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le 18 mars 2003

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N° 691

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 mars 2003

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI (n° 677), modifiant l'article 1-1 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications,

PAR M. Jean PRORIOL,

Député.

--

Télécommunications.

INTRODUCTION 5

L'ERAP 7

LA DETTE DE FRANCE TÉLÉCOM 9

A. SON ORIGINE 9

B. SA STRUCTURE 10

C. SA RÉSORPTION 11

LE CONTRÔLE EUROPÉEN 12

A. LA PROCÉDURE DE CONTRÔLE 12

B. LE CRITÈRE DE L'INVESTISSEUR AVISÉ 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

TABLEAU COMPARATIF 17

ANNEXES 19

A. EXTRAITS DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE 19

B. TABLEAU D'ENDETTEMENT DE FRANCE TÉLÉCOM AU 31 DÉCEMBRE 2002 20

MESDAMES, MESSIEURS,

Voici un projet de loi minuscule pour un problème gigantesque : il est minuscule, car il ne vise qu'à ajouter deux mots dans la loi : la conjonction  « ou » et l'adverbe « indirectement »; il concerne un problème gigantesque, car il s'agit de la dette de France Télécom de 68 milliards d'euros.

Les conditions dans lesquelles ce « minuscule » et ce « gigantesque » s'articulent sont un peu complexes.

En fait, parmi les mesures annoncées le 5 décembre 2002 par le ministre des finances et le président de l'entreprise pour permettre à France Télécom de faire face à sa dette figure un renforcement de ses fonds propres de 15 milliards d'euros, incluant notamment une augmentation de capital.

Compte tenu de la part que l'Etat possède dans le capital de France Télécom, à savoir nominalement 55,4 %, ce qui fait une part effective de près de 60 % des droits de vote en tenant compte des 8,5 % d'autocontrôle, l'Etat devrait logiquement contribuer à hauteur d'environ 9 milliards d'euros au renforcement des fonds propres.

Cette participation de l'Etat, à hauteur de sa part au capital, dans un processus de marché aux côtés d'autres investisseurs, est conforme au principe de l' « investisseur avisé » et donc compatible avec l'article 87 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté européenne, qui interdit les aides publiques « qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence ».

Ce principe signifie que la participation de l'Etat doit être telle que, dans des circonstances similaires, un investisseur privé aurait été amené à procéder à des apports de capitaux de la même importance, eu égard notamment aux informations disponibles et aux évolutions prévisibles à la date desdits apports.

Pour ne laisser aucun doute à ce sujet, et permettre de suivre cet investissement dans le temps, le Gouvernement a décidé de confier la gestion de la participation de l'Etat dans France Télécom à un établissement holding public, en l'occurrence l'ERAP. Ce transfert permettra en effet une séparation comptable claire de toutes les opérations entre France Télécom et son actionnaire public, et assurera de ce fait une très grande transparence de celles-ci.

L'ERAP a une longue pratique de la gestion des participations de l'Etat dans les entreprises, puisqu'elle a géré jusqu'en 1996 le capital détenu par l'Etat dans Elf, puis dans des entreprises du secteur nucléaire comme la Cogema, et Areva depuis la restructuration du secteur nucléaire français en septembre 2001. Areva regroupe depuis cette date les anciennes activités de la Cogema, de Framatome et de CEA-Industrie ; elle est détenue majoritairement (à hauteur de 79 %) par le CEA, et seulement à hauteur de 3,2 % par l'ERAP.

Dès lors que l'ERAP aura récupéré la gestion de la part de l'Etat dans France Télécom, le concours public à l'augmentation de capital qui sera ultérieurement décidé par France Télécom s'effectuera en toute transparence selon la règle de « l'investisseur avisé ».

