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le 7 mars 2003

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N° 671

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 mars 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT (n° 607), relatif à la

répression de l'activité de mercenaire,

PAR M. Marc JOULAUD,

Député.

--

Voir les numéros :

Sénat :

287 (2001 - 2002), 142 et T.A. 65 (2002 - 2003).

Assemblée nationale :

607.

Défense.

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I. -  L'ENGAGEMENT INDIVIDUEL À L'ÉTRANGER, UNE RÉALITÉ ANCIENNE ET ADMISE 5

A. UNE PRATIQUE ÉTABLIE 5

B. UN DROIT RECONNU PAR LES ETATS 6

C. UNE LÉGISLATION FRANÇAISE COHÉRENTE 7

II. -  UNE HOSTILITÉ INTERNATIONALE MONTANTE 8

A. DES ETATS PARFOIS VULNÉRABLES 8

B. UN PREMIER INSTRUMENT INTERNATIONAL COHÉRENT DE LUTTE CONTRE LE MERCENARIAT : LE PROTOCOLE I DU 8 JUIN 1977 9

C. L'ORGANISATION MAL MAITRISÉE D'UNE INCRIMINATION PÉNALE : LA CONVENTION INTERNATIONALE DU 4 DÉCEMBRE 1989 11

1. Une définition pénale large aux conséquences paradoxales 12

2. L'organisation d'une compétence pénale universelle 13

D. POUR LA FRANCE, LA NÉCESSITÉ D'UNE ACTION CLAIRE ET RATIONNELLE 14

III.-  EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE DU PROJET DE LOI 15

TRAVAUX DE LA COMMISSION 21

TABLEAU COMPARATIF 25

ANNEXE 29

INTRODUCTION

La lutte contre le mercenariat est à l'ordre du jour. D'anciens militaires français, participant à une tentative de coup d'Etat aux Comores en 2001, ont été récemment extradés vers la France et incarcérés. En Côte d'Ivoire, mais aussi dans des pays anciennement en guerre, comme l'Angola ou le Congo, la présence de mercenaires est repérée et dénoncée et l'opinion réclame aux Etats les plus puissants de mettre fin au phénomène.

Ceux-ci, lorsqu'ils entreprennent d'agir, se heurtent à l'inexistence d'un statut pénal du mercenaire. En France, par exemple, vendre ses services militaires à l'étranger n'est que difficilement incriminable. Ainsi, les militaires rapatriés des Comores ont été mis en examen pour « association de malfaiteurs ».

Le présent projet de loi tend à combler cette lacune, en caractérisant pénalement dans le droit pénal français l'action armée conduite par des mercenaires.

Avant d'en détailler et d'en apprécier les dispositions, il convient de rappeler le contexte général dans lequel il s'inscrit, car, si les ravages du mercenariat sur la situation de certains pays sont connus, il n'est techniquement pas simple de conduire une action répressive contre cette activité.

I. -  L'ENGAGEMENT INDIVIDUEL À L'ÉTRANGER, UNE RÉALITÉ ANCIENNE ET ADMISE

A. UNE PRATIQUE ÉTABLIE

Le mercenariat est une donnée ancienne. On trouve dans la littérature française une définition du mercenaire dès 1495 : « étranger qui sert dans une armée pour de l'argent » ; ou encore, « militaire à la solde d'un gouvernement étranger ». L'expression est alors d'une grande neutralité morale : un mercenaire, c'est un combattant de nationalité étrangère payé pour son travail. Rien ne permet de lui dénier a priori les valeurs morales du combattant. Au fil du temps, s'imposera l'image du soldat cupide, cruel, sans fidélité ni morale. L'acception ancienne se devait cependant d'être rappelée : elle n'a pas été remplacée, et la confusion entre les deux notions, traditionnelle et nouvelle, pèse négativement sur la clarté des débats relatifs à la lutte contre le mercenariat.

Les souverains et les Etats européens ont eu longtemps recours à des troupes soldées composées d'étrangers. Cette tradition s'est perpétuée sans heurts : la Légion étrangère française ou les Gurkhas britanniques, par exemple, sont des unités composées d'étrangers. Dans le cas de la Légion étrangère, ces étrangers sont même admis, s'ils le souhaitent, sous un nom d'emprunt. La qualité de ces forces est reconnue et estimée ; la réputation militaire de la Légion, celle des Gurkhas, ne sont plus à faire. Les services de ces étrangers leur ouvrent des droits auprès de l'Etat qu'ils servent. Après cinq ans de service sous la devise Legio patria nostra (« notre patrie, c'est la Légion »), un légionnaire peut acquérir la nationalité française, devenant ainsi Français, selon l'expression traditionnelle, non par le sang reçu, mais par le sang versé.

À l'inverse, il était traditionnellement admis par les Etats que leurs ressortissants puissent aller faire la guerre de leur propre initiative à l'étranger, non seulement pour de l'argent, motif utilitaire et mercantile, mais aussi, motif plus noblement considéré, pour une cause chère à leur cœur ou justifiant, selon eux, leur engagement.

On sait comment, dans les années 1820, la cause de l'indépendance de la Grèce et de son affranchissement de l'Empire ottoman suscita nombre d'engagements en Europe, symbolisés notamment par la mort en 1824 du poète Byron à Missolonghi, à l'entrée du golfe de Corinthe, et rappelés ici ou là dans la Grèce actuelle par les dédicaces reconnaissantes aux « philhellènes ».

La guerre civile en Espagne, de 1936 à 1939, est un exemple classique de ces engagements. Plus de 100 000 Européens s'y affrontèrent au sein de l'un ou l'autre camp. Malraux, dans son livre L'Espoir, a immortalisé les combattants des brigades internationales du camp républicain.

Les Etats ont même parfois utilisé cette reconnaissance internationale du droit de chacun à combattre pour la cause de son choix en organisant eux-mêmes l'envoi de forces qui, qualifiées de volontaires, leur permettaient et, sans doute, pourraient continuer de leur permettre, d'appuyer militairement une partie à un conflit sans s'engager nommément dans celui-ci. Ainsi, le caractère limité du conflit est conservé, alors qu'un engagement officiel en transformerait la nature. L'exemple récent le plus significatif est sans doute celui des 500 000 « volontaires chinois » déferlant sur la Corée du Sud en 1950, l'absence d'entrée officielle de la Chine dans le conflit permettant de prévenir l'ouverture d'un affrontement direct sino-américain.

B. UN DROIT RECONNU PAR LES ETATS

L'étude des législations relatives à l'action militaire privée à l'étranger montre un grand libéralisme, qui ne se dément qu'au fur et à mesure que l'action du combattant entre en contradiction avec la politique étrangère de l'Etat auquel il ressortit, qu'il combatte pour l'argent ou par idéal.

