesure ne peut être obtenu que dans le cas d'une création ou d'une reprise d'entreprise, au plus une fois tous les cinq ans. Le dernier alinéa du nouvel article L. 131-6-1 précise par ailleurs que ce nouveau dispositif n'est pas applicable lorsqu'il y a modification des conditions dans lesquelles une entreprise exerce son activité. Cette disposition renvoie à la définition, à la fois réglementaire et jurisprudentielle, de la notion équivoque de « début d'activité non salariée » : en principe, le début d'activité est constitué par l'affiliation à la caisse correspondante. Cependant, certaines situations, bien que constituant une nouvelle activité non salariée, ne sont pas considérées comme un début d'activité. Par exemple, un commerçant indépendant devenant associé unique gérant une SARL, un huissier de justice devenant sans interruption conseiller juridique, n'étaient pas susceptibles de bénéficier d'un calcul de leur cotisations sur la base d'un revenu forfaitaire dans l'ancien dispositif ; il ne pourront pas non plus bénéficier du report et de l'étalement de leurs charges prévu par le présent projet.

La gestion du dispositif sera assurée par les caisses de sécurité sociale des travailleurs non salariés non agricoles, à savoir la CANAM pour l'assurance maladie et maternité, l'ORGANIC pour l'assurance vieillesse, invalidité, et décès des industriels et commerçants, et la CANCAVA pour l'assurance vieillesse, invalidité, et décès des artisans. Le régime des prestations familiales des employeurs et travailleurs indépendants est géré par l'URSSAF qui recouvre les cotisations des travailleurs non salariés non agricoles. Cette gestion suppose la mise en place d'une chaîne spécifique de calcul et de recouvrement des cotisations des créateurs pendant 5 ans, dont les modalités concrètes ne sont pas encore déterminées.

Le coût de la mesure témoigne de l'implication du Gouvernement puisqu'elle représente une perte de trésorerie estimée à 65 millions d'euros à la charge des caisses des travailleurs non salariés durant la première année d'application. En année pleine, ce coût s'élèvera à 215 millions d'euros, pour diminuer ensuite progressivement du fait du remboursement des avances faites aux premières générations de bénéficiaires. Le dispositif devrait à terme s'autofinancer, à moins que certaines entreprises ne déposent leur bilan sans s'acquitter de leur cotisations. Pendant la mise en place de la mesure, la perte de cotisations en trésorerie devra être compensée chaque année par l'Etat.

Ce nouveau dispositif est donc particulièrement novateur par rapport à l'état antérieur du droit. Désormais, les entrepreneurs pourront consacrer à la fois l'intégralité de leur temps et de leurs fonds au lancement de leur activité. Le rapport au Premier Ministre sur le développement de l'initiative économique et de la création d'entreprise, remis par M. François Hurel le 8 juillet 2002, avait déjà attiré l'attention des pouvoirs publics sur la complexité du calcul des cotisations sociales des chefs d'entreprise non salariés. Selon l'auteur du rapport, ces modalités impliquent, pour les créateurs, une absence de lisibilité du montant prévisionnel de leurs charges et une pénalisation de leur trésorerie en début d'activité.

Cette mesure présente donc un intérêt évident durant la première année d'activité de l'entreprise. Toutefois, elle accroît la complexité du calcul au titre des années suivantes, et mérite donc d'être complétée par un dispositif visant à instaurer un mode de calcul et de paiement des charges sociales proportionnel aux revenus réels des entrepreneurs. Votre rapporteure a donc proposé un amendement permettant de déterminer le montant des cotisations exigibles en appliquant un taux unique, variant selon l'activité exercée, sur une assiette correspondant soit à la rémunération perçue pour les gérants de sociétés diminuée d'un montant forfaitaire représentatif des frais professionnels, soit des recettes encaissées au titre de l'avant-dernier trimestre connu. Ce dispositif est assorti d'un droit d'option, afin d'éviter que cette forfaitisation ne soit imposée aux entreprises dont le revenu est irrégulier. M. Charles de Courson s'est dit très favorable à cet amendement qui répond à une demande forte des entrepreneurs.

La Commission spéciale a adopté cet amendement (amendement n° 41).

Le paragraphe II de l'article 18 prévoit un dispositif de report et d'étalement du paiement des cotisations sociales à destination des dirigeants de société.

