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le 18 février 2004

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N° 1435 - tome 1 - 1ère partie

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 février 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT (N° 1218), relatif aux responsabilités locales.

PAR M. Marc-Philippe DAUBRESSE,

Député.

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TOME I - 1ère partie

EXPOSÉ GÉNÉRAL - AUDITION

EXAMEN DES ARTICLES

Voir les numéros :

Sénat : 4, 31, 32, 33, 34, 41 et T.A. 10 (2003-2004).

Assemblée nationale : 1218, 1423, 1432 et 1434.

1ère partie du rapport

INTRODUCTION 15

I. -  L'EXIGENCE DE LA DÉCENTRALISATION 19

A. UNE EXIGENCE DÉMOCRATIQUE 19

B. UNE EXIGENCE ÉCONOMIQUE 19

C. UNE EXIGENCE SOCIALE 21

D. UNE EXIGENCE EUROPÉENNE 22

II. -  UNE DÉCENTRALISATION EXIGEANTE 24

A. UN CADRE JURIDIQUE ADÉQUAT 24

1. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 25

2. Les lois organiques relatives au référendum local et à l'expérimentation 26

3. Le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière 28

B. UNE RÉFORME QUI S'APPUIE SUR LES ÉLUS LOCAUX 29

C. LA LOYAUTÉ DES TRANSFERTS 30

III. -  LE PROJET DE LOI : UNE TRADUCTION CONCRÈTE DE CES EXIGENCES 31

A. LES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES 31

B. LES MODALITÉS PRÉVUES EN TERME DE TRANSFERTS DE PERSONNELS 39

C. LES MODALITÉS DE COMPENSATION DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES 40

D. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA DÉMOCRATIE LOCALE 41

E. LA MISE À DISPOSITION D'OUTILS D'ÉVALUATION PERFORMANTS 42

F. LA RÉORGANISATION DE L'ÉTAT ET LA RÉFORME DU CONTRÔLE DE LÉGALITÉ 42

G.  LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMMUNES ET À L'INTER- COMMUNALITÉ 44

IV. - LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION 46

A. LES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES 46

B. LES MODALITES DE COMPENSATION DES TRANSFERTS 50

C. LES COMPÉTENCES DU PRÉFET ET LE CONTRÔLE DE LÉGALITÉ 50

D. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMMUNES 51

E. L'INTERCOMMUNALITÉ 51

AUDITION DE M. NICOLAS SARKOZY, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET DES LIBERTÉS LOCALES, ET DE M. PATRICK DEVEDJIAN, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUX LIBERTÉS LOCALES, ET DISCUSSION GÉNÉRALE 52

EXAMEN DES ARTICLES 67

Avant le titre premier 67

TITRE PREMIER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, LE TOURISME ET LA FORMATION PROFESSIONNELLE 68

Chapitre Ier Le développement économique 68

Avant l'article 1er 68

Article 1er (titre premier du livre cinq de la première partie et art. L. 1511-1 à L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales) Développement économique 68

Article 2 Transfert aux régions des instruments financiers déconcentrés de l'État au service du développement économique 79

Article additionnel après l'article 2 Simplification des modalités de modification du schéma directeur de la région Île-de-France 82

Chapitre Ier bis (nouveau) Le tourisme 82

Article 3 (art. 2, 3, 4 et 5 de la loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992) Répartition des compétences dans le domaine du tourisme 82

Article 4 Statut et fonctionnement des offices de tourisme 86

Article 4 bis (nouveau) Disposition spécifique au tourisme en Guyane 88

Chapitre II La formation professionnelle 90

Article 5 Extension des compétences des régions en matière de formation professionnelle 90

Article 5 bis (nouveau) Formation des Français de l'étranger 94

Article 5 ter (nouveau) Enregistrement des contrats d'apprentissage 95

Article 5 quater (nouveau) Transfert aux régions des stages d'insertion et de formation à l'emploi (sife) et des stages d'accès à l'entreprise (sae) 96

Article 6 (art. L. 214-13 du code de l'éducation) Plan régional de développement des formations professionnelles 97

Article 7 Inscription dans le code du travail du plan régional de développement des formations professionnelles 100

Article 7 bis (nouveau) Composition du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue 101

Article 8 Gestion au niveau régional des formations et crédits de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes 101

Article 9 Abrogations 103

Article 10 Rémunération des stagiaires de la formation professionnelle 104

Article 11 Accueil, information et orientation des jeunes et des adultes en matière de formation professionnelle 105

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES AU DÉVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES, AUX FONDS STRUCTURELS ET À LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT 107

Chapitre Ier La voirie 108

Article 12 A (nouveau) (art. 14-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982) Schéma régional des infrastructures et des transports 108

Article 12 (art. L. 111-1 et L. 121-1 du code de la voirie routière) Transfert partiel des routes nationales aux départements 110

Article 13 (art. L. 4433-24-1, L. 4433-24-2 et L. 4433-3 du code général des collectivités territoriales) Dispositions particulières relatives aux départements et régions d'outre-mer 116

Article 14 (art. L. 122-4, L. 151-6 à L. 151-11, L. 153-1 à L. 153-3, L. 153-5 et L. 153-6 du code de la voirie routière) Institution de péages sur la voirie routière 118

Article additionnel après l'article 14 (art. L. 131-9 [nouveau] du code de la voirie routière) Répartition des charges de réfection et d'entretien des ponts construits à l'occasion du percement de canaux 127

Article 15 (art. L. 116-2 du code de la voirie routière) Exercice de la police de la conservation du domaine public routier 127

Article 16 (art. L. 110-3 du code de la voirie routière) Définition et régime juridique des routes à grande circulation 128

Article 17 (art. 3 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs) Pouvoirs du préfet en matière de prévention des risques sur les routes à grande circulation 129

Avant l'article 18 130

Article 18 (art. L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales) Éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (fctva) des fonds de concours versés à l'État par les collectivités territoriales et leurs groupements pour des opérations d'aménagement du domaine public routier national 131

Article 19 Confirmation des engagements financiers conclus au titre des contrats de plan État-région 133

Article 20 (décrets impériaux des 12 avril 1856 et 23 juin 1866) Abrogation des décrets impériaux relatifs au financement de l'entretien de la voirie à Paris 134

Article 21 Maîtrise d'ouvrage d'opérations routières en cours lors du transfert de voirie 135

Chapitre II Les grands équipements 136

Article 22 (art. 105 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité) Transfert des aérodromes et hélistations civils 136

Article 23 (art. 38 de la Constitution) Habilitation à actualiser et adapter par ordonnance certaines dispositions du code de l'aviation civile 141

Article 24 (art. L. 101-1, L. 601-1 à L. 601-3 nouveaux du code des ports maritimes) Transfert des ports maritimes non autonomes de l'État 142

Article 25 (article 38 de la Constitution) Habilitation à actualiser et à adapter certaines dispositions du code des ports maritimes par ordonnance 146

Article 26 (art. 1er, 1er-1 bis nouveau, 1er-4, 1er-5 et 35 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure et art. 5 et 7 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983) Transfert des voies navigables fluviales et ports intérieurs 148

Article 27 (art. 18-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs) Compétences du département en matière d'infrastructures de transports ferrés ou guidés non urbains 151

Article 28 (art. L. 112-8 et L. 112-9 du code rural) Transfert à la région de la propriété des biens de l'État concédés aux sociétés d'aménagement régional 151

Chapitre III Les transports dans la région Île-de-France 153

Article 29 A (nouveau) (art. L. 4413-3 du code général des collectivités territoriales) Rôle de la région Île-de-France en matière de transports et déplacements 154

Article 29 (art. 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959) Organisation et compétences du syndicat des transports d'Île-de-France 156

Article 30 (art. 1-1 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959) Ressources du syndicat des transports d'Île-de-France et de la régie autonome des transports parisiens 158

Article 31 (art. 28-3 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982) Plan de déplacements urbains et plans locaux de déplacement dans la région Île-de-France 161

Article 32 (art. L. 213-13, L. 213-14 et L. 821-5 nouveau du code de l'éducation) Organisation des transports scolaires en région Île-de-France 164

Article 33 Entrée en vigueur des dispositions du présent chapitre 166

Article 34 Décrets en Conseil d'État 166

Chapitre IV Les fonds structurels européens 167

Article 35 Les fonds structurels européens 167

Chapitre V Les plans d'élimination des déchets 171

Article 36 (art. L. 541-14 du code de l'environnement) Les plans d'élimination des déchets ménagers 171

Article 37 (art. L. 541-15 du code de l'environnement) Compétences de l'État à l'égard des plans d'élimination des déchets ménagers 175

Article 37 bis (art. L. 541-13 du code de l'environnement) Pouvoir de substitution du préfet pour l'élaboration des plans d'élimination des déchets industriels spéciaux 177

Article 38 Dispositions transitoires 177

Article additionnel après l'article 38 Transfert expérimental aux régions des politiques de soutien au développement des énergies renouvelables et de maîtrise de la consommation d'énergie 177

2ème partie du rapport

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES AU DÉVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES, AUX FONDS STRUCTURELS ET À LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

TITRE III LA SOLIDARITÉ ET LA SANTÉ

3ème partie du rapport

TITRE IV L'ÉDUCATION ET LA CULTURE

TITRE V TRANSFERTS DE SERVICES ET GARANTIES INDIVIDUELLES DES AGENTS

TITRE VI COMPENSATION DES TRANSFERT DE COMPÉTENCES

TITRE VII PARTICIPATION DES ÉLECTEURS AUX DÉCISIONS LOCALES ET ÉVALUATION DES POLITIQUES LOCALES

4ème partie du rapport

TITRE VIII MISSIONS ET ORGANISATION DE L'ÉTAT

TITRE IX DES COMMUNES ET DE L'INTERCOMMUNALITÉ

5ème partie du rapport

Chapitre V Dispositions relatives à l'intercommunalité 7

TITRE X DISPOSITIONS FINALES 30

MESDAMES, MESSIEURS,

Déposé au Parlement moins de six mois après la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 consacrant le principe d'une organisation décentralisée de la République, le projet de loi relatif aux responsabilités locales, d'une ampleur inégalée, témoigne de la détermination du Gouvernement à faire de la décentralisation un élément fondateur de la réforme de l'État.

La discussion du projet de loi au Sénat a été marquée par un esprit d'ouverture, dans la continuité de la concertation menée lors des Assises des libertés locales en début d'année dernière. Au total, sur plus de 1300 amendements présentés, le Sénat en a adopté 472, dont plus d'une trentaine issue des rangs de l'opposition.

C'est dans ce même esprit que votre rapporteur aborde la discussion à l'Assemblée nationale : les nombreuses auditions auxquelles il a procédé, ainsi que la concertation avec les rapporteurs pour avis, M. Serge Poignant pour la Commission des Affaires économiques, M. Dominique Tian pour la Commission des Affaires sociales et M. Laurent Hénart pour la Commission des Finances, confirment que, s'il y avait bien une exigence de la décentralisation, désormais indispensable pour mettre fin aux blocages dont souffre notre pays, celle-ci ne saurait être réalisée sans de solides garanties.

Celles apportées par le Gouvernement, que ce soit par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, par la concertation menée avec les élus locaux, par la loyauté des transferts prévus, montrent qu'il partage cette même conception exigeante de la décentralisation.

*

* *

La mort d'une organisation, c'est quand « en haut, on ne peut plus et quand, en bas, on n'en veut plus ». C'est parce qu'il a compris depuis longtemps la révolte des Français devant cette République impuissante, que le Président de la République a tracé les contours d'une réforme audacieuse de l'État basée sur une double exigence : la restauration de l'autorité d'un État fort recentré sur ses fonctions régaliennes, en particulier la police, la justice, l'éducation, mais, en même temps, la mise en place d'une organisation décentralisée de la République afin que proximité rime avec efficacité.

En mettant ce projet de loi au cœur de son programme de gouvernement, le Premier Ministre a voulu initier une réforme de plus grande ampleur encore : la Réforme de l'État.

Le Gouvernement a décidé de poser les fondations de ce nouvel édifice en inscrivant dans notre loi fondamentale le cadre général et les principes directeurs qui vont permettre de réformer l'État en injectant, selon la formule du Premier Ministre, des microprocesseurs dans la Constitution.

À travers ce projet de loi sur les responsabilités locales, il met aujourd'hui au service de cette grande réforme un logiciel essentiel : celui des transferts de compétence et des expérimentations.

Le projet de loi actuel est d'une ampleur inégalée : le montant des compensations financières estimé à plus de 11 milliards d'euros et le nombre d'agents de l'État concernés (plus de 130 000) en témoignent : il s'agit donc bien de l'acte II de la décentralisation, qui était attendu depuis plus de vingt ans.

La dynamique ainsi lancée est irréversible, il ne peut et ne doit pas s'arrêter là : certes, le projet de loi contribue fortement à clarifier les responsabilités et les libertés locales des régions et des départements mais, même s'il prévoit des délégations de compétence stratégiques en matière de logement pour les agglomérations de communes, chacun mesure aujourd'hui la nécessité de mieux prendre en compte le phénomène intercommunal qui concerne plus de 90 % des communes françaises : il est donc nécessaire de travailler dès aujourd'hui à l'élaboration d'un acte III de la décentralisation qui devra porter sur l'intercommunalité.

Lancé par le Général de Gaulle qui déclarait en 1968 que « l'effort multiséculaire de centralisation ne s'imposait plus », tenté sans succès par Raymond Barre en 1978 dans un projet de loi qui « visait à donner aux collectivités locales une plus grande liberté dans l'exercice de leurs compétences », concrétisé par les Lois Deferre de 1982, le mouvement s'était enrayé depuis vingt ans.

Pourtant, dans la plupart des domaines qu'elles ont pris en charge, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent présenter un bilan dont elles n'ont pas à rougir, alors même que l'État central peine encore aujourd'hui à moderniser ses structures et que, dans une époque pas si éloignée, il a effectué des tentatives à peine voilées de recentralisation financière.

Mais c'est surtout la France elle-même qui a changé : en vingt ans, la répartition de sa population et l'organisation de ses territoires a été profondément modifiée.

Réviser l'architecture de l'organisation territoriale française à la lumière de cette nouvelle réalité, tel était l'enjeu du rapport de la Commission Mauroy sur l'avenir de la décentralisation qui rassemblait des élus sur tous les bancs de cette assemblée et qui a largement inspiré, de l'aveu même du Premier Ministre, le projet de loi qui vous est soumis.

« De nouveaux transferts de compétence entre l'État et les collectivités locales peuvent et doivent être opérés... Il s'agit de gérer au mieux les services publics les plus proches de nos citoyens. La poursuite du transfert aux régions des compétences en matière de formation professionnelle, l'affirmation du rôle directeur de la région pour l'action économique locale pourraient sans doute recueillir un large accord. Pour d'autres transferts de compétence qui sont évoqués, nous proposerons des expérimentations dans des régions ou des départements. »

C'est ce que déclarait Lionel Jospin à Lille le 27 octobre 2000, sans réussir à concrétiser pourtant d'aussi bonnes intentions.

On voit donc bien que le débat d'aujourd'hui n'est pas idéologique : c'est un débat pour plus de cohérence, plus d'efficacité et plus de proximité qui doit s'articuler autour de trois mots clés : clarifier, économiser, expérimenter.

Clarifier, c'est avant tout en finir avec des modèles de démocratie de proximité dirigistes et rigides, qui complexifient l'organisation administrative, tout en rendant irresponsables les acteurs de terrain. Il faut, en parallèle, faire de l'application du principe de subsidiarité la clé de voûte de notre système politique et institutionnel. Le pouvoir émanant du citoyen, il doit être exercé dans chaque domaine au plus près possible de ce dernier et ne peut être confié à un échelon supérieur, que si celui-ci s'avère plus pertinent.

Mais il n'y aura pas de décentralisation sans réforme de l'État, car décentralisation et déconcentration vont de pair. Ainsi la décentralisation suppose-t-elle, au préalable, un vaste mouvement de déconcentration, donnant de réelles responsabilités de coordination des services de l'État aux préfets sur le terrain. Elle implique également d'ajuster en cohérence les moyens financiers et humains des services de l'État, dès lors qu'il y aura clarification et décentralisation des compétences.

La réforme de l'État se justifie principalement par une recherche de l'efficacité. L'État doit en effet répondre aux attentes diverses d'une société qui réclame sécurité et autonomie d'une part, aux effets de l'ouverture économique, sociale et culturelle de la France sur l'Europe et le monde, d'autre part. Aux considérations économiques liées aux problèmes de compétitivité et qu'illustre le thème de la mondialisation, s'ajoutent celles qui sont relatives à la protection sociale comme garantie de cohésion nationale.

Clarifier consiste également à déterminer explicitement les compétences réservées à chaque collectivité territoriale, afin de réduire les difficultés auxquelles sont confrontés les élus pour assurer le financement de leurs projets. Le présent projet de loi va donc beaucoup plus loin dans les transferts de compétence en raisonnant, chaque fois que c'est possible, par blocs de compétences exclusives et cohérentes. Dans les autres cas, un rôle de chef de file est donné aux collectivités, de manière à éviter le parcours du combattant auquel doivent se plier les élus locaux dès qu'il s'agit de financer des projets.

Économiser suppose que la réforme de la décentralisation aboutisse, globalement, à une baisse des prélèvements obligatoires. Cela implique de réaliser une réforme fiscale des collectivités locales assurant leur autonomie financière. L'action publique peut se développer sans recours systématique à des recettes fiscales nouvelles, ajoutant au poids déjà lourd des prélèvements obligatoires. Elle n'est toutefois viable, efficace et économe que si elle peut s'inscrire dans une perspective de long terme, en matière de dépenses mais aussi au niveau des recettes. Renforcer le principe de libre administration des collectivités locales en garantissant leur autonomie fiscale, obliger l'État à accompagner financièrement la décentralisation, subordonner les transferts de compétentes au transfert préalable des ressources équivalentes, revoir sur des bases plus justes et plus équilibrées la contractualisation entre l'État et la Région, sont autant de passages obligés, si l'on veut effectivement décentraliser tout en économisant.

Expérimenter, enfin, c'est donner la possibilité aux collectivités de mettre à l'étude pendant une période limitée, l'exercice d'une nouvelle compétente et de tirer les conséquences de l'expérience pour améliorer les dispositifs prévus a priori. Il s'agit également de réaffirmer la nécessité de prendre en compte la diversité française, en laissant de la souplesse aux différentes collectivités. Ces expérimentations réversibles ont vocation, en cas de succès, à être généralisées afin de respecter le principe d'égalité.

En définitive, ce projet de loi concerne à la fois les libertés et les responsabilités locales (car l'une est le corollaire de l'autre) : c'est d'ailleurs une des propositions de votre rapporteur de le dénommer ainsi.

Une récente étude d'opinion démontre qu'il répond à une réelle préoccupation des Français pour plus de proximité : il serait donc particulièrement réducteur de le cantonner dans une bataille d'experts es collectivités locales, ou dans des querelles idéologiques d'un autre âge.

Dans son Anthologie de la poésie française, Georges Pompidou cite cet adage : « À force de sculpter dans le marbre, on en oublie le vent. »

À force de sculpter dans le marbre, notre État était devenu impuissant et nos compatriotes en ont délivré le message avec force lors des dernières élections présidentielles : écouter le vent qui monte de nos villes et de nos campagnes afin de rapprocher la République des citoyens et de faire vivre les valeurs de la République sur le terrain, c'est tout le sens de ce projet de loi.

*

* *

I. -  L'EXIGENCE DE LA DÉCENTRALISATION

A. UNE EXIGENCE DÉMOCRATIQUE

Le débat sur la nouvelle étape de la décentralisation est souvent présenté, à dessein, comme éloigné des préoccupations des Français ; ses contempteurs de tous bords soulignent, non sans une certaine condescendance, sa complexité et sa technicité, qui la réserveraient aux discussions des seuls élus locaux. La décentralisation serait dès lors le mauvais thème de campagne, quand les Français attendent du Gouvernement des réformes concrètes.

Il est pourtant une réalité incontournable : les 36 779 communes de France, les 100 départements, les 26 régions sont autant de lieux de débat qui constituent les cellules de base de notre démocratie. Cette multitude est souvent présentée comme un handicap : pour autant, les Français sont profondément attachés à cette richesse, qui correspond à une véritable attente de leur part en terme de proximité du pouvoir : pour 67 % d'entre eux, la coexistence de trois échelons locaux, régions, départements, communes, est une bonne chose car elle permet de gérer les dossiers au plus près des citoyens, et de manière satisfaisante ; 57 % souhaitent aller plus loin en amplifiant cette évolution décentralisatrice (1).

La décentralisation apparaît dès lors comme le vecteur idéal d'une refondation de l'acte politique et c'est tout naturellement sur ce terrain que le Premier ministre a placé le débat : la réforme proposée est née de « l'exaspération exprimée le 21 avril devant l'impuissance du politique » et inversement « de l'attachement aux valeurs de la République exprimée le 5 mai ».

Aussi, pour lutter contre l'embolie de l'État et l'exaspération légitime qu'elle suscite chez nos citoyens, il était urgent de réhabiliter les initiatives locales : il n'est en effet possible de sortir de la complexité institutionnelle de notre pays, fruit de l'histoire, qu'en la traitant par la proximité et la responsabilisation des acteurs de terrain. Au lieu d'une dilution des responsabilités, finalement bien commode lorsqu'il s'agit de renvoyer les mécontents sur l'un ou l'autre, la réforme de la décentralisation propose un nouveau pacte républicain où chacun se voit confier des compétences clairement identifiées ; c'est alors en toute connaissance de cause que les électeurs jugeront une politique locale.

B. UNE EXIGENCE ÉCONOMIQUE

Le discours des opposants à la décentralisation est là aussi connu : la crise économique qui frappe les économies occidentales plaiderait pour un renforcement du rôle de l'État, seul à même d'anticiper les chocs et de donner une direction pour retrouver le chemin de la croissance ; la décentralisation casserait alors cette dynamique en éparpillant les centres de décision.

Là encore, il apparaît que cette vision colbertiste de l'économie a montré ses limites : un État centralisé est un État qui souffre de lourdeurs administratives, qui n'arrive pas à s'adapter avec suffisamment de célérité aux aléas de la conjoncture. A l'inverse, un État qui fait confiance à l'échelon local peut s'appuyer sur la multiplicité des centres de décision pour amplifier les réponses et les modalités d'adaptation. La décentralisation permet dans cette perspective de démultiplier les leviers d'action.

Loin de n'être qu'une vision théorique, cette conception a été validée par des études scientifiques. Ainsi, le rôle des économies locales dans la croissance a été clairement démontré, l'investissement public local constituant désormais une composante essentielle du pnb. Ce lien a notamment été mis en lumière dans une étude macroéconomique, qui a observé un effet stimulant de l'investissement public local sur la productivité et l'emploi du secteur privé. Trois conclusions majeures se dégagent de cette étude : « Les variations de la dépense totale de l'État n'ont pas d'impact systématique (ni positif, ni négatif) sur les variations concomitantes ou chronologiquement voisines du pib ; les variations de la dépense des administrations de sécurité sociale sont corrélées positivement avec les variations du pib, par l'intermédiaire des variations des transferts sociaux qu'elles financent, la causalité de cette liaison jouant à double sens ; enfin, les variations de la dépense des collectivités locales exercent une influence stimulante sur la croissance nationale, essentiellement par le moyen de leurs investissements  (2)».

La structure des dépenses des administrations publiques locales se caractérise effectivement par une part importante consacrée aux investissements: « la fonction d'investisseur public local civil apparaît être essentiellement l'apanage des collectivités locales, les autres collectivités montrant plutôt une spécialisation marquée pour la fonction redistributive  (3)». Ainsi, plus de 70 % de l'investissement public en France a été réalisé en 2002 par la formation brute de capital fixe (fbcf) des administrations publiques locales, ce qui représente au total plus de 28 milliards d'euros ; en outre, la part de leurs dépenses d'investissement s'élève à 22% de leurs dépenses totales. Par comparaison, les autres administrations présentent une structure de dépense très différente puisque cette part d'investissement n'est que de 5,9 % pour les organismes divers de l'administration centrale et de 2,4 % pour l'État.

Cette intervention des collectivités locales dans la sphère économique n'est pas le résultat d'un engagement quelque peu daté pour un socialisme municipal, mais plus simplement la réponse concrète à des besoins sociaux sans cesse croissants ; selon les termes d'une étude de l'Institut de la décentralisation : « l'urbanisation, la construction de logements et les évolutions démographiques continueront d'induire des demandes d'investissement net. Si le rythme de la croissance urbaine s'est ralenti, le phénomène n'a pas disparu et de nouveaux territoires sont incorporés dans la ville, exigeant la poursuite de l'effort d'équipement local. [...] Nombre de domaines - social, scolaire, sportif, culturel - pourraient illustrer ces efforts d'adaptation et de reconversion d'équipements existants, opérations qui s'accompagnent le plus souvent d'une incorporation de progrès techniques et d'élévation des normes qualitatives ».

Vingt ans après les premières lois de décentralisation, il est indubitable que l'irruption de la demande locale a contribué à créer les conditions d'un partenariat réussi entre la commande publique et le secteur privé : la France est ainsi devenue une référence incontournable en matière d'équipements publics, d'infrastructures et de cadre de vie. Cette « culture » de l'espace local français a encouragé le développement d'un véritable savoir-faire chez les entreprises partenaires, qui leur permet désormais de se positionner aux meilleures places de la concurrence internationale.

C. UNE EXIGENCE SOCIALE

C'est sans conteste l'argument qui a été défendu avec le plus de constance lors des débats sur la révision constitutionnelle : la reconnaissance d'une organisation décentralisée de la République dans la Constitution met en pièce le principe d'égalité pourtant maintes fois confirmé par le Conseil constitutionnel. C'en est fini de la conception du service public à la française, il faut désormais laisser la place à l'arbitraire local, ou, du moins, accepter les inégalités des politiques menées au niveau décentralisé.

Cette argumentation a rencontré un certain écho auprès de nos concitoyens. L'attachement à l'égalité de traitement des citoyens apparaît comme un facteur puissant de cohésion nationale. L'État se doit d'être le garant de cette égalité et ce rôle semble incompatible avec une relance de la décentralisation. On oppose ainsi de manière quelque peu caricaturale, l'État, symbole d'égalité, avec les libertés reconnues aux collectivités locales.

Sans minimiser ces inquiétudes, il parait nécessaire de nuancer ces deux postulats, le premier selon lequel seul un État centralisé assure l'égalité, le second qui dénie à l'échelon local la capacité d'assurer la cohésion sociale.

S'agissant des compétences régaliennes exercées par l'État, un rapport remis par M. Jean-Pierre Sueur en 1998 au ministre chargé de l'Emploi et de la solidarité (4) avait mis en lumière la situation alarmante de l'inégalité de la répartition territoriale des moyens de justice et des forces de police. Reprenant ainsi les conclusions d'un rapport remis par M. Gilles Carrez, il citait des écarts allant de 1 à 31, ou de 1 à 20 en excluant Paris, pour la population desservie par chaque Tribunal de grande instance. Ce rapport concluait en ces termes : « Les écarts sont d'une telle ampleur [...] qu'il faut considérer que la justice n'est d'ores et déjà pas rendue uniformément sur le territoire français ». La répartition des forces de police et de gendarmerie suscite les mêmes interrogations : parmi les départements les mieux lotis, avec un ratio de trois policiers ou gendarmes pour 1 000 habitants, figurent le Lot, l'Ariège ou la Lozère, alors que les départements les moins équipés sont l'Oise, le Rhône ou l'Isère. Ainsi, dans ce domaine aussi sensible que la sécurité, et en dépit des efforts fournis par le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pour rétablir une répartition équitable, la réponse pénale n'est pas assurée de façon égalitaire par l'État.

Ces considérations sur les compétences régaliennes peuvent être étendues à tout un ensemble de domaines, et notamment la fonction publique : qu'en est-il ainsi des vacances de postes dans des secteurs aussi sensibles que l'Éducation, qui touchent de façon récurrente les départements situés au nord de la France ? En quoi l'égalité est-elle assurée pour les élèves lorsque ceux-ci doivent faire face à des postes non pourvus ou assurés de façon intermittente par des professeurs remplaçants, parce que situés dans des zones insuffisamment attrayantes ?

Ces quelques exemples - mais on pourrait en prendre d'autres, s'agissant notamment de la politique menée en matière d'infrastructures - contribuent à démontrer que l'État n'a pas les moyens matériels ou humains pour assurer à lui seul l'égalité sociale sur le territoire. La politique menée à l'échelon local apparaît dès lors comme un complément indispensable.

L'analyse menée par M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'Observatoire décentralisé de l'action sociale (5), mérite d'être étudiée avec attention : l'émergence de nouvelles formes d'exclusion sociale appelle des réponses adaptées ; il ne s'agit plus seulement de gérer des situations minoritaires, mais de traiter un phénomène devenu massif et polymorphe. Ainsi, en dix ans, le nombre de bénéficiaires du rmi a quasiment doublé. Pour faire face à ces phénomènes de précarisation, la réponse a consisté à se tourner vers les collectivités locales, et, plus particulièrement les départements. La dépense nette d'action sociale départementale a progressé de 145 % entre 1984 et 2002, alors que l'indice des prix à la consommation connaissait une croissance de 52 %. La part de l'insertion et de l'accompagnement social dans la dépense nette d'action sociale, hors aide médicale, est passée entre 1984 et 2002, de 18 à 26 % ; celle du soutien aux personnes handicapées est passée, dans la même période, de 16 à 22 %.

Dès lors, loin d'être ce processus de démantèlement de la solidarité nationale présenté par certains, la décentralisation a joué au contraire un rôle de « raccomodage » (6) des territoires en comblant les insuffisances de l'État. Le thème de la décentralisation contre l'égalité des droits ne résiste pas à une analyse sérieuse.

D. UNE EXIGENCE EUROPÉENNE

Le débat sur la décentralisation ne saurait se limiter aux seuls enjeux nationaux : l'affirmation des territoires prend en effet une importance particulière dans le cadre de la construction européenne. Les réformes entreprises par les États européens au cours des années quatre-vingt dix ont ainsi toutes été inspirées par la recherche de territoires compétitifs au niveau européen.

En Irlande, le « local government act » de 1991 a permis de confier aux collectivités locales une compétence générale, assortie d'importants pouvoirs, pour mener toute action d'intérêt local. En outre, des autorités régionales ont été mises en place en 1994 ; en Grèce, la loi du 13 juin 1994 a transformé les départements jusqu'alors administrés par l'État en collectivités territoriales ; dans les pays nordiques, déjà très décentralisés, d'importants transferts de compétences ont eu lieu au profit des communes. La Finlande a constitué un niveau régional, sans qu'il s'agisse toutefois d'une véritable collectivité. La Belgique est devenue un État fédéré doté de deux niveaux de collectivités, les régions et les communautés. L'Écosse se voit désormais dotée d'un parlement élu, dont les responsabilités toucheront à des secteurs clés, tels que l'éducation, la santé et le logement, les seuls secteurs totalement exclus étant les affaires de défense et la politique extérieure. C'est en Espagne et en Italie que les mesures en faveur des collectivités de niveau régional ont connu la plus grande ampleur, avec l'extension des champs de compétences, l'octroi d'un pouvoir législatif et le renforcement de l'autonomie locale.

Seul le Royaume-Uni, à l'exception de l'Écosse et, dans une moindre mesure, du Pays de Galles, a opéré a contrario un mouvement de « recentralisation », avec le transfert de nombreuses compétences locales à des organismes publics ou para-publics.

Toutes ces réformes ont été inspirées par la recherche d'une plus grande efficacité des politiques publiques, en favorisant l'émergence de territoires compétitifs au niveau européen. La construction européenne a, en effet, fortement modifié la perception de l'échelon local par les États et les citoyens ; cette construction repose certes sur les États, mais la politique communautaire exerce également une influence déterminante dans les domaines des marchés publics, des aides économiques ou de l'environnement, autant de secteurs qui intéressent de près l'échelon local. En outre, les collectivités locales ont vu leur existence progressivement reconnue au sein des institutions européennes, que ce soit par le biais du Comité des régions, institué par le Traité de Maastricht en 1992, ou par celui du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe, organe consultatif du Conseil de l'Europe créé en 1994. C'est, en outre, au sein du Conseil de l'Europe qu'a été élaborée la Charte européenne de l'autonomie locale, qui affirme le principe de l'autonomie locale comme « le droit et la capacité effective des collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques ». La France a signé cette charte, entrée en vigueur le 1er septembre 1988, mais ne l'a pas ratifiée.

Surtout, le Traité de Maastricht de 1992 affirme comme fondement de la construction européenne le principe de subsidiarité. Ce principe ne concerne en théorie que les relations entre la Communauté et les États membres ; cependant, le préambule du Traité, affirmant la recherche d'une « Union dans laquelle les décisions sont prises le plus près possible des citoyens », en donne une conception exigeante et très favorable à l'initiative locale, en organisant les compétences selon la proximité des lieux de pouvoir avec les citoyens. Le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe prévoit en outre de renforcer ce principe en ouvrant au Comité des régions le droit de saisir la Cour de justice des communautés européennes en cas de manquement.

La reconnaissance du niveau local par les instances européennes a conduit les acteurs locaux, et principalement régionaux, à être présents à Bruxelles pour mieux s'informer et mieux informer ; presque toutes les régions françaises y disposent désormais de bureaux de représentation permanents.

Cette nouvelle dimension régionale crée les conditions d'une concurrence accrue entre les territoires : les normes juridiques doivent dès lors s'adapter afin de permettre aux collectivités françaises de faire face à cette nouvelle compétition. Mais l'Union européenne ne saurait se résumer à cette analyse compétitive des territoires ; elle doit être également le lieu de la coopération locale, et là encore, le cadre juridique national doit pouvoir s'adapter pour offrir aux collectivités locales les instruments adéquats.

C'est parce qu'il a su percevoir les enjeux démocratiques, économiques, sociaux et européens qui s'attachent à une relance de la décentralisation que le Président de la République a proposé une révision constitutionnelle : « Le moment est venu de reprendre la longue marche, si souvent contrariée, vers la décentralisation, pour mettre en place une nouvelle architecture des pouvoirs. Les décisions intéressant nos concitoyens devront désormais être prises au niveau le plus proche des réalités. J'appelle à un grand débat national sur les libertés et les responsabilités locales. Je souhaite une réforme profonde du Titre XII de notre Constitution qui traite des rapports de l'État et des collectivités locales, en métropole comme outre mer (7) ».

Mais l'adhésion qu'emporte ce projet ne doit pas se faire à n'importe quelle condition : s'il y a bien une exigence de la décentralisation, il importe également de promouvoir une conception exigeante de la décentralisation.

II. -  UNE DÉCENTRALISATION EXIGEANTE

A. UN CADRE JURIDIQUE ADÉQUAT

La relance de la décentralisation ne peut être menée à bien que si elle peut s'appuyer sur un corpus juridique adéquat. La décentralisation initiée en 1982, qui s'est faite dans un cadre constitutionnel inchangé, a en effet vu progressivement ses effets annihilés faute de garanties constitutionnelles suffisamment protectrices des libertés locales. Ainsi, du fait de ces lacunes juridiques, le Conseil constitutionnel n'a pas su ou pas pu s'opposer aux réformes qui ont conduit à une insidieuse recentralisation du pouvoir financier local : la suppression de la part salariale des bases de taxe professionnelle, de la part régionale de la taxe d'habitation, de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, pour les particuliers, de la taxe régionale additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux ainsi que l'abaissement, puis le plafonnement du tarif du droit de mutation à titre onéreux sont autant de mesures qui ont fortement affaibli les marges de manœuvre des collectivités locales.

Le remplacement de ces recettes fiscales par des dotations de l'État ou des compensations d'exonération assorties de conditions d'indexation favorables à l'État a eu des conséquences très nettes sur le degré d'autonomie financière de l'échelon local, la part de la fiscalité locale dans les recettes ayant été ramenée de 54 % en 1995 à 42 % en 2002.

Il importait dès lors de casser cette dynamique en injectant dans l'architecture institutionnelle ce que le Premier ministre avait qualifié à l'époque de « microprocesseurs », seuls susceptibles de changer le programme de l'ordinateur central : une modification de la Constitution, suivies par trois lois organiques, doivent désormais garantir la progression continue de la décentralisation.

1. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003

En consacrant, à l'article 1er de la Constitution, le principe d'une organisation décentralisée de la République, la révision constitutionnelle imprime ainsi à la réforme de l'État une dynamique irréversible puisqu'elle permet de conférer à la décentralisation le même rang constitutionnel que le principe d'égalité ou celui d'indivisibilité.

La révision garantit en conséquence une assise juridique solide préparant la prochaine étape de la décentralisation ; mais elle ne s'en tient pas là : la force de la révision constitutionnelle est en effet d'être allée au-delà du simple énoncé théorique en proposant, aux articles 72, 72-1 et 72-2, une grille de lecture très concrète des principes régissant la décentralisation.

L'article 72 affirme le principe de subsidiarité comme mode d'élaboration de la décision administrative : les collectivités territoriales ont ainsi vocation à se voir transférer l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être exercées à l'échelle de leur ressort. L'inscription de ce principe dans la Constitution répond à une double exigence de rationalité et de démocratie : en rapprochant le niveau de décision, on permet en effet une identification du décideur, une plus grande responsabilisation des élus locaux et une meilleure adéquation de la décision au terrain.

Par ailleurs, afin d'encourager la création de synergies locales, l'article 72 prévoit la possibilité d'une collaboration entre plusieurs échelons territoriaux, le législateur ayant la faculté de confier à une collectivité chef de file le soin de définir les modalités de l'action menée conjointement.

Le projet de loi innove également en prévoyant, à l'article 72, un droit à l'expérimentation pour les collectivités locales. Ce droit, qui est le pendant du droit à l'expérimentation reconnu à l'État par l'article 37-1, permet de mettre en œuvre des politiques publiques sur une portion du territoire, d'en apprécier la validité, puis de l'étendre à l'ensemble du pays. Il s'agit ainsi pour les collectivités territoriales de déroger à des dispositions législatives ou réglementaires, à l'exception des domaines touchant aux libertés publiques ou à des droits constitutionnellement garantis.

Afin de permettre aux collectivités d'exercer leurs compétences de façon adéquate, leur pouvoir réglementaire acquiert une base constitutionnelle.

Les régions sont dorénavant explicitement reconnues et inscrites au rang des collectivités territoriales au même titre que les départements et les communes. De même, la rédaction retenue pour le premier alinéa de l'article 72 met fin à une rigidité de la rédaction originelle, qui avait été interprétée comme faisant obstacle à ce qu'une collectivité unique créée par le législateur puisse se voir transférer une part substantielle des attributions normalement exercées par les collectivités expressément mentionnées à cet article et, a fortiori, se substitue à l'une ou à l'autre de ces collectivités.

Le rapporteur regrette cependant, comme il l'avait proposé à l'époque dans un amendement, que l'occasion n'ait pas été saisie d'inscrire dans la Constitution, au rang de collectivités territoriales, les groupements de communes, ou, du moins, les plus importants d'entre eux que sont les communautés urbaines. En dépit de ce refus du Constituant, il note le pragmatisme de la rédaction finale, qui fait mention des groupements dans le droit à l'expérimentation et, à la suite d'un amendement qu'il avait présenté, dans la reconnaissance de collectivité chef de file sur un projet.

Parallèlement à la reconnaissance formelle des libertés locales, le rôle du préfet se trouve confirmé et son autorité est renforcée par une référence à sa fonction de représentation de tous les membres du Gouvernement dans le ressort des collectivités territoriales.

