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le 24 mars 2003

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N° 706

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 mars 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 583) de MM. Jean MICHEL et Jean-Marc AYRAULT visant à jumeler chaque école française avec une école de l'Union européenne,

PAR M. Jean MICHEL,

Député.

--

Enseignement.

INTRODUCTION 5

1. Accompagner le plan de généralisation de l'enseignement des langues vivantes à l'école primaire 5

2. Renforcer les partenariats des écoles françaises avec les établissements scolaires des pays membres de l'Union européenne. 6

3. Faire découvrir aux écoliers la richesse culturelle de l'Union européenne et diffuser la langue et la culture françaises dans l'espace européen 7

4. Développer l'utilisation des nouvelles technologies de communication à l'école 9

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

Article 1er : Jumelage des écoles 11

Article 2 : Rencontres entre les élèves des écoles jumelées 11

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 13

Article 1er 13

Article 2 13

INTRODUCTION

Le 11 mai 2002, les « députés-juniors », réunis pour la neuvième session du Parlement des enfants, adoptaient, à la majorité de 208 voix, la proposition de loi visant à jumeler chaque école française avec une école de l'Union européenne présentée par la classe de CM2 de l'école élémentaire de Châteaugay dans le Puy-de-Dôme. Conformément à une tradition désormais bien établie, cette proposition de loi, modifiée dans la forme pour tenir compte de la rédaction inhérente aux textes législatifs mais dont l'esprit insufflé par les enfants n'a pas été altéré, a été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Le dispositif en est simple et bref. Il se compose de deux articles : le premier instaure le jumelage des écoles, le second dispose que des rencontres seront organisées entre les écoles jumelées, sous réserve de réciprocité.

L'exposé des motifs rédigé par les enfants et repris très largement par MM. Jean Michel, Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste, auteurs de la proposition de loi (n° 583) dont l'examen fait l'objet du présent rapport, éclaire la pertinence de ce texte. Partant d'un constat simple et emprunt d'une grande lucidité, la difficulté à maîtriser une langue étrangère à l'entrée au collège, les enfants ont adroitement défini les bénéfices qu'ils pourraient retirer - et la francophonie avec eux - de l'institution d'un jumelage de leurs écoles avec des écoles des pays de l'Union européenne.

Outre une connaissance plus approfondie de langues étrangères dont l'apprentissage sera rendu plus motivant en trouvant une application immédiate et concrète, ces échanges entre écoliers renforceront les liens qui unissent la France et ses partenaires européens. Tout en apprenant à mieux appréhender la diversité des cultures qui constituent l'Europe, les écoliers seront autant d'ambassadeurs de la langue française à l'étranger. L'institution d'un tel jumelage permettra également aux élèves du cours primaire de mieux se familiariser avec l'utilisation des nouvelles technologies de communication, et en premier lieu d'internet, dont ils se serviront pour correspondre avec leurs camarades européens.

*

1. Accompagner le plan de généralisation de l'enseignement des langues vivantes à l'école primaire

Le jumelage des écoles s'inscrit dans le plan de généralisation de l'enseignement des langues vivantes dès l'école primaire. Mis en place sous la précédente majorité et reconduit par l'actuel gouvernement, ce plan a d'ores et déjà permis de faire entrer l'apprentissage des langues étrangères dans les 57 000 établissements du premier degré. Initialement ouvert, durant l'année scolaire 2000-2001, aux élèves de CM2, ce plan a été étendu aux élèves de CM1 à la rentrée de septembre 2001. Selon les statistiques du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, 94 % des classes accueillant des élèves en cours moyen ont été couvertes dans le secteur public dès l'année dernière. Pour la même année, ce chiffre est de 80,2 % dans l'enseignement privé sous contrat.

Généralisé dans les classes du cours moyen, l'enseignement des langues vivantes est en voie de l'être à tous les niveaux de l'école élémentaire. Ainsi, depuis la rentrée de cette année, l'enseignement d'une langue étrangère est dispensé dans les classes de CE2. En septembre 2003, cet enseignement sera proposé en classe de CE1, puis, à la rentrée suivante, au cours préparatoire. Selon le calendrier d'application établi par le ministère, l'année 2004 sera également celle de l'expérimentation en grande section de maternelle.