Ainsi, pas plus que la législation pénale française, la législation britannique ne définit ni ne punit l'engagement militaire à l'étranger, mercantile ou non. Le seul texte en vigueur, le Foreign enlistment Act de 1870, incrimine seulement les personnes qui s'engagent dans une action militaire contre un Etat en paix avec le Royaume-Uni, sans l'autorisation du gouvernement britannique. Il sanctionne aussi le recrutement à cette fin, sur le sol britannique et à l'étranger. Il n'a pour autant jamais été appliqué, et est d'ailleurs considéré comme inapplicable. Une enquête faite en 1976 après l'exécution par les autorités angolaises de trois mercenaires britanniques et d'un américain combattant dans ce pays énonça même que toute tentative d'interdiction faite à des citoyens britanniques de travailler à l'étranger en tant que mercenaires serait une limitation injustifiée de leur liberté individuelle. Il était néanmoins proposé que le Gouvernement établisse et tienne à jour une liste d'Etats où cet engagement serait interdit.

La législation américaine traditionnelle est proche dans son esprit de la législation britannique. Seuls sont interdits par l'US Neutrality Act de 1937 les recrutements effectués sur le sol américain et l'engagement par un double-national auprès de l'autre pays dont il relève pour combattre un Etat en paix avec les Etats-Unis. Le Canada ou encore l'Australie interdisent également les recrutements sur leur sol, mais pas l'engagement de leurs nationaux à l'étranger.

Quant aux pays européens, si leurs législations sont diverses, le plus grand nombre d'entre elles est assez indifférent à l'engagement militaire individuel à l'étranger.

Seule tranche dans cet ensemble la Suisse. Non seulement le code pénal suisse interdit aux ressortissants helvétiques de s'engager à l'étranger, à l'exception de la garde suisse du Vatican, mais des procès ont régulièrement lieu : entre 1994 et 2000, 17 personnes ont été condamnées pour avoir servi dans des forces armées étrangères, notamment notre légion étrangère. La législation suisse a une histoire particulière. Elle a été adoptée en 1859, pour en finir avec les répercussions sur la démographie de la Suisse des guerres entre les souverains de l'Europe, qui se combattaient les uns les autres au moyen de leurs troupes de mercenaires suisses, lesquels décimaient ainsi réciproquement leur pays d'origine au profit de ces souverains.

C. UNE LÉGISLATION FRANÇAISE COHÉRENTE

Dans cet environnement, la législation française n'a rien de spécifiquement lacunaire. Elle répond elle aussi au principe de la liberté de chacun, pondérée par l'interdiction d'entrer en conflit avec la politique étrangère de l'Etat.

Ainsi, la principale disposition est celle de l'article 23-8 du code civil, dont l'alinéa 1er expose que « perd la nationalité française le Français qui, occupant un emploi dans une armée ou un service public étranger ou dans une organisation internationale dont la France ne fait pas partie ou plus généralement leur apportant son concours, n'a pas résigné son emploi ou cessé son concours nonobstant l'injonction qui lui en aura été faite par le Gouvernement ».

Autrement dit, l'activité militaire des Français à l'étranger est libre, sous réserve d'un droit permanent du Gouvernement, s'exerçant au cas par cas, à l'interrompre. Si le Français à qui il a été enjoint de cesser son activité militaire persiste, l'opposition dans laquelle il se met par rapport à la politique étrangère et de défense de son pays lui fait encourir le risque de perdre la qualité de Français.

Les dispositions spécifiques aux militaires sont fort réduites. La loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires leur interdit simplement d'exercer, pendant leur période d'activité, « à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ». Parmi les militaires ayant quitté l'armée active, seuls les officiers généraux placés en deuxième section doivent déclarer leurs activités. Une commission de déontologie est instituée au ministère de la défense. Toute activité opérationnelle de nature militaire ou de conseil militaire à l'étranger de ces officiers pourrait ainsi être contrôlée et, au cas par cas, interdite, notamment au cas où elle s'avérerait en contradiction avec la politique étrangère et de défense de la France envers un Etat. Pour contrôler plus étroitement ces activités, il suffirait alors au Gouvernement d'user activement de ces dispositions.

Bien entendu, les dispositions du code civil valent tant qu'on ne retrouve pas un Français engagé à l'étranger les armes à la main face aux forces nationales : dans ce dernier cas, les peines qu'il encourt sont celles, criminelles et gravissimes, du titre Ier du livre IV du code pénal, relatif aux « atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation ».

Il y a donc une logique à l'économie des dispositions actuelles sur le mercenariat dans les grands pays occidentaux. L'engagement individuel à l'étranger - dont le mercenariat, engagement pour l'argent, n'est qu'une composante - y est considéré comme un droit, pourvu qu'il n'entre pas en conflit avec la politique étrangère de l'Etat auquel ressortit l'engagé. Le droit positif traduit cette philosophie.

II. -  UNE HOSTILITÉ INTERNATIONALE MONTANTE

A. DES ETATS PARFOIS VULNÉRABLES

L'époque actuelle est cependant marquée par des pressions internationales considérables dans le domaine de l'action militaire individuelle à l'étranger. Celles-ci traduisent sans doute l'émergence d'une capacité d'action nouvelle des mercenaires par rapport aux situations traditionnelles.

La fin des empires coloniaux à partir des années 1960 a abouti à la création d'un grand nombre d'Etats. Le nombre total d'Etats membres de l'ONU est passé de 51 en 1945, lors de la création de l'organisation, à 191 aujourd'hui. Tout territoire devenant autonome a vocation à devenir un Etat.

Or, la puissance de certains de ces Etats est parfois très limitée. Sans parler du PNB, la population de plusieurs Etats membres de l'ONU n'atteint pas les 100 000 habitants.

Lorsque de tels Etats se trouvent à la fois localisés dans des zones de fortes turbulences et qu'ils ne sont pas insérés au sein d'alliances comportant des partenaires plus puissants pouvant garantir leur sécurité, ils peuvent être facilement l'objet de déstabilisations ou d'attaques, soit de la part de groupes internes, soit de la part d'Etats voisins.

Dans de tels cas, l'embauche par les uns ou les autres, à prix d'or, de soldats professionnels longuement aguerris par nombre d'années de service au sein d'une armée régulière performante et reconnue, bons connaisseurs du terrain de par leur expérience et capables de mettre en œuvre les méthodes efficaces apprises lors de leurs missions anciennes, peut s'avérer un atout essentiel pour la prise de pouvoir par les armes ou le contrôle d'une partie du territoire de l'Etat attaqué.

L'Afrique des indépendances a connu le cas où le recours à de tels militaires, désormais connus sous le sobriquet habituel « d'affreux », a été l'un des leviers majeurs d'une des parties au conflit, qu'il s'agisse de la guerre du Katanga lors de l'indépendance du Congo belge, ou de la lutte pour la sécession du Biafra, au Nigéria.