Afin de consacrer pleinement le principe de libre administration, un nouvel article 72-2 reconnaît aux collectivités le droit de bénéficier de ressources dont elles peuvent librement disposer dans les conditions fixées par la loi. Cet article permet également de garantir aux collectivités territoriales le droit de percevoir le produit d'impositions et d'en fixer elles-mêmes le taux et l'assiette, dans les conditions définies par le législateur. Les recettes fiscales et les autres ressources propres devront représenter une part déterminante de l'ensemble des ressources, ceci afin de faire pièce aux tentatives de recentralisation des ressources que n'a pu censurer jusqu'à présent le Conseil constitutionnel, faute de dispositions explicites dans la Constitution.

La révision constitutionnelle a également permis d'approfondir la décentralisation en prévoyant des mécanismes de démocratie directe. A cet effet, un nouvel article 72-1 inscrit le droit pour les collectivités locales d'organiser des référendums décisionnels, et non plus simplement consultatifs, sur des questions relevant de leurs compétences. Un droit de pétition est également reconnu aux électeurs leur permettant de demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de leur collectivité une question relevant de sa compétence.

Adoptée le 28 mars 2003, la loi constitutionnelle a été suivie dès le mois de mai de la présentation au Parlement de deux projets de loi organique, l'un portant sur le référendum local, l'autre sur l'expérimentation.

2. Les lois organiques relatives au référendum local et à l'expérimentation

· La recherche d'une nouvelle légitimité démocratique

La loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, indiquait, dans son article 1er, que des lois ultérieures viendront préciser « le développement de la participation des citoyens ». La décentralisation devait ainsi contribuer, selon les auteurs de la réforme, à rendre l'État aux citoyens en bâtissant une nouvelle citoyenneté.

Force a été de constater vingt ans après que les promesses n'ont pas été tenues : la décentralisation s'est ainsi construite sans associer les citoyens à un processus qui était pourtant censé rapprocher les lieux de pouvoir.

C'est conscient de cette attente des Français, de la nécessité de faire de la décentralisation une réforme qui soit autre chose qu'une simple réforme de structures, que le Gouvernement a proposé très rapidement au Parlement la loi organique sur le référendum local, prévue par le deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.

La loi n° 2003-705 du 1er août 2003 organise ainsi les modalités d'association des électeurs aux décisions locales : tout projet d'acte relevant de la compétence de l'organe délibérant ou de la décision de son exécutif peut être soumis à référendum, à l'exception - certes notable - des actes individuels. Le résultat du référendum vaut décision de la collectivité territoriale si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin et si le projet réunit la majorité des suffrages exprimés.

En permettant ainsi aux collectivités territoriales d'organiser des référendums ayant valeur décisionnelle pour des actes relevant de leur champ de compétences, le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin s'est attaché à redonner une nouvelle légitimité démocratique à l'action des collectivités territoriales au moment où s'ouvre l'acte II de la décentralisation.

· La démarche pragmatique de l'expérimentation

La méthode expérimentale n'était pas inconnue en droit français mais restait placée sous l'égide de l'État. Elle pouvait, certes, concerner des collectivités locales, mais elle n'était pas à leur initiative.

Les capacités d'innovation des collectivités territoriales ont donc été ignorées dans la mise en place des procédures expérimentales ; or l'échelon local est le seul susceptible d'exprimer la diversité des situations et de tenir compte de la complexité des questions économiques et sociales.

Fort de ce constat, le Président de la République plaide dès 1998 pour une diversification des initiatives locales : « Là où s'affermit localement une démocratie capable d'aller concrètement au-devant des besoins de nos compatriotes, une démocratie qui donne envie à chacun d'assumer sa citoyenneté, la République s'enrichit de cet apprentissage et se consolide. L'État retrouve ainsi la juste place qui doit être la sienne, aux côtés des élus et non pas contre eux, et la Nation, libérée des contraintes d'une administration pesante et lointaine, retrouve vigueur et ambition pour construire l'avenir. [...] Ce que nous devons inventer, c'est un nouvel équilibre fondé sur la capacité de l'État à assumer pleinement ses devoirs, et sur la capacité des collectivités locales à développer une véritable démocratie de proximité. »

C'est cette démarche pragmatique qui a inspiré la rédaction de la loi organique sur l'expérimentation. Conformément à ce qui avait été prévu dans les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle, la loi s'inspire de l'article 38 de la Constitution, qui fixe les conditions de délégation de la compétence législative à l'exécutif. Il revient ainsi au législateur de fixer lui-même, dans des termes précis et pour une durée limitée, les habilitations qu'il autorise, puis, à la fin de l'expérimentation, de déterminer les suites qu'il entend leur réserver en mettant fin à l'expérimentation, ou au contraire en la généralisant.

L'initiative de l'expérimentation revient ainsi au législateur ; une telle disposition n'interdit pas cependant que les collectivités territoriales aient une force de proposition en la matière. En effet, elles aussi sont à même d'apprécier quelles dispositions pourraient être susceptibles d'entrer dans le cadre d'une expérimentation.

Par cette méthode, la loi confie à l'échelon local un rôle d'entraînement : parce que telle compétence fonctionne dans telle région dans un cadre normatif adapté, parce que l'on a pu apprécier dans quelles conditions elle fonctionne en la comparant avec les conditions de droit commun, il est alors possible et souhaitable de l'étendre aux autres.

Dans cette perspective, la décentralisation apparaît comme une dynamique de la réforme de l'État, et non comme un mouvement centrifuge : cette conception est ainsi radicalement opposée à celle du précédent Gouvernement, qui avait fait de l'expérimentation, notamment en Corse, un alibi pour justifier un démantèlement des principes républicains.

3. Le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière

Dans sa rédaction résultant de l'article 7 de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution reconnaît désormais le principe de l'autonomie financière des collectivités locales en disposant que :

« Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre ».

Par cet alinéa, le pouvoir constituant a entendu mettre un terme aux évolutions constatées ces dix dernières années, qui ont conduit à transformer 15 milliards d'euros de recettes fiscales locales en dotations de l'État, réduisant ainsi l'autonomie financière des collectivités locales.

Le projet de loi organique adopté par le Conseil des ministres le 21 octobre 2003 a pour objet de préciser les modalités du texte constitutionnel et de définir le contenu de chacun des paramètres utilisés pour déterminer la notion d'autonomie financière, à savoir :

-  les ressources propres,

-  les catégories de collectivités territoriales,

-  l'ensemble des ressources prises en compte,

-  la notion de part déterminante.

La loi devra également définir les conditions dans lesquelles le Gouvernement rend compte au Parlement de la mise en œuvre de la loi organique et de l'évolution de la part des ressources propres pour chaque catégorie de collectivités territoriales.

Elle s'attachera également à préciser la notion de « part déterminante », le texte proposé dans le projet visant à définir cette part comme celle qui assure l'autonomie financière des collectivités territoriales, au regard de la nature des compétences qu'elles ont à exercer et sous le contrôle du juge constitutionnel. Le projet de loi organique proposera en conséquence que le niveau d'autonomie atteint en 2003, c'est-à-dire celui de l'année où la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle est intégralement achevée, constitue un seuil au-dessous duquel ne peut être ramenée la part des recettes fiscales et autres ressources propres sous peine d'entraver la libre administration des collectivités territoriales.

Cette disposition garantit la fin du mouvement de remise en cause de la fiscalité locale constaté ces dernières années. Cette référence au niveau atteint en 2003 n'est toutefois qu'un plancher, qu'il sera souhaitable de dépasser au cours des prochaines années, conformément à la volonté du Gouvernement de renforcer l'autonomie financière des collectivités locales.

La loi prévoira également les conditions dans lesquelles le Gouvernement garantit au minimum le maintien de ce niveau. Un délai maximal de deux ans vise dans un premier temps à permettre la consolidation des données chiffrées. Dans un second temps, il permet de ne pas bloquer toute tentative de réforme de la fiscalité locale en permettant un rétablissement global du niveau des ressources propres dans le cadre de la loi de finances.

B. UNE RÉFORME QUI S'APPUIE SUR LES ÉLUS LOCAUX

La réforme de la décentralisation présentée aujourd'hui est issue d'une réflexion à long terme ; elle s'est bien évidemment inspirée des conclusions de la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation, mais elle a emprunté également beaucoup à la Commission sur l'avenir de la décentralisation, présidée par M. Pierre Mauroy en 2000. C'est donc sans parti pris et de façon très pragmatique que les propositions ont été faites.

Surtout, la méthode du Gouvernement a été celle de la concertation, par la mise en œuvre des Assises des libertés locales. Ces Assises qui ont réuni près de 55 000 personnes d'horizons divers, élus locaux bien sûr, mais également parlementaires et représentants de la société civile, ont fait émerger des attentes souvent contradictoires. Néanmoins, elles ont permis un foisonnement des propositions, près de 600 demandes de transferts de compétences et d'expérimentations ayant été formulées.

C'est sur la base de ces propositions que la réflexion a été menée : les Assises nationales, à Rouen, le 28 février 2003, ont ainsi été l'occasion pour le Premier ministre de dresser les principales lignes du futur projet de loi de transferts de compétences.

C. LA LOYAUTÉ DES TRANSFERTS

Le financement des transferts de compétences ne figure pas dans le projet de loi, seuls sont décrits, aux articles 88 et 89, les mécanismes qui permettront de compenser loyalement les nouvelles charges incombant aux collectivités territoriales. Cette absence n'est pas le résultat d'une impréparation du texte, comme certains l'ont prétendu à tort, mais traduit le respect des dispositions de la loi organique du 1er août 2001, qui dispose dans ses articles 34, 36 et 51 que :

-  la première partie de la loi de finances de l'année autorise, pour l'année, la perception des ressources de l'État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'État ;

-  l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ;

-  la loi de finances doit prévoir en annexe une liste et l'évaluation, par bénéficiaire ou catégorie de bénéficiaires, des impositions de toute nature affectées à des personnes autres que l'État.

En dépit de son caractère organique, le découplage entre la loi de transferts de compétences et son financement a très légitimement suscité des inquiétudes ; la tentation a toujours été grande pour les précédents gouvernements de se débarrasser à bon compte des charges et de responsabilités coûteuses sur les collectivités locales : l'exemple de l'Allocation personnalisée d'autonomie, non financée, qui a conduit 68 départements à prévoir une hausse de fiscalité locale de plus de 10 %, a ainsi fortement marqué les esprits.

L'article 72-2 de la Constitution, qui prévoit que le montant du transfert correspond à l'intégralité des moyens mis en œuvre par l'État, et que ses modalités ne dégradent pas le taux d'autonomie fiscale des collectivités, apporte une première réponse à ces inquiétudes, puisqu'il reviendra au Conseil constitutionnel de censurer tout transfert non financé. Toutefois, afin de surmonter définitivement la méfiance due à de longues années d'expériences, le Gouvernement s'est attaché à préciser le mécanisme de compensation dès la présentation du projet de loi au Sénat. Cet objectif de loyauté est une condition incontournable de la réussite de l'acte II de la décentralisation.

Ainsi, en 2005, les transferts seront financés comme suit :

-  les départements recevront pour environ 8 milliards d'euros de nouvelles compétences, dont 5 milliards pour le transfert du rmi, qui seront financés par une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, non modulable, et par des ressources modulables localement, notamment la taxe sur les conventions d'assurance ;

-  les régions recevront pour 3 milliards d'euros de nouvelles compétences, qui seront intégralement financées au moyen de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Le taux régional qui sera appliqué à la base régionale de tipp pourra être modulé.

III. -  LE PROJET DE LOI : UNE TRADUCTION CONCRÈTE DE CES EXIGENCES

A. LES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES

Simplicité et clarté : tel est aujourd'hui le sens de la demande sociale à l'égard de l'action publique. De fait, complexité des compétences, foisonnement et obscurité des normes applicables caractérisent trop souvent l'action combinée de l'État et des collectivités territoriales. C'est donc à une clarification bienvenue des compétences que procède le présent projet de loi, en étendant les champs de l'action locale et en en responsabilisant les acteurs. Sans pour autant tailler à la hache dans les compétences respectives des régions, départements, communes et groupements de communes, dans le but illusoire de former des blocs certes lisibles, mais surtout rigides et, en tout état de cause, contraires aux pratiques de coopération d'ores et déjà existantes.

Responsabilité et liberté : telle est donc la réponse apportée à la demande du corps social par le présent projet de loi. L'application de ce diptyque vaut dans de multiples domaines.

· C'est d'abord en matière de développement économique qu'il trouve une application renouvelée. D'ores et déjà en effet, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité avait consacré la région comme chef de file dans l'attribution des aides directes aux entreprises. Ce rôle est conforté par l'article 1er du projet de loi, qui procède notamment à une clarification décisive du régime des aides des collectivités territoriales aux entreprises et de son articulation avec le droit communautaire. Pour majeure qu'elle soit, cette disposition ne forme pas l'essentiel de cet article : la véritable innovation qu'il apporte dans le droit des interventions locales concerne l'articulation des rôles respectifs de tous les niveaux de collectivités dans un domaine qui ne saurait être l'apanage d'un seul. Tel est d'ailleurs l'apport essentiel de la première lecture au Sénat, qui a conforté cet équilibre et ménagé aux départements et aux communes ou à leurs groupements un véritable espace d'action, à la fois complémentaire et autonome par rapport à l'intervention régionale.

Le rôle de la région en matière économique est également étendu par le transfert à cette collectivité des instruments financiers déconcentrés de l'État au service du développement économique, et des moyens de les mettre en œuvre. C'est grâce au Sénat que cette dernière dimension a été clairement précisée dans l'article 2.

· En matière touristique, les articles 3 et 4 du projet de loi remanient profondément l'architecture actuelle des compétences. Certes, l'État reste le pivot de la politique du tourisme, qu'il définit et met en œuvre, avec les collectivités territoriales. Reste que, s'il conserve son rôle de concepteur, ses fonctions d'acteur de la politique nationale du tourisme sont strictement limitées aux missions ne pouvant, par nature, être assumées par une collectivité territoriale. Le projet de loi reprend ainsi largement l'article 2 de la loi du 23 décembre 1992 précitée, tout en clarifiant sa rédaction. En conséquence, par rapport au régime actuel, l'État perd la compétence de mise en œuvre des règles d'agrément et de classement des infrastructures et activités touristiques, ne gardant que celle de son élaboration. C'est désormais à la région que revient leur mise en application, ainsi que l'a souhaité le Sénat, qui a estimé que la compétence départementale initialement inscrite dans le projet de loi n'était pas pertinente.

C'est également le Sénat qui, s'agissant des compétences des communes en matière touristique, a supprimé le renvoi à une ordonnance initialement prévu par le projet de loi initial et inscrit dans le projet de loi la réforme attendue du régime des offices de tourisme. Outre le fait que ceux-ci voient ainsi leurs missions clarifiées, est reconnue à l'ensemble des communes et des établissements publics de coopération intercommunale la faculté de les créer sous la forme d'établissements publics industriels et commerciaux ou toute autre forme juridique de leur choix (article 4). Enfin, à la suite de l'adoption d'un amendement sénatorial, la création de casinos a par ailleurs été autorisée en Guyane (article 4 bis).

· En matière de formation professionnelle, le projet de loi renforce la compétence régionale, achevant ainsi le transfert opéré depuis 1983.

La région se voit en effet confier, en vertu de l'article 5, la responsabilité de la définition et de la mise en œuvre de la politique régionale de formation professionnelle et d'apprentissage, ainsi que l'assistance aux candidats à la validation des acquis de l'expérience.

L'article 5 réforme, en outre, l'indemnité compensatrice forfaitaire versée, désormais par la région, aux employeurs d'apprentis. Le texte adopté par le Sénat prévoit que le conseil régional détermine la nature, le niveau et les conditions d'attribution de l'indemnité, un décret en Conseil d'État fixant le montant minimal de l'indemnité.

Plusieurs articles additionnels ont été insérés par le Sénat :

-  l'article 5 bis qui affirme, par un nouvel article dans le code de l'éducation, la compétence de l'État en matière de formation professionnelle des français de l'étranger ;

-  l'article 5 ter qui désigne la région comme destinataire des formalités d'enregistrement des contrats d'apprentissage ;

-  l'article 5 quater qui prévoit le transfert à la région, dans le cadre d'une délégation de l'État, des stages d'insertion et de formation à l'emploi (sife) et des stages d'accès à l'entreprise (sae).

Afin de doter la région d'un outil de programmation efficace, global et pertinent, l'article 6 confie au conseil régional l'élaboration et la mise en œuvre du plan régional de développement des formations professionnelles (prdfp). Les modalités de celles-ci ainsi que le contenu du plan sont également précisés dans cet article.

L'article 7 inscrit dans le code du travail, en tant que « code suiveur », les dispositions relatives au prdfp.

L'article 8 précise les modalités du transfert à la région des compétences donnant lieu à l'organisation et au financement, par l'État, de stages de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (afpa) et notamment le transfert des crédits de l'État consacrés à ces stages.

L'article 9 abroge, par coordination, plusieurs dispositions du code du travail ayant trait à la compétence de l'État.

L'article 10 modifie les éléments de la rémunération par l'État et les régions des stagiaires de la formation professionnelle : le montant minimum de la rémunération sera ainsi fixé par décret permettant aux régions de dépasser le barème national ; les régions prendront en charge les cotisations sociales des stagiaires participant à une formation agréée par elle.

L'article 11 confie à la région un rôle de coordination des fonctions d'accueil, d'information et d'orientation en direction des jeunes et des adultes, qu'elle exerce au moyen de conventions portant sur les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation (paio).

· Le projet de loi conforte également le rôle des collectivités territoriales dans l'aménagement du territoire en étendant leur rôle dans le développement des infrastructures, avec, au cœur du système, la région. Le Sénat a, en effet, dans un article nouveau, affirmé la compétence des régions, en association avec l'État et en concertation avec les départements, les communes et leurs groupements, pour élaborer un schéma des infrastructures et des transports assurant la cohérence régionale et interrégionale des itinéraires à grande circulation, dans une approche multimodale (article 12 A).

C'est tout d'abord dans le domaine routier que les responsabilités locales en matière d'infrastructures sont renforcées : le transfert déjà massif qui avait vu, en 1971, les départements devenir propriétaires de 360 000 kilomètres de routes est amplifié, par une nouvelle réduction du réseau national, désormais limité au réseau structurant, soit 10 000 kilomètres de routes d'intérêt national, en plus des autoroutes. Précisons qu'en vertu de l'article 13, les départements et régions d'outre-mer peuvent bénéficier d'une organisation particulière.

L'article 12, qui consacre ce transfert de propriété, en tire toutes les conséquences, en prévoyant, notamment, comme l'a souhaité le Sénat, la possibilité, pour les collectivités territoriales, de définir conjointement avec l'État les programmes de recherche et de développement des savoir-faire techniques dans le domaine routier et d'être associées à la définition des normes applicables à la voirie routière. De même, les articles 15, 16 et 17 tirent les conséquences de la nouvelle domanialité d'une partie de la voirie nationale sur la police de la conservation du domaine public routier, le régime des routes à grande circulation et les pouvoirs de prévention du préfet sur ces axes.

Précisons que ce transfert n'affecte ni les engagements financiers conclus au titre des contrats de plan État-région (article 19), ni les conditions dans lesquelles s'exercent la maîtrise d'ouvrage sur des opérations d'investissement en cours sur le réseau national (article 21).

Par ailleurs, à l'article 14, le projet de loi rénove profondément le régime des péages sur les différents types de voies (autoroutes et routes express) et les ouvrages d'art, en ouvrant notamment à l'État la faculté de soumettre l'usage des autoroutes non concédées au paiement d'un péage et à tous les niveaux de collectivité d'en faire de même pour les routes express. L'intervention du Sénat a permis, sur ce point, une meilleure prise en compte de l'ensemble des collectivités concernées par l'institution d'un péage. Ainsi, les communes ayant un échangeur devront être consultées sur tout projet de création d'un péage, l'avis de la région n'étant requis qu'en cas de participation financière de cette dernière à la réalisation de l'infrastructure.

L'article 18, également relatif au financement des investissements sur le domaine public routier, rend enfin éligibles au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée les dépenses exposées par les collectivités territoriales et leurs groupements, soit directement soit par voie de fonds de concours, pour des opérations d'aménagement sur le domaine public routier de l'État ou d'une autre collectivité territoriale. C'est au terme d'un compromis équilibré entre le Gouvernement et le Sénat qu'a été acquise cette solution, de loin préférable au projet de loi initial qui ne permettait cette éligibilité qu'en cas de participation majoritaire des collectivités territoriales aux travaux réalisés sur le seul domaine public routier national.

Outre les routes, la majorité des infrastructures aéroportuaires (article 22), portuaires (article 24) et fluviales (article 26) est également concernée par des procédures de transfert en faveur des collectivités locales.

Si, de longue date, les collectivités territoriales créent et exploitent des aérodromes, il restait à leur transférer les aérodromes que l'État n'a pas vocation à conserver. Une tentative en ce sens avait échoué en 1983 : le projet de loi lui donne corps, à charge pour les collectivités intéressées de se porter candidates selon la procédure alliant mise en concurrence et concertation définie par le projet de loi. En l'occurrence, aucune spécialisation n'est inscrite dans la loi, même si c'est la région qui, en cas de pluralité ou d'absence de candidatures, est bénéficiaire de droit.

Les ports sont transférés selon une procédure similaire : il s'agit de compléter les transferts d'ores et déjà réalisés en 1983, nombreux sur le papier mais ne représentant en fait que 3 à 4 % du trafic national. Contrairement à la démarche adoptée en matière aéroportuaire, le projet de loi esquisse une spécialisation des compétences : aux régions les ports de commerce, aux départements les ports de pêche et aux communes les ports de plaisance, schéma qui souffre toutefois des aménagements adaptés aux réalités locales.

L'actualisation et l'adaptation des codes de l'aviation civile et des ports maritimes consécutives à ces transferts sont renvoyées à des ordonnances (articles 23 et 25).

En matière fluviale, le projet de loi complète les deux transferts qui avaient déjà eu lieu en 1983 et 2003. S'agissant des régions qui, en 1983, avaient accepté de gérer les voies navigables, c'est un dispositif optionnel qui a été choisi, permettant à ces collectivités de choisir ou non d'en acquérir la pleine propriété. Cette rédaction a été proposée par le Sénat, le projet de loi ayant initialement prévu un mécanisme automatique. Quant au transfert ouvert en 2003 sur la base du volontariat, il n'est pas remis en cause, mais complété, notamment quant à ses effets juridiques.

Ce sont enfin les biens de l'État concédés aux sociétés d'aménagement régional qui font l'objet d'un transfert (article 28).

Sur l'ensemble de ces domaines, le Sénat a systématiquement ajouté la précision selon laquelle le préfet est tenu de communiquer aux collectivités et groupements de collectivités territoriales sollicitant le transfert des aérodromes, des ports et des biens concédés aux sociétés d'aménagement régional toutes les informations permettant ce transfert en connaissance de cause.

· Contrairement aux autres étapes de la décentralisation qui avaient bien souvent réservé un sort particulier à la région Île-de-France, le présent projet de loi l'inclut dans le grand mouvement de progrès des libertés et responsabilités locales. Les articles 29 à 34 du projet de loi, qui traitent du problème spécifique des transports dans cette région, donnent à cette dernière les moyens de mettre en œuvre une politique efficace et cohérente des transports sur un territoire où s'effectuent, annuellement, en termes de nombres de voyageurs, 910 millions de trajets par autobus de la ratp, 1,25 milliard par métro, 400 millions par rer-ratp, 900 millions par les chemins de fer de la sncf et 250 millions par autocars privé.

Déclinant ce rôle majeur de la région Île-de-France, le Sénat a, dans un article additionnel au projet de loi, affirmé la responsabilité de cette collectivité pour la conduite de la politique des déplacements en Île-de-France et lui a ouvert la possibilité de participer au financement des opérations de sécurité routière (article 29 A).

Cette région devient également majoritaire au sein du syndicat des transports d'Île-de-France (stif), avec le départ de l'État (article 29). L'article 30 tire les conséquences financières de cette évolution statutaire importante du stif, en complétant les ressources de cet organisme. A cet égard, le Sénat a notamment obtenu que le versement annuel, par l'État, d'une dotation forfaitaire en compensation des charges nouvelles soit ajusté de manière automatique, et non égal à un montant fixé par décret en Conseil d'État.

L'article 31 confère, par coordination, la compétence au stif pour l'élaboration du plan de déplacements urbain jusqu'alors exercée par l'État. Cette « normalisation » s'étend aux transports scolaires, dont la compétence est, en Île-de-France, aujourd'hui exercée par l'État, et non par le département : par souci de cohérence, c'est le stif qui est attributaire de cette nouvelle compétence, avec possibilité d'en déléguer la mise en œuvre aux départements (article 32).

· L'article 35 confie, à titre expérimental, à la région ou, à défaut, aux collectivités territoriales, qui en font la demande, les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement des fonds structurels européens, à l'instar de l'expérience menée en Alsace .

· L'article 36 transfère au conseil général la compétence d'élaboration du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés et crée, pour ces mêmes déchets, un plan régional pour l'Île-de-France. L'article 37 redéfinit le rôle de l'État dans ce domaine, qui conserve la police des installations et peut, par l'intermédiaire de son représentant dans le département, se substituer au département défaillant. L'article 37 bis, introduit par le Sénat, prévoit la substitution du préfet de région en cas de défaut d'adoption du plan régional d'élimination des déchets industriels spéciaux par le conseil régional.

L'article 38 précise les dispositions transitoires s'appliquant aux plans d'élimination des déchets ménagers.

· En matière d'action sociale et médico-sociale, le rôle du département est conforté à l'article 39, parallèlement à la décentralisation complète du rmi ; le département assure à ce titre la coordination des organismes publics et privés susceptibles d'allouer des aides aux personnes en difficultés. Le Sénat a souhaité donner à cette reconnaissance un contenu plus normatif en élargissant ce rôle, initialement limité aux actions de prévention et de lutte contre les exclusions à l'ensemble des actions entreprises en matière sociale. En outre, la compétence du département pour les actions menées en direction des personnes âgées est également réaffirmée à l'article 46, le Sénat ayant confié aux départements la gestion des centres locaux d'insertion et de coordination.

L'article 40 du projet de loi prévoit de confier au président du conseil général l'initiative, le pilotage et la responsabilité d'arrêter le schéma départemental de l'action sociale et médico-sociale, à charge pour lui de s'assurer des concertations nécessaires. L'article 41 assure en outre le transfert aux départements des fonds d'aide aux jeunes en difficulté.

· Les régions se verraient quant à elles confier de nouvelles compétences dans le domaine de la santé. Aux termes de l'article 43, elles seront désormais compétentes pour définir et mettre en œuvre la politique de formation des travailleurs sociaux. Le Sénat a complété la rédaction proposée en permettant aux départements d'être associés à ce schéma qui permettra de recenser les besoins de formation à prendre en compte pour la conduite de l'action sociale et médico-sociale. L'article 44 prévoit les modalités de prise en charge financière des établissements dispensant des formations sociales ; le Sénat a limité la charge incombant aux régions aux seules dépenses administratives et frais afférents aux activités pédagogiques et à une contribution aux dépenses d'investissement, d'entretien et de fonctionnement des locaux de ces établissements.

Les articles 53 et 54 prévoient également que les régions pourront participer aux agences régionales d'hospitalisation et financer à ce titre les équipements sanitaires.

Seule recentralisation opérée par le projet de loi, au titre de la solidarité nationale et de l'égalité d'accès aux soins, l'article 56 prévoit de confier à l'État la responsabilité des campagnes de prévention et de lutte contre les grandes maladies ; sur cet article, le Sénat a refusé que des conventions puissent être signées entre l'État et les collectivités territoriales pour que celles-ci continuent à mener les actions dont elles avaient auparavant la charge.

· Le projet de loi prévoit de réorganiser, aux articles 49 à 51, la politique du logement social et celle du logement pour étudiants. La première fait l'objet d'une délégation de compétences, et non d'un transfert, aux communautés urbaines, communautés d'agglomération et communauté de communes de plus de 50 000 habitants ainsi que, pour les zones non couvertes par ces intercommunalités délégataires, aux départements. Le département se voit en outre reconnaître la pleine responsabilité du fonds de solidarité logement, alors que les communes ou leurs intercommunalités obtiennent la gestion du logement des étudiants.

Le Sénat a quelque peu modifié l'équilibre du projet en prévoyant, d'une part, dans un nouvel article 49 A, le transfert au maire ou, par délégation, au président d'un epci, du contingent préfectoral de réservation de logements au profit des personnes prioritaires, mal logées ou défavorisées ; d'autre part, la gestion par le seul département du Plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.

Il a en outre supprimé à l'article 49 les conditions de seuils démographiques exigées des communautés de communes pour pouvoir solliciter une délégation de compétences en matière d'attribution d'aides à la pierre. Il a prévu de confier directement aux établissements publics de coopération intercommunale la gestion des crédits de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.

· Les secteurs de l'éducation et de la culture ont déjà bénéficié, par le passé, d'importantes mesures de décentralisation. Le premier a fait l'objet d'une ligne de partage relativement claire - le « matériel » aux collectivités locales, le « spirituel », la pédagogie, à l'État -, mais incomplète. Le second secteur a été bénéficié à la fois par de transferts clairs mais limités - les bibliothèques centrales de prêt, les archives - et d'un foisonnement des initiatives, mais sans cadre juridique précis et marqué par la multiplication des financements croisés et un obscurcissement du paysage. Le titre IV du projet de loi, d'une part, complète la décentralisation dans le domaine de l'éducation, et, d'autre part, élargit la décentralisation culturelle au patrimoine et clarifie les responsabilités respectives de l'État et des collectivités territoriales en matière d'enseignement artistique.

Au-delà de la réaffirmation du rôle primordial joué par l'État dans l'éducation, concentré sur la définition des contenus et des parcours de formation (article 60), et du rôle des régions dans le domaine de la formation professionnelle sanitaire et sociale (article 62), deux séries de mesures sont proposées.

La première permettra de mieux associer les collectivités territoriales aux questions éducatives, notamment grâce à la création d'un conseil territorial de l'éducation nationale (article 61) et à l'amélioration du fonctionnement et la clarification des compétences des conseils académiques de l'éducation nationale, au sein desquels sont représentés l'ensemble des acteurs locaux de l'éducation (article 63).

La seconde série de mesures complète le dispositif existant en accordant une plus grande responsabilité aux collectivités locales dans la gestion des collèges et des lycées et en poursuivant le processus engagé au milieu des années 1980 grâce à la rationalisation du rattachement des établissements. Cette clarification des compétences concerne l'État et les collectivités territoriales, mais aussi les communes et leurs groupements. Lorsque ces derniers exercent la compétence éducative, le projet de loi, dans son article 70, prévoit que les règles s'appliquant aux communes d'accueil et de résidence dans le partage de la prise en charge financière des élèves leur seront transposées.

Les efforts financiers consentis par les collectivités territoriales sur l'ensemble du territoire depuis qu'elles sont compétentes en matière d'équipement scolaire et la capacité dont elles ont fait preuve pour absorber le choc de l'accroissement continu des effectifs scolarisés justifient de parachever le processus entamé au milieu des années 1980. Cette avancée aura, en outre, pour avantage de pousser plus loin la logique de blocs de compétence et donc la lisibilité du système. Elle passe d'abord par un transfert de la propriété des collèges et des lycées respectivement aux départements et aux régions (article 64). Pour éviter le maintien du régime complexe en vigueur, la logique veut que soit effectué un transfert de ces biens à ces dernières, sous réserve d'un accord entre collectivités. Le Sénat a prévu que tous travaux de construction, de reconstruction, d'extension, ou des grosses réparations, emportent transfert de plein de droit des biens concernés à la collectivité qui a assuré ces opérations. La compétence pour définir la « sectorisation » des établissements, c'est-à-dire la détermination de leur périmètre de recrutement, sera également rationalisée (articles 65 et 66).

La rationalisation des compétences rend également nécessaire la décentralisation de la gestion des personnels chargés de l'entretien et de la maintenance d'équipements dont sont déjà responsables les collectivités territoriales (article 67). Cette mesure évitera un malthusianisme des effectifs pratiqué dans certaines académies et préjudiciable au bon entretien et à la préservation de biens dont le financement a pourtant été assuré par les collectivités territoriales.

Le Sénat a appliqué le même raisonnement aux médecins scolaires : une meilleure adéquation des moyens aux besoins, aujourd'hui peu satisfaits, suggère une gestion plus proche des réalités locales et donc assurée par les départements, étant souligné que le souci de la santé des élèves peut, en outre, justifier une continuité du suivi entre la médecine pré-scolaire, relevant déjà de la compétence des départements, et la médecine scolaire.

Enfin, le projet de loi opère une rationalisation du rattachement de certains établissements scolaires qui étaient restés jusqu'à présent en dehors des principes établis par les premières lois de répartition des compétences en matière scolaire (articles 68, 69 et 71).

La décentralisation culturelle en matière de patrimoine n'a pas, jusqu'à ce jour, fait l'objet de texte législatif particulier, à l'exception des expérimentations ouvertes dans la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, mais celles-ci n'ont connu aucune application concrète. En revanche, de nombreuses expériences ont été menées à l'initiative des collectivités territoriales elles-mêmes, soucieuses du patrimoine situé sur leur territoire et qui structure leur identité, souvent en partenariat avec l'État dans le cadre d'instruments très souples tels que les protocoles de décentralisation culturelle.

Le projet de loi propose des mesures touchant à la fois l'Inventaire général du patrimoine culturel et les biens protégés.

Ce processus s'est fait de manière inégale selon les territoires et sans base juridique bien déterminée. Le projet de loi, dans son article 72, après avoir donné une définition juridique de l'Inventaire général du patrimoine culturel, prévoit sa décentralisation à la région, échelon suffisamment vaste pour disposer d'équipes scientifiques conséquentes et suffisamment proche pour mieux prendre en considération les richesses culturelles de son territoire. En complément, il ouvre la possibilité pour les régions de déléguer les opérations proprement dites d'inventaire à d'autres collectivités qui en feraient la demande, départements ou communes importantes. L'État restera garant de la cohérence et de la méthodologie employée.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit une décentralisation de la responsabilité de certains monuments historiques appartenant à l'État ou à ses établissements et ouvre une expérimentation de gestion décentralisée des crédits relatifs aux biens protégés, c'est-à-dire inscrits ou classés, n'appartenant pas à l'État (articles 73 et 74).

Le projet de loi consacre, en matière d'enseignements artistiques, les initiatives prises par les collectivités territoriales en faveur des réseaux des écoles préparatoires à une formation professionnelle (article 75). En outre, il place de manière explicite les établissements supérieurs d'enseignement de musique, de la danse et de l'art dramatique sous la tutelle de l'État (article 76).

B. LES MODALITÉS PRÉVUES EN TERME DE TRANSFERTS DE PERSONNELS

Transfert de compétences, délégations de compétence, expérimentations, exigent des moyens. Depuis 1982, le principe selon lequel tout transfert de compétences doit s'accompagner d'un transfert des moyens - services, biens et personnels - a été maintes fois réaffirmé.

Le projet de loi ne déroge pas à la règle en prévoyant, dans son titre V, la mise en œuvre de ce principe. Parallèlement, il apporte aux agents concernés toutes les garanties nécessaires au maintien de leur situation individuelle. Cette double exigence, de transfert des moyens nécessaires à l'exercice de nouvelles compétences et de respect de la situation des agents, sera assurée tout au long de la procédure qui se déroulera à partir de la date d'entrée en vigueur effective du transfert de compétence jusqu'au transfert définitif des moyens permettant d'en assurer l'exercice dans les meilleures conditions, y compris pendant la période transitoire.

Un régime transitoire, déjà éprouvé lors de transferts précédents (8), est applicable entre la décision de transfert et le transfert effectif des services - biens et personnels compris - correspondant aux compétences transférées. Sur la base de l'article 77 du projet de loi, une convention type de mise à disposition des services ou parties de services concernés par les transferts de compétence sera publiée par décret, puis dans un délai de trois mois, à compter de la publication de ce décret, l'État et la collectivité territoriale bénéficiaire du transfert devront conclure une convention qui permettra d'adapter à chaque situation locale les termes de la convention type. Enfin, pour chaque ministère interviendra un décret particulier de transfert définitif au terme d'une procédure d'élaboration et de consultation qui devrait durer environ un an.

Des dispositions particulières sont définies pour les personnels. Plus de 130 000 agents d'État seront concernés par les transferts et les mises à disposition aux collectivités territoriales, dont 95 000 agents techniciens, ouvriers et de service travaillant dans les collèges et les lycées et 35 000 agents de l'équipement. Pourront également être concernés les personnels travaillant à l'inventaire général du patrimoine culturel, gérant les crédits d'entretien et de restauration des monuments historiques ou encore les agents travaillant dans les monuments qui seront transférés aux collectivités locales sur le fondement de l'article 73.

Dans un premier temps, les agents titulaires et non titulaires seront mis à disposition des collectivités territoriales (articles 78 et 79). Dans un second temps, au-delà de la période transitoire, les agents concernés pourront opter pour l'intégration dans la fonction publique territoriale, ou rester agents de l'État en position de détachement sans limitation de durée, qu'ils soient titulaires (article 80) ou non titulaires (article 81). Le Sénat y a inclut les agents bénéficiaires d'un contrat de droit privé, ce qui concernera au premier chef les bénéficiaires d'emplois-jeunes, de contrats emploi-solidarité et de contrats emploi consolidé travaillant dans les établissements scolaires.

Expérimentations et délégations de compétence exigent également des moyens supplémentaires pour les collectivités bénéficiaires, sans pour autant que soient créés des doublons. C'est pourquoi l'article 83 prévoit la possibilité pour ces collectivités de se voir accorder une mise à disposition de personnels.

De la bonne marche du processus de transfert dépend la réussite de la décentralisation. En effet, l'expérience des transferts précédents a montré qu'une compétence était réellement exercée par une collectivité territoriale si et seulement si les moyens administratifs correspondants étaient transférés. À défaut, le transfert de compétences reste au stade du transfert de responsabilités et limite de facto l'autonomie de décision de la collectivité. L'évolution heurtée des transferts de compétence en matière de voirie le montre suffisamment (9).

C. LES MODALITÉS DE COMPENSATION DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES

Les modalités de compensation des transferts de compétences sont prévues aux articles 88 et 89 du projet de loi ; il s'agit, à l'article 88, de donner une transcription législative aux dispositions de l'article 72-2 de la Constitution, qui dispose que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ».

L'article 88 précise dans ce cadre la notion d'accroissement net de charges et définit les modalités d'évaluation des dépenses d'investissement, en se fondant sur la moyenne des cinq années précédentes.

Le Sénat a complété cet article par deux dispositions majeures : il a prévu que le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées aux collectivités territoriales serait calculé en fonction de la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences. Il s'agit ainsi d'obtenir une compensation plus loyale des transferts de compétences, dans la mesure où elle sera moins tributaire des réorganisations de services effectuées depuis l'annonce de la nouvelle étape de la décentralisation .

Il a également prévu le maintien des financements affectés aux contrats de plan conclus entre l'Etat et les régions.

L'article 89 détermine les cas où les modalités de la compensation financière dérogeront aux dispositions de droit commun fixées à l'article 88 ; il prévoit ainsi des dispositions spécifiques pour les transferts des ports maritimes, des routes nationales, de lycées et collèges restés à la charge de l'Etat et des instituts et écoles de formations sur support hospitalier.

Dans un article 88 bis, le Sénat a également prévu la compensation des charges résultant des créations et extensions de compétences des collectivités territoriales, conformément à l'article 72-2 de la Constitution.

Enfin, le Sénat a renforcé le contrôle des élus locaux sur l'évaluation des charges transférées aux collectivités territoriales en prévoyant que la commission consultative sur l'évaluation des charges constituerait une formation restreinte du Comité des finances locales, présidée par un élu local et composée à parité de représentants de la catégorie de collectivités territoriales et des ministères concernés, compétente pour donner un avis non seulement sur le montant mais également sur les modalités d'évaluation des charges (article 88 A).