Le deuxième paragraphe de l'article 18 prévoit un dispositif analogue à celui du premier paragraphe pour les chefs d'entreprises créées sous forme sociétale, et introduit à cet effet un article L. 243-1-1 dans le code de la sécurité sociale.

Dans le dispositif actuel, l'employeur est tenu de régler, auprès de l'organisme chargé du recouvrement, les cotisations patronales et salariales, le fait générateur de cette obligation résidant dans la rémunération du salarié. La contribution du salarié est précomptée sur sa rémunération lors de chaque paie, dès le début de son activité salariée, tandis que la contribution de l'employeur reste exclusivement à sa charge. La périodicité des versements, particulièrement complexe, varie actuellement en fonction de la taille de l'entreprise. 

Aux termes du 1er alinéa du nouvel article L. 243-1-1, ces dispositions ne sont plus applicables avant le treizième mois suivant la date de création ou de reprise de l'entreprise. Les cotisations exigibles au titre de cette période sont reportées, et peuvent être étalées sur une période maximale de cinq années, dans des conditions identiques à celles qui sont applicables aux travailleurs non salariés non agricoles.

Cette possibilité de report du paiement des cotisations vise les dirigeants d'entreprises créées sous forme de société. Le premier alinéa de l'article L. 243-1-1 en fixe limitativement la liste :

- les gérants non salariés des coopératives et les gérants de dépôts de sociétés à succursales multiples ou d'autres établissement commerciaux ou industriels ;

- les gérants de sociétés à responsabilité limitée et de sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée ;

- les présidents directeurs et directeurs généraux des sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme ;

- les membres des sociétés coopératives ouvrières de production ainsi que les gérants, directeurs généraux, les présidents du conseil d'administration et les membres du directoire ;

- les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées.

Les dirigeants de sociétés bénéficieront ainsi des mêmes avantages que les travailleurs non salariés des professions non agricoles. Cette mesure permet donc de ménager la prise de risque que constitue la nouvelle activité et la volonté du chef d'entreprise de pouvoir bénéficier, entre autres, d'une assurance chômage avantageuse en cas d'échec. Comme dans le premier paragraphe, le report du paiement des cotisations ne peut être obtenu qu'une fois par période de 5 ans, et ne s'applique pas à raison d'une modification des conditions dans lesquelles une entreprise exerce son activité.

Le coût de la mesure pour l'URSSAF est estimé à 45 millions d'euros pour la première année, et à 135 millions d'euros en année pleine. Cette perte de trésorerie doit également diminuer progressivement par la suite, de sorte que le dispositif puisse, à terme, s'autofinancer.

La Commission spéciale a adopté un amendement de précision (amendement n° 42) ainsi qu'un amendement rédactionnel (amendement n° 43), tous deux présentés par votre rapporteure.

Le paragraphe III de l'article 18 précise que les dispositions de cet article doivent être applicables au 1er janvier 2004, afin de permettre aux caisses chargées du recouvrement des cotisations sociales d'organiser la mise en place d'une chaîne spécifique de calcul et de recouvrement. Le nombre de personnes concernées est estimé à 127 000 par an.

Elle a par ailleurs rejeté un amendement proposé par M. François Sauvadet visant à avancer la date d'application des dispositions de l'article 18 à compter du 1er septembre 2003, votre rapporteure ayant observé que cette modification était susceptible de poser des problèmes budgétaires, et qu'elle avait elle-même retiré un amendement similaire.

La Commission spéciale a ensuite adopté l'article 18 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 18

(article.L. 131-6-3 (nouveau) du code de la sécurité sociale,
art. L. 136-5, L. 200-2, L. 213-1, L. 611-3 et L. 623-2 du même code)

Création d'un guichet unique pour les travailleurs non salariés
des professions non agricoles

La Commission spéciale a adopté un amendement présenté par votre rapporteure, visant à instituer un interlocuteur unique auquel pourront s'adresser les travailleurs non salariés des professions non agricoles. Cet amendement permet d'étendre à ce type de travailleurs la mesure prévue après l'article 6 du présent projet, en renvoyant à un décret le soin de déterminer l'organisme chargé du recouvrement (amendement n° 44), rendant sans objet un amendement similaire présenté par M. Alain Madelin.

