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le 9 décembre 2003

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N° 1273 - 1ère partie

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 décembre 2003

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI (n° 1233) relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social,

PAR M. Jean-Paul ANCIAUX,

Député.

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Travail et emploi

INTRODUCTION 9

I.- LA FORMATION PROFESSIONNELLE TOUT AU LONG DE LA VIE : UN PROJET DE LOI FONDÉ SUR UN ACCORD EXEMPLAIRE 11

A. LE PROJET DE LOI VISE À CONCRÉTISER UNE NOUVELLE ESPÉRANCE, CELLE DE LA FORMATION TOUT AU LONG DE LA VIE 12

1. La formation tout au long de la vie, priorité du Président de la République, est un impératif posé à l'échelon européen 12

a) Le Président de la République a posé l'objectif de la formation tout au long de la vie 12

b) Il s'agit également d'un impératif posé à l'échelon européen 12

2. En créant un droit individuel à la formation, le projet vise à satisfaire aux aspirations des salariés et à répondre aux demandes des entreprises 13

a) Le système actuel n'a pas corrigé les inégalités nées lors de la formation initiale : à quand une véritable « nouvelle donne » ? 13

b) L'alternance n'a pas complètement répondu aux espérances qui avaient présidé à sa mise en place 14

c) Le système du financement de la formation professionnelle est d'une excessive opacité 14

B. LE PROJET DE LOI REPREND L'ACCORD SIGNÉ PAR LES PARTENAIRES SOCIAUX, ADOPTANT UNE MÉTHODE RESPECTUEUSE DE L'INDISPENSABLE DIALOGUE SOCIAL 15

1. La méthode d'élaboration du projet de loi a donné la priorité à la négociation entre les partenaires sociaux 15

2. Le projet de loi répond aux critiques relatives à l'application de la loi de 1971 17

a) La création d'un droit individuel à la formation constitue le premier pas de la mise en place d'une « assurance - formation » individualisée 17

b) La modernisation du plan de formation précise les obligations de l'employeur 18

c) La rénovation des contrats en alternance permettra d'accroître le nombre des bénéficiaires et de professionnaliser le dispositif 18

d) La négociation sociale sur la formation sera enrichie 19

e) Les employeurs ont accepté une augmentation importante de leur effort financier 19

f) Un début de mise en ordre : la centralisation de la mutualisation au second degré et la réforme des circuits de péréquation de l'alternance 21

g) Apprentissage : les prémices d'une réforme nécessaire 23

C. EN MATIÈRE DE FORMATION PROFESSIONNELLE TOUT AU LONG DE LA VIE, UN LONG CHEMIN RESTE ENCORE À PARCOURIR 24

1. Il est nécessaire de renforcer la qualité des formations dispensées aux salariés 24

2. Il faut simplifier le système de la formation professionnelle et rendre son financement plus transparent 25

a) Une complexité préjudiciable aux employeurs comme aux salariés 25

b) Le chantier de la simplification et de la transparence des financements est à peine ouvert 25

3. Il est indispensable d'aménager une véritable transférabilité des droits à la formation 26

a) L'amélioration nécessaire du dispositif du droit individuel à la formation 26

b) La réforme est à envisager en relation avec le chantier de la loi d'orientation sur l'école 27

II.- RÉFORMER LES RELATIONS PROFESSIONNELLES PAR L'INSTAURATION D'UN VÉRITABLE DIALOGUE SOCIAL 29

A. L'EXIGENCE D'UN CHANGEMENT DE MÉTHODE 29

1. Une réforme des méthodes d'élaboration du droit du travail s'impose. 29

a) Le procès du législateur 29

b) Un droit du travail insuffisamment adaptable 30

c) Une singularité française peu viable et encore moins enviable 30

2. La réforme passe par une action plus harmonieuse de l'Etat et des partenaires sociaux 31

a) Une réforme passant d'abord par l'écoute des partenaires sociaux 31

b) Il n'est pas question de « licencier » le législateur 32

c) L'adoption d'un code de bonne conduite 33

3. Le projet de loi s'inscrit dans la démarche initiée depuis plus d'un an 33

a) Le champ de la négociation collective a été étendu 33

b) La loi s'appuie désormais sur la négociation collective et se doit d'en respecter les éléments essentiels 33

B. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE L'EXISTENCE ET DE LA LÉGITIMITÉ DES ACTEURS DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE 34

1. Un paysage syndical expliquant largement les faiblesses de la négociation collective 34

a) Un paysage éclaté 34

b) Un paysage contesté 34

c) Une présence syndicale affaiblie dans les entreprises 35

2. Un objectif : assurer la présence de signataires 36

a) Un débat sur les critères de représentativité semble prématuré 36

b) Une optique de renforcement de la présence syndicale 37

c) Des solutions de substitution palliant l'absence de négociateurs syndicaux 37

3. Le critère majoritaire, condition de droit commun de la validité des accords 38

a) Une logique d'accord minoritaire devenue « illégitime » aux yeux des salariés 38

b) La mise en œuvre par le texte d'une logique majoritaire 38

c) Une première étape ? 38

C. DE NOUVEAUX ESPACES POUR LA NÉGOCIATION COLLECTIVE 39

1. Une négociation encadrée par des garanties collectives et individuelles 39

a) Un rôle de la loi essentiel 39

b) Un régime du contrat de travail protecteur 40

2. Une articulation des normes conventionnelles assouplie de façon à rapprocher les normes des besoins des acteurs 40

a) Une rigidité devenue sans fondement 40

b) Un assouplissement strictement encadré 40

c) Une clarification des champs de compétence de chaque niveau conventionnel 40

3. Un champ élargi pour la négociation 41

4. Un dialogue nécessaire entre les différentes sources du droit du travail 41

TRAVAUX DE LA COMMISSION 43

I.- AUDITION DU MINISTRE 43

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 57

III.- EXAMEN DES ARTICLES 59

TITRE IER : DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE TOUT AU LONG DE LA VIE 59

Avant l'article premier 59

Chapitre Ier : Dispositions générales 59

Article premier : Inscription de la formation tout au long de la vie dans le code du travail 59

Article 2 (article L. 900-1 du code du travail) : Objectifs de la formation professionnelle continue 60

Article 3 (article L. 900-2 du code du travail) : Actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés 62

Avant l'article 4 65

Article 4 (article L. 900-3 du code du travail) : Droit à la qualification professionnelle garanti par l'Etat 66

Après l'article 4 69

Article 5 (articles L. 900-5-1 nouveau et L. 900-6 du code du travail) : Dispositifs spécifiques à l'intention de certains publics 69

Après l'article 5 70

Article 6 (article L. 322-8 nouveau du code du travail) : Aide au remplacement des salariés en formation 70

Article 7 (article L. 930-1 nouveau du code du travail) : Accès des salariés aux actions de formation professionnelle 71

Chapitre II : Le droit individuel à la formation 72

Article 8 (articles L. 932-3, L. 933-1, L. 933-2, L. 933-2-1, L. 933-3, L. 933-4, L. 933-6 et L. 934-1 du code du travail) :Dispositif du droit individuel à la formation 72

Article additionnel après l'article 8 (art. L.  143-3 du code du travail) : Mention des droits acquis au titre du droit individuel de formation sur le bulletin de paie 82

Article 9 (article L. 931-20-2 nouveau du code du travail) : Salariés ayant conclu un contrat à durée déterminée et exercice du droit individuel à la formation 82

Après l'article 9 83

Chapitre III : Le plan de formation 84

Article 10 (article L. 932-1 du code du travail) : Plan de formation 84

Chapitre IV : Le congé de formation 88

Article 11 (articles L. 931-1-1, L. 931-8-1, L. 931-21 et L. 951-3 du code du travail) : Dispositions relatives au congé de formation 88

Chapitre V : Les contrats et les périodes de professionnalisation 89

Article 12 (articles L. 980-1 et L. 980-2 du code du travail) : Contrat et période de professionnalisation : définition 89

Article 13 (articles L. 981-1 à L 981-17 du code du travail) : Dispositif du contrat de professionnalisation 90

Article 14 (articles L. 982-1 à L. 982-4 du code du travail) : Dispositif de la période de professionnalisation 97

Article 15 (articles L. 983-1 à L. 983-4 du code du travail) : Dispositions financières relatives aux contrats et aux périodes de professionnalisation 100

2ème partie du rapport

Chapitre VI La négociation sur la formation

Article 16 (articles L. 131-1 et L. 934-2 du code du travail) : Périodicité et contenu des négociations de branche

Article 17 (articles 934-4 et L. 933-5 du code du travail) : Consultation du comité d'entreprise

Chapitre VII Dispositions financières

Article 18 (articles L. 950-1, L. 951-1 et L. 122-3-4 du code du travail) : Obligations financières des employeurs de dix salariés et plus

Article 19 (article 951-2 du code du travail) : Dépenses prises en compte au titre des obligations financières des employeurs pour la formation professionnelle continue

Article 20 (articles L. 951-3, L. 951-7, L. 951-8 et L. 951-13 du code du travail) : Mesures de conséquence

Article 21 (article 952-1 du code du travail) : Obligations financières des employeurs de moins de dix salariés

Article 22 (articles L. 952-2 à L. 952-6 et L. 954 du code du travail) : Mesures de conséquence

Article 23 (article 961-12 du code du travail) : Agrément des organismes collecteurs

Article 24 (article 961-13 du code du travail) : Fonds national de mutualisation

Article 25 : Utilisation du fonds de réserve de la Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers

Chapitre VIII : La mise en œuvre concertée des politiques de formation professionnelle et le contrôle de la formation professionnelle

Article 26 (article 941 du code du travail) : Transmission d'informations statistiques

Article 27 (articles L. 991-1, L. 991-4, L. 991-8 et L. 993-3 du code du travail) : Contrôle de la formation professionnelle

Chapitre IX : L'apprentissage

Article 28 (article 117-3 du code du travail) : Dérogations à la limite d'âge pour la signature d'un contrat d'apprentissage

Article 29 (article L. 115-3 du code du travail) : Suspension du contrat de travail au titre d'un contrat d'apprentissage

Article 30 (article L. 117 bis -3 et L. 212-13 du code du travail) : Durée quotidienne du travail applicable aux jeunes travailleurs

Article 31 (article L. 117-13 du code du travail) : Période de conclusion des contrats d'apprentissage

Chapitre X : Dispositions transitoires et finales

Article 32 : Entrée en vigueur différée des contrats de professionnalisation

Article 33 : Maintien en vigueur des accords collectifs antérieurs

TITRE II : DU DIALOGUE SOCIAL

Avant l'article 34

Article 34 (article L.132-2-2 du code du travail) : Règles de conclusion des accords collectifs

Après l'article 34

Article 35 (article L. 132-7 du code du travail) : Renouvellement et révision des conventions et accords collectifs du travail

Article 36 (article L. 132-13 du code du travail) : Articulation entre les accords interprofessionnels et les conventions de branche

Article 37 (article L. 132-23 du code du travail) : Articulation entre les accords d'entreprise ou d'établissement et les accords interprofessionnels, professionnels et conventions de branche

Article 38 : Extension du domaine des accords d'entreprise ou d'établissement à celui des conventions ou accords de branche

Article 39 : Maintien de la valeur hiérarchique des conventions et accords antérieurs

Article 40 : (articles L. 132-18 et L. 132-19-1 [nouveau] du code du travail) Conventions et accords de groupe

Article 41 (article L. 132-26 du code du travail) : Négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical

Article 42 (article L. 132-30 du code du travail) : Commissions paritaires et dialogue social territorial

Article 43 (article L. 135-7 du code du travail) : Information sur le droit conventionnel applicable dans l'entreprise

Article 44 (article L. 132-5-1 du code du travail) : Droit de saisine des organisations syndicales de salariés de thèmes de négociation

Article 45 (article L. 412-8 du code du travail) : Modalités d'accès et d'utilisation des NTIC par les organisations syndicales de salariés dans les entreprises

Article 46 (article L. 133-5 du code du travail) : Dispositions tendant à améliorer l'exercice du droit syndical

Article 47 (articles L. 123-4, L. 212-4-6, L. 212-4-12, L. 212-10, L. 212-15-3 et L. 227-1 du code du travail, article L. 713-18 du code rural et article II-2° de l'ordonnance n°82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques vacances) : Dispositions de coordination

Article 48 : Application des dispositions du titre II de la loi à Mayotte

Article additionnel avant l'article 49 (article L. 136-1 et L. 136-2 du code du travail) : Composition et missions de la commission nationale de la négociation collective

Article 49 : Rapport sur l'application de la loi

TITRE III : DISPOSITIONS DIVERSES

Chapitre Ier : Garanties de certaines créances salariales

Article 50 (article L. 143-11-3 du code du travail) : Garantie de certaines créances salariales

Après l'article 50

3ème partie du rapport

TABLEAU COMPARATIF

4ème partie du rapport

TABLEAU COMPARATIF (suite)

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXE 1 : ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU 20 SEPTEMBRE 2003 RELATIF À L'ACCÈS DES SALARIÉS À LA FORMATION TOUT AU LONG DE LA VIE PROFESSIONNELLE

ANNEXE 2 : POSITION COMMUNE DU 16 JUILLET 2001 SUR LES VOIES ET MOYENS DE L'APPROFONDISSEMENT DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

ANNEXE 3 : PRÉSENTATION GRAPHIQUE DES DISPOSITIFS DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

ANNEXE 4 : NOUVELLES RÈGLES DE CONCLUSION DES ACCORDS COLLECTIFS

ANNEXE 5 : HIÉRARCHIE DES NORMES CONVENTIONNELLES CONCLUES APRÈS L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI

INTRODUCTION

Entre 1967 et 2003, le code du travail est passé de 600 à plus de 3 800 articles. Cette inflation normative a des raisons : la vie des entreprises s'est complexifiée, la relation entre employeur et salariés également. D'un cadre collectif relativement homogène fondé sur une organisation industrielle de l'économie et des contrats de travail inscrits dans la durée, la société française est passée à une relation de travail plus précaire, plus individualisée et a dû faire face à un affaiblissement des formes de représentation collective, en particulier du syndicalisme (le taux de syndicalisation est passé de plus de 20 % dans les années 60 et 70 à près de 5 % aujourd'hui). A cette complexité du monde du travail a logiquement répondu la complexité du droit.

N'est-il pas cependant paradoxal de constater que cette réponse a essentiellement consisté à « enrichir » par strates successives un édifice normatif par définition d'une grande rigidité ? Quelle place a-t-on laissé à la négociation collective dans cette évolution ? Force est de constater qu'entre 1997 et 2003, la négociation collective s'est trouvée marginalisée sur nombre de dossiers majeurs, au premier rang desquels la fixation de la durée du travail.

La hausse du nombre d'accords collectifs conclus ces dernières années n'a fait que dissimuler la pauvreté du dialogue social. Ces accords découlent de négociations contraintes, menées sous la menace d'une intervention législative ou dans le cadre d'une législation tatillonne qui n'exigeait au bout du compte que la signature des partenaires sociaux au bas de textes au contenu largement prédéterminés. Il n'est besoin que de citer les accords relatifs aux trente-cinq heures : ils ne servaient pas à mettre en place les trente-cinq heures, de toute façon imposées par la loi, mais à permettre aux entreprises de bénéficier d'une aide compensant partiellement ce séisme. On pourrait également citer l'ajout d'innombrables obligations de négocier au sein de la branche, au sein de l'entreprise, obligations souvent ressenties comme formelles parce que les thèmes imposés par le législateur ne sont pas toujours ceux ressentis comme nécessaires sur le terrain tant par les salariés que par les employeurs.

La preuve de ce décalage est apportée par la conclusion le 16 juillet 2001 par la totalité des partenaires sociaux représentatifs au niveau interprofessionnel - à l'exception de la CGT - d'une position commune portant voies et moyens d'approfondissement de la négociation collective. Sept organisations (CFDT, CFTC, CGC, CGT-FO, CGPME, MEDEF, UPA) sur huit ont jugé bon d'appeler de façon solennelle et dans une unité inédite à un changement des règles du jeu. Conscient de cette nécessité, le Président de la République avait dans ses vœux du 6 janvier 2000 aux forces vives de la Nation exprimé le même souhait :

« A bien des égards, les partenaires sociaux ont, ces dernières années, montré la direction. En relançant de leur propre initiative le dialogue social, ils ont témoigné de leur volonté, de leur ambition de trouver une meilleure complémentarité entre les aspirations des salariés et la réalité des entreprises. (...)

« Je suis particulièrement attentif aux discussions engagées entre eux par les représentants du monde de l'entreprise, salariés et entrepreneurs, pour examiner la possibilité d'un renouveau des relations sociales et du paritarisme. C'est un enjeu essentiel. Sans intervenir dans les débats entre organisations syndicales et professionnelles, la République doit montrer son attachement au dialogue social en mettant tout en œuvre pour faciliter le déroulement et l'aboutissement des discussions. (...) Nous devons en effet être ouverts à tout ce qui peut permettre de donner au dialogue social un meilleur ancrage et de mieux reconnaître la valeur du contrat collectif dans le respect, bien sûr, des droits du Parlement. »

La réponse vint sous la forme de la loi dite de modernisation sociale : 223 articles modifiant près de 130 articles de la partie législative du code du travail... Il aura fallu près d'une année au gouvernement actuel pour renouer avec les partenaires sociaux les fils du dialogue ainsi rompus, près d'une année pour que ceux-ci reprennent les négociations sur la formation professionnelle avortées à la fin de l'année 2002, près d'une année pour que, forts des assurances données par le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, les partenaires débouchent sur l'accord national interprofessionnel de septembre dernier avec la certitude inédite que les résultats de cette négociation ne seraient pas enterrés par quelque initiative autoritaire.

Ce projet de loi constitue la mise en œuvre concrète des engagements pris par le gouvernement dans sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002 :

« Le dialogue social sera au cœur de l'action du gouvernement et les partenaires sociaux seront consultés avant toute initiative majeure de l'Etat. Ils se verront reconnaître une autonomie pour définir par voie d'accord, et dans le respect des principes fondamentaux de notre droit, les règles qui déterminent les relations du travail.

« Le gouvernement souhaite conforter la légitimité des partenaires sociaux à agir. C'est pourquoi je regarde avec beaucoup d'intérêt les initiatives prises par ces derniers pour vivifier et améliorer la démocratie sociale.

« (...) La formation professionnelle est la condition indispensable à l'accès d'un grand nombre de jeunes à la vie active. Elle est aussi la seconde chance donnée à ceux qui veulent compléter leur formation initiale. Elle est enfin nécessaire à chacun pour s'adapter tout au long de la vie aux transformations des métiers, dont l'évidence apparaît à tous. (...) Notre ambition est de créer une véritable assurance-emploi, fondée sur un compte personnel de formation. (...) »

Il consiste pour l'essentiel à adopter, par son titre Ier, les mesures législatives nécessaires à la transposition de l'accord national interprofessionnel sur la formation permettant enfin la mise en œuvre du droit à la formation tout au long de la vie, et, par son titre II à mettre en œuvre les modifications des règles de la négociation collective appelée de leurs vœux par les partenaires sociaux dans la position commune de juillet 2001. Cette transposition des deux textes se veut la plus fidèle possible même si le gouvernement n'hésite pas à assumer ses responsabilités en s'en démarquant sur quelques points marginaux ou en tranchant les options parfois laissées ouvertes par les signataires.

Le projet de loi est ainsi l'illustration de la volonté de créer chez les employeurs comme chez les salariés de nouveaux réflexes les conduisant naturellement à la formation et au dialogue, bref d'un changement culturel.

I.- LA FORMATION PROFESSIONNELLE TOUT AU LONG DE LA VIE :
UN PROJET DE LOI FONDÉ SUR UN ACCORD EXEMPLAIRE

La communication de la Commission européenne de novembre 2001 intitulée « Réaliser un espace européen de l'éducation et de la formation tout au long de la vie » définit ainsi la formation tout au long de la vie :

« Toute activité d'apprentissage entreprise à tout moment de la vie, dans le but d'améliorer les connaissances, les qualifications et les compétences, dans une perspective personnelle, civique, sociale et/ou liée à l'emploi. »

Ce concept fondamental fait l'objet du titre Ier du présent projet, intitulé « De la formation professionnelle tout au long de la vie ». Ce titre constitue la transposition législative de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle, signé par cinq organisations représentatives des salariés et trois organisations d'employeurs.

Cet accord historique est l'indispensable « deuxième souffle », voire, selon l'expression de l'un des négociateurs, la « révolution » qu'exigeait le système de la formation professionnelle, après trente ans d'application de l'accord interprofessionnel du 9 juillet 1970 et de la loi n° 71-575 du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente.

Si la France consacre près de vingt-deux milliards d'euros à la formation professionnelle continue et à l'apprentissage, soit environ 1,55 % du PIB, les résultats de cet effort financier ne sont pas à la hauteur des espérances nées lors de la conclusion de l'accord de 1970.

En prévoyant un accroissement très important de la contribution des entreprises au financement de la formation professionnelle, en créant un droit individuel à la formation supposant une co-décision de l'employeur et du salarié et en professionnalisant les formations en alternance, ce projet constitue une réforme fondamentale de la législature.

L'importance de ce texte est également marquée par les conditions de son élaboration, qui marquent le respect que la majorité attache aux résultats de la négociation collective.

Après un diagnostic de la situation actuelle, une brève analyse des avantages attendus de la réforme précédera une mise en perspective du projet.

A. LE PROJET DE LOI VISE À CONCRÉTISER UNE NOUVELLE ESPÉRANCE, CELLE DE LA FORMATION TOUT AU LONG DE LA VIE

La formation tout au long de la vie, qui s'inscrit dans l'exigence humaniste du développement humain, correspond aussi à des impératifs de nature économique et sociale. Il faut tout à la fois répondre aux aspirations des salariés et aux exigences de la société et des employeurs. L'importance de la formation professionnelle a été rappelée par le Président de la République et par les travaux réalisés par les différents organes de l'Union européenne.

La nécessité d'une réforme du système de la formation professionnelle se fonde sur les nombreuses critiques portées au dispositif actuel, marqué par l'inégalité des salariés au regard du droit à la formation, une relative inefficacité en matière d'insertion professionnelle et par des gaspillages financiers.

1. La formation tout au long de la vie, priorité du Président de la République, est un impératif posé à l'échelon européen

a) Le Président de la République a posé l'objectif de la formation tout au long de la vie

Durant la campagne présidentielle, M. Jacques Chirac, Président de la République, a promis de mettre en place les conditions permettant aux salariés de « se former tout au long de la vie ». Cette formation tout au long de la vie pourrait constituer le socle d'une sorte « d'assurance emploi » de nature à permettre à lutter efficacement contre la montée du chômage. Après son élection, il a ensuite souhaité que le gouvernement incite les partenaires sociaux à conclure leurs négociations en matière de formation professionnelle, ce qui a abouti à la signature de l'ANI.

b) Il s'agit également d'un impératif posé à l'échelon européen

Le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 a fixé un objectif stratégique pour l'Union européenne : « Devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde ».

Cet objectif réaffirmé au Conseil européen de Stockholm de mars 2001 a été précisé par la communication de la Commission européenne de novembre 2001 (« Réaliser un espace européen de l'éducation et de la formation tout au long de la vie ») : « Les éléments clés de la stratégie établie dans cette optique visent à adapter les systèmes d'éducation et de formation de manière à pouvoir proposer des offres d'éducation et de formation sur mesure à chaque citoyen à tous les stades de la vie, à renforcer la capacité d'insertion professionnelle et l'inclusion sociale par des investissements dans le développement des connaissances et des compétences des citoyens ; à créer une société de l'information pour tous et à encourager la mobilité. Ces objectifs sont aussi reflétés dans le Préambule du Traité d'Amsterdam ».

Comme le rappelle la communication de la commission européenne, le Conseil européen de Feira de juin 2000 a invité les Etats membres, le Conseil et la Commission à « définir des stratégies cohérentes et des mesures pratiques pour rendre l'éducation et la formation tout au long de la vie accessibles à tous », et ce dans leurs sphères de compétence respectives. Ce mandat confirme le rôle prépondérant joué par l'éducation et la formation tout au long de la vie dans la stratégie établie à Lisbonne.

Face à la concurrence de pays à coûts de main-d'œuvre réduits, l'objectif de la mise en place d'une formation tout au long de la vie marque la nécessité du positionnement des économies européennes sur la « matière grise », de nature à leur permettre de rester des acteurs dynamiques et indépendants de la mondialisation de l'économie.

S'agissant de la situation française, remplir les conditions d'une formation tout au long de la vie permettra de réduire le chômage imputable aux offres d'emploi non pourvues en raison de manque de main-d'œuvre qualifiée.

2. En créant un droit individuel à la formation, le projet vise à satisfaire aux aspirations des salariés et à répondre aux demandes des entreprises

L'architecture du système de formation professionnelle repose sur l'accord interprofessionnel du 9 juillet 1970 et sur la loi du 16 juillet 1971, dispositifs par la suite modifiés à de nombreuses reprises, notamment par l'accord national interprofessionnel du 3 juillet 1991 relatif à la formation et au perfectionnement professionnels et la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.

Or, des carences et des dysfonctionnements ont été constatés. Ils ont motivé la conclusion de l'accord interprofessionnel et la rédaction du présent projet de loi.

a) Le système actuel n'a pas corrigé les inégalités nées lors de la formation initiale : à quand une véritable « nouvelle donne » ?

« L'accès des salariés à la formation professionnelle continue dépend trop souvent de leur niveau de formation initiale, de la taille de leur entreprise, du secteur professionnel dans lesquels ils exercent leur activité, de leur sexe, de la catégorie socio-professionnelle correspondant à leur emploi, ou de la nature de leur contrat de travail », souligne le texte du préambule de l'ANI.

Il s'agit là de la principale critique portée au système actuel de la formation professionnelle. Aujourd'hui, obtenir une « deuxième chance » paraît à beaucoup une promesse illusoire. Suivre une formation est difficile pour ceux qui en ont le plus besoin :

- les personnes les moins qualifiées ;

- les femmes, notamment celles souhaitant entrer sur le marché du travail ;

- les personnes n'ayant pas réussi les études de premier cycle ;

- les salariés âgés de plus de cinquante ans (la distribution par âge montre une réduction forte des taux d'accès à la formation à partir de cinquante ans alors même que les perspectives démographiques imposent une amélioration des taux d'activité des salariés plus âgés) ;

- les salariés des petites et moyennes entreprises (dans les très petites entreprises, le taux d'accès à la formation se situe un peu au-dessus de 10 %.)

Le rapport Lichtenberger-Méhaut1, demandé par les organisations syndicales pour servir de base de référence pour les discussions sur la formation professionnelle engagées au début de l'année 2002 dans le cadre du processus de la refondation sociale, met l'accent sur l'inégalité de l'accès à la formation, déjà pointée par le « Livre blanc sur la formation professionnelle » rédigé sous la direction de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle sous la précédente législature. Dans les très petites entreprises, le bas taux d'accès à la formation est particulièrement préoccupant étant donné la mobilité des salariés de ces entreprises et leur rôle déterminant dans la professionnalisation de très nombreux jeunes.

b) L'alternance n'a pas complètement répondu aux espérances qui avaient présidé à sa mise en place

Le principe de l'alternance est une stratégie efficace pour former certains publics, en particulier ceux rebutés par l'aspect trop académique de l'enseignement général. En effet, en combinant enseignement et travail en entreprise, il est garant de l'amélioration de la qualification des publics concernés, principalement les jeunes. Le contrat de qualification a été à cet égard un vrai succès, même si, compte tenu de l'ampleur des besoins non satisfaits, il ne concerne qu'un nombre assez réduit de bénéficiaires.

Cependant, les dispositifs d'alternance sont devenus, aux yeux d'un nombre croissant d'experts, les prolongations de parcours scolaires. En particulier, ils seraient trop axés sur l'obtention de diplômes. En outre, certains pointent le fait que les publics concernés par les contrats de qualification ne correspondent pas à ceux visés par le dispositif initial, notamment en raison des critères de sélection trop élevés posés par les organismes de formation, qui souhaitent pouvoir garantir un pourcentage élevé de réussite. Dès lors, les publics les plus demandeurs de qualification seraient de facto exclus du bénéfice des formations en alternance.

Compte tenu de ce bilan, la nécessité de retrouver des cursus fondés sur les préoccupations des partenaires sociaux a été formalisée dans l'ANI. Le présent projet vise à répondre à cette demande.

c) Le système du financement de la formation professionnelle est d'une excessive opacité

La France a consacré en 2002 quelques 22 milliards d'euros à la formation professionnelle. Un quart de cet effort a été financé par l'Etat, un neuvième par les régions, la moitié par les entreprises.

Ces dernières financent directement de nombreuses actions de formation mais contribuent également à la formation professionnelle, de par la loi, en versant des contributions à des organismes collecteurs, dans une optique de mutualisation. Près d'une centaine d'organismes, les uns nationaux, les autres régionaux, les uns interprofessionnels, les autres établis par les branches, les uns agréés au titre du congé formation, les autres pour les autres obligations de formation, répartissent quatre milliards d'euros par an. Tout cela est régi par un ensemble d'accords collectifs et de dispositions réglementaires que coiffe un dispositif législatif constamment modifié, stratifié, dispersé entre plusieurs codes (code du travail, mais aussi code général des impôts), voire partiellement non codifié.

Quant aux prestations de formation continue, elles sont assurées par plus de huit mille organismes dont c'est l'activité principale, sans compter plusieurs dizaines de milliers qui ont une activité secondaire de formation.