Cette commission serait consultée sur le projet de décret fixant les modalités de calcul du droit à compensation des charges d'investissement transférées aux collectivités territoriales (article 88) et sur les modalités de la compensation des charges résultant des créations et extensions de compétences des collectivités territoriales (article 88 ter).

D. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA DÉMOCRATIE LOCALE

L'article 90 du projet de loi tend à permettre à l'ensemble des collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale d'organiser des consultations locales, sur tout ou partie de leur territoire et sur toute affaire relevant de leur compétence.

Pour associer les électeurs à leurs décisions, les collectivités territoriales auraient ainsi le choix entre le recours à un référendum décisionnel - qui deviendrait consultatif en cas de participation électorale inférieure à la moitié des électeurs inscrits - ou à une simple consultation.

Les établissements publics de coopération intercommunale pourraient eux aussi organiser des consultations sur toute affaire relevant de leur compétence, alors qu'ils ne pouvaient le faire que sur des opérations d'aménagement, depuis 1995, et s'étaient vu refuser le bénéfice des dispositions relatives aux référendums décisionnels par la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République.

Autre conséquence de la révision constitutionnelle, les électeurs ne pourraient plus obtenir mais simplement demander l'inscription à l'ordre du jour d'une pétition proposant l'organisation d'une consultation locale, à condition que cette pétition revête la signature du cinquième du corps électoral.

Le Sénat, considérant qu'il y avait une contradiction à laisser subsister dans le code général des collectivités territoriales une procédure touchant au référendum et une autre à la consultation des électeurs, l'une et l'autre lui paraissant incompatibles, a adopté un amendement de rédaction de l'article afin de supprimer toutes les dispositions ayant trait aux consultations.

E. LA MISE À DISPOSITION D'OUTILS D'ÉVALUATION PERFORMANTS

Une plus large décentralisation doit s'accompagner d'une bonne connaissance et d'une évaluation des politiques publiques locales ; il s'agit là du corollaire indispensable à la reconnaissance de la responsabilité des élus locaux. À cette fin, l'article 92 fixe ce principe d'évaluation et crée un Conseil national d'évaluation des politiques locales.

À l'article 93 sont définies les modalités d'un système d'informations partagées entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Le Sénat a supprimé l'article 92, prévoyant la création d'un Conseil national d'évaluation des politiques locales, au motif que la proposition de son président, M. Christian Poncelet, consistant à lui confier cette mission serait privée d'objet alors qu'elle mérite d'être étudiée avec attention.

F. LA RÉORGANISATION DE L'ÉTAT ET LA RÉFORME DU CONTRÔLE DE LÉGALITÉ

Lors des phases précédentes de décentralisation, l'élargissement des compétences des collectivités territoriales s'est accompagné d'un transfert de pouvoir en faveur de l'échelon déconcentré de l'État, mais toujours avec un décalage dans le temps. À cet égard, il suffit de se rappeler des lois de 1982-1983 d'une part et la loi du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration territoriale de la République d'autre part.

En rupture avec ce passé, le projet de loi prévoit concomitamment un approfondissement de la décentralisation et un renforcement de la déconcentration. Ce dernier mouvement se vérifie à la fois dans la réécriture des dispositions relatives aux préfets de région et de département et dans l'élargissement de leurs compétences, de telle sorte qu'ils demeurent les interlocuteurs privilégiés d'élus locaux dotés de responsabilités plus grandes.

Dans le cadre de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 qui a permis au constituant de réaffirmer le rôle du préfet, « représentant de chacun des membres du Gouvernement » qui « a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois », les articles 94 et 95 du projet de loi, modifiant l'article 21-1 de la loi du 5 mars 1972 relatif aux préfets de région et l'article 34 de la loi du 2 mars 1982 relatif aux préfets de départements, présentent une nouvelle répartition des rôles entre les deux catégories de représentants tout en confirmant leur rôle pilote dans la direction des services locaux de l'État.

Sans pour autant instituer une relation hiérarchique entre le préfet de région et le préfet de département, le projet de loi affirme le rôle prééminent du premier qui « anime et coordonne l'action des préfets de département », ces derniers devant, dans un grand nombre de domaines - aménagement du territoire et développement économique, développement rural, environnement et développement durable, culture, emploi, logement, rénovation urbaine, santé publique, politiques communautaires - , prendre des décisions conformes aux orientations fixées par lui et lui en rendre compte.

Au-delà de la reconnaissance de son rôle général qui trouvera un prolongement logique dans la réforme de l'administration régionale de l'État annoncée au Conseil des ministres du 28 janvier dernier, le préfet de région se voit attribuer deux nouveaux pouvoirs : celui de modifier les limites des arrondissements (article 96) et celui d'approuver les accords transfrontaliers entre collectivités territoriales (article 97).

Protecteur des équilibres fondamentaux, l'État, par le truchement des préfets et sur le fondement du dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, doit s'assurer du respect par les collectivités territoriales de l'ordre juridique. L'outil privilégié de cette action est le contrôle de légalité, par lequel les représentants de l'État s'assurent a posteriori, une fois que les actes des collectivités territoriales sont devenus exécutoires, que ces actes sont conformes à la loi. Il constitue également le moyen de concilier État unitaire et organisation décentralisée de la République.

Mais sa mise en œuvre - tous les acteurs le reconnaissent - pose problème. En effet, le nombre d'actes soumis au contrôle ne cesse de croître et le projet de loi accentuera cette tendance. Parallèlement, les contraintes budgétaires imposent de ne pas accroître les effectifs des préfectures chargés d'instruire ce contrôle dans les mêmes proportions. S'y ajoutent d'importantes inégalités selon les parties du territoire considérées. Le maintien de cette situation ne peut conduire qu'à une aporie, qui, à terme, discréditera collectivités territoriales et État et conduira au rejet du mouvement de décentralisation.

Pour sortir de cette situation, le Gouvernement, dans le texte initial du projet de loi, a demandé une habilitation pour agir par ordonnance en vue d'améliorer le contrôle de légalité (article 98). Le Sénat, compte tenu de l'importance des enjeux en cause, a souhaité légiférer de manière directe. En conséquence, il a proposé de réduire la liste des actes transmis de manière obligatoire aux représentants de l'État (article 98 quater). Il a autorisé la transmission électronique des actes des collectivités territoriales (article 98 ter) et réduit la périodicité du rapport présenté au Parlement sur le contrôle de légalité afin d'alléger les contraintes pesant sur les services concernés (article 98 quinquies). Enfin, il a fait en sorte que le préfet puisse agir efficacement contre les décisions individuelles qu'il estimerait illégales dont un revirement de jurisprudence avait rendu le retrait plus difficile (article 98 bis).

G.  LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMMUNES ET À L'INTERCOMMUNALITÉ

· Les dispositions relatives aux communes

L'article 99 permet au maire, en sa qualité d'agent de l'Etat, de connaître la liste des étrangers bénéficiant d'une mesure de naturalisation domiciliés dans la commune en vue d'organiser, s'il le souhaite, une cérémonie d'accueil dans la nationalité française.

L'article 100 met fin au débat ancien de la question des biens sans maître, en posant le principe d'une dévolution de droit de ces biens aux communes. Le Sénat a accru l'efficacité de la procédure d'appréhension de ces biens en permettant au maire de la faire débuter lorsque les contributions foncières afférentes n'ont pas été acquittées depuis plus de trois ans, et non cinq comme dans le projet de loi initial.

Le Sénat a adopté un amendement créant un nouvel article additionnel à l'article 100 bis, précisant que lorsque les communes renonçaient à créer un centre communal d'action sociale, elles devaient exercer elles-mêmes les compétences imparties aux CCAS de par la loi.

Introduit par amendement au Sénat, l'article 100 ter ouvre au conseil municipal la possibilité de donner délégation au maire pour qu'il réalise certaines lignes de trésorerie.

Le Sénat a également inséré un article additionnel avant l'article 99 (article 99 A) ayant pour objet de conforter le rôle de la commune. Placé juste avant les dispositions relatives au développement de la coopération intercommunale, cet article rappelle que le regroupement intercommunal ne doit pas se faire au détriment des communes, qui constituent la cellule de base de la démocratie.

· Les dispositions relatives à l'intercommunalité

Cinq ans après la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, il est temps de tirer les conséquences d'un mouvement de regroupement intercommunal qui a profondément bouleversé le paysage de l'organisation territoriale de la France.

L'intercommunalité est une réussite incontestable ; le titre IX du projet de loi s'attache à en corriger certains effets pervers, en favorisant le regroupement des structures et la rationalisation de la carte intercommunale.

L'article 101 prend ainsi acte de la place incontournable de l'intercommunalité en ouvrant aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre la faculté de demander aux départements ou aux régions de leur déléguer l'exercice de certaines de leurs compétences. Les conseils généraux et régionaux conserveraient la possibilité d'opposer un refus à ces demandes mais seraient tenus d'en délibérer.

Plusieurs autres dispositions sont destinées à faciliter le fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale :

- en autorisant les fusions et les transformations de groupements de collectivités territoriales (articles 102 à 106) ;

- en donnant aux maires la faculté de confier certains de leurs pouvoirs de police spéciale au président de l'établissement public auquel appartiennent leurs communes pour l'exercice des compétences transférées (article 111) ;

- en simplifiant l'utilisation des fonds de concours (article 125) ;

- en assouplissant les relations financières entre les établissements publics de coopération intercommunale et leurs communes membres, grâce à la réforme de l'attribution de compensation et de la dotation de solidarité communautaire (articles 123 et 124).

Le Sénat a prévu un exercice conjoint par le maire et le président de l'établissement public de coopération intercommunale dont sa commune est membre des pouvoirs de police spéciale transférés à ce dernier et posé le principe de la réversibilité de ce transfert, à tout moment, selon les règles prévues pour sa mise en place (article 111).

Il a doublé les délais imposés aux communautés urbaines, aux communautés d'agglomération et à leurs communes membres pour définir l'intérêt communautaire qui s'attache à l'exercice des compétences transférées, en le portant à deux ans pour les nouveaux établissements et à un an pour les établissements existants. Dans un souci de sécurité juridique, il a étendu cette obligation aux communautés de communes (article 112).

Il a précisé que les conventions passées entre les communautés urbaines et les communautés d'agglomération, d'une part, leurs communes membres, d'autre part, pour la gestion d'équipements relevant de leurs compétences pourraient être passées sans formalités préalables (article 125 bis).

Il a prévu qu'il en irait de même des conventions de mise à disposition de services entre un établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres (article 113). Par ailleurs, le Sénat a étendu aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération la possibilité reconnue aux communautés urbaines de mettre en place une gestion unifiée de leur personnel et de celui de leurs communes membres (article 113).

Il a confié aux conseils municipaux des communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale le soin de fixer le montant de l'attribution de compensation que ce dernier leur verse (article 123).

Un établissement public de coopération intercommunale serait tenu de consacrer la moitié de la dotation de solidarité communautaire à un objectif exclusif de péréquation mais serait entièrement libre de l'affectation de l'autre moitié de cette dotation (article 124).

Le Sénat a supprimé toute restriction au versement d'un fonds de concours entre une commune et l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient pour financer la réalisation d'équipements (article 125).

IV. - LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION

La Commission a adopté près de deux cents amendements issus non seulement des travaux du rapporteur mais aussi de ceux de nombreux autres de ses membres, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition. Ces amendements ont pour objet de clarifier les transferts de compétences, d'aménager les modalités de compensation de ces transferts, d'améliorer le contrôle de légalité et de poursuivre la modernisation de l'intercommunalité.

A. LES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES

· Le développement économique

La Commission a tout d'abord précisé les conditions d'élaboration et le rôle du schéma régional de développement économique prévu à l'article 1er : la consultation des organisations syndicales représentatives est explicitement prévue au stade de son élaboration, tandis que sont clarifiés les objectifs du schéma, autour des deux concepts d'équilibre et d'attractivité. La Commission a, par ailleurs, souhaité supprimer la procédure d'agrément visée à l'article L. 510-1 du code de l'urbanisme dès lors qu'existe un schéma de développement économique dans la région. En outre, la Commission a adopté un amendement précisant la procédure permettant à la région d'établir le rapport annuel des aides mises en œuvre sur son territoire.

Le rôle des collectivités autres que la région a été renforcé : ainsi, à l'occasion du débat prévu en cas d'atteinte à l'équilibre de la région, ce seront non seulement les avis, mais également les propositions des élus qui seront recueillies ; en outre, une collectivité territoriale autre que la région pourra mettre en œuvre un régime d'aide autonome si cette dernière donne son accord sans participer pour autant.

Après l'article 2, la Commission a adopté un amendement simplifiant les modalités de révision du schéma directeur de la région Île-de-France.

· Le tourisme

La Commission a, sur les conseils de son rapporteur, conforté la clarification des compétences respectives de chaque niveau de collectivité. S'agissant du cas spécifique de la Guyane, la Commission a adopté un amendement limitant aux seules communes classées de plus de 15 000 habitants la possibilité d'ouvrir des établissements de jeux de hasard.

· La formation professionnelle

La Commission a supprimé l'article 5 bis, introduit par le Sénat, affirmant la compétence de l'État en matière de formation professionnelle à l'attention des français de l'étranger.

Elle a précisé les conditions de la délégation par l'État aux régions des stages d'insertion et de formation à l'emploi et des stages d'accès à l'entreprise.

Par coordination avec le texte adopté par le Sénat, elle a retiré du plan de développement des formations professionnelles le schéma des enseignements artistiques, en tant que document spécifique. Elle a également, contre l'avis du rapporteur, supprimé la convention prévoyant les ouvertures et fermetures de classe de formation professionnelle initiale, signée par l'État, la région et les autorités académiques.

La Commission a conservé le seul principe du transfert des compétences donnant lieu aux stages de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (afpa) au plus tard le 1er janvier 2008, laissant l'État, les régions et l'afpa libres de s'accorder sur ces modalités.

La Commission a rendu obligatoire la signature des conventions nécessaires à la mise en œuvre de la nouvelle compétence de coordination de la région en matière d'information et d'orientation.

· La voirie

La Commission a profondément modifié les conditions du transfert de routes nationales vers les départements, en le subordonnant, non plus à quatre critères comme dans le projet de loi initial, mais au seul et unique critère de l'intérêt national ou européen. Elle a souhaité que ce critère puisse également servir de fondement au réexamen du statut départemental de certaines routes, qui, en toute logique, devraient retourner dans le domaine routier national.

Quant aux dispositions inscrites à l'article 14, en matière de péage, elles ont été clarifiées. En outre, la Commission a rétabli, et étendu, l'avis systématique de la région sur tout projet d'institution de péage, quelle que soit la domanialité de la route ou de l'ouvrage d'art concernés, les communes traversées étant, elles aussi, associées à cette consultation systématique.

Par ailleurs, après l'article 14, elle a introduit une disposition prévoyant une répartition, entre l'État et les départements, des charges liées à la réfection et à l'entretien des ponts construits à l'occasion du percement de canaux et assurant la continuité de la voirie départementale.

À l'article 18, la Commission a supprimé le dernier alinéa, par coordination avec l'article 51 de la loi de finances pour 2004. Elle a, en outre, ouvert aux communes la possibilité de faire des travaux sur le domaine public routier départemental, sous réserve de la conclusion d'une convention.

Quant à l'article 19, il a été modifié afin que les engagements financiers conclus au titre des contrats de plan État-région soient confirmés jusqu'à l'achèvement des opérations en cours, et non jusqu'au terme du contrat de plan.

· Les grandes infrastructures

Dans le domaine des grands équipements, la Commission a très largement conforté les choix du projet de loi. Pour une plus grande simplicité du dispositif, elle a unifié le calendrier des procédures de transferts prévues en matière portuaire et aéroportuaire.

· Les déchets

La Commission a décidé d'associer les départements d'Île-de-France à l'élaboration du plan régional d'élimination des déchets ménagers et assimilés.

La Commission propose le transfert expérimental à la région du soutien au développement des énergies renouvelables et à la maîtrise de la consommation d'énergie.

· L'action sociale

À l'article 40, la Commission a adopté un amendement supprimant l'avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale dans l'élaboration du schéma départemental et astreint l'État à un délai de six mois pour faire connaître ses orientations au conseil général.

· Le logement

La Commission a adopté un amendement du rapporteur à l'article 49 A rétablissant le principe d'une délégation aux epci et départements délégataires des aides à la pierre de la gestion du contingent de logements réservés au préfet. Elle a replacé cette nouvelle compétence dans le cadre des orientations qui seront définies par le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (pdalpd), et rétabli en conséquence, à l'article 50, la cogestion Etat-département de ce plan.

À l'article 49, elle a adopté plusieurs amendements du rapporteur visant à clarifier la gestion des crédits des aides à la pierre et ceux destinés à la rénovation de l'habitat privé. Elle a en outre confié au préfet de région, et non au préfet de département comme le prévoyait initialement le texte du Sénat, le rôle de délégué territorial pour les projets de l'Agence nationale de rénovation urbaine, avec possibilité toutefois de désigner le préfet de département comme délégué. Enfin, à l'initiative du rapporteur, elle a introduit la possibilité de procéder à des adaptations des règles en vigueur en matière de fixation de loyers, de supplément de loyer de solidarité et de vente de logements locatifs sociaux.

Enfin, la Commission a adopté un amendement de suppression de l'article 52 qui revenait sur l'assistance des services de l'État pour l'instruction des permis de construire délivrés par les communes de plus de 10 000 habitants.

· L'éducation, la culture et le sport

a) L'éducation

Une modification apportée par le Sénat a rendu automatique le transfert à la collectivité de rattachement des biens immobiliers des collèges ou des lycées qui appartiennent à une commune ou à un groupement de communes, dès lors que la collectivité effectue des travaux de construction, de reconstruction ou des grosses réparations. Pour éviter tout contentieux sur la notion de « grosses réparations » et laisser jouer le libre accord des collectivités dans ce cas, la Commission a limité le transfert de plein droit des biens concernés aux biens qui font l'objet d'une construction, d'une reconstruction ou d'une extension. Elle a également supprimé la disposition ajoutée par le Sénat prévoyant que, préalablement au transfert de propriété des collèges qui appartiennent à l'État ou à une commune, un bilan des risques d'exposition au plomb et un état mentionnant la présence ou l'absence de matériaux ou produits de la construction contenant de l'amiante est communiqué à la collectivité bénéficiaire dudit transfert (article 64).

Dans la même volonté de simplification, la Commission a supprimé la disposition ajoutée par le Sénat relative à la prise en charge des transports scolaires par les collectivités autres que le département (article 66).

La Commission a rétabli le principe d'une convention entre la collectivité et de rattachement et le collège ou le lycée précisant les modalités d'exercice de leurs compétences respectives dans la gestion des agents techniciens, ouvriers et de service (article 67). Elle a souhaité simplifier le fonctionnement des conseils d'école dans les communes de Paris, Marseille et Lyon, en substituant au représentant du maire de la commune un représentant du maire d'arrondissement (article additionnel après l'article 67).

Enfin, elle a tenu compte, dans le transfert des établissements à statut particulier, de la spécificité du lycée international de Saint-Germain-en-Laye en confiant, en dérogation au droit commun, la responsabilité du fonctionnement des classes maternelles et élémentaires au département (article 68).

b) La culture

Le considérant comme superfétatoire, la Commission a supprimé l'article 73 bis introduit par le Sénat, qui souhaitait encourager la politique de prêt du musée du Louvre. En revanche, elle a réintroduit la disposition supprimée par le Sénat prévoyant une large consultation des acteurs concernés par l'expérimentation de décentralisation des crédits de restauration et d'entretien des monuments historiques n'appartenant pas à l'État (article 74).

Elle a également rétabli le principe d'un schéma départemental des enseignements artistiques permettant au département de fixer lui-même les conditions de sa participation au financement de ces activités assurées par des organismes qui, pour la plupart, appartiennent à des communes (article 75).

c) Le sport

La Commission a complété les dispositions du titre IV par une série de dispositions reprenant des propositions adoptées au cours des états généraux du sport et ayant pour objet de valoriser le rôle des collectivités territoriales dans la pratique sportive, en particulier les sports de nature, et de créer les instances de coordination nécessaires, en particulier une conférence régionale de développement du sport.

B. LES MODALITES DE COMPENSATION DES TRANSFERTS

La Commission a adopté un amendement du rapporteur élargissant les compétences de la nouvelle commission d'évaluation des charges à l'ensemble des questions ayant trait aux délégations de compétences et aux transferts de personnels ; c'est dans le cadre de son bilan que ces questions seront abordées.

S'inspirant de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2004, la Commission a adopté, à l'article 88, un amendement obligeant l'État à maintenir dans des proportions équivalentes le niveau global des ressources qui sont imparties aux collectivités territoriales pour l'exercice de leurs nouvelles compétences. Elle a également tenu à préciser que le transfert d'impositions de toute nature s'entendait comme des transferts de fiscalité dont les collectivités votent les taux et déterminent les tarifs. Elle a enfin précision la notion d'engagement pour la compensation des dépenses engagées dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.

Elle a précisé l'article 88 ter introduit par le Sénat en indiquant que toute création ou extension de compétences devait être accompagnée des ressources nécessaires déterminées par la loi.

Elle a également réintroduit le dispositif permettant l'évaluation des transferts par le Conseil national d'évaluation des politiques publiques locales.

C. LES COMPÉTENCES DU PRÉFET ET LE CONTRÔLE DE LÉGALITÉ

La Commission a étendu aux maires la procédure d'information par les préfets des présidents de conseil général, mettant ainsi en conformité le droit et la pratique (article 95) et codifié les procédures d'information des maires par le préfet et d'information réciproque du président du conseil général et du préfet. Elle a également transféré aux préfets les compétences actuellement dévolues aux conseils généraux en matière de sectionnement électoral de communes.

Elle a institué un droit de communication au profit du préfet pour les actes des collectivités territoriales non soumis à transmission obligatoire, et prévoyant un délai de recours contentieux adapté : les actes ne pourront être déférés par le préfet devant la juridiction administrative que si ce dernier a demandé la transmission dans le délai de deux mois qui suit leur publication ou leur notification. Si ce délai est respecté, le délai contentieux sera prorogé (article 98 quater).

D. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMMUNES

La Commission a adopté un amendement supprimant l'article 100 bis introduit par le Sénat permettant à une commune d'exercer elle-même les compétences imparties au Centre communal d'action sociale.

E. L'INTERCOMMUNALITÉ

À l'initiative du rapporteur, la Commission a adopté à l'article 101 un amendement obligeant le département ou la région à motiver les demandes faites par un epci dans le cadre d'un appel à compétences déléguées. Elle a redéfini à l'article 111 les pouvoirs de police pouvant être exercés conjointement par le Président de l'epci et le maire.

Elle a rendu optionnelle, à l'article 104, l'application de la fiscalité mixte à un établissement public de coopération intercommunale issu d'une fusion de deux établissements dont l'un au moins est à fiscalité mixte.

Elle a autorisé le recrutement d'agents de police municipale pour les établissements publics de coopération intercommunale à cotisation fiscalisée. Elle a également redéfini les modalités de mise à disposition de services ou de prestations de services entre communes et communautés.

Elle a permis, par un amendement après l'article 117 bis, au représentant de l'État d'autoriser l'adhésion d'une commune à un epci lorsque celle-ci en était empêchée par le refus d'adhésion d'une autre commune.

Elle a également réformé la procédure d'attribution de la dotation de solidarité communautaire à l'article 124, ainsi que les modalités de révision de l'attribution de compensation, à l'article 123.

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La Commission a procédé le mardi 13 janvier à l'audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, et de M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, et à la discussion générale sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a souligné que la réforme liée au projet de loi relatif aux responsabilités locales, voulue par le Premier ministre, était indispensable, la France devant se libérer des lourdeurs du centralisme, cet objectif réunissant d'ailleurs un large consensus. Il a ensuite développé les trois idées directrices qui doivent inspirer le débat, à savoir : la clarté, la loyauté et l'ouverture.

●  En premier lieu, la clarté. Le Gouvernement a été soucieux de respecter un souhait partagé par tous : la décentralisation doit contribuer à simplifier et clarifier le paysage administratif. Un moyen simpliste et brutal de clarification aurait consisté, par exemple, à supprimer les départements. Ce seul exemple montre que le débat n'est pas aussi simple et doit se garder de tout excès. L'équilibre le plus clair, le plus honnête possible, a été recherché. Ainsi, les régions seront clairement responsables des interventions économiques, de la formation professionnelle, du transport, des grandes infrastructures et du tourisme. Par ailleurs, le projet permettra aux régions de gérer à titre expérimental l'attribution des fonds structurels européens, soit environ 15,7 milliards d'euros sur six ans, l'enjeu étant d'autant plus considérable que le taux actuel de consommation de ces crédits reste modeste.

Les départements, de leur côté, acquerront la pleine responsabilité des actions sociales. Ils assureront la coordination et la gestion des aides en faveur des plus démunis, telles que les aides sociales d'urgence, les aides aux jeunes en difficulté ou le fonds de solidarité logement. Le seul revenu minimum d'insertion (rmi) représente une masse financière d'aides de 5,1 milliards d'euros. Les départements coordonneront également l'action gérontologique, ainsi que toutes les prestations sociales en faveur des personnes âgées ; en outre, sera finalisé ce qui avait été entrepris avec efficacité à partir de 1982, d'une part, en leur confiant 20 000 kilomètres du réseau routier national et, d'autre part, en leur transférant, comme aux régions, la responsabilité des personnels chargés de l'entretien des établissements scolaires relevant de leur compétence. Enfin, sera ouverte une expérimentation dans le domaine de la protection judiciaire de la jeunesse.

S'agissant des communes et de leurs groupements, sur lesquels se concentrent toutes les pressions des citoyens et dont les budgets représentent 60 % des budgets de l'ensemble des collectivités locales, la nouvelle vague de décentralisation ne doit conduire en aucun cas à les fragiliser. Leur seront confiés le logement étudiant, et par délégation les aides à la pierre, tandis que d'autres transferts de compétences, comme celui du logement social, restent encore en débat.

La clarification des compétences des collectivités locales s'impose aussi à l'État. En conséquence, seront simplifiées certaines procédures, à l'instar du contrôle de légalité, le nombre d'actes soumis à transmission obligatoire au préfet étant réduit en contrepartie d'une amélioration du contrôle. Les structures seront clarifiées, le préfet de région exerçant un pouvoir de coordination et d'animation des actions des préfets de département. La loi rappellera clairement le pouvoir de direction des préfets sur les services. Les moyens seront déconcentrés.

●  En second lieu, la loyauté. Chaque gouvernement a eu la tentation de se débarrasser à bon compte de charges et de responsabilités coûteuses sur les collectivités locales, comme de nombreux exemples pourraient le montrer. En conséquence, toute tentative de décentralisation est marquée par la suspicion, en particulier celle des élus locaux, qui craignent de voir chaque nouveau transfert de compétence se traduire par des charges nouvelles non compensées.

Il existe désormais des règles constitutionnelles claires. En vertu de l'article 72-2 de la Constitution, le transfert de compétences, la création de compétences nouvelles ou leur extension donnent lieu à compensation. Aucun gouvernement ne pourra revenir sur ce principe. Le Conseil constitutionnel censurera désormais tout transfert de ressources qui n'assurerait pas de façon équivalente le financement des transferts des charges. L'exigence de péréquation est également posée par la Constitution. La loi de finances pour 2004 ouvre à ce titre le chantier de la remise en ordre des dotations de l'État aux collectivités locales.

En ce domaine, de surcroît, le Gouvernement a accepté de nombreuses propositions parlementaires : s'agissant de l'évaluation des charges, première condition d'une compensation rigoureuse, la commission consultative d'évaluation des charges, qui sera présidée par un élu, verra ses compétences élargies et sera intégrée au comité des finances locales ; s'agissant de la période de référence, le Sénat a choisi de prendre en compte les dépenses de fonctionnement des trois dernières années, plutôt que celles de l'année précédant le transfert. Concernant les dépenses d'investissement, elles seront calculées sur une moyenne de cinq ans de manière à ce que les masses financières transférées soient les plus homogènes possibles. Enfin, s'agissant des transferts des personnels, ce sont les effectifs au 31 décembre 2004 ou au 31 décembre 2002 si ces derniers chiffres sont plus favorables aux collectivités, qui seront pris en compte. Les transferts de compétence n'entreront en vigueur qu'à la condition que la loi de finances en ait correctement tiré les conséquences.

Ces garanties ne suffisent pas toujours et il arrive que les collectivités découvrent l'ampleur de la charge une fois la compétence transférée, comme en témoigne l'exemple de l'allocation prestation autonomie (apa). Il est donc indispensable de fixer une « clause de rendez-vous » pour réévaluer concrètement, si nécessaire, les compensations financières. C'est particulièrement vrai pour le rmi et le revenu minimum d'activité (rma). La loi de finances pour 2004 a d'ores et déjà compensé ce transfert à hauteur de 5 milliards d'euros en attribuant une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (tipp) aux départements, ce que le Conseil constitutionnel a validé. Au-delà de la compensation, le Gouvernement est allé plus loin et a répondu aux inquiétudes des parlementaires : la loi de finances pour 2004 a prévu cette clause de rendez-vous pour caler la compensation définitive versée aux conseils généraux sur le fondement de leurs dépenses réelles en 2004.

En termes financiers, l'enjeu de la réforme, pour les régions, est de l'ordre de 2,5 milliards d'euros en 2003, soit 1,1 milliard d'euros pour le développement économique, 1,1 milliard d'euros pour l'éducation et 300 millions d'euros pour le service public de la santé. Ces nouvelles compétences pourront être financées par le transfert d'une ressource fiscale dynamique, à savoir une partie de la tipp, dont les régions pourront moduler le taux. Les compétences transférées aux départements représentaient en 2003 une charge d'environ 7,75 milliards d'euros, dont 5 milliards d'euros pour le rmi, 1,3 milliard d'euros pour la voirie, 1,15 milliard d'euros dans les domaines de l'éducation, de la culture et des sports, et 300 millions d'euros pour les autres transferts sociaux. Le Gouvernement va transférer aux départements, en plus d'une partie du produit de la tipp, une partie de la taxe sur les conventions d'assurance. Même si elle ne devait concerner que les deux principaux risques, l'habitation et l'automobile, cette ressource atteindrait 3,5 milliards d'euros, avec la possibilité pour les départements de voter librement les taux autour d'un taux moyen. Ces 3,5 milliards d'euros garantiront la couverture d'une partie des charges transférées, mais également - ce que réclament depuis très longtemps les élus départementaux - le coût des services départementaux d'incendie et de secours (sdis), soit 1,3 milliard d'euros.

Le produit des deux taxes est largement supérieur au montant maximum des charges transférées. L'ensemble des coûts à financer, y compris le rmi, les sdis ou encore les effets induits par la réforme de l'ass, selon l'évaluation des élus eux-mêmes, atteint 13,5 milliards d'euros. Or, le montant total de la tipp dépasse 26 milliards d'euros et celui des taxes sur les conventions d'assurance couvrant tous les risques avoisine 5,13 milliards d'euros, soit un total de 31,13 milliards d'euros, qui représente plus de deux fois le montant total maximum des charges transférées. Personne ne peut donc mettre en doute la capacité du Gouvernement à tenir ses engagements.

S'agissant de la réforme de la taxe professionnelle, la suppression de la part salaires décidée par le précédent Gouvernement a fini de déséquilibrer totalement l'économie de cette taxe, qui ne reposait plus que sur les investissements, pénalisant ainsi le développement des entreprises, en contradiction avec le discours du précédent Gouvernement sur la promotion de l'investissement. La réforme, nécessaire, suscite de nombreuses inquiétudes parmi les élus locaux, inquiétudes légitimes, dès lors que la taxe professionnelle constitue leur principale ressource. Le ministre du budget a reçu tout récemment le président de l'Association des maires de France à ce sujet. S'il est trop tôt pour présenter le dispositif de remplacement, les engagements suivants ont été pris : les collectivités locales ne verront pas leurs ressources diminuer, et surtout il ne sera pas porté atteinte à leur autonomie financière, compte tenu de l'obligation constitutionnelle qui lie le Gouvernement en la matière ; il n'est donc pas question de remplacer la taxe professionnelle par une dotation de l'État ; le deuxième engagement prévoit que la réforme sera décidée avec les élus locaux, mode de fonctionnement qui est celui du Gouvernement depuis vingt mois ; enfin, le lien fiscal entre l'entreprise et les collectivités territoriales sera maintenu, car il ne serait pas sain que ces dernières aient pour seule possibilité d'imposer les ménages. Il est indispensable de laisser un outil d'incitation financière au développement économique, sous peine de voir toutes les communes refuser, par exemple, de voir s'installer sur leur territoire une zone industrielle. Il est normal que les collectivités qui consentent un effort pour accueillir les entreprises en retirent quelques bénéfices.

● La troisième obligation qui s'impose au Gouvernement dans la conduite de la réforme est l'ouverture. Un dialogue continu a été mené avec les parlementaires, avec les associations d'élus et les représentants des personnels. Le projet de loi a ainsi été enrichi de près de 500 amendements, la quasi-totalité adoptés avec l'accord du Gouvernement, et un nombre significatif des amendements de l'opposition a été retenu. À l'issue du débat au Sénat, le projet de loi est passé de 126 à 142 articles ; après les modifications et compléments qui pourront être apportés à l'Assemblée, il constituera une expression forte de la volonté de la représentation nationale et traduira les attentes des élus locaux qui seront chargés de sa mise en œuvre. La technicité de la matière, la complexité des débats, ne doivent pas empêcher d'aboutir à un compromis soutenu par les élus locaux et accepté par les citoyens, qui doivent être les premiers bénéficiaires de la réforme.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, a souligné en préambule la complexité du processus engagé en matière de décentralisation, qui se traduit concrètement par un projet de loi volumineux et technique. Pour lui, cette complexité se justifie dans la mesure où il s'agit de s'attaquer à une situation existante en démêlant un écheveau extrêmement sophistiqué de compétences. Il a reconnu que le résultat final était peu lisible pour les citoyens. Le ministre a ensuite développé les points suivants.

-  Le projet de loi s'inscrit naturellement dans la continuité des lois de décentralisation de 1982. S'il faut souligner le bilan très positif de ces lois de décentralisation, il importe également de tirer les leçons du passé ; ainsi, à la différence des expériences antérieures, la rédaction du projet de loi s'est appuyée sur une concertation approfondie, les Assises des libertés locales menées pendant deux ans ayant rassemblé, sur ce seul thème de la décentralisation, plus de 50 000 personnes. La discussion au Sénat s'est également déroulée dans un esprit d'ouverture ; près de 500 amendements ont été adoptés, dont une quarantaine issue de l'opposition. La présentation de ce projet de loi intervient en outre dans un cadre d'action rénové pour les collectivités locales, issu notamment de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Deux lois organiques, l'une sur l'expérimentation, l'autre sur le référendum local ont d'ores et déjà permis de préciser les intentions du constituant. La loi de finances pour 2004 a par ailleurs confirmé une première étape en matière de transfert de fiscalité et posé également les bases d'une réforme des dotations de l'Etat.

-  Si le projet de loi prend place dans la continuité de ces différentes réformes, il a néanmoins été souvent présenté comme avantageant les départements, puisque ces derniers bénéficieraient d'une part très importante des transferts de ressources effectués. Cette présentation - trop rapide - ne prend pas en compte le fait que ces ressources constituent, pour 5 milliards d'euros, la compensation du transfert du rmi dans les conditions prévues à la fois par la loi du 18 décembre 2003 et par la loi de finances pour 2004. Pour autant, il n'est pas faux de constater que le texte fait preuve de pragmatisme en s'appuyant très largement sur l'institution du conseil général : le choix paraissait tout indiqué dans la mesure où la décentralisation ne peut réussir que si elle a recours à des acteurs locaux disposant d'une envergure politique, administrative et financière suffisante. A l'aune de ces critères, l'échelon communal n'apparaît pas satisfaisant tant il reste marqué par son hétérogénéité ; le mouvement intercommunal constitue certes une première réponse à l'émiettement du paysage communal, mais il s'agit d'un processus encore en gestation. Les régions n'offrent pas la légitimité historique suffisante ; leurs moyens financiers et humains sont encore trop limités. Le débat qui a eu lieu au sujet des tos lors de l'élaboration du projet de loi est à cet égard symptomatique : alors que les départements protestaient contre l'insuffisance des moyens en personnel transférés, les régions s'interrogeaient sur leur capacité à absorber ce surplus. C'est dans les mêmes termes qu'a été abordé le débat sur le transfert de la voirie, un avant-projet prévoyant le transfert des 20 000 kilomètres de routes nationales aux régions : l'existence d'une administration locale déjà compétente ainsi que la nécessité de créer des synergies par des gains de productivité ont finalement plaidé pour le département.

-  Conscient de l'avantage conféré aux départements, le Gouvernement a modifié son projet pour renforcer l'échelon communal et intercommunal ; l'intercommunalité constitue en effet un élément incontournable de la décentralisation, puisque les groupements intercommunaux couvrent désormais près de 80 % du territoire. La reconnaissance de ce fait intercommunal a conduit le Gouvernement à prévoir les conditions de délégation des aides à la pierre aux groupements ; cette délégation, qui ne s'est pas faite sans tension, est venue par ailleurs compléter tout un ensemble de dispositions qui visent à donner une densité accrue aux groupements, en facilitant notamment leur fusion.

L'intercommunalité aura ultérieurement l'occasion de participer plus complètement au processus de décentralisation, mais force est de constater que l'on en n'est pas aujourd'hui à un point suffisant de maturation. Ce qui est important, c'est que désormais la décentralisation est inscrite dans la Constitution ; il s'agit donc d'un processus permanent, et appelé à évoluer. Certains points du texte restent encore à améliorer, s'agissant notamment des dispositions relatives au patrimoine, ou à l'élaboration des schémas. S'agissant des aspects financiers, la loi de finances pour 2004 a posé les premiers jalons d'une réforme. La loi de finances pour 2005 sera l'occasion de parachever le dispositif en réglant les questions liées à la péréquation.

Le président Pascal Clément s'est déclaré sensible aux arguments développés par le ministre de l'Intérieur concernant la réforme de la taxe professionnelle. Il a notamment convenu qu'une réforme s'imposait à la suite de la suppression de la part salaires, en soulignant le caractère pénalisant pour la croissance d'une taxe assise sur les seuls investissements. Il a néanmoins fait état des inquiétudes des élus locaux sur la réforme de la taxe professionnelle et, plus généralement sur les conditions d'une garantie de l'autonomie financière des collectivités territoriales : il a évoqué à ce sujet la réforme récente du rmi, qui prévoit une compensation de charges en faveur des départements par l'octroi d'une part non modulable de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Il s'est interrogé sur la conformité de cette compensation, à l'égard de laquelle les départements n'ont pas de marge de manœuvre, avec les intentions du Constituant.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur, tout en approuvant les trois mots-clé qui ont présidé à l'élaboration du projet de loi - clarté, loyauté, ouverture - a souhaité qu'un autre soit également retenu, qui est celui de l'écoute. Il a fait état à ce sujet de l'intégration dans le projet de loi de revendications de nombreux élus, exprimées notamment au travers de leurs associations. Il a estimé que la recherche de la clarté ne devait pas conduire à une ultra simplification consistant à faire le choix de la suppression d'un échelon d'administration locale. Il a néanmoins jugé que, sur certains points, les rédactions proposées par le projet mériteraient une formulation plus simple. S'agissant du logement social, il a souligné la nécessité de maintenir l'État dans son rôle de garant du droit au logement, notamment au travers de l'élaboration du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées. Il a souhaité dès lors connaître la position du ministre sur l'amendement adopté par les sénateurs confiant la gestion du contingent des logements sociaux réservés aux maires et aux établissements publics de coopération intercommunale. Il a également évoqué l'amendement adopté par les sénateurs supprimant l'obligation faite aux communes de créer un centre communal d'action sociale. Il a fait état des réactions très négatives à l'égard de cet amendement et exprimé le souhait que la rédaction en soit revue, en proposant notamment que la compétence puisse être confiée à l'échelon intercommunal. Au sujet de la voirie, il a rappelé que le projet de loi avait défini quatre critères qui présideront au classement en voie nationale. Exprimant sa crainte que la formulation de ces critères ne laisse à l'État une trop grande marge de manœuvre, il a jugé souhaitable de retenir une rédaction plus restrictive qui se limiterait à deux critères, à savoir celui des grands itinéraires de transport et celui de l'aménagement du territoire.

