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le 25 novembre 2003

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N° 1241

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 novembre 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 1048), autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et la Slovaquie,

PAR M. HERVÉ de CHARETTE,

Député

--

Traités et conventions

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LE CONTENU DU TRAITÉ D'ADHÉSION 10

A - UN ENSEMBLE COMPLEXE DE DOCUMENTS 10

B - L'ADAPTATION DES INSTITUTIONS : L'APPLICATION DU TRAITÉ DE NICE 13

1) La Commission : la fin du système collégial voulu par les fondateurs ? 14

2) Le Parlement déjà prêt pour l'élargissement 15

3) Le Conseil de l'Union 17

a) Le système de pondération des voix et le seuil de la majorité qualifiée 17

b) La rotation des présidences du Conseil en l'absence de réforme 19

4) Les autres institutions 20

5) Les difficultés du fonctionnement des institutions en vingt langues de travail 20

C - LE PRINCIPE DE LA REPRISE DE L'ACQUIS 21

1) La portée du principe 21

2) La définition des périodes transitoires 23

3) La garantie de l'Union contre d'éventuels manquements aux
    engagements de reprise de l'acquis : les trois clauses de sauvegarde
26

a) La clause de sauvegarde économique générale 26

b) Les deux clauses de sauvegarde spécifiques 27

II - UN TRAITÉ PORTEUR D'UNE RÉUNIFICATION HISTORIQUE 31

A - LA NOUVELLE PHYSIONOMIE DE L'UNION EUROPÉENNE 31

1) Un ensemble de 450 millions d'habitants 31

2) Les perspectives économiques dans les nouveaux Etats membres 32

B - LA PROFONDE TRANSFORMATION POLITIQUE ET JURIDIQUE RÉALISÉE
    PAR LES PAYS CANDIDATS
33

C - UNE ADAPTATION ÉCONOMIQUE ET JURIDIQUE DIFFICILE ET COÛTEUSE 34

1) Les efforts faits par les dix pays candidats pour transposer l'acquis 34

2) Le bilan dressé par la Commission européenne 35

D - DES ENJEUX ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX LIMITÉS POUR LES QUINZE 36

1) La limitation temporaire de la libre circulation des travailleurs salariés 37

a) La position de l'Union européenne 38

b) La position de la France 39

2) L'agriculture des pays d'Europe centrale entrera t-elle en
   concurrence avec celle de l'Europe des Quinze ?
40

a) L'effort de solidarité budgétaire envers les agriculteurs d'Europe centrale 40

b) Les risques de déstabilisation des marchés agricoles des Quinze sont limités 42

E - DES IMPLICATIONS BUDGÉTAIRES JUSQU'À PRÉSENT LIMITÉES 43

1) Le coût de l'élargissement de 1990 à 2003 44

2) Les dépenses budgétaires affectées à l'élargissement
   pour les années 2004-2006
45

a) Le « paquet financier » adopté par le Conseil européen de Copenhague
   de décembre 2002
45

b) La contribution des nouveaux Etats membres au budget communautaire 47

c) Le coût total de l'élargissement pour les trois prochaines années 48

d) Lle coût de l'élargissement pour l'Union pour l'ensemble de la période 1990-2006 49

3) Les perspectives pour l'après 2006 49

III - L'IMPACT DE L'ÉLARGISSEMENT SUR LE RÔLE
      DE L'UNION DANS LE MONDE
51

A - UNE ZONE DE CROISSANCE ET DE CONVERGENCE ÉCONOMIQUE 51

1) L'impact positif de la croissance des nouveaux membres sur
    l'économie des Quinze
51

2) Un grand potentiel de croissance pour les échanges français 53

3) L'intégration des nouveaux membres dans l'Union économique et monétaire 55

B - UNE ZONE DE COHÉSION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE 56

1) L'extension de la politique de cohésion aux régions des
    nouveaux membres dès l'adhésion
56

2) La politique régionale des années 2007-2013 impliquera de nouveaux choix 57

C - UN ESPACE DE SÉCURITÉ ET, PLUS TARD,
    DE LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES
58

1) Les nouveaux membres devront appliquer dès l'adhésion
    la majeure partie des dispositions de l'acquis Schengen.
59

2) Les dispositions indissociables de la participation à l'espace Schengen
    ne pourront être appliquées que lors de l'entrée dans l'espace Schengen.
64

D - UN RESPECT DE L'ENVIRONNEMENT ACCRU 65

E - UNE INCONNUE DE TAILLE : L'UNION ÉLARGIE
     AURA-T-ELLE DES INSTITUTIONS EFFICACES ?
66

CONCLUSION 70

EXAMEN EN COMMISSION 75

ANNEXE 1 84

ANNEXE 2 86

ANNEXE 3 88

Mesdames, Messieurs,

Le traité d'Athènes a été signé le 16 avril 2003, et prévoit l'adhésion à l'Union européenne des dix pays suivants : la République Tchèque, l'Estonie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie.

L'Union européenne a déjà connu quatre élargissements : elle a intégré le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark en 1973, la Grèce en 1981, l'Espagne et le Portugal en 1986, et, enfin, l'Autriche, la Finlande et la Suède en 1995.

Ce cinquième élargissement a cependant une signification particulière. Certes, sur le plan du poids économique, les dix pays candidats représentent moins de 4% du PIB des Quinze. Mais, après l'adhésion, l'Union européenne rassemblera 450 millions d'habitants sur près de 4 millions de km² avec un PIB global de 9.230 milliards d'euros, soit au niveau mondial, l'ensemble qui a les plus grandes potentialités.

Surtout, l'élargissement scelle la fin des tentations impériales de la Russie en Europe et la mort du grand schisme communiste qui a déchiré notre continent au XXème siècle. Il n'opère pas, comme votre Rapporteur l'entend souvent dire la réunification du continent européen, mais son unification, pour la première fois de son histoire, par la volonté des peuples démocratiquement exprimée. Il s'agit donc bien d'un bouleversement de l'histoire aux conséquences futures considérables.

De Charlemagne à Charles Quint et de Charles Quint à Bonaparte, les tentatives d'unifier notre continent par la force ont toutes échoué. L'Histoire de l'Europe, c'est le récit de nos guerres. Il nous revient désormais de faire de notre continent un espace de stabilité, de paix et de prospérité. C'est l'objet même du traité d'élargissement.

On voit mal qui pourrait s'opposer à ce projet et au nom de quoi, avec quels arguments, au nom de quels égoïsmes nationaux ou catégoriels et avec quelles analyses politiques. Après cinquante ans d'occupation de l'Europe de l'Est par l'armée rouge, malgré des tentatives répétées d'insurrection que nous avons, le plus souvent, regardées avec indifférence, on comprend que les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Copenhague les 21 et 22 juin 1993 aient pris la décision historique d'accueillir les pays d'Europe centrale et orientale.

Il n'y avait pas d'autre décision possible. Les pays issus de l'ancien bloc soviétique avaient refusé la perspective d'une confédération européenne proposée par le Président François Mitterrand, structure pan-européenne dont le niveau d'intégration aurait été moindre et les liens avec l'Union européenne plus lâches, et qui aurait inclus d'autres pays, y compris la Russie.

Les pays d'Europe centrale et orientale, surtout, ont craint d'être relégués en marge du processus ouest-européen d'intégration, et de devenir des Européens de seconde zone. Leurs dirigeants politiques ont manifesté clairement leur volonté de renouer avec la partie occidentale du continent européen dont ils avaient été séparés depuis plus de quarante ans. Cette volonté s'est accompagnée de l'affirmation forte de l'appartenance de ces pays à l'Europe tant sur le plan historique et culturel que sur celui des valeurs partagées. Ces aspirations les ont conduits très rapidement à présenter leur candidature au Conseil de l'Europe et à l'Union européenne.

L'article 49 du traité sur l'Union européenne stipule que tout Etat européen qui respecte les principes sur lesquels est fondée l'Union peut demander à devenir membre de celle-ci. La demande est adressée au Conseil, lequel doit se prononcer à l'unanimité après consultation de la Commission et avis conforme du Parlement européen. Les conditions d'admission et les modifications qui en découlent pour les traités en vigueur font l'objet d'un accord entre les Etats membres et l'Etat demandeur, lequel est soumis à ratification par tous les Etats en cause.

C'est sur ce fondement que le Conseil européen de Copenhague, en 1993, quatre ans après la chute du mur de Berlin, a pris la décision historique d'accueillir au sein de l'Union européenne les pays d'Europe centrale et orientale. Ces pays, comme les deux autres candidats, étaient déjà liés à l'Union par des accords d'association, dits « accords européens », signés dans les années 1994 à 1996.

Le Conseil a alors posé les conditions auxquelles seraient soumises les candidatures de ces pays ; ces conditions, les « critères de Copenhague », correspondaient à quatre exigences fondamentales : la démocratie et la stabilité des institutions, une économie de marché capable d'affronter la concurrence au sein du marché unique, la capacité de mettre en œuvre le droit communautaire, et, enfin, l'adhésion aux objectifs de l'union politique et de l'union économique et monétaire.

Entre 1990 et 1996, douze pays avaient posé leur candidature. En décembre 1997, le Conseil européen décidait l'ouverture de négociations avec un premier groupe de six pays : Chypre, Estonie, Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovénie. En décembre 1999, les négociations s'ouvraient également avec Malte, la Slovaquie, la Roumanie, la Bulgarie, la Lettonie et la Lituanie.

En vertu du principe de différenciation, l'Union a imposé des négociations distinctes par Etat qui ont donné lieu à près de 200 conférences bilatérales de négociations au niveau des ambassadeurs - représentants permanents des Quinze et des négociateurs en chef des Dix, et de 100 conférences au niveau des Ministres des Affaires étrangères. En outre, s'agissant d'un traité, requérant donc l'unanimité des quinze, les négociations ont été accompagnées en permanence par des négociations entre les Etats membres pour établir au préalable leur position commune.

C'est près de neuf années après le premier « Sommet » de Copenhague, que le Conseil européen, à nouveau réuni dans la capitale danoise, a constaté, le 13 décembre 2002, que dix des douze Etats candidats étaient prêts pour la conclusion des négociations d'adhésion. Pour ces dix Etats, le traité d'adhésion sera signé le 16 avril 2003 à Athènes, à l'issue d'une session du Conseil européen.

Les négociations avec la Bulgarie et la Roumanie se sont déroulées plus lentement dans un premier temps, aussi le Conseil européen de Laeken, en décembre 2001, a t-il décidé de dissocier le cas de ces deux pays, qui devraient rejoindre l'Union européenne en 2007.

Les dix pays candidats ont achevé les procédures de ratification ; celles-ci ont eu lieu entre le 8 mars 2003 - date de la première ratification - par Malte -, et le 20 septembre 2003 - date de la ratification par la Lettonie -. Neuf pays ont choisi de soumettre l'approbation de leur adhésion à référendum, qui ont été couronnés de succès nets, le « oui » l'emportant avec un taux allant de 53,7% à Malte à 92,5% en Slovaquie, et la participation électorale allant elle-même de 46% en Hongrie à 91% à Malte. Seule la république de Chypre a choisi la voie parlementaire, et son Parlement a adopté le traité d'adhésion à l'unanimité, le 14 juillet dernier.

Quant aux quinze Etats membres de l'Union, seuls trois d'entre eux - le Danemark, l'Allemagne et l'Espagne, ont achevé leur procédure de ratification. L'ensemble des Quinze aura recours à la procédure parlementaire. Dans tous les pays, on peut s'attendre à l'adoption par une majorité très large, dépassant nettement les frontières entre majorité et opposition, voire à des votes unanimes comme ce fut le cas au Bundesrat, à la Chambre des Communes ou au Folketing danois.

Notre Parlement n'a quant à lui été saisi du projet de loi autorisant la ratification qu'après l'achèvement de l'ensemble des procédures de ratification par les pays adhérents, en vertu d'une pratique constante.

En principe le processus d'élargissement devrait bien être conduit à temps, pour permettre l'entrée officielle des nouveaux membres dans l'Union le 1er mai 2004, comme l'a décidé le Conseil européen d'Athènes.

La question principale qui se pose aujourd'hui, et à laquelle votre Rapporteur s'efforcera de répondre, est de savoir si les pays candidats sont réellement prêts pour cette adhésion.

A ce sujet, il convient de souligner les éléments suivants.

Les négociations ont duré cinq longues années (longues en tout cas pour les pays candidats) suivies d'une période de seize mois entre la fin des négociations, en décembre 2002, et l'entrée en vigueur du traité d'adhésion au 1er mai 2004, ce qui a conduit la Commission, sur la demande du Conseil européen et en particulier de la délégation française, à présenter annuellement des rapports sur l'état de préparation des pays candidats, rapports destinés au Parlement européen et au Conseil. Ce suivi était nécessaire parce qu'à chaque étape de la négociation, les représentants des Quinze s'appuyaient sur les progrès réalisés, pour chacun des pays candidats, pour aligner sa législation sur l'acquis communautaire. En outre, la clôture des négociations s'est en partie fondée sur les engagements, jugés crédibles, pris par les pays candidats en ce qui concerne l'adoption et la mise en œuvre de la législation européenne.

Il était donc nécessaire de vérifier que les engagements avaient été tenus. Ce fut l'objet du rapport global de suivi présenté début novembre par la Commission sur le degré de préparation des candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

Cette procédure de suivi a constitué une innovation remarquable de cette négociation, qui a placé les Dix dans un cadre très strict et très contraignant.

Le traité d'adhésion s'organise selon une structure assez classique, si l'on se réfère aux précédents traités de 1985 et de 1994. Classique mais de plus en plus complexe, du fait de l'ampleur exceptionnelle de l'actuel élargissement mais aussi du champ de l'acquis de l'Union européenne, touchant aujourd'hui presque tous les domaines de l'activité politique et économique, ce qui en rend l'adaptation dans chaque pays d'autant plus difficile.

Il s'agit comme pour les précédents élargissements à plusieurs Etats, d'un traité unique très bref, puisqu'il ne comporte que trois articles. L'essentiel des dispositions figurent, comme votre Rapporteur l'expliquera, dans un Acte relatif aux conditions d'adhésion et aux adaptations des traités.

I - LE CONTENU DU TRAITÉ D'ADHÉSION

A - Un ensemble complexe de documents

La structure du traité est très proche de celle du précédent traité d'adhésion. Il s'agit néanmoins d'un ensemble complexe de près de 5000 pages, difficile par conséquent à appréhender de façon approfondie. Cet ensemble comporte :

- le traité proprement dit,

- l'acte relatif aux conditions d'adhésion et aux adaptations des traités,

- dix-huit annexes,

- dix protocoles

- et un acte final, lui-même assorti de 44 déclarations et d'un échange de lettres.

Le traité proprement dit est bref. Ses trois articles reprennent en les adaptant les termes du précédent traité d'adhésion.

L'article premier constate que dix pays européens deviennent membres de l'Union et parties aux traités sur lesquels celle-ci est fondée. Il rappelle que les droits et obligations des Etats membres ainsi que les pouvoirs et compétences des institutions communautaires s'appliquent à l'égard du nouveau traité.

L'article 2 précise que les instruments de ratification devront être déposés auprès de l'Italie avant le 30 avril 2004.

L'article 3 indique que le traité est rédigé en vingt et une langues, chacune faisant foi.

L'acte relatif aux conditions d'adhésion comprend 62 articles répartis en cinq parties, qui reprennent la composition du précédent traité d'adhésion en traitant successivement :

- les principes (articles 1 à 10) ;

- les adaptations des traités (articles 11 à 19) ;

- les adaptations des actes pris par les institutions (articles 20 à 23) ;

- les dispositions temporaires (articles 24 à 42) ;

- les dispositions relatives à la mise en œuvre de l'acte d'adhésion lui-même (articles 43 à 62).

Les dispositions institutionnelles de l'élargissement figurent dans les articles 11 à 17, complétés par les articles 25 et 26 relatifs aux mesures transitoires. Les articles 43 à 52 traitent de la mise en place des institutions modifiées. On mentionnera simplement que le traité de Nice avait prévu les modes de fonctionnement d'une Union à vingt-sept membres ; l'acte adapte logiquement ses dispositions à une Union à vingt-cinq membres. Les autres dispositions permanentes, celles des articles 20 à 23, portent sur les adaptations techniques.

Les dispositions temporaires visées par les articles 24 à 42 de l'Acte relatif aux conditions d'adhésion sont de trois ordres : les périodes transitoires, les dispositions prises dans les domaines budgétaire et agricole et les clauses de sauvegarde. Ces différentes catégories de dispositions seront analysées plus loin.

Les annexes représentent un ensemble de plusieurs milliers de pages. Elles explicitent les articles 20 à 23 de l'acte d'adhésion.

Les annexes II à IV - plus de 2500 pages - listent toutes les modifications apportées aux directives et règlements en vigueur. Les unes sont de pure forme, les autres, obtenues après des négociations qui ont pu être plus ou moins âpres, ont pour objet de tenir compte de la situation des pays adhérents.

L'annexe II est consacrée aux adaptations techniques permettant d'étendre et d'appliquer aux nouveaux membres l'ensemble des textes de l'acquis communautaire. Sur les 31 chapitres de l'acquis, 22 ont nécessité des adaptations, pour les neuf autres, ces adaptations n'étaient pas nécessaires ; les deux derniers chapitres concernent les questions financières et les programmes de pré-adhésion.

L'annexe III récapitule les décisions à adopter d'une part pour permettre aux nouveaux membres de se mettre en conformité avec l'acquis, d'autre part pour tenir compte d'accords entérinés lors des négociations d'adhésion qui impliquent une adaptation de cet acquis. Ainsi en est-il de deux règlements sur la maîtrise de l'effort de pêche qui devront prendre en compte les arrangements conclus avec Malte et la Lettonie.

L'annexe IV à laquelle renvoie l'article 22 porte sur cinq chapitres de l'acquis sur lesquels l'Union avait adopté des positions de négociation particulièrement fermes. Au chapitre « concurrence » sont fixées des dates butoirs pour l'autorisation des aides d'Etat. Au chapitre « agriculture » sont notamment précisées les conditions auxquelles les stocks agricoles provenant des politiques de soutien seront repris par la Communauté. S'agissant de l' « union douanière » sont arrêtées des dispositions relatives aux règles d'origine et conférant l'origine communautaire aux marchandises.

On se contentera de citer le cas, au sein du chapitre « droit des sociétés », de la protection des brevets pharmaceutiques en cours de validité chez les quinze. La Pologne, la République tchèque et la Hongrie ont en effet développé un important secteur pharmaceutique, et n'ont adopté que récemment et de manière incomplète une législation sur les brevets, situation qui peut conduire à des distorsions de concurrence au sein du marché unique.

Les dix protocoles portant sur des questions particulières, parfois importantes :

- les protocoles 2 et 8 traitent de la restructuration des industries sidérurgiques tchèque et polonaise auxquelles ils imposent des règles et procédures extrêmement précises ;

- les protocoles 4 et 9 prévoient la fermeture de 2 centrales nucléaires : Ignalina en Lituanie et Bohunice en Slovaquie ;

- le protocole 1 adapte les statuts de la Banque européenne d'investissements (BEI) ;

- le protocole 5 concerne l'accès à l'enclave de Kaliningrad ;

- le protocole 7 reconnaît, suivant le précédent irlandais, que rien dans le traité ou les actes de l'Union n'affecte la législation maltaise relative à l'avortement.

Deux protocoles concernent Chypre :

- le protocole 3 concerne et préserve les droits britanniques dans les zones de souveraineté britannique ;

- le protocole 10 organise les conditions d'adhésion de la République de Chypre, seule entité reconnue internationalement. Il est donc précisé que le traité concerne l'île de Chypre dans sa totalité, mais que son application est suspendue dans la partie nord où le gouvernement chypriote n'exerce pas un contrôle effectif.

Enfin, un acte final récapitule l'ensemble des textes du traité. 44 déclarations y sont annexées, d'intérêt et de portée inégale. Signalons principalement :

- la déclaration par laquelle Malte confirme sa neutralité mais affirme son engagement en faveur de la PESC ;

- et surtout la déclaration commune des Vingt-cinq, intitulée « une seule Europe ». De caractère général, elle est principalement destinée à rassurer les autres candidats. Elle rappelle que pour la Bulgarie et la Roumanie, l'objectif est de les accueillir en 2007, et que la Turquie a bien le statut de pays candidat.

Cette déclaration n'apporte sur ces deux points aucun élément nouveau.

Au total, l'ensemble des documents décrits représente 10 000 pages engageant vingt-cinq pays : il s'agit sans conteste d'une des négociations les plus complexes de l'histoire diplomatique mondiale.

B - L'adaptation des institutions : l'application du traité de Nice

Votre Rapporteur souligne ici que la France, comme l'Allemagne, souhaitaient faire précéder l'élargissement de la réforme des institutions. Elle a soutenu l'approfondissement de l'Union européenne, lors de la Conférence intergouvernementale de 1997 qui a conduit au traité d'Amsterdam, et celle de 2000 qui a conduit au traité de Nice. Les résultats auxquels sont parvenues ces deux négociations n'ont pas été à la hauteur de nos attentes.

Nous nous trouvons aujourd'hui dans le contexte d'une conférence intergouvernementale très difficile, dont l'issue est encore imprévisible et, même si la Constitution est adoptée, l'entrée en vigueur n'en sera pas immédiate. Cependant, l'élargissement n'attend plus, aussi faut-il bien le réaliser dans le cadre institutionnel résultant du compromis décevant de Nice, tout en souhaitant l'aboutissement de l'indispensable réforme des institutions qui pourrait rendre caduque une partie du traité de Nice. Quel est ce cadre institutionnel ?

