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N°1275 - Tome 1 - 3ème partie

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE


enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 décembre 2003.

RAPPORT

Tome 1 - 3ème partie

FAIT

AU NOM DE LA MISSION D'INFORMATION (1)

sur la question du port des signes religieux a l'école

Président et Rapporteur

M. Jean-Louis DEBRÉ,

Président de l'Assemblée nationale

--

TOME I

RAPPORT

Vers le Tome II - Auditions

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

Education.

Aux membres de la mission d'information,

M. François BAROIN, Mme Martine DAVID, MM. Jacques DESALLANGRE, René DOSIÈRE, Hervé MORIN, Éric RAOULT, membres du Bureau ;
Mmes Patricia ADAM, Martine AURILLAC, MM. Christian BATAILLE,
Jean-Pierre BLAZY, Bruno BOURG-BROC, Jean-Pierre BRARD,
Jacques DOMERGUE, Jean GLAVANY, Claude GOASGUEN,
Mme Élisabeth GUIGOU, MM. Jean-Yves HUGON, Yves JEGO,
Mansour KAMARDINE, Yvan LACHAUD, Lionnel LUCA,
Hervé MARITON, Christophe MASSE, Georges MOTHRON,
Jacques MYARD, Robert PANDRAUD, Pierre-André PÉRISSOL,
Mmes Michèle TABAROT, Marie-Jo ZIMMERMANN,

je tiens à exprimer ma reconnaissance pour la qualité de leur réflexion et leur disponibilité. Ils ont permis de donner à ce rapport toute son importance.

J'adresse également mes remerciements aux collaborateurs qui ont accompagnés la mission tout au long de ses travaux.

Le Président,

Jean-Louis DEBRÉ.

S O M M A I R E

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Pages

1ère et 2ème parties du tome I

INTRODUCTION

Première partie : Le port des signes religieux a l'école est-il compatiBle avec le principe français de laïcité ?

I.- la laïcité : un principe consacré par l'histoire et par le droit

II.- l'« exception » française : un modele original a conforter

Deuxième partie : Les manifestations d'appartenance religieuse ou politique révèlent les difficultés de l'école dans sa mission intégratrice

I.- L'école comme lieu d'apprentissage du « vivre ensemble » est en perte de vitesse

II.- L'école comme vecteur d'intégration sociale semble de moins en moins crÉdible pour les jeunes des milieux défavorisés

3ème partie du tome I

Troisième partie : LE régime juridique du port des signes religieux à l'école ne garantit pas suffisamment le respect de la laïcité dans les établissements scolaires 8585

I.- Le port de signes religieux dans les établissements scolaires : la nécessaire conciliation entre liberté de religion et principe de laïcité 8585

A.- Le problème juridique du port de signes religieux dans les établissements scolaires : concilier deux principes consacrés 8585

1.- La liberté de conscience : un principe constitutionnel 8585

2.- La liberté de conscience, garantie et limitée par le principe de laïcité 8787

B.- La compatibilité du port, par les élèves, de signes religieux avec le principe de laïcité : l'avis du Conseil d'état du 27 novembre 1989 9090

1.- L'encadrement juridique du port, par les élèves, de signes religieux dans les établissements scolaires 9090

2.- L'élève, un individu titulaire de droits, soumis à des obligations spécifiques 9494

C.- L'obligation de neutralité des enseignants 9696

1.- L'interdiction du port, par les enseignants, de signes religieux 9797

2.- Une interdiction compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales 9898

II.- le port des signes religieux a l'école : un régime juridique contesté et d'application délicate 9999

A.- Le Conseil d'état a posé des limites au port de signes religieux que les chefs d'établissement n'ont pas toujours les moyens d'appliquer 9999

1.- Les chefs d'établissement ne disposent pas toujours des outils pour faire face à des revendications communautaristes 9999

2.- La difficile appréciation par les chefs d'établissement du caractère de prosélytisme et de propagande du port de signes religieux 103103

B.- La création d'un « droit local » pour l'exercice d'une liberté fondamentale 106106

C.- Les élèves ne doivent pas être traités comme de simples usagers du service public de l'éducation nationale 108108

1.- Les élèves ne sont pas de simples usagers du service public 108108

2.- En tant que membres de la communauté éducative, les élèves peuvent se voir imposer des obligations propres au service public de l'éducation nationale 109109

D.- Des restrictions à l'exercice d'une liberté fondamentale dépourvues de fondement législatif 111111

quatrième partie : Pour une réaffirmation par la loi du principe de la laïcité à l'école 113113

I.- restaurer par la loi le respect, par tous, de la neutralité de l'espace scolaire 113113

A.- L'interdiction légale du port visible de signes religieux et politiques dans les établissements scolaires 113113

1.- Le régime juridique de l'exercice d'une liberté : une compétence du législateur 113113

2.- L'interdiction du port « visible » de signes religieux et politiques dans les établissements scolaires 115115

B.- Un dispositif législatif qui garantit un juste équilibre entre liberté de religion et principe de laïcité dans le respect de la Constitution et conforme au droit international 116116

1.- Un dispositif législatif qui garantit un juste équilibre entre liberté de religion et principe de laïcité dans le respect de la Constitution 116116

2.- Un dispositif législatif conforme aux engagements internationaux de la France 119119

C.- La prise en compte de certaines spécificités 123123

1.- La prise en compte du caractère propre des établissements privés sous contrat 123123

2.- Un dispositif législatif qui ne remet pas en cause le régime spécifique de l'Alsace-Moselle 126126

3.- Un dispositif législatif qui ne remet pas en cause les régimes spécifiques de certaines collectivités d'outre-mer 128128

II.- des mesures complémentaires pour faire vivre la laïcité à l'école dans un environnement apaisé 129129

A.- Lutter contre toutes les formes de discriminations et intensifier les efforts accomplis dans le cadre de la politique de la ville 129129

B.- Promouvoir l'égalité de traitement des différentes religions et enseigner l'histoire des religions à l'école 131131

1.- Lutter contre l'image négative de l'islam et favoriser la construction de lieux de culte musulman 131131

2.- Des aumôneries pour toutes les religions ? 132132

3.- Des écoles privées de confession musulmane ? 133133

4.- Améliorer l'enseignement de l'histoire des religions 135135

C.- Développer une pédagogie de la laïcité à l'école 137137

CONCLUSION 139139

EXAMEN DU RAPPORT 143143

CONTRIBUTIONS 145145

Glossaire 171171

ANNEXES 173173

liste des personnalités auditionnées 199199

TROISIÈME PARTIE : LE RÉGIME JURIDIQUE DU PORT DES SIGNES RELIGIEUX À L'ÉCOLE NE GARANTIT PAS SUFFISAMMENT LE RESPECT DE LA LAÏCITÉ DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES

Les chefs d'établissement, confrontés à un nombre croissant d'élèves qui désirent afficher leurs convictions religieuses, doivent appliquer un droit jurisprudentiel, défini par le Conseil d'Etat qui ne permet plus de trouver un équilibre entre liberté de religion et principe de laïcité et qui conduit aujourd'hui à une fragilisation du principe de laïcité à l'école.

I.- LE PORT DE SIGNES RELIGIEUX DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES : LA NÉCESSAIRE CONCILIATION ENTRE LIBERTÉ DE RELIGION ET PRINCIPE DE LAÏCITÉ

Le port, par les élèves, de signes religieux à l'école n'est régi par aucune législation précise. Dans le silence des textes, le régime juridique a été défini par le Conseil d'Etat dans un avis du 27 novembre 1989. Celui-ci, en conciliant les deux principes constitutionnels de liberté de religion et de laïcité, a considéré que le port, par les élèves, de signes religieux à l'école, n'était pas incompatible avec le principe de laïcité.

A.- LE PROBLÈME JURIDIQUE DU PORT DE SIGNES RELIGIEUX DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES : CONCILIER DEUX PRINCIPES CONSACRÉS

1.- La liberté de conscience : un principe constitutionnel

La liberté de conscience, fondement d'une société démocratique, figure parmi les libertés fondamentales consacrées tant en droit interne qu'en droit international.

L'article X de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ».

Principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel1, la liberté de conscience est aussi consacrée par l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 qui dispose : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

De même, selon les termes de l'article premier de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat, « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l'intérêt de l'ordre public ».

Dans le domaine de l'enseignement, l'article 10 de la loi d'orientation sur l'Education du 10 juillet 1989 affirme que « dans les collèges et les lycées, les élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté d'information et de la liberté d'expression. L'exercice de ces libertés ne peut porter atteintes aux activités d'enseignement ».

La liberté de conscience est aussi consacrée par des conventions internationales, ratifiées par la France, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans son article 18, et la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, dans son article 9, qui affirme :

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.

La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

La garantie de ces droits est affirmée par l'article 14 de la Convention, sans distinction de sexe ou de religion.

Rédiger dans des termes similaires, les deux traités définissent très précisément les diverses composantes de la liberté de conscience, dans le domaine religieux. Celle-ci comporte non seulement la liberté de conviction, mais aussi la liberté de manifester sa religion, individuellement ou collectivement.

La liberté religieuse revêt cependant un caractère relatif. Certes, la liberté de conviction, dans sa dimension intérieure et personnelle, est absolue. Mais dès lors qu'elle se traduit, dans la sphère publique, par des manifestations extérieures, elle peut être légitimement limitée.

L'ordre public constitue un premier motif de restriction des manifestations de la vie religieuse. La jurisprudence du Conseil d'Etat du début du siècle est particulièrement fournie dans le domaine des processions organisées sur la voie publique. Le juge contrôlait alors la réalité d'une menace pour l'ordre public, en tenant compte notamment des habitudes et des traditions locales2. De même, la liberté religieuse peut être limitée pour des motifs tenant à des impératifs de sécurité ou de protection de la vie3.

2.- La liberté de conscience, garantie et limitée par le principe de laïcité

Le principe de laïcité est un principe constitutionnel consacré à la fois par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui affirme « l'organisation de l'enseignement laïque et gratuit est un devoir d'Etat », et par l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 qui dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

Comme le montre M. David Kessler4 « La laïcité, objet de toutes les passions, obsession des hussards de la République, se trouve dorénavant haussée au niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes. Cette présence est assurément une spécificité nationale. Le mot de laïcité, parfois difficilement traduisible en langue étrangère, est absent des autres constitutions européennes.5 »

Dans le domaine de l'enseignement, le principe a été consacré, on l'a vu, notamment par la loi du 28 mars 1882 qui dispose que « dans l'enseignement primaire, l'instruction religieuse est donnée en dehors des édifices et des programmes scolaires » et par la loi du 30 octobre 1886 relative à l'enseignement primaire, selon laquelle « dans les écoles publiques de tout ordre, l'enseignement est exclusivement confié à un personnel laïque ».

Le principe de laïcité constitue à la fois une limite et une garantie de la liberté de conscience.

Il implique, en premier lieu, une limitation à la liberté de manifester sa religion dans la mesure où il impose à l'Etat, une obligation de neutralité. Telle est l'inspiration de la loi de 1905, qui prévoit, dans son article 2, que « la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » et qui crée, dès lors, « une fiction d'ignorance légale »6.

Cependant, le principe de laïcité assure aussi le respect de la liberté de conscience car elle garantit un espace public neutre, tolérant les convictions personnelles de chacun. C'est le sens de l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 selon lequel la France « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » L'Etat est neutre et ne privilégie aucune religion : il assure l'égalité de tous devant la loi en ne faisant aucune discrimination fondée sur les convictions religieuses.

Néanmoins la laïcité n'est pas seulement « un principe d'abstention ». Il impose aussi à l'Etat certaines obligations positives visant à permettre l'exercice du culte. Ainsi, l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l'Etat prévoit que peuvent être inscrites au budget de l'Etat, des départements et des communes « les dépenses relatives à des services d'aumôneries et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics, tels que les lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ». De même, l'article premier de la loi n°59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignements privés, codifié à l'article L. 141-2 du code de l'Education, dispose que « l'Etat prend toutes les dispositions utiles pour assurer aux élèves de l'enseignement public la liberté des cultes et de l'instruction religieuse. »

Le caractère polysémique du principe de laïcité a été mis en évidence par M. Roger Errera7, conseiller d'Etat, lors de son audition par la mission : « La plupart des définitions de la laïcité que l'on trouve dans les ouvrages sont négatives : il s'agit de l'abstention, de la neutralité, de l'incompétence, de l'indifférence de l'Etat en matière religieuse. Je ne pense pas que cela soit entièrement exact ni suffisant. En effet, si tel était le cas, il conviendrait de s'interroger avec inquiétude sur l'Etat de notre droit et de notre pratique. Nous sommes dans un Etat qui règle la forme obligatoire des associations cultuelles, qui reconnaît par décret en Conseil d'Etat les congrégations, en leur faisant obligation d'être soumises à la « juridiction de l'ordinaire » - terme issu du droit canonique ; un Etat qui assure des aumôneries en prison, à l'armée et à l'hôpital, qui est propriétaire de beaucoup d'édifices de culte construits avant 1905, qui en assure la charge et qui les donne gratuitement aux confessions. Enfin, nous sommes un pays où, en raison de (...) convictions religieuses, il était possible de se faire dispenser des obligations militaires. »

La Constitution ne prévoit pas de hiérarchie entre les deux principes constitutionnels de laïcité et de liberté de conscience. Or leur conciliation est rendue difficile par la complexité du principe de la laïcité. L'équilibre a été trouvé dans la pratique administrative et dans la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui ont privilégié une application souple des principes, adaptée à des circonstances particulières.

Ainsi, s'agissant de la manifestation d'opinions politiques à l'école, le Conseil d'Etat a considéré qu'était incompatible avec le principe de neutralité, l'organisation de réunions dans les lycées par des groupements politiques8, alors qu'était compatible la tenue d'une réunion sur un thème d'ordre civique et social, « le rôle de l'Etat dans l'intégration des enfants d'origine étrangère », animée par le président de l'association « SOS Racisme ».

Mais la question du port de signes religieux se pose aujourd'hui dans un contexte nouveau qui remet en cause l'équilibre trouvé entre liberté de conscience et principe de laïcité.

En effet, comme on l'a vu précédemment, le port de signes religieux dans les écoles est la manifestation d'un problème nouveau qui est celui de l'attitude de l'Etat face à des communautés dont l'identité, notamment religieuse, tend à s'affirmer plus fortement. Or l'école, qui devrait être un cadre protégé et neutre, devient le terrain privilégié de ces revendications identitaires, qui risquent de s'étendre à d'autres cadres (université, lieu de travail) au fur et à mesure que les élèves grandissent.

Par conséquent, le débat sur la laïcité ne se pose plus dans les mêmes termes qu'au début du siècle. Alors qu'en 1905, le juge devait assurer la garantie de la liberté de conscience et de sa libre expression face à des comportements anti-cléricaux9, il est aujourd'hui confronté à des comportements identitaires de types divers qui remettent en cause le modèle républicain d'intégration.

B.- LA COMPATIBILITÉ DU PORT, PAR LES ÉLÈVES, DE SIGNES RELIGIEUX AVEC LE PRINCIPE DE LAÏCITÉ : L'AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT DU 27 NOVEMBRE 1989

1.- L'encadrement juridique du port, par les élèves, de signes religieux dans les établissements scolaires

En 1989, ont éclaté dans les établissements scolaires des incidents liés à la volonté de jeunes filles de porter le foulard en classe, en tant que signe d'appartenance religieuse.

Le 6 novembre 1989, au nom du gouvernement, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a saisi le vice-président du Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur la question de savoir :

- « si compte tenu des principes posés par la Constitution et les lois de la République et eu égard à l'ensemble des règles d'organisation et de fonctionnement de l'école publique, le port de signes d'appartenance religieuses est ou non compatible avec le principe de laïcité ;

- en cas de réponse affirmative, à quelles conditions des instructions du ministre, des dispositions du règlement intérieur des écoles, collèges et lycées, des décisions des directeurs d'école et chefs d'établissement pourraient l'admettre ;

- si l'inobservation d'une interdiction du port de tels signes ou des conditions prescrites pour celui-ci justifieraient le refus d'accueil dans l'établissement d'un nouvel élève, le refus d'accès opposé à un élève régulièrement inscrit, l'exclusion définitive de l'établissement ou du service public de l'éducation, et quelles procédures et quelles garanties devraient alors être mises en œuvre. »

Le Conseil d'Etat a, en premier lieu, rappelé que « le principe de laïcité de l'enseignement public, qui est un des éléments de la laïcité de l'Etat et de la neutralité de l'ensemble des services publics, impose que l'enseignement soit dispensé dans le respect, d'une part de cette neutralité par les programmes et par les enseignants et d'autre part la liberté de conscience des élèves ».

Il a ensuite affirmé que « dans les établissements scolaires, le port, par les élèves, de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n'est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité, dans la mesure où il constitue l'exercice de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses ».

Néanmoins, il a assorti cette liberté d'un certain nombre de réserves, limitativement déterminées, pour lesquelles il admet une interdiction ponctuelle. Est ainsi prohibé, le port de signes religieux qui, soit par « leur nature », soit par « les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif » :

- « constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande » ;

- « porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève ou d'autres membres de la communauté éducative » ;

- « compromettraient gravement leur santé ou leur sécurité » ;

- « perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et le rôle éducatifs des enseignants » ;

- « troubleraient l'ordre dans l'établissement ou le fonctionnement du service public ».

Le Conseil d'Etat a aussi précisé qu'il est possible, en cas de besoin, de réglementer les modalités d'application de ces principes. Cependant, cette réglementation ne doit pas être édictée au niveau national, mais figurer dans les règlements intérieurs, adoptés par les conseils d'administration des collèges et des lycées. Les procédures disciplinaires incombent aux directeurs et chefs d'établissement : ainsi, des sanctions disciplinaires, comme l'exclusion des élèves, peuvent être prises, sous le contrôle du juge administratif.

Il ressort de cet avis que l'autorisation du port, par un élève, d'un signe religieux à l'école est la règle et son interdiction, l'exception. Le Conseil d'Etat s'inscrit donc dans la logique de sa jurisprudence classique selon laquelle sont censurées les interdictions générales et absolues.

Il convient de souligner, en premier lieu, que dans cette affaire, le juge a été confronté à la question de la signification du signe religieux, et notamment au problème de la signification du port du foulard au regard des droits de la femme. Comme l'a souligné M. Rémy Schwartz10, maître des requêtes au Conseil d'Etat, lors de son audition par la mission :

« Cette question a été la plus difficile pour le juge puisqu'il a affirmé le nécessaire respect de l'égalité entre les sexes, ce qui est vraiment consubstantiel au principe de laïcité et même consubstantiel à la conception républicaine de la société. Mais il s'est heurté en même temps à une grande difficulté qui est d'interpréter les signes religieux et d'interpréter le sens donné par des religions à des signes. Or, le juge dans un Etat laïque est, d'une façon plus générale, démuni lorsqu'il doit définir ce qu'est une religion et ce qu'est un fait religieux. (...) Le juge, même s'il avait conscience que certains foulards révélaient une situation d'inégalité de la femme sans doute peu acceptable dans la République, s'est heurté aux limites de son rôle en estimant qu'il ne pouvait donner une signification aux signes religieux. »

En second lieu, le Conseil d'Etat établit une distinction très claire entre « un signe religieux ostentatoire » et « le port ostentatoire d'un signe religieux ». Le juge refuse en effet de considérer qu'un signe est, en lui-même, ostentatoire : ce n'est pas le signe qui est ou peut être ostentatoire, mais bien son port et donc le comportement qui en résulte.

Le Conseil d'Etat a été amené, dans sa jurisprudence à réaffirmer cette position de principe, tout en précisant progressivement les circonstances dans lesquelles le port de signes religieux peut être interdit et sanctionné.

Ainsi dans un arrêt Kherouaa11 du 2 novembre 1992, le Conseil d'Etat a annulé la disposition du règlement intérieur d'un collège portant interdiction générale du port de signes religieux et, en conséquence, la décision d'exclusion prononcée par le proviseur à l'encontre de trois jeunes filles qui avaient porté le voile. Comme le relève le commissaire du gouvernement M. Yann Aguila, cet arrêt « n'a jamais été un feu vert donné au port du foulard ». Il confirme que chaque cas est apprécié en fonction de circonstances concrètes : seules des modalités d'interdiction fondées sur les cas visés par l'avis du Conseil d'Etat sont recevables. Ainsi, dans un arrêt Yilmaz12 du 14 mars 1994, le juge administratif a annulé une disposition du règlement intérieur d'un lycée d'Angers qui prévoyait qu'« aucun élève ne sera admis en salle de cours, en étude ou au réfectoire, la tête couverte ».

En revanche, dans un arrêt Aoukili13 du 10 mars 1995, le juge a confirmé la décision d'exclusion de deux élèves ayant refusé d'enlever leur voile en cours de gymnastique. Outre l'argument de la sécurité et du bon déroulement des cours, l'arrêt retient que le père, en distribuant des tracts et en médiatisant l'affaire, a aggravé le trouble à l'ordre public. Dans le même sens, une décision Epoux Wisaadane14 du 27 novembre 1996 valide la sanction d'absences répétées aux cours d'éducation physique. Dans un arrêt Ait Ahmad 15 du 20 octobre 1999, le juge a précisé que l'administration n'a pas à vérifier si, au cas par cas, la tenue vestimentaire de chaque élève est adéquate à une activité précise. Les décisions en la matière peuvent résulter de l'application de règles générales dans l'établissement, notamment dans le cas ou le port de signes religieux pose un problème de sécurité des élèves (cours de technologie, d'éducation physique ou de sciences de la vie et de la terre).

Dans les arrêts Ligue islamique du Nord16, et Epoux Tlaouziti17 du 27 novembre 1996, le Conseil d'Etat a relevé que la participation à des mouvements de protestation par des élèves a gravement troublé le fonctionnement normal de l'établissement et justifié leur exclusion.

Au vu de cette jurisprudence, votre Président souhaite nuancer l'affirmation selon laquelle le port de signes religieux à l'école a donné lieu à des jurisprudences contradictoires. Des analyses trop rapides ont conduit certains commentateurs à conclure que l'arrêt Kherouaa était un feu vert donné au foulard, et l'arrêt Aoukili son interdiction. Comme le montrent ces différents arrêts, la jurisprudence du Conseil d'Etat, depuis 15 ans, a été parfaitement cohérente avec l'avis rendu en 1989.

Cependant sa mise en œuvre est complexe pour les chefs d'établissement qui doivent motiver suffisamment et correctement leurs décisions de renvoi. C'est ainsi que pour des faits identiques, le Conseil d'Etat a pu rendre des décisions contraires, en raison de simples différences dans les motivations des décisions de renvoi, ce qui a accru le sentiment d'incompréhension du système juridique actuel.

