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N° 872

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 mai 2003.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 810), modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile,

PAR M. ERIC RAOULT,

Député

--

Etrangers

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - UNE SITUATION DEVENUE INGÉRABLE 7

A - UNE EXPLOSION DES DEMANDES D'ASILE EN PARTIE
      DÉCONNECTÉE DES ÉVOLUTIONS GÉOPOLITIQUES
7

B - UNE RÉFORME QUI S'INSCRIT DANS UN CADRE EUROPÉEN GLOBAL 8

II - LE BUT DE LA RÉFORME :
      RENDRE LE DROIT D'ASILE PLUS EFFECTIF
12

A - RESPECTER LA TRADITION FRANÇAISE D'ACCUEIL DES RÉFUGIÉS 12

B - RENDRE LE DROIT D'ASILE PLUS FACILEMENT ACCESSIBLE
      À SES DESTINATAIRES
13

C - METTRE FIN À UNE DÉRIVE : L'UTILISATION DE LA PROCÉDURE
      DE DEMANDE D'ASILE POUR DES RAISONS MIGRATOIRES
15

III - LA RÉUSSITE DE CETTE AMBITIEUSE RÉFORME
      DÉPENDRA AVANT TOUT DE SA MISE EN
œUVRE
19

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

TEXTE DE L'AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 25

Mesdames, Messieurs,

« Il faut, en France, réformer immédiatement le droit d'asile. Le droit d'asile est une absurdité en France. Il correspond à quelque chose d'essentiel qui est totalement dans notre culture et dans notre histoire. Mais aujourd'hui, quand quelqu'un demande le droit d'asile, la décision demande dix-huit mois, c'est absurde et cela ne sert à rien. C'est simplement parce que nous ne nous sommes pas donné les moyens de le faire ». Ces fortes paroles prononcées par le Président de la République Jacques Chirac lors de son allocution télévisée du 14 juillet 2002 résument bien la crise que traverse aujourd'hui le droit d'asile et l'urgence d'une réforme.

En effet, le Président de la République indique bien que l'inefficacité des procédures actuelles remet en cause la réalité du droit d'asile. Ainsi, la réforme du droit d'asile proposée par le Gouvernement ne consiste pas à en restreindre la portée mais, au contraire, à le rendre plus effectif, dans le respect des obligations internationales de la France, notamment la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés complétée par le Protocole du 31 janvier 1967, et de notre culture historique d'accueil, principe à valeur constitutionnelle.

I - UNE SITUATION DEVENUE INGÉRABLE

A - Une explosion des demandes d'asile en partie déconnectée des évolutions géopolitiques

Le droit d'asile connaît une véritable crise en France, qui s'explique par une augmentation substantielle des demandes sans commune mesure avec l'évolution du nombre de réfugiés.

Entre 1998 et 2002, le nombre de demandeurs d'asile conventionnel n'a cessé d'augmenter, passant de 23 000 à 53 000. Par ailleurs, on estime (en l'absence de statistiques globales) à 35 000 le nombre de dossiers de demande d'asile territoriale déposés dans les préfectures en 2002 ,alors que cette procédure n'a été créé qu'en 1998.

Manifestement, cette augmentation considérable s'explique par l'utilisation des procédures d'asile comme moyen d'obtenir temporairement une régularisation de leur situation par des étrangers en situation irrégulière. En effet, le récépissé de demande d'asile vaut titre de séjour jusqu'à la réponse définitive de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou de la Commission des recours des réfugiés (CRR), pour l'asile conventionnel, ou du ministre de l'intérieur, pour l'asile territorial. S'enclenche alors un cercle vicieux : l'augmentation du nombre de demandes allonge les délais d'instruction, ce qui a pour conséquence de rendre plus attractives les demandes d'asile, puisque la durée du titre de séjour qui y est attachée en est augmentée d'autant, de même que la durée de perception des prestations d'aide sociale.

Actuellement, les délais d'instruction sont de dix mois à l'OFPRA, avant un éventuel recours, suspensif, à la Commission des recours des réfugiés. En ce qui concerne, l'asile territorial, la situation est encore plus mauvaise, mais varie considérablement d'une préfecture à l'autre, pouvant atteindre deux années dans certaines préfectures. De plus, les deux procédures peuvent se cumuler. Le dévoiement des procédures d'asile est donc devenu un moyen de s'installer durablement en France, ce qu'ont bien compris les réseaux de passeurs d'immigrés clandestins.

Plusieurs éléments indiquent que cette hausse des demandes d'asile est sans lien avec une éventuelle hausse du nombre de personnes pouvant légitimement solliciter ce droit. En effet, les demandes sont manifestement de moins en moins fondées si l'on en juge par les taux de rejet : 87 % pour l'asile conventionnel (83 % en comptant les annulations par la CRR), 95 à 98 % pour l'asile territorial. En outre, le fait que de nombreux demandeurs d'asile ne se rendent pas aux convocations à la préfecture ou à l'OFPRA (30 % ne s'y rendent pas, ce qui n'empêche pas leur dossier d'être instruit) est particulièrement révélateur du fait que, dans de nombreux cas, la demande n'était pas motivée par un espoir réel d'obtenir l'asile, mais seulement comme un moyen d'obtenir temporairement un titre de séjour.