Il y a quelques années, M. Jacques Barrot, dans le cadre du premier rapport2 de la mission d'évaluation et de contrôle mise en place par la commission des finances, de l'économie générale et du plan de l'Assemblée nationale, avait été l'auteur d'une annexe consacrée à la formation professionnelle dont les têtes de chapitre, toujours valables, rendent bien compte de la situation : « quand la complexité défie l'évaluation... l'inflation normative, facteur de complexité... des acteurs nombreux, indépendants les uns des autres et peu coordonnés... ».

Plus récemment, dans le rapport pour avis qu'il a rédigé sur les crédits budgétaires de la formation professionnelle 2004 pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. Jean Ueberschlag, a fait un bilan sans complaisance du système et émis des propositions particulièrement pertinentes en matière de rationalisation de la collecte des fonds de la formation professionnelle, de restauration de la péréquation, de renforcement des contrôles et de réforme globale du système de financement, laquelle consisterait à séparer les missions de collecte et de péréquation des fonds, qui pourraient être confiées à un organisme unique, les contributions étant assimilées à des cotisations sociales, et d'allocation des moyens.

B. LE PROJET DE LOI REPREND L'ACCORD SIGNÉ PAR LES PARTENAIRES SOCIAUX, ADOPTANT UNE MÉTHODE RESPECTUEUSE DE L'INDISPENSABLE DIALOGUE SOCIAL

Les dispositions inscrites au titre Ier du présent projet de loi se fondent sur l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie. Il est exemplaire dans son élaboration et fondamental dans son contenu.

1. La méthode d'élaboration du projet de loi a donné la priorité à la négociation entre les partenaires sociaux

Contrairement à la méthode suivie lors de la précédente législature dans la mise en place de réformes à caractère social (en particulier en ce qui concerne les lois portant réduction du temps de travail), le gouvernement a donné toute sa confiance dans les résultats du dialogue social. Après avoir incité les partenaires sociaux à se saisir de la formation professionnelle comme thème de négociation, il a su attendre qu'ils s'entendent sur un texte. C'est donc sur la base de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 signé par cinq syndicats de salariés et trois organisations patronales qu'a été rédigé le titre Ier du présent projet de loi.

Le texte de l'ANI pose deux conditions à son application :

- Il s'agit d'abord de l'adaptation de certaines dispositions législatives et réglementaires, comme l'indique l'article 28 de l'ANI : « L'entrée en vigueur du présent accord, et notamment des dispositions de son chapitre VIII, est subordonnée à l'adaptation de l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires nécessaires à son application. »

- En outre, un accord général doit assurer l'application du dispositif, dans des conditions fixées par l'article 28 : « les dispositions [que l'ANI] contient ne prendront effet qu'à compter de la date d'entrée en application de l'accord général ». Le même article stipule :

« Les parties signataires du présent accord s'engagent à procéder à la stricte transposition juridique des dispositions du présent accord dans un accord général réunissant les dispositions du présent accord et celles de l'accord national interprofessionnel du 3 juillet 1991 modifié relatif à la formation et au perfectionnement professionnels, et à présenter aux partenaires sociaux ledit accord général le 30 novembre 2003 au plus tard. »

« Sous réserve que les dispositions législatives et réglementaires permettent son application intégrale, ce nouvel accord général, conclu pour une durée indéterminée, prendra effet le lendemain de la date de publication de son arrêté d'extension au Journal officiel et se substituera, à la date de son entrée en application, à l'ensemble des dispositions conventionnelles en vigueur. »

Il est à noter que certaines dispositions de l'ANI ne sont pas reprises par le présent projet de loi. Le gouvernement a retenu cette option notamment en raison du retard dans l'élaboration du texte que leur insertion aurait provoqué. Cela concerne au premier chef le dispositif de la période qualifiante différée.

Dans certains cas, le gouvernement, notamment après l'examen de l'avant-projet par le Conseil d'Etat, a estimé que certaines dispositions ne relèvent pas de la loi et qu'elles exigent des modifications d'ordre réglementaire.

Dans d'autres cas, les signataires de l'ANI n'ont pas demandé la transposition législative de la disposition considérée (dispositif du « passeport formation » notamment).

Ainsi les articles de l'ANI relatifs à l'entretien professionnel et au bilan de compétence, à la validation des acquis de l'expérience, au passeport formation et aux observatoires prospectifs des métiers et des qualifications doivent-ils faire l'objet de négociations ultérieures (au niveau interprofessionnel ou de branche), dont le principe et le calendrier sont posés par l'ANI.

De manière générale, la volonté du gouvernement (que le rapporteur salue) de procéder en matière sociale par la consultation préalable des partenaires sociaux et de fonder les projets de réformes sur leur accord pose un problème de fond quant au rôle et à la compétence du Parlement, notamment en ce qui concerne le droit d'amendement. Le rapporteur estime très opportun que s'engage une réflexion sur ce sujet, afin que les droits de la représentation nationale puissent continuer à s'exercer dans des conditions optimales.

2. Le projet de loi répond aux critiques relatives à l'application de la loi de 1971

Le titre Ier du présent projet met en place un droit individuel à la formation, précise le régime des actions suivies au titre du plan de formation, rénove les contrats en alternance et procède à une augmentation significative des contributions des employeurs à la formation professionnelle.

a) La création d'un droit individuel à la formation constitue le premier pas de la mise en place d'une « assurance - formation » individualisée

L'article 8 du présent projet reprend les dispositions de l'article 6 de l'ANI en créant un droit individuel à la formation (DIF) qui présente les particularités suivantes :

- ses conditions d'ouverture sont très larges (tout salarié disposant d'une ancienneté d'au moins un an dans l'entreprise) ;

- il est mis en œuvre « à l'initiative du salarié » mais requiert l'accord de l'employeur ;

- il est effectué, sauf accord, en dehors du temps de travail et donne alors lieu au versement par l'employeur d'une allocation de formation égale à 50 % du salaire ;

- il est en partie transférable.

Les types de formation éligibles au DIF doivent, à défaut d'un accord de branche ou d'entreprise, relever soit des actions de promotion, soit des actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances, soit des actions de formation conduisant à l'acquisition d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle ou d'une qualification reconnue par une convention collective.

A côté des formations réalisées dans le cadre du plan de formation et répondant aux besoins de l'employeur et du projet individuel du salarié formalisé dans le congé individuel de formation, ce DIF permettra que l'employeur et le salarié s'entendent sur un projet de formation commun.

Lorsque l'action de formation se déroule hors du temps de travail, l'entreprise et le salarié sont tenus de souscrire à des engagements mutuels ; en particulier, le salarié devra accéder en priorité à un poste correspondant à la qualification acquise.

Les conditions de la mise en œuvre du DIF peuvent être précisées par voie d'accord.

b) La modernisation du plan de formation précise les obligations de l'employeur

Les partenaires sociaux ont également souhaité préciser le contenu des actions mises en place dans le cadre du plan de formation de l'employeur, en aboutissant à un nouveau partage entre le temps libre et le temps de formation.

Ce nouveau partage favorisera une authentique coresponsabilité entre l'employeur et le salarié s'agissant des formations liées à l'évolution des emplois ou de développement des compétences des salariés, les actions d'adaptation au poste de travail continuant à s'imputer sur le temps de travail.

L'ANI prévoit que les actions de formation liées à l'évolution des emplois ou participant au maintien dans l'emploi sont mises en œuvre dans le temps de travail. Cependant, lorsqu'elles conduisent le salarié à dépasser l'horaire de référence, et sous réserve d'un accord d'entreprise ou l'accord du salarié, les heures de formation ne seront pas considérées comme des heures supplémentaires ou complémentaires (elles ne donnent lieu ni à majoration ni à l'application de la législation relative aux repos compensateurs).

Enfin, l'ANI stipule que les actions de formation liées au développement des compétences des salariés ne s'imputent pas sur le temps de travail.

L'article 10 du présent projet transpose fidèlement les dispositions de l'ANI et met en place ce nouveau régime. Le régime des heures de formation liée à l'évolution des emplois ou participant au maintien dans l'emploi et donnant lieu au dépassement de la durée légale du travail est encadré par la nécessité d'un accord de d'entreprise ou, à défaut, de l'accord écrit du salarié et par l'existence d'un plafond annuel.

c) La rénovation des contrats en alternance permettra d'accroître le nombre des bénéficiaires et de professionnaliser le dispositif

Tenant compte du diagnostic porté sur les dispositifs de l'alternance, le présent projet substitue aux contrats existants un dispositif unique, le contrat de professionnalisation, ouvert aux jeunes et aux demandeurs d'emplois. L'objectif de ce contrat est de permettre aux jeunes de moins de vingt-six ans et aux demandeurs d'emploi d'acquérir un diplôme, un titre ou une qualification afin de favoriser leur insertion ou leur réinsertion professionnelle. L'article 10.1 de l'ANI souligne les trois principes qui guident sa mise en œuvre : personnalisation des parcours, alternance et certification des connaissances, des compétences et des aptitudes professionnelles acquises.

La durée du contrat est de six à douze mois, mais elle peut être portée à vingt-quatre mois pour certains publics ou certaines qualifications. La durée de la formation représente au minimum 15 % de la durée du contrat, avec un plancher de 150 heures. Conformément à l'ANI, cette durée pourra être étendue à 25 %, voire au-delà pour certains publics. La diminution prévue de la durée de formation par rapport au dispositif du contrat de qualification sera compensée par l'accroissement significatif du nombre de personnes qui suivront ces formations.

Pendant la durée du contrat, la personne recevra une rémunération minimale dont le montant sera fixé par décret pour les jeunes de moins de vingt-six ans et qui ne peut être inférieur à 85 % du minimum conventionnel pour les bénéficiaires de plus de vingt-six ans. Les contrats conclus avec les jeunes de moins de vingt-six ans et les demandeurs d'emploi âgés d'au moins quarante-cinq ans donneront lieu à l'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale.

Cette réforme exigera un important effort d'information du public et d'adaptation des prestataires de formation qui implique que l'on porte une attention particulière aux conditions de la transition entre les deux systèmes d'alternance.

Le présent projet crée enfin un nouveau dispositif, la période de professionnalisation. Celle-ci s'adresse aux salariés, en particulier les salariés âgés, dont la formation est insuffisante.

Une présentation graphique des dispositifs de la formation professionnelle continue tels que modifiés par le présent projet est annexée au présent rapport (annexe 3).

d) La négociation sociale sur la formation sera enrichie

La négociation de branche obligatoire sur la formation professionnelle sera désormais, selon l'article 16 du projet, triennale et non plus quinquennale. Son contenu sera enrichi : d'une part, elle traitera des nouveaux éléments introduits par l'ANI, tels que le droit individuel à la formation et les observatoires de branche des métiers et des qualifications ; d'autre part, l'accent devra être mis sur l'égalité des hommes et des femmes et sur l'accès des personnes handicapées à la formation.

Par ailleurs, l'information du comité d'entreprise sera améliorée. Les documents préparatoires que doit transmettre l'employeur préalablement à sa consultation annuelle sur la politique de formation de l'entreprise devront distinguer les trois catégories d'actions inscrites au plan de formation telles qu'elles seront désormais définies : les actions d'adaptation au poste de travail ; celles liées à l'évolution des emplois et au maintien dans l'emploi ; celles de développement des compétences des salariés.

Cette précision est importante : compte tenu du statut différent de ces types d'actions au regard de la réglementation du temps de travail et en matière de rémunération, il est nécessaire que les représentants du personnel puissent clairement les identifier.

e) Les employeurs ont accepté une augmentation importante de leur effort financier

Conformément aux dispositions de l'ANI, les obligations financières des employeurs en matière de formation, qu'ils satisfont, selon les cas, soit par des contributions à des organismes collecteurs, soit à la fois par ces contributions et en décomptant des dépenses directes de formation, sont significativement relevées en ce qui concerne le financement de l'« alternance » et en ce qui concerne, en général, les entreprises de moins de dix salariés, jusqu'à présent très largement épargnées.

Le tableau ci-après synthétise l'évolution proposée des taux.

Obligations financières des employeurs

En % de la masse salariale brute

En % de la masse salariale brute

Congé individuel de formation + capital de temps de formation

Congé individuel de formation

Formation en alternance des jeunes

Contrats et périodes de profession-nalisation, droit individuel à la formation, CFA, tutorat

Plan de formation et divers

Taux global de participation obligatoire

Entreprises de dix salariés et plus :

Situation actuelle :

- entreprises assujetties à la taxe d'apprentissage

0,2

-

0,4

-

0,9

1,5

- entreprises non assujetties à cette taxe

0,2

-

0,3

-

1

1,5

Projet de loi

-

0,2

-

0,5

0,9

1,6

Entreprises de moins de 10 salariés :

Situation actuelle:

- entreprises assujetties à la taxe d'apprentissage

-

-

0,1

-

0,15

0,25

- entreprises non assujetties à cette taxe

-

-

-

-

0,15

0,15

Projet de loi :

- à l'entrée en vigueur de la loi

-

-

-

0,15

0,25

0,4

- à compter du 1er janvier 2005

-

-

-

0,15

0,4

0,55

Le relèvement des taux d'obligation et de contributions va entraîner une augmentation des sommes gérées par les organismes mutualisateurs de la formation professionnelle.

Toutes collectes confondues (outre celles présentées sur le graphique ci-après, il convient également de prendre en compte la collecte spécifique au titre du congé formation des titulaires de contrat à durée déterminée, non concernée par le projet), les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ont recueilli en 2002 un peu plus de 4 milliards d'euros3.

On rappelle qu'il existe trois grands types d'obligations financières de formation : au titre du congé formation ; au titre de l'alternance ; au titre des autres obligations de formation, dont le plan de formation. S'agissant du congé formation, les montants collectés au titre des contrats à durée déterminée (dispositif non concerné par le présent projet), de même que ceux versés au titre du dispositif du capital de temps de formation (supprimé par le projet), sont gérés à part. Par ailleurs, si les fonds « alternance » recueillis auprès des entreprises de plus et de moins de dix salariés sont mutualisés, ce n'est pas le cas des fonds « plan de formation ». On a donc six réseaux de collecte.

Une extrapolation sommaire4 de ce qu'auraient donné les nouveaux taux prévus à partir de 2005 par la présente loi appliqués aux bases 2002 conduit à une collecte qui aurait été d'environ 4,75 milliards d'euros, soit 700 à 800 millions d'euros supplémentaires partagés entre le financement de l'alternance et celui des plans de formation des petites entreprises, puisque c'est sur ces deux domaines qu'est concentré l'effort financier supplémentaire.

Evolution de la collecte des OPCA : collecte 2002 et extrapolation
des nouveaux taux à la base 2002 « toutes choses égales par ailleurs »

(en millions d'euros)

graphique

f) Un début de mise en ordre : la centralisation de la mutualisation au second degré et la réforme des circuits de péréquation de l'alternance

Actuellement, il existe deux organismes de mutualisation au second degré, c'est-à-dire assurant la mutualisation de fonds collectés par les réseaux de collecte :

- l'Association de gestion du fonds des formations en alternance (AGEFAL), créée en 1987 pour coiffer les OPCA « alternance » ;

- le Comité paritaire du congé individuel de formation (COPACIF), créé en 1982 au titre du congé individuel de formation (CIF).

Il n'existe pas d'organisme comparable en ce qui concerne la troisième grande catégorie de collecte, celle effectuée au titre des plans de formation.

Le projet, à son article 24, propose de fusionner ces deux fonds, dont l'ANI du 20 septembre 2003 se borne à recommander la « mutualisation pérenne des disponibilités en fin d'exercice ». Il serait créé un « fonds national » qui regrouperait l'ensemble des ressources affectées aux deux fonds actuels sous réserve :

- de la suppression du mécanisme de reversement interne entre les OPCA « alternance » de branche et interprofessionnels, selon lequel ceux d'entre eux qui ont été établis par une branche doivent reverser 35 % des contributions reçues des employeurs de dix salariés et plus aux organismes paritaires interprofessionnels, les reliquats allant à l'AGEFAL (en 2002, les OPCA concernés ont transféré à ce titre 174 millions d'euros) ;

- de l'instauration d'un prélèvement « compris entre 5 % et 10 % » sur les contributions « alternance », soit 80 à 160 millions d'euros/an sur les bases 2002, en contrepartie de la suppression du mécanisme décrit ci-dessus.

Si l'on ajoute qu'en 2002 les produits de l'AGEFAL ont atteint 173,9 millions d'euros et que la même année, le COPACIF a reçu 62,6 millions d'euros au titre des disponibilités excédentaires cumulées des OPCA gestionnaires du congé individuel de formation (CIF) et du capital de temps de formation (CTF), on peut imaginer ce que sera le périmètre financier du nouveau fonds unifié.

S'agissant de la gestion des masses financières recueillies par les organismes collecteurs des fonds de l'alternance, le graphique ci-après retrace les évolutions proposées par le projet, sachant qu'il convient de croiser trois problématiques, celle de la péréquation interne, notamment entre organismes de branches et interprofessionnels, et celle de l'affectation définitive de ces fonds.

Sur ce dernier point, outre la substitution des contrats et périodes de professionnalisation aux contrats de qualification, d'adaptation et d'orientation, l'une des évolutions les plus sensibles concerne le financement des centres de formation d'apprentis : jusqu'à présent, les organismes collecteurs ne peuvent y affecter plus de 35 % de leur collecte auprès des employeurs de dix salariés et plus ; cette limite disparaît.

L'évolution des circuits de financement de l'alternance

Redistribution aux OPCA selon leurs besoins de trésorerie

graphique
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Branches

Interprofessions

Centres de formation d'apprentis (156 M€ en 2002), le projet supprimant la limitation de cette affectation à 35 % des fonds

O

r

g

a

n

i

s

m

e s

Contrats de qualification, orientation et adaptation (889 M€ en 2002), remplacés par contrats et périodes de professionnalisation

c

o

l

l

e

c

t

e

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Formation au tutorat (1,6 M€ en 2002) et exercice du tutorat (nouveau)

Droit individuel à la formation (nouveau), en principe

graphique
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Enfin, on relève quelques avancées en ce qui concerne la transparence et le contrôle ; les articles 26 et 27 du projet proposent d'instituer un dispositif de remontée d'information, à des fins statistiques, des organismes collecteurs vers l'Etat et élargit le champ de compétence du dispositif spécifique de contrôle de la formation professionnelle, afin qu'il soit plus cohérent.

g) Apprentissage : les prémices d'une réforme nécessaire

Le présent projet comprend enfin quatre mesures qui constituent les prémices de la réforme de l'apprentissage qu'envisage le gouvernement et qui a fait l'objet d'un « livre blanc » présenté par le secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Il s'agit d'ailleurs de quatre des vingt-deux mesures législatives proposées en annexe de ce document, qui recense un catalogue très complet de propositions dans tous les domaines, notamment en vue d'accroître l'attractivité financière de l'apprentissage, tant pour les employeurs que pour les apprentis, et de réformer la taxe d'apprentissage.

Trois des dispositions inscrites dans le présent projet de loi constituent des mesures de souplesse que le rapporteur approuve :

- la mise en place de dérogations limitées à la limite d'âge supérieure de vingt-cinq ans pour l'entrée en apprentissage ;

- le retour à huit heures, contre sept actuellement, de la durée journalière du travail applicable aux apprentis et jeunes travailleurs de moins de dix-huit ans, qui leur permettra de suivre les horaires de l'entreprise ;

- un assouplissement de la règle relative à la date de conclusion des contrats d'apprentissage.

En revanche, le rapporteur est beaucoup plus réservé sur une mesure qui consisterait à autoriser un employeur et son salarié en contrat à durée indéterminée à passer un contrat d'apprentissage. Cette disposition pose de réels problèmes juridiques sur son principe et comporte en outre, dans la rédaction proposée, peu de garanties pour le salarié ; sur le fond, elle brouille la frontière entre les formations initiales, dont relève l'apprentissage, et la formation continue.

C. EN MATIÈRE DE FORMATION PROFESSIONNELLE TOUT AU LONG DE LA VIE, UN LONG CHEMIN RESTE ENCORE À PARCOURIR

Les partenaires sociaux ont négocié et conclu un accord remarquable. Ce résultat doit être respecté. Il doit cependant être considéré, dans une perspective dynamique, comme la première étape d'un processus visant à assurer à chacun la possibilité de se former tout au long de la vie.

A cet égard, le rapporteur souhaite ouvrir quelques perspectives, présenter des propositions et tracer des pistes d'amélioration en matière de qualité des formations et de simplification et de transparence du système. Il est ainsi indispensable d'aménager de véritable transférabilité des droits acquis par les salariés.

1. Il est nécessaire de renforcer la qualité des formations dispensées aux salariés

Les employeurs comme les salariés doivent développer une sorte de « réflexe formation », susceptible d'aboutir à un meilleur ajustement des qualifications aux besoins des entreprises en matière de main-d'œuvre. Accroître l'employabilité du salarié doit aussi lui permettre d'augmenter son propre capital humain afin qu'il puisse développer ses propres projets et participer au développement de la société dans son ensemble.

Une condition essentielle au bon fonctionnement du système est d'accroître significativement la qualité des formations dispensées. Il en va de la crédibilité du système dans son ensemble auprès des employeurs comme des salariés.

Il est donc nécessaire de mettre fin à ce que d'aucuns appellent les « stages parking ». Une solution serait de procéder à la labellisation des instituts de formation. Il devrait revenir aux partenaires sociaux, aux régions et aux ministres compétents d'ouvrir la concertation afin de s'engager dans cette voie.

2. Il faut simplifier le système de la formation professionnelle et rendre son financement plus transparent

a) Une complexité préjudiciable aux employeurs comme aux salariés

Le système de la formation professionnelle souffre d'une excessive complexité. Cette complexité est de nature à décourager les employeurs comme les salariés, en particulier les patrons et les salariés de PME, qui n'ont que peu de temps à consacrer à la recherche des textes légaux, réglementaires et conventionnels et à leur interprétation.

Il serait donc utile de procéder à la refonte totale du livre IX du code du travail (livre consacré à la formation professionnelle), sans omettre celle des dispositions spécifiques que l'on trouve notamment dans le code rural. Cette refonte permettrait d'accroître la lisibilité des nombreux dispositifs.

b) Le chantier de la simplification et de la transparence des financements est à peine ouvert

Le présent projet a pour objet de transposer un accord des partenaires sociaux. Ceux-ci ont décidé d'un relèvement conséquent de l'effort de formation, ce dont il faut se féliciter. A partir d'une disposition un peu ambiguë de cet accord, le gouvernement propose en outre une première mesure de rationalisation, la fusion des deux fonds de mutualisation de second degré.

Il est clair qu'en matière de transparence, il conviendra d'aller beaucoup plus loin. En se fondant sur certaines dispositions de l'ANI, il est déjà possible, dans la présente loi, de préciser les dispositions relatives aux organismes collecteurs pour affirmer un principe de transparence, établir quelques règles quant à l'utilisation des fonds collectés et instituer un certain contrôle du nouveau fonds unique de mutualisation de second degré sur ceux de premier degré.

S'agissant d'une réforme de fond du mode de financement de la formation professionnelle continue, l'article 27 de l'ANI évoque, pour « le 31 décembre 2004 au plus tard, (...) l'examen [par les partenaires sociaux] des modalités et des incidences d'un passage d'une obligation fiscale à une obligation conventionnelle en matière de formation professionnelle continue ». Il n'est pas certain que cette option soit la meilleure, mais en tout état de cause ce sujet devrait être discuté prochainement, et le projet de loi attendu sur l'apprentissage, qui devrait comprendre une réforme de la collecte de la taxe d'apprentissage, sujet voisin, pourrait même offrir une « fenêtre » législative.

A plus court terme, il convient de rappeler que les dispositions du code du travail relatives aux contributions de formation professionnelle sont reprises, mutatis mutandis, dans le code général des impôts (article 235 ter C et suivants), qu'il serait donc nécessaire de modifier parallèlement aux dispositions financières du présent projet, qui ne concernent que le code du travail.

Un dernier point est à souligner : dans la perspective de la décentralisation, qui verra les régions assurer l'essentiel des missions « publiques » dans le champ de la formation professionnelle, il n'est plus possible d'ignorer la dimension régionale dans l'organisation de la formation professionnelle, même dans le champ financé par les entreprises. Or cette dimension, effleurée dans l'accord interprofessionnel (à l'article 19, consacré au rôle des commissions paritaires interprofessionnelles régionales de l'emploi, ou COPIRE), est peu présente dans le projet de loi. On peut néanmoins noter que l'article 42 tend à développer le dialogue social territorial, notamment en lui donnant une dimension départementale et/ou régionale ; des commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles pourront être instituées aux différents échelons territoriaux par voie d'accord et pourront conclure des accords portant notamment sur la formation professionnelle.

3. Il est indispensable d'aménager une véritable transférabilité des droits à la formation

a) L'amélioration nécessaire du dispositif du droit individuel à la formation

Si le présent projet constitue une étape essentielle dans la construction d'un véritable droit à la formation tout au long de la vie, les conditions de la mise en œuvre du DIF devront, dans les années prochaines, subir des modifications significatives pour aménager une véritable transférabilité des droits acquis par les salariés.

Bien entendu, il est nécessaire que ces modifications n'interviennent que par voie d'accord entre partenaires sociaux.

Quelques modifications et clarifications seraient opportunes sur deux points mineurs.

Le rapporteur estime ainsi très utile que les bulletins de salaire indiquent le montant des droits acquis au titre du DIF.

De même, le salarié licencié (hors faute grave ou faute lourde) devrait se voir signifier la possibilité d'engager une action de formation au titre de son DIF pendant la réalisation de son délai-congé. En effet, s'il ne demande pas à bénéficier de son DIF, les droits qu'il a pu accumuler seront perdus définitivement.

Le rapporteur considère le DIF dans sa forme actuelle comme un premier palier important dans la construction d'un système permettant à chacun de se former tout au long de sa vie. Néanmoins, quelques points significatifs sont à améliorer.

Il s'agit d'abord du plafonnement des droits acquis au titre du DIF à 120 heures après six ans, si le salarié n'a pas demandé à bénéficier de son utilisation. A terme, il serait opportun de prévoir des durées plus longues. 120 heures ne représentent qu'environ trois semaines et demie de formation (durée calculée sur une base de 35 heures par semaine). Compte tenu de ce plafonnement, les formations risquent d'être peu diplômantes. Il est vrai qu'une convention ou un accord de branche ou d'entreprise peut prévoir des modalités particulières de mise en œuvre du droit au DIF, mais la rédaction de l'accord comme du projet semble exclure du champ de cet accord la fixation de ce plafond.

En outre, il est regrettable que les partenaires sociaux aient envisagé la transférabilité des droits acquis au titre du DIF dans une perspective très limitée. Certes, le texte envisage deux cas, le licenciement ou la démission. En cas de licenciement, le salarié peut bénéficier d'une action s'il la « demande » lors du délai-congé. En cas de démission, il doit « engager » cette action avant la fin du délai-congé, ce qui est plus restrictif. Malheureusement, le texte de l'ANI ne prévoit pas que le salarié, en cas de démission ou de licenciement, puisse, le cas échéant, transférer son capital de droits au DIF accumulé dans son ancienne activité dans sa nouvelle entreprise, le cas échéant sans plafonner la durée des droits acquis. Dans ce cadre, l'accroissement des droits acquis au titre du DIF prendrait tout son sens en aboutissant à une authentique transférabilité des droits du salarié au DIF, alors même qu'il quitte l'entreprise où il a accumulé ses droits au DIF. Il s'agit d'une réforme d'ampleur que n'ont pas souhaité engager les partenaires sociaux en 2003 ; sa nécessité les ramènera sans doute un jour à la table des négociations.

Enfin, on peut souligner que le texte de l'ANI stipule que les droits au DIF se calculent prorata temporis pour les salariés employés à temps partiel. Compte tenu du plafonnement des heures de formations gagnées au titre du DIF, la solution adoptée par les partenaires sociaux, qui a fait l'objet de négociations ardues, n'est pas pleinement satisfaisante au regard des besoins de formation de ces publics, qui sont particulièrement fragiles.

b) La réforme est à envisager en relation avec le chantier de la loi d'orientation sur l'école

La nécessité de la réforme de l'architecture de la formation professionnelle doit être appréciée dans un cadre plus large intégrant le grand débat en cours sur l'école. En effet, la future loi d'orientation sur l'école devra prendre en compte la création d'un droit individuel à la formation.

De même, l'article 12 de l'ANI prévoit la mise en place d'une « formation qualifiante ou diplômante différée » dont la création n'a pu, en raison de sa complexité, être intégrée au présent projet. Or, ce mécanisme pourrait constituer une véritable révolution en attribuant à chaque personne une sorte de « droit de tirage » sur le système d'éducation et de formation pris dans sa globalité. Ce droit bénéficierait en priorité aux salariés qui ont arrêté leur formation initiale avant ou au terme du premier cycle de l'enseignement supérieur et à ceux qui n'ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue et souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d'une promotion sociale.

Comme le ministre l'a précisé lors de son audition par la commission, ce dossier porteur de grandes espérances nécessite une longue préparation, notamment une concertation étroite avec le ministère chargé de l'éducation. Cette concertation nécessaire aurait excessivement retardé le dépôt du présent projet. Elle donnera lieu, le cas échéant, à des dispositions dans un autre véhicule législatif.