Une circulaire du ministre de l'éducation nationale a été prise le 12 décembre 1989 pour développer les conclusions de cet avis. Elle reprend la position de principe du Conseil d'Etat. Cependant, cette circulaire n'est pas dépourvue d'ambiguïté puisque, tout en admettant la possibilité du port, par les élèves, de signes religieux dans les écoles, elle indique qu'en cas de conflit « le dialogue doit être immédiatement engagé avec le jeune et ses parents afin que, dans l'intérêt de l'élève et le souci du bon fonctionnement de l'école, il soit renoncé au port de ces signes ». Par conséquent, les chefs d'établissement se trouvent dans la position délicate de devoir admettre le port de signes religieux dans les écoles, tout en faisant en sorte, qu'en pratique, il n'y en ait pas...

Pour répondre aux inquiétudes des chefs d'établissement, une seconde circulaire du 20 septembre 1994 a été prise. La position adoptée à l'égard du port de signes religieux est plus ferme que celle de 1989. En effet, elle établit tout d'abord une distinction entre signes ostentatoires et signes discrets, mais surtout, elle introduit l'idée que certains signes peuvent être ostentatoires en eux-mêmes en préconisant l'interdiction de « signes si ostentatoires que leur signification est précisément de séparer certains élèves des règles de la vie commune. » La position de cette circulaire inverse dès lors les solutions de 1989 : le principe est l'interdiction et l'on ouvre, ensuite, un espace de liberté aux seuls signes discrets.

Malgré cette interprétation plus ferme des principes, le Conseil d'Etat a considéré, dans un arrêt « association Un Sysiphe » du 10 juillet 1995, que le ministre de l'éducation nationale s'était borné à donner, dans la circulaire, son interprétation de la laïcité, sans qu'aucune de ses dispositions n'ait de valeur normative. Selon cet arrêt, la circulaire n'avait donc qu'une valeur interprétative, non susceptible de remettre en cause la position du Conseil d'Etat.

Lors de son audition, M. Claude Durand-Prinborgne18, juriste de droit public, ancien responsable de l'enseignement scolaire et ancien recteur, spécialiste des aspects juridiques de la laïcité, a ainsi rappelé que la circulaire de 1994 n'avait pas modifié le régime juridique existant : « L'actuel vice-président du Conseil d'Etat, au moment de l'intervention de la circulaire Bayrou, en 1994, en a livré, au journal « La Croix », une critique assez sévère. Il y voyait une tentative pour glisser de la notion de « port ostentatoire » à celle de « signe ostentatoire ». Si le Conseil d'Etat n'a pas annulé, dans son arrêt suivant, cette circulaire c'est qu'il l'a considérée comme purement interprétative, comme non créatrice de droit et donc comme non illégale. Mais il ne l'en a pas moins écartée de sa jurisprudence postérieure ! Le Conseil d'Etat reste attaché à la notion de comportement. »

Par conséquent, il n'existe, en droit positif, aucune règle juridique encadrant le port, par les élèves, de signes religieux dans les écoles, autre que la jurisprudence administrative.

2.- L'élève, un individu titulaire de droits, soumis à des obligations spécifiques

Le problème juridique du port, par les élèves, de signes religieux s'inscrit dans le cadre d'une évolution du système normatif qui tend à faire de l'élève non plus un simple usager du service public mais véritablement un individu titulaire de droits et soumis à des obligations.

Cette évolution est tout d'abord perceptible dans la loi du 11 juillet 1975 dont l'article 13 prévoit, dans les établissements scolaires, la constitution d'une « communauté scolaire » regroupant les personnels, les parents et les élèves. Les droits et les devoirs des membres de cette communauté sont définis dans le règlement intérieur des établissements. Mais c'est surtout la loi d'orientation sur l'Education du 10 juillet 1989 et le décret n° 91-173 du 18 février 1991, relatif aux droits et obligations des élèves dans les établissements publics locaux d'enseignement du second degré, qui étendent aux collégiens et aux lycéens les libertés d'expression, d'information, de conscience, de réunion, d'association, et de publication, « dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité ».

Il convient de souligner que la loi n'évoque pas la liberté d'expression des convictions religieuses.

Témoigne aussi de cette évolution, l'abandon par le Conseil d'Etat de sa jurisprudence traditionnelle sur l'irrecevabilité des recours formés contre les règlements intérieurs des établissements scolaires, considérés, jusqu'alors, comme des mesures d'ordre intérieur, en vertu de l'adage « de minimis non curat praetor »19. En censurant un règlement dans l'arrêt Kherouaa du 2 novembre 1992, le juge témoigne de cette évolution qui tend à reconnaître la garantie des droits et libertés.

Cependant, ces droits doivent être conciliés avec certaines règles nécessaires au bon fonctionnement du service public de l'enseignement du second degré, qui peuvent être synthétisées dans la notion « d'ordre public scolaire » (neutralité, égalité, sécurité, assiduité....).

Ainsi, comment le problème de la compatibilité de l'obligation d'assiduité avec la liberté religieuse se pose-t-il ? Peut-on concilier « le temps de l'école et le temps de Dieu »20 et accorder des autorisations d'absence pour la célébration de fêtes religieuses ?

Dans le passé, la difficulté a été résolue par des accommodements locaux, résultant de la bonne volonté des chefs d'établissement, qui ont autorisé des aménagements de l'emploi du temps, ou de celle des élèves eux-mêmes, qui ont accepté d'assister à des cours, sans prendre de notes. On a toutefois constaté des raidissements de positions, à la fois de la part des élèves et des chefs d'établissement, au cours des années récentes, qui ont conduit le Conseil d'Etat à se prononcer dans les arrêts Consistoire des israélites de France et autres et Koen21 du 14 avril 1995, sur la possibilité de déroger systématiquement aux cours le samedi pour des motifs religieux. Le Conseil d'Etat a admis la possibilité d'octroyer des autorisations d'absence mais, d'une part, les dispenses doivent être nécessaires à l'exercice d'un culte ou la célébration d'une fête religieuse, et d'autre part, elles doivent être compatibles avec l'accomplissement des tâches inhérentes aux études par les élèves et avec le respect de l'ordre public dans l'établissement.

La liberté d'opinion et d'expression des élèves ne saurait donc remettre en cause l'obligation d'assiduité. L'ordre public scolaire impose, en effet, aux élèves des obligations qui peuvent limiter la liberté d'expression religieuse.

Cette situation ne signifie pas pour autant que l'emploi du temps scolaire « ignore » le fait religieux. En effet, l'article L. 141-3 du code de l'Education dispose que « les écoles élémentaires publiques vaquent un jour par semaine en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s'ils le désirent, à leurs enfants l'instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires. ». Il s'agissait de la journée du jeudi, puis de la journée du mercredi.

Concernant les dates d'examen, on constate une certaine souplesse dans l'application de la laïcité pour tenter de respecter les convictions des uns et des autres. Le service public prend en compte, notamment pour les dates d'examen importantes telles que le baccalauréat, les fêtes religieuses, qu'elles soient catholiques, juives et musulmanes.

Dans l'application des principes, une distinction est donc faite entre l'autorisation ponctuelle d'absence ou la prise en compte des fêtes religieuses pour fixer des dates d'examen, qui relèvent de la souplesse de la pratique administrative, et une atteinte systématique à l'obligation d'assiduité, qui s'oppose aux obligations scolaires de l'élève.

C.- L'OBLIGATION DE NEUTRALITÉ DES ENSEIGNANTS

En outre, le régime juridique actuel relatif au port de signes religieux à l'école établit clairement une distinction entre les élèves, « usagers du service public », et les agents du service public.

Ainsi, M. Michel Bouleau, magistrat près le tribunal administratif de Paris, a-t-il confirmé lors de son audition22 que : « La position du Conseil d'Etat repose aujourd'hui sur une claire dichotomie entre la situation de l'usager du service public - pour lequel la laïcité doit être ouverte, pluraliste - et la réaffirmation d'une neutralité stricte en matière religieuse pour les agents du service public. »

1.- L'interdiction du port, par les enseignants, de signes religieux

En vertu des principes de laïcité et de neutralité, les agents publics ne peuvent manifester, dans le cadre de leurs fonctions, leurs appartenances religieuses.

Ainsi, par un avis contentieux du 3 mai 200023, Demoiselle Marteaux, le Conseil d'Etat a jugé que le « fait pour un agent du service de l'enseignement de manifester dans l'exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations ». Aucune distinction n'est faite selon que la personne intéressée, en l'occurrence une surveillante, a ou non des fonctions d'enseignement, ni selon la nature du service concerné : les principes de laïcité et de neutralité doivent s'appliquer à tous ceux qui appartiennent au service public, quel qu'il soit. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs rappelé que figuraient parmi les principes fondamentaux du service public « le principe d'égalité et son corollaire, le principe de neutralité du service24. »

L'avis du 3 mai 2000, comme un avis antérieur du 21 septembre 1972, ne font aucune distinction entre l'enseignement et les autres services publics, qui doivent respecter l'obligation de neutralité et ne pas constituer le vecteur ou le support d'expression de croyances religieuses. Ainsi, dans un jugement du 17 octobre 2002, Mme Villalba25, le tribunal administratif de Paris a considéré qu'en vertu du principe de laïcité de l'Etat et de neutralité du service public, un établissement hospitalier a légalement refusé de renouveler le contrat d'une assistante sociale qui refusait d'enlever son voile. De même, dans un arrêt du 15 octobre 2003, le Conseil d'Etat a réaffirmé les principes de laïcité et l'obligation de neutralité qui pèsent sur tout agent public en rejetant la demande d'annulation d'une sanction infligée à un fonctionnaire, qui avait mis l'adresse électronique de son travail à disposition d'une organisation sectaire.

En dépit de la médiatisation de certains cas, l'obligation de neutralité imposée aux agents publics ne pose pas de problème. Elle est clairement affirmée.

Les cas de contentieux sont d'ailleurs très rares, comme l'a souligné M. Rémy Schwartz26,maître des requêtes au Conseil d'Etat, lors de son audition par la mission : «  le contentieux est tout à fait marginal, comme le montre mon expérience de doyen des commissaires du gouvernement - je suis maintenant dans ma onzième année de ce qu'on appelle le « commissariat ». Je n'ai pas souvenir de contentieux relatif à des enseignants qui auraient manqué à leur devoir et à l'obligation de neutralité. Il est inéluctable qu'il y en ait. Il y en a sans doute au niveau des tribunaux administratifs mais c'est tout à fait marginal. »

2.- Une interdiction compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales

L'obligation de neutralité imposée aux enseignants ne méconnaît pas l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, comme l'a montré la Cour européenne des droits de l'homme dans un arrêt Dahlab c/ Suisse27 du 15 février 2001.

Dans cette affaire, la Cour a examiné la question du port du foulard par une enseignante, catholique convertie à l'islam, dans une école publique du canton de Genève, lequel est très attaché au concept de laïcité. Les autorités scolaires ont exclu cette enseignante et le tribunal fédéral suisse a confirmé l'exclusion. L'enseignante s'est alors adressée à la Cour européenne des droits de l'homme, laquelle, dans une décision estimant que l'exclusion était proportionnée, a déclaré la requête irrecevable. La Cour européenne admet qu'il est difficile d'apprécier l'impact qu'un signe extérieur fort, tel que le port du foulard, peut avoir sur la liberté de conscience et de religion d'enfants en bas âge. Elle rappelle toutefois que la requérante a enseigné dans une classe d'enfants de 4 à 8 ans, donc d'élèves plus facilement influençables que d'autres élèves plus âgés. Elle pose la question de savoir comment on pourrait, dans ces circonstances, dénier, de prime abord, l'effet prosélytique que peut avoir le port du foulard, dès lors qu'il semble être imposé aux femmes par une prescription coranique, comme le constate le tribunal fédéral, et elle estime qu'il est « difficilement conciliable avec le message de tolérance, de respect d'autrui, d'égalité et de non-discrimination que, dans une démocratie, tout enseignant doit transmettre à ses élèves. »

Jusqu'à présent, la Cour n'a eu à connaître aucun contentieux concernant le port, par les élèves, de signes religieux, comme on le verra plus loin.

II.- LE PORT DES SIGNES RELIGIEUX A L'ÉCOLE : UN RÉGIME JURIDIQUE CONTESTÉ ET D'APPLICATION DÉLICATE

L'avis de 1989 du Conseil d'Etat a donné lieu à de nombreuses polémiques. Certes, l'avis du Conseil d'Etat s'exprime en termes très généraux, mais cette situation s'explique par le fait qu'il a été saisi a priori, hors de tout contentieux. De même, on a pu lui reprocher de ne pas réaffirmer suffisamment le principe de laïcité. Mais l'avis donné reste un avis juridique : le Conseil d'Etat a posé un principe qui tient compte du droit, tel qu'il résulte des textes existants.

Cependant, la jurisprudence du Conseil d'Etat se révèle d'application particulièrement délicate pour les chefs d'établissement. Manquant souvent de moyens, ceux-ci n'ont pas toujours la possibilité de sanctionner des comportements de prosélytisme ou de propagande. Par conséquent, le port de signes religieux donne lieu à de multiples compromis, - on voit émerger un véritable « droit local » - et crée une dichotomie discutable entre enseignants et élèves au sein de la « communauté éducative ».

A.- LE CONSEIL D'ÉTAT A POSÉ DES LIMITES AU PORT DE SIGNES RELIGIEUX QUE LES CHEFS D'ÉTABLISSEMENT N'ONT PAS TOUJOURS LES MOYENS D'APPLIQUER

Votre Président tient à souligner l'extrême difficulté de la tâche confiée aux chefs d'établissement. En effet, ceux-ci ne disposent pas toujours des outils nécessaires pour faire face aux revendications communautaristes et aux éventuelles tensions qui peuvent apparaître dans leurs établissements. Les limites posées par le Conseil d'Etat sont particulièrement difficiles à mettre en œuvre dans un contexte tendu, parfois sous les feux des médias, face à des élèves peut-être manipulés, et prêts au conflit.

1.- Les chefs d'établissement ne disposent pas toujours des outils pour faire face à des revendications communautaristes

Les chefs d'établissement ne disposent pas toujours des outils nécessaires pour faire face à ces revendications identitaires.

Certes, de nouveaux moyens ont été mis en œuvre pour appuyer l'action des chefs d'établissement lorsqu'ils sont confrontés à des manifestations de convictions religieuses.

En 1994, après les nombreuses exclusions prononcées suite à la diffusion de la circulaire du 20 septembre 1994, une structure de médiation a été mise en place. Son objectif était d'améliorer l'écoute des jeunes filles et de les inciter à retirer leurs signes religieux par le dialogue. Cette mission a été confiée à Mme Hanifa Chérifi que la mission a entendue dès le début de ses travaux, le 11 juin 2003.

Lors de son audition, M. Roland Jouve, chargé, notamment, des questions cultuelles au cabinet du ministre délégué à l'enseignement scolaire28 a souligné que face aux difficultés de plus en plus nombreuses rencontrées par les chefs d'établissement, une cellule de veille avait été récemment créée pour les conseiller et mutualiser leurs expériences :

« Il y a, en effet, des difficultés liées à la rupture de la laïcité, lorsque certaines pratiques se développent, non seulement celle du port du voile mais aussi la remise en question de certains principes laïques comme le principe de non-discrimination, le principe d'assiduité (refus de participer à certains cours) le principe de neutralité par rapport aux religions, par exemple la demande dans les cantines scolaires de la mise en place de certaines nourritures ou la prise en compte de temps de prière au moment de certaines fêtes religieuses. Par rapport à tout cela, il est vrai que les acteurs du terrain, enseignants et chefs d'établissement, nous ont paru tout à fait dépourvus et isolés. Nous avons donc souhaité structurer l'action du ministère pour entourer ces personnes, en créant une cellule nationale - cellule de veille - qui, mise en place auprès de la direction de l'enseignement scolaire permet d'apporter une expertise, de mutualiser les pratiques et de développer les formations. »

La solution du dialogue a donc clairement été privilégiée. Mais, là se situe la grande ambiguïté du système actuel et donc sa principale limite. Comme le montre très bien la circulaire du 20 septembre 1994, la finalité de ce dialogue ou de la médiation est que les élèves retirent leurs signes religieux, alors que le système juridique, c'est-à-dire la jurisprudence du Conseil d'Etat, autorise le port de signes religieux.

Il y a donc une contradiction entre la jurisprudence qui accepte, par principe, le port de signes religieux dans l'école (sauf exceptions déterminées) et le fait que les chefs d'établissement soient invités, par circulaire, à dialoguer avec les élèves pour leur faire retirer leurs signes religieux.

Comme on l'a déjà souligné, les auditions menées par la mission font apparaître clairement un décalage entre le discours des responsables hiérarchiques, qui considèrent que le système actuel permet le dialogue, voire dans certains cas précis la fermeté, pour qu'in fine, les jeunes filles retirent leurs voiles, et le constat des chefs d'établissement, soumis à un système juridique qui permet le port de signes religieux à l'école.

Une note de la direction juridique du ministère de l'éducation nationale du 10 mars 200329, qui a pour objectif de préciser aux chefs d'établissement le régime juridique existant, témoigne de cette ambiguïté. Elle apparaît surtout comme un mode d'emploi de tous les moyens juridiques dont disposent les chefs d'établissement pour empêcher le port de signes religieux à l'école.

Il est, en effet, affirmé : « la jurisprudence du Conseil d'Etat ne permet pas d'interdire par principe le port de tout signe d'appartenance religieuse dans les établissements publics d'enseignement. Mais elle ne prive pas pour autant les équipes éducatives de tous moyens d'action pour la défense de la laïcité. Au contraire, elle dégage un ensemble de situations dans lesquelles l'administration doit agir. »

Cette contradiction apparaît aujourd'hui pleinement en raison d'une évolution très souvent relevée devant la mission. Les jeunes filles qui portent le foulard, parfois poussées par des groupes extrémistes, connaissent de mieux en mieux la jurisprudence du Conseil d'Etat et les ouvertures qu'elle permet et tendent à refuser le dialogue en s'appuyant sur le droit.

Lors de son audition par la mission, Mme Hanifa Chérifi30, médiatrice nationale du voile, a souligné les difficultés du dialogue : « Le docteur Milcent conseille aux jeunes filles dans son ouvrage « Le foulard islamique et la République française : mode d'emploi » - ouvrage qui est sur un site internet et qu'il a largement distribué -, un certain nombre de procédures et un argumentaire, aussi bien juridique que pour l'échange avec les enseignants. Il écrit notamment : « Cela ne fait rien si vous perdez une année scolaire ou deux du collège et du lycée, à l'âge de votre adolescence, car ce que vous apprendrez au cours de cette épreuve ne se trouve dans aucun manuel scolaire ». C'est un encouragement fait à des adolescents et adolescentes à être dans le conflit. »

C'est aussi le constat dressé par les chefs d'établissement. Lors de son audition31, M. Philippe Guittet, secrétaire général du syndicat national des personnels de direction de l'Education nationale (SNPDEN) a ainsi montré l'évolution de l'attitude des jeunes filles : « auparavant, nous pouvions discuter avec elles assez facilement sur le fait de retirer ou pas leur voile. Aujourd'hui nous ne sommes plus dans cette situation. Elles connaissent les arrêts du Conseil d'Etat et ont une attitude beaucoup plus déterminée face au problème. Elles sont entourées par des juristes, des prédicateurs, toutes sortes de gens qui font pression.(...) Les personnels de direction ont toujours travaillé avec beaucoup de responsabilité, ont tentés de dialoguer. Ils l'ont fait pendant des années et le font encore. Nous n'avons jamais voulu travailler dans le sens de l'exclusion, ce n'est pas notre volonté. Toutefois, aujourd'hui, nous sommes confrontés à une situation nouvelle dont ne prennent pas conscience ceux qui écrivent sur la liberté individuelle des jeunes filles. Ils n'ont pas vu le saut qualitatif qui s'est fait sur place dans l'expression du communautarisme »

Lorsqu'une situation de crise apparaît, les chefs d'établissement se sentent souvent démunis et manquent de moyens pour faire face à des revendications identitaires. La volonté de dialogue se heurte à la crispation des parties sur leurs positions. Ces affaires provoquent parfois des tensions importantes au sein du corps enseignant et laissent des marques profondes.

C'est ce qu'a souligné M. Roger Pollet32, proviseur du lycée Jean Moulin d'Albertville (Savoie), et qui a été confronté à une telle crise : « Le voile islamique - car c'est de cela dont il s'agit - a eu un effet dévastateur auprès des enseignants, a fait exploser l'ambiance de l'établissement et a créé des inimitiés pour lesquels les plaies ne sont pas encore refermées.  Si les enseignants ne repartent pas encore au combat c'est parce qu'ils n'ont pas envie de revivre une situation extrêmement dure pour eux.»

La situation dans laquelle se trouvent les chefs d'établissement est d'autant plus difficile que les moyens juridiques dont ils disposent restent limités. Les circulaires, notamment celle du 20 septembre 1994, sont peu claires sur les marges de manœuvre dont disposent les chefs d'établissement. La note de la direction juridique du ministère de l'éducation nationale du 10 mars 2003 précise les limites juridiques dans lesquels le port de signes religieux peut être autorisé et donne des cas précis. D'après ce qu'ont indiqué les chefs d'établissement, il semblerait que la plupart d'entre eux ne l'ont pas reçue.

Cependant, interrogé par la mission, M. Luc Ferry33, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, a déclaré : « J'ai décidé moi-même, il y a déjà pas mal de temps, de l'envoyer à tous les recteurs, à tous les inspecteurs d'académie, à tous les chefs d'établissement. Donc, ils l'ont eue. J'ai trouvé qu'elle était très bonne, qu'elle était remarquable, très bien faite. Je prépare pour janvier 2004 un livret républicain qui comportera un guide pratique en direction des chefs d'établissement leur donnant une centaine de fiches sur des cas réels d'événements graves relatifs à des conflits religieux ou interethniques, racistes, antisémitismes ou à des attaques contre les principes de laïcité et de république. Ce guide donne un certain nombre de conseils et de solutions, notamment les bonnes solutions trouvées par leurs collègues. Il s'agit donc de faire une bourse aux idées. »

Témoignent du manque de moyens juridiques les nombreux règlements qui interdisent le port de tout signe religieux dans les établissements scolaires ou qui imposent d'avoir la tête nue - prescriptions illégales. Toute exclusion prononcée dans ces établissements sur la base de ces règlements, et ce, quels que soient les faits, sera donc annulée. Mme Sylvie Smaniotto, chef de cabinet du recteur de l'académie de Paris a ainsi témoigné, lors de son audition34, que certains règlements « vont beaucoup plus loin - alors qu'a priori, d'après l'avis du Conseil d'Etat, ils n'en ont pas le droit et font référence à l'exercice de la liberté d'expression et de croyances religieuses qui « ne saurait permettre aux élèves d'arborer des signes d'appartenance religieuse ou politique », tout en indiquant par ailleurs que le « port d'un couvre-chef est interdit dans l'établissement. »

Certains chefs d'établissement ont, dès lors, le sentiment de ne pas pouvoir gérer les crises de façon satisfaisante dans le respect de la neutralité et de la laïcité de l'espace scolaire. C'est ce qu'a souligné M. Armand Martin35, proviseur du lycée Raymond Queneau de Villeneuve-d'Ascq : « je me suis retrouvé dans la position du colonel avec son régiment sur la ligne de feu avec une mission qui était : faites au mieux, pas plus.».