L'éducation nationale suit ainsi la voie ouverte par les pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède) qui ont été les pionniers, à partir de la fin des années 1950, de l'enseignement obligatoire des langues étrangères à l'école primaire. Aujourd'hui et à l'exception de l'Irlande, tous les États membres de l'Union européenne imposent l'apprentissage d'une langue vivante autre que la langue officielle du pays dans une fourchette d'âge s'étalant de six à onze ans.

2. Renforcer les partenariats des écoles françaises avec les établissements scolaires des pays membres de l'Union européenne

La présente proposition de loi poursuit également l'un des objectifs définis par le Conseil de l'Union européenne, dans sa résolution du 16 décembre 1997 concernant l'enseignement précoce des langues de l'Union européenne puisque, conformément au texte communautaire, elle vise à « [...] encourager la coopération européenne entre les écoles qui offrent l'enseignement précoce d'au moins une langue de l'Union autre que la langue ou les langues maternelles et à favoriser la mobilité virtuelle des élèves, voire, si possible, leur mobilité physique, »1.

En effet, si des partenariats entre établissements existent déjà dans l'enseignement secondaire et à l'université, de tels liens étaient jusqu'à présent très largement absents du cycle primaire.

Pourtant, l'ouverture internationale des établissements scolaires est un axe important de la politique de formation menée par l'éducation nationale. Le traité de l'Élysée signé le 22 janvier 1963 par la France et la République fédérale d'Allemagne contenait déjà un volet « enseignement des langues », dont les filières bilingues franco-allemandes sont l'émanation. La spécificité de ce réseau, qui compte aujourd'hui 72 sections de part et d'autre du Rhin, est constituée par la mise en place d'un jumelage entre des établissements français du second degré et des établissements allemands de même niveau. Les élèves des sections franco-allemandes sont ainsi amenés à concevoir en commun des projets qui trouvent leur réalisation au cours d'un échange.

La création des délégués académiques aux relations internationales et à la coopération (DARIC) a permis de généraliser ce type d'initiative à un plus grand nombre d'établissements et à d'autres pays. Grâce à un financement idoine par la délégation de crédits destinés à soutenir de façon plus globalisée l'ouverture internationale des établissements scolaires, 4 300 échanges scolaires concernant plus de 100 000 élèves ont pu être développés pour la seule année 2002. Ces partenariats se caractérisent par un incontestable dynamisme puisqu'on compte 600 nouveaux appariements annuels. A l'université, le dispositif Erasmus encourage la mobilité des étudiants et la connaissance des langues européennes.

C'est ce type de relations, fondé sur l'apprentissage de la langue et sur l'organisation de rencontres entre les élèves, que le présent texte vise, entre autres, à mettre en œuvre dès l'école primaire. Une fois ce jumelage en place, les programmes de partenariat à l'échelle européenne couvriront l'ensemble du cycle scolaire. Encouragés dès le plus jeune âge à élaborer des projets en commun avec leurs camarades européens, les écoliers français seront d'autant plus enclins à poursuivre ce type d'échanges une fois parvenus au second degré puis aux études supérieures.

Cette préoccupation rejoint très largement celles définies par le dispositif à destination de l'enseignement scolaire baptisé Comenius institué par la décision n° 819/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 1995 dans le cadre du premier programme d'action communautaire Socrates. Ce dernier avait notamment pour objectif d'encourager la constitution de partenariats entre au moins trois établissements issus de trois États membres différents construits sur un projet éducatif européen. Afin de promouvoir de telles initiatives, l'Union européenne accordait une aide financière pour une période maximale de trois ans après étude de la pertinence du projet éducatif. Toutefois, des accords bilatéraux étaient autorisés dans la mesure où leurs buts étaient la promotion de la connaissance des langues de l'Union, notamment les moins diffusées et les moins enseignées.