II.- RÉFORMER LES RELATIONS PROFESSIONNELLES PAR L'INSTAURATION D'UN VÉRITABLE DIALOGUE SOCIAL

Le succès que constitue la conclusion de l'accord national interprofessionnel sur la formation de septembre dernier illustre les vertus du dialogue social et la capacité des partenaires sociaux dans un contexte de relations moins tendues avec les pouvoirs publics à trouver un consensus sur des sujets majeurs. Il faut à la fois s'inspirer de ce succès et tirer les conséquences des difficultés rencontrées avant d'y parvenir. Il est aujourd'hui indispensable de donner aux partenaires sociaux l'espace de liberté dont ils ont besoin pour mener des négociations de qualité.

Cela passe non seulement par un changement d'attitude à leur égard, une remise en cause de l'attitude de pouvoirs publics trop souvent portés au dédain ou au paternalisme, mais également par un changement profond des conditions de la négociation collective. Il faut mettre l'ensemble des entreprises, employeurs et salariés, à tous les niveaux de négociation, en position de conclure des accords légitimes, reflétant le souhait de la majorité des salariés ou de leurs représentants. Cette légitimité accrue permet de plaider pour l'octroi de nouveaux espaces à la négociation collective.

A. L'EXIGENCE D'UN CHANGEMENT DE MÉTHODE

La nécessité d'en finir avec le tout-Etat est flagrante. Elle signifie qu'aucune réforme ne devra désormais avoir lieu dans le domaine du droit du travail sans que les partenaires sociaux aient été associés à sa préparation. Elle ne signifie pas pour autant l'Etat renonce à ses prérogatives au profit de quelque nouvelle « constitution sociale ». Elle permettra de poursuivre l'œuvre entreprise depuis un an.

1. Une réforme des méthodes d'élaboration du droit du travail s'impose.

a) Le procès du législateur

Le procès du législateur est-il encore à faire ? On ne donnera que quelques exemples illustrant les vicissitudes d'un droit fondé sur la seule édiction de normes imposées. On peut ainsi noter la multiplicité des lois adoptées : la partie législative du code du travail a ainsi été modifiée en 2001 par des textes spécifiquement consacrés au droit du travail relatifs à l'égalité professionnelle, aux discriminations, à l'épargne salariale mais également par des textes à l'objet plus lointain (loi forêt, loi relative aux nouvelles régulations économiques) ou au caractère rituel (loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale). Que dire des modifications répétées des mêmes dispositions (dix-neuf modifications de l'article L. 432-1 relatif aux comités d'entreprise depuis 1973), parfois alors même que le texte précédent vient d'être adopté (le régime relatif à l'embauche du premier salarié a ainsi été modifié quatre fois en trois ans) voire même simultanées dans des textes différents. Quel meilleur exemple du caractère insatisfaisant de cet acharnement législatif et de la désinvolture ainsi manifestée à l'égard des partenaires sociaux que la modification à trois reprises entre février et juin 2001 de l'article L. 132-27 relatif à ...l'obligation de négocier dans l'entreprise ?

Cette instabilité des normes législatives - et réglementaires - pose un problème évident d'intelligibilité et de la clarté de la loi : peut-on se satisfaire du fait que le Conseil constitutionnel juge dans sa décision du 12 janvier 2002 la loi de modernisation sociale « claire », alors qu'il reconnaît lui-même que la clarté de certaines dispositions suppose de la lire à la lumière de ses nombreuses réserves d'interprétation et des travaux parlementaires. Cette instabilité - paroxystique ces dernières années - n'est pas le fait de telle ou telle majorité mais d'une conception dépassée du rôle de la loi dans la régulation des relations sociales. Il n'est d'ailleurs même pas acquis que toutes ces modifications permettent l'adaptation correcte du droit aux besoins des acteurs économiques et sociaux. Proactif et réactif, le législateur a cependant du mal à suivre une réalité profondément mouvante.

b) Un droit du travail insuffisamment adaptable

Un obstacle majeur tient au caractère monolithique du droit ainsi élaboré. La loi oscille sans cesse entre deux écueils : le premier consiste à poser une règle valable erga omnes ne tenant pas compte des spécificités liées à la taille de l'entreprise, à son secteur d'activité, à son organisation du travail ; le second consiste à essayer de prévoir toutes les situations et de détailler ainsi la loi à l'excès. Un exemple éloquent est celui de la réduction du temps de travail : il aura fallu au total deux lois et près de cinquante articles pour expliquer que la durée du travail est réduite de trente-neuf à trente-cinq heures.

Il est évident qu'un tel droit s'avère excessivement rigide et compliqué à modifier. On relèvera par exemple la rédaction antérieure à 2001 et remontant pour l'essentiel à une loi de 1892 de l'article L. 213-1 du code du travail relatif au travail de nuit qui disposait que : « Les femmes ne peuvent être employées à aucun travail de nuit dans les usines manufactures, mines et carrières, chantiers, ateliers et leurs dépendances, de quelque nature que ce soit, publics ou privés, laïques ou religieux, même lorsque ces établissements ont un caractère d'enseignement professionnel ou de bienfaisance (...) ». Il aura tout de même fallu vingt-cinq années pour effectuer la transposition d'une directive prohibant clairement cette disposition. En eût-il été de même si l'organisation du travail de nuit avait relevé de la négociation collective ? Que dire des difficultés d'application d'un droit reposant sur une conception taylorienne de l'activité à l'individualisation croissante de la relation de travail ?

c) Une singularité française peu viable et encore moins enviable

La France détiendrait-elle la « palme d'or mondiale de l'insécurité juridique » pour reprendre une formule utilisée à propos de la loi de modernisation sociale ? Il est de fait en tout cas que la France se singularise nettement par rapport à ses partenaires européens. Sans évoquer le modèle anglo-saxon, on peut par exemple penser à l'Allemagne où les partenaires sociaux se voient reconnaître une véritable autonomie normative. Notre système est fondé, d'une part, sur un législateur étouffant la négociation collective et, d'autre part, sur la capacité d'une seule organisation syndicale, fût-elle ultra-minoritaire, à engager l'ensemble des salariés. En fait de dialogue social, la France n'offre guère que l'exemple d'un dialogue de sourds.

Cette situation originale devient de moins en moins défendable dans une Communauté européenne qui fait une large place au dialogue social. On a parfois pu gloser sur la maigreur de ce dialogue. Force est de constater qu'il s'enrichit progressivement et fournit un exemple à plusieurs points de vue. Il y a désormais une consultation des partenaires sociaux européens avant l'élaboration de toute proposition d'acte communautaire. Ceux-ci peuvent décider de se saisir de la question, la Commission européenne s'abstenant en ce cas d'une quelconque initiative. En aval des actes ou accords adoptés au niveau communautaire, la mise en œuvre de ceux-ci peut se faire par voie conventionnelle.

2. La réforme passe par une action plus harmonieuse de l'Etat et des partenaires sociaux

a) Une réforme passant d'abord par l'écoute des partenaires sociaux

Il n'était pas possible de mener une réforme sérieuse sans écouter d'abord le souhait de ceux qui auraient à la mettre en œuvre au quotidien.

Face à la situation de blocage du dialogue social, les partenaires sociaux ont décidé de mener leur propre réflexion sur les conditions d'exercice de la négociation collective dans notre pays. En dépit d'un contexte souvent difficile - rappelons que le chantier s'est étalé entre février 2000, quinze jours après la « loi Aubry II5 », et juillet 2001, en plein examen du volet licenciements de la loi dite de modernisation sociale, après le feuilleton de la renégociation de la convention UNEDIC -, cette réflexion a débouché sur l'adoption le 16 juillet 2001 d'une position commune sur les voies et moyens d'approfondissement de la négociation collective dont le but est de « donner un nouvel élan à la négociation collective au sein d'un système performant de relations sociales, respectueux des personnes, des prérogatives du législateur et de l'ordre public social, et adapté à une économie diversifiée et ouverte sur le monde »6.

Elle repose sur les axes suivants :

_ Développer la négociation collective par :

- une articulation dynamique et maîtrisée des niveaux de négociation ;

- un équilibre des négociations fondé sur un mode adapté de conclusion des accords avec les organisations syndicales et une généralisation de la représentation collective et de la possibilité de négocier.

_ Renforcer les moyens du dialogue social par :

- la reconnaissance des interlocuteurs ;

- la mise en place d'un dialogue social interprofessionnel territorial ;

- le droit de saisine des organisations syndicales ;

- l'accès aux NTIC.

_ Créer une dynamique de complémentarité entre le rôle de la loi et celui de la négociation collective par :

- l'encouragement de la négociation collective en élargissant son champ d'action dans le respect de la loi ;

- la garantie des champs d'action respectifs de la loi et de la négociation collective ;

- l'octroi de nouvelles fonctions à la négociation collective.

Le présent projet de loi s'efforce de traduire au mieux les aspirations des partenaires sociaux ainsi exprimées.

b) Il n'est pas question de « licencier » le législateur

Toutefois, il ne s'agit pas d'une simple transcription de la position commune. Il a tout d'abord fallu décliner en termes juridiques des formulations parfois générales, peu précises voire qui présentaient différentes options sans trancher entre elles. Au nombre de ces dispositions figurent par exemple la précision sur le contenu que revêt la condition de majorité selon les différents niveaux de négociation ou encore les conditions du choix entre droit d'opposition et majorité d'engagement. Les points de divergence sont en revanche rares et portent sur des questions mineures : l'octroi de capacités normatives aux commissions paritaires locales et le fait que le législateur intervienne sur la question de l'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC).

De façon générale, ce texte pose dans ses deux premiers titres la question des places respectives du législateur et des partenaires sociaux. Il semble tout aussi inacceptable de négliger les résultats de la négociation collective que de considérer que ceux-ci doivent faire l'objet d'une transposition automatique dans la loi. Outre que celle-ci conserve un rôle essentiel - voire exclusif - dans la définition et la garantie d'un certain nombre de principes, elle est également l'ordonnateur de la hiérarchie des normes. Les deux sources de légitimité ne peuvent être confondues, elles ne doivent pas être opposées. Il semble opportun de rappeler les propos du Président de la République du 6 janvier 2000 :

« Il ne peut évidemment être question pour les acteurs de la démocratie sociale de disputer aux assemblées parlementaires le monopole de l'expression de la volonté générale. Mais la démocratie politique ne progressera pas en faisant reculer la démocratie sociale. C'est au contraire en lui faisant toute sa place et en s'appuyant sur les acteurs de la vie économique et sociale qu'elle pourra se fortifier, se moderniser et rester unie à la réalité vivante de notre pays (...). »

Les débats entourant la « refondation sociale » ont cependant débouché sur la revendication par les partenaires sociaux d'une plus grande autonomie normative, donnant lieu à un débat sur une possible « nouvelle constitution sociale », une adaptation de nos règles constitutionnelles à la création d'un domaine prioritairement réservé de la négociation collective comme en témoigne le point III.3 de la position commune. Il prévoit ainsi que les accords négociés devraient, y compris dans un domaine qui requiert des modifications législatives, entrent en vigueur « dans le respect de leur équilibre ». Est également prévu le fait que, « préalablement à toute initiative législative dans le domaine social, les interlocuteurs sociaux doivent être officiellement saisis par les pouvoirs publics d'une demande d'avis sur son opportunité ».

Le projet de loi se démarque de la position commune sur ce point puisque les règles constitutionnelles régissant le rôle des pouvoirs publics en matière d'élaboration de la loi dans le domaine du droit du travail ne sont pas modifiées.

c) L'adoption d'un code de bonne conduite

Toutefois, le gouvernement ne reste pas sourd à la demande d'un partenariat plus respectueux du rôle que peuvent jouer les partenaires sociaux d'une part et les pouvoirs publics de l'autre. Sans en faire une règle juridiquement contraignante, il s'engage ainsi dans l'exposé des motifs du projet de loi à ce que « toute réforme substantielle modifiant l'équilibre des relations sociales [soit] précédée d'une concertation effective avec les partenaires sociaux et, le cas échéant, d'une négociation entre ceux-ci ». Est pris « l'engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail ».

Cette position respectueuse des partenaires sociaux et soucieuse de la préservation de l'autorité de l'Etat a été pleinement respectée dans la préparation du présent projet de loi, fondé sur deux textes conventionnels et soumis pour concertation aux partenaires sociaux.

3. Le projet de loi s'inscrit dans la démarche initiée depuis plus d'un an

a) Le champ de la négociation collective a été étendu

De fait, la démarche de relance de la négociation collective a été lancée par la nouvelle majorité dès le début de la législature. Elle est par exemple illustrée par la loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi : on observera ainsi que le champ de la négociation a été élargi sur la question des cadres ou que la détermination du régime applicable aux heures supplémentaires a été largement renvoyée à la négociation collective. Il n'en va pas différemment de la loi portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques : par cette loi, il a été mis fin aux règles aberrantes, économiquement désastreuses et socialement inefficaces, instaurées par la loi dite de modernisation sociale, exemple même de l'inadaptation d'une législation contraignante aux exigences de l'économie et de la société contemporaines.

Cette loi reprend également la méthode dite de la « négociation légiférante » mais pour lui donner une toute autre réalité.

b) La loi s'appuie désormais sur la négociation collective et se doit d'en respecter les éléments essentiels

Comme dans la « loi Aubry I7 », le choix a été fait de renvoyer à la négociation collective la responsabilité de définir de nouvelles modalités pour les procédures de licenciement pour motif économique. Comme dans la « loi Aubry I », le législateur s'est engagé à tenir compte de ses résultats pour élaborer un futur texte. A la différence de la « loi Aubry II » qui a fait fi d'un certain nombre d'enseignements de la négociation - on peut se reporter au considérant de la décision du Conseil constitutionnel de janvier 2000 sur la « loi Aubry II » censurant la méconnaissance des accords conclus avant la loi au nom de la liberté contractuelle - le présent texte prévoit dans son article 39 une sécurisation totale des accords antérieurs à la loi.

De fait, la reconnaissance accordée par le Conseil constitutionnel à cette liberté, à l'économie des contrats légalement conclus, est essentielle. Elle préserve la sécurité juridique nécessaire à tous, employeurs et salariés. On ne peut à cet égard que se féliciter de la clause de sécurisation juridique de la valeur hiérarchique actuelle des accords conclus avant l'entrée en vigueur de la présente loi par l'article 39 du projet.

B. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE L'EXISTENCE ET DE LA LÉGITIMITÉ DES ACTEURS DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

La négociation collective bute sur les faiblesses des acteurs syndicaux français. Comment négocier avec des organisations dispersées, pas toujours bien implantées et contestées ? Il convient de tout faire pour asseoir l'existence d'interlocuteurs capables de conclure des accords, dans le respect des prérogatives syndicales, et d'arriver à renforcer la légitimité des accords conclus.

1. Un paysage syndical expliquant largement les faiblesses de la négociation collective

a) Un paysage éclaté

On ne reviendra pas sur le constat si souvent dressé de l'éclatement du paysage syndical français. De fait, la possibilité juridique de conclure des accords même très minoritaires a vraisemblablement fortement contribué à cet émiettement de la représentation syndicale. Les résultats des dernières élections prud'homales ont encore montré la diversité du syndicalisme français, diversité qui ne s'est pas toujours traduite par une plus grande richesse mais souvent par des affrontements empêchant la définition sinon de positions communes, du moins de positions clairement majoritaires.

A côté des cinq grandes confédérations syndicales, existent et parfois s'affirment d'autres organisations telles l'UNSA et la confédération des syndicats libres (CSL) dont les résultats aux élections prud'homales ne sont pas négligeables, loin s'en faut. La concurrence passe aussi par l'émergence de formes d'action syndicale certes moins fortement structurées mais susceptibles de faire entendre leur voix. Outre des syndicats à l'audience très inégale selon les secteurs comme SUD, on peut mentionner l'émergence du phénomène des coordinations.

b) Un paysage contesté

La participation aux élections prud'homales en constante décroissance, la faiblesse du taux de syndicalisation et la baisse des effectifs des grandes centrales alimentent une contestation de la légitimité de celles-ci à continuer de bénéficier des avantages liés à la présomption irréfragable de représentativité. Elle fait d'ailleurs actuellement l'objet d'une contestation de la part de l'UNSA devant la juridiction administrative.

Cette présomption de représentativité revêt une importance considérable d'autant qu'elle est irréfragable. Cela signifie que la représentativité des cinq confédérations n'est pas remise en cause, y compris lorsque la preuve est apportée qu'elle n'est pas effective dans le champ de l'accord. Or, concrètement, cette présomption ouvre la possibilité pour chacune d'entre elles de signer, même seule, un accord engageant l'ensemble des salariés.

c) Une présence syndicale affaiblie dans les entreprises

Outre les raisons précédemment évoquées, l'affaiblissement de la présence syndicale dans les entreprises tient aussi à l'évolution du monde de l'entreprise.

Plusieurs facteurs concourent à remettre en cause la représentation collective des salariés : concentration des entreprises et éclatement éventuel sur plusieurs sites ; individualisation des conditions de travail se traduisant par exemple par des horaires différents ; diversité du statut des salariés. Les organisations syndicales sont-elles toujours les mieux placées pour défendre les salariés en contrats précaires ou la création d'emplois ? Leur regard ne tend-il pas naturellement à se porter vers les salariés formant le noyau dur de l'entreprise ?

Le constat est en tout cas celui de la faiblesse de l'implantation des délégués syndicaux dans les entreprises.

Proportion des établissements ayant des délégués syndicaux
d'affiliation différente par secteur d'activité

(En pourcentage)

Activités

Ensemble

CFDT

CFE-CGC

CFTC

CGT

FO

Autres

IAA

38,6

21,4

8,2

5,1

23,5

10,8

4,5

Biens de consommation

44,7

16,2

6,6

8,3

24,1

13,1

6,2

Automobile, équipement

45,2

22,4

12,2

4,9

30,9

14,3

3,9

Energies, biens intermédiaires

47,1

23,9

14,0

6,4

30,9

14,8

2,3

Construction

26,6

9,2

2,8

1,6

13,2

6,0

4,7

Commerce

22,3

7,2

3,9

3,2

7,1

7,0

3,7

Transports

40,4

23,4

5,8

5,0

20,5

17,3

7,4

Etabl. financiers, immobilier

64,1

46,3

20,2

13,5

20,7

32,0

15,4

Services aux entreprises

36,0

15,8

9,2

7,8

19,8

15,2

4,4

Services aux particuliers

29,7

11,1

6,7

2,7

16,6

10,5

2,8

Education, santé, administration

43,2

29,8

4,2

6,8

12,2

11,1

5,0

Ensemble

36,9

18,3

7,6

5,5

18,1

12,3

4,7

Source : enquête réponse 98, MES-DARES

Le constat est également celui du recul de cette présence en particulier dans les plus petites entreprises.

Répartition des anciens délégués syndicaux par date de disparition,
selon la taille de l'établissement

(En pourcentage)

Période

20 à 49 salariés

50 à 99 salariés

100 à 199 salariés

200 salariés ou plus

Ensemble

Avant 1970

3,9

6,0

6,0

n.s.

4,6

De 1971 à 1979

3,9

10,7

6,0

n.s.

6,0

De 1980 à 1989

10,4

30,6

17,9

n.s.

17,1

De 1990 à 1996

44,4

26,6

37,4

n.s.

38,5

De 1997 à 1999

20,4

19,8

18,8

n.s.

20,4

NSP

17,0

6,3

13,9

n.s.

13,4

Total

100,0

100,0

100,0

n.s.

100,0

% d'établissements

62,0

29,2

7,5

1,3

100,0

Lecture : parmi les établissements n'ayant plus de délégué syndical, 4,6 % d'entre eux les ont perdus avant 1970 (dernière colonne). Par ailleurs, 62 % des établissements répondants comptent moins de 50 salariés (dernière ligne)

Source : enquête réponse 98, MES-DARES.

Le bilan est éloquent : les délégués syndicaux sont implantés dans seulement 37 % des établissements de vingt salariés ou plus. Si pratiquement tous les établissements de plus de mille salariés disposent de délégués syndicaux, cette proportion n'est plus que de 22 % dans ceux de vingt à cinquante salariés. Et même dans ce cas, il s'agit très souvent de petites unités appartenant à des groupes. Comment négocier dans ces conditions ?

2. Un objectif : assurer la présence de signataires

a) Un débat sur les critères de représentativité semble prématuré

On ne saurait nier l'existence d'un débat sur les critères de la représentativité et, au premier chef, la présomption irréfragable. Faut-il y répondre en élargissant le champ de l'arrêté de 1966 ? En l'abrogeant ?

Le rapporteur est sensible à l'apparente iniquité de ce dispositif jugé dépassé et vieilli. L'heure ne semble pourtant pas à un tel débat. Tout d'abord, il ne semble pas que la question de la présomption irréfragable puisse être réglée de façon simple. Faut-il l'abroger, alors qu'elle est la planche de salut de la négociation dans bien des endroits où la présence syndicale est faible ? Faut-il l'étendre ? Ce serait bien mal préparer l'avenir : le débat actuel resurgirait dans les mêmes termes d'ici quelques années avec comme seule solution l'admission de nouveaux membres dans le cercle et des interrogations identiques sur leur légitimité.

Ensuite, est-ce utile ? Il y a une réelle question au niveau interprofessionnel auquel il n'existe guère de moyen de faire reconnaître sa représentativité autre que la présomption irréfragable. Il n'en va pas de même au niveau de l'entreprise. Déjà, l'application par la Cour de cassation d'une jurisprudence souple sur les critères de l'article L. 133-2 du code du travail permet l'émergence d'organisations représentatives au niveau de l'entreprise dans la mesure où elles peuvent prouver leur représentativité de fait. Le projet de loi, en valorisant la négociation d'entreprise, en asseyant la représentativité au niveau de la branche soit sur les résultats des élections professionnelles, soit sur ceux d'une consultation spécifique, permettra par capillarité de favoriser l'émergence d'acteurs représentatifs au niveau de la branche : les organisations auront plus de facilité à prouver leur représentativité à ce niveau qu'aujourd'hui. Enfin, l'importance de la question de la représentativité est quelque peu modifiée par la réforme du mode de conclusion des accords collectifs : dans un système où l'on recherche une majorité, la représentativité est une condition nécessaire mais plus une condition suffisante pour signer un accord.

L'enjeu n'est pas là et la position commune n'aborde d'ailleurs pas la question ; il consiste prioritairement à renforcer la présence syndicale dans l'entreprise.

b) Une optique de renforcement de la présence syndicale

La position commune comporte de nombreuses dispositions visant à conforter et développer la présence syndicale dans les entreprises et transposées dans le présent texte. On peut ainsi citer :

- l'amélioration par la négociation de branche du déroulement de carrière et de l'exercice de leurs fonctions par les salariés exerçant des responsabilités syndicales (article 46) ;

- la mise en place d'un dialogue social territorial par la voie d'une clarification des compétences des commissions paritaires (article 42) ;

- un droit pour les organisations syndicales de saisir les employeurs de thèmes de négociation et d'obtenir de ceux-ci une réponse à leurs demandes (article 44) ;

- un encadrement de l'accès des organisations syndicales au NTIC (article 45).

c) Des solutions de substitution palliant l'absence de négociateurs syndicaux

Compte tenu de la faible implantation syndicale dans les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, le projet met en place, dans le droit fil de la position commune, des mécanismes de substitution. Ceux-ci n'ont vocation ni à faire concurrence aux organisations syndicales, ni à se substituer durablement à celles-ci : ils n'agissent que par défaut.

Reprenant un corps de règles largement inspiré de dispositifs antérieurs, à la fois la loi du 12 novembre 1996 notamment relative à la négociation collective et les « lois Aubry », le dispositif est le suivant (article 41) :

- à défaut de délégué syndical, le projet habilite les représentants élus du personnel (comités d'entreprise ou délégués du personnel) à signer des accords sous réserve d'un accord de la branche sur la mise en place d'un tel dispositif et d'une validation de l'accord conclu par une commission paritaire, ce qui garantit un contrôle des syndicats sur cette forme de négociation ;

- à défaut de délégué syndical et de représentants élus du personnel, la branche peut autoriser le recours au mandatement, l'accord signé par le salarié mandaté par une organisation syndicale devant ensuite être approuvé par les salariés.

3. Le critère majoritaire, condition de droit commun de la validité des accords

a) Une logique d'accord minoritaire devenue « illégitime » aux yeux des salariés

La logique de l'accord minoritaire n'est plus tenable avec la multiplication des accords dérogatoires. Il convient d'être attentif aux termes employés. Un accord dérogatoire n'est pas nécessairement défavorable aux salariés : il ne s'agit pas de faire moins mais de faire différemment. Ces accords dérogatoires, souvent qualifiés de donnant-donnant, comportent parfois des dispositions mal acceptées des salariés.

Plus généralement, les accords, dérogatoires ou non, font l'objet d'un jeu dans lequel chaque syndicat s'efforce d'apparaître le plus en pointe, même au prix d'exigences irréalistes, escomptant que cette position maximaliste n'entraînera pas de conséquences défavorables pour les salariés dès lors qu'il se trouvera une organisation minoritaire pour signer.

Outre qu'il favorise la surenchère et nuit à l'affirmation d'une position syndicale cohérente, à défaut d'être consensuelle, ce système est profondément déresponsabilisant.

b) La mise en œuvre par le texte d'une logique majoritaire

Dans le droit fil de la position commune du 16 juillet 2001(point I.2), le projet de loi modifie dans son article 34 les règles de conclusion des accords collectifs de travail en liant leur validité à un principe majoritaire. Tous les accords collectifs seront désormais conclus sur ce principe, ce qui tranche avec les expériences antérieures (« loi Aubry II » et loi du 17 janvier 2003 portant relance de la négociation collective sur les licenciements économiques) qui les cantonnaient à un champ strictement défini.

Ce principe est décliné selon deux modes utilisés soit alternativement soit au choix selon le niveau de négociation de l'accord :

- l'accord majoritaire ou majorité d'engagement : recueil de l'approbation de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ de l'accord ou d'organisations représentant la majorité des salariés ;

- l'absence d'opposition de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ de l'accord ou d'organisations représentant la majorité des salariés.

Ces modalités sont retracées dans le document figurant en annexe 4 du rapport.

c) Une première étape ?

Pouvait-on aller plus loin et faire tout de suite de la majorité d'engagement la règle de droit commun ? Plusieurs raisons plaident pour une approche graduelle de la question. Tout d'abord, ce n'est pas le souhait exprimé par les partenaires sociaux dans la position commune. Ensuite, il convient d'observer que l'accent est mis sur la majorité d'engagement au niveau de l'entreprise : il semble que ce soit le niveau adapté pour mobiliser les organisations syndicales et les employeurs, directement sous le regard des salariés intéressés, autour d'une négociation concrète dans laquelle chacun redoutera de rester sans accord.

Tel est bien en effet, plus que le risque, le pari de ce texte. Rien ne garantit que les partenaires sociaux réussiront à surmonter leurs vieux réflexes pour permettre l'émergence d'une majorité autour d'un projet d'accord. Il faut être conscient que la négociation collective, sur un plan quantitatif, risque de se ralentir quelque peu dans les mois à venir, d'abord sous l'impact mécanique de la baisse des accords de réduction du temps de travail, ensuite du fait de la nécessaire adaptation de tous à ces nouvelles règles. Passer dès à présent à l'accord majoritaire à tous les niveaux risquerait d'accentuer ce risque de blocage.

Il paraît plus raisonnable de tester le système mis en place, comme les partenaires sociaux l'ont d'ailleurs demandé en évoquant une « période transitoire », avant, au vu du bilan de ces dispositions en 2007, de passer à une nouvelle étape.

C. DE NOUVEAUX ESPACES POUR LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

Plus légitime, la négociation collective peut s'exercer plus librement. Elle reste encadrée notamment par l'existence de règles constitutionnelles et législatives mais la contrainte selon laquelle chaque niveau de négociation collective ne peut déboucher que sur des dispositions plus favorables - le dogme du « toujours plus » - est assouplie. Est ainsi ouvert un vaste champ à la négociation pour les acteurs sociaux au contact de la réalité du terrain.

1. Une négociation encadrée par des garanties collectives et individuelles

a) Un rôle de la loi essentiel

Le projet ne modifie ni l'article 34 de la Constitution ni l'article L. 132-4 du code du travail. La répartition des compétences entre le législateur et les partenaires sociaux n'est aucunement modifiée. Dès lors, c'est à la loi seule qu'il appartient de garantir un certain nombre de règles constitutives de ce que l'on appelle l'ordre public absolu. On rappellera que continuent ainsi de relever du seul législateur :

- les dispositions impératives par essence ;

- les principes fondamentaux du droit du travail ;

- les principes et règles débordant le droit du travail et échappant par nature aux rapports conventionnels.

Le projet ne modifie pas non plus le principe de faveur régissant les relations entre la loi et les accords collectifs : la première s'impose aux seconds sauf dérogation légale explicite, à moins que ceux-ci ne prévoient des mesures plus favorables.

b) Un régime du contrat de travail protecteur

N'est pas davantage remis en cause le principe de faveur applicable aux relations entre contrat de travail et accords collectifs. Le premier peut résister aux seconds lorsqu'ils sont moins favorables. On notera cependant que la loi du 19 janvier 2000 précitée a prévu une exception légale à ce principe de faveur en ôtant au contrat de travail la faculté de résister aux accords trente-cinq heures, même lorsqu'ils sont défavorables.

