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le 3 décembre 2003

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N° 1248 - 1ère partie

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 novembre 2003

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom,

PAR M. ALFRED TRASSY-PAILLOGUES,

Député.

--

Voir les numéros :

Sénat : 421 (2002-2003), 21 et T.A. 5 (2003-2004).

Assemblée nationale : 1163.

Economie - Finances publiques.

1ère partie du rapport

INTRODUCTION 5

AUDITION DE M. THIERRY BRETON, PRÉSIDENT DE FRANCE TÉLÉCOM 11

AUDITION DE M. FRANCIS MER, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE 23

EXAMEN DES ARTICLES 33

TITRE IER - ADAPTATION DU SERVICE UNIVERSEL 34

Article 1er (articles L. 35 à L. 35-7 et L. 36-7 du code des postes et télécommunications ; article 51 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986) : Organisation du service universel 34

Article 2 (loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications) : Coordination du droit du service universel avec l'évolution européenne 50

Article 2 bis (nouveau) (loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986) : Suppression du monopole
de TDF 53

TITRE II - CONDITIONS D'EMPLOI DES FONCTIONNAIRES DE FRANCE TÉLÉCOM 57

Article 3 (articles 29, 29-1et 33 à 34 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990) : Pérennisation du statut de fonctionnaire de France Télécom 58

Article 3 bis (nouveau) (article 29-3 [nouveau] de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990) : Mobilité vers les trois fonctions publiques 62

Article  4 (loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, code du travail) : Dispositions à caractère social 64

TITRE III - STATUT DE FRANCE TÉLÉCOM 68

Article 5 (article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, loi n° 86-912 du 6 août 1986) : Abrogation de l'obligation pour l'Etat de détenir la moitié du capital 68

Après l'article 5 69

Article 6 (articles 7, 9, 10-1, 12, 14, 15, 25, 26, 27, 28, 38, 39, 40 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990) : Coordination juridique et suppression de dispositions obsolètes 71

TITRE IV - DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES 74

Article 7 : Dispositions transitoires 74

Article 8 : Application aux territoires d'Outre-Mer 75

Article 9 (nouveau) : Revente de l'abonnement 76

Article 10 (nouveau) (loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986) : Abrogation de la limite des huit millions d'habitants pour la zone desservie par un câblo-opérateur 80

2ème partie du rapport

TABLEAU COMPARATIF

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXES

ANNEXE 1 : AVIS RENDU PAR LE CONSEIL D'ÉTAT

ANNEXE 2 : DIRECTIVE 2002/22/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 7 MARS 2002 CONCERNANT LE SERVICE UNIVERSEL ET LES DROITS DES UTILISATEURS AU REGARD DES RÉSEAUX ET SERVICES DE COMMUNICATION ÉLECTRONIQUE (DIRECTIVE « SERVICE UNIVERSEL »)

MESDAMES, MESSIEURS,

Le 7 mars 2002, voilà la date qui marque le point de départ du processus conduisant à l'examen de ce projet de loi !

Ce jour là, un ensemble de textes qu'on appelle désormais le « paquet télécoms » recevait l'aval définitif du Parlement européen et du Conseil.

Le « paquet télécoms » adapte le droit communautaire des télécommunications à deux phénomènes technologiques majeurs :

- d'une part, l'accélération du rythme des innovations, qui justifiait la mise en place d'un cadre de gestion plus rapidement ajustable de la régulation de la concurrence au sein même du secteur des télécommunications ;

- d'autre part, la convergence entre les techniques des télécommunications et les techniques de diffusion audiovisuelle, qui rendait nécessaire une redistribution des missions de régulation entre les deux secteurs des télécommunications et de l'audiovisuel, conduisant à un partage entre, d'un côté, pour celui-ci, un contrôle sur les contenus diffusés et de l'autre, pour celui-là, un contrôle sur les supports utilisés.

Au sein de ce « paquet télécoms », figurait la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, dite directive « service universel ».

Cette directive a elle aussi a introduit de la souplesse dans la gestion du « service universel » :

- le champ des missions couvertes sera désormais réexaminé tous les trois ans par la Commission, qui fera rapport de ses conclusions au Parlement européen et au Conseil, afin de déclencher une éventuelle procédure d'ajout de nouvelles obligations ;

- « l'autorité réglementaire nationale » sera souveraine pour l'évaluation des charges et des contributions, sans homologation ministérielle, afin d'accélérer les procédures ;

- mais surtout la désignation des entreprises chargées de la gestion des différentes composantes du service universel, en raison de la maturité croissante des marchés concernés, devra dorénavant s'effectuer au terme d'un mécanisme « efficace, objectif, transparent et non discriminatoire » : le dispositif consistant à désigner, par la loi, France Télécom comme l'opérateur de service universel devra être remplacé par une mise en concurrence.

Dès lors, France Télécom ne pourra plus être assurée de se voir confier les missions de service public liées à la gestion du service universel, et cette perspective a remis en cause un des fondements juridiques au maintien, dans cette société anonyme détenue à 60% par l'Etat, de 106 000 employés au statut de fonctionnaires, parmi les 240.000 employés que compte au total le groupe.

Cette présence de fonctionnaires dans une société commerciale constitue un héritage de l'ancienne intégration de France Télécom à l'administration des PTT, avant 1990. Au 1er janvier 1991, par l'effet de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, France Télécom a pris son autonomie en tant que personne morale de droit public, grâce au nouveau statut d'« exploitant public ». Le 1er janvier 1997, en vertu de la loi n°96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom, l'« exploitant public » s'est transformé en société anonyme, dont le capital a été ensuite partiellement privatisé.

Le personnel fonctionnaire, en lequel a toujours résidé la richesse humaine faisant la force de l'entreprise, et qui constitue encore aujourd'hui l'essentiel (90 %) de l'effectif de la maison mère , malgré l'arrêt de facto des recrutements depuis le 1er janvier 1997, a suivi ces évolutions, voyant son statut adapté : d'une intégration totale à la fonction publique de l'Etat, il est d'abord passé en 1991, par « reclassement » automatique, dans les corps des « fonctionnaires de France Télécom » ; puis il s'est vu offrir, à partir de 1993, la possibilité d'entrer dans des corps de France Télécom dits de « classification », lui permettant de conserver son statut public, tout en entrant dans une logique de promotion et de mobilité, plus conforme à la gestion d'une entreprise oeuvrant en milieu très concurrentiel.

Sa présence au sein d'une société anonyme soulevait néanmoins une difficulté juridique potentielle, qui a été levée par le Conseil d'Etat, dans son avis du 18 novembre 1993. Le Conseil d'Etat a en effet mis en avant que la réunion de trois conditions permettait de justifier cette situation :

- en premier lieu, France Télécom avait pour « objet essentiel » de gérer des missions de service public ;

- ensuite, son capital était détenu en majorité, « directement ou indirectement », par l'Etat ;

- enfin, son président était nommé en Conseil des ministres, et était investi par la loi d'un pouvoir de nomination et de gestion, qui en faisait le supérieur hiérarchique des « fonctionnaires de France Télécom ».

La directive 2002/22/CE « service universel » est venue remettre en cause le premier pilier de cette architecture équilibrée, et c'est pourquoi le personnel fonctionnaire s'est légitimement inquiété du sort qui lui serait réservé une fois la transposition du « paquet télécoms » opérée. Lorsque le nouveau président Thierry Breton est arrivé à la tête de l'entreprise en octobre 2002, il a immédiatement été alerté sur cette difficulté et a demandé au Gouvernement d'engager une réflexion pour résoudre cette difficulté juridique.

Le projet de loi que l'Assemblée nationale doit examiner aujourd'hui est le résultat de cette réflexion.

Il repose sur deux piliers fondamentaux, qui s'étayent l'un l'autre :

- d'une part, la transposition de la directive 2002/22/CE, qui fait l'objet du titre Ier ;

- d'autre part, la consolidation de la situation juridique des fonctionnaires de France Télécom, qui fait l'objet du titre II.

Le retard pris dans la transposition du « paquet télécoms », qui aurait dû intervenir avant le 25 juillet 2003, a donc été utilisé pour en isoler la partie critique au regard de la situation du personnel fonctionnaire de France Télécom, et l'intégrer dans un texte qui va permettre à la fois l'évocation du problème et la mise en œuvre de sa solution.

La transposition de la directive va prendre la forme d'une procédure d'« appel à candidatures » pour désigner les titulaires de la gestion des obligations de service universel sur ses trois composantes : l'accès de tous à un service de téléphonie fixe à un prix abordable ; l'offre d'un annuaire universel imprimé et électronique, et d'un service universel de renseignement ; l'installation partout sur le territoire de cabines téléphoniques publiques.

La consolidation de la situation juridique des fonctionnaires passe essentiellement par la reconnaissance, au profit du président de France Télécom désigné par le conseil d'administration, des pouvoirs nécessaires à leur nomination et à leur gestion. Il partage avec le ministre chargé des télécommunications le pouvoir de prononcer les sanctions disciplinaires, ce dernier pouvant seul prononcer la mise à la retraite d'office et la révocation. Il peut déléguer ses pouvoirs de nomination et de gestion, et en autoriser la subdélégation. Enfin, il peut instituer des indemnités spécifiques. Il exercera les fonctions d'un véritable chef d'administration, « durant une période transitoire, liée à la présence de fonctionnaires dans l'entreprise », en pratique jusqu'en 2035, année du départ en retraite du dernier fonctionnaire.

La rédaction de ce projet de loi a été l'occasion d'y inclure une troisième série de dispositions, formant le titre III : celle relative au passage de l'entreprise à un statut de société anonyme de droit commun, grâce à la suppression de la contrainte d'une détention majoritaire par l'Etat, directement ou indirectement, de son capital, et à l'inscription de France Télécom sur la liste des entreprises pouvant faire l'objet d'un transfert au secteur privé.

Cette préparation juridique d'une privatisation de l'entreprise ne revêtait aucun caractère d'urgence, et n'appellera pas nécessairement tout de suite des opérations de cession du capital une fois la loi promulguée.

Il s'agit en fait de finaliser le processus de redressement initié avec l'arrivée de Thierry Breton à la tête de l'entreprise en octobre 2002. Après une période d'audit, celui-ci a lancé le programme des « trois fois 15 », 15 milliards de refinancement, 15 milliards d'augmentation de capital, 15 milliards d'économie qui ont d'ores et déjà permis à l'entreprise de ramener sa dette financière nette de 70 milliards d'euros durant l'été 2002 à moins de 50 milliards d'euros aujourd'hui, tout en faisant reculer de plusieurs années le « mur de liquidités » auquel elle se trouvait confrontée.

Parallèlement plus de 18 milliards d'euros de dotation pour dépréciation d'actif ont été passés sur l'exercice comptable 2002, afin de solder les opérations financières malheureuses qui risquaient de handicaper l'avenir de l'entreprise, au premier rang desquelles les prises de participation hasardeuses dans l'allemand Mobilcom et le britannique NTL.

Cette remise en ordre laisse maintenant l'entreprise en situation de poursuivre son redressement sur des bases assainies, en tirant le meilleur avantage du considérable résultat d'exploitation qu'elle dégage, près de 15 milliards d'euros. La valeur de l'action, en grimpant de 8 euros en septembre 2002 aux environs de 22 euros aujourd'hui, illustre la confiance des marchés financiers dans l'effort de redressement en cours.

Dans cette perspective, la levée de la contrainte de la détention majoritaire du capital par l'Etat, qui est apparue rétrospectivement comme une des causes principales de la crise financière qu'a traversée l'entreprise au début de l'année 2002, puisqu'elle l'avait contrainte à payer ses acquisitions industrielles des années précédentes par un surplus d'endettement, apparaît comme un parachèvement du processus en cours de résorption des difficultés de l'entreprise.

Ce parachèvement n'était pas urgent, mais il devait intervenir de toute façon un jour ou l'autre, et la résolution du problème juridique soulevé par l'entrée en vigueur de la directive « service universel » constituait une excellente occasion pour solder cette question pendante sur la structure du capital. Grâce à cette disparition de la clause de détention par l'Etat, toutes les hypothèques institutionnelles sur le développement de l'entreprise vont être levées, et France Télécom ne devra plus désormais son destin qu'à sa capacité à exploiter ses marchés, et à s'adapter aux évolutions de l'offre à l'échelle internationale.

Mais une autre justification a également pu intervenir, correspondant à une nécessité elle aussi non urgente, mais néanmoins incontournable : celle de mettre l'ERAP en situation de pouvoir vendre des parts du capital dans le cadre des remboursements qu'elle doit effectuer sur l'emprunt de 9 milliards d'euros contracté pour participer à l'opération d'augmentation du capital du 15 avril 2003.

En effet, la fraction du capital de France Télécom que l'ERAP détient en vertu de la modification législative du 31 mars 2003, laquelle a permis que la participation de l'Etat dans le capital de France Télécom puisse être détenue « directement ou indirectement », constitue, avec les plus-values éventuelles résultant d'une appréciation du titre, les seules ressources sur lesquelles l'ERAP peut s'appuyer pour financer ses remboursements.

La levée de la contrainte d'une détention majoritaire du capital renforce donc la crédibilité de l'ERAP en tant que débiteur, et en conséquence lui permettra plus facilement d'accéder, si besoin est, à des ressources de refinancement. C'est là un aspect secondaire, mais bien concret, de la disparition de l'obstacle à une plus grande ouverture du capital de France Télécom.

En dehors de ses trois piliers, à savoir la transposition de la directive « service universel », la consolidation du statut des fonctionnaires, la suppression de l'obligation d'une détention majoritaire par l'Etat, le projet de loi comporte des dispositions annexes qui ont nourri les travaux de la Commission :

- la fixation d'une nouvelle clef de répartition pour la compensation du coût net du service universel, qui a soulevé la question du choix de la première année de mise en œuvre, avec la crainte d'instituer une rétroactivité nuisible aux entreprises et susceptible d'être condamnée par le Conseil constitutionnel ;

- la prise en compte du besoin d'offrir aux services de sécurité un accès gratuit aux moyens de localisation géographique des appels d'urgence, c'est-à-dire, à tout le moins, aux annuaires universels inversés pour la téléphonie fixe ;

- la consolidation du nouveau régime des sociétés de diffusion hertzienne terrestre dans la foulée de la suppression du monopole de TDF, qui a suscité une interrogation quant à sa nature de « cavalier législatif » ;

- l'idée d'une séparation comptable de la gestion du réseau et des activités de services au sein de France Télécom, de manière à assurer une transparence des coûts, favorable au déploiement de la concurrence lorsque celle-ci s'appuie sur ce réseau, mais aussi protectrice de France Télécom lorsque l'entreprise se trouve confrontée au risque que le « carcan tarifaire », qui lui est normalement imposé au titre de sa position monopolistique, n'en vienne à l'entraver aussi sur certains segments de marchés pourtant évidemment ouverts à une véritable compétition ;

- la question de la revente en gros de l'abonnement, qui, suite aux annonces de MM. Thierry Breton et Francis Mer lors de leurs auditions successives du 18 novembre dernier, a provoqué une réaction consensuelle concluant à la suppression de l'article additionnel introduit au Sénat, afin de laisser sereinement se dérouler, à la faveur de l'accord symbolique entre France Télécom et Cegetel sur une facturation pour compte de tiers, la procédure d'analyse prévue dans le cadre du « paquet télécoms », que l'ART a d'ores et déjà anticipée.

AUDITION DE M. THIERRY BRETON,
PRÉSIDENT DE FRANCE TÉLÉCOM

La Commission a entendu M. Thierry Breton, président de France Télécom.

Le président Patrick Ollier a souhaité la bienvenue à M. Thierry Breton, président de France Télécom, en notant que c'était la première fois que la commission avait l'occasion de l'auditionner depuis sa nomination officielle à la tête de France Télécom, le 2 octobre 2002, mais qu'il s'agissait là d'un délai en partie concertée, puisque la commission avait estimé qu'une audition ne prendrait tout son sens qu'une fois l'entreprise sortie de la tourmente où elle se trouvait l'an dernier.

Il a indiqué que France Télécom faisait partie des entreprises que la commission aimait beaucoup, n'oubliant pas que c'était grâce à elle que la France était passée de la situation du « 22 à Asnière » à un niveau d'équipement moderne des ménages en téléphone, au prix d'un effort de mise à niveau considérable.

Il a signalé que l'an dernier, dans les mois qui avaient précédé l'arrivée à sa tête de M. Thierry Breton, cette entreprise avait donné à ses admirateurs des sueurs froides, puisqu'elle avait été confrontée à une dette culminant à 70 milliards d'euros. Il a rappelé que Thierry Breton indiquait lui-même, au terme de son bilan d'évaluation de l'entreprise, au début de décembre 2002, qu'elle était confrontée à un « mur de liquidités » de près de 50 milliards d'euros.

Il s'est félicité de ce que M. Thierry Breton eût brillamment relevé le défi du redressement de l'entreprise grâce à son programme des « trois 15 » : 15 milliards de refinancement, 15 milliards d'augmentation de capital, 15 milliards d'économie. Il a indiqué qu'il semblait que, désormais, le gros des difficultés de court terme semblait surmonté, la dette ayant été ramenée à moins de 50 milliards d'euros, et la situation financière étant assainie grâce aux provisions pour dépréciation d'actifs, de plus de 18 milliards d'euros en 2002.

Il a estimé que France Télécom allait pouvoir désormais profiter pleinement de sa capacité à dégager, grâce à son positionnement pertinent sur des marchés dynamiques, un résultat d'exploitation impressionnant, près de 15 milliards d'euros en 2002, et s'est interrogé sur la manière dont ce redressement allait se poursuivre, celui-ci devant reposer désormais pour l'essentiel sur un effort au niveau de la gestion courante, en particulier à travers l'objectif ambitieux de dégager, au cours des trois ans qui viennent, 15 milliards d'euros sur les résultats opérationnels pour continuer à diminuer la dette. Il a souhaité connaître la part reposant sur des économies internes dans cet effort, et quelles formes elles allaient prendre.

Au-delà du redressement de l'entreprise, il a interrogé M. Thierry Breton sur les perspectives stratégiques pour l'entreprise à moyen terme, notamment en fonction des évolutions du marché, ainsi que la part qu'y prendraient les efforts d'innovation.

Il a conclu sur une question touchant au personnel, et particulièrement à la population des 106 000 fonctionnaires dont la situation va être juridiquement consolidée jusqu'au départ en retraite du dernier d'entre eux, en contrepartie de la banalisation du statut de l'entreprise apportée par le projet de loi faisant l'objet d'un examen prochain. Rappelant qu'une mission avait été confiée en mars 2003 par le Premier ministre à M. Bertrand Maréchaux pour faciliter la mobilité des fonctionnaires de France Télécom en direction des administrations publiques, il a souhaité avoir des indications sur la mise en œuvre de ce programme de mobilité externe.

M. Thierry Breton, président de France Télécom, a tout d'abord rappelé qu'il était à la tête de cette entreprise depuis un an, sa nomination par le Gouvernement ayant été suivie de son élection par l'assemblée générale des actionnaires.

Il a insisté sur le caractère complexe et délicat de la situation de France Télécom lors de son entrée en fonction, puisqu'il s'agissait de l'entreprise la plus endettée au monde, alors que le personnel n'avait pas véritablement pris conscience de la gravité de la situation à laquelle elle devait faire face. Qualifiant cette situation de « sinistrée », il a indiqué qu'il avait donc dû entreprendre un travail de communication interne afin d'insuffler une dynamique positive tout en élaborant parallèlement un plan drastique visant à désendetter l'entreprise sur une période de trois ans, le plan « trois fois 15 ». Soulignant que ce plan, plutôt bien perçu par les marchés financiers, avait permis de réduire la contrainte financière s'imposant à l'entreprise, il a rappelé que celui-ci reposait sur trois piliers : le refinancement de la dette à hauteur de 15 milliards d'euros, ce qui a permis de régler le problème de liquidités de France Télécom ; une augmentation de capital significative au printemps, qui a été menée avec succès, puisque le cours de l'action est ainsi passé de 14,5 euros à l'époque à 21 euros aujourd'hui, rendant l'opération bénéfique pour les actionnaires, dont l'Etat ; enfin, un volet opérationnel visant à réaliser des économies à hauteur de 15 milliards d'euros, correspondant à la part des efforts que doit consentir l'entreprise pour rétablir sa situation.

Il a indiqué que ce plan, très rigoureux, se déroulait de manière tout à fait satisfaisante, et a fait observer qu'il s'agissait du plan de redressement le plus important au monde à ce jour ; il a également rappelé que l'effort à fournir aujourd'hui était à la dimension des opérations financières qui avaient conduit à la crise, France Télécom ayant procédé à des acquisitions d'un montant de 100 milliards de francs, en cash, lors de l'année 2000.

Abordant plus spécifiquement le volet opérationnel du plan, qui nécessite que l'entreprise procède à des économies de l'ordre de 15 milliards d'euros, il a jugé que les économies réalisées en 2003 se monteraient environ à un tiers de cette somme, soit 5 milliards d'euros, qui seront en quelque sorte ainsi « restitués » par l'entreprise pour mener son désendettement. Il a néanmoins souligné que, malgré la réduction de la dette de 20 milliards d'euros, France Télécom demeurait, avec son endettement de 50 milliards d'euros, l'entreprise la plus endettée au monde et ne pouvait donc être encore qualifiée d'entreprise « normale ».

Il a ensuite souligné la complexité de sa mission, puisqu'il lui revient non seulement de régler la question de la dette de France Télécom, mais également de donner de l'espoir aux salariés, pour lesquels le projet d'entreprise ne doit pas se résumer à ce seul enjeu financier, et qui se montrent par ailleurs très attachés à leur entreprise et aux services que celle-ci rend à nos concitoyens. Il a indiqué qu'il avait donc souhaité leur redonner une vision positive des activités de l'entreprise et qu'il avait été aidé en ce sens par l'évolution des technologies. En effet, a-t-il fait observer, France Télécom compte près de 110 millions de clients (53 millions pour le téléphone fixe et 55 millions pour le téléphone mobile), qui sont de plus en plus « éduqués » aux nouvelles technologies et attendent de France Télécom qu'elle leur offre le dernier cri de l'offre des services en réseaux, comme par exemple aujourd'hui la transmission d'images, dans laquelle l'entreprise va se lancer. Il a indiqué que les investissements technologiques et en recherche et développement constituaient donc pour lui la priorité, afin que l'entreprise soit davantage à l'écoute de ses clients et se montre innovante. Il a souhaité que les marges de manœuvre dégagées par le plan de redressement permettent ainsi d'accroître ces investissements en recherche et développement, essentiels non seulement pour l'entreprise, ses salariés et ses clients, mais également pour la France et l'Europe, et a déploré que lors des dernières années, le rôle des grandes entreprises françaises en matière de recherche et développement ait été oublié. Or, a-t-il souligné, ces entreprises sont aujourd'hui beaucoup plus conscientes des efforts qu'elles doivent consentir en la matière, la recherche et développement permettant par ailleurs de dynamiser le tissu de petites et moyennes entreprises. Rappelant sa formation d'ingénieur, il a réitéré son attachement aux innovations technologiques, celles-ci devant primer sur les opérations financières, qui doivent simplement « suivre » les mutations techniques de l'entreprise.