Avant de le décrire, il faut rappeler que le traité de Nice, entré en vigueur le 1er février 2003, fixait au 1er janvier 2005 l'entrée en vigueur de plusieurs dispositions institutionnelles : la taille de la Commission (plafonnement du nombre de commissaires), la nouvelle pondération des voix au Conseil, le nouveau seuil de la majorité qualifiée. Mais le bon rythme des négociations, amenant le Conseil de Copenhague à décider la clôture des négociations et l'intégration au 1er mai 2004 des dix nouveaux Etats membres, a conduit à effectuer un ajustement de calendrier.

Le Conseil de Copenhague a accepté la proposition du Président de la Commission, M. Romano Prodi, d'anticiper la fin du mandat de celle-ci au 31 octobre 2004, afin que la nouvelle Commission soit constituée, au lendemain des élections européennes de juin 2004, selon les dispositions du traité de Nice. De même, il a décidé d'inscrire dans l'acte d'adhésion que les dispositions du traité de Nice citées ci-dessus entreront en vigueur de façon anticipée le 1er novembre 2004.

En conséquence, la vie des institutions européennes sera assez compliquée pendant l'année 2004 : une période de transition institutionnelle se déroulera entre le 1er mai et le 31 octobre 2004, à la suite de laquelle l'Union entrera dans le système institutionnel prévu par le traité de Nice.

1) La Commission : la fin du système collégial voulu par les fondateurs ?

Conformément au traité de Nice, l'Acte d'adhésion prévoit que dès le 1er mai 2004, les dix nouveaux Etats membres disposeront d'un commissaire européen. Ces dix commissaires rejoindront les vingt membres actuels, formant donc un collège de trente membres.

Le Président Romano Prodi a estimé qu'il était peu opérant de redistribuer les portefeuilles à quelques mois de la fin de mandat de l'actuel collège, qui devait intervenir le 31 décembre 2004 pour permettre comme prévu l'entrée en vigueur des dispositions du Traité de Nice relatives à la Commission dès le 1er novembre 2004. Il a donc proposé d'anticiper la fin de son mandat au 31 octobre 2004. Pendant la période allant du 1er mai au 31 octobre 2004, les dix nouveaux commissaires seront des commissaires « sans portefeuille », mais avec voix délibérative au sein du collège.

L'acte d'adhésion confirme le principe du plafonnement du nombre des membres de la Commission à vingt-cinq membres, tel que prévu par le protocole sur l'élargissement annexé au Traité de Nice (et modifiant l'article 213 du traité instituant la Communauté européenne, dit Traité CE). A partir du 1er novembre 2004, la nouvelle Commission comptera donc un commissaire et un seul par Etat membre. On rappellera que les cinq Etats membres les plus peuplés avaient renoncé dès Amsterdam à leur deuxième commissaire afin d'obtenir en échange une pondération des voix au Conseil plus conforme au poids démographique des Etats et conférant une plus grande légitimité à la décision, budgétaire notamment, dans la mesure où quatre grands Etats assurant 75% des recettes du budget communautaire ne sauraient être mis en minorité.

Le Parlement européen élu en juin 2004 au sein des vingt-cinq Etats membres procédera à l'audition de tous les commissaires de la nouvelle Commission.

Enfin, précisons que la nouvelle Commission prendra ses fonctions pour cinq ans, c'est à dire jusqu'au 31 octobre 2009.

Nous connaîtrons donc en 2004 le système, que la France redoutait, d'une Commission nombreuse, très déséquilibrée au plan démographique et géographique, où l'esprit communautaire des origines de la Communauté comme la notion de collégialité seront vraisemblablement totalement perdus de vue. Le risque de la « nationalisation » de la Commission, contraire à l'esprit et à la lettre des institutions, est réel, avec une Commission représentant les Etats et dédoublant le Conseil.

Votre Rapporteur soutient par conséquent la réforme proposée par la Convention qui préconise la réduction du collège des commissaires à quinze membres. Il conçoit de grandes inquiétudes quant à l'évolution des travaux de la Conférence intergouvernementale : la réouverture du dossier ne conduira t-elle pas sur ce point à une solution plus mauvaise encore que celle du traité de Nice ? Son protocole sur l'élargissement stipule en effet que, lorsque l'Union comptera 27 membres, le Conseil devra fixer à l'unanimité le nombre des membres de la Commission qui ne peut dépasser 26, mais peut-être inférieur.

Il convient de mentionner que l'organisation et le fonctionnement de la Commission seront différents : l'autorité du Président sera renforcée, notamment par sa désignation par les Chefs d'Etat et de Gouvernement à la majorité qualifiée, et le collège devra admettre une hiérarchie entre commissaires selon les décisions de son Président.

2) Le Parlement déjà prêt pour l'élargissement 

Les dispositions du traité de Nice s'appliqueront dès les élections de juin 2004 pour tous les Etats membres. Toutefois, on soulignera que, depuis le 1er avril 2003, des représentants des pays candidats ont déjà été admis à siéger au Parlement en qualité d'observateurs ; ces représentants ont été intégrés au sein des groupes politiques.

A partir de juin 2004, le nombre de députés sera plafonné à 732, nombre considéré par les négociateurs de Nice comme un maximum pour un travail parlementaire efficace.

En attendant l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, les cinquante sièges réservés à ces pays (respectivement 17 et 33) seront redistribués entre Etats membres actuels et nouveaux, à l'exception de l'Allemagne et du Luxembourg. En effet, le protocole sur l'élargissement annexé au traité de Nice (article 2, § 3) prévoit qu'en aucun cas un Etat membre ne peut avoir plus de parlementaires qu'il n'en a actuellement, ce qui exclut ces deux pays de la redistribution, le traité de Nice ayant maintenu leur nombre actuel de 99 et 6 députés.

La France, qui dispose aujourd'hui de 87 députés, en aura à terme 72 dans une Union à 27 membres. La répartition des 50 sièges vacants de Bulgarie et de la Roumanie permet à la France, à l'Italie et au Royaume-Uni d'obtenir six sièges supplémentaires, et donc de disposer de 78 députés dans la législature 2004 - 2009.

Répartition des 732 députés européens dans l'UE-25 pour la législature 2004-2009

Etats membres

Sièges

Etats membres

Sièges

Allemagne

99

Slovaquie, Danemark, Finlande

14

France, Royaume-Uni, Italie

78

Irlande, Lituanie

13

Espagne, Pologne

54

Lettonie

9

Pays-Bas

27

Slovénie

7

Grèce, Belgique, Portugal,

République tchèque, Hongrie

24

Estonie, Chypre,

Luxembourg

6

Suède

19

Malte

5

Autriche

18

Total UE-25

732

L'adaptation du Parlement risque cependant d'être plus compliquée. En effet, l'Union doit en principe accueillir la Roumanie et la Bulgarie comme membres en 2007. L'article 2, § 4 du protocole sur l'élargissement prévoit que, afin que chaque Etat dispose de députés en proportion égale, « le nombre des membres du Parlement européen peut, de manière temporaire, dépasser 732 ».

Si ces deux pays rejoignent l'Union comme prévu, le système sera alors le suivant : les 25 Etats membres conserveront leur nombre de députés jusqu'à fin 2009, y compris ceux ayant bénéficié d'une redistribution de sièges comme la France. Les 50 sièges revenant à la Bulgarie et à la Roumanie s'ajouteront aux 732 députés pour la période allant de 2007 à 2009, mais il faudra aussi attribuer quelques sièges supplémentaires à ces deux pays jusqu'à la fin de la législature, afin de rétablir l'égalité avec les Etats membres bénéficiant de la redistribution des sièges restés vacants en 2004.

Un tableau présentant la répartition définitive des 732 sièges, appelée à s'appliquer après 2009, figure en annexe au présent rapport. Ce tableau présente aussi le poids démographique de chaque siège dans chaque Etat membre. La sur-représentation des petits Etats y est toujours assez marquée. En outre, la difficultés des arbitrages de Nice a conduit à une certaine inégalité entre Etats pareillement peuplés : la Grèce, la Belgique et le Portugal sont privilégiés par rapport à la République tchèque et à la Hongrie, par exemple. Des ajustements resteront possibles, car la déclaration sur l'élargissement a « purement valeur d'engagement politique », comme l'ont souligné les rapporteurs du Parlement dans leur analyse. Le projet de Constitution ne prévoit pas de modification de la composition du Parlement.

3) Le Conseil de l'Union

C'est l'institution qui aura les plus grandes difficultés à s'adapter. Le Conseil devra nécessairement modifier ses méthodes de travail : ainsi, la pratique des « tours de table » permettant à chaque ministre d'expliquer la position de son pays, devra certainement être supprimée. En effet, les premiers exemples de fonctionnement à vingt-cinq, lors des derniers Conseils européens et au sein de la Conférence intergouvernementale actuellement en cours, montrent que le tour de table peut exiger à lui seul six heures de séance. La négociation proprement dite en est retardée d'autant, ce qui rendrait l'organe législatif qu'est le Conseil beaucoup moins efficace.

a) Le système de pondération des voix et le seuil de la majorité qualifiée

Les dispositions du traité de Nice relatives à la pondération des voix au Conseil et au vote à la majorité qualifiée n'entreront en vigueur que le 1er novembre 2004. Aussi l'adaptation du Conseil à l'élargissement devra t-elle se faire en deux étapes.

La première étape : la période allant du 1er mai 2004 au 31 octobre 2004

Lors de l'adhésion, le 1er mai 2004, les dispositions institutionnelles actuelles seront extrapolées aux dix nouveaux membres, en attendant l'entrée en vigueur de la nouvelle pondération adoptée à Nice. Le tableau ci-dessous fait apparaître les voix attribuées à chaque Etat membre.

Pondération des voix au Conseil du 1er mai au 31 octobre 2004

Etats membres

Voix au Conseil

Etats membres

Voix au Conseil

Allemagne, France,

Royaume-Uni, Italie.

10

Suède, Autriche.

4

Espagne, Pologne.

8

Slovaquie, Danemark,

Finlande, Irlande, Lituanie,

Lettonie, Slovénie, Estonie.

3

Pays-Bas, Grèce, Belgique,

Portugal, Hongrie,

République tchèque.

5

Chypre, Malte, Luxembourg.

2

Total UE-25

124

L'Acte d'adhésion précise dans son article 26 qu'entre le 1er mai et le 31 octobre 2004, le seuil de la majorité qualifiée est fixé à 88 voix dans les cas où le Traité requiert une adoption sur la base d'une proposition de la Commission. Dans les autres cas, l'adoption exigera au moins 88 voix et une majorité des deux tiers des Etats membres.

La deuxième étape : à partir du 1er novembre 2004

La pondération des voix adoptée à Nice entre en vigueur le 1er novembre 2004. L'Acte d'adhésion a effectué un ajustement pour 25 Etats membres, puisque le traité de Nice avait prévu à l'époque une pondération adaptée pour 27 Etats membres avec une minorité de blocage fixée à 91 voix sur un total de 345.

Pour l'Union à 25 membres, le Conseil européen de Copenhague a fixé, sur un nombre total de 321 voix (soit le traité de Nice moins la Roumanie et la Bulgarie), un seuil de minorité de blocage à 90 voix. Ceci représente trois Etats membres disposant chacun de 29 voix associés à tout autre membre, y compris Malte. Le seuil de majorité qualifiée est fixé à 232 voix, soit 72,27% du total. Deux autres conditions introduites à Nice entreront en vigueur : la nécessaire réunion d'une majorité d'Etats membres dans toute majorité qualifiée (qui a été appelée le « filet d'Etats »), ainsi que la « clause de vérification démographique » qui avait été demandée et obtenue par l'Allemagne en compensation de son acceptation de la parité des voix avec les trois autres grands pays.

Le calcul de la majorité qualifiée au Conseil sera le suivant :

- lorsque le traité requiert une adoption sur la base d'une proposition de la Commission : le seuil est de 232 voix (72,27%) exprimant le vote favorable d'une majorité (simple) des Etats membres ;

- dans les autres cas, les actes du Conseil requerront au moins 232 voix et une majorité des deux tiers des Etats membres.

Enfin, un Etat membre pourra demander à vérifier que la majorité qualifiée représente au moins 62% de la population totale de l'Union. Si cette condition n'est pas remplie, la décision ne sera pas adoptée.

Pondération des voix au Conseil à partir du 1er novembre 2004 dans l'UE-25

Etats membres

Voix au Conseil

Etats membres

Voix au Conseil

Allemagne, France,

Royaume-Uni, Italie.

29

Suède, Autriche.

10

Espagne, Pologne.

27

Slovaquie, Danemark,

Finlande, Irlande, Lituanie.

7

Pays-Bas.

13

Lettonie, Slovénie, Estonie, Chypre, Luxembourg.

4

Grèce, Belgique, Portugal,

Hongrie, République tchèque.

12

Malte

3

Total UE-25

321

Ce système issu du compromis de Nice est a priori complexe. Il préfigure cependant le système de double majorité choisi par la Convention, système qui avait été préconisé par certaines voix dès 2000, mais pour lequel les esprits n'étaient pas mûrs à l'époque. Le projet de constitution n'apporte pas de bouleversement, mais facilite la prise de décision en ramenant la majorité « démographique » à 60% de la population de l'Union.

b) La rotation des présidences du Conseil en l'absence de réforme

L'article 203 du traité CE dispose que la « présidence est exercée à tour de rôle par chaque Etat membre du Conseil pour une durée de six mois selon un ordre fixé par le Conseil à l'unanimité. »

Lors de l'adhésion des dix nouveaux membres, le Conseil devrait prendre à l'unanimité une décision quant à la rotation des présidences.

En l'absence de décision, c'est la rotation actuelle des présidences telle qu'elle est prévue jusqu'en 2006, qui se poursuivra. Pour mémoire, les présidences seront les suivantes : en 2004, Irlande puis Pays-Bas, en 2005 : Luxembourg puis Royaume-Uni, et en 2006 : Autriche puis Finlande.

La Convention a proposé la création d'un Conseil législatif et des affaires générales, dont la présidence observerait une « rotation égale pour des périodes d'au moins un an », les règles de cette rotation devant être établies par le Conseil européen.

4) Les autres institutions

Les dix nouveaux membres nommeront chacun un représentant au sein de la Cour de justice (article 13), du Tribunal de première instance (article 46), ainsi que de la Cour des comptes (article 47). Ces trois institutions comprendront donc 25 membres dès le 1er mai 2004.

De même, l'Acte d'adhésion prévoit la participation dès l'adhésion des nouveaux membres au Comité économique et social (articles 14 et 48), au Comité des régions (articles 15 et 49), ainsi qu'au Comité scientifique et technique du traité Euratom (articles 16 et 50).

Enfin, l'article 17 de l'Acte d'adhésion relatif à la Banque Centrale européenne (BCE) prévoit l'ajout d'un paragraphe à l'article 49 du protocole n°18 sur les statuts du Système européen de banques centrales (SEBC) et de la BCE annexé au traité CE. Il s'agit de procéder aux adaptations liées à l'élargissement du capital souscrit de la BCE, actuellement de 5 milliards d'euros, et du plafond des réserves de change qui est actuellement de 50 milliards d'euros.

Lors de l'adhésion, les dix nouveaux membres ne paieront ainsi qu'une part, fixée à 5%, de leur part totale du capital de la BCE, évaluée autour de 560 millions d'euros. Ceux d'entre eux qui souhaiteront adopter la monnaie unique à un stade ultérieur devront alors acquitter la part restante. Par ailleurs, leurs contributions aux réserves de change ne seront également transférées que lorsque les nouveaux Etats membres rejoindront la zone euro.

5) Les difficultés du fonctionnement des institutions en vingt langues de travail

Avec l'élargissement, le nombre de langues officielles de l'Union passera de 11 à 20. Si aucune réforme du régime linguistique n'est adoptée d'ici le 1er mai 2004, le recours à 20 langues de travail se traduira par :

- le passage de 110 à 420 du nombre de combinaisons de langues en régime d'interprétation complet ;

- l'augmentation du nombre d'interprètes nécessaires puisqu'il faut théoriquement 105 interprètes pour chaque réunion à interprétation complète dans un régime à 21 langues et environ 63 à 70 interprètes pour une interprétation en relais ;

- l'augmentation correspondante du nombre de cabines de traduction nécessaires.

Le Conseil ne dispose pas à ce jour des moyens en personnel suffisants pour assurer la traduction complète pour plus de quatre réunions par jour. Le nombre de salles équipées pour accueillir 20 ou 21 équipes de traduction sera donc limité à deux alors que six sont en principe nécessaires pour accueillir toutes les réunions. Enfin, le recours prévisible à une interprétation autour de quelques langues pivot risque d'en détériorer la qualité.

En matière de traduction, les délais risquent de s'accentuer, les traductions n'intervenant qu'après l'adoption des documents qui auront été négociés en anglais.

L'interprétation représentait en 2000 un coût de 45 millions d'euros, correspondant à l'interprétation de six langues par réunion en moyenne. Ce coût est assumé par le budget communautaire. Le coût de l'interprétation d'une langue supplémentaire est estimé à environ 8 millions d'euros par an. Le coût de l'interprétation de 21 langues serait donc d'environ 165 millions d'euros par an. Cette augmentation importante doit toutefois être relativisée au regard du coût par habitant ou par rapport au PIB de l'Union après l'élargissement.

Une réforme du régime linguistique des institutions communautaires est en cours d'examen par les Etats membres. Elle devrait être adoptée d'ici l'adhésion des dix nouveaux membres pour permettre le fonctionnement normal des institutions communautaires.

C - Le principe de la reprise de l'acquis

Après un article premier consacré aux définitions, l'article 2 de l'Acte relatif aux conditions d'adhésion pose le principe fondamental de la reprise de l'acquis communautaire dès le jour de l'adhésion, sous réserve de mesures transitoires.

1) La portée du principe

L'adhésion implique l'acceptation intégrale par les pays candidats des droits et obligations, réels et potentiels, du système communautaire et de son cadre institutionnel, ce qui comprend :

- les traités eux-mêmes ;

- l'ensemble du droit dérivé ;

- les déclarations et résolutions adoptées dans le cadre de l'Union ;

- les accords conclus entre les Etats membres ;

- les accords conclus avec les Etats tiers.

On aura une idée de la complexité de l'exercice que constitue la transposition de l'acquis, et l'effort imposé aux nouveaux membres en rappelant que l'acquis communautaire représente à lui seul 80 000 pages de directives, règlements, décisions, positions ou actions communes au Journal Officiel des communautés européennes.

Cependant, le principe de reprise de l'acquis au jour de l'adhésion admet, comme cela a été le cas lors des précédents élargissements, des exceptions sous la forme de périodes transitoires.

Si les dispositifs temporaires sont généralement admis au bénéfice des nouveaux membres, l'Union a cependant imposé aux adhérents deux dispositifs transitoires à son bénéfice :

- le report à cinq après l'adhésion de la libre circulation des travailleurs des nouveaux Etat membres (ce régime sera abordé plus loin) ;

- la restriction pendant cinq années également d'un aspect du transport routier : compte tenu des risques de distorsion de concurrence liés aux écarts de coûts salariaux, les opérateurs de transport routier de sept pays adhérents ne pourront effectuer des prestations de cabotage (service de transport au sein d'un Etat membres sans franchissement de frontière) dans l'un des Etats membres actuels de l'Union.

On mentionnera que les nouveaux membres intègrent également l'Espace économique européen (EEE). Les négociations sur l'élargissement de l'EEE, engagées le 9 janvier 2003, ont été conclues le 3 juillet 2003. Cette renégociation de l'accord EEE était nécessaire pour tenir compte de l'élargissement de l'Union européenne. L'acte d'adhésion (article 6) prévoit en effet que les pays adhérents s'engagent à devenir parties à l'accord relatif à l'EEE. L'accord élargissant l'EEE entrera en vigueur le 1er mai 2004.

Le «paquet» élargissement de l'Espace économique européen consiste en un accord principal assorti de quatre accords connexes, chacun des cinq accords étant lié aux quatre autres. L'accord principal concerne la participation des pays adhérents à l'Espace économique européen, et définit les modifications apportées à l'accord EEE. La plus grande partie des modifications proposées découle du traité d'adhésion des dix nouveaux membres. On notera que les États de l'AELE, membres de l'Espace économique européen, contribueront aussi, à hauteur de 600 millions d'euros sur une période de cinq ans, à la réduction des disparités économiques et sociales dans un Espace économique européen élargi.

2) La définition des périodes transitoires

Pour répondre à certaines difficultés rencontrées par les nouveaux membres dans la reprise et l'application effective de l'acquis, l'Union a accordé aux Etats adhérents la possibilité de bénéficier de périodes transitoires de manière limitée. C'est à l'automne 2000, sous Présidence française, que les Quinze ont posé des conditions encadrant strictement l'octroi des périodes transitoires.

Outre l'analyse au fond effectuée par la Commission et les Etats membres de la recevabilité de chacune des demandes, les périodes transitoires doivent être limitées dans le temps, leur objet et dans leur portée. Elles ne doivent pas porter atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur. Elles doivent enfin être assorties d'un calendrier d'alignement sur l'acquis comprenant des étapes intermédiaires et incluant un plan de financement crédible et soutenable.