B - Une réforme qui s'inscrit dans un cadre européen global

La réforme du droit d'asile en France ne peut être dissociée des évolutions en cours en Europe, que ce soit dans le cadre communautaire ou dans la législation interne de chacun des Etats membre. En effet, dans un espace européen sans frontières, les différences de législations en matière d'asile ont pour conséquence d'attirer les demandes dans les Etats où la législation est la plus attractive. Ainsi, l'attrait traditionnel du Royaume Uni en la matière est bien connu : il s'explique par l'absence de contrôles d'identité dans ce pays ainsi que par l'autorisation de travail accordée aux demandeurs d'asile jusqu'à juillet 2002. Cette attraction n'est d'ailleurs pas sans poser de problèmes pour les pays voisins, qui doivent eux aussi faire face à un afflux de personnes souhaitant se rendre au Royaume-Uni, ce qui était par exemple le cas des personnes hébergées dans le centre de Sangatte.

Il est donc très important de parvenir à un rapprochement des législations en matière d'asile. En l'absence d'harmonisation, il est en effet probable que des « transferts » de demandeurs d'asile s'effectueront entre pays de l'Union européenne. Ainsi, si le nombre de demandeurs d'asile a crû de 8 % en France en 2002, il a au contraire baissé chez certains de nos partenaires :

- au Danemark, les demandes d'asile ont diminué de moitié entre 2001 et 2002 alors que la loi modifiant le droit d'asile est entrée en vigueur le 1er juillet 2002 : elle intègre dans la législation danoise des notions telles que celle d'asile interne, de persécutions par des agents non étatiques ou de pays d'origine sûre.

- aux Pays-Bas, les demandes ont diminué de 43 % entre 2001 et 2002, cette baisse est manifestement liée à l'entrée en vigueur de la loi très restrictive votée en 2000 réformant les procédures d'asile. En effet, les demandeurs sont pris en charge par des centres d'asile pendant toute la durée de la procédure, limitée à six mois. Il en résulte un taux d'éloignement des personnes qui se sont vus opposer un refus proche de 100 %.

- en Belgique, la réforme d'ensemble annoncée n'a pas eu lieu, mais des adaptations ponctuelles (remplacement des aides en espèces par des aides en nature, traitement en priorité des derniers dossiers arrivés...) ont permis une baisse de 23 % des demandes d'asile en 2002.

- en Italie, le nombre de demandes a baissé de 24 % en 2002, année d'entrée en vigueur de la nouvelle loi dite « Bossi-Fini ». Cette loi a pour conséquence d'instituer une procédure dite simplifiée, qui a pour vocation de devenir la procédure la plus couramment utilisée, dans laquelle la demande est instruite en vingt jours, les recours n'étant pas suspensifs. Par ailleurs, les demandeurs d'asile doivent soit demeurer soit « ne pas s'éloigner sans autorisation » de « centres d'identification ».

- en Allemagne, la baisse a été en 2002 de 19 %. Il est difficile d'apprécier l'influence sur le nombre de demandes de la nouvelle loi sur l'immigration adoptée en juillet 2002, mais annulée pour un vice de procédure en décembre 2002. Un projet de loi semblable devrait être adoptée au cours de l'année 2003. L'Allemagne utilise déjà, depuis la grande réforme du droit d'asile de 1993, des notions comme celles de « pays d'origine sûr », et même celle de « pays tiers sûr ». En outre, il faut préciser que les demandeurs d'asile ne sont pas entièrement libres de leurs mouvements, vivant les trois premiers mois dans des « camps de premiers accueil » puis dans des « logements communautaires », leur liberté d'aller et de venir pouvant également être limitée par le Land.

A l'inverse de ces baisses, le nombre de demandeurs d'asile au Royaume-Uni a augmenté de 20 % en 2002, les portant à 110 700, ce qui le met au premier rang dans l'Union européenne. Comme on l'a déjà vu, le territoire britannique est particulièrement attractif, ce qui n'a d'ailleurs pas empêché ce pays de se lancer lui aussi dans une réforme du droit d'asile, qui prévoit l'interdiction de travailler pour les demandeurs d'asile, l'encadrement des conditions de séjour, le renforcement des sanctions contre les « passeurs » d'immigrés clandestins...

Au-delà de cette convergence spontanée des législations, le rapprochement des procédures d'asile est également lié à l'intervention croissante des normes communautaires dans ce domaine. Ainsi, le règlement dit « Dublin II », adopté en février 2003, rénove et remplace la Convention de Dublin par un instrument communautaire. Il se fonde sur les mêmes principes que la Convention qu'il remplace, en attribuant, en règle générale, la responsabilité de l'examen d'une demande d'asile à l'Etat membre qui a pris la plus grande part dans l'entrée du demandeur d'asile.