La deuxième phase du programme Socrates mise en place par la décision n° 253/2000/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 janvier 2000 reprend très largement les objectifs énoncés dans la première phase. Il y est ainsi rappelé que le programme Comenius « vise à améliorer la qualité et à renforcer la dimension européenne de l'enseignement scolaire, notamment en encourageant la coopération transnationale entre les écoles ». Dans cet esprit, les projets bilatéraux entre établissements scolaires peuvent bénéficier d'une aide financière communautaire dans la mesure où ils comprennent, outre des activités d'intérêt commun aux écoles participantes, des échanges scolaires. Le dispositif de jumelage prévu par la présente proposition de loi s'intègre donc parfaitement dans le programme Comenius et permet à la France de se positionner, en la matière, comme un État pionnier.

3. Faire découvrir aux écoliers la richesse culturelle de l'Union européenne et diffuser la langue et la culture françaises dans l'espace européen

Cependant, la présente proposition de loi n'a pas pour seule vocation de favoriser l'apprentissage de la langue vivante enseignée au cycle primaire. En effet, si tel était le cas, son adoption conduirait inévitablement à entériner la domination de l'anglais et de la culture anglo-saxonne au détriment de la découverte des autres langues et cultures dont la diversité constitue précisément la richesse de l'Union européenne. L'ambition de ce texte est plus vaste : offrir aux écoliers la possibilité, par l'expérience vécue, de mieux connaître un espace européen à la veille de s'élargir, sa géographie, son histoire, ses langues, ses cultures, les populations qui le composent.

Langues officielles des pays membres de l'Union européenne et des pays candidats

à l'intégration à l'échéance du 1er mai 20042

Pays

Langues officielles

Pays membres de l'Union européenne

Allemagne

allemand

Autriche

allemand

Belgique

français ; néerlandais (flamand) ; allemand

Danemark

danois

Espagne

espagnol (langue officielle nationale) ; basque, catalan, galicien, valencien (langues officielles régionales)

Finlande

finnois ; suédois

Grèce

grec

Irlande

anglais ; irlandais

Italie

italien

Luxembourg

français ; allemand ; luxembourgeois

Pays-Bas

néerlandais

Portugal

portugais

Royaume-Uni

anglais ; gallois ; gaélique écossais

Suède

suédois

Pays susceptibles d'intégrer l'Union européenne le 1er mai 2004

Chypre

grec ; turc ; anglais

Estonie

estonien

Hongrie

hongrois

Lettonie

letton

Lituanie

lituanien

Malte

maltais ; anglais

Pologne

polonais

République tchèque

tchèque ; slovaque ; allemand ; rom

Slovaquie

slovaque ; hongrois ; tchèque ; ukrainien ; ruthène ; rom

Slovénie

slovène

Légende :

Pays dont la langue officielle et la plus couramment utilisée est enseignée au cours moyen.

Pays dont l'une des langues officielles mais non la plus couramment utilisée est enseignée au cours moyen.

Dans l'exposé des motifs de leur proposition de loi, les élèves de l'école de Châteaugay écrivaient : « Nous remarquons aussi que nous ne connaissons pas beaucoup les autres pays de l'Union europénne. Donc, si les écoles françaises sont jumelées avec un établissement étranger, nous nous intéresserons au pays et à la culture de nos correspondants. De plus nous leur ferons découvrir la France, notre patrimoine historique et nos traditions. Cela créera des liens d'amitié en plus des liens économiques et monétaires en Europe. ».