Sur les 31 chapitres de l'acquis, les pays adhérents ont demandé et obtenu près de 250 périodes transitoires pour faire face à ces difficultés de transposition ou de mise en oeuvre. Ces difficultés ont trait le plus souvent à la faiblesse de leurs capacités administratives, à la lourdeur des investissements à consentir ou aux conséquences politiques, économiques et sociales qu'un alignement brutal sur l'acquis aurait pu entraîner. Les pays qui ont obtenu le plus de périodes transitoires sont la Pologne (plus de 40), Malte (plus de 35) et la Lettonie (plus de 30).

Les périodes transitoires ont une durée comprise entre 6 mois et 13 ans, la durée moyenne étant de trois ans environ. Les périodes transitoires les plus longues ont été accordées dans le domaine de l'environnement, en particulier pour assurer la mise aux normes des installations existantes, en raison du coût élevé d'alignement sur l'acquis. La Pologne a ainsi obtenu une période transitoire jusqu'à la fin de 2017 pour appliquer la directive de 2001 sur les grandes installations de combustion, pour les installations antérieures à 1987.

Les principales périodes transitoires accordées concernent sept chapitres de l'acquis communautaire. Ne seront évoquées que les plus significatives.

● le chapitre "libre circulation des marchandises" :

L'Union a ainsi accordé des périodes transitoires à Chypre (jusqu'à fin 2005), à Malte et à la Lituanie (fin 2006), à la Slovénie (fin 2007), ainsi qu'à la Pologne (fin 2008), pour procéder à un renouvellement des autorisations de mise sur le marché (AMM) de listes de produits pharmaceutiques à usage humain et vétérinaire qui soit conforme aux directives CE 2001/82 et 2001/83. Les Etats membres pourront interdire la mise sur le marché de ces produits tant qu'ils ne bénéficieront pas d'une AMM délivrée conformément à l'acquis.

● Le chapitre "libre prestation des services" :

L'Union a accordé des périodes transitoires à la Slovénie (jusqu'à la fin de 2005), à la Slovaquie (fin 2006), ainsi qu'à l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Hongrie (fin 2007) pour appliquer le niveau minimum de couverture du système d'indemnisation des investisseurs (directive CE 97/9 ).

● Le chapitre "libre circulation des capitaux" :

Plusieurs pays candidats, pour des raisons historiques, politiques et économiques, ont formulé très tôt dans les négociations le souhait de maintenir des restrictions aux acquisitions de résidences secondaires, de terres agricoles et de forêts par les ressortissants communautaires non-résidents.

Bien que liée avant tout à la faiblesse des prix du marché, cette crainte de voir des ressortissants communautaires procéder à des achats importants de leur patrimoine foncier, était également liée, en Pologne et en République tchèque, à la crainte de retours ou de rachats liés aux déplacements des populations allemandes intervenus à la fin de la Seconde Guerre Mondiale (Prusse orientale, Poméranie, Silésie, Sudètes).

La République tchèque, la Hongrie, la Slovaquie, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie peuvent maintenir pendant 7 ans leurs restrictions aux acquisitions de terres agricoles avec une clause de sauvegarde de trois ans à l'issue de leur période transitoire. La Pologne a quant à elle obtenu une période transitoire de 12 ans. Les agriculteurs indépendants sont exclus de ces restrictions dès l'adhésion, sauf en Hongrie et en Slovaquie (où ils devront justifier de 3 ans de résidence continue) et en Pologne (où ils devront justifier de 7 ans de résidence continue dans les voïvodies occidentales et de 3 ans dans les voïvodies orientales).

Par ailleurs, cinq pays adhérents ont obtenu de pouvoir maintenir des restrictions aux acquisitions de résidences secondaires par les non-résidents: Chypre (jusqu'à la fin de 2007), la Pologne, la République tchèque et la Hongrie (5 ans après l'adhésion), ainsi que Malte qui a obtenu une dérogation permanente par un protocole.

En effet, compte tenu de sa spécificité géographique (316 km2), et démographique (densité supérieure à 1200 habitants au km2), ainsi que du nombre très limité de résidences et de terrains disponibles à des fins de construction, Malte est le seul des dix adhérents à avoir obtenu une dérogation permanente, sur le modèle dont bénéficie déjà le Danemark, qui lui permettra de maintenir des restrictions aux acquisitions de résidences secondaires des ressortissants communautaires n'ayant pas résidé légalement à Malte cinq ans au moins.

● Le chapitre "agriculture" :

L'Union a accordé des périodes transitoires limitées (allant de fin 2004 à fin 2007) pour que la République tchèque, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne puissent procéder aux investissements et modernisations nécessaires à la mise aux normes vétérinaires et sanitaires de la PAC de nombreux établissements de transformation de produits animaux. Pendant cette durée, tous les produits issus de ces établissements (les listes d'établissements sont inscrites dans les annexes-pays de l'Acte d'adhésion) feront l'objet d'un étiquetage spécial et ne pourront être commercialisés que sur le marché local (suspension de la libre circulation dans l'UE élargie).

● Le chapitre "fiscalité" :

L'Union a accordé des périodes transitoires à la République tchèque et la Slovénie (jusqu'à la fin de 2007), à la Slovaquie, à la Pologne et à la Hongrie (fin 2008), ainsi qu'à l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie (fin 2009) pour augmenter leurs droits d'accises sur les cigarettes au niveau de 64 euros pour 1000 cigarettes fixé par la directive CE 2002/10. En effet, un alignement dès l'adhésion aurait pu conduire à des augmentations allant jusqu'à 300%. Outre les répercussions politiques et sociales prévisibles, un alignement si brutal aurait encouragé la criminalité organisée, en accroissant les trafics aux futures frontières extérieures de l'UE, alors que le prix du tabac est déjà significativement inférieur à Kaliningrad, en Biélorussie, en Ukraine ou dans les Balkans.

Enfin, les dix adhérents ont aussi obtenu deux dérogations dont bénéficient les Etats membres actuels, dans les mêmes conditions de durée. La première leur permet d'appliquer aux PME ayant un faible chiffre d'affaires annuel une franchise en base de TVA dont les seuils sont légèrement supérieurs au seuil maximum autorisé par la directive CEE 77/388. La seconde leur permet d'exonérer de TVA les transports internationaux de voyageurs.

● Le chapitre « environnement »

L'Union a accordé un grand nombre de périodes transitoires dans ce chapitre, en raison du coût très élevé d'alignement sur l'acquis. Toutefois, notamment à la demande de la France, elle a refusé les périodes transitoires qui auraient pu porter atteinte au marché intérieur en faussant le jeu de la concurrence par du dumping environnemental. De surcroît, l'Union a opéré une distinction entre "installations existantes", qui ont pu bénéficier de périodes transitoires, et "installations nouvelles", qui devront se conformer à l'acquis dès l'adhésion ou aux dates prévues dans les directives concernées.

3) La garantie de l'Union contre d'éventuels manquements aux engagements de reprise de l'acquis : les trois clauses de sauvegarde

Le traité d'adhésion comporte trois clauses de sauvegarde : une clause de sauvegarde économique générale, susceptible d'être invoquée tant par les actuels que les nouveaux membres en cas de perturbation économique grave d'un secteur d'activité et deux clauses de sauvegarde spécifiques, portant l'une sur la protection du fonctionnement du marché intérieur et l'autre sur la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière civile et pénale, toutes deux pouvant être invoquées en cas de manquement grave d'un nouveau membre aux engagements de reprise de l'acquis pris lors des négociations.

a) La clause de sauvegarde économique générale

Une clause de sauvegarde économique générale avait déjà été insérée dans le traité d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, mais on notera qu'elle n'a jamais été utilisée.

La clause de sauvegarde économique générale, insérée dans le traité d'Athènes, est destinée aux nouveaux et aux actuels Etats membres. Elle est liée aux critères économiques de Copenhague requis pour l'adhésion, notamment à « la capacité à faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union ». Cette clause vise avant tout à rassurer les dix nouveaux membres dans les trois ans qui suivront leur adhésion et à leur permettre, le cas échéant, d'atténuer dans certains secteurs économiques ou dans certaines régions sensibles, les conséquences d'un choc macroéconomique ou concurrentiel trop rude qui serait lié à l'adhésion. Pour les actuels membres, cette clause vise surtout à prévenir les distorsions de concurrence transfrontalière qui seraient trop fortes.

L'article 37 du traité d'adhésion prévoit ainsi que « pendant une période maximale de trois ans après l'adhésion, en cas de difficultés graves et susceptibles de persister dans un secteur de l'activité économique ainsi que de difficultés pouvant se traduire par l'altération grave d'une situation économique régionale, un nouvel Etat membre peut demander à être autorisé à adopter des mesures de sauvegarde permettant de rééquilibrer la situation et d'adapter le secteur intéressé à l'économie du marché commun. Dans les mêmes conditions, un Etat membre actuel peut demander à être autorisé à adopter des mesures de sauvegarde à l'égard de l'un ou de plusieurs des nouveaux Etats membres ».

La clause de sauvegarde ne pourra donc être invoquée que jusqu'au 30 avril 2007.

Il appartiendra à la Commission de fixer, par une procédure d'urgence, les mesures de sauvegarde qu'elle estime nécessaires qui peuvent, si nécessaire, être immédiatement applicables. Il est par ailleurs précisé qu'elles ne doivent pas entraîner de contrôles aux frontières.

b) Les deux clauses de sauvegarde spécifiques

La clause spécifique de sauvegarde du marché intérieur:

Cette clause ne vise que les nouveaux membres, en cas de manquements graves aux obligations de reprise et d'application effective de l'acquis et susceptibles d'affecter le bon fonctionnement du marché intérieur. Cette clause couvre donc notamment la sécurité alimentaire et pourrait permettre, par exemple en cas de non-application de l'acquis relatif à la lutte et à la prévention de l'ESB, de suspendre la libre circulation des marchandises concernées en provenance d'un des nouveaux Etats membres.

L'article 38 du traité d'adhésion précise que « si un nouvel Etat membre n'a pas donné suite aux engagements qu'il a pris dans le cadre des négociations d'adhésion, y compris les engagements à l'égard de toutes les politiques sectorielles qui concernent les activités économiques ayant une dimension transfrontalière, et provoque ainsi ou risque de provoquer à très brève échéance un dysfonctionnement grave du marché intérieur, la Commission peut, pendant une période pouvant aller jusqu'à trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur du présent Acte et à la demande motivée d'un Etat membre ou de sa propre initiative, prendre des mesures appropriées ». Ces mesures doivent être proportionnées, la priorité étant donnée à celles qui perturberont le moins le fonctionnement du marché intérieur et, le cas échéant, à l'application des mécanismes de sauvegarde sectoriels en vigueur.

La clause spécifique de sauvegarde relative à la justice et aux affaires intérieures

La réforme des systèmes policiers et judiciaires des pays candidats mettra du temps avant de produire ses pleins effets : les futurs membres sont encore en phase de renforcement de leurs capacités administratives, qu'il s'agisse de la mise en place de structures nouvelles ou de la formation des policiers et des magistrats. Les pratiques judiciaires existantes et les faiblesses constatées, comme l'égalité d'accès à la justice, la corruption, le manque de formation pourraient, dans certains cas, porter atteinte au bon fonctionnement de l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

L'Union a donc imposé cette clause, afin de pouvoir suspendre temporairement la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière civile (Titre IV du traité CE) et en matière pénale (Titre VI du traité sur l'Union européenne) en cas de manquement grave au regard de normes judiciaires essentielles touchant aux libertés publiques ou à la liberté d'entreprise, par exemple. C'est à la demande de la France que la portée de la clause de sauvegarde a été étendue à la coopération judiciaire en matière civile.

L'article 39 permet donc à la Commission de prendre, pendant une période pouvant aller jusqu'à trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur du présent Acte et à la demande motivée d'un Etat membre ou de sa propre initiative et après avoir consulté les Etats membres, des mesures de dispense temporaire de l'application des dispositions et décisions concernées dans les relations entre le nouvel Etat membre et un ou plusieurs autres Etats membres, sans que soit remise en cause la poursuite de l'étroite coopération judiciaire.

● La mise en œuvre des clauses de sauvegarde spécifiques

Les deux clauses de sauvegarde spécifiques pourront être invoquées pendant une durée de trois ans à compter de l'adhésion des dix nouveaux membres, soit jusqu'au 30 avril 2007.

Elles pourront même être invoquées avant l'adhésion, pour produire leurs effets dès le premier jour en cas de manquements graves. Les mesures de sauvegarde adoptées dans le cadre des deux clauses spécifiques pourront, le cas échéant, être appliquées au-delà de cette période de trois ans.

Les articles 38 et 39 du traité d'adhésion précisent que le recours aux clauses de sauvegarde est directement lié aux procédures de suivi des engagements pris par les dix futurs membres.

C'est la Commission qui sera à l'origine du déclenchement des clauses de sauvegarde et c'est à elle qu'il appartiendra d'apprécier la proportionnalité des mesures à adopter, et de déterminer leurs conditions et modalités d'application.

S'agissant de la sécurité alimentaire, les mesures de sauvegarde pourraient aller de la fermeture temporaire ou définitive d'établissements ou de postes frontaliers non conformes, à la suspension de la libre circulation des produits animaux concernés dans l'Union, avec contrôles aux frontières. En matière de justice et d'affaires intérieures, les sauvegardes pourront prendre la forme d'une suspension des reconnaissances mutuelles de décisions de justice en matière civile et pénale.

La mise en jeu des clauses spécifiques peut résulter soit d'une demande émanant de l'un des quinze actuels Etats membres soit de la Commission elle-même, sur la base des rapports de suivi relatifs au respect des engagements pris par les nouveaux membres.

L'une des différences notables entre les deux types de clauses tient à ce que le rétablissement des contrôles aux frontières est possible dans le cas des clauses de sauvegarde spécifiques, notamment celle relative à la protection du marché intérieur, alors qu'il est proscrit dans le cas de la clause générale de sauvegarde économique. En effet, s'agissant de la sécurité alimentaire, notamment la prévention de l'ESB, l'une des mesures de sauvegarde pourrait être la suspension temporaire de la libre circulation des marchandises animales concernées, ce qui impliquerait de facto des contrôles aux frontières.

Il convient enfin de signaler qu'un dialogue entre la Commission et le Conseil est prévu dans le traité en cas de divergence d'appréciation, notamment s'agissant de l'allégement ou de l'abrogation de mesures spécifiques de sauvegarde. Cependant, on rappellera qu'il peut arriver qu'un Etat membre décide, le temps d'une procédure contentieuse devant la CJCE, de maintenir des mesures de sauvegarde à l'encontre d'un nouvel Etat membre alors même que la Commission aurait décidé de proposer leur levée, si l'on se réfère au cas de l'embargo français maintenu sur les importations de bœuf britannique, alors que la Commission en avait décidé la levée.

Déclarations annexées au traité d'adhésion sur les clauses de sauvegarde spécifiques

Inquiets des modalités de déclenchement des clauses de sauvegarde, six des futurs membres, l'Estonie, la République tchèque, la Lituanie, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie, ont émis une déclaration conjointe (n°22) au traité d'adhésion, pour rappeler d'une part que les mesures de sauvegarde ne pouvaient pas être utilisées pour couvrir d'autres obligations que celles découlant de leur adhésion et, d'autre part, leur souhait de pouvoir être entendus avant que la Commission ne décide de mesures de sauvegarde les concernant.

En réponse à ces préoccupations, la Commission a émis une déclaration (n°43) au traité d'adhésion, précisant qu'avant toute décision, elle entendrait les avis et positions du ou des Etats membres touchés par ces mesures et en tiendrait dûment compte.

II - UN TRAITÉ PORTEUR D'UNE RÉUNIFICATION HISTORIQUE

L'adhésion de ces dix nouveaux Etats transformera de façon importante la physionomie de l'Union européenne. Le présent élargissement diffère beaucoup de celui de 1995 qui avait vu l'Autriche, la Finlande et la Suède rejoindre l'Union européenne. Il s'apparente à beaucoup d'égard à l'élargissement réalisé avec les pays du Sud de l'Europe, la Grèce en 1979 et l'Espagne et le Portugal en 1985.

A - La nouvelle physionomie de l'Union européenne

1) Un ensemble de 450 millions d'habitants

Au plan démographique, l'Union comptera 75 millions de nouveaux citoyens, 105 millions après l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, prévue en 2007.

L'Europe des Vingt-cinq comptera, en 2004, 450 millions d'habitants. Ceci traduit une augmentation de la population de l'Union européenne de 20%, mais la progression de son PNB ne sera que de 4,6%. Le revenu moyen par habitant dans les pays d'Europe centrale et orientale est en effet inférieur de 40% à la moyenne actuelle des Quinze.

Les données économiques de l'ensemble européen seront considérablement transformées avec un accroissement sans précédent des disparités économiques au sein de l'Union. L'écart de richesse entre les régions les plus prospères et les régions les plus défavorisées sera doublé par rapport à celui qui existe actuellement entre les régions dans l'Europe des Quinze. La situation moyenne de l'emploi devrait être moins favorable : trois millions d'emplois devront être créés pour que le niveau moyen de l'emploi dans les nouveaux Etats membres soit aligné sur le niveau d'emploi actuel de l'Union.

L'Union européenne n'aura donc plus la physionomie d'un club de pays riches. Il ne conviendrait cependant pas de tirer des conclusions pessimistes de la cette nouvelle situation. En effet, l'étude sur la cohésion économique et sociale de l'Union, présentée en janvier 2003 par la Commission européenne, souligne le potentiel de l'Union élargie : le taux de croissance économique des pays candidats est plus élevé en moyenne qu'il ne l'est dans les actuels pays membres, et la Commission note par exemple que l'élargissement apportera sa contribution à la hausse du niveau moyen d'éducation dans l'Union.

L'élargissement constitue par ailleurs une ouverture pour de nombreux investisseurs européens, étant donné que le marché intérieur va gagner un quart de consommateurs supplémentaires.

2) Les perspectives économiques dans les nouveaux Etats membres

Les pays d'Europe centrale et orientale ont entrepris un processus de rattrapage similaire à celui qu'avaient entrepris l'Espagne et le Portugal. Leur économie s'intègre de façon accélérée dans l'économie de l'Union européenne, réalisant 60 % de leurs exportations vers l'Union et 63 % de leurs importations. Après la période de transition initiale, la plus difficile, les huit Etats d'Europe centrale ont connu une bonne performance économique globale à partir de 1995 : croissance supérieure de un point en moyenne à celle de l'Union jusqu'en 1999 et après 2000, et les prévisions sont bonnes pour 2003. La stratégie de préadhésion a joué son rôle d'appui, comme cela fut le cas pour les pays du sud.

Selon une étude de la Commission européenne effectuée en juin 2001 sur l'impact économique de l'élargissement, les pays candidats vont bénéficier grâce à leur adhésion d'une intégration complète dans le marché unique, d'une meilleure allocation des ressources, d'une hausse de l'investissement et d'une croissance de leur productivité. Les pays adhérents bénéficieront de transferts financiers accrus de fonds communautaires, au titre de la Politique agricole commune et de la politique régionale.

L'adhésion devrait se traduire par 1,3 à 2,1 points de croissance supplémentaires par an sur la période 2000-2009 pour les nouveaux membres. Les quinze Etats membres actuels devraient quant à eux bénéficier de 0,7 point de croissance supplémentaire sur cette même période.

Durant la période 2000-2009, les nouveaux membres devraient ainsi connaître une croissance de 4,3% par an en moyenne. Se situant autour de 4% par an durant la période 2000-2004, la croissance devrait ensuite augmenter à 4,6% à partir de 2005.

La croissance de l'emploi contribuerait à la croissance à hauteur de 0,6 point de PIB, l'augmentation du stock de capital à hauteur de 2 points et la hausse de la productivité des facteurs à hauteur de 1,6 points.

Le stock d'investissements devrait représenter durant la période 2000-2009 26% du PIB des dix nouveaux membres. La Commission note que l'emploi dans l'agriculture et la fonction publique devrait baisser de 1 à 2% durant la même période.

B - La profonde transformation politique et juridique réalisée par les pays candidats

Les nouveaux Etats d'Europe centrale ont effectué une métamorphose impressionnante. Le rapport de la Commission européenne dresse le bilan de ces mutations.

Elle constate que les Dix remplissent les critères politiques de Copenhague et disposent d'une économie de marché viable. La croissance économique y est soutenue à des taux nettement supérieurs, depuis deux ans, au niveau de la croissance moyenne de l'Union européenne. L'inflation y est aussi supérieure mais elle suit une tendance à la baisse. La Commission note que le chômage reste élevé du fait des restructurations économiques et elle ajoute que l'ensemble de ces pays a connu des déficits importants des administrations publiques. Dans l'ensemble il apparaît que la stabilité macro-économique des Dix sera assurée au moment de leur adhésion.

S'agissant de la capacité administration générale, la Commission exprime un satisfecit global sur les progrès accomplis par les administrations publiques et les institutions judiciaires. Toutefois, elle note que « le taux de corruption reste élevé dans les pays adhérents, voire très élevé dans certains cas. »

Elle engage cependant les nouveaux membres à allouer des moyens matériels et humains plus importants aux systèmes judiciaires, car elle observe que ces moyens demeurent souvent insuffisants et ne permettent pas de ce fait un fonctionnement satisfaisant de la Justice. Les retards les plus préoccupants concernent la mise en œuvre de la réforme de la Justice en Lettonie et en Pologne, où des dispositions relatives à la structure du système judiciaire ou au statut des magistrats doivent encore être adoptées.