2. Une articulation des normes conventionnelles assouplie de façon à rapprocher les normes des besoins des acteurs

a) Une rigidité devenue sans fondement

La raison essentielle de l'assouplissement de la hiérarchie des normes proposé par les articles 36 et 37 est simple : on vise à une meilleure adaptation des normes à la complexité et à l'hétérogénéité de l'entreprise contemporaine, à une plus grande réactivité. Il satisfait par ailleurs à la demande formulée par les partenaires sociaux dans la position commune de disposer de plus de liberté dans l'articulation d'accords dont on a vu déjà qu'ils étaient fortement enserrés entre d'autres catégories de normes.

b) Un assouplissement strictement encadré

L'article 36 propose un assouplissement de l'articulation entre accords interprofessionnels et accords de branche. Le principe de faveur n'est pas remis en cause mais il est permis d'y déroger à la condition que les partenaires sociaux ne l'aient pas expressément interdit au niveau interprofessionnel. On rappellera que cette faculté de dérogation est légitimée par le nouveau mode de conclusion des accords.

L'article 37 procède à la même adaptation de la relation entre la négociation de branche et la négociation d'entreprise. Celle-ci conserve donc le rôle « structurant » que les partenaires sociaux ont entendu lui assigner d'autant que son contenu reste impératif dans certains domaines comme les salaires minimum, les classifications, la protection sociale complémentaire et la mutualisation des fonds de la formation professionnelle.

Le schéma synoptique illustrant cette nouvelle articulation figure en annexe 5 du rapport.

c) Une clarification des champs de compétence de chaque niveau conventionnel

Les partenaires sociaux ont souhaité que cette nouvelle articulation rende à chaque niveau de négociation la compétence propre qui est la sienne selon le modèle suivant :

« Cette articulation encourage le développement de la négociation collective à tous les niveaux, tout en valorisant le rôle d'impulsion et d'encadrement des niveaux centralisés qui reste primordial. »

La position commune détaille ainsi la répartition des compétences :

« Chaque niveau de négociation, national interprofessionnel, de branche et d'entreprise, assure des fonctions différentes dans le cadre d'un système organisé, destiné à conférer une pertinence optimale à la norme négociée tant dans ses effets que dans sa capacité à couvrir l'ensemble des salariés et des entreprises. Garant du système, le niveau national interprofessionnel doit assurer une cohérence d'ensemble.

La branche joue un rôle structurant de solidarité, d'encadrement et d'impulsion de la négociation d'entreprise à travers l'existence de règles communes à la profession. La négociation d'entreprise permet de trouver et de mettre en œuvre des solutions prenant directement en compte les caractéristiques et les besoins de chaque entreprise et de ses salariés. »

3. Un champ élargi pour la négociation

Conséquence logique de cette modification de l'articulation des normes conventionnelles et de la possibilité de déroger aux normes de niveau supérieur, le champ de la négociation d'entreprise est étendu par l'article 38 à la majeure partie des dispositions susceptibles d'être négociées au niveau de la branche.

Va dans ce même esprit de rapprochement du niveau de la négociation des besoins réels la consécration de l'existence d'une négociation de groupe, indépendante de la négociation d'entreprise, par l'article 40 du projet.

Enfin, on ne saurait passer sous silence le droit reconnu aux syndicats par l'article 44 de saisir l'employeur de thèmes de négociation et d'obtenir de lui une réponse sur cette demande.

4. Un dialogue nécessaire entre les différentes sources du droit du travail

Il convient d'abord d'observer que le projet de loi dans son article 43 améliore les conditions d'information du personnel sur le droit conventionnel auquel il est soumis. Cette démarche nécessaire mérite d'ailleurs être complétée.

Elle n'est pas suffisante. Le poids accru de la négociation collective et le code de bonne conduite auquel s'est engagé le gouvernement appellent un dialogue accru entre les différentes sources du droit du travail. A cet effet, le rapporteur proposera :

_ compte tenu notamment de l'engagement solennel du gouvernement de consulter les partenaires sociaux préalablement à toute modification législative ou réglementaire affectant la négociation collective, d'associer le Parlement le plus en amont possible aux évolutions du droit du travail :

- par une représentation des parlementaires au sein de la commission nationale de la négociation collective ;

- par la transmission rapide au Parlement des documents de la commission nationale de la négociation collective touchant aux possibles évolutions du droit du travail ;

_ de renforcer le poids de l'expertise de la commission nationale de la négociation collective tant dans l'élaboration du droit national que dans son articulation avec le droit communautaire :

- par la formulation d'un avis désormais motivé sur les projets de textes législatifs et réglementaires ;

- par la formulation d'un avis comparable sur les projets de textes communautaires, notamment les directives, et de propositions sur leur mode de transposition (on rappellera que l'article 137 du TCE permet une transposition par voie conventionnelle).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de loi relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social au cours de sa séance du 26 novembre 2003.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre d'avoir bien voulu présenter à la commission le projet de loi plus tôt que prévu compte tenu des bouleversements de l'ordre du jour liés tant à la durée prévisible du débat sur le projet de loi relatif à la bioéthique qu'à la longueur des motions de procédure défendues sur certains textes. L'Assemblée nationale disposera ainsi d'un temps suffisant pour examiner de manière approfondie le présent projet de loi en séance publique.

Sur le fond, il s'agit d'un texte majeur voire historique à un triple titre :

- Il opère une transposition de deux textes essentiels issus des partenaires sociaux, adopté par tous s'agissant de celui sur la formation et par tous, à l'exception de la CGT, s'agissant de la position commune de juillet 2001.

- Il permet la mise en œuvre du droit pour chacun à la formation tout au long de la vie que la commission a appelée de ses vœux à maintes reprises. Il reconnaît notamment pour cela un droit individuel à formation.

- Il opère une réforme des règles de la négociation collective comme on n'en a pas connu au moins depuis 1982, voire depuis l'après-guerre. Il pose en particulier le principe de l'accord majoritaire. Le gouvernement prend en outre l'engagement solennel de renvoyer à la négociation collective avant de présenter un projet de loi modifiant le droit du travail.

Ce projet de loi offre à la fois le résultat d'un dialogue social réussi et les moyens d'entretenir cette dynamique.

M. Gaëtan Gorce a estimé que les conditions de l'examen parlementaire de ce texte, très important sur le fond, ne sont pas dignes. L'ordre du jour de l'Assemblée nationale est bouleversé à tout moment, ce qui ne permet pas de travailler sereinement ni d'articuler les travaux de différentes instances siégeant au même moment, par exemple la commission et la mission d'information sur la réduction du temps de travail. Avant de respecter la démocratie sociale, il faut respecter la démocratie parlementaire, ce qu'a déjà rappelé le président du groupe socialiste, tant dans l'hémicycle au travers d'un rappel au Règlement qu'en Conférence des Présidents. Il n'est pas sérieux d'avoir appris au début de cette semaine l'avancement de la date de cette audition et de l'examen des articles en commission, ni de commencer l'examen de ce texte en séance publique un jeudi et un vendredi.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que l'ordre du jour est fixé par le gouvernement. Compte tenu de l'intérêt du texte et de la durée prévisible des débats, il est paru nécessaire de commencer plus tôt son examen en séance publique, ce qui a nécessité d'avancer l'examen en commission tout en tenant compte des autres textes actuellement en débat en séance.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le projet de loi relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social transpose deux textes conclus par les partenaires sociaux. Il permet la modernisation de notre appareil de formation professionnelle et renforce le dialogue social dans notre pays.

Ce texte est fondamental sur l'un et l'autre aspect car la France a besoin d'une réforme profonde pour relancer la formation professionnelle et l'adapter aux besoins de l'économie et aux aspirations des salariés. Elle a également besoin d'une véritable révolution dans son système de négociation collective pour l'adapter aux réalités de notre temps. Ce texte entraînera des mutations profondes dans le système social. Il provoquera une nouvelle donne dans la vie syndicale.

En ce qui concerne la formation professionnelle, le projet de loi reprend fidèlement les principales dispositions de l'accord conclu par les partenaires sociaux, à l'unanimité, en septembre dernier. Il permet, par conséquent, de mettre en œuvre l'un des engagements majeurs du Président de la République : le droit à la formation tout au long de la vie. La possibilité donnée à chacun de se former constitue, en effet, la meilleure arme contre le chômage. C'est le moyen pour chaque salarié de progresser dans son entreprise ou de rebondir professionnellement.

L'objectif de ce projet de loi est de rénover l'appareil de formation professionnelle et de lutter contre les inégalités d'accès à la formation qui touchent les salariés les moins qualifiés et ceux des PME. Son titre n'est pas un gadget. La formation tout au long de la vie doit devenir une réalité dans les entreprises et dans notre société car elle est la condition de l'adaptation des salariés à l'évolution des emplois, du maintien de la compétitivité des entreprises et de la promotion sociale et professionnelle des salariés.

La qualité et l'intensité de la formation seront de plus en plus déterminantes pour l'économie française. Au carrefour de la compétitivité et de la solidarité, l'investissement formation sera bien au XXIe siècle le levier central du progrès.

Première concrétisation de ce caractère essentiel de la formation, le projet de loi prévoit que chaque salarié bénéficiera d'un droit individuel à la formation (DIF) de vingt heures par an, cumulable pendant six ans, utilisable avec l'accord du chef d'entreprise mais aussi sans cet accord sous certaines conditions. Ce droit individuel sera utilisable en cas de licenciement, sauf faute grave. Ce nouveau droit lié à l'individu permet donc la mise en œuvre d'une assurance-formation au profit de son bénéficiaire.

La deuxième innovation concerne le partage du temps de formation entre le temps de travail et le temps libre. L'accord interprofessionnel, naturellement repris par le projet de loi, a prévu un bon équilibre, favorisant une vraie coresponsabilité entre l'entreprise et le salarié : coresponsabilité permettant au salarié, pour développer ses compétences, d'utiliser une partie de son temps libre pour une action de formation et coresponsabilité de l'entreprise qui versera une allocation de formation à son salarié qui réalisera une partie de sa formation en dehors de son temps de travail.

Le projet de loi distingue à cet égard trois catégories de formation :

- L'adaptation au poste de travail : ces actions sont mises en œuvre pendant le temps de travail.

- L'évolution ou le maintien dans l'emploi : ces actions sont également mises en œuvre pendant le temps de travail. Sous réserve d'un accord d'entreprise ou de l'accord formalisé du salarié, elles pourront ne pas s'imputer sur le contingent d'heures supplémentaires, dans la limite de cinquante heures par an.

- Le développement des compétences : elles peuvent, par accord formalisé du salarié, se dérouler en dehors du temps de travail dans la limite de quatre-vingts heures par an. Celles-ci donnent lieu au versement d'une allocation qui correspond à 50 % de la rémunération nette. Cette allocation n'est pas soumise à cotisations sociales.

Lors de la consultation du comité d'entreprise sur le projet de plan de formation, le chef d'entreprise devra préciser la nature des actions de formation proposées en distinguant ces trois catégories.

La troisième innovation majeure du projet de loi concerne la création des contrats et des périodes de professionnalisation. Ils se substitueront aux contrats actuels de formation en alternance. L'objectif est de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle en permettant d'acquérir un diplôme, un titre ou une qualification. Ils comporteront un travail en entreprise et une période de formation. Ce dispositif modulable relancera la formation en alternance. Il permettra d'aider les jeunes à acquérir une qualification ou de faciliter la reconversion des salariés en deuxième partie de carrière.

Quatrième point important de la réforme, l'investissement dans la formation est renforcé. La part de la masse salariale consacrée à la formation dans les entreprises de moins de dix salariés passera de 0,15 % à 0,55 % en deux ans et sera portée de 1,5 % à 1,6 % pour celles de plus de dix salariés. Même si, en pratique, de nombreuses entreprises sont au-delà de ce minimum légal, il en résultera un progrès significatif, notamment pour les PME, au bénéfice d'une plus grande égalité entre les salariés.

Dernier point concernant la formation professionnelle, le projet de loi s'inscrit dans le cadre de l'allongement des durées d'activité. C'est un défi collectif à relever. La responsabilité des entreprises est engagée sur ce sujet : il faut mettre fin à l'éviction des seniors du marché du travail et accroître le taux d'activité des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans. L'accord interprofessionnel apporte de nombreux outils à cet égard et il constitue un tournant important : bilan de compétences après vingt ans d'activités, passeport formation, entretien professionnel tous les deux ans, mise en place d'observatoires des métiers dans les branches, validation des acquis de l'expérience. La mise en place du DIF et la période de professionnalisation seront aussi déterminants pour faciliter cette formation tout au long de la vie, meilleur gage pour permettre l'adaptation du salarié à l'évolution des emplois et pour accroître ses compétences.

En plus de ces innovations sur la formation, le projet de loi comprend également un toilettage de quelques dispositions relatives à l'apprentissage.

Il faut également mentionner l'effort financier consenti par les pouvoirs publics en faveur de la formation. Les contrats de professionnalisation bénéficieront d'une exonération de cotisations. L'allocation formation ne sera pas soumise, non plus, à cotisations sociales. Par ailleurs, le gouvernement apportera, le moment venu, sa contribution à la formation de deuxième chance, à savoir la formation qualifiante différée pour ceux qui sont sortis sans qualification du système scolaire. Celle-ci devra être définie en lien avec les régions, car il ne s'agit pas d'empiéter sur les nouvelles compétences qui leur ont été reconnues par la loi de décentralisation. Ce sera d'ailleurs un des enjeux forts des années à venir que de développer la coopération entre les branches professionnelles et les régions et de promouvoir la concertation sur ce sujet au niveau territorial.

Le deuxième titre du projet porte sur le dialogue social. Il reprend un texte signé par tous les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT, le 16 juillet 2001 : la position commune sur les voies et moyens de la négociation collective. Cette réforme modifie les règles posées par la loi de 1950 sur la négociation collective. Il s'agit d'une réforme difficile car elle heurte des habitudes bien ancrées mais d'une réforme nécessaire pour redynamiser le dialogue social dans notre pays et lui donner, enfin, des règles adaptées à notre siècle.

Chacun doit bien mesurer la portée de ce projet de loi : il s'agit de repenser un système qui date de plus de trente ans. Il est proche de l'essoufflement. Le taux de syndicalisation n'a jamais atteint des seuils aussi bas et la faiblesse de la démocratie sociale a deux conséquences majeures : la culture de la protestation sociale demeure plus prégnante que celle du réformisme social dont dépend pourtant la préservation des principaux acquis sociaux et l'éclatement des liens sociaux qui affecte la société nourrit les extrémismes et les comportements poujadistes. A l'évidence, comme la démocratie politique, la démocratie sociale doit définir de nouveaux modes de régulation et de participation.

Le gouvernement souhaite, par conséquent, un dialogue social fécond, unissant des partenaires sociaux responsables, capables d'assumer, à tous les niveaux de la négociation, des décisions parfois difficiles. Cela passe par un renforcement de la légitimité des accords collectifs négociés. Cela passe aussi par un nouvel équilibre dans les rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux.

Ainsi, avant toute réforme de nature législative touchant les relations du travail, le gouvernement s'engage à donner la priorité à la négociation collective. Il demande en quelque sorte aux partenaires sociaux de prendre leurs responsabilités, s'ils le souhaitent et s'ils le peuvent, avant d'entreprendre une démarche législative.

On reconnaît là l'exemple du droit communautaire qui conduit la Commission européenne à saisir les partenaires sociaux européens avant de proposer une directive au Conseil et au Parlement européen, et à leur laisser l'initiative de l'action. On reconnaît également une pratique nationale qui a souvent bien fonctionné, par exemple avec l'accord interprofessionnel de 1970 suivi par la loi de 1971 sur la formation professionnelle. Mais il y a aussi malheureusement des contre-exemples : la réduction autoritaire de la durée du travail qui a suivi la « journée des dupes » du 10 octobre 1997 ! C'est ce qu'il faut éviter à l'avenir.

L'engagement pris par le gouvernement ne signifie pas que l'Etat, donc le législateur, abdique ses responsabilités car seul le législateur a la légitimité démocratique. Il signifie simplement une répartition des rôles entre les acteurs politiques et les acteurs sociaux. Elle est dans l'intérêt des deux parties pour aboutir à des lois recentrées sur l'essentiel, c'est-à-dire la fixation des principes fondamentaux, et à des lois facilement applicables dans les entreprises.

Voici donc l'équilibre de la réforme qui est proposée afin de renforcer le syndicalisme français et de lui faire prendre toutes ses responsabilités : d'abord inscrire le principe majoritaire comme condition de validité des accords collectifs et ainsi affirmer leur légitimité et ensuite en tirer la conséquence en renforçant l'autonomie des niveaux de négociation et en permettant à un accord d'entreprise majoritaire de déroger aux accords de rang supérieur.

Sur le premier aspect, le principe de l'accord majoritaire, quelle qu'en soit sa forme - majorité d'adhésion ou majorité d'opposition - est posé au niveau de l'entreprise. Au niveau de la branche, le principe d'une élection de représentativité est affirmé. Au niveau interprofessionnel ou de la branche, à défaut d'une élection de représentativité, un accord sera valide si une majorité d'organisations syndicales ne s'y oppose pas.

Sur le deuxième aspect, l'accord d'entreprise devient, en principe, pleinement autonome par rapport à l'accord de branche. Celui-ci reste toutefois impératif dans trois domaines : la fixation des salaires minima, les grilles de classification et les mécanismes de mutualisation des financements, comme par exemple la formation professionnelle. L'accord de branche pourra toutefois conserver son caractère impératif si tel est le souhait des négociateurs de branche. Enfin, ces nouvelles dispositions sur l'articulation des niveaux de négociation n'ont pas de caractère rétroactif. Cela respecte la valeur hiérarchique que les négociateurs avaient entendu conférer à ces accords.

Le projet de loi correspond ainsi à un double équilibre, équilibre entre la validité nouvelle des accords liée à l'accord majoritaire et l'autonomie des niveaux de négociation, et équilibre au niveau des branches et des entreprises, par la négociation, sur le degré d'autonomie à donner aux accords d'entreprise.

Un débat a suivi l'exposé du ministre.

M. René Couanau s'est félicité de la réforme importante du dispositif de formation professionnelle, attendue de longue date, engagée par le ministre selon une bonne méthode, celle de la concertation et de la négociation. Si elle peut faire naître certaines frustrations chez les parlementaires, on ne peut pas à la fois vouloir renouer les fils du dialogue social et regretter dans le même temps que le Parlement ne puisse pas apporter de modifications substantielles à un accord conclu par les partenaires sociaux. Il faut également saluer, à cette occasion, la mise en œuvre de l'un des engagements pris par le ministre devant la commission lors du débat sur les retraites : la recherche de nouveaux outils permettant d'améliorer le taux d'activité des personnes âgées.

Il serait cependant intéressant de disposer d'éléments d'information permettant d'analyser la portée des changements apportés par le projet de loi dans le domaine de la formation professionnelle. Face aux craintes suscitées par la disparition des contrats de qualification, qui ont été un succès jusqu'à présent, le ministre pourrait-il apporter des précisions complémentaires quant aux avantages et inconvénients des contrats de professionnalisation qui les remplacent ?

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur, a tout d'abord regretté les conditions dans lesquels les parlementaires sont conduits à travailler sur un sujet aussi important, avant de souligner l'importance de l'accord du 21 septembre dernier. Il permet en effet d'espérer l'émergence d'une nouvelle culture du dialogue social, mais également, en matière de formation professionnelle, d'améliorer la promotion sociale ainsi que l'adaptation à l'emploi. Il était risqué, mais courageux, de faire le pari de lier des réformes à la signature d'accords par l'ensemble ou la quasi-totalité des partenaires sociaux. C'est pourquoi il est important que leur transposition au niveau législatif ne remette pas en cause l'équilibre trouvé entre ceux-ci. A cet égard, le Parlement a un rôle essentiel à jouer en tant que relais de l'information auprès des citoyens.

Si l'instauration de contrats uniques de professionnalisation présente un avantage certain en termes de lisibilité, l'inquiétude suscitée par la disparition des contrats de qualification est compréhensible. Après des débuts difficiles parce qu'ils paraissaient concurrencer les contrats d'apprentissage, ils ont donné de bons résultats. Il serait par ailleurs utile de disposer d'un tableau comparatif des dispositions prévues par l'accord sur le dialogue social et de celles du projet de loi.

M. Gaëtan Gorce s'est félicité que, dans le prolongement de l'accord conclu en 2001 qui constitue une avancée certaine pour les rapports entre les partenaires sociaux, un débat soit engagé sur ce sujet. Ce projet soulève toutefois de nombreuses interrogations, voire des menaces, sur la négociation collective et la démocratie sociale.

S'agissant des conditions de signature des accords, les mesures proposées par le projet ne constituent en réalité qu'un « ersatz » d'accord majoritaire, le gouvernement n'ayant pas osé franchir le Rubicon dans ce domaine. En effet, ces accords reposent sur une majorité d'opposition et non d'engagement. Or, cela représente une sorte de leurre dans la mesure où l'accord signé entre les partenaires sociaux reposait sur un équilibre, la place laissée à la négociation d'entreprise étant contrebalancée par l'exigence de majorité d'engagement. La rédaction retenue permettra en réalité aux organisations électoralement minoritaires de bloquer la négociation d'entreprise. Ce projet risque ainsi de cristalliser le droit d'opposition, de favoriser l'émiettement syndical et de bloquer la réflexion sur la représentativité. C'est loin d'être la « révolution juridique » annoncée par le ministre, cette réforme constitue en réalité une « révolution de papier ».

Le projet organise, d'autre part, non pas l'articulation mais l'anarchie des normes, puisqu'il remet en cause les accords de branche, qui constituent pourtant le niveau le mieux adapté pour définir les garanties collectives. En effet, il procède à un renversement de la donne, en posant comme principe la possibilité au niveau de l'entreprise de déroger à ces accords et, d'une certaine façon, comme exception, le respect des dispositions prévues par la branche. L'inquiétude des partenaires sociaux est donc légitime dans la mesure où le texte semble remettre en cause la négociation collective de branche.

L'article 39 du projet soulève plusieurs difficultés juridiques. Il est nécessaire d'y apporter des clarifications. Pourquoi n'interdit-on pas simplement les dérogations antérieures à la présente loi ?

Enfin, il paraît pour le moins fallacieux de mettre sur le même plan l'accord interprofessionnel sur la formation professionnelle, qui semble servir de paravent, et la position commune dont la transposition au niveau législatif semble beaucoup plus contestable.

M. Christian Paul a estimé que l'accord national interprofessionnel (ANI) constitue un nouvel acquis, sur lequel il paraît légitime de prendre appui pour réformer le dispositif de formation professionnelle, dont les fondations ont été posées depuis plus de trente ans. Ce projet soulève cependant deux séries d'interrogations.

En premier lieu, il convient de s'interroger sur la responsabilité réelle de l'Etat en matière de formation professionnelle, qu'il s'agisse de son rôle, tel qu'il doit être défini par la loi, mais également de la façon dont il doit s'incarner au niveau budgétaire. Il serait préjudiciable pour la réussite de cette réforme que l'Etat se désengage au moment même où les partenaires sociaux parviennent à conclure un accord. En effet, si l'on considère réellement la formation professionnelle comme une obligation nationale, ses moyens réels ne doivent pas être diminués. Deux exemples illustrent bien l'attitude d'affichage du gouvernement : le droit à la formation tout au long de la vie, pour être garanti, ne doit pas être financé uniquement par les employeurs et les salariés ; le droit à une formation qualifiante différée n'est ni défini, ni financé et ne constitue donc pas, en l'état, une seconde chance de formation.

Dans le cadre de la décentralisation et du transfert aux régions des compétences et des responsabilités en matière de formation professionnelle, ce texte soulève une série de questions : quel sera le pilotage national ? Quelle sera l'offre publique de formation ? Quel est l'attachement du ministre au service public de formation ? Quel avenir pour l'AFPA dont le démantèlement semble programmé ? Enfin, quelle est l'opinion du ministre concernant l'extension de ces droits aux fonctions publiques ? Le gouvernement aurait pu avoir des ambitions plus fortes afin de permettre à l'ANI de porter tous ses fruits.

En second lieu, la responsabilité du législateur doit être soulignée. Bien plus qu'une base de travail, l'ANI constitue en réalité un socle de droits, qui peut être amélioré au niveau des entreprises, comme l'ont souligné différentes organisations syndicales. A cet égard, il paraît pour le moins cavalier de mener « à la hussarde » l'examen de ce projet de loi et cela illustre un déclin préoccupant du Parlement.

Dans le contexte de revanche sociale qui prévaut, les partenaires sociaux sont allés au bout de ce sur quoi ils pouvaient s'accorder mais n'ont mené à leur terme que leurs exigences minimales. Le législateur ne doit pas bouleverser l'équilibre de cet accord même si deux sujets méritent une attention particulière et feront l'objet d'amendements du groupe socialiste. Il convient tout d'abord d'assurer la transférabilité du droit individuel à la formation (DIF), qui ne doit pas être limitée aux seuls cas de licenciement, mais doit également pouvoir être portée d'une entreprise à l'autre. Il faut faire de ce droit théorique en l'état un droit véritable. Le droit à la formation différée doit, d'autre part, être organisé selon des modalités offrant une réelle seconde chance de formation. Le débat parlementaire permettra peut-être au gouvernement de ne pas laisser passer la seconde chance qui lui est offerte par ces amendements.

Tout en soulignant l'intérêt capital du projet de loi, M. Jean Ueberschlag a protesté contre les conditions de travail faites aux parlementaires. En effet, le texte n'a pu être disponible que ce matin et, de surcroît, le gouvernement a déclaré l'urgence pour son examen. Si, sous la législature précédente, le dialogue social était absent, c'est désormais l'inverse et le Parlement n'a plus qu'à entériner les fruits de ce dialogue. In medio stat virtus : il est regrettable de se voir confronté à de tels extrêmes.

Ce texte ouvre un chantier qui, pour autant, n'est pas clos. La formation professionnelle repose sur quatre piliers : les contributeurs, les organes de collecte, les organes de formation et les bénéficiaires.

Le texte présenté concerne surtout les contributeurs et les bénéficiaires. Il est regrettable que la collecte des fonds de la formation professionnelle soit oubliée. En effet, il s'agit d'un montant de 22 milliards d'euros qui va augmenter du fait de l'accroissement de la contribution des entreprises. On devrait ainsi atteindre un montant de 25 milliards d'euros, soit la moitié du budget de l'enseignement scolaire, cinq fois le budget de l'agriculture, quinze fois le budget de la culture ou de la justice et trente-six fois celui de la jeunesse et des sports.

La question est bien celle de l'utilisation de ces fonds et de la faiblesse du contrôle. De fait, la presse se fait l'écho de corruption, d'ententes suspectes et d'emplois fictifs. L'argent de la formation professionnelle est collecté par des organismes nombreux et qui représentent les contributeurs. Imaginerait-on que la collecte de l'impôt sur le revenu soit confiée à la ligue des contribuables ? Les collecteurs devraient être soumis à une obligation de bilan. La transparence doit être renforcée.

Enfin, on peut s'interroger sur un report de l'entrée en vigueur du texte, la date du 1er juillet 2004 ne garantissant pas aux acteurs concernés un temps suffisant de préparation.

M. Maxime Gremetz a considéré que la position commune du 16 juillet 2001 est historique mais peut néanmoins être améliorée par des amendements. En effet, tout accord de cet ordre demeure un compromis entre les syndicats d'employés et les syndicats d'employeurs.

Pour ce qui concerne le contrôle de l'utilisation des fonds publics, on ne peut que constater que la nouvelle majorité a supprimé la loi qui avait institué une instance dans ce domaine.

L'importance du chantier ouvert par le présent texte ne saurait être sous-estimée puisqu'il s'agit du devenir du code du travail, de la législation sociale et des conditions de la négociation collective. Elle est utilement éclairée par les propos tenus par M. Antoine Lyon-Caen à un quotidien du soir. « Le projet présente un diagnostic pertinent. Mais le texte démontre un réel état d'impréparation, une absence d'anticipation qui le rendent impertinent dans son état. Le ministre n'attache pas assez d'importance aux effets que ces changements de règles peuvent entraîner. La position commune des partenaires sociaux, de juillet 2001, représentait un compromis, un équilibre entre les organisations syndicales, hormis la CGT et le MEDEF. Mais cette position commune ne dispense pas l'Etat d'étudier soigneusement les effets et les conséquences de son projet. On trouve d'abord dans ce texte l'attribution aux branches professionnelles d'une lourde responsabilité. C'est à ce niveau que seront définies les règles de négociation qui relevaient jusqu'alors de la loi. La branche dira si les règles qu'elle pose sont impératives ou non et quelle place est laissée à l'accord d'entreprise. Si on donne une telle responsabilité aux branches, il faut au moins un accord majoritaire à ce niveau et pas seulement un droit d'opposition comme cela est prévu. Par ailleurs, le projet de loi amplifie le mouvement de diversification des agents dans la négociation décentralisée et, avec cette diversification, l'idée majoritaire s'estompe. Un salarié mandaté, hors de toute présence syndicale dans l'entreprise, n'exprime aucune majorité. Le ministre affirme vouloir renforcer la place des syndicats et la nécessité de l'accord majoritaire, mais ici, on lui tourne le dos. En résumé, il est extrêmement regrettable de ne pas rechercher un profond consensus sur les règles de la négociation collective. C'est, d'une certaine manière, un défi au bon sens, car ce sujet nécessite une adhésion, le soutien le plus large. Il faut donner confiance aux protagonistes. Fixer de nouvelles règles du jeu exige que les joueurs les comprennent et les acceptent. »

Le projet de loi constitue une réforme manquée du dialogue social profitable au seul MEDEF. En dépit de la prétendue promotion de l'accord majoritaire, tout est fait contre l'application de celui-ci. On dit favoriser l'accord de la majorité des salariés dans les entreprises mais, dans le texte, on se rattrape aux branches ! La solution retenue est celle du droit d'opposition de la majorité des organisations. Trois syndicats, minoritaires en voix mais majoritaires en nombre, pourront bloquer la négociation interprofessionnelle et de branche.