Par ailleurs, deux propositions de directives sont également en cours de discussion et devraient déboucher sur un accord avant la fin de l'année 2003 : l'une porte sur la définition du réfugié et de la protection subsidiaire, l'autre sur les normes minimales applicables aux procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié. Des divergences persistent entre Etats membres sur le statut des réfugiés et sur les procédures (entretien obligatoire...). En revanche, un accord politique semble s'être fait sur les notions les plus novatrices, lesquelles figurent d'ailleurs dans le présent projet de loi, comme l'asile interne ou les pays d'origine sûrs. Cependant, la notion de « pays tiers sûr »1, critiquée par la France, ne sera qu'optionnelle, ce qui explique qu'elle ne soit pas présente dans ce projet de loi.

L'évolution globale des pays européens s'inscrit donc clairement dans un encadrement de plus en plus strict du droit d'asile. Ainsi, même s'il n'est pas question pour la France de renoncer à sa tradition séculaire d'accueil des personnes persécutées, ni à l'inspiration libérale de son système d'attribution du droit d'asile, une réforme semble aujourd'hui indispensable.

II - LE BUT DE LA RÉFORME :
RENDRE LE DROIT D'ASILE PLUS EFFECTIF

A - Respecter la tradition française d'accueil des réfugiés

Selon le quatrième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, intégré à la Constitution de la Cinquième République, « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». L'introduction de ce droit dans nos principes fondamentaux est certes liée aux persécutions perpétrées par les régimes totalitaires et aux afflux de réfugiés causés par la seconde guerre mondiale, mais il correspond également à une tradition républicaine beaucoup plus ancienne, puisque l'on trouvait déjà dans la Constitution de 1793 une disposition selon laquelle « le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur Patrie pour la cause de la Liberté ». Le Conseil constitutionnel a précisé l'étendue de ce principe constitutionnel dans sa décision n°93-325 DC du 13 août 1993 en indiquant que « la loi ne peut en réglementer les conditions qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ».

Par ailleurs, la France, en raison de son rôle majeur dans les négociations ayant abouti à l'adoption de la Convention de Genève de 1951, a fait le choix d'une approche internationale du problème des réfugiés et du droit d'asile, fondée sur l'ardente obligation de protéger ceux qui en ont besoin. En conséquence, elle a mis en place des procédures spécifiques pour l'attribution de la qualité de réfugié, alors que de nombreux pays européens considèrent que cette question relève de la police de l'immigration, et par là du ministère de l'intérieur. Ainsi, la France est, avec la Suisse, l'un des pays qui associent le plus le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) au fonctionnement de son dispositif d'asile, géré par l'OFPRA, organisme qui relève du ministère des affaires étrangères.

En dépit de certaines craintes émises ici ou là quant au rôle de l'OFPRA, le Gouvernement a choisi de distinguer ce projet de loi, défendu par le Ministre des Affaires étrangères, de celui relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France, défendu par le Ministre de l'Intérieur. A l'inverse, le précédent Gouvernement avait contribué à brouiller les relations entre immigration et droit d'asile en légiférant sur ces deux thèmes dans un même texte, la fameuse loi dite RESEDA (relative à l'entrée, au séjour des étrangers en France et au droit d'asile) du 11 mai 1998. De plus, cette loi, en créant l'asile territorial, concept flou et à l'application malaisée, a fortement compliqué les procédures du droit d'asile en France, ce nouveau type d'asile étant accordé par les préfectures.

Ainsi, le point le plus fort du projet de loi est l'unification du dispositif d'asile autour de l'OFPRA, lequel sera désormais compétent pour les demandes d'asile formulées en application de la Convention de Genève ainsi que pour l'asile subsidiaire, qui remplace l'asile territorial. Alors que certains croient voir dans ce projet une reprise en main du droit d'asile par le ministère de l'intérieur, la simple observation des faits conduit au contraire à constater un renforcement du rôle de l'OFPRA, désormais seul organisme compétent en matière d'attribution de la qualité de réfugié.

Concrètement, cela signifie que toutes les demandes d'asile seront dorénavant traitées par un organisme indépendant, qui a une très bonne connaissance des problèmes des réfugiés, notamment grâce à son organisation en divisions géographiques composées d'agents de protection de l'OFPRA qui maîtrisent souvent la langue et sont au fait des évolutions internes des pays concernés (guerres civiles, persécutions, conflits ethniques...), autant d'éléments que l'on ne peut demander aux agents des préfectures. Précisons cependant que cette connaissance approfondie des réalités de l'environnement économique, social et politique des demandeurs d'asile est également primordiale pour permettre aux officiers de protection de l'OFPRA de débusquer les faux certificats, les récits inventés, les persécutions imaginaires présents dans de nombreux dossiers qui relèvent plus de l'immigration économique que du droit d'asile. Ainsi, l'OFPRA, organisme dont les agents sont très conscients de la noblesse et de l'importance de leur mission, ne peut certainement pas être qualifié de laxiste, comme l'indique le taux de rejet par l'OFPRA qui était de 87,4 % en 2002, et qui dépasse les 90 % pour les premiers mois de l'année.

