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le 9 octobre 2003

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N° 999

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 juillet 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 812), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés,

PAR M. HENRI SICRE,

Député

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Traités et conventions

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LE PARTICULARISME ANDORRAN 6

A - UNE PRINCIPAUTÉ TRÈS PROSPÈRE 6

1) Des institutions récentes 6

2) Une situation économique florissante 6

B - UNE POLITIQUE EXTÉRIEURE ACTIVE 7

1) Des relations bilatérales marquées par une importante activité
    conventionnelle et un flux commercial notable
7

2) Une volonté d'affirmation sur la scène internationale 8

II - UN ACCORD OPPORTUN POUR LUTTER CONTRE
      LES TRAFICS ILLICITES
9

A - UN SYSTÈME À AMÉLIORER 9

1) Un contrôle à accroître 9

2) Un trafic illicite important 9

B - LES PRINCIPAUX APPORTS D'UN ACCORD CLASSIQUE 10

1) Un renforcement de la coopération 10

2) Les modalités de contrôle détaillées 11

3) Une protection des agents fondées sur la réciprocité 11

CONCLUSION 12

EXAMEN EN COMMISSION 14

ANNEXES [au format PDF]

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention franco-andorrane relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés signée le 11 décembre 2001 et ratifiée le 16 mai 2002 par la Principauté d'Andorre.

Cet instrument fait partie de la longue série d'accords signés entre la France et la Principauté d'Andorre. Ils permettent en tenant compte du particularisme andorran de parfaire les systèmes d'assistance administrative mutuelle que se sont consentis les deux Etats.

I - LE PARTICULARISME ANDORRAN

La Principauté d'Andorre (462 km2) compte actuellement 66.334 habitants (chiffres 2001), dont 24.654 Andorrans (37% de la population totale), 26.251 Espagnols (40 %), 6 708 Portugais (10 %), et 4 270 Français (6,5 %). Elle est répartie en sept "paroisses" représentées et administrées par des collectivités publiques les "Comuns". La langue officielle est le catalan.

A - Une principauté très prospère

1) Des institutions récentes

La Constitution est entrée en vigueur le 4 mai 1993. Elle prévoit que les Co-Princes sont le Président de la République française et l'Evêque d'Urgell qui sont de manière indivise les Chefs de l'État andorran. Ils jouent un rôle d'arbitre et de modérateurs des institutions, ils promulguent les lois, signent les traités et peuvent saisir le Tribunal constitutionnel.

Le Conseil Général composé de vingt-huit membres élus au suffrage universel tous les quatre ans exerce le pouvoir législatif et élit le "Chef de gouvernement". Son mandat est de quatre ans, renouvelable une seule fois. Le gouvernement dirige la politique intérieure et extérieure de l'État sous le contrôle du Conseil Général. Le gouvernement actuel, celui de M. Forne (Parti libéral), a été constitué le 12 avril 2001. Les prochaines élections législatives seront en février 2005.

La gestion des paroisses est confiée à des Conseils de "Comù" dont les membres sont élus pour 4 ans au suffrage universel. Ces conseils jouissent de la libre administration sur leur territoire.

Le Conseil supérieur de la Justice est l'organe de direction et d'administration de l'organisation judiciaire.

2) Une situation économique florissante

La Principauté d'Andorre est un pays prospère avec un PNB/hab. de 17000 Euros environ. En 2002 1 284 Millions d'euros d'importations, 67 Millions d'euros d'exportations. Le commerce (alimentation et produits touristiques) représente une part importante de son économie et concerne 22,5 % de la population active. Le tourisme est le deuxième pourvoyeur d'emplois (18 % d'actifs) de la Principauté qui dispose d'un parc de 350 hôtels et 40 000 lits pour plus de 11,5 millions de visiteurs accueillis en 2002. La construction et les activités financières mobilisent aussi une grande partie des actifs. L'Euro a cours légal en Andorre, se substituant au Franc et à la Peseta, qui étaient de facto les monnaies nationales.

85 % du commerce extérieur de la Principauté s'effectue avec les membres de l'Union européenne, 75 % avec la France et l'Espagne, les importations en provenance de France étant cependant moitié moins importantes que celles provenant d'Espagne.