Par ailleurs, le texte prévoit un nombre important de dérogations aux normes supérieures. A titre d'exemple, il ne sera plus nécessaire d'abroger les trente-cinq heures puisque chaque entreprise pourra par accord collectif déroger au contingent d'heures supplémentaires. C'est une totale remise en cause du principe de faveur.

L'actualisation des règles de la représentativité des organisations syndicales fait partie des demandes du groupe communiste. En effet, certaines organisations ne sont pas reconnues. Des amendements seront déposés tendant à poser le principe de l'accord majoritaire à tous les niveaux de négociation et à organiser au niveau des branches une élection de représentativité tous les cinq ans.

De tous les textes présentés jusqu'à présent par le ministre, celui-ci est le plus nocif car il menace tous les salariés et leurs acquis. Le gouvernement aurait dû, dans un premier temps, faire valider l'accord au lieu de se précipiter pour présenter son projet.

M. Francis Vercamer a protesté, au nom du groupe UDF, contre les conditions d'examen du projet de loi. L'UDF a toujours prôné le dialogue social. Ce dialogue est d'ailleurs trop peu présent dans bien d'autres textes du gouvernement. Mais on peut s'interroger sur la place du Parlement dans ce texte, cela d'autant plus qu'il semble hasardeux de pouvoir amender un accord des partenaires sociaux.

Le principe de l'accord majoritaire pose le problème de la représentativité syndicale. En effet, aujourd'hui, 9 % seulement des salariés sont syndiqués. Dans ces conditions, on ne peut que s'interroger sur la nature de la majorité dégagée. Dans ce contexte, il faut tout faire pour redonner du poids aux syndicats. L'expérience prouve que ceux-ci sont souvent confrontés à une contestation de la base qui ne peut que profiter aux coordinations.

Vu sous l'angle de la formation professionnelle, le projet comporte de nombreuses mesures positives. Cependant, des interrogations demeurent puisque, par exemple, le dispositif du droit individuel à la formation ne garantit pas de formalisation de l'accord passé entre l'employeur et le salarié. Le risque est donc, au premier litige, de voir émerger une jurisprudence qui ne manquera pas d'être complexe. Une hausse des contributions concerne surtout les petites entreprises, ce qui leur posera un réel problème. Des règles de conduite devraient être définies dans le domaine du contrôle des fonds et de la détermination des objectifs de formation.

M. Frédéric Reiss s'est félicité de l'excellence du projet. En effet, en économie, la vérité d'un jour n'est pas nécessairement celle du lendemain et il faut donc pouvoir s'adapter.

L'exemple du texte portant réforme des retraites mériterait d'être retenu. Le ministre chargé du travail a su l'élaborer conjointement avec le ministre chargé de la fonction publique. De même, certaines dispositions du présent projet pourraient être transposées à la fonction publique, en particulier à l'éducation nationale.

Par ailleurs, l'expérience montre que, dans l'ensemble d'une carrière professionnelle, le schéma d'un parcours linéaire n'est plus pertinent. Bien au contraire, ce parcours est très souvent sinueux. Ainsi, la validation des acquis de l'expérience doit être largement mise en avant, faute de quoi, la notion de deuxième chance risquerait d'être vidée de son contenu.

La transposition des accords doit être fidèle mais exigeante. La souplesse n'est pas antinomique de la rigueur.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est interrogé sur les critères retenus pour définir la durée des contrats de professionnalisation, qui semble trop courte pour assurer la mise en place de formations réellement diplômantes, en particulier pour les personnes qui préparent un titre ou un diplôme de l'enseignement technologique ou professionnel à caractère interprofessionnel ou tertiaire.

En réponse aux différents intervenants, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a donné les indications suivantes :

- Un tableau comparatif de l'organisation de la formation professionnelle avant et après la réforme sera fourni aux membres de la commission.

- En ce qui concerne la durée des contrats de professionnalisation, les partenaires sociaux se sont accordés sur un principe de professionnalisation avec une durée minimale de six mois et une durée de formation au moins égale à 15 % de la durée totale du contrat. Cette durée est cependant modulable au niveau des branches en fonction des types de formation suivies. Il faut noter que cette durée, certes plus courte, sera applicable à plus de personnes, et en particulier à ceux qui, jusqu'à présent, n'avaient accès à aucune formation professionnelle. En effet, si le dispositif des contrats d'insertion en alternance fonctionne bien, ces stages n'ont qu'un public restreint. 140 000 contrats étaient en cours en 2003. Au total, environ 200 000 personnes bénéficient aujourd'hui d'un dispositif de formation en alternance, ce qui est insuffisant. L'objectif principal du texte est d'accroître fortement le nombre de personnes concernées par ces dispositifs. Les organismes privés de formation n'ont donc pas de souci à se faire : les durées de formation seront parfois moins longues mais les formations elles-mêmes seront beaucoup plus nombreuses. Il n'est pas question de mettre un terme aux formations diplômantes mais d'élargir le plus possible l'accès aux formations à un public très large de façon à accroître l'égalité des chances des salariés, quelle que soit l'entreprise dans laquelle le salarié est employé.

- Il n'y a pas de différences entre le projet de loi et l'accord collectif en ce qui concerne la formation professionnelle. Par contre, en matière de dialogue social, deux différences notables peuvent être soulignées : l'introduction du principe de l'organisation d'une élection de représentativité au niveau de la branche et la clarification des conditions de dérogation à un accord de branche dans l'entreprise. Celle-ci ne sera en effet possible que par un accord des organisations représentatives d'une majorité de salariés ou par l'absence d'opposition de la majorité des salariés (et non d'une majorité d'organisations syndicales). Sur certains points, la position commune pouvait décliner des options mais la loi doit trancher avec précision. Le projet de loi le fait par exemple s'agissant du choix entre majorité d'engagement et droit d'opposition. Dans le doute est privilégiée la solution minimale du droit d'opposition, seul terrain d'entente pour l'ensemble des partenaires sociaux.

- On peut dès lors dire que le projet de loi ne va pas assez loin mais il convient plutôt de considérer que ce texte marque une étape nécessaire dans le processus de généralisation de l'accord majoritaire. Cette étape est nécessaire car, à l'heure actuelle, il n'est pas certain que toutes les organisations syndicales représentatives soient en mesure de signer des accords majoritaires. Avant d'aller plus loin, il faut donc montrer que ces organisations peuvent prendre leurs responsabilités en la matière et qu'il ne faut pas craindre de tels accords. Le projet de loi constitue donc un point d'équilibre directement issu de l'accord conclu entre les partenaires sociaux et il ne semble pas raisonnable de vouloir aller au-delà pour le moment.

- Loin d'être une menace pour les syndicats, le développement des accords majoritaires est la meilleure façon de développer le rôle des partenaires sociaux dans l'entreprise. Chacun déplore que le taux de syndicalisation dans les entreprises privées plafonne à 5 % des salariés mais il n'évoluera pas tant que la négociation sociale s'arrêtera au niveau des branches. Il convient donc de donner une plus grande liberté aux entreprises, dans les limites fixées par la loi.

- La sécurisation de la valeur hiérarchique des accords antérieurs prévue par l'article 39 vise à ne pas remettre en cause un accord de branche ne comprenant pas de possibilité de dérogation au profit d'accords de niveau inférieur. Les négociations de branche conserveront donc leur rôle de pivot, notamment vis-à-vis des petites et moyennes entreprises. Si la négociation d'entreprise pourra acquérir une certaine autonomie, ce sera à la branche d'en définir au cas par cas l'ampleur.

- Le texte s'inscrit bien dans le mouvement de décentralisation de la formation professionnelle en direction des régions, notamment pour les commandes publiques via l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Le financement du dispositif sera assuré pour les salariés selon les dispositions prévues par l'accord et reprises dans le projet de loi et pour les chômeurs indemnisés par l'UNEDIC, dans le cadre du dispositif du Plan d'aide au retour à l'emploi (PARE). Quant aux chômeurs non indemnisés, les modalités de financement doivent encore être débattues et précisées.

- Tout n'est pas encore prêt pour assurer la mise en place du dispositif de seconde chance, la « formation qualifiante différée » à laquelle le gouvernement est très attaché.

- C'est la première fois qu'un texte met en place un authentique droit individuel à la formation attaché à la personne du salarié, qui en garde le bénéfice même s'il change d'entreprise, sauf dans les cas de licenciement pour faute grave. Certains trouvent manifestement que le texte ne va pas assez loin en la matière. Il faut pourtant noter que cette transférabilité est déjà suspecte aux yeux des employeurs qui craignent de devoir former des salariés susceptibles de partir ensuite dans une entreprise concurrente.

- Toutes les parties à la négociation ont fait des efforts pour parvenir au dispositif repris par le texte : il s'agit là d'un équilibre fragile, que des modifications importantes pourraient réduire à néant, les partenaires sociaux préférant renoncer à négocier si les conditions finalement arrêtées par le législateur sont trop déséquilibrées. De façon plus générale, c'est toute la question du rôle du législateur dans un contexte de renforcement de la démocratie sociale qui est ici posée. Plus la place donnée à la négociation collective sera importante dans l'élaboration de notre droit social, plus il faudra réfléchir, comme l'ont fait d'autres pays de l'Union européenne, à une évolution des modes d'intervention du Parlement dans ce domaine, en particulier en amont de la phase législative.

- L'accord et donc le projet de loi ne vont effectivement pas assez loin en matière de transparence des fonds de financement de la formation professionnelle, mais aucune organisation n'a fait de proposition en la matière ! Le texte comporte cependant quelques avancées notables, comme la fusion de l'AGEFAL (association de gestion des fonds en alternance) et du COPACIF (comité paritaire du congé individuel de formation).

- Il est souhaitable de ne plus tarder dans la mise en œuvre de l'accord national interprofessionnel dont la signature a déjà pris beaucoup de temps. Les partenaires sociaux se sont mis d'accord pour une entrée en application de la réforme au 1er juillet 2004. Il serait regrettable de reporter cette date car le dispositif proposé est essentiel à l'effort d'adaptation de la France face à la contrainte internationale.

- Il n'est pas possible de dire que ce texte n'a pas été préparé puisque des échanges ont eu lieu depuis plus d'un an avec les partenaires sociaux et que ceux-ci ont longuement débattu auparavant de la position commune dont il s'inspire. Il est tout aussi faux de dire qu'il avantage le MEDEF. Celui-ci, comme les autres, a fait un certain nombre de concessions et n'était notamment pas très enthousiaste face à l'entrée de l'accord majoritaire dans le paysage syndical.

- Le texte comprend également des avancées en matière de représentativité puisqu'il incite les branches à organiser des élections de représentativité et que, en l'absence ou dans l'attente de telles élections, la représentativité sera évaluée sur la base des élections professionnelles, ce qui est une garantie forte. Il aurait bien sûr été préférable de pouvoir prévoir une obligation de procéder à ces élections dans un délai de cinq ans, mais les partenaires sociaux n'étaient manifestement pas prêts à accepter une évolution aussi importante.

- Il n'y a pas d'effet rétroactif du nouveau dispositif et il n'est en conséquence pas possible de revenir, par exemple, sur les accords de réduction du temps de travail.

- Ce texte présente certes des insuffisances, puisqu'il s'appuie sur un compromis, mais il a l'incontestable mérite d'initier une réforme jusqu'alors différée.

- En ce qui concerne les modifications susceptibles d'être apportées au texte lors de son examen par le Parlement, il va de soi que celui-ci est souverain. Il convient néanmoins de ne pas bouleverser l'équilibre dégagé par les partenaires sociaux.

- Il est en effet possible de s'interroger sur la représentativité de syndicats qui ne représentent que 5 % des salariés. Dès lors, il importe de multiplier les lieux de négociation et de responsabiliser les syndicats en avançant vers les accords majoritaires.

- Il est souhaitable de ne pas faire preuve d'un formalisme excessif et de laisser de la souplesse à l'application concrète du DIF. Il doit avant tout reposer sur l'accord entre le salarié et l'employeur. A défaut, on versera dans le système du CIF.

- Il est vrai que le prélèvement demandé aux PME est en hausse significative. Mais, d'une part, l'accord a été signé par la CGPME et, d'autre part, cela correspond au souci des PME de proposer à leurs salariés une offre de formation équivalente aux grandes entreprises afin de conserver la main d'œuvre qualifiée.

- La question de l'éventuelle extension du dispositif du droit individuel à la formation à la fonction publique n'est pas de la compétence du ministère chargé des affaires sociales. Des discussions sont menées sous l'égide du ministre de la fonction publique.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa séance du 26 novembre 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. René Couanau a souligné l'apport de ce texte au problème de société que constitue la formation. Cette question doit être liée à l'actuel débat sur l'éducation afin de témoigner des grandes ambitions de la nation en matière de formation initiale et professionnelle. En effet, la création d'un droit individuel à la formation tout au long de la vie aura nécessairement des conséquences sur la formation initiale.

Le rapport devrait inclure une comparaison précise et illustrée entre le système actuel de formation professionnelle et le dispositif proposé par le projet de loi. Le système de la formation continue souffre de multiples handicaps, notamment la complexité et l'opacité des circuits financiers. Il n'est pas possible de faire l'impasse sur les points faibles que constituent la répartition des compétences entre l'État et la région et la complexité du parcours que doit emprunter le salarié dans sa démarche. S'il n'est pas possible d'améliorer le texte dans le sens de la simplification du financement et du parcours des salariés, il est indispensable que le rapport fait au nom de la commission mentionne ces deux nécessités. Il est patent que des problèmes de structures sont à l'origine de déperditions en matière de financement, en raison de charges de fonctionnement très lourdes. Il est du devoir des parlementaires d'apporter un éclairage à ce sujet.

Rappelant une remarque de M. Maxime Gremetz selon laquelle le Parlement ne pourrait qu'entériner la réforme proposée, le président Jean-Michel Dubernard a souligné que la discussion de ce texte est en effet particulière puisque le projet de loi repose sur un accord entre les partenaires sociaux. A l'avenir, le Parlement pourrait être associé plus en amont, dès le stade des négociations, à de telles réformes afin d'agir plus efficacement.

Par ailleurs, la question de la durée des contrats de professionnalisation, qui pourrait se révéler trop courte, ne doit pas être éludée.

M. Alain Néri a rappelé que les questions du fonctionnement des organismes de formation, de leur habilitation et de leur contrôle ont déjà été évoquées par le passé. Ce système ne répond plus aux besoins actuels et la prolifération des « stages parking » discrédite ce secteur d'activité ainsi que la formation professionnelle aux yeux de ceux qui en ont le plus besoin. Il est hautement souhaitable que les personnes qui ont reçu les formations initiales les moins étoffées bénéficient des droits les plus importants en matière de formation continue, contrairement à la situation qui prévaut actuellement.

M. Jean Ueberschlag a rappelé qu'à l'origine les contrats de qualification étaient qualifiants, et non diplômants comme cela est aujourd'hui très souvent le cas. Fixer une durée de six ou douze mois pour les contrats de professionnalisation constitue une régression sociale par rapport aux dispositifs en vigueur : on coupe les ailes aux contrats de qualifications ! Il serait intéressant de savoir si le droit à la formation est transférable pour un même salarié au sein d'entreprises successives ou si le droit de tirage est uniquement ouvert à l'entreprise. L'article 9 du projet présente une avancée par rapport à l'accord conventionnel en ouvrant le bénéfice du droit individuel à la formation aux salariés sous contrat à durée déterminée. Ce texte constitue en tout état de cause une première étape, qui peut être complétée par une initiative parlementaire pour faire évoluer l'édifice de la formation professionnelle vers plus de transparence, initiative qui pourrait prendre la forme d'une proposition de loi.

M. Maxime Gremetz, après avoir interrogé le rapporteur sur les sources de blocage d'une démarche vers plus de transparence des circuits de financement lors des négociations, a souligné l'extrême complexité des règles relatives à la négociation collective et a souhaité que le rapport présente sous la forme d'un schéma explicatif l'articulation du système.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :

- Le rapport mettra clairement en exergue la situation concrète des salariés au regard de la formation professionnelle avant et après cette réforme.

- La question de la collecte des fonds n'est pas nouvelle et sera abordée.

- La durée du contrat de professionnalisation et la place de la formation dans ce contrat sont fixées a minima par l'accord, les branches pouvant y déroger dans un sens plus favorable au titulaire du contrat. Les branches professionnelles n'ont sans doute pas encore clairement perçu cette possibilité.

- Le projet prévoit la possibilité d'adapter la durée et le contenu des formations lorsqu'elles s'adressent à des publics en difficulté.

- Le rapporteur, pas plus que le ministre, n'était présent à la table des négociations entre les partenaires sociaux. Il ne peut donc pas fournir d'informations sur les organisations qui n'auraient pas souhaité aller vers plus de transparence.

- La complexité du texte rend nécessaire la réalisation d'un schéma synoptique pour éclairer les commissaires sur les règles de conclusion des accords.

III.- EXAMEN DES ARTICLES

La commission a examiné les articles du présent projet de loi au cours de ses séances du 3 décembre 2003.

TITRE IER

DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE TOUT AU LONG DE LA VIE

Avant l'article premier

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul visant à modifier le titre du projet de loi.

M. Christian Paul a indiqué que la formation tout au long de la vie ne doit pas se limiter à la formation professionnelle tout au long de la vie. Elle doit avoir un objectif plus large allant au-delà de la seule qualification professionnelle.

Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, la commission a rejeté l'amendement.

Chapitre Ier

Dispositions générales

Article premier

Inscription de la formation tout au long de la vie dans le code du travail

Le présent article vise à inscrire dans le code du travail la notion de formation tout au long de la vie.

La « formation tout au long de la vie » est une formulation qui permet de mieux prendre en compte l'impératif d'une formation continue tout au long de la carrière professionnelle.

Le présent article propose donc de modifier l'intitulé du livre IX du code du travail. Le texte en vigueur est : « De la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente ». Le texte proposé est : « De la formation professionnelle continue dans le cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie ».

A noter que l'intitulé de l'accord national interprofessionnel signé le 20 septembre dernier est « relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle ». En comparaison, la rédaction proposée par le présent article est plus large car elle intègre les formations suivies sans mention du statut de la personne. Cependant, elle se restreint à l'aspect professionnel de la formation tout au long de la vie, ce qui est cohérent avec le texte de l'accord national interprofessionnel.

La suppression de la référence à l'éducation permanente est cohérente avec le texte de l'accord national interprofessionnel, qui n'en fait plus mention mais insiste sur « l'accès de tous à la formation tout au long de la vie professionnelle » (expression employée dans le préambule). L'« éducation permanente » est une expression utilisée dans les années soixante-dix, qui a vieilli et qui peut être avantageusement remplacée par la mention de la « formation tout au long de la vie ».

*

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul visant à ce que la formation professionnelle s'inscrive dans le cadre de l'éducation permanente.

Après avoir regretté l'absence de débat de fond lors de l'examen de l'amendement précédent, M. Christian Paul a indiqué que l'amendement poursuit un but comparable. Il a pour objectif de faire de l'éducation permanente un élément consubstantiel de la formation professionnelle continue, comme cela était initialement prévu dans la loi de 1971.

Le rapporteur a remarqué que le concept d'éducation permanente était un peu daté. A ce titre, il est préférable de lui substituer la notion de formation tout au long de la vie.

La commission a rejeté l'amendement.

Puis elle a adopté l'article 1er sans modification.

Article 2

(article L. 900-1 du code du travail)


Objectifs de la formation professionnelle continue

Le présent article propose de modifier l'article L. 900-1 du code du travail afin d'élever la formation professionnelle tout au long de la vie au rang d'obligation nationale et de préciser les différents objectifs de la formation professionnelle continue.

En cohérence avec l'article premier du projet de loi, le 1° du présent article propose de substituer, dans la première phrase de l'article L. 900-1 du code du travail, aux mots « formation professionnelle permanente » les mots « formation professionnelle tout au long de la vie », érigée ainsi au rang d'obligation nationale.

Le 2° concerne les objectifs de la formation professionnelle continue. La rédaction en vigueur de l'article L. 900-1 du code du travail dispose que la formation professionnelle continue vise à  :

- permettre l'adaptation des travailleurs au changement des techniques et des conditions de travail ;

- favoriser leur promotion sociale par l'accès aux différents niveaux de la culture et de la qualification professionnelle ;

- favoriser leur contribution au développement culturel, économique et social.

Le présent article propose de fixer à la formation professionnelle continue les objectifs suivants :

- favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs ;

- permettre leur maintien dans l'emploi ;

- favoriser le développement des compétences des travailleurs ;

- favoriser leur accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle ;

- contribuer au développement économique et culturel et à la promotion sociale.

La rédaction proposée pour le deuxième alinéa de l'article L. 900-1 du code du travail supprime la référence à l'éducation permanente.

Le texte de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 ne mentionne pas de manière aussi formelle les objectifs de la formation professionnelle continue, le préambule listant les objectifs suivis par les partenaires sociaux dans leur négociation.

*

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul visant à ce que la formation tout au long de la vie professionnelle constitue une obligation nationale.

M. Christian Paul a souligné que la formation professionnelle continue doit être une obligation nationale. A ce titre, elle doit mobiliser toutes les ressources de l'Etat et notamment celles du ministère de l'éducation nationale.

M. René Couanau a reconnu la pertinence des remarques de M. Christian Paul. Toutefois, il a indiqué que les propositions n'ont aucune raison d'être inscrites dans un texte relatif au droit du travail. Elles pourraient être intégrées dans le projet de loi d'orientation scolaire que le Parlement examinera au second semestre de l'année 2004.

Sur l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

Elle a rejeté un amendement de M. Christian Paul visant à ce que la formation professionnelle continue fasse partie de l'éducation permanente.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul visant à préciser dans les objectifs généraux de la formation professionnelle continue la nature des formations relatives au maintien dans l'emploi des salariés.

M. Christian Paul a déclaré qu'il convient de mieux distinguer les trois types de formation professionnelle que sont : les actions d'adaptation au poste de travail en cas de changement des techniques, les actions de formation liées à l'évolution des emplois, les actions de formation qui participent au développement des compétences.

Après avoir indiqué que cette préoccupation est satisfaite par la rédaction de l'article 10 du projet de loi, le rapporteur a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Frédéric Dutoit visant à ouvrir la définition des objectifs de formation professionnelle à la culture et à la vie sociale.

M. Frédéric Dutoit a déclaré qu'une bonne formation initiale est nécessaire pour appréhender dans les meilleures conditions possibles les techniques nouvelles. Cette préoccupation est d'ailleurs inscrite dans la loi de 1971.

Le rapporteur a indiqué que les notions de développement culturel et de promotion sociale sont déjà présentes dans la rédaction du 2° de l'article 2 du projet de loi.

M. Maxime Gremetz s'est étonné de l'avis défavorable émis par le rapporteur. La précision proposée par l'amendement s'inscrit en effet dans la droite ligne de la philosophie de la loi de 1971, votée alors à l'unanimité. Il importe de montrer la continuité entre les deux textes.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement de précision rédactionnelle de M. Christian Paul.

Puis elle a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3

(article L. 900-2 du code du travail)


Actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés

Le présent article propose de préciser la définition des actions d'adaptation, qui sont une des catégories des actions de formation recensées par le code du travail.

A cette fin, le I de l'article vise à modifier le troisième alinéa de l'article L. 900-2 du code du travail.

L'article L. 900-2, issu de la loi n°78-754 du 17 juillet 1978, dresse une typologie des actions pouvant bénéficier du régime juridique spécifique d'action de formation professionnelle continue. Ces catégories sont au nombre de sept. Parmi elles, les « actions d'adaptation », mentionnées au quatrième alinéa de l'article, « ont pour objet de faciliter l'accès de travailleurs titulaires d'un contrat de travail à un premier emploi ou à un nouvel emploi ».

Le présent article propose de modifier cette définition en qualifiant ces actions d'« actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés ». Ces actions favorisent :

- l'adaptation des salariés à leur poste de travail ;

- leur adaptation à l'évolution de leur emploi ;

- le maintien de ces salariés dans l'emploi.

A ce stade, il est essentiel de noter que ces trois différents types d'action, regroupés au quatrième alinéa de l'article L. 900-2 du code du travail, sont régis par des régimes juridiques différents, régimes fixés par l'article 10 du présent projet (cf. infra) qui recense les actions mises en œuvre dans le cadre du plan de formation de l'employeur. Cet article fixe en effet des cadres juridiques bien distincts pour :

- les actions de formation suivies par le salarié pour assurer l'adaptation au poste de travail ;

- les actions de formation liées à l'évolution des emplois ou participant au maintien dans l'emploi ;

- les actions de formation ayant pour objet le développement des compétences des salariés.

Pour l'employeur et le salarié, les conséquences de ces distinctions, concernant le temps de travail et la rémunération, sont significatives.

Le II de l'article supprime une référence à l'éducation permanente dans le septième alinéa de l'article L. 900-2.

*

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul visant à mentionner dans la rédaction du dernier alinéa du I de l'article le développement des compétences des salariés.

M. Christian Paul a précisé qu'il s'agit d'attribuer la même importance aux actions de formation visant à développer les compétences des salariés, qu'aux autres types d'actions, en reprenant la rédaction de l'accord national interprofessionnel (ANI).

Après avoir indiqué que la mention du développement des compétences figure bien à l'article 3 du projet de loi, le rapporteur a émis un avis défavorable. La rédaction proposée n'apparaissant pas assez précise et la mention du développement des compétences n'étant pas explicite, l'amendement a été retiré.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul visant à maintenir la mention de l'éducation permanente dans la rédaction de l'article L. 900-2 du code du travail. M. Christian Paul a en outre précisé qu'il est préférable de parler de formation tout au long de la vie professionnelle plutôt que de formation professionnelle tout au long de la vie.

M. Maxime Gremetz a rappelé le respect nécessaire du compromis intervenu entre les organisations syndicales et patronales. Les salariés doivent pouvoir se former en dehors de l'activité professionnelle.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement.

La commission a rejeté cet amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à inclure la catégorie des actions d'accompagnement dans la typologie des actions de formation établie à l'article L. 900-2 du code du travail.

M. Francis Vercamer a précisé que cet amendement se situe dans la continuité du projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion (RMI) et créant un revenu minimum d'activité (RMA), en encourageant l'insertion et en créant une septième catégorie de formation relative à l'accompagnement des salariés en formation.

Mme Hélène Mignon, après avoir jugé le terme d'accompagnement très flou, a demandé si l'amendement vise l'accompagnement social ou l'accompagnement professionnel.

M. Francis Vercamer a répondu que l'article amendé se situant dans un titre relatif à la formation professionnelle, il ne peut s'agir que d'accompagnement professionnel.

M. Jean Ueberschlag a estimé que cet amendement risque d'entraîner des dérives financières en favorisant des actions qui n'auraient rien à voir avec la formation professionnelle. Les différents types d'actions de formation énumérés à l'article L. 900-2 du code du travail ne prévoient pas un quelconque accompagnement.

M. Frédéric Dutoit, après avoir considéré que le terme accompagnement doit être précisé, a indiqué partager la philosophie de l'amendement. Celle-ci rejoint l'objet du texte : il s'agit de permettre aux salariés de mieux connaître les offres de formation, y compris en dehors de l'activité professionnelle.

M. Christian Paul s'est déclaré en accord avec cette idée, précisant que l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) contribue déjà à apporter un accompagnement social aux salariés comme aux demandeurs d'emploi en matière de transport ou d'hébergement des stagiaires en formation. Il sera néanmoins nécessaire d'améliorer la rédaction de l'amendement.

M. Maxime Gremetz ayant demandé si l'amendement vise à généraliser la présence d'un tuteur auprès des salariés en formation, M. Francis Vercamer a répondu positivement en précisant que l'amendement rejoint le projet de loi portant décentralisation en matière de RMI et créant un RMA, qui développe le tutorat dans l'entreprise.

M. Pierre Hellier a relevé que le dispositif du RMI-RMA relève d'un autre cadre que celui du code du travail.

Le rapporteur a précisé que l'article 15 du projet de loi prévoit déjà le financement d'actions de tutorat. En outre, la notion d'accompagnement est trop vague.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté l'article 3 sans modification.

Avant l'article 4

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul visant à instituer un droit à la deuxième chance pour les personnes ayant quitté le système scolaire sans diplôme ni qualification.

M. Christian Paul a indiqué que cet amendement est essentiel pour le groupe socialiste. Il vise à compléter le projet de loi, qui n'apporte rien sur ce point, en accordant un droit d'accès à la formation d'une durée maximale de deux ans. Ce droit serait garanti par l'Etat pour toutes les personnes sorties de l'école sans diplôme. L'article 4 du projet de loi évoque certes ce droit, mais ne précise pas le contenu des formations, le mode de financement et les moyens de sa mise en œuvre. Le ministre, lors de son audition par la commission, est resté très évasif sur ce point. Un tel droit, qui viendrait compléter l'accord interprofessionnel, déboucherait sur une très grande loi en faveur de la formation professionnelle.