Article 19

(article L. 351-24 du code du travail)

(article L. 351-24-1 [nouveau] du code du travail)

Modification du dispositif d'aide à la création d'entreprise
par les populations fragilisées

L'article 19 comporte deux paragraphes modifiant le dispositif d'aide à la création d'entreprise par les populations fragilisées.

Le premier modifie la rédaction de l'actuel article L. 351-24 et le second insère un nouvel article L. 351-24-1 dans ce même code afin de préciser les modalités d'application du paragraphe I.

Le premier paragraphe de l'article 19 modifie les dispositifs d'aide à la création d'entreprise pour les populations en difficulté.

Actuellement, l'aide à la création d'entreprise par les populations en difficulté peut prendre plusieurs formes :

·  une exonération des cotisations sociales et la garantie d'une couverture sociale gratuite pendant 12 mois (article L. 161-1 et L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale) ;

·  le maintien des ressources pour les créateurs bénéficiaires de minima sociaux (article 9 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions) ;

·  une prime pour certaines catégories de créateurs, ainsi qu'un accompagnement de trois ans après la création de l'entreprise (loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 et loi n° 98-657 du 29 juillet 1998) ;

·  la délivrance de chéquiers-conseil (article R. 351-41 du code du travail), dont le dispositif n'est pas modifié par le présent article.

Les huit premiers alinéas de l'article L. 351-24 ont pour objet d'énumérer les bénéficiaires du dispositif d'exonération des charges sociales assises sur la rémunération du créateur d'entreprise et de la possibilité de bénéficier pendant cette période d'une couverture sociale gratuite, conformément aux articles L. 161-1 et L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale.

Ce dispositif est actuellement ouvert aux personnes visées aux alinéas 2 à 6 et 9 de l'article L. 351-24 en vigueur, à savoir :

- aux chômeurs indemnisés visés au 1° de l'article L. 351-24, c'est-à-dire aux titulaires soit de l'allocation de conversion, soit de l'allocation unique dégressive ou de la nouvelle allocation d'aide au retour à l'emploi, soit de l'allocation solidarité chômage. Par extension, lorsque qu'un créateur d'entreprise était sous contrat emploi-solidarité (CES) dans le cadre d'une activité réduite, il peut voir maintenue sa protection antérieure de chômeur indemnisé ;

- aux personnes, visées au 9ème alinéa de l'article L. 351-24, salariées ou licenciées d'une entreprise soumise à l'une des procédures prévues par la loi n° 85-98 du 25 juillet 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire qui reprennent cette entreprise, à condition de réinvestir ces aides dans l'entreprise.

Ces deux catégories de bénéficiaires ne sont redevables d'aucune cotisation sociale au titre de leur nouvelle activité pendant un an ;

- aux demandeurs d'emploi non indemnisés et inscrits à l'ANPE depuis 6 mois au cours des 18 derniers mois, visés au 2° de l'article L. 351-24 en vigueur ;

- aux bénéficiaires de certains minima sociaux (RMI, allocation de solidarité spécifique, allocation d'insertion, allocation de parent isolés, allocation veuvage) visés au 3° de l'article L. 351-24 ;

- aux bénéficiaires des contrats emploi-jeunes visés au 4° de l'article L. 351-24, à savoir les personnes de 18 à 26 ans titulaires d'un CES, d'un contrat d'insertion par l'activité ou d'un contrat emploi-consolidé. Par ailleurs, les personnes de moins de trente ans handicapées ou qui ne remplissent pas la condition d'activité antérieure leur ouvrant le droit au bénéfice de l'allocation d'assurance chômage sont incluses dans cette catégorie ;

- aux bénéficiaires d'un contrat emploi-jeune dont le contrat se trouve rompu avant le terme des aides de l'Etat qui y sont rattachées (5° de l'article L 351-24).

Ces quatre dernières catégories de bénéficiaires mentionnées ne peuvent être exonérés de leurs cotisations que dans la limite de 120 % du SMIC.

La nouvelle rédaction des 8 premiers alinéas de l'article L 351-24 a pour objet d'étendre les catégories de bénéficiaires de cette aide, ainsi que le type d'aide qui peut être accordée aux personnes créant ou reprenant une entreprise. Par ailleurs, la nouvelle rédaction de cet article conduit à en limiter l'octroi aux cas de création ou de reprise d'entreprise, et à condition d'en exercer effectivement le contrôle s'il s'agit d'une société.