M. Thierry Breton a ensuite mis l'accent sur l'attachement des Français à France Télécom, qui a beaucoup apporté au pays, non seulement en raison de son rôle fondamental en matière de recherche et développement, mais également du fait de son rôle auprès des collectivités locales. Il a indiqué que si les relations entre ces dernières et l'entreprise avaient été constructives dans le passé, il avait néanmoins pu constater que les élus attendaient parfois davantage de la part de France Télécom, qui a pu dans certains cas adopter une attitude défensive. Il a annoncé qu'il souhaitait faire de l'entreprise un véritable partenaire des collectivités, en contribuant au développement des territoires, objet d'une légitime préoccupation des élus locaux. Il a jugé que cela nécessiterait de la part de France Télécom de mener un travail de compréhension des enjeux locaux et de s'engager sur le long terme, en garantissant aux collectivités que les investissements réalisés conjointement par celles-ci et l'entreprise seront rentables et réalisés dans de bonnes conditions.

Notant que France Télécom devrait accompagner, grâce à son expertise, le développement des collectivités locales, il a estimé indispensable que l'Etat accorde à l'entreprise une sollicitude identique à celle dont il fait preuve à l'égard des autres opérateurs, dans un contexte de concurrence désormais plus assise, et d'innovation constante et qu'en particulier, le régulateur lui réserve un traitement un peu moins discriminatoire.

Enfin, M. Thierry Breton a abordé la question du statut du personnel de France Télécom. Rappelant que l'entreprise était issue de la transformation d'une administration brillante en société anonyme, soumise à une rude concurrence et ayant dû évoluer pour s'adapter aux exigences des marchés financiers, il a insisté sur la nécessaire adaptation que cette évolution avait impliquée pour le personnel et a rendu hommage aux efforts consentis par ce dernier.

Il a insisté sur le caractère unique et paradoxal de la situation de l'entreprise, qui bénéficie, dans un environnement fortement ouvert et concurrentiel, du statut de société anonyme, mais qui, pour des raisons historiques, compte au sein de son personnel plus de 100 000 fonctionnaires, qui ont intégré cette structure à l'époque où elle était encore une administration. Soulignant que la question du statut de cette catégorie de personnel n'avait pas été réglée initialement et représentait une véritable « épée de Damoclès », il a rappelé qu'une première solution transitoire avait permis de justifier la présence de fonctionnaires au sein du personnel par les missions de service public assurées par l'entreprise. Toutefois, a-t-il fait observer, le « paquet télécoms », qui aurait dû être transposé en droit national au plus tard au mois de juillet 2003, impose d'ouvrir à la concurrence les missions de service public, qui ne seront plus forcément assurées dans leur intégralité par l'opérateur historique ; France Télécom est résolue à se porter candidate, et à se montrer compétitive dans ce domaine, mais cette évolution met à mal l'argumentaire juridique développé par l'avis du Conseil d'Etat de 1993, qui justifiait la présence de fonctionnaires au sein de son personnel.

Il a indiqué qu'il avait donc demandé au Gouvernement de se saisir de ce dossier, les questions de nature sociale devant être réglées prioritairement, et que le Gouvernement avait déposé en ce sens le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom. Il a précisé que ce projet de loi avait vocation à régler définitivement le problème de la situation juridique des fonctionnaires, qu'il a qualifié, en tout état de cause, de transitoire, France Télécom n'embauchant plus de personnel relevant du statut de la fonction publique depuis 1997. Rappelant que ce projet de loi serait bientôt examiné par l'Assemblée nationale, il a précisé qu'il visait à sécuriser la situation des fonctionnaires aujourd'hui employés par l'entreprise, et prévoyait en outre de supprimer le caractère législatif de l'obligation de détention par l'Etat de la majorité du capital de la société. Il a indiqué qu'ainsi, l'Etat pourrait se prononcer sur les modalités de sa participation en tant qu'actionnaire de France Télécom, sans pour autant mettre en cause le statut des personnels relevant de la fonction publique.

M. Thierry Breton a signalé que le projet de loi avait d'ores et déjà fait l'objet d'un examen par le Sénat en première lecture, et a alerté les commissaires sur un amendement adopté à cette occasion, visant à anticiper l'application du « paquet télécoms » en imposant à France Télécom la revente en gros de l'abonnement à d'autres opérateurs, afin que les clients de ceux-ci puissent recevoir une facture unique. Il s'est étonné de cette initiative, dont il a jugé qu'elle dénaturait le projet de loi initialement circonscrit aux questions relatives au statut du personnel et à la détention publique de la majorité du capital. Signalant que depuis, l'entreprise avait procédé à des négociations fructueuses avec son concurrent Cégétel afin de réaliser cette vente d'abonnements de manière contractuelle, sans avoir à attendre la mise en œuvre de la loi, il a plaidé en faveur d'un retour à l'état d'esprit du projet de loi initial, les initiatives de France Télécom, et l'accord obtenu, dispensant le législateur d'intervenir sur la question des abonnements.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur sur le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, en constatant que France Télécom aurait à gérer jusqu'en 2035 un personnel fonctionnaire, bénéficiant d'un statut très particulier notamment au regard du régime des sanctions, s'est interrogé sur les risques induits de complication pour la gestion de l'entreprise. Il a souhaité connaître le sens de la suppression, lors de la lecture au Sénat, de la disposition obligeant le président de l'entreprise, lorsqu'un fonctionnaire en ferait la demande, à lui transmettre dans un délai de six mois un projet de contrat de travail. S'agissant de la revente de l'abonnement, il s'est dit sensible à l'effort de négociation avec Cégétel conduit par France Télécom, qui prenait ainsi les devants des souhaits du législateur, mais s'est interrogé sur le risque que l'accord entre les deux principaux opérateurs de la téléphonie fixe ne conduisît à créer une distorsion de concurrence au détriment des autres opérateurs du même marché, distorsion qui risquait d'être d'autant plus dommageable que l'abonnement constituait une ressource non négligeable, représentant pas loin de la moitié des recettes de la téléphonie fixe. Enfin, notant la volonté du président Breton de développer l'accès au haut débit sur le territoire en partenariat avec les collectivités locales, il s'est étonné de ce qu'un effort similaire ne soit pas conduit dans le domaine de l'enfouissement des réseaux, les déploiements aériens de liaison téléphonique perdurant alors que, parallèlement, EDF s'efforçait systématiquement de privilégier l'enterrement de ses lignes.

Intervenant au nom du groupe socialiste, M. Alain Gouriou s'est dit satisfait de constater l'amorce d'un redressement de l'entreprise France Télécom, ainsi que la volonté de son président de renforcer les moyens destinés à la recherche et au développement, sans lesquels l'entreprise serait dépendante à court terme des innovations de ses concurrents étrangers, ce qui impliquerait nécessairement des pertes ultérieures de part de marché, nuisibles aux 240 000 salariés que comprend l'entreprise, dont 140 000 en France.

Il a par ailleurs indiqué que le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom faisait l'objet de nombreuses réserves de la part du groupe socialiste. Il a notamment regretté la précipitation avec laquelle ce projet avait été élaboré, le Conseil supérieur des Postes et Télécommunications n'ayant ainsi eu que 10 jours, entre le 12 et le 22 juillet 2003, pour rendre son avis sur ce texte, alors que le rapport du sénateur Gérard Larcher de 2002 sur France Télécom avait au contraire préconisé un large débat préalable à l'évolution du statut de l'entreprise, notamment avec les partenaires sociaux, ce qui manifestement n'a pas été le cas.

Il a par ailleurs regretté que la possibilité de la revente en gros de l'abonnement ait été introduite par surprise lors de l'examen du projet de loi en première lecture au Sénat, estimant que cette mesure risquait de retirer des ressources à France Télécom.

Constatant ensuite que l'entreprise avait vendu beaucoup de patrimoine au cours des dernières années, il s'est interrogé sur les conditions faites aux collectivités locales lorsqu'elles se portaient acquéreuses de certaines possessions immobilières de France Télécom, et notamment celles correspondant aux équipements utilisés par les associations sportives des PTT (ASPTT), dans la mesure où subsistait un doute sur le risque d'un transfert concomitant de la charge de leurs frais de fonctionnement de ces équipements.

Il s'est enfin inquiété du sort réservé, dans le cadre du projet de loi, aux 6 000 anciens fonctionnaires des PTT ayant refusé leur intégration dans les corps de France Télécom, et dont la carrière s'est depuis trouvée bloquée.

M. Jean-Paul Charié, intervenant au nom du groupe UMP, a estimé que les élus locaux avaient un intérêt particulier au bon fonctionnement de l'entreprise France Télécom. Il a estimé que la conversion de l'entreprise, avec ses traditions et ses contraintes, aux règles de la compétition internationale était une mission difficile.

Il a rappelé les trois métiers de l'entreprise que sont la téléphonie fixe, qui pose localement des problèmes de coordination avec les opérations menées par EDF pour l'enfouissement des lignes, la téléphonie mobile et les questions de couverture du territoire qui y sont liées, et enfin l'accès aux réseaux de communication numérique et à l'ADSL.

Résumant les points importants abordés par le président de France Télécom, il a évoqué le fait que l'entreprise était la plus endettée au monde, nonobstant la réduction de la dette de 23 milliards d'euros en 2002. Il s'est ensuite félicité de la prise en compte de l'importance de la motivation des salariés, et du renforcement des moyens consacrés à la recherche et au développement nécessaires à la performance de l'entreprise.

Il a ensuite noté la volonté de M. Thierry Breton de faire de France Télécom un partenaire des collectivités locales, son souhait de la voir bénéficier d'un traitement comparable à celui de ses concurrents, souhait du reste également formulé par ces derniers, et a signalé l'intérêt de ses remarques concernant le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

Il a ensuite souhaité recueillir l'avis du président Thierry Breton sur l'avenir des licences UMTS, sur l'état du débat relatif au coût du service universel, compte tenu de l'inquiétude suscitée chez certains opérateurs par les amendements déposés au Sénat sur les conditions de son financement. Enfin, il s'est interrogé sur l'accès du plus grand nombre au haut débit et à l'ADSL, estimant que les collectivités locales devaient pouvoir développer leurs initiatives dans ce domaine, dans la mesure où le développement économique d'une nation et le dynamisme des PME étaient étroitement liés au renforcement des moyens de communication numérique et au déploiement de l'ADSL, et a indiqué que cela pouvait justifier des évolutions législatives.

Le président Patrick Ollier a souhaité obtenir des précisions sur le calendrier prévu pour la mise en œuvre des mesures décidées en matière de téléphonie mobile lors du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) réuni à la fin de l'été dernier. Il s'est en particulier interrogé sur le projet de « pylône unique » auquel pourraient participer les collectivités locales, et a souhaité une concertation avec les associations militant contre la prolifération des pylônes et, plus généralement, en faveur du développement durable.

M. François Brottes a rappelé avoir été lui-même rapporteur pour avis sur le budget des postes et des télécommunications lors de la précédente législature et s'est félicité que la nouvelle direction de l'entreprise ait renoué avec le bon sens en essayant d'accroître les efforts en faveur de la recherche et du développement, efforts dont il avait antérieurement dénoncé l'insuffisance.

S'agissant du service universel, dont il a jugé le contenu excessivement réduit, il a souhaité savoir si la direction de France Télécom serait candidate à sa prise en charge dans le nouveau cadre mis en place par le projet de loi, ou si elle préférerait laisser cette responsabilité à d'autres opérateurs.

Soulignant la progression remarquable du nombre d'abonnements en Internet à haut débit, qui infirme les prévisions selon lesquelles seul le bas débit pourrait connaître une large diffusion, il s'est demandé si l'offensive menée par France Télécom en faveur de l'ADSL aurait pu être menée sans la pression exercée par l'Etat.

Il a enfin souhaité savoir si les juristes de l'entreprise avaient étudié le risque de censure par le Conseil constitutionnel du projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

Le président Patrick Ollier a rappelé que l'Assemblée nationale avait été réunie en session extraordinaire en juillet dernier, les commissaires étant dès lors disponibles à cette époque pour la consultation engagée par le Gouvernement sur l'évolution de statut de France Télécom.

En réponse aux différents intervenants, M. Thierry Breton, président de France Télécom, a apporté les précisions suivantes :

- France Télécom assumera pleinement ses responsabilités au regard du service universel des télécommunications, car son statut d'opérateur majoritaire, s'il lui procure des avantages, lui confère aussi des devoirs, en France comme dans d'autres pays, tels que la Pologne ou la Jordanie, où l'entreprise occupe, à travers ses filiales, une position majoritaire similaire. Tout chef d'entreprise se doit également d'observer que son intérêt est de vivre en harmonie avec la collectivité qui lui accorde sa confiance. Il a rappelé l'existence de débats similaires lorsqu'il était président du groupe Thomson, certains interlocuteurs lui ayant conseillé dès son arrivée de fermer les sites français de production dont le fonctionnement n'était pas conforme aux ratios économiques habituels, notamment à Tonnerre, où la suppression de 400 emplois avait été envisagée. Il a remarqué qu'il avait finalement été possible de préserver ce dernier site en lui trouvant une nouvelle vocation. Il a considéré que les chefs d'entreprises avaient toujours intérêt à agir de la sorte, le modèle américain des « stakeholders», l'ensemble des parties prenantes, supposant d'entretenir des relations non avec les seuls actionnaires mais avec tous les acteurs concernés, c'est-à-dire également les salariés, les clients ou les acteurs institutionnels tels que l'Etat ou la Commission européenne ;

- la décision d'accélérer le déploiement de la technologie ADSL, notamment en consacrant 600 millions d'euros supplémentaires aux investissements correspondants, a été prise parce que c'était le devoir de France Télécom et non en réponse à une « demande de l'actionnaire », formulation qui néglige le fait que France Télécom a, non pas un actionnaire, mais un grand nombre d'actionnaires. Si le gouvernement français a souhaité, comme d'autres gouvernements européens et la Commission européenne, un développement rapide du haut débit qui est un facteur de compétitivité, c'est France Télécom qui a déterminé l'objectif, très ambitieux et qui d'ailleurs ne sera peut-être pas atteint, d'offrir, en 2005, à 90 % de la population l'accès à l'ADSL ;

- il n'appartient pas à France Télécom de se prononcer sur la constitutionnalité du projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom. Il faut toutefois noter que ce projet de loi apporte une clarification de la situation juridique des personnels qui est dans leur intérêt et que le Conseil d'Etat n'a pas critiqué le dispositif proposé ;

- France Télécom est habitué, depuis près de dix ans, à gérer des personnels soumis à deux statuts distincts et continuera à le faire sans difficultés nouvelles grâce au savoir-faire acquis. En outre, si le dernier fonctionnaire cessera en principe son activité en 2035, le nombre de fonctionnaires au sein de l'entreprise devrait décroître très rapidement en raison de leur âge moyen puisqu'en 2010, la moitié des agents concernés devraient avoir cessé leur activité ;

- s'il appartient effectivement au ministre de sanctionner, le cas échéant, des fonctionnaires ayant commis des fautes, le nombre de personnes concernées est très faible puisqu'il est de l'ordre d'une dizaine par an, de sorte que cela ne soulève pas de difficultés significatives ;

- la rédaction initiale du projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom comprenait une disposition prévoyant que France Télécom propose un contrat de travail à tous les fonctionnaires en formulant la demande dans un délai de six mois suivant la publication de la loi. Des organisations syndicales s'en sont émues et cette disposition a été supprimée par le Sénat. Cette suppression n'entraîne pas de conséquences, car France Télécom est d'ores et déjà tenu de proposer un contrat de droit privé aux fonctionnaires qui en font la demande ;

- l'abonnement aux services de téléphonie filiaire finance l'amélioration de la qualité du réseau et sa réparation, notamment quand des poteaux brûlent à l'occasion d'incendies de forêts ou quand des commutateurs sont endommagés par des inondations. Il faut rappeler que 20 000 personnes assurent cet entretien du réseau. L'abonnement n'est donc nullement une forme de taxe. En outre, son prix est le plus bas d'Europe pour un réseau qui est parmi les meilleurs. L'enjeu réel en ce qui concerne l'abonnement est d'offrir une facture unique aux usagers. Cela nécessite une adaptation des systèmes d'information de France Télécom, qui est en cours, et une discussion avec les autres opérateurs, également engagée puisqu'un accord a d'ores et déjà été conclu avec Cégétel. La revente de l'abonnement sera, de toute façon, rendue obligatoire à l'occasion de la transposition des directives dites « paquet télécoms ». France Télécom est, en tout état de cause, soucieuse de ne pas entraver la concurrence comme en atteste notamment l'accélération très sensible du dégroupage ;

- France Télécom souhaite être une entreprise leader en ce qui concerne le haut débit, enjeu majeur de compétitivité pour notre économie et notamment pour les PME. Cela passe aujourd'hui par le développement de la technologie ADSL mais l'entreprise travaille également sur les technologies qui lui succéderont reposant sur les normes ADSL 2 + et VDSL (« very high bite rate digital subscriber line ») ;

- l'enfouissement des lignes aériennes se poursuit en renforçant la recherche de partenariats, avec EDF et les collectivités locales ; il convient cependant de rappeler que le coût total de cette opération, si elle était généralisée, est estimé à 30 milliards d'euros ;

- l'interopérabilité des trois métiers de France Télécom, le réseau fixe, les portables et le haut débit, doit s'accentuer, non seulement parce que c'est le développement logique de l'entreprise mais aussi afin de répondre aux demandes des clients eux-mêmes qui attendent une meilleure articulation entre ces différents services ;

- s'agissant de la technologie UMTS, il convient d'abord de ne pas oublier qu'elle a conduit, à travers les opérations d'attribution des licences, à une ponction sans précédent sur les opérateurs, représentant au total en Europe 140 milliards d'euros. France Télécom a été, à l'époque, le principal moteur de cette considérable préemption de ressources, par l'intermédiaire de NTL au Royaume-Uni et de Mobilcom en Allemagne. La tragédie financière qui s'en est suivie pour le secteur des télécommunications n'est pas sans lien avec le comportement de certains Etats qui n'ont pas su s'ajuster au rythme effectif des innovations technologiques, ni tenir compte de la réalité des ressources financières disponibles. Pour France Télécom, la mise en place de l'UMTS a commencé dans deux villes tests : Lille et Toulouse, avec le réseau Orange ; elle devrait s'étendre en 2004 à une dizaine de villes en France et au Royaume-Uni ; le déploiement s'effectuera progressivement, avec pragmatisme et réalisme ;

- le rôle de l'Internet à haut débit dans le développement des PME est fondamental, et il doit être possible de satisfaire 100 % des demandes des collectivités locales dans ce domaine. Il est nécessaire, pour ce faire, d'élargir les types de technologies utilisées : filaire avec l'ADSL, et l'ADSL 2 +, hertzienne avec les satellites et la WiFi, ce qui suppose la poursuite de la recherche et du développement pour rester compétitif en termes d'innovation et d'expertise ;

- il est sain qu'il existe une concurrence et que les collectivités locales puissent participer aux offres d'opérateurs dans l'Internet à haut débit. Il convient cependant de vérifier la qualité des offres de service dans la durée. Sur ce plan, France Télécom dispose d'une expérience qui doit lui permettre de proposer des offres au meilleur rapport qualité-prix ; le cas des villes de Milan et Stockholm montrent que des initiatives mal accompagnées peuvent aboutir à des pertes financières importantes, reportées en l'occurrence sur des compagnies d'électricité. Certains partenariats, tel celui réalisé dans la Loire, permettent, pour un coût faible pour la collectivité, de réaliser une couverture ADSL complète sur un département.

D'une façon générale, les partenariats imaginatifs constituent la voie à privilégier pour obtenir des résultats en situation de pénurie de ressources.

M. Jacques Champeaux, secrétaire général de France Télécom, a apporté les précisions suivantes :

- le mode de répartition du coût du service universel est actuellement basé sur le trafic, ce qui pénalise les fournisseurs d'accès Internet, dont l'offre s'appuie sur des connexions de longue durée, les opérateurs de téléphonie fixe et mobile se trouvant au contraire avantagées ; les acteurs de l'Internet ont donc souhaité un rééquilibrage, afin qu'au lieu du trafic, c'est-à-dire du temps de connexion, soit pris en compte le chiffre d'affaires généré par les minutes de trafic, ce qui revient à faire payer moins cher les fournisseurs d'accès à Internet, et plus cher les opérateurs mobiles, la part des opérateurs de téléphonie fixe restant à peu près inchangée ;

- la couverture du territoire par le réseau de téléphonie mobile et sa répartition entre les opérateurs a vu sa mise en place parachevée par la parution du décret du 14 novembre 2003 relatif aux aides des collectivités territoriales à la location d'infrastructures destinées à supporter des réseaux de téléphonie mobile. Le recours au dispositif du pylône ou de l'antenne uniques fait partie intégrante de ce processus, qui devrait, en deux phases de déploiement, s'achever d'ici deux ans.

M. Thierry Breton a ensuite fait remarquer que la surcharge du calendrier politique expliquait sans doute que l'élaboration du projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom ait connu une accélération, au début du mois de juillet 2003, mais que ce texte répondait à une demande de longue date de sa part, et à un souhait des syndicats, s'inquiétant des conséquences de l'entrée en vigueur de la directive « service universel » sur le statut des 105 000 fonctionnaires de France Télécom. Il a souligné que la concertation avait été soutenue puisque 20 réunions du conseil d'administration ont eu lieu en un an, associant à chaque fois, par l'intermédiaire d'un comité d'orientation tenu préalablement, les administrateurs salariés puis, par un compte rendu sur tous les points traités, le lendemain du conseil, l'ensemble des syndicats.

Il a également noté que l'accord intervenu entre Cégétel et France Télécom en matière de reventes d'abonnement, que les sénateurs pensaient peu probable, anticipait sur le dispositif législatif.

Il s'est enfin engagé à considérer avec attention la question de la vente du patrimoine sportif de France Télécom et de son articulation avec les préoccupations des collectivités locales.

Enfin, s'agissant des 6 000 fonctionnaires des PTT employés par France Télécom, reclassés dans l'entreprise sans être intégrés à un corps de classification, M. Olivier Barberot, directeur exécutif chargé du développement et de l'optimisation des compétences humaines à France Télécom, a souligné qu'était engagée une relance de leur carrière dans le cadre de France Télécom.

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AUDITION DE M. FRANCIS MER,
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES
ET DE L'INDUSTRIE

La Commission a entendu M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom (n° 1163).

M. Patrick Ollier, président de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a, tout d'abord, souligné que la Commission recevait avec grand plaisir pour la seconde fois, après son audition de juillet 2002, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, venu présenter le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom adopté par le Sénat.

Il a rappelé l'attention portée par la Commission aux grands services publics et, en particulier, à France Télécom, entreprise qui a récemment connu de grandes difficultés mais que son nouveau président, M. Thierry Breton, a placée sur la voie du rétablissement.

Il a précisé que celui-ci venait d'être entendu et qu'il avait, à cette occasion, indiqué la manière dont l'entreprise se préparait à la suppression de certaines rigidités de son statut grâce au projet de loi, rigidités dont M. Patrick Ollier a rappelé le rôle dans les difficultés financières que l'entreprise avait connues en 2002 et dont elle est sortie notamment grâce au soutien personnel sans failles du ministre de l'économie.

Il a donc souhaité que l'intervention du ministre permette d'obtenir un éclairage sur la façon dont cette évolution législative allait s'insérer dans la politique du Gouvernement dans le domaine des télécommunications.

Puis, rappelant que la plupart de nos voisins européens considéraient que l'avantage commercial retiré par l'opérateur titulaire de la mission du service universel équilibrait le coût des charges qu'il assumait à ce titre, il a interrogé le ministre sur la possibilité, non à brève échéance mais à terme, d'une évolution en ce sens dans le système français.

Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur le calendrier envisagé pour la transposition des directives dites du « paquet télécoms », transposition prévue par le projet de loi relatif aux communications électroniques déposé en juillet dernier sur le bureau de l'Assemblée nationale. Il a rappelé qu'il était aujourd'hui envisagé de procéder à cette transposition pour partie par voie d'ordonnances et pour partie par voie d'amendements. Tout en rappelant ses réserves de principe quant au recours aux ordonnances, dont il a estimé qu'il devait être évité autant que possible, il a souligné que le recours aux ordonnances pouvait néanmoins être justifié par l'urgence, réelle en l'espèce et a souhaité obtenir des précisions sur les intentions du Gouvernement sur cette question.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a, tout d'abord, rappelé l'ampleur des bouleversements technologiques intervenus dans le secteur des télécommunications qui représente aujourd'hui environ 7 % du produit intérieur brut communautaire. Il a jugé que cette part augmenterait dans les années à venir, les évolutions technologiques étant appelées à se poursuivre. Il a estimé que le secteur des télécommunications constituerait probablement, en conséquence, l'un des trois moteurs de la croissance de notre économie au cours des vingt années à venir, aux côtés, d'une part, des progrès dans le secteur des biotechnologies et, d'autre part, de la globalisation des économies.

M. Francis Mer a donc jugé que l'économie était marquée par le changement qui bouleverse évidemment les habitudes et les comportements mais auquel il est nécessaire de s'adapter. Il a estimé que la responsabilité de l'Etat était donc d'accompagner ce changement comme il le fait, en matière de télécommunications, par des initiatives au niveau européen, en faveur du développement des réseaux transeuropéens et, au niveau national, dans le cadre du plan « RESO 2007 ».

Il a souligné la nécessité de mieux prendre en compte le facteur temps et les évolutions de long terme dans les politiques publiques. Rappelant que le nombre d'abonnés à un accès internet à haut débit avait cru de 150 % en un an, il a jugé que des marchés aussi dynamiques, et les entreprises intervenant sur ces marchés, tiraient la croissance macroéconomique. Il a également estimé que ce dynamisme n'était pas miraculeux mais résultait simplement des efforts collectivement consentis notamment en matière de recherche.

Il a indiqué qu'il soulignait l'importance du changement dans l'économie d'une part, parce que France Télecom était l'archétype d'une entreprise participant à ce mouvement et, d'autre part, par souci de convaincre de l'importance de ces phénomènes et de la nécessité, pour tous les acteurs, de les accompagner en conduisant les mutations nécessaires. Il a d'ailleurs indiqué que celles-ci se traduisaient concrètement pour l'Etat puisque le nombre de déclarations d'impôt sur le revenu remplies sur internet avait quintuplé en un an.

Le ministre a indiqué que France Télécom était un acteur majeur du secteur des télécoms, aujourd'hui soumis à la concurrence, et qu'il disposerait donc de belles perspectives s'il les méritait. Mais il a ajouté que l'entreprise était aujourd'hui concurrencée par des initiatives privées et qu'elle avait donc à la fois besoin d'une dynamique interne d'amélioration de ses performances et d'outils pour son développement.

Il a dénoncé tout triomphalisme, consistant à considérer France Télécom comme sortie de crise car, si l'entreprise va mieux - la dette a diminué de 20 milliards d'euros -, le poids du passé est lourd, avec encore 50 milliards d'euros de dettes à gérer.

Il a précisé qu'il restait beaucoup à faire pour que France Télécom devienne une entreprise européenne et mondiale puissante : elle doit encore définir clairement sa stratégie, ses cibles, ses objectifs et se donner les moyens d'avancer.

Il a ensuite présenté le projet de loi, qui se décompose en trois volets : la continuité du service public, le statut des fonctionnaires et l'actionnariat de l'entreprise.

En premier lieu, a-t-il indiqué, la loi de réglementation des télécommunications de 1996, qui désignait France Télécom comme opérateur chargé du service universel, n'étant plus compatible avec la législation communautaire, il est prévu que l'ensemble des missions de service universel seront assurées à la suite d'un appel à candidatures.

Concernant le statut des personnels, le ministre a précisé que l'évolution de l'entreprise, entre 1995 et 2003, n'avait en rien été handicapée par le statut public de ses salariés. Ainsi, a-t-il ajouté, cette société emploie 100 000 fonctionnaires, dont les derniers ne devraient la quitter qu'en 2035, et évolue pourtant sur un marché totalement concurrentiel et mondial. Il s'est réjoui de la formidable évolution interne, qui a permis à l'entreprise de se positionner durablement sur le marché. Il convient, a-t-il précisé, de la montrer en exemple, car elle démontre qu'avec un management adéquat, les entreprises publiques sont tout à fait capables d'évoluer. Il a rappelé qu'il n'y aurait aucune évolution majeure de ce statut des personnels fonctionnaires dans le projet de loi, puisqu'il avait fait ses preuves.

S'agissant de la détention du capital, le ministre a indiqué que l'obligation juridique d'une détention majoritaire du capital par l'Etat pouvait représenter un risque pour l'entreprise, et avait d'ailleurs été l'une des multiples causes de la crise de l'entreprise, en ne permettant pas à l'opérateur de financer sa croissance autrement que par la dette.

Il a indiqué que le fait d'avoir l'Etat comme actionnaire majoritaire n'était en théorie ni un risque, ni un atout pour l'entreprise, mais que l'approfondissement de la concurrence et les évolutions réglementaires et technologiques à venir dans le secteur impliquaient de placer l'entreprise dans un cadre juridique aussi proche que possible de celui de ses concurrents, afin qu'elle puisse réagir rapidement et répondre à toute opportunité.

Il a conclu en indiquant que l'intérêt économique et stratégique de la France était de disposer de quelques entreprises solides et dynamiques et qu'il convenait de tirer les enseignements du passé pour être plus réactif à l'avenir, ce qui était l'objectif premier du projet de loi.

Répondant à M. Patrick Ollier, M. Francis Mer a rappelé que le ministère souhaitait transposer rapidement les directives ; c'est pour cette raison, a-t-il indiqué, que le Président de la République s'est entretenu avec les présidents des deux assemblées pour leur soumettre un projet de transposition par ordonnance, qui serait promulgué au premier semestre 2004. Les autres parties du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, à savoir celles ne relevant pas directement de la transposition du « paquet télécoms », seraient réintégrées dans le projet de loi relatif à la confiance dans l'économie numérique, qui doit venir en discussion les 7 et 8 janvier 2004 devant l'Assemblée nationale.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur sur le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, a noté que le projet de loi allait garantir le statut des fonctionnaires de France Télécom, et ouvrir le capital de l'entreprise, que la situation de celle-ci était désormais redressée et qu'elle bénéficiait d'un climat interne de consensus social, qu'elle replaçait l'effort de recherche et de développement au centre de sa stratégie sous l'impulsion de son nouveau président, et que tout cela se produisait au moment où le secteur des télécommunications donnait des signes de reprise. Il s'est réjoui de ces perspectives plutôt favorables pour l'avenir de France Télécom, et a repris à son compte l'analyse du ministre sur la nécessité d'une adaptation au temps et à la vitesse des évolutions de l'environnement, qui justifiait fondamentalement le projet de loi. Il a souligné que l'action du Gouvernement en faveur des nouvelles technologies constituait une belle opération d'aménagement du territoire, puisqu'elle bénéficierait non seulement aux particuliers installés dans le monde rural, mais aussi aux petites entreprises dynamisées par l'accès aux moyens de télécommunication.

S'agissant de la revente de l'abonnement et des services associés, lesquels intégraient, a-t-il précisé, le transfert d'appel et le rappel du dernier numéro, il a constaté qu'elle était déjà opérationnelle en Grande-Bretagne, au Danemark, en Espagne, en Allemagne et en Irlande, et s'est interrogé sur l'impact favorable que pourrait avoir cette mesure, contrairement à ce que laisse entendre France Télécom, sur l'effort d'investissement des opérateurs alternatifs, notamment dans le haut débit. En ce qui concerne le financement du service universel, il a souhaité connaître le sentiment du ministre sur l'application rétroactive à l'année 2002 du nouveau mode de calcul des contributions adoptée au Sénat, sachant qu'une telle évolution législative serait bénéfique pour les fournisseurs d'accès à l'Internet, mais léserait directement deux des opérateurs de téléphonie mobile, qui par ailleurs ne faisaient usage du réseau fixe que de manière limitée et contre une juste rémunération, et de surcroît, étaient actuellement sollicités par l'Etat pour des investissements conséquents, non rentables, dans la couverture des zones blanches.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure pour avis sur le budget des postes et télécommunications, s'est tout d'abord réjouie de la venue en discussion devant l'Assemblée de ce texte sur le statut de France Télécom et les obligations de service public dans les télécoms, qui lui semblait important à un double titre : d'abord, parce qu'il allait permettre à l'opérateur national d'échapper à la contrainte rigide de la structure de son capital, qui a constitué la cause principale des difficultés financières auxquelles il s'était trouvé confronté à l'été 2002 ; ensuite parce que ce texte allait permettre des avancées sur la transposition des directives du « paquet télécoms », avec le volet sur le service universel, mais aussi avec la levée de la contrainte limitant les câblo-opérateurs à une desserte maximale de huit millions d'habitants.

Constatant ensuite, à son tour, que le projet de loi prévoyait d'asseoir la contribution au service universel sur le chiffre d'affaires, ce qui allait certes dans le sens d'une plus grande neutralité technologique de ce prélèvement, mais aboutissait à doubler la contribution des opérateurs du téléphone mobile par ailleurs engagés dans la couverture des « zones blanches », elle a demandé si le Gouvernement envisageait la mise en place d'un quelconque mécanisme de rééquilibrage en faveur de ceux-ci, par exemple en engageant une négociation à l'échelle européenne pour inclure la téléphonie mobile dans le service universel, et permettre ainsi le « pay or play », ou en aménageant dans un sens incitatif le régime financier du prochain renouvellement des licences GSM.

S'agissant de l'amendement du Sénat qui lève la contrainte limitant les câblo-opérateurs à une desserte maximale de huit millions d'habitants, elle a observé qu'il allait permettre un déblocage des restructurations possibles dans ce secteur, lequel pouvait devenir un relais majeur de la distribution de l'Internet à haut débit, au moins dans les zones denses, comme c'était le cas aux Etats-Unis, contribuant en cela à une poursuite de la baisse des prix des abonnements. Elle a souhaité savoir si le Gouvernement avait déterminé une stratégie pour les évolutions industrielles dans ce secteur, l'idée ayant par exemple affleuré, ici ou là, dans la presse, d'une volonté de favoriser la constitution d'un « champion national » dans ce domaine.

Intervenant au nom du groupe socialiste, M. Alain Gouriou a estimé que le présent projet de loi signifiait tout bonnement la privatisation prochaine de France Télécom, conformément aux annonces faites dans la presse.

Il a estimé que le projet de loi risquait de mettre le service universel, autrefois appelé service public, aux enchères par morceaux entre les différents opérateurs, sans que l'on sache si ces missions trouveront preneur ou si les opérateurs privés seront capables de les prendre en charge.

Il s'est ensuite interrogé sur la prise en compte des problématiques spécifiques à la téléphonie mobile ou à l'Internet à haut débit dans la définition du service universel, compte tenu du fait que les technologies de la communication enregistrent des évolutions très rapides qui ne sont pas prévues dans le projet de loi. Il s'est en outre interrogé sur l'absence de mesures concernant l'entretien du réseau, ou le service aux personnes handicapées ou en difficulté dans cette définition du service universel.

Notant que France Télécom comprenait 240 000 salariés aux statuts très différents, il s'est interrogé sur l'avenir des personnels ayant le statut de fonctionnaire au sein de l'entreprise, notamment lorsque celle-ci sera définitivement privatisée.

Il a estimé que la présence de l'Etat dans le capital de France Télécom ne pouvait être considérée comme une anomalie expliquant les difficultés de l'entreprise, qui ont également été le lot de nombreux opérateurs concurrents européens. Il a rappelé qu'a contrario le statut public de France Télécom l'amenait à prendre en charge pour le compte de l'Etat certaines missions de sécurité et de défense nationale, en assurant la sûreté des communications, et à fournir un effort de recherche dans le domaine essentiel des télécommunications.

Il s'est enfin interrogé sur la réalité des risques de spéculation boursière ou d'offre publique d'achat, qui mettraient le capital de l'entreprise France Télécom dans des mains étrangères.

S'exprimant au nom du groupe UMP, M. Jean-Louis Christ a estimé que, compte tenu de la réduction de la dette de France Télécom de 70 à 50 milliards d'euros, il était prématuré de parler d'assainissement de la situation financière de l'entreprise, même si l'opérateur historique avait d'ores et déjà prouvé sa capacité de réaction.

Il s'est ensuite interrogé sur les atouts de France Télécom pour remporter, dans un environnement concurrentiel, les appels d'offre pour la prise en charge du service universel, prévus par le présent projet de loi conformément à la directive communautaire. Il a ensuite observé que les différents statuts des salariés de l'entreprise seraient garantis quelles que soient les évolutions juridiques ultérieures de France Télécom, notant que les derniers fonctionnaires, dont le recrutement a été arrêté en 1997, quitteraient l'entreprise en 2035.

Il s'est enfin réjoui de la mesure supprimant l'obligation de l'Etat de conserver plus de la moitié du capital de l'entreprise, estimant que cette mesure permettrait à France Télécom d'intervenir sur le marché à égalité avec ses concurrents.

S'exprimant au nom du groupe UDF, M. Jean Dionis du Séjour a remercié le ministre d'avoir précisé les modalités de transposition du « paquet télécoms » et le calendrier de l'examen du projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique.

Rappelant que la Commission des affaires économiques avait examiné un amendement visant à préciser les définitions de la communication publique en ligne et du courrier électronique, il s'est interrogé sur la disposition du Gouvernement à travailler en commun avec le Parlement en vue de consolider certaines dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans le cadre du projet de loi relatif à la confiance dans l'économie numérique.

Au nom du groupe UDF, il a estimé que le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom était positif, établissant un compromis équilibré entre les dispositions imposées par la directive communautaire « service universel » et les sujétions de l'entreprise héritées du passé, notamment la présence de fonctionnaires dans son personnel.

Il s'est néanmoins interrogé sur l'absence de différenciation, dans le projet de loi, entre les fonctions de gestionnaire du réseau et de prestataire de services, ne serait-ce que sous la forme d'une séparation managériale ou comptable, alors que cette dichotomie sous-tend les directives communautaires concernant les secteurs du gaz et de l'électricité.

Il s'est enfin interrogé sur l'absence de mesures concernant la situation juridique des 6 000 fonctionnaires reclassés et non classifiés de l'entreprise.

M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a tenu à rappeler que le Parlement a su être réactif lorsque le Gouvernement lui a soumis, à la fin de l'année 2002, le projet de redressement de France Télécom, s'abstenant notamment de toute mesure d'obstruction.

Rappelant que les réseaux de télécommunication ont été constitués avec des fonds publics, il s'est interrogé sur l'opportunité d'une privatisation, surtout à l'heure où le rachat de Péchiney par Alcan vient montrer que cette privatisation peut entraîner une perte de contrôle totale de l'entreprise.

Concernant le projet de loi, il s'est interrogé sur l'absence de séparation entre le contenant et le contenu, France Télécom restant gestionnaire du réseau et prestataire de services. Il a estimé que le secteur des télécommunications pourrait en effet prendre appui sur un opérateur de réseau public jouant un rôle comparable à Réseau de transport d'électricité (RTE) dans le domaine de l'énergie.

Il s'est enfin interrogé sur la situation qui serait créée par un refus de France Télécom de prendre en charge le service universel ; le présent projet de loi prévoyant dans ce cas une procédure de désignation d'office, il a demandé au ministre quelles seraient ses intentions dans cette hypothèse.

M. Jean-Paul Charié a tout d'abord rappelé que M. Breton venait d'indiquer à la Commission qu'il était du devoir de France Télécom d'assurer le service universel. Il a ensuite souscrit à l'analyse du ministre sur la situation financière de l'entreprise, qui reste la plus endettée au monde, même avec la baisse de 20 milliards d'euros de son endettement.

S'agissant du financement du service universel, il a interrogé le ministre sur l'amendement de M. Gérard Larcher, voté au Sénat, concernant la rétroactivité à l'année 2002 du nouveau mode de calcul des contributions.

Il a ensuite souhaité une clarification des compétences des collectivités publiques dans le secteur, estimant que, si l'initiative locale était souvent à l'origine de la dynamique et des ententes, elle ne devait pas suppléer les compétences des entreprises.

M. Serge Poignant a interrogé le ministre sur la possibilité d'intégrer les charges liées à la localisation des appels d'urgence dans le service universel, les services départementaux d'incendie et de secours ayant de très gros besoins dans ce domaine.

En réponse aux différents intervenants, M. Francis Mer a apporté les précisions suivantes :

- concernant une possible « privatisation », le Gouvernement n'a pas d'autre intention avec ce projet de loi que de mettre France Télécom dans les meilleures conditions pour le futur, et de lui permettre de trouver des partenaires. La privatisation n'est pas l'objectif du texte, même si elle pourrait, à terme, en être une conséquence. L'entreprise n'est pas handicapée par son statut public, mais par les implications juridiques de ce statut et l'impossibilité, notamment, de se refinancer sur les marchés ;

- s'agissant du service universel, l'Etat restera responsable de ses conditions de mise en œuvre et il est clair que France Télécom sera désignée comme opérateur en l'absence de candidat, car elle est l'entreprise majeure du secteur ;

- le texte limite le périmètre du service universel aux téléphones fixes, en conformité avec les directives européennes actuelles. Le haut débit sera sans doute intégré ultérieurement, dans le cadre du réexamen de ce périmètre qui commencera en 2004. Sur ce sujet, il convient d'être pragmatique, et non idéologique ;

- s'agissant de la recherche, la stratégie française doit être claire : il convient de sortir de la crise par le haut, en renouvelant l'offre en direction de nos voisins européens, mais également des marchés émergents, comme celui de la Chine, pays qui dispose d'un pouvoir d'achat grandissant et qui, avec 2,5 milliards d'habitants et donc de consommateurs, ne peut pas être uniquement considérée comme un danger. La France doit comprendre qu'à l'avenir certaines activités industrielles seront plus difficiles à maintenir sur le territoire, alors que, parallèlement, la Chine constituera un formidable marché pour nos activités si nous savons les renouveler et vendre notre savoir-faire et nos compétences. Dans ce cadre, la recherche est fondamentale et des efforts supplémentaires seront nécessaires, les chefs d'entreprise et les cadres n'ayant pas tous intégré cette nouvelle donnée. France Télécom continuera à investir dans ce domaine, car elle a bien compris que les entreprises ne peuvent bâtir leur futur que sur le renouvellement permanent de leur offre, Microsoft, grâce au génie de Bill Gates, étant à cet égard un formidable exemple et une belle réussite au niveau mondial. Cette entreprise, privée, a bien compris l'enjeu et finance, dans le monde entier et de manière permanente, des recherches sur son secteur ;

- il n'y a pas lieu de nourrir des inquiétudes quant à la faculté d'adaptation des fonctionnaires employés par France Télécom. L'expérience a, en effet, montré, depuis 1995, avec la mutation tout à fait extraordinaire de cette entreprise, conduite par ses dirigeants successifs et notamment par M. Michel Bon (pour lequel M. Françis Mer a indiqué avoir beaucoup d'estime), que les personnels sous statut de la fonction publique, qui représentent aujourd'hui environ 80 % des effectifs de la maison mère, ont été capables de se mobiliser. Il n'y a aucune raison qu'il n'en soit pas de même dans l'avenir, car leur motivation principale est de participer au développement des télécommunications ;

- en ce qui concerne les réseaux, la comparaison entre le secteur des télécommunications et celui de l'électricité n'est pas pleinement pertinente. Le réseau de transport d'électricité constitue un vrai monopole naturel. Il est beaucoup plus difficile de construire des lignes à haute tension que des lignes de transport de données et, en matière de télécommunications, à la différence de l'électricité, il existe des solutions techniques alternatives au réseau filaire ;

- l'évolution législative en matière de télécommunications passe actuellement par le canal de trois projets de loi. Deux d'entre eux, le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom et le prochain projet de loi d'habilitation à la transposition par voie d'ordonnance des directives dites du « paquet télecoms » ont un objet spécialisé. Le troisième, qui est le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, dont la discussion par l'Assemblée nationale est prévue les 7 et 8 janvier prochains, a un objet plus ouvert. Dans ce projet de loi, tous les sujets, notamment les conditions d'intervention des collectivités locales, la question de la couverture du territoire par la téléphonie mobile, les modifications nécessaires à la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et la meilleure articulation des rôles respectifs de l'Autorité de régulation des télécommunications et du Conseil supérieur de l'audiovisuel, pourront être traités. Le Gouvernement souhaite parvenir, en concertation avec la Commission des affaires économiques de l'Assemblée, à un point d'équilibre quant à la définition de la communication publique en ligne. Une définition équilibrée a été établie dans le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, mais il est encore possible de progresser. Toutefois, ce projet de loi ne peut être utilisé pour réécrire entièrement la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication ;

- la séparation des réseaux n'est pas essentielle en matière de télécommunications notamment parce qu'il s'agit d'un secteur où plusieurs réseaux rentables peuvent coexister comme l'illustre l'exemple de la téléphonie mobile. L'innovation en matière de services est réalisée par les détenteurs des réseaux et la séparation des activités conduirait à une moindre amélioration des services. La situation est donc différente de celle de l'électricité. Pour ce secteur, la séparation des réseaux, gérés aujourd'hui par RTE, est nécessaire mais cette filialisation doit intervenir au sein d'EDF. On ne peut pas prendre le risque de séparer les activités de production, de transport et de distribution d'électricité qui font, industriellement, partie de la même entreprise. RTE doit donc être filialisé, pour être mis au service des opérateurs concurrents, mais à l'intérieur d'EDF ;

- l'efficacité des fonctionnaires de France Télécom ne fait pas de doute, même dans un contexte où l'entreprise doit faire face à des évolutions importantes ;

- le projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique prévoit que les collectivités territoriales peuvent devenir opérateurs de télécommunication. Il s'agit donc de les autoriser à investir dans un réseau pour apporter de nouveaux services là où le marché ne le permet pas encore. Il faut néanmoins rester confiant dans les capacités des acteurs économiques à prendre ce genre d'initiatives, en collaboration avec les collectivités locales ;

- il y a en effet des travaux à mener pour la localisation des personnes en difficulté usant des appels d'urgence, compte tenu du fait que les technologies GSM actuelles sont d'une efficacité limitée dans ce domaine. La solution pourrait être apportée par la technologie UMTS, bien plus performante en matière de géo-localisation ;

- la téléphonie mobile n'appartient pas actuellement au service universel, mais son inclusion pourra être envisagée dès 2004 dans le cadre des négociations communautaires pour le réexamen du périmètre du service universel. D'ailleurs, conformément au projet de loi tel que modifié par le Sénat, le Gouvernement devra remettre un rapport au Parlement sur le service universel et notamment sur la couverture en téléphonie mobile, examinant les conditions techniques et économiques permettant d'inclure la téléphonie mobile dans le périmètre du service universel ;

- en ce qui concerne le renouvellement des licences GSM, l'ART mène actuellement une consultation publique, permettant de redéfinir en 2004 des conditions d'octroi tenant compte des critères de qualité du service et de couverture du territoire en téléphonie mobile ;

- il faut créer les conditions pour que les opérateurs privés du câble aient le désir d'engager la restructuration de leurs activités, faute de quoi notre pays risque de perdre cette technologie précieuse. Il faut donc supprimer certaines contraintes désuètes, comme par exemple le seuil des 8 millions d'habitants. Ainsi les opérateurs privés pourront s'entendre pour relancer l'offre du câble en France ;

- le coût du service universel sera évalué à la fois par l'ART et par les candidats, afin que leur demande lors des appels d'offre ne soit pas excessive. Il est néanmoins probable que seul France Télécom pourra prendre en charge l'ensemble des missions de service universel à court terme, ce qui justifie que l'ART continue pour l'instant de fixer le coût du service universel à partir d'un audit des comptes de France Télécom ;

- l'application rétroactive sur l'année 2002 des modifications du mode de financement du service universel peut susciter certaines réserves.