M. René Couanau a d'abord demandé pourquoi un tel droit, dont la nécessité est reconnue par tous, n'avait pas été institué lors de la précédente législature. Ce débat est intéressant mais il sort du sujet de la formation professionnelle tout au long de la vie. L'examen du dispositif de l'amendement suscite de multiples questions relatives aux objectifs poursuivis, à la durée des formations et à la prise en compte des normes européennes.

Le rapporteur, après avoir souligné qu'il partage l'objectif poursuivi par l'amendement, a considéré que l'amendement pose des questions pratiques d'application et qu'il ne précise pas le rôle des collectivités territoriales, en particulier des régions. Son dispositif est particulièrement complexe, notamment la disposition prévoyant que la durée de formation « est inversement proportionnelle à la durée de la formation initiale ».

M. Christian Paul a répondu que, s'agissant d'un droit aussi important, la responsabilité de l'Etat est engagée. Il a exprimé la crainte de voir ce droit à la deuxième chance rester une sorte de « point aveugle », qui ne relève ni d'une loi sur la formation professionnelle ni de la prochaine loi d'orientation sur l'éducation. Or, il s'agit d'un problème majeur, non seulement pour les salariés mais également pour l'économie en raison de la pénurie de qualification. Ce serait l'occasion unique de faire se rejoindre le droit à l'éducation tout au long de la vie et la formation professionnelle.

La commission a rejeté l'amendement.

Article 4

(article L. 900-3 du code du travail)


Droit à la qualification professionnelle garanti par l'Etat

Le présent article prévoit que l'Etat contribue à l'exercice du droit des personnes à une qualification tout au long de la vie, notamment au bénéfice des personnes n'ayant pas obtenu de qualification grâce à une formation initiale.

A cette fin, il propose de modifier l'article L. 900-3 du code du travail, dont la rédaction est issue de la loi n° 90-579 du 4 juillet 1990 modifiée.

Le I de l'article vise à modifier le premier alinéa de l'article L. 900-3 afin de supprimer la référence à l'initiative du salarié s'agissant des actions de formations. En effet, la rédaction en vigueur, mentionnant l'initiative du salarié, exclut notamment les actions réalisées au titre du plan de formation de l'employeur et qui ne sont pas mises en œuvre à l'initiative du salarié.

Le II propose de substituer à la référence aux « classifications d'une convention collective nationale de branche » la mention du répertoire national des certifications professionnelles, répertoire visé à l'article L. 335-6 du code de l'éducation. Cet article est issu de l'article 134 de la loi de modernisation sociale nº 2002-73 du 17 janvier 2002. Au sein de ce répertoire national des certifications professionnelles, les diplômes et les titres à finalité professionnelle sont classés par domaine d'activité et par niveau. Les diplômes et titres à finalité professionnelle, ainsi que les certificats de qualification figurant sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi d'une branche professionnelle, peuvent y être enregistrés, par arrêté du Premier ministre, à la demande des organismes les ayant créés et après avis de la commission nationale de la certification professionnelle. Ceux qui sont délivrés au nom de l'Etat et créés après avis d'instances consultatives associant les organisations représentatives d'employeurs et de salariés y sont enregistrés de droit. Le dispositif est géré par la commission nationale de la certification professionnelle, placée auprès du Premier ministre.

Le III de l'article réécrit les trois derniers alinéas consacrés au crédit formation. Il supprime ce dispositif qui n'a plus d'application concrète. Il propose de mentionner explicitement le rôle de l'Etat en matière du droit à la formation tout au long de la vie : « L'Etat contribue à l'exercice du droit à la qualification, notamment pour les personnes n'ayant pas acquis de qualification reconnue dans le cadre de la formation initiale ». Le rôle de l'Etat en matière de qualification professionnelle est donc réaffirmé, particulièrement en ce qui concerne les publics les plus fragiles.

*

La commission a examiné trois amendements identiques de MM. Christian Paul, Frédéric Dutoit et Francis Vercamer de suppression du paragraphe I de cet article afin de rétablir la mention de l'initiative du salarié en ce qui concerne l'exercice de son droit à la qualification.

M. Christian Paul a estimé contradictoire que le paragraphe I de cet article supprime la mention de la possibilité pour le salarié de suivre à son initiative une formation professionnelle, alors que les partenaires sociaux ont créé un droit individuel à la formation dont la mise en œuvre est justement à l'initiative du salarié. Cette disposition du projet de loi restreint la capacité du salarié à être acteur en matière de formation professionnelle et remet en cause l'équilibre actuel du code du travail entre les droits des employeurs et les droits des salariés.

M. Maxime Gremetz a noté une contradiction majeure : le projet prévoit la suppression de l'initiative du salarié dans le code du travail alors que l'accord interprofessionnel, dont le projet de loi est censé assurer la transposition, crée un droit individuel à la formation. Cela devrait signifier que chaque salarié a le droit de demander à bénéficier d'une formation et de discuter avec son employeur de son contenu et de sa durée. En supprimant cette disposition du code du travail, on peut se demander à l'initiative de qui ce droit individuel sera mis en œuvre : de l'employeur, des organisations syndicales, des institutions représentatives du personnel ?

M. Francis Vercamer a noté que cette disposition du projet de loi n'est pas conforme au texte de l'accord interprofessionnel et que toutes les organisations syndicales y sont opposées.

M. Jean Ueberschlag a expliqué que la rédaction en vigueur du code du travail est trop restrictive. Le droit à une formation pour obtenir une qualification professionnelle ne doit pas reposer sur la seule responsabilité du salarié.

M. Christian Paul a souligné que la mise en œuvre d'un droit ne saurait échapper à son titulaire. Or, cette disposition du projet de loi procède à un renversement complet de la logique du texte de l'accord interprofessionnel instituant un droit individuel à la formation : on se retrouve ainsi « cul par-dessus tête » avec l'affirmation d'un devoir individuel de formation.

M. Frédéric Dutoit a souligné que le projet remet en cause la lettre et la philosophie de l'accord signé entre les partenaires sociaux. On peut d'ailleurs s'étonner que la droite veuille supprimer une liberté individuelle inscrite dans la loi.

M. Jean Ueberschlag a rappelé sa volonté d'instituer une obligation de se former pour le salarié et une obligation de former pour l'entreprise. Pour cela, le contrat de travail doit prévoir une formation. Le devoir de formation pour le salarié implique nécessairement des contreparties de la part de l'employeur.

M. René Couanau s'est demandé si la disposition visant à supprimer la mention de l'initiative du salarié est conforme à l'accord interprofessionnel ou si le gouvernement a ses raisons pour supprimer une disposition du code du travail ayant entraîné certains abus. En tout état de cause, le paragraphe considéré du projet de loi devrait être supprimé car il semble aller à l'encontre d'un droit individuel à formation. Il n'est pas utile de modifier une disposition du code du travail encadrant les droits des salariés et des employeurs.

M. Alain Néri a estimé indispensable de concrétiser le droit individuel à la formation pour éviter l'augmentation du chômage. Pour cela, tant les employeurs que les salariés doivent s'engager sur la formation dans le cadre du contrat de travail.

M. Maxime Gremetz a rappelé que si une personne titulaire d'un droit n'est pas obligée de l'utiliser, il faut tenir compte des demandes du salarié lui-même. On ne peut pas, sur ce point essentiel du droit individuel à formation, déroger aux stipulations de l'accord conventionnel car la remise en cause d'une de ses dispositions modifie substantiellement les conditions de la participation des organisations syndicales et patronales à sa mise en œuvre.

M. Jean Le Garrec n'a pas estimé souhaitable, dès le début d'un débat mettant en place une avancée sociale en matière de formation professionnelle, de supprimer cette disposition du code du travail. Un tel retour en arrière n'est pas acceptable.

M. Christian Paul a souligné que l'article 8 du projet de loi mentionne l'initiative du salarié pour la mise en œuvre du droit individuel à formation.

M. Francis Vercamer a estimé possible, plutôt que de supprimer la mention de l'initiative du salarié, d'inscrire dans le code du travail que le droit à formation peut s'exercer y compris à son initiative.

Le président Jean-Michel Dubernard n'a pas estimé souhaitable de modifier le code du travail.

Le rapporteur a émis un avis défavorable aux trois amendements. Le but du projet de loi est de permettre à chaque salarié de devenir acteur de sa formation, ce qui nécessite d'encadrer le droit individuel à formation pour que celui-ci soit effectif.

La commission a adopté les trois amendements.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul visant à permettre aux salariés qui ont arrêté leur formation initiale de façon précoce et ceux qui n'ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue d'avoir accès à une formation qualifiante ou diplômante d'une durée maximale d'un an, dans le cadre d'un congé individuel de formation.

M. Christian Paul a précisé que cet amendement vise à donner plus de substance à l'article de l'accord du 20 septembre 2003 relatif à la formation qualifiante ou diplômante différée.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, qui a rappelé que le ministre a expliqué, lors de son audition par la commission, que les conditions ne paraissent pas réunies pour permettre de transposer dès à présent les dispositions de l'article de cet accord, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné deux amendements identiques du rapporteur et de M. Francis Vercamer visant à reconnaître le rôle de la région dans la garantie du droit à la qualification.

Le rapporteur a indiqué que l'amendement vise à prendre en compte les dispositions prévues par le projet de loi relatif aux responsabilités locales, adopté en première lecture par le Sénat.

Après avoir retiré son amendement, qui poursuit le même objectif que celui du rapporteur, M. Francis Vercamer a souhaité cosigner l'amendement du rapporteur.

M. Christian Paul a jugé que si l'amendement n'injurie pas l'avenir, il paraît pour le moins étonnant d'anticiper le débat qui doit avoir lieu à l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi relatif aux responsabilités locales. En effet, l'avenir du service public de formation professionnelle, le partage des compétences dans ce domaine et le risque d'un démantèlement de l'AFPA justifient une réflexion approfondie. Il faut éviter un débat prématuré et superficiel.

Le rapporteur a répondu que cette compétence est d'ores et déjà confiée aux régions et que l'amendement ne présage en rien du débat sur la décentralisation qui aura lieu à l'Assemblée nationale.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul précisant que l'Etat contribue à l'exercice du droit à la qualification ou à l'acquisition d'un diplôme.

M. Christian Paul a expliqué qu'il est nécessaire de prévoir l'accès à un diplôme pour les personnes n'ayant pas acquis des qualifications reconnues dans le cadre de la formation initiale.

Le rapporteur a rappelé que le projet de loi reprend les termes de l'ANI, qui vise à professionnaliser davantage le système de la formation professionnelle.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté l'article 4 ainsi modifié.

Après l'article 4

M. Francis Vercamer a retiré son amendement visant à conforter la capacité d'initiative du salarié en matière de formation professionnelle.

Article 5

(articles L. 900-5-1 nouveau et L. 900-6 du code du travail)


Dispositifs spécifiques à l'intention de certains publics

Cet article vise à prendre en compte les publics particuliers, en adaptant l'offre de formation à leurs spécificités.

Le I insère dans le code du travail un article L. 900-5-1 nouveau visant les catégories de personnes visées à l'article L. 323-3 du code du travail et bénéficiant d'une priorité d'emploi.

L'article L. 323-1 institue une obligation d'emploi bénéficiant aux personnes dont la liste est précisée à l'article L. 323-3. Il s'agit notamment des travailleurs reconnus handicapés et de certaines victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles. Il est proposé que ces publics bénéficient d'actions spécifiques de formation.

Le II de l'article concerne la lutte contre l'illettrisme. L'article L. 900-6 du code du travail dispose que « La lutte contre l'illettrisme fait partie de l'éducation permanente ». Le texte propose d'élargir la lutte contre l'illettrisme à « l'apprentissage de la langue française » et de supprimer par cohérence avec les dispositions des articles précédents la référence à l'éducation permanente.

*

La commission a adopté l'article 5 sans modification.

Après l'article 5

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul ayant pour objet de reconnaître la formation économique et sociale ainsi que la formation syndicale comme une action de formation continue, dans l'objectif de favoriser le développement du dialogue social et de la négociation collective.

M. Christian Paul a expliqué que l'amendement insère un nouvel article dans le code du travail, afin de préciser que la formation économique et sociale ainsi que la formation syndicale constituent des actions de la formation continue tout au long de la vie professionnelle.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement, estimant que la notion de formation économique et sociale semble trop large et qu'il convient de respecter la volonté des signataires de l'ANI, qui n'ont pas souhaité qu'une telle disposition apparaisse dans l'accord.

La commission a rejeté l'amendement.

Article 6

(article L. 322-8 nouveau du code du travail)


Aide au remplacement des salariés en formation

Le présent article vise à mettre en place une aide spécifique destinée aux entreprises de moins de cinquante employés dont les salariés sont partis en formation.

Cette disposition répond à un élément du diagnostic porté sur l'état du système de la formation professionnelle en France. En effet, les salariés des petites et moyennes entreprises bénéficient moins d'actions de formation que les salariés des grandes entreprises. Cette disposition est une contribution à l'effort engagé par les signataires de l'accord national interprofessionnel. En effet, l'article 13 de l'ANI intitulé « La formation continue dans les PME et les entreprises artisanales » comporte des dispositions spécifiques en la matière :

« Les parties signataires du présent accord demandent aux branches professionnelles et aux OPCA de développer l'intensité et la qualité de l'information des instances représentatives du personnel lorsqu'elles existent, et des responsables des PME et des entreprises artisanales sur les dispositifs de formation dont peuvent bénéficier leurs salariés.

A cette fin, des négociations seront ouvertes avant le 31 décembre 2004, pour définir dans le cadre d'accords de branche ou d'un accord collectif conclu entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés signataires de l'accord constitutif d'un OPCA interprofessionnel, dans leur champ de compétence respectif, des modalités spécifiques de financement des actions d'information des jeunes et des salariés sur les besoins et les moyens de la formation. (...) »

Le I de l'article vise à supprimer le chapitre II du titre IV du livre IX du code du travail. Ce chapitre est consacré à l'aide de l'Etat au remplacement de certains salariés en formation et comprend un article unique L. 942-1 qui autorise l'Etat à accorder aux employeurs des entreprises de moins de cinquante salariés une aide forfaitaire en compensation du salaire des travailleurs recrutés par l'entreprise ou mis à la disposition de celle-ci par des entreprises de travail temporaire ou des groupements d'employeurs pour assurer le développement des salariés partis en formation.

Le II de l'article propose d'insérer un article L. 322-8 nouveau dans le livre III du code du travail, livre intitulé « Placement et emploi ». Cet article dispose que l'Etat accorde une aide aux employeurs. Le bénéfice de cette aide est soumis aux conditions suivantes :

- elle est réservée aux employeurs des entreprises de moins de cinquante salariés ;

- l'aide est calculée, pour chaque personne compensant l'absence d'un salarié en formation, sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance ;

- elle est destinée à aider l'employeur qui a procédé à un recrutement ou qui a fait appel à une entreprise de travail temporaire ou à un groupement d'employeurs.

Le déplacement des dispositions relatives à ce mécanisme du livre du code du travail consacré à la formation professionnelle dans celui consacré à l'emploi répond à la nature du dispositif, plus proche de l'aide à la création d'emplois que de la formation.

*

La commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7

(article L. 930-1 nouveau du code du travail)


Accès des salariés aux actions de formation professionnelle

Le présent article vise à inscrire dans le code du travail les différentes voies d'accès des salariés aux actions de formation professionnelle continue.

A cette fin, il crée un article L. 930-1 nouveau dans le code du travail, article qui identifie trois voies d'accès distinctes :

- les actions mises en œuvre par l'employeur dans le cadre du plan de formation mentionné à l'article L. 951-1 du code du travail ;

- les actions suivies par le salarié, à son initiative, dans le cadre du congé de formation (article L. 931-1) ;

- les actions mises en œuvre dans le cadre du dispositif du droit individuel à la formation (cf. infra, articles 8 et 9) ; ces actions sont entreprises à l'initiative du salarié mais avec l'accord de l'employeur.

Cette distinction reprend celle posée par le préambule de l'accord national interprofessionnel mais en le précisant (le texte stipule de manière ambiguë que le droit individuel à la formation s'exerce à l'initiative du salarié mais « en liaison avec son entreprise. »).

*

La commission a examiné un amendement de M. Frédéric Dutoit visant à supprimer dans le 3° de cet article, relatif au droit individuel à la formation, les mots « avec l'accord de son employeur ».

M. Frédéric Dutoit a indiqué que cette expression paraît redondante, dans la mesure où le congé de formation mentionné au 2° de cet article s'effectue également avec l'accord de l'employeur.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement, en rappelant la nécessité de respecter les dispositions prévues par l'ANI concernant l'exercice du droit individuel à la formation.

M. Maxime Gremetz a souhaité savoir si le projet de loi est réellement conforme à l'accord.

Après que le rapporteur a indiqué que tel est effectivement le cas, la commission a rejeté l'amendement.

Puis la commission a adopté l'article 7 sans modification.

Chapitre II

Le droit individuel à la formation

Article 8

(articles L. 932-3, L. 933-1, L.
 933-2, L. 933-2-1, L. 933-3, L. 933-4,
L. 933-6 et L. 934-1 du code du travail)


Dispositif du droit individuel à la formation

Le présent article met en place le dispositif du droit individuel à la formation (DIF).

L'article 9 comporte des dispositions spécifiques relatives aux salariés ayant conclu un contrat à durée déterminée. Ces deux articles constituent le chapitre II du projet de loi, intitulé « Le droit individuel à la formation ».

Le I de l'article vise à abroger l'article L. 932-3 du code du travail relatif au dispositif « capital temps de formation » (issu de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail) qui n'a pas connu le succès escompté et dont la suppression a été demandée par plusieurs signataires de l'ANI.

Le II de l'article comporte des dispositions de coordination.

Le III crée un chapitre III nouveau dans le titre III du livre IX du code du travail. Ce chapitre constitué de six articles est intitulé « Du droit individuel à la formation ». Il constitue une transposition, pour l'essentiel fidèle, de l'article 6 de l'accord national interprofessionnel.

Article L. 933-1 du code du travail : Bénéficiaires

S'agissant de la définition des bénéficiaires du mécanisme, les dispositions du projet sont pratiquement identiques au texte de l'article 6 de l'accord national interprofessionnel.

Le dispositif du DIF s'adresse aux salariés répondant à deux conditions. Ils doivent être titulaires d'un contrat à durée indéterminée (mais les personnes ayant conclu des contrats en alternance ou les contrats de professionnalisation ne peuvent en bénéficier) et disposer d'une ancienneté dans l'entreprise d'au moins un an. Ces conditions répondent à l'objectif recherché d'ouvrir le bénéfice des mécanismes de formation à un très large public au sein des salariés.

La durée des droits acquis au titre du DIF est de 20 heures par an, sauf disposition d'une convention ou d'un accord plus favorable. Pour les salariés à temps partiel, les droits sont calculés pro rata temporis.

Article L. 933-2 du code du travail : Calcul des heures de formation et contenu des formations

S'agissant du calcul des droits cumulés au titre du droit individuel à la formation, le projet propose que le cumul des droits ouverts soit au moins égal à 120 heures sur six ans. Les conventions ou les accords collectifs de branche peuvent organiser une mise en place particulière du dispositif mais ne peuvent déroger à ce « plancher » de 120 heures sur six ans. Les droits acquis sont cumulés annuellement mais, à l'issue de la période de six ans, et si les droits ne sont pas utilisés, le DIF reste plafonné à 120 heures.

Les négociateurs de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 20 septembre 2003 ont souhaité que les types de formations puissent être fixés par convention ou accord collectif de branche ou d'entreprise ; le texte reprend cette disposition de l'article 6 de l'ANI en disposant « Une convention ou un accord collectif de branche ou d'entreprise peut définir des priorités pour les actions de formation mises en œuvre dans le cadre du droit individuel à la formation ». Selon les informations recueillies par le rapporteur, le terme « priorité » se réfère bien aux catégories de formations suivies par les bénéficiaires et non à leur contenu.

En cas d'absence de convention ou d'accord, le texte propose que le DIF puisse permettre au salarié de suivre les actions suivantes :

- les actions de promotion (conformément au 3° de l'article L. 900-2 du code du travail, elles « ont pour objet de permettre à des travailleurs d'acquérir une qualification plus élevée » ) ;

- les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances (elles « ont pour objet d'offrir aux travailleurs [...] les moyens d'accéder à la culture, de maintenir ou de parfaire leur qualification et leur niveau culturel, ainsi que d'assumer des responsabilités accrues dans la vie associative », conformément au 6° de l'article L. 900-2 du code du travail) ;

- les actions de qualification visées à l'article L. 900-3 du code du travail.

Les types d'actions sélectionnés reprennent le texte de l'article 6 de l'ANI. On peut noter que les actions d'adaptation sont exclues des possibilités de formation, puisque mises en œuvre à l'initiative de l'employeur.

Article L. 933-3 du code du travail : DIF et temps de travail

S'agissant de l'initiative du DIF, le présent projet reprend le texte issu de la négociation mais en le précisant et en supprimant les ambiguïtés qu'il pouvait comporter.

1. Initiative

Le texte de l'ANI stipule que la mise en œuvre du DIF relève de l'initiative du salarié, « en liaison avec son entreprise », ce qui est une rédaction peu claire. Le présent projet reprend le texte de l'ANI en proposant que le salarié soit à l'initiative de la demande de formation relevant du DIF. Cette initiative est exclusive.

2. Mise en oeuvre

En revanche, la mise en œuvre du DIF requiert l'accord de l'employeur. La forme de l'accord de l'employeur (écrite ? orale ?) n'est pas précisée, ce qui présente l'avantage de ne pas formaliser excessivement la procédure mais l'inconvénient d'être probablement la cause de contentieux sur la preuve de l'approbation de l'employeur.

3. Choix de la formation

Si le salarié a l'initiative du DIF, sa mise en œuvre requiert l'accord de l'employeur : il s'agit donc d'un équilibre délicat. Dans ce contexte, le choix de la formation suivie par le salarié aura une influence certaine sur l'accord de l'employeur.

Le choix de la formation fait l'objet d'un mécanisme de « codécision » formelle. Il doit en effet faire l'objet d'un accord « écrit » conclu entre le salarié et l'employeur. L'ANI évoque un « accord formalisé ».

En cas de désaccord prolongé, le projet ménage un accès prioritaire du salarié au mécanisme du congé de formation (cf. infra, commentaire de l'article L. 933-5).

4. DIF et imputation sur le temps de travail du salarié

La question de l'imputation ou non des heures de formation suivies au titre de l'exercice du DIF sur le temps de travail du salarié a constitué un point délicat lors des négociations de l'accord national interprofessionnel. Le texte de l'ANI est ainsi rédigé :

« [Un accord de branche ou un accord d'entreprise] peut par ailleurs prévoir que les heures de formation liées au DIF se réalisent en partie pendant le temps de travail ». Cette rédaction est ambiguë car elle ne règle pas explicitement le cas où aucun accord n'intervient.

Le projet de loi ne modifie pas l'ANI sur le fond, mais il le précise en proposant la rédaction suivante :

« Une convention ou un accord collectif de branche ou d'entreprise peut prévoir que le droit individuel à la formation s'exerce en partie pendant le temps de travail. A défaut d'un tel accord, les actions de formation se déroulent en dehors du temps de travail. »

En l'absence d'accord, le DIF s'exerce donc en dehors du temps de travail, ce qui est plutôt favorable à l'employeur. En cas d'accord, le DIF peut s'exercer en partie pendant le temps de travail, une partie des heures de formation étant effectuée en dehors du temps de travail.

En tout état de cause, quelle que soit la situation conventionnelle, une partie des actions suivies au titre du DIF sont suivies en dehors du temps de travail. Il est intéressant de noter que ni l'ANI ni le présent projet ne proposent de plancher : un accord peut donc prévoir que 95 % des actions de formation suivies au titre du DIF sont suivies dans le temps de travail.

Article L. 933-4 du code du travail : Rémunération

La question de la rémunération du salarié est subordonnée aux conditions d'imputation du DIF sur le temps de travail du salarié.

Si le DIF est exercé pendant le temps de travail, le présent projet propose que ces heures ouvrent droit au maintien de la rémunération du salarié « dans les conditions définies au I de l'article L. 932-1 [du code du travail] ». Il s'agit d'un renvoi à l'article 10 du projet relatif au plan de formation de l'entreprise, qui propose que le I de l'article L. 932-1 dispose que « Toute action de formation suivie par le salarié pour assurer l'adaptation au poste de travail constitue un temps de travail effectif et donne lieu pendant sa réalisation au maintien par l'entreprise de la rémunération ». La référence à l'article L. 932-1 paraît maladroite, car le mécanisme du DIF permet au salarié de suivre des formations autres que celles assurant son adaptation au poste de travail.

Si les heures de formation sont effectuées en dehors du temps de travail, le salarié bénéficie d'une allocation de formation définie au III de l'article L. 932-1 (cf. infra). Le texte propose que l'allocation et les frais de formation à la charge de l'employeur soient imputables sur la participation de l'employeur au développement de la formation continue. En outre, le salarié en formation continue à bénéficier de la législation relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.

Article L. 933-5 du code du travail : Mise en œuvre du droit individuel à la formation en cas de désaccord entre le salarié et l'entreprise

Le texte prévoit le cas où l'employeur et le salarié sont en désaccord sur le choix de l'action de formation à suivre au titre du DIF. Ce désaccord doit être prolongé (au moins durant « deux exercices civils consécutifs », ce qui correspond au texte de l'ANI) mais le texte ne précise pas la forme que doit revêtir ce désaccord, ce qui là encore est de nature à créer des contentieux.

Dans ce cas, le projet permet une sorte de basculement sur le mécanisme du congé individuel de formation (CIF) : l'organisme paritaire agréé au titre du CIF assure en priorité le financement de l'action de formation demandée par le salarié dans le cadre d'un CIF. La rédaction proposée par le présent projet suggère que l'action suivie relève alors du champ couvert par le système du DIF, alors même qu'elle est financée par un FONGECIF (fonds de gestion du congé individuel de formation).

La rédaction de l'ANI est différente : le salarié « bénéficie, de la part du FONGECIF dont il relève, d'une priorité d'instruction et de prise en charge financière de son CIF sous réserve que sa demande corresponde aux priorités et aux critères définis par le FONGECIF ».

L'employeur verse alors à l'OPACIF :

- le montant de l'allocation de formation correspondant aux droits acquis par l'intéressé au titre du DIF ;

- les frais de formation calculés conformément à l'article L. 933-4 (cf. supra) et sur la base forfaitaire applicable aux contrats de professionnalisation (cf. infra, article 13 du projet de loi : il s'agit de « forfaits horaires fixés par convention ou accord collectif de branche ou, à défaut, par un accord collectif conclu entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés signataires d'un accord constitutif d'un organisme paritaire interprofessionnel collecteur des fonds de la formation professionnelle continue. A défaut d'un tel accord, les forfaits sont fixés par décret. Ces forfaits peuvent faire l'objet d'une modulation en fonction de la nature et du coût de la prestation. »).

Article. L 933-6 du code du travail : Caractère transférable des droits acquis au titre du droit individuel à la formation

Répondant à une remarque fréquemment portée sur les mécanismes de financement de la formation et afin de mieux préserver les droits des salariés, le projet organise une relative transférabilité des droits acquis au titre du DIF. Deux cas sont envisagés : le licenciement (hormis les licenciements pour faute grave et faute lourde)et la démission.

En cas de licenciement, le montant de l'allocation de formation correspondant aux heures acquises au titre du DIF et non utilisées est calculé sur la base du salaire net. L'usage de cette somme est affecté au financement de trois types d'actions : bilan de compétences, validation des acquis de l'expérience ou action de formation. Le présent projet pose une condition à ce financement : le salarié doit avoir demandé à bénéficier de cette action avant la fin de son délai congé (préavis). Le projet est pratiquement identique aux dispositions correspondantes de l'ANI. Le texte de l'ANI renvoie pour la mise en œuvre de ce dispositif à une convention élaborée entre le comité paritaire national pour la formation publique et le groupe paritaire de suivi institué par la convention du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage.

Le salarié licencié peut perdre définitivement ses droits au DIF. Dès lors, il est regrettable que les signataires n'aient pas introduit dans l'ANI une disposition de nature à ce que l'employeur tienne informé le salarié qu'il licencie de la possibilité d'exercer son droit au DIF pendant le préavis.

Le cas de la démission du salarié est plus complexe. L'ANI est ainsi rédigé :

« En cas de démission, le salarié peut demander à bénéficier de son DIF pour participer à une action de bilan de compétences de formation ou de validation des acquis de l'expérience, réalisée pendant la durée du préavis. »

Or, le présent projet propose que le salarié puisse demander à bénéficier du dispositif si l'action est engagée avant la fin du délai congé. Ainsi, dans le texte de l'ANI, une action commencée pendant le préavis n'est pas de nature à faire bénéficier le salarié de l'action, alors que la même action l'est dans la rédaction du projet de loi. Ce dernier permet en outre de faire financer une action de formation, alors que l'ANI limite le champ des actions éligibles aux actions de bilan de compétences de formation ou de validation des acquis de l'expérience. Le présent projet est, sur ces deux points, plus favorable à la transférabilité des droits acquis au titre du DIF que ne l'est l'ANI.

*

Article L. 933-1 du code du travail

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul fixant au 1er janvier 2004 la date de mise en œuvre du droit individuel à la formation (DIF), comme le prévoit l'accord signé par les partenaires sociaux le 20 septembre 2003.