Aux six catégories déjà visées par l'article L. 351-24 en vigueur, s'ajoutent les personnes, visées au 7° du nouvel article, bénéficiant du contrat d'accompagnement à la création d'une activité économique prévu à l'article 10 du projet de loi. Cette mesure permet de donner une effectivité accrue à ce nouveau contrat lorsqu'il est conclu par des populations fragilisées.

Par ailleurs, l'aide prévue au premier alinéa de l'article L. 351-24 sous la forme d'une exonération des charges sociales est étendue, par la nouvelle référence à l'article 9 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, et à l'article 11 du présent projet de loi codifié dans l'article L. 322-8 du code du travail. Les titulaires de minima sociaux visés au 3° du nouvel article, à savoir les titulaires du RMI, de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation de parent isolé, peuvent donc bénéficier du maintien de leur minimum social prévu à l'article 9 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998, à condition qu'ils créent ou reprennent une entreprise. En outre, la référence à l'article 11 du présent projet permet d'inclure, dans le dispositif d'aide à la création d'entreprise par les populations fragilisées, l'aide de l'Etat et des collectivités publiques prévue à l'article L. 322-8 pour soutenir les contrats d'accompagnement à la création d'une activité économique. Les conditions d'octroi de cette aide seront déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Enfin, la nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article L. 351-24 étend à toutes les catégories de bénéficiaires la condition relative à la création ou à la reprise d'une entreprise, et au contrôle effectif de l'entreprise dans le cas où il s'agit d'une société. Cette condition ne s'applique, dans la rédaction actuelle, qu'aux bénéficiaires de contrats emploi-jeunes et aux personnes de moins de trente ans handicapées dont le contrat se trouve rompu avant son terme, à condition que ces personnes reprennent ou créent une entreprise et qu'elles en exercent effectivement le contrôle quand il s'agit d'une société.

Rappelons que le contrôle de la société est considéré comme effectif soit lorsque la personne détient au moins 35 % du capital et plus de sa moitié avec ses proches, soit lorsqu'elle détient au moins 25 % du capital et plus du tiers avec ses proches à condition qu'aucun autre actionnaire ne détienne plus de la moitié du capital, soit lorsqu'elle partage avec plusieurs bénéficiaires de l'aide prévue à l'article L. 351-24 plus de la moitié du capital avec un minimum de 10 % pour chaque bénéficiaire).

Désormais, toutes les catégories de personnes susceptibles de bénéficier de l'aide prévue au premier alinéa de l'article L. 351-24 ne pourront en disposer qu'à condition de créer ou de reprendre une entreprise, et d'en exercer effectivement le contrôle s'il s'agit d'une société.

L'aide à la création d'entreprise par les populations fragilisées prend également la forme, dans le dispositif actuel, d'une prime au sein du dispositif d' « encouragement au développement des entreprises nouvelles » (EDEN), prévue à l'alinéa 7 de l'article L. 351-24 en vigueur.

Cette prime est actuellement destinée aux catégories de population suivantes :

- les bénéficiaires de certains minima sociaux visés au 3° de l'article L. 351-24 en vigueur, à savoir les titulaires du RMI ainsi que leur conjoint ou concubin, de l'allocation de parent isolé, de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation d'insertion et de l'allocation veuvage, en application du 13° de l'article L. 351-24 en vigueur ;

- les personnes qui remplissent les conditions pour prétendre à un emploi-jeune ou qui n'en bénéficient plus à la suite de la rupture de leur contrat avant le terme de l'aide prévue. Les personnes handicapées de moins de trente ans ou qui ne remplissent pas les conditions d'activité ouvrant droit au bénéfice de l'allocation d'assurance chômage sont également comprises. Ces deux catégories sont actuellement visées au 4° et 5° de l'article L. 351-24 en vigueur ;

- les personnes salariées ou licenciées d'une entreprise soumise à une procédure collective, visées au 9ème alinéa de l'article L. 351-24 en vigueur.

Conformément aux alinéas 8 et 10 de l'article L. 351-24 en vigueur, la prime est attribuée après expertise du projet, et emporte automatiquement l'exonération des cotisations sociales pendant la première année. Le montant de la prime, fixé par un arrêté du 5 septembre 2001, varie en fonction du projet, avec un maximum de 6 098 euros par bénéficiaire. Dans le cas où le projet est présenté par plusieurs personnes, la prime se monte à 9 145 euros, et à 76 225 euros en cas de reprise d'une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire.