La mise en place du dispositif devant permettre à France Télécom de bénéficier du concours de l'ERAP à l'occasion d'une prochaine augmentation de capital s'est effectuée en trois temps :

- tout d'abord, le décret n° 2002-1409 du 2 décembre 2002 a modifié le décret n° 65-1117 du 17 décembre 1965 portant organisation administrative et financière de l'ERAP, afin de permettre à l'ERAP de prendre des participations dans des entreprises appartenant au secteur des télécommunications ;

- ensuite, l'article 80 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002 a accordé à l'ERAP, pour ses futurs emprunts contractés dans le cadre de son soutien d'actionnaire à France Télécom, le bénéfice, en principal et intérêts, de la garantie de l'Etat dans la limite de 10 milliards d'euros en principal ; cette garantie permettra à l'ERAP qui n'a pas d'activité industrielle propre, puisqu'il ne s'agit que d'une holding financière employant tout au plus cinq personnes, de se financer sur les marchés dans des conditions optimales ;

- enfin, le présent projet de loi sur la modalité de détention par l'Etat du capital social de France Télécom constitue le troisième volet juridique de la préparation de l'augmentation de capital, puisqu'il modifie l'article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, afin de permettre une détention « indirecte » par l'Etat de la majorité du capital de France Télécom.

Ce texte vise donc uniquement à permettre à l'Etat de transférer à l'ERAP, établissement public national à caractère industriel et commercial, l'intégralité de la part du capital de France Télécom qu'il détient, afin que l'ERAP puisse participer, le moment venu, à une opération d'augmentation de ce capital dans des conditions pleinement conformes au droit européen.

L'ERAP

L'ERAP, établissement public industriel et commercial, (anciennement "Entreprise de recherche et d'activité pétrolière"), est né en 1965, de la fusion de deux structures créées par les pouvoirs publics dans le but de mettre en valeur les ressources en hydrocarbures de la région Aquitaine :

- la Régie autonome des pétroles (RAP), fondée en 1939 suite à la découverte en juillet de cette même année d'un champ de gaz à Saint-Marcet ;

- le Bureau de recherches des pétroles (BRP), établissement public créé en 1945 afin de promouvoir, sur le plan technique et financier, la recherche de pétrole en France (métropole et Outre-mer) et dans les pays rattachés à la France par des liens particuliers (les colonies).

En absorbant le BRP, l'ERAP a commencé sa carrière de holding en récupérant la participation de l'Etat dans un troisième acteur de l'industrie pétro-chimique : la Société nationale des pétroles d'Aquitaine (SNPA), qui avait été créée en 1941 pour prospecter la région Aquitaine, et qui a découvert près de Lacq, d'abord du pétrole en octobre 1949, puis un vaste gisement de gaz naturel en décembre 1951.

En 1976, les équipes et les actifs de l'ERAP et de la SNPA ont été regroupés sous le nom de la SNEA, Société Nationale Elf Aquitaine, plus connue sous le nom de la marque commerciale Elf, qui avait été lancée en 1967. L'ERAP a subsisté pour porter et gérer les participations de l'Etat dans le groupe Elf.

A partir de 1994, en liaison avec le processus de privatisation, l'ERAP a cédé progressivement ses actions du groupe Elf pour en sortir définitivement en 1996.

L'ERAP est également intervenu à la demande de l'Etat pour accompagner la réorganisation industrielle de la Société Le Nickel, acteur essentiel de l'activité de la Nouvelle-Calédonie et acteur mondial majeur sur le marché de ce métal stratégique. Entré dans la Société Le Nickel par le rachat des parts qu'y détenait le groupe Imétal en 1990, l'ERAP a recapitalisé et restructuré cette entreprise, en devenant actionnaire majoritaire du groupe Eramet. L'ERAP a accompagné le développement du groupe Eramet sur de nouveaux métiers, jusqu'à sa privatisation en 1999.

A cette date, l'ERAP a favorisé la mise en œuvre des « accords de Bercy » qui rééquilibrent au profit des provinces calédoniennes le produit des richesses minières de l'île. Il a alors cédé une partie de ses actions dans Eramet à la STCPI créée entre les provinces et apporté le reste de sa participation à la Cogema.