Le représentant le plus connu en France de ce type d'« affreux » est le célèbre Robert, dit Bob, Denard, qui après plusieurs interventions en Afrique centrale, s'est plus particulièrement illustré aux Comores. Après avoir successivement joué un rôle militaire décisif en 1975 dans le renversement du président comorien Ahmed Abdallah au profit d'Ali Soilih, puis en 1978 dans celui du président Ali Soilih, qui mourra assassiné, au profit d'Ahmed Abdallah, il devint, sous la présidence de ce dernier, brièvement membre du directoire politico-militaire et commandant en chef des forces armées et de la police comoriennes, et surtout, assisté par son équipe, chef de la garde présidentielle du pays jusqu'en décembre 1989. A cette date, après l'assassinat du président Abdallah, il dut quitter les Comores sous la pression de la France et de l'Afrique du Sud, qui avait alors cessé de financer son action.

Dans ces conditions, un mouvement international s'est fait jour pour contrer cette conséquence non prévue de la décolonisation, le remplacement de la puissance colonisatrice par des pouvoirs militaires appuyés sur des soudards étrangers, voire dominés par eux.

Ce mouvement a consolidé son action à travers l'élaboration successive de trois conventions internationales. La première est le protocole I du 8 juin 1977, additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux. La deuxième est la convention de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) sur l'élimination du mercenariat en Afrique, signée à Libreville le 3 juillet 1977. Enfin, la troisième est la convention internationale du 4 décembre 1989 contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires, conclue sous l'égide des Nations Unies.

B. UN PREMIER INSTRUMENT INTERNATIONAL COHÉRENT DE LUTTE CONTRE LE MERCENARIAT : LE PROTOCOLE I DU 8 JUIN 1977

Le protocole I du 8 juin 1977 établit, pour la première fois, en son article 47, un statut juridique international spécifique du mercenaire.

Pour lutter contre la déstabilisation des Etats faibles par les mercenaires, le levier utilisé par le texte est l'exclusion du mercenaire du statut de combattant régulier et donc des protections et garanties internationales offertes par ce statut aux prisonniers de guerre.

La création d'un statut aussi dissuasif, de « hors-la-loi » du droit des conflits, impliquait l'élaboration de critères stricts et vérifiables. Une définition large du mercenariat aurait aussi été en contradiction grave avec la doctrine traditionnelle des Etats en matière d'engagement militaire individuel à l'étranger et la définition de leurs propres instruments militaires d'intervention à l'étranger. Aussi, le protocole I retient-il une définition du mercenaire extrêmement restreinte par rapport à sa définition lexicale usuelle.

Après avoir défini en point 1 le statut de mercenaire (« un mercenaire n'a pas droit au statut de combattant ou de prisonnier de guerre »), l'article 47 du protocole I énonce les six éléments cumulatifs qui définissent le mercenaire.

« Le terme « mercenaire » s'entend de toute personne :

a) qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour combattre dans un conflit armé ;

b) qui en fait prend une part directe aux hostilités ;

c) qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d'obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise, par une partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou payée à des combattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette partie ;

d) qui n'est ni ressortissant d'une partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une partie au conflit ;

e) qui n'est pas membre des forces armées d'une partie au conflit ; et

f) qui n'a pas été envoyée par un Etat autre qu'une partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit Etat. »

Les éléments du statut sont donc les suivants. D'abord, nul n'est mercenaire s'il n'est combattant actif. Pour être qualifié de mercenaire, il faut prendre « en fait » « une part directe aux hostilités ».

Autre condition pour être défini comme mercenaire, il faut être totalement extérieur et étranger au conflit et aux belligérants : non seulement ne pas être « ressortissant d'une partie au conflit », mais non plus simple « résident d'un territoire contrôlé par une partie au conflit ».

L'étranger ainsi engagé dans un conflit ne sera cependant pas encore considéré comme mercenaire s'il est régulièrement incorporé au sein des forces armées d'une des parties belligérantes. Un soldat étranger employé au sein de ses forces par un Etat ou une partie belligérante est un combattant régulier.

Il ne sera pas non plus considéré comme mercenaire si, membre des forces armées d'un Etat étranger au conflit, il a été envoyé en mission, par exemple auprès d'une des parties belligérantes, par l'Etat dont il est militaire. L'assistance militaire, ouverte ou discrète, par un Etat à une partie au conflit reste exclue du champ du protocole.

Être un étranger prenant part à un conflit sans statut officiel ne suffit cependant pas encore pour risquer de tomber sous le coup du statut de mercenaire au sens du protocole I. Deux conditions supplémentaires doivent être remplies. Il faut à la fois être « spécialement recruté pour combattre dans un conflit armé », et l'être « en vue d'obtenir un avantage personnel », concrétisé par exemple par la promesse d'une rémunération nettement supérieure à celles en vigueur dans les forces armées de la partie en conflit qui engage l'étranger.

On le voit, le protocole I n'est en aucun cas un instrument de lutte contre la pratique tendant à employer comme militaires des étrangers soldés. Il concerne les seuls étrangers s'engageant pour de l'argent, hors des cadres militaires de la partie qui les engage, travaillant pour leur compte et refusant l'autorité des Etats. Celle-ci étant la base de l'ensemble du système international des Nations Unies, le protocole I crée pour cette sorte de « pirates » un statut dissuasif, de hors-la-loi du droit des conflits.

Le protocole I a été ratifié par 161 Etats. La France l'a ratifié le 11 avril 2001 en application de la loi n° 2001-79 du 30 janvier 2001 (le texte du protocole figure au J. O. Lois et décrets du 30 juin 2001).

C. L'ORGANISATION MAL MAITRISÉE D'UNE INCRIMINATION PÉNALE : LA CONVENTION INTERNATIONALE DU 4 DÉCEMBRE 1989

Parallèlement au protocole I, était conclue la convention de l'OUA du 3 juillet 1977. Cette convention est la première à introduire une qualification pénale du mercenariat. Reprenant mot pour mot la définition du mercenariat du protocole I de 1977, elle qualifie de crime l'activité de mercenariat, ainsi que l'organisation, le financement ou le soutien de bandes de mercenaires. La peine prévue par l'article 7 de la convention est la peine la plus sévère prévue dans la législation des Etats signataires, pouvant aller jusqu'à la peine capitale.

La convention est entrée en vigueur en 1985. Son effet reste cependant limité, l'adhésion étant réservée aux Etats membres de l'OUA.