2.- La difficile appréciation par les chefs d'établissement du caractère de prosélytisme et de propagande du port de signes religieux

Comme on l'a vu, des limites au port de signes religieux dans l'école ont été posées par le Conseil d'Etat dans son avis de 1989. Cependant ces restrictions ne sont que des exceptions au port de signes religieux à l'école, et surtout, compte tenu des tensions qu'un tel port provoque dans l'établissement, ces limites se révèlent particulièrement délicates à cerner.

La première limite au port de signes religieux posée par le Conseil d'Etat est qu'il ne doit pas être « un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande. » Or dans la mesure où le simple port de signes religieux ne saurait constituer un acte de prosélytisme, il est très difficile, en l'absence d'actes flagrants, de le prouver. Il est parfois difficile de tracer une frontière entre port ostentatoire ou revendicatif - acte de prosélytisme prohibé par la jurisprudence - et le port « normal » de signes religieux. S'il est possible localement de percevoir un caractère ostentatoire ou revendicatif, il est ensuite fort difficile de l'établir devant le juge.

Ce constat a été souligné notamment par M. Jean-Paul Ferrier, principal du collège Léo Larguier de La Grand'Combe (Gard), lors de son audition par la mission36 : « Sur cette question, notre expérience montre que la nature ostentatoire, prosélyte ou provocante des signes d'appartenance religieuse n'est pas opérationnelle car elle est très difficile à prouver sur le plan juridique, même quand elle est évidente au plan du simple bon sens. Par conséquent, il y a des failles qui permettent à tous les intégristes de se faufiler. »

Certes, le Conseil d'Etat a déjà confirmé des décisions d'exclusion aux motifs qu'il y avait bien des actes de prosélytisme. C'est le cas notamment dans l'arrêt Aoukili37 du 10 mars 1995 : l'arrêt retient que leur père, en distribuant des tracts et en médiatisant l'affaire, a aggravé le trouble à l'ordre public. Cependant, les actes de prosélytisme et de propagande sont ici flagrants.

Qu'en est-il lorsque les jeunes filles qui portent un voile, par exemple, disent à celles qui ne le font pas qu'elles sont de « mauvaises musulmanes » ? N'est-il donc pas légitime de considérer dans un tel cas que le port de certains signes religieux peut avoir, en soi, un caractère de propagande et de prosélytisme ?

Ainsi, le tribunal administratif de Paris, dans un jugement Kherouaa du 10 juillet 1996 a considéré que le port d'un voile par une jeune fille présentait, en lui-même, un caractère ostentatoire et revendicatif. Il a donc rejeté la requête demandant l'annulation de la décision d'exclusion et, ce faisant, rendu une décision contraire à la jurisprudence du Conseil d'Etat.

De même, la Cour européenne des droits de l'homme s'est interrogée dans la décision Dahlab c/ Suisse du 15 février 2001 en ces termes : « comment dès lors pourrait-on, dans ces circonstances, dénier de prime abord tout effet prosélytique que peut avoir le port du foulard dès lors qu'il semble imposé aux femmes par une prescription coranique qui (...) est difficilement conciliable avec le principe d'égalité des sexes. »

Une seconde limite posée au port de signes religieux dans les écoles par la jurisprudence est le trouble à l'ordre public. Est en effet interdit le port de signes religieux qui perturbe le déroulement des activités d'enseignement et le rôle éducatif des enseignants ou qui trouble l'ordre dans l'établissement ou le fonctionnement du service public.

Le Conseil d'Etat a confirmé des décisions d'exclusions en se fondant sur le trouble à l'ordre public. Cependant, il exige que le trouble à l'ordre public soit véritablement manifeste : il est constaté lorsque les élèves concernés participent à des mouvements de protestations ayant gravement troublé le fonctionnement normal de l'établissement (CE, 27 novembre 1996, Ligue islamique du Nord), ou lorsque des tracts ont été distribués à l'extérieur de l'établissement, avec un appel aux médias (CE, 10 mars 1995, Epoux Aoukili).

Au contraire, des « tensions » apparues dans un établissement suite à l'apparition de signes religieux ne sauraient fonder une exclusion. Or, l'apparition de signes religieux provoque souvent des tensions suffisamment importantes, pour diviser le corps enseignant et perturber le fonctionnement normal de l'établissement.

En l'absence de troubles matériels avérés, causés par les intéressés ou leur entourage, il semble donc difficile de caractériser devant le juge administratif un trouble à l'ordre public justifiant une exclusion.

Enfin, selon l'avis du Conseil d'Etat, est prohibé le port de signes religieux qui, portent atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève ou d'autres membres de la communauté éducative. Se pose alors le problème de la signification du port du voile, au regard du principe d'égalité entre hommes et femmes. Or, comme on l'a vu, le juge administratif refuse de se saisir de la question du symbole que peut revêtir une tenue vestimentaire arborée par un élève, ce refus étant justifié par le respect du principe de laïcité.

Ainsi, le problème de la liberté individuelle de l'élève et du libre choix de porter le signe religieux n'est-il jamais évoqué. C'est ce que constate le commissaire du gouvernement M. Michel Bouleau, dans ses conclusions sur le jugement du 10 juillet 1996 Kherouaa du tribunal administratif de Paris : « nous ne comprenons pas ce refus de principe de donner un sens au port d'un insigne au motif qu'il serait religieux. Donner du sens est ce que fait tous les jours un juge, un sens à un mot, à une parole, un sens à un comportement, et c'est dans la nature même de l'acte de juger. (...) vous êtes donc tout à fait fondés à chercher, et à dire le cas échéant, ce que signifie un symbole religieux, ce qu'il signifie pour ceux qui l'arborent et ce qu'il signifie pour ceux qui le perçoivent. »

Refuser d'interpréter la signification du port de signes religieux, n'est-ce pas s'interdire de prohiber le port de signes religieux lorsque celui-ci porte atteinte à la dignité de la personne ou à la liberté de l'élève ?

On peut, en effet, s'interroger sur la liberté réelle des jeunes filles de porter le voile. Les auditions menées par la mission ont clairement montré que leur choix n'est pas toujours libre.

Ainsi, Mme Roudinesco, psychanalyste, a parlé38 de « servitude volontaire (...) même chez des adolescentes de 14 ans ».

Lors de son audition, Melle Kaïna Benziane39 a expliqué la contrainte très forte qui pèse sur les jeunes filles : « Il faut savoir ce que l'on entend par « libre » quand une jeune fille décide de porter le voile. Je me réfère toujours à mon cas qui n'est certainement pas représentatif. A certains moments, je me dis que si je porte le voile, on me laissera tranquille et je pourrai me consacrer à Dieu (...). Plusieurs facteurs indirects peuvent entrer en ligne de compte dans la décision de ces jeunes filles. Même si personne ne les a obligé directement à le porter, elles l'ont fait pour être tranquilles, pour éviter les regards de telle ou telle personne, en raison de la religion qui domine dans la cité, car il est extrêmement bien vu pour une jeune fille de porter le voile dans les cités, tant par la famille que par le « tribunal social ». Toutefois, certaines jeunes filles comme moi ne veulent pas porter le voile. Celles qui sont voilées, mais pas toutes, nous narguent et nous font comprendre que, parce qu'elles portent le voile, elles sont de bonnes musulmanes, qu'elles iront au paradis alors que les autres sont des mécréantes. Pour moi, c'est une agression. »

Devant une telle difficulté d'application du cadre légal, il arrive que certains chefs d'établissement ne sanctionnent pas les élèves, de peur d'une annulation contentieuse. Cela constitue autant d'atteintes portées au principe de laïcité.

B.- LA CRÉATION D'UN « DROIT LOCAL » POUR L'EXERCICE D'UNE LIBERTÉ FONDAMENTALE

Le régime juridique actuel distingue donc le port de signes religieux - qui, on l'a vu, est autorisé - et le port « ostentatoire » de signes religieux, qu'il appartient aux autorités locales d'interdire. Or il apparaît extrêmement difficile de déterminer ce qu'est un port ostentatoire.

M. Rémy Schwartz, maître des requêtes au Conseil d'Etat, lors de son audition40 a reconnu les difficultés rencontrées pour définir la notion : « J'ai conclu à plusieurs reprises sur cette question et j'ai avoué, à titre personnel, ma difficulté pour apprécier ce qui est ostentatoire. Il faut sans doute faire appel au bon sens : une tenue islamique telle la burka serait bien évidemment considérée comme ostentatoire, mais il y a, au-delà, des marges entre la burka et le port d'un petit signe religieux. La jurisprudence étant lacunaire sur ce point, je suis incapable de vous dire, en l'état de la jurisprudence, ce qui est regardé ou non comme ostentatoire. »

L'encadrement du port de signes religieux relevant des chefs d'établissement, ceux-ci sont amenés à définir, eux-mêmes, ce qui est ostentatoire et à mettre en œuvre des compromis dont la validité juridique reste aléatoire.

Les solutions pour les chefs d'établissement sont extrêmement diverses. Face à une situation de crise, ils sont amenés à accepter le port du voile en bandeau (laissant apparaître les cheveux des jeunes filles), le port de signes religieux dans la cour de récréation mais pas en classe, à tolérer le port de foulard de couleur ou blanc : on assiste ainsi à l'émergence d'un véritable « droit local ».

Ce constat est partagé aussi bien par les chefs d'établissement que par les responsables politiques.

Auditionné par la mission, M. Pierre Coisne41, principal du collège Auguste Renoir d'Asnières (Hauts de Seine), a constaté « je dirais qu'il existe une variété de situations qui nous entraînent vers une variété de réponses, nous incitent au louvoiement et conduisent à un droit local. Les autorités de l'Education nationale nous incitent à opérer un droit à géométrie variable, le danger étant qu'il faut adapter à chaque fois les règles aux situations en raison du rapport de force tant avec les familles qu'avec le corps enseignant. »

Lors de son audition par la mission2, Mme Micheline Richard, proviseure du lycée Ferdinand Buisson d'Ermont (Val d'Oise) a expliqué de la même façon : « une de mes jeunes filles portait un voile noir en début d'année. J'ai demandé conseil à une de mes collègues. Elle m'a répondu : « chez moi, elles mettent un foulard avec des fleurs. Je ne veux ni du noir, ni du blanc. » Pourquoi du noir, du blanc ou des fleurs ? » De même, Mme Thérèse Duplaix, proviseure du lycée Turgot de Paris 3ème, a affirmé2 : « La loi est un cadre. Actuellement, nous n'avons pas de cadre, ce qui autorise tous les petits arrangements et fait que nous naviguons entre le noir, les fleurs et autres compromis. »

Interrogé par la mission, M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire42 a repris le terme : « on voit apparaître une sorte de droit local. Les chefs d'établissement doivent faire du cas par cas. Ici, ils tolèrent le bandeau, là ils ne disent rien et s'arrangent, aménagent un peu les cours, à l'image de certains maires qui ouvrent les piscines à tel moment pour qu'il n'y ait que les musulmans, à tel moment pour qu'il y ait tel autre groupe. On arrive à une sorte de « bricolage » réglementaire local qui, si l'on n'y prend pas garde, installera une sorte de confusion par rapport au principe que nous voulons affirmer. »

Le système juridique actuel conduit donc à subordonner les conditions d'applications d'une liberté fondamentale, à des circonstances locales et à une pluralité de décideurs. Cette situation n'est pas satisfaisante.

Alors que le principe de laïcité est en cause, et donc la capacité de l'école à préserver un espace protégé, à l'abri des pressions communautaristes, les chefs d'établissement ont le sentiment d'établir des compromis fragiles, voire de « reculer » face aux revendications identitaires.

Légiférer sur le port de signes religieux à l'école ne vise donc pas à rendre plus « facile » la situation des chefs d'établissement confrontés à des revendications identitaires, mais à éviter de fabriquer des compromis peu satisfaisants et précaires pour l'application d'un principe aussi fondamental que le principe de laïcité.

Votre Président considère qu'on ne peut se contenter de ce « bricolage réglementaire local », alors que le port de signes religieux constitue parfois un « test » des valeurs républicaines et du principe de laïcité.

C.- LES ÉLÈVES NE DOIVENT PAS ÊTRE TRAITÉS COMME DE SIMPLES USAGERS DU SERVICE PUBLIC DE L'ÉDUCATION NATIONALE

1.- Les élèves ne sont pas de simples usagers du service public

Le régime juridique actuel crée une distinction regrettable entre la situation des élèves et celles des enseignants. Certes, les enseignants, en tant qu'agents de la fonction publique, doivent respecter certaines obligations. Mais les élèves font eux aussi partie de la « communauté éducative » et, surtout, ils font, à l'école, l'apprentissage de la citoyenneté et du « vivre ensemble ». Les élèves ne sont pas de simples usagers du service public, ils sont des individus en construction dans une institution dont la mission est de les former.

Lors de son audition par la mission, M. Michel Bouleau43, magistrat près du tribunal administratif de Paris a ainsi affirmé : « La position actuelle du Conseil d'Etat repose sur cette division, avec d'un côté l'usager, et de l'autre, les agents du service public. Personnellement, je trouve cette division trop simple, voire trop grossière, car elle oublie une autre catégorie : les collégiens et les lycéens. En effet, les élèves ne sont pas dans le même rapport avec le service public que les usagers de la Poste, par exemple. On attend des usagers dans un bureau de la Poste de respecter un certain silence, l'ordre d'arrivée et de ne pas fumer. (...) Par ailleurs, l'école n'est pas un espace public neutre comme peut l'être un bureau de poste. Elle s'inscrit dans un ordre public qui est celui de la République, et dans lequel certaines valeurs ont un caractère plus prégnant que dans la plupart des services publics. Cela peut justifier, à mon sens, que l'on donne, y compris s'agissant des élèves, une portée beaucoup plus contraignante au principe de laïcité, allant jusqu'à lui donner la signification d'une obligation absolue de cacher son appartenance religieuse, et pour les enseignants de faire l'effort de méconnaître l'appartenance religieuse des élèves. C'est cette approche qui suppose que l'appartenance religieuse des élèves ne soit pas immédiatement apparente. »

2.- En tant que membres de la communauté éducative, les élèves peuvent se voir imposer des obligations propres au service public de l'éducation nationale

Pourquoi dans le cadre spécifique que constitue l'école, l'élève ne devrait-il pas respecter une obligation de neutralité, permettant ainsi un apprentissage plus aisé du « vivre ensemble » ?

Certes, les élèves se sont vu reconnaître l'exercice de libertés fondamentales par la loi du 10 juillet 1989. Cependant, le système juridique actuel prévoit des limites : ces droits doivent être conciliés avec certaines règles nécessaires au bon fonctionnement du service public de l'enseignement, qui peuvent être synthétisées dans la notion « d'ordre public scolaire ».

Ainsi, l'obligation d'assiduité peut venir contraindre la liberté d'exercer son culte, comme l'a montré le Conseil d'Etat dans les arrêts Consistoire des israélites de France et autres et Koen44 du 14 avril 1995. Or c'est bien l'exercice du culte lui-même qui était en cause (respect du commandement du repos le samedi), et qui a été limité.

On peut considérer que les justifications théoriques et juridiques de cette jurisprudence sont les suivantes45 : l'obligation d'assiduité est une règle inhérente à la vie de la communauté éducative, y déroger comporte le risque de se voir développer des emplois du temps « à la carte ». Permettre des dérogations porte atteinte au bon fonctionnement du service public de l'éducation. L'obligation d'assiduité ne saurait donc s'accommoder d'une dérogation systématique.

Ne peut-on pas considérer que le bon fonctionnement des établissements scolaires et le principe la laïcité, principe de valeur constitutionnelle, puissent aussi justifier, comme l'obligation d'assiduité, une limitation de la liberté des élèves de manifester leurs convictions religieuses ?

Le Conseil d'Etat a déjà admis des limites à la libre expression des convictions par les élèves. Il a ainsi considéré, dans un arrêt Rudent du 8 novembre 1985, qu'était incompatible avec le principe de neutralité, l'organisation de réunions dans les lycées par des groupements politiques46 Certes, cet arrêt est antérieur à la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 qui a réaffirmé la liberté d'expression des élèves. Cependant, le juge administratif n'a pas, pour l'instant, remis en cause cette jurisprudence. Les commentateurs de l'arrêt Rudent justifiaient ainsi cette jurisprudence47 : « pour bien comprendre comment un principe général relatif au fonctionnement du service public peut, en l'espèce, affaiblir une liberté reconnue à des personnes - les élèves - qui sont des usagers et non pas des agents de ce service, il faut considérer deux points : d'une part, la présence des élèves dans l'établissement scolaire et les activités qui, de leur fait, s'y déroulent, ne peuvent pas être dissociées du fonctionnement de l'établissement, d'autre part, les élèves sont, en tout état de cause, directement associés au service public de l'enseignement, dès lors qu'ils appartiennent à la « communauté scolaire ».

La différence de traitement entre les manifestations de convictions religieuses et politiques est-elle tout à fait justifiée ? Peut-on encore réellement considérer, compte tenu du contexte nouveau de la laïcité et des nouvelles formes de revendications identitaires, que les manifestations d'appartenance religieuse ne sont pas des actes de prosélytisme ?

Dans la mesure où le port de signes religieux porte atteinte au principe de neutralité de l'espace scolaire, il apparaît légitime de considérer qu'un certain devoir de réserve soit imposé aux élèves, membres de la « communauté éducative », afin de permettre une garantie plus forte du principe de laïcité, c'est-à-dire du respect, par tous, des croyances de chacun.

D.- DES RESTRICTIONS À L'EXERCICE D'UNE LIBERTÉ FONDAMENTALE DÉPOURVUES DE FONDEMENT LÉGISLATIF

On rappellera que seule la jurisprudence encadre le port de signes religieux à l'école. En effet, le Conseil d'Etat, notamment dans un arrêt association Un Sysiphe du 10 juillet 1995, a considéré que les circulaires du ministère de l'éducation nationale se contentaient de rappeler le droit existant et avaient donc une simple valeur interprétative. Par conséquent, les limites juridiques posées au port de signes religieux à l'école reposent simplement sur une base jurisprudentielle : elles sont dépourvues de fondement législatif.

Ce système semble peu compatible avec les prescriptions de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales qui impose - on l'a vu - que les restrictions à l'exercice d'une liberté fondamentale aient une base légale. De plus, selon la Cour européenne des droits de l'homme, cette base légale doit être claire et prévisible.

Lors de son audition par la mission, M. Michele De Salvia48, jurisconsulte auprès de la Cour européenne des droits de l'homme a précisé : « Pour que cette ingérence soit autorisée par la convention, il faut qu'elle ait une base légale. Je plaiderais donc plutôt en faveur de cette base, si le système devait s'inscrire, bien évidemment, dans le cadre de l'interdiction. (...) La base légale, selon la jurisprudence, n'est pas seulement la loi mais toute disposition ayant une valeur législative. (...) La jurisprudence pose cependant d'autres conditions. Il faut que la loi soit accessible et prévisible, c'est-à-dire que le comportement soit prévisible et qu'elle ait une certaine qualité. ».

La Cour européenne des droits de l'homme admet, dans sa jurisprudence, des bases, ayant valeur égale à la loi, c'est-à-dire parfois des normes réglementaires ou jurisprudentielles. Cependant, les normes juridiques encadrant actuellement le port de signes religieux en France ne semblent ni « accessibles », ni « prévisibles » et surtout, s'agissant de l'exercice d'une liberté publique, la loi est nécessaire en droit français.

Fragile sur le plan des principes et délicat dans sa mise en œuvre, le système juridique actuel montre aussi ses limites sur le plan du droit international. L'intervention du législateur apparaît donc justifiée.

QUATRIÈME PARTIE : POUR UNE RÉAFFIRMATION PAR LA LOI DU PRINCIPE DE LA LAÏCITÉ À L'ÉCOLE

L'école apparaît, pour les membres de la mission, comme un des lieux où la fragilisation du principe de laïcité se manifeste aujourd'hui avec le plus de conséquences. Restaurer le respect par tous de la neutralité de l'espace scolaire implique donc que soit interdit le port, par les élèves, de signes religieux à l'école.

L'école ne doit plus être la scène privilégiée des revendications identitaires et politiques car elle est un lieu essentiel de formation du citoyen et d'apprentissage de la tolérance par le savoir.

I.- RESTAURER PAR LA LOI LE RESPECT, PAR TOUS, DE LA NEUTRALITÉ DE L'ESPACE SCOLAIRE

Pour la très grande majorité des membres de la mission, la réaffirmation du principe de laïcité à l'école doit prendre la forme d'une disposition législative qui interdira expressément le port visible de tout signe d'appartenance religieuse et politique dans l'enceinte des établissements scolaires. Il pourra s'agir soit d'un projet de loi, soit d'une proposition de loi spécifique, soit d'un article ou d'un amendement inséré dans un texte global concernant l'école.

A.- L'INTERDICTION LÉGALE DU PORT VISIBLE DE SIGNES RELIGIEUX ET POLITIQUES DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES

1.- Le régime juridique de l'exercice d'une liberté : une compétence du législateur

L'intervention du législateur est justifiée sur le plan juridique et nécessaire sur le plan des principes.

Le régime juridique de l'exercice d'une liberté fondamentale relève de la compétence du législateur. En effet, en vertu de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, « la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». Par conséquent, l'encadrement juridique du port de signes religieux relève bien de la compétence du législateur. Celle-ci résulte également de l'article 9 de la Convention européenne des droits et de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales.

A titre d'exemple, une position analogue a été retenue par le juge constitutionnel allemand. La compétence exclusive du législateur pour encadrer le port de signes religieux à l'école a ainsi été récemment rappelée par la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe dans une décision du 24 septembre 2003. Dans une affaire concernant le port de signes religieux par une enseignante, la Cour a affirmé qu'il « n'incombe pas à l'exécutif de donner une réponse à des phénomènes de société en pleine mutation, c'est au législateur qui jouit de la légitimité démocratique de fournir la réglementation nécessaire. » L'éducation étant du ressort des Länder, elle a conclu que c'est au pouvoir législatif des Länder qu'il appartient de décider s'il convient, ou non, d'interdire le port du foulard.