A ce sujet, M. Christian Béchon, directeur adjoint du cabinet de M. Francis Mer, a indiqué que les fournisseurs d'accès à Internet opéraient avec des marges financières très réduites, et qu'ils contribuaient proportionnellement davantage aux charges de service universel que les autres opérateurs de télécommunication. C'est pour cette raison que la rétroactivité a été introduite lors de la discussion au Sénat, mais sans qu'elle s'applique à une année antérieure à 2002, année la plus ancienne pour laquelle la valeur définitive des contributions n'a pas encore été arrêtée ;

- la mesure relative à la revente de l'abonnement a été introduite à l'initiative des sénateurs, afin de tenir compte des délais prévisibles d'examen du présent projet de loi, sachant par ailleurs que le Gouvernement souhaite transposer rapidement cette directive, au cours du premier semestre 2004. Parallèlement au processus d'examen du projet de loi, France Télécom et Cegetel se sont mis d'accord sur un dispositif contractuel, conduisant à ce que l'abonné de Cegetel ne reçoive plus qu'une facture au lieu de deux auparavant. L'amendement sénatorial ayant atteint son but, le Gouvernement souhaiterait la suppression de l'article 9 nouveau du projet de loi, malgré la nouvelle navette au Sénat que va imposer cette suppression.

Le président Patrick Ollier a indiqué que la Commission soutiendra l'amendement que le rapporteur ne manquera pas de déposer en ce sens.

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EXAMEN DES ARTICLES

Le projet de loi se décompose en quatre parties.

La première concerne les « obligations de service public des télécommunications », et réorganise les conditions d'attribution de la gestion des missions du service universel.

La seconde précise les « conditions d'emploi des fonctionnaires de France Télécom » de manière à pérenniser leur situation même en cas de passage complet de l'entreprise sous un régime de droit privé.

La troisième relative au « statut de France Télécom » lève la contrainte sur la détention par l'Etat, directement ou indirectement, de la moitié du capital.

La dernière partie rassemble les « dispositions transitoires et finales » fixant les conditions de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, et de leur application à Mayotte.

Les modifications introduites concernent principalement le code des postes et télécommunications, et la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications.

Deux articles additionnels (articles 2 bis et 10) votés par le Sénat, relatifs respectivement au monopole de TDF et à la suppression de la limite des huit millions d'habitants pour la zone desservie par un câblo-opérateur, modifient la loi du 30 septembre 1996 relative à la liberté de communication.

Ce projet de loi comporte de très nombreuses modifications de quelques mots dans les textes existants, souvent en vue de coordination. C'est en particulier le cas de toutes les dispositions qui marquent la sortie de France Télécom du statut d' « exploitant public », fixé par la loi du 2 juillet 1990.

Lors de son examen du projet de loi, la Commission a rejeté l'exception d'irrecevabilité présentée M. Alain Bocquet et la question préalable présentée par M. Jean-Marc Ayrault.

TITRE IER

ADAPTATION DU SERVICE UNIVERSEL

Les deux premiers articles de ce titre visent d'une part à transposer en droit français les nouvelles modalités de fonctionnement du service universel, telles qu'elles résultent du « paquet télécoms » communautaire de 2002, et d'autre part, à entériner le nouveau mode de calcul de la contribution des opérateurs au fond du service universel, tel qu'il a déjà été défini suite à un amendement sur le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.

L'article 1er adapte le code des postes et télécommunications, l'article 2 la loi de 1990.

La disposition finale de l'article 1er qui se référait initialement à la loi du 30 septembre 1986, et au monopole de TDF, a été opportunément transformée en article additionnel par le Sénat, ce transfert n'ayant pas eu qu'une portée rédactionnelle, puisqu'il s'est accompagné d'une consolidation par importation des éléments afférents dans le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

Article 1er

(Articles L. 35 à L. 35-7 et L. 36-7 du code des postes et télécommunications ;
article 51 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986)

Organisation du service universel

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Daniel Paul et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains tendant à la suppression de l'article 1er.

Ce long article comporte neuf paragraphes, qui visent pour l'essentiel à transposer la directive 2002/22/CE du 7 mars 2002 relative au service universel, et à en tirer les conséquences.

Le paragraphe I modifie l'intitulé « Le service public des télécommunications » du chapitre III du titre Ier du Livre II du code des postes et télécommunications, qui devient « Les obligations de service public ». Cette disposition s'explique par le passage d'une situation où il y avait un service public des télécommunications, exécuté quasi exclusivement par une entreprise publique, à une situation où des obligations de services publics pèsent sur tous les opérateurs, dans le cadre principalement du service universel, sauf en ce qui concerne les questions touchant à la défense et à la sécurité.

Le paragraphe II porte une modification rédactionnelle de l'article 35 du code des postes et télécommunications, remplaçant la référence au « service public » par la mention des « obligations de service public ».

Le paragraphe III propose une nouvelle rédaction des articles L. 35-1 à L. 35-3 du code des postes et télécommunications :

La nouvelle rédaction de l'article L. 35-1 transpose les articles 4 à 7, et 9 de la directive 2002/22/CE. Il reprend la définition des différentes composantes du service universel déjà identifiées dans le droit actuel :

- l'accès, à un prix abordable, à la ligne fixe ;

- la fourniture du service de renseignements et d'annuaire ;

- l'équipement du territoire en cabines téléphoniques publiques ;

- l'offre de conditions tarifaires et techniques particulières pour les personnes handicapées ou à faible revenu.

La nouvelle rédaction permet d'inclure dans le service universel, conformément à la directive, deux dimensions nouvelles :

- les « communications par télécopie » ;

- les « communications de données à des débits suffisants pour permettre l'accès à Internet ».

En outre, une réorganisation des paragraphes permet de clarifier le fait que les dispositions relatives au maintien d'un service restreint pendant une année en cas de défaut de paiement s'appliquent à tous les abonnés, indépendamment de celles relatives aux conditions spécifiques pour les personnes à faible niveau de revenu ou handicapées.

Par ailleurs, cette nouvelle rédaction ajoute qu'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et des télécommunications, précise les modalités d'application du présent article et le contenu de chacune des composantes du service universel.

La Commission a rejeté, sur l'avis défavorable de M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur, l'amendement de M. Gérard Voisin ayant pour effet de modifier le deuxième alinéa de l'article L. 35-1 du code des postes et télécommunications, ainsi que les amendements de même objet de MM. Gérard Voisin, Alain Venot, Serge Poignant et Jacques Bobe, Jean Dionis du Séjour et François Sauvadet, Michel Raison, prévoyant que le coût de la localisation géographique des appels d'urgence soit pris en compte au titre des obligations couvertes par le fonds de service universel.

MM. Jean-Paul Charié et François Brottes ont demandé des précisions sur la solution alternative proposée par le rapporteur.

M. Alfred Trassy-Paillogues a expliqué que seule une directive européenne pouvait modifier le champ des obligations de service universel, mais que la préoccupation manifestée par les services départementaux d'incendie et de secours méritait néanmoins d'être prise en compte ; qu'il proposait pour sa part, que le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 35-4 du code des postes et télécommunications détermine aussi les conditions dans lesquelles les services d'urgence pourraient accéder gratuitement à un dispositif d'annuaire inversé pour localiser les appels, et faciliter l'intervention des services de secours ou de police.

M. François Brottes a alors fait remarquer que la solution proposée par le rapporteur comportait une imprécision car l'amendement proposé omettait d'indiquer que le texte réglementaire en question devrait définir la notion d'appel d'urgence. Il a suggéré une modification rédactionnelle allant en ce sens, M. Jean-Marie Binetruy faisant également une proposition rédactionnelle.

En réponse, M. Patrick Ollier a précisé qu'il s'agissait d'un véritable problème et qu'une solution alternative serait proposée dans le cadre de la réunion de l'article 88.

La Commission a alors rejeté les amendements suivants : 3 amendements de M. Gérard Voisin, un amendement de M. Alain Venot, un de M. Serge Poignant et Jacques Bobe, un amendement de M. Jacques Dionis du Séjour et François Sauvadet, un de M. Michel Raison et un de M. Jean-Pierre Gorge.

La nouvelle rédaction de l'article L. 35-2 établit en cinq alinéas les modalités d'attribution de la gestion du service universel. Ces modalités se conforment aux dispositions de l'article 8 de la directive 2002/22/CE établissant les règles de la désignation des entreprises titulaires.

Le premier alinéa prend en compte l'indication du paragraphe premier de l'article 8 de la directive, qui rend possible une attribution séparée par composante. Seules trois composantes sont retenues :

- l'accès, à un prix abordable, à la ligne fixe ;

- la fourniture du service de renseignements et d'annuaire ;

- l'équipement du territoire en cabines téléphoniques publiques.

Cela signifie que l'offre de conditions tarifaires et techniques particulières pour les personnes handicapées ou à faible revenu n'est pas identifiée comme une composante, mais se trouve intégrée dans l'accès à la ligne fixe, en particulier pour les conditions tarifaires aux personnes à faible revenu, et à l'équipement en cabines téléphoniques pour les conditions techniques à destination des personnes à handicap. Ces précisions ont en tout cas vocation à figurer dans le décret d'application visé au cinquième alinéa.

La Commission a examiné un amendement de M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur (amendement n° 1) laissant la possibilité de ne pas lancer d'appel à candidature pour les services universels d'annuaires et de renseignements lorsque la fourniture de ce service est spontanément offerte par les opérateurs du marché, cas de figure qui n'est plus improbable depuis la libéralisation organisée par le décret du 1er août 2003 relatif aux annuaires universels et aux services universels de renseignements.

M. François Brottes a indiqué que son groupe était totalement opposé à cette démarche qui conduisait à vider de son contenu la notion de service universel.

M. Daniel Paul a fait part de sa totale opposition et a indiqué qu'il partageait le jugement de M. François Brottes.

Puis la Commission a adopté l'amendement du rapporteur.

Le second alinéa met en place, conformément aux dispositions du second paragraphe de l'article 8 de la directive 2002/22/CE, une nouvelle procédure d'attribution des composantes du service universel : le mécanisme de désignation doit être « efficace, objectif, transparent, et non discriminatoire ». Le projet de loi retient en l'occurrence la procédure d'un « appel à candidatures ».

Il devrait y avoir normalement autant d'appels à candidatures que de composantes à attribuer, à savoir trois.

Ces trois appels à candidatures sont lancés à l'initiative du ministre chargé des télécommunications, qui désigne les attributaires.

Les critères sont au nombre de quatre :

- la capacité du candidat à assurer la fourniture sur l'ensemble du territoire national ;

- les conditions techniques ;

- les conditions tarifaires ;

- le coût net de fourniture.

Sur ce dernier point, la rédaction retenue précise « le cas échéant ». Il convient de souligner l'ambiguïté de cette expression qui, au fond, renvoie au fait que ce coût « net », c'est-à-dire tenant compte des avantages que procure la position de prestataire du service universel, peut être nul, voire à l'extrême négatif (plus d'avantages que de charges). Cependant cette rédaction peut aussi laisser entendre que le quatrième critère d'évaluation des candidatures n'est utilisé que de manière facultative, à la discrétion du ministre des télécommunications.

Le troisième alinéa établit que si l'appel à candidature ne permet pas de trouver l'opérateur, le ministre chargé des télécommunications peut imposer à un opérateur « capable » d'assurer le service universel, ce qui garantit la continuité de celui-ci.

Le quatrième alinéa, introduit à l'initiative du Sénat, prévoit un avis de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications sur le cahier des charges de chaque opérateur en charge d'une composante du service universel.

Le cinquième alinéa prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et des télécommunications, précise les modalités d'application du présent article et le contenu de chacune des composantes du service universel.

La nouvelle rédaction de l'article L. 35-3 décrit les mécanismes de fonctionnement du fonds du service universel sous ses différents aspects.

Il comporte neuf paragraphes.

·  Le paragraphe I concerne l'évaluation des coûts nets imputables aux obligations de service universel.

Ce paragraphe a fait l'objet lors de sa lecture au Sénat d'une modification rédactionnelle visant à mieux mettre en valeur l'importance d'une évaluation sur la base d'une comptabilité appropriée. Cependant la rédaction comporte encore des ambiguïtés.

La première phrase indique que les coûts nets imputables sont ceux évalués dans le cadre des appels à candidature ou des désignations d'office. Or, rien ne prévoit, dans ce qui précède, la nécessité pour un opérateur de produire un coût net de fourniture lorsqu'il est désigné d'office. Dans le cas d'un opérateur s'étant porté candidat, la production d'un coût net de fourniture n'est pas automatique, puisque la nouvelle rédaction de l'article L. 35-2 laisse subsister l'ambiguïté liée à l'expression « le cas échéant ».

Cette première phrase laisse penser que le coût net imputable pris en compte comme base du calcul des contributions au service universel reste le même tout au long de la période qui s'écoule jusqu'au prochain appel à candidature. Cela rend d'autant plus délicat l'absence de détermination de ce coût net dans les cas mentionnés précédemment. De plus, ce dispositif ne tient pas compte d'une éventuelle évolution du coût net, à la hausse ou à la baisse, dans les années qui suivent celle de l'attribution.

La deuxième phrase met en place, à l'initiative de l'ART qui désigne pour ce faire un organisme « indépendant », une procédure d'audit a posteriori sur l'évaluation du coût net, laquelle doit se fonder sur une « comptabilité appropriée ». Cependant, il n'est tiré aucune conséquence du cas où serait constaté un écart entre l'évaluation faite initialement par les opérateurs candidats, et l'évaluation effectuée sous le contrôle de l'ART.

Cela donne à penser que la procédure d'évaluation décrite s'applique peut-être dans un autre contexte que celui d'un contrôle a posteriori : elle interviendrait alors en amont de la procédure d'appel à candidatures, et serait imposée à tous les opérateurs candidats. Le « coût net de fourniture » visé à l'article L. 35-2 ne serait alors plus un chiffre produit par le candidat, mais résultant de la procédure d'audit décrite dans cette deuxième phrase. Cela déclencherait alors en amont de l'appel à candidatures un dispositif de gestion assez lourd pour l'ART, puisque celle-ci devrait suivre tous les candidats ; et ceux-ci auraient à engager des frais d'audit dans la phase préalable de candidature, sans être certains d'être désignés.

Cette hypothèse d'un audit réalisé dès l'étape de la candidature ne résiste cependant guère à l'indication, dans la deuxième phrase, de ce que les coûts nets sont évalués sur la base d'une comptabilité appropriée tenue par les opérateurs. En effet, cela signifie qu'au moment de l'audit, l'opérateur a déjà accumulé des informations sur les prestations qu'il fournit dans le cadre du service universel. Dans l'absolu, s'il n'est que candidat, il n'est donc pas en mesure de présenter cette comptabilité appropriée. Il ne peut effectuer que des estimations. Bien sûr, le candidat France Télécom se trouvera quant à lui dans une situation « contrôlable », du fait de son antériorité en tant qu'opérateur de service universel désigné par la loi. Mais le dispositif juridique doit convenir à toute situation, en intégrant l'hypothèse qu'il sera possible un jour que d'autres candidats « capables » se présentent.

La troisième phrase précise que la notion de « coût net » s'entend comme intégrant « l'avantage sur le marché que les opérateurs soumis à des obligations de service universel retirent, le cas échéant, de ces obligations ». C'est là un point de définition important qui s'applique non seulement à l'évaluation dans le cadre de l'audit, mais aussi à l'évaluation initiale produite par l'opérateur au moment de sa candidature.

Certes, en vertu de l'article 34 de la constitution, la loi n'a pas à entrer dans les détails d'une procédure relevant au sens large des « obligations commerciales », puisqu'elle n'a vocation à fixer dans ce domaine que « les principes fondamentaux ». Cependant, à tout le moins, ces « principes fondamentaux » doivent définir un schéma général lisible, et en l'occurrence, une mise en cohérence de la procédure d'appel à candidatures, et de la procédure d'évaluation du coût net apparaît donc nécessaire.

C'est là la justification d'un amendement présenté par M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur, (amendement n°2) indiquant que les coûts nets pris en compte pour la compensation au titre du service universel ne pouvaient être supérieurs à ceux sur lesquels les opérateurs s'engageaient au stade de l'appel à candidatures. Il a indiqué que cet amendement visait à mettre en cohérence le fait que les appels à candidature conduisaient les candidats à formuler une demande de compensation à travers une évaluation a priori du coût net et d'autre part que l'ART intervenait chaque année pour vérifier a posteriori ce coût net sur la base d'une comptabilité appropriée. Il a fait remarquer que, dans la rédaction actuelle, le besoin de mise en cohérence pourrait conduire à considérer que le coût net du service universel devait être évalué sur la base d'une comptabilité auditée dans le cadre même des appels à candidature, ce qui aurait pour inconvénient d'alourdir considérablement le processus des appels à candidature, l'absence d'évaluation annuelle en dehors des appels à candidature signifiant par ailleurs que le coût net du service universel serait figé pour plusieurs années.

M. François Brottes a demandé comment était fixé le coût net. En réponse, M. Alfred Trassy-Paillogues a indiqué qu'il correspondait au coût réel après soustraction de ce qui était considéré comme un avantage retiré par l'opérateur du fait de sa position de prestataire de service universel, que ce coût net était calculé par l'ART.

M. François Brottes a fait remarquer que le groupe socialiste était réservé sur cette notion de « coûts nets » qui laisse toute possibilité d'interprétation possible. Il a donc conclu en indiquant qu'il faudrait plutôt parler du coût réel.

M. Alfred Trassy-Paillogues a précisé que c'était un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 6 décembre 2001 qui rendait obligatoire la soustraction des avantages retirés par l'opérateur, la précision croissante quant à la prise en compte de ces avantages ayant considérablement fait baisser les évaluations de coûts nets pour l'année 2002, celles-ci passant ainsi de 297 millions d'euros initialement aux alentours de 140 millions probablement lors de l'évaluation définitive en 2004.

Puis la Commission a adopté l'amendement du rapporteur.

·  Le paragraphe II modifie les conditions de financement du service universel.

En son premier alinéa, il entérine le passage à une clef de répartition de la contribution des entreprises en fonction de leur chiffre d'affaires réalisé au titre des services de télécommunications. Cette évolution a en effet déjà été acceptée par les deux chambres au cours de la première lecture du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, à travers l'adoption de son article 37 bis. En l'état actuel, la répartition se fait en fonction du volume de trafic généré, par l'activité de l'entreprise, sur le réseau de téléphonie fixe.

Cet élargissement de l'assiette de la contribution au service universel est doublement conforme aux dispositions de la directive 2002/22/CE « Service universel », puisque son article 13 prévoit :

- d'une part, que la charge correspondant au coût net des obligations de service universel peut être répartie « entre les fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques » ; le mode de calcul de la contribution n'a donc pas à avoir nécessairement un lien avec l'utilisation du réseau de téléphonie fixe ;

- d'autre part, que le mécanisme de répartition adopté doit respecter les « principes de transparence, de distorsion minimale du marché, de non-discrimination, et de proportionnalité » ; or, la clef au chiffre d'affaires est conforme d'évidence au principe de transparence et de proportionnalité ; a priori, avant prise en compte des dispositifs d'exonération, elle est conforme au principe de non-discrimination ; enfin, elle est plus conforme que la clef au volume de trafic au principe économique de « distorsion minimale », puisqu'en reposant sur une assiette plus large, elle permet un taux de prélèvement moyen plus bas, donc minimise de ce fait les « pertes sociales sèches », prenant la forme d'une frustration des consommateurs, dont on sait depuis les travaux de l'ingénieur français Jules Dupuit en 1842, qu'elles sont indissociables de tout prélèvement public, et qu'elles varient selon le carré du taux de prélèvement. En outre, une taxe sur le chiffre d'affaires est plus neutre technologiquement qu'une taxe s'appuyant sur un critère particulier d'activité, ici l'utilisation du réseau de téléphonie fixe ; c'est ce constat qui a donné une assise forte à sa mise en place en 1954, puis a assuré le succès ultérieur en France et dans le monde, de la fameuse TVA.

Ayant la même assiette que la TVA, le dispositif proposé de contribution au service universel soulève la même difficulté quant au risque de compter plusieurs fois le même chiffre d'affaires lorsque les entreprises effectuent entre elles des opérations commerciales. Un dispositif d'ajustement est prévu qui écarte de l'assiette les prestations d'interconnexion et d'accès, ainsi que les autres prestations réalisées ou facturées pour le compte d'opérateurs tiers.

La logique adoptée pour éviter un double comptage est ici inverse de celle choisie pour la TVA : lorsqu'une opération commerciale a lieu entre deux opérateurs, il faut que le chiffre d'affaires correspondant à cette opération entre dans l'assiette de contribution soit de celui qui achète, soit de celui qui vend. Avec la TVA, il entre dans l'assiette de celui qui vend, puisque c'est là la manière de prendre en compte sa « valeur ajoutée ». Avec la contribution au service universel, au contraire, il entre dans l'assiette de celui qui achète, à travers le montant total des prestations qu'il va ensuite pouvoir fournir lui-même grâce à cet achat.

Ce dispositif a pour effet d'exempter totalement un opérateur qui ne fournirait lui-même aucun service aux clients finals, en restant par exemple dans le rôle d' « opérateur d'opérateur ».

Lorsqu'il y a une cascade d'opérations entre opérateurs, c'est uniquement le dernier opérateur de la cascade qui doit acquitter la contribution au service universel sur le chiffre d'affaires correspondant. Comme les opérateurs placés en amont de la cascade sont exemptés, il n'y a pas de répercution entre opérateurs. La répercution de la charge que constitue la contribution s'effectue uniquement en bout de cascade : le dernier opérateur, celui qui doit acquitter la contribution, se trouve en mesure de la répercuter sur le client final, en l'intégrant comme élément de coût dans son prix.

Tout est ainsi organisé pour que ce soit le client final qui supporte la charge de la contribution, les opérateurs étant de fait exemptés, sauf en apparence les opérateurs en bout de cascade, mais qui jouent de fait le rôle de collecteur.

Le cas de la facturation pour compte de tiers est prévu. Comme il ne s'agit pas d'une prestation directe au client final, elle entre dans le champ de l'exemption pour l'opérateur qui facture, et dans l'assiette de contribution pour l'opérateur qui réalise de fait la prestation.

Basé sur le même principe, le dispositif est beaucoup mieux ajusté, au niveau des divers cas de figure à couvrir, que celui de l'article 37 bis du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.

Le second alinéa du paragraphe II met en place le seul cas d'atteinte à la non-discrimination prévu par l'article 13 de la directive 2002/22/CE, celui des petites contributions.