Conformément à l'alinéa 8 de l'article L. 351-24 en vigueur, certains organismes spécialisés dans le soutien à la création d'entreprise peuvent gérer ces sommes à la place de l'Etat. Depuis le décret du 5 septembre 2001, qui a transformé l'aide remboursable en prime, les organismes sont désormais mandataires et non plus délégataires. Le ministre chargé de l'emploi arrête la liste des départements dans lesquels la gestion de l'aide fait l'objet d'un mandat, puis le préfet fixe la liste des organismes désignés, qui resteront ensuite sous le contrôle d'un commissaire aux comptes.

Le 9ème alinéa du nouvel article L. 351-24 tel que rédigé à l'article 19 du projet élargit le dispositif EDEN aux demandeurs d'emploi de plus de 50 ans, ainsi qu'aux personnes bénéficiant du « contrat d'accompagnement à la création d'une activité économique » prévu aux articles 10 et 11 du présent projet de loi.

Le soutien aux demandeurs d'emploi de plus de 50 ans est particulièrement adapté aux nouvelles réalités du marché du travail : de plus en plus de personnes de cette catégorie d'âge s'en trouvent exclues, alors que leurs compétences et leurs connaissances des domaines économiques dans lesquels ils opèrent sont pourtant importantes. En particulier, un certain nombre de cadres éprouvant des difficultés pour se réinsérer après 50 ans sont en mesure de soutenir un projet économique qui a toutes les chances de succès pour peu qu'une aide financière soit mise à leur disposition. Par ailleurs, l'élargissement du dispositif aux personnes bénéficiant du nouveau contrat d'accompagnement permet de doter ce contrat d'une effectivité et d'inciter réellement les personnes morales à s'engager sur la voie du parrainage d'une personne physique.

Cette extension du champ d'application doit permettre de doubler le nombre de bénéficiaires du dispositif EDEN, qui passerait de 8 000 à 16 000. Le coût de cette mesure est évalué à 18 millions d'euros la première année ; il devrait ensuite être stable pendant trois ans, puis diminuer progressivement.

La Commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel de votre rapporteure (amendement n°45).

M. Michel Vergnier a retiré un amendement visant à étendre le dispositif EDEN aux demandeurs d'emploi. Votre rapporteure a fait observer que cet amendement était intéressant mais néanmoins irrecevable.

M. François Sauvadet a présenté un amendement visant à étendre le dispositif EDEN aux demandeurs d'emploi indemnisés ainsi qu'aux demandeurs d'emploi non indemnisés. Votre rapporteure ayant indiqué que cet amendement était également irrecevable, il a été retiré par son auteur.

Le deuxième paragraphe de l'article 19 renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation des conditions d'application de l'article L. 351-24.

Le nouvel article L. 351-24-1 du code du travail renvoie a un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application de l'article précédent et précise le contenu de ce décret : il devra porter sur les conditions d'accès au bénéfice de ces aides, et déterminer la forme de l'aide financière visée au 9ème alinéa de l'article L. 351-24 dans sa nouvelle rédaction, en précisant que celle-ci « peut consister en une avance remboursable ».

Dans sa forme initiale, l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE) était constituée par une somme attribuée par l'Etat à l'ensemble des bénéficiaires, dont le montant variait en fonction des caractéristiques du projet. La loi de finances pour 1997 a supprimé l'aide financière, pour la remplacer par une exonération des cotisations sociales dues au titre de leur nouvelle activité pendant 12 mois. La loi relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 a ensuite instauré une aide supplémentaire, en spécifiant que celle-ci « peut prendre la forme d'une avance remboursable », à laquelle s'ajoute un accompagnement post-création, dont le nom est le dispositif d'«encouragement au développement des entreprises nouvelles » (EDEN). Alors que cette aide a effectivement été octroyée sous forme d'avance remboursable entre 1998 et 2001, le décret du 5 septembre 2001 est venu modifier l'EDEN en transformant l'avance remboursable en prime. Le présent projet conserve donc, sur ce point, la rédaction de l'article L. 351-24 actuellement en vigueur, en ouvrant simplement la possibilité de proposer l'aide sous forme d'avance remboursable. L'exposé des motifs du projet de loi précise par ailleurs que l'intention du Gouvernement est de revenir sur la modification introduite par le décret précité.