Dépasser les seuls liens institutionnels qui unissent les États de l'Union européenne, découvrir les pays partenaires de la France, promouvoir la diffusion de la langue et de la culture françaises à l'intérieur de cet ensemble, tel est le triptyque qui préside au jumelage des écoles. Ainsi, selon le choix de leur école, les élèves français pourront aussi bien nouer des liens avec leurs homologues d'un pays avec lequel la France entretient historiquement des relations culturelles fortes, notamment parmi les candidats à l'intégration à l'échéance du 1er mai 2004, la Roumanie ou la Pologne, qu'initier un partenariat avec un pays où la culture française est traditionnellement moins implantée. Cette liberté de choix qui laisse ouverte la porte à une grande diversité des échanges constitue une chance pour la langue française de renforcer sa présence dans sa zone d'influence existante et de se diffuser hors de son espace coutumier. Elle constitue, pour l'Union européenne, une opportunité d'apparaître autrement que comme une structure politique et administrative complexe. Accoutumés dès l'enfance à envisager l'Europe dans la multiplicité des langues et des cultures qui la fondent, les enfants, une fois devenus adultes, seront naturellement porteurs d'un projet européen à visage humain respectueux des traditions propres à chacun des États membres.

4. Développer l'utilisation des nouvelles technologies de communication à l'école

Enfin, ce texte doit permettre d'offrir aux écoliers l'opportunité de mieux se familiariser avec les nouvelles technologies de la communication et, au premier chef, avec l'utilisation d'internet. Le jumelage des écoles conduira en effet les élèves à utiliser fréquemment les ordinateurs mis à leur disposition dans les écoles pour communiquer avec leurs correspondants. Dans ce domaine, un constat s'impose : la France est en retard sur ses partenaires européens pour ce qui est de l'accès des élèves à l'outil informatique. En effet, elle occupe le dixième rang européen tant pour le nombre d'élèves par ordinateur que pour le nombre d'élèves connectés à internet. En 2001, selon les chiffres d'Eurobaromètre, l'enseignement primaire comptait un ordinateur pour 14 élèves et une connexion à internet pour 44 élèves. A titre de comparaison, la moyenne européenne était respectivement d'un ordinateur pour 13 élèves et d'une connexion internet pour 33 élèves. Ce retard doit être comblé. La présente proposition de loi constitue une raison supplémentaire d'œuvrer en ce sens.

*

La construction européenne a permis aux États européens qui y ont pris part de vivre plus d'un demi-siècle de paix dissipant ainsi, depuis 1945, les ombres de la guerre qui les ont naguère entredéchirés et meurtris. L'Union européenne s'apprête à vivre l'une des plus grandes mutations de son histoire en accueillant en son sein les pays de l'ex-bloc de l'Est. Face à ce nouveau défi, il importe plus que jamais que les différentes cultures qui composent l'espace européen apprennent à mieux se connaître, à mieux se comprendre, pour mieux vivre ensemble. La jeunesse, parce qu'elle est porteuse d'avenir, et l'école, parce qu'elle enseigne le respect de l'autre et les valeurs de la démocratie, sont, à n'en pas douter, les meilleurs vecteurs pour perpétuer et renforcer cette œuvre de paix.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean Michel, la présente proposition de loi au cours de sa séance du 19 mars 2003.

Après l'exposé du rapporteur, la commission est passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er

Jumelage des écoles

La commission a examiné un amendement de M. Edouard Landrain tendant à ne pas limiter à une seule école de l'Union européenne la possibilité de jumelage ouverte à chaque école française.

Après que le rapporteur a donné un avis favorable à cet amendement, la commission l'a adopté.

La commission a adopté l'article1er ainsi modifié.

Article 2

Rencontres entre les élèves des écoles jumelées

La commission a adopté l'article 2 sans modification

La commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

*

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de loi dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI VISANT À JUMELER CHAQUE ÉCOLE FRANÇAISE AVEC

UNE ÉCOLE DE L'UNION EUROPÉENNE

Article 1er

Chaque école française est jumelée avec au moins une école d'un pays de l'Union européenne.

Article 2

Sous réserve de réciprocité, les élèves des écoles se rencontrent dans leurs pays respectifs au moins une fois au cours de leur scolarité.

N° 0706 - Rapport sur la proposition de loi visant à jumeler chaque école française avec une école de l'Union européenne (M. Jean Michel)

1 Cf. Journal officiel des Communautés européennes, C 1, 3 janvier 1998.

2 Source : L'État du monde 2003, annuaire économique et géopolitique mondial, La Découverte, Paris, 2002.


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