L'exonération des petites contributions a un sens économique lorsqu'elle correspond à une situation où le coût administratif du prélèvement pourrait atteindre une valeur supérieure au montant du prélèvement. Elle peut avoir aussi une signification politique lorsqu'elle se situe dans la perspective d'une entrée des collectivités locales dans le monde des télécommunications à travers le métier non pas d'« opérateur d'opérateur », c'est-à-dire de fournisseur de capacité à un autre opérateur, qui sera exempté, mais d'opérateur, selon le devenir de la rédaction du futur article L.1425-1 du code général des collectivités territoriales, en discussion à l'article 1er A du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, dont la seconde lecture devrait commencer à l'Assemblée nationale en janvier 2004. Ce nouveau dispositif devrait en effet concerner en priorité des collectivités locales victimes de la « fracture numérique », c'est-à-dire situées dans des zones de faible densité démographique, et leur intervention dans le domaine des télécommunications pour assurer l'accès au haut débit sur leur territoire ne devrait donc pas produire des chiffres d'affaires très volumineux.

Afin de rendre plus facilement adaptable, le seuil de chiffre d'affaires en dessous duquel une exonération est accordée, il est prévu de fixer celui-ci par décret en Conseil d'Etat.

La Commission a examiné un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à supprimer l'exonération des petits contributeurs au financement du service universel.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur, a fait remarquer que cette souplesse était prévue par l'article 13 de la directive européenne 2002/22/CE « service universel » et a indiqué qu'elle prenait tout son sens économique lorsque le coût du prélèvement de la contribution était supérieur à la contribution elle-même.

Puis la Commission a rejeté l'amendement de M. Jean Dionis du Séjour.

Le troisième alinéa du paragraphe II reprend le dispositif de « pay or play », c'est-à-dire d'alternative entre une contribution en nature ou en argent, déjà en vigueur dans le code des postes et télécommunications.

La rédaction nouvelle proposée est plus large puisqu'elle couvre le cas de prestations en direction de certaines catégories d'abonnés à faible niveau de revenu ou pénalisées par un handicap, en envisageant aussi bien un effort tarifaire qu'un effort au niveau des « conditions techniques », alors que le droit actuel ne prévoit que le cas de « tarifs spécifiques ». L'effort fait par les opérateurs en direction des handicapés est donc mieux pris en compte.

En outre, la rédaction nouvelle prévoit le cas, ouvrant droit également à déduction, d'une participation spontanée des opérateurs à la composante du service universel relative à l'annuaire et au service de renseignement.

La possibilité de participer à cette composante du service universel a été organisée par le décret du 1er août 2003 relatif aux annuaires universels et aux services universels de renseignements, qui prévoit notamment que « les opérateurs communiquent les listes d'abonnés et d'utilisateurs ... à toute personne souhaitant éditer un annuaire universel ou fournir un service universel de renseignement », disposition intégrée à l'article R.10-4 du code des postes et télécommunications. Potentiellement cette composante du service universel peut donc être fournie par un autre opérateur que celui choisi officiellement pour la prendre en charge, et c'est ce qui justifie que le texte du projet de loi, reprenant en cela une recommandation de l'ART formulée dans son avis n° 02-145 du 21 février 2002 sur le décret précité, propose d'appliquer le dispositif de « pay or play » à « l'un des éléments » de cette composante.

Cependant cet élargissement de la portée du « pay or play » poserait un certain nombre de difficultés. En premier lieu, cette composante ne donne lieu actuellement à aucune compensation au titre du fonds de service universel, car elle est considérée comme procurant des avantages induits équivalents à la charge supportée. Cela tient, en particulier, à ce que l'activité de production d'un annuaire permet de recueillir de nombreuses recettes annexes à travers l'offre d'encarts publicitaires. Une compensation au titre du « pay or play » n'aurait donc pas de sens, puisqu'elle n'est même pas accordée à l'opérateur du service universel.

Mais surtout, l'activité de production d'un annuaire universel pourrait désormais intéresser, du fait des recettes potentielles, des éditeurs sans aucun lien avec le monde des télécommunications, et qui ne pourraient donc pas bénéficier du mécanisme du « pay or play », car celui-ci est valable uniquement au sein du dispositif du service universel. Il en résulterait une forte distorsion de concurrence entre les opérateurs éligibles au « pay or play », qui se lanceraient dans la production de l'annuaire universel, et ces éditeurs.

La Commission a examiné un amendement de M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur, (amendement n°3) visant à empêcher la possibilité de faire jouer le dispositif du pay or play, c'est-à-dire de l'équivalence d'une contribution en nature et en argent, sur l'un des trois éléments de la composante annuaire universel et service universel de renseignement, à savoir l'annuaire imprimé, l'annuaire électronique et le service de renseignements.

M. François Brottes a indiqué que cet amendement avait, comme d'autres examinés auparavant, pour philosophie de vider de sa substance la notion de service universel, et M. Daniel Paul a soutenu cette position en indiquant qu'il s'opposait à toute restriction du périmètre du service universel.

Puis la Commission a adopté l'amendement du rapporteur.

Le quatrième alinéa du paragraphe II a été introduit par le Sénat. Il donne un caractère rétroactif à l'application de la nouvelle règle de calcul des contributions au service universel, en permettant son utilisation pour l'évaluation des contributions de l'année 2002. En dehors de l'évidente volonté de favoriser les contributeurs avantagés par le nouveau mode de calcul, la justification invoquée est que l'arrêté fixant les contributions définitives des opérateurs au fonds de service universel pour l'année 2002 n'est pas encore publié, puisque cette fixation définitive n'intervient, en raison de la lourdeur des vérifications qui sont nécessaires, que dans la deuxième année qui suit la clôture d'un exercice.

Cependant cet argument joue sur l'ambiguïté créée par le délai de deux années avant la fixation de la valeur définitive des contributions. On pourrait penser que la contribution due au titre d'une année est calculée sur une assiette antérieure de deux années. En fait, la contribution due au titre d'une année est due l'année même, et ce sont les ajustements par rapport aux contributions prévisionnelles qui interviennent deux ans plus tard. En clair, une rétroactivité de la nouvelle règle sur l'année 2002 obligerait à une reprise complète des calculs de contribution déjà effectués pour cette année là, et qui, sinon, ne devaient faire l'objet que d'ajustements d'ici la publication de l'arrêté fixant leur valeur définitive au printemps 2004.

Comme l'indique l'article R.20-39 du code des postes et télécommunications : « L'Autorité de régulation des télécommunications notifie le montant des contributions provisionnelles à la Caisse des dépôts et consignations et à chaque opérateur au plus tard le 15 décembre de l'année précédant l'année considérée ... Les soldes définitifs relatifs à l'année considérée sont constatés et rendus publics par le ministre chargé des télécommunications au plus tard le 31 mai de la deuxième année suivant l'année considérée ... Les versements de la régulation des contributions interviennent au plus tard le 20 septembre de la deuxième année suivant l'année considérée ».

Selon cette logique, une application de la nouvelle règle à l'année 2003 aurait déjà un caractère rétroactif, car les contributions provisionnelles pour cette année ont déjà été calculées et communiquées aux opérateurs assujettis, et leur évaluation s'est appuyée sur la clef au volume de trafic. Cependant, comme les comptes de l'année 2003 ne sont pas arrêtés, il restera possible aux entreprises pénalisées par la nouvelle clef de répartition de constituer des provisions pour faire face aux variations de cette charge due au titre de l'année 2003. Mais les comptes de l'année 2002 sont en revanche clos depuis longtemps ; la rétroactivité sur l'année 2002 constituerait de ce fait une atteinte à la stabilité de l'environnement fiscal des entreprises.

La détermination par la loi de la première année d'application est nécessaire pour éviter de nouveaux aléas, et de nouveaux débats juridiques, liés aux incertitudes incontournables sur les dates de promulgation du texte, puis de publication du décret d'exonération des petites contributions et du décret d'application prévu au paragraphe IV. Il convient néanmoins d'observer qu'en l'absence de ces décrets, la notification de l'obligation de contribuer devra être adressée, sous peine de rupture de l'égalité devant la loi, à tous les opérateurs visés par le texte de la loi, c'est-à-dire à l'ensemble de ceux réalisant un chiffre d'affaires au titre des services de télécommunications.

La Commission a été saisie d'un amendement de MM. Yannick Favennec et Jean-Paul Charié, portant sur l'article L. 35-3 du code des postes et télécommunications (amendement n°4) et visant à ce que la contribution de chaque opérateur au financement du service universel s'applique à l'évaluation définitive réalisée au titre de l'année 2003 et aux suivantes et non au titre de l'année 2002 et aux suivantes.

Après que le rapporteur eut émis un avis défavorable, M. Jean-Paul Charié a tout d'abord souligné que les auteurs de cet amendement étaient extrêmement favorables à la nouvelle clé de répartition du financement du service universel, qui permettra de réduire les coûts de connexion et d'accès à Internet. Pour autant, a-t-il estimé, la disposition en cause pose un véritable problème en raison de sa rétroactivité, qui conduira à faire peser une charge de plus de 25 millions d'euros sur deux opérateurs. Il a déclaré que par principe, il ne pouvait donc souscrire à une telle disposition et a signalé son désaccord avec l'analyse du directeur de cabinet de Mme Nicole Fontaine, ministre de l'industrie, exprimée lors de l'audition de M. Francis Mer, ministre de l'économie, selon laquelle cette disposition n'était pas rétroactive au motif qu'elle conduirait à effectuer des paiements en 2004. M. Jean-Paul Charié a souligné au contraire que les contributions demandées en 2004 seraient en réalité assises sur une évaluation définitive réalisée au titre de 2002. Il a estimé peu conforme à la bonne santé des entreprises de leur imposer ainsi, a posteriori, des charges. Enfin, il a émis des doutes quant à la constitutionnalité d'une telle rétroactivité sur 2002.

M. Jean Dionis du Séjour a quant à lui indiqué partager l'avis défavorable du rapporteur. En effet, a-t-il souligné, le Parlement légifère sur cette question en décembre 2003 et elle entrera en vigueur en 2004, pour s'appliquer à une base fiscale déterminée en 2002, année la plus récente pour laquelle on dispose de données définitives. Il a par ailleurs souligné les enjeux importants de ce dispositif, notamment pour les fournisseurs d'accès Internet, aujourd'hui fragilisés, ainsi que l'intérêt qu'il y avait à modifier les règles de calcul des contributions au plus tôt.

M. Yannick Favennec a fait observer que le dispositif prévu par le projet de loi prendrait effet l'année au cours de laquelle était prévu le financement de la couverture des « zones blanches », qui représentera une charge de près de 50 millions d'euros par opérateur.

M. François Brottes a pour sa part jugé que le comportement des opérateurs aurait probablement été différent en 2002 s'ils avaient eu connaissance à l'époque de cette disposition, et a suggéré que soit mis en place un mécanisme transitoire afin de ne pas leur donner l'impression négative que les règles du jeu évoluent en cours de route.

Le président Patrick Ollier, s'inquiétant de la constitutionnalité du caractère rétroactif de cette disposition, a demandé au rapporteur s'il pouvait finaliser une proposition de rédaction, qui serait présentée lors de l'examen des amendements en application de l'article 88 du Règlement.

M. Jean-Paul Charié a souligné que contrairement au mécanisme existant en matière d'imposition (l'impôt est acquitté l'année n sur les revenus perçus l'année n-1), le projet de loi imposait aux entreprises une nouvelle charge d'exploitation pour l'année 2002, acquittée en 2004, qui revêtait donc un caractère rétroactif.

Le rapporteur a convenu de cette analyse, observant que le dispositif prévu était en effet différent de celui existant par exemple en matière de taxe professionnelle, puisque la participation due par les opérateurs au titre de l'année 2002 a déjà été payée, et a confirmé le caractère rétroactif de cette disposition également pour l'année 2003. Il a néanmoins souligné que le coût net du service universel avait été surévalué à 297 millions d'euros en 2002 et devrait être réévalué pour être ramené à 140 millions d'euros, d'où un impact pour les opérateurs lésés sous la forme d'un moindre remboursement. Il a également souligné que France Télécom ne semblait pas défavorable à cette disposition, de même que Cegetel, seul Bouygues Télécom semblant y être réticent ; il a fait observer que Bouygues Télécom ayant été particulièrement favorisé par le recours privilégié à l'itinérance locale dans le cadre du programme de couverture des « zones blanches » de téléphonie mobile, le dispositif proposé semblait équilibré. Il s'est enfin rangé à la suggestion du président Patrick Ollier de rechercher une solution satisfaisante en vue de la réunion de la Commission en application de l'article 88 du Règlement.

M. Jean-Paul Charié ayant souligné qu'il serait sans doute préférable d'adopter l'amendement afin d'alerter le Gouvernement sur cette question, le rapporteur a souscrit à cette proposition et la Commission a adopté cet amendement.

Il est à noter que cette nouvelle rédaction du paragraphe II de l'article L. 35-3 permet de faire disparaître du code la référence caduque à un dispositif transitoire, complémentaire de la contribution au service universel, de rémunération additionnelle au tarif d'interconnexion. Ce dispositif a en effet été supprimé au 1er janvier 2000, mais il présentait l'intérêt de faire jouer un mécanisme de « pay or play » au profit des opérateurs de téléphonie mobile : « En contrepartie [de l'exonération de la rémunération additionnelle], les opérateurs concernés s'engagent à contribuer, à compter du 1er janvier 2001, à la couverture, par au moins un service de radiotéléphonie mobile, des routes nationales et des autres axes routiers principaux et des zones faiblement peuplées du territoire non couvertes par un tel service ». Le code des postes et télécommunications a donc longtemps porté la trace de la volonté du législateur de faire participer les opérateurs de téléphonie mobile à la couverture des zones blanches, volonté qui prend aujourd'hui la forme de l'article 1er B du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, et de la revendication d'une intégration de la téléphonie mobile dans le champ du service universel.

·  Le paragraphe III organise les modalités institutionnelles de gestion du « fonds du service universel ».

Son premier alinéa dispose que la couverture des coûts nets du service universel n'est due que si ceux-ci représentent « une charge excessive », ce qui fait écho au dispositif des articles 12 et 13 de la directive 2002/22/CE, qui prévoient les conditions dans lesquelles « une charge injustifiée » est constatée, puis vérifiée, et enfin, si nécessaire, compensée. Ce rappel législatif des fondements du fonds du service universel permet d'ouvrir la voie, le cas échéant, à une éventuelle extinction future, sachant que la France est le seul pays au sein de la Communauté européenne, avec l'Italie, à l'avoir mis en œuvre.

Le second alinéa du paragraphe III confie à l'ART la mission de fixer d'une part, le montant des compensations dues aux opérateurs désignés pour assurer les obligations de service universel, d'autre part, le montant des contributions nettes dues au fonds par les autres opérateurs. Auparavant, l'ART calculait ces montants, puis proposait au ministre chargé des télécommunications de les constater. Cette autonomie accrue de l'ART, remplissant le rôle dévolu dans les directives à l' « autorité réglementaire nationale », correspond à un nouvel équilibre de régulation du marché des télécommunications à l'échelle communautaire, qui sera entériné en France lors de la prochaine transposition du « paquet télécoms ».

Le troisième alinéa reprend les dispositions qui, dans le droit actuel, confient la gestion comptable et financière du fonds à la Caisse des dépôts et consignation, laquelle assure également le recouvrement des contributions auprès des opérateurs.

Le quatrième alinéa reprend également les dispositions actuelles relatives en cas de défaut de paiement d'un opérateur. L'ART peut alors faire usage de ses pouvoirs de sanctions, pouvant aller jusqu'à l'interdiction d'exploiter un réseau ouvert au public ou de fournir au public des services de communications électroniques. Il ne peut plus y avoir de retrait d'autorisation, puisque le régime des licences a été supprimé par la directive 2002/20/CE dite directive « Autorisation », pour faire place à un régime déclaratif.

Il est précisé que si des sommes dues ne sont pas recouvrées, elles sont imputées sur le fonds lors de l'exercice suivant, ce qui souligne bien le fait que la contribution au service universel présente le caractère d'un impôt de répartition, qui n'a d'équivalent de ce point de vue en France, depuis la fin de l'Ancien Régime, que dans la taxe sur les ordures ménagères.

·  Le paragraphe IV dispose, comme dans le droit actuel, qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de cet article 35-3.

Mais une nouvelle disposition prévoit que ce décret déterminera également les catégories d'activités qui ne sont pas soumises, « en raison de leur nature », à la contribution au fonds de service universel. Le texte proposé précise à ce titre que ne sont notamment pas soumises à l'obligation de contribution au fonds du service universel les activités consistant en « l'acheminement et la diffusion des services de radio et télévision ».

Une seconde forme de dérogation au principe de « non-discrimination » évoqué précédemment pourrait donc être décidée par le canal de ce décret en Conseil d'Etat.

Le paragraphe IV de l'article 1er du projet de loi concerne l'article L. 35-4 du code des postes et télécommunications, relatif à l'annuaire universel et au service universel de renseignements.

Il supprime l'alinéa qui disposait que France Télécom fournissait nécessairement ce service universel d'annuaire et de renseignements. L'opérateur historique pourra naturellement continuer d'assurer ce service, mais dans le cadre de la nouvelle procédure d'appel à candidatures.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n°5) portant rédaction globale de ce paragraphe IV, et introduisant la détermination, par décret en Conseil d'Etat, des conditions d'accès des dispositifs d'urgence à un dispositif d'annuaire inversé, précédemment présenté par son auteur.

Le paragraphe V modifie l'article L. 35-5 du code des postes et télécommunications, relatif aux services obligatoires qui s'imposent aux opérateurs en dehors du service universel.

Au premier alinéa, le télex est retiré de la liste des services obligatoires, car ce service est aujourd'hui en voie de disparition.

Le troisième alinéa lève l'obligation faite nominalement à France Télécom de fournir tous les services obligatoires. Désormais, ces services pourront être confiés à tout opérateur du service universel, dans son cahier des charges.

Il convient de noter que cet article comporte en son dernier alinéa des obligations communes à tous les opérateurs, ceux-ci étant tenus de « permettre l'accès par les autorités judiciaires, les services de la police et de la gendarmerie nationales, les services d'incendie et de secours et les services d'aide médicale urgente, agissant dans le cadre de missions judiciaires ou d'interventions de secours, à leurs listes d'abonnés et d'utilisateurs, complètes, non expurgées et mises à jour ».

Le paragraphe VI modifie l'article L. 35-6 du code des postes et télécommunications.

Le premier alinéa, qui porte l'obligation pour les opérateurs de mettre en place et en œuvre les moyens nécessaires aux interceptions de sécurité, est supprimé. Cette suppression permet d'éviter une redondance avec l'alinéa suivant, d'une portée plus générale, qui dispose en effet que « les prescriptions exigées par la défense et la sécurité publique et les garanties d'une juste rémunération des prestations assurées à ce titre, à la demande de l'Etat, par les opérateurs ... sont déterminées par leur cahier des charges ».

En second lieu, une mention de date dépassée (« à compter de l'exercice budgétaire 1997 ») est supprimée.

Le paragraphe VII réajuste l'article L. 35-7 du code des postes et télécommunications à l'environnement juridique communautaire nouveau du service universel.

Dans son texte initial, datant de 1996, cet article commandait un rapport périodique du Gouvernement au Parlement sur l'adaptation du service public des télécommunications aux évolutions technologiques et aux besoins de la société. Ce rapport devait notamment permettre un suivi des opérations de couverture du territoire en téléphonie mobile en liaison avec le dispositif d'exonération de « rémunérations additionnelles » évoqués précédemment, mais également conduire à proposer «  le cas échéant, (...) l'inclusion de nouveaux services dans le champ du service universel ».

Le Gouvernement proposait d'abroger cet article mais le Sénat a repris le canevas du texte initial en l'adaptant aux préoccupations d'aujourd'hui.

En premier lieu, le même exercice de remise d'un rapport servirait de clause de rendez-vous, afin de préparer, au niveau national, l'évolution du service universel. La directive 2002/22/CE prévoit en son article 15 que la Commission revoie la portée du service universel tous les trois ans, et au plus tard pour la première fois en juillet 2005. La nouvelle rédaction de l'article 35-7 prévoit donc que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur le même sujet tous les trois ans, la première fois avant le 1er mars 2005, en se plaçant dans la perspective d'une inclusion de la téléphonie mobile d'abord, de l'Internet à haut débit ensuite.

En second lieu, ce rapport doit permettre un suivi des progrès de la société de l'information, en présentant une évolution de la consommation des ménages dans le domaine des technologies de l'information.

Enfin, ce rapport doit faire un bilan de la résorption de la « fracture numérique ».

Comme dans la rédaction initiale de 1996, ce rapport périodique doit être précédé d'une « consultation publique », et soumis préalablement pour avis à l'Autorité de régulation des télécommunications et à la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.

Le paragraphe VII bis, introduit à l'initiative du Sénat, répond à une interrogation soulevée par la mise en place de la nouvelle procédure d'appel à candidature pour l'attribution de la gestion des composantes du service universel.

Ce paragraphe crée un article L. 35-8 nouveau dans le code des postes et télécommunications, qui établit que le ministre chargé des télécommunications décide de l'opportunité de relancer les appels à candidature.

Il s'agit donc là d'un pouvoir discrétionnaire, présentant l'avantage de permettre de faire face à tout cas de figure.

Afin de tempérer ce pouvoir discrétionnaire, au demeurant respectueux des prérogatives de l'exécutif, et cohérent avec l'article 8 de la directive 2002/22/CE relatif à la désignation des entreprises, un lien avec le rapport périodique établi par la nouvelle rédaction de l'article 35-7 a été fait : « Au vu des rapports prévus par l'article 35-7 ... »

Cependant, il se présente là une difficulté : c'est que, par la force des choses, c'est le ministre chargé des télécommunications lui-même qui doit établir ce rapport. Il est donc évident qu'il en connaît, et le contenu, et les conclusions.

Mieux vaudrait donc substituer, à cette référence non opératoire, la mention du fait que le ministre se détermine postérieurement à la remise du rapport au Parlement.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n°6) portant modification rédactionnelle de l'article L. 35-8 du code des postes et télécommunications, et allant dans ce sens.

Le paragraphe VIII reproduit de façon symétrique, au niveau de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, qui définit les missions de l'ART, la disposition de l'article L. 35-3 marquant l'autonomie nouvelle de celle-ci s'agissant de l'évaluation du montant des contributions au financement des obligations de service universel.

Puis, la Commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2

(Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public
de la poste et des télécommunications)

Coordination du droit du service universel avec l'évolution européenne

Le Sénat a adopté sans modification cet article 2.

Le paragraphe I modifie l'intitulé de la loi pour tenir compte du fait que France Télécom n'est plus, juridiquement, le seul opérateur possible du service universel.

Le paragraphe II transforme l'article 1er de la loi du 2 juillet 1990 afin de le rendre compatible avec le fait que France Télécom risque à l'avenir, du fait d'une évolution possible vers la privatisation et du caractère non automatique de son implication dans les missions de service universel , de ne plus pouvoir être considérée comme un « exploitant public », cette désignation devant être réservée désormais uniquement à La Poste.

Le paragraphe III tire la conséquence du fait que France Télécom n'est plus le seul opérateur pouvant se voir attribuer des obligations de service public : il abroge l'article 3 de la loi du 2 juillet 1990 précitée, qui prévoit notamment que France Télécom a pour objet « d'assurer tous services publics de télécommunications dans les relations intérieures et internationales et, en particulier, d'assurer l'accès au service du téléphone à toute personne qui en fait la demande ».