Le présent projet de loi maintient donc le système français d'attribution du droit d'asile dans un cadre spécifique, distinct de la politique d'immigration. Cela est illustré par l'accroissement du rôle de l'OFPRA, et le recentrage des procédures autour de la Convention de Genève. En effet, l'attribution de la qualité de réfugié en application de la Convention de Genève devient la règle, l'autre forme de protection, qui porte le qualificatif éclairant de « subsidiaire », n'intervenant désormais qu'à la marge.

B - Rendre le droit d'asile plus facilement accessible à ses destinataires

De nombreuses dispositions de ce projet de loi auront pour conséquence d'améliorer la situation des demandeurs légitimes d'asile, qu'ils fondent leur demande sur la Convention de Genève, ou sous une autre forme de protection.

Tout d'abord, l'entrée en vigueur de la loi aura une conséquence majeure sur l'interprétation de la Convention de Genève par la France dans un sens favorable aux demandeurs d'asile. Jusque là, les juridictions françaises appliquaient de façon restrictive la Convention en ce qui concerne l'origine des persécutions prises en compte pour l'attribution de la qualité de réfugié, en considérant que celles-ci devaient être le fait d'un Etat. Or, depuis 1951, le monde a considérablement changé.

Le monde de l'après-guerre froide notamment se caractérise par le délitement des structures étatiques héritées de la décolonisation ou de la première guerre mondiale (exemples de l'Afrique des grands lacs ou de l'ex-Yougoslavie). Il en résulte que de nombreux Etats internationalement reconnus ne contrôlent pas l'ensemble de leur territoire et que, sur une partie importante de celui-ci, l'autorité de fait est assurée par des groupes non étatiques ou, pire, n'est pas du tout assurée. Cette « privatisation » de la violence ne se rencontre pas uniquement dans les Etats sans identité nationale forte, mais se traduit également par le développement du terrorisme (Algérie, Colombie...). La non prise en compte par la France de cette tendance persistante dans l'évolution du monde l'a mise dans une situation très complexe vis-à-vis de certaines demandes d'asile, de la part de personnes risquant réellement pour leur vie, mais en raison de persécutions perpétrées par des agents non étatiques (milices ethniques, groupes terroristes...). C'est d'ailleurs cette dichotomie entre la réalité du monde et la persistance d'une interprétation restrictive de la Convention de Genève qui a conduit le Gouvernement Jospin à créer en 1998 l'asile territorial, afin de pouvoir régulariser le séjour de ressortissants algériens dont la vie était menacée par le GIA.

Cependant cette solution, outre que le statut ainsi créé était moins stable et moins avantageux que celui de réfugié, a entraîné une complexité regrettable des procédures d'asile en France. A l'inverse, la solution proposée dans le présent projet de loi a le mérite de la simplicité et de la conformité avec la pratique de nos principaux partenaires et avec les recommandations du HCR. Cette solution consiste en effet à permettre la reconnaissance de la qualité de réfugié en cas de persécutions perpétrées par des Etats, des partis ou des organisations contrôlant l'Etat ou une partie substantielle de celui-ci, ou encore par des acteurs non étatiques dans les cas où les autorités refusent ou ne sont pas en mesure d'offrir une protection. En conséquence, la notion de réfugié au sens de la Convention de Genève sera élargie, et pourront donc en bénéficier des personnes aujourd'hui exclues de la protection conventionnelle.

Plus globalement, le projet de loi entraînera une amélioration de la situation des actuels demandeurs d'asile territorial, grâce à l'unification des dispositifs d'asile. D'une part, certains pourront donc désormais bénéficier de l'asile conventionnel ; d'autre part, l'unification du dispositif autour de l'OFPRA présentera également des avantages pour les demandeurs d'asile qui ne relèvent pas de la Convention de Genève :

- leurs dossiers sont néanmoins instruits par l'OFPRA, c'est-à-dire par des spécialistes reconnus des questions d'asile,

- par rapport à l'asile territorial, la protection subsidiaire, n'est plus laissée à l'appréciation discrétionnaire du préfet mais devient un droit dès lors que les conditions d'attribution sont réunies2,

- les refus d'accorder la protection subsidiaire étant des décisions de l'OFPRA pourront être contestées devant la Commission des recours des réfugiés et seront donc suspensives, alors que les refus d'attribution de l'asile territoriale, qui relèvent du juge de l'excès de pouvoir, sont immédiatement exécutoires.

Enfin, l'un des buts de la réforme étant la rationalisation des procédures et la réduction des délais d'instruction (actuellement de dix mois en moyenne à l'OFPRA), les personnes demandant légitimement l'asile pourront obtenir plus rapidement la qualité de réfugié, être plus rapidement fixées sur leur sort et sortir plus vite d'une situation précaire, marquée notamment par l'interdiction de travailler, peu favorable à leur intégration dans la société française.

C - Mettre fin à une dérive : l'utilisation de la procédure de demande d'asile pour des raisons migratoires

Rendre le droit d'asile plus effectif, c'est aussi agir afin que les procédures qui l'organisent ne soient pas détournées de leur objet. En effet, le droit d'asile vise à assurer la protection de personnes persécutées, non à constituer un moyen de régulariser une présence illégale sur le territoire français.