S'agissant du volet financier, il a convenu de la pertinence des arguments développés par le ministre de l'Intérieur en matière de taxe professionnelle. Il a souhaité néanmoins connaître plus de détails sur la réforme, et savoir notamment si la compensation prendrait la forme de dégrèvements. Il a évoqué la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2004, qui enjoint à l'État d'aider les départements en cas de diminution des ressources issues de la tipp à un niveau inférieur aux sommes qui étaient consacrées par l'État avant le transfert. Il a demandé au ministre s'il ne conviendrait pas d'étendre ce principe à l'ensemble des transferts prévus dans le projet de loi et de l'inscrire explicitement dans le texte.

Après avoir évoqué les transferts de personnel qui pourraient être opérés dans le cadre d'une compétence déléguée, en suggérant qu'une rédaction plus précise soit élaborée, il a souhaité connaître les conséquences de la réforme sur l'avenir de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

Il a enfin abordé la question de l'appel à compétences prévu à l'article 101 du projet de loi, qui constitue une application concrète du principe de subsidiarité. Faisant état des auditions qu'il avait menées, il a souligné que de nombreux élus locaux, maires et présidents d'epci, avaient regretté que ce dispositif ne soit pas plus contraignant à l'encontre des régions et départements. Il a souhaité connaître l'état des réflexions du ministre sur le sujet, tout en convenant qu'une rédaction trop « coercitive » se heurterait au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a souhaité savoir si l'intervention des régions en matière de développement économique serait libre ou inscrite dans un cadre défini par l'État, si les aides collectives aux entreprises, comme celles de l'anvar ou des aides à la technologie seraient également décentralisées, et quel serait le montant des crédits transférés au fonds de solidarité économique. S'agissant des grands équipements, il a interrogé le ministre sur les modalités du transfert des compétences à la région Île-de-France en matière de transport et sur la possibilité de mener un audit des infrastructures portuaires et aéroportuaires susceptibles d'être transférées aux collectivités territoriales, afin d'apaiser les inquiétudes locales en ce domaine. S'agissant du logement social, il s'est demandé qui serait à l'avenir le pilote de la politique du logement ; évoquant le rôle de l'agence nationale pour la rénovation urbaine, il a demandé des précisions sur la mise en œuvre des dispositions du projet de loi sur ce point ; enfin, soulignant les modifications apportées par le Sénat au fonctionnement de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, il a également interrogé le ministre sur l'application de cette disposition.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, a apporté les éléments de réponse suivants :

-  en préalable à tout débat sur le contingent préfectoral, il convient, à l'instar du rapporteur, d'affirmer sans ambiguïté que c'est à l'État qu'il revient d'être le garant du droit au logement, « garant » ne signifiant d'ailleurs pas « acteur ». À ce titre, la mise en place d'un dispositif de cogestion du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées par le département et le représentant de l'État constitue une suggestion intéressante, ce dernier pouvant, en cas de mise en demeure restée lettre morte, se substituer au maire. De même, afin d'éviter tout phénomène d'exclusion du logement social, il est nécessaire de fixer une proportion minimale de logements réservés aux demandeurs n'appartenant pas à la commune ;

-  le débat sur les centres communaux d'action sociale est quelque peu surprenant : l'objectif de la disposition adoptée au Sénat est d'aménager l'obligation faite par la loi aux communes de se doter de cet organisme, règle méconnue aujourd'hui par 32 000 d'entre elles. Dans la mesure où le droit actuel est inapplicable, il convenait en effet de le modifier, et non d'ignorer ce dysfonctionnement juridique ; même les opposants au dispositif adopté par le Sénat reconnaissent d'ailleurs qu'une solution alternative au droit actuel est nécessaire. La solution réside-t-elle dans la constitution de centres intercommunaux d'action sociale ? Outre que cette solution ne peut être que facultative, au nom du principe de libre administration des collectivités territoriales, elle présente l'inconvénient d'ajouter une structure administrative supplémentaire à un paysage administratif déjà complexe. La solution résidant toutefois dans l'intercommunalité, il pourrait être intéressant de confier aux établissements publics de coopération intercommunale existants la compétence optionnelle pour se doter d'un centre intercommunal d'action sociale ;

-  il est certain que les critères définissant le domaine public routier national sont suffisamment larges pour donner à l'État une grande marge d'appréciation en la matière. En pratique toutefois, la méthode retenue d'un transfert par décret des routes nationales aux départements permettra de prendre en compte la diversité des sensibilités départementales sur ce sujet, en sorte que les transferts soient consensuels. En témoigne d'ailleurs le fait que le ministère de l'équipement n'a pas, à ce stade du débat, finalisé la liste des routes à transférer ;

-  le Conseil constitutionnel a posé le principe de pérennité des financements, sans toutefois définir les moyens d'application de cette obligation. Le recours devant la juridiction administrative d'un département qui s'estimerait lésé n'en reste pas moins désormais ouvert sur ce fondement. C'est pourquoi le psittacisme juridique qui consisterait à répéter dans la loi un principe et une jurisprudence constitutionnels est, non seulement inutile, mais en outre facteur d'alourdissement du projet de loi. M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur, a fait observer sur ce point qu'il s'agissait, non pas d'inscrire un principe constitutionnel dans la loi, mais d'y faire figurer une jurisprudence constitutionnelle, par nature susceptible d'évolutions ;

-  s'agissant enfin de la réforme de la taxe professionnelle menée par le Gouvernement précédent, qui a consisté à en supprimer la part assise sur les salaires pour l'asseoir sur les seuls investissements, le ministre en a souligné le caractère extrêmement pénalisant pour les entreprises, sans oublier que les deux milliards d'euros correspondant à la croissance du produit de cette taxe n'ont pas été compensés. C'est pourquoi le Président de la République a proposé un moratoire de la taxe professionnelle pour les investissements nouveaux, dont le coût, 1,5 milliard d'euros, serait, non pas compensé par l'État, mais assumé par ce dernier, qui se substituerait aux entreprises de façon à ce que le dispositif soit neutre pour les finances locales. Quant aux modalités d'application de ce dispositif, elles ne sont pas encore fixées. Il pourrait cependant être suggéré d'instaurer un mécanisme qui taxerait la valeur ajoutée, rapportée à chaque établissement, afin que les collectivités territoriales dans lesquelles sont implantées les entreprises soient bien les bénéficiaires de cet impôt ;

-  il est à ce jour difficile d'évaluer l'impact des transferts de personnels sur l'équilibre financier de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (cnracl) dès lors que n'est pas connue la proportion d'agents qui exerceront leur droit d'option ; en tout état de cause, le risque d'un déséquilibre du financement de cette caisse n'existe pas, compte tenu de la structure de la pyramide des âges et du fait qu'est visée la tranche d'âge de quarante-cinq ans ;

-  si le Gouvernement est ouvert sur la question de l'appel à compétences, les départements sont plus réticents ; le Sénat a exprimé des réserves sur l'instauration d'une obligation de délibérer sur les demandes de compétences ; s'il est envisageable de prévoir une obligation de motivation, en revanche, prévoir une obligation de transfert dès lors qu'il serait demandé serait contraire à la disposition constitutionnelle interdisant l'exercice d'une tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre ;

-  conformément aux dispositions constitutionnelles reconnaissant la possibilité d'instaurer un chef de file, le projet de loi prévoit de donner davantage de compétence aux régions en matière de développement économique ;

-  aucune décentralisation de l'anvar n'est envisagée, cet organisme étant déjà fortement déconcentré et l'opportunité d'une décentralisation de cette agence ne semblant pas se poser avec une acuité particulière ;

-  le syndicat des transports d'Île-de-France (stif) rentrera dans le champ des compétences de la région et le transfert de la tipp assurera le financement du transfert de la part détenue aujourd'hui par l'État ;

-  il serait effectivement possible de prévoir la compétence du préfet de région à l'égard de l'anru et le Gouvernement est ouvert à une évolution des règles relatives à l'anah, s'en étant remis à la sagesse du Sénat sur ce point ;

-  le Gouvernement est opposé à l'idée de faire précéder le transfert d'un équipement de son audit, la lourdeur d'une procédure de ce type risquant de retarder la réalisation du transfert et peu d'auditeurs étant susceptibles de procéder à cette expertise ; en revanche, le Gouvernement s'est engagé à donner toutes les informations dont il dispose sur l'équipement transféré.

Estimant que la réforme engagée aujourd'hui s'inscrivait dans la continuité du processus engagé en 1982, M. Christian Estrosi a remercié le Gouvernement d'avoir pris en compte les aspirations exprimées notamment à l'occasion des vastes concertations qui ont eu lieu pour préparer cette réforme. Après avoir salué le caractère équilibré du projet de loi, il a souhaité que le Gouvernement impose son autorité pour permettre la pleine application de la loi et que sa volonté ainsi que celle des élus ne se heurtent pas à la résistance des administrations. Tout en se félicitant des garanties entourant les transferts de compétences, il a toutefois considéré qu'il était peu logique, compte tenu de l'ampleur des transferts de compétences opérés au profit des départements, de ne confier qu'aux régions l'entière détermination de la tipp, les départements n'ayant pas la faculté d'en fixer les taux. En outre, soulignant que la taxe professionnelle était essentielle pour garantir l'attractivité de zones rurales éloignées des installations ferroviaires, aéroportuaires ou urbaines, il a exprimé des réserves sur sa possible suppression et souligné la nécessité d'éviter toute déséquilibre de recettes entre les zones rurales et urbaines. Enfin, se félicitant des dispositions relatives à la voirie, qu'il a jugées de nature à permettre une rationalisation des moyens et des personnels grâce aux transferts de 20 000 kilomètres de routes nationales aux départements, il a toutefois mis en garde contre les difficultés de transfert de personnels subséquentes en faisant état de celles qu'il rencontrait actuellement pour obtenir le transfert de personnels correspondant à la décentralisation du rmi. Il a ainsi souhaité que l'année 2004 soit mise à profit pour organiser ces transferts.

Approuvant le choix du projet de loi de retenir une durée de cinq ans pour prendre en compte les investissements réalisés par l'État, il a jugé la rédaction de cette disposition imprécise et s'est interrogé sur le point de savoir si les investissements pris en compte incluraient ceux faits dans le cadre des contrats de plan et si, dans l'hypothèse fréquente où ces contrats ne sont pas réalisés, les crédits correspondant aux investissements envisagés seraient néanmoins transférés. Il a ensuite fait part de ses inquiétudes sur les dispositions relatives au développement économique, estimant que la compétence donnée aux régions en la matière pourrait leur permettre d'empêcher un département d'octroyer une aide directe ; il a donc souhaité que soit instituée une procédure de recours au bénéfice du département. Soulignant par ailleurs que les établissements publics de coopération intercommunale n'ont pas la légitimité du suffrage universel, il a fait observer que ces structures n'ont pas toujours les moyens, notamment financiers, d'assurer la responsabilité de zones d'activité qui leur seraient transférées. Enfin, il a regretté que le Gouvernement se soit opposé à l'adoption au Sénat d'un amendement tendant à confier une compétence de police au département et lui permettant ainsi de mettre fin à la défiguration du domaine public bordant les voies routières.

Faisant état de sondages montrant que la décentralisation ne figure pas dans les premières préoccupations des Français, M. Jean-Jack Queyranne a tout d'abord fait observer que la réforme proposée aujourd'hui, bien que présentée comme une priorité du Gouvernement, « passe mal » dans l'opinion publique. Évoquant un questionnaire adressé par le président du Sénat aux élus locaux en vue des états généraux des collectivités territoriales, il a précisé qu'il interrogeait les élus sur le point de savoir s'ils pensaient que le décalage observé entre la décentralisation et la perception qu'en a la population résultait d'une « diabolisation » de la décentralisation, du caractère technique de cette dernière ou d'un manque de pédagogie sur le sujet ; il a posé à son tour ces mêmes questions au ministre. Revenant ensuite sur la répartition des pouvoirs entre les collectivités et considérant que les transferts de compétence bénéficiaient d'abord aux départements, puis aux régions et enfin aux communes, il a regretté que le projet ne comporte pas de dispositions relatives aux grandes structures d'intercommunalité. Soulignant l'importance prise par les grandes métropoles et le succès à cet égard de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, il a regretté que la réforme engagée aujourd'hui n'ait pas inclus une réflexion sur la place des agglomérations urbaines.

Faisant état des relations parfois difficiles qu'entretiennent les structures de coopération intercommunales avec les autres collectivités territoriales et regrettant les conditions contestables dans lesquelles le département choisit parfois l'implantation de collèges ou de maisons de retraite, Mme Brigitte Barèges s'est interrogée sur la possibilité de prévoir un arbitrage de l'État sur les sujets particulièrement sensibles ou en cas de blocage financier, ainsi que sur l'éventualité, pour la collectivité chef de file, d'imposer le mode de financement d'un projet, thème déjà évoqué lors des débats sur la révision constitutionnelle.

M. Christian Decocq a souligné l'importance des dispositions introduites à l'article 88 du projet en matière de compensation de transferts de compétence. Il a néanmoins interrogé le ministre sur les conditions de ce transfert lorsque l'État a négligé ses propres obligations dans un secteur qu'il décide à présent de transférer. Il a cité notamment le cas des canaux dans le département du Nord, totalement délaissés par l'État, et qui constituent pourtant un élément déterminant de la restructuration urbaine du département. Il a considéré que cette question, et, plus généralement, celle de la loyauté des transferts, était essentielle pour la crédibilité politique du projet.

M. Alain Gest a salué un texte qui satisfait l'ensemble des partisans d'une relance de la décentralisation. Il a mis en avant l'esprit de concertation qui avait inspiré sa rédaction et souligné que le résultat mettait fin à la campagne anti-départementaliste. Il a regretté cependant que n'ait pas été fait le choix du transfert des travailleurs sociaux aux départements, avant d'observer que, dans certains secteurs tels que le logement, le choix de la délégation de compétence, plutôt que le transfert de celle-ci, pouvait être source de confusion. Il a en outre contesté la rédaction adoptée par les sénateurs, qui permet désormais la délégation de gestion des aides à la pierre à tous les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, sans critère de seuil. S'appuyant sur l'exemple de son département, qui reste marqué par un paysage intercommunal morcelé et composé de petites structures, il a jugé dangereuse une délégation des aides à la pierre à des groupements qui n'ont pas les moyens humains et financiers suffisants. Il a regretté que le projet de loi fasse trop souvent appel aux mécanismes de co-responsabilité, qui, dans la pratique, ne fonctionnent pas. Il a également regretté que le projet de loi ne prévoie rien en matière de jeunesse et sports. Évoquant ensuite la réforme du rmi, il a indiqué que le transfert du personnel aux départements était extrêmement difficile du fait de la résistance des services déconcentrés.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a salué les avancées significatives de la réforme, telles que la possibilité pour les collectivités locales de devenir propriétaire de monuments historiques appartenant à l'État, avant de relever que le caractère éclaté des compétences dans le domaine médico-social - résultant de l'intervention des préfets, des agences régionales d'hospitalisation (arh), des collectivités territoriales, des caisses régionales et départementales d'assurance maladie - ne paraissait pas atténué par le projet de loi. Il a demandé des précisions sur la nature des équipements sanitaires qui pourraient faire l'objet, sur le fondement de l'article 54 du texte, d'une expérimentation au profit des régions, ainsi que sur le rôle des arh dans cette procédure et sur son financement.

M. Michel Piron a approuvé le projet de loi, qui assume la complexité des rouages qui permettent aux diverses structures administratives de fonctionner, complexité rendue inévitable par les caractéristiques de la réalité de la vie politique et sociale elle-même. Il a dit partager les inquiétudes exprimées par M. Alain Gest dans le domaine du logement, avant de faire ressortir le rôle d'arbitre joué par les commissions départementales de l'habitat et de soutenir l'idée de confier aux communautés urbaines ou aux communautés d'agglomération une compétence dans cette matière. Il a, en revanche, craint un saupoudrage des demandes émanant des autres établissements publics de coopération intercommunale, qui n'ont pas tous vocation, compte tenu de la diversité de leur taille, à gérer la politique de logement social, sauf à disperser la politique de répartition des logements. En outre, il s'est dit convaincu de la nécessité d'accompagner la décentralisation par des mesures fortes de déconcentration, afin de diffuser la culture de l'interlocuteur unique, seul moyen pour les communes de ne pas se sentir exclues de la réforme.

M. Francis Delattre, après avoir rappelé que le gouvernement actuel avait doublé le nombre de logements sociaux en construction, passés de 40 000 à 80 000, a observé que le logement social, qui ne devait pas nécessairement être une responsabilité d'État, pourrait sans difficulté relever de la responsabilité des communautés d'agglomération, puisque celles-ci ont une compétence dans l'aménagement urbain. Il a donc souhaité que la part de 20 % de logements sociaux imposée par la loi sru soit communautarisée.

S'agissant de la fiscalité, il a défendu l'idée selon laquelle la suppression de la taxe professionnelle devait constituer l'occasion d'une large réforme, d'une nouvelle responsabilisation des acteurs, grâce à une spécialisation des impôts locaux par niveau de collectivités. Il s'est dit en désaccord avec l'idée de maintenir un lien intangible entre impôt économique et territoire, dès lors qu'il existe de grandes inégalités de potentiel fiscal d'une collectivité locale à l'autre, comme en témoigne le développement constant des instruments de péréquation. En conséquence, il a jugé nécessaire de mettre en place un impôt de solidarité sur tout le territoire.

Il a enfin estimé utile d'ajouter dans la loi certains principes dégagés par la jurisprudence constitutionnelle, l'expérience ayant montré que certaines dispositions adoptées à l'unanimité par le Parlement, à l'instar de l'éligibilité au fonds de compensation de la tva des équipements réalisés par une société d'économie mixte pour le compte de la commune, n'étaient pas appliquées sur le terrain, compte tenu de résistances administratives fortes.

M. René Dosière, ayant souligné l'expérience que les gouvernements qu'il a soutenus avaient acquise en matière de décentralisation, s'est élevé contre le refus du gouvernement actuel de voir les organes délibérants des groupements intercommunaux désignés par la voie du suffrage universel. Il a rappelé que l'argument selon lequel cette élection au suffrage universel constituerait une désincitation au regroupement intercommunal ne pouvait plus être invoqué aujourd'hui en raison du développement très important de l'intercommunalité, comme en témoigne, par exemple, le fait que, pour la première fois en 2003, la fiscalité intercommunale a dépassé la fiscalité régionale.

En outre, il a estimé que l'intercommunalité, faute de légitimité démocratique directe, était marquée par une culture du consensus obtenu par l'absence de transparence et par la confusion des responsabilités, au risque de troubler les citoyens et d'aggraver les taux d'abstention aux élections municipales, ainsi que le déplacement des voix vers des partis non démocratiques. Il a craint que les citoyens ne se détournent des affaires locales et que la commune ne fonctionne plus comme école de la démocratie locale. Il a souhaité le lancement d'une réflexion sur la possibilité de faire vivre démocratiquement l'intercommunalité et sur la place respective de celle-ci et des communes.

M. Xavier de Roux a estimé que le débat politique n'avait jamais tranché entre communes et intercommunalité et que les gouvernements successifs s'étaient contentés d'organiser des transferts de compétences avec des taxations en cascade. Il a fait observer que ceux qui souhaitaient faire élire au suffrage universel les organes délibérants des groupements intercommunaux devaient avoir le courage d'affirmer qu'ils souhaitaient la disparition des communes. Il a relevé, par ailleurs, que le projet de loi n'abordait pas la question de la clarification fiscale, qui était pourtant indissociable d'une clarification des compétences.

En réponse aux intervenants, le ministre délégué a apporté les éléments de réponse suivants :

-  les résistances rencontrées lors de l'élaboration du projet de loi n'ont pas été le fait de l'administration, mais plutôt de certaines organisations syndicales. Quant aux préfets, conscients des efforts du Gouvernement en faveur de la rénovation et de la revalorisation de leur rôle, ils ont fortement contribué au pilotage de cette réforme, à la différence de ce qui s'était passé en 1982. De même, la réticence des ingénieurs de l'équipement a cédé la place à un engagement. En revanche, la rivalité entre les élus locaux, le refus de certains d'entre eux d'assumer des responsabilités, ainsi que, par ailleurs, la complexité parfois décourageante de la matière, ont constitué de sérieux freins ;

-  s'agissant de la tipp, la législation communautaire s'oppose à la fixation de son taux par les départements. En revanche, l'autonomie fiscale des départements, déjà très supérieure à celle des régions, sera renforcée par le transfert d'une part de la taxe sur les conventions d'assurance, dont les départements pourront fixer le taux ;

-  l'article 19 du projet de loi distingue, en matière de voirie, le sort des dotations inscrites dans les contrats de plan selon l'état d'avancement du projet. En effet, si toutes les opérations engagées au cours de la période d'exécution du contrat de plan bénéficieront d'un financement de l'État jusqu'à leur achèvement, en revanche, le montant des crédits concernant des opérations programmées, mais n'ayant pas fait l'objet d'un engagement de dépense, sera intégralement reversé aux collectivités locales concernées ;

-  les grandes initiatives décentralisatrices qu'a connues notre pays, qu'il s'agisse de la réforme voulue par le Général de Gaulle en 1969 ou de celle initiée par les socialistes en 1982, ont toujours, dans un premier temps, suscité la réserve ou l'indifférence des citoyens avant d'emporter, dans un second temps, leur adhésion. Au sein même du Parlement, les réticences furent d'ailleurs vives lors de l'examen des lois de décentralisation de 1982, à telle enseigne que le Gouvernement dut renoncer à son projet tendant à confier la gestion des universités aux régions ;

-  le développement des groupements de communes atteste incontestablement de leur succès, bien que cette évolution ne soit pas encore parvenue à son terme. En effet, si près de 80 % du territoire est d'ores et déjà couvert par des groupements de cette nature, en revanche, leurs compétences ainsi que leurs moyens humains et financiers demeurent limités. Le projet de loi tend précisément à favoriser leur développement en leur permettant d'exercer de nouvelles compétences, par exemple en matière de logement social, tout en simplifiant leurs règles de fonctionnement ; mais une telle évolution nécessite du temps avant que ses premiers effets n'apparaissent. Par ailleurs, l'élection au suffrage universel direct des organes délibérants des groupements de communes risquerait de conduire à leur échec ; en effet, nombre de ces groupements parviennent à fonctionner de façon satisfaisante grâce aux compromis élaborés, en leur sein, entre les représentants des différentes communes associées sans que le poids démographique respectif de celles-ci ne constitue le critère déterminant en matière de répartition des voix au sein du conseil d'administration. Or, l'élection au suffrage universel direct aurait inévitablement pour conséquence de conduire la commune la plus peuplée à être davantage représentée au sein de l'organe dirigeant du groupement, et ce au détriment des communes les moins peuplées, ce qui risquerait de rompre des équilibres politiques parfois difficiles à élaborer ;

-  la procédure prévue par le projet de loi permettant à une collectivité locale de demander à participer à l'exercice de compétences relevant d'une autre collectivité devrait permettre de résoudre les difficultés auxquelles sont confrontés certains élus locaux désireux d'agir dans des domaines qui ne relèvent pas strictement de leur compétence ;

-  la décentralisation est fondée sur la conviction que l'État assure moins bien certaines missions que les collectivités locales qui, en étant plus proches des difficultés rencontrées par les administrés, sont mieux à même de leur apporter des solutions pertinentes et rapides, l'exemple topique étant le transfert de la construction des collèges et des lycées aux collectivités locales qui ont, grâce à leur politique d'investissement volontariste, permis de réduire les inégalités que l'État avait, par négligence, laissé s'accroître. La décentralisation constitue donc un moyen de lutter contre les inégalités, et ce qui a été vérifié hier pour les établissements scolaires le sera demain pour les nouvelles compétences transférées aux collectivités locales ;

-  le projet de loi autorise l'État à déléguer, et non à transférer, aux groupements de communes l'attribution et la gestion des aides à la pierre. Toutefois, le projet de loi encadre strictement les modalités de cette délégation en exigeant que les groupements de communes se soient préalablement dotés d'un programme local de l'habitat ;

-  il est vrai que le projet de loi ne prévoit pas le transfert aux collectivités locales d'un certain nombre de compétences, notamment dans le domaine de la jeunesse et des sports ; si le Gouvernement est disposé à accueillir favorablement des amendements parlementaires étendant les domaines de compétences des collectivités locales, ils doivent prendre garde à ne pas alourdir à l'excès les dispositions du projet de loi ;

-  la mise en œuvre de la réforme du rmi, notamment en termes de transfert de personnel, peut se révéler complexe localement et les services du ministère de l'intérieur sont à la disposition des parlementaires concernés qui en feraient la demande.

En réponse à M. Dominique Tian, le ministre délégué a enfin précisé que les équipements visés à l'article 54 étaient les équipements lourds hospitaliers.

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EXAMEN DES ARTICLES

Avant le titre premier

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière tendant à insérer, avant le titre premier du projet de loi, une division nouvelle relatives aux relations financières entre l'État et les collectivités territoriales et à la fiscalité locale, le rapporteur ayant rappelé que cette question ferait l'objet d'un projet de loi organique qui sera prochainement soumis au Parlement.

Elle a rejeté un amendement du même auteur prévoyant une compensation du prélèvement opéré sur les finances des collectivités par la création d'une « journée solidarité », le rapporteur ayant jugé préférable d'aborder cette question lorsque seraient précisées les conditions de mise en œuvre de cette journée.

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière subordonnant l'entrée en vigueur de la présente loi à celle de la loi organique sur les finances locales, ainsi que deux amendements du même auteur modifiant l'article 1607 bis du code général des impôts afin de permettre aux assemblées générales des établissements publics fonciers locaux d'arrêter le produit de la taxe spéciale d'équipement dans la limite d'un plafond, sans que ce plafond ne soit inscrit en loi de finances, le rapporteur ayant rappelé que cette question relevait du projet de loi organique précédemment évoqué.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement de M. René Dosière modifiant l'article 1636 B sexies du code général des impôts afin de préciser qu'à compter de 2004, les collectivités pourront librement augmenter leur taux de taxe professionnelle. L'auteur de l'amendement ayant souligné qu'il s'agissait ainsi d'achever le mouvement de déliaison des taux de la fiscalité locale, le rapporteur a rappelé l'importance de cette question et souligné que ce mécanisme n'avait pas été supprimé par le Gouvernement précédent, un premier assouplissement en la matière ayant été réalisé par la loi de finances pour 2003.

La Commission a donc rejeté cet amendement, ainsi que deux amendements du même auteur, le premier réduisant de 0,4 % les taux prévus au II de l'article 1641 du code général des impôts, le second modifiant l'article 1647 B sexies du code général des impôts, relatif au plafonnement de la taxe professionnelle, afin de supprimer tout recours à une cotisation de référence et de plafonner la cotisation effectivement demandée à 3,5 %, 3,8 % et 4 % de la valeur ajoutée ; dans la perspective de la réforme de la taxe professionnelle, le rapporteur a indiqué qu'il présenterait à la Commission un amendement répondant aux préoccupations exprimées par M. René Dosière.

TITRE PREMIER

LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, LE TOURISME
ET LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Chapitre Ier

Le développement économique

Le premier chapitre du projet de loi est consacré au développement économique, le Sénat ayant réservé au tourisme un chapitre spécifique (Ier bis), au contraire du projet de loi initial qui avait fusionné ces deux thèmes.

Avant l'article 1er

La Commission a rejeté un amendement de M. André Chassaigne prévoyant la remise d'un rapport sur le bilan des différentes lois de décentralisation dans les six mois suivant la promulgation de la loi, le rapporteur ayant souligné que l'objet de ce rapport était trop vaste et que les travaux réalisés par les assises des libertés locales permettaient de répondre à cette préoccupation.

Elle a considéré comme hors sujet et donc rejeté un amendement du même auteur tendant à compléter l'article L. 321-1 du code du travail pour interdire les licenciements économiques effectués par une entreprise réalisant des profits et soumettre sa situation à l'examen d'une commission dont il prévoit la composition.

Article 1er

(titre premier du livre cinq de la première partie et art. L. 1511-1 à L. 1511-5
du code général des collectivités territoriales)


Développement économique

L'objet de ce premier article est d'affirmer le rôle de chef de file de la région en matière de développement économique. Il clarifie ainsi le régime actuel des interventions économiques des collectivités territoriales, dont les limites sont soulignées depuis longtemps. Pour autant, il ne remet pas en question le rôle important que jouent d'ores et déjà les autres collectivités territoriales en cette matière, le Sénat ayant particulièrement veillé à préciser le texte de façon à ce que le rôle de chef de file de la région ne soit en aucun cas une compétence exclusive déguisée.

L'équilibre du dispositif ainsi obtenu garantit en outre sa conformité avec les procédures communautaires, ce qui représentait jusqu'alors le point faible de ce volet d'activité des collectivités territoriales.

Votre rapporteur estime que, à l'issue de vingt ans d'interventions toujours plus importantes des collectivités territoriales dans le domaine économique, c'est un cadre ambitieux, à la mesure de l'enjeu, à la fois plus souple et plus rigoureux, notamment au regard du droit communautaire, qui est proposé dans le présent projet de loi.

Vingt années d'intervention territoriale en faveur du développement économique : un cadre juridique toujours insatisfaisant

Si l'intervention des collectivités territoriales dans le domaine économique est récente, le débat sur le sujet est, lui, très ancien : « La question de savoir si les collectivités territoriales peuvent et doivent intervenir en matière économique, et sous quelles formes, jalonne depuis près d'un siècle l'histoire du secteur public local. » (10) Jusqu'alors jurisprudentiel, le droit des interventions économiques locales entre dans l'ordre législatif avec les lois n° 82-6 du 7 janvier 1982 approuvant le plan intérimaire 1982-1983 et n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, qui autorise les collectivités locales à intervenir en faveur des entreprises.

Les interventions économiques des collectivités territoriales comportent deux volets :

-  les actions en faveur du développement économique, qui reposent sur la distinction entre les aides directes et les aides indirectes aux entreprises, auxquelles s'ajoutent les dispositifs d'ingénierie financière, de soutien aux créateurs d'entreprise, ou d'aides spécifiques versées dans le cadre de conventions conclues avec l'État ;

-  la protection des intérêts économiques et sociaux de la population, qui englobe les aides aux entreprises en difficulté, les actions destinées à assurer le maintien des services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural et, subsidiairement les aides en faveur des entreprises exploitant des salles de cinéma.

Le présent projet de loi vise, au sein de la première catégorie, le régime des aides directes et indirectes :

-  les aides directes qui ne peuvent prendre que trois formes définies par la loi : primes régionales à l'emploi (pre), primes régionales à la création d'entreprise (prce), prêts, avances et bonifications pouvant être accordés à des conditions plus favorables que le taux moyen des obligations. L'octroi par les communes et départements est subordonné à la mise en place préalable de régimes d'aides correspondants par la région ;

-  les aides indirectes qui peuvent être attribuées par toutes les collectivités sans considération de ce que font les autres et dont la forme est en principe libre (à l'exception des aides à l'immobilier d'entreprise, des garanties d'emprunt et de prises de participation). Il n'existe pas de liste de ces aides : juridiquement, toutes les aides ne figurant pas dans l'énumération relative aux aides directes peuvent être considérées comme des aides indirectes.

La liste des aides accordées par les collectivités locales n'a pas été modifiée depuis cette date, la seule évolution concernant l'assimilation clairement affirmée des subventions aux aides directes par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

Ces deux catégories d'aides sont soumises à un régime juridique différent.

Ainsi, dès 1982, c'est à la région qu'est reconnue la primauté en matière d'aide directe au développement économique, rôle confirmé depuis dans la loi sur la démocratie de proximité qui l'a érigée en chef de file. Pour important qu'il soit, ce principe juridique ne fait que traduire ce qui est, de longue date, considéré comme une évidence : dès 1968, le Général de Gaulle voyaient dans les activités régionales « le ressort de sa puissance économique [de l'État] de demain. » (11) En vertu de ce principe, les autres collectivités territoriales ne peuvent intervenir qu'en complément de l'action régionale et seulement si le montant de l'aide régionale n'atteint pas le plafond fixé. La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a renforcé le rôle de la région, en modifiant le régime juridique des aides directes. Désormais, les catégories d'aides directes sont déterminées par délibération du conseil régional : alors que le droit antérieur déterminait de manière limitative les différentes catégories d'aides pouvant être mises en œuvre, c'est désormais la région qui détermine et met en oeuvre les régimes des aides directes. Il s'agit des subventions, des avances remboursables, des prêts et des bonifications d'intérêts. Avec cette réforme, la région a acquis une marge de manœuvre lui permettant de décider au cas par cas de l'attribution d'aides individuelles.

Les aides indirectes au développement économique sont régies par un régime beaucoup moins contraignant, la règle générale en la matière étant la liberté d'attribution : en vertu de l'article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales, « les aides indirectes peuvent être attribuées par les collectivités territoriales ou leurs groupements, seuls ou conjointement. » Il n'en reste pas moins que, si elles ne sont pas soumises au principe de complémentarité et ne font pas l'objet d'une liste limitative, elles sont, pour certaines d'entre elles, strictement réglementées. Ainsi en est-il notamment des garanties d'emprunt, des exonérations d'impôts locaux ou de certaines aides à l'immobilier d'entreprise.

Quel bilan tirer de la mise en œuvre de ces deux catégories d'aides ?

Les collectivités territoriales sont aujourd'hui des acteurs majeurs du développement économique. De 1984 à 2000, les aides de toute nature des collectivités locales aux entreprises ont plus que triplé, passant de 0,6 à 2,3 milliards d'euros (12). Cette augmentation a davantage bénéficié aux aides indirectes qu'aux aides directes, même si, en masse, 79,8 % des aides des collectivités locales restent directes, ainsi que le montre le tableau ci-dessous.

LES AIDES DES COLLECTIVITÉS LOCALES AUX ENTREPRISES EN 2001

(en mds d'euros)

Nature des aides

Communes

Départements

Régions

Total

Aides directes

602

432

635

1669

Aides indirectes

205

134

161

500

Total

807

566

796

2169

Source : direction générale de la comptabilité publique, août 2003.

Reste que cet accroissement du poids des interventions économiques des collectivités territoriales est intervenu sur une base juridique fragile. De fortes incertitudes pèsent ainsi sur le régime des aides indirectes aux entreprises, en particulier sur les interventions qui revêtent la forme de vente de bâtiments et de terrains aux entreprises. Qui plus est, alors que la rédaction de l'article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales laisse supposer, à tort, que l'attribution de certaines aides est libre, la Commission européenne a indiqué, dans une décision du 12 juillet 2000, qu'une telle affirmation était incompatible avec les dispositions des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne.

Le projet de loi : un cadre renouvelé pour une intervention plus efficace

Si, d'un point de vue rédactionnel, le régime des interventions économiques des collectivités locales ne gagne pas en simplicité, sur le fond, il ne fait, en revanche, aucun doute que la réforme qu'en propose le projet de loi est de grande envergure. Le projet de loi substitue en effet à la distinction actuelle entre aides directes et indirectes des collectivités aux entreprises la reconnaissance d'une compétence globale de la région en matière de développement économique et l'affirmation d'un droit des autres collectivités à y prendre toute leur part. Il consacre, en outre, les principes et règles communautaires applicables en la matière.

· Un cadre mieux adapté aux enjeux économiques

Le projet de loi veut rendre compte du rôle toujours croissant des collectivités territoriales en matière économique. Ainsi, le titre actuel du code général des collectivités territoriales consacré aux interventions économiques, modestement dénommé « Aides aux entreprises » est remplacé par celui de « Développement économique » (paragraphe I), ce qui rend justice au rôle effectif des collectivités territoriales en matière économique. C'est désormais l'objectif, et non plus les moyens utilisés pour y parvenir, qui est mis en valeur. Cette substitution vise également à distinguer entre les actions en faveur du développement économique, régies par les articles L. 1511-1 à L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales, et les aides destinées à assurer la protection des intérêts économiques et sociaux de la population, régies par les articles L. 2251-1 et suivants, L. 3231-1 et suivants et L.4253-1 et suivants du même code.

· Un régime plus souple

Préserver l'efficacité des interventions économiques des collectivités territoriales tout en définissant précisément les rôles et modalités d'intervention de chacun des intervenants que sont la région, le département, les communes et leurs groupements, mais également de l'État, à la fois acteur économique et garant du respect des règles communautaires : tel est l'objectif poursuivi par la réforme proposée.

Votre rapporteur juge cet objectif est pleinement atteint. Trois principes sont ainsi affirmés par l'article 1er, dont la rédaction a, d'ailleurs, été heureusement clarifiée par le Sénat.

1) En premier lieu, l'affirmation claire de la région comme chef de file du développement économique (paragraphe II) garantit la clarté du dispositif, en même temps que son efficacité. De fait, la région représente « le cadre permettant d'exercer la solidarité la plus large possible », comme l'a rappelé M. Gérard Longuet lors du débat au Sénat (13). Cette disposition traduit une volonté affirmée par le législateur dès 1982, la véritable innovation résidant dans la remise en ordre apportée au dispositif.

En l'occurrence, que signifie concrètement la notion de chef de file ?

Au premier chef, cela implique une responsabilité générale de la région en la matière, reconnue dès la première phrase de l'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales (paragraphe II). Cette notion signifie, tout d'abord, que la région joue un rôle direct : est ainsi reconnu au conseil régional le pouvoir de définir le régime des aides aux entreprises et d'en décider l'octroi (paragraphe IV). À l'instar du droit actuel, ces aides sont limitativement énumérées par les articles L. 1511-2 (subventions, bonifications d'intérêt, prêts et avances remboursables) et L. 1511-3 dudit code (rabais sur le prix de vente, de location ou de location vente de terrains nus ou aménagés et de bâtiments neufs ou rénovés). Il apparaît que l'article L. 1511-2, s'il supprime l'appellation générique d'aide directe, en conserve intégralement les composantes, le Sénat ayant toutefois, sur proposition de M. Gérard Longuet, ajouté à la liste de l'article L. 1511-2 les « prestations de services ». Dans l'esprit de l'auteur de l'amendement, il s'agit des prestations « qu'une collectivité communale, départementale ou régionale peut accorder à une entreprise pour favoriser son développement ». L'auteur de l'amendement a cité notamment les « aides au conseil qui, dans les régions, sont gérées par les fonds régionaux d'aide au conseil, et le plus souvent cofinancées dans le cadre des contrats de plan par l'État et les régions. Il peut s'agir d'aides au marketing ou à la promotion commerciale pour une entreprise particulière. » (14)

La responsabilité de la région se traduit également par la reconnaissance d'un rôle de coordination de l'action éventuelle des autres collectivités territoriales. Ce dernier est affirmé dans l'article L. 1511-1 précité, en même temps que le moyen pour y parvenir : est en effet prévue l'élaboration, par la région, d'un schéma régional de développement économique, élaboré en concertation avec les autres collectivités et adopté après avis des chambres consulaires. Le projet prévoit que le silence de celles-ci vaut avis favorable : la seule référence à une formalité substantielle suffisant, votre rapporteur propose qu'il soit, dans ce cas, réputé émis. Précisons qu'en application de l'article L. 4241-1 du code général des collectivités territoriales, ce document est de droit transmis au conseil économique et social régional pour avis.