M. Christian Paul a souligné que l'amendement permet de satisfaire les préoccupations des partenaires sociaux et d'éviter un risque de contentieux sur la rétroactivité des dispositions de cet article.

Le rapporteur a jugé que l'amendement risque d'accroître la complexité d'un dispositif déjà difficile à mettre en œuvre.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul visant à supprimer la dernière phrase de l'article L. 933-1 du code du travail prévoyant que pour les salariés à temps partiel, la durée de formation est calculée pro rata temporis.

M. Christian Paul a jugé aberrante la règle de proratisation du droit à la formation, dans la mesure où l'entreprise attend en premier lieu de ses salariés une réelle qualification. En outre, il paraît exorbitant que le contrat de travail n'ouvre pas le même droit à la formation professionnelle selon que les salariés sont ou non à temps partiel, et ce d'autant plus qu'il s'agit le plus souvent de femmes. Ce droit individuel à la formation, qui est en quelque sorte « amputé » par cette disposition, présente ainsi un caractère discriminant.

Mme Martine Billard a souligné que la durée de formation prévue par le droit individuel à la formation ne représente qu'environ trois jours par an, ce qui est déjà très peu. Soit l'entreprise dispense la formation en son sein, soit elle la confie à des organismes de formation ; il paraît dans tous les cas peu probable que la formation soit proratisée dans la pratique. Au surplus, la suppression de la règle de proratisation ne changerait rien aux contraintes des entreprises puisque la formation est réalisée en dehors du temps de travail.

Tout en se déclarant favorable à l'esprit de l'amendement, le rapporteur a souhaité son retrait, en jugeant opportun de limiter son champ d'application aux salariés travaillant au minimum à mi-temps, ce qui pourrait être l'objet d'une nouvelle rédaction de l'amendement, le cas échéant examiné par la commission lors de sa réunion en application de l'article 88 du Règlement.

M. Christian Paul s'est interrogé sur la rédaction qui pourrait satisfaire la demande du rapporteur.

M. Alain Néri a jugé plus simple que le rapporteur présente dès à présent un sous-amendement.

La commission a rejeté l'amendement.

Après l'article L. 933-1 du code du travail

La commission a rejeté, sur avis défavorable du rapporteur, un amendement de M. Christian Paul précisant la nature des formations éligibles au droit individuel de formation.

Article L. 933-2 du code du travail

La commission a examiné un amendement de M. Frédéric Dutoit supprimant le plafonnement du droit individuel de formation à cent vingt heures sur six ans.

M. Frédéric Dutoit a expliqué que la durée de nombreuses actions de formation visant à l'acquisition d'un diplôme ou d'un titre professionnel va au-delà de cette limite. Il convient donc d'ouvrir le dispositif à ce type de formations.

Après que le rapporteur a donné un avis défavorable en se référant aux dispositions de l'ANI, la commission a rejeté cet amendement.

La commission a rejeté, sur avis défavorable du rapporteur, deux amendements de M. Christian Paul supprimant les dispositions prévoyant la mise en œuvre pro rata temporis du droit individuel de formation pour les salariés à temps partiel et la modulation pro rata temporis du plafond des droits acquis par les salariés à temps partiel.

La commission a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer précisant que les droits à formation utilisés sont imputés sur les droits les plus anciens acquis par le salarié au titre du droit individuel de formation, le rapporteur ayant expliqué que la mesure proposée relève du pouvoir réglementaire.

Article L. 933-3 du code du travail

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul proposant que la mise en œuvre du droit individuel de formation doit tenir compte des priorités de formation prévues par la convention ou l'accord collectif de branche ou d'entreprise.

M. Christian Paul a précisé que cet amendement reprend une des dispositions de l'accord du 20 septembre 2003.

Le rapporteur s'est interrogé sur l'intérêt d'un tel amendement, auquel l'utilisation du terme « éventuellement » retire tout caractère normatif. Aucune disposition du texte n'interdit de tenir compte de ces priorités.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer prévoyant que chaque salarié doit être informé par écrit au moins une fois par an du nombre d'heures dont il dispose au titre du droit individuel de formation.

Le rapporteur a émis un avis défavorable en précisant qu'il a déposé un amendement visant à répondre au souhait exprimé par l'auteur de la proposition.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté, sur avis défavorable du rapporteur, un amendement de M. Frédéric Dutoit supprimant la disposition qui précise que le choix de la formation est arrêté par accord écrit du salarié et de l'employeur et un amendement de M. Francis Vercamer disposant que la mise en œuvre du droit individuel de formation tient compte, éventuellement, des priorités définies conformément au deuxième alinéa de l'article L. 933-2 du code du travail.

La commission a examiné un amendement de M. Frédéric Dutoit prévoyant que le droit individuel de formation s'exerce pendant le temps de travail.

M. Frédéric Dutoit a expliqué que le projet de loi introduit une rupture de taille dans le système actuel puisqu'il prévoit de sortir la formation du temps de travail, c'est-à-dire d'imputer une partie de sa charge aux salariés eux-mêmes. Il s'agit de plus d'une atteinte au principe de la réduction du temps de travail. L'amendement vise donc à s'opposer à ces tendances régressives pour les droits des salariés.

M. Maxime Gremetz a considéré qu'il s'agit d'un amendement de fond car la disposition visée modifie la loi de 1971 dans un sens régressif. Aujourd'hui, le temps de formation est compté comme du temps de travail, alors que l'accord national interprofessionnel, qui témoigne des concessions faites par les uns et les autres, s'est arrêté sur une demi-mesure qui prévoit que 50 % du temps de formation est effectué durant le temps de travail. Cela n'est pas acceptable.

Mme Martine Billard a ajouté que, compte tenu des dispositions prévues par la deuxième partie du projet de loi qui rendent possible la dérogation à un accord de branche par un accord majoritaire d'entreprise, il est tout à fait possible que, dans certaines entreprises et notamment des PME, l'intégralité du temps de formation se déroule hors du temps de travail. Cela créerait une inégalité flagrante entre les salariés.

Le rapporteur s'est opposé à l'amendement en faisant observer qu'il ne correspond pas au texte de l'accord. Les conditions de l'exercice du droit individuel à la formation ont été longuement discutées et il faut faire confiance aux partenaires sociaux.

M. Maxime Gremetz a convenu de la réalité des discussions ayant permis la signature de l'accord du 20 septembre 2003. Il a souligné que, compte tenu de la nouvelle organisation du dialogue social mis en œuvre par la deuxième partie du projet de loi, cet accord, que certains qualifient d'historique, pourrait très bien être remis en cause par un simple accord d'entreprise dérogatoire.

La commission a rejeté l'amendement.

Elle a ensuite rejeté deux amendements de M. Francis Vercamer et de M. Christian Paul examinés en discussion commune, précisant que l'accord de branche dont relève l'entreprise peut prévoir, parmi les modalités de mise en œuvre du droit individuel de formation, que celui-ci s'exerce en totalité pendant le temps de travail, le rapporteur ayant considéré que ces dispositions ne sont pas conformes à l'accord national interprofessionnel.

La commission a rejeté un amendement M. Frédéric Dutoit prévoyant que l'accord de branche dont relève l'entreprise peut prévoir, parmi les modalités de mise en œuvre du droit individuel de formation, que celui-ci s'exerce en partie hors du temps de travail.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer proposant la formalisation par écrit des modalités de mise en œuvre du droit individuel de formation et encadrant les conditions d'expression de l'éventuel désaccord entre l'employeur et le salarié.

M. Francis Vercamer a précisé que cet amendement a vocation à éviter les litiges en cas de désaccord entre l'employeur et le salarié.

Le rapporteur a considéré que l'amendement alourdit inutilement le texte et qu'il relève du domaine réglementaire.

La commission a rejeté l'amendement.

Article L. 933-4 du code du travail

La commission a rejeté, sur avis défavorable du rapporteur, un amendement de coordination de M. Frédéric Dutoit.

Article L. 933-5 du code du travail

La commission a rejeté, sur avis défavorable du rapporteur, un amendement de M. Frédéric Dutoit reconnaissant au salarié une liberté de choix quant au contenu de sa formation.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Francis Vercamer visant à éviter tout risque de dérive dans la prise en charge financière des actions de formation demandées par le salarié en cas de désaccord prolongé avec son employeur, en prévoyant que les actions ainsi financées doivent correspondre aux priorités et aux critères définis par l'organisme agréé au titre du financement des congés individuels de formation.

Le rapporteur a émis un avis défavorable en considérant que l'amendement ajoutait une contrainte supplémentaire et inutile.

La commission a rejeté l'amendement.

Article L. 933-6 du code du travail

La commission a examiné un amendement de M. Frédéric Dutoit visant à préciser les conditions de transférabilité du DIF.

M. Frédéric Dutoit a indiqué que cet amendement a notamment pour but de supprimer la restriction à l'ouverture des droits au DIF en cas de licenciement pour faute grave ou lourde, dont le traitement contentieux est extrêmement long.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à cet amendement.

M. Christian Paul a souligné que la question de la transférabilité est centrale. Elle doit impérativement être évoquée ; en son absence, le droit au DIF n'appartient pas réellement au salarié. En raison de la rotation importante des salariés au sein des entreprises, il est nécessaire de sécuriser le dispositif qui apparaît en l'état beaucoup trop restrictif s'agissant de l'étendue des droits des salariés. Les conditions de mise en œuvre de ce principe méritent ensuite d'être discutées et précisées.

M. René Couanau a émis des réserves sur la faisabilité de ce principe.

Mme Martine Billard a évoqué l'hypothèse où un salarié ayant été licencié pour faute grave ou lourde exerce un recours contentieux, le juge décide des mois plus tard que son licenciement n'était pas motivé par une faute grave ou lourde. Comment ce salarié pourra-t-il faire valoir ses droits acquis au titre du droit individuel à la formation ?

Le rapporteur a rappelé que cette solution n'a pas été retenue par les partenaires sociaux et qu'il appartiendra au juge d'apprécier le préjudice subi par le salarié.

M. Jean Uberschlag a fait observer que la mise en place d'une véritable transférabilité des droits acquis au titre du droit individuel à la formation entre les entreprises suppose une réforme préalable de la collecte des fonds.

M. Christian Paul, après avoir évoqué le recours à des mécanismes de mutualisation des dépenses, a indiqué qu'il ferait des propositions en ce sens. Il convient d'affirmer le principe de la transférabilité avec force tout en ménageant des délais pour la mise en œuvre et les modalités pratiques. A défaut de ce principe, le droit individuel à la formation n'est pas un droit à part entière et peut s'éteindre avec la rupture du contrat entre le salarié et l'entreprise.

Après que le rapporteur a rappelé que le projet correspond à une première étape validée par l'accord des partenaires sociaux et qu'il convient de l'adopter avant d'aller plus loin, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté, sur avis favorable du rapporteur, un amendement présenté par M. Christian Paul reprenant les termes de l'accord national interprofessionnel en ce qui concerne le transfert du droit individuel de formation en cas de licenciement en l'absence de faute grave ou lourde.

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur indiquant qu'en cas de licenciement, l'employeur est tenu d'informer dans la lettre de licenciement le salarié de l'étendue de ses droits en matière de droit individuel à la formation.

La commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 8

(art. L.  143-3 du code du travail)


Mention des droits acquis au titre du droit individuel de formation
sur le bulletin de paie

La commission a examiné un amendement présenté par le rapporteur définissant les conditions dans lesquelles le bulletin de paie indique les droits acquis par le salarié au titre du droit individuel à la formation.

M. Christian Paul s'est déclaré favorable à l'adoption de cet amendement qui permet au salarié de mieux appréhender la réalité de ce dispositif.

M. Francis Vercamer a relevé une contradiction entre le caractère annuel du DIF et la périodicité mensuelle du bulletin de paie.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que la rédaction proposée par l'amendement renvoie au décret pour fixer les modalités d'application pratique de cette mesure.

Mme Martine Billard s'est également déclarée favorable à l'adoption de cet amendement, qui apporte une simplification pour les salariés.

La commission a adopté cet amendement cosigné par MM. Christian Paul et Francis Vercamer ainsi que par Mme Martine Billard.

Article 9

(article L. 931-20-2 nouveau du code du travail)


Salariés ayant conclu un contrat à durée déterminée
et exercice du droit individuel à la formation

Le présent article vise à élargir aux salariés ayant conclu un contrat à durée déterminée le bénéfice du DIF.

Il s'inspire des dispositions de l'article 7 de l'ANI.

A cette fin, il crée un article L. 931-20-2 nouveau dans le code du travail. L'article dispose que les salariés en CDD peuvent bénéficier du DIF, calculé pro rata temporis, à l'issue du délai de quatre mois visé à l'article L. 931-15 du code du travail (cet article dispose que l'ouverture du droit au congé de formation est subordonnée aux conditions d'ancienneté suivantes : « a) vingt-quatre mois, consécutifs ou non, en qualité de salarié, quelle qu'ait été la nature des contrats successifs, au cours des cinq dernières années ; b) dont quatre mois, consécutifs ou non, sous contrat de travail à durée déterminée, au cours des douze derniers mois » ).

C'est l'organisme paritaire visé à l'article L. 931-16 du code du travail (organisme dont relève l'entreprise dans laquelle a été conclu le dernier CDD) qui est chargé de prendre en charge l'exercice du DIF, en finançant les frais de formation, les frais de transport, d'hébergement et l'allocation de formation.

*

Article L. 931-20-2 du code du travail

La commission a examiné un amendement présenté par M. Christian Paul visant à rendre réellement applicable aux salariés sous contrat à durée déterminée le bénéfice du dispositif du droit individuel à la formation, en prévoyant que ce droit s'exerce par référence aux périodes de travail effectuées en contrat à durée déterminée au cours des trois dernières années.

Le rapporteur a rappelé que le texte de l'ANI est le résultat de négociations ardues. Il convient de ne pas s'en éloigner excessivement. Cette question sera évoquée lors de la discussion en séance publique.

M. Jean Uberschlag a indiqué que le dispositif introduit à l'article 9 en faveur des salariés en contrat de travail à durée déterminée, qui ne figure pas dans l'accord, constitue une réelle avancée.

La commission a rejeté l'amendement.

Sur l'avis défavorable du rapporteur, la commission a également rejeté un amendement présenté par M. Christian Paul prévoyant que l'employeur verse au salarié le montant de l'allocation de formation à la fin du contrat à durée déterminée.

La commission a adopté l'article 9 sans modification.

Après l'article 9

La commission a rejeté trois amendements présentés par M. Christian Paul :

le premier prévoyant l'extension du dispositif du droit individuel à la formation aux agents des différentes fonctions publiques, le rapporteur ayant souligné le caractère prématuré de cet amendement ;

- le deuxième confiant à une négociation nationale interprofessionnelle la mise en œuvre dans un délai de deux ans de la transférabilité du droit individuel à la formation, le rapporteur ayant jugé peu opportun que la loi prescrive aux partenaires sociaux de négocier ;

- le troisième prévoyant une information concernant les droits acquis sur le bulletin de paie, cette disposition ayant fait l'objet d'un précédent amendement adopté par la commission.

Chapitre III

Le plan de formation

Article 10

(article L. 932-1 du code du travail)


Plan de formation

Le présent article vise à préciser le régime juridique des actions de formation relevant du plan de formation.

Les négociations sur la rédaction des dispositions de l'ANI relatives au plan de formation ont été particulièrement ardues.

Le plan de formation regroupe les actions de formation des salariés mises en place à l'initiative de l'employeur. La rédaction du présent article s'inspire très largement des dispositions de l'article 8 de l'accord national interprofessionnel relatif au plan de formation. La disposition de cet article prescrivant que lors de la consultation du comité d'entreprise sur le projet de plan de formation pour l'année à venir, le chef d'entreprise précise dans un document d'information la nature des actions de formation proposées, en distinguant les différents types de formation, est reprise par l'article 17 du présent projet (cf. infra).

Le plan de formation fait l'objet du chapitre II du titre III du livre IX du code du travail (articles L. 932-1 à L. 932-3). Le présent article vise à supprimer l'article L. 932-2 du code du travail et propose une nouvelle rédaction de l'article L. 932-1, rédaction qui reprend certaines dispositions de l'article L. 932-2.

Cet article L. 932-1 précise le régime juridique des actions entreprises dans le cadre du plan de formation.

1. Périmètre de l'obligation pesant sur l'employeur en matière de formation de ses salariés.

La rédaction de l'article L. 932-2 du code du travail, disposition que le présent article vise à supprimer, posait un principe fondamental de la formation professionnelle, rappelé à de multiples reprises par la jurisprudence : « L'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leurs emplois. »

Le texte propose de reprendre ce principe. La première phrase de l'article L. 932-1 serait ainsi rédigée comme suit :

« L'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation de ses salariés à leur poste de travail et à l'évolution de leur emploi. Il participe en outre au développement de leurs compétences ».

La rédaction proposée définit le périmètre des obligations pesant sur l'employeur en rendant obligatoire l'adaptation du salarié à son poste de travail et à l'évolution de son emploi.

Considérons d'abord l'obligation de l'adaptation au poste de travail. Par rapport à la rédaction de l'article L. 932-2 (obligation d'assurer l'adaptation à l'évolution de l'emploi), la portée de l'obligation pesant sur l'employeur est moins large car elle ne vise qu'un des éléments constitutifs de l'emploi, le poste de travail. A titre de rappel, on peut noter que la circulaire n° 107 du ministère de la formation professionnelle du 14 janvier 1983 précise que les actions d'adaptation au poste de travail ne sont pas imputables sur la participation financière des entreprises, à l'inverse des formations d'adaptation à l'emploi (les salariés doivent pouvoir réutiliser les connaissances ainsi acquises dans une autre entreprise).

La rédaction proposée par le présent projet va plus loin. En effet, l'obligation vise non seulement l'adaptation au poste de travail mais également l'adaptation à l'évolution de l'emploi. La rédaction proposée rend donc l'obligation pesant sur l'employeur comparable à celle posée par l'article L. 932-2.

Il est à noter que ces dispositions ne sont pas contenues dans l'ANI.

2. Actions d'adaptation et temps de travail

Il est ensuite proposé que le I de l'article L. 932-1 précise que les actions d'adaptation au poste de travail constituent un temps de travail effectif (ce principe était posé par l'article L. 932-2 du code du travail) et que la rémunération est maintenue pendant leur réalisation. Ces dispositions correspondent à la rédaction de l'article 8.1 de l'ANI, qui précise que ces heures sont « rémunérées au taux normal ».

3. Actions liées à l'évolution des emplois ou participant au maintien dans l'emploi

Le II de l'article L 932-1 concerne les « actions de formation liées à l'évolution des emplois ou celles qui participent au maintien dans l'emploi ». Celles-ci sont également mises en œuvre durant le temps de travail et donnent lieu au maintien de la rémunération. Cependant, le texte propose que le départ en formation du salarié puisse « conduire à dépasser la durée légale ou conventionnelle du travail » (l'ANI prévoyant le dépassement éventuel de « de l'horaire de référence »). Cette possibilité est subordonnée à la conclusion d'un accord d'entreprise, ou, à défaut, de l'accord écrit du salarié. Ce dépassement ne s'impute pas sur le contingent d'heures supplémentaires et d'heures complémentaires et ne donne lieu ni à majoration ni à repos compensateur, dans la limite d'un plafond annuel et par salarié de cinquante heures. Ce plafond de cinquante heures correspond au texte de l'ANI. Comme le précise l'ANI, cette disposition s'appliquera sans préjudice de la législation du travail relative aux temps de repos.

S'agissant des salariés rémunérés au forfait, le texte, peu clair, propose que « ce temps de formation s'impute sur le forfait dans la limite de 4 % de celui-ci. La question est donc de savoir si les termes « temps de formation » se réfèrent aux actions dans leur ensemble ou uniquement aux actions donnant lieu au dépassement de la durée du travail. La rédaction de l'article 8.2 (a) de l'ANI est dépourvue d'ambiguïté :

« Pour les personnels au forfait, ce temps de formation ne s'impute pas sur leur forfait, dans la limite de 4 % de celui-ci. »

Le III de l'article L. 932-2 du code du travail concerne la troisième catégorie de formation mise en œuvre dans le cadre du plan de formation : les actions de développement des compétences des salariés. Ces actions correspondent à celles visées au paragraphe 8.2 (b) de l'ANI. Le présent projet propose que ces actions puissent se dérouler en dehors du temps de travail effectif. Cette possibilité est néanmoins encadrée :

- elle nécessite un accord écrit (le texte de l'ANI étant moins précis puisqu'il mentionne un « accord formalisé, notamment lors de l'entretien professionnel ») entre le salarié et l'employeur, cet accord pouvant être dénoncé dans les huit jours ayant suivi sa conclusion ;

- comme le stipule l'ANI, le texte du projet de loi précise que le refus du salarié de suivre la formation ou la dénonciation de l'accord ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement ;

- la durée de ces formations est plafonnée à 80 heures par an et par salarié, ou pour les salariés sous le régime du forfait, à 5 % du forfait.

Les heures de formation réalisées dans ce cadre donnent lieu au versement par l'employeur au salarié d'une allocation de formation d'un montant égal à 50 % de la rémunération nette de référence du salarié, ce qui reprend la formulation de l'ANI. Conformément au texte de l'ANI, il est proposé que cette allocation ne constitue pas une rémunération au sens du code du travail et du code de la sécurité sociale. Cette allocation est imputable sur la participation de l'entreprise au développement de la formation professionnelle. Pendant la formation, le salarié bénéficie de la protection de la législation en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

Le IV de l'article L. 932-2 du code du travail concerne le cas où la formation se déroule en dehors du temps de travail. Il définit les conditions d'un véritable « co-investissement » où l'entreprise comme les salariés contractent des engagements mutuels. Le salarié s'engage à suivre avec assiduité la formation et à satisfaire aux évaluations prévues. Cette condition était prévue par l'ANI. L'entreprise souscrit, avant le départ du salarié, à trois types d'engagements :

- sur les conditions dans lesquelles le salarié accède « en priorité », dans un délai d'un an à l'issue de la formation, aux fonctions disponibles. la mention de la priorité précise la portée de l'obligation pesant sur l'employeur. Il n'est pas tenu d'attribuer le poste au salarié, mais de lui attribuer une priorité si le poste est à pourvoir (ou si un poste correspondant est créé). L'obligation est limitée dans le temps (un an à l'issue la formation) ;

- sur l'attribution de la classification « correspondant à l'emploi occupé » (selon les informations recueillies par le rapporteur, il faut interpréter cette phrase comme une référence à l'emploi proposé au salarié rentrant de la formation) ;

- sur les modalités de prise en compte des efforts accomplis par le salarié.

Sur ces trois points, la rédaction du projet est identique à celle de l'ANI.

Le V de l'article L. 932-2 du code du travail propose de mettre en place un plafond global annuel par salarié s'agissant des heures de formation n'affectant pas le contingent d'heures supplémentaires et complémentaires ou de celles effectuées en dehors du temps de travail.

Ce plafond est fixé à 80 heures ou à 5 % du forfait s'agissant des personnels rémunérés au forfait. La rédaction de ce V est pratiquement identique aux dispositions de l'article 8.2 (b) de l'ANI.

*

La commission a examiné un amendement présenté par M. Christian Paul visant à préciser la définition des actions de formation menées dans le cadre du plan de formation de l'entreprise et à conserver l'obligation pesant sur l'employeur d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leurs emplois.

Le rapporteur a indiqué que l'alinéa que l'amendement propose de réécrire a été inséré dans le texte à l'initiative du Conseil d'État. Il convient de le conserver en l'état.

La commission a rejeté l'amendement.

M. Francis Vercamer a retiré un amendement tendant à mettre en conformité la rédaction proposée par l'article L. 932-1 du code du travail avec l'article 8 de l'accord national interprofessionnel.

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

La commission a rejeté un amendement de coordination de M. Frédéric Dutoit et un amendement du même auteur tendant à augmenter le montant de l'allocation de formation.

La commission a ensuite rejeté deux amendements de M. Christian Paul tendant respectivement à prendre en compte le temps de formation effectué pendant le temps de travail pour le calcul des congés et de l'ancienneté du salarié, le rapporteur ayant précisé qu'il s'agit d'une précision inutile, et à protéger le salarié en cas de démission au cours d'une formation.

La commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Chapitre IV

Le congé de formation

Article 11

(articles L. 931-1-1, L. 931-8-1, L. 931-21 et L. 951-3 du code du travail)


Dispositions relatives au congé de formation

Le présent article vise à permettre aux salariés de bénéficier d'actions d'accompagnement et de conseil afin qu'ils puissent bâtir leur projet professionnel et qu'ils bénéficient des moyens adaptés pour le réaliser dans le cadre du congé individuel de formation.

Il s'agit de l'article unique du chapitre IV intitulé « Le congé de formation » du titre 1er du présent projet. Sa rédaction s'inspire très largement de l'article 7 de l'ANI. Comme le rappelle cet article, « Le CIF a pour objet de permettre à tout salarié de suivre, à son initiative et à titre individuel, les actions de formation de son choix. » 

Le I de l'article propose de modifier l'article L. 951-3 du code du travail relatif au congé individuel de formation.

Le 1° vise à permettre le financement du congé pour validation des acquis de l'expérience par le versement des entreprises aux organismes paritaires agréés au titre du congé individuel de formation. Ce congé a été créé par la loi n° 2002-73 de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et son dispositif a été précisé par le décret n° 2002-795 du 3 mai 2002 relatif au congé pour validation des acquis de l'expérience.

Le 2° vise à permettre que les dépenses d'accompagnement du salarié dans le choix de son orientation professionnelle soient financées par le versement mentionné plus haut.

Le 3° vise à autoriser le financement des frais liés à l'établissement de la validation des compétences par ce même versement.

Le 4° est une disposition de coordination qui vise à ce que ce même versement finance les frais de gestion des organismes paritaires agréés (dans des limites fixées par arrêté du ministre), en excluant les frais d'information pris en compte par le 2° (cf. supra).

Le II propose de modifier une disposition de l'article L. 931-8-1 du code du travail relative aux conditions d'extension de l'accord national interprofessionnel ou de la convention de branche afin qu'il soit possible, pour certains publics fragiles, de réduire la rémunération des bénéficiaires du CIF. Selon les informations communiquées au rapporteur, il s'agit d'une demande des partenaires sociaux.

Le III propose de supprimer l'article L. 931-1-1 et le dernier alinéa de l'article L. 931-21 du code du travail, dispositions relatives au crédit formation.

*

La commission a adopté l'article 11 sans modification.

Chapitre V

Les contrats et les périodes de professionnalisation

Article 12

(articles L. 980-1 et L. 980-2 du code du travail)


Contrat et période de professionnalisation : définition

Le chapitre V du présent projet, intitulé « Les contrats et les périodes de professionnalisation », comporte quatre articles (12 à 15). Le présent article vise à définir les dispositifs du contrat de professionnalisation et de la période de professionnalisation.

Ces dispositifs sont compris dans le chapitre III de l'accord national interprofessionnel intitulé « Développement de la professionnalisation des jeunes, des demandeurs d'emploi et de certains publics ». L'article 10 de l'ANI définit la mise en œuvre du contrat de professionnalisation, qui s'adresse aux jeunes et aux demandeurs d'emploi, alors que la période de professionnalisation concerne les salariés dont la qualification est insuffisante.

La mise en place du contrat et de la période de professionnalisation doit faire intervenir les branches professionnelles, comme le souligne l'article 17 de l'ANI :

« Les parties signataires du présent accord rappellent le rôle essentiel des branches professionnelles dans les domaines de l'information et de l'orientation tout au long de la vie professionnelle, et dans la définition et la mise en œuvre des priorités en matière de formation professionnelle, notamment pour les contrats ou les périodes de professionnalisation prévus aux articles 10 et 11 du présent accord. »

Les contrats et périodes de professionnalisation seront mis en place à partir du 1er juillet 2004 (cf. infra, article 32).

Le I de l'article vise à modifier l'intitulé du titre VIII du livre IX du code du travail. Le projet propose de substituer à l'intitulé en vigueur « Des formations professionnelles en alternance » l'intitulé « Des contrats et des périodes de professionnalisation ».

Le II propose d'abroger l'article L. 980-2 du code du travail et de réécrire l'article L. 980-1.

L'article L. 980-2 mentionnait les « contrats d'insertion en alternance et les stages de formation professionnelle prévus [au titre VIII « Des formations professionnelles en alternance].

La rédaction de l'article L. 980-1 concernait les formations alternées destinées aux jeunes de seize à vingt-cinq ans et en donnait la définition suivante : « Elles associent des enseignements généraux professionnels et technologiques dispensés pendant le temps de travail, dans des organismes publics ou privés de formation, et l'acquisition d'un savoir-faire par l'exercice en entreprise d'une ou plusieurs activités professionnelles en relation avec les enseignements reçus ».

La nouvelle rédaction de cet article donne une définition globale du contrat de professionnalisation et de la période de professionnalisation. Ces dispositifs combinent :

- d'une part, des « enseignements généraux, professionnels et technologiques dispensés dans des organismes publics ou privés de formation ou (...) par l'entreprise » ;

- et d'autre part, « l'acquisition d'un savoir faire par l'exercice en entreprise d'une ou plusieurs activités professionnelles en relation avec les qualifications recherchées ».

Cette définition n'est pas donnée par l'ANI. Elle diffère de celle donnée par l'article L. 980-1 du code du travail aux dispositifs en alternance, en substituant à la référence aux « enseignements reçus » la référence aux « qualifications recherchées », de manière à souligner l'objectif de professionnalisation poursuivi par les signataires de l'ANI.