La publication d'une nouvelle circulaire visant à préciser le cadre juridique existant, comme cela est proposé par ceux qui sont hostiles au recours à la loi, ne serait donc pas suffisante : ou bien elle reprendrait la lettre de la jurisprudence du Conseil d'Etat et serait considérée comme purement interprétative et dépourvue de valeur normative, ou bien elle se montrerait plus restrictive sur la liberté de porter des signes religieux à l'école, et risquerait la censure du Conseil d'Etat.

De même, inscrire dans la loi, une disposition obligatoire, devant figurer dans les règlements des établissements scolaires et imposant que les élèves ne se présentent pas dans l'enceinte de l'établissement la tête couverte, ne semble pas pleinement satisfaisant car le règlement du problème resterait local. De plus, cette disposition risquerait de provoquer des discriminations entre les différents signes d'appartenance religieuse.

Surtout, l'intervention du législateur est nécessaire pour permettre une réaffirmation politique et symbolique du principe de laïcité à l'école.

L'école n'est plus un milieu protégé. Elle apparaît de plus en plus comme un lieu d'expression de toutes les difficultés de notre société : incivilités, violence, discriminations, prosélytismes, ce qui n'est pas son rôle.

A l'issue de ces auditions, votre Président a acquis la conviction, partagée par tous les membres de la mission, qu'il est impératif d'agir rapidement en interdisant le port des signes religieux et politiques à l'école. La plupart des membres de la mission ont le sentiment que le silence du législateur, ses hésitations, ses divisions sur ce sujet seront interprétés par une large part de l'opinion comme un aveu de faiblesse et un signe d'impuissance qui ne fera qu'accentuer l'attractivité des thèses extrémistes et les dérives communautaristes.

La question de la laïcité dépasse le cadre de l'école car, si celle-ci est aujourd'hui en première ligne en matière de laïcité à cause de son rôle spécifique de formation des citoyens, et s'il convient donc d'agir de façon symbolique sur cet aspect primordial du problème, celui-ci s'étend maintenant à d'autres secteurs, tels que les services publics, mais également le monde des entreprises.

2.- L'interdiction du port « visible » de signes religieux et politiques dans les établissements scolaires

L'intervention du législateur apparaît nécessaire pour définir un cadre juridique permettant une application cohérente du principe de laïcité dans les établissements scolaires. Celle-ci marquera la volonté de la représentation nationale d'affirmer que l'école est une communauté spécifique où les principes de neutralité et de laïcité doivent être garantis.

Dans ce but, il est proposé d'introduire une disposition législative, brève, simple, claire, le moins possible sujette à interprétation, posant le principe de l'interdiction du port visible de tout signe religieux et politique dans l'enceinte des établissements scolaires.

Dans l'espace scolaire, la liberté d'expression reconnue aux élèves par l'article 10 de la loi du 10 juillet 1989 (article L. 511-2 du code de l'éducation) doit, en effet, trouver ses limites dans le respect du pluralisme et du bon fonctionnement des activités d'enseignement et les limites de cette liberté, au regard du bon fonctionnement du service public, doivent être précisées.

L'interdiction du port « visible » des signes religieux et politiques dans les établissements scolaires signifie que ne seraient plus seulement prohibés les signes « ostentatoires », dont il était, jusqu'à présent, très difficile de circonscrire le périmètre, mais tout signe que l'œil peut voir.

Après de nombreux débats - et sensibles aux difficultés résultant du régime juridique en vigueur, telles qu'elles ont été précédemment développées -, les membres de la mission ont considéré qu'il fallait non seulement réaffirmer le principe de laïcité dans la loi mais également trouver un critère objectif, qui ne maintienne pas les incertitudes actuelles liées au caractère « ostentatoire » de certains signes religieux.

Par la solution retenue, les membres de la mission ont également souhaité éviter tout critère susceptible de provoquer des discriminations entre signes religieux.

Le qualificatif de « visible », parfaitement objectif, permettra une application plus aisée de la règle par les chefs d'établissement, sans pour autant exclure le port de signes, dès lors qu'ils ne sont pas apparents. Il écarte également toute distinction entre les différents signes religieux.

L'extension de cette interdiction au port des signes politiques répond, par ailleurs, au souci, d'une part, de prendre en compte le fait que le port de signes religieux peut parfois revêtir une signification politique, comme on l'a vu, et d'autre part, de viser d'autres comportements également perturbateurs et contraires à la neutralité de l'espace scolaire. De plus, il est apparu nécessaire d'interdire tout port de signes religieux qui constitue une atteinte aux droits de la femme, et qui révèle, dès lors, une certaine conception politique de la place de la femme dans la société.

L'interdiction est destinée à s'appliquer dans l'« enceinte » des établissements, c'est-à-dire dans tout l'espace scolaire, sans distinction de zones. Cette question a fait l'objet de discussions au sein de la mission, certains témoins ayant envisagé d'établir une distinction entre la salle de classe, où tout port de signes religieux aurait été interdit et d'autres zones comme la cour, où il aurait été autorisé.

La mission a considéré qu'on ne peut faire de distinctions entre la salle de classe et les autres espaces de l'école lorsque est en cause la neutralité de l'espace scolaire. Par ailleurs, une interdiction à l'ensemble de l'établissement - règle simple et claire - est nécessaire pour permettre une application plus aisée par les chefs d'établissement.

B.- UN DISPOSITIF LÉGISLATIF QUI GARANTIT UN JUSTE ÉQUILIBRE ENTRE LIBERTÉ DE RELIGION ET PRINCIPE DE LAÏCITÉ DANS LE RESPECT DE LA CONSTITUTION ET CONFORME AU DROIT INTERNATIONAL

1.- Un dispositif législatif qui garantit un juste équilibre entre liberté de religion et principe de laïcité dans le respect de la Constitution

Ce nouveau dispositif devrait permettre de conforter le principe constitutionnel de laïcité, dont l'importance sera ainsi réaffirmée. C'est en préservant un espace scolaire neutre, à l'abri des pressions communautaires et du prosélytisme religieux ou politique, que le législateur protégera au mieux les convictions de chacun. Le juste équilibre entre liberté de religion et principe de laïcité sera ainsi consolidé.

Certains commentateurs ont justifié leur opposition à l'intervention du législateur par un risque de censure du Conseil constitutionnel.

En vertu de l'article 34 de la Constitution, le législateur est seul compétent pour déterminer le régime des libertés publiques, et pour concilier leur exercice avec d'autres principes constitutionnels.

En effet, lorsqu'il s'agit d'une liberté fondamentale, le Conseil constitutionnel admet l'intervention du législateur pour en réglementer l'exercice en vue de deux objectifs : soit la rendre plus effective, soit la concilier avec d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle. Ce principe a été affirmé très clairement dans une décision « entreprises de presse » du 10 octobre 198449 : « s'agissant d'une liberté fondamentale, d'autant plus précieuse que son exercice est l'une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale, la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ».

Le Conseil constitutionnel admet donc très clairement dans cette décision la possibilité pour le législateur de restreindre l'exercice d'une liberté fondamentale pour assurer la réalisation d'un objectif constitutionnel : « s'il est loisible au législateur, lorsqu'il organise l'exercice d'une liberté publique en usant des pouvoirs que lui confère l'article 34 de la Constitution, d'adopter pour l'avenir, s'il l'estime nécessaire, des règles plus rigoureuses que celles qui étaient auparavant en vigueur, il ne peut, s'agissant de situations existantes intéressant une liberté publique, les remettre en cause que dans deux hypothèses : celle où ces situations auraient été illégalement acquises ; celle où leur remise en cause serait réellement nécessaire pour assurer la réalisation de l'objectif constitutionnel poursuivi ».

Ainsi dans plusieurs décisions, le Conseil constitutionnel a-t-il rappelé qu'il appartenait au législateur de concilier l'objectif constitutionnel de sauvegarde de l'ordre public et l'exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties50 : il a admis que certaines limites puissent être apportées à des libertés publiques, comme la liberté d'aller et de venir ou le droit au respect de la vie privée, pour mieux garantir la sécurité des personnes et de biens. C'est ainsi que dans une décision du 18 janvier 1995, sur la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, le Conseil constitutionnel n'a pas censuré les mesures concernant les systèmes de vidéosurveillance. Cette position a été réaffirmée récemment dans la décision n °2003-467 du 13 mars 2003 relative à la loi pour la sécurité intérieure.51

Dans notre cas, l'intervention du législateur a pour objectif de concilier la liberté de religion avec le principe constitutionnel de laïcité consacré à la fois par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui affirme « l'organisation de l'enseignement laïque et gratuit est un devoir d'Etat », et par l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 qui dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Il s'agit donc bien de garantir deux principes constitutionnels.

De même, le dispositif législatif a pour objectif de permettre l'application uniforme d'une liberté fondamentale, la liberté de religion, dans l'ensemble des établissements scolaires et donc de garantir le principe constitutionnel d'égalité. La nécessité pour le législateur de garantir un exercice uniforme sur le territoire d'une liberté publique a été rappelée explicitement par le Conseil constitutionnel dans une décision du 13 janvier 199452.

En outre, pour estimer l'ampleur de l'atteinte portée à l'exercice d'une liberté fondamentale, le Conseil constitutionnel prend en compte l'environnement global qui permet l'exercice de cette liberté. Ainsi, s'agissant de la liberté de religion, l'interdiction du port de signes religieux et politiques ne remet pas en cause le libre exercice du culte, en dehors des heures de cours. De même, les aumôneries constituent des « lieux de spiritualité » au sein des écoles et permettent aux élèves d'exprimer leur foi. Dans ce contexte, la liberté de conscience des élèves semble pleinement préservée.

Interrogé sur la conformité à la Constitution d'une intervention du législateur, M. Rémy Schwartz53 maître des requêtes au Conseil d'Etat a répondu : « Je n'en sais rien puisque nous n'avons pas d'indications sur ce point. Dès lors que l'environnement respecte les convictions des uns et des autres, qu'il existe notamment des services d'aumônerie qui permettent à chacun - et il faudrait que chacun puisse vraiment bénéficier de services d'aumônerie - d'exercer sa foi, je pense, à titre personnel, qu'il n'y aurait pas nécessairement d'obstacles constitutionnels, sur le terrain de la liberté de conscience, à ce que temporairement, dans le cadre du service public, c'est-à-dire dans ce cadre limité, les élèves ne puissent porter un signe religieux. Le Conseil constitutionnel l'admettrait peut-être. »

Enfin, il convient de souligner que la restriction apportée à la libre manifestation des convictions religieuses reste strictement limitée et proportionnée au but recherché : l'interdiction n'est en rien absolue puisqu'elle est limitée à l'enceinte de l'établissement.

2.- Un dispositif législatif conforme aux engagements internationaux de la France

Un dispositif législatif interdisant le port de signes religieux et politiques à l'école serait-il compatible avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ?

La compatibilité d'un dispositif législatif pourrait se poser à l'occasion d'une requête individuelle devant la Cour européenne des droits de l'homme, après épuisement de toutes les voies de recours internes.

De plus, la jurisprudence, depuis l'arrêt Nicolo du Conseil d'Etat du 20 octobre 198954, admet qu'il appartient au juge administratif de contrôler la compatibilité avec les traités internationaux des lois, même postérieures. Celui-ci pourrait donc écarter l'application d'une disposition qui méconnaîtrait la Convention européenne des droits de l'homme.

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, une mesure restreignant la liberté de manifester ou de pratiquer sa religion n'est compatible avec la Convention que si trois conditions sont remplies : la mesure doit être prévue par la loi, elle doit poursuivre un but légitime et être nécessaire et proportionnée au but poursuivi.

L'intervention du législateur respecterait les deux premières conditions, comme cela a déjà été précédemment souligné.

C'est donc le caractère proportionné de l'interdiction par rapport à l'objectif poursuivi - la garantie de la laïcité et de la neutralité de l'école - qui constitue le coeur de la problématique.

Comme l'a observé M. Ronny Abraham, directeur des Affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères55, il est difficile de déterminer quelle serait la position de la Cour sur le caractère proportionné de l'interdiction : « Incontestablement, une telle législation répondrait à la première des trois exigences de la convention européenne des droits de l'homme : l'exigence que toute mesure restrictive soit prévue par la loi, car on aurait là une règle législative parfaitement claire, précise, impérative. (...) En revanche, la question qui se poserait alors serait de savoir si une telle législation répondrait à la troisième des conditions : l'exigence de proportionnalité. (...) J'entends bien qu'il ne s'agit pas d'interdire partout et en toutes circonstances ; il s'agit de protéger la neutralité de l'enseignement public. Même avec cette restriction de localisation, il est très difficile de prévoir - je vais bien sûr vous décevoir - ce que la Cour de Strasbourg jugerait en pareil cas. ».

En revanche, M. Michele De Salvia56, jurisconsulte auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, lors de son audition par la mission a affirmé « Si on légifère, je ne peux que dire qu'un Etat qui s'appuie sur le principe de laïcité - puisque, en filigrane, c'est lui qui est en cause -, n'encourrait, je pense, aucune sanction de la part de la Cour européenne des droits de l'homme. C'est, en effet, un principe sur lequel la Cour elle-même s'est déjà appuyée à plusieurs reprises ».

Les différentes auditions menées par la mission pour répondre à cette question n'ont pu déterminer avec précision quelle serait la position de la Cour européenne des droits de l'homme. Cependant, elles ont mis en évidence certains éléments de jurisprudence qui semblent pouvoir justifier la compatibilité de l'intervention du législateur avec la Convention européenne des droits de l'homme.

En premier lieu, la jurisprudence de la Cour est en réalité, moins libérale qu'on ne l'affirme parfois, en matière de liberté religieuse57.

En effet, la Cour laisse d'abord une grande marge d'appréciation au législateur national car, comme elle le relève dans une décision Wingrove58, « ce qui est de nature à offenser gravement les personnes d'une certaine croyance religieuse varie fort dans le temps et l'espace, spécialement à notre époque caractérisée par une multiplicité croissante des croyances et des confessions. ».

Ensuite, la jurisprudence européenne admet le caractère relatif de la liberté religieuse : celle-ci doit céder devant le respect des lois et règlements relatifs, par exemple, au respect du service militaire (CEDH, 12 décembre 1996, Grandath c/RFA) ou de la fiscalité (CEDH, 15 décembre 1983, C. c/ Royaume -Uni59).

Enfin, en matière scolaire, la Cour tient compte de l'existence de solutions de rechange. Il est possible de restreindre certaines manifestations de la liberté religieuse, dès lors que la diversité du système éducatif dans son ensemble offre la possibilité à l'intéressé d'exercer librement sa religion dans un autre établissement scolaire. Ainsi, la Cour a considéré dans un arrêt Kjeldsen du 7 décembre 1976, que le refus de dispense de cours d'éducation sexuelle demandée par une famille ne méconnaissait pas l'article 9 de la Convention.

Ainsi, dès lors que l'interdiction du port de signes religieux ne fait pas obstacle à ce que les élèves exclus puissent suivre des enseignements à distance ou dans un autre établissement, et laisse donc une possibilité de choix aux élèves, elle pourrait ne pas être contraire à l'article 9 de la Convention, tel qu'interprété par la Cour.

De plus, la jurisprudence de la Cour européenne prend en compte la notion de laïcité.

C'est ce qu'a souligné M. Michele De Salvia60, jurisconsulte auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, lors de son audition par la mission : « Il est une affaire extrêmement importante dont on peut dire, en quelque sorte, qu'elle consacre ce principe de laïcité : l'affaire du parti de l'ancien Premier ministre de Turquie, le Refah qui a été jugé contraire à la Constitution par la Cour constitutionnelle turque. Ledit parti s'est adressé à la Cour en soutenant que cette interdiction violait à la fois la liberté d'association et la liberté de religion. La Cour, a rendu cet arrêt de grande Chambre qui est la formation la plus large de la Cour : « Les organes de la convention ont estimé que le principe de laïcité était assurément l'un des principes fondateurs de l'Etat, qui cadre avec la prééminence du droit et le respect des droits de l'homme et de la démocratie. Une attitude ne respectant pas ce principe ne sera pas nécessairement acceptée comme faisant partie de la liberté de manifester sa religion et ne bénéficiera pas de la protection qu'assure l'article 9 de la Convention. »

Par conséquent, on peut supposer que l'objectif poursuivi par le législateur de garantir le principe de neutralité et de laïcité de l'espace scolaire serait pris en compte par la Cour européenne.

Une incertitude demeure pourtant sur la portée et la signification donnée au principe de laïcité par la Cour.

Interrogé par la mission sur la jurisprudence de la Cour européenne, M. Rémy Schwartz61, maître des requêtes au Conseil d'Etat, a répondu : « la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme est très lacunaire en ce qui concerne les élèves, les usagers du service public de l'éducation, et elle est, sans doute, de peu de secours. L'interrogation demeure donc. La Cour, qui a quand même une logique relativement laïque au regard de l'ensemble de sa jurisprudence, admettrait peut-être que soit interdit tout port de signes religieux dans le cadre du service public de l'éducation, dès lors qu'il existe une possibilité de suivre des enseignements parallèles, des enseignements religieux, voire des enseignements à distance. »

En ce qui concerne la jurisprudence de la Cour sur le port de signes religieux, aucune décision ne permet, pour l'heure, de trancher clairement la question de la compatibilité avec l'article 9 de la Convention, de l'interdiction qui serait faite aux élèves de porter des signes religieux et politiques à l'école.

S'agissant du port, par un usager du service public, d'un signe religieux, la Cour a toutefois examiné le cas d'une étudiante turque sanctionnée pour s'être présentée voilée dans une université laïque en Turquie. La Cour européenne a confirmé la sanction des tribunaux nationaux. Cependant, cette décision apparaît très spécifique, puisque la Cour a relevé dans ses motifs que l'intéressée avait fait le choix d'aller dans le service public, ce qui voulait dire qu'elle avait la possibilité de suivre un enseignement supérieur privé religieux. De plus, la Cour a relevé qu'en Turquie, il était sans doute nécessaire d'interdire le port du voile pour protéger les minorités dans ce pays musulman. Sans doute peu transposable à la France, il s'agit, par conséquent, d'une véritable décision d'espèce.

Rappelons qu'une requête déposée par une élève infirmière turque, renvoyée de son école pour avoir refusé de retirer son foulard, a été déclarée recevable par la Cour européenne des droits de l'homme dans une décision en date du 2 juillet 2002. la Cour ne s'est pas encore prononcée sur le fond de l'affaire. Certes, ce cas d'espèce concerne la Turquie, cependant, il est possible que la Cour rende un arrêt de principe sur ce sujet et se prononce sur la compatibilité de l'interdiction du port, par les élèves, de signes religieux à l'école avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'arrêt Dahlab c/ Suisse62 du 15 février 2001 concerne le port d'un signe religieux par un enseignant et ne peut réellement éclairer le législateur. On observera cependant, que la Cour, dans cette décision, s'est interrogée sur la signification du port d'un signe religieux et a pu considérer que celui-ci peut avoir en soi un caractère ostentatoire : « comment pourrait-on dans ces circonstances dénier de prime abord tout effet prosélytique que peut avoir le port du foulard dès lors qu'il semble imposé aux femmes par une prescription coranique qui (...) est difficilement conciliable avec le principe d'égalité des sexes. ».

L'ensemble de ces éléments tend à montrer que l'interdiction posée par le législateur qui aurait pour objectif de protéger l'espace scolaire des revendications identitaires et du prosélytisme ne serait pas contraire à l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme dans la mesure où la liberté de religion des élèves serait garantie, notamment par la présence d'aumôneries ou par la possibilité d'aller dans des établissements privés.

C.- LA PRISE EN COMPTE DE CERTAINES SPÉCIFICITÉS

1.- La prise en compte du caractère propre des établissements privés sous contrat

La nécessaire clarification de l'application du principe de laïcité dans les établissements d'enseignement doit-elle s'appliquer aux établissements d'enseignement privés ayant passé avec l'Etat un contrat d'association ? Cette question a fait l'objet de nombreux débats au sein de la mission.

Il convient de souligner, en premier lieu, que la question ne se pose pas pour les établissements privés hors contrat qui ne font pas partie du service public de l'Education nationale : le dispositif législatif ne leur serait donc pas appliqué.

Plusieurs éléments militent en faveur de l'extension de l'interdiction du port, par les élèves, de signes religieux et politiques aux établissements privés sous contrat.

Ces établissements font partie du service public de l'enseignement et à ce titre sont soumis à des obligations de service public, tel que le respect des convictions personnelles des élèves.

Le second alinéa de l'article L.442-5 du code de l'Education précise, en effet, que, dans le cadre d'un contrat d'association l'enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement public. De plus, l'article L.442-1 du code de l'Education, introduit par la loi du 31 décembre 1959, dispose que l'établissement privé sous contrat, tout en conservant son caractère propre, doit dispenser l'enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Par ailleurs, l'article prescrit que tous les enfants, sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyances ont accès à ces établissements.

Se pose, dès lors, la portée juridique du « caractère propre » des établissements privés sous contrat.

Interrogé par la mission, M. Roger Errera63, conseiller d'Etat, a défini ainsi le caractère propre des établissements privés : « La loi ne définit pas le caractère propre, la jurisprudence non plus. On le discerne bien en distinguant ce qui est de l'éducation et ce qui relève de l'enseignement. Le caractère propre, c'est la « valeur différente » de l'enseignement privé, le style de l'éducation, l'encadrement, les activités post-scolaires, les formes de la vie pédagogique, les rapports avec les familles, avec les élèves, la disposition même des locaux, les valeurs au nom desquelles cet établissement a été créé... »

Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 23 novembre 197764, a indiqué que la sauvegarde du caractère propre d'un établissement lié à l'Etat par contrat n'est que la mise en œuvre du principe de la liberté d'enseignement. Dans la même décision, il est précisé que l'obligation imposée aux maîtres de respecter le caractère propre de l'établissement, si elle leur fait un devoir de réserve, ne saurait être interprétée comme permettant une atteinte à leur liberté de conscience.

Une seconde décision du Conseil constitutionnel, en date du 18 janvier 1985, confirme que la reconnaissance du caractère propre des établissements d'enseignement privés n'est que la mise en œuvre du principe de la liberté d'enseignement.

La mention du caractère propre ne semble donc pas avoir d'autre portée que de garantir la liberté d'enseignement et d'affirmer l'existence de deux types d'établissements, sans remettre en cause l'obligation de respecter l'intégralité des règles de fonctionnement du service public de l'enseignement.