Devenu actionnaire de Cogema à hauteur de 7,5 % du capital, l'ERAP a participé à la restructuration du pôle nucléaire français en septembre 2001, en devenant actionnaire de la nouvelle société Areva. Sa participation de 3,2 % dans Areva est d'ailleurs depuis cette date, le seul actif qu'il gère pour le compte de l'Etat, pour un montant total de 236 millions d'euros.

Par le décret du 2 décembre 2002, l'ERAP a vu son domaine d'activités élargi au secteur des télécommunications afin de pouvoir intervenir, à la demande de l'Etat, dans le plan d'action visant au retour de France Télécom à une situation financière normalisée. Au passage, l'ERAP a perdu sa dénomination d'origine, l'ancien sigle devenant le véritable nouveau nom de l'établissement.

L'ERAP aurait pu par ailleurs bénéficier, jusqu'au début du mois de mars 2003, pour des raisons techniques d'un prêt à court terme à hauteur de 9 milliards d'euros auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Le prêt de la Caisse des dépôts et consignations à l'ERAP, s'il avait été sollicité, aurait été rémunéré au taux du marché.

France Télécom n'a pas eu besoin de faire appel à l'ERAP à ce stade. L'entreprise a levé directement sur le marché financier, en deux emprunts obligataires, émis dès décembre 2002 pour le premier, et en janvier 2003 pour le second, un montant de 9 milliards d'euros; elle a aussi renégocié une tranche de 5 milliards d'euros de sa ligne de crédit syndiqué (1) de 15 milliards d'euros, ce qui, en complément des liquidités disponibles à fin 2002, lui permet de faire face la partie de sa dette venant à échéance en 2003.


LA DETTE DE FRANCE TELECOM

Cette dette de 68 milliards d'euros s'est constituée à l'occasion des opérations industrielles décidées pendant les années d'euphorie financière et technologique du tournant de l'an 2000. Elle comporte majoritairement une composante de long terme. Le plan annoncé pour sa résorption vise aussi bien à dégager des ressources de remboursement qu'à obtenir des reports d'échéance.

A. SON ORIGINE

Ce sont les particularités du statut de France Télécom qui expliquent pour l'essentiel cet endettement.

En effet, le statut public de l'entreprise, dont l'Etat doit détenir directement plus de la moitié du capital social, selon la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 « relative à l'entreprise nationale France Télécom », a interdit tout paiement majeur d'opération d'acquisition par remise de titres de France Télécom : chaque prise de contrôle par France Télécom a dû être financée principalement par endettement.

Un autre élément, lié indirectement au statut public de France Télécom, a contribué à accentuer le poids de la dette : le fait que l'opérateur historique français a longtemps privilégié, pour ses opérations d'extension internationale, une stratégie d'alliance avec l'opérateur historique allemand, Deutsche Telekom. Cette alliance avait clairement une dimension symbolique et politique. Son échec, en avril 1999, du fait du changement de stratégie de Deutsche Telekom, qui a tenté brusquement une fusion avec Telecom Italia, a conduit France Télécom à mettre en place une stratégie alternative d'acquisitions pour s'implanter sur les marchés étrangers, mais à un moment où beaucoup d'opérations de fusions-acquisitions avaient déjà eu lieu dans l'industrie des télécommunications. Les acquisitions de France Télécom ont donc dû être effectuées au prix le plus fort : celle d'Orange , pour environ 50 milliards d'euros, est par exemple intervenue en mai 2000, au point le plus haut de la « bulle » financière.

L'achat de la licence UMTS à l'Etat français apparaît lui aussi comme une conséquence du statut public de l'entreprise, puisque l'opération s'est assimilée d'une certaine manière à une « vente forcée » : France Télécom n'avait pas la liberté, comme Bouygues, de refuser le prix proposé. Mais ce prix a été ultérieurement rajusté, en octobre 2001, à seulement 619 millions d'euros au lieu des 4,95 milliards d'euros initiaux, et de toute façon, France Télécom ne pouvait faire l'impasse sur une technologie présentée par toute la profession comme la norme du futur. En la matière, d'ailleurs, seul l'avenir pourra déterminer si cette démarche était réaliste.