*

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté deux amendements de M. Christian Paul tendant respectivement à proposer une rédaction plus proche du texte de l'accord du 20 septembre 2003, en ce qui concerne l'enseignement professionnel et technologique dispensé par l'établissement, et à rédiger en conformité avec l'ANI la finalité du contrat de qualification professionnelle.

La commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article 13

(articles L. 981-1 à L 981-17 du code du travail)


Dispositif du contrat de professionnalisation

Le présent article fixe le régime juridique des contrats de professionnalisation. Sa rédaction s'inspire largement des dispositions de l'article 10 de l'ANI. Les signataires du texte ont souhaité que la mise en place du dispositif soit marqué par deux principes : personnalisation et professionnalisation.

Le I propose de modifier l'intitulé du chapitre 1er du titre VIII du livre IX du code du travail, en substituant à l'intitulé « Contrats d'insertion en alternance » l'intitulé « Contrats de professionnalisation ».

Le II vise à modifier la rédaction des articles L. 981-1 à L. 981-7 du code du travail, en supprimant les articles L. 981-7 à L. 981-12.

Article L. 981-1 du code du travail : Publics concernés et finalité du dispositif

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 981-1 met en place le contrat de qualification. Le projet, qui supprime ce contrat, vise à réécrire l'article en y définissant le contrat de professionnalisation.

Le dispositif du contrat de professionnalisation peut bénéficier aux jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus et aux demandeurs d'emplois âgés de vingt-six ans et plus. La rédaction est pratiquement identique aux dispositions de l'article 10.1 de l'ANI. On peut noter que le bénéfice des contrats de qualification a été étendu aux personnes âgées de plus de 26 ans par l'article 25 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions.

Le projet propose que l'article L. 981-1 fixe les objectifs de ce nouveau dispositif : il doit favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle des bénéficiaires, et leur permettre d'acquérir une des qualifications prévues à l'article L. 900-3 du code du travail. Cet article renvoie aux formations suivantes : formations enregistrées dans le répertoire national des certifications professionnelles, reconnues dans une classification collective nationale de branche ou figurant sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi d'une branche professionnelle. On peut donc relever le caractère très professionnalisé de ces formations, conformément aux intentions des négociateurs de l'ANI exprimées dans la rédaction de l'article 10.1 de l'accord.

A noter que les parties signataires de l'ANI donnent mandat au conseil d'administration de l'association de gestion du Fonds des Formations en alternance (AGEFAL) de conclure avec l'UNEDIC une convention visant à définir les conditions de financement par cette dernière des actions de formation et d'accompagnement conduites dans le cadre des contrats de professionnalisation bénéficiant à des salariés antérieurement privés d'emploi. En outre, l'ANI stipule qu'une convention élaborée entre le CPNFP et l'association de gestion des fonds pour l'insertion des handicapés (AGEFIPH) définira les modalités de participation par cette dernière aux coûts de formation liés aux contrats de professionnalisation dont peuvent bénéficier les handicapés.

Article L. 981-2 du code du travail : Durée du contrat et fixation du contenu de la formation

Comme pour le contrat de qualification, le contrat de professionnalisation est établi par écrit et déposé auprès de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Lorsqu'il est à durée déterminée, il est, comme l'était le contrat de qualification, conclu en application de l'article L. 122-2 du code du travail.

Conformément aux intentions des signataires de l'ANI, la durée prévue de la formation est personnalisable. Il est proposé qu'une période de six mois constitue un minimum (durée minimale identique à la durée minimale du contrat de qualification). Cette durée peut néanmoins varier de six à douze mois (contrat de qualification : de six à vingt-quatre mois).

Cette durée peut néanmoins atteindre 24 mois dans deux cas, l'un relatif aux personnes, l'autre aux qualifications :

1. Il s'agit « notamment de personnes sorties du système éducatif sans qualification professionnelle reconnue ». La rédaction du projet devra être précisée par le décret : le texte vise-t-il les personnes sans qualifications sanctionnées par un diplôme ? Ou les personnes dépourvues de toute qualification ?

2. La durée peut être portée à vingt-quatre mois « lorsque la nature des qualifications l'exige ». On peut penser qu'il s'agit de qualifications « pointues » destinées à un public déjà assez formé.

La nature des qualifications comme les caractéristiques des bénéficiaires pouvant donner lieu à des périodes de 24 mois sont fixées par la branche par convention ou accord. A défaut, elles sont fixées par un accord collectif conclu entre « les organisations représentatives d'employeurs et de salariés signataires de l'accord constitutif d'un organisme collecteur paritaire interprofessionnel des fonds de la formation professionnelle continue mentionné au quatrième alinéa de l'article L. 951-1 et au troisième alinéa de l'article L. 952-1 ». Il s'agit d'une reprise des dispositions correspondantes de l'ANI. Cependant, ce dernier prévoit que l'accord fixera uniquement les qualifications (et non les « publics spécifiques ») susceptibles d'allonger la durée du contrat.

Article L. 981-3 du code du travail : Engagements de l'employeur et du titulaire du contrat

L'employeur et le titulaire du contrat contractent des engagements précis. Si le titulaire s'engage à travailler pour l'employeur et à suivre la formation, l'employeur s'engage à assurer aux titulaires du contrat une formation « permettant d'acquérir une qualification professionnelle » et à leur fournir un emploi « en relation avec cet objectif ». Le texte de l'ANI est repris presque mot à mot.

La durée complète des formations (intégrant les actions d'accompagnement et d'évaluation) doit être au moins égale à 15 % de la durée totale du contrat ou de la période de professionnalisation, ou au moins égale à 150 heures. Ce plancher était de 25 % pour le contrat de qualification, sauf en cas d'accord de branche ou convention fixant la durée de la formation (le dispositif du contrat de qualification ne comprenait pas de plancher exprimé en heures).

Le projet prévoit qu'un accord de branche ou, à défaut, un accord conclu entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés signataires de l'accord constitutif d'un organisme collecteur paritaire des fonds de la formation professionnelle continue à compétence interprofessionnelle mentionné à l'article L. 981-2 du code du travail peut étendre la durée de la formation au bénéfice de certains bénéficiaires, notamment pour les jeunes n'ayant pas achevé un second cycle de l'enseignement professionnel et qui ne sont pas titulaires d'un diplôme de l'enseignement technologique ou professionnel. Aucun plafond n'est fixé. L'article 10 de l'ANI prévoit une extension par voie d'accord jusqu'à 25 % de la durée totale du contrat « pour certains publics et notamment pour les jeunes n'ayant pas achevé un second cycle de l'enseignement secondaire et non titulaires d'un diplôme de l'enseignement technologique ou professionnel ». L'ANI prévoit que le cas échéant et sous réserve que les ressources correspondantes soient dégagées, l'accord peut stipuler que la durée peut dépasser 25 %.

L'ANI prévoit des engagements supplémentaires à la charge de l'employeur et du titulaire du contrat, engagements qui ne nécessitent pas de mesures législatives. L'employeur doit déterminer avec le titulaire, au cours d'un entretien auquel participe le tuteur et en liaison avec l'organisme de formation, les objectifs, le programme ainsi que les conditions d'évaluation et de validation de la formation. A l'issue du contrat ou de la période de professionnalisation, l'employeur, en liaison avec l'organisme signataire de la convention, doit s'assurer de la présentation du titulaire du contrat aux épreuves prévues. Le titulaire du contrat est tenu de se présenter aux épreuves d'évaluation et de validation de la qualification visée.

Article L. 981-4 du code du travail : Entreprises de travail temporaire

Conformément à l'article L. 981-1 en vigueur, les entreprises de travail temporaires pouvaient embaucher des jeunes de 16 à 25 ans en contrat de qualification. Le présent article aménage cette possibilité s'agissant des titulaires de contrats de professionnalisation embauchés à durée déterminée.

L'article prévoit qu'un accord conclu au niveau de la branche entre les organisations d'employeurs, les organisations syndicales représentatives du travail temporaire et l'Etat peut prévoir qu'une partie des fonds recueillis dans le cadre de la participation des entreprises au financement de la formation professionnelle est affectée au financement d'actions de formation mises en œuvre au bénéfice des salariés temporaires.

Article L. 981-5 du code du travail : Rémunérations

S'agissant des rémunérations des titulaires de ces contrats, il faut distinguer les titulaires âgés de moins de vingt-six ans des autres. Le projet fixe des dispositions « a minima », complétées par l'ANI et le cas échéant par les accords de conventions collectives.

Les titulaires âgés de moins de vingt-six ans perçoivent une fraction du salaire minimum interprofessionnel de croissance. Un décret fixe son montant, qui peut être supérieur en cas de disposition conventionnelle ou contractuelle plus favorable. Il est proposé que le décret fixe des montants différents suivant l'âge et le niveau de la formation.

L'ANI stipule qu'à défaut de dispositions de la convention collective fixant un salaire minimum particulier applicable aux bénéficiaires, il y a lieu de distinguer deux taux différents : 55 % du SMIC pour les moins de 21 ans et 70 % pour les moins de 26 ans. En outre, il stipule que ces taux sont augmentés de 10 % si le bénéficiaire est au moins titulaire d'un baccalauréat professionnel ou d'un diplôme équivalent.

Les titulaires âgés d'au moins 26 ans perçoivent une rémunération au moins égale à 85 % de la rémunération minimale fixée par la convention collective de branche dont relève l'entreprise (le SMIC constituant un plancher).

L'ANI renvoie aux dispositions de la convention collective et fixe un plancher égal à 85 % de la rémunération minimale prévue par les dispositions de la convention collective de branche dont relève l'entreprise.

A titre de rappel, les titulaires des contrats de qualification perçoivent une rémunération déterminée en fonction du SMIC, dont le montant est fixé par décret et qui peut varier suivant l'âge du bénéficiaire.

Article L.  981-6 du code du travail : Exonération des cotisations à la charge de l'employeur

Le présent projet propose que le contrat de professionnalisation donne droit à l'exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des maladies professionnelles et des allocations familiales. Cette exonération bénéficiait aux employeurs des titulaires des contrats de qualification conformément à l'article L. 981-4 du code du travail en vigueur.

Le projet vise à encadrer précisément le champ de l'exonération :

- elle ne bénéficiera qu'aux rémunérations versées aux personnes âgées de moins de 26 ans et aux demandeurs d'emploi âgés de 45 ans et plus ;

- son montant est égal au montant des cotisations afférentes à la fraction de la rémunération n'excédant pas le SMIC, dans la limite de l'horaire légal ou conventionnel du travail ;

- elle ne porte que sur les cotisations afférentes dues jusqu'à la fin du contrat ou de la période de professionnalisation ;

- elle ne peut être cumulée avec d'autres exonérations de cotisations patronales ;

- elle est subordonnée au respect par l'employeur de ses engagements ; son bénéfice peut être retiré en cas de manquement.

Article L. 981-7 du code du travail : Statut du titulaire du contrat de professionnalisation

Le présent projet précise la situation du titulaire au regard des dispositions du code du travail ou d'accords conventionnels applicables aux salariés de l'entreprise. Ainsi, il pose un principe général de non-discrimination : « Les titulaires des contrats de travail prévus à l'article L. 981-1 bénéficient de l'ensemble des dispositions applicables aux autres salariés de l'entreprise dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les exigences de leur formation ».

L'article prévoit également la possibilité de renouveler le contrat une fois si l'objectif de formation n'a pu être atteint.

*

Article L. 981-1 du code du travail

La commission a rejeté un amendement de M. Christian Paul tendant à préciser les principes de mise en œuvre du contrat de professionnalisation tels que prévus par l'accord du 20 septembre 2003, après que le rapporteur a jugé le dispositif de cet amendement insuffisamment normatif et relevant plutôt de l'exposé des motifs.

Article L. 981-2 du code du travail

La commission a examiné en discussion commune huit amendements visant à modifier la rédaction proposée pour l'article L. 981-2 du code du travail relatif à la durée totale du contrat de professionnalisation :

- le premier de Mme Bérengère Poletti tendant à étendre la durée du contrat de douze à vingt-quatre mois pour les jeunes suivant une formation diplômante et pour les publics spécifiques ou lorsque la nature des qualifications l'exige ;

- les deuxième et troisième respectivement de M. Lionnel Luca et M. Jean-Marc Roubaud prévoyant la possibilité d'étendre la durée du contrat de professionnalisation à vingt-quatre mois ;

- le quatrième de M. Frédéric Dutoit visant à ce que la durée de formation soit comprise entre six et vingt-quatre mois, les bénéficiaires et la nature des formations donnant lieu à ces durées étant fixés par voie d'accord ;

- le cinquième de M. Francis Vercamer prévoyant que la durée du contrat de professionnalisation est comprise entre six et vingt-quatre mois ;

- le sixième de M. Edouard Landrain tendant à étendre la durée du contrat de douze à vingt-quatre mois ;

- le septième de Mme Bérengère Poletti prévoyant la possibilité de l'allongement de la durée du contrat de professionnalisation à vingt-quatre mois pour les jeunes sortis du système éducatif sans qualification professionnelle reconnue ;

- le huitième de M. Francis Vercamer tendant à ce que les personnes n'ayant pas une qualification professionnelle suffisante ou rencontrant une situation d'emploi difficile nécessitant une réorientation puissent suivre des actions de formation dans le cadre d'un contrat de vingt-quatre mois.

M. Christian Paul a fait part de ses interrogations relatives au contrat de professionnalisation. Le délai de mise en œuvre de ce contrat figurant dans le projet de loi est trop court. Quant au contrat de qualification, il convient de préciser à quoi il doit servir et quelle sera son évolution, même s'il faut rester conscient des dérives auxquelles il a pu donner lieu.

Mme Bérengère Poletti a considéré que le passage de l'actuel contrat de qualification au nouveau contrat de professionnalisation ne pourra se faire rapidement. L'allongement de la durée du contrat est souhaitable. On peut en effet se demander ce qu'il adviendra des 80 000 contrats de qualification (sur les 120 000 personnes concernées par ce dispositif) concernant des diplômés du secondaire ou de l'enseignement technologique.

M. René Couanau a considéré que la question posée par l'ensemble des amendements est celle de la transition entre l'ancien contrat de qualification et le nouveau contrat de professionnalisation. En effet, la durée du contrat de professionnalisation devrait être de six à douze mois avec, après accord éventuel, un prolongement possible à vingt-quatre mois. Il s'agit d'un sujet complexe qui ne trouvera peut-être pas sa solution dans un amendement du rapporteur.

Le rapporteur a rappelé que le texte du projet reprend l'article 10 de l'accord national interprofessionnel. Il correspond au souhait des partenaires sociaux, qui l'ont élaboré après avoir fait un bilan du dispositif du contrat de qualification. Le texte prévoit une durée de six à douze mois : la durée est certes inférieure aux contrats de qualifications, mais comme l'a précisé le ministre lors de son audition par la commission, il s'agit d'étendre le bénéfice du contrat à un nombre de personnes plus important. Le dispositif avait tendance à devenir la prolongation de cursus scolaires en évinçant les publics plus difficiles. En outre, une durée de six à douze mois constitue un progrès dans certaines branches où la durée de formation est très réduite. Le texte renvoie à la négociation pour fixer éventuellement une durée supérieure, jusqu'à une durée de vingt-quatre mois, « notamment pour certains publics sans qualification professionnelle » ou « lorsque la nature des qualifications l'exige ». Ces deux conditions sont formulées très largement pour permettre aux partenaires sociaux de faire du « cousu main » selon la branche considérée et de personnaliser la formule du contrat de professionnalisation. L'accord national interprofessionnel prévoit d'ailleurs que deux mois après la conclusion du contrat, une réunion associe le titulaire, le tuteur et l'employeur pour réévaluer la durée du contrat. Il est temps de faire confiance aux partenaires sociaux !

M. Lionnel Luca a retiré son amendement.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté les amendements.

Article L. 981-3 du code du travail

La commission a examiné un amendement du rapporteur relatif à la durée de la formation relative au contrat de professionnalisation.

Le rapporteur a indiqué que, s'agissant des contrats de professionnalisation, le projet de loi propose que la durée des formations soit au minimum de 15 % de la durée totale du contrat. L'amendement vise à souligner qu'il s'agit là d'un socle minimal et que des accords peuvent, le cas échéant, prévoir l'augmentation de cette durée notamment jusqu'à 25 % et au-delà pour les jeunes dépourvus de qualification et les jeunes qui souhaitent suivre des formations diplômantes.

M. René Couanau et M. Lionnel Luca ont remercié le rapporteur pour cet amendement qui répond aux interrogations des commissaires exprimées lors de l'examen des amendements portant sur la rédaction de l'article L. 981-2 du code du travail.

Après avoir proposé un sous-amendement rédactionnel, M. Lionnel Luca a souhaité cosigner l'amendement du rapporteur.

La commission a également examiné un sous-amendement rédactionnel de M. Christian Paul.

Après avoir adopté les sous-amendements de MM. Lionnel Luca et Christian Paul, la commission a adopté l'amendement ainsi modifié cosigné par MM. Lionnel Luca et Christian Paul, Mme Bérengère Poletti et MM. Francis Vercamer et Edouard Landrain.

En conséquence, sont devenus sans objet :

- les amendements de MM. Yvan Lachaud et Jean-Marc Roubaud concernant la durée de la formation relative au contrat de professionnalisation ;

- deux amendements identiques de M. Francis Vercamer et de M. Christian Paul visant à introduire la mention de l'intervention de structures spécialisées extérieures à l'entreprise dans l'accompagnement des salariés suivant une action de formation ;

- trois amendements identiques de MM. Frédéric Dutoit, Lionnel Luca et Edouard Landrain visant à augmenter la durée de formation des contrats de professionnalisation.

Art. L. 981-4 du code du travail

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur proposant de préciser le champ des actions financées au titre de la formation professionnelle et bénéficiant aux salariés intérimaires.

Le rapporteur a indiqué que ces actions de formation concernent l'insertion professionnelle des salariés intérimaires.

La commission a adopté l'amendement.

Puis elle a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14

(articles L. 982-1 à L. 982-4 du code du travail)


Dispositif de la période de professionnalisation

Le présent article vise à fixer le régime juridique de la période de professionnalisation.

Ce dispositif contribuera à atteindre l'objectif de la formation tout au long de la vie. Il permet en effet qu'une deuxième chance soit donnée à certaines personnes qui jusqu'à présent étaient soumises à un système où, selon la formule de l'exposé des motifs du projet de loi, une seule chance serait donnée, avant 25 ans.

Or, comme le souligne le texte de l'ANI, « chaque salarié doit être en mesure, tout au long de sa vie professionnelle, de développer, de compléter ou de renouveler sa qualification, ses connaissances, ses compétences et ses aptitudes professionnelles »

L'article 11 de l'ANI a donc créé la période de professionnalisation, destinée à permettre à son bénéficiaire d'acquérir une qualification professionnelle ou de participer à une action de formation dont l'objectif de professionnalisation est défini par la commission nationale paritaire de l'emploi de la branche professionnelle. Le texte de l'accord précise que ce dispositif s'adresse à des publics spécifiques :

- aux salariés sous CDI dont la qualification est jugée insuffisante ;

- aux salariés qui ont cumulé vingt ans d'activité professionnelle ou qui sont âgés d'au moins 45 ans ;

- aux salariés qui envisagent une création ou une reprise d'une entreprise ;

- aux femmes qui reprennent une activité professionnelle ;

- aux travailleurs handicapés.

Selon l'ANI, les trois principes devant guider la mise en place de ce dispositif sont la personnalisation des parcours de formation, l'alternance et l'évaluation des compétences et des aptitudes professionnelles.

Le présent projet propose de remplacer les dispositions du chapitre II du livre IX relatives aux stages de formation professionnelle organisés avec le concours de l'Etat par un chapitre consacré aux périodes de professionnalisation. Ce chapitre comprend 4 articles.

Article L. 982-1 du code du travail : Objectif et publics visés

L'article propose que la période de professionnalisation vise à favoriser par des actions de formation le maintien en activité des salariés en contrat à durée indéterminée. Les publics visés sont ceux sélectionnés par l'ANI.

Article L. 982-2 du code du travail : Mise en œuvre

Le dispositif de la période de professionnalisation met en œuvre deux types d'actions :

- soit les actions de formation mentionnées à l'article L. 900-3 du code du travail (il s'agit donc d'un champ assez large) ;

- soit les actions de formation dont l'objectif est défini par la commission paritaire nationale de l'emploi de la branche professionnelle.

Le projet tend à professionnaliser le dispositif. Comme le stipule le texte de l'ANI, une convention ou un accord collectif de branche, ou à défaut, un accord collectif conclu entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés signataires d'un accord constitutif d'un OPCA détermine la liste des qualifications accessibles au titre du dispositif.

Article L. 982-3 du code du travail : Plafonnement du nombre de salariés absents au titre de la période de professionnalisation

Afin d'éviter des abus, le texte propose de plafonner à 2 % le nombre total de salariés simultanément absents au titre de la période de professionnalisation. En outre, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, le bénéfice du dispositif peut être différé lorsqu'il aboutit à l'absence simultanée de plus deux salariés.

Ces deux dispositions sont prévues par l'ANI.

Article L. 982-4 du code du travail : Temps de travail et rémunération

S'agissant de l'imputation des heures de formation sur le temps de travail, le texte propose une rédaction ambiguë : ces actions de formation au titre de la période de professionnalisation « peuvent se dérouler pour tout ou partie en dehors du temps de travail ». Cette rédaction signifie a contrario, selon les informations communiquées au rapporteur, que le droit commun prescrit qu'elles se déroulent durant le temps de travail. Dans ce dernier cas, la période donne lieu au maintien de la rémunération.

L'initiative d'un déroulement pour partie ou totalement en dehors du temps de travail est prise :

- soit par le salarié dans le cadre du bénéfice d'un droit individuel à la formation (cela donne lieu au versement de l'allocation de formation prévue par ce dispositif) ;

- soit par l'employeur, mais avec l'accord écrit du salarié, dans le cadre du dispositif visé à l'article L. 932-1 du code du travail (versement d'une allocation de formation).

Lorsque la période est suivie en dehors du temps de travail, l'employeur définit les engagements auxquels il souscrit. Un accord écrit passé entre l'employeur et le salarié peut prévoir que les heures de formation effectuées au titre de la période de professionnalisation en dehors du temps de travail peuvent excéder le montant des droits ouverts par le salarié au titre du DIF dans la limite d'un plafond de 80 heures par an. Dans ce cas, les dispositions du IV de l'article L. 932-1 relatives aux engagements souscrits par le salarié et l'employeur sont applicables.

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Article L. 982-1 du code du travail

Sur l'avis favorable du rapporteur, la commission a adopté un amendement de précision de M. Christian Paul.

La commission a ensuite examiné un amendement rédactionnel de M. Christian Paul.

M. Christian Paul a indiqué que le terme « insuffisante » était plus approprié que le terme « inadaptée » pour désigner le défaut de qualification des salariés par rapport aux évolutions des technologies et de l'organisation du travail.

Le rapporteur, estimant cette précision inutile, a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté l'amendement.

Article L. 982-4 du code du travail

La commission a rejeté un amendement de M. Frédéric Dutoit visant à préciser que les actions de formation se déroulent pendant le temps de travail.

La commission a rejeté un amendement de M. Christian Paul visant à rappeler que la rémunération du salarié est maintenue dans son intégralité si les actions de formation se déroulent pendant le temps de travail.

La commission a rejeté un amendement de coordination M. Frédéric Dutoit.

Puis la commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article 15

(articles L. 983-1 à L. 983-4 du code du travail)


Dispositions financières relatives aux contrats
et aux périodes de professionnalisation

Le présent article vise à mettre en place le financement relatif aux contrats et aux périodes de professionnalisation. A ce titre, il réécrit les dispositions relatives aux actions financées par les organismes collecteurs au titre de l'alternance, dispositions actuellement inscrites à l'article 30 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984). Cet article est abrogé par l'article 32 du projet et ces dispositions figureront désormais dans le code du travail.

A cette fin, il propose de créer dans celui-ci un chapitre III au titre VIII du livre IX, chapitre intitulé « Dispositions financières ».

Article L. 983-1 du code du travail : Prise en charge des frais de formation engagés dans le cadre des contrats et des périodes de professionnalisation

Les organismes collecteurs au titre de l'alternance sont chargés par cet article de couvrir les frais des actions d'évaluation, d'accompagnement et de formation des dispositifs de contrats et des périodes de professionnalisation, mission qui se substitue au financement des « contrats d'insertion en alternance » (c'est-à-dire les contrats de qualification, d'orientation et d'adaptation) prévu par l'article 30 de la loi de finances pour 1985 précité. Ces actions seront prises en charge sur la base de forfaits dont le montant doit être fixé par voie d'accord, ou, à défaut, par décret. Il est enfin précisé que le forfait horaire pourra être modulé « en fonction de la nature et du coût de la prestation ». La règle du forfait horaire comme son éventuelle modulation sont dans la continuité de l'article 30 précité.

Article L. 983-2 du code du travail : Financement des contrats de professionnalisation des demandeurs d'emploi

Cet article dispose que l'assurance chômage peut prendre en charge, dans la limite d'un plafond fixé par décret, le financement des contrats de professionnalisation des demandeurs d'emploi âgés de plus de vingt-six ans. Il s'agit de pérenniser une possibilité qui avait été ouverte, par l'article 2 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2003 pour les contrats de qualification accordés aux plus de vingt-six ans en application de l'article 25 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

Article L. 983-3 du code du travail : Financement du tutorat

Les organismes collecteurs finançant les contrats et les périodes de professionnalisation financeront également les actions de formation des tuteurs (salarié ou employeur d'une entreprise de moins de dix salariés) chargés de guider les bénéficiaires des contrats et des périodes de professionnalisation, ce qui est également dans la continuité du droit en vigueur pour les contrats d'alternance actuels. Le projet apporte une nouveauté : la possibilité de financer les « coûts liés à l'exercice de la fonction tutorale ».

Article L. 983-4 du code du travail : Dépenses de fonctionnement des centres de formation d'apprentis

Ces mêmes organismes pourront, selon cet article, continuer à prendre en charge les dépenses de fonctionnement des centres de formation d'apprentis (CFA) selon les modalités prévues par un accord de branche.

Sur ce point, le projet modifie substantiellement le droit en vigueur en ne reprenant pas la limitation, inscrite au 3° du IV de l'article 30 de la loi de finances pour 1985 précité, à 35 % de la fraction des fonds collectés dans les entreprises de dix salariés et plus qui peut être affectée aux CFA. Ce plafonnement n'étant pas repris dans l'ANI, on peut penser que les partenaires sociaux se sont implicitement « accordés » pour l'abandonner.

Désormais, les organismes collecteurs de branche pourront donc, si la branche le souhaite, affecter la plus grande part de leurs ressources aux CFA, au détriment des contrats et périodes de professionnalisation et du mécanisme de mutualisation des excédents financiers (voir le commentaire de l'article 24).

A titre indicatif, en 2002, les centres de formation d'apprentis ont reçu des organismes collecteurs de l'alternance 156 millions d'euros, ce qui représentait 13 % de la collecte de l'année au titre des employeurs de dix salariés et plus (1,17 milliard d'euros)8. On est donc bien en deçà des 35 %, ce qui tend à limiter l'enjeu global du maintien ou non de ce plafond. Il n'en est pas moins vrai que dans certaines branches cet enjeu est réel.

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Article L. 983-2 du code du travail

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul visant à ce que le contrat de professionnalisation soit mis en œuvre à l'initiative de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE).

M. Christian Paul a estimé que cette procédure est nécessaire dans la mesure où la souscription à de tels contrats ouvre le droit à une aide de l'Etat en faveur de l'employeur.

Le rapporteur a émis un avis défavorable considérant que l'amendement contribue à rigidifier le système mis en place par le projet de loi.

La commission a rejeté l'amendement.

Art. L. 983-4 du code du travail

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul visant à limiter à 35 % des sommes collectées la prise en charge des dépenses de fonctionnement des centres de formation d'apprentis par les organismes collecteurs.

M. Christian Paul a indiqué que l'objectif de cet amendement est de préserver le système actuellement en place.

Le rapporteur a déclaré que cet amendement allait à l'encontre de l'accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux. De plus, en 2002, seules 13 % des sommes collectées ont été affectées aux dépenses de fonctionnement des centres de formation d'apprentis. Il n'y a donc pas lieu de mettre en place un plafond.

La commission a rejeté l'amendement puis elle a adopté l'article 15 sans modification.

Suite du rapport

N° 1273 - Rapport sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (M. Jean-Paul Anciaux)

1 « Formation professionnelle, les enjeux d'une refonte », 2001.

2 Mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, rapport d'information n° 1781 par M. Didier Migaud, annexe n° 4 par M. Jacques Barrot, 7 juillet 1999.

3 Comme les autres données financières du présent développement, cette donnée est extraite du « Jaune » formation professionnelle annexé au projet de loi de finances 2004.

4 Dans la mesure où les employeurs peuvent satisfaire une partie de leurs obligations financières de formation par des dépenses directes, il est « simpliste » de considérer qu'une augmentation des taux d'obligation entraîne une augmentation proportionnelle des collectes.

5 Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.

6 Le texte de cette position commune est joint en annexe 2 du rapport.

7 Loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail.

8 Source : « jaune » formation professionnelle annexé au PLF 2004.


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