De même, la Commission demande à la Pologne, de poursuivre les réformes nécessaires pour assurer la séparation des fonctions de ministre de la Justice et de procureur général et pour abolir l'immunité pénale absolue dont bénéficient les magistrats. En Lettonie, il semble que des résistances se manifestent encore face à l'adoption d'une réforme de la justice garantissant l'indépendance des magistrats par rapport au pouvoir législatif.

En Pologne, Slovaquie, Lettonie et à Chypre, les moyens matériels et humains alloués aux services de lutte contre la corruption et le crime organisé doivent être renforcés. La coopération avec l'Office de lutte contre la fraude de l'Union (OLAF) doit être améliorée en République tchèque, Pologne et Lettonie.

C - Une adaptation économique et juridique difficile et coûteuse

1) Les efforts faits par les dix pays candidats pour transposer l'acquis

Il faut avoir conscience que les exigences liées à l'entrée dans l'Union sont bien supérieures aujourd'hui à celles qui ont été imposées aux pays des précédents élargissements. Les nouveaux Etats membres intègreront non plus seulement une union douanière mais un marché unique et à terme une union monétaire. Le volume de l'acquis communautaire s'en trouve considérablement accru. L'adoption des 31 chapitres de l'acquis et des plus de 80 000 pages de réglementations européennes engendre un coût réel.

Si certaines sont assez anecdotiques (on pourrait citer la taille des bananes), d'autres impliquent un coût important, comme par exemple l'introduction de tarifs pour les importations de produits hors de l'Union européenne, qui s'ajoutent aux coûts d'harmonisation et peuvent conduire à une hausse des prix de certains produits alimentaires.

Les restructurations liées aux directives européennes s'accompagnent d'un coût social très lourd. En Pologne par exemple, l'aide européenne a été conditionnée à la fermeture des principales mines.

Les pays candidats doivent assurer un niveau de protection sociale comparable à celui prévalant dans l'Union et harmoniser leur législation du travail avec l'acquis (temps de travail, sécurité, hygiène) ; on se souvient qu'à la fin des années 1980, la transposition en France de certaines directives, ainsi celles par exemple relatives à la « santé et la sécurité » du travail s'est effectuée avec difficulté et retard, les branches professionnelles demandant des délais d'adaptation beaucoup plus longs en raison du coût très élevé, pour les entreprises, du remplacement ou de l'adaptation des machines non conformes aux nouvelles normes européennes.

En matière d'environnement, la Commission estime que la mise en conformité avec la réglementation européenne va coûter aux futurs membres deux à trois points de leur PIB annuel dans les cinq à sept années à venir. Cela suppose d'ailleurs que l'ensemble des acteurs, tant publics (collectivités locales par exemple) que privés (entreprises), puissent financer cette mise en conformité.

Si les bénéfices engendrés par l'adhésion, comme l'accès au marché unique et aides communautaires, sont souvent mis en avant, les coûts, principalement liés à la mise en conformité des réglementations aux normes communautaires, sont peu évoqués et ne font guère l'objet d'estimations.

2) Le bilan dressé par la Commission européenne

L'Union a mis en place des mécanismes très concrets de suivi des engagements pris par les pays candidats, afin que la dynamique des réformes, stimulée tout au long des négociations, ne se relâche pas une fois le traité signé. La Commission a remis au Conseil en février, puis en mai 2003, deux séries de rapports de suivi évaluant l'état de préparation des adhérents. Le 5 novembre dernier, la Commission a remis au Conseil de nouveaux rapports de suivi, faisant un point chapitre par chapitre sur le respect des engagements pris par les Dix, six mois avant leur adhésion.

Dressant le bilan de l'intégration de l'acquis communautaire, la Commission a établi trois catégories pour cet acquis, qui était lui-même, tout au long des négociations, divisé en 31 chapitres et 140 secteurs :

- 1ère catégorie : les domaines pour lesquels un pays est prêt ;

- 2ème catégorie : les domaines nécessitant des efforts accrus et un rythme de progrès plus soutenu ;

- 3ème catégorie : les domaines particulièrement préoccupants qui nécessitent une action immédiate et décisive des pays concernés pour être prêts à la date de l'adhésion.

Selon la Commission, sur les 140 secteurs de l'acquis communautaire, il n'y a déjà plus de problèmes pour les dix pays candidats, dans 70 % des cas, dans 27 % des cas, il y a des efforts accrus à accomplir mais le calendrier sera respecté ; il reste 39 cas « très préoccupants », soit moins de 3 % des dossiers. A titre de comparaison, il y a actuellement 2 228 procédures d'infraction en cours pour les quinze Etats-membres !

C'est l'agriculture qui est le principal domaine concerné par les 39 cas très préoccupants. Il s'agit d'abord de la mise en place des agences nationales appelées à gérer et à contrôler les aides communautaires aux agriculteurs (Pologne, Hongrie, Slovaquie, Chypre et Malte). Il s'agit ensuite des dispositifs sanitaires de prévention contre l'ESB (en Pologne et en Hongrie) : l'épidémio-surveillance, permettant la notification des cas suspects, doit y être améliorée. La mise aux normes des établissements traitant des produits animaux doit être achevée (Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Pologne), et les postes d'inspection vétérinaires et phytosanitaires aux frontières doivent encore faire l'objet d'une mise à niveau dans les mêmes pays, ainsi que dans les pays baltes.

De façon générale, avec 9 cas sur 39, c'est la Pologne connaît le plus de retard dans la transposition de l'acquis. La Slovaquie connaît également des retards. A l'inverse, la Slovénie reçoit un satisfecit global pour son état de préparation. Parmi les pays Baltes, la Lituanie est concernée par deux domaines de préoccupation, l'Estonie par trois cas et la Lettonie par cinq cas préoccupants suscitant une « profonde inquiétude ».

La Commission considère que la plupart des problèmes identifiés pourront être réglés avant le 1er mai 2004. A défaut, la Commission mettrait en œuvre des mesures de sauvegarde.

Si les organismes de gestion des aides communautaires ne s'avéraient pas prêts, les aides communautaires ne seraient pas versées : on peut supposer que les Gouvernements des nouveaux membres feront tous les efforts possibles pour faire fonctionner ces organismes, et ne voudront pas priver leurs agriculteurs des aides de l'Union. En matière phytosanitaire, tout produit ne répondant pas aux normes fixées par l'Union ne pourra entrer dans le marché unique. Ces produits pourvus d'un étiquetage spécial ne pourraient être vendus que sur le marché local.

Dans le domaine du marché intérieur, certaines difficultés concernent la reconnaissance des diplômes, portant essentiellement sur les métiers d'infirmière ou de sage-femme, mais ces éléments ne sont pas déterminants pour le fonctionnement de l'Union.

D - Des enjeux économiques et sociaux limités pour les Quinze

La perspective d'un élargissement à dix nouveaux pays, et surtout aux huit pays d'Europe centrale, a suscité des inquiétudes chez différentes catégories de citoyens européens.

S'agissant de pays dont la richesse nationale est inférieure à la moyenne communautaire, et dont les salaires sont sensiblement moins élevés, on peut s'inquiéter des délocalisations d'entreprises qui peuvent se produire au sein du marché unique européen. On peut également s'interroger sur les conséquences de la libre circulation en Europe : l'afflux de travailleurs venant de pays aux salaires plus bas ne déstabilisera t-il pas le marché du travail des Quinze ? On peut aussi se demander si les pays agricoles d'Europe centrale constitueront des concurrents pour les productions agricoles des Quinze, et si leur admission au bénéfice de la PAC ne conduira pas à priver les agriculteurs des Quinze d'un soutien important. Certaines catégories professionnelles françaises ont ainsi fait connaître leurs inquiétudes auprès du Gouvernement.

Il est difficile d'aborder l'ensemble de ces questions dans le présent rapport. Votre Rapporteur tentera d'en cerner un certain nombre. De façon générale, il apparaît que les risques d'une déstabilisation économique ou sociale du marché unique, ou d'une atteinte importante aux intérêts des salariés européens, sont faibles. Dans les domaines où une remise en question aurait pu se produire, l'Union a préservé des périodes de transition : celles-ci constitueront certainement une garantie suffisante, car l'on constate en pratique une évolution rapide des facteurs économiques et sociaux en Europe centrale, avec la progression des coûts du travail comme celle des coûts sociaux afférents.

1) La limitation temporaire de la libre circulation des travailleurs salariés

Dès le 1er mai 2004, l'ensemble des ressortissants des dix nouveaux membres bénéficiera de la libre circulation, à l'exception des travailleurs salariés pour lesquels l'Union a préservé une période transitoire de sept ans. Les travailleurs salariés maltais et chypriotes ne sont pas concernés par cette période transitoire et bénéficieront immédiatement de la libre circulation.

Les études effectuées par la commission européenne comme par le Ministère des Finances français évaluent cependant qu'en cas d'ouverture complète des marchés du travail des Quinze aux ressortissants des dix nouveaux membres dès l'adhésion, les flux migratoires induits resteraient modérés et concentrés dans les zones frontalières de l'actuelle Union. Deux millions de personnes viendraient s'ajouter en une dizaine d'années aux 700 000 ressortissants des dix nouveaux Etats membres vivant actuellement dans les quinze Etats membres. Il apparaît que 80% de ces ressortissants souhaiteraient s'installer en Allemagne ou en Autriche. En France, la population originaire des huit pays d'Europe centrale pourrait passer de 22 000 actuellement à 50 000 au bout de trois ans, pour atteindre 100 000 personnes en 20 ans.

L'expérience de l'élargissement à l'Espagne et au Portugal a montré que l'adhésion engendre des flux migratoires limités, compte tenu du rattrapage des niveaux de vie et des perspectives d'emploi offertes par une croissance plus soutenue dans les pays adhérents.

a) La position de l'Union européenne

Dans son discours à Weiden, en Bavière, à l'automne 2000, le Chancelier Schroeder a exposé ce qui devait devenir l'une des principales demandes politiques de l'Union à l'égard des pays candidats dans les négociations d'adhésion : la préservation d'une période transitoire de sept ans avant que leurs travailleurs salariés ne bénéficient de la liberté de circulation dans l'Union. Cette demande visait à prévenir toute perturbation du marché du travail compte tenu des différences de niveau des salaires, notamment avec la Pologne. L'Allemagne, soutenue par l'Autriche, a ainsi lancé un débat qui a conduit les Quinze à imposer une période transitoire à huit des dix futurs membres. Chypre et Malte ont été exclues du dispositif et leurs travailleurs salariés bénéficieront dès l'adhésion de la libre circulation.

Tout en posant le principe d'une période transitoire, la position finalement arrêtée par l'Union a toutefois introduit une certaine flexibilité dans le dispositif, compte tenu des différences entre pays adhérents quant à l'ampleur prévisible des mouvements de travailleurs salariés au sein du marché unique élargi. L'expérience de l'élargissement à l'Espagne et au Portugal, où une période transitoire de dix ans avait été imposée, a en outre montré que les risques d'afflux massifs de salariés pouvant exercer une pression à la baisse sur les salaires réels, étaient limités.

Le mécanisme finalement inséré dans le traité d'adhésion se décompose en trois périodes de deux + trois et deux ans :

- deux ans après l'adhésion, le 1er mai 2006, les Etats membres actuels pourront décider soit d'ouvrir leur marché du travail aux salariés des nouveaux Etats membres, soit de prolonger la période transitoire (en le notifiant à la Commission) pour trois années supplémentaires ;

- cinq ans après l'adhésion, le 1er mai 2009, la libre circulation des travailleurs salariés des nouveaux Etats membres s'appliquera de droit dans toute l'Union, sauf dans les Etats membres actuels qui feraient état de « perturbations graves » de leur marché du travail et qui pourront, à titre de clause de sauvegarde, prolonger encore pour deux années la durée de cette période transitoire.

En revanche, dès l'adhésion le 1er mai 2004, la liberté d'établissement sera applicable dans toute l'Union aux travailleurs non salariés des dix nouveaux membres (professions commerciales, industrielles, artisanales ou libérales) dans les mêmes conditions que celles applicables aux nationaux. En cas de non-respect du principe de la reconnaissance mutuelle des qualifications dans de nouveaux Etats membres, la liberté d'établissement pourrait cependant être suspendue pour leurs ressortissants.

Par ailleurs, les entreprises de ces dix pays bénéficieront, dès l'adhésion, de la liberté d'effectuer des prestations de service au sein du marché unique, avec leurs salariés. Seules l'Allemagne et l'Autriche ont demandé et obtenu des restrictions à la libre prestation de services pour certains secteurs d'activités, notamment transfrontalières.

A ce jour, seuls le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas et l'Irlande ont annoncé l'ouverture dès l'adhésion de leur marché de l'emploi aux salariés des huit pays concernés par la période transitoire, en maintenant toutefois des dispositifs de sauvegarde.

b) La position de la France

Compte tenu de la situation de son marché de l'emploi, la France a soutenu le principe d'une période transitoire avant que les travailleurs salariés des nouveaux membres ne bénéficient de la libre circulation dans l'Union européenne.

Notre pays continuera donc à appliquer ses mesures nationales d'accès à l'emploi pendant la période transitoire inscrite dans l'acte d'adhésion, c'est-à-dire pendant cinq ans prolongeables de deux années supplémentaires, mais avec un réexamen deux ans après l'adhésion. La France avait déjà demandé une telle période transitoire lors de l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans la Communauté.

Des dispositions assurant quelques ouvertures ponctuelles ont cependant été prises, notamment vis-à-vis des ressortissants des nouveaux membres qui auront étudié et obtenu un diplôme en France ou dont les qualifications présenteraient un intérêt technologique et commercial.

La France a ainsi conclu avec la Hongrie et la Pologne des accords ouvrant un contingent annuel permettant à 1000 jeunes stagiaires professionnels polonais (de 18 à 35 ans) et à 300 hongrois de se perfectionner en occupant un emploi dans une entreprise française pour 3 à 18 mois, prolongeables 6 mois. La France a également supprimé, le 3 septembre 2001, l'obligation de visa long séjour pour les étudiants polonais, ce qui donne droit à une autorisation de travail à temps partiel. Un accord similaire, entré en vigueur le 2 mai 2003, a été conclu avec l'Estonie.

2) L'agriculture des pays d'Europe centrale entrera t-elle en concurrence avec celle de l'Europe des Quinze ?

L'agriculture des huit pays adhérents d'Europe centrale se caractérise par un niveau d'emploi élevé d'une main d'œuvre souvent peu qualifiée et par une faible productivité. Le secteur agricole représente 4,3% du PIB et 14,4% de la population active des ces pays. La surface agricole utile de l'Union augmentera de 29%, ce qui représente 38 millions d'hectares. La Pologne est la principale agriculture des pays adhérents, occupant 19% de la population active et représentant 4% du PIB national. Près de 80% des exploitations polonaises sont des exploitations familiales de taille petite ou moyenne, c'est-à-dire moins de cinq hectares.

En ce qui concerne les caractéristiques structurelles de leurs agricultures, les pays adhérents se trouvent dans une situation comparable à celles de l'Espagne, du Portugal et de la Grèce lors de leur entrée dans la Communauté européenne.

La compétitivité prix et hors prix des produits agricoles des pays adhérents est faible. La productivité et les rendements des pays d'Europe centrale et orientale sont nettement inférieurs à ceux de l'Europe des Quinze. Ainsi par exemple, pour les céréales, par rapport à une moyenne communautaire de 5,7 tonnes/hectare, la Hongrie et la Slovénie ne disposent que de rendements de l'ordre de cinq tonnes/hectare, la République tchèque et la Slovaquie approchent les quatre tonnes/hectare alors que les autres restent en deçà de trois tonnes/hectare. De plus, la qualité inférieure ou hors normes de ces produits les rend peu attractifs pour les consommateurs exigeants des Quinze. Il résulte de cette combinaison de facteurs que depuis 1992, l'Union européenne exporte plus de produits agricoles et agroalimentaires vers les PECO qu'elle n'en importe.

a) L'effort de solidarité budgétaire envers les agriculteurs d'Europe centrale

Il faut d'abord souligner que le soutien financier est nécessaire, car ces pays doivent fournir un effort sans précédent de modernisation de leur agriculture, de mise aux normes sanitaires et de qualité. Le soutien de l'Europe correspond donc à la fois à un impératif de solidarité et aux intérêts des consommateurs.

Le montant des aides agricoles attribuées aux nouveaux membres a été fixé au Conseil européen de Bruxelles en octobre 2002 : il est prévu une montée en puissance progressive des versements agricoles qui ne « doperont » pas de manière artificielle les résultats économiques de leurs exploitations. Ainsi, les agriculteurs de ces pays ne recevront la première année de l'élargissement, qu'un maximum de 55 % de l'aide accordée à leurs homologues de l'Ouest, alors que certains d'entre eux, notamment dans le secteur des céréales, subiront sans doute d'importantes baisses de prix.

Le bénéfice progressif des aides directes pour les dix futurs membres se fera selon les modalités suivantes : 25 % en 2004, 30 % en 2005, et 35 % en 2006, puis une augmentation de 10 points par an jusqu'à 100 % en 2013 du niveau qui prévaudra alors dans l'Union européenne. Ces pays auront le droit de verser des compléments nationaux, soit 55 % du niveau des Quinze en 2004, 60 % en 2005 et 65 % en 2006. Ces compléments nationaux pourront être cofinancés, de 2004 à 2006, en utilisant une partie des aides prévues au titre du FEOGA-développement rural, dans la limite de 10 % du versement progressif des aides directes. A partir de 2007, ce complément financé uniquement sur budget national ne pourra excéder 30% de plus que le niveau des aides tel que l'Union l'a fixé dans son calendrier progressif.

Ce dispositif progressif doit encourager la restructuration de leurs exploitations agricoles, notamment dans les nouveaux Etats membres celles qui ne vivent que de l'autoconsommation et dont les revenus sont largement issus des transferts sociaux.

En ce qui concerne le développement rural, les pays adhérents ont obtenu des adaptations. Ainsi a été créé un revenu de semi-subsistance temporaire, pouvant être versé pendant cinq ans, dans tous les pays adhérents, afin de faciliter les restructurations des exploitations. Ce revenu s'élève à 1 000 euros par exploitation et par an, sous réserve de présenter un plan démontrant la viabilité économique de l'exploitation. Pour la Pologne, ce montant est de 1 250 euros par exploitation. D'autre part, les mesures adoptées dans le cadre du deuxième pilier de la PAC seront cofinancées à hauteur de 80 % par le budget de l'Union européenne, contre 50 % actuellement pour les Quinze.

Au total, le budget destiné à l'agriculture des dix nouveaux membres pour la période 2004-2006 s'élèvera à 9,7 milliards d'euros sur « un paquet élargissement » de 40,85 milliards d'euros en crédits d'engagement.

L'élargissement ne remettra en cause ni le budget de la PAC ni les aides directes versés actuellement aux quinze Etats membres. L'accord de Bruxelles a en effet ménagé un budget suffisant pour que la montée en puissance des transferts agricoles vers les PECO n'implique pas une diminution des aides versées aux agriculteurs des Quinze.

Ces éléments permettent d'affirmer, selon l'analyse effectuée par la Délégation pour l'Union européenne, que le choc agricole de l'élargissement n'aura pas lieu à l'Ouest, mais à l'Est1.

Il sera particulièrement rude pour toutes les micro-exploitations, qui n'ont ni la taille ni les capitaux nécessaires pour se moderniser, mais jouent un rôle social non négligeable dans les zones rurales, en faisant vivre des familles qui, par manque de formation et de moyens, ne peuvent occuper immédiatement des emplois dans les villes.

On notera cependant que la Commission a conduit les nouveaux membres à accepter un découplage total des aides à l'hectare dès l'adhésion, ce qui lui a donné un argument supplémentaire pour emporter l'adhésion du Conseil sur cette rupture majeure du système de la PAC, lors du conseil de Luxembourg, le 26 juin dernier.

b) Les risques de déstabilisation des marchés agricoles des Quinze sont limités

L'effort de solidarité budgétaire ne remettra toutefois pas en cause la compétitivité des agriculteurs des Quinze.

Bien que faible aujourd'hui, la compétitivité prix et hors prix des produits agricoles des nouveaux membres devrait augmenter légèrement d'ici 2009, compte tenu de l'accès amélioré aux capitaux et à la technologie, au changement des modes de gestion et des structures de marché, ainsi qu'à une pression à la baisse sur les coûts de production.

L'intégration dans la PAC et la levée des dernières barrières existantes en matière d'échanges agricoles se traduira également par une incitation accrue à la restructuration des exploitations et par une réallocation de la main d'œuvre agricole dans d'autres secteurs de l'économie. Les prévisions de la Commission indiquent que 800 000 à 1,7 million de travailleurs agricoles devraient quitter ce secteur d'ici la fin 2009.

La concurrence des agricultures et des industries agroalimentaires des pays adhérents devrait rester faible. Tournées en grande partie vers l'autosubsistance, les agricultures de ces pays sont encore comparativement peu productives et peinent à fournir des produits répondant aux normes européennes. L'effort d'investissement nécessaire sera long et coûteux malgré les transferts que permettra la PAC. De fait, il apparaît peu probable que les nouveaux membres disposent rapidement d'excédents importants exportables vers les autres pays de l'Union européenne.