Dans cette logique, le caractère propre n'ouvrirait aucun espace aux établissements privés sous contrat pour restreindre ou élargir les libertés publiques applicables au milieu scolaire. Le seul droit spécifique auquel s'attacherait le caractère propre serait celui de créer un établissement scolaire à caractère confessionnel dans le respect des obligations requises par la loi.

Le Conseil d'Etat a eu aussi à connaître à deux reprises65 du problème de la portée juridique du caractère propre d'un établissement privé, au regard des obligations qui en découlent pour le personnel enseignant.

Comme le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat considère que la liberté d'enseignement consacrée par le caractère propre d'un établissement ne permet ni d'évincer ni de limiter les autres libertés fondamentales au sein de l'établissement, telles qu'elles s'appliquent dans les établissements publics.

Au contraire, interrogés sur le caractère propre, des représentants de l'enseignement confessionnel ont tenté de définir la notion. Lors de son audition, M. Chamoux66, directeur du collège privé Saint-Mauront de Marseille a souligné « En fait, le caractère propre, selon moi, ne réside pas seulement dans ces temps, mais irrigue la vie de tous les jours. Quand on vit sa foi, forcément, l'on pose question aux autres. Est-ce ostentatoire ? Je ne le sais pas, mais forcément des personnes vivent différemment. (...) Le caractère propre, c'est la vie au quotidien. C'est la rencontre avec l'autre, la discussion avec l'autre, des temps d'échange : pourquoi je fais le ramadan, pourquoi, vous chrétiens, faites le carême ? Que faites-vous pendant le ramadan, pendant le carême ? Je situe le caractère propre dans la vie de tous les jours, davantage que dans les temps précis réservés aux catholiques. Il est dans le témoignage d'ouverture aux autres. »

C'est dans ce contexte incertain que l'extension de l'interdiction du port des signes religieux a fait l'objet de débats au sein de la mission.

Certains membres de la mission ont considéré que le caractère propre des établissements privés ne concerne que la garantie de la liberté d'enseignement et implique simplement l'existence de deux types d'établissements. Surtout, ils considèrent que les établissements privés sous contrat font partie du service public de l'enseignement, qu'à ce titre ils sont subventionnés et que, par conséquent, ils doivent garantir, comme les établissements publics, le principe de laïcité.

D'autres membres de la mission ont considéré, au contraire, que la notion de « caractère propre » des établissements privés sous contrat est au cœur de l'identité, de la spécificité des ces établissements et de la relation particulière qu'ils entretiennent avec les religions, comme en témoigne le fait que les enseignants peuvent être des religieux. Ils sont donc opposés à l'extension du dispositif à ces établissements scolaires.

Ayant constaté qu'un consensus n'a pu s'établir sur l'extension de l'interdiction de tout port visible de signes religieux et politiques aux établissements privés sous contrat en raison de leur caractère propre, votre Président vous propose de ne pas prendre de mesures dans ce domaine et, ainsi, de ne pas inclure les établissements privés sous contrat dans le champ d'application de la disposition législative envisagée.

2.- Un dispositif législatif qui ne remet pas en cause le régime spécifique de l'Alsace-Moselle

La majorité des membres de la mission a estimé nécessaire de prendre en compte la spécificité du droit local applicable dans ces départements.

En effet, le statut scolaire d'Alsace-Moselle est fortement marqué par la présence de la religion dans l'enseignement public et à l'école privée. Comme cela a été indiqué dans la première partie du présent rapport, le régime applicable en Alsace-Moselle est le résultat d'un héritage historique dont les effets sont aujourd'hui encore très présents.

Le principe de neutralité scolaire ne s'applique pas puisque les dispositions abrogées pour le reste de la France de la loi du 15 mars 1850 sur l'enseignement - dite « loi Falloux » - demeurent applicables en Alsace-Moselle. Cette situation emporte trois conséquences : les écoles sont confessionnelles ou interconfessionnelles, les communes peuvent employer des maîtres congréganistes et l'enseignement religieux est inscrit dans le programme obligatoire.

Actuellement, seuls sont assurés des cours de religion pour les quatre cultes reconnus : Eglise catholique (diocèse de Metz et archidiocèse de Strasbourg), Eglise de la confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine (luthérienne), l'Eglise réformée d'Alsace et de Lorraine (calviniste) et la communauté israélite. Les cultes non reconnus ne peuvent être enseignés à l'école publique. C'est le cas notamment du bouddhisme et du culte musulman.

Les écoles primaires peuvent être confessionnelles (relevant de l'un des quatre cultes reconnus) ou interconfessionnelles (mixtes). Dans le premier cas, les enseignements peuvent être assurés par des maîtres relevant d'une congrégation. Au sein des écoles interconfessionnelles, une lettre rectorale datant de 1962 précise qu'il doit y régner une ambiance favorable à toutes les religions. Selon l'instruction rectorale du 25 mai 1962, l'enseignement religieux est dispensé séparément aux enfants des différentes confessions. Si la prière reste obligatoire, elle doit être faite de manière à correspondre aux convictions religieuses de l'ensemble de la classe. Dans les faits, l'interconfessionnalité devient un mode de concrétisation d'une forme de neutralité scolaire.

L'article 23 de la loi du 15 mars 1850 sur l'enseignement prévoit que « l'enseignement primaire comprend l'instruction morale et religieuse ». Le décret du 10 octobre 1936 relatif à la sanction de l'obligation scolaire, applicable dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle prévoit que « les enfants dispensés de l'enseignement religieux réglementaire par la déclaration écrite ou verbale et contresignée, faite au directeur d'école, par leur représentant légal recevront, aux lieu et place de l'enseignement religieux, un complément d'enseignement moral. »

Le décret n° 74-763 du 3 septembre 1974 relatif à l'aménagement du statut scolaire local en vigueur dans les établissements du premier degré des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle fixe, dans son article 1er, la durée hebdomadaire de la scolarité des élèves dans les écoles élémentaires à 26 heures, dont, obligatoirement, une heure d'enseignement religieux. Cette durée peut même être portée à 2 heures, dans le cadre d'un enseignement hebdomadaire de 27 heures. L'article 2 de ce même décret ajoute que « l'enseignement religieux est assuré normalement par les personnels enseignants du premier degré qui se déclarent prêts à le donner ou, à défaut, par les ministres des cultes ou par des personnes qualifiées proposées par les autorités religieuses agréés par le recteur de l'académie. »

La liste des élèves suivant tel ou tel enseignement religieux permet de faire apparaître leur confession religieuse. C'est pourquoi le décret n° 95-1045 du 22 septembre 1995 portant application des dispositions de l'article 31, alinéa 3, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, au traitement automatisé d'informations nominatives concernant l'enseignement religieux dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle permet explicitement aux établissements publics d'enseignement de « collecter, conserver et traiter les informations nominatives relatives à l'organisation de l'enseignement religieux dispensé dans ces établissements qui, directement ou indirectement, font apparaître les opinions religieuses. »

Contrairement aux établissements de l'enseignement primaire, ceux de l'enseignement secondaire ne sont pas confessionnels. L'enseignement religieux est dispensé par des personnels appartenant à différentes catégories d'agents publics rémunérés par l'Etat. Ils sont proposés pour nomination à l'administration par l'autorité religieuse.

Le régime de l'enseignement privé comporte lui aussi un certain nombre de particularités en droit local. L'ouverture des écoles privées est soumise à une loi de 1873 qui place l'ensemble des établissements scolaires primaires et secondaires sous la surveillance de l'Etat. Les dispositions de la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privé s'appliquent dans les trois départements à l'exception des 1er et 3ème alinéa de l'article premier qui ont trait à la liberté de conscience, à la liberté des cultes et à l'instruction religieuse.

Cependant, en vertu de l'article 2 de la loi de 1886, les collectivités territoriales peuvent financer les dépenses d'investissement des écoles primaires privées sans limitation, contrairement au droit applicable sur le reste du territoire où les communes ne peuvent consentir, en matière d'investissement, aucune aide financière, sous quelque forme que ce soit, à des écoles primaires privées et ne peuvent qu'accorder leur garantie aux emprunts contractés par elles pour « financer la construction,l'acquisition et l'aménagement de locaux d'enseignement » (article 19 de la loi n° 86-972 du 19 août 1986).

En revanche, la règle posée par l'article 69 de la loi du 15 mars 1850 selon laquelle les collectivités territoriales, ne peuvent subvenir aux besoins des établissements du second degré au-delà du dixième des dépenses annuelles de l'établissement, s'applique, y compris aux écoles secondaires ecclésiastiques, c'est-à-dire aux petits séminaires. Ces derniers peuvent toutefois être autorisés à recevoir des subventions, sans que leur montant soit plafonné à raison de leur activité cultuelle.

Les membres de la mission ont pris acte des spécificités de l'enseignement et de l'absence de principe de neutralité scolaire en Alsace-Moselle pour ne pas remettre en cause le droit local applicable dans ces départements.

En conséquence, c'est l'article L 481-1 du code de l'Education nationale qui s'appliquera, selon lequel : « Les dispositions particulières régissant l'enseignement applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle y demeurent en vigueur. »

Il reviendra donc aux départements concernés de définir le droit applicable dans ce domaine, étant précisé, comme cela a été indiqué à la mission par le ministre de l'éducation nationale, qu'en l'état actuel du droit, il n'y a pas de règles spéciale à l'Alsace-Moselle concernant le port de signes religieux par les élèves.

3.- Un dispositif législatif qui ne remet pas en cause les régimes spécifiques de certaines collectivités d'outre-mer

Compte tenu des spécificités juridiques de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Wallis-et-Futuna, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie en matière d'enseignement, et de la compétence de certaines de ces collectivités en matière d'enseignement, la mission a également décidé de ne pas leur étendre ce dispositif législatif.

II.- DES MESURES COMPLÉMENTAIRES POUR FAIRE VIVRE LA LAÏCITÉ À L'ÉCOLE DANS UN ENVIRONNEMENT APAISÉ

Si la loi est nécessaire, elle n'est pas suffisante et les travaux de la mission ont clairement montré que les manifestations d'appartenance religieuse ou les conflits identitaires à l'école ne font que traduire des problèmes plus profonds.

C'est pourquoi les membres de la mission ont souhaité que toute disposition, quelle que soit sa nature, relative au port de signes religieux ou politique à l'école, s'accompagne d'une série de mesures répondant aux problèmes qui sont à l'origine de ces phénomènes identitaires.

Ces problèmes relevant en partie des difficultés propres à l'école, celle-ci doit repenser son rôle dans l'intégration de jeunes en quête de repères, de limites et de confiance en eux-mêmes et dans la société à laquelle ils appartiennent. Elle doit trouver le moyen, en s'appuyant sur les valeurs de la laïcité, d'aborder de façon raisonnée et pacifiée la place des religions dans la culture, afin de rompre avec l'inculture religieuse qui engendre beaucoup d'incompréhension. Il faudrait également s'interroger sur la formation des enseignants et sur la façon dont ils sont préparés dans les IUFM à leur mission éducatrice. Le même problème se pose pour les chefs d'établissement.

Mais l'école ne peut prendre en charge, à elle seule, tous les problèmes non résolus par la société et, en tout premier lieu, les difficultés liés aux quartiers où s'accumulent tous les handicaps sociaux et les discriminations, au logement, à l'embauche, dont des jeunes sont trop souvent victimes à raison de leur patronyme ou de la couleur de leur peau.

A.- LUTTER CONTRE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATIONS ET INTENSIFIER LES EFFORTS ACCOMPLIS DANS LE CADRE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Les témoignages ont souligné, de façon répétée, le lien direct entre les manifestations identitaires qui se développent au sein des établissements scolaires et certains problèmes sociaux auxquels sont confrontés les élèves concernés et leur famille, à l'extérieur de l'école.

Dans son rapport précité, de novembre 2003 sur la ségrégation urbaine, le Conseil d'analyse économique (CAE) considère que cette ségrégation porte en elle une dislocation de la cité par rupture d'égalité dans les espaces sociaux qui sont au premier chef le travail, l'école, le logement et les équipements collectifs.

Les immigrés et enfants d'immigrés qui figurent bien souvent parmi les groupes sociaux les plus défavorisés sont surexposés à ces situations de ségrégation urbaine. Aux difficultés sociales et financières auxquelles ils sont confrontés et qui leur enlèvent toute chance de quitter ces quartiers déshérités, s'ajoutent des phénomènes très répandus de discriminations liées à leur origine réelle ou supposée, lors des recherches d'emplois ou de logements.

Le CAE suggère avec force la mise en place d'une politique de désenclavement des quartiers ghettos, de façon à rétablir une véritable connexion entre les habitants et les bassins d'emplois.

Il recommande également pour améliorer l'accès à l'enseignement et à la formation de développer une politique universitaire d'éducation prioritaire sur le modèle des conventions d'éducation mises en œuvre par l'Institut d'études politiques de Paris.

Le chômage des jeunes des quartiers défavorisés, sortis de l'école sans diplôme, pose un problème difficile. Le CAE suggère d'organiser rapidement un plan facilitant leur accès à la formation en alternance et s'inspirant de la méthode des écoles de la deuxième chance, pratiquées dans de nombreux pays européens.

Ces propositions rejoignent les mesures récemment mises en oeuvre dans le cadre de la politique de la ville. Une loi d'orientation et de programmation pour la ville a été adoptée le 1er août 200367 et un programme national de rénovation urbaine des quartiers où se trouvent des grands ensembles d'habitats dégradés classés en zones urbaine sensible (ZUS) vient d'être lancé. Parmi les objectifs de la loi, figure l'amélioration de la réussite scolaire avec la mise en place dans les ZUS d'un système de veille éducative visant à prévenir les interruptions des parcours scolaires. L'objectif fixé est d'ici à cinq ans, une augmentation significative de la réussite scolaire dans les établissements des ZUS.

De son côté le Haut conseil à l'intégration a formulé diverses recommandations et propositions qu'il paraît utile de rappeler.

Il considère, dans le rapport précité de novembre 2000, que la place de l'islam dans la République est indissociable de la place que la société française réserve aux citoyens français musulmans et aux musulmans étrangers. A bien des égards, le principe d'égalité qui implique la prohibition de toute forme de discrimination n'est pas respecté. Il rappelle que l'article 225-1 du code pénal définit une discrimination comme « toute distinction opérée entre les personnes physiques ou morales notamment à raison de leur appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

Le Haut conseil estime qu'un effort de pédagogie en direction de l'opinion publique et plus encore des entreprises, de la part de l'Etat, est indispensable pour faire reculer la perception négative de l'islam, notamment en améliorant la connaissance de cette religion.

Le Haut conseil recommande dans le cadre législatif actuel d'orienter les pratiques administratives de façon à résoudre des problèmes spécifiques propres au culte musulman et à rétablir le principe d'égalité, s'agissant par exemple des permis de construire pour les mosquées.

B.- PROMOUVOIR L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT DES DIFFÉRENTES RELIGIONS ET ENSEIGNER L'HISTOIRE DES RELIGIONS À L'ÉCOLE

1.- Lutter contre l'image négative de l'islam et favoriser la construction de lieux de culte musulman

Beaucoup de musulmans déplorent que l'islam focalise aujourd'hui la réflexion sur la place des religions dans la société. On doit admettre que cette religion est souvent associée, dans les médias, à une image dévalorisante et que l'obligation de traiter également tous les cultes n'est pas pleinement respectée l'Etat.

M. Yvon Robert68, chef du service de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale, a été très explicite sur ce point en observant qu'on ne pourra résoudre les problèmes de l'école, avec ou sans loi, que si l'on progresse sur la question de la construction des lieux de culte musulmans. Certains membres de la mission ont fait la même remarque.

Si la religion musulmane avait les moyens d'occuper sereinement une place valorisante au sein de la société, les courants fondamentalistes et traditionalistes seraient privés du discours sur le thème de la victimisation des musulmans en France. Leur tentative d'imposer un statut personnel des musulmans aurait ainsi moins de poids.

On notera que certains organismes, comme la Ligue de l'enseignement, proposent la création d'une fondation d'utilité publique destinée à la construction des mosquées comptant trois membres désignés par les ministères pour assurer la transparence des fonds.

2.- Des aumôneries pour toutes les religions ?

On rappellera que, conformément à l'article L.141-2 alinéa 2 du code de l'Education, l'Etat prend toutes dispositions utiles pour assurer aux élèves de l'enseignement public la liberté des cultes et de l'instruction religieuse.

Par ailleurs, l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905, qui n'est pas intégré au code de l'Education, prévoit que peuvent être inscrites aux budget de l'Etat et des collectivités locales, les dépenses relatives aux services d'aumônerie pour assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics, tels que les collèges, les lycées et les écoles.

Le ministère de l'éducation nationale est autorisé à prendre toutes mesures utiles pour assurer le libre exercice des cultes au sein d'une cité scolaire, dès lors que ni la liberté de conscience, ni l'intérêt de l'ordre public n'y font obstacle et que les dépenses correspondantes n'excèdent pas celles visées à l'article 2 de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat.

Le Conseil d'Etat a ainsi admis69 que soit inclus dans un programme de construction scolaire, sur un terrain cédé par la ville, l'édification d'un local cultuel construit aux frais d'une association de soutien aux aumôneries.

La circulaire n°88-112 du 22 avril 1988 a précisé l'ensemble des conditions de fonctionnement des aumôneries qui peuvent être créées à la demande des parents ou des élèves et qui sont de droit dans les internats. Dans les externats il appartient au recteur de décider, après avis du conseil d'administration, de la création et des modalités de fonctionnement à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement. Si elle est créée à l'intérieur de l'établissement, un local doit lui être fourni. La circulaire précise qu'il appartient à l'établissement de concilier le respect du principe de liberté religieuse et notamment le droit de participer au culte un jour par semaine et le respect de l'obligation d'assiduité qui incombe aux élèves.

Plusieurs membres de la mission et certaines personnes auditionnées, se sont interrogés sur l'intérêt qu'il pourrait y avoir à favoriser la mise en place d'aumôneries pour toutes les religions, ou à l'inverse sur la nécessité de les supprimer toutes.

Ainsi, M. Michel Morineau70, membre de la commission « laïcité et islam » co-dirigée par la Ligue des droits de l'homme et le « Le monde diplomatique », s'est interrogé sur l'avenir des aumôneries en affirmant : « Nous n'avons pas encore trop de cas d'aumôneries musulmanes au sein de l'école publique, mais si cette loi interdisant le port de signes religieux devait voir le jour, comment contourner la difficulté pour qu'elle n'engage pas également l'interdiction des aumôneries ? »

A l'inverse, M. Faride Hamana1, secrétaire général de la FCPE, a déclaré en parlant des aumôneries de toute obédience : « Il faudra revoir la question des aumôneries. Si nous acceptons et tolérons l'existence de ce type « d'église » dans l'établissement, il faudra accepter d'autres cultes. Si l'on souhaite garantir la laïcité de l'école, toute manifestation de quelque culte que ce soit doit être bannie des établissements scolaires ».

Votre président n'écarte pas l'idée que, permettre, dans les conditions qui ont été rappelées, l'ouverture d'aumôneries pour toutes les religions, pourrait être de nature à conforter les Français de religion musulmane dans leur appartenance à la République et à convaincre que la laïcité ne signifie pas l'hostilité aux religions.

3.- Des écoles privées de confession musulmane ?

Depuis longtemps, la loi reconnaît le droit d'ouvrir une école primaire ou secondaire à toute personne française ou ressortissante d'un autre Etat membre de l'Union européenne âgée de 21 ans dans le premier cas et de 25 ans dans le second. Cette liberté fondamentale repose sur une simple déclaration préalable. Le pouvoir d'appréciation de l'administration pour s'opposer à l'ouverture d'une école porte sur le contrôle du respect des conditions limitativement énumérées par le code de l'Education. Elles sont relatives à l'hygiène et à la sécurité des locaux ainsi qu'à la moralité et aux diplômes des demandeurs. Les conditions d'ouverture d'un établissement d'enseignement privé technique sont du même ordre.

Après une durée minimale de fonctionnement de 5 ans une école privée du premier ou du second degré peut demander à passer avec l'Etat un contrat d'association d'enseignement, si elle répond à un besoin scolaire reconnu, conformément à l'article L. 442-5 du code de l'Education.

Il semble qu'il y ait assez peu de déclarations d'ouvertures d'écoles privées de confession musulmane. Il existe toutefois un exemple à Lille et la mission a tenu à auditionner les responsables de la création de ce lycée musulman.

Elle a donc entendu, M. Makhlouf Mameche71, directeur-ajoint du lycée musulman Averroès de Lille qui a ouvert ses portes à la rentrée 2003. M. Mameche a indiqué que ce lycée est une petite structure qui compte une seule classe de seconde avec 14 élèves. Son budget annuel est de l'ordre de 150 000 euros, financé par les adhérents de l'association musulmane Averroès qui a créé l'établissement. L'objectif est de solliciter un contrat d'association à l'issue des cinq années requises. M. Mameche a précisé qu'il a refusé d'inscrire des élèves qui ne le souhaitaient pas, malgré la demande pressante des parents.

M. Lasfar Amar, recteur de la mosquée de Lille, à l'origine du projet de ce lycée et président de l'association Averroès a également été entendu1. Pour lui, le lycée Averroès ne s'inscrit pas dans une logique d'alternative pour les filles qui désirent porter le voile. Ce lycée est seulement une expérience menée par la communauté musulmane du Nord, à l'issue d'une réflexion d'une dizaine d'années, pour se doter d'une telle institution, à l'instar des autres confessions. Avec cet établissement, l'objectif de la mosquée de Lille est d'aider la communauté musulmane à évoluer et d'accompagner sa mutation et ses transformations en vue de son intégration dans notre pays.

De son côté, M. Yvon Robert72, chef du service de l'inspection général de l'administration de l'éducation nationale, s'est déclaré favorable à l'ouverture d'établissements musulmans privés de second degré en France dont il a évalué le besoin à cinq environ, en disant : « Même si ces cinq établissements étaient des lieux très fondamentalistes, ce n'est pas cela qui mettrait en péril la République française ».

Pour autant, votre Président a constaté que parmi les arguments énumérés par les personnes hostiles à une modification législative sur le port de signes religieux à l'école, la crainte de voir se développer des écoles musulmanes pour accueillir les élèves voilées revient souvent.

Force est de constater que les opinions sont très divergentes sur l'opportunité de favoriser la création de ces écoles et que la réflexion doit être poursuivie.

4.- Améliorer l'enseignement de l'histoire des religions

Selon les propos de M. Bruno Etienne73, directeur de l'observatoire du religieux à l'IEP d'Aix-en-Provence, devant la mission : « toute progression dans la connaissance mutuelle marque une avancée dans la paix sociale ».