MM. Michel Vergnier et Eric Besson ont présenté un amendement visant à supprimer la transformation de l'aide accordée en avance remboursable. Votre Rapporteure a fait observer que cette transformation devait permettre de responsabiliser les créateurs d'entreprises.

M. Eric Besson s'est interrogé sur l'opportunité de s'appuyer sur cette mesure pour responsabiliser des personnes titulaires de minima sociaux.

M. Gérard Bapt, s'appuyant sur son expérience, a souligné que les allocataires sociaux ont souvent un comportement très responsable lorsqu'ils créent leur entreprise. Il a jugé choquante la transformation du dispositif EDEN en avance remboursable au regard du montant des exonérations fiscales qui ont été accordées par ce texte.

M. Eric Besson a souligné que l'adoption de cet amendement en Commission permettrait qu'il fasse l'objet d'un débat en séance publique.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur le point de savoir s'il n'était pas possible d'instituer une avance remboursable transformable en subvention.

Mme Chantal Brunel s'est dite favorable aux amendements visant à étendre le bénéfice du dispositif EDEN aux chômeurs indemnisés et non indemnisés, dans le cas où cette aide devait être transformée en avance remboursable.

La Commission a alors rejeté cet amendement.

La Commission spéciale a ensuite adopté l'article 19 ainsi modifié.

Article 20

(article L.351-24-2 [nouveau] du code du travail)

Harmonisation du maintien des revenus de solidarité
en cas de création d'entreprise

L'article 20 a pour objet d'étendre à un an la période de maintien de l'allocation spécifique de solidarité et de l'allocation veuvage pour les bénéficiaires qui créent une entreprise.

Dans le dispositif actuel, les personnes admises au bénéfice des dispositions de l'article L. 351-24 du code du travail, et qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique reçoivent une aide de l'Etat d'un montant égal à celui de l'allocation de solidarité spécifique à taux plein. Cette aide est versée mensuellement pour une durée de six mois, conformément à l'article 136-II de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996.

Les bénéficiaires de l'allocation veuvage admis au bénéfice de l'article L. 351-24 peuvent conserver leur allocation dans les conditions prévues par le décret du 13 avril 1999. Pour le versement de l'allocation, il n'est pas tenu compte des revenus d'activité professionnelle pendant six mois après la création ou la reprise de l'entreprise. Pendant les six mois suivants, les revenus procurés par la nouvelle activité sont forfaitairement évalués à 38 % du montant mensuel maximum de l'allocation veuvage et ne sont pris en compte qu'à hauteur de 50 % pour la détermination du montant de l'allocation.

De même, les bénéficiaires de l'allocation d'insertion ont droit au maintien du versement de leur allocation pendant une durée de six mois, conformément au décret du 27 novembre 1998.

S'agissant du revenu minimum d'insertion, il n'est pas tenu compte des revenus d'activité professionnelle procurés par la création ou la reprise d'entreprise lors des deux révisions trimestrielles suivant la date de la création ou de la reprise de l'entreprise. Lors des troisième et quatrième révisions trimestrielles suivantes, les revenus procurés par la nouvelle activité ne sont pris en compte qu'à hauteur de 50 % pour la détermination du montant du RMI.

Pour le versement de l'allocation de parent isolé, il n'est pas tenu compte des revenus d'activité professionnelle procurés par la création ou la reprise d'entreprise lors des deux révisions trimestrielles suivant la date de la création ou de la reprise de l'entreprise. Conformément au décret du 27 novembre 1998, lors des deux révisions trimestrielles suivantes, les revenus procurés par la nouvelle activité sont forfaitairement évalués à 50 % de la base mensuelle de calcul des allocations familiales, et ne sont pris en compte qu'à 50 % lors des troisièmes et quatrième révisions trimestrielles.

Le nouvel article L. 351-24-2 prévoit la mise en place d'une aide de l'Etat à destination des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique et de l'allocation veuvage pour une durée d'une année, et non plus de six mois comme dans le dispositif actuellement en vigueur. Cette aide, dont les modalités seront fixées par décret en Conseil d'Etat, devrait fonctionner dans les mêmes conditions que celles dont bénéficient les titulaires du RMI. Les revenus procurés par la nouvelle activité feront donc l'objet d'une prise en compte progressive par le biais d'un abattement fiscal.