Les finances publiques sont alimentées à 83 % par la taxe à l'importation (3 à 5 % pour les marchandises, 7 % pour les véhicules...). Il reste qu'Andorre est l'un des sept pays inscrits sur la "liste des paradis fiscaux non coopératifs" établie par l'OCDE.

B - Une politique extérieure active

1) Des relations bilatérales marquées par une importante activité conventionnelle et un flux commercial notable

Les relations bilatérales franco-andorranes sont marquées par une importante activité conventionnelle. Ainsi la situation particulière de la Principauté d'Andorre, enclavée entre la France et l'Espagne et au sein de l'espace Schengen, a justifié la conclusion de deux accords trilatéraux réglementant la circulation, le séjour et l'établissement des ressortissants andorrans ainsi que la circulation et au séjour en Andorre des ressortissants d'États tiers. Ces deux accords ratifiés par les trois parties sont entrés en vigueur le 1er juillet dernier. Il en est de même pour la convention de coopération administrative, et la convention sur la Sécurité sociale. Par ailleurs, une convention relative à la définition des frontières est en cours de négociation.

La France est représentée en Andorre par un ambassadeur résident depuis septembre 1993. De même, un ambassadeur d'Andorre a été nommé à Paris en avril 1995.

Un dispositif éducatif français important a été mis en place depuis plus de vingt ans. Il a été confirmé par l'accord franco-andorran du 19 mars 1993, renouvelé par un accord signé le 19 mars 2003 en cours d'approbation. Quatorze écoles maternelles et primaires, un collège et le Lycée Comte de Foix emploient 248 enseignants et accueillent environ 3 600 élèves, soit 40 % de la population scolaire. Ce dispositif est soutenu par la France à hauteur de 13,72 Millions d'euros par an.

Le commerce franco-andorran porte sur 305 Millions d'euros d'exportations françaises et 9,1 Millions d'euros d'importations. Andorre est le 30ème excédent commercial et le 67ème client de la France. Pourtant la part relative des produits français dans le total des importations andorranes se réduit au profit de la part des produits espagnols.

Les relations de la Principauté d'Andorre avec la France et avec l'Espagne sont déséquilibrées au profit de ce dernier pays. La configuration géographique locale rend l'Espagne plus accessible que la France et la communauté de langage et de culture entre l'Andorre et la Catalogne, comme l'attrait de Barcelone, expliquent cette tendance. En outre les exportateurs français hésitent à investir en Andorre, car ils préfèrent utiliser leurs filiales ou leurs relais en Espagne.

2) Une volonté d'affirmation sur la scène internationale

La France, l'Espagne et la Principauté d'Andorre ont signé, après la création de l'État andorran en 1993, un traité tripartite, qui permet à la Principauté, reconnue comme un État indépendant, d'instaurer des relations diplomatiques équilibrées avec ses deux voisins. Ce traité lui apporte une garantie en cas de menace ou de violation de sa souveraineté et/ou de l'intégrité de son territoire. Il lui confère la faculté de se faire représenter auprès de pays tiers par la France ou l'Espagne. Un accord signé le 28 juin 1990 renouvelé le 1er janvier 1996, associe Andorre à la CEE avec des particularités avantageuses pour la Principauté que sont une union douanière industrielle sauf pour le tabac, un régime pays tiers pour l'agriculture, et des franchises touristiques notables.

La Principauté d'Andorre a établi des relations diplomatiques avec plus de 74 États et des relations consulaires avec une vingtaine d'entre eux. Elle dispose d'une dizaine d'Ambassadeurs accrédités dans le monde. La Principauté d'Andorre a été admise dès le 29 juillet 1993 aux Nations unies et au Conseil de l'Europe en novembre 1994. Elle sera bientôt membre de l'OMC. Elle envisage son adhésion à diverses organisations internationales : C.I.C.R., O.M.S...

La très forte augmentation de contrebande de tabac entre 1996 et 1998 a conduit la Principauté d'Andorre à prendre, dès 1998, sur la pression conjuguée de l'Union européenne, de l'Espagne et de la France, diverses mesures de contrôle. L'adoption d'une loi de contrôle des marchandises, le 4 mars 1999, a contribué à juguler en partie le trafic de cigarettes. La convention relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés s'inscrit dans cette logique.

II - UN ACCORD OPPORTUN POUR LUTTER
CONTRE LES TRAFICS ILLICITES

Cette convention reprend des dispositions qui existaient entre la France et ses principaux voisins avant l'entrée en vigueur des accords de Schengen. Actuellement la France dispose de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés avec la Suisse. Il s'agit donc de pallier une carence avec Andorre.