C'est donc avec l'adoption par consensus à l'Assemblée générale des Nations Unies de la convention internationale du 4 décembre 1989, au lendemain de l'assassinat du président comorien Ahmed Abdallah, que, dans la lutte contre le mercenariat, l'étape de l'incrimination pénale a réellement été franchie.

Comme la convention de l'OUA, la convention du 4 décembre 1989 fait du mercenariat une infraction pénale. En revanche, elle laisse aux Etats parties une certaine latitude dans la définition des sanctions à adopter. « Les Etats parties », stipule l'article 5, « répriment les infractions définies dans la présente Convention par des peines appropriées qui prennent en considération la nature grave de ces infractions ». Ces infractions sont, outre le mercenariat, le recrutement, l'utilisation, le financement ou l'instruction de mercenaires.

1. Une définition pénale large aux conséquences paradoxales

On pourrait considérer qu'il ne reste plus désormais à la France qu'à élaborer le texte de transcription de cette convention dans son droit pénal interne.

Cependant, la convention du 4 décembre 1989 comporte deux innovations par rapport à ses devancières, qui ont été jugées discutables.

La principale est l'omission du b) de la définition du mercenariat prévue par l'article 1 du Protocole I de 1977. Le fait de prendre « une part directe aux hostilités » n'est plus nécessaire pour caractériser un mercenaire.

Cette omission a des conséquences considérables sur le champ d'application possible de la convention. Un juge pourra parfaitement considérer qu'un technicien d'une société d'armement chargé de l'entretien des équipements d'une partie à un conflit est un mercenaire. Un tel technicien sera sans doute envoyé en raison du conflit, son séjour à l'étranger sera rémunéré comme tel et il ne sera pas défini comme membre des forces armées ni de son pays ni du pays en conflit.

Or, en règle générale, ce technicien agira sous le contrôle de l'Etat dont il relève et dans le respect de sa politique. Ainsi, en France, chacune des exportations de pièces détachées pour des armements, comme les contrats de réparation auxquels elles sont liées, doit obtenir au cas par cas l'aval de la commission interministérielle pour l'étude de l'exportation des matériels de guerre, la CIEEMG, présidée par le secrétaire général de la défense nationale par délégation du Premier ministre.

La convention, sans doute par inadvertance, ouvre le champ à la mise en cause pénale de civils qui, en réalité, ont l'aval de l'Etat dont ils relèvent au même titre que les membres des forces armées de cet Etat en mission officielle. L'esprit du protocole de 1977 et même celui de la convention de l'OUA sont gravement altérés.

Plus encore, eu égard au caractère très large de la définition de la qualité de « mercenaire », c'est l'ensemble des industriels de l'armement d'un pays, voire les plus hauts fonctionnaires de ses ministères de la défense ou des affaires étrangères, ainsi que les plus hautes autorités de l'Etat qui pourraient être poursuivis en application de la convention.

En effet, l'article 2 de la convention stipule que « quiconque recrute, utilise, finance ou instruit des mercenaires, au sens de l'article premier de la présente convention, commet une infraction au sens de la convention ».

Dès lors qu'un technicien d'une société d'armement ou de conseil militaire pourrait être pénalement qualifié de mercenaire, sa hiérarchie tombe sous le coup de l'article 2. Si la société dont il dépend est contrôlée par l'Etat, ou si celui-ci a donné son aval à son activité, la tutelle de la société publique et les plus hautes autorités administratives et politiques de l'Etat tombent également sous le coup de cet article.

La convention du 4 décembre 1989, loin de se borner à lutter contre la piraterie mercenaire, organise ainsi, en contradiction avec le protocole I et même avec son propre article premier, qui exclut du champ du mercenariat les membres des forces armées d'un Etat en mission dans une partie en conflit, la possible mise en cause pénale de l'ensemble du personnel d'encadrement des sociétés du secteur de l'armement d'un Etat ainsi que de ses autorités diplomatiques, militaires et politiques, dès lors que cet Etat aura défini une politique d'armement ou d'assistance militaire envers une partie à un conflit.

Le dispositif est contradictoire non seulement avec la réalité des relations internationales, mais aussi avec la volonté d'assainissement recherchée. Ainsi, la France dispose d'un dispositif de contrôle de ses exportations d'armement, qui en assure le pilotage par le Premier ministre et le contrôle par les ministères de la défense et des finances. Sa politique de coopération et d'assistance militaire est conduite par son réseau d'attachés de défense et d'armement, ainsi que par des sociétés privées, telle Défense Conseil International, dont l'Etat contrôle le capital.

Des Etats moins jaloux de leurs prérogatives, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Afrique du Sud, qui, au contraire de la France, ont laissé se développer des sociétés privées de sécurité et d'assistance militaire d'une certaine ampleur agissant à l'étranger, disposent également de dispositifs de contrôle étatiques. L'activité de ces sociétés est soumise à autorisation au cas par cas. Ces autorisations peuvent être révoquées.

Il serait paradoxal que l'organisation par les grands Etats d'une surveillance et d'une prise en main aussi solides que possible des activités d'exportation d'armements ou de services militaires à l'étranger puisse aboutir à des mises en cause pénales de leurs dirigeants et, en réalité, au transfert sur le plan pénal de débats qui sont des débats politiques.

2. L'organisation d'une compétence pénale universelle

Ce risque est aggravé par l'organisation du dispositif répressif instauré par la convention.

Le paragraphe 2 de l'article 9 instaure une véritable compétence universelle pour juger pénalement de l'infraction de mercenariat.

« De même, stipule le texte, chaque Etat partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions définies aux articles 2, 3 et 4 de la présente Convention dans le cas où leur auteur présumé se trouve sur son territoire et où ledit Etat ne l'extrade pas vers l'un quelconque des Etats mentionnés au paragraphe 1 du présent article ».

L'article 15 est tout aussi clair.

« 1. Les infractions définies aux articles 2, 3 et 4 de la présente Convention sont de plein droit comprises comme cas d'extradition dans tout traité d'extradition conclu entre Etats parties. Les Etats parties s'engagent à comprendre ces infractions comme cas d'extradition dans tout traité d'extradition à conclure entre eux.

2. Si un Etat partie qui subordonne l'extradition à l'existence d'un traité est saisi d'une demande d'extradition par un autre Etat partie avec lequel il n'est pas lié par un traité d'extradition, il a la latitude de considérer la présente Convention comme constituant la base juridique de l'extradition en ce qui concerne ces infractions. (...)

3. Les Etats parties qui ne subordonnent pas l'extradition à l'existence d'un traité reconnaissent ces infractions comme cas d'extradition entre eux dans les conditions prévues par la législation de l'Etat requis ».