De ce fait, l'objet social de l'entreprise ne sera plus défini par la loi, mais par ses statuts, conformément à l'article L.210-2 du code du commerce.

Le paragraphe IV supprime l'obligation légale pour France Télécom, prévue à l'article 4 de la loi du 2 juillet 1990, de participer à l'effort d'innovation et de la recherche, ainsi qu'à l'effort national d'enseignement supérieur dans les domaines de la communication et de l'électronique.

Cette suppression correspond à une mise en conformité avec les directives du « paquet télécoms », puisque l'effort de recherche ne fait pas partie des missions de service universel définies par la directive 2002/22/CE et que, d'autre part, la directive 2002/20/CE, dite directive « Autorisation », ne fait pas figurer, dans ses annexes, la contribution à l'effort de recherche comme pouvant faire partie des contraintes imposées aux opérateurs, que ceux-ci relèvent de l'autorisation générale, ou des autorisations individuelles d'utilisation de radiofréquences ou de numéros.

En vertu des « lignes directrices » publiées par l'ART, les clauses des cahiers des charges relatives à l'obligation d'un effort de recherche sont devenues caduques à compter du 25 juillet 2003.

Cela n'exclue nullement que France Télécom puisse continuer à participer à des programmes publiques ou communautaires de recherche à l'avenir, mais sur des bases contractuelles.

Le paragraphe V développe les obligations qui pèsent, au titre de l'article 5 de la loi du 2 juillet 1990, sur France Télécom au vu des besoins de la défense nationale et de la sécurité publique.

Pour l'essentiel, ces obligations sont désormais celles définies à l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications, qui s'appliquent à l'ensemble des opérateurs. L'article L. 33-1 les présente comme figurant dans le cahier des charges définissant les conditions d'octroi de la licence. Dans la mesure où la directive « Autorisation » supprime la procédure de l'autorisation individuelle, sauf dans le cas de l'utilisation de radiofréquences ou de numéros, ces obligations ont vocation à devenir générales dans le cadre de la transposition du « paquet télécoms ».

Deux obligations spécifiques sont prévues à la charge de France Télécom :

- le maintien de réseaux ou services de télécommunications spécialisés de sécurité, affectés à l'usage des autorités gouvernementales et des représentants de l'État sur le territoire national ;

- le maintien de services de télécommunications nécessaires lors des déplacements du Président de la République.

Afin que l'entreprise ne soit pas pénalisée économiquement par l'accomplissement de ces missions de service public, la nouvelle rédaction de l'article 5 prévoit que « les coûts de ces prestations [seront] remboursés à France Télécom ».

Le projet de loi prévoit en outre que les conditions d'application de cette implication de France Télécom dans des missions de défense et de sécurité seront déterminées par décret.

Le paragraphe VI soustrait France Télécom des dispositions de l'article 6 de la loi du 2 juillet 1990, qui concerne la participation aux « instances consultatives chargées de l'aménagement du territoire » ainsi que l'offre de « produits et services que d'autres administrations ou services publics sont dans l'impossibilité de délivrer, après accord passé avec ceux-ci ».

Les « exigences concernant l'environnement, la planification urbaine et l'aménagement du territoire » sont prévues au titre des conditions pouvant être imposées dans le cadre de l'autorisation générale qui devient désormais la règle en vertu de la directive 2002/20/CE « Autorisation ».

De fait, France Télécom est déjà soumise à des dispositions relevant de l'aménagement du territoire, dans le cadre de son cahier des charges, au titre du e) de l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications : « L'opérateur fournit le service téléphonique au public sur l'ensemble du territoire métropolitain, des départements d'outre-mer et des collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. »

Le paragraphe VII écarte France Télécom des dispositions de l'article 8 de la loi du 2 juillet 1990, qui prévoit l'existence d'un cahier des charges pour les exploitants publics. En effet, pour toutes les obligations relevant du service universel, le cahier des charges de France Télécom sera celui qui lui aura été imposé, comme aux autres opérateurs candidats, dans le cadre des appels à candidatures pour la fourniture du service universel. Pour ce qui concerne les autres obligations, elles seront imposées dans les conditions prévues par l'autorisation générale selon des modalités conformes à la directive 2002/20/CE.

L'actuel cahier des charges n'a donc plus vocation à conserver sa validité au-delà d'une période transitoire.

Le paragraphe VIII supprime, par l'abrogation de l'article 17 de la loi du 2 juillet 1990, le régime spécifique appliqué à France Télécom pour l'attribution des fréquences.

En particulier, l'article 17 prévoit que : « Lorsqu'il attribue, réaménage ou retire les bandes de fréquences ou les fréquences dont la gestion lui est confiée, le ministre chargé des postes et télécommunications prend en compte de manière prioritaire les exigences liées au bon accomplissement des missions de service public de France Télécom. »

Cette abrogation est conforme au cadre des directives européennes et, en particulier, à l'article 2 de la directive 2002/77/CE du 16 septembre 2002 qui indique que : « Les Etats membres ne peuvent accorder ni maintenir de droits exclusifs ou spéciaux pour l'établissement et/ou l'exploitation de réseaux de communications électroniques ou pour la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ».

Le paragraphe IX abroge l'article 23-1 de la loi du 2 juillet 1990. Cet article prévoit que l'Etat peut s'opposer à la cession, par France Télécom, d'éléments d'infrastructure des réseaux nécessaires à la bonne exécution de ses obligations de service public. Dans le nouveau cadre prévu par le projet de loi, il appartiendra à l'entreprise de déterminer elle-même comment remplir au mieux le cahier des charges qui lui aura été assigné dans le cadre de l'appel à candidature pour la fourniture du service universel.

Le paragraphe X modifie l'article 34 de la loi du 2 juillet 1990. Il confirme la tutelle du ministre chargé des télécommunications sur France Télécom, pour ce qui concerne le service public des télécommunications et les autres missions qui sont confiées à France Télécom par la loi de 1990.

La nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l'article 34 prévoit notamment que le ministre chargé des télécommunications « garantit l'unité de la situation statutaire et sociale des personnels de La Poste et de France Télécom, l'indépendance du mouvement associatif commun à leurs agents et les possibilités de mobilité professionnelle entre les deux entreprises, ainsi que l'application des principes relatifs à l'égalité professionnelle des femmes et des hommes. ».

Cette disposition place France Télécom dans une situation intermédiaire entre le droit commun et le statut d'exploitant public. Outre la tutelle sur certaines missions spécifiques, comme le maintien des services de télécommunications nécessaires lors des déplacements du Président de la République, le ministre chargé des télécommunications se fait le garant de la conservation en l'état, au-delà de l'évolution de France Télécom vers un statut de droit commun, de toutes les dispositions qui touchent actuellement au personnel de l'entreprise.

Le paragraphe XI modifie l'article 35 de la loi du 2 juillet 1990. Cet article, dans sa nouvelle rédaction, étend les compétences de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications (CSSPPTT) à tous les opérateurs chargés de fournir le service universel. Cette disposition vise en particulier la consultation à propos des cahiers des charges, sur lesquels la CSSPPTT émet un avis motivé et public.

Cela concerne aussi la possibilité de demander au ministre chargé des postes et télécommunications de faire procéder, par l'inspection générale des postes et télécommunications, à toute étude ou investigation concernant La Poste et les opérateurs chargés de fournir le service universel des télécommunications. Dans ce cadre, la CSSPPTT dispose, si elle l'estime utile, des pouvoirs d'investigations les plus étendus sur pièces et sur place.

La Commission a rejeté un amendement de M. Daniel Paul portant suppression de l'article 2.

Elle a ensuite adopté l'article 2 sans modification.

Article 2 bis (nouveau)

(Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986)

Suppression du monopole de TDF

La Commission a rejeté un amendement de M. Daniel Paul portant suppression de l'article 2 bis.

Cet article additionnel adopté par le Sénat transpose en droit national l'article 4 de la directive européenne 2002/77/CE du 16 septembre 2002, dite directive « Concurrence », au cas du monopole de Télédiffusion de France (TDF) pour la diffusion et la transmission des programmes de Radio France, France Télévision, RFO, RFI et ARTE.

Cet article 4 prévoit en effet que «les États membres n'accordent pas de droits exclusifs ou spéciaux d'utilisation des radiofréquences pour la fourniture de services de communications électroniques ».

Il convient de noter que cette directive a été prise en application des directives du « paquet télécoms » adoptées en mars 2002, et qu'elle est applicable depuis octobre 2002.

La rédaction de l'article reprend plusieurs articles du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 31 juillet dernier, notamment les articles 77, 79, 80, 81.

La suppression du monopole de TDF, opérée au paragraphe V, conduit à redistribuer aux sociétés nationales de programme d'une part, la détention du droit d'usage des fréquences que TDF utilisait (paragraphe III), et d'autre part les obligations tenant à la défense nationale, à la sécurité publique et aux communications du Gouvernement en temps de crise (paragraphe IV). Ces dernières obligations sont étendues à toutes les sociétés de diffusion par voie hertzienne terrestre (paragraphe VI).

Le paragraphe I retire la référence à TDF dans la liste des sociétés dont les personnes travaillant dans les services du CSA ne peuvent être membres.

Le paragraphe II supprime l'obligation faite à TDF par l'article 16 de la loi du 30 septembre 1986 de diffuser les émissions relatives aux campagnes électorales.

Le paragraphe III confirme aux sociétés nationales de programme (Radio France, France Télévision, RFO et RFI), et au groupement européen d'intérêt économique ARTE, par une modification de l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986, la détention du droit d'usage des ressources radioélectriques assignées pour la diffusion de leurs programmes par voie hertzienne terrestre.

Auparavant, cette détention leur avait été reconnue «à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n°2000-719 du 1er août 2000 », mais sous réserve de certaines dispositions antérieures qui en limitaient la portée.

Le paragraphe IV étend aux « impératifs de la défense nationale, de la sécurité publique et de la communication gouvernementale en temps de crise », les obligations imposées à Radio France, France Télévision, RFO et RFI, dans le cadre de « leur mission éducative, culturelle et sociale », par l'article 48 de la loi du 30 septembre 1986.

Le paragraphe V abroge l'article 51 de la loi du 30 septembre 1986 qui accordait à une société dont le capital était détenu majoritairement par l'Etat, en fait à TDF, le monopole de la diffusion et de la transmission en France et à l'étranger, « par tous procédés analogiques de télécommunications » des programmes de Radio France, France Télévision, RFO, RFI et ARTE.

Le paragraphe VI supprime l'obligation faite à TDF, par l'article 54 de la loi du 30 septembre 1986, de diffuser sur demande du Gouvernement, « toutes les déclarations ou communications qu'il juge nécessaire ».

Il dispose en revanche, par ajout à cet article 54, qu'un décret en Conseil d'Etat devra préciser les obligations pesant sur toutes les sociétés de diffusion par voie hertzienne terrestre, pour des motifs liés à la défense nationale, à la sécurité publique et aux communications du Gouvernement en temps de crise.

Le paragraphe VII supprime l'application à TDF de la procédure particulière d'encadrement du droit de grève, en vue d'assurer « la continuité de service », telle que prévue par l'article 57 de la loi du 30 septembre 1986.

La Commission a examiné un amendement de M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur, visant à soumettre les sociétés de diffusion par voie hertzienne terrestre des programmes des sociétés nationales aux dispositions du code du travail relatives au préavis de grève obligatoire lors de l'exercice du droit de grève dans les services publics.

M. François Brottes a jugé qu'avec cet amendement, le rapporteur voulait « mettre le feu » au service public et a indiqué qu'en raison de l'atteinte au droit de grève qu'il constituait, le groupe socialiste y serait évidemment totalement opposé. Il a par ailleurs regretté que le rapporteur dépose des amendements sur des dispositions ne figurant pas dans le tableau comparatif, déplorant que l'absence de lien de ces amendements avec le texte examiné en rende l'analyse difficile.

Le président Patrick Ollier a indiqué qu'il n'était pas possible d'anticiper sur le sort réservé aux amendements par la Commission, quand bien même le rapporteur en serait l'auteur et qu'il ne pouvait donc être envisagé de distribuer par avance les textes de référence qui font l'objet d'amendements.

M. Alain Gouriou a pour sa part relevé des contradictions dans la démarche adoptée par le rapporteur, notant que le titre III du projet de loi conduisant à la privatisation de France Télécom, il n'était pas opportun de mentionner les obligations s'imposant à des entreprises publiques.

Le rapporteur ayant rappelé que son amendement concernait les entreprises de diffusion hertzienne par voie terrestre, M. Alain Gouriou a estimé que dans ce cas, l'amendement présenté était un « cavalier » et a jugé qu'il conduirait probablement à des « remous ». Il a été rejoint sur ce point par M. Daniel Paul qui a estimé que le véritable objet de l'amendement consistait à élargir à de nouveaux secteurs la volonté de la majorité de corseter le droit de grève. Soulignant qu'avec cet amendement, le rapporteur « mettait le doigt dans l'engrenage », il a déclaré que cette initiative serait largement répercutée à l'ensemble du secteur concerné.

M. Jean Dionis du Séjour a quant à lui regretté que cet amendement soit examiné dans le cadre d'un projet de loi dont l'objet est limité à France Télécom et doit garder cette cohérence et a estimé qu'il serait plus judicieux d'insérer une telle disposition dans le projet de loi relatif à la confiance dans l'économie numérique, qui sera bientôt examiné par la Commission en deuxième lecture.

M. François Brottes, puis le rapporteur, ont rejoint cette analyse, de même que le président Patrick Ollier qui a fait observer la rigueur dont faisait preuve le Conseil constitutionnel à l'égard d'amendements dépourvus de tout lien avec les textes soumis au Parlement.

En conséquence, le rapporteur a retiré cet amendement.

Le paragraphe VIII abroge au 1er juillet 2004 l'article 100 de la loi du 30 septembre 1986 qui plaçait les services de TDF sous l'autorité du CSA.

Elle a ensuite adopté l'article 2 bis sans modification.

TITRE II

CONDITIONS D'EMPLOI DES FONCTIONNAIRES DE FRANCE TÉLÉCOM

Le titre II du projet de loi comporte deux articles. Tous deux sont consacrés aux conditions d'emploi des fonctionnaires de France Télécom.

France Télécom compte 106 000 fonctionnaires, constituant environ 90 % de l'effectif de la maison mère du groupe France Télécom (lequel emploie 240 000 personnes au total).

Il s'agit d'autoriser l'emploi de fonctionnaires par une entreprise qui pourrait perdre son statut d'entreprise « publique », dès lors qu'elle ne serait plus majoritairement détenue par l'Etat, et qu'elle échouerait à obtenir la gestion des missions de service public attachées au « service universel ». Les critères définis par l'avis du Conseil d'Etat du 18 novembre 1993 pour la présence de fonctionnaires dans une entreprise privée ne seront en effet plus respectés, une fois la privatisation effectuée et la nouvelle procédure d'appel d'offre mise en place.

Cette situation est certes transitoire dans la mesure où France Télécom, par la loi du 2 juillet 1990 modifiée, ne peut plus recruter de fonctionnaires depuis le 1er janvier 2002 et n'en a plus recruté en pratique depuis 1997. Mais elle restera longtemps exceptionnelle, puisqu'un quart des agents fonctionnaires devrait encore être présent dans France Télécom fin 2018 ; les derniers ne devraient pas la quitter avant 2035.

Le dispositif mis en place vise à leur garantir la pérennité de leur statut, quelles que soient les évolutions réglementaires du secteur des télécommunications, et quelles que soient les évolutions possibles du capital de l'entreprise.

Ils continueront d'être gérés comme aujourd'hui du point de vue de la rémunération, du régime de travail, des congés, de la carrière, de la mobilité professionnelle, des promotions, de la protection sociale, de la prévoyance, de la retraite. Leur statut dépendra toujours des titres I et II du statut général de la fonction publique. Leur révocation éventuelle, sanction maximale pour un fonctionnaire, ne pourra être prononcée que par le ministre.

Des instances représentatives du personnel seront créées sur la base du droit commun (comité d'entreprise, délégués du personnel, délégués syndicaux) pour permettre une gestion des relations sociales commune à l'ensemble des salariés, fonctionnaires et contractuels. Le projet prévoit que l'entreprise engagera sur cette question une négociation avec les organisations syndicales dans les douze mois suivant la publication de la loi.

Sur proposition du Gouvernement, le Sénat a introduit des dispositions facilitant la mobilité volontaire des fonctionnaires de France Télécom vers les fonctions publiques d'Etat, territoriale et hospitalière.

Le projet de loi initial contenait à l'article 3 une disposition imposant à France Télécom d'accorder un contrat de droit privé à tout fonctionnaire de l'entreprise qui en ferait la demande dans les six mois suivant la publication de la loi. Le Sénat, après avis favorable du Gouvernement, a opportunément supprimé cette disposition qui, sans rien ajouter de fait au droit existant, avait suscité des inquiétudes chez le personnel de l'entreprise et qui ne résultait pas d'une demande de France Télécom.

Article 3

(Articles 29, 29-1et 33 à 34 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990)

Pérennisation du statut de fonctionnaire de France Télécom

Cet article comporte huit paragraphes.

Le paragraphe I modifie l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990, qui indiquent que les fonctionnaires de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.

Le 1° prévoit que les dispositions spécifiques du statut particulier de France Télécom sont prises conformément à l'article 29, comme précédemment, mais aussi à l'article 29-1 de la même loi. C'est une précision rédactionnelle dans la mesure où l'article 29-1 est consacré entièrement à la situation des personnels de France Télécom.

Le 2° dispose que les corps homologues de fonctionnaires de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers qui définissent les conditions dans lesquelles les agents de l'un de ces corps peuvent être intégrés, par simple mutation, dans le corps homologue relevant de l'autre entreprise. Mais la modification introduite implique que les statuts de ces corps homologues ne sont pas nécessairement communs.

Le 3° prévoit que les fonctionnaires de La Poste et de France Télécom peuvent être, sur leur demande, mis à disposition, détachés ou placés hors cadre, en vue d'assurer des fonctions propres aux entreprises et à leurs filiales, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Cette disposition ouvre donc la possibilité, pour ceux des fonctionnaires de France Télécom qui le souhaiteraient, d'être détachés ou mis à disposition au sein du groupe France Télécom, alors qu'en l'état actuel du texte, ce type de mutation ne peut revêtir qu'un caractère exceptionnel, et ne résulter que d'une mise en position hors cadre.

Le paragraphe II modifie l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990.

Le 1° supprime le qualificatif d' « entreprise nationale » pour désigner France Télécom.

Le 2° modifie le premier alinéa qui indique que les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. La modification introduite précise que le Président de France Télécom peut déléguer ses pouvoirs de nomination et de gestion des fonctionnaires de France Télécom, et en autoriser la subdélégation. Cette dernière disposition est nécessaire pour éviter que l'ensemble des actes de gestion de 106 000 fonctionnaires remontent physiquement à la personne du président ; elle constitue une mesure de souplesse conforme à la pratique des sociétés de taille équivalente.

Le 3° ajoute cinq alinéas au paragraphe 1 de l'article 29-1.

▪ Le premier alinéa permet la mise en place, au sein de l'entreprise, des institutions représentatives du personnel de droit commun, prévues aux titres II et III du livre IV du code du travail, à savoir les délégués du personnel et le comité d'entreprise, pour la participation commune des salariés et des fonctionnaires à l'organisation et au fonctionnement de l'entreprise, ainsi qu'à la gestion de son action sociale. Il est précisé qu'un décret en Conseil d'Etat prévoira les adaptations nécessaires à la situation particulière créée par le fait que les fonctionnaires de France Télécom participeront à ces instances avec les autres salariés de l'entreprise.

Ce faisant, il est constaté que les dispositions de l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983, prévoyant, selon les modalités fixées au chapitre II de la loi du 11 janvier 1984, la participation aux instances consultatives relatives à l'organisation et au fonctionnement des services publics, ainsi qu'à la gestion de l'action sociale, ne s'appliquent plus aux fonctionnaires de France Télécom.

En revanche, l'extension de ces dispositions de droit commun ne remet pas en cause l'institution prévue par le même article 9 de la loi du 13 juillet 1983 d'un organisme paritaire consulté sur l'élaboration des règles statutaires et l'examen des décisions individuelles relatives à la carrière des fonctionnaires. Cet organisme est mis en place par le décret en Conseil d'Etat prévu plus loin dans l'article 29-1.

▪ Le second alinéa vise à instituer des conditions de droit commun en ce qui concerne les instances de gestion de l'hygiène, de la sécurité, et de la santé au travail. Il rend en effet applicables aux fonctionnaires de France Télécom les dispositions du titre III (« Hygiène, sécurité et conditions de travail »), et du titre IV («Services de santé au travail »), ainsi que les chapitres III (« Hygiène et sécurité ») et IV (« Médecine du travail ») du titre VI (« Pénalités ») du Livre II du code du travail. Il précise parallèlement que les dispositions de l'article 16 de la loi du 11 janvier 1984 relatives aux conditions de la mise en place des comités d'hygiène et de sécurité « dans chaque département ministériel » ne s'appliquent pas à eux.

▪ Le troisième alinéa comporte trois phrases relatives à la représentation syndicale et au droit syndical des fonctionnaires de France Télécom. Elles ont été rajoutées au projet de loi par le Sénat, à l'initiative du Gouvernement.

La première phrase concerne l'élection des représentants des fonctionnaires d'une part, aux commissions mixtes paritaires prévues par la loi du 11 janvier 1984, d'autre part, à l'organisme paritaire, spécifique à France Télécom, chargé de donner un avis sur les textes relatifs aux statuts des fonctionnaires, qui est institué par ce même article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990. Il est indiqué que, lors de ces élections, qui se déroulent selon la règle du scrutin de liste, les listes ne pouvant être présentés que par des syndicats ou unions de syndicats « représentatifs », les critères de « représentativité » retenus sont ceux prévus par l'article 9 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

La seconde phrase indique que le chapitre II (« Exercice du droit syndical dans les entreprises ») du titre Ier (« les syndicats professionnels ») du livre IV du code du travail est applicable aux fonctionnaires de France Télécom. Cela signifie que les règles de droit commun, s'agissant par exemple des moyens mis à la disposition des sections syndicales ou des droits reconnus aux délégués syndicaux, s'appliqueront à tous les syndicats de France Télécom, que leurs adhérents soient fonctionnaires ou contractuels.

La troisième phrase reconnaît aux fonctionnaires de France Télécom un droit au « congé de formation économique, social et syndical » dans les conditions fixées par les chapitres Ier (« Congé de formation économique, sociale et syndicale « ) et II (« Modalités de la formation économique, sociale et syndicale des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales ») du titre V du livre IV du code du travail. La durée totale de ces congés, assimilés à des jours de travail effectif, ne peut excéder douze jours par an, et dix-huit jours pour les animateurs des stages et sessions et pour les salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales. L'application de ce régime de droit commun rend caduc le régime du « congé pour formation syndicale avec traitement » prévu par le 7° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984.

▪ Le quatrième alinéa permet au Président de France Télécom d'instituer des indemnités spécifiques, modulées pour tenir compte de l'évolution des autres éléments de la rémunération, en faveur des fonctionnaires.

Il est rappelé que ces autres éléments de la rémunération sont définis par l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983, et comprennent le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire.

Ces indemnités spécifiques ont pour but d'harmoniser les rémunérations au sein de l'entreprise entre les fonctionnaires et les salariés.