E - Des implications budgétaires jusqu'à présent limitées

L'acte d'adhésion, dans ses articles 27 et 36 et un renvoi à l'annexe XV, fixe le cadre budgétaire de l'élargissement. Ce cadre a différents aspects : l'admission des dix nouveaux membres au bénéfice des politiques de l'union, l'application à leur égard du système des ressources propres (leur contribution au budget) et, enfin, les modalités d'extinction des programmes d'aide de préadhésion au 31 décembre 2003. Seront évoqués ici les deux premiers aspects.

Ce chapitre consacré au cadre budgétaire permettra d'appréhender les coûts entraînés par l'ensemble du processus de l'élargissement, depuis ses débuts, en 1990, jusqu'à la fin des perspectives financières pluriannuelles qui nous gouvernent actuellement, c'est-à-dire jusqu'à la fin 2006. Cet examen montrera que les crédits consacrés par les Quinze à la transition politique et économique des Européens d'Europe centrale et orientale principalement (car ceux consacrés à Malte et à Chypre sont vraiment marginaux) sont très limités au regard du caractère historique et politique majeur de ce processus.

Avant de décrire l'ensemble de ces données budgétaires, on rappellera brièvement la façon dont le cadre financier de l'élargissement a été établi.

La définition du cadre financier nécessitait d'abord un accord entre les Quinze : il a eu lieu au Conseil européen de Copenhague en décembre 2002. Puis un accord devait intervenir entre l'Union et les pays candidats qui est intervenu en avril 2003. Le tout a été obtenu après une année entière de difficiles négociations tant entre les Quinze qu'avec les pays candidats.

Sans décrire ici tous les moments de cette négociation, on rappellera que la principale difficulté était de financer chez les nouveaux Etats membres dès 2004, d'une part, les aides directes agricoles et l'aide au développement rural, et, d'autre part, les programmes de développement régional au moyen des fonds structurels. L'Allemagne s'opposait, pour des raisons budgétaires, à l'extension des aides directes à taux plein aux pays candidats. La France considérait que la définition de la Politique agricole commune impliquait l'obligation d'en assurer le financement, même au prix d'un dépassement du plafond des crédits pour paiements.

Trouver une solution à cette difficulté supposait un accord entre la France et l'Allemagne. Cet accord a été réalisé au Conseil européen de Bruxelles, les 24 et 25 octobre 2002. L'Allemagne a accepté le versement des aides directes agricoles aux candidats sur la base d'une montée en puissance des aides, allant de 25% en 2004 à 100% en 2013 (« phasing in »). De son côté, la France a accepté la stabilisation des dépenses de marché et des paiements directs à vingt-cinq, de 2007 à 2013, au niveau du plafond de 2006, soit 45,306 milliards d'euros, majoré d'un taux d'inflation de 1% par an. Enfin, les deux pays ont demandé, et obtenu des Quinze, une limitation de l'enveloppe des fonds structurels à 23 milliards d'euros.

Cet accord franco-allemand a permis aux Quinze de présenter aux nouveaux membres un « paquet » financier, qui a ensuite été négocié entre la Présidence danoise et les dix nouveaux membres.

1) Le coût de l'élargissement de 1990 à 2003

La Communauté européenne avait créé, en 1990, le programme PHARE d'aide à la reconstruction pour la Pologne et la Hongrie, qui a ensuite bénéficié aux autre pays d'Europe centrale. L'Union a consacré, au total, 6,7 milliards d'euros à ce programme de 1990 à 2003.

Le Conseil européen de Berlin, en mars 1999, y a ajouté un programme ISPA (Instrument structurel de préadhésion) et un programme SAPARD (programme spécial d'aide à l'agriculture et au monde rural), lesquels représentent un paquet de 13,2 milliards d'euros pour les années 2000 à 2003.

Les deux autres pays candidats, Malte et Chypre, ont bénéficié d'aides dans le cadre de stratégies de pré-adhésion adoptées en 2000.

De 1990 à la fin de 2003, c'est donc une somme totale de 20 milliards d'euros que l'Union européenne a consacré aux pays candidats pour les aider dans la phase de préadhésion, marquant ainsi la volonté d'accompagner les efforts accomplis par les pays eux-mêmes.

Le tableau suivant présente les dotations de ces programmes sur treize ans, en incluant celles destinées à la Bulgarie et à la Roumanie.

DÉPENSES DE PRÉADHESION AFFECTÉES A L'ÉLARGISSEMENT

1990-1999

2000-2003

PHARE

4 715,2

6 240,00

ISPA

-

4 160,00

SAPARD

-

2 800,00

Stratégies de préadhésion

(Malte et Chypre)

-

55,50

Total

6 767,16

13 255,50

Moyenne annuelle

676,72

3 313,80

En millions d'euros (prix 2000). Dépenses au cours des années 1990-1999 sur la base des paiements effectifs ; pour les années ultérieures à 1999, sur la base des engagements pris.

Source : Commission européenne

2) Les dépenses budgétaires affectées à l'élargissement pour les années 2004-2006

a) Le « paquet financier » adopté par le Conseil européen de Copenhague de décembre 2002

Pendant la négociation d'adhésion, plusieurs pays candidats avaient fait état des difficultés budgétaires qu'ils rencontreraient du fait de l'impact du paiement intégral de leur contribution, alors que certaines aides ne seraient versées que progressivement. Quatre pays ont protesté contre le risque d'être contributeurs nets au budget dès leur adhésion, ce qui pourrait être mal compris par leur opinion publique.

Ces demandes ont eu pour conséquence les concessions suivantes de la part des Quinze :

- une « facilité de trésorerie » de 2,398 milliards d'euros pour 2004-2006, versée au budget national des nouveaux membres pour atténuer l'impact de la contribution au budget communautaire ;

- une compensation budgétaire dégressive de 987 millions d'euros de 2004 à 2006 destinée à Chypre, à la République tchèque, à Malte et à la Slovénie afin de leur éviter d'être contributeurs nets dès leur adhésion.

Trois types de mesures spécifiques ont également été décidés :

- une facilité de renforcement institutionnel, dénommée "facilité transitoire" (prévue par l'article 34 de l'acte d'adhésion). Elle est dotée de 380 millions d'euros de 2004 à 2006. Elle doit être affectée à la poursuite du renforcement des capacités administratives des dix nouveaux membres en prenant le relais des actions financées jusque là sur les crédits de pré-adhésion PHARE (en effet, les engagements au titre de PHARE, ISPA et SAPARD seront arrêtés le 31 décembre 2003). La France a obtenu que cette facilité couvre les domaines de la justice et des affaires intérieures (notamment les contrôles aux frontières extérieures, le renforcement du système judiciaire et la lutte contre la corruption), mais aussi la sécurité alimentaire et la protection des intérêts financiers de la Communauté.

- une « facilité Schengen » dotée de 858 millions d'euros de 2004 à 2006, destinée à renforcer les contrôles aux futures frontières extérieures de l'Union, ainsi que l'application dès l'adhésion d'une partie des dispositions de l'acquis de Schengen. Cette facilité concerne les pays adhérents qui auront à surveiller une frontière extérieure terrestre de l'Union dès l'adhésion, c'est à dire tous sauf la République tchèque, Chypre et Malte.

- une facilité nucléaire de 375 millions d'euros de 2004 à 2006 pour le démantèlement des centrales nucléaires d'Ignalina en Lituanie et Bohunice en Slovaquie.

Le montant des crédits d'engagement fixés pour les trois prochaines années, soit 2004 à 2006, figure dans le tableau suivant.

Crédits d'engagement maximaux liés à l'élargissement

Pour les dix nouveaux Etats membres

2004

2005

2006

Rubrique 1: Agriculture

1 897

3 747

4 147

dont:

1a - Politique agricole commune

1b - Développement rural

327

1 570

2 032

1 715

2 322

1 825

Rubrique 2: Actions structurelles

6 070

6 907

8 770

dont:

Fonds structurels

Fonds de cohésion

3 453

2 617

4 755

2 152

5 948

2 822

Rubrique 3: Politiques internes et dépenses transitoires

1 457

1 428

1 372

dont:

Politiques existantes

Facilité de sûreté nucléaire (Lituanie et Slovaquie)

Facilité de renforcement institutionnel

Facilité Schengen

846

125

200

286

881

125

120

302

916

125

60

271

Rubrique 5: Dépenses administratives

503

558

612

Compensations budgétaires

1 273

1 173

940

Total maximal des CE

11 200

13 813

15 840

Plafonds de Berlin

11 610

14 200

16 780

Marge

410

403

924

(en millions d'euros - prix 1999)

Le coût de l'élargissement, sous l'angle des crédits d'engagements adoptés au Conseil européen de Copenhague, s'élève donc à près de 40,9 milliards d'euros pour les trois prochaines années. Il est inférieur en crédits de paiements, puisqu'il se monte seulement à 27,875 milliards d'euros (au prix 1999, soit 33,4 milliards d'euros en prix courants). La différence importante s'explique par le principe de montée en puissance retenu pour le versement des aides agricoles aux nouveaux membres. Les paiements seront consacrés pour environ 2 milliards à l'agriculture et 23 milliards à la politique régionale.

Cependant, les nouveaux Etats membres apporteront leur contribution au budget de l'Union dès leur adhésion.

b) La contribution des nouveaux Etats membres au budget communautaire

Ces pays se verront intégralement appliquer, dès le 1er mai 2004, la décision du Conseil du 29 septembre 2000 relative au système des ressources propres des Communautés européennes. Ils acquitteront donc, conformément à l'article 28 de l'acte d'adhésion, huit mois de contributions pour l'année 2004. Ils acquitteront ensuite naturellement l'intégralité de leurs contributions à partir de 2005.

Entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2006, les dix adhérents verseront ainsi 14,744 milliards d'euros au budget communautaire.

Montant des contributions des dix pays adhérents
au budget communautaire de 2004 à 2006

Chypre

428

Estonie

231

Hongrie

2280

Lettonie

287

Lituanie

510

Malte

178

Pologne

6552

République tchèque

2573

Slovaquie

934

Slovénie

771

TOTAL

14 744

En millions d'euros - prix 1999

Avec une contribution de plus de 6,5 milliards d'euros de 2004 à 2006, la Pologne sera le contributeur le plus important des dix nouveaux membres, suivie par la République tchèque et la Hongrie.

Les dix nouveaux membres vont devoir contribuer dès leur adhésion au mécanisme de correction budgétaire dont bénéficie le Royaume-Uni depuis le Conseil européen de Fontainebleau (1984), du fait de l'application intégrale à leur égard de la décision « ressources propres ». La répartition de la charge financière de la correction est calculée en fonction des versements respectifs des Etats membres relatifs à la ressource PNB, le Royaume-Uni étant exclu. Cette répartition est ensuite ajustée de façon à limiter la contribution financière de l'Allemagne, de l'Autriche, des Pays-Bas et de la Suède à un quart de leur contribution normale résultant de ce calcul (article 5, paragraphe 1 de la décision « Ressources propres).

Pour mémoire, la France est le premier contributeur au chèque britannique, à hauteur de 1,5 milliards d'euros par an. Parmi les nouveaux membres, la Pologne sera le plus fort contributeur avec un versement de 622 millions d'euros sur les trois années 2004-2006.

c) Le coût total de l'élargissement pour les trois prochaines années

Le coût total budgétaire est évalué par les institutions européennes de la façon suivante. Au coût du « paquet de Copenhague », soit 40,853 milliards d'euros, est ajoutée la perte de recettes communautaires due au report des versements des dix nouveaux membres au 1er mai, au lieu du 1er janvier 2004. Cette perte est évaluée à 1,6 milliard d'euros, qui n'avaient pas été comptabilisés dans la partie « dépenses » fixée à Copenhague. Ce mécanisme est inscrit à l'article 28 de l'acte d'adhésion.

En intégrant cet allègement de contribution, accordé aux dix nouveaux pays membres, au total des engagements, le « paquet final » peut donc être évalué à près de 42,5 milliards d'euros, atteignant de facto le plafond des dépenses pour l'élargissement fixé au Conseil européen de Berlin en 1999.

Au total, les dix nouveaux membres, recevant 27,875 milliards d'euros de crédits de paiements de 2004 à 2006 et acquittant 14,744 milliards d'euros au titre de leur contribution au budget communautaire, devraient donc être bénéficiaires nets de plus de 13 milliards d'euros. Le solde net positif est estimé à 2,7 milliards d'euros dès 2004, 4,8 milliards en 2005 et 5,5 milliards en 2006.

Pour les Quinze, le coût net de l'élargissement de 2004 à 2006 intègre le solde net des 10 adhérents - soit 13 milliards d'euros ainsi que les dépenses non réparties (dépenses administratives de la rubrique 5, soit 1,673 milliard d'euros). Ce coût net est donc estimé à 14,804 milliards d'euros de 2004 à 2006, soit à peine plus de la moitié (53%) des crédits de paiements du paquet approuvé à Copenhague.

d) Le coût de l'élargissement pour l'Union pour l'ensemble de la période 1990-2006

En additionnant les aides de pré-adhésion versées aux nouveaux membres de 1990 à 2003 au coût net de l'élargissement de 2004 à 2006, le coût net pour l'Union européenne peut être estimé, en crédits de paiements, à 32 milliards d'euros pour la période 1990-2006, soit 2 milliards par an en moyenne.

En crédits d'engagements, il s'élève à 69,5 milliards d'euros pour les dix-sept années couvrant l'ensemble du processus. On soulignera que ce montant représente un peu moins de 1% du PNB de l'Union en 1999, et une dépense annuelle moyenne de 0,005% du PNB sur cette longue période.

3) Les perspectives pour l'après 2006

Les données budgétaires concernant la période qui s'ouvre après 2006 sont encore inconnues. Votre Rapporteur souligne qu'il ne s'agit plus alors du coût de l'élargissement, mais du montant de la dépense budgétaire dans l'Europe à vingt-cinq pour la période 2007-2013.

Un élément, relatif à la dépense agricole, est connu. L'accord global intervenu entre la France et de l'Allemagne a permis au Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre 2002 d'acter la stabilisation des dépenses agricoles de l'Union jusqu'en 2013. Il a été convenu de plafonner les dépenses agricoles à vingt-cinq, dépenses de marché et paiements directs, à leur niveau de 2006, en contrepartie d'un engagement que la PAC demeurerait inchangée d'ici 2013. La France a obtenu l'assurance que ce principe de stabilité budgétaire s'appliquerait aux autres dépenses européennes, notamment celles liées aux aides régionales.

Ces dépenses sont stabilisées pour la période 2007 à 2013 au niveau du plafond de 2006, soit 45,306 milliards d'euros, majoré d'un taux d'inflation de 1% par an. Les dépenses du premier pilier devraient se limiter, en prix courants, à 48,574 milliards d'euros seulement en 2013.

Cet accord permet de donner à la PAC une visibilité budgétaire dont aucune autre politique européenne ne bénéficie aujourd'hui. Par ailleurs, sur le plan international, il reflète l'engagement de l'Union européenne de contrôler ses dépenses agricoles, un effort qui doit être valorisé à l'OMC au moment où les Etats-Unis prévoient d'augmenter leur budget agricole de plus de 70 %.

Pour le reste, les transferts du budget européen vers les pays membres - actuels comme futurs - ne peuvent excéder 4% du produit intérieur brut de chaque pays, ce qui permet de contrôler les montants alloués. Le besoin éventuel de recettes additionnelles fait actuellement, au sein de la Commission, l'objet d'une réflexion menée par le Commissaire Michel Barnier. Sur ce sujet, le débat actuellement en cours tant à la Commission qu'au sein des Etats membres sépare ceux qui souhaitent porter les contributions nationales au taux maximum de 1,27% du PIB communautaire contre 0,98% aujourd'hui, de ceux qui considèrent qu'il ne faut pas demander des efforts supplémentaires à des Etats membres par ailleurs soumis aux rigueurs du pacte de stabilité. Il est évidemment souhaitable qu'un compromis raisonnable puisse se dégager.

III - L'IMPACT DE L'ÉLARGISSEMENT SUR LE
RÔLE DE L'UNION DANS LE MONDE

A - Une zone de croissance et de convergence économique 

1) L'impact positif de la croissance des nouveaux membres sur l'économie des Quinze

L'Union européenne est le premier partenaire commercial des dix adhérents. Dans les années 1990, grâce notamment à la libéralisation des échanges permise par les accords d'association, les échanges commerciaux avec les pays adhérents se sont rapidement intensifiés. Entre 1990 et 1999, les exportations des dix pays adhérents vers l'Union ont été multipliées par 3,9 et leurs importations par 3,1.

C'est un tournant à 180° qu'ont effectué les pays d'Europe centrale et orientale pour arrimer leurs économies aux marchés européens. Ils l'avaient entrepris dès avant l'adhésion. L'ampleur des changements est impressionnante : en 2003, les échanges avec l'Union représentent plus de la moitié des échanges commerciaux des pays adhérents, contre 20% en 1959. L'Union fournit 59% des importations des pays d'Europe centrale et orientale.

Cependant, du côté de l'Union, les échanges avec les pays adhérents ne représentent que 10 à 12% en moyenne de l'ensemble des échanges (hors échanges intra-communautaires) ; les flux sont donc asymétriques.

Ces pays ne représentent en fait que 4% des exportations de l'Union. Selon les prévisions, les importations vers l'Union européenne ne représenteraient aujourd'hui que 30% du potentiel qu'elles pourraient développer. La progression importante des importations vers l'Union est toutefois sujette à caution compte tenu de la spécialisation des pays adhérents dans des produits que l'Union importe peu (matériels de télécommunication, informatique, secteur énergétique, matériels électriques, produits alimentaires).

L'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale à l'Union va contribuer à supprimer un certain nombre de barrières non tarifaires qui subsistent aujourd'hui, ce qui leur donnera un avantage vis-à-vis des autres pays émergents sur le marché européen.

La perspective d'adhésion de ces pays à l'Union ainsi que les réformes structurelles engagées dès le début des années 1990 ont accéléré la dynamique de localisation des investissements dans les PECO. Avec 65% des flux d'investissement direct étranger en 2001, l'Union européenne est le premier investisseur dans les dix adhérents.

En 1990, le chiffre d'affaires réalisé par les firmes étrangères dans les dix adhérents était quasiment nul. Depuis, les dix adhérents, et en particulier l'Europe centrale et orientale, ont connu un rattrapage très rapide. Les montants des flux d'investissement entrants cumulés dans les dix pays candidats d'Europe centrale et orientale, sont ainsi passés de 3,6 milliards à 135 milliards USD entre 1990 et 2002. Ramené au PIB, ce stock atteint 32% du PIB total de ces pays, ce qui atteint voire dépasse les niveaux des pays émergents les plus dynamiques.

Deux tiers des investissements effectués dans ces pays dans les années 1990 provenaient de l'Union européenne. Ces investissements ont représenté 0,15% du PIB global de l'Union à quinze. Les flux d'investissement entrants ont d'abord résulté des processus de privatisation qui sont désormais en voie d'achèvement dans les pays les plus avancés comme en République tchèque, en Hongrie, en Lettonie et en Estonie. Plus de la moitié des investissements entrants sont à présent concentrés dans le secteur des services (télécommunications, institutions financières). Dans les années à venir, les investissements devraient profiter davantage à la Slovaquie, à la Roumanie et à la Bulgarie, où le processus de privatisation et la mise à niveau des infrastructures et des équipements ne sont pas achevés.

L'élargissement de l'Union européenne engendrera des gains pour l'ensemble des Etats membres nouveaux comme actuels. La croissance soutenue des adhérents aura un impact positif sur les exportations et les investissements des Quinze.

D'importants investissements devront encore avoir lieu dans les nouveaux membres, car ils restent nécessaires notamment pour mettre à niveau les infrastructures de ces pays. Les services aux particuliers et aux entreprises constitueront également, dans un contexte de rattrapage des niveaux de vie, un secteur privilégié. Enfin, les stratégies industrielles devraient conduire ces pays à se spécialiser, comme dans l'électronique ou l'automobile, dans la fabrication de composants, de produits semi-finis et de produits finis de bas de gamme ou de moyenne gamme.

Les délocalisations d'investissement de devraient être limitées. L'avantage en terme de coût du travail est en effet compensé par une plus faible productivité du travail, par une part comparable des cotisations sociales dans les salaires et par des coûts d'exportation vers des marchés ciblés. L'élargissement va encore réduire cet avantage en raison du rattrapage du niveau de vie et de l'harmonisation des législations sociales. Le risque de délocalisations d'emplois sera donc limité, d'autant que la grande majorité des investissements dans la zone répondent à une augmentation de la demande dans les pays adhérents.

Les pays adhérents ne disposent pas d'un avantage comparatif lié à une moindre protection sociale. Les écarts salariaux résultent d'une plus faible productivité du travail. La part des cotisations sociales dans les salaires versés dans les dix pays candidats est comparable à celle observée dans l'Union des Quinze, et notamment en France et en Allemagne.

Dans les pays adhérents les plus avancés, les régimes sociaux (retraites, santé, chômage, législation du travail) assurent déjà des niveaux de protection comparables à ceux observés dans les pays de l'OCDE. Les dépenses sociales (chômage, maladie, vieillesse, assistance sociale, santé, éducation) représentent entre 20 à 30% du PIB, soit un poids comparable à celui observé dans l'Union européenne, où la moyenne communautaire est de 30%.