Ni contrat de plan, ni contrat de mandature, ce schéma ne fait l'objet d'aucune règle de périodicité. Il est modifiable à tout moment par délibération de l'assemblée régionale. Il joue un rôle de référent pour l'ensemble des acteurs économiques publics intervenant sur le territoire de la région, le Sénat ayant précisé que l'ensemble des aides aux entreprises des autres collectivités territoriales devaient tenir compte des orientations dudit schéma - et non pas les seules aides mentionnées à l'article L. 1511-3 comme dans le projet de loi initial. Dans la mesure où les aides définies par l'article L. 1511-2 n'interviennent qu'en participation avec la région, il faut comprendre que, dans cette disposition, sont également visées les aides accordées librement par les autres collectivités et leurs groupement sur le fondement des articles L. 2251-1 et suivants, L. 3231-1 et suivants et L. 4251-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.

Rien n'est dit, dans le projet de loi, du rôle joué par ce schéma. Votre rapporteur propose de combler cette lacune, en insistant sur deux points essentiels : le développement équilibré du territoire de la région et le renforcement de son attractivité.

Par ailleurs, en vertu de cette responsabilité générale, la région se voit confier le soin d'élaborer un rapport annuel sur les aides mises en œuvre sur son territoire au titre du présent chapitre, ce qui exclut les aides autres que celles qui sont définies aux articles L. 1511-2 et -3, rappelées ci-dessus. Le projet de loi prévoit la communication de ce document, avant le 30 juin de l'année suivante, au représentant de l'État dans la région et, sur leur demande, aux collectivités territoriales et groupements de collectivités situés sur son territoire. Cette dernière disposition a été ajoutée, de façon bienvenue, par le Sénat. Votre rapporteur vous propose de mettre en valeur, non pas le fait que la région communique ce rapport au représentant de l'État, comme le fait la rédaction actuelle issue du Sénat, mais la responsabilité de la région dans l'élaboration de ce rapport : la lettre de la loi sera de la sorte plus compatible avec son esprit. Il serait également utile de prévoir dans quelles conditions les autres collectivités fournissent à la région les éléments d'information nécessaires à l'élaboration de ce rapport.

Enfin, le rôle de chef de file de la région lui confère une responsabilité particulière en cas de difficulté économique majeure. C'est à ce titre que le projet de loi prévoit qu'en cas d'atteinte à l'équilibre économique de la région, le président du conseil régional a obligation d'organiser, à son initiative ou saisi par le représentant de l'État, une concertation avec les présidents des collectivités intéressés, dont l'avis est communiqué au cours du débat. Cette précision a été ajoutée par le Sénat, sur proposition de M. Éric Doligé : elle est pleinement justifiée par le rôle joué, en matière économique, par toutes les collectivités territoriales présentes sur le territoire de la région.

2) En effet, le droit des collectivités autres que la région à intervenir dans le domaine économique constitue le deuxième principe qui structure le nouveau régime des interventions économiques locales, la notion de chef de file ne signifiant pas compétence exclusive. Ce droit est ainsi affirmé dans le deuxième alinéa de l'article 1511-1, sous réserve toutefois de s'inscrire dans le cadre général du schéma régional de développement économique mentionné ci-dessus.

Il s'exerce de manière différenciée selon le type d'aides concerné :

-  s'agissant tout d'abord des aides mentionnées à l'article L. 1511-2, elles peuvent être accordées par d'autres collectivités que la région seulement si elles interviennent dans le cadre d'une participation, formalisée par une convention, avec cette dernière. A contrario donc, comme dans l'état actuel du droit, départements, communes et groupements de communes ne peuvent pas accorder de subventions, prestations de services, prêts et avances remboursables aux entreprises de façon autonome.

Par exception toutefois, ces collectivités peuvent octroyer les aides mentionnées à l'article L. 1511-2 sans intervention de la région. De façon novatrice, le projet de loi prévoit, en effet, une procédure spécifique autorisant ces collectivités à intervenir en cas de carence de la région : si la région, saisie d'un projet d'aides ou de régime d'aides par une collectivité territoriale, ne répond pas sous deux mois ou fait connaître son refus motivé, ladite collectivité peut mener à bien son projet si elle conclut une convention avec l'État. Dans cette hypothèse, le conseil régional en est informé par le représentant de l'État dans la région. Cette dernière disposition a été introduite par le Sénat, le projet de loi initial prévoyant un dispositif en deux temps, au cours duquel le projet de convention était porté à la connaissance du conseil régional par le représentant de l'État, puis une copie de la convention transmise dans les mêmes formes. Cette dernière procédure semble à votre rapporteur plus conforme avec la reconnaissance d'un rôle de chef de file à la région, d'autant qu'elle donne à cette dernière une possibilité de revenir sur sa décision initiale.

-  à l'inverse, les collectivités territoriales autres que la région ont toute latitude - sous la réserve générale liée au schéma régional - pour accorder les aides de l'article L. 1511-3, à hauteur d'un montant calculé par référence aux règles du marché, selon des règles de plafond et de zone déterminées par décret et dans le cadre d'une convention.

3) En troisième et dernier lieu, l'article 1er clarifie le rôle de l'État à l'égard des actions de développement économique des collectivités territoriales.

Il rappelle à cette fin la compétence générale de l'État en matière économique, là où les collectivités territoriales n'ont qu'une compétence d'attribution. Fût-elle régionale, l'action locale dans le domaine économique ne saurait empiéter sur le rôle de l'État, rappel qui figure dès la première phrase de l'article L. 1511-1.

Ce rôle de garant de l'intérêt général est également affirmé via le fait que l'État est destinataire des rapports annuels retraçant l'ensemble des interventions économiques des collectivités territoriales au titre des articles L. 1511-2 et L. 1511-3. Il sera désormais possible de disposer d'une vision statistique globale et rapide du rôle des collectivités territoriales en matière économique, qui n'existe pas à ce jour, faute d'instruments de mesure adéquats et, sans doute également, en raison des zones d'ombre du régime juridique actuel de ces interventions.

Au-delà de ce rôle, l'État se voit reconnaître un statut de protecteur des collectivités territoriales qui ne sont pas chefs de file. C'est ainsi que le représentant de l'État de la région peut contraindre le président du conseil régional à organiser une concertation en cas d'atteinte à l'équilibre économique de tout ou partie de la région : il est assez vraisemblable qu'il jouera, dans ce cas de figure, un rôle de recours des autres collectivités territoriales en cas d'inertie de la région. De même, le rôle reconnu à l'État dans la procédure de carence évoquée ci-dessus est de nature à permettre à la commune ou au département d'agir dans l'intérêt général d'une collectivité.

Enfin, au regard des interventions économiques de collectivités territoriales, l'État joue un rôle de garant des engagements communautaires de la France.

Un dispositif plus rigoureux au regard du droit communautaire

Le projet de loi comble un vide juridique en prévoyant au paragraphe III :

-  la responsabilité exclusive de l'État dans la notification des projets d'aides ou de régimes d'aides que les collectivités territoriales souhaitent mettre en œuvre. Cette règle est conforme au droit communautaire, qui ne permet pas une communication directe par les collectivités territoriales ;

- un rôle d'injonction de l'État en cas d'inaction d'une collectivité territoriale face à une décision de la commission européenne ou à un arrêt de la cour de justice des communautés européennes lui enjoignant de récupérer une aide. Dans cette hypothèse, le représentant de l'État territorialement compétent adresse à la collectivité en cause une mise en demeure ; si celle-ci reste non suivie d'effet après un mois, il procède d'office à l'émission du titre nécessaire à sa récupération.

En corollaire de cette disposition, il revient aux collectivités territoriales qui auront exécuté tardivement ou de manière incomplète une décision de récupération de supporter les conséquences financières des condamnations qui en résultent. Le projet précise qu'il s'agit pour elle d'une dépense obligatoire.

Enfin, le projet de loi complète l'harmonisation du droit des interventions économiques locales avec le droit communautaire en soumettant les collectivités territoriales aux obligations résultant de la procédure prévue à l'article 88-1 du traité instituant la Communauté européenne et celles résultant de la mise en œuvre des règlements d'exemption pris en application de l'article 89 dudit traité. En vertu de cette disposition, les aides directes instituées par les régions doivent :

-  soit respecter les modalités d'un régime notifié et approuvé par la Commission européenne ;

-  soit s'inscrire dans le cadre de l'application d'un règlement d'exemption de la Commission pris en application du règlement n° 994/98 du Conseil du 7 mai 1998 sur l'application des articles 87 et 88 du traité instaurant la Communauté européenne à certaines catégories d'aides d'État ;

-  soit être notifiées de manière spécifique à la Commission et approuvées par celle-ci préalablement à leur mise en oeuvre dans les conditions fixées par le règlement du Conseil n° 659/1999 du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 88 du traité instaurant la Communauté européenne.

Cette notification est obligatoire lorsque le projet ne relève pas d'un régime d'aides déjà approuvé par la Commission ou d'un règlement d'exemption pris en application du règlement n° 994/98 du Conseil du 7 mai 1998 sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE à certaines catégories d'aides d'État. A ce jour, quatre règlements ont été publiés :

- le règlement de la Commission n° 69/2001 du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis ;

- le règlement de la Commission n° 70/2001 du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État en faveur des petites et moyennes entreprises.

- le règlement de la Commission n° 68/2001 du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides à la formation.

- le règlement de la Commission n°2204/2002 du 12 décembre 2002 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides à l'emploi.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. André Chassaigne, la Commission a rejeté un amendement de Mme Valérie Pecresse associant les départements à l'élaboration du schéma de développement économique et précisant que celui-ci doit promouvoir un développement économique « équilibré » de la région et de ses territoires. Tout en exprimant des réserves sur la constitutionnalité du premier point, en raison du rôle de chef de file que joue désormais la région, le rapporteur a souligné l'intérêt du deuxième point et indiqué que la Commission serait amenée à examiner, dans la suite de la discussion de l'article 1er, un amendement s'inspirant de la même préoccupation.

La Commission a rejeté, à l'issue d'une discussion commune, un amendement de M. Rudy Salles ainsi que les amendements n° 1 de M. François Goulard, n° 70 de M. Bruno Bourg-Broc, n° 97 de M. Pierre Morange et n° 189 de M. Jean-Louis Dumont, tendant à prévoir la consultation des chambres régionales de l'économie sociale. Ayant relevé que ces dernières n'étaient pas reconnues par la loi, le rapporteur a indiqué que les conseils économiques et sociaux régionaux (cesr) étaient obligatoirement consultés et estimé que les amendements proposés alourdiraient la procédure d'adoption des schémas régionaux de développement économique. Elle a été saisie d'un amendement de M. André Chassaigne prévoyant la consultation des organisations syndicales représentatives, l'auteur de l'amendement s'étant dit choqué du fait que le texte ne prévoie que celle des chambres consulaires. Tout en rappelant que le cesr comprend des représentants des organisations syndicales, le rapporteur a donné un avis favorable à cet amendement, qui a également été approuvé par le président Pascal Clément et M. Philippe Vuilque avant d'être adopté par la Commission (amendement n° 290). Celle-ci a ensuite rejeté un amendement de M. Pierre Morel-A-L'Huissier prévoyant la consultation des représentants régionaux de l'union nationale des professions libérales.

Après avoir adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 291), la Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean-Jack Queyranne, défendu par M. René Dosière, prévoyant que le schéma régional de développement économique prenait en compte les orientations stratégiques découlant des conventions passées entre la région, les collectivités territoriales ou leur groupement et les autres acteurs économiques et sociaux du territoire concerné. Le rapporteur ayant jugé cet amendement satisfait par les dispositions de l'article 1er du projet de loi, la Commission l'a rejeté. Puis elle a été saisie d'un amendement du même auteur précisant que les orientations définies dans le schéma devaient tenir compte du renforcement des métropoles ; la Commission l'a rejeté après que le rapporteur eut indiqué qu'il en avait repris la substance dans son propre amendement, qui précise que le rôle du schéma de développement économique est de promouvoir un développement économique équilibré de la région, à en accroître l'attractivité et à prévenir les risques d'atteinte à l'équilibre économique de tout ou partie de la région. En réponse aux questions de MM. Xavier de Roux et Michel Piron, le rapporteur a souligné que cet amendement permettait de viser également des territoires ruraux et que le projet de loi prévoyait une concertation « en cas d'atteinte à l'équilibre économique de toute ou partie de la région ». La Commission a donc adopté cet amendement (amendement n° 292).

Elle a ensuite été saisie d'un amendement de M. Émile Blessig prévoyant que la région assurait la coordination de la promotion et de la prospection économique extérieure de son territoire. Le rapporteur a rappelé que le texte adopté par le Sénat prévoyait que les aides pourraient être attribuées par la région aux « prestations de services », ce qui comprend les aides au marketing ou à la promotion commerciale. La Commission a donc rejeté cet amendement, ainsi qu'un amendement de M. André Chassaigne précisant que l'élaboration du rapport relatif aux aides et régimes d'aides mis en œuvre dans la région devait faire l'objet d'un débat au conseil régional, le rapporteur ayant rappelé que les conseils régionaux organisaient librement leurs travaux.

La Commission a adopté, avec l'avis favorable du rapporteur et l'approbation de M. Xavier de Roux, un amendement de Mme Valérie Pecresse prévoyant que la procédure d'agrément visée à l'article L. 510-1 du code de l'urbanisme n'était pas applicable dès lors qu'un schéma régional de développement économique est adopté. Faisant état du frein au développement que constitue la procédure d'agrément, l'auteur de l'amendement a souligné que la mise en œuvre du schéma de développement économique et le transfert de cette compétence à la région rendaient obsolète cette procédure (amendement n° 293).

Puis elle a adopté un amendement du rapporteur précisant les conditions d'élaboration du rapport retraçant l'ensemble des aides fournies aux entreprises dans la région et prévoyant que la région était destinataire des informations détenues en la matière par les autres collectivités territoriales (amendement n° 294).

Elle a rejeté un amendement de M. André Chassaigne prévoyant que le président du conseil régional pouvait également être saisi par une organisation syndicale ou professionnelle représentative aux fins d'organiser une concertation en cas d'atteinte à l'équilibre économique de tout ou partie de la région, le président Pascal Clément ayant exprimé la crainte de saisines abusives et le rapporteur ayant souligné la difficulté de prévoir qu'une organisation syndicale puisse imposer une décision à un conseil d'élus au suffrage universel. Elle a également rejeté un amendement du même auteur tendant à laisser aux seules séances plénières le pouvoir de débattre de l'atteinte à l'équilibre économique du territoire.

La Commission a ensuite adopté l'amendement n° 98 présenté par M. Alain Gest, prévoyant que, comme les avis, les propositions des élus seront recueillies dans le cadre de la concertation prévue en cas d'atteinte à l'équilibre économique de tout ou partie de la région.

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur au paragraphe III (amendements nos 295 et 296).

La Commission a rejeté un amendement de M. André Chassaigne prévoyant que les départements, les communes et leurs groupements pourront non seulement participer au financement des aides aux entreprises mais également à la définition de leur régime, le rapporteur ayant jugé que cet amendement allait à l'encontre du rôle de chef de file reconnu à la région.

La Commission a rejeté un amendement de M. André Chassaigne tendant à déterminer des objectifs de création d'emplois en contrepartie du versement d'aides publiques, le rapporteur ayant fait valoir que cet amendement était d'ores et déjà satisfait par les articles L. 1511-4 et L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales.

La Commission a rejeté un amendement du même auteur prévoyant que les collectivités pourront intervenir, en cas de carence de la région dans l'organisation d'un projet d'aide ou de régime d'aides, le rapporteur ayant estimé que la procédure de carence ne doit pas être utilisée comme un moyen de contourner le rôle de chef de file de la région. Elle a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur tendant à informer la région, même dans le cadre de la procédure de carence, des projets menés par les autres collectivités et l'État (amendement n° 297).

Elle a ensuite été saisie d'un amendement de Mme Valérie Pecresse permettant à une collectivité territoriale de mettre en œuvre un régime d'aide autonome, avec l'accord de la région mais sans nécessairement une participation de sa part. Le rapporteur et le président Pascal Clément ayant estimé que cet amendement battrait en brèche le rôle de chef de file reconnu à la région, Mme Valérie Pecresse, MM. Robert Pandraud et Xavier de Roux ont souligné qu'il s'agissait au contraire d'une délégation de compétence, librement consentie par la région. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 298).

La Commission a été saisie d'un amendement de M. André Chassaigne, tendant à compléter l'article 1er du projet de loi pour renforcer le contrôle des aides publiques données aux entreprises, l'auteur de l'amendement ayant jugé nécessaire de limiter les effets d'aubaine et souligné l'attachement de l'opinion publique à une bonne utilisation des fonds publics. Soulignant l'importance de la question soulevée par cet amendement, le président Pascal Clément a souhaité que soit préservée la liberté de gestion des entreprises, tandis que M. Xavier de Roux, tout en estimant impossible de faire une évaluation de l'impact économique de ces aides, a néanmoins jugé souhaitable de prévoir un rapport annuel pour assurer le contrôle de leur utilisation. Rappelant que ces aides sont subordonnées à certaines conditions, M. Philippe Vuilque a jugé normal de s'assurer du respect des engagements pris. Tout en déclarant comprendre la logique de l'amendement et ne pas désapprouver le caractère obligatoire donné à cette évaluation, M. Alain Gest a estimé que l'examen d'un rapport annuel suivi d'un débat sur l'utilisation des ces aides lui paraîtrait suffisant sans qu'il soit besoin d'alourdir le fonctionnement des collectivités par le recours à un organe distinct, les collectivités étant suffisamment responsables pour mettre en place ce genre de dispositif. M. Étienne Blanc ayant fait observer que les conseils régionaux disposaient déjà, dans leurs règlements, de dispositions de cette nature, M. Michel Piron s'est interrogé sur les critères d'évaluation qui seraient retenus, avant de souligner la nécessité de laisser les collectivités les définir librement, avant d'exprimer la crainte que ces nouvelles dispositions ne soient une source de perte de temps pour les collectivités et les entreprises. M. Christian Decocq s'étant interrogé sur les sanctions encourues en cas d'inobservation de ces dispositions, le rapporteur a proposé à la Commission de rectifier, lors de la réunion tenue en vertu de l'article 88 du règlement, l'amendement précédemment adopté, relatif au rapport retraçant l'ensemble des aides fournies aux entreprises, afin d'y intégrer les préoccupations exprimées par l'auteur de l'amendement. La Commission a donc rejeté cet amendement.

Puis elle a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2

Transfert aux régions des instruments financiers déconcentrés de l'État au service du développement économique

Cet article, dont la rédaction a été modifiée par le Sénat en première lecture, prévoit le transfert aux régions de la compétence pour accorder :

- les aides individuelles aux entreprises précédemment attribuées par l'État et faisant l'objet d'une gestion déconcentrée ;

- les aides relatives aux actions territorialisées du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce ;

- les aides visées au neuvième et onzième alinéas de l'article L. 351-24 du code du travail (dispositif d'encouragement au développement d'entreprises nouvelles).

L'ensemble de ces aides, dont les crédits relevaient jusqu'alors de trois ministère différents (économie, finances et industrie ; agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales ; affaires sociales, travail et solidarité), représente un montant de 288 millions d'euros répartis comme suit (15:

Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC)

56 millions d'euros

Dispositif d'encouragement au développement des entreprises nouvelles (EDEN)

52 millions d'euros

Aides individuelles aux petites et moyennes entreprises (PMI) :

- Fonds de développement des PMI (FDPMI)

- Fonds d'industrialisation de la Lorraine (FIL)

- Fonds régional d'aide au conseil (FRAC)

- Aides au recrutement des cadres (ARC)

- Aides « ATOUT » de diffusion des technologies

92,5 millions d'euros

Prime d'orientation pour les entreprises de stockage, de transformation et de commercialisation des produits agricoles et alimentaires

10 millions d'euros

Aides au soutien régional et au développement économique à l'international des entreprises

9,5 millions d'euros

Aides aux exploitations forestières et aux entreprises de première transformation du bois d'œuvre

7,5 millions d'euros

Chèques conseils

6 millions d'euros

Fonds régionaux d'aide aux investissements immatériels

4,5 millions d'euros

D'emblée, il est à noter que le montant du transfert de crédits affiché par le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi n'a qu'une valeur indicative. En effet, l'État se réserve la possibilité d'amputer ces crédits des actions relevant de la solidarité nationale telles que l'indemnisation des commerçants, artisans et petites entreprises de services victimes de catastrophes naturelles de grande ampleur, le financement d'opérations liées à des circonstances exceptionnelles, l'indemnisation des catastrophes technologiques ou le traitement socio-économique d'accidents économiques majeurs auxquels l'État contribue à hauteur de plusieurs millions d'euros par an au travers des crédits du fisac.

Par ailleurs, et comme l'ont fort bien mis en exergue les travaux de la commission des lois du Sénat saisie au fond et des commissions de cette assemblée saisies pour avis, le présent article appelle plusieurs commentaires.

Premièrement, la disposition ainsi envisagée est dépourvue de portée normative. Aux termes de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le transfert des crédits mentionnés à l'article 2 ne pourra intervenir qu'en loi de finances et, comme tel, sera soumis à un arbitrage annuel. Étant donné la nouvelle architecture de la loi de finances, il n'est techniquement plus possible d'associer, dans chaque texte ayant des implications financières, une mesure et son financement. Dès lors, pour contestable qu'il soit en terme de rigueur juridique, cet article s'impose néanmoins dans le projet de loi car il affirme clairement une volonté politique et offre de la sorte la meilleure garantie de la décentralisation des crédits d'État d'aides aux entreprises.

De fait, nonobstant les sommes réservées au financement des actions relevant de la solidarité nationale mentionnées plus haut - dont le montant et les modalités de mise en œuvre demeurent à ce jour inconnu et qu'il conviendrait de préciser -, se pose la question pratique de la reconduction d'une année sur l'autre des crédits transférés à la région à un niveau satisfaisant et conforme à l'engagement pris par l'État dans le présent projet de loi. La réponse du ministre délégué aux libertés locales, M. Patrick Devedjian, interpellé sur ce sujet lors du débat au Sénat, indique que les régions percevront la part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (tipp) correspondant aux montants transférés (calculés par référence à la moyenne sur trois ou cinq années de consommation des crédits concernés).

Par ailleurs, afin que la décentralisation des aides individuelles aux entreprises puisse produire tous ses effets en terme d'efficacité, il importe que ne soient pas seulement transférés aux régions les crédits qui y sont associés mais que figurent également dans les termes du transfert les personnels actuellement employés par l'État pour la gestion de celles-ci. La rédaction initialement retenue par le gouvernement dans son projet de loi semblait n'avoir pas pris en compte cette donnée du problème. La nouvelle rédaction de l'article, adoptée par le Sénat en première lecture, doit permettre un transfert conjoint des crédits et des personnels affectés à leur gestion. En effet, en dotant les régions de la « compétence » en matière d'accords des aides, et non pas seulement en transférant les crédits correspond à ces aides, la rédaction de l'article 2 permet l'application aux dispositions visées du paragraphe I de l'article 77 du projet de loi, lequel prévoit le transfert des « services ou parties de services qui participent à l'exercice des compétences de l'État transférées aux collectivités territoriales ou à leurs groupements par la présente loi ».

D'autre part, la région aura-t-elle la capacité de modifier le régime des aides relevant désormais de sa compétence ou bien sera-t-elle tenue de respecter le statu quo ante ? La question n'est pas mineure puisque, en ce dernier cas, la décentralisation envisagée serait de peu d'effet, le rôle de la région se bornant à celui d'un simple guichet chargé de distribuer des crédits selon des modalités définies ailleurs, sur un plan national. Cette préoccupation, également absente de la rédaction du projet de loi, semble avoir trouvé un écho dans la rédaction issue du Sénat puisqu'il y est clairement indiqué que les régions « déterminent le régime » des aides accordées aux entreprises dont elle a obtenu la compétence.

En dernier lieu, l'exclusion du présent dispositif des aides collectives aux entreprises, tels que les aides à la recherche, aux transferts de technologie, les crédits mis à la disposition des entreprises par l'Agence française de l'innovation (anvar) - pour l'essentiel gérés actuellement par les directions régionales à l'industrie, à la recherche et à l'environnement (drire) - prive à l'évidence les régions d'une compétence importante en matière de développement économique. Cependant, comme l'a souligné le ministre délégué aux libertés locales, M. Patrick Devedjian, devant le Sénat, la recherche relevant d'une compétence nationale, il n'est pas souhaitable de disperser l'action publique en cette matière.

La Commission a rejeté quatre amendements de M. André Chassaigne : le premier supprimant cet article ; le second tendant à la création d'un fonds décentralisé de solidarité territoriale et de développement économique ; le troisième conférant à l'État la compétence pour définir et mettre en œuvre les politiques destinées à anticiper les restructurations économiques ; le dernier rappelant les missions d'aménagement du territoire et soulignant l'importance des contrats de plan État-région, le rapporteur ayant observé que ces amendements étaient contraires à l'esprit même de la décentralisation qui tend à confier davantage de prérogatives aux collectivités territoriales.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement de M. Émile Blessig prévoyant que les régions peuvent demander une délégation de compétence afin d'intervenir, au niveau régional, en matière de soutien au transfert de technologies aux côtés de l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche (anvar). Le rapporteur ayant considéré que le rôle de l'État en matière de soutien à la recherche devait être maintenu, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite adopté l'article 2 sans modification.

Article additionnel après l'article 2

Simplification des modalités de modification du schéma directeur
de la région Île-de-France

La Commission a été saisie d'un amendement de Mme Valérie Pecresse tendant à simplifier les modalités de révision du schéma directeur de la région Île-de-France en prévoyant, à l'instar du droit applicable à la modification des plans locaux d'urbanisme, que la révision est décidée par le conseil régional et le préfet de la région Île-de-France et non plus par décret en Conseil d'État comme le prévoit le droit en vigueur. Tout en reconnaissant que la procédure de modification du schéma directeur était particulièrement lourde et complexe, le rapporteur a jugé souhaitable de modifier la rédaction proposée et indiqué, en conséquence, qu'il serait amené à sous-amender ultérieurement cet amendement, qui a été adopté (amendement n° 299).

Chapitre Ier bis (nouveau)

Le tourisme

Le tourisme représente le deuxième volet de compétences transférées aux collectivités territoriales. Le Sénat a choisi de dissocier les articles consacrés à ce thème en les regroupant dans un chapitre spécifique.

En conséquence, le nouveau chapitre Ier bis traite successivement :

-  de la répartition des compétences dans le domaine du tourisme, avec le reconnaissance de la région comme chef de file (article 3) ;

-  du statut et du fonctionnement des organismes chargés de la promotion du tourisme (article 4) ;

- des stations classées de tourisme en Guyane (article 4 bis).

Article 3

(art. 2, 3, 4 et 5 de la loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992)


Répartition des compétences dans le domaine du tourisme

La répartition des compétences en matière de tourisme est aujourd'hui régie par la loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992. Au titre de l'article 1er de cette loi, le tourisme relève de la compétence « coordonnée » de l'État, des régions, des départements et des communes, qui doivent l'exercer « en coopération ».

Dans ce schéma, il revient en propre à l'État (article 2) de :

-  définir la politique nationale du tourisme ;

-  déterminer et mettre en œuvre les procédures d'agrément et de classement des équipements, organismes et activités touristiques ;

-  déterminer et mettre en œuvre les orientations de la coopération internationale en matière de tourisme ;

-  coordonner les initiatives publiques et privées ;

-  et d'apporter son concours aux actions de développement touristique que les collectivités territoriales engagent, notamment par la signature de contrats de plan avec les régions.

En revanche, c'est en liaison avec ces collectivités qu'il définit et conduit les opérations de promotion touristique nationale (article 2). De même, la mise en œuvre de la politique nationale du tourisme qu'il définit ne relève pas de sa seule compétence, les collectivités territoriales y étant associées (article 3).

Au titre de ce même article 3 de la loi du 23 décembre 1992 précitée, les collectivités territoriales conduisent, « dans le cadre de leurs compétences propres et de façon coordonnée » des politiques dans le domaine du tourisme.

D'une certaine manière, la région exerce sur son territoire des compétences similaires à celles reconnues à l'État (article 4) :

-  il lui revient également de définir à moyen terme les objectifs du développement régional, déclinés dans un schéma régional qui en fixe les modalités et conditions de mise en oeuvre ;

-  elle établit des conventions avec les autres collectivités, définissant les actions à mener et les modalités de leur mise en œuvre ;

-  enfin, elle joue un rôle de coordination des initiatives publiques et privées en ce domaine.

Il faut ajouter que la région est chargée de recueillir, traiter et diffuser les données relatives à l'activité touristique dans la région.

Le département, via le comité départemental du tourisme, assure, pour sa part, l'élaboration, la promotion et la commercialisation des produits touristiques en collaboration avec les professionnels et organismes de tourisme concernés. Il peut établir un schéma d'aménagement touristique départemental prenant en compte les orientations du schéma régional (articles 5 à 9).

Enfin, les communes sont libres de créer un office de tourisme chargé de l'accueil et de l'information des touristes ainsi que de la promotion touristique de la commune, en cohérence avec le département et la région. Cet organisme prend part à la coordination des interventions des divers partenaires du développement touristique local et peut lui-même être autorité à commercialiser des prestations de services touristiques (article 10).

Le projet de loi ne revient pas sur le principe des compétences plurielles en matière touristique, au sens où aucun des acteurs compétents aujourd'hui ne se trouve exclu de ce domaine d'intervention. Toutefois, l'architecture actuelle est modifiée sur trois points importants.

Un État concepteur et garant de l'intérêt général en matière de tourisme

En premier lieu, si l'État conserve son rôle de concepteur, ses fonctions d'acteur de la politique nationale du tourisme sont strictement limitées aux missions ne pouvant, par nature, être assumées par une collectivité territoriale. Le projet de loi reprend ainsi largement l'article 2 de la loi du 23 décembre 1992 précitée, tout en en clarifiant la rédaction : responsabilité de la coopération internationale, définition et conduite des opérations de promotion touristique restent ainsi de compétence étatique.

De même, l'État reste l'autorité en charge de la définition de la politique nationale du tourisme. Cependant, à la différence du droit actuel, c'est en associant les collectivités territoriales qu'il la met en œuvre : alors que l'article 2 de la loi de 1992 indiquait qu'il la mettait en œuvre, pour préciser, à l'article 3, que les collectivités territoriales y étaient associées, le projet précise seulement que l'État « associe les collectivités territoriales » à la mise en œuvre de cette politique. Votre rapporteur n'est pas certain que la rédaction retenue soit la plus pertinente, dans la mesure où elle donne à croire que l'État reste, à titre principal, le maître d'œuvre et l'acteur principal de la politique du tourisme, là où les collectivités territoriales joueraient les seconds rôles. Or, comme nous le soulignons ci-dessous, il n'en est rien puisque c'est, en pratique, aux régions qu'est reconnu le rôle de chef de file en matière touristique. Il semble donc souhaitable de ne pas laisser figurer dans le projet de loi des dispositions qui, tout en ayant peu de portée normative, sont sources d'ambiguïté quant à l'exercice effectif des compétences. La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur en ce sens, (amendement n° 300), l'amendement de M. Bernard Derosier, ayant un objet similaire, étant considéré comme satisfait.

Par ailleurs, le projet de loi apporte trois innovations au rôle de l'État :

-  ce dernier perd tout d'abord la compétence d'agrément et de classement des infrastructures et activités touristiques qui lui était reconnue. Jusqu'alors en effet, il maîtrisait entièrement ce processus, définissant et mettant en application la réglementation, puis prononçant lui-même les décisions de classement. Le projet de loi limite sa compétence à l'élaboration des règles de classement et d'agrément des équipements et organismes touristiques, fixées par décret ;

-  ce rôle s'inscrit dans la responsabilité générale donnée à l'État d'élaborer et de mettre en œuvre la réglementation des activités touristiques et de l'organisation et de la vente des voyages et séjours. Cette dernière disposition, dont la rédaction a été clarifiée par le Sénat, semble aller de soi et correspond, de fait, à la pratique actuelle ; d'ailleurs, elle ne figurait pas dans la loi de 1992. Introduire explicitement cette compétence dans la loi est néanmoins bienvenu au regard du renforcement du rôle des collectivités territoriales en matière touristique : cette précision souligne le rôle de garant de l'intérêt général assumé par l'État via son pouvoir réglementaire, ce qui n'est pas inutile dans un domaine largement décentralisé ;

-  enfin, dans le même souci de souligner ce rôle de vigie de l'État, le projet de loi confie à l'État le soin de recueillir, analyser et diffuser les données statistiques nationales dans le domaine du tourisme. Il pallie ainsi une lacune du dispositif juridique actuel, qui ne mentionne pas ce rôle statistique de l'État, les seules régions étant explicitement reconnues comme compétentes sur leur territoire. Là encore, il s'agit d'inscrire dans la loi une pratique d'ores et déjà existante, ce qui traduit sans doute la préoccupation des administrations d'État concernées de voir leur rôle perdurer.

La région, un chef de file aux compétences accrues

Le projet de loi ne revient pas sur les dispositions de la loi du 23 décembre 1992 précitée concernant la région, se contenant seulement de placer son rôle de coordination en tête de l'article 4 de cette loi, alors qu'il en formait le dernier alinéa. Est ainsi affirmée sans ambiguïté la place de chef de file de la région en matière touristique.

Plus encore, il renforce son rôle prééminent en lui attribuant la compétence d'instruire les demandes d'agrément ou de classement des équipements et organismes de tourisme, jusqu'alors dévolue à l'État. Telle n'était pas la rédaction initiale du projet de loi, qui avait opté pour une départementalisation de cette compétence, en sus du rôle d'ores et déjà reconnu aux départements en matière touristique, inchangé. Le Sénat a considéré que ce choix manquait de pertinence, estimant notamment que les départements étaient « en effet à la fois trop nombreux et trop proches du terrain pour garantir la cohérence et la sérénité des décisions de classement ou d'agrément » (16). Le rapporteur de la commission des Lois du Sénat a en outre rappelé que ce transfert ne correspondait nullement au souhait des départements eux-mêmes : il précise ainsi, que, selon l'Assemblée des départements de France, « l'attribution aux départements de cette mission risque, d'une part de générer des divergences d'interprétation contraires à l'objet recherché, d'autre part, n'a jamais été demandé par les départements. » Il est utile de préciser que, lors de la première lecture de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, la commission des Lois du Sénat s'était d'ores et déjà prononcée en faveur d'un transfert, à la région, de la politique du tourisme ; elle avait toutefois renoncé à cette disposition au stade de la commission mixte paritaire.

Votre rapporteur souscrit pleinement à l'analyse selon laquelle la région est la mieux placée pour assumer cette politique, d'autant plus que le dispositif prévu par le Sénat apporte deux garanties : d'une part, il prévoit l'association des autres collectivités territoriales à la décision de classement ou d'agrément, avec la consultation préalable d'une commission réunissant des représentants des départements et des communes concernés, en plus de ceux des professions touristiques et de membres du conseil régional ; d'autre part, la bonne mise en œuvre du transfert est confortée par la mise à disposition explicite de personnels de l'État au profit de la région. Rappelons qu'existent à ce jour 26 délégations régionales au tourisme (drt), réparties sur les 22 régions administratives métropolitaines et les départements d'outre-mer, qui emploient, selon la loi de finances pour 2004, 82 agents (tous issus de l'équipement, sauf six relevant du ministère du tourisme). Le budget global (exécuté) des drt s'est élevé en 2002 à 1,054 million d'euros. La dotation pour 2003 était, après régulation, de 1,248 million d'euros. Dans la perspective du transfert de compétences, elle a été fixée, dans la loi de finances pour 2004, à 0,9 million d'euros (17).

L'article 3 ne modifie pas la compétence des communes en matière touristique. C'est, en fait, à l'article suivant que sont introduits d'importants changement sur ce point, l'article 4 traitant, en effet, du statut et du fonctionnement des offices de tourisme créés par les communes. Par coordination avec ces dispositions à venir, il convient d'ailleurs de supprimer l'article 10 de la loi du 23 décembre 1992 sur le tourisme (amendement n° 301).

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement de M. Émile Blessig instaurant un mécanisme de conventionnement entre les départements et les régions, afin de coordonner leurs stratégies en matière de développement du tourisme. Après que le rapporteur ait indiqué que des dispositions de cette nature étaient d'ores et déjà prévues par l'article 4 de la loi du 23 décembre 1992, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a rejeté un amendement de M. Bernard Derosier tendant à supprimer le 4° de cet article, son auteur soulignant qu'il n'était pas souhaitable que l'État abandonne toute responsabilité en matière de tourisme et le rapporteur jugeant que le dispositif proposé par l'amendement était contraire à l'esprit du projet. Elle a également rejeté l'amendement n° 40 de M. Michel Bouvard rétablissant la rédaction initiale du projet de loi prévoyant que les procédures de classement doivent être assurées par une commission composée de représentants les plus proches des réalités locales.

La Commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4

Statut et fonctionnement des offices de tourisme

L'article 4 a été totalement remanié par le Sénat. Initialement, en effet, il habilitait le Gouvernement à réformer par ordonnance le statut et les modalités de fonctionnement des organismes mis en place par les communes ou leurs groupements à des fins de promotion touristique. Le Sénat, sur proposition de sa commission des lois, a jugé la méthode peu appropriée, estimant qu'elle « conduirait à un dessaisissement du Parlement sur une réforme qui intéresse au plus haut point les communes. » (18) Il a donc procédé lui-même à la réforme envisagée par le Gouvernement : sont ainsi introduits huit paragraphes modifiant le code général des collectivités territoriales, en vue de rénover le statut de ce qu'il convient d'appeler désormais les offices de tourisme, le droit actuel utilisant concurremment cette rédaction et celle d'« office du tourisme ».

Le premier point de la réforme concerne le statut juridique des offices de tourisme.

Le droit actuel est, en effet, caractérisé par une grande diversité en la matière, que d'aucuns appelleront confusion. La principale forme juridique aujourd'hui prise par les offices de tourisme est l'association de la loi de 1901. Les conseils municipaux peuvent également créer des offices du tourisme en vertu de la loi du 23 décembre 1992 et leur donner le statut de leur choix. Enfin, les stations classées et communes littorales sont autorisées à créer des offices du tourisme ayant le statut d'établissements publics industriels et commerciaux (epic). Au total, ce sont quelque 3 451 offices du tourisme - dont 3 426 associations, 4 sociétés d'économie mixte et 21 régies - et 140 epic qui interviennent dans le cadre de la commune.

Le Sénat a simplifié ce régime en supprimant le régime dérogatoire réservées aux seules stations classées et communes littorales : désormais, c'est au conseil municipal qu'il reviendra de choisir le statut de l'organisme chargé de la promotion du tourisme, dénommé office de tourisme. Le statut d'epic est donc ouvert à l'ensemble des communes.

Dans cette hypothèse, les règles de fonctionnement d'ores et déjà définies aux articles L. 2231-11 à L. 2231-15 du code général des collectivités territoriales continuent de s'appliquer : rôle du comité de direction et du directeur, ressources de l'office, approbation de son budget par le conseil municipal. Votre rapporteur vous propose en outre de prévoir la soumission de son rapport financier annuel à ce même organe : cette disposition figurait en effet à l'article 10 de la loi du 23 décembre 1992 précitée, dont il a proposé l'abrogation.