▪ Enfin, le cinquième alinéa prévoit un décret en Conseil d'Etat pour l'application de cet article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990. Ce décret doit notamment prévoir la composition et les modalités de fonctionnement de l'organisme paritaire spécifique, chargé de donner un avis sur les textes relatifs aux statuts des fonctionnaires, qui est institué par cet article.

Le paragraphe III de l'article 3 du projet de loi tire la conséquence du 3° du paragraphe précédent, en supprimant le « comité paritaire », mentionné au paragraphe 2 de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, qui n'a plus lieu d'être dès lors qu'existera un nouvel « organisme paritaire représentant les fonctionnaires et chargé de donner un avis sur les textes relatifs à leurs statuts ».

En effet, ce « comité paritaire » est actuellement « informé et consulté notamment sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise ainsi que sur les questions relatives au recrutement des personnels et les projets de statuts particuliers ».

Le paragraphe IV crée dans la loi du 2 juillet 1990 un article 29-2 nouveau. Cet article rappelle les pouvoirs de nomination et de gestion des fonctionnaires dont disposait déjà le Président de France Télécom, avant de préciser que le ministre chargé des télécommunications reste seul habilité à prendre les sanctions les plus graves, à savoir la mise à la retraite d'office et la révocation.

Il l'exerce alors sur proposition du président de France Télécom, et après avis de la commission administrative paritaire, instance prévue par l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 au niveau de chaque corps, qui siége alors en conseil de discipline.

Le paragraphe V permet l'application à France Télécom des dispositions de droit commun du code du travail relatives aux comités d'entreprise, en réservant les spécificités prévues en la matière par l'article 31 de la loi du 2 juillet 1990 à La Poste.

Le paragraphe VI assure la pérennité des activités associatives communes à La Poste et à France Télécom, en corrigeant l'article 33 de la loi du 2 juillet 1990, de manière à la rendre compatible avec le nouveau statut juridique de France Télécom.

En particulier, le représentant de France Télécom dans le conseil de gestion de chaque groupement d'intérêt public gérant ces activités associatives communes sera désormais nommé par le comité d'entreprise.

Le paragraphe VII réduit le champ d'application de l'article 33-1 de la loi de 1990, qui concerne le « conseil d'orientation et de gestion des activités sociales » au seul cas de La Poste, France Télécom disposant désormais de son côté d'un comité d'entreprise aux missions similaires, mais sous un régime de droit commun.

Le paragraphe VIII tire la conséquence des dispositions précédentes en supprimant la mention de l'article 34 de la loi de 1990 relative à l'« unité de la situation statutaire et sociale des personnels de La Poste et de France Télécom ».

La Commission a rejeté un amendement de M. Daniel Paul portant suppression de l'article 3.

Elle a ensuite adopté l'article 3 sans modification.

Article 3 bis (nouveau)

(article 29-3 [nouveau] de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990)

Mobilité vers les trois fonctions publiques

Cet article a été introduit par le Sénat, à l'initiative du Gouvernement.

Il concerne en fait deux problèmes. D'une part, il vise à clarifier, pour les faciliter, les opérations de mobilité, sur la base du volontariat, des fonctionnaires de France Télécom, en direction de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière. D'autre part, il propose à cette occasion, grâce à un sous-amendement de la commission des affaires économiques du Sénat, la mise en place d'un dispositif à destination des « fonctionnaires reclassés non classifiés ».

● En premier lieu, cet article 3 bis tire les conclusions de la mission confiée en mars dernier par le Gouvernement à M. Bertrand Maréchaux, issu du corps préfectoral, visant notamment à définir, avec chaque ministère et administration, les objectifs et les modalités d'intégration de fonctionnaires de France Télécom, à recenser les freins et les blocages éventuels à la mobilité, et à proposer des solutions au Gouvernement.

A cet égard, il précise les conditions dans lesquelles les fonctionnaires de France Télécom qui le souhaiteraient pourraient être détachés, puis intégrés dans les corps de ces trois fonctions publiques.

Une période de stage probatoire doit d'abord intervenir, suivi d'une période de détachement spécifique. Si elle est acceptée, l'intégration s'effectue uniquement en fonction des qualifications des fonctionnaires candidats de France Télécom, sous la seule réserve des cas où l'exercice des fonctions correspondantes est subordonné à la détention d'un titre ou d'un diplôme spécifique. Les obstacles touchant à d'autres règles relatives au recrutement dans les corps ou cadres d'emplois d'accueil ne sont pas opposables.

France Télécom prend à sa charge les ajustements financiers nécessaires, qu'il s'agisse d'une indemnité compensatrice dans le cas où l'indice obtenu dans le corps d'accueil est inférieur à celui obtenu dans le corps d'origine, ou des mesures d'accompagnement au bénéfice des administrations ou organismes d'accueil.

Des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions d'application de ce dispositif, et notamment les conditions dans lesquelles une commission ad hoc détermine les « équivalences » entre le statut des fonctionnaires de France Télécom concernés, et les corps, cadres d'emplois, grades et échelons d'accueil.

● En second lieu, l'article 3 bis met en place un dispositif en faveur de l'intégration des fonctionnaires de France Télécom se trouvant dans des corps mis en extinction, identifiés statutairement par la formule « fonctionnaires reclassés non classifiés ».

Ce dispositif consiste simplement en ce que les décrets prévus à l'article 3 bis devront fixer également les « modalités spécifiques d'intégration » de ce groupe de 6 000 fonctionnaires environ, soit en les aidant à bénéficier des nouvelles dispositions de mobilité externe vers les trois fonctions publiques, soit en leur permettant de retrouver un déroulement de carrière normal au sein de France Télécom, conformément à un engagement pris par Thierry Breton devant la commission des affaires économiques du Sénat, confirmé devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

La situation actuelle de ces 6 000 fonctionnaires trouve son origine dans le changement de statut de La Poste et de France Télécom, autrefois composantes de l'administration des PTT, devenues le 1er janvier 1991, en vertu de la loi du 2 juillet 1990, deux « exploitants publics », personnes morales autonomes de droit public.

Cette loi a placé les fonctionnaires de l'ancienne administration des PTT, qui a disparu avec la suppression du budget annexe des PTT dans la loi de finances pour 1991, sous l'autorité du président de l'un ou l'autre des nouveaux « exploitants publics ». En conséquence, les statuts des corps et grades de l'ancienne administration des PTT ont été modifiés, pour être transformés en corps et grades de « reclassement » de La Poste et de France Télécom. Tous les actifs et les retraités appartenant à des corps comprenant des actifs au 1er janvier 1991 ont ainsi été « reclassés ».

Les corps et grades de reclassement de La Poste et de France Télécom générés par cette réforme ont été retirés de la rubrique « postes et télécommunications » figurant à l'annexe du décret n° 48-1108 du 10 juillet 1948 portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels civils et militaires de l'Etat, et ont été inscrits à l'annexe du décret n° 91-58 du 10 janvier 1991 portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels des exploitants publics La Poste et de France Télécom.

En 1993, de nouveaux corps et grades de La Poste et de France Télécom, dits de « classification », ont été créés afin de mieux mettre en adéquation le grade détenu et les métiers exercés. Ils s'appuient sur un système de promotion qui repose sur la mobilité fonctionnelle, le plus souvent associée à une mobilité géographique.

Les fonctionnaires « reclassés » ont disposé de six années pour intégrer le dispositif de « classification ». Des mesures pérennes ont ensuite été élaborées afin qu'ils puissent accéder à ces corps par des voies privilégiées :

1. ils peuvent se présenter aux concours internes au même titre que les agents ayant choisi la classification ;

2. un accès aux grades d'avancement des corps de classification leur a été ouvert de manière dérogatoire ;

3. ils peuvent être inscrits sur la liste d'aptitude d'accès aux corps de classification en concurrence avec les agents titulaires de grades de classification.

Les 6 000 « reclassés non classifiés » sont donc des fonctionnaires qui ont conservé leur grade de « reclassement », mais n'ont pas intégré les nouveaux corps et grades de « classification ». Bien que toujours régis par leur statut d'origine, ils subissent de ce fait un gel complet de l'avancement et des possibilités de mutation.

Le sous-amendement adopté par le Sénat vise à leur permettre de retrouver des perspectives de carrière.

La Commission a rejeté un amendement de M. Daniel Paul portant suppression de l'article 3 bis.

Elle a ensuite adopté l'article 3 bis sans modification.

Article 4

(loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, code du travail)

Dispositions à caractère social

La Commission a rejeté un amendement de M. Daniel Paul portant suppression de l'article 4.

Cet article comporte deux paragraphes : le premier modifie la loi du 2 juillet 1990 ; le second ajoute un alinéa au code du travail.

Le paragraphe I modifie la loi du 2 juillet 1990, sur six articles.

▪ Le modifie l'article 30 de la loi du 2 juillet 1990, et le complète.

La modification vise simplement à adapter sa rédaction à la disparition de la dénomination d' « exploitant public » pour France Télécom, et à maintenir ainsi inchangée la couverture sociale des fonctionnaires de France Télécom : ceux-ci « bénéficient des prestations en nature d'assurances maladie, maternité et invalidité, par l'intermédiaire de la mutuelle générale des P.T.T » (rebaptisée « Mutuelle générale »), selon le régime prévu au livre III (« Dispositions relatives aux assurances sociales et à diverses catégories de personnes rattachées au régime général ») et au chapitre II (« Régime des fonctionnaires de l'Etat et des magistrats ») du titre Ier (« Régimes spéciaux ») du livre VII (« Régimes divers - Dispositions diverses » ) du code de la sécurité sociale, avec la particularité que la part de la cotisation incombant habituellement à l'Etat pour les fonctionnaires est mise, en vertu de cet article 30 de la loi de 1990, à la charge de France Télécom (et symétriquement, de La Poste).

L'ajout concerne un alinéa précisant d'abord que l'article L.712-3 du code de la sécurité sociale s'applique aux fonctionnaires de France Télécom. Cet article indique que « les indemnités, allocations et pensions attribuées aux fonctionnaires en cas d'arrêt de travail résultant de maladie, maternité, paternité et invalidité et les allocations attribuées aux ayants droit de fonctionnaires décédés, sont déterminées sans préjudice de l'application de la législation générale sur les pensions. Elles sont liquidées et payées par les administrations ou établissements auxquels appartiennent les intéressés », en l'occurrence donc par France Télécom.

Cet alinéa supplémentaire établit en outre que le maintien du traitement, et le remboursement des frais et honoraires directement entraînés par une maladie ou un accident liés à l'exercice de l'activité, tels qu'ils sont l'un et l'autre prévus par l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, sont également assurés par France Télécom.

▪ Le de ce paragraphe porte une mesure de coordination, à la suite de la mise en place des institutions représentatives du personnel de droit commun. Il supprime en effet la référence, à l'article 31-1 de la loi de 1990, à des « instances de concertation et de négociation » chargées de suivre les accords passés avec les organisations syndicales « dans les domaines de l'emploi, de la formation, de l'organisation et des conditions de travail, de l'évolution des métiers et de la durée de travail », ainsi qu'à des « commission paritaire de conciliation » institués pour le règlement des différends relatifs à l'interprétation de ces accords.

▪ Les 3°, 3° bis (nouveau) et 3° ter (nouveau) modifient l'article 32 de la loi du 2 juillet 1990, qui définit les conditions dans lesquelles les personnels de La Poste et de France Télécom peuvent bénéficier des mesures relatives à l'intéressement et à la participation.

Le 3° ajuste la rédaction de l'article 32 afin de tenir compte du fait que France Télécom ne peut plus être désignée comme « exploitant public ».

Le 3° bis (nouveau), introduit par le Sénat, restreint à La Poste seulement la possibilité de doter chaque établissement ou groupe d'établissement d'un « contrat de gestion », dans le respect des conditions définies par le contrat de plan.

Le 3° ter (nouveau), introduit par le Sénat, corrige une erreur de référence au code du travail, puisque le chapitre IV (« Dispositions communes ») du titre IV (« Intéressement, participation et plans d'épargne salariale ») du livre IV a été omis, à côté des chapitres II (« Participation des salariés aux résultats de l'entreprise ») et III (« Plans d'épargne d'entreprise « ) dans l'énumération des dispositions applicables à l'ensemble des personnels de France Télécom en matière d'intéressement et de participation.

▪ Le apporte une modification rédactionnelle à l'article 32-1, qui mentionne les différentes dispositions permettant aux agents ou anciens agents de France Télécom de détenir une participation au capital. Il s'agit en fait simplement de supprimer une référence caduque à la désignation de France Télécom en tant qu'« entreprise nationale ».

▪ Le met de même à jour la rédaction de l'article 36 relatif à la « commission supérieure du personnel et des affaires sociales à caractère paritaire », qui est « placée » auprès du ministre chargé des postes et télécommunications, pour donner son avis sur « sur toutes les questions relatives au maintien de l'unité statutaire, à la gestion sociale et à l'intéressement du personnel ».

S'agissant de la gestion sociale et de l'intéressement, son avis ne peut plus être sollicité qu'en ce qui concerne La Poste, puisque France Télécom entre dans le droit commun pour ces domaines.

En revanche, elle conserve une compétence consultative transversale pour ce qui concerne d'une part, la mise en commun par les deux entreprises des moyens nécessaires au développement de leurs activités sociales, d'autre part, les projets tendant à modifier les statuts particuliers des corps homologués de La Poste et de France Télécom.

▪ Le adapte l'article 44 qui traite du cas des personnels des administrations autres « affectés » à France Télécom.

Il permet aux fonctionnaires relevant de statuts interministériels ou de corps d'administration centrale, qui travaillent déjà à France Télécom, en particulier aux ingénieurs des télécommunications et administrateurs des postes et télécommunications, de continuer à exercer leur emploi, en autorisant notamment la possibilité nouvelle du détachement, là où n'était offerte auparavant que la mise à disposition.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement de M. Jean Dionis du Séjour, modifiant les dispositions transitoires du second alinéa de l'article 44 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications et visant à placer les fonctionnaires « procédant de l'administration », représentant selon lui 5 % du personnel, dans la même situation juridique, vis-à-vis de France Télécom, que celle prévue pour les ingénieurs des télécommunications et les administrateurs des postes et télécommunications mis à disposition. Il a indiqué qu'il s'agissait de mettre un terme à la situation précaire des « reclassés », à régulariser leur statut de fonctionnaires au sein de France Télécom et à leur permettre de reconstruire leur carrière. Il a précisé que l'Etat s'honorerait de régler ce problème dans la loi.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur, a émis un avis défavorable, en rappelant que ces fonctionnaires avaient eu la possibilité d'intégrer pendant six ans les corps de « classification », et que, par ailleurs, M. Thierry Breton, lors de son audition devant la Commission, avait pris l'engagement ferme de régler leur situation. Il a ajouté que l'article 3 bis du projet de loi, grâce au sous-amendement adopté par le Sénat relatif aux « fonctionnaires de France Télécom se trouvant dans des corps mis en extinction », apportait par ailleurs toutes les garanties nécessaires pour résoudre cette difficulté.

Le président Ollier a souligné qu'il n'était en effet pas nécessaire de légiférer sur ce sujet, toutes les garanties ayant été apportées.

M. Alain Gouriou a en revanche approuvé l'initiative de M. Jean Dionis du Séjour, rappelant que les bonnes intentions affichées faisaient souvent long feu à l'expérience, et citant le cas similaire des fonctionnaires « reclassés » des Postes, bloqués également dans leur carrière.

M. François Brottes a souligné que l'Etat, et non France Télécom, était responsable de ces fonctionnaires.

La Commission a ensuite rejeté cet amendement.

Le paragraphe II introduit un nouvel alinéa dans l'article L. 351-12 du code du travail, qui fixe la liste des catégories de travailleurs pouvant bénéficier de « l'allocation d'assurance » s'ils sont « involontairement privés d'emploi », sous la condition que « la charge et la gestion de cette indemnisation sont assurées par [leurs] employeurs ».

Typiquement figure dans cette liste : « les agents non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs ».

L'ajout à cette liste des fonctionnaires de France Télécom placés hors de la position d'activité permet à France Télécom d'être son propre assureur-chômage pour ceux-ci. Cette disposition est, somme toute, très logique, car s'il était mis fin à l'emploi de fonctionnaires de France Télécom placés hors de la position d'activité pour travailler à France Télécom où dans l'une de ses filiales, ces fonctionnaires seraient immédiatement reversés dans leur corps à l'intérieur de France Télécom. Il n'y a donc pas lieu que l'entreprise se place, pour cette catégorie de personnel, sous le régime général de l'assurance-chômage, et verse à ce titre des cotisations chômage.

Il convient de noter qu'en vertu du 3° de cette liste, faisant référence aux « salariés des entreprises, sociétés et organismes définis au a du paragraphe I de l'article 164 de l'ordonnance portant loi de finances pour 1959 », article qui concerne les entreprises nationales à caractère industriel et commercial, France Télécom est déjà son propre assureur chômage pour ses salariés contractuels, ce qu'elle restera pour ceux-ci jusqu'au transfert de la majorité de son capital au secteur privé ; ensuite, elle cotisera pour ses salariés contractuels à l'Unedic.

Elle a adopté l'article 4 sans modification.

TITRE III

STATUT DE FRANCE TÉLÉCOM

Le titre III du projet de loi a été adopté sans aucune modification par le Sénat.

Il comporte deux articles. Le premier abroge l'obligation de détention majoritaire de France Télécom par l'Etat ; le second regroupe des mesures de coordination juridique.

Article 5

(Article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, loi n° 86-912 du 6 août 1986)

Abrogation de l'obligation pour l'Etat de détenir la moitié du capital

Cet article comporte cinq paragraphes.

Le paragraphe I propose une nouvelle rédaction complète de l'article 1-1 de la loi du 2 juillet 1990, qui a permis, au 31 décembre 1996, le transfert de « la personne morale de droit public France Télécom » à « l'entreprise nationale France Télécom », et qui surtout mentionne actuellement que « l'Etat détient directement ou indirectement plus de la moitié du capital social » de l'entreprise.

Cette nouvelle rédaction pose simplement le principe de la soumission de France Télécom au droit commun des sociétés anonymes, fixé par le code du commerce, sauf dispositions contraires de la loi du 2 juillet 1990.

Le paragraphe II rend possible l'autorisation par décret du transfert de l'entreprise au secteur privé, sous le contrôle de la Commission des participations et des transferts, par son inscription sur la liste annexée à la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation.

Le paragraphe III précise que, pour l'application des dispositions du titre II de la loi du 6 août 1986, qui encadrent les modalités des privatisations d'entreprise, et prévoient notamment le contrôle de la Commission des participations et des transferts, la participation de l'Etat dans France Télécom s'entend au sens direct et indirect, même si le troisième alinéa du I de l'article 2 de la loi du 19 juillet 1993, fait référence au fait que ces dispositions restent applicables, dans le cas de cession par tranches successives, « tant que l'Etat détient directement plus de 20 p. 100 du capital ».

Il s'agit surtout là de départir le schéma de détention indirecte prévue par la loi de 1993, qui visait le cas d'une détention en cascade, au travers de sociétés commerciales, de la situation actuelle de détention d'une part du capital de France Télécom par l'établissement public ERAP, qui correspond plutôt de fait à une gestion pour compte de l'Etat, même si, sur un strict plan juridique, la détention par l'Etat est effectivement « indirecte ».

De toute façon, le projet de loi couvrira également, dès lors qu'il sera promulgué, le cas d'une détention indirecte en cascade par des sociétés commerciales, résultant d'éventuelles évolutions de la structure du capital.

Le paragraphe IV étend à l'ensemble du personnel de France Télécom, c'est-à-dire aussi bien aux agents fonctionnaires qu'aux salariés de droit privé, par application de l'article 8-1 de la loi n°89-912 du 6 août 1986 relative aux modalités de privatisation, les dispositions relatives à la représentation des salariés au conseil d'administration ou de surveillance des entreprises privatisées, à savoir que « le conseil d'administration ou le conseil de surveillance, selon le cas, comprend : deux membres représentant les salariés et un membre représentant les salariés actionnaires, s'il compte moins de quinze membres ; trois membres représentant les salariés et un membre représentant les salariés actionnaires, s'il compte quinze membres ou plus. »

Le paragraphe V fixe les conditions de la représentation de l'Etat au conseil d'administration de l'entreprise, par référence au décret-loi du 30 octobre 1935 organisant le contrôle de l'Etat sur les sociétés, syndicats et associations ou entreprises de toute nature ayant fait appel au concours financier de l'Etat :

« Il est réservé à l'Etat au sein des conseils d'administration ... un nombre de siège proportionnel à sa participation, sans que ce nombre puisse être supérieur aux deux tiers du conseil, ni, dans les conseils d'administration des sociétés anonymes, inférieur à deux. Pour la détermination de ce nombre, il n'est pas tenu compte des représentants élus par le personnel salarié. »

Cette disposition sera applicable tant que la participation de l'Etat au capital de France Télécom ne descendra pas en dessous de 10 %.

Le projet de loi précise bien que cette participation s'entend comme résultant d'une détention directe ou indirecte.

La Commission a rejeté un amendement de M. Daniel Paul portant suppression de l'article 5.

Elle a ensuite adopté l'article 5 sans modification.

Après l'article 5

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean Dionis du Séjour, visant à établir une césure comptable claire entre les secteurs « infrastructures/réseau » et « l'offre de services » de France Télécom.

M. Jean Dionis du Séjour a précisé qu'il s'agissait d'organiser les conditions d'une concurrence saine, indispensable et favorable aux consommateurs, dans le secteur des télécommunications, compte tenu de la position dominante de l'opérateur historique résultant de sa maîtrise du réseau. Il a fait le parallèle avec la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, modifiée par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité.

Il a estimé que la reprise d'un tel dispositif dans le domaine des télécommunications permettrait la contractualisation des relations réseau d'accès/opérateurs de services, et impliquerait un traitement non discriminatoire des opérateurs alternatifs et des services de l'opérateur historique, notamment sur le dernier kilomètre. Il a indiqué que, dans les faits, France Télécom isolait déjà les équipes intervenant sur le réseau des autres, équipes qui représentaient aujourd'hui 25 000 personnes.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur, a émis un avis défavorable, précisant qu'il était difficile de comparer l'électricité et les télécommunications, car le réseau des télécommunications comprend différentes composantes qui ne renvoient pas toutes à la même problématique en matière de concurrence (téléphone fixe, transfert de données, internet, etc.). Il a ajouté qu'il était difficile de demander à France Télécom de scinder sa comptabilité dans le domaine de la téléphonie mobile notamment, ou des services de données, alors que les autres opérateurs de ces domaines n'y étaient pas astreints. Il a enfin estimé que cette disposition était inutile puisque les prix d'accès étaient aujourd'hui garantis par le contrôle exercé par l'autorité de régulation des télécommunications (ART). Il a rappelé que France Télécom avait par ailleurs fait sur son réseau de téléphonie fixe de réels efforts de dégroupages, à un rythme atteignant aujourd'hui 13 000 lignes par semaine. Il a enfin estimé que, dans le contexte actuel, il ne convenait pas d'ajouter, par une réorganisation structurelle interne lourde, une autre perturbation à l'activité de l'entreprise, déjà mobilisée par le processus de redressement en cours.

M. Jean-Paul Charié s'est félicité de l'amendement de M. Jean Dionis du Séjour, rappelant qu'il ne s'agissait pas de séparer des réseaux, mais seulement de réaliser une comptabilité analytique. Il a estimé que, si France Télécom avait fait des efforts sur le dernier kilomètre, cela n'était toujours pas totalement satisfaisant.