L'élargissement devrait encore réduire l'avantage comparatif des nouveaux membres en termes de salaires, en raison du rattrapage du niveau de vie et de l'harmonisation progressive de la législation sociale.

Lorsqu'il s'agit de délocaliser des établissements industriels français, ce mouvement peut être moins négatif qu'il n'y paraît. Il est en effet préférable que cette délocalisation, lorsqu'elle est inévitable, se fasse au bénéfice de pays avec lesquels notre interdépendance pourra être un facteur de croissance partagée.

Les mutations économiques des pays adhérents qui sont à l'œuvre, comme on l'a vu, depuis la fin des années 1980, devraient en fait, selon les prévisions, contribuer au renforcement de la région centrale que constitue le noyau historique de l'Union européenne. Cette région devrait voir son attractivité renforcée pour les activités les plus intensives en main d'œuvre qualifiée.

2) Un grand potentiel de croissance pour les échanges français

Les échanges avec les nouveaux membres sont globalement à l'avantage de la France depuis leur ouverture en direction de l'Europe.

Le solde positif de nos échanges commerciaux s'établit en effet à 2,4 milliards de dollars en 2000 et pour l'Union européenne à 124 milliards de dollars. Les taux de couverture pour la France comme pour l'Union européenne sont de l'ordre de 120%.

Les entreprises françaises se placent au troisième rang des exportateurs et des investisseurs dans la zone, et ont déjà beaucoup bénéficié de l'ouverture de ces économies et de leur croissance. L'élargissement devrait amplifier ces avantages.

La France assure 9 % des exportations de l'Union en direction des dix nouveaux membres. Elle se situe à la troisième place derrière l'Allemagne (42,5% des exportations) et l'Italie (11,6%). Les importations françaises en provenance de ces dix pays représentent 6,9% du montant total des importations de l'Union européenne. La France est le cinquième importateur derrière l'Allemagne (47,8%), l'Autriche (9,7%), l'Italie (8,3%) et le Royaume-Uni (7,4%).

Le solde de la balance commerciale française avec les Dix s'élève en 2002 à plus de 4 milliards d'euros. La France est le second pays derrière l'Italie à présenter un excédent de sa balance commerciale aussi important avec ces pays.

En outre, le potentiel de croissance des échanges commerciaux entre la France et les dix adhérents au cours des prochaines années sera important, compte tenu d'une part de la levée des dernières barrières aux échanges et d'autre part du rattrapage des niveaux de vie dans ces pays. Ainsi, les exportations de la France en direction des dix nouveaux membres atteignent aujourd'hui seulement 60% de leur niveau potentiel.

La France se situe également au troisième rang en ce qui concerne les investissements directs réalisés dans les huit pays d'Europe centrale, derrière l'Allemagne et les Etats-Unis. Entre 1992 et 2000, le stock d'investissements directs français dans ces pays a été multiplié par treize. Il représentait à la fin de 2000 près de 6,5 milliards d'euros, soit 1,7% du PIB de ces pays. Nos entreprises occupent une place croissante parmi les investisseurs dans cette zone.

Les investissements français ont jusqu'à présent été fortement concentrés en Pologne, en Hongrie et en République tchèque. La France est aujourd'hui avec 10,2 milliards d'euros le premier investisseur en Pologne, le deuxième investisseur en Slovénie, le troisième en Hongrie et le quatrième en République tchèque.

Les secteurs privilégiés des investissements français sont le BTP, l'environnement, les services bancaires, la grande distribution, l'agroalimentaire, l'automobile et les télécommunications. La part des investissements français dans les services marchands est très forte : 72,5% du stock total des investissements dans les pays adhérents en 2000.

Dans les années à venir, les investissements français devraient surtout se concentrer en Slovaquie, ainsi qu'en Roumanie et en Bulgarie.

3) L'intégration des nouveaux membres dans l'Union économique et monétaire

L'article 4 de l'acte d'adhésion dispose que «chacun des nouveaux Etats membres participera à l'Union économique et monétaire à compter de la date d'adhésion en tant qu'Etat membre faisant l'objet d'une dérogation au sens de l'article 122 du Traité ».

Ce statut comporte les implications suivantes. Dès l'adhésion, les futurs membres seront pleinement intégrés au sein du processus de coordination des politiques économiques et de surveillance multilatérale. Leurs politiques économiques seront coordonnées au sein du Conseil, au moyen des grandes orientations de politique économique et de la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance. Cependant, un certain nombre de dispositions du traité ne leur seront pas applicables, étant donné qu'ils ne font pas encore partie de la zone euro.

Pour intégrer la zone euro, les dix nouveaux Etats membres devront d'une part respecter les quatre critères énoncés au traité de Maastricht (critère de stabilité des prix, du critère relatif aux finances publiques, du caractère durable de la convergence reflété par les niveaux des taux d'intérêt à long terme), d'autre part respecter les marges de fluctuation au sein du mécanisme de change « MCE2 » « pendant au moins deux ans, sans dévaluation de la monnaie par rapport à l'euro ».

L'adhésion au mécanisme MCE2 est laissée à l'appréciation de chaque nouvel Etat membre, mais ne peut se faire au plus tôt qu'à compter de la date de leur entrée dans l'Union, le 1er mai 2004.

En revanche, une fois que les nouveaux pays auront adhéré au mécanisme MCE2, respecté pendant deux ans les marges de fluctuation et qu'ils satisferont d'autre part aux critères posés par le traité de Maastricht, l'entrée de ces Etats membres dans la zone euro se fera automatiquement. Cette automaticité, qui s'appliquera aux nouveaux Etats membres, ne s'applique pas au Danemark et au Royaume-Uni qui bénéficient d'une clause « d'opting out » figurant dans des protocoles annexés au traité de Massstricht.

La Suède vient de se prononcer par référendum pour ne pas s'engager dans le mécanisme MCE2, mais, si elle en avait décidé autrement, elle se serait ensuite retrouvée dans la même situation que les dix nouveaux Etats membres et serait entrée ensuite automatiquement dans la zone euro, une fois satisfaits les différents critères exigés. Il appartient au Conseil de l'Union d'apprécier si ces critères sont remplis.

Plusieurs nouveaux membres, au premier rang desquels la Pologne, la Lituanie, la Lettonie ou l'Estonie, ont annoncé leur volonté de rejoindre la zone euro dès que possible.

Au delà des critères de convergence et sur un plan économique, tant la Commission que le Conseil des Ministres de l'économie et des finances ont cependant toujours souligné l'importance de la convergence réelle plutôt que le respect nominal de ces critères, afin que ces pays puissent assurer une croissance suffisante pendant leur phase de rattrapage économique.

B - Une zone de cohésion économique et sociale

1) L'extension de la politique de cohésion aux régions des nouveaux membres dès l'adhésion

Votre Rapporteur a expliqué ci-dessus que le « paquet financier » de l'élargissement avait prévu de consacrer aux nouveaux Etats membres, au titre de la politique régionale européenne, 21,7 milliards d'euros en crédits d'engagement pour la période 2004-2006.

Tous les nouveaux membres seront éligibles au Fonds de cohésion, qui a été doté de 7,5 milliards d'euros en crédits d'engagement, qui leur seront versés pour la période 2004-2006. En application des critères actuels d'éligibilité, il apparaît que trente-huit régions seront éligibles à l'objectif 1 des fonds structurels consacré aux régions en retard de développement. Il s'agit de régions dont le PIB est inférieur à 75% de la moyenne communautaire. A ce titre, ne sont pas éligibles Chypre, Prague et Bratislava.

Par application pure et simple des critères d'éligibilité, la Commission a effectué la ventilation des crédits des fonds structurels entre les dix nouveaux membres. On rappellera que les fonds sont répartis entre les actions relevant de l'objectif 1 (développement économique régional), des objectifs 2 et 3 (bénéficiant aux zones en reconversion économique et intervenant dans le domaine de la formation professionnelle, de l'éducation et de l'emploi). Des crédits moins importants sont attribués par l'instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP), ainsi qu'aux initiatives communautaires de coopération interrégionale (INTERREG) et de promotion de l'égalité des chances (EQUAL).

Le cadre d'intervention de la politique régionale dans les quinze Etats membres actuels ne subira aucune modification jusqu'en 2006, tant du point de vue de ses dotations que de son fonctionnement. En particulier, les montants initialement alloués à la France (soit 16 milliards d'euros pour la période 2000-2006) ne sont en aucune manière remis en cause.

2) La politique régionale des années 2007-2013 impliquera de nouveaux choix

L'ampleur de l'élargissement de l'Union et l'accroissement des disparités entre les régions impliqueront en revanche, à l'occasion de la période de programmation 2007-2013, une profonde réforme de la politique régionale. Elle se traduira par un redéploiement très important des crédits en faveur des nouveaux Etats membres.

Les principales orientations de cette réforme seront exposées par la Commission dans une communication qui devrait être présentée à l'occasion du Conseil européen de décembre 2003.

Cette réforme de la politique régionale devra être adoptée par le Conseil à l'unanimité de ses membres, dans le cadre de la négociation des prochaines perspectives financières de l'Union européenne pour les années 2007 et suivantes.

Les réflexions sur le financement des politiques de l'Union après 2006 sont en réalité déjà commencées.

La réaction de la France, à ce stade, est de défendre les trois priorités suivantes, qui ont été exposées dans le mémorandum arrêté par le Premier ministre lors de la réunion du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 13 décembre 2002 :

- en premier lieu, la priorité à accorder aux pays et aux régions « en retard de développement » des nouveaux Etats membres ne fait aucun doute. Le taux d'éligibilité régional doit rester fixé à 75% du PIB communautaire moyen par habitant, sans préjudice des dispositions spécifiques qui seront adoptées pour les régions ultrapériphériques de l'Union ;

- la France est attachée au maintien d'actions structurelles en faveur des autres régions de l'Union. Une approche à la carte, sectorielle ou géographique, devra privilégier un nombre réduit de thèmes et actions garantissant une forte valeur ajoutée communautaire ;

- enfin, il est crucial de promouvoir la cohésion territoriale d'un espace européen sans effets de frontières internes. C'est pourquoi une attention particulière devrait être portée aux programmes de coopération transnationale, à la coopération en réseau et à la coopération transfrontalière qui constituent une valeur ajoutée essentielle de l'action communautaire.

C - Un espace de sécurité et, plus tard, de libre circulation des personnes

Le premier espace de libre circulation Schengen entre les cinq pays fondateurs, Parties à la convention de Schengen, a été mis en place le 26 mars 1995. Les autorités de ces Etats ont alors considéré que les conditions pouvaient être remplies pour une levée des contrôles aux frontières intérieures sans conséquences dommageables pour la sécurité des personnes et des biens. Ces cinq fondateurs, parmi lesquels la France, ont ensuite été rejoints par d'autres Etats membres, et l'espace Schengen s'étend à présent à treize pays.

La libre circulation des personnes, dont le principe, on le rappellera, a été inscrit dans les traits par l'Acte unique européen, revêt une dimension symbolique encore plus forte sans doute pour les Européens de l'Est que pour ceux de l'Ouest. Elle constitue l'aspect le plus visible, le plus concret, de la citoyenneté européenne et c'est certainement pour cette raison que la Russie, bien que non candidate, désire cependant en instituer des éléments, comme l'abolition du visa, pour former progressivement un espace de libre circulation avec l'Union européenne.

Cependant, l'abolition des frontières intérieures suppose auparavant la mise en œuvre d'accords, de procédures, l'aménagement de structures de contrôle et de coopération policière et judiciaire, le recours à des équipements et à des bases informatisées nouveaux pour les policiers et les douaniers.

Comment cet acquis progressivement et pragmatiquement construit sera-t-il appliqué dans les nouveaux membres ?

L'Union a procédé à une répartition en deux listes de l'acquis Schengen intégré au traité sur l'Union européenne ainsi qu'au traité instituant la Communauté européenne. Il a été décidé que les Etats adhérents devront appliquer la majeure partie de l'acquis Schengen dès leur adhésion et veiller à assurer un haut niveau de sécurité aux futures frontières de l'Union.

On rappellera que la base du « corpus Schengen » est constituée du premier accord signé à Schengen le 14 juin 1985 entre le Benelux, l'Allemagne et la France, relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, ainsi que de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990.

Il comporte également les dispositions liées aux accords précédents, contenues dans les accords d'adhésion de l'Italie (27 novembre 1990), de l'Espagne (25 juin 1991) du Portugal (25 juin 1991), de la Grèce (6 novembre 1992), de l'Autriche (28 avril 1995) du Danemark (19 décembre 1996), de la Finlande (19 décembre 1996) et de la Suède (19 décembre 1996) à l'espace Schengen.

Il comporte enfin les décisions du comité exécutif Schengen, composé des ministres compétents des treize pays parties.

Une grande partie des dispositions formant ce corpus sera applicable et contraignante dès l'adhésion : il s'agit des dispositions participant à la sécurité intérieure du territoire européen ; elles sont énumérées dans l'annexe I visée à l'article 3 de l'acte d'adhésion. L'autre partie constitue les règles relatives à la participation à l'espace Schengen - telles par exemple les règles sur la délivrance de visas Schengen, l'abolition des frontières intérieures, l'accès des autorités des Etats parties au système d'information Schengen - cet ensemble de règles ne s'appliquera dans les nouveaux Etats membres que lorsque les pays actuellement membres de l'espace Schengen décideront à l'unanimité que les conditions requises sont remplies pour la participation d'un nouvel Etat membre.

En effet, on rappellera que la décision d'entrée est prise pour chaque Etat pris individuellement, lorsque les procédures d'évaluation font apparaître que cet Etat remplit toutes les conditions préalables relatives à l'application des dispositions de la Convention, ce qui permet d'envisager la levée des contrôles aux frontières intérieures, en étant assuré du bon fonctionnement de toutes les mesures compensatoires à celle-ci.

Pour assurer une mise en œuvre satisfaisante et efficace de l'acquis Schengen, l'Union a exigé (ce fut une demande française endossée par tous nos partenaires) que chaque Etat adhérent adopte et mette en œuvre un plan d'action Schengen afin d'accélérer la reprise et l'application de l'acquis, en consacrant un effort particulier aux contrôles aux futures frontières extérieures de l'Union.

1) Les nouveaux membres devront appliquer dès l'adhésion la majeure partie des dispositions de l'acquis Schengen.

· La mise en place de la politique commune des visas pour un meilleur contrôle de l'accès officiel au territoire de l'Union

Beaucoup d'éléments de la politique des visas, de l'asile et de l'immigration ont été intégrés à l'acquis communautaire par le traité d'Amsterdam. Il s'agit donc de dispositions élaborées à l'origine par le comité exécutif Schengen, mais qui se trouvent à présent sous la forme de règlements ou de décisions communautaires. De nombreux articles de la convention de 1990 sont directement applicables, accompagnées de décisions du comité exécutif ou de manuels précisant les détails de mise en œuvre.

Seront applicables immédiatement les exigences relatives à l'entrée et au séjour d'un ressortissant d'un pays tiers pour un séjour n'excédant pas trois mois : les autorités des nouveaux membres devront s'assurer que l'étranger est en possession des documents valables pour franchir la frontière extérieure ainsi que d'un visa valable si celui-ci est requis. Les autorités qui délivrent le visa devront s'assurer que l'étranger dispose des moyens de subsistance suffisants pour le séjour et le retour et qu'il n'est pas considéré comme pouvant compromettre l'ordre public, la sécurité nationale ou les relations internationales de l'un des Etats concernés (article 5 de la convention).

C'est à la demande expresse de la France et avec le soutien de la Belgique, des Pays-Bas, de l'Espagne et de l'Allemagne que ces exigences devront être mises en œuvre dès l'adhésion les nouveaux membres.

Il en est de même des dispositions relatives à la qualité du document de voyage sur lequel le visa doit être apposé (document non périmé, notamment).

Le règlement communautaire de 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont dispensés de cette obligation est applicable au 1er mai 2004. Il en sera de même du règlement de 1995, modifié en 2002, établissant un modèle type de visa.

Des dispositions relatives à la délivrance des titres de séjour pour plus de trois mois seront aussi immédiatement applicables : ainsi par exemple le règlement CE 1030/2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants des pays tiers.

La politique commune des visas a constitué un élément emblématique de la fermeté montrée par l'Union, avec l'exigence d'un alignement des nouveaux membres dès l'adhésion. Cette exigence a entraîné des difficultés pour plusieurs d'entre eux à l'égard de pays tiers figurant sur la liste dont les ressortissants sont soumis à obligation de visas lors du franchissement des frontières extérieures de l'Union. Ainsi par exemple, la Pologne a dû établir des visas à l'encontre des citoyens ukrainiens, de même Malte vis-à-vis de la Libye ou encore Chypre vis-à-vis des pays du Proche-Orient ou du Golfe.

La question du transit des ressortissants russes de l'enclave de Kaliningrad à travers les Etats baltes et en particulier la Lituanie a posé de grandes difficultés. Des solutions ont été trouvées grâce aux efforts de l'ensemble des parties, qui se traduisent notamment par le protocole n°5 annexé à l'acte d'adhésion. Celui-ci prévoit la possibilité de documents de transit facilité entre Kaliningrad et la Russie mais n'accorde pas, sur le fond, d'exemption au regard de la politique commune des visas.

· L'harmonisation des contrôles aux frontières extérieures de l'Union

Tout d'abord, les nouveaux membres devront appliquer les dispositions de l'article 3 de la convention relatif au franchissement des frontières extérieures : les points de passage frontaliers doivent être définis et toute personne doit y être contrôlée. Le franchissement non autorisé des frontières extérieures doit faire l'objet de sanctions.

L'article 4 prescrivant le contrôle systématique, dans les aéroports, des passagers en provenance ou à destination d'un pays tiers est également applicable.

Les contrôles aux frontières extérieures devront avoir lieu selon les principes uniformes élaborés par le comité exécutif Schengen. Les pays candidats devront notamment « mettre en place des effectifs appropriés et en nombre suffisant en vue de l'exercice du contrôle et de la surveillance des frontières extérieures. ».

La Commission engage les nouveaux membres, et en particulier la Pologne, à consacrer davantage de moyens matériels et humains à la surveillance des frontières extérieures de l'Union, d'autant plus que ce pays aura la responsabilité de la majeure partie de cette frontière extérieure. Elle estime que 30 à 40% de personnels supplémentaires devront y être affectés, et que la capacité des gardes-frontières à lutter contre le crime organisé et la contrebande doit être renforcée.

· La coopération douanière et policière et la sécurité

Les services de police et de douane des nouveaux Etats membres devront mettre en œuvre l'article 7 de la convention, comportant l'engagement des Etats parties à se porter assistance et à assurer une coopération étroite et permanente en vue d'une exécution efficace des contrôles et des surveillances aux frontières extérieures.

Plus généralement, l'article 39 instaure un principe de coopération mutuelle des services de police pour assurer la prévention et la recherche des faits punissables ; cette disposition incite aussi les pays adhérents à approfondir la coopération future dans le cadre de l'espace Schengen, en les incitant à conclure des accords bilatéraux de coopération. Les nouveaux membres ayant une frontière commune seront donc engagés à conclure entre eux ces accords de coopération douanière et policière bilatérale, ainsi qu'avec les membres actuels liés par une frontière commune. L'article 44 engage à la mise en place entre les Etats, dans les régions frontalières, de systèmes de communications afin de faciliter la coopération policière et douanière.

L'article 46 engage les nouveaux membres à pratiquer la transmission spontanée des informations qui peuvent être importantes « aux fins de l'assistance pour la répression d'infractions futures, de la prévention d'infractions ou de la prévention de menaces pour l'ordre et la sécurité publics ».

L'article 47 permet le détachement de fonctionnaires de liaison auprès des administrations des autres Etats parties. Cette possibilité a déjà été mise en œuvre avec les pays adhérents dans le cadre des programmes de coopération PHARE conduits par la Commission européenne pendant toute le période de préadhésion.

Enfin, l'article 45 de la convention relatif à l'obligation pour les hôteliers de faire signer personnellement une fiche de déclaration à tout étranger, y compris ressortissant d'un autre Etat membre, qu'il héberge, sera applicable.

· La lutte contre l'immigration clandestine

Les nouveaux membres ont les mêmes obligations que les Quinze en ce qui concerne la lutte contre l'immigration illégale, indépendamment de la mise à niveau du contrôle des frontières extérieures. Ils devront donc appliquer les articles 26 et 27 de la convention relatives aux obligations des transporteurs aériens, maritimes ou terrestres. Il s'agit de l'obligation pour le transporteur de reprendre en charge sans délais l'étranger à qui l'entrée sur le territoire est refusée, et de le ramener dans l'Etat d'origine. Ces pays devront instaurer des sanctions envers les transporteurs acheminant vers le territoire des étrangers non munis des documents requis et envers quiconque aidant ou tentant d'aider, à des fins lucratives, un étranger à pénétrer ou à séjourner sur le territoire d'un Etat concerné en violation de sa législation.

Devront également être appliquées immédiatement :

- le formulaire harmonisé pour les déclarations d'invitation, les déclarations et engagements de prise en charge ou les attestations d'accueil (décision du 16 décembre 1998) ;

- la décision-cadre 2002/946/JAI visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irrégulier ;

- le manuel commun et des instructions consulaires communes (décision du 28 avril 1999).