Le second volet de la réforme des organismes chargés de la promotion du tourisme concerne la clarification des missions assurées par l'office de tourisme. Au-delà de sa mission traditionnelle d'accueil et d'information des touristes ainsi que de promotion touristique, l'office de tourisme continue de jouer un rôle de coordination des partenaires locaux concernés ; de même, la consultation de cet organisme sur les projets d'équipement collectifs d'intérêt touristique reste prévue, si ce n'est qu'elle constitue une obligation dans l'hypothèse où l'office de tourisme est un epic. La principale nouveauté apportée aux missions de cet organisme réside dans la clarification et l'accroissement de son rôle direct dans la politique touristique. La rédaction actuelle laconique l'autorisant à exploiter des installations touristiques et sportives et à organiser des fêtes et manifestations artistiques est remplacée par une disposition plus précise et plus étoffée. Celle-ci précise que, sur autorisation de l'organe délibérant de la commune ou du groupement, il élabore et met en œuvre le plan local ainsi que les programmes locaux de développement touristique, incluant notamment (la liste n'est donc pas exhaustive) l'élaboration des produits touristiques, l'exploitation d'installations touristiques et de loisirs, des études, l'animation des loisirs, et l'organisation de fêtes et de manifestations artistiques. La délégation de ses missions par l'office reste possible lorsqu'il est érigé en epic.

Par cohérence avec son vote précédent, la Commission a tout d'abord rejeté l'amendement n° 123 de M. François Goulard avant d'adopter trois amendements du rapporteur : le premier déterminant les règles de composition du comité de direction de l'office de tourisme, les deux suivants de coordination (amendements nos 302, 303 et 304).

La Commission a ensuite adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 4 bis (nouveau)

Disposition spécifique au tourisme en Guyane

Introduit par le Sénat lors du débat en séance publique, le présent article vise à étendre aux villes ou stations de tourisme du département de la Guyane les dispositions applicables aux communes classées stations balnéaires, thermales ou climatiques.

Le régime des stations classées

Reconnaissance officielle de la vocation touristique particulière de certaines communes, le classement vise à établir une hiérarchie entre les communes recevant des touristes afin de faciliter la fréquentation et de permettre l'amélioration et l'entretien de celles qui possèdent des ressources touristiques exceptionnelles et des équipements d'accueil suffisantes. Il est régi par les articles L. 2231-1 à L. 2231-18 du code général des collectivités territoriales.

L'exigence d'une ressource touristique a conduit le législateur à distinguer six catégories de stations : stations hydrominérales (présence de sources minérales), stations climatiques (avantages climatiques pour les malades), stations uvales (culture de raisins de table aptes à une cure thérapeutique), stations de tourisme (curiosités naturelles ou artistiques), stations balnéaires et stations de sports d'hiver ou d'alpinisme.

Prononcé par décret en Conseil d'État, le classement impose aux communes concernées des obligations en matière d'hygiène et d'urbanisme, la jurisprudence étant également de plus en plus exigeante en matière de police administrative, notamment de sécurité publique. Il entraîne cependant de nombreux avantages : autorisation de pratiquer des jeux de hasard, ressources spécifiques (taxe de séjour, taxe additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière exigible sur les mutations à titre onéreux, prélèvement progressif sur le produit des jeux dans les casinos), possibilité pour les conseils municipaux de voter des majorations d'indemnités de fonction des magistrats municipaux, possibilité de majoration des rémunérations des cadres municipaux des petites communes ou surclassement démographique.

Sur les 504 stations classées, on distingue cinq catégories de stations. Trois relèvent de la responsabilité du ministère du tourisme : les stations balnéaires, les stations de tourisme, les stations de sports d'hiver et d'alpinisme. Deux relèvent de la responsabilité du ministère de la santé : les stations hydrominérales (thermales), les stations climatiques. La Guyane ne dispose pas de stations classées de tourisme.

Précisons qu'outre ce régime défini par la loi, existent également des classements non officiels instaurés par des associations de communes pour favoriser leur promotion, comme, par exemple, l'association des stations vertes de vacances et des villages de neige.

Sources : Pierre Py, Droit du tourisme, Dalloz, mai 2002. Site de l'association nationale des maires de stations classées et de communes de tourisme.

Selon les auteurs de cet amendement présenté par M. Serge Vinçon, il s'agit de permettre aux stations de tourisme de Guyane d'implanter un casino sur leur territoire. Aux termes de l'exposé des motifs de l'amendement, le tourisme « qui est déjà l'une des premières activités économiques de l'outre-mer », étant « appelé à y prendre une place encore plus importante au cours des prochaines années (...), les moyens importants prévus dans le cadre de la présente loi en matière notamment d'allègement de charges sociales et fiscales doivent, dans cette perspective, être complétés par des mesures de caractère juridique permettant une adaptation du droit national à la réalité de l'outre-mer. »

En effet, en vertu de la loi du 15 juin 1907 modifiée réglementant le jeu dans les cercles et casinos, les stations balnéaires, thermales ou climatiques bénéficient d'une dérogation à la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard et peuvent disposer de casinos pratiquant des jeux de hasard, sous réserve d'une autorisation préalable délivrée par le ministère de l'intérieur. Cette disposition dérogatoire a été étendue par l'article 57 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation aux villes ou stations classées touristiques constituant la ville principale d'une agglomération de plus de 500 000 habitants et participant pour plus de 40 %, le cas échéant avec d'autres collectivités territoriales, au fonctionnement d'un centre dramatique national, d'un orchestre national et d'un théâtre d'opéra présentant en saison une activité régulière d'au moins vingt représentations lyriques.

L'auteur de l'amendement au Sénat a fait valoir que cette disposition s'avérait « inopérante pour l'ensemble de l'outre-mer, et par exemple pour la Guyane, dont la population totale est de 160 000 habitants, ces territoires ne pouvant (...) prétendre à la mise en oeuvre de cette procédure, alors même que leur situation géographique rend le plus souvent bien aléatoire, voire impossible, le classement en station thermale, climatique ou balnéaire. »

S'il est vrai que, comme le souligne d'ailleurs l'exposé des motifs de l'amendement, la possibilité ouverte aux communes concernées restera soumise à l'autorisation préalable du ministère de l'intérieur prévue par la loi du 15 juin 1907, faut-il pour autant ouvrir à toutes les communes de Guyane la faculté de demander l'ouverture de salles de jeux de hasard ? L'intention de l'amendement est, en réalité, d'adapter le seuil prévu à la réalité urbaine de l'outre-mer, qui ne compte pas de communes ou d'agglomération de cette importance. Dans cette logique, votre rapporteur vous propose de limiter aux villes et stations classées de tourisme de plus de 15 000 habitants la possibilité de se doter de casinos pratiquant les jeux de hasard. La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur en ce sens (amendement n° 305).

Elle a ensuite adopté l'article 4 bis ainsi modifié.

Chapitre II

La formation professionnelle

Article 5

Extension des compétences des régions
en matière de formation professionnelle

Depuis la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, la région dispose d'une compétence de principe en matière de formation professionnelle en vertu de laquelle elle met en œuvre des actions d'apprentissage et de formation professionnelle financées par le fonds régional de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

Le cadre législatif a évolué dans le sens d'une extension des compétences régionales :

La loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle a transféré aux régions l'ensemble de la formation continue en faveur des jeunes et créé un plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes.

La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a confié aux conseils régionaux la responsabilité d'arrêter le schéma régional des formations de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (afpa) et leur a transféré la prise en charge de l'indemnité compensatrice forfaitaire versée aux employeurs d'apprentis.

En dépit de ces avancées, l'État conserve une place prépondérante en matière de formation professionnelle. Si la répartition paraît claire en matière de formation des jeunes, la délimitation des compétences de l'État et de la région pour la formation des adultes mérite une clarification. Dans son rapport au ministre des affaires sociales (19), M. Périssol constate que « Les régions n'ont actuellement pas les moyens d'assurer une cohérence entre les multiples dispositifs et l'efficacité globale du système de formation est loin d'être optimale ».

C'est l'objectif de la réforme que propose le gouvernement en attribuant à la région une compétence pleine et entière en matière de formation professionnelle.

L'article 5 renforce la compétence des régions en matière de formation professionnelle et d'apprentissage en leur confiant l'entière responsabilité de cette matière, à l'exception de ce qui relève de l'entreprise ou de l'assurance chômage.

Il modifie à cet effet l'article L. 214-12 du code de l'éducation afin de préciser les contours de la compétence régionale et l'article L. 118-7 du code du travail afin de réformer l'indemnité compensatrice forfaitaire.

1. La compétence régionale

La région n'est désormais plus seulement responsable de la mise en œuvre des actions d'apprentissage et de formation professionnelle, elle définit la politique d'apprentissage et de formation, qui incombait précédemment à l'État. En outre, cette politique doit viser non seulement les jeunes mais aussi les adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle. Toute référence à l'État est supprimée afin de souligner la plénitude de la compétence régionale.

Cette absence de référence à l'État a suscité un débat lors de l'examen du texte au Sénat. La rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales (20) s'inquiétait notamment de la délimitation de la frontière entre la politique de l'emploi et la politique de formation professionnelle en faveur des demandeurs d'emploi : « si les régions seront pleinement compétentes pour la formation des demandeurs d'emploi, l'État a vocation à garder une compétence résiduelle, à laquelle il conviendrait de donner une base légale dans un souci de sécurité juridique. Votre commission propose de maintenir à sa charge les « actions de portée nationale, destinées à certains publics spécifiques au titre de la solidarité nationale ».

L'amendement défendu par la commission des affaires sociales a donné lieu à une discussion sur la compétence résiduelle de l'État, s'appuyant sur la suppression de l'actuel article L. 214-12 du code de l'éducation, définissant le rôle de l'État en matière de formation. Le ministre délégué aux libertés locales a émis un avis défavorable sur cet amendement, soulevant trois difficultés « la première, c'est que les actions de l'État en matière d'apprentissage et de formation professionnelle ne relèvent pas toutes de la solidarité nationale. Ainsi, l'État peut intervenir sur le fondement des articles L. 931-11, L. 931-25, L. 942-1, L' 951-5, L. 961-2 du code du travail, sous forme d'aides aux actions de formation professionnelle conduites par les entreprises. Cela exclut donc cette possibilité, que l'État conserve malgré tout. La deuxième difficulté porte sur la notion de « publics spécifiques » qui n'est pas définie, de sorte qu'une ambiguïté demeure quant à la délimitation de son champ juridique. On peut comprendre qu'y soient inclus les détenus, etc., mais d'autres catégories, qui ne sont pas précisées, peuvent être concernées. Enfin, la troisième difficulté, réside dans le fait que la compétence d'attribution réservée à l'État par cet amendement exclut la possibilité d'une intervention des régions dans ce domaine. Il est tout à fait possible d'admettre qu'ils interviennent tous les deux. »

A l'issue du débat, le Sénat a rejeté cet amendement. L'objectif du projet de loi est de responsabiliser les collectivités territoriales et de leur donner les moyens d'une action de proximité, répondant aux besoins des citoyens. Il ne s'agit en aucun cas de priver l'État de ses attributions, encore moins en matière d'emploi que le Premier ministre, dans ses vœux, a placé en tête des priorités pour l'année qui commence. Le projet de loi affine la définition des compétences régionales mais n'empêche en rien l'intervention de l'État au titre de la solidarité nationale pour laquelle il conserve en effet les moyens juridiques et financiers nécessaires.

Le projet de loi prévoit également de confier aux régions une fonction d'assistance aux candidats à la validation des acquis de l'expérience qui s'intègre logiquement dans le bloc de compétences reconnu à la région pour la formation professionnelle. Ce rôle attribué aux régions n'est pas exclusif de la participation des autres acteurs alors même que le droit à la validation des acquis, reconnu par la loi de modernisation sociale, est appelé à se développer.

Un amendement adopté par le Sénat précise que la région organise sur son territoire le réseau des centres et points d'information, offrant ainsi une base législative au dispositif existant.

Complétant la définition de la compétence régionale, le projet de loi précise que la région organise des actions destinées à répondre aux besoins d'apprentissage et de formation. Ces actions doivent permettre :

-  d'acquérir une des qualifications mentionnées à l'article L. 900-3 du code du travail. Il s'agit des formations soit entrant dans le champ d'application de l'article 8 de la loi n° 71-577 du 16 juillet 1971 d'orientation sur l'enseignement technologique, soit reconnues dans les classifications d'une convention nationale de branche, soit figurant sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi d'une branche. Actuellement ces formations ne relèvent de la compétence de la région que pour les jeunes de moins de 26 ans.

-  d'accueillir les candidats de son ressort et ceux ne résidant pas sur son territoire afin de ne pas priver un candidat d'une formation. Les conditions de prise en charge sont réglées dans une convention entre les régions concernées.

Sur ce dernier point, le Sénat a adopté un amendement améliorant la rédaction et permettant de ne pas restreindre à la seule population active le bénéfice des formations.

2. L'indemnité compensatrice forfaitaire

Cet article modifie l'article L. 118-7 du code du travail qui définit l'indemnité compensatrice forfaitaire. Cette indemnité, versée à l'employeur pour l'embauche d'un apprenti, constitue l'un des volets de l'aide à l'apprentissage, destiné à compenser le temps consacré à l'apprenti par l'entreprise.

Pour les contrats conclus après le 1er janvier 2003, l'indemnité compensatrice forfaitaire est acquittée par les régions, en vertu du transfert opéré par l'article 107 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Selon les termes de l'article L. 214-12 du code de l'éducation, « Le montant et les éléments de cette indemnité peuvent varier dans chaque région dans les conditions et limites fixées par le décret pris après avis du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue. ».

Pour les contrats conclus avant le 1er janvier 2003, selon les termes de l'article L. 118-7 du code du travail, l'indemnité compensatrice forfaitaire, versée par l'État, se compose :

-  d'une aide à l'embauche, octroyée aux seules entreprises de moins de vingt salariés accueillant des jeunes titulaires d'une formation inférieure au niveau IV (bac).

-  d'une indemnité de soutien à l'effort de formation qui varie en fonction de l'âge de l'apprenti et de la durée de la formation selon un barème fixé par décret, pris après avis du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue.

Ce même décret fixe les modalités d'attribution de l'indemnité compensatrice forfaitaire et les conditions du reversement par l'employeur des sommes indûment perçues.

Reprenant les dispositions de l'article L. 214-12 du code de l'éducation, le présent article inscrit dans l'article L. 118-7 du code du travail le principe du versement par la région de l'indemnité à laquelle ouvrent droit les contrats d'apprentissage conclus après l'entrée en vigueur de la présente loi.

Il supprime la décomposition de cette indemnité en deux parties.

Le décret détermine, outre les éléments déjà prévus par l'article L. 118-7, les conditions et limites dans lesquelles le montant et les éléments de cette indemnité peuvent varier dans chaque région. L'avis du comité de coordination des programmes régionaux est supprimé.

Dans un souci de cohérence avec la régionalisation, le Sénat a profondément modifié cet article :

-  le conseil régional détermine lui-même la nature, le niveau et les conditions d'attribution de l'indemnité ;

-  le décret simple est transformé en décret en Conseil d'État, sur lequel l'avis du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue est requis ;

-  outre les conditions de reversement de l'indemnité, ce décret fixe le montant minimal de l'indemnité afin de garantir un plancher national.

Conséquence des nouvelles prérogatives régionales, le projet de loi :

-  substitue à l'intitulé actuel du titre IV du livre IX du code du travail « De l'aide de l'État » l'intitulé suivant « De la contribution de l'État et des régions » ;

-  insère dans ce même code, après correction par le Sénat d'une erreur de numérotation, un chapitre III « De la contribution des régions » et un article L. 943-1, reprenant les dispositions de l'article L. 214-12 modifié du code de l'éducation ;

-  abroge l'article L. 4332-2 du code général des collectivités territoriales relatif à la contribution de l'État au financement des actions de formation professionnelle continue des jeunes de moins de 26 ans ;

-  supprime, par coordination avec la disposition précédente, la mention de la contribution de l'État dans l'article L. 214-15 du code de l'éducation ;

-  supprime les deux derniers alinéas de l'article L. 214-16 du code de l'éducation qui imposent aux régions d'établir des statistiques en matière de formation des jeunes de moins de 26 ans. Le principe, posé par l'article L. 1614-7 du code général des collectivités territoriales, selon lequel tout transfert de compétences donne lieu à l'établissement de statistiques liées à l'exercice de ces compétences, est maintenu.

La Commission a rejeté trois amendements de M. André Chassaigne, le premier supprimant cet article, le second garantissant l'accessibilité des stagiaires aux formations choisies nonobstant leur origine géographique, le troisième de coordination, puis a adopté l'article 5 sans modification.

Article 5 bis (nouveau)

Formation des Français de l'étranger

Cet article, inséré par le Sénat à l'initiative de M. Christian Cointat, malgré l'avis défavorable du gouvernement et du rapporteur, crée un article L. 214-12-2 dans le code de l'éducation prévoyant de confier à l'État la compétence d'organisation et de financement des actions de formation en direction des français de l'étranger.

Pour le rapporteur de la commission des lois, « L'État conservera, en effet, des compétences résiduelles en matière de formation professionnelle, notamment à l'égard des Français de l'étranger, sans qu'il soit forcément besoin de prévoir une telle disposition dans le code de l'éducation. »

Selon le ministre délégué aux libertés locales, « cette compétence ne ressortit pas aux collectivités locales, et n'entre pas dans le champ de la loi. ».

En effet, le projet de loi porte sur la décentralisation et n'a pas vocation à traiter toutes les questions relatives à la formation professionnelle. L'article 5 affirme avec force la compétence de principe de la région dans cette matière, l'article suivant ne pouvant venir immédiatement tempérer cette affirmation.

Se pose également la question de la mention d'un seul des publics spécifiques qui continueront à bénéficier de l'intervention de l'État alors que leur liste est longue et ne saurait être exhaustive ou définitive.

En outre, le réseau des comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle et l'association pour la formation professionnelle des français de l'étranger, bénéficiant du soutien du ministère des affaires sociales et du ministère des affaires étrangères, ne sont pas remis en cause. Ils poursuivront leur action en faveur de la formation professionnelle des français de l'étranger, sans qu'il soit nécessaire de l'inscrire dans la loi.

Enfin, cet article propose une extension des compétences du Conseil supérieur des Français de l'étranger qui ne paraît pas justifiée.

Pour ces raisons, la Commission a adopté un amendement de suppression (amendement n° 306) de cet article présenté par le rapporteur, son auteur estimant que les dispositions relatives à la compétence de l'État en matière de formation professionnelle et à l'apprentissage des Français de l'étranger n'avaient pas de place dans un projet de loi portant sur les responsabilités locales, l'amendement présenté par M. André Chassaigne, ayant le même objet, étant donc considéré comme satisfait.

Article 5 ter (nouveau)

Enregistrement des contrats d'apprentissage

Cet article, issu d'un amendement déposé par M. Gérard Longuet, fait de la région le destinataire des formalités administratives en matière de contrats d'apprentissage.

A cet effet, il modifie les articles L. 117-5 et L. 117-14 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 117-5, l'entreprise embauchant un apprenti doit déclarer auprès de l'administration compétente « prendre les mesures nécessaires à l'apprentissage » et garantir « que l'équipement de l'entreprise, les techniques utilisées, les conditions de travail, d'hygiène et de sécurité, les compétences professionnelles et pédagogiques ainsi que la moralité des personnes qui sont responsables de la formation sont de nature à permettre une formation satisfaisante ».

L'article L. 117-14 prévoit que tout contrat d'apprentissage doit faire l'objet d'un enregistrement auprès de l'administration susvisée.

Dans la logique d'une compétence pleine et entière des régions en matière de formation et d'apprentissage, cet article prévoit que les régions seront désormais responsables de l'enregistrement des contrats d'apprentissage. Cette centralisation permettra notamment de faciliter et d'accélérer le versement des indemnités.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. André Chassaigne, la Commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 quater (nouveau)

Transfert aux régions des stages d'insertion et de formation à l'emploi (sife)
et des stages d'accès à l'entreprise (sae)

Cet article, ajouté par le Sénat à l'initiative de la commission des lois, propose de confier aux régions, par délégation de l'État, la gestion des stages d'insertion et de formation à l'emploi (sife) et des stages d'accès à l'entreprise (sae).

Ces stages sont destinés aux demandeurs d'emploi ou aux personnes rencontrant des difficultés d'accès au marché du travail. A ce titre, ils relevaient jusqu'alors de la politique de l'emploi de l'État.

Le sae s'adresse à tout demandeur d'emploi afin de favoriser leur adaptation aux emplois proposés. Pendant le stage, le demandeur d'emploi bénéficie du statut de stagiaire de la formation professionnelle et perçoit une rémunération soit au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, soit au titre de la rémunération versée par l'État ou la région.

Le sife, qui peut être individuel ou collectif, s'adresse aux demandeurs d'emploi de longue durée, aux travailleurs handicapés, aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation spécifique de solidarité, aux parents isolés et aux personnes faisant ou ayant fait l'objet d'une peine privative de liberté. A l'instar du sae, il procure le statut de stagiaire de la formation professionnelle et une rémunération.

En séance, le rapporteur de la commission des lois du Sénat a posé le débat en ces termes : « Il n'est peut-être pas inutile que l'État conserve des instruments lui permettant de proposer des formations aux demandeurs d'emploi et, ainsi, de lutter contre le chômage. A l'inverse, les régions proposent déjà des formations de même nature au titre de leur compétence de droit commun en matière de formation professionnelle. Dans une logique de clarification, il peut sembler judicieux d'unifier cette compétence. »

Le Gouvernement s'est prononcé en faveur de cet amendement après l'avoir sous-amendé pour préciser que cette dévolution prendra la forme d'une délégation de compétences. Cette précision permet d'atteindre un équilibre entre les missions de l'État en matière d'emploi et la compétence des régions en matière de formation professionnelle. En effet, la procédure de la délégation impose la signature d'une convention entre les deux parties, définissant le champ d'application, la durée et les modalités d'exécution de la délégation. L'État conserve ainsi la maîtrise des moyens d'intervention sur le marché de l'emploi mais permet à la région, dans un cadre contractuel, de contribuer à la politique de l'emploi. Le ministre délégué aux libertés locales a reconnu lors du débat au Sénat que « ce dispositif permettra d'assurer, dans une logique de proximité et de rationalisation de l'action publique, une meilleure complémentarité entre les actions que mène l'État au titre de la politique de l'emploi et celles que mènent les régions en faveur des jeunes qui sont demandeurs d'emploi. ».

Le principe de la délégation ayant été retenu par le Sénat, il revient à votre rapporteur d'en préciser les modalités, notamment son élaboration et son financement. En vertu de l'amendement proposé par votre rapporteur, cette délégation fera l'objet d'une convention, annuelle ou pluriannuelle, entre l'État et la région, à la demande de celle-ci, qui précisera le montant des crédits alloués par l'Etat dans le cadre de la dotation régionale. Cette convention devra également prévoir l'établissement de statistiques et une évaluation à son terme.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. André Chassaigne, la Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 307) précisant les conditions de la délégation aux régions de l'organisation et du financement des stages d'insertion et de formation à l'emploi et des stages d'accès à l'entreprise, cette délégation devant faire l'objet d'une convention entre l'État et la région. Puis, la Commission a adopté l'article 5 quater ainsi modifié.

Article 6

(art. L. 214-13 du code de l'éducation)


Plan régional de développement des formations professionnelles

Cet article modifie l'article L. 214-13 du code de l'éducation, qui fixe les modalités d'élaboration ainsi que le contenu du plan régional de développement des formations professionnelles (prdfp).

Cet instrument de programmation a été institué par la loi quinquennale du 20 décembre 1993 afin de favoriser la cohérence de l'offre de formation en faveur des jeunes. Il a été étendu aux adultes par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

Le présent article renforce la responsabilité du conseil régional.

Le premier alinéa de l'article L. 214-13 est ainsi modifié pour préciser que le conseil régional adopte le plan et assure sa mise en œuvre. Jusqu'à présent, l'auteur du plan n'était pas identifié.

De même, ce plan définit une programmation des actions de formation professionnelle en direction des jeunes et des adultes et non plus des orientations. Cette disposition renforce la nature programmative du plan et lui confère un caractère prescriptif : la région mettant en œuvre le plan, elle pourra l'opposer aux services de l'État.

La rédaction initiale prévoyait que ce plan devait répondre à deux objectifs : augmenter les chances d'accéder ou de retourner à l'emploi et bénéficier d'une progression professionnelle. Ces objectifs correspondent à la définition même de la formation professionnelle. C'est la raison pour laquelle le Sénat a supprimé cette redondance inutile.

Il devait également prendre en compte les réalités sociales, économiques et éducatives, nationales et régionales. Le Sénat a supprimé ces précisions superflues tant il paraît évident que l'élaboration d'un tel plan tient compte de ces différents éléments dont la liste n'est pas exhaustive.

Enfin, il est précisé que le plan doit favoriser un développement cohérent de l'ensemble des filières de formation.

Les modalités d'élaboration du plan demeurent majoritairement inchangées. L'élaboration du plan donne lieu à une concertation entre l'État, les organisations syndicales d'employeurs et de salariés. Le projet de loi prévoit d'associer également les organismes gestionnaires de l'assurance chômage. Le Sénat a, pour sa part, souhaité que les collectivités territoriales concernées participent à ce processus de concertation.

Avant son approbation par le conseil régional, le projet de plan est soumis pour avis aux conseils généraux, au conseil économique et social régional, aux chambres de commerce et d'industrie, aux chambres de métiers et chambres d'agriculture, au conseil académique de l'éducation nationale, au comité régional de l'enseignement agricole et au comité régional de coordination de l'emploi et de la formation professionnelle.

Le plan doit prendre en compte les orientations et priorités définies dans les contrats d'objectifs, étudiés plus loin, ainsi que le schéma prévisionnel des formations des collèges, lycées, établissements d'éducation spéciale, lycées professionnels maritimes et établissements d'enseignement agricole et le schéma prévisionnel national des formations de l'enseignement agricole.

Le schéma prévisionnel des formations, en application de l'article L. 214-1 du code de l'éducation, est établi par le conseil régional et transmis au représentant de l'État dans la région, après accord des départements. Il permet aux départements et à la région de programmer leurs investissements et à l'État d'arrêter la liste des postes à pourvoir.

L'article 62 du projet de loi proposait d'inscrire dans le schéma prévisionnel des formations les établissements dispensant des formations sanitaires et des formations sociales. Cette disposition a été supprimée par le Sénat au motif que ces formations, en raison de leurs spécificités, justifient des schémas propres. Par coordination, l'amendement de la commission des affaires sociales sur le présent article, adopté par le Sénat, tend donc à retirer ces formations du schéma prévisionnel des formations mais à les inclure dans le plan de développement des formations professionnelles, comme nous le verrons plus loin, afin de ne pas déposséder la région d'un outil global de planification.

En cohérence avec la pleine compétence reconnue aux régions en matière de formation professionnelle, le plan couvre pour les jeunes « l'ensemble des filières de formation préparant l'accès à l'emploi » et pour les adultes « l'ensemble des actions de formation professionnelle visant à favoriser l'accès, le maintien et le retour à l'emploi ». Sont ainsi supprimées les énumérations des filières pour les jeunes et des types d'actions pour les adultes qui figuraient jusqu'alors dans l'article.

Pour les jeunes, le Sénat a adopté un amendement de la commission des affaires sociales précisant que le prdfp vaut schéma prévisionnel d'apprentissage, schéma des formations sociales, schéma des formations sanitaires et schéma régional de développement des enseignements artistiques préparant à une formation professionnelle.

Cette modification est justifiée par la nécessité de ne pas multiplier les documents de programmation et de privilégier le document pivot que constitue le prdfp. Actuellement, le prdfp comprend déjà le schéma prévisionnel d'apprentissage. Le rattachement des formations sanitaires et sociales au prfdp répond à l'objectif de simplification, tout en leur assurant une existence propre. En revanche, l'intégration du schéma régional de développement des formations artistiques n'a plus de raison d'être dès lors que ce schéma a été supprimé par le Sénat à l'article 75 du projet de loi. Votre rapporteur vous proposera cependant de prévoir que le prdfp inclut le cycle d'enseignement artistique professionnel initial qu'elle organise et finance en vertu de l'article L. 216-2 du code de l'éducation.

La programmation et le financement des actions définies par le plan font l'objet de conventions annuelles d'application, signées par le conseil régional, le représentant de l'État dans la région ainsi que les divers acteurs concernés. Le projet de loi ajoute de nouvelles catégories de signataires : les académies ayant autorité sur les établissements d'enseignement et de formation professionnelle agricoles publics (article L. 811-1 du code rural) et privés (article L. 813-1) ainsi que les établissements relevant du ministère chargé des sports du second degré.

Les conventions doivent désormais prévoir et classer, par ordre prioritaire et en fonction des moyens disponibles, les ouvertures et fermetures de sections de formation professionnelle initiale dans les établissements d'enseignement du second degré et les établissements susmentionnés. Ces conventions, signées également par les autorités académiques, sont mises en oeuvre par l'État et les régions dans le cadre de leurs compétences respectives, définies à l'article L. 211-2 du code de l'éducation et à l'article L. 814-2 du code rural. A défaut d'accord, l'État prend les décisions nécessaires à la continuité du service public de l'éducation.

En cas de construction ou extension d'établissements rendue nécessaire par la création de nouvelles formations, l'accord de la commune d'implantation est requis. Cette disposition a été supprimée par le Sénat en raison du risque de paralysie que pourrait provoquer un refus de la commune alors même que celle-ci se prononce déjà sur le permis de construire.

L'État, la région, les organisations représentatives des milieux socioprofessionnels peuvent conclure des contrats d'objectifs, annuels ou pluriannuels, afin d'assurer un développement coordonné des différentes voies de formation professionnelle. Dans un souci de synergie en matière de formation des demandeurs d'emploi, le projet de loi inclut parmi les signataires les organismes gestionnaires de l'assurance chômage (assedic), en précisant que les contrats d'objectifs doivent notamment concerner la formation professionnelle alternée et le financement des formations des demandeurs d'emploi. Le texte adopté par le Sénat précise que ces contrats peuvent être signés par une ou plusieurs régions.

Le projet de loi établit un lien entre le prdfp et le programme régional d'apprentissage et de formation continue. La cohérence des actions de formation professionnelle impose d'inscrire ce programme, arrêté par le conseil régional, dans le prdfp.

Les communes ou groupements de communes ayant arrêté un programme de formation sont associées à l'élaboration du programme régional précité. Le Sénat a adopté un amendement tendant à associer également les départements à ce processus.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. André Chassaigne, la Commission a également rejeté les amendements nos 2 et 42, respectivement présentés par M. François Goulard et M. Michel Bouvard tendant, pour le premier, à prévoir la participation des chambres régionales de l'économie sociale à l'élaboration du schéma régional de développement économique et, pour le second, à soumettre pour avis ce schéma au comité de massif dans les régions comprenant un territoire de montagne.

Après avoir adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 308), la Commission a été saisie d'un amendement de M. Émile Blessig supprimant le paragraphe 6° de cet article qui prévoit un mécanisme de conventionnement entre la région et chaque établissement scolaire du second degré afin de prévoir les ouvertures et fermetures de sections de formation professionnelle initiale par ordre de priorité et en fonction des moyens disponibles, son auteur ayant souligné la complexité et le caractère peu compréhensible par les élus et les administrés du dispositif proposé par le projet de loi. Le président Pascal Clément a fait observer que le dispositif proposé par le projet parvenait à un équilibre juridique satisfaisant et qui avait été fort délicat à élaborer entre les différentes administrations et élus concernés. Tout en approuvant ces propos et après avoir convenu de la complexité du dispositif de conventionnement, le rapporteur a jugé préférable de ne pas rompre les équilibres obtenus. Après que M. Michel Piron se fut déclaré favorable à l'adoption de l'amendement pour que le Gouvernement puisse donner des explications complémentaires en séance publique, la Commission l'a adopté (amendement n° 309), ainsi que l'article 6 ainsi modifié.

Article 7

Inscription dans le code du travail du plan régional de développement
des formations professionnelles

Cet article inscrit dans le code du travail l'article L. 214-13 du code de l'éducation relatif au plan régional de développement des formations professionnelles. Il crée à cet effet un nouvel article L. 943-2 dans le code du travail, le Sénat ayant corrigé une erreur de numérotation de l'article dans le projet de loi.

Ce nouvel article du code du travail prévoit donc que le plan régional de développement des formations professionnelles est élaboré dans les conditions définies à l'article L. 214-13 du code de l'éducation dont le texte est intégralement reproduit, suivant la technique dite « du code pilote et du code suiveur », en tenant compte des modifications apportées à l'article 6 par le Sénat.

La Commission a rejeté trois amendements : le premier, de suppression de l'article, présenté par M. André Chassaigne ; le second, de M. Rudy Salles, et le troisième n° 71, de M. Bruno Bourg-Broc, tendant à associer les chambres régionales de l'économie sociale à l'instauration du schéma régional de développement des formations professionnelles. La Commission a ensuite adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 310), puis cet article ainsi modifié.

Article 7 bis (nouveau)

Composition du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue

Cet article, introduit par le Sénat à la suite d'un amendement de M. Philippe Richert, modifie l'article L. 214-14 du code de l'éducation relatif au comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue.

Ce comité, créé par la loi du 7 janvier 1983 précitée, a pour mission d'évaluer les politiques régionales d'apprentissage et de formation professionnelle. Il peut en outre recommander des mesures afin d'assurer la cohérence et la complémentarité de ces politiques et d'en améliorer les résultats dans un souci d'égalité des chances d'accès à l'apprentissage et la formation professionnelle continue.

Placé auprès du Premier ministre, il est composé de treize représentants de l'État, un représentant élu de chaque conseil régional et treize représentants des organisations syndicales et professionnelles.

Cet article propose de modifier cette composition en restreignant à dix le nombre de représentants des organisations syndicales et professionnelles afin d'ajouter trois représentants des chambres consulaires, sans en modifier l'équilibre. Le rôle des chambres consulaires en matière d'apprentissage justifie leur présence au sein de ce comité.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de l'article de M. André Chassaigne, la Commission a rejeté deux amendements respectivement présentés par M. Rudy Salles et M. Bruno Bourg-Broc (n° 72) ayant pour objet de modifier la composition du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue. Elle a ensuite adopté cet article sans modification.

Article 8

Gestion au niveau régional des formations et crédits de l'association
nationale pour la formation professionnelle des adultes

Cet article organise le transfert aux régions des compétences donnant lieu à l'organisation et au financement par l'État des stages de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (afpa).

L'afpa est une association de la loi de 1901 à gestion paritaire, composante, avec l'anpe et les services déconcentrés de l'État, du service public de l'emploi. Elle joue un rôle prépondérant dans la formation des demandeurs d'emploi. Ses relations avec l'État sont régies depuis 1994 par un « contrat de progrès ».

Ce transfert interviendra au plus tard le 31 décembre 2008. Il peut cependant être réalisé avant cette date à la double condition suivante :

-  la conclusion d'une convention entre le représentant de l'État dans la région, la région et l'afpa définissant le schéma régional des formations et le programme régional d'activité de cette association ;

-  la compensation financière des compétences transférées par l'attribution de ressources équivalentes aux subventions versées par l'État à l'association pour l'exercice de ces compétences. Cette compensation doit obéir aux règles définies à l'article 88 du présent projet de loi et coïncider avec l'entrée en vigueur de la convention.

En l'absence de convention conclue par la région, le préfet de région arrête le schéma régional de l'afpa.

Depuis la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité (article 108), le conseil régional arrête le schéma régional des formations de l'afpa, dans le cadre des conventions tripartites d'adaptation du contrat de progrès conclu entre l'État et l'afpa. L'objectif est de permettre aux régions de déterminer les programmes pour lesquels ils font appel au dispositif national de l'emploi et d'envisager l'évolution de l'appareil de formation régional de l'afpa.

L'État a cependant conservé la maîtrise des stages crées en application de ses orientations prioritaires, par le biais de leur agrément et de la rémunération des stagiaires. Les crédits consacrés par l'État aux stages de l'afpa (formation, rémunération des stagiaires, prestations associées à la formation) représentent, pour 2004, 585 millions d'euros.

En vertu de cet article, les régions deviennent les donneurs d'ordre exclusifs de l'afpa au titre de la commande publique. Elles sont les organisateurs et les financeurs des formations délivrées par l'afpa, conformément à leur compétence à l'égard des adultes à la recherche d'un emploi.

Après le 31 décembre 2008, les régions décideront seules de la formation des demandeurs d'emploi et de la gestion des crédits y afférents. Aucun lien organique ne substituera entre l'afpa et le conseil régional, qui sera un organisme prestataire de services parmi d'autres. Le code des marchés publics aura alors vocation à s'appliquer. Le nouveau code des marchés publics21, dans son article 30, exclut les services de formation professionnelle de la procédure d'appel d'offres. Ces services restent cependant soumis, en vertu d'une procédure allégée, à certaines règles des marchés publics (définition des prestations, modalités de publicité). En outre, ils peuvent continuer à bénéficier de subventions.

Si cette évolution contraindra l'afpa à poursuivre les efforts d'adaptation et de modernisation déjà entrepris, elle ne remettra pas en cause son caractère national tripartite, ni la convention collective applicable à son personnel.

La Commission a été saisie d'un amendement de suppression de cet article présenté par M. André Chassaigne, son auteur indiquant que les modalités du transfert aux conseils régionaux des crédits de l'État finançant les actions de formation des centres relevant de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (afpa) étaient imprécises. M. René Dosière a demandé au rapporteur quels étaient les critères déterminant la répartition aux régions des crédits que l'État accorde aujourd'hui à l'afpa. Le rapporteur a indiqué que la lettre de cadrage envoyée par l'État à l'afpa, pour le prochain contrat de progrès, précisait clairement les missions devant relever de l'afpa au niveau national, à l'instar de celles tendant à la certification des organismes en charge de la formation professionnelle ou de celles tendant à l'accompagnement des mutations économiques, et les missions relevant désormais des régions. M. Xavier de Roux ayant observé que la disposition dont la suppression était proposée relevait du domaine réglementaire et non de la loi, il a proposé à la Commission un amendement oral tendant à conserver uniquement le premier alinéa de cet article, qui pose le principe général du transfert aux régions de la formation professionnelle relevant de l'afpa. Après que le rapporteur se fut rallié à cette proposition, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 311) avant de rejeter, en conséquence, l'amendement de M. André Chassaigne. Puis, par cohérence avec son précédent vote, la Commission a également rejeté trois amendements présentés par M. André Chassaigne. Elle a ensuite adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9

Abrogations

Cet article abroge plusieurs dispositions du code du travail relatives aux interventions de l'État en matière de formation professionnelle, tirant ainsi les conséquences de l'achèvement du transfert de compétences à la région en cette matière.

A l'initiative du Sénat, les alinéas de l'article L. 910-1 du code du travail portant sur le comité interministériel de la formation professionnelle et de l'emploi sont abrogés. Cet organisme, crée par la loi du 3 décembre 1966, détermine les orientations prioritaires de la politique de l'État en matière de formation professionnelle. Réuni pour la dernière fois le 10 janvier 1983 dans le cadre de la préparation du neuvième plan, il a vocation à disparaître, privé de ses missions qui relèvent désormais de chaque région.

Le projet de loi abroge l'article L. 910-2 du code du travail qui traite des compétences du comité interministériel supprimé par la disposition précédente.

Il abroge, en outre, plusieurs articles du chapitre premier « De l'aide de l'État aux actions de formation professionnelle », du titre quatrième « De l'aide de l'État », du livre neuvième « de la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente » du code du travail :

-  premier alinéa de l'article L. 941-1 relatif au concours au financement d'actions de formation répondant aux orientations prioritaires définies par le comité interministériel de la formation professionnelle ;

-  article L. 941-1-1 relatif à l'habilitation des programmes de formation délivrée par l'État ;

-  article L. 941-1-2 relatif à la programmation annuelle, nationale et régionale, des interventions de l'État ;

-  article L. 941-4 relatif à l'inscription au budget du Premier ministre des crédits correspondant aux charges assumées par l'État ;

-  article L. 941-5 relatif au financement par l'État des actions d'accueil, information et orientation.