Autrement dit, la convention du 4 décembre 1989 rend moins précises que les conventions précédentes les conditions de l'infraction de mercenariat. Elle ouvre la possibilité d'interprétations larges, définissant comme mercenaires des civils agissant en accord non équivoque avec le Gouvernement de leur Etat. Le risque de telles interprétations est aggravé par l'obligation pour tout Etat partie soit de juger lui-même, soit d'extrader vers un Etat qui les réclame les étrangers ainsi suspectés, ou réclamés, dont certains ne devront leur mise en examen qu'à une interprétation très large de la convention.

D. POUR LA FRANCE, LA NÉCESSITÉ D'UNE ACTION CLAIRE ET RATIONNELLE

Pour ces raisons, la France n'est pas partie à la convention du 4 décembre 1989 : elle ne l'a ni ratifiée, ni même signée.

Elle n'est du reste aucunement isolée dans sa démarche. Au sein de l'Union européenne, seules l'Italie et la Belgique ont adhéré à la convention du 4 décembre 1989, respectivement en 1995 et 2002. L'Allemagne, qui a signé la convention en décembre 1990, ne semble pas envisager, plus de douze ans après, de la ratifier. L'Autriche, le Danemark, la Finlande, la Grèce, l'Espagne, le Portugal ne semblent pas non plus envisager une ratification. La Suède n'est pas non plus partie à la convention, estimant que certains de ses dispositions sont contraires à la loi suédoise.

Des pays traditionnellement en pointe dans la moralisation des conflits armés, comme la Norvège ou le Canada ne semblent pas non plus vouloir adhérer ; l'adhésion de l'Australie est à l'étude depuis 1995 ; aucun projet de transcription législative n'a reçu de début d'exécution.

Bien entendu, ni les Etats-Unis, ni le Royaume-Uni ne sont parties à la convention.

Il reste que la France se trouve aujourd'hui dans la situation contradictoire où elle reconnaît comme une activité gravement répréhensible, justifiant la privation des garanties relatives au statut de prisonnier de guerre, l'activité de mercenaire au sens de l'article 1er du protocole I de 1977, mais où elle ne s'autorise pas à sanctionner cette activité.

Avec l'entrée en vigueur de la convention de 1989, désormais ratifiée par 23 Etats (22 adhésions étaient requises), avec aussi l'adoption nouvelle d'une législation réprimant le mercenariat par des Etats d'origine de mercenaires (Russie, Ukraine), cette contradiction peut devenir la source d'une mise en cause internationale de la France.

La contradiction devait donc être levée et la situation clarifiée. C'est l'objet du présent projet de loi.

III.-  EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE DU PROJET DE LOI

Le projet de loi présenté par le Gouvernement se présente sous la forme d'un article unique, lequel crée, au sein du titre III du livre IV du code pénal, un nouveau chapitre VI intitulé « De la participation à une activité de mercenaire » et composé de cinq articles numérotés de 436-1 à 436-5.

Les articles 436-1 et 436-2 définissent les faits punissables et les peines applicables.

L'article 436-3 introduit, pour la recherche et la punition des infractions, une exception au principe de territorialité de la loi pénale.

Les articles 436-4 et 436-5 concernent les peines complémentaires applicables aux délinquants, personnes physiques ou personnes morales.

Article 436-1 du code pénal (nouveau)

Définition et sanction de l'activité illicite de mercenaire

Le cœur du dispositif du projet de loi réside dans l'introduction, au sein du code pénal, d'un nouvel article 436-1, qui définit l'activité répréhensible et en caractérise la peine.

 La définition de l'activité répréhensible est clairement reprise du protocole I de 1977. Pour tomber sous le coup de la loi, l'activité du mercenaire doit réunir les six caractéristiques cumulatives suivantes. Ledit mercenaire doit être « spécialement recruté pour combattre dans un conflit armé » ; il ne doit pas être « ressortissant d'un Etat partie audit conflit armé » ni « membre des forces armées de cet Etat » ; il ne doit pas non plus avoir été « envoyé en mission officielle par un Etat autre que l'un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces armées dudit Etat » ; en revanche, il doit « prendre ou tenter de prendre une part directe aux hostilités » et ce « en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération nettement supérieure à celle qui est payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions analogues dans les forces armées de l'Etat partie » pour lequel il doit combattre.

Il s'agit là de la reprise pure et simple, même si la forme rédactionnelle peut être plus ramassée, successivement des points a), d), e), f), b) et c) du paragraphe 2 de l'article 47 du protocole I de 1977.

La seule différence de fond concerne l'omission de la qualité de « résident d'un territoire contrôlé par une partie au conflit » mentionnée au paragraphe 2 d) de l'article 47 du protocole. Cette omission est logique : outil de droit international, le protocole se devait de prévoir le cas des résidents d'un territoire contrôlé, ou occupé, par une partie à un conflit, et privés par celle-ci de nationalité. En revanche, le projet de loi ne concerne, par définition, que les activités à l'étranger des nationaux français. L'omission de cette qualité de « résident » a donc pour seul effet d'interdire à un Français d'exciper de sa résidence habituelle dans un Etat étranger pour prendre part, à titre personnel et sans engagement dans les forces, à des conflits, internes ou extérieurs, impliquant cet Etat.

L'article 436-1 traite ensuite spécifiquement, dans un 2°, de la participation à « un acte de violence concerté visant à renverser les institutions ou porter atteinte à l'intégrité territoriale d'un Etat. ».

On aurait pu croire que l'absence de distinction par l'article 436-1 entre conflit armé interétatique et conflit armé intraétatique aurait pu suffire à caractériser la participation d'un mercenaire à un coup d'Etat ou à un soulèvement sécessionniste. Cependant, les signataires de la convention de l'OUA du 3 juillet 1977 et de la convention du 4 décembre 1989 ont tenu à ce qu'y soient mentionnées spécifiquement ces deux sources d'incrimination. La convention du 4 décembre 1989 notamment distingue en son article 3 la participation à « des hostilités » et celle à « un acte concerté de violence ». Pour la France, ce n'est pas le type d'événement militaire auquel il est pris directement part qui pose difficulté, mais bien le caractère « direct » de la participation du combattant. Dès lors, le 2° de l'article 436-1 prévoit sans difficulté le cas « d'acte de violence concerté ». Pour qualifier pénalement la participation à ces actes, les six critères cumulatifs précédemment cités sont repris, avec des adaptations mineures pour tenir compte de la spécificité du délit. Pour tomber sous le coup de la loi pénale, un Français qui participe à de tels actes doit donc avoir été « spécialement recruté » à cette fin, ne pas être « ressortissant de l'Etat contre lequel cet acte est dirigé », ni « membre des forces armées dudit Etat », ni n'avoir « été envoyé en mission officielle par un Etat » ; il doit enfin « prendre ou tenter de prendre part » à cet acte et ce en vue d'« obtenir un avantage personnel ou une rémunération importants ».