· L'entraide judiciaire en matière pénale

L'ensemble des dispositions relatives à l'entraide judiciaire pénale sera immédiatement applicable aux nouveaux membres, à l'exception des quelques dispositions qui impliquent la participation et l'accès au Système d'information Schengen, car, comme on le verra, les dix n'y seront pas parties dans un premier temps. Sont donc applicables les articles 48 à 53 sur l'entraide judiciaire en matière pénale, qui prévoient des facilitations et des simplifications pour la transmission des actes de procédures et de dénonciation d'infractions aux fins de poursuite entre les Etats parties à la coopération.

On soulignera que cette application permet d'étendre aux dix nouveaux Etats le principe de la transmission directe des demandes d'entraide judiciaire d'autorité judiciaire à autorité judiciaire. Cette transmission, qui est en réalité, selon les pays, soit directe soit « semi-directe » (par l'intermédiaire des parquets généraux) est une avancée importante sur le plan pratique en ce qu'elle accélère notamment la rapidité des procédures.

Seront également applicables les dispositions relatives à l'application du principe « non bis in idem », la plupart des dispositions relatives à l'extradition, et celles relatives à la transmission de l'exécution des jugements répressifs.

· La lutte contre le trafic de stupéfiants

Toutes les dispositions relatives à la lutte contre le trafic des stupéfiants sont applicables : l'article 71 relatif à la nécessité pour les pays adhérents de prendre toutes les mesures nécessaires pour la prévention et la répression du trafic illicite des stupéfiants, toutes les dispositions relatives à la saisie et à la confiscation des produits du trafic illicite de stupéfiants, à l'autorisation des livraisons surveillées, au transport de stupéfiants ou de psychotropes pour un traitement médical, aux mesures de contrôle des stupéfiants et des psychotropes.

Enfin, est applicable aux nouveaux membres la déclaration commune n° 3 qui prévoit que si un Etat déroge au principe de prévention et de répression de toute exportation illicite de stupéfiants ou de psychotropes, les autres Etats prennent les mesures administratives et pénales nécessaires afin de prévenir et de réprimer l'importation et l'exportation illicites des dits produits.

Cette analyse renforce votre Rapporteur dans son opinion que l'adhésion des pays d'Europe centrale est de loin préférable à la situation actuelle, mais aussi que la surveillance exigeante de la Commission et du Conseil reste plus que jamais indispensable.

2) Les dispositions indissociables de la participation à l'espace Schengen, ne pourront être appliquées que lors de l'entrée dans l'espace Schengen.

Les Etats adhérents doivent se préparer à assurer l'application de ces dispositions dans le cadre de leur plan d'action Schengen, selon un calendrier précis.

Ils devront en effet mettre en œuvre les dispositions de la Convention d'application de l'accord de Schengen relatives à l'abolition des contrôles aux frontières intérieures (article 2), aux visas (articles 10 à 12 et 14 à 18 relatifs aux modalités de délivrance des visas Schengen), aux conditions de circulation des étrangers dans l'espace Schengen (articles 19 à 24), aux titres de séjour et au signalement aux fins de non-admission (article 25), à la coopération policière lors du franchissement des frontières (article 40 à 43), à la création, l'utilisation, l'exploitation et le signalement du système d'information Schengen (SIS), à la protection des données personnelles dans le SIS (articles 102 à 118) et à la répartition des coûts d'élaboration et de fonctionnement du SIS (articles 119).

Ceci explique que les nouveaux membres soient dispensés dans la première période de l'application des dispositions relatives à la non-admission d'un étranger sur le territoire Schengen. Cette mesure ne peut en effet être appliquée par leurs autorités que lorsque celles-ci ont accès au système d'information Schengen qui recense les personnes à l'encontre desquelles la non admission doit être prononcée.

Les nouveaux membres ne pourront avoir accès au système d'information Schengen et les données les concernant n'y figureront pas. Ils ne pourront pas délivrer de visas pour l'espace Schengen. Les contrôles aux frontières extérieures temporaires de l'Union entre les Etats membres actuels et les Etats adhérents seront maintenus. Les Etats frontaliers devront cependant veiller à développer la coopération entre futurs partenaires de l'espace Schengen. Les Etats adhérents seront également invités à créer des bases de données nationales relatives notamment aux personnes, aux documents et aux véhicules, afin de se préparer à la participation au SIS.

L'adhésion ultérieure des nouveaux membres à l'espace Schengen ne pourra être examinée avant la mise en place du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) entre les Etats membres actuels, c'est à dire pas avant 2006. Pour introduire une demande recevable pour rejoindre l'espace Schengen et obtenir la levée des contrôles aux frontières intérieures, les nouveaux membres devront alors, parmi de nombreux critères, avoir fait la preuve qu'ils assurent efficacement depuis leur adhésion le contrôle de la frontière extérieure de l'Union et qu'ils sont aptes à la collecte et au partage de données sensibles au sein du SIS.

D - Un respect de l'environnement accru

L'héritage environnemental de l'ère communiste en Europe centrale et orientale est désastreux, et ce, dans trois domaines principaux : les installations industrielles, la politique de gestion de l'eau et des déchets urbains et la sécurité nucléaire.

En raison de ces difficultés, l'environnement est apparu comme un véritable problème pour la réalisation de l'élargissement. Mais l'aventure du processus d'élargissement a provoqué un réel élan des pays en cause et les a encouragés à engager un effort important.

De son côté, l'Union européenne a été exigeante. L'acte d'adhésion impose que toutes les nouvelles installations soient conformes aux normes environnementales européennes. Pour les installations existantes, l'Union n'a accepté aucune dérogation dans les domaines de l'eau, de l'air, des déchets et de la protection de la nature.

Elle n'a accordé de périodes transitoires que pour quinze directives sur un total de 149, étant précisé que la mise aux normes de l'environnement sera, pour l'essentiel, à la charge des pays candidats.

C'est sur la directive de 1991 relative au traitement des eaux résiduaires urbaines que l'Union a accordé les périodes transitoires les plus longues, compte tenu des investissements à réaliser: les plans de financement agréés ont intégré l'éligibilité de ces investissements au Fonds de cohésion à partir de l'adhésion, tandis que les étapes intermédiaires d'alignement sur l'acquis ont privilégié une mise à niveau commençant par les grandes agglomérations. Tous les pays ont obtenu une période transitoire pour s'aligner sur cette directive: Malte (2007), la Lituanie (fin 2009), la République tchèque et l'Estonie (fin 2010), Chypre (fin 2012), la Lettonie, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie (fin 2015).

Tous les adhérents, sauf l'Estonie, ont obtenu de la fin de 2005 à la fin de 2009 pour atteindre les objectifs de valorisation et de recyclage de la directive de 1994 relative aux emballages et déchets d'emballages, les périodes transitoires ayant été calquées sur celles dont bénéficiaient déjà certains membres actuels. Par ailleurs, huit adhérents, sauf la Slovénie et la Lettonie, ont obtenu des périodes transitoires, de la fin de 2004 à la fin de 2017, pour s'aligner sur la directive de 2001 relative aux grandes installations de combustion.

Enfin, la Lettonie et la Pologne (jusqu'à la fin de 2010), ainsi que la Slovénie et la Slovaquie (fin 2011) ont obtenu des périodes transitoires pour appliquer la directive de 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrées des pollutions. La France a veillé à ce que les adhérents se conforment bien au système de délivrance d'autorisation administrative de fonctionnement, après validation d'un plan de réduction des pollutions, cette directive s'inspirant de la loi française de 1976 sur les installations classées.

La BERD a estimé à près de 100 milliards d'euros le coût global de cette mise aux normes. Ces opérations seront éligibles au Feder et au Fonds de cohésion. Enfin, deux centrales nucléaires sur cinq seront fermées : celle d'Ignalina en Lituanie et celle de Bohunice en Slovaquie, moyennant une aide financière de l'Union.

Malgré toutes ces précautions, l'environnement restera encore longtemps un point faible du dispositif et la vigilance des quinze restera très nécessaire pendant les années à venir. L'appui et la vigilance de la Commission européenne sont ici particulièrement souhaitables.

E - Une inconnue de taille : l'Union élargie aura-t-elle des institutions efficaces ?

Il est clair qu'à vingt-cinq, et bientôt à vingt-sept, voire plus, la nature du projet européen est remise en question, sans compter que les nouveaux adhérents, tout à la redécouverte de leur identité nationale, ne sont pas enclins à déléguer à l'Union de nouveaux éléments de leur souveraineté. Pour autant, il ne s'agit pas d'un abandon de notre idéal initial. Le débat entre l'Europe intégrée et l'Europe des nations est, chaque jour un peu plus, un débat périmé. Ce que l'expérience nous impose, c'est un projet où l'identité des nations et des peuples est pleinement respectée mais où la responsabilité des décisions est de plus en plus partagée. Il n'y a aucun modèle de référence. C'est ce qui fait de l'Europe un continent unique.

Votre Rapporteur souhaiterait aborder brièvement certains aspects de l'avenir de l'Union européenne dans ses relations avec les pays qui auront, après le présent élargissement, une frontière avec elle.

Cet élargissement n'est pas le dernier prévisible, puisque la Bulgarie et la Roumanie devraient adhérer, si les négociations évoluent normalement, en 2007. La Turquie a le statut de pays candidat. Les pays des Balkans occidentaux adhèreront certainement à l'Union, quoique dans un avenir encore imprévisible. Malgré tout, le présent élargissement marque un point culminant, à partir duquel l'Europe cesse d'être un processus pour constituer un espace aux frontières établies. Certaines de ses frontières restent aujourd'hui « en pointillés », et il faudra les préciser.

Cependant, d'autres pays qui se trouveront après le 1er mai 2004 au voisinage immédiat de l'Union, attendent de savoir quels liens l'Union veut avoir avec eux. C'est pourquoi il est temps de prêter une grande attention à la politique de « nouveau voisinage » que la Commission européenne élabore aujourd'hui.

On rappellera que cette approche consiste à nouer des contacts étroits dans les domaines politique et économique avec les Etats situés à l'Est de l'Europe élargie et ceux de la Méditerranée, du Liban au Maroc, et de mettre au point, pour chaque pays, des plans d'action pour une intégration économique, l'établissement d'une zone de libre-échange et l'intégration éventuelle au marché intérieur. Elle comporterait également une politique intérieure et juridique fondée sur des intérêts partagés, comme la lutte contre la criminalité et l'immigration clandestine, une politique de l'environnement, des réseaux transfrontaliers de communication, de transports et d'énergie.

L'objectif est pour l'Union, selon la formulation du Commissaire Günter Verheugen, commissaire européen à l'élargissement, d'être entourée de pays bénéficiant du même degré de stabilité que ses membres et de créer un grand espace économique. L'Union et ses voisins représenteraient alors une population d'un milliard d'habitants.

Cette initiative importante permettrait de stabiliser les frontières de l'Union.

Quant à l'Europe des Vingt-cinq, elle doit être gouvernable, et pour cela, encore faut-il que l'organisation des responsabilités y soit établie sur des bases raisonnables. Ce n'est pas le cas : une commission pléthorique, la présidence tournante du Conseil proche du ridicule, des décisions soumises à une unanimité qui sera de plus en plus difficile à obtenir. Il est clair que la réforme des institutions est indissociable de l'élargissement de l'Union. C'est pourquoi nous ne pouvons pas renoncer au projet élaboré par la convention européenne. S'il devait être défiguré, mieux vaudrait alors conclure sur l'échec de la CIG. Contrairement à l'adage, une bonne crise vaudrait mieux qu'un mauvais accord.

CONCLUSION

Le calendrier de ratification de la France est conforme à celui de nos partenaires. Votre Rapporteur observe qu'aucun Etat membre n'a établi de lien entre l'aboutissement de la réforme des institutions européennes engagées par la Convention européenne et l'adhésion des nouveaux Etats membres. Cela signifie donc que le rapport qu'avait tenté d'établir la diplomatie française, à partir de la négociation du traité d'Amsterdam puis de celui de Nice, entre élargissement de l'Union et approfondissement de celle-ci, a été définitivement abandonné, ce qui n'est pas forcément satisfaisant.

A la question posée initialement - les pays candidats sont-ils prêts ? - on doit apporter une réponse nuancée : des efforts considérables ont été engagés par ces dix pays et de très grands progrès ont été réalisés ; mais, d'une part il reste des taches importantes à accomplir - comme le note la Commission elle-même, il ne convient de sous-estimer ni l'ampleur de la tâche ni la gravité des conséquences en cas de manquement - , et, d'autre part, la situation est inégale d'un pays à l'autre, certains Etats ayant fait preuve de plus de ténacité que d'autres.

Votre Rapporteur considère d'abord que la Commission a avantageusement assumé sa mission de suivi et de contrôle.

Ensuite, il estime que les nouveaux pays membres se trouvent dans un état préparation qui, s'il est loin d'être parfait, ce qui est normal, est sans doute peu éloigné à bien des égards de ce qui devait être l'état de préparation de certains pays lors des élargissements précédents. Ils ont fait des efforts qui doivent être salués. A la question : « les Dix sont-il prêts ? » la réponse est globalement positive.

Naturellement, ces pays continueront d'être suivis attentivement par la Commission et le Conseil après leur adhésion à l'Union comme le prévoit le traité. On rappellera en outre que le traité inclut des clauses de sauvegarde en cas de difficulté. Votre Rapporteur appelle la Commission, responsable de la bonne réussite de l'élargissement, à continuer de suivre le processus avec la sévérité et l'exigence nécessaires.

Faut-il se féliciter du travail accompli par nos négociateurs et regarder ce traité comme un progrès de l'Europe ? Malgré certaines réserves et en dépit des incertitudes qui pèsent sur l'avenir, votre Rapporteur est convaincu qu'à cette question, il faut apporter une réponse positive.

Au terme les mutations politiques, juridiques, économiques difficiles et souvent douloureuses, dans leurs conséquences sociales, accomplies par les pays candidats d'Europe centrale, peut-on imaginer un seul instant que la France pourrait refuser de ratifier le traité qui nous est soumis ? Imagine-t-on l'onde de choc qu'un tel refus produirait parmi tous les peuples d'Europe ?

Il faut ajouter que le débat sur l'élargissement, puis la négociation européenne ont couvert une période de plus de dix ans, sous deux présidents de la République, et sept gouvernements (Rocard, Cresson, Bérégovoy, Balladur, Juppé, Jospin, Raffarin), soit quatre gouvernements de gauche et trois gouvernements de la droite et du centre.

Tous les groupes politiques représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat ont donc soutenu à un moment ou un autre les gouvernements qui ont eu à conduire le projet d'élargissement. Qui voudra aujourd'hui se déjuger ?

La diplomatie française a fait preuve d'une remarquable continuité dans cette négociation et d'une très grande efficacité. Aux moments déterminants, elle a su donner les impulsions décisives et la bonne entente franco-allemande a conduit au succès. D'une certaine façon, on peut dire aujourd'hui que le traité d'Athènes est le fruit de cette continuité française et de cette bonne entente franco-allemande.

Pour autant, cette approbation ne saurait nous priver de notre lucidité face aux difficultés et aux incertitudes qui subsistent.

Cet élargissement n'est certes pas le dernier qui soit prévisible. Pour la Roumanie et la Bulgarie, la négociation se poursuit en vue de leur adhésion en 2007. La Turquie a le statut de pays candidat même si, comme il a été souligné, le présent traité n'ajoute rien à ce sujet. Les pays des Balkans occidentaux adhéreront certainement à l'Union, quoique dans un avenir qui n'est pas encore prévisible. La Croatie a toutefois déjà présenté sa demande d'adhésion.

Malgré tout, cet élargissement marque un point culminant. Désormais, l'Europe cessera d'être un processus pour devenir un espace aux frontières établies. Une partie de ces frontières est désormais tracée, même si subsistent des zones en pointillés. Il serait souhaitable que l'Union puisse enfin définir ses frontières. C'est en tout cas une histoire nouvelle qui commence.

Beaucoup d'entre nous ont gardé à l'esprit que l'Europe des fondateurs, celle qu'avaient conçu Jean Monnet, Robert Schuman, Konrad Adenauer, était un projet d'intégration. Ce projet a été préservé et poursuivi vaille que vaille en dépit des élargissements successifs.

Le débat en cours sur les institutions européennes est essentiel. Le traité de Nice est un mauvais traité qui nous conduira à l'impuissance. Aussi l'issue de l'actuelle Conférence intergouvernementale est-elle déterminante.

L'acte d'adhésion et ses annexes apportent des réponses convaincantes sur trois sujets-clés pour la France :

- en ce qui concerne la libre circulation des personnes et la suppression des contrôles aux frontières, les dispositions prises sont inspirées par le souci rigoureux de vérifier l'aptitude de chacun des nouveaux Etats membres à appliquer le dispositif Schengen. S'agissant de l'accès au marché de l'emploi, la période transitoire prévue nous donne les assurances nécessaires. La situation sera donc meilleure avec le traité que sans le traité.

- s'agissant de la politique agricole commune, les dispositions prises assurent la pérennité de celle-ci pour les dix années à venir. La progressivité des aides directes au bénéfice des dix nouveaux adhérents, étalée sur dix ans, est conforme à nos demandes. Les contrôles établis en matière vétérinaire devraient être suffisamment protecteurs ;

- enfin, le mécanisme des clauses de sauvegarde, d'inspiration française, répond à nos demandes.

Il reste à porter une appréciation sur les conséquences économiques de l'élargissement. Pour les nouveaux membres, les conséquences sont évidemment très positives : les perspectives d'adhésion ont attiré les investissements en provenance de l'étranger (et d'abord des Quinze) et soutiennent la croissance économique. Les réformes structurelles imposées par l'Union, la reprise de l'acquis communautaire et le progrès des capacités administratives augmentent très sensiblement le potentiel de développement des pays candidats.

Du point de vue des actuels membres, l'élargissement devrait également, du moins dans l'ensemble, avoir des conséquences positives. Elles resteront cependant modestes, compte tenu du faible poids de l'économie des Dix. Elles seront plus fortes en Allemagne, en Autriche et dans les pays nordiques, c'est-à-dire chez les voisins des Etats adhérents.

Quant à la France, elle a quadruplé en dix ans ses exportations vers les nouveaux Etats membres, qui dépassent désormais les quinze milliards d'euros, dont la moitié avec la Pologne. C'est plus que ce que notre pays exporte vers la Chine ou l'Amérique latine. Et comme les parts de marché de la France ne représentent que 6%, notre pays a de belles perspectives de développement dans les années à venir. Nos investissements en Europe centrale sont également très importants.

Pour toutes ces raisons, votre Rapporteur vous propose d'approuver sans hésiter la ratification du traité d'élargissement de l'Union européenne aux huit pays d'Europe centrale et orientale, ainsi qu'à Chypre et à Malte.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 19 novembre 2003.

Après l'exposé du Rapporteur, Le Président Edouard Balladur a félicité le Rapporteur pour son exposé complet et remarquable présentant à la fois une vue globale du contenu du Traité d'Athènes, des problèmes posés et des conditions de son élaboration, ainsi que les réserves qui peuvent en résulter ou du moins les interrogations qu'il soulève.

Soulignant qu'après la conclusion des Traités d'Amsterdam et de Nice, l'Europe allait connaître de nouvelles adaptations institutionnelles qui confirment que ses institutions sont dans une phase évolutive, il a souhaité que soient évoquées, à l'occasion de la discussion en séance publique du présent projet de loi, les conséquences budgétaires pour la France de l'élargissement. Derrière cette question figurent l'alourdissement de la contribution nette française, le chèque britannique et l'avenir de la politique agricole commune.

Tout en se réjouissant de l'élargissement à venir, M. Roland Blum a posé la question de savoir si la préparation à l'adhésion des dix nouveaux membres avait été réalisée dans les meilleures conditions possibles, notamment économiques, et si des efforts supplémentaires ne devaient pas être engagés sur ces aspects économiques. Si l'on prend le cas de la Pologne par exemple, celle-ci est deux fois plus pauvre que ne l'était l'Espagne lors de son adhésion en 1986 et affiche un taux de chômage de 18 %. Ainsi, le 5 mars 2003, la Commission européenne a adressé des notes d'alerte dans la mise en œuvre des réformes à neuf pays sur dix.

Par ailleurs, il a souhaité savoir comment pouvait être évalué le délai d'intégration économique de ces nouveaux pays dans l'Union européenne.

M. François Loncle a remercié le Rapporteur pour la clarté de son exposé et indiqué que le groupe socialiste voterait le présent projet de loi, soulignant que l'élargissement constituait un acte historique, moral et politique majeur. Si les dix candidats ont satisfait aux critères de Copenhague, il a toutefois regretté qu'aucune solution n'ait encore été trouvée pour régler la situation de Chypre et que l'Ile reste séparée en deux et Nicosie traversée par un mur.

Soulignant la logique inversée dans laquelle l'Union européenne se trouve actuellement en procédant à l'élargissement avant d'avoir mis au point les textes institutionnels, et notamment la future Constitution, il a fait observer que nombreux avaient été ceux qui avaient jugé mauvais le Traité de Nice, tout en l'ayant voté, et que c'était précisément ce traité qui allait servir de base au fonctionnement de l'Union jusqu'à l'adoption de la Constitution.

S'agissant de l'intégration à l'espace Schengen, il a insisté sur l'importance des frontières extérieures et souhaité connaître l'état de préparation des dix candidats en la matière.

Enfin, compte tenu de l'élargissement du 1er mai 2004 et des prochains, il a estimé qu'il était temps de tracer les frontières ultimes de l'Europe afin de forger une identité européenne.