Ce sont au total plus de 100 milliards d'euros qui ont été dépensés sur la période 1999-2001 par le groupe France Télécom pour sa politique de développement, dont 80 % ont dû être payés en cash. Le retournement des marchés à partir de la fin 2000 a conduit à ne pas mettre en œuvre les plans successifs de réduction de la dette, fondés principalement sur la vente d'actifs.

Au 31 décembre 2001, l'endettement net de France Télécom s'établissait à 63,4 milliards d'euros.

Au cours du premier semestre 2002, la dette a continué à progresser, du fait d'engagements antérieurs, comme l'exercice de l'option de vente de E.On sur des actions Orange, ou le rachat des actions France Télécom à Vodafone, ou encore en raison de l'intégration comptable, dans le périmètre de consolidation, de nouvelles entités du groupe. Au cours du second semestre 2002, la dette nette a au contraire enregistré une baisse de 1,7 milliard d'euros, liée à une forte amélioration du cash flow disponible, expliquée en partie par des cessions d'actifs (notamment TDF).

B. SA STRUCTURE

Au 31 décembre 2002, la dette nette de France Télécom s'établissait à 68,0 milliards, dont 11,2 milliards d'euros en obligations convertibles et échangeables.

A cette date, France Télécom devait faire face à des échéances de remboursement d'emprunt qui s'élevaient à 15,2 milliards d'euros en 2003, 15 milliards d'euros en 2004 et approximativement 20 milliards d'euros en 2005, soit un total d'environ 50 milliards d'euros d'ici à fin 2005 (voir tableau en annexe).

Mais France Télécom est en mesure de couvrir en totalité le refinancement de la part des emprunts venant à échéance d'ici fin 2004, compte tenu :

·  des objectifs de génération de cash flow disponible en 2003, estimé à un montant supérieur à trois milliards d'euros ;

·  des cessions d'actifs déjà annoncées, pour environ 1 milliard d'euros ; les éventuelles cessions complémentaires pourraient représenter un autre milliard d'euros ;

·  des émissions obligataires réalisées en janvier 2003 pour environ 5.9 milliards d'euros, après l'emprunt de décembre pour 2,9 milliards d'euros, ainsi que du refinancement de la ligne de crédit syndiqué (2) pour un montant de 5 milliards d'euros.

Au total, depuis le mois de décembre 2002, France Télécom a réalisé le refinancement de plus de 14 milliards d'euros de dette grâce à l'émission de près de 9 milliards d'euros d'obligations, et le refinancement de la ligne de crédit syndiqué pour un montant de 5 milliards d'euros.

C. SA RÉSORPTION

Le plan de désendettement de France Télécom pour la période 2003-2005 s'appuie sur trois volets :

- 15 milliards d'euros de renforcement des fonds propres, obtenus par une augmentation du capital en bourse, dont le présent projet de loi constitue un élément juridique préparatoire ;

- 15 milliards d'économies de gestion grâce au programme d'amélioration des performances opérationnelles « TOP » ; cette amélioration passe en particulier par une recentralisation de l'organisation managériale au sein du groupe, qui fonctionnait auparavant beaucoup selon un principe de délégation ;

- 15 milliards de refinancement obligataire.

Le but est de reprendre en main le destin de l'entreprise, de manière à instituer un rapport de force plus favorable dans les négociations avec les apporteurs de fonds extérieurs.

Ce plan n'intègre pas explicitement des cessions d'actifs, car il s'agit là de ressources considérées comme trop aléatoires, le contexte financier n'étant guère favorable à de telles opérations. Le rythme des cessions va se caler sur les opportunités et les besoins, et non sur des objectifs de recettes financières ; en règle générale, ce sont plutôt les participations minoritaires qui auront vocation à être cédées, s'il apparaît qu'elles ne peuvent être consolidées en prise de contrôle. La cession d'actifs non stratégiques ne contribuera donc que de manière tout à fait complémentaire au plan de désendettement.