Ainsi, l'infraction est définie de façon très précise : ce n'est pas le mercenariat, au sens générique du terme, qui est désormais rendu répréhensible. L'emploi par les Etats de forces étrangères soldées n'est aucunement dénoncé, ni même l'enrôlement d'un Français dans les forces d'une partie à un conflit étranger. Devant le Sénat, la ministre de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie, a même exposé qu'« il ne saurait être question de dénier aux Etats le droit de se défendre en renforçant à cet effet leur appareil militaire et en recrutant les personnels dont ils ont besoin. Ce serait aller à l'encontre du souci de stabilité et de paix qui est celui de la France ». Et si le titre du nouveau chapitre VI du code pénal est bien : « De la participation à une activité de mercenaire », l'infraction créée par le présent projet de loi est laissée sans nom, et en aucun cas désignée comme celle de mercenariat.

Ce qui est réprimé, ce sont les seuls comportements dénoncés par le protocole I de 1977, sous l'angle principal de l'intervention armée d'un Français dans un conflit, un coup d'Etat ou une insurrection à titre personnel, sans mandat et sans engagement dans les forces d'une des parties, en s'affranchissant de toute allégeance. La ministre de la défense a indiqué devant le Sénat que « lorsqu'ils sont Français, les mercenaires suscitent parfois une confusion préjudiciable aux intérêts de notre pays, surtout lorsqu'ils interviennent dans un conflit où nos propres armées se trouvent impliquées. ». C'est aussi pourquoi, sans doute, le dispositif répressif est inséré au sein du livre IV, intitulé : « Des crimes et délits contres la Nation, l'Etat et la paix publique » à la fin du titre III, consacré aux « atteintes à l'autorité de l'Etat ».

 L'infraction ainsi définie fait bien sûr l'objet d'une qualification pénale. L'alinéa premier de l'article 436-1 dispose qu'elle est punie « de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende ». Ces peines, comme il est de règle en droit pénal, s'entendent comme des maxima.

Il s'agit donc non pas d'un crime, mais d'un délit, justiciable non de la cour d'assises, mais du tribunal correctionnel. Cette caractérisation n'appelle pas d'observation particulière. Elle s'insère dans la caractérisation habituelle des peines prévues pour l'action irrégulière des Français à l'étranger en matière militaire ou d'armement. Ainsi, les articles 24 et 25 du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions prévoient une peine maximum de cinq ans de prison pour la fabrication, le commerce et l'exportation sans autorisation de matériels de guerre. Il est logique que ce qui apparaît comme l'exportation illégale de services militaires soit puni de peines comparables.

Le Sénat a adopté l'article 436-1 sous réserve de deux modifications rédactionnelles ou de cohérence. S'agissant des personnels dépêchés par un Etat, il a substitué, au 1° et au 2°, à l'expression « mission officielle » le simple terme de « mission », le caractère officiel de la mission lui paraissant suffisamment établi dès lors qu'elle est instaurée par un Etat. Cette modification, du fait de son caractère synthétique et pratique, mérite d'être approuvée. A la fin du 1°, le Sénat a aussi substitué aux termes de « forces armées de l'Etat partie », l'expression « forces armées de la partie » pour tenir compte du fait que le 1° concerne non seulement les conflits interétatiques, mais aussi les conflits intraétatiques. Cet amendement de cohérence mérite lui aussi d'être approuvé.

Article 436-2 du code pénal (nouveau)

Organisation de services de mercenariat

L'article 436-2 punit de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende « le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet le recrutement, l'emploi, la rémunération, l'équipement ou l'instruction militaire d'une personne définie à l'article 436-1 ».

Son objet est de réprimer toutes les activités de recrutement, d'emploi, de soutien de mercenaires, c'est-à-dire toutes les activités concourant à l'organisation de services de mercenariat. La peine maximale, qui frappe des organisateurs, est logiquement plus lourde que celle qui frappe le simple acteur individuel. Elle reste néanmoins dans le domaine délictuel et correctionnel.

Dans la mesure où ces activités d'organisation ou de soutien concernent les seuls mercenaires prenant une part effective à un conflit armé ou à une action de déstabilisation, cette disposition n'appelle plus les réserves suscitées par l'article 2 de la convention du 4 décembre 1989. Elle doit au contraire être approuvée comme le corollaire indispensable d'une lutte efficace contre la constitution par des Français de groupes « d'affreux ». Le Sénat l'a adoptée sans modification.

Article 436-3 du code pénal (nouveau)

Dérogation au principe de territorialité de la loi pénale

L'article 436-3 dispose que les faits délictueux visés aux articles 436-1 et 436-2 sont punissables lorsqu'ils sont commis par un Français, même s'ils sont commis à l'étranger. Il instaure une dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 113-6 du code pénal, qui prévoit que si la loi pénale française est applicable dans tous les cas aux crimes commis par les Français hors du territoire de la République, elle ne l'est pour les délits que si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis.

L'article 436-3 dispose également que, pour les infractions relevant de ces articles, la seconde phrase de l'article 113-8 du code pénal, qui prévoit qu'une poursuite judiciaire doit être précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants droits ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis, ne s'applique pas.

L'article 436-3 permet à l'action pénale française de s'exercer de son propre mouvement à l'encontre de Français qui soit pratiquent une activité de mercenaire tombant sous le coup de l'article 436-1 du code pénal, soit organisent ou financent à l'étranger des services de mercenariat de ce type, ou y ont recours. C'est une disposition-clé du projet de loi. Cet article est l'instrument du plein respect de la loi pénale en matière de mercenariat par les citoyens français, même lorsqu'ils agissent à l'étranger. Il donne à la France un instrument essentiel pour faire reconnaître par ses alliés, notamment africains, qu'elle a mis en place, pour ce qui la concerne, un dispositif sincère et efficace de lutte contre les exactions armées privées commises par des Français. Enfin, il permet de justifier le refus par la France de la compétence universelle prévue par la convention du 4 décembre 1989. Si la France refuse aux justices étrangères le droit de juger ses ressortissants pour mercenariat, elle se dote en contrepartie des instruments qui lui permettent de les poursuivre partout dans le monde. Le Sénat a adopté cet article sans modification.

Article 436-4 du code pénal (nouveau)

Peines complémentaires applicables aux personnes physiques

L'article 436-4 concerne les peines complémentaires qu'encourent les personnes physiques coupables des infractions définies aux articles 436-1 et 436-2.

Ces peines complémentaires, qui peuvent être prononcées facultativement par le tribunal en sus de la peine principale, sont les peines complémentaires classiques d'accompagnement de la sanction de faits délictueux. Il s'agit de l'affichage ou de la diffusion de la condamnation, prévus par l'article 131-35 du code pénal, de l'interdiction des droits civils, civiques et de famille, prévue par l'article 131-26, et de l'interdiction de séjour dans des lieux précisés par le jugement, prévue par l'article 131-31, ces deux peines ne pouvant être prononcées pour une durée supérieure à cinq ans. L'article 436-4 n'appelle donc pas d'observation particulière.