L'intérêt de la mesure est de permettre une meilleure protection des populations en difficulté désireuses de s'investir dans une activité économique. Elle leur permet d'être protégées contre une interruption prématurée de leurs revenus alors que ceux de l'entreprise sont encore insuffisants. Le coût de la mesure et le nombre de personnes concernées n'ont pas encore été déterminés.

La Commission spéciale a examiné un amendement présenté par M. François Sauvadet visant à permettre aux demandeurs d'emplois de continuer à bénéficier de leurs allocations pendant 6 mois après la création de leur entreprise.

Votre rapporteure a indiqué que cet amendement était irrecevable dans la mesure où il aggrave une charge de l'Etat.

La Commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel présenté par votre rapporteure (amendement n°46).

Elle a ensuite adopté l'article 20 ainsi modifié.

Après l'article 26

Après que le président Hervé Novelli et votre rapporteure aient indiqué qu'ils trouveraient plus leur place dans le projet de loi annoncé par le Gouvernement pour la fin de l'année, M. Jean-Louis Christ a retiré trois amendements, le premier insérant une division supplémentaire dans le projet de loi, le deuxième renforçant les exigences de qualification professionnelle des artisans et le troisième précisant le contenu des stages de préparation à l'installation organisés par les chambres de métiers.

TITRE V

DISPOSITIONS DIVERSES

Avant l'article 27

L'amendement présenté par M. Philippe Martin (51) prévoyant que les revenus d'un entrepreneur individuel sont saisissables dans les mêmes conditions que les salaires, a été retiré après que votre rapporteure eut rappelé que la commission spéciale avait déjà rejeté un amendement sur l'insaisissabilité des salaries perçus postérieurement à la liquidation.

M. Philippe Martin a également retiré un amendement prévoyant de relever le plafond prévu par la loi du 12 juillet 1909 sur la constitution d'un bien de famille insaisissable, après que votre rapporteure ait rappelé que la procédure prévue par cette loi était particulièrement lourde et que l'article 6 du projet de loi prévoyait déjà un dispositif de protection de la résidence principale.

Article 27

Application outre-mer

Le présent article précise les dispositions de la présente loi qui sont applicables en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie (paragraphe I) et à Mayotte (paragraphe II).

L'article 5 de l'ordonnance du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce a rendu ce dernier applicable en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.

En vertu du principe de spécialité et d'autonomie, les modifications apportées ultérieurement à ce code ne sont applicables dans les trois premiers territoires qu'en vertu d'une disposition législative expresse. C'est pourquoi, le paragraphe I du présent article énumère les dispositions que l'on souhaite y rendre applicables. S'agissant du présent projet de loi, il s'agit des paragraphes I et II de l'article premier (suppression du minimum légal pour le capital d'une SARL), les paragraphes I et II de l'article 2 (création du récépissé de création d'entreprise et possibilité de retirer les fonds avant l'immatriculation effective) et l'article 4 (règles de domiciliation des entreprises individuelles et des sociétés). En outre, est également rendu applicable l'article L. 223-7 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques (autorisation des apports en industrie dans les SARL).

S'agissant de Mayotte, le paragraphe II de l'article 3 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte précise que, sauf exceptions limitativement énumérées, les dispositions législatives postérieures qui modifient le code de commerce sont applicables « de plein droit » à Mayotte. C'est pourquoi, le paragraphe II du présent article se contente de rendre applicable l'article L. 223-7 du code de commerce tel que modifié par la loi sur les nouvelles régulations économiques. En effet, la proximité des dates entre cette loi et celle portant statut de Mayotte crée une incertitude sur l'applicabilité de la modification en cause. En revanche, les dispositions des articles premier, 2 et 4 du présent projet de loi font partie des modifications applicables de plein droit.

La Commission a adopté l'article 27 sans modification.

Après l'article 27

M. Jean-Michel Fourgous a retiré un amendement relatif à la vérification de la qualification des artisans, après que le président Hervé Novelli eût estimé qu'il n'avait pas de lien avec le projet de loi.

Puis, la Commission spéciale a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

N° 0572 Tome I - Rapport  sur le projet de loi  pour l'initiative économique : Articles non fiscaux (Mme Catherine Vautrin)

1 () INSEE Première n° 879, janvier 2003.


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