En premier lieu, il importe de rappeler que si tout réfugié a droit à la protection, cela peut certes passer par une installation sur le territoire français, mais il ne s'agit pas de l'unique solution envisageable. A cet égard, il est incontestable que le projet de loi innove, en intégrant dans la législation française de nouvelles notions, déjà appliquées dans de nombreux pays d'Europe et présentes dans les projets de directives européennes sur cette question. Ces notions - l'élargissement des autorités susceptibles d'offrir une protection à des agents non étatiques et l'asile interne - sont, au même titre que l'interprétation plus large de la Convention de Genève, les corollaires naturels de l'évolution du contexte géopolitique marqué par l'émergence d'acteurs non étatiques.

Le projet de loi prévoit ainsi que les Etats ne seront plus considérés comme les seuls agents pouvant offrir une protection, ce qui signifie concrètement que si des personnes peuvent obtenir une protection effective de la part d'organisations3 non étatiques, la France pourra refuser de leur octroyer la qualité de réfugié. Dans la mesure où le point décisif est d'assurer la sécurité des personnes menacées, l'important n'est pas l'identité du protecteur, mais l'effectivité de la protection qu'il accorde, qu'il soit ou non un Etat internationalement reconnu. Par exemple, on peut estimer que les Kurdes irakiens, entre 1991 et 2003, étaient en sécurité dans la zone autonome de facto, située au nord du 36ème parallèle, alors même qu'ils étaient officiellement ressortissants d'un Etat, l'Irak, qui a commis des abominations contre cette population.

Certaines associations ont critiqué le caractère insuffisant de la protection que peuvent assurer des agents non étatiques tels des partis ou des organisation internationales. Ils font notamment remarquer que des massacres ont eu lieu dans un passé récent dans des pays où l'ONU avait mis en place des opérations humanitaires, comme au Rwanda avant le génocide de 1994 ou dans l'ex Yougoslavie entre 1991 et 1995. A cet égard, il faut préciser que le projet de loi requiert de la part des organisations concernées un contrôle effectif du pays, ce qui n'était manifestement pas le cas de la part des missions de l'ONU présentes dans les deux cas précédemment citées. Au contraire, le contrôle assuré par des forces internationales agissant en application du chapitre VII de la Charte des Nations unies (rétablissement de la paix avec pouvoirs coercitifs) et non plus du chapitre VI (maintien de la paix, avec simple pouvoir d'interposition) est un contrôle réellement effectif : ce fut par exemple le cas en Bosnie-Herzégovine après les accords de Dayton en 1995 ou au Kosovo après la guerre de 1999. Dans ces deux derniers cas, la présence militaire de l'OTAN sous mandat de l'ONU permettait une véritable protection des populations, contrairement à ce qui s'est produit par exemple à Srebrenica en juillet 1995.

Un autre concept nouveau, très lié au précédent, présent dans le projet de loi, est l'asile interne : cette notion permettra à l'OFPRA de refuser des demandes d'asile si le demandeur peut trouver une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine. L'asile interne pourra notamment être appliqué dans les cas où les persécutions sont localisées et assez bien circonscrites à une partie du territoire. Ainsi, il peut s'agir d'affrontements interethniques dans une région d'un pays : par exemple, les Hema et les Lendu s'entretuent dans la région de l'Ituri, en République démocratique du Congo, ce qui ne signifie pas que les membres de ces deux ethnies ne puissent pas trouver, dans certaines conditions, une protection effective dans d'autres régions de cette immense pays.

En second lieu, il faut rappeler que le droit d'asile n'est pas remis en cause lorsque des procédures permettent de faire obstacle à l'utilisation des procédures de demande d'asile par des personnes à qui il n'est pas destiné. Il est pourtant un fait avéré qu'une grande majorité des dossiers déposés devant l'OFPRA ne le sont pas par des personnes menacées dans leur pays, mais par des candidats à l'immigration économique. Or, fournir un effort pour réduire ce phénomène ne remet en rien en cause le droit d'asile. Bien au contraire, la baisse du nombre des demandes d'asile injustifiées ne pourrait que constituer un avantage pour les personnes qui ont une légitimité à réclamer le statut de réfugié.

Par exemple, il ne semble pas absurde d'instaurer une procédure d'examen plus rapide, et sans recours suspensif, pour les ressortissants de pays considérés comme sûrs, c'est-à-dire, selon le projet de loi, qui a fortement encadré cette notion à son article 6, les pays qui respectent « les principes de la liberté, de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que les droits de l'Homme et les libertés fondamentales ». Dans un pays qui respecte effectivement de tels principes, il semble peu envisageable qu'une personne subisse des persécutions. Pour autant, la France gardera la possibilité d'accorder, en fonction des circonstances, l'asile dans de tels cas. Il est par ailleurs clair que l'acceptabilité de cette notion, qui existe déjà notamment en Allemagne, au Danemark, en Finlande, en Grande Bretagne ou aux Pays-Bas, dépendra beaucoup du type de pays considérés comme sûrs. Cependant, compte tenu des critères retenus dans le projet de loi, on peut estimer qu'ils seront peu nombreux, notamment en dehors de l'Union européenne.