Le Sénat a apporté à cet article un amendement de cohérence en substituant la référence à l'article 131-35 du code pénal à la référence à l'article 221-10 de ce même code, l'article 221-10 faisant lui-même référence à l'article 131-35.

Article 436-5 du code pénal (nouveau)

Peines complémentaires applicables aux personnes morales

L'article 436-5 concerne les peines complémentaires applicables aux personnes morales coupables des délits prévus à l'article 436-2.

Il s'agit des peines complémentaires usuelles en cas de délit : amende, prévue par l'article 131-38, et peines relatives à l'activité de la société ou de l'association, prévues par l'article 131-39, allant jusqu'à l'interdiction d'exercer certaines activités et même à la dissolution. L'article 436-5, adopté par le Sénat sans modification, n'appelle donc pas non plus d'observation particulière.

*

Le présent projet de loi se signale par son équilibre. Fondé sur les définitions strictes du protocole I de 1977, quasi-universellement ratifié, il sauvegarde la capacité de la France à mener les actions de coopération militaire et pour l'armement de son choix, conformément à la Charte des Nations Unies, et écarte de ses dispositions les soldats servant à titre étranger, pratique traditionnellement admise et respectée.

En même temps, il crée un instrument de répression efficace contre l'action des soldats perdus de nationalité française. L'incrimination est claire et reconnue par la communauté internationale ; les peines prévues, sévères, restent cependant équilibrées ; enfin les moyens d'action permettent de justifier le rejet par la France de l'instauration de dispositions internationales de compétence universelle.

Ce projet de loi a fait jusqu'ici l'objet d'un grand consensus politique. Déposé au Sénat par l'ancien Premier ministre M. Lionel Jospin, il devait y être défendu par le ministre de la défense, M. Alain Richard. Il a été mis à l'ordre du jour du Sénat par l'actuel Gouvernement et défendu par la ministre de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie. Le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a déposé le 18 décembre dernier, à l'initiative de MM. Paul Quilès et Jean-Marc Ayrault, une proposition de loi relative à la répression de l'activité de mercenaire (n° 499) ; cette proposition de loi reprend à l'identique le projet de loi initialement déposé par le précédent Gouvernement.

Ce projet de loi ne demandait que des retouches mineures. Le Sénat, avant de l'adopter à l'unanimité, les a apportées.

C'est pourquoi le rapporteur a proposé à la commission de la défense nationale et des forces armées d'adopter sans modification le projet de loi (n° 607) relatif à la répression de l'activité de mercenaire.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 5 mars 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Guy Teissier a demandé quelles autorités seraient compétentes pour poursuivre un militaire français, enrôlé par une officine étrangère, et exerçant dans un pays tiers.

Le rapporteur a répondu qu'aux termes du projet de loi le juge français sera compétent ; la situation du militaire sera appréciée en fonction des six critères cumulatifs énoncés par le texte.

M. Alain Moyne-Bressand a exprimé des réserves quant à la longueur des procédures, qui pourrait ôter à la loi beaucoup de son effet pratique. Il a ensuite demandé si l'on connaissait le nombre de mercenaires dans le monde et s'il existait une économie du mercenariat.

Le rapporteur a répondu qu'il était difficile de connaître l'effectif global des mercenaires en activité, mais que le développement du mercenariat était réel. En Afrique du sud, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, des sociétés militaires privées se développent, certaines fonctionnant avec le label des autorités. Le mercenariat traditionnel issu de la décolonisation tend ainsi à être remplacé par le développement d'activités militaires privées organisées, méthodiques et professionnelles.

M. François Lamy a fait remarquer qu'une partie des observateurs envoyés au Kosovo par les Américains avant le conflit dépendait en fait de sociétés privées et que ces situations semi-officielles étaient créatrices d'une certaine confusion.

Le rapporteur a indiqué que le remplacement par le Sénat, dans le texte du projet de loi, de l'expression « mission officielle » par le simple mot de « mission » permettait de prendre en compte les situations de ce genre.

M. François Lamy a demandé si le projet de loi permettrait d'engager des procédures vis-à-vis de mercenaires déjà recrutés, mais non encore engagés dans un conflit. Pourrait-on empêcher le départ de ces mercenaires vers l'étranger ? Par ailleurs, les officiers français à la retraite ou placés en deuxième section ayant des fonctions de conseillers militaires auprès d'autorités étrangères sont-ils concernés par ce projet de loi ?

Le rapporteur a indiqué qu'il n'était pas possible d'empêcher des personnes, même soupçonnées de mercenariat, de quitter le territoire national tant que les six critères cumulatifs n'étaient pas remplis. De même, tant que ces critères ne sont pas remplis, les militaires français à la retraite servant auprès d'autorités étrangères ne sont pas concernés par le projet de loi.

Le président Guy Teissier a regretté l'absence de statut juridique spécifique de ces missions, confiées de gré à gré à d'anciens officiers français, mais qui s'apparentent beaucoup plus à des missions de coopération militaire qu'à des actes de mercenariat et il a exprimé la crainte que ce vide juridique ne s'avère préjudiciable à ces officiers.

M. Gilbert Meyer s'est déclaré perplexe quant à l'efficacité du dispositif consistant à exiger le cumul de six conditions pour qualifier l'activité des mercenaires, efficacité qui pourra être encore diluée par des procédures juridiques susceptibles d'être fort longues. A l'appui de sa démonstration, il a cité les dispositions de l'article 436-1 qui se réfèrent à « toute personne, spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé », en indiquant que certains mercenaires pouvaient être recrutés à d'autre fins que pour combattre spécialement dans un conflit armé. Si le projet de loi pose bien un cadre, celui-ci devrait se révéler difficilement applicable à l'usage.

Le rapporteur a convenu que le dispositif prévu par le projet de loi limitait les possibilités de qualification des faits. Néanmoins, l'article 436-1 du code pénal introduit par le projet de loi ne fait que reprendre les dispositions du protocole I de 1977, qui a été ratifié par la France.

M. Charles Cova a demandé si les officiers généraux français, admis dans la deuxième section depuis plus de cinq ans et remplissant des fonctions de conseillers militaires auprès de chefs d'Etat étrangers, pouvaient relever de la qualification de mercenaire prévue par le projet de loi. Certaines ambiguïtés semblent subsister sur ce point. En outre, quelle sera la situation au regard de la loi des techniciens de nationalité française qui sont appelés à effectuer des opérations de maintenance de matériels de guerre vendus à des Etats étrangers ?