Il abroge enfin le chapitre deuxième « stages de formation professionnelle organisés avec le concours de l'État » du titre huitième du même livre du code du travail qui contient les articles L. 982-1 à L. 982-5. Aux termes de l'article L. 214-12 dans sa rédaction issue du projet de loi, les stages de formation professionnelle relèvent en effet clairement de la compétence des régions.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de cet article de M. André Chassaigne, la Commission a adopté cet article sans modification.

Article 10

Rémunération des stagiaires de la formation professionnelle

Cet article modifie le régime de rémunération des stagiaires.

L'article L. 961-1 du code du travail détermine les modalités de financement de cette rémunération : l'État et les régions, les employeurs et les organismes paritaires concourent à ce financement.

La contribution financière de l'État et des régions est subordonnée à l'agrément des stages, délivré, pour l'État, par le préfet et, pour la région, par le conseil régional après avis du comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle (art. L. 961-3).

L'article L. 961-2 précise les catégories de stagiaires pouvant bénéficier du financement de l'État ou des régions.

L'État et la région concourent au financement des stages agréés mentionnés aux articles L. 961-4 et L. 961-6. Il s'agit des stages suivis par les travailleurs à l'initiative de leur employeur et des stages destinés aux travailleurs non salariés à condition d'avoir exercé une activité professionnelle pendant au moins douze mois dont six consécutifs dans les trois années précédant le stage.

L'État et les régions assurent le financement des stages agréés :

-  en direction des demandeurs d'emploi qui ne relèvent plus des conventions de l'assurance-chômage, c'est-à-dire ne bénéficient plus de l'allocation d'aide au retour à l'emploi ;

-  en direction des travailleurs handicapés, des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé et des mères de famille.

Le I de l'article 10 modifie ces catégories en supprimant la possibilité pour les mères de famille et les bénéficiaires de l'allocation parent isolé de suivre des stages financés par l'État ou la région.

Par coordination avec l'extension des compétences de la région en matière de formation professionnelle, le II apporte une modification rédactionnelle à l'article L. 961-3 du code du travail, relatif à l'agrément des stages par l'État ou la région, en supprimant la référence à la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983.

Le III modifie les modalités de rémunération des stagiaires suivant des stages agréés, prévues par l'article L. 961-5 du code du travail. Par parallélisme avec les dispositions du II de l'article 5 relatif à l'indemnité compensatrice forfaitaire versée aux apprentis, il est proposé de fixer par décret le montant minimum de la rémunération allouée aux stagiaires, laissant ainsi aux régions la possibilité de leur accorder une rémunération supérieure aux barèmes nationaux.

L'article L. 962-3 du code du travail prévoit la prise en charge intégrale par l'État des cotisations de sécurité sociale des stagiaires rémunérés par l'État ou ne bénéficiant d'aucune rémunération. Le IV de cet article transpose aux régions ce mécanisme afin d'associer le financement de la protection sociale au financement de l'action de formation.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de cet article de M. André Chassaigne, la Commission a adopté cet article sans modification.

Article 11

Accueil, information et orientation des jeunes
et des adultes en matière de formation professionnelle

Cet article confie aux régions la coordination des actions en matière d'accueil, d'information et d'orientation des jeunes et des adultes, l'État conservant la responsabilité de l'orientation en milieu scolaire.

La fonction d'information et d'orientation souffre de la multiplicité des interlocuteurs, de la complexité des dispositifs et du foisonnement d'informations. Le défaut de coordination et d'animation du réseau ainsi que les lacunes du maillage territorial constituent des obstacles régulièrement soulignés par les différentes sources d'évaluation.

M. Gérard Lindeperg pointait dans son rapport (22) ces dysfonctionnements pour constater que l'enchevêtrement des compétences provoque des dérives concurrentiels et une grande confusion pour les utilisateurs, voire pour les financeurs.

Au travers du maquis que forment les structures d'information et d'orientation, sont recensés des organismes nationaux, régionaux ou locaux qui s'adressent d'une part aux acteurs de la formation professionnelle, d'autre part à ses bénéficiaires, jeunes ou publics spécifiques comme les cadres, les handicapés.

Il apparaît indispensable d'améliorer la lisibilité de la politique d'accueil, d'information et d'orientation afin de garantir aux usagers une égalité d'accès à une information de qualité.

A cet effet, le projet de loi crée dans le code de l'éducation un nouvel article L. 214-12-1 qui reconnaît à la région le rôle de coordonnateur de la politique d'accueil, d'information et d'orientation de tous les publics, sous réserve des missions exercées par l'État, les établissements publics et les établissements d'enseignement. Un amendement de la commission des lois adopté par le Sénat vise à préserver également les compétences des autres collectivités territoriales ou de leurs groupements.

Cette fonction de coordination s'exerce au moyen de conventions que la région passe avec les collectivités territoriales et les organismes chargés de l'accueil, l'information et l'orientation. Ces conventions peuvent également être signés avec l'État dans un souci d'harmonisation des compétences exercées.

Le Sénat a introduit, à l'initiative de la commission des affaires sociales, la possibilité de conventions pluriannuelles afin de garantir la stabilité des relations contractuelles et favoriser la transparence du financement des missions locales et des paio.

Ces conventions portent sur :

-  l'installation et le fonctionnement des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes ;

-  le fonctionnement des permanences d'accueil, d'information et d'orientation (paio) ;

-  l'organisation et l'animation du réseau des missions locales et des paio ;

Les missions locales pour l'insertion des jeunes ont été créées à titre expérimental en 1982, comme les paio. Leurs rôles et attributions ont été définis par la loi n°89-905 du 19 décembre 1989 favorisant le retour à l'emploi et la lutte contre l'exclusion professionnelle, puis par la loi quinquennale de 1993. On dénombre aujourd'hui quatre cents missions locales et cent trente paio.

Les missions locales ont pour objet d'aider les jeunes de seize à vingt-cinq ans à résoudre les problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale.

Les paio s'adressent aux jeunes sans emploi et sans qualification. Elles ont pour mission d'offrir une information sur les formations existantes et d'orienter vers les organismes et programmes de formation adaptés.

Le Sénat a ajouté à cette liste, par un amendement de M. Gérard Longuet rectifié à la demande du Gouvernement, l'installation et le fonctionnement des réseaux régionaux d'information jeunesse, qui dépendent actuellement du ministère de la jeunesse. La liste ainsi complétée rassemble les différents acteurs de l'information et de l'orientation des jeunes.

Par coordination, le paragraphe II abroge les articles 2 et 4 de l'ordonnance n°82-273 du 26 mars 1982 relatifs à l'action de l'État en faveur de la mise en œuvre de l'insertion des jeunes.

Le paragraphe III reproduit dans un nouvel article L. 943-3 du code du travail les dispositions de l'article L. 214-12-1.

La Commission a tout d'abord rejeté deux amendements : le premier de M. André Chassaigne tendant à supprimer cet article, le second, de M. Bernard Derosier, prévoyant qu'en matière d'aide aux jeunes en difficulté, la région doit conclure, au préalable, des conventions annuelles ou pluriannuelles avec les départements. La Commission a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 312) rendant obligatoire des conventions entre l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les organismes chargés de l'accueil, de l'orientation et de l'information des jeunes et des adultes.

Elle a ensuite été saisie d'un amendement de Mme Valérie Pecresse tendant à harmoniser le statut des centres publics d'information et d'orientation (cio) en autorisant leur transfert à la région tout en maintenant à l'État la charge de la rémunération des personnels administratifs et des conseillers d'orientation. Son auteur a expliqué que la situation actuelle était fort peu satisfaisante, puisqu'une moitié des cio est gérée par les départements et l'autre par l'État, ce qui est une source de confusion pour les jeunes concernés. Après avoir approuvé ces propos, M. Guy Geoffroy a indiqué, à son tour, que la complexité excessive actuelle n'était plus acceptable et qu'une clarification s'imposait. Tout en reconnaissant le caractère insatisfaisant résultant de la complexité administrative actuelle, le rapporteur a indiqué que cet amendement procédait à un transfert de charges en direction des régions et était, à ce titre, irrecevable en application des dispositions de l'article 40 de la Constitution. Se ralliant aux arguments du rapporteur, Mme Valérie Pecresse a retiré son amendement. Puis, la Commission a adopté cet article ainsi modifié.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AU DÉVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES,
AUX FONDS STRUCTURELS ET À LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

Le présent titre se compose de cinq chapitres portant respectivement sur :

- la voirie (chapitre Ier) ;

- les grands équipements (chapitre II) ;

- les transports dans la région Île-de-France (chapitre III) ;

- les fonds structurels (chapitre IV) ;

- les plans d'élimination des déchets (chapitre V).

Chapitre Ier

La voirie

Au titre des transferts de compétences prévus par le projet de loi sur les responsabilités locales figure celui d'une partie des routes nationales. La loi du 29 décembre 1971 avait déjà transféré de l'État aux départements 53 000 kilomètres de routes sur les 82 000 kilomètres du réseau national existant à l'époque. Il est aujourd'hui prévu de transférer aux départements 15 000 à 20 000 kilomètres de voiries, sur les 30 500 kilomètres que compte le réseau des autoroutes non concédées et des routes classées nationales (23).

Cette démarche de responsabilisation toujours plus marquée des collectivités territoriales est aussi une démarche visant à préserver la qualité de l'offre d'infrastructures routières. L'État est, en effet, un propriétaire sélectif : selon les estimations de la direction des routes, 39 % des routes nationales ordinaires ne présentent pas un niveau de qualité de service jugé satisfaisant. Les articles qui composent le présent chapitre sont donc porteurs d'améliorations importantes pour la vie quotidienne des conducteurs français.

Article 12 A (nouveau)

(art. 14-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982)


Schéma régional des infrastructures et des transports

Ajouté par le Sénat lors du débat en séance publique, cet article modifie la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (loti) :

-  en substituant, au II de l'article 14-1, un schéma régional des infrastructures et des transports au schéma régional des transports déjà existant ;

-  en précisant l'articulation de ce schéma avec les schémas de services collectifs prévus par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 sur l'aménagement du territoire dite loi Pasqua et le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire mis en place par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État ;

-  en expliquant le rôle de ce schéma.

Il reprend, sur le principe, deux alinéas qui avaient été placés, dans le projet de loi initiale, au I de l'article 12, consacré au rôle de l'État sur l'ensemble de la voirie. La mise en valeur du rôle de la région en matière de transport et d'infrastructures, au sein d'un article spécifique, est pleinement justifiée. Comme le souligne le rapport d'audit établi en février 2003 par l'inspection générale des finances et le conseil général des ponts et chaussées, « les grands projets d'infrastructures ont tous, dans des proportions variables, un intérêt national et un intérêt régional, voire local. Il est donc souhaitable que les collectivités territoriales et notamment les régions continuent d'être étroitement associées aux études et à la mise au point des projets, ainsi qu'à leur financement. » (24)

Tel est le sens de l'intervention de l'auteur de l'amendement insérant ce nouvel article, M. Gérard Longuet, lors du débat en séance publique : il s'agit d'assurer la cohérence entre la loti, les schémas de services conçus par la loi Pasqua du 4 février 1995 et la responsabilité de coordination qui est confiée à la région en matière de transports. Celle-ci s'affirme, en effet, de plus en plus comme un acteur essentiel dans ce domaine : « par le jeu conjugué de la LOTI et du transfert des compétences ferroviaires en matière de transport de voyageurs, elles ont une responsabilité ferroviaire. Le texte que nous examinons va y adjoindre une responsabilité sur les transports fluviaux et sur les bases aéroportuaires. » (25)

Dans ce contexte, le schéma régional des infrastructures et des transports est considéré comme un outil de nature à faciliter le « dialogue entre deux acteurs dont on n'imagine pas qu'ils ne puissent pas se retrouver à un moment ou à un autre : l'État, qui demeure propriétaire et maître d'ouvrage du réseau national, et les départements, qui sont déjà propriétaires de 360 000 kilomètres de routes, auxquels vont s'ajouter 20 000 kilomètres. » (26)

Plus largement, ce schéma devrait fonctionner comme l'outil de la cohérence de la politique des transports : or, celle-ci ne se limite pas à la route mais concerne l'ensemble des modes de transports. Le schéma de structures modal qu'est le schéma régional des infrastructures et des transports représentera donc un point d'appui de cette nécessaire intermodalité. Sur ce point, M. Jacques Oudin a, lors du débat au Sénat, appelé à une rénovation des schémas existants : « on s'aperçoit que - un peu comme pour les plans polmar dans un autre domaine - certains de ces schémas sont plus ou moins obsolètes faute d'avoir été actualisés, qu'ils ne sont pas toujours cohérents et qu'ils sont parfois loin d'être respectés. Cela signifie que nous devons faire un effort pour rénover rapidement ces schémas régionaux, pour les intégrer dans des approches interrégionales. » (27)

Occasion de rencontre et de réflexion en matière de transports, cadre de réflexion pour assurer la cohérence, ce schéma régional n'est donc en rien porteur d'une tutelle de la région sur les départements, pas plus qu'il ne conduit la région à interférer avec les projets de l'État. Ainsi, il ne comprend que les liaisons régionales et n'a certainement pas vocation à intégrer tous les réseaux départementaux, même si certains grands sites, par exemple des sites aéroportuaires, qui peuvent être régionaux ou inclus dans le schéma régional, peuvent y être intégrés. Il n'en reste pas moins que, sur leur domaine, « les propriétaires, que ce soit l'État ou les départements, font exactement ce qu'ils veulent. Mais, s'ils veulent faire quelque chose ensemble, ils le feront dans le cadre d'un schéma ayant le mérite d'associer dans la réflexion le routier et les autres modes de transport, notamment, en ce qui concerne les transports quotidiens de voyageurs, d'associer le routier et le ferroviaire. ».

Qui plus est, ce schéma est en cohérence avec le rôle de partenaire financier que joue quelquefois la région lors des opérations intéressant le réseau départemental et, surtout, le réseau national. De fait, plus de trente ans après le premier transfert de la majeure partie du réseau routier national vers les départements, les régions ne sont pas totalement étrangères au bilan positif de ce transfert : « les départements ont réalisé un travail remarquable. (...) Bien entendu, ce travail, les départements ne l'ont pas accompli seuls, mais en liaison avec les régions qui, souvent, leur ont apporté une aide financière substantielle. »

La Commission a été saisie de deux amendements respectivement présentés par Mme Valérie Pecresse et M. André Chassaigne, tendant à supprimer cet article. Mme Valérie Pecresse a indiqué que le dispositif proposé tendait à introduire une forme de tutelle des régions sur les départements en matière d'infrastructures routières. Après que le rapporteur eut indiqué que cet article concernait l'ensemble des moyens de transports, et pas uniquement les infrastructures routières, il a annoncé un amendement prenant en considération les préoccupations ainsi exprimées et garantissant pleinement le respect des compétences des départements en ce domaine. La Commission a rejeté ces amendements avant d'adopter celui du rapporteur (amendement n° 313). Puis, par cohérence avec ses précédents votes, la Commission a rejeté l'amendement n° 43 de M. Michel Bouvard.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, tendant à ouvrir la possibilité aux régions de se doter d'un fonds d'accompagnement financier des projets d'infrastructure prévues par le schéma régional, l'amendement rédactionnel n°124 de M. François Goulard, ainsi que l'amendement n° 135 de M. Jean-François Mancel, tendant à limiter le rôle dévolu par le projet de loi au schéma régional.

La Commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 314).

Puis la Commission a adopté l'article 12 A ainsi modifié.

Article 12

(art. L. 111-1 et L. 121-1 du code de la voirie routière)


Transfert partiel des routes nationales aux départements

L'article 12, qui prévoit le transfert de 20 000 kilomètres de routes supplémentaires, n'introduit pas un bouleversement mais parachève l'évolution amorcée il y a plus de trois décennies.

Le domaine public routier : un État garant de la cohérence et de l'efficacité du réseau

Ce transfert n'affecte pas le principe selon lequel l'État reste le garant de la cohérence et de l'efficacité du réseau routier, désormais affirmé à l'article L. 111-1 du code de la voirie routière relatif à la définition du domaine public routier (paragraphe I). Ce principe est décliné de manière non exhaustive : l'État a, « en particulier », une mission de sécurité, de cohérence de l'exploitation et de l'information des usagers, de connaissance statistique des réseaux et des trafics ainsi que de maintien, de développement et de diffusion des règles de l'art.

Sur proposition de M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques du Sénat, le Sénat a ajouté un alinéa tendant, d'une part, à permettre aux collectivités territoriales de définir conjointement avec l'État les axes de recherche dans le domaine des « règles de l'art » et, d'autre part, que les collectivités territoriales participent à la définition des normes et dispositions techniques qui découlent des recherches précitées.

Actuellement, cette expertise, qui concerne la recherche et la réalisation d'études techniques destinées à la voirie routière - dimensionnement de la chaussée, hauteur des ponts, caractéristiques des matériaux utilisés, etc. - est assurée par le réseau scientifique et technique rattaché au ministère de l'équipement. Ce réseau regroupe une trentaine d'organismes tels que le service d'études techniques des routes et autoroutes (setra), le centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (cetru), le laboratoire central des Ponts et Chaussées et les centres d'études techniques de l'équipement. Certes, des relations existent entre ces organismes et les collectivités territoriales qui ont elles-mêmes développé une expertise au niveau de leurs services techniques. Le Sénat a toutefois estimé que cela n'était pas suffisant, le transfert aux départements d'une grande partie de la voirie routière nationale laissant craindre un recentrage des études conduites par le réseau sur les besoins correspondant aux routes de grande dimension que conservera l'État, au détriment des routes de moindre importance qui auront été transférées. C'est pourquoi il a été jugé nécessaire que les collectivités territoriales participent à la définition initiale des axes de recherche par un copilotage du réseau scientifique et technique.

Le même problème se pose s'agissant de la définition des normes. En effet, actuellement, les collectivités territoriales ne sont pas présentes dans les organismes chargés d'élaborer les normes applicables à la voirie routière, qu'il s'agisse de l'association française de normalisation (afnor), sur le plan national, ou du Comité européen de normalisation à l'échelon de l'Union européenne. Le Sénat a souhaité, là encore, remédier à cette lacune afin que les collectivités territoriales puissent, par leur présence, éviter un dérapage dans la production des normes techniques applicables au réseau secondaire, d'autant plus que l'État, qui ne sera plus propriétaire de ce type de réseau, n'aura plus intérêt à en freiner l'élaboration. Il s'agit, en bref, de ne pas imposer de charges financières indirectes aux collectivités propriétaires des voies.

Votre rapporteur ne remet nullement en cause la pertinence de l'alinéa ajouté par le Sénat. Toutefois, s'il est normal que les collectivités territoriales soient associées à la définition des programmes de recherche et de développement des savoir-faire techniques dans le domaine routier, est-il justifié qu'elles interviennent dans ceux qui ne concernent que le domaine routier de l'État, notamment les autoroutes ? Initialement d'ailleurs, l'amendement de la commission des affaires économiques du Sénat mentionnait « des » et non « les » programmes de recherche, ce qui renvoyait implicitement à un partage des rôles. C'est en cours de discussion que la distinction a été supprimée, la commission des lois du Sénat s'étant prononcée en faveur d'un sous-amendement de M. Maurice Leroy. Votre rapporteur propose de la rétablir, en précisant que le travail conjoint de définition de ces programmes n'intervient que sur les réseaux relevant de la compétence des collectivités territoriales.

Le domaine public routier national : définition

Au 1er janvier 2002, le réseau routier national représentait environ 36 000 kilomètres, dont 9 300 kilomètres d'autoroutes (y compris autoroutes urbaines), pour une longueur de linéaire routier total de 970 000 kilomètres (28).

Au terme du nouveau transfert d'une partie du domaine routier national vers les départements, le réseau structurant, soit environ 10 000 kilomètres qui supportent en moyenne 15 000 véhicules/jour - fréquence qui devrait augmenter de 50 à 100 % dans les vingt ans à venir -, resterait dans le giron de l'État, régi par des normes spécifiques. Cela correspond à des segments routiers supportant de 10 000  véhicules/jour (routes nationales) à 25 000 véhicules/jour (autoroutes), là où le réseau départemental représente 1 000 véhicules/jour, ne nécessitant pas d'exploitation en temps réel. Ainsi, alors qu'il ne comporte que 4 % des linéaires, le réseau structurant supporte plus de 40 % du trafic, dont près des trois quarts de la circulation des poids lourds. Quant au réseau autoroutier, il concentre à lui seul 50 % de la circulation des poids lourds exprimée en tonnes-kilomètres. Entre 1990 et 1998, il a absorbé les trois quarts de la croissance du trafic poids lourds (29).

Le paragraphe II de l'article 12 définit ce réseau structurant selon quatre critères :

- axes de grand transit, ce qui recouvre les voies sur lesquelles s'effectue un trafic de marchandises important ou des liaisons à grandes distances ;

- liaisons interrégionales, qui désignant les itinéraires entre métropoles régionales et les voies accueillant un trafic moins dense, essentiellement de déplacements professionnels ;

- desserte des équipements d'intérêt économique national ou européen (ports, aéroports...) ;

- desserte équilibrée du territoire, ce qui désigne toutes les voies qui, sans entrer dans les critères ci-dessus, sont essentielles à la politique d'aménagement du territoire.

Il appartiendra à des décrets en conseil d'État fixent la liste des itinéraires entrant dans la définition du domaine public routier national telle qu'elle est proposée par le projet de loi.

Le domaine public routier départemental : une définition en creux

Toutes les routes n'entrant pas dans le champ de cette définition et absentes des décrets seront considérées comme relevant du domaine départemental : tel est ce qui ressort du paragraphe III qui dessine les contours du domaine public routier départemental. Le Sénat a introduit une étape supplémentaire dans cette procédure automatique, en prévoyant que le transfert n'intervenait qu'après avis des conseils généraux.

La méthode de définition, au sens de délimitation, du domaine public départemental est différente de celle adoptée pour le domaine national : est considérée comme départementale toute route qui n'est pas retenue dans les décrets mentionnés ci-dessus. Cela signifie que la voirie transférée relève du domaine public départemental, non parce qu'elle répond à des caractéristiques et critères qui lui donnent objectivement le statut départemental mais en vertu d'un processus par défaut : ce qui n'est pas national est, par défaut, départemental. C'est donc une définition en creux qui est proposée de la voirie départementale.

Un acte juridique « positif » donne cependant corps à ce transfert : il est, en effet, prévu que le transfert des routes - qui entraîne celui de leurs accessoires et dépendances - soit constaté par le représentant de l'État dans le département dans un délai de 18 mois après la publication du décret définissant, dans ledit département, le domaine public routier national. C'est cette décision qui fonde l'effectivité du transfert, c'est-à-dire le classement dans la voirie départementale et les droits et obligations correspondants, même si elle n'intervient qu'au 1er janvier de l'année qui suit. Afin de pallier la carence éventuelle de l'autorité préfectorale, le Sénat a introduit une disposition précisant que, en l'absence d'acte, le transfert interviendrait de plein droit le 1er janvier 2008.

Le projet de loi précise par ailleurs les effets juridiques du transfert : d'une part, il emporte cession aux départements des terrains acquis par l'État en vue de l'aménagement des routes transférées ; d'autre part, il emporte de plein droit mise à jour des documents d'urbanisme affectés par le transfert. Plus précisément, ce dernier effet est lié à la notification de la décision du préfet constatant le transfert. Qui plus est, si, comme le rappelle le présent article, les transferts sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire, leurs effets financiers ne sont pas nuls pour autant. Financièrement, le transfert des infrastructures s'accompagne en effet de celui du transfert des ressources que l'État y consacrait en entretien, réhabilitation et aménagements de sécurité et d'exploitation. (30)

Le Sénat a ajouté une disposition selon laquelle le représentant de l'État dans le département communiquait au conseil général toutes les informations dont il disposait sur le domaine public routier transféré. Cette disposition ne doit pas être interprétée comme une formalité conditionnant le transfert. En effet, le Gouvernement ayant systématiquement refusé de faire droit aux demandes d'audit préalable des biens et infrastructures à transférer, l'obligation faite au préfet de donner au futur propriétaire de ces biens toute information de nature à l'éclairer sur l'état réel de ce qu'il recevait est apparue comme une position de compromis, au contenu juridique certes flou - « toutes les informations dont il dispose » - mais au contenu politique sans ambiguïté. Cette disposition témoigne de l'esprit dans lequel le transfert intervient. Notamment, comme l'a expliqué le ministre délégué aux libertés locales lors de l'examen en séance publique, le 4 novembre dernier, « D'ores et déjà, sur mon initiative, une concertation a été engagée avec le ministère de l'équipement et les élus concernés. (...) Avant tout transfert, il est bien prévu une phase de concertation, et le projet de loi ne détermine pas précisément les itinéraires qui seront transférés. ». Et le ministre d'insister : « Il y aura bien une concertation avant tout transfert et celui-ci se fera par voie réglementaire. » (31)

Méthodes et contenu des transferts : les propositions de la commission

15 000 à 20 000 kilomètres de routes supplémentaires devraient être transférés aux départements, en sorte que le réseau routier national sera résiduel. La construction du projet de loi doit refléter cette logique. Au lieu de définir, au principal, le réseau routier national et de considérer le réseau départemental comme résiduel - ce qu'incite à penser la rédaction actuelle - il est plus logique de définir d'abord le réseau routier départemental, positivement, et non pas en creux, et, ensuite, le domaine public routier national. La question des modalités du transfert serait, dans ce schéma, renvoyée à un paragraphe distinct.

Par ailleurs, les critères définissant le domaine public routier national sont-ils suffisamment discriminants ? Si les premier (axes de grand transit) et troisième (desserte des équipements d'intérêt économique national ou européen) critères permettent de définir objectivement le réseau structurant, il n'en va pas de même pour les deuxième et quatrième. S'agissant du critère relatif à la nécessité d'assurer des liaisons interrégionales, le schéma régional prévu à l'article 12 A n'est-il pas de nature à garantir la cohérence entre métropoles régionales, dans la mesure où il est bien précisé que ce schéma « assure la cohérence régionale et interrégionale des itinéraires à grande circulation » ? En outre, on peut penser que, dans bien des cas, axes de grand transit et liaisons interrégionales se confondent. Quant au critère de la desserte équilibrée du territoire, il présente un caractère de fourre-tout qui laisse à l'État une marge d'appréciation telle que la définition de critères s'apparente à un exercice aussi formel que vain. En bref, l'État « fera son marché » et les départements auront le reste.

Pour que le transfert prévu soit davantage en phase avec l'esprit du projet de loi, votre rapporteur propose :

- de définir en tant que tel le domaine public routier départemental, en précisant qu'« il est constitué des routes, de leurs accessoires et de leurs dépendances, classés dans le domaine public routier national à la date de la publication de la présente loi et transférés dans le domaine public des départements après avis des conseils généraux. Les routes du domaine public routier national sont exclues de ce transfert. » ;

- de substituer aux quatre critères de définition du domaine public routier national proposés par le projet de loi un critère unique relatif à l'intérêt national ou européen des routes concernées ;

- d'appliquer ce critère non seulement au domaine routier à transférer, mais également à celui qui a déjà été transféré depuis plus de trente ans, certains axes ayant perdu leur caractère départemental et devant réintégrer le domaine public routier national ;

- de renvoyer la procédure de transfert à un paragraphe distinct.

La Commission a rejeté deux amendements de suppression présentés par MM. André Chassaigne et Bernard Derosier, avant d'adopter un amendement du rapporteur préservant le domaine de recherche propre à l'État sur le domaine routier relevant de sa compétence (amendement n° 315).

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement du rapporteur, co-signé par le président Pascal Clément, tendant à substituer à la combinaison de quatre critères, prévue par le projet de loi pour déterminer le domaine public routier national, le critère unique de l'intérêt national ou européen. Le rapporteur ayant jugé ambiguë la combinaison de critères proposées par le projet et souligné que cet amendement était lié à un amendement suivant, traitant le cas inverse du transfert dans le domaine national de routes départementales, le président Pascal Clément a souligné qu'il importait de corriger les contradictions dont souffre aujourd'hui le partage des compétences routières entre l'État et les collectivités territoriales. M. Robert Pandraud a relevé l'intérêt que revêtirait une transmission rapide du schéma des transferts routiers en cours d'élaboration par la direction des routes. En réponse à l'évocation par M. Émile Blessig de la question connexe des itinéraires de transports exceptionnels, le rapporteur a indiqué que l'article 16 du projet de loi maintenait un contrôle de l'État dans ce cas de figure.

M. Xavier de Roux ayant souligné que devait également être posée la question du transfert du financement, le président Pascal Clément a signalé que celui-ci était prévu par le projet et que, dès lors, les financements croisés État-département étaient destinés à disparaître pour ce qui concerne les routes transférées, mais que, en revanche, il était à craindre que les financements croisés demeurent la règle pour le domaine routier qui demeurerait de la compétence nationale, au financement duquel les collectivités territoriales seraient sans doute encore appelées à contribuer. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 316).

En conséquence, la Commission a rejeté deux amendements, devenus sans objet, n° 125 de M. François Goulard et n° 136 de M. Jean-François Mancel, ainsi qu'un amendement présenté par M. André Chassaigne, tendant à remplacer, au deuxième alinéa du II, le mot « desserte » par le mot « développement ». 

La Commission a adopté un amendement du rapporteur, co-signé par le président Pascal Clément, permettant le retour au domaine public routier national de routes départementales présentant un intérêt national ou européen (amendement n° 317).

En conséquence, la Commission a rejeté un amendement devenu sans objet, présenté par M. André Chassaigne, tendant à supprimer le III de l'article 12.

La Commission a ensuite adopté un amendement de conséquence du rapporteur, portant rédaction nouvelle dudit paragraphe III (amendement n° 318).

En conséquence, la Commission a rejeté cinq amendements de M. Bernard Derosier, et l'amendement n° 137 de M. Jean-François Mancel, devenus sans objet.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Bernard Derosier, prévoyant la conclusion de conventions entre les départements et l'État pour la remise en état, par celui-ci, du domaine routier national préalablement à son transfert. M. René Dosière a souligné combien il était souhaitable d'éviter le renouvellement des difficultés qui, vingt ans auparavant, avaient découlé du transfert des lycées aux régions.

La Commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.

Article 13

(art. L. 4433-24-1, L. 4433-24-2 et L. 4433-3 du code général des collectivités territoriales)


Dispositions particulières relatives aux départements et régions d'outre-mer

L'objet de l'article 13, sur lequel le Sénat n'a procédé qu'à des modifications formelles, est de prévoir un dispositif de transfert des routes spécifique aux départements et régions d'outre-mer.

D'ores et déjà en effet, ces collectivités territoriales sont soumises à un régime particulier en la matière. La loi d'orientation pour l'outre-mer n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 a en effet instauré un mécanisme facultatif de transfert des routes nationales aux régions de Guadeloupe, Guyane, Martinique et de la Réunion, seule une demande de leur part étant susceptible d'enclencher le processus de transfert (article L. 4433-24-1 du code général des collectivités territoriales). Jusqu'à cette date, les routes nationales relevaient du patrimoine de l'État. En pratique cependant, seule la région de Martinique a mis à profit cette faculté, après avoir conclu des conventions de mise à disposition des personnels déconcentrés du ministère de l'équipement sur le fondement du décret n° 2002-382 du 19 mars 2002 relatif à cet objet.

Le projet de loi revient sur ce dispositif au profit d'un mécanisme de transfert plus proche de celui qui est mis en œuvre en métropole (paragraphe I). Dans sa nouvelle rédaction, l'article L. 4433-24-1 confie au représentant de l'État le soin d'organiser une concertation avec le département et la région en vue de déterminer la collectivité bénéficiaire du transfert de l'ensemble des routes nationales. A l'issue de cette concertation dont la durée maximale ne peut excéder neuf mois, le bénéficiaire est désigné par décret, selon le résultat de la concertation ; faute d'accord, la région est déclarée propriétaire es voies nationales de plein droit.

La procédure instaurée à l'article L. 4433-24-1 emprunte en réalité à la fois au dispositif actuellement en vigueur dans ces collectivités et au mécanisme de transfert des aéroports et des ports décrit aux articles 22 et 24 du projet de loi. Ainsi, contrairement à la métropole, c'est la région qui est considérée comme la collectivité « naturelle » en matière de transport, là où c'est le département qui est reconnu comme tel en métropole : la structure administrative (région monodépartementale) spécifique de ces collectivités explique évidemment cette différence. Reste que, dès lors que le transfert n'est plus volontaire mais imposé, le recours à une procédure de concertation mettant « en concurrence » les deux collectivités potentiellement susceptibles de bénéficier du transfert s'imposait : celle-ci est l'exacte transcription de l'appel à candidature imaginé en matière aéroportuaire et portuaire.

Le projet de loi initial comportait un alinéa supplémentaire, modifiant l'article L. 4433-24-2 du code précité afin de donner au président du conseil régional les pouvoirs normalement dévolus au président du conseil général sur son domaine public routier. La commission des lois du Sénat, suivie par l'ensemble des sénateurs, en a proposé la suppression au motif qu'il était redondant avec les dispositions de l'article L. 4433-24-1-1 du même code issues de la loi n° 2003-660 du 23 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer.

Les conséquences financières du transfert de la voirie nationale aux régions ou aux départements d'outre-mer sont traitées dans le II, qui envisage deux hypothèses :

-  soit la région devient propriétaire du réseau routier national, auquel cas le droit existant n'est pas modifié. Ainsi, une dotation financée par le produit de la taxe spéciale de consommation prévue à l'article 266 quater du code des douanes est affectée, au sein du budget de la région, à l'aménagement du réseau routier national ;

-  soit c'est le département qui est attributaire des routes nationales. Dans ce cas, la dotation précitée est affectée au budget du département, en plus des dotations dont il bénéficie déjà pour financer les dépenses d'investissement afférentes à la voirie dont il a la charge. Le projet de loi supprime en outre, par coordination, la mention des dépenses de fonctionnement assurées par l'État dans le cadre de sa mission de réalisation et d'entretien des voiries.

Ces dispositions financières spécifiques ne sont pas exclusives de l'application du titre V de la présente loi, relatif aux compensations financières, de même que de celle du titre VI, sur le transfert des services et des personnels (paragraphe III). De même, le transfert d'ores et déjà réalisé par la région Martinique sur le fondement de la loi du 13 décembre 2000 précitée bénéficie des dispositions inscrites dans ces deux titres : cette disposition vise à ne pas pénaliser la Martinique qui s'est vue attribuer la propriété des routes nationales sur la base d'un régime juridique abrogé par le présent projet de loi.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de M. André Chassaigne, la Commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14

(art. L. 122-4, L. 151-6 à L. 151-11, L. 153-1 à L. 153-3, L. 153-5 et L. 153-6
du code de la voirie routière)


Institution de péages sur la voirie routière

L'article 14 du projet de loi autorise l'instauration de péages non seulement sur les autoroutes concédées, comme le prévoit d'ores et déjà le droit actuel, mais également :

- sur les autoroutes non concédées par État (paragraphe I) ;

- et les routes express, qu'elles soient situées dans le domaine public routier national, départemental ou communal (paragraphe II). Dans ce dernier cas, l'autorisation sera donnée par délibération de l'organe délibérant de la collectivité propriétaire, après avis du conseil régional. Elle devra être justifiée par « l'utilité, les dimensions, le coût » de ladite route « ainsi que le service rendu aux usagers ».

Le présent article concerne également le régime des péages sur les ouvrages d'art (paragraphes III, III bis, IV et V).

Le péage : une réponse partielle aux besoins de financement des infrastructures routières et autoroutières

-  Un trafic routier en hausse dans les deux décennies à venir

Le rapport d'audit sur les grands projets d'infrastructures de transport évoqué précédemment est formel : les trafics vont continuer de s'accroître d'ici à 2020. Ainsi, la progression du trafic routier est évaluée à 50 % minimum par les schémas de services collectifs de transports.

Ce mode de transport reste le plus utilisé : ainsi, « pour les voyageurs, la part modale de la route s'est stabilisée à un niveau élevé depuis au moins une dizaine d'années : elle supporte près de 89 % des déplacements de personnes en 2001 soit une part sensiblement identique à celle de 1990 (...) Pour les transports de marchandises, la part du mode routier, déjà déterminante à la fin des années 80, a connu depuis une croissance importante : elle est ainsi passée entre 1990 et 2001 de 77 % à 83 % du trafic local intérieur hors oléoducs exprimé en milliards de tonnes-kilomètres » (32).

- Des besoins de financement croissant

Ce taux de croissance fait dire aux spécialistes que « pour continuer à disposer d'un système de transports performant, sûr et qui réponse aux besoins des particuliers et à ceux de l'économie dans l'espace européen, notre pays doit continuer à développer une politique d'investissement dans les infrastructures de transports ». (33)

Ces investissements sont de nature différente selon les réseaux considérés.

En matière autoroutière, en effet, la problématique d'investissement est déterminée par trois paramètres : l'achèvement en cours du maillage, la saturation de certains grands axes et la continuité autoroutière au droit des grandes agglomérations, qui pose la question de nouveaux contournements à péage.

S'agissant du réseau des grandes liaisons interrégionales d'aménagement du territoire non concédées qui constituent le réseau structurant, il « appelle non une extension, mais un aménagement progressif destiné à offrir une qualité de service fournie par un aménagement généralement prévu à terme à 2x2 voies. En outre, certaines de ces liaisons jouent un rôle majeur dans la structuration du réseau national notamment par la création de liaisons performantes ne passant pas par Paris. » (34)

Enfin, de manière générale, les auditeurs de l'inspection générale des finances et du conseil général des ponts et chaussées insistent sur la « nécessité, mise en évidence par plusieurs rapports (cour des comptes, conseil général des ponts et chaussées) d'augmenter les crédits consacrés à l'entretien et à la restauration des réseaux d'infrastructures. (...) Il existe également des besoins financiers significatifs pour l'entretien et la réhabilitation du réseau routier. »

la hausse prévisible des dépenses d'entretien et de réhabilitation

« Sur la seule composante non concédée, le niveau d'entretien et de réhabilitation atteint ces dernières années a fait l'objet de critiques récurrentes. La Cour des Comptes a ainsi souligné en 2000 le bas niveau des dotations budgétaires affectées à l'entretien du réseau ordinaire et des ouvrages d'art. Elle a notamment estimé qu'une enveloppe annuelle supplémentaire de l'ordre de 230 millions d'euros sur 10 ans serait nécessaire pour parvenir à une maintenance « optimale » de l'existant.

Si les moyens affectés à l'entretien ont amorcé un rattrapage entre 2000 et 2002, ils demeurent sensiblement en retrait par rapport à l'enveloppe identifiée par la Cour puisqu'ils n'en représentent que 81 % en 2003. De fait, les projections transmises à la mission par la direction des Routes tablent sur une croissance importante des enveloppes consacrées à la restauration et l'entretien pour les années restant à courir jusqu'à l'achèvement du XIIème plan (690 millions d'euros par an en moyenne sur 2004-2006 contre 583 millions d'euros en 2003) puis leur stabilisation à un niveau élevé (770 millions d'euros par an en moyenne entre 2007 et 2020). Ces engagements potentiels sont pour supplémentaire très fortement dépendants des choix qui seront arrêtés dans le cadre du développement de la décentralisation. »

Source : rapport d'audit IGF - CGPC, février 2003.

- Un cadre de financement profondément rénové

L'une des conclusions majeures de l'audit réalisé en 2003 sur les grands projets d'infrastructures réside dans la nécessité de repenser en profondeur le mode de financement des infrastructures routières.