De même, la critique de la possibilité nouvelle pour le ministère de l'intérieur de demander communication à l'OFPRA de documents d'état-civil ou de voyage de personnes dont la demande d'asile a été rejetée, afin de permettre la mise en œuvre d'une mesure d'éloignement, nous parait difficilement recevable. En effet, à partir du moment où, à la suite d'une procédure complexe et approfondie, l'OFPRA, et éventuellement la CRR, ont décidé de ne pas accorder la qualité de réfugié à un demandeur, ce dernier a vocation à être éloigné du territoire français, à moins de se satisfaire de la multiplication du nombre de « sans-papiers ». Or, la situation actuelle est particulièrement peu satisfaisante : seuls 3 à 4 % des déboutés du droit d'asile sont effectivement reconduits à la frontière, il est donc légitime de mettre en place des moyens permettant d'augmenter ce taux.

III - LA RÉUSSITE DE CETTE AMBITIEUSE RÉFORME
DÉPENDRA AVANT TOUT DE SA MISE EN
œUVRE

L'unification des procédures d'asile autour de l'OFPRA et de la CRR va permettre de les rendre moins complexes, et a pour but de réduire les délais d'instruction des demandes d'asile. Pour autant, la conséquence immédiate de cette réforme va être un accroissement considérable de la charge de travail de l'OFPRA et de la CRR, comme le prévoit l'étude d'impact du projet de loi.

L'OFPRA sera dorénavant chargé de l'ensemble des demandes d'asile : devraient donc s'ajouter aux actuels dossiers d'asile conventionnel qu'il traite aujourd'hui (53 000 en 2002), une partie importante des actuels dossiers d'asile territorial (35 000 estimés pour 2002).

Quant à la Commission des recours des réfugiés, sa charge de travail devrait également être considérablement augmentée puisqu'elle n'est pas actuellement saisie des recours sur les rejets de demande d'asile territorial. Or l'entrée en vigueur de la loi va lui donner compétences sur toutes les décisions de l'OFPRA, qu'elle concerne l'asile conventionnel ou subsidiaire. De plus, tous ces recours seront suspensifs, ce qui n'est pas le cas actuellement pour les recours en matière d'asile territorial, leur nombre va donc augmenter.

L'OFPRA a bénéficié dans la loi de finances pour 2003 de moyens supplémentaires qui lui ont permis d'embaucher 171 personnes en contrat à durée déterminée d'un an. Ce recrutement temporaire avait pour but de réduire le stock de dossiers en attente, afin que celui-ci soit réduit au moment de l'entrée en vigueur de la réforme : ainsi l'objectif de l'OFPRA est de traiter 73 000 dossiers en 2003, soit les dossiers des demandes de l'année, ainsi que le stock des dossiers en retard. Or pour 2004, le nombre de dossiers, du fait des nouvelles procédures, peut être estimé à 85 000 : cela signifie que pour éviter une nouvelle augmentation des délais de traitement, des moyens supplémentaires sont nécessaires par rapport à ceux dégagés en 2003, alors même qu'une partie de ces moyens ne sont pas reconductibles. Pour la CRR, le constat est le même : compte tenu de l'augmentation du nombre de recours, l'étude d'impact estime qu'il faudrait passer à 110 présidents de sections, contre 67 aujourd'hui, et à 100 rapporteurs, contre 63 aujourd'hui.

Dans le contexte actuel de difficultés budgétaires, il est à craindre que les demandes de crédits de l'OFPRA et de la CRR ne soient pas entendues, bien qu'elles conditionnent le succès de la réforme. Pourtant plusieurs arguments plaident dans le sens d'un effort dans ce sens :

- la réforme du droit d'asile est une priorité demandée par le Président la République le 14 juillet dernier,

- la réduction effective des délais de traitement des demandes d'asile, qui ne sera possible qu'avec davantage de moyens, entraînera par ailleurs un effet bénéfique sur les finances publiques. L'accélération du traitement des demandes d'asile réduira la période de perception par les demandeurs des prestations d'aide sociale fournies pendant la durée de l'instruction des dossiers : l'Inspection générale des affaires sociales a estimé cette économie potentielle à 85 millions d'euros. Même si cette estimation peut sembler optimiste, elle est à rapprocher des 8 millions d'euros de dépenses supplémentaires dont aurait besoin l'OFPRA,

- les institutions comparables à l'étranger bénéficient de moyens nettement supérieurs à ceux de l'OFPRA : alors que l'OFPRA emploie 400 agents, le BAFL allemand, qui traite certes deux fois plus de dossiers, en compte 2200 ; l'ODR suisse traite deux fois moins de demandes que l'OFPRA avec 482 personnes ; pour un tiers de demandes en moins, la SPR canadienne emploie 679 agents et le GGRA belge 450.