Le rapporteur a souligné que, dans ces deux cas, les six critères qualifiant l'activité de mercenaire protègent les personnels français en cause. En effet, les officiers généraux exerçant des fonctions de conseillers de chefs d'Etat étrangers ne peuvent être considérés comme des mercenaires dès lors qu'ils n'ont pas été spécialement recrutés pour combattre dans un conflit, ou qu'ils ne prennent pas directement part à des hostilités. Pour ce qui concerne les techniciens, les notions d'assistance et de conseil techniques ne relèvent pas non plus de la participation directe aux opérations militaires visée par le projet de loi.

M. Christian Ménard a souhaité savoir si le mercenariat privé éventuellement reconnu ou suscité par l'Etat français tombait sous le coup du projet de loi.

Le rapporteur a fait valoir que l'article 436-1 du code pénal exclut de son champ toute personne qui a « été envoyée en mission par un Etat autre que l'un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces armées dudit Etat ».

Le président Guy Teissier a observé que cette question était importante, les services de renseignement préférant parfois recourir à des personnels spécialement rémunérés plutôt qu'à leurs propres éléments pour accomplir certaines missions.

M. Gérard Charasse a souhaité connaître les sanctions, les critères de qualification de l'activité de mercenaire et les autorités juridictionnelles compétentes qui étaient prévues par la convention du 4 décembre 1989.

Le rapporteur a indiqué que les critères constitutifs de l'activité de mercenaire prévus par la convention du 4 décembre 1989 étaient identiques à ceux du protocole I de 1977, à l'exception de deux différences notables qui ont motivé la décision de la France de ne pas signer ce texte. En premier lieu, la convention de 1989 ne prévoit pas qu'il soit nécessaire, pour être qualifié de mercenaire, de prendre directement part aux hostilités. En second lieu, elle reconnaît une entière compétence aux Etats parties à la convention pour organiser les poursuites juridiques contre les mercenaires. La France tient à ce que le champ de la qualification du mercenariat inclue la participation directe à des opérations militaires et ne saurait accepter une compétence universelle qui s'affranchisse de ce critère.

M. François Lamy s'est inquiété des possibilités de dévoiement du dispositif du projet de loi. On peut envisager que des forces armées locales concluent un contrat de travail avec des ressortissants français, opérant de ce fait sous uniforme local, afin de leur permettre d'échapper à la qualification de mercenaire prévue à l'article 436-1 du code pénal.

Le rapporteur a souligné que cette éventualité se trouvait fortement compromise par les dispositions finales du 1° de l'article 436-1 du code pénal, qui inclut parmi les critères du mercenariat le fait que les personnes visées accomplissent leur activité « en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération nettement supérieure à celle qui est payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions analogues dans les forces armées de la partie pour laquelle elle doit combattre ». De ce fait, une personne employée par les forces armées d'un belligérant, mais dont la rémunération diffère fortement de celles en vigueur dans cette armée, pourra certainement encourir d'être qualifiée de mercenaire.

*

* *

La commission a ensuite adopté l'article unique du projet de loi sans modification.

En conséquence, la commission de la défense nationale et des forces armées demande à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi n° 607 sans modification.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte du projet de loi

___

Texte adopté par le Sénat

___

Propositions de la Commission

___

Article unique

Article unique

Article unique

Il est inséré, après le chapitre V du titre III du livre IV du code pénal, un chapitre VI ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

Sans modification

« Chapitre VI

« De la participation à une activité de mercenaire

« Art. 436-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 € d'amende le fait :

(Alinéa sans modification)

« 1° Par toute personne, spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé et qui n'est ni ressortissante d'un Etat partie audit conflit armé, ni membre des forces armées de cet Etat, ni n'a été envoyée en mission officielle par un Etat autre que l'un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces armées dudit Etat, de prendre ou tenter de prendre une part directe aux hostilités en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération nettement supérieure à celle qui est payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions analogues dans les forces armées de l'Etat partie pour lequel elle doit combattre ;

...

mission par un Etat...

... de la partie pour laquelle...

« 2° Par toute personne, spécialement recrutée pour prendre part à un acte concerté de violence visant à renverser les institutions ou porter atteinte à l'intégrité territoriale d'un Etat et qui n'est ni ressortissante de l'Etat contre lequel cet acte est dirigé, ni membre des forces armées dudit Etat, ni n'a été envoyée en mission officielle par un Etat, de prendre ou tenter de prendre part à un tel acte en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération importants.

... mission par

un Etat, ...

« Art. 436-2. - Le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet le recrutement, l'emploi, la rémunération, l'équipement ou l'instruction militaire d'une personne définie à l'article 436-1 est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100.000 € d'amende.

(Alinéa sans modification)

« Art. 436-3. - Lorsque les faits mentionnés au présent chapitre sont commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables.

(Alinéa sans modification)

« Art. 436-4. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues par le présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes :

(Alinéa sans modification)

« 1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 ;

(Alinéa sans modification)

« 2° La diffusion intégrale ou partielle de la décision ou d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci dans les conditions prévues par l'article 221-10 ;

... par l'article

131-35 ;

« 3° L'interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l'article 131-31.

(Alinéa sans modification)

« Art. 436-5. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, de l'infraction définie à l'article 436-2.

(Alinéa sans modification)

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

(Alinéa sans modification)

« 1° L'amende, selon les modalités prévues par l'article 131-38 ;

(Alinéa sans modification)

« 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39.

(Alinéa sans modification)

« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

(Alinéa sans modification)

ANNEXE

.

Liste des Etats parties à la convention internationale
contre le recrutement, l'utilisation, le financement
et l'instruction des mercenaires du 4 décembre 1989

(la date est la date de l'adhésion)

● Arabie Saoudite

14.04.1997

● Azerbaïdjan

04.12.1997

● Barbade

10.07.1992

● Bélarus

28.05.1997

● Belgique

31.05.2002

● Cameroun

26.01.1996

● Chypre

08.07.1993

● Costa Rica

20.09.2001

● Croatie

27.03.2000

● Géorgie

08.06.1995

● Italie

21.08.1995

● Jamahiriya arabe libyenne

22.09.2000

● Maldives

11.09.1991

● Mauritanie

09.02.1998

● Ouzbékistan

19.01.1998

● Qatar

26.03.1999

● Sénégal

09.06.1999

● Seychelles

12.03.1990

● Suriname

10.08.1990

● Togo

25.02.1991

● Turkménistan

18.09.1996

● Ukraine

13.09.1993

● Uruguay

14.07.1999

N° 0671 - Rapport sur le projet de loi relatif à la répression de l'activité de mercenaire (Sénat, 1ère lecture) (M. Marc Joulaud)


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