France Télécom a pour ambition de ramener son ratio dette nette/REAA (résultat d'exploitation avant amortissement) à un chiffre compris entre 1,5 et 2 à l'horizon 2005.

LE CONTRÔLE EUROPÉEN

Les aides directes des Etats aux entreprises sont prohibées par l'article 87 paragraphe 1 du Traité instituant la Communauté européenne. Cette règle ne souffre d'exception que lorsque l'aide peut être considérée comme résultant du comportement d'un « investisseur avisé ».

A. LA PROCÉDURE DE CONTRÔLE

La procédure de contrôle est fixée par l'article 88 du Traité instituant la Communauté européenne.

Tout d'abord, les Etats sont tenus d'informer la Commission, « en temps utile » afin qu'elle puisse présenter ses observations, de tout projet tendant à instituer ou à modifier une aide.

Si la Commission estime qu'un projet n'est pas « compatible avec le marché commun », selon les termes de l'article 87, elle ouvre sans délai une procédure qui vise à vérifier la nature des aides en question, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations.

La procédure est suspensive, car « l'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ».

La Commission peut assortir son accord de « mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun ».

Si la Commission conclut que l'aide est appliquée de façon abusive, « elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine ».

« Si l'Etat en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre Etat intéressé peut saisir directement la Cour de justice ».

Toutefois, l'Etat en cause dispose de deux recours face à cette procédure de la Commission :

- d'une part, le renvoi à une décision du Conseil, s'il peut se prévaloir de « circonstances exceptionnelles » : « Sur demande d'un Etat membre, le Conseil, statuant à l'unanimité, peut décider qu'une aide, instituée ou à instituer par cet Etat, doit être considérée comme compatible avec le marché commun, en dérogation des dispositions de l'article 87 ( ... ), si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à l'égard de cette aide, la Commission a ouvert la procédure prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande de l'Etat intéressé adressée au Conseil aura pour effet de suspendre ladite procédure jusqu'à la prise de position du Conseil. »

- d'autre part, la saisine de la Cour de justice des communautés européennes contre la décision de la Commission, ce que l'Etat français a fait, pour finalement avoir gain de cause, dans l'affaire « Stardust Marine », sur laquelle la Cour de justice s'est prononcée le 16 mai 2002.

Dans le cas de la mise en place du plan d'action visant le retour de France Télécom à une situation financière normalisée, l'Etat français a respecté son obligation d'informer la Commission des mesures envisagées.

La Commission a ouvert le 30 janvier 2003 une procédure au titre de l'article 88, concernant les mesures annoncées par l'Etat dans le cadre du plan d'action présenté par les dirigeants de l'entreprise ainsi que du régime particulier de taxe professionnelle découlant du statut historique de France Télécom.

B. LE CRITÈRE DE L'INVESTISSEUR AVISÉ

Le paragraphe 1 de l'article 87 prohibe précisément, comme non « compatibles avec le marché commun », « les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

Cela signifie qu'a contrario sont considérées comme « compatibles avec le marché commun », ainsi que l'a rappelé la Cour de justice des communautés européennes dans son arrêt « Stardust Marine » : « les capitaux qui sont mis à la disposition d'une entreprise, directement ou indirectement, par l'Etat, dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché » (point 69).

Le même arrêt précise : « il y a lieu d'apprécier si, dans des circonstances similaires, un investisseur privé d'une taille qui puisse être comparée à celle des organismes gérant le secteur public aurait pu être amené à procéder à des apports de capitaux de la même importance, eu égard notamment aux informations disponibles et aux évolutions prévisibles à la date desdits apports » (point 70).

Tel est le critère de « l'investisseur avisé ».