CONCLUSION

La réforme du droit d'asile doit concilier deux impératifs : l'équité et l'efficacité. Dans la mesure où le projet de loi qui nous est soumis répond à cette double logique, son adoption rapide est nécessaire. En effet, la crise du droit d'asile est une réalité qu'il faut prendre en compte, ce que permettra cette réforme si elle parvient à entraîner une baisse des délais d'instruction des demandes. Ainsi, la Commission des Affaires étrangères devra veiller à ce que les moyens nécessaires au fonctionnement de l'OFPRA et de la CRR soient inscrits dans les lois de finances successives.

Pour ces raisons, votre Rapporteur vous recommande de donner un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné pour avis le présent projet de loi au cours de sa réunion du 21 mai 2003.

Après l'exposé du Rapporteur pour avis, M. Richard Cazenave a indiqué que l'asile territorial n'avait, en fait, pas été créé en 1998, expliquant qu'il s'agissait d'une pratique discrétionnaire du Ministre de l'Intérieur. Cependant, son inscription dans la loi a pu laisser croire que les demandeurs recevraient un accueil plus favorable ; ce fut un leurre en l'absence de définition juridique de l'asile territorial. C'est ainsi que 1% seulement des demandes ont été acceptées. Ce leurre est une source de fraude et a eu un effet désastreux. En outre, les refus n'ont pas fait l'objet d'un accompagnement social, obligeant les demandeurs à des conditions de vie scandaleuses. Aussi, il s'est félicité qu'un cadre juridique et une harmonisation avec les Etats membres de l'Union européenne aient été définis.

Il s'est enquis de la prestation d'aide sociale accordée aux demandeurs. Auront-ils dans le nouveau dispositif les mêmes garanties sociales ?

Constatant que l'OFPRA n'a pas la capacité de traiter les demandes actuelles (60 000), et qu'un stock de demandes est en souffrance, il a souhaité que la Commission soit très mobilisée pour renforcer les capacités de l'OFPRA afin qu'il puisse remplir sa mission. Il serait intéressant que le Rapporteur puisse rencontrer les responsables de l'OFPRA et que la Commission prenne une position, après étude préalable, lors du débat budgétaire.

M. Eric Raoult a répondu que la reconnaissance de l'asile territorial dans la loi de 1998 avait pour but de répondre à la situation de ressortissants algériens qui ne pouvaient pas bénéficier de l'asile conventionnel. Par rapport à l'asile territorial, la protection subsidiaire fait l'objet d'une définition juridique précise car elle est encadrée par des critères.

En ce qui concerne les prestations versées aux demandeurs d'asile, dont le montant est estimé à 270 millions d'euros pour 2002, elles seront identiques pour tous les demandeurs. Une réforme des délais d'instruction des demandes permettrait ainsi de réduire le volume de ces dépenses.

L'OFPRA aura effectivement besoin de davantage de moyens, ainsi que d'une rationalisation de ses méthodes de travail. A cet égard, il faut souligner que le directeur de l'OFPRA souhaite la conclusion d'un « Contrat d'objectifs et de moyens » afin de permettre à cet organisme de faire face à la réforme dans les meilleures conditions. Les parlementaires devront rester vigilants sur cette question et se montrer attentifs à d'éventuelles évolutions du nombre de demandeurs d'asile.

Tout en se félicitant de la qualité du projet de loi, qui unifie les procédures, rationalise les moyens et rapproche la législation française de celle des Etats membres de l'Union, M. Roland Blum a relevé que la Commission nationale consultative des droits de l'Homme a rendu un avis négatif sur ce texte, regrettant l'intervention croissante du Ministre de l'Intérieur et la remise en cause du rôle central du HCR.

M. Eric Raoult a estimé que beaucoup des critiques faites à cette réforme reposaient sur un avant-projet de loi contenant d'importantes différences avec la version finalement adoptée par le Conseil des ministres. Un effort d'information est donc nécessaire. En ce qui concerne le rôle du HCR, la France est très attachée à sa place centrale dans son dispositif d'asile, l'objectif du projet de loi n'est pas du tout de revenir dessus.

Mme Martine Aurillac a jugé qu'il était nécessaire de conférer à l'OFPRA les moyens nécessaires à l'efficacité de sa mission. Rappelant que l'asile territorial était accordé pour une durée d'un an renouvelable, elle a demandé selon quelle procédure l'OFPRA examinerait les demandes de renouvellement qui ne manqueront pas de lui être transmises.

Le Président Edouard Balladur a fait valoir qu'il y aurait une certaine automaticité dans le renouvellement de ces demandes.

M. Eric Raoult a également estimé que, dans la pratique, l'examen des demandes de renouvellement de la protection subsidiaire devrait être quasi automatique en l'absence d'évolution interne dans le pays de la personne bénéficiant de la protection subsidiaire. Il est cependant nécessaire de renouveler cette protection sur une base annuelle car la carte de séjour qui leur est accordée est elle-même valable un an.

M. Jean Glavany, commentant les propos du Rapporteur, a émis des doutes sur le fait que le remplacement du texte, adopté par la précédente majorité, par deux textes distincts constitue réellement un progrès pour les demandeurs d'asile. La baisse des délais d'instruction des demandes d'asile est un souci partagé par tous et elle dépend davantage des moyens supplémentaires qui seront alloués à l'OFPRA que de la simplification des procédures. Le contexte budgétaire actuel suscite à cet égard de grandes craintes. Enfin, il ne faut pas exagérer les différences entre l'avant-projet de loi et le projet de loi qui nous est soumis : beaucoup des critiques de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme restent justifiées.