Les membres de la mission ont souligné unanimement l'intérêt d'une meilleure sensibilisation des enseignants et des élèves au fait religieux et surtout à l'histoire des religions.

Mais ils considèrent, à l'instar de M. Régis Debray dans son rapport sur « l'enseignement du fait religieux dans l'école laïque », qu'il ne faut pas promouvoir l'enseignement de l'histoire des religions dans le cadre d'une discipline spécifique. Tout d'abord parce que les programmes sont déjà surchargés et qu'une contrainte supplémentaire ne pourrait se faire qu'au détriment de la nouvelle matière. En second lieu et surtout, parce que cet enseignement ne doit pas devenir une affaire de spécialistes ou de théologiens mais doit apporter, dans les matières qui s'y prêtent, un éclairage particulier, afin d'aider les élèves à mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent.

Comme l'ont fait remarquer plusieurs membres de la mission, en qualité d'anciens professeurs d'histoire, les religions et notamment l'islam ne sont pas absents aujourd'hui des programmes scolaires, notamment depuis la révision des programmes d'histoire et de français en 1996.

Il a été rappelé qu'en sixième, on enseigne les dieux de l'Egypte, la mythologie grecque et romaine, la naissance du christianisme ; en cinquième, l'islam.

Si les faits religieux ne sont pas absents des programmes, c'est beaucoup plus, semble-t-il, sur la façon d'inclure un aspect religieux dans une analyse que les difficultés apparaissent. Comment montrer que dans un poème de Victor Hugo ou dans un texte de Descartes, il peut y avoir une dimension sociale mais aussi une dimension religieuse ?

Il faut apprendre aux élèves à repérer l'influence des croyances, l'importance des symboles religieux dans l'art et le rôle des religions ou d'une religion dans le fonctionnement des sociétés. Les religions font partie du patrimoine de l'humanité et c'est en transmettant cela que l'on fera reculer certains préjugés qui considèrent qu'il faut appartenir à une culture pour pouvoir en parler. L'étude du statut social des femmes dans les diverses religions pourrait ainsi aider les élèves - garçons comme filles - à comprendre l'apport de la laïcité dans l'émancipation de celles-ci.

La démarche devrait être de même nature pour l'éducation civique, il ne faut pas en faire une discipline supplémentaire que les élèves vivent comme une surcharge, mais selon les propos de M. Jean-Paul de Gaudemar74, directeur de l'enseignement scolaire, instiller une culture de la citoyenneté tout au long de la vie scolaire et à travers les divers enseignements.

Il y a tout lieu également de penser qu'un retour sur le temps, à travers l'apprentissage d'une langue, d'un poème ou d'un territoire géographique, aiderait les élèves à sortir de la culture de l'instant, du direct et de la suprématie de l'image sur tout autre mode d'accès à la connaissance.

La formation des enseignants concernés est essentielle pour atteindre ces objectifs. Face à des questions qui touchent à l'identité profonde des élèves il est apparu, en effet, que les enseignants ne sont peut-être pas suffisamment armés pour réussir à dépassionner le sujet et même à le banaliser.

Certains proposent une évolution dans le fonctionnement des IUFM. Par exemple, le tutorat qui existe pour les stagiaires pourrait se prolonger après la titularisation, afin que les jeunes enseignants, souvent affectés en premier poste dans des établissements difficiles, ne soient pas livrés à eux-mêmes. L'enseignement de la pédagogie pourrait se faire en situation, sur le terrain, notamment en ce qui concerne la capacité à gérer la violence où l'indiscipline.

Les enseignants ne sont pas suffisamment préparés à aborder ces questions de même qu'ils sont souvent démunis pour transmettre les valeurs de la laïcité. Ces thèmes devraient être plus présents dans la formation des enseignants comme dans celle des chefs d'établissement.

M. Mohamed Arkoun75, spécialiste en islamologie, a regretté devant la mission, une certaine réticence, au nom de la laïcité, à aborder les questions religieuses : « La laïcité est une attitude fondamentalement intellectuelle devant le problème de la connaissance. D'abord connaître, tout connaître et comment connaître et ensuite comment enseigner ce que l'on connaît sans conditionner qui que ce soit : c'est cela la laïcité, ce n'est pas un combat contre quelque chose ».

C.- DÉVELOPPER UNE PÉDAGOGIE DE LA LAÏCITÉ À L'ÉCOLE

La mission a constaté que là où se trouve une équipe pédagogique soudée, harmonisée dans ses méthodes, notamment, par rapport à la discipline et au comportement des élèves et capable de se faire obéir sans osciller entre autoritarisme et laxisme, les foulards mais aussi les casquettes et toutes les marques de refus de la règle commune, tombent beaucoup plus vite.

Les enseignants devraient pouvoir aider les élèves à découvrir que les règles de la laïcité à l'école, y compris l'interdiction du port de signes religieux, constituent leur bien commun ainsi qu'un pas vers leur liberté personnelle.

L'adoption des nouveaux règlements intérieurs - harmonisés - pourrait être l'occasion de débattre sur le sens de certains interdits et d'amorcer une véritable pédagogie de la laïcité.

Il est évident _ et cela a été souligné de façon répétée au cours des travaux de la mission _ qu'une large majorité d'élèves ignore tout de l'histoire et des fondements spécifiques de la laïcité en France. Ils en ont dans le meilleur des cas une connaissance purement académique mais n'en perçoivent pas l'intérêt dans leur vécu quotidien.

Plus grave, il a été indiqué aux membres de la mission que les enseignants et les chefs d'établissement ne sont pas suffisamment armés pour convaincre et démontrer l'intérêt d'une règle dont le but est de rapprocher tous les membres de la communauté éducative au lieu de les diviser. Le directeur adjoint de l'IUFM de Créteil a eu l'occasion de déclarer dans un article du « Monde de l'Education » qu'après des années d'études et la réussite aux concours, les futurs enseignants qui arrivent à l'IUFM « nagent dans la confusion » à propos de la laïcité et ignorent notamment les obligations propres aux agents publics.

Des mesures pourraient être prises pour y remédier.

La formation obligatoire à la laïcité de tous les personnels enseignants devrait être réintroduite dans les IUFM avec, par exemple, des études de cas ainsi que la présentation des textes applicables ainsi que de la jurisprudence.

L'amélioration, dans le même sens, de la formation des chefs d'établissement ainsi que l'apprentissage de la gestion de crise, devraient être mis en oeuvre.

Comme pour l'enseignement de l'histoire des religions, l'enseignement de la laïcité ne doit pas être limité à un cours sur la IIIème République. Il devrait être dispensé, à toutes les occasions et dans toutes ses composantes : la tolérance, la liberté de conscience, le droit de croire ou de ne pas croire ou, encore, celui de changer de religion, l'égalité des sexes, la neutralité de l'Etat et ce, dès l'école primaire.

L'apprentissage de la laïcité comme fondement de la démocratie, devrait être mis en relation avec le vécu des élèves et leur comportement au quotidien : respect de l'autre, refus de la violence, reconnaissance de la nécessité du dialogue et de l'écoute réciproque et, surtout, l'amélioration des relations entre les garçons et les filles.

Une circulaire ministérielle pourrait être élaborée dans ce sens.

Par ailleurs, la diffusion annoncée par le ministère et confirmée par M. Luc Ferry, ministre de l'éducation nationale, lors de son audition, d'un guide à destination de tous les enseignants pour leur permettre d'argumenter et de faire face aux entorses à la laïcité, est très attendue.

De même, le développement de cellules de médiation au niveau des académies, relayant celle qui a été mise en place en 1994 au niveau national, devrait être accéléré et leur rôle explicité auprès des établissements.

Enfin il faudrait donner aux chefs d'établissement des moyens juridiques accrus pour sanctionner le non-respect de l'assiduité aux cours et pour lutter contre les certificats de complaisance. La convocation du conseil de discipline est apparue comme une procédure lourde et inappropriée. La possibilité de faire procéder à un contrôle médical et le dialogue permanent avec les parents responsables de leurs enfants mineurs pourraient permettre d'enrayer les nombreuses dérives.

Telles sont les mesures d'accompagnement que la mission propose d'assortir à l'interdiction du port visible de signes religieux et politiques dans l'enceinte des établissements scolaires publics.

CONCLUSION

Sur un sujet dont la complexité ne pouvait que susciter interrogations et hésitations, les nombreuses auditions ont permis un examen progressif et approfondi de tous les aspects du problème du port des signes religieux à l'école.

Les comptes rendus des auditions annexés au rapport attestent de l'intérêt des témoignages, de la participation très assidue des membres de la mission à cette réflexion et de la qualité des débats qui se sont déroulés au cours des six mois de travail.

A partir des constats développés dans le présent rapport et après plusieurs réunions internes, la mission a décidé, le 12 novembre 2003, de faire connaître le souhait de la très grande majorité de ses membres de réaffirmer le principe de la laïcité à l'école en proposant une modification législative clarifiant les règles en matière de port des signes religieux et politiques à l'école.

L'exposé des motifs et le dispositif de cette proposition de modification législative vous sont ainsi proposés.

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Proposition de modification législative

Il est apparu nécessaire à tous les membres de la mission d'information, créée le 27 mai 2003 par la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale sur la question du port des signes religieux à l'école, de réaffirmer l'application du principe de laïcité dans les établissements scolaires.

En effet, le régime juridique actuel, tel qu'il résulte de l'avis du Conseil d'Etat du 27 novembre 1989 et de sa jurisprudence n'est pas satisfaisant. Il ne permet pas de répondre au désarroi des chefs d'établissement et des enseignants confrontés à cette question qui tend à les accaparer de plus en plus. Surtout, il subordonne les conditions d'exercice d'une liberté fondamentale à des circonstances locales.

Pour la très grande majorité des membres de la mission, cette réaffirmation du principe de laïcité doit prendre la forme d'une disposition législative qui interdira expressément le port visible de tout signe d'appartenance religieuse et politique dans l'enceinte des établissements scolaires. Cette disposition législative prendra la forme, soit d'un projet de loi ou d'une proposition de loi spécifique, soit d'un article de loi ou d'un amendement inséré dans un texte global concernant l'école.

Cette proposition s'est imposée après examen de l'ensemble des autres solutions envisageables : statu quo, nouvelle circulaire, caractère législatif conféré aux règlements intérieurs, disposition législative moins contraignante ou, au contraire, d'un champ d'application plus large que l'école.

L'application de cette interdiction à l'école publique, c'est-à-dire aussi bien dans les établissements primaires que dans les établissements secondaires (collèges et lycées), a recueilli l'unanimité des membres de la mission favorables à l'introduction d'une disposition législative.

Les membres de la mission ont exclu, également de façon unanime, du champ d'application de cette interdiction, les établissements privés hors contrat dans la mesure où ils ne font pas partie du service public de l'Education nationale.

Un consensus n'a pu se dégager sur l'extension de l'interdiction aux établissements privés sous contrat en raison de leur caractère propre dont le principe a été reconnu par le Conseil constitutionnel. C'est pourquoi la mission n'a pas fait de proposition sur ce point.

Un consensus s'est au contraire dégagé pour constater qu'il n'y avait pas lieu de modifier les régimes juridiques applicables aux départements d'Alsace-Moselle et aux collectivités d'Outre-mer.

Les membres de la mission souhaitent que cette interdiction du port visible de tout signe d'appartenance religieuse soit accompagnée de mesures destinées non seulement à favoriser la compréhension, l'acceptation et l'application de cette disposition, mais également à combler les lacunes constatées dans la connaissance des principes liés à la notion de laïcité, comme par exemple :

- la formation obligatoire à la laïcité de tous les personnels enseignants dans les Instituts universitaires de formation des maîtres, ce qui n'est plus le cas,

- l'enseignement de la laïcité, des notions de tolérance, de liberté, de respect, d'égalité des sexes, de même que l'enseignement de l'instruction civique, dès l'école primaire,

- l'élaboration et la diffusion d'un guide à destination de tous les enseignants pour leur permettre de faire face aux entorses à la laïcité auxquelles ils pourraient être confrontés et faire pièce aux arguments déployés par certains groupes de pression,

- le développement de cellules de médiation au niveau des académies, relayant celle qui a été mise en place en 1994 au niveau national,

- des moyens juridiques plus efficaces pour sanctionner le non-respect de l'assiduité aux cours et lutter contre les certificats de complaisance,

- l'amélioration de l'enseignement de l'histoire des religions dans le cadre actuel des programmes d'histoire, de français, d'art, de philosophie,

- l'égalité de traitement des différents cultes.

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Dispositif

Article unique

Au titre V relatif à la « vie scolaire », titre I « Les droits et les obligations des élèves [des établissements publics] », l'article L.511-2 du code de l'Education est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le port visible de tout signe d'appartenance religieuse ou politique est interdit dans l'enceinte des établissements »

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EXAMEN DU RAPPORT

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La mission a examiné le rapport au cours de sa séance du jeudi 4 décembre 2003 et l'a adopté.

Elle a ensuite autorisé sa publication conformément à l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale.

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CONTRIBUTIONS

CONTRIBUTION DES MEMBRES DE LA MISSION

APPARTENANT AU GROUPE SOCIALISTE76

Ayant sollicité, dès le 20 mai 2003, la mise en place d'une réflexion sur les signes religieux à l'école, le groupe socialiste est satisfait du travail accompli par la mission à laquelle il a pleinement participé.

Il félicite le Président de l'Assemblée nationale d'avoir conduit les travaux de la mission avec détermination, objectivité et tolérance. Il souscrit, sans réserves, aux conclusions de la mission, proposant le recours à la loi comme signe clair et dépourvu d'ambiguïté à ceux qui, dans le système éducatif, sont confrontés à des dérives communautaires bien réelles, dont le voile constitue la partie visible.

Face à la montée du prosélytisme dans les enceintes scolaires, dont tous les acteurs de terrain, entendus par la mission, ont témoigné, la jurisprudence du Conseil d'Etat ne suffit plus. La clarification est devenue indispensable car l'école est un lieu de neutralité au cœur de notre pacte républicain qui doit protéger tous ceux qui la fréquentent.

Pour nécessaire qu'elle soit, la loi ne suffit pas.

Le groupe socialiste considère que les mesures complémentaires évoquées dans le rapport, dont plusieurs émanent de ses membres, ne sont pas séparables de la disposition législative.

Il revient, en effet, à l'école de faciliter l'apprentissage de la laïcité comme fondement de la démocratie.

Le groupe socialiste a conscience qu'une loi de clarification interdisant le port visible des signes religieux, conduira à exclure des élèves de l'enseignement public. C'est bien pourquoi les membres socialistes de la mission ont longtemps hésité avant de se résoudre à une loi.

Néanmoins, ils considèrent que la mise en œuvre du principe d'interdiction nécessite une souplesse, afin de prendre en compte tout à la fois la diversité des situations locales, l'autonomie des établissements et la finalité de l'école de la République qui consiste à intégrer. C'est pourquoi, dans la proposition de loi que le groupe socialiste a déposée, la sanction ne peut intervenir qu'une fois achevé le temps du dialogue, de l'explication, de la pédagogie et de la conviction.

Par ailleurs, on n'insistera jamais assez sur la signification profondément sexiste que recèle le port du voile : les témoignages recueillis par la mission sont éloquents. Nous le disons haut et fort : la société française ne saurait accepter pour quelque motif que ce soit (et, en particulier, religieux, si tel est le cas) que la situation faite aux femmes les place en position d'infériorité ou de dépendance.

C'est bien dès l'école qu'il faut manifester concrètement cette égalité entre hommes et femmes en évitant toute attitude ségrégative.

Si le mandat de la mission était limité, les travaux ont bien fait apparaître que la laïcité dépasse le cadre de l'école. Le très beau et très complet développement sur la valeur de laïcité, son histoire, sa signification profonde dans la société française, le modèle républicain original qu'elle définit le démontre à l'évidence.

Les socialistes soulignent, en conséquence, que la laïcité républicaine est gravement menacée par l'exclusion économique, sociale, culturelle qui touche des couches entières de la population, victimes d'une ségrégation inacceptable.

Il importe donc de compléter le dispositif proposé pour l'école, par une charte de la laïcité définissant un équilibre entre droits et devoirs citoyens, rappelant les règles communes dans l'ensemble de l'espace public.

CONTRIBUTION DES MEMBRES DE LA MISSION

APPARTENANT AU GROUPE U.D.F.77

La constitution par les députés d'une mission d'information sur la question du port des signes religieux à l'école illustre l'importance et la vigueur du débat qui traverse la société française. Les députés du groupe UDF, qui défendent la laïcité comme pilier de la République, mais aussi comme élément déterminant de l'identité personnelle de chacun et de notre vie en société, entendent y apporter leur contribution.

La laïcité est d'abord une valeur qui fonde la République, depuis les débuts du régime républicain. Jules Ferry, dans sa lettre aux instituteurs, le 27 novembre 1883, il y a plus de deux siècles, ne disait pas autre chose. Pour nous, la laïcité permet la liberté de conscience, elle autorise que s'expriment les croyances et les opinions de chacun ; en ce sens, elle rend impossible l'exclusion et le rejet ; elle est donc la garantie, le socle constitutionnel, de la tolérance et du respect dans notre pays.

Ce principe laïque est le résultat d'un long combat. Aujourd'hui, la référence à l'islam de la population immigrée qui habite sur le territoire français pose la question de l'étendue exacte des obligations qui découlent du principe de laïcité. Le principe de laïcité reste d'actualité et nous ne sommes pas favorables à l'élaboration d'une loi.

Le premier élément que nous voulons affirmer, c'est que le voile islamique n'a pas sa place à l'école de la République, pour trois raisons.

Premièrement, le port du voile signifie que la loi de Dieu est supérieure à la loi des hommes, alors que, dans notre société, la loi, dans l'espace public, a un caractère éminemment séculier. Deuxièmement, le port du voile traduit que la femme a, selon le droit islamique, un statut différent du statut de l'homme - et un statut qui, à bien des égards, est inférieur. C'est fondamentalement contraire au principe de notre République.

Troisièmement, le voile a une signification dans l'ordre du désir : il dit qu'il revient à la femme de ne pas provoquer par la seule vue du corps, la seule vue de la chevelure. Faire porter le voile à une femme, c'est donc la considérer d'abord et uniquement comme un objet de désir.

Pour ces trois raisons, le port du foulard islamique ne représente pas uniquement l'expression d'une conviction religieuse, mais, par l'intermédiaire de cette conviction religieuse, il signifie une certaine conception dégradante de la femme, de la société et de l'humanité tout entière.

Nous défendons une conception libérale de la laïcité, selon laquelle toute expression religieuse mérite respect et aucune ne doit chercher à s'imposer aux autres, plutôt qu'une conception plus rigide selon laquelle ces expressions doivent rester strictement confinées à la sphère privée, sans aucune place dans la sphère publique. Faire respecter le principe de laïcité, à l'école, et même au-delà, est donc une nécessité. Mais, selon nous, cela ne passe pas par la voie législative.

En effet, depuis que la première « affaire » du foulard est apparue, à Creil en 1989, les établissements scolaires ont plus ou moins réussi à résoudre ces difficultés, par un dialogue entre les enseignants, les élèves et leurs familles. Il faut également rappeler l'action de la médiatrice de l'Education nationale chargée d'intervenir chaque fois qu'une difficulté était signalée. Surtout, la « circulaire Bayrou », en 1994, a permis de répondre aux interrogations de chefs d'établissements parfois désorientés par la jurisprudence, en recommandant la modification des règlements intérieurs des établissements sur la base d'une distinction entre « signes discrets » et « signes ostentatoires ».

Si cet équilibre subtil entre principe de laïcité et liberté de conscience a été rompu, c'est à l'évidence à cause de facteurs qui n'ont pas grand-chose à voir avec une contestation par les musulmans du principe de laïcité. En effet, entrent en jeu l'aggravation de la crise palestinienne et les luttes d'influence que se livrent, au sein de la communauté musulmane, les modernistes et les fondamentalistes. Opposer au communautarisme identitaire le rempart radical du laïcisme, serait une illusion, de même que, par nostalgie des grands combats anticléricaux de jadis, il serait dangereux de vouloir porter le fer contre une prétendue menace intégriste.

De plus, il ne faut pas oublier que la grande majorité des citoyens d'appartenance musulmane est laïque et refuse souvent d'être désignée par son appartenance culturelle ou même cultuelle.

Un argument juridique nous incite à écarter l'hypothèse d'une loi. De nombreux textes, à commencer par la Constitution, la Déclaration de 1789 et la Convention européenne des droits de l'homme, affirment la liberté de conscience et d'expression. Ainsi la Déclaration des droits de l'homme, dans son article 10, proclame-t-elle que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leurs manifestations ne troublent pas l'ordre public établi par la loi ». Par conséquent, une loi qui, au nom de la laïcité, interdirait strictement toute forme d'expression religieuse, pourrait être traduite devant les juridictions françaises et internationales qui veillent au respect de ces normes juridiques supérieures, et risquerait d'être censurée, déclarée anticonstitutionnelle, ou démentie par la Cour européenne des droits de l'homme. Ne serait-ce pas une honte pour le pays des droits de l'homme ?

Un argument politique nous incite également à ne pas vouloir légiférer sur ce sujet. Nous sommes convaincus qu'il est préférable que les valeurs de la République s'expriment par le dialogue en laissant à ceux qui viennent d'un autre univers culturel le temps de s'adapter et de s'intégrer, au lieu qu'une loi les impose, sans délais et sans discussion.

Les chefs d'établissement souhaitent-ils réellement ajouter à leurs obligations, nombreuses, celles de gardien de la laïcité ? Il serait faux de croire que ce sont eux qui espèrent une loi, puisqu'ils ont déjà le droit - et ils l'exercent - de prohiber tout signe religieux de nature à perturber les enseignements, en particulier le voile. C'est une bonne mesure, qui nous semble suffisante.

Une loi risque par ailleurs d'aller contre l'intégration, en enflammant une exigence d'écoles musulmanes, au risque d'isoler les jeunes filles musulmanes, alors que l'école publique les intègre. Il pourrait en aller de même chez des chrétiens intégristes et des juifs ultra-orthodoxes. Une loi risquerait surtout de contourner l'essentiel, qui est la difficulté véritable des populations arabes, musulmanes ou non, généralement très peu pratiquants, à s'intégrer en France. Le voile et son interdiction ne sont en réalité que les symptômes de l'échec de notre politique d'intégration : le problème n'est, dans le fond, pas tant religieux que culturel et économique.