La Cour de justice des communautés européennes veille à ce que la Commission le respecte dans le cadre de la procédure de l'article 88.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 12 mars 2003, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean Proriol, le projet de loi modifiant la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications (n° 677).

M. Jean Proriol, rapporteur, a conclu son exposé en observant que le caractère minuscule de ce projet de loi était l'indication que le Gouvernement souhaitait qu'il fût vite adopté, afin de mettre le plus rapidement possible l'entreprise France Télécom en position de profiter d'une évolution favorable de la bourse pour lancer, à une date qui serait d'ailleurs sans doute dévoilée au dernier moment pour éviter la spéculation, cette opération d'augmentation de capital dont elle avait besoin pour redresser sa structure financière.

M. Léonce Deprez, s'exprimant au nom du groupe UMP, s'est demandé si, au-delà de l'habileté du procédé retenu par le projet de loi pour le soutien au plan de redressement de France Télécom, le fait de confier la gestion de la participation de l'Etat à un établissement holding public ne risquait pas cependant de poser des difficultés au regard de la réglementation européenne.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a pris acte, au nom du groupe socialiste, de la nécessité dans laquelle se trouvait l'Etat de concilier les exigences de la réglementation européenne et la volonté d'aider l'entreprise France Telecom à faire face à sa dette. Il s'est toutefois demandé si le choix de l'ERAP, comme instrument porteur des interventions publiques, était pertinent ; il a également fait remarquer que l'introduction, dans l'article unique, du terme « indirectement » laissait envisager, par son imprécision même, que la participation de l'Etat pourrait prendre des formes très diverses et trouver d'autres vecteurs que l'ERAP.

M. Jean Dionis du Séjour, après avoir rappelé que l'instant critique à l'origine des difficultés de France Telecom correspondait à l'acquisition d'Orange, l'entreprise s'étant vu interdire à ce moment là, contre toute logique financière, le recours à l'échange de titres, a souligné que son groupe apportait son soutien au plan de désendettement très ambitieux mis en place par la nouvelle direction de l'entreprise et le Gouvernement mais que, derrière la méthode choisie pour résorber la dette de France Telecom, se poserait inévitablement dans un deuxième temps, la question de l'évolution future de la composition du capital de l'entreprise.

En réponses aux différents intervenants, M. Jean Proriol a rappelé que le choix de l'ERAP comme support de l'aide de l'Etat à France Telecom s'appuyait sur des exemples antérieurs d'application du critère de « l'investisseur avisé », dont le bien fondé avait même été confirmé dans un cas récent par la Cour de justice des communautés européennes. Il a estimé que le Gouvernement précédent, en contraignant France Télécom à financer ses acquisitions par l'emprunt, avait effectivement contribué au développement de la dette, dont la gestion a été rendue encore plus difficile avec l'éclatement de la bulle spéculative des valeurs des nouvelles technologies de l'information et de la communication. S'agissant du choix de l'instrument utilisé pour le volet financier du plan de redressement, il a souligné que l'ERAP avait donné toute satisfaction depuis sa création en 1965, qu'il se soit d'abord agi de son objet initial, la recherche pétrolière, ou ensuite des autres activités qu'elle avait prises en charge ; que le recours à cet établissement public avait permis jusque là une transparence totale de la gestion des participations publiques de l'Etat. Il a fait observer, en ce qui concerne l'éventualité d'autres montages rendus possibles par l'adverbe « indirectement », que le transfert à l'ERAP de la part de l'Etat dans France Télécom avait tout de même nécessité la publication d'un décret.