M. Eric Raoult a reconnu qu'il y avait des divergences d'appréciation avec les associations qui défendent le droit d'asile, qui ont une logique différente de celle des politiques. En effet, elles ont d'abord une mission humanitaire, destinée à tous les demandeurs d'asile, lesquelles sont tous dans la détresse. La mission des parlementaires est différente : préserver le droit constitutionnel d'asile tout en évitant la multiplication de nouveaux Sangatte. Il a par ailleurs indiqué qu'un certain nombre de dispositions du projet de loi convenaient aux associations.

M. André Schneider a indiqué que les préfets recommandaient aux parlementaires de ne plus intervenir pour régulariser la situation de personnes sans papier. Il a demandé quelle attitude adopter face aux nombreux cas dramatiques auxquels il était confronté dans sa permanence.

M. Eric Raoult a répondu qu'il était utile d'entretenir de bonnes relations avec les officiers de protection de l'OFPRA qui sont des spécialistes des zones géographiques concernées, et qui peuvent donc être de bon conseil. L'OFPRA pourrait d'ailleurs accentuer ses efforts d'information et de communication en direction des maires et des parlementaires, qui sont souvent les premiers recours vers lesquels se tournent les demandeurs d'asile.

Puis, la Commission est passée à l'examen des articles du projet de loi dont elle est saisie pour avis.

Le Rapporteur a présenté un amendement à l'article 6 du projet de loi, visant à dresser par décret la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs. Le projet de loi prévoit en effet, d'introduire dans nos procédures d'asile la notion de pays d'origine sûr. Cette disposition vise à soumettre les demandes d'asile faites par des ressortissants de tels pays à une procédure accélérée. Pour des raisons de transparence comme d'efficacité, il est souhaitable que la liste des pays soit connus à l'avance, notamment afin de permettre aux agents des préfectures de pouvoir effectivement l'appliquer. D'ailleurs, l'introduction de ce concept dans notre droit est liée à l'harmonisation européenne et à sa présence dans la proposition de directive en cours de discussion. Or cette dernière prévoit que la liste des pays considérés comme sûrs par l'Union européenne sera fixé par un règlement du Conseil. Pour autant, la proposition de directive relative aux procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié est encore en cours de discussion, il serait donc souhaitable de prévoir comment la liste des pays d'origine sûrs sera fixée en attendant la mise en œuvre effective de la directive, et l'adoption du règlement communautaire.

Le Président Edouard Balladur a demandé combien de pays pouvaient être considérés comme sûrs.

Le Rapporteur a estimé que leur nombre était faible. Citant la liste établie par le Danemark, il a indiqué que celle-ci comportait une vingtaine de pays en plus de ceux de l'Union européenne. La liste dressée par la France sera vraisemblablement plus restreinte.

Le Président Edouard Balladur a considéré qu'il sera difficile de dresser une telle liste en raison de ses implications diplomatiques. Compte tenu du caractère sensible de cette liste, ne devrait-elle pas faire l'objet d'un décret en Conseil d'Etat ?

Le Rapporteur a estimé qu'une telle procédure serait trop lourde, alors même que la liste doit être rapidement révisable, le cas échéant au gré des évènements politiques.

M. Richard Cazenave a estimé que la liste des pays sûrs devrait permettre aux services en charge d'examiner les demandes d'asile d'écarter plus facilement les demandes infondées. Il a demandé si la notion de pays sûr s'appliquait aux Etats dans leur ensemble ou si elle pouvait s'appliquer à certaines portions du territoire de ces Etats.

Le Président Edouard Balladur a estimé qu'il fallait appliquer le dispositif par pays, même si ceux-ci peuvent connaître une situation difficile uniquement sur une portion de leur territoire.

La Commission a adopté l'amendement présenté par le Rapporteur pour avis.

Conformément aux conclusions du Rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi (n° 810) ainsi modifié.

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Article 6

(article 8 de la loi n°52-893 du 25 juillet 1952)

Amendement n° 1 présenté par M. Eric Raoult, Rapporteur pour avis

Compléter le 2°) de cet article par la phrase suivante :

« La liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs est fixée par décret ; »

 

n° 872 - Rapport de M. Eric Raoult: sur le projet de loi (n° 810), modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile

1 Irrecevabilité d'une demande d'asile présentée par un demandeur qui a des liens étroits avec un pays tiers, c'est-à-dire ni le pays dont il a la nationalité, ni le pays où la demande est faite.

2 Personne exposée dans son pays à (article 1er du projet de loi) :

a) La peine de mort,

b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

c) S'agissant d'un civil, une menace grave, directe et personnelle contre sa vie ou sa sécurité en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit interne ou international

3 L'article 1er du projet de loi cite « des partis ou des organisations, y compris des organisations internationales, contrôlant l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat ».


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