A - Un système à améliorer

1) Un contrôle à accroître

Les accords entre l'Union européenne et Andorre signés en 1991 régissent la coopération entre la France et la Principauté dans le domaine de la lutte contre la fraude. Cette opération se matérialise notamment, au plan central, par des contacts réguliers et des échanges d'informations entre administrations par le canal de l'attaché douanier en poste à l'Ambassade de France à Madrid, et, au plan local, avec la direction régionale des douanes de Perpignan. Un protocole de coopération policière et douanière est en cours d'élaboration sous l'égide de la direction régionale de la gendarmerie nationale. Néanmoins le statut de pays tiers à l'Union européenne de la Principauté a nécessité des contrôles douaniers et policiers plus stricts d'autant que des trafics illicites sont importants.

Le contrôle frontalier entre la France et Andorre s'exerce sur le site du Pas de la Case, selon un dispositif classique d'unités douanières des deux Etats implantées de part et d'autre de la frontière sur les territoires nationaux de chaque Partie. Chaque service possède ses propres installations et moyens techniques.

Les contrôles d'entrée des personnes sur le territoire national, par ce point de passage autorisé au sens des accords de Schengen, sont effectués par l'administration douanière, seule présente sur le site. Deux brigades douanières de surveillance mobiles, implantées à Bourg-Madame et Saillagousse, effectuent des contrôles sur les différentes voies d'accès à l'Andorre, en amont de la frontière. Leurs effectifs s'élèvent actuellement à 35 agents des services de surveillance.

2) Un trafic illicite important

Le régime fiscal des tabacs, des boissons alcoolisées, des carburants, des denrées alimentaires et de certains produits manufacturés est particulièrement favorable en Principauté d'Andorre. Il peut nourrir un flux potentiel très important de marchandises, introduites illégalement sur le territoire national. Cependant compte tenu de l'enclavement du territoire andorran dans celui de l'Union Européenne, de sa taille et de son nombre d'habitants, cet Etat ne peut être considéré comme un point de passage privilégié de flux migratoires, non plus que comme présentant un risque au regard de la lutte contre l'immigration clandestine.

D'après l'étude d'impact figurant en annexe au rapport, la réglementation communautaire au plan économique et fiscal, autorise les franchises en quantité et en montant sur les marchandises précitées qui représentent annuellement une moyenne d'environ 230 millions d'euros de droits éludés. Ceci montre l'ampleur possible de la fraude sur ce site en l'absence d'un contrôle strict du respect de ces franchises, d'autant que le trafic routier transitant par cette frontière atteint une moyenne d'environ 800 véhicules par jour et double l'été ou à l'occasion des vacances d'hiver.

Les perspectives d'évolution de ces trafics sont étroitement liées aux politiques menées en France contre le tabagisme et au développement de la contrebande de ces produits. Il est d'ores et déjà établi que le dispositif de surveillance sur cette frontière présente un intérêt certain et qu'il convient de veiller à son maintien.

D'après les statistiques transmises par le Ministère des Affaires étrangères (voir annexe 2 du rapport) les affaires contentieuses ont décru, passant de 2 417 en 1999 à 1 685 en 2002. Les infractions relatives au tabac ont régressé en nombre 1 259 affaires en 1999 contre 819 en 2002, mais les quantités saisies sont en progression 5 176 kg contre 5 741 en 2002. Les trafics de stupéfiants et d'armes régressent aussi.

B - Les principaux apports d'un accord classique

L'accord prend en compte les modifications induites par l'utilisation du tunnel et du viaduc reliant Andorre-la-Vieille à la route nationale 22. Ses dispositions reprennent pour la plupart celles figurant dans les conventions sur les bureaux à contrôles nationaux juxtaposés conclus avec la Suisse et avec la Grande-Bretagne sur la liaison trans-Manche.

1) Un renforcement de la coopération

L'article 1er permet la création d'un bureau à contrôles nationaux juxtaposés sur le site du Pas-de-la-Case dont les infrastructures routières ont été modifiées, le bureau de douane actuel étant hors d'état d'appréhender une grande part du trafic désormais détournée via un tunnel et un viaduc reliant les deux Etats.