Enfin, se pose la question des établissements privés sous contrat. Comment pourrait-on supprimer les signes religieux dans les écoles confessionnelles ? Faut-il considérer que les établissements privés sous contrat rendent un service public, puisqu'ils sont financés par l'Etat, de sorte que les enseignants et les élèves doivent respecter le principe de neutralité ? Les élèves de l'enseignement privé sous contrat ne pourraient-ils donc pas afficher leurs convictions religieuses ? Une loi sur la laïcité s'appliquerait-elle à tous les élèves, par souci d'équité envers les religions - dans la mesure où les musulmans n'ont pas encore d'écoles privées sous contrat -, ou bien serait-elle limitée à l'enseignement public ? Une autre difficulté surgit alors : que faire du régime spécifique des départements d'Alsace-Moselle ? Par conséquent, une loi sur les signes religieux dans les établissements scolaires poserait plus de difficultés qu'elle n'en résoudrait.

Nous préconisons tout d'abord de dresser un bilan, afin de connaître, à l'unité près, la situation dans les établissements scolaires. Il est manifeste que très peu d'élèves affichent des symboles religieux dans les écoles. Un interdit ne ferait-il pas croître le nombre d'écolières voilées ?

Ensuite, il faut donner aux équipes pédagogiques le soutien dont elles ont besoin ; nous devons être fermes sur les principes, pour que les chefs d'établissement puissent être souples sur le terrain. Il est essentiel que le texte élaboré soit pratique, c'est-à-dire qu'il soit aisément applicable, pour que les équipes enseignantes ne soient pas désemparées.

Enfin, nous voulons privilégier le règlement plutôt que la loi : il suffirait de reprendre la circulaire Bayrou de 1994, au besoin en y faisant quelques ajouts. Il y était déjà indiqué que les signes ostentatoires étaient en eux-mêmes des actes de prosélytisme. On pourrait ajouter que certains d'entre eux contreviennent en eux-mêmes aux principes qui fondent l'école de la république.

Ainsi la question des signes religieux à l'école pourrait-elle être résolue par l'élaboration d'un code de la laïcité, qui reprendrait, sous une forme simplifiée et solennelle, tous les textes qui fondent l'architecture juridique de la laïcité dans notre pays. Nous excluons en tout cas toute modification de la loi de 1905 de séparation de l'Eglise et de l'Etat : ce serait prendre le risque d'ouvrir une nouvelle période de tensions et d'affrontements. Parce que cette loi a représenté un véritable choc dans la société, il ne faut pas toucher à cette loi, ce qui reviendrait à rouvrir l'abcès. Ces sujets sont toujours aussi passionnels, explosifs et brûlants qu'en 1905, et peut-être même qu'au temps des guerres de religion.

C'est dans le cadre de ce code que nous pourrons trouver des adaptations à la législation, mais qui doivent se limiter à des adaptations. Nous redoutons l'idée d'une loi, qui serait à la fois inutile et dangereuse : il s'agit d'un domaine explosif, qui demande de la réflexion et de la prudence. Le remède risque ainsi d'être pire que le mal.

Sur cette question des signes religieux, toute action doit, selon nous, faire référence à trois principes : le respect conjoint du principe de la laïcité et du principe de la liberté de conscience, le respect de toutes les communautés et le refus du communautarisme, l'affirmation de la non-discrimination et de la primauté de la loi dans l'espace public et notamment à l'école, tout en refusant autant l'intégrisme laïque que l'intégrisme islamiste. Ainsi pourrons-nous réaffirmer à la fois la mission de l'école républicaine, qui n'est pas d'exclure, mais d'intégrer, et le principe de laïcité conçu comme le fondement de notre société et de notre régime républicain.

Enfin, faut-il souligner qu'une fois de plus la France résiste mal à l'idée que par une loi on peut tout régler. Comme s'il suffisait de légiférer pour résoudre un problème. Une fois encore notre pays s'attaque aux conséquences d'un mal plutôt qu'à ses causes. Or c'est sur la cause qu'il faut concentrer toute notre énergie. Le « creuset républicain » est aujourd'hui un mot de tribune pour les hommes politiques en mal d'idées plus qu'une réalité. Il nous appartient de redonner à la France sa capacité d'intégration ; de redonner à chacun un espoir, une place, un horizon dans la société française. Alors la question du voile sera en voie d'être réglée.

CONTRIBUTION DES MEMBRES DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE
DES DÉPUTÉ-E-S COMMUNISTES ET RÉPUBLICAINS
78

La laïcité est un des fondements de notre pacte républicain. Elle appartient au patrimoine idéologique national. Elle ne doit pas être un objet de confrontation politicienne. Elle n'est pas l'apanage de la droite ou de la gauche. Elle est une de nos valeurs clés qui a pris forme peu à peu, en particulier depuis la Révolution et qui donne une identité universaliste particulière qui caractérise notre Etat d'une façon essentielle. Ainsi que l'écrit Régis Debray : « La laïcité n'est pas une option spirituelle parmi d'autres, elle est ce qui rend possible leur coexistence, car ce qui est commun en droit à tous les hommes doit avoir le pas sur ce qui les sépare en fait ».

La laïcité doit, dans cet esprit, être traduite dans les faits de manière permanente et vigilante. Dans les établissements d'enseignement, le principe de laïcité est une protection nécessaire pour tous les acteurs de la communauté éducative. La liberté d'expression reconnue aux élèves dans les collèges et les lycées par l'article L. 511-2 du code de l'Education ne saurait être interprétée comme la possibilité de reproduire les conflits et les difficultés de notre société dans les établissements.

La liberté d'expression reconnue à chaque élève trouve sa limite dans le respect de la liberté des autres élèves. Le port de signes religieux à l'école est, pour certains intégristes - à quelque religion qu'ils appartiennent - une composante d'une stratégie de remise en cause globale de la laïcité.

Il est donc nécessaire de clarifier le droit et de rétablir ainsi une cohérence nationale - la jurisprudence n'y ayant pas contribué de manière satisfaisante - en fournissant des éléments précis aux chefs d'établissement et aux enseignants. C'est la responsabilité spécifique du législateur.

Le principe de laïcité doit s'appliquer à l'ensemble du service public de l'éducation, que l'enseignement soit dispensé dans des établissements d'Etat ou dans des établissements sous contrat financés par les fonds publics. Ces établissements sont appelés, les uns et les autres, dans les mêmes conditions, à bénéficier de toute disposition législative nouvelle.

CONTRIBUTION DE M. BRUNO BOURG-BROC,
MEMBRE DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE U.M.P.

Le rapport qui nous est soumis est le reflet fidèle des auditions et des impressions ressenties par la majorité, voire la totalité des membres de la mission.

Pour autant, et même si j'approuve le Président Debré dans l'essentiel de ses affirmations, notamment lorsqu'il dit que le Parlement n'a pas à se justifier de légiférer, je ne partage pas les conclusions du rapport.

Le débat sur la laïcité, d'une manière générale, et à l'école publique en particulier se pose aujourd'hui, dans des termes différents qu'en 1905. Cependant, l'équilibre qui s'est institué progressivement est délicat, et tout geste qui tendrait à le remettre en cause constitue un danger potentiel pour l'équilibre de notre société. La laïcité n'est pas négociable, affirmait le Président de la République, et il avait raison mais s'il doit y avoir laïcité de l'Etat, la société, elle, n'est pas laïque.

Or, l'école n'est plus un milieu protégé. N'a-t-on pas coutume de dire qu'elle est la « caisse de résonance » des problèmes de la société ?

Le voile auquel ne doit pas être réduit le port des insignes religieux à l'école, ne peut être considéré comme un simple signe d'appartenance religieuse. De très nombreux interlocuteurs, au premier rang desquels Mme Chérifi, médiatrice nationale pour le problème du voile, nous ont répété qu'il n'était pas un signe religieux, puisqu'il n'y a pas de signe religieux dans l'islam. Alors à quoi bon interdire les signes religieux ou politiques, dès lors que l'on nous affirmerait demain que son port n'a pas de signification religieuse ou politique et qu'en conséquence son interdiction n'a pas lieu d'être ?

Une loi pour être la loi doit être respectée. En a-t-on dans ce domaine le pouvoir ? Je suis convaincu que la liberté de toute personne est un bien indivisible ; ses convictions quelles qu'elles soient doivent être respectées et laissées libres de s'exprimer pourvu qu'elles ne limitent pas la liberté d'autrui et ne troublent pas l'ordre public.

Or, c'est à l'école que doivent s'apprendre aussi la tolérance, le respect d'autrui, l'écoute des autres, le droit à la différence. On ne s'inquiète pas assez de la dictature des « marques » ou des « modèles de société », véhiculée par les modes vestimentaires (nombrils à l'air, strings visibles, piercings visibles). N'y a-t-il pas dans tout cela des expressions qui jouent sur le moral de la nation ou sur la vie de la société bien plus profondément que les expressions « religieuses » ?

Dans une école, lieu d'apprentissage de savoir et de comportement, que beaucoup rêvent égalitaire, n'y aurait-il pas lieu d'établir une première forme d'égalité sociale avec le port d'une tenue, non obligatoirement assimilable à l'uniforme ringard d'autrefois, mais qui pourrait être au contraire un objet de fierté pour les jeunes par rapport à leur établissement ? On imagine en regardant l'exemple des compétitions sportives le résultat qu'on pourrait en tirer.

Je regrette que la mission n'ait pas suffisamment exploré cette piste avec le présupposé que notre culture nationale exclut d'emblée ce qui est pourtant, aux yeux de certains, une solution.

En résumé, la loi ne me paraît pas être la solution, car elle signifie pour une part le rejet, l'exclusion, la stigmatisation. Comment ne pas voir le risque que prendrait la République de faire des « martyrs » en s'opposant à une pratique « religieuse » pour certains, identitaire pour d'autres ?

Si j'établis des degrés dans mon refus de la loi, la disposition législative à l'intérieur d'une loi consacrée à l'Education rappelant un certain nombre de principes me paraît moins dangereuse qu'une loi spécifique qu'il faut éviter absolument. Mais dans ce cas le rappel des principes républicains dans le code de l'Education ou dans un livret pratique comme l'envisage le ministre de l'éducation nationale n'est-il pas suffisant ?

En revanche, l'absence de distinction entre le port « ostentatoire » et le port « ordinaire », même si cela paraît plus simple pour une éventuelle interprétation ne me paraît pas justifiée. L'ostentation a, de toute évidence, une autre signification que celle d'un port discret et cette piste me paraît être une fausse bonne idée, dangereuse potentiellement pour les libertés individuelles.

A l'évidence, toute autre disposition qui mettrait en cause le caractère propre - reconnu par la Constitution - de l'enseignement privé sous contrat ne me paraît pas admissible. Mais je ne fais que le rappeler, compte tenu de l'abandon total de cette proposition par la mission.

Enfin, puis-je souligner que nous avons une Histoire spécifique à notre pays. Si la laïcité - conçue comme une philosophie de tolérance, de neutralité et non comme un instrument idéologique de combat - est aujourd'hui un des principes fondateurs de la République, nous avons des racines spirituelles, culturelles, judéo-chrétiennes. Nous aurions tort de vouloir les méconnaître et les ignorer.

Pour toutes ces raisons, je m'abstiendrai dans le vote du rapport qui nous est proposé.

CONTRIBUTION DE   M. lionnel luca
MEMBRE DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE U.M.P.

 J'ai souhaité, à travers les entretiens que j'ai pu avoir avec les représentants du monde de l'éducation dans ma circonscription, me faire l'interprète de leurs préoccupations :

Pour le monde religieux catholique, la France n'est pas une terre vierge, elle a un passé, une histoire. Le clergé exprime sa crainte d'une loi « rouleau compresseur » qui ne tienne pas compte de l'histoire ; il souhaite que l'on distingue les vêtements du culte des signes religieux ; si le voile est un signe strictement religieux, cela n'est pas dérangeant, sauf s'il y a autre chose sur le plan politique et social. Des réticences se sont exprimées contre une loi, par crainte de régression.

Pour les chefs d'établissement, une loi n'est pas nécessaire. Un aménagement des textes serait un moyen pour les filles musulmanes de refuser la soumission que leur impose le voile. Le voile est considéré comme une atteinte à la dignité de la femme ; en effet, il faut distinguer le voile qui n'est pas la même chose que la croix ou la kippa, sachant que la croix peut être portée aussi bien par les filles que par les garçons.

Au nom de toutes les différences, on ne peut pas accepter que des communautarismes imposent leur vue car cela ne peut se faire qu'au détriment des autres. S'il y a une loi, le problème se posera de la scolarité obligatoire en cas d'application stricte de celle-ci.

Pour les parents d'élèves de confession musulmane, l'islam n'a jamais dit de porter le voile et dans un certain nombre de pays musulmans, le voile n'est pas autorisé dans les lieux publics. Les parents d'élèves considèrent que le voile est une régression.

 

CONTRIBUTION DE M. JACQUES MYARD,
MEMBRE DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE U.M.P.

J'approuve les conclusions de la mission sur le port des signes religieux et politiques à l'école et sur la modification législative qui est proposée.

Le principe d'interdiction du port visible de tout signe d'appartenance religieuse ou politique est en effet de nature à mettre un terme à la dérive politico-communautariste actuelle.

Il va de soi cependant qu'un tel principe d'interdiction ne doit pas faire obstacle au port discret d'un petit pendentif quel qu'il soit. Il reviendra au décret d'application de la loi de le préciser.

Je regrette qu'il n'y ait pas eu de consensus pour les écoles privées sous contrat, même si une majorité s'est dégagée pour que ces établissements privés suivent la même règle que les établissements publics.

Cela est d'autant plus logique qu'il est clairement apparu que le voile n'est que la face émergée d'un statut minoritaire de la femme incompatible avec les lois d'ordre public de la République. De surcroît, les activistes qui instrumentalisent ces jeunes filles veulent aller beaucoup plus loin en imposant leur dogme religieux aux lois de la République.

Dans ces conditions, comment peut-on concevoir et admettre que les écoles privées sous contrat qui appliquent les programmes de l'Education nationale puissent se rendre complices de ces activistes fondamentalistes en étant aveugles à leur prosélytisme ?

Je suis certain que ces établissements privés sous contrat en prendront conscience et appliqueront sans faiblir, dans leur intérêt bien compris, les lois de la République.

CONTRIBUTION DE MME MICHÈLE TABAROT,
MEMBRE DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE U.M.P.

Je m'associe pleinement à l'option choisie par la mission d'introduire une disposition législative, simple, brève et claire et le moins possible sujette à interprétation visant à interdire le port de signes religieux dans les établissements scolaires.

_Pourquoi une loi est-elle nécessaire ?

A mon sens, une intervention législative est nécessaire pour trois raisons majeures :

- Il faut répondre à l'attente très forte exprimée par les chefs d'établissement d'un cadre juridique clair leur permettant de prendre des décisions incontestables.

Il est regrettable aujourd'hui, du fait de l'absence de règle précise, que les chefs d'établissement rendent leur décision au cas par cas, selon leur interprétation et leur sensibilité.

Ils ont clairement exprimé qu'ils ne souhaitent plus assumer ce rôle et demandent, pour la plupart, que le législateur prenne ses responsabilités.

Dans ma circonscription, j'ai recueilli l'expérience et l'avis de l'ensemble des proviseurs et principaux, qui pour nombre d'entre eux ont été confrontés au cours de leur carrière à ce problème.

Pour environ 90 %, l'avis du Conseil d'Etat et la circulaire ministérielle ne sont pas suffisants et ne permettent pas de répondre aux problèmes posés. Environ 80 % souhaitent donc une loi pour clarifier les règles.

- Le voile islamique est le symbole d'une discrimination à l'égard des femmes.

Il ne faut pas éviter de porter un jugement sur la signification du voile pour la condition de la femme.

Le voile renvoie à une restriction de la mixité, de la liberté individuelle, et met à mal l'égalité des sexes.

Si le port du voile est une prescription religieuse, une obligation pour les femmes, celui-ci est contraire aux principes fondateurs de notre République.

Accepter le port du voile au nom de la lutte contre les préjugés islamophobes n'est pas une démarche de tolérance.

C'est devenir le complice d'une lecture intégriste du Coran contre laquelle de nombreuses femmes musulmanes se battent.

En ce sens, le voile ne doit pas être accepté dans l'enceinte de l'école qui doit rester le lieu de transmission des valeurs conformes à l'esprit des droits de l'homme.

De nombreuses jeunes filles portent le voile par contrainte d'un environnement souvent très pressant.

Certaines jeunes filles voilées sont ainsi manipulées par ces organisations qui font d'elles le « cheval de Troie » d'un islam conquérant.

Certaines le portent par choix mais comment pouvons nous mesurer la liberté de ce choix à un âge où l'on est sensible aux influences du monde adulte et de la tradition ?

Interdire le port du voile à l'école, c'est donc aussi apporter une aide à ces jeunes filles que certains fondamentalistes veulent plonger dans l'exclusion.

En aucun cas, nous ne pouvons cautionner l'action de ceux qui obligent à la soumission et qui souhaitent signifier à notre société leur conception de l'inégalité de la femme.

- Il faut adresser un signe très fort aux fondamentalistes qui menacent la République.

Au cours des auditions, nous avons pu mesurer le développement, en France, d'un intégrisme islamiste qui se veut prosélyte et actif.

Cette menace n'apparaît pas forcément au grand jour et se drape dans la vertu démocratique et la liberté d'expression.

De nombreuses associations très organisées se développent, en particulier dans certaines banlieues au contexte social difficile.

Elles encouragent la pratique d'un islam radical ayant pour objectif de déstabiliser les valeurs qui fondent notre société.

Cette menace est réelle et inquiétante.

Le législateur se doit de réagir sur la question du port du voile à l'école car elle est au cœur d'une opposition entre les laïques et ceux dont l'objectif est que la religion puisse se substituer à une loi égale pour tous.

_Concernant le champ d'application d'une mesure législative d'interdiction

Pour être totalement efficace, cette interdiction doit être généralisée à l'ensemble des composantes de l'Education nationale : les établissements publics d'enseignement bien évidemment mais aussi les établissements privés sous contrat avec l'Etat.

C'est une nécessité pour plusieurs raisons :

- Les établissements privés sous contrat sont des partenaires de l'Etat et participent à ce titre au service public de l'Education nationale, ils doivent donc appliquer les mêmes règles.

- L'allocation de fonds publics par l'Etat à ces établissements implique le respect de certains principes républicains fondamentaux : le respect de l'égalité, la liberté.

- Le contrat avec l'Etat implique que tous les enfants qui le souhaitent, quelle que soit leur confession ou leur croyance, doivent être accueillis dans les établissements privés sous contrat.

Une interdiction circonscrite aux établissements publics risque de pousser de nombreuses jeunes filles à se tourner vers les établissements privés sous contrat.

Le regroupement dans certains établissements privés de ces jeunes filles dissuadera probablement de nombreuses familles de laisser leurs enfants dans ces établissements.

Le risque est donc réel de simplement déplacer le problème et de créer, à terme, des écoles communautaristes subventionnées par l'Etat.

Conclusion :

La mission avait pour objectif de réaliser un état des lieux et de faire des propositions sur la question du port des signes religieux à l'école.

Au cours de nos travaux, il est clairement apparu que le problème posé à l'école se pose de la même manière dans de nombreux services publics.

L'école n'est malheureusement pas le seul lieu de revendication des fondamentalistes et de ceux qui souhaitent une discrimination à l'égard des femmes.

Les personnels des hôpitaux, des installations sportives, des palais de Justice, des transports en commun sont confrontés aux mêmes demandes de traitement particulier.

Cette dérive est inacceptable et les personnels concernés se sentent souvent dépourvus de moyens d'agir.

Il est donc indispensable que l'action qui sera engagée pour le respect de la laïcité à l'école soit étendue avec la même fermeté dans l'ensemble de la sphère publique.

CONTRIBUTION DE
MME MARIE-JO ZIMMERMANN ET DE M. YVES JEGO, MEMBRES DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE U.M.P.

Il aurait été préférable de retenir le terme d'« ostentatoire » plutôt que celui de « visible » dans l'article unique de la proposition de modification législative, et il est vivement souhaitable que le futur débat parlementaire aille dans ce sens.

Il importe également d'accompagner cette proposition en expliquant quel est son objectif - qui n'est pas de remettre en cause la loi de 1905 - afin d'éviter une hostilité regrettable à cette mesure.

CONTRIBUTION DE M. CHRISTIAN BATAILLE,
MEMBRE DE LA MISSION APPARTENANT
AU GROUPE SOCIALISTE.

Peu à peu, le principe de laïcité et la défense de l'école laïque sont beaucoup moins source de polémiques et de conflits et apparaissent aujourd'hui comme un véritable principe national, un socle républicain. L'interdiction des signes religieux visibles dans les établissements d'enseignement est désormais une opinion presque consensuelle.

Parce qu'ils sont sous contrat avec l'Etat, la très grande majorité des établissements privés d'enseignement devraient être soumis aux mêmes obligations que l'école publique. Par conséquent, la règle d'interdiction de tout signe visible d'appartenance religieuse ou politique devrait concerner les écoles privées qui participent du service public d'enseignement. Dans le cas contraire, on peut craindre que les écoles privées ne deviennent le refuge des intégrismes religieux.

L'enseignement du fait religieux que prône le ministre de l'éducation nationale est redondant par rapport au contenu des enseignements aujourd'hui. Par contre, ce dont l'école a besoin, aujourd'hui, c'est d'un enseignement de la laïcité, afin d'inculquer à nouveau une véritable morale laïque et républicaine.

A deux ans du centenaire de la loi de 1905, les principes de laïcité de notre République n'ont pas pris une ride.

CONTRIBUTION DE M. JEAN GLAVANY,
MEMBRE DE LA MISSION APPARTENANT
AU GROUPE SOCIALISTE.

I.- Le principe de laïcité ne saurait se résumer à cette proposition législative.

Il y a, semble-t-il, une formidable contradiction, à moins que ce soit une incohérence majeure dans le rapport de la mission entre le très beau et le très complet développement - développement fort riche, fruit d'un travail exemplaire - sur la valeur de laïcité, son histoire, sa signification profonde dans la société française, le modèle républicain original qu'elle définit.... et le caractère partiel et ponctuel de la proposition de loi issue des travaux de la mission.

L'explication est simple : la laïcité ne se résumant pas à l'interdiction du port de signes religieux à l'école, interdire ceux-ci - aussi nécessaire que cela soit - ne suffit pas à réaffirmer le principe de laïcité.

C'est pourquoi l'affichage de l'objectif d'une réaffirmation - politique et symbolique - par la loi du principe de laïcité à l'école, reprise plusieurs fois dans la 4ème partie du rapport, apparaît comme excessivement ambitieux.

Encore une fois, la laïcité ne saurait se résumer à ce problème ponctuel. Tout ce qui est écrit avant le montre. Et laisser ces phrases en l'état prouverait qu'on n'a rien d'autre à dire sur la laïcité.