A l'inverse, M. Alain Gouriou s'est associé au rapporteur pour dénoncer cette tentative de relance de l'idée contre-productive de séparation entre le réseau et le service, à l'heure où France Télécom n'a pas besoin de contraintes supplémentaires, estimant par ailleurs que la comparaison avec le rail ou l'électricité n'était pas pertinente.

M. François Brottes a indiqué que le débat n'avait aucun sens tant que France Télécom était un opérateur public, garant du service public et de l'intérêt général, ajoutant que cet amendement ne se justifierait que si l'on voulait demain dilapider le réseau par morceaux.

M. Jean-Pierre Gorges a estimé que, si l'on souhaitait demain une réelle concurrence sur le réseau, il fallait prendre dès aujourd'hui des mesures d'ouverture, de manière à permettre ultérieurement à plusieurs opérateurs de l'utiliser. Il a indiqué qu'il fallait donc certainement mettre en place dans un premier temps une comptabilité analytique, puis dans un second temps, clairement séparer les équipes techniques.

M. Daniel Paul a estimé que le débat en cours était lumineux, qu'il soulignait clairement que l'objectif de la majorité n'était pas d'organiser la concurrence, qui constituait une obligation européenne à laquelle il fallait bien se soumettre, mais de désagréger France Télécom. Il a indiqué que cette éventualité, si elle devait se produire, serait donc de la responsabilité des députés.

M. Jean Dionis du Séjour a précisé que France Télécom était tout à fait en mesure d'appliquer cette disposition et qu'elle permettrait enfin une véritable concurrence sur le dernier kilomètre. Il a estimé que, en retour, il convenait également de s'attaquer au carcan tarifaire imposé par l'ART à France Télécom.

Le président Ollier a indiqué qu'il avait demandé au rapporteur de travailler en ce sens, car il n'était pas normal que cette structure tarifaire favorise à ce point la concurrence ; il a expliqué que, par exemple, certains ministères avaient quitté la clientèle de France Télécom. Il a estimé que l'on ne devait pas priver France Télécom de gagner de l'argent là où elle le pouvait, tout en lui demandant d'intervenir ensuite dans les zones rurales pour aider à la résorption de la fracture numérique.

M. Jean-Paul Charié a estimé anormal que l'ART refuse à France Télécom une baisse de ses tarifs au motif que cela risquait d'aggraver son monopole. Il a indiqué que, France Télécom étant incontestablement amené à rester leader dans ce secteur, il était de l'intérêt des consommateurs qu'elle possède 75 % d'un marché deux à trois fois plus important qu'aujourd'hui, plutôt que 80 % d'un marché plus restreint.

M. Jean Proriol a estimé qu'il convenait sans doute de reporter l'examen de cet amendement, dans l'attente de celui du rapporteur sur les tarifs. Il a indiqué que l'on ne pouvait pas demander à France Télécom de desservir l'ensemble du territoire, souvent à perte, sans lui offrir la possibilité d'engranger des bénéfices sur les segments plus rentables.

Le rapporteur ayant rappelé son désaccord sur le fond, la Commission a rejeté cet amendement.

Article 6

(Articles 7, 9, 10-1, 12, 14, 15, 25, 26, 27, 28, 38, 39, 40 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990)

Coordination juridique et suppression de dispositions obsolètes

Cet article abroge les dispositions de la loi du 2 juillet 1990 relatives au fonctionnement de l'entreprise qui sont redondantes ou dérogatoires par rapport au droit commun des sociétés, et qui n'auront plus lieu de s'appliquer compte tenu des dispositions précédentes.

Le paragraphe I supprime la référence, dans l'article 7, à l'autorisation donnée à France Télécom d'exercer son activité à l'étranger, notamment à travers des filiales ou des participations, pour « toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à son objet ». L'entreprise pourra mener librement son activité.

Le paragraphe II supprime les dispositions de l'article 9 de la loi du 2 juillet 1990 prévoyant un contrat de plan, qui n'existe plus, de facto, dans le cas de France Télécom.

Le paragraphe III abroge l'application de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public pour ce qui concerne la composition du conseil d'administration, puisque ce seront désormais les dispositions prévues à l'article 5 du projet de loi qui s'appliqueront.

Le paragraphe IV restreint l'application de l'article 11 de la loi précitée, qui définit le rôle du président du conseil d'administration au seul cas de La Poste.

Le paragraphe V modifie l'article 12, afin de bien distinguer les modalités d'élection des représentants du personnel au conseil d'administration de La Poste, fixées par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 de démocratisation du secteur public, de celles qui vont prévaloir à l'avenir pour France Télécom, résultant de l'application des articles L.225-27 à L.225-34 du code du commerce.

Dans les deux cas néanmoins, un décret en Conseil d'Etat est prévu pour établir les adaptations rendues nécessaires par les statuts particuliers des fonctionnaires.

Les paragraphes VI et VII soustraient France Télécom du champ des articles 14 et 15 de la loi du 2 juillet 1990, qui déterminaient les conditions de la gestion financière (article 14) et comptable (article 15) des deux « exploitants publics », et qui ne seront plus désormais applicables qu'à La Poste, France Télécom entrant de ce point de vue, ce qui était de fait déjà le cas, dans le droit commun des sociétés commerciales.

Les paragraphes VIII et IX ramènent également, par une modification des articles 25 et 26, France Télécom dans le droit commun pour ce qui est de ses rapports avec les usagers, ses fournisseurs et les tiers.

Les paragraphes X et XI en font de même, par une modification des articles 27 et 28, pour ce qui concerne la passation des marchés et la possibilité de recourir à l'arbitrage.

Le paragraphe XII supprime les « instances de concertation décentralisées » de France Télécom, composées, au niveau de chaque département, d'élus ainsi que de représentants de la direction, du personnel, et des usagers, dont la création était prévue à l'article 38, et qui n'ont de fait jamais véritablement fonctionné.

Le paragraphe XIII affranchit France Télécom du contrôle de la Cour des Comptes, ainsi que du contrôle économique et financier de l'Etat, qui lui étaient appliqués en vertu de l'article 39.

Le paragraphe XIV écarte l'application des dispositions de la loi du 26 juillet 1983 des filiales de France Télécom, seule La Poste restant soumise à cette disposition de l'article 40, pour celles de ses filiales possédées à plus de 50 %, et employant plus de 200 personnes.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Daniel Paul, visant à supprimer cet article.

Elle a ensuite adopté l'article 6 sans modification.

TITRE IV

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Ce titre comprend quatre articles. L'article 7 met en place des dispositions transitoires ; l'article 8 applique la loi à Mayotte ; les articles 9 et 10 sont des ajouts du Sénat relatifs à la revente de l'abonnement et à la suppression de la contrainte de surface opérationnelle maximale imposée aux câblo-opérateurs.

Article 7

Dispositions transitoires

Cet article comporte six paragraphes.

Le paragraphe I retarde à la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital de France Télécom l'entrée en vigueur de l'article L. 29-2 nouveau de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, qui confie au président de France Télécom le pouvoir de nomination et de gestion des fonctionnaires, sauf en ce qui concerne les sanctions disciplinaires les plus graves. Il diffère également à cette date les modifications apportées par l'article 6 relatives à l'entrée de l'entreprise dans le droit commun des sociétés anonymes.

A l'initiative du Sénat, deux dispositions de l'article 6 sont toutefois désignées pour entrer en vigueur dès la publication de la loi : celles visées aux paragraphes II et X, qui concernent respectivement le contrat de plan et la passation des marchés, et qui visent simplement à entériner en droit une situation de fait, acquise depuis longtemps.

Le paragraphe II précise que les modifications quant aux règles comptables de l'entreprise, introduites par le VII de l'article 6, n'interrompe pas le mandat des commissaires aux comptes s'ils ont été désignés avant le transfert au secteur privé. Cette disposition est de nature à permettre la continuité de la bonne marche de l'entreprise.

Le paragraphe III retarde l'application des dispositions supprimant le comité paritaire au lendemain des premières élections au comité d'entreprise.

Le paragraphe IV comporte trois indications relatives à la mise en œuvre de la loi.

La première concerne les dispositions autres que celles déjà visées aux I, II et III, qui entrent en vigueur à la date de la publication.

La deuxième confie à France Télécom la mission d'assurer les obligations de service public qui lui incombe aujourd'hui jusqu'à la désignation du ou des opérateurs chargés du service universel, conformément à la nouvelle procédure d'appel à candidatures. Cette prolongation de la désignation de l'opérateur titulaire par la loi ne vaut que jusqu'au 31 décembre 2004.

La date du 31 décembre 2004 a été choisie car elle est la plus rapprochée qui puisse être raisonnablement envisagée pour la fin du processus de désignation des opérateurs chargés du service universel, compte tenu des étapes à franchir : adoption de la loi et du décret d'application en Conseil d'Etat, lancement des appels à candidatures et sélection des opérateurs, rédaction des cahiers des charges et consultation de la CSSPPT sur ces derniers.

La troisième concerne le régime du contrôle tarifaire qui s'impose actuellement à France Télécom en application de son cahier des charges tel qu'approuvé par le décret en Conseil d'Etat n° 96-1225 du 27 décembre 1996. Au-delà de la publication de la loi, qui entraînera l'entrée en vigueur du VII de l'article 2 supprimant la validité juridique de ce cahier des charges, ce régime de contrôle sera donc prolongé, implicitement tant que la procédure d'appels à candidatures n'aura pas abouti à la désignation nouvelle des opérateurs titulaires.

Le paragraphe V dispose que le président de France Télécom devra nécessairement engager avec les représentants syndicaux du personnel des négociations portant sur les instances de représentations du personnel et le droit syndical, dans l'année suivant la publication de la présente loi.

C'est là une obligation qui avait également été imposée au président de France Télécom lors du précédent changement de statut de 1996.

Le paragraphe VI prévoit une évaluation des dispositions relatives au statut des fonctionnaires de France Télécom au 1er janvier 2019, en vue, le cas échéant, d'adapter les conditions d'emploi des fonctionnaires à la situation de l'entreprise, et aux exigences d'une bonne gestion des corps auxquels ils appartiennent. En effet, il restera à cette date seulement 20 000 fonctionnaires dans l'entreprise, et certains corps pourraient avoir en conséquence des effectifs si réduits que des regroupements pourraient par exemple s'imposer, à l'avantage des bénéficiaires certainement, pour faciliter le suivi des carrières, et simplifier les règles de rémunération.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Daniel Paul, visant à supprimer cet article qu'elle a adopté sans modification.

Article 8

Application aux territoires d'Outre-Mer

Cet article rend d'abord applicable, dans son intégralité, le dispositif de la présente loi à Mayotte.

Un deuxième alinéa, introduit par le Sénat, rend application l'article 2 bis relatif à l'abrogation du monopole de TDF en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, et en Nouvelle Calédonie.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Daniel Paul, visant à supprimer cet article et a adopté l'article 8 sans modification.

Article 9 (nouveau)

Revente de l'abonnement

Cet article concerne la situation particulière des clients de téléphonie fixe ayant fait le choix d'utiliser les services offerts par un opérateur alternatif à France Télécom, et qui, néanmoins, doivent continuer à payer directement à France Télécom, la partie de leur facture correspondant à ce qu'on appelle « l'abonnement », qui correspond au coût fixe forfaitaire d'utilisation du réseau de téléphonie fixe géré par France Télécom.

En effet, depuis la libéralisation des services téléphoniques au public au 1er janvier 1998, les opérateurs alternatifs disposent de deux moyens pour assurer concrètement les communications de leurs clients : soit développer leur propre réseau, soit utiliser celui de France Télécom. En pratique, ils combinent les deux moyens, puisque Cegetel par exemple, à travers sa filiale Télécom Développement, a déployé son propre réseau de collecte national assurant une couverture de plus de la moitié des centraux téléphoniques principaux de France Télécom. Mais aucun des réseaux alternatifs ainsi mis en place ne permet une desserte complète : ces réseaux alternatifs assurent surtout un lien au niveau des grandes artères, la partie terminale du raccordement appelée la « boucle locale » restant gérée par France Télécom.

L'opération de « dégroupage » a pour objet de permettre à l'opérateur alternatif qui en fait la demande de prendre le contrôle de la boucle locale, afin d'être en mesure d'assurer directement la totalité du transport des appels de son client. Cependant un tel niveau de prise en charge technique, pour des communications téléphoniques, ne peut être économiquement rentable que dans des cas relativement exceptionnels, et c'est pourquoi seulement 3 374 lignes, correspondant exclusivement à une clientèle de grande entreprise, faisaient ainsi l'objet, au 1er octobre 2003, d'un dégroupage « total » (par opposition au dégroupage « partiel » donnant uniquement le contrôle sur la bande passante utile pour un raccordement ADSL).

La fourniture du service de téléphonie fixe par un opérateur alternatif repose donc dans la quasi-totalité des cas (99 %) sur l'utilisation du réseau de France Télécom, à tout le moins au niveau de la boucle locale.

L' « abonnement » mis à la charge de la quasi-totalité des utilisateurs du téléphone fixe, qu'ils soient clients de France Télécom ou des opérateurs alternatifs, correspond au prix de la prestation fournie par France Télécom pour l'entretien de cette « boucle locale ». Les différents composants de celle-ci ont en effet besoin d'être entretenus, modernisés, adaptés, parfois déplacés pour tenir compte des contraintes liées au domaine public, ou, plus exceptionnellement réparés en cas d'intempérie. Cet entretien, qui s'applique à 34 millions de lignes, mobilise plus de 25 000 techniciens et ingénieurs, dont le travail permet d'assurer une fiabilité estimée, en moyenne, à une panne par ligne tous les 14 ans.

Bien que la géographie française, caractérisée par de fortes variations de densité démographique d'une zone à l'autre, engendre des coûts de desserte par abonné plus élevés que dans les autres pays, le prix de l'abonnement pratiqué par France Télécom est l'un des moins cher d'Europe.

Le tableau ci-après retrace les prix pratiqués en juillet 2003 dans les principaux pays membres de l'Union européenne.

PRIX DE L'ABONNEMENT DANS LES PRINCIPAUX PAYS D'EUROPE

(juillet 2003, en euros HT par mois)

France

Allemagne

Danemark

Espagne

Italie

Pays-Bas

R. U.

Suède

Moyenne

Résidentiels

10,87

11,82

12,82

12,62

12,14

14,44

12,06

10,95

12,41

Professionnels

15,57 (i)

15,90

12,82

12,62

15,20

16,46

19,60

12,71

15,04

Ratio Pro/Res

1,43

1,35

1,00

1,00

1,25

1,14

1,63

1,16

1,21

(i) : moyenne pondérée des tarifs pour les professionnels

Il en ressort que sur le marché des résidentiels, le tarif de France Télécom figure parmi les moins chers des opérateurs européens, et est inférieur à la moyenne européenne des pays étudiés, mais que sur le marché des professionnels, les tarifs de France Télécom sont supérieurs à la moyenne des opérateurs européens.

Le concept de « vente en gros » renvoie implicitement à l'idée que celle-ci pourrait s'accompagner d'un « prix de gros » correspondant à un prix unitaire inférieur à celui qui est pratiqué aujourd'hui.

Cependant le prix de l'abonnement fait l'objet d'un contrôle étroit. En vertu de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, les conditions de sa fixation sont établies par le cahier des charges de France Télécom, tel qu'approuvé par le décret en Conseil d'Etat n° 96-1225 du 27 décembre 1996. Ce cahier des charges précise en son article 3 que « les tarifs de France Télécom relatifs au service universel sont fixés de manière à respecter les principes de transparence et d'orientation vers les coûts au sens de l'article 12 de la directive 95/62 du 13 décembre 1995 ». L'article 17 prévoit que « les propositions tarifaires motivées de France Télécom sont soumises aux ministres chargés des télécommunications et de l'économie ainsi qu'à l'Autorité de régulation des télécommunications ». Cette dernière doit émettre un avis public sur ces tarifs.

Etant « orienté vers les coûts », le prix de l'abonnement laisse donc peu de possibilités, en théorie, pour effectuer des rabais sur les ventes en gros. Le seul rabais envisageable avec certitude est celui correspondant à la contrepartie du coût de recouvrement.

L'article 9 nouveau précise les conditions dans lesquelles cette vente en gros peut s'opérer.

·  En premier lieu, il confie à l'Autorité de régulation des télécommunications le pouvoir de l'imposer à France Télécom, mais seulement aux termes d'une « analyse des conditions d'exercice de la concurrence sur les marchés concernés ».

La procédure ainsi définie s'inscrit donc d'emblée en conformité avec la directive 2002/21/CE, dite directive « Cadre » du 7 mars 2002, qui reconnaît aux « autorités réglementaires nationales » le pouvoir d'imposer des obligations asymétriques aux opérateurs « puissants » sur les marchés identifiés comme ne bénéficiant pas encore d'une situation de concurrence équilibrée. Cette directive fera l'objet d'une transposition prochaine, avec le reste du « paquet télécoms » ; ainsi que l'indique l'article 18 du projet de loi relatifs aux communications électroniques, cette transposition conduira à désigner l'ART comme l' « autorité réglementaire nationale » compétente pour la définition des « marchés pertinents » et la fixation des obligations aux opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché.

·  En second lieu, il précise que France Télécom doit faire droit aux demandes de vente en gros dans des conditions « objectives, transparentes et non discriminatoires ». Ce sont là les conditions formulées par l'article 5 de la directive 2002/19/CE, dite directive « Accès » du 7 mars 2002.

·  Enfin, l'article 9 nouveau du présent projet de loi indique que l'obligation de revente en gros s'applique non seulement aux services d'abonnement mais aussi « aux services associés ».

Au nombre de ces « services associés », figurent la présentation du numéro, la présentation du nom, l'offre d'une messagerie vocale, la possibilité d'envoyer et de recevoir des SMS. Globalement, il s'agit de services disponibles en téléphonie mobile, dont France Télécom a assuré progressivement la disponibilité technique en téléphonie fixe.

L'extension de la revente en gros de l'abonnement aux « services associés » soulève le problème de créer le risque que France Télécom ne soit dissuadée de poursuivre ses efforts pour améliorer la qualité technique de l'offre de téléphonie fixe. Si tous les services nouveaux que cette entreprise met au point font l'objet d'une mise à disposition de ses concurrents dans le cadre d'une revente en gros, elle ne se trouvera plus en mesure de créer un différentiel de qualité en sa faveur par l'innovation, et arrêtera alors ses investissements dans ce domaine.

Aussi bien en ce qui concerne la possibilité d'effectuer un rabais sur le prix de gros, que sur la délimitation du périmètre que recouvre la notion de « services associées », une analyse fine des conditions de la « revente en gros » de l'abonnement apparaît donc indispensable.

C'est pourquoi le deuxième alinéa de l'article 9 nouveau prévoit que l'ART détermine les conditions techniques et financières de cette offre, ainsi que l'ensemble minimal des prestations qui doivent y être incluses. De fait, l'ART a d'ores et déjà engagé, de manière informelle, des consultations en ce sens avec les principales parties concernées.

En prévision des litiges qui ne manqueront pas d'intervenir relativement aux conditions techniques et financières de fourniture de cette offre, le dernier alinéa de l'article 9 nouveau établit la compétence de l'ART pour trancher les différends en ce domaine. Il prévoit que la procédure est celle définie à l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications : l'autorité se prononce, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations ; sa décision est motivée ; celle-ci peut faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation dans le délai d'un mois à compter de sa notification ; les recours sont de la compétence de la cour d'appel de Paris.

La Commission a examiné un amendement de M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur, (amendement n°7) visant, conformément au souhait exprimé par le président Patrick Ollier au cours de l'audition de M. Francis Mer, à supprimer cet article.

Le président Patrick Ollier a indiqué que Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'Industrie, M. Thierry Breton, président de France Télécom, ainsi que le rapporteur du projet de loi au Sénat, M. Gérard Larcher, étaient favorables à cet amendement.

Le rapporteur a indiqué que cet article visait à permettre au client d'un opérateur alternatif de payer en une seule facture ses charges de téléphone fixe, ce qui répondait à une demande, et était devenu possible aux termes d'un accord de facturation pour compte de tiers entre France Télécom et Cegetel, accord qui pourrait être étendu aux autres opérateurs.

Il a ajouté que l'argument selon lequel France Télécom pouvait utiliser ses fichiers de clients pour solliciter ceux qui ont opté pour les services d'opérateurs alternatifs était inopérant, dans la mesure où des fichiers de ce type étaient largement disponibles. Il a en outre indiqué que France Télécom gérait ses abonnements de manière très convenable, dans la mesure où les pannes sur la boucle locale étaient très rares, de l'ordre d'une tous les 14 ans.

En outre, il a précisé que la demande de revente en gros de l'abonnement pourrait être juridiquement mise en œuvre une fois la transposition du « paquet télécoms » effectuée, transposition qui devrait s'effectuer au cours du premier semestre 2004. Il s'est prononcé en conséquence pour la suppression de cet article.

S'exprimant au nom du groupe socialiste, M. François Brottes a indiqué être favorable à cet amendement.

La Commission a ensuite adopté à l'unanimité cet amendement de suppression de l'article 9 (nouveau), rendant ainsi sans objet un amendement similaire présenté par M. Daniel Paul.

Article 10 (nouveau)

Abrogation de la limite des huit millions d'habitants pour la zone desservie par un câblo-opérateur

(Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986)

Cet article additionnel adopté par le Sénat vise à supprimer le dernier alinéa de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986, qui indique qu'une « personne titulaire d'une ou de plusieurs autorisations relatives chacune à l'exploitation d'un réseau distribuant par câble des services de radiodiffusion sonore et de télévision ne peut devenir titulaire d'une nouvelle autorisation relative à un service de même nature si cette autorisation devait avoir pour effet de porter à plus de huit millions d'habitants la population recensée des zones desservies par l'ensemble des réseaux qu'elle serait autorisée à exploiter. »

Cette limite des « huit millions d'habitants » fait en effet obstacle aux possibilités de restructuration du secteur du câble, qui reste partagé entre une quinzaine d'opérateurs. De plus, elle dissuade l'entrée d'investisseurs nouveaux dans ce secteur, dans la mesure où ils souhaiteraient y acquérir d'emblée la taille nécessaire pour dégager une rentabilité suffisante.

Potentiellement, le câble constitue un puissant canal de diffusion de l'Internet à haut débit, puisqu'aux Etats-Unis et au Benelux, il représente la part de marché la plus importante dans ce domaine. Il permet en outre d'offrir un service complet de communication, puisqu'en plus de la télévision, il permet aussi d'accéder au téléphone.

Au 30 juin 2003, le câble bénéficiait d'une clientèle de 3 657 034 abonnés, dont 3 471 435 l'utilisaient pour l'accès à la télévision, 830 668 ayant un accès à la télévision numérique. Le nombre des abonnés à l'Internet était de 336 668, et celui des abonnés au téléphone de 56 800.

L'infrastructure installée dessert 22,3 millions d'habitants, soit un tiers de la population française réparti sur 1637 communes, et permet potentiellement 11,5 millions de raccordements, ce qui signifie que le nombre supplémentaire de prises pouvant être commercialisées sur la base des réseaux installés atteint 8,8 millions.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Daniel Paul, visant à supprimer cet article et l'a adopté sans modification.

Puis, la Commission a adopté l'ensemble du texte ainsi modifié.

Voir la suite du rapport

N° 1248 - Rapport de M. Alfred Trassy-Paillogues sur le projet de loi adopté par le Sénat relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom


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