De ce fait, un regroupement des services douaniers des deux Etats dans des installations communes est organisé, ce qui favorise la simultanéité de ces contrôles, renforce leur efficacité et accroît la fluidité du trafic. Il permet des économies d'échelle chaque Etat prenant en charge la moitié des frais de construction, d'aménagement et de fonctionnement des locaux. Ceci confère une facilité accrue du traitement des opérations de contrôles dans des locaux dotés de moyens améliorés. En outre, les opérateurs ont la possibilité d'effectuer en un seul lieu toutes les procédures douanières d'exportation et d'importation.

Le regroupement de représentants des administrations des deux parties accentue la coopération, l'échange de renseignements ce qui améliore la qualité des contrôles.

2) Les modalités de contrôle détaillées

Lors des contrôles opérés dans le cadre de cet accord, les agents du pays limitrophe peuvent sans être habilités à procéder à des arrestations, mettre en demeure de rentrer dans l'autre Etat, voire reconduire les personnes non munies des documents nécessaires ou recherchées par les autorités de cet Etat en raison d'une activité délictueuse.

Toutefois le droit de poursuite transfrontière de l'agent d'une partie dans l'Etat de l'autre est exclu, hors du cadre des bureaux de contrôles nationaux juxtaposés.

En revanche, à la demande de la France, et aux termes de l'article 24, les personnes résidant dans l'un des Etats peuvent effectuer auprès des bureaux de l'autre toutes les opérations relatives aux contrôles, quel que soit le lieu où ils séjournent. Cette mesure s'applique surtout aux personnes privées et sociétés résidant dans l'un des deux Etats et qui effectuent des opérations à titre professionnel. En effet, jusqu'à présent, toutes les opérations commerciales concernant le contrôle des marchandises au départ ou à destination d'Andorre étaient exclusivement assuré par des intervenants andorrans.

3) Une protection des agents fondées sur la réciprocité

Les autorités de l'Etat de séjour accordent aux agents de l'autre Etat la même protection et assistance qu'à leurs propres agents dans l'exercice de leurs fonctions. Les agents de l'Etat limitrophe appelés à exercer leurs fonctions dans celui où ils séjournent peuvent y porter leur uniforme national voire un signe distinctif apparent. Ils sont également autorisés à porter leurs armes réglementaires dans la zone des bureaux et sur le trajet entre leur lieu de résidence et leur lieu de service.

Pour la seule administration française, le bureau de contrôle national juxtaposé comptera 35 agents des services des agents de surveillance actuellement présents, auxquels viendront s'ajouter ceux de l'unité de 9 agents, chargée des opérations commerciales, actuellement implantée à l'Hospitalet.

CONCLUSION

La ratification de cet instrument est opportune car il prend en compte les modifications intervenues sur le terrain, permet de prévenir les trafics illicites en renforçant la coordination des contrôles et la coopération en matière d'information. Il simplifie en outre les formalités de douanes.

Cet accord répond à la nécessité d'accroître la régulation des relations entre la France et Andorre.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 2 juillet 2003.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président Edouard Balladur s'est enquis de la capacité de négociation comparée de la Principauté de Monaco et de celle d'Andorre. Il a voulu savoir quelle monnaie utilisaient désormais les Andorrans et si l'Espagne était également partie aux conventions entre la France et l'Andorre.

M. Serge Janquin s'est félicité des dispositions de l'accord tout en s'interrogeant sur son impact sur les trafics de produits peu taxés par Andorre.

M. Henri Sicre a répondu que la Principauté d'Andorre avait une plus grande capacité de négociation que la Principauté de Monaco : le gouvernement andorran est en effet l'émanation du Conseil général élu démocratiquement pour quatre ans, tandis que le Gouvernement monégasque est formé de hauts fonctionnaires français.

Il a expliqué que lors du passage à l'Euro, la Principauté d'Andorre l'avait adopté comme monnaie. Auparavant, le Franc et la Peseta y avaient cours. Andorre a signé des conventions tripartites avec la France et l'Espagne et des accords bilatéraux avec ce dernier pays.

Il a convenu que les trafics illicites existaient, notamment en matière de cigarettes, mais ils ne passaient pas forcément par la Principauté car d'autres passages frontaliers pouvaient être utilisés par des contrebandiers.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 812).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 812).

ANNEXES

N° 0999 - Rapport sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention France-Andorre relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (M. Henri Sicre)


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