C'est pourquoi, il paraîtrait nécessaire d'écrire ces phrases autrement :

« Affirmer par la loi que l'application concrète du principe de laïcité nécessite, notamment aujourd'hui, d'interdire clairement et fermement le port visible de signes religieux dans nos écoles »

ou bien

« L'application du principe de laïcité nécessite une réaffirmation claire dans un domaine où elle est discutée ».

II.- L'absence du temps du dialogue.

D'autre part, il est à craindre vivement qu'une telle loi soit utilisée trop rapidement par des chefs d'établissement pour sanctionner sans coup féru les élèves portant un voile et les exclure. Or, la mission de l'école de la République est d'intégrer, pas d'exclure. C'est pourquoi il parait indispensable de préciser dans la loi que le temps du dialogue, de la pédagogie, de la conviction, doit précéder une éventuelle sanction.

III.- L'exclusion du dispositif de l'Alsace-Moselle, de plusieurs T.O.M. et des établissements privés sous contrat qui bénéficient d'une délégation de service public crée une inégalité des citoyens devant la loi qui paraît très contestable quand il s'agit de réaffirmer l'application d'un principe républicain. La République s'arrêterait-elle à ces portes ? Il faudrait, pour le moins, affirmer que l'idéal serait que la République soit une et indivisible aussi pour l'application concrète de la laïcité et que seul le principe de réalité et la volonté de ne pas rallumer de guerres inutiles nous obligent à ne pas être plus ambitieux.

GLOSSAIRE

APHG Association des professeurs d'histoire et de géographie

BOLIM Bureau de la ligue islamique mondiale

BTS Brevet de technicien supérieur

CAPES Certificat d'aptitude pédagogique à l'enseignement secondaire

CCMTF Comité de coordination des musulmans turcs de France

CE Conseil d'Etat

CELSA Centre d'études littéraires des sciences appliquées

CFCM Conseil français du culte musulman

CGT Confédération générale du travail

CNAL Comité national d'action laïque

CNRS Centre national de recherche scientifique

CPE Conseiller principal d'éducation

CRIF Conseil représentatif des institutions juives de France

DCRG Direction centrale des renseignements généraux

DESCO Direction de l'enseignement scolaire

DESS Diplôme d'études supérieures spécialisées

DEUG Diplôme d'enseignement universitaire général

DST Division de la sécurité du territoire

ECJS Education civique, juridique et sociale

EHSS Ecole des hautes études en sciences sociales

ENA Ecole nationale d'administration

EPS Education physique et sportive

FCPE Fédération des conseils de parents d'élèves

FEN Fédération de l'Education nationale

FERC Fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture

FIS Front islamique du salut

FLN Front de libération nationale

FNMF Fédération nationale des musulmans de France

FO Force ouvrière

FSU Fédération syndicale unitaire

HCI Haut conseil à l'intégration

IEP Institut d'études politiques

IUFM Institut universitaire de formation des maîtres

LICRA Ligue contre le racisme et l'antisémitisme

MRAP Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples

ONU Organisation des Nations unies

PEEP Association des parents d'élèves de l'enseignement public

PEGC Professeur d'enseignement général des collèges

RG Renseignements généraux

SE Syndicat d'enseignants

SIEC Service interacadémique des examens et concours

SNES Syndicat national des enseignants du second degré

SNPDEN Syndicat national des personnels de direction de l'Education nationale

SNUIPP Syndicat national unitaire des instituteurs et des professeurs d'école et des Pegc

SRPJ Service régional de la police judiciaire

SVT Sciences et vie de la Terre

UBF Union bouddhiste de France

UFAL Union des familles laïques

UNAPEL Union nationale des parents d'élèves de l'enseignement libre

UNSA Union nationale des syndicats autonomes

UOIE Union des organisations islamiques européennes

UOIF Union des organisations islamiques de France

ZEP Zone d'éducation prioritaire

ZUS Zone urbaines sensibles

ANNEXES

Annexe 1 : Sondage BVA : l'opinion publique en question : le port de signes religieux

Annexe 2 : Forum d'expression sur le port des signes religieux à l'école (site internet de l'Assemblée nationale)

Annexe 3 : Tableau comparatif sur le port des signes religieux dans les autres pays de l'Union européenne, au Québec et dans quelques pays musulmans (étude du ministère des affaires étrangères, effectuée à la demande de la mission)

Annexe 4 : Note de la direction des Affaires juridiques du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur le port de signes d'appartenance religieuse dans les établissements publics (10 mars 2003)

LISTE DES PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES

M. Rémy SCHWARTZ, maître des requêtes au Conseil d'Etat (séance du 11 juin 2003)

Mme Hanifa CHÉRIFI, chargée de mission auprès de M. le ministre de l'éducation nationale et de la recherche, médiatrice auprès des établissements d'enseignement pour les problèmes liés au port du voile (séance du 11 juin 2003)

Mme Elisabeth ROUDINESCO, psychanaliste (séance du 11 juin 2003)

M. Vianney SEVAISTRE, conseiller technique chargé des affaires cultuelles au cabinet de M. Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et chef du bureau central des cultes, et de Mme Emmanuelle MIGNON, conseillère juridique au cabinet de M. Sarkozy (séance du 17 juin 2003)

M. Dominique BORNE, doyen de l'inspection générale de l'Education nationale et de M. Yvon ROBERT, chef de service de l'inspection générale de l'administration de l'Education nationale et de la recherche, co-présidents du comité national de réflexion et de propositions sur la laïcité à l'école (séance du 24 juin 2003)

M. Philippe GUITTET, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l'Education nationale (SNPDEN), de M. Pierre RAFFESTIN, responsable de la commission laïcité du SNPDEN et de Mme Marie-Ange HENRY, secrétaire académique de Paris et proviseur du lycée Jules-Ferry (séance du 25 juin 2003)

M. Jean-Paul de GAUDEMAR, directeur de l'enseignement scolaire, responsable des établissements publics et des établissements privés sous contrat (séance du 25 juin 2003)

Mme Thérèse DUPLAIX, proviseure du lycée Turgot de Paris 3ème, Mme Micheline RICHARD, proviseure du lycée professionnel Ferdinand Buisson d'Ermont dans le Val-d'Oise, Mme Elisabeth BORDY, proviseure du lycée Léonard de Vinci de Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis, M. Pierre COISNE, principal du collège Auguste Renoir d'Asnières dans les Hauts-de-Seine, M. Régis AUTIÉ, directeur d'école élémentaire à Antony dans les Hauts de Seine, M. Olivier MINNE, proviseur du lycée Henri Bergson de Paris 19ème (séance du 1er juillet 2003)

M. Abdallah-Thomas MILCENT, médecin, auteur de l'ouvrage « Le foulard islamique et la République française, mode d'emploi » (séance du 1er juillet 2003)

MM. André LESPAGNOL, recteur de l'académie de Créteil, Daniel BANCEL, recteur de l'académie de Versailles, Paul DESNEUF, recteur de l'académie de Lille, Alain MORVAN, recteur de l'académie de Lyon, Gérald CHAIX, recteur de l'académie de Strasbourg, et Mme Sylvie SMANIOTTO, représentant M. Maurice Quenet, recteur de l'académie de Paris, chef de cabinet du recteur, magistrate, chargée des problèmes de communautarisme à l'école (séance du 8 juillet 2003)

M. Yves BERTRAND, directeur central des Renseignements généraux (séance du 9 juillet 2003)

M. Roland JOUVE, chargé des questions cultuelles au cabinet de M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire (séance du 15 juillet 2003)

M. Farid ABDELKRIM, membre de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), accompagné de M. Charafeddine MOUSLIM, M. Yamin MAKRI, membre du Collectif des musulmans de France, accompagné de M. Fouad IMARRAINE, Mme Malika AMAOUCHE, militante féministe, Mme Malika DIF, écrivain, M. Bruno ETIENNE, directeur de l'observatoire du religieux à l'IEP d'Aix-en-Provence, Mme Françoise GASPARD, universitaire, Mme Dounia BOUZAR, chargée de mission à la protection judiciaire de la jeunesse (séance du 16 septembre 2003)

M. Mohamed ARKOUN, professeur émérite d'histoire de la pensée islamique de la Sorbonne Paris III, Mme Jeanne-Hélène KALTENBACH, essayiste, co-auteur de l'ouvrage « La République et l'islam », Mme Bétoule FEKKAR-LAMBIOTTE, personnalité qualifiée membre du Comité de conservation du patrimoine cultuel, M. Abdelwahab MEDDEB, professeur de littérature comparée à Paris X, auteur de l'ouvrage « Les maladies de l'Islam », Mme Camille LACOSTE-DUJARDIN, ethnologue spécialisée dans l'Afrique du Nord, auteur de l'ouvrage « Les filles contre les mères », M. Antoine SFEIR, directeur de la rédaction des « Cahiers de l'Orient », auteur de l'ouvrage « L'argent des islamistes », Mme Wassila TAMZALI, avocate, présidente du forum des femmes de la Méditerranée-Algérie et M. Slimane ZEGHIDOUR, journaliste à « La Vie », auteur de l'ouvrage « Le voile et la bannière » (séance du 17 septembre 2003)

M. Michel MORINEAU, créateur de la commission « laïcité et islam », Mme Fadela AMARA, présidente de la Fédération des maisons des potes, Mme Aline SYLLA et M. Khakid HAMDANI, membres du Haut conseil à l'intégration, MM. Michel TUBIANA et Driss EL-YAZAMI, président et vice-président de la Ligue des droits de l'homme, Jean-Michel DUCOMTE, président de la Ligue de l'enseignement, M. Richard SERERO, représentant de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), M. Mouloud AOUNIT, secrétaire général et Mme Monique LELOUCHE, responsable du secteur éducation du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples (MRAP), et MM. Dominique SOPO et Mamadou GAYE, président et secrétaire général de SOS Racisme (séance du 24 septembre 2003)

M. Georges DUPON-LAHITTE, président et M. Faride HAMANA, secrétaire général de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), Mme Lucille RABILLER, secrétaire générale de l'association des Parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP), M. Bernard TEPER, président de l'Union des familles laïques (UFAL), Mme Véronique GASS, vice-présidente et M. Philippe de VAUJUAS, membre du bureau national de l'Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (UNAPEL) (séance du 24 septembre 2003)

MM. Daniel ROBIN et Gérard ASCHIERI, Fédération syndicale unitaire (FSU), Mme Françoise RAFFINI, membre du bureau fédéral et M. Thomas JANIER, membre de la direction fédérale de la Fédération de l'éducation de la recherche et de la culture-CGT (FERC-CGT), M. Hubert RAGUIN, secrétaire fédéral de Force Ouvrière enseignement (FO-Enseignement), M. Jean-Louis BIOT, secrétaire national du Syndicat des enseignants-membre de l'Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA), M. Hubert DUCHSCHER, secrétaire national du Syndicat national unitaire des professeurs d'école (SNUIPP), Mme Stéphanie PARQUET-GOGOS, secrétaire générale du Syndicat Sud-Education du Cher, M. Hubert TISON, secrétaire général de l'Association des professeurs d'histoire et de géographie (APHG), M. Patrick GONTHIER, secrétaire général de l'UNSA-Education (séance du 30 septembre 2003)

M. Michel BOULEAU, magistrat près du tribunal administratif de Paris (commissaire du gouvernement dans l'arrêt Kherouaa) (séance du 1er octobre 2003)

M. Claude DURAND-PRINBORGNE, juriste de droit public, ancien responsable de l'enseignement scolaire et ancien recteur, spécialiste des aspects juridiques de la laïcité et de M. Michele DE SALVIA, jurisconsulte auprès de la Cour européenne des droits de l'homme (séance du 7 octobre 2003 )

M. Dalil BOUBAKEUR, président du Conseil français du culte musulman (CFCM) et recteur de la Grande Mosquée de Paris (séance du 8 octobre 2003)

M. Fouad ALAOUI, vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM), secrétaire général de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) et de M. Okacha Ben Ahmed Daho, secrétaire général adjoint de l'UOIF (séance du 8 octobre 2003)

M. Mohamed BECHARI, vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM), président de la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) (séance du 8 octobre 2003)

M. Mohsen ISMAÏL, théologien et sociologue de l'islam, et M. Haydar DEMIRYUREK, secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM) et responsable du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF) (séance du 8 octobre 2003)

M. Mohamed BENELMIHOUB, président de la confrérie musulmane Tidjania (séance du 9 octobre 2003)

Mlle Kaïna BENZIANE, de Mme Annie SUGIER, présidente de la Ligue internationale des droits de la femme et de Me Linda WEIL-CURIEL, avocate de la Ligue (séance du 9 octobre 2003)

Monseigneur Jean-Paul JAEGER, évêque d'Arras, président de la commission « éducation, vie et foi des jeunes » de la Conférence des évêques de France (séance du 14 octobre 2003)

M. Pierre CRÉPON président de l'Union bouddhiste de France (UBF) (séance du 15 octobre 2003)

M. Jean-Arnold de CLERMONT, représentant de la Fédération protestante de France (séance du 15 octobre 2003)

M. le Grand Rabbin Alain SENIOR, représentant du Grand Rabbinat de France (séance du 15 octobre 2003)

M. Jean-Yves GOEAU-BRISSONIERE, grand maître honoris causa de la Grande Loge de France, Mme Marie-Françoise BLANCHET, grande maîtresse de la Grande Loge féminine de France, Mme Marie-Danielle THURU, grand maître de la Grande Loge féminine Memphis-Misraïm, Mme Marcelle CHAPPERT, présidente de la Grande Loge mixte de France, Mme Anne-Marie DICKELE, présidente de la Grande Loge mixte universelle, M. Jean-Pierre PILORGE, grand secrétaire de la Grande Loge nationale française, M. Michel FAVIER, grand secrétaire-adjoint de la Grande Loge traditionnelle et symbolique Opéra, M. Albert MOSCA, grand maître adjoint du Grand Orient de France, Mme Marie-Noëlle CHAMPION-DAVILLER, président du conseil national de la fédération française de l'Ordre maçonnique mixte international - Le droit humain (séance du 21 octobre 2003)

M. Sylvain FAILLIE, principal du collège Jean Rostand de Trélazé dans le Maine-et-Loire, M. Jean-Paul FERRIER, principal du collège Léo Larguier de La Grand'Combe dans le Gard, M. Eric GEFFROY, principal du collège Jean Monet de Flers en Basse-Normandie, M. Armand MARTIN, proviseur du lycée Raymond Queneau de Villeneuve-d'Ascq dans le Nord, M. Roger POLLET, proviseur du lycée Jean Moulin d'Albertville en Savoie, M. Michel PARCOLLET, proviseur du lycée Faidherbe de Lille dans le Nord, M. Jean-Paul SAVIGNAC, proviseur du lycée Colbert de Marseille dans les Bouches-du-Rhône et M. Philippe TIQUET, proviseur du lycée Voltaire d'Orléans dans le Loiret Mme Stanie LOR SIVRAIS, proviseur du lycée La Martinière-Duchère de Lyon dans le Rhône (séance du 22 octobre 2003)

M. Roger ERRERA, conseiller d'Etat honoraire (séance du 28 octobre 2003)

M. Jean CHAMOUX, directeur du collège privé Saint-Mauront et Melle Chantal MARCHAL, directrice de l'école primaire privée Saint-Mauront de Marseille dans les Bouches-du-Rhône, Mme Barbara LEFEBVRE, enseignante agrégée d'histoire géographie, co-auteur de l'ouvrage des enseignants « Les territoires perdus de la République », M. Makhlouf MAMECHE, directeur-ajoint du collège musulman Averroès de Lille dans le Nord, acompagné de M. Lasfar AMAR, recteur de la mosquée Lille-sud, M. Jean-Claude SANTANA, porte-parole des enseignants du lycée public La Martinière-Duchère de Lyon dans le Rhône, accompagné de M. Roger SANCHEZ, M. Alain TAVERNE, principal du collège privé épiscopal Saint-Etienne de Strasbourg dans le Bas-Rhin, M. Shmuel TRIGANO, sociologue et professeur des universités (séance du 29 octobre 2003)

Monseigneur Fortunato BALDELLI, Nonce apostolique (compte rendu non publié)

M. Ronny ABRAHAM, conseiller d'Etat, directeur des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères (séance du 5 novembre 2003)

M. Luc FERRY, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et de M. Xavier DARCOS, ministre délégué à l'enseignement scolaire (séance du 12 novembre 2003)

M. Nicolas SARKOZY, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (séance du 19 novembre 2003)

Consulter le compte rendu de ces auditions

Rapport n° 1275 de M. Jean-Louis Debré sur la question du port des signes religieux à l'école

1 Décision DC n° 77-87 du 23 novembre 1977 

2 Conseil d'Etat, 19 février 1909, Abbé Olivier, Rec. Lebon p. 181

3 Le Conseil d'Etat a ainsi jugé que des médecins qui ont choisi de procéder à la transfusion d'un patient en vue de tenter de le sauver, en dépit de son refus de se voir administrer des produits sanguins pour des motifs religieux, ne commettaient pas de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat (Conseil d'Etat, 12 octobre 2001, Mme X).

4 David Kessler « la laicité » ( Pouvoirs », janvier 2002)

5 « la seule mention de la laïcité à l'article 7 de la Loi fondamentale allemande ne vise que les écoles laïques, qui sont une catégorie particulières d'écoles publiques » (David Kessler « la laïcité » « Pouvoirs », janvier 2002)

6 Maurice Hauriou : « Principes de droit public »

7 Audition du 26 octobre 2003

8 Conseil d'Etat, 8 novembre 1985, ministre de l'éducation nationale c/ Rudent. Cet arrêt est cependant antérieur à la loi d'orientation sur l'Education du 10 juillet 1989 qui a réaffirmé la liberté d'expression des élèves.

9 Tribunal des conflits, 2 juin 1908, Morizot : à propos d'un instituteur qui avait déclaré à ses élèves « ceux qui croient en Dieu sont des imbéciles ».

10 Audition du 11 juin 2003

11 Conseil d'Etat, 2 novembre 1992, M. Kherouaa et Mme Kachour, M. Balo et Mme Kizic

12 Conseil d'Etat, 14 mars 1994, Yilmaz

13 Conseil d'Etat, 10 mars 1995, M. et Mme Aoukili

14 Conseil d'Etat, 27 novembre 1996, M. et Mme Wissaadane et M. et Mme Hossein Chedouane

15 Conseil d'Etat, 20 octobre 1999, ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie c/ M. et Mme Ait Ahmad

16 Conseil d'Etat, 27 novembre 1996, Ligue islamique du Nord

17 Conseil d'Etat, 27 novembre 1996, M. et Mme Tlaouziti

18 Audition du 7 octobre 2003

19 « Le juge ne se préoccupe pas des petites affaires »

20 M. Yann Aguila, commissaire du gouvernement : conclusions sur les arrêts du 14 avril 1995, Consistoire des israélites de France et autres, et Koen

21 Conseil d'Etat, Assemblée, 14 avril 1995, Consistoire des israélites de France et autres, et Koen

22 Audition du 1er octobre 2003.

23 Suite à une demande d'avis du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en application de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987

24 Conseil constitutionnel, décision n° 86-217 du 18 septembre 1986, « liberté de communication »

25 Tribunal administratif de Paris, 17 octobre 2002, Mme Villalba

26 Audition du 11 juin 2003

27 Cour européenne des droits de l'homme, 15 février 2001, Dahlab c/ Suisse

28 Audition du 15 juillet 2003

29 Cf annexe 4

30 Audition du 11 juin 2003

31 Audition du 25 juin 2003

32 Table ronde du 22 octobre 2003

33 Audition du 12 novembre 2003

34 Table ronde du 8 juillet 2003

35 Table ronde du 22 octobre 2003

36 Table ronde du 22 octobre 2003

37 Conseil d'Etat, 10 mars 1995, M. et Mme Aoukili

38 Audition du 11 juin 2003

39 Audition du 8 octobre 2003

40 Audition du 11 juin 2003

41 Audition du 1er juillet 2003

42 Audition du 12 novembre 2003

43 Audition du 1er octobre 2003

44 Conseil d'Etat, Assemblée, 14 avril 1995, Consistoire des israélites de France et autres, et Koen

45 On se reportera à cet égard aux conclusions du commissaire du gouvernement Yann Aguila sur les arrêts Conseil d'Etat, Assemblée, 14 avril 1995, Consistoire des israélites de France et autres, et Koen

46 Conseil d'Etat, 8 novembre 1985, Ministre de l'éducation nationale  c/ Rudent

47 Mme Sylvie Hubac et M. Michel Azibert, maîtres des requêtes au Conseil d'Etat « Actualité juridique - Droit administratif », 20 décembre 1985

48 Audition du 7 octobre 2003

49 Décision n° 84-181 DC du 10 octobre 1984 relative à la loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse

50 Décision n° 94-352 du 18 janvier 1995, loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité

51 Le Conseil Constitutionnel a ainsi indiqué dans la décision du 13 mars 2003 relative à la loi pour la sécurité intérieure « Considérant qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ».

52 Décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994, loi relative aux conditions de l'aide aux investissements des établissements d'enseignement privés par les collectivités territoriales.

53 Audition du 11 juin 2003

54 Conseil d'Etat, 20 octobre 1989, Nicolo

55 Audition du 5 novembre 2003

56 Audition du 7 octobre 2003

57 Comme l'a très bien montré Yann Aguila, commissaire du gouvernement dans ses conclusions sur les arrêts du 14 avril 1995, Consistoire des israélites de France et autres, et Koen.

58 CEDH, 25 novembre 1996, Wingrove c/ Royaume-Uni.

59 A propos d'un quaker refusant de contribuer aux dépenses militaires.

60 Audition du 7 octobre 2003

61 Audition du 11 juin 2003

62 Cour européenne des droits de l'homme, 15 février 2001, Dahlab c/ Suisse

63 Audition du 26 octobre 2003

64 Décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977 « liberté d'enseignement »

65 CE n°85429 du 20 juillet 1990 et CE n° 99391 du 23 juillet 1993°

66 Table ronde du 22 octobre 2003

67 Loi n° 2003-710

68 Audition du 24 juin 2003

69 CE, 7 mars 1969, ville de Lille

70 Table ronde du 24 septembre 2003

71 Table ronde du 29 octobre 2003

72 Audition du 24 juin 2003

73 Table ronde du 16 septembre 2003

74 Audition du 25 juin 2003

75 Table ronde du 17 septembre 2003

76 Mme Patricia ADAM, MM. Christian BATAILLE, Jean-Pierre BLAZY,
Mme Martine DAVID, MM. René DOSIERE, Jean GLAVANY, Mme Elisabeth GUIGOU, M. Christophe MASSE

77 MM. Yvan LACHAUD, Hervé MORIN

78 MM. Jean-Pierre BRARD, Jacques DESALLANGRE


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