En conclusion, il a attiré l'attention sur le fait que le plan de résorption de la dette avait commencé de porter ses fruits, comme le montrait le non recours de France Telecom à l'avance d'actionnaire de 9 milliards d'euros mis à sa disposition par l'ERAP, ou le résultat d'exploitation brut positif pour 2002 de 7 milliards d'euros. Il a noté que les collectivités locales pouvaient constater qu'elles étaient d'ailleurs, elles aussi, mises indirectement à contribution par les réductions drastiques de dépenses de l'opérateur public, celui-ci leur demandant maintenant de supporter le financement intégral de tout investissement nouveau, des études préalables pour l'enfouissement des lignes jusqu'à la fourniture de fourreaux individualisés.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission a alors adopté l'article unique du projet de loi sans modification.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte en vigueur

___

Texte du projet de loi

___

Propositions de la Commission

___

Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990

relative à l'organisation

du service public de la poste

et des télécommunications

Article unique

Article unique

Article 1-1

1 - La personne morale de droit public France Télécom mentionnée à l'article 1er est transformée à compter du 31 décembre 1996 en une entreprise nationale dénommée France Télécom, dont l'Etat détient directement plus de la moitié du capital social.

.................................................

Au premier alinéa du 1 de l'article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, il est ajouté, après le mot : « directement », les mots : « ou indirectement ».

(Sans modification)

ANNEXES

A. Extraits du Traité instituant la Communauté européenne

LES AIDES ACCORDÉES PAR LES ETATS

Article 87

1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

Article 88

1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun.

2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine.

Si l'Etat en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre Etat intéressé peut saisir directement la Cour de justice, par dérogation aux articles 226 et 227.

Sur demande d'un Etat membre, le Conseil, statuant à l'unanimité, peut décider qu'une aide, instituée ou à instituer par cet Etat, doit être considérée comme compatible avec le marché commun, en dérogation des dispositions de l'article 87 ou des règlements prévus à l'article 89, si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à l'égard de cette aide, la Commission a ouvert la procédure prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande de l'Etat intéressé adressée au Conseil aura pour effet de suspendre ladite procédure jusqu'à la prise de position du Conseil.

Toutefois, si le Conseil n'a pas pris position dans un délai de trois mois à compter de la demande, la Commission statue.

3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.

B. Tableau d'endettement de France Télécom au 31 décembre 2002

en M€

Encours au 31/12/2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008 et au delà

Emprunts obligataires échangeables, convertibles ou remboursables en actions

11 193

3 082

4 177

3 934

 

 

 

OE Orange @12,7€/action Orange; 2,5% de coupon (février 03)

3 082

3 082

 

OC FT @77,07€/action; 2% de coupon (janvier 04)

2 031

2 031

 

OE Vodafone-Panafon @14,29€/action; 4,125% de coupon (nov 04)

623

623

 

OE STMicroelectonics @50,765€/action; 1% de coupon (déc 04)

1 523

1 523

 

OC STMicroelectronics @ 6,75% de coupon (août 05)

442

442

 

OE FT @ 38,49€/action; 4% de coupon (nov 05)

3 492

 

 

3 492

 

 

 

Autres dettes financières à long terme

49 201

10 412

6 101

6 038

4 869

1 942

19 839

emprunts obligataires

42 094

 

opérations de crédit-bail

420

 

emprunts bancaires

6 369

 

autres emprunts

318

 

 

 

 

 

 

Tirages sur les lignes de crédit syndiqué FT SA

10 490

2 832

1 408

6 250

-

-

-

de 15Md€ (échéance 10Md€ en 2005 et 5Md€ en 2006)

6 250

6 250

 

de 1,4Md€

1 408

1 408

 

billets de trésorerie

1 058

1058

 

banques créditrices

1 273

1273

 

autres découverts bancaires

501

501

 

 

 

 

 

DETTES FINANCIERES BRUTES

70 884

16 326

11 686

16 222

4 869

1 942

19 839

Valeurs mobilières de placement

45

 

Disponibilités

2 819

 

 

 

 

 

 

DETTES FINANCIERES NETTES

68 020

 

 

 

 

 

 

 

N° 0691 - Rapport sur le projet de loi modifiant l'article 1-1 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications (M. Jean Proriol)

1 () Ligne de crédit ouverte à l'entreprise par un groupe de banques, sur laquelle celle-ci peut tirer en tant que de besoin dans la limite de l'enveloppe fixée.

2 ()Voir note précédente.


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