M. Pierre Lequiller a fait part de son total accord avec l'exposé et les conclusions de M. Hervé de Charette, précisant que la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne avait émis un avis favorable à l'adhésion des dix futurs membres.

Si, face à cet élargissement, des craintes, essentiellement d'ordre économique, existent sur le terrain, il s'est dit certain que, sur le long terme, des bénéfices en seront tirés, notamment pour la France, comme cela a été le cas lors de l'adhésion de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal. Les échanges économiques qui se sont fortement développés dès les accords de pré-adhésion en sont d'ailleurs la preuve. La France est en position excédentaire très favorable dans ces échanges. Il est en outre préférable que les délocalisations s'effectuent en Europe plutôt qu'à l'extérieur de l'Europe.

Il a confirmé que les nouveaux membres bénéficieront d'un statut dérogatoire en ce qui concerne leur participation à l'euro. Il a ensuite fait observer que cette situation posait de façon plus aigue la question suivante soulevée par la France et d'autres Etats membres devant la Conférence intergouvernementale : le Conseil Ecofin, qui ne comprendra que douze représentants de pays membres de la zone euro sur vingt-cinq, restera compétent pour traiter des questions relatives à la zone euro. Cette situation sera ainsi d'une certaine manière encore plus anormale que la situation actuelle où douze Etats en sont membres sur les quinze. Malheureusement la Convention n'a pas réussi à modifier ce système en raison de l'opposition du Royaume-Uni, du Danemark et de la Suède. A cet égard, l'élargissement donne un argument supplémentaire à la création d'un conseil propre à la zone euro.

S'agissant des remarques sur les mises aux normes adressées par la Commission européenne aux dix pays candidats, il a indiqué qu'une délégation polonaise rencontrée récemment l'avait assuré que le gouvernement polonais y remédierait d'ici le 1er mai 2004 et demandé si le Rapporteur disposait de nouveaux éléments en la matière.

Enfin, si l'élargissement n'est pas très important en termes de PIB, il l'est eu égard au nombre de pays qui intégreront l'Union européenne. Ainsi, il aurait été logique de procéder auparavant à l'approfondissement, qu'il va bien falloir traiter maintenant. C'est là qu'intervient la nécessité de constituer un groupe pionnier, notamment pour la défense européenne. Sur ce dernier point, le scepticisme des candidats nous pousse à mettre encore plus rapidement sur pied cette avant-garde.

M. Jean-Claude Lefort a tout d'abord indiqué que le groupe communiste voterait en faveur du Traité d'Athènes pour des raisons politiques et stratégiques.

Il a cependant ajouté que ce traité appelait de nombreux commentaires. On peut notamment estimer que les dix nouveaux membres subiront un traitement discriminatoire, dans la mesure où ils seront contraints d'appliquer l'acquis communautaire dans sa quasi-intégralité mais, à l'inverse, ne bénéficieront que d'une partie des avantages financiers de l'Union européenne. Il s'est également interrogé sur l'avenir de la politique européenne et de sécurité commune dans une Europe où le poids des membres de l'OTAN les plus atlantistes va augmenter. Enfin, il faudra veiller à ce que l'élargissement n'accroisse pas encore plus le fossé entre les pays européens membres de l'Union européenne et les autres dont on peut craindre qu'exclus, ils ne renouent avec des attitudes plus agressives.

M. Jean-Claude Lefort a ensuite soulevé certaines questions posées par cet élargissement. Ainsi, concernant Chypre, il était légitime d'accepter d'ores et déjà son adhésion, mais il faudra maintenant être très exigeant sur cette question à l'égard de la Turquie, qui souhaite rejoindre l'Union et qui doit donc en respecter les droits et les devoirs. Sur la Conférence intergouvernementale, il s'est inquiété que les nouveaux adhérents ne voient leur rôle affaibli dans la nouvelle Constitution par rapport au Traité de Nice, il s'est donc dit favorable au principe de nommer un commissaire par Etat.

Le Président Edouard Balladur a répondu à M. Jean-Claude Lefort que le poids des membres de l'OTAN augmenterait effectivement avec l'élargissement, mais que cela renforçait encore l'urgence d'organiser une défense qui soit proprement européenne. Concernant la crainte de la constitution d'un fossé entre l'Union européenne et ses voisins, il a redit son souhait de voir créé un statut de « partenaire renforcé » dont le contenu serait beaucoup plus dense que celui des actuels accords d'association.

Notant la volonté du groupe communiste d'adopter le projet de loi, le Président Edouard Balladur a alors demandé à M. Jean-Claude Lefort si cela signifiait que son groupe retirait les motions de procédure qu'il avait déposées sur ce texte.

M. Jean-Claude Lefort a répondu que par mesure de précaution, son groupe déposait souvent à l'avance des motions de procédure sur des textes importants, mais qu'en l'espèce, le groupe communiste avait décidé de les retirer.

M. Yves Nicolin a estimé que l'élargissement faisait naître espoir et crainte dans l'opinion publique, tant chez les membres actuels que chez les nouveaux. Ces craintes sont suscitées par les problèmes d'emploi liés à la désindustrialisation en cours dans notre pays depuis vingt cinq ans, et au phénomène des délocalisations, même s'il est exact que celles-ci bénéficient souvent à des pays non européens, comme la Chine. Pour autant, si l'Europe apporte d'un point de vue macroéconomique plus d'avantages que d'inconvénients, il est compréhensible que certaines catégories de salariés craignent l'élargissement car elles auront des difficultés à se reconvertir dans d'autres secteurs, c'est notamment le cas pour les 200 000 salariés du textile que compte notre pays. Il est donc décisif de prendre en compte, tant au plan européen que national, ces craintes légitimes en accompagnant l'élargissement de programmes de reconversion pour les secteurs en difficulté, et plus généralement d'anticiper les mutations qui se produisent dans l'Union et particulièrement en France.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a voulu resituer la perspective historique de l'élargissement pour savoir s'il constitue une réunification, un droit pour les nouveaux membres ou une décision prise par les membres de l'Union. Il a fait remarquer que les nouveaux membres estimaient parfois qu'ils étaient les seuls à pouvoir décider de leur adhésion, alors qu'il s'agit en fait d'une décision collective prise entre tous les pays.

Il a également insisté sur la nécessité d'obtenir l'adhésion des citoyens à l'élargissement. Pour cela, il faut mieux informer l'opinion publique sur les efforts fournis par les nouveaux Etats membres et sur les exigences formulées à leur égard.

M. Hervé de Charette a apporté les précisions suivantes.

Les dépenses consacrées à l'aide à la transition, puis à la préparation des pays candidats pour leur adhésion, pendant les années 1990 à 2003 sont chiffrées et connues, comme l'est le coût de l'élargissement proprement dit pour les années 2002 à 2004. Le « paquet financier » de l'élargissement pour ces trois années, comportant les dépenses agricoles, de cohésion et autres dans les nouveaux Etats membres, s'élève à 42,5 milliards d'euros, tel que fixé par le Conseil européen de Copenhague. L'apport de la France peut être évalué à environ 17 % à 18 % de ce montant, puisque telle est la part relative de notre pays dans le financement du budget communautaire.

Pour la période qui commence en 2007, rien n'est encore fixé. Le Commissaire Michel Barnier, chargé de la politique régionale, a évoqué devant la Commission l'ambition qu'il nourrit pour la politique régionale après 2006. Il en ressort qu'il souhaite à la fois marquer une priorité pour les régions en retard de développement des nouveaux membres, et continuer aussi d'intervenir en faveur des régions défavorisées des actuels membres.

Seule l'enveloppe agricole est aujourd'hui fixée : à la suite de l'accord intervenu entre la France et l'Allemagne, les dépenses agricoles de l'Union ont été stabilisées en 2013 au niveau du plafond de 2006.

La Commission européenne a annoncé la présentation de ses propositions en décembre, afin d'ouvrir le débat ; il semble qu'elle hésite aujourd'hui entre plusieurs scénarios. Le Rapporteur a souligné qu'il ne s'agissait pas du coût de l'élargissement, mais du montant de la dépense budgétaire dans l'Europe à vingt-cinq pour la période 2007-2013.

Le volet de l'aide régionale et du Fonds de cohésion n'est pas fixé, pas plus que les autres politiques ou que les montants que l'on pourrait éventuellement attribuer à des dépenses nouvelles de l'Union.

Différents scénarios sont évoqués : l'un se fonde sur le niveau actuel de la dépense soit 1 % du PNB européen (ce qui entraînerait une dépense de 120 milliards d'euros), d'autres hypothèses vont jusqu'à 1,24 % ou 1,27 % du PNB, ce qui représente aujourd'hui le plafond des dépenses dans le système actuel ; certains vont même jusqu'à 1,30 %. Aussi ne peut-on affirmer, comme l'a fait un article de presse récent, que l'élargissement « mettra fin au privilège budgétaire français », puis qu'on ne dispose encore d'aucun élément précis.

Ces questions budgétaires ne font pas partie du traité. Le Rapporteur a admis néanmoins que le débat budgétaire qui va s'ouvrir allait poser une série de questions : comment faisons-nous évoluer les dépenses régionales ? Suivons nous une hypothèse basse, en concentrant les efforts sur les régions en difficulté des nouveaux membres ? Admettons-nous une hypothèse plus haute, dans laquelle les dépenses régionales seront augmentées, tout en effectuant des dépenses liées à de nouvelles politiques de l'Union ? Si c'est le cas, il faut comprendre quels Etats paieront cet accroissement des dépenses, ce qui entraîne des questions relatives à la contribution britannique, à l'écrêtement général des contributions.

Si la masse des dépenses s'alourdit, il faudra accroître la contribution des Etats membres, et notamment de la France, encore contributeur net moyen et qui, à ce titre, bénéficie encore d'un certain avantage comparatif.

Il est vrai que l'Union va entrer dans un système institutionnel compliqué, avec un système intérimaire pendant six mois, puis un autre système après le 1er novembre. Si la Constitution est adoptée, comme le Rapporteur le souhaite, les institutions seront à nouveau réformées.

Les observations faites par M. Roland Blum au sujet de l'état de préparation des Dix à l'adhésion sont très justes. La procédure de suivi mise en place par la Commission est une innovation très importante et efficace. Les Dix ont été accompagnés dans leurs efforts dans le cadre d'une sorte de tutorat international, et la Commission s'est montrée un tuteur à la fois exigeant et indulgent. Les rapports qu'elle a rédigés sont précis, le dernier fait état de 39 dossiers vraiment difficiles. On ne peut donc remettre en question les adhésions sur la base de ce rapport de suivi. Il est vrai qu'en acceptant en 2002 de conclure les négociations alors qu'il était établi que la préparation n'était pas achevée, l'Union a en quelque sorte fait le pari que les candidats feraient tout pour achever les préparatifs avant le 1er mai 2004. Il est vrai que la Pologne a pris du retard et laissé à ce jour des problèmes non résolus.

La rigueur de la négociation a été très grande sur les questions les plus délicates : application de Schengen, l'agriculture et la reprise de l'acquis dans tout le domaine économique.

La question du degré d'intégration économique est plus subjective : le Rapporteur estime que l'intégration économique et humaine de l'ensemble européen sera très rapide.

Le Rapporteur a indiqué que le traitement de la question chypriote par l'Union n'avait pas été selon lui, le meilleur. La première promesse d'adhésion a été faite à Chypre, pays divisé en deux et objet d'un conflit. Ce sera le premier pays à intégrer l'Union avec un problème de politique internationale considérable. Cependant, les modalités de l'intégration sont sur le plan du droit international inattaquables, et donc acceptables par la Turquie, dont le Rapporteur a estimé qu'elle trouverait les solutions adéquates.

La réforme du Traité de Nice dépend à présent d'un accord à vingt-cinq. Il faudra bien mettre tout le monde d'accord.

En ce qui concerne l'application de l'acquis Schengen, le Rapporteur a précisé que les dispositions relatives aux frontières extérieures de l'Union faisaient partie de celles qui devront être appliquées par les nouveaux membres dès le 1er mai 2004. Les plans d'action Schengen adoptés pour chaque pays comportent des actions spéciales pour harmoniser le contrôle des frontières extérieures sur les réglementations et pratiques des Quinze. Un financement de 850 millions d'euros est consacré à la modernisation des équipements des Dix pour la surveillance des frontières dont ils ont la charge.

Le Rapporteur considère également que l'Union doit définir ses limites ultimes. Il s'est étonné que la Commission européenne commence déjà à évoquer le cas de la Moldavie et de l'Ukraine, d'autant que ces pays sont loin d'être prêts. L'Union doit se prononcer sur les suites de l'élargissement, mais elle a d'autres questions prioritaires à gérer, en premier celle de l'adhésion de la Turquie.

La Commission a la charge de suivre la mise en œuvre de l'acquis par les nouveaux membres jusqu'en mai 2004, mais aussi après cette date. Par ailleurs, des clauses de sauvegarde peuvent être invoquées dès à présent à l'encontre de futurs membres.

Quant à la constitution d'un groupe pionnier, le Rapporteur a indiqué qu'il partageait le propos de M. Pierre Lequillier.

En ce qui concerne l'hypothèse de l'admission d'un commissaire par Etat membres, la négociation est actuellement en cours au sein de la CIG.

La Commission met actuellement en place une nouvelle politique de voisinage à l'intention des pays ayant une frontière commune avec l'Union : sont concernés les pays d'Europe orientale et les pays du bassin méditerranéen. Ce sujet appelle certainement des prises de position car autant il est souhaitable de voir précisées les frontières de l'Union, autant les pays limitrophes souhaitent connaître quels types de relations ils peuvent nouer avec celle-ci.

Le Rapporteur a estimé que les modalités de l'adhésion ne constituaient pas une politique discriminatoire envers les Dix. Cependant, l'Union a été beaucoup plus exigeante envers les Dix qu'on ne le croit. L'adhésion à l'Union de ces dix pays ne peut se comparer à leur adhésion à l'OTAN, car l'entrée dans l'Union a entraîné un bouleversement considérable des structures économiques, administratives et juridiques. Aussi faut-il saluer davantage qu'on ne l'a fait les efforts que ces pays ont accomplis.

Le Rapporteur a indiqué qu'il partageait pleinement les propositions de M. Yves Nicolin quant à un engagement plus fort de l'Union dans les territoires qui font l'objet d'une désindustrialisation et de délocalisations.

Il a estimé que l'adhésion était un droit pour les nouveaux membres, car les Quinze ont posé le principe en 1993 que tout pays européen a le droit d'adhérer à l'Union. En revanche, les conditions de l'adhésion relèvent d'une décision négociée à vingt-cinq.

Le Président Edouard Balladur a demandé si le projet de Constitution élaboré par la Convention prévoyait l'élection d'une présidence stable par les ministres des Finances des pays membres et si celui-ci devait présider Ecofin ou l'Eurogroupe.

M. Pierre Lequiller a précisé que les membres de la zone euro pourraient élire un représentant. Toutefois, aux termes du projet de Constitution, l'Eurogroupe n'est qu'une structure informelle et la structure officielle reste le Conseil Ecofin. En conséquence, il conviendrait de modifier le projet de Constitution pour consolider le groupe euro.

Le Président Edouard Balladur a pris acte du retrait des motions de procédure déposées par le groupe communiste. Il a indiqué que M. Philippe de Villiers avait déposé, en application de l'article 91 du Règlement, une exception d'irrecevabilité, une question préalable et une motion d'ajournement au projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Athènes, pour lesquelles il appartenait à la Commission des Affaires étrangères de se prononcer.

La Commission a alors rejeté l'exception d'irrecevabilité n°2, la question préalable n°2 et la motion d'ajournement n°2 présentées par M. Philippe de Villiers.

Puis, conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1048).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du Traité figure en annexe au projet de loi (n° 1048).

ANNEXE 1

Tableau des ratifications par les dix nouveaux membres

Parmi les dix pays adhérents, seule Chypre a choisi la voie parlementaire pour procéder à la ratification du traité d'adhésion, les neuf autres ayant décidé de soumettre l'approbation de leur adhésion à référendum. Neuf référendums, couronnés de succès, se sont tenus: à Malte, en Slovénie, en Hongrie, en Lituanie, en Slovaquie, en Pologne, en République tchèque, en Estonie et en Lettonie. Le Parlement chypriote a ratifié le traité par un vote à l'unanimité, le 14 juillet 2003.

Pays

Procédure

Date

Observations

Malte

Référendum

8 mars 2003

« Oui » à 53,7%
(participation 91%)

Slovénie

Référendum

23 mars 2003

« Oui » à 89,6%
(participation 60%)

Hongrie

Référendum

12 avril 2003

« Oui » à 83,8%
(participation 46%)

Lituanie

Référendum

11 mai 2003

« Oui » à 91,0%
(participation 63%)

Slovaquie

Référendum

17 mai 2003

« Oui » à 92,5%
(participation 52%)

Pologne

Référendum

8 juin 2003

« Oui » à 77,4%
(participation 59%)

République tchèque

Référendum

14 juin 2003

« Oui » à 77,3%
(participation 55%)

Chypre

Parlementaire

14 juillet 2003

Adopté à l'unanimité du Parlement

Estonie

Référendum

14 septembre 2003

« Oui » à 68,8%
(participation 63%)

Lettonie

Référendum

20 septembre 2003

« Oui » à 67,0%
(participation 72%)

Seules Malte, la Pologne, Chypre, la Lituanie et la Slovaquie ont notifié à ce jour leur ratification.

ANNEXE 2

Etat des ratifications des Quinze

Les quinze Etats membres actuels ont tous choisi de ratifier le traité d'adhésion par voie parlementaire. Seuls le Danemark, l'Allemagne et l'Espagne ont achevé leur procédure de ratification.

Pays

Procédure

Date

Observations

Danemark

Parlementaire

4 juin 2003

Adoption à l'unanimité du Folketing

Allemagne

Parlementaire

11 juillet 2003

Bundestag (3 juillet): 575 voix pour (sur 604)

Bundesrat (11 juillet): unanimité

Belgique

Parlementaire

Avis du Conseil d'Etat attendu en septembre.

Adoption (7 parlements) au printemps 2004.

Grèce

Parlementaire

Examen prévu à l'automne 2003

Espagne

Parlementaire

14 octobre 2003

Projet de loi adopté le 27 juin.

Adoption par le Sénat le 14 octobre.

Loi publiée au JO le 27 octobre 2003.

France

Parlementaire

Adoption du projet de loi le 21 juillet.

Examen à l'Assemblée nationale le 25 novembre et au Sénat le 10 décembre.

Irlande

Parlementaire

Achèvement de la procédure prévu fin 2003

Italie

Parlementaire

Examen au Parlement à l'automne.

Luxembourg

Parlementaire

Adoption du projet de loi le 18 juillet

Examen au Parlement à l'automne.

Pays-Bas

Parlementaire

Projet de loi adopté.

Examen au Sénat après Noël.

Autriche

Parlementaire

Modification constitutionnelle adoptée.

Fin de la procédure prévue en novembre.

Portugal

Parlementaire

Fin de l'examen au Parlement à l'automne.

Finlande

Parlementaire

Examen au Parlement à partir de novembre

Suède

Parlementaire

Examen au Parlement à partir d'octobre

Royaume-Uni

Parlementaire

Chambre des Communes: unanimité le 21 mai. Chambre des Lords: examen en cours

Fin de la procédure prévue avant le 28 novembre

Seul le Danemark a à ce jour notifié sa ratification.

ANNEXE 3

Composition du Parlement à l'issue du processus d'élargissement

Etats membres

Population

Population (%)

Nombre actuel de sièges

Nombre de sièges dans l'Union à 27

Population par siège

Allemagne

82,04

17,05

99

99

828.686

Royaume-Uni

59,25

12,31

87

72

822.916

France

58,97

12,25

87

72

819.027

Italie

57,61

11,97

87

72

800.138

Espagne

39,39

8,19

64

50

787.800

Pologne

38,67

8,04

-

50

773.400

Roumanie

22,49

4,67

-

33

681.515

Pays-Bas

15,76

3,28

31

25

630.400

Grèce

10,53

2,19

25

22

478.636

Rép. tchèque

10,29

2,14

-

20

514.500

Belgique

10,21

2,12

25

22

464.090

Hongrie

10,09

2,1

25

20

504.500

Portugal

9,98

2,07

25

22

453.636

Suède

8,85

1,84

22

18

491.666

Bulgarie

8,23

1,71

-

17

484.117

Autriche

8,08

1,68

21

17

475.294

Slovaquie

5,39

1,12

13

414.615

Danemark

5,31

1,1

16

13

408.461

Finlande

5,16

1,07

16

13

396.923

Irlande

3,74

0,78

15

12

311.666

Lituanie

3,70

0,77

-

12

308.333

Lettonie

2,44

0,51

-

8

305.000

Slovénie

1,98

0,41

-

7

282.857

Estonie

1,45

0,3

-

6

241.666

Chypre

0,75

0,16

-

6

125.000

Luxembourg

0,43

0,09

6

6

71.666

Malte

0,38

0,08

-

5

76.000

TOTAL

481,18

100

626

732

657.349

 _______________

N° 1241 - Rapport sur le projet de loi autorisant la ratification du  traité sur l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, Estonie, Chypre, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Malte, Pologne, Slovénie et Slovaquie (Hervé de Charette)

1 « Une PAC forte pour l'Europe élargie », Rapport d'information de M. Jean-Marie Sermier, 28 mai 2003.


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