En effet, les pratiques antérieures de débudgétisation et d'affectation de prélèvements spécifiques sur l'usager ont été remises en cause.

C'est ainsi que, dans le domaine autoroutier, la pratique de l'adossement, qui n'était autre qu'un mode de débudgétisation, a presque totalement disparu. Ce mode de financement des infrastructures autoroutières, qui permettait au concessionnaire d'adosser le financement des nouvelles liaisons aux résultats dégagés par les sections déjà amorties, c'est-à-dire de financer les nouvelles sections d'autoroutes, éventuellement moins rentables, par les péages prélevés sur les sections plus anciennes, plus rentables et parfois déjà amorties, a disparu pour des raisons essentiellement juridiques. En effet, cette pratique était rendue possible par le fait que l'État choisissait de manière discrétionnaire un concessionnaire qui disposait d'un quasi-monopole sur une zone géographique déterminée. Or, tant du point de vue communautaire que du point de vue national, cette procédure a été jugée incompatible avec les règles de concurrence. Notamment, le Conseil d'État a estimé, dans un avis du 16 septembre 1999, que les concessions autoroutières entraient dans le champ des délégations de service public et que la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin, qui impose une mise en concurrence préalable pour l'attribution des délégations de service public, leur était applicable.

La mise en concurrence désormais systématique des concessions à attribuer - applicable seulement aux nouvelles d'entre elles - empêche « les sociétés d'autoroutes existantes de financer l'extension de leur réseau par l'intermédiaire de subventions croisées à partir d'activités pour lesquelles elles disposaient d'un monopole prolongé (35). [Elle] a contribué à "révéler la vérité des coûts". De ce fait, les opérations dont la concession est actuellement envisagée n'apparaissent plus qu'exceptionnellement rentables sans l'octroi de subventions parles pouvoirs publics. » (36)

De même, le principe d'une affectation aux investissements en infrastructures nouvelles des ressources liées à l'usage des réseaux de transports, telles que les deux taxes spécifiques (37) affectées au fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (fittvn), budget annexe créé pour financer de nouvelles infrastructures de transport, est également remis en cause.

Deux solutions alternatives aux débudgétisations et aux affectations de recettes sont envisageables :

- la contribution de l'usager ;

- les financements budgétaires.

Selon le rapport d'audit sur les grands projets d'infrastructures de transport, « les contributions provenant des usagers sont appelées à poursuivre leur progression. » Rappelons que ce rapport n'envisage que le cas des autoroutes concédées, tout système de péage étant interdit sur le reste du réseau dans l'état actuel du droit. Ce constat appelle cependant des remarques nuancées selon le réseau considéré. Les études menées par le conseil général des ponts et chaussées font notamment apparaître que, sur le réseau routier interurbain, « les usagers, particuliers et professionnels, paient en moyenne les coûts qu'ils génèrent. » Globalement valide, cette conclusion doit être modulée selon que l'on considère les différents types de véhicules et de réseaux. Selon la direction de la Prévision, « par type de véhicules, il ressort qu'en moyenne la sous-tarification est avérée pour les poids lourds et plus encore pour les véhicules légers fonctionnant au gazole. Par type de réseau, la sous-tarification est maximale sur le réseau des routes nationales ordinaires et dans une moindre mesure sur celui constitué par les routes nationales à plus de deux voies. »

Reste que, au vu des conditions d'équilibre financier des concessions potentielles, le prélèvement sur l'usager n'est pas une solution pérenne : conjuguée à la participation financière désormais limitée des gestionnaires d'infrastructures, cette situation nécessite automatiquement, en supplément, une mobilisation importante des financements budgétaires dans les projets d'infrastructures routières à venir. Selon le conseil général des ponts et chaussées, la part des concours publics représentera 86 % des besoins de financement et impliquera, outre l'État, les fonds communautaires mais également les collectivités territoriales.

Le projet de loi : des réponses juridiques adaptées aux défis à venir

- le réseau autoroutier : un régime modernisé

« L'usage des autoroutes est en principe gratuit » : tel est le principe sur lequel repose, en droit positif, le droit autoroutier, qui doit immédiatement être tempéré par l'exception importante dont il est assorti. Les autoroutes concédées peuvent être soumises à un droit de péage, destiné à assurer le remboursement des avances et des dépenses consenties par l'État et les collectivités ou établissements publics, l'exploitation de l'autoroute et, éventuellement, son entretien, son extension ainsi que la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire. Ce droit est autorisé par la convention de concession et le cahier des charges, documents approuvés par décret en Conseil d'État.

Pour répondre aux besoins du secteur autoroutier non concédé, le I de l'article 14 étend la possibilité d'instaurer un péage sur cette portion du réseau. Dans ce cas, le paiement du service rendu par l'usager est destiné à financer, en totalité ou partiellement, les dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure.

S'agissant de autoroutes concédées, le projet de loi ne change rien au droit positif : dans cette hypothèse, le péage a également pour but de couvrir la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le délégataire. Par ailleurs, le projet de loi précise, dans une rédaction clarifiée par rapport au droit existant, la fonction de la convention de délégation et du cahier des charges.

Sur proposition du sénateur Oudin, ont été ajoutés plusieurs alinéas destinés à régler, notamment, les problèmes apparus depuis la suppression de l'adossement et à prendre en considération le rôle croissant joué par les collectivités territoriales dans le financement des infrastructures autoroutières. Ainsi, en vertu de ces nouvelles dispositions, il serait désormais possible d'intégrer, par voie d'avenant au cahier des charges, des ouvrages ou aménagements non prévus, le cas échéant après déclaration de leur utilité publique. Cette possibilité est subordonnée à la condition que ces ouvrages soient nécessaires ou utiles à l'exploitation de l'autoroute, tout en ne représentant que des éléments accessoires de l'ouvrage principal. Pour leur financement, trois possibilités sont envisagées :

-  en principe, ce type de travaux supplémentaires doit être financé par l'augmentation des tarifs de péage ;

-  cependant, si celle-ci est excessive, le projet de loi autorise un allongement de la durée de délégation, l'une comme l'autre mesure de financement devant être strictement limitée « à ce qui est nécessaire pour compenser le coût actualisé des investissements réalisés, y compris les charges d'entretien et d'exploitation ». Le texte précise par ailleurs que « leur calcul tient compte des revenus actualisés éventuellement générés par ces investissements » et que « le taux d'actualisation reflète le coût du financement pour le délégataire. » ;

-  si aucune de ces deux solutions ne permet de couvrir la totalité du coût des investissements, l'État et les collectivités territoriales sont autorisés à apporter des concours financiers.

Ces dispositions reflètent une réalité : comme le souligne l'audit mené en février 2003, si, traditionnellement, la participation des collectivités locales était concentrée sur le réseau national non concédé aménagé progressivement dans le cadre des contrats de plan, elle est aujourd'hui également sollicitée pour le financement des nouvelles sections autoroutières et de ce qu'il est convenu d'appeler les « petits bouts » d'autoroute. Cette expression désigne les portions qui, sans être inscrites dans les contrats de concessions existants, leur sont intrinsèquement liées (prolongation limitée d'une autoroute existante, jonction de deux autoroutes, petits contournements urbains). Il convient de préciser que, dans ce cas précis, la pratique de l'adossement reste possible : bien que cette dérogation ne soit pas explicitement prévue par la loi Sapin, le Conseil d'État a reconnu cette possibilité dans son avis de 1999. Reste que, au vu de l'encadrement très strict dont elle fait l'objet, il est nécessaire de prévoir d'autres modalités de financement, comme s'y emploie l'amendement qui prévoit un système à triple détente (augmentation du péage, allongement de la durée de concession, concours publics).

Dans les faits, cependant, l'intervention de l'État et des collectivités locales risque d'être de plus en plus sollicitée. Cette remarque vaut tout autant pour le cas précis que nous examinons (les « petits bouts d'autoroute ») que pour les futures concessions. Tout d'abord, l'augmentation des tarifs de péage est encadrée par l'article 2 de la loti précitée, qui dispose que la mise en œuvre du droit aux transport « permet aux usagers de sa déplacer dans des conditions raisonnables d'accès, de qualité et de prix ». En outre, la multiplication des exigences, notamment environnementales, ne conduit pas toujours à favoriser les projets les plus économiques, tout au contraire. Enfin, même l'allongement de la durée de concession, déjà largement pratiquée, ne suffit pas toujours à compenser les coûts : ainsi, « les études montrent que le fait d'accroître la durée des nouvelles concessions n'influe que très faiblement sur les besoins en concours publics des autoroutes à faible trafic et ne constitue donc pas une réponse pertinente. A titre d'illustration, la simulation menée par la mission sur l'autoroute A 19 à partir des hypothèses de la direction des routes montre que la subvention serait de 222 millions d'euros pour une concession de 60 ans et de 221 millions d'euros pour une concession de 80 ans. Cette situation tient à la fois à la faiblesse des péages encaissés et à l'effet d'écrasement lié à l'actualisation. » (38)

C'est afin de prendre en compte cette implication croissante des collectivités territoriales que, sur proposition de M. Jacques Oudin, sénateur, le Sénat a adopté deux autres amendements :

- le premier prévoit que les collectivités territoriales peuvent recevoir leur juste part des recettes si, au-delà des prévisions initiales et après le remboursement des apports de capitaux du délégataire et du service de la dette, un excédent apparaît dans l'exécution du contrat ou de la concession.

Comme l'a rappelé l'auteur de l'amendement, dans la mesure où, de plus en plus fréquemment depuis la fin de l'adossement, les sociétés d'autoroutes exigent aujourd'hui des collectivités demanderesses qu'elles financent parfois en totalité les échangeurs, tant pour l'investissement que pour le fonctionnement, « il faut bien qu'intervienne à un moment donné un remboursement qui soit fonction de la rentabilité de l'ouvrage. Chacun aura perçu qu'il s'agit là d'une mesure d'équité entre l'ensemble des apporteurs de capitaux dans le cadre du financement d'un équipement afin d'éviter que la totalité des recettes ne soit perçue par certains et l'ensemble des dépenses assumé par d'autres. Ce serait une situation inique. » (39) ;

-  le second a pour but de permettre aux collectivités territoriales d'avoir accès à tous les éléments qui permettent de calculer et de suivre dans le temps l'équilibre financier de l'ouvrage en question. Il clarifie les comptes de la concession et permet aux collectivités d'être informées des conditions d'exécution de la concession comme les autres apporteurs de contributions financières et de revenir à une meilleure fortune si les excédents s'accumulent. En effet, si les contrats de concession autoroutière ou les conventions qui sont conclues entre un délégataire et une collectivité apportant son financement sont certes accompagnés d'un état initial des prévisions de trafic et de recettes ; en pratique, cependant, l'information des collectivités ne se fait pas de façon satisfaisante. Une telle situation n'est plus compatible avec l'implication croissante des collectivités territoriales dans le financement des autoroutes. D'où la demande de transparence des comptes des sociétés d'autoroutes introduite au I bis : selon le même orateur, « lorsqu'on accorde une concession de vingt ans, soixante ans ou quatre-vingt ans, il faut pouvoir en suivre l'évolution et les résultats. Il est difficile de prévoir le trafic à l'horizon de vingt ans, même si l'on peut toujours faire des projections. L'adoption de cet amendement permettra d'observer régulièrement le fonctionnement de la concession, de connaître ses dépenses et ses recettes et d'estimer le juste retour pour ceux qui ont apporté des capitaux en vue de la réalisation de cet investissement, qu'il s'agisse du délégataire, qui a droit à rémunération, ou de l'État ou des collectivités, qui ont droit, éventuellement, à remboursement en cas de bonne fortune. »

Votre rapporteur souscrit à l'objectif poursuivi par ces divers amendements. Il souhaite cependant en simplifier la rédaction et propose, s'agissant de domaines requérant des conditions d'application précises, eu égard à l'importance des montants financiers en jeu, de renvoyer l'application de ces dispositions à un décret en Conseil d'État.

- Une innovation : l'extension du péage aux routes express

Outre les autoroutes non concédées, les routes express (40) pourront également voir leur usage soumis à péage, aux termes des articles L. 151-6 à L. 151-11 nouveaux du code de la voirie routière : dans la même logique qu'au I, le paragraphe II ouvre aux collectivités propriétaires de ces voies (État, département, commune, y compris en cas de gestion de la route par un epci à fiscalité propre ou un syndicat mixte compétent en matière de création ou d'aménagement de voirie) la possibilité de faire payer l'usager plutôt que le contribuable local ou national.

Sur le fond, la décision de création d'un péage est subordonnée à deux types de conditions : les caractéristiques de la route express en question d'une part (utilité, dimensions, coût), le service rendu aux usagers d'autre part. Aux termes du projet de loi, l'objet du péage est, quant à lui, identique à celui qui justifie son existence sur une autoroute : il s'agit de ce que les spécialistes désignent sous le vocable de « péage d'infrastructure », c'est-à-dire dont l'objectif est le financement de l'infrastructure (construction, exploitation, entretien aménagement ou extension), et non d'un « péage sur voirie », créé afin de résorber le niveau de circulation sur des voiries particulièrement encombrées. En tout état de cause, ces préoccupations ne peuvent jouer que comme des objectifs secondaires.

Cette disposition du projet de loi introduit une innovation importante. Il faut souhaiter, à l'instar de l'avis du conseil national des transports, que le choix entre financement budgétaire et financement par le bénéficiaire du transport (péages ou redevances d'infrastructure, dans leur acceptation classique ou modernisé) s'effectuera « avec le souci :

-  que la participation des bénéficiaires du transport soit affectée aux investissements dans les transports suivant un système pérenne clairement défini ;

-  que l'ensemble se situe dans le cadre d'un dispositif national, harmonisé et équitable au niveau européen afin de ne pas pénaliser les entreprises nationales. »

Sur la forme, la décision de création d'un péage est subordonnée à :

- un décret en conseil d'État lorsque la route appartient à l'État ;

- la délibération de l'organe délibérant de la commune ou du département, après avis du conseil régional si ce dernier a financièrement participé et après avis des communes ayant un échangeur sur leur territoire.

Ces dernières dispositions sont le fruit de deux amendements sénatoriaux, le projet de loi initial se limitant à l'avis, en toutes circonstances, du conseil régional. Le Gouvernement s'est d'ailleurs opposé à la limitation de l'intervention du conseil régional, dans la mesure où la région a une mission générale à remplir en matière de cohérence des infrastructures. Votre rapporteur vous propose, au nom de ce principe de cohérence, de supprimer la restriction mise à l'intervention de la région. Quant à l'intervention des communes, elle a été suggérée dans cette rédaction par le Gouvernement, de préférence aux « communes limitrophes » proposées par Mme Gisèle Gautier. Votre rapporteur vous propose de viser plutôt les « communes traversées », ce qui est plus large que la rédaction proposée mais plus précis que les communes limitrophes. Il convient en outre de prévoir la consultation des établissements publics de coopération intercommunale (epci) à fiscalité propre :

Par ailleurs, comme pour les autoroutes, les missions de service public sur les routes express peuvent être déléguées, la convention de délégation et le cahier des charges - soumis à approbation par décret en Conseil d'État lorsque la route est nationale - précisant les conditions dans lesquelles le délégataire est autorisé à percevoir un péage.

Il revient enfin à un décret en Conseil d'État de déterminer les conditions d'application de l'ensemble de ces dispositions.

-  La rénovation du régime des péages sur les ouvrages d'art

Contrairement aux routes express, l'usage des ouvrages d'art appartenant à une voirie nationale, départementale, communale ou dont la gestion est dévolue à un epci à fiscalité propre ou un syndicat mixte compétent en matière de création ou d'aménagement et d'entretien de la voirie, peut d'ores et déjà être soumis à péage, en vertu des articles L. 153-1 à 153-6 du code de la voirie routière. Le III de l'article réécrit entièrement tous ces articles sur le modèle des articles L. 151-6 à L. 151-11, à l'exception de l'article L. 153-4, modifié très ponctuellement, et de l'article L. 153-6, abrogé.

Sur le fond, les conditions présidant à l'instauration d'un péage sur un ouvrage d'art à comprendre sur la voirie nationale, départementale ou communale ne diffèrent pas de celles envisagées en matière de route express. Toutefois, la mention relative au caractère « exceptionnel et temporaire » du péage est supprimée. Quant aux objectifs présidant à la création du péage, ils diffèrent légèrement de ce qui est prévu pour les routes express : en l'absence de concession, le péage ne peut financer que la construction de l'infrastructure ; en revanche, en cas de délégation, il couvre les dépenses liées à sa construction, à son exploitation et à son entretien ou à son exploitation et à son entretien si l'ouvrage est déjà construit.

C'est, en revanche, un parallélisme rédactionnel parfait avec le II relatif aux routes express qui prévaut également s'agissant des conditions de forme de la décision de création d'un péage sur un ouvrage d'art. En conséquence, votre rapporteur propose, par coordination, de rendre systématique l'avis de la région et de prévoir l'avis des communes traversées.

De même, la rédaction des dispositions concernant la convention de délégation et le cahier des charges annexé et l'application des dispositions par décret en Conseil d'État est reprise de celle du II.

En revanche, la spécificité de l'infrastructure concernée se traduit par l'ajout d'un alinéa, en partie repris de l'article L. 153-6 que le projet de loi abroge, qui précise que ne sont pas soumis au régime de péage qui vient d'être exposé les ouvrages d'art compris dans l'emprise des autoroutes et des routes express soumises à péage. Il s'agit ici d'éviter une double tarification de l'usager.

Après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, la Commission a rejeté un amendement du même auteur visant à supprimer dans cet article la disposition paraissant remettre en cause le principe de gratuité applicable à la circulation sur les autoroutes, le rapporteur ayant indiqué que tel n'était pas le cas, puisque l'article L. 122-4 du code de la voirie routière n'était pas modifié par le projet de loi.

Le président Pascal Clément a relevé que la mise en place de péages urbains constituait une condition sine qua non du développement du réseau routier pour les zones géographiques aujourd'hui les moins bien desservies.

La Commission a ensuite adopté  trois amendements du rapporteur proposant respectivement : une clarification et une simplification rédactionnelles (amendement n° 319) ; un renvoi au décret des conditions d'application du dispositif de partage des résultats financiers des sociétés d'autoroutes concessionnaires, allégeant ainsi la rédaction jugée ambiguë adoptée par le Sénat à l'initiative de M. Jacques Oudin (amendement n° 320) ; enfin une précision dans la détermination des éléments devant figurer dans le corps du rapport relatif aux comptes des sociétés concessionnaires, prévu par l'article 14 (amendement n° 321).

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. André Chassaigne, tendant à supprimer l'institution d'un droit de péage sur les voies express, ainsi qu'un autre amendement du même auteur, prévoyant la suppression de l'article L.151-7 du code de la voirie routière.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant, en cas d'institution d'un péage sur une route express, l'avis systématique du conseil régional et de toutes les communes traversées, et supprimant en conséquence les critères de consultation retenus par le Sénat (amendement n° 322). La Commission a ensuite rejeté l'amendement n° 36 de M. Jacques Le Guen, devenu sans objet, ainsi que, pour la même raison, un amendement présenté par M. Bernard Derosier, tendant à instituer une procédure d'avis conforme des départements, au lieu d'un avis simple.

Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté sept amendements présentés par M. André Chassaigne, tendant respectivement à supprimer les articles L. 151-8, L. 151-9, L. 151-10, L. 151-11 du code de la voirie routière, le III de l'article 14, ainsi que les articles L. 153-1 et L. 153-2 du même code.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant, par parallélisme des formes avec le précédent, un avis systématique du conseil régional et des communes traversées, dans le cas où serait institué un péage pour l'usage d'un ouvrage d'art (amendement n° 323).

La Commission a rejeté, car devenus sans objet, un amendement présenté par M. Bernard Derosier tendant, dans ce même cas de figure, à transformer la procédure d'avis simple en avis conforme, ainsi que trois amendements présentés par M. André Chassaigne, tendant à supprimer l'article L. 153-3 du code de la voirie routière, le IV et le V de l'article 14.

La Commission a ensuite adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 14

(art. L. 131-9 [nouveau] du code de la voirie routière)


Répartition des charges de réfection et d'entretien des ponts
construits à l'occasion du percement de canaux

La Commission a adopté un amendement de M. Bernard Derosier, cosigné par M. Alain Gest, prévoyant que la répartition des charges de réfection et d'entretien des ponts construits à l'occasion du percement de canaux et assurant la continuité de la voirie départementale, ferait l'objet d'une convention entre l'État et les départements (amendement n° 531). Tout en exprimant ses doutes sur la recevabilité financière de l'amendement considéré, le rapporteur a néanmoins considéré que cette question appelait un réexamen, le ministre ayant lui-même reconnu, lors du débat au Sénat, la nécessité de telles conventions.

Article 15

(art. L. 116-2 du code de la voirie routière)


Exercice de la police de la conservation du domaine public routier

La police de la conservation du domaine public est aujourd'hui exercée :

- sur les voies de toutes catégories, par les agents de police municipale, les gardes champêtres des communes et les gardes particuliers assermentés ;

- sur les voies publiques ressortissant à leurs attributions, par les ingénieurs des ponts et chaussées et les ingénieurs, techniciens, conducteurs et agents des travaux publics de l'État, sous réserve de leur assermentation.

L'article 15 du projet de loi, adopté par le Sénat dans sa rédaction initiale, non seulement tire la conséquence du transfert d'une importante partie de la voirie nationale au profit des départements, mais comble également des vides juridiques.

Ainsi, il donne compétence aux agents du département commissionnés et assermentés à cet effet d'exercer la police de la conservation du domaine public routier départemental. Il s'agit là d'une mesure attendue depuis longtemps, la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes ayant transféré au président du conseil général les pouvoirs de police afférents à la conservation du domaine public routier départemental, sans que ce transfert ne soit complété par l'autorisation, pour les agents de la collectivité, de procéder, à la constatation des infractions survenues sur ce domaine.

Dans la même logique, dans les collectivités où la voirie nationale est transférée dans une autre collectivité territoriale que le département, cette compétence est reconnue aux agents de ladite collectivité, commissionnés et assermentés à cet effet par les autorités compétentes de chaque collectivité, dans les conditions prévues par les agents de l'État. Il s'agit, en Corse, des agents de la collectivité territoriale et, dans les départements d'outre-mer dont les voies sont propriété de la région, des agents de la région.

Après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, la Commission a rejeté l'amendement n° 100 de M. Alain Gest, étendant aux présidents des conseils généraux la liste des personnes habilitées à constater les infractions liées à la publicité illégale le long des routes, le rapporteur ayant relevé que ce dispositif risquait de conduire à une dispersion excessive du pouvoir de police en la matière.

La Commission a ensuite adopté l'article 15 sans modification.

Article 16

(art. L. 110-3 du code de la voirie routière)


Définition et régime juridique des routes à grande circulation

L'article 16 du projet de loi procède à un profond remaniement de la notion de route à grande circulation, dont il fixe le régime au vu de la nouvelle domanialité de la plus grande partie du réseau routier.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 110-3 du code de la voirie routière en donne une définition succincte, axée autour du principe de continuité : ce sont les routes « qui assurent la continuité d'un itinéraire à fort trafic », justifiant à ce titre des règles particulières en matière de police de la circulation.

La définition proposée dans le projet de loi précise comment les routes à grande circulation assurent la continuité des itinéraires désormais dits « principaux ». Il s'agit « notamment » pour elles d'assurer :

- le délestage du trafic ;

- la circulation des transports exceptionnels, des convois et des transports militaires ;

- la desserte économique du territoire.

La liste de ces routes est fixée par décret, l'avis des collectivités propriétaires des voies étant désormais requis.

L'article 16 confère ensuite au préfet une compétence de garant du principe de continuité du service public routier sur la voirie ayant ce statut, quelle que soit sa domanialité. Il s'agit, à travers ce tempérament au principe de libre administration des collectivités territoriales, d'éviter toute opération (notamment technique) ou toute mesure rendant ces voies incompatibles avec leurs fonctions et, plus largement de permettre à l'État l'exercice de missions de souveraineté. Par exemple, si une collectivité locale est conduite à rétrécir une voie, il faut que le préfet puisse s'y opposer avec efficacité et rapidité, au vu des conséquences qu'une telle décision peut avoir en termes de sécurité. Comme l'a précisé le ministre délégué aux libertés locales lors de la séance publique au Sénat, cette disposition n'a pas « pour vocation, par exemple, de les [les collectivités territoriales] obliger à mettre une voie à certaines normes. Une telle disposition existe déjà : l'article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales prévoit, dans ce cas-là, si l'État impose des normes supplémentaires, que des compensations doivent être accordées à due concurrence. »

Tout projet doit donc être communiqué en amont au représentant de l'État, qui peut le refuser. Il convient de préciser qu'en tout état de cause la décision du préfet resterait justiciable d'un recours devant la juridiction administrative. Qui plus est, l'opposition du représentant de l'État est encadrée par des conditions de délai, à fixer par voie réglementaire : le projet de loi initial ne précisait pas la nature du décret en question, renvoyant l'application de l'ensemble des conditions du présent article à un décret du Conseil d'État ; le Sénat a souhaité préciser que la fixation de ce délai devait intervenir par décret en Conseil d'État, en plus de l'alinéa spécifiquement consacré à l'application de l'article 16. Il n'est pas certain que cette disposition fût utile ; la volonté de souligner que l'intervention du préfet, même a priori, n'a rien de commun avec un contrôle de légalité et que, dans la nouvelle France des responsabilités et libertés locales, elle ne va plus de soi, peut sans doute justifier ce luxe de précision.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Bernard Derosier, prévoyant de transformer la procédure d'avis simple prévue par le présent article pour l'établissement de la liste des routes à grande circulation, en un avis conforme, le rapporteur ayant considéré que cette modification était susceptible de donner naissance à une forme de tutelle des conseils généraux sur l'exercice de compétences régaliennes de l'État. La Commission a ensuite adopté deux amendements du rapporteur prévoyant de recueillir l'avis des groupements de collectivités territoriales (amendements nos 324 et 325). La Commission a rejeté l'amendement n° 102 présenté par M. Alain Gest, tendant à supprimer la faculté pour le représentant de l'État de s'opposer a priori à une modification des caractéristiques géométriques des routes à grande circulation qui serait souhaitée par les collectivités territoriales, le président Pascal Clément ayant indiqué qu'il s'agissait d'une question de nature réglementaire.

La Commission a ensuite adopté l'article 16 ainsi modifié.

Article 17

(art. 3 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs)


Pouvoirs du préfet en matière de prévention des risques sur les routes
à grande circulation

L'article 17, qui n'a fait l'objet que de modifications rédactionnelles ponctuelles au Sénat, renforce les pouvoirs du préfet en situation d'urgence, en complétant la liste des plans d'urgence aujourd'hui définie à l'article 3 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs.

D'ores et déjà, le représentant de l'État dans le département, en liaison avec les autorités et services compétents, est chargé d'élaborer les plans d'urgence suivants :

-  plans particuliers d'intervention, qui définissent les mesures à prendre aux abords de certaines installations ou ouvrages (sites comportant au moins une installation nucléaire de base, site de stockage souterrain de gaz combustible, d'hydrocarbures ou de produits chimiques de base à destination industrielle, aménagements hydrauliques de grande capacité, etc.) ;

-  plans destinés à porter secours à de nombreuses victimes ;

-  plans de secours spécialisés liés à un risque défini.

Le projet de loi ajoute à la liste les plans de gestion de trafic et les plans d'action en cas d'intempéries, susceptibles d'assurer la coordination des moyens à mettre en œuvre en situation de crise sur les voies routières.

Rappelons qu'en matière de trafic, le décret n° 2002-84 du 16 janvier 2002 confère d'ores et déjà au préfet de zone la compétence pour arrêter et mettre en œuvre les plans de gestion de trafic dépassant le cadre de son département. Le projet de loi introduit donc une mesure d'amélioration de la coordination de la gestion de crise en matière de trafic routier.

Quant à la disposition relative aux intempéries, elle est susceptible d'éviter que ne se répète, à l'avenir, l'épisode pénible du 4 janvier 2003 qui avaient vu plusieurs milliers de véhicules immobilisés sur l'autoroute A 10. Qui plus est, elle donne une base législative à des plans qui existent déjà dans certains départements, mais ne sont régis que par des circulaires ministérielles (« plan verglas » en Île-de-France ou « plan neige » dans la vallée du Rhône).

La Commission a adopté l'article 17 sans modification.

Avant l'article 18

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière, étendant aux investissements réalisés par des collectivités territoriales sur le domaine public routier d'une autre collectivité ou de l'État, dans le cadre d'actions de lutte contre les catastrophes naturelles, le bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (fctva). Le rapporteur a indiqué que, dans le cas des réparations consécutives à des catastrophes naturelles reconnues par arrêté, cet élargissement du périmètre du fctva ne lui semblait pas inconsidéré, mais que, dans l'attente d'un amendement proposant une nouvelle rédaction en ce sens, son avis était défavorable. La Commission a donc rejeté cet amendement.

Article 18

(art. L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales)


Éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (fctva) des fonds de concours versés à l'État
par les collectivités territoriales et leurs groupements pour des opérations d'aménagement du domaine public routier national

Dans sa rédaction initiale, l'article 18 prévoyait de rendre éligibles au fctva les fonds de concours versés par les collectivités territoriales à l'État pour des opérations d'aménagement du domaine routier national, à la condition que la collectivité concernée ait financé au moins la moitié du coût de ces opérations. À ce jour, en effet, en matière de voirie, les collectivités locales doivent notamment, pour pouvoir bénéficier des attributions du fctva, réaliser des équipements qui relèvent de leur domaine de compétences et qui sont destinés à être intégrés dans leur patrimoine à titre définitif. En effet, aux termes de l'article R. 1615-2 du code général des collectivités territoriales, les travaux réalisés pour le compte de tiers sont exclus du fctva, interprétation relativement récente, dans la mesure où, durant des années, les communes ne se voyaient pas refuser le remboursement sur ce type de travaux.

Estimant peu fréquente l'hypothèse selon laquelle une collectivité territoriale assurerait individuellement, pour chaque opération, plus de la moitié du financement en raison du grand nombre d'intervenants souvent impliqués dans les opérations d'aménagement du domaine public routier national, la commission des lois du Sénat avait proposé la suppression de l'exigence d'une participation majoritaire. Dans le même temps, elle avait également adopté un amendement dont elle reconnaissait le caractère alternatif et maximaliste, comme l'a indiqué le rapporteur de la commission des lois en séance public, qui prévoyait que soient éligibles au fctva tous les travaux réalisés sur un équipement public ou sur des biens appartenant à une autre collectivité. Simultanément, la commission des affaires économiques et la commission des finances du Sénat avaient également proposé de rendre éligibles à ce fonds les dépenses d'investissement réalisées sur le domaine public routier d'une autre collectivité territoriale.

Cette dernière proposition répond aux préoccupations de nombreux maires, inquiets de voir certains services de l'État leur refuser le bénéfice du remboursement de la tva pour des travaux réalisés, notamment, sur le domaine public routier départemental. Ainsi, la situation concrète que beaucoup de communes rurales connaissent est celle de la route départementale qui traverse un village et dont la commune refait les trottoirs : la commune est maître d'ouvrage mais, du fait des règles de partage de domanialité, la chaussée et les à-côtés de la rue principale appartiennent au département. Il s'agit donc d'une intervention sous maîtrise d'ouvrage de la commune sur la voirie départementale.

Lors du débat en séance publique, une rédaction a été adoptée, qui témoigne d'un compromis entre le Gouvernement et le Sénat. Elle prévoit de rendre éligibles au fctva les fonds de concours des collectivités locales (deuxième alinéa) et leurs dépenses d'investissement (troisième alinéa) sur le domaine public routier, qu'il soit national, départemental ou communal. Lors du débat en séance publique, les sénateurs se sont en effet ralliés à un amendement proposé par le Gouvernement, sous-amendé par la commission des lois, prévoyant l'éligibilité au fctva, d'une part, des fonds de concours versés par une collectivité territoriale à l'État ou à une autre collectivité territoriale, d'autre part des dépenses d'investissements afférentes à des travaux qu'elle peut réaliser sur le domaine public routier communal, départemental comme national.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter de cette double évolution. S'il est important d'encadrer le fonctionnement du fctva afin d'éviter de possibles dérives, il était cependant temps de revoir un dispositif injuste et pénalisant, notamment pour les communes. Le dispositif adopté par le Sénat est, de toute façon, encadré de façon à éviter les abus :

-  ainsi, s'agissant de l'éligibilité des fonds de concours, il est prévu que le montant de ceux-ci soit déduit des dépenses réelles d'investissement prises en compte pour le calcul de l'attribution du fctva de la collectivité territoriale qui réalise les travaux ;

-  dans le cas de l'éligibilité des dépenses d'investissement, conformément à la pratique et au droit domanial en vigueur, un dispositif de conventionnement est ainsi prévu, seules ouvrant « droit aux attributions du fonds les dépenses d'investissement réalisées dans le cadre d'une convention avec l'État ou la collectivité territoriale propriétaire, précisant notamment les équipements à réaliser, le programme technique des travaux, les engagements financiers des parties. »

Pour des raisons techniques de coordination législative, le rapporteur vous propose toutefois la suppression du troisième alinéa relatif à l'éligibilité au fctva des dépenses d'investissement liées à des travaux sur le domaine routier. En effet, cette disposition existe d'ores et déjà dans notre droit puisqu'elle figure à l'article 51 de la loi de finances pour 2004. Lors du débat au Sénat sur le projet de loi de finances, un amendement du Gouvernement a, en effet, été adopté reprenant exactement le texte de ce troisième alinéa, alors que le Sénat avait d'ores et déjà adopté la disposition de l'article 18 lors du débat sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales. L'objet de ce doublon volontaire était qu'elle pût être applicable dès le 1er janvier 2004, le deuxième alinéa, relatif à l'éligibilité des fonds de concours au fctva, n'étant de toute façon applicable qu'au 1er janvier 2005, comme l'a confirmé M. Alain Lambert lors des débats budgétaires au Sénat.

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par Mme Valérie Pecresse, étendant le bénéfice du fctva, prévu par le projet de loi pour les fonds de concours versés par les collectivités territoriales pour leurs opérations d'aménagement du domaine routier national dont ils financent au moins la moitié du coût, à l'ensemble des fonds de concours, indépendamment de leur quote-part de participation financière aux travaux considérés. Après que le rapporteur eut répondu qu'il proposait, par coordination avec l'article 51 de la loi de finances pour 2004, qui l'avait déjà introduit dans le droit en vigueur, de supprimer le texte sur lequel portait cet amendement, la Commission l'a rejeté.

Pour la même raison, la Commission a rejeté un amendement présenté par M. André Chassaigne, étendant le bénéfice des dispositions de l'article 18 à l'ensemble des opérations d'investissement, et non pas uniquement au domaine routier, avant d'adopter l'amendement de suppression du dernier alinéa de l'article présenté par le rapporteur (amendement n° 326).

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Bernard Derosier, permettant la prise en charge par les communes, prévue dans une convention prévue à cet effet, des investissements réalisés sur les dépendances de la voirie départementale se trouvant dans leur agglomération. Le président Pascal Clément ayant relevé l'intérêt d'une telle démarche pour éviter que des conflits de compétence géographiques ne conduisent à empêcher la réalisation de travaux de voirie pourtant nécessaires, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 327).

La Commission a ensuite adopté l'article 18 ainsi modifié.

Article 19

Confirmation des engagements financiers
conclus au titre des contrats de plan État-région

L'objet du présent article est d'affirmer la continuité des opérations menées dans le cadre des contrats de plan État-région.

Les dispositions de l'article 19 rappellent, en premier lieu, les obligations des collectivités locales en matière de financement des opérations routières inscrites aux contrats de plan État-région et, en second lieu, celles de l'État. Elles précisent ainsi que, sauf pour les aménagements de sécurité dont le financement est transféré aux départements, les transferts opérés en matière de voirie sont neutres pour l'application des contrats de plan en cours, venant à échéance en 2006 : les engagements financiers - 13 milliards d'euros pour les opérations routières sur la voirie nationale non concédée - pris dans ce cadre par les collectivités territoriales et l'État restent inchangés jusqu'au terme des contrats. Précisons, comme l'a rappelé le ministre délégué aux libertés locales, que le terme du contrat a lieu au moment de la remise de l'ouvrage et non pas à la fin des opérations engagées.

Cette disposition doit être lue en regard de l'amendement du gouvernement adopté à l'article 88 selon lequel « sous réserve des dispositions de l'article 19, l'État et les collectivités territoriales assurent le financement des opérations inscrites aux quatrièmes contrats de plan Etat-régions et relevant de domaines de compétences transférés, dans les conditions suivantes :

« 1° Les opérations engagées à la date d'entrée en vigueur de la présente loi sont poursuivies jusqu'à leur terme, dans les conditions fixées par les contrats. Les sommes versées par l'État à ce titre sont déduites du montant annuel de la compensation financière mentionnée au II du présent article ;

« 2° Les opérations non engagées à la date d'entrée en vigueur de la présente loi et ressortissant à un domaine de compétences transféré, au titre duquel elles bénéficient d'une compensation financière, relèvent des collectivités territoriales nouvellement compétentes qui en assurent le financement. »

Comme le confirment les propos de M. Patrick Devedjian en séance publique, le 5 novembre dernier, les contrats de plans ne sont pas concernés par la distinction établie entre l'hypothèse où les opérations auront, au moment du transfert, déjà fait l'objet d'un engagement juridique et comptable et celle où aucun engagement n'aura eu lieu. En matière de d'opérations routières inscrites dans les contrats de plan en cours État-régions, qu'il ait eu ou non engagement juridique et comptable au moment du transfert, les contrats seront donc poursuivis dans les conditions prévues.

Par analogie avec les précédents amendements du rapporteur ayant le même objet, la Commission a adopté un amendement de celui-ci rectifiant dans l'article 19 l'oubli des groupements de collectivités territoriales (amendement n° 328). La Commission a été saisie de deux amendements concurrents, présentés respectivement par M. Bernard Derosier et par Mme Valérie Pecresse, tendant à faire courir les obligations de l'État et de la région relatives à la réalisation de travaux portant sur les routes nationales jusqu'à leur achèvement, et non uniquement jusqu'au terme des contrats de plan. Après que Mme Valérie Pecresse eut fait valoir que son amendement était moins restrictif que celui de M. Bernard Derosier, puisqu'il ne mentionnait pas les conditions fixées par les contrats eux-mêmes, le rapporteur a fait état de son avis favorable à cet amendement, tout en rappelant la position contraire exprimée par le Gouvernement au Sénat.

La Commission a adopté l'amendement de Mme Valérie Pecresse (amendement n° 329) et rejeté celui de M. Bernard Derosier.

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. André Chassaigne, prévoyant le maintien du financement par l'État de ses engagements prévus par les contrats de plan État-région, y compris pour les aménagements de sécurité dont le projet prévoit de transférer le financement aux départements.

La Commission a ensuite adopté l'article 19 ainsi modifié.

Article 20

(décrets impériaux des 12 avril 1856 et 23 juin 1866)


Abrogation des décrets impériaux relatifs au financement de l'entretien
de la voirie à Paris

L'article 20, dans sa rédaction adoptée par le Sénat, abroge le décret impérial du 23 juin 1866 fixant le contingent de l'État dans les dépenses d'entretien des chaussées, des rues, quais, ponts, boulevards et places publiques de la ville de Paris. Le projet de loi initial proposait également l'abrogation du décret impérial du 12 avril 1856 : le Sénat a supprimé cette disposition après que le rapporteur de la commission des lois eut judicieusement fait remarquer que le décret de 1866 précité avait lui-même procédé à cette abrogation...

Ce décret institue un régime particulier puisqu'il prévoit que la ville de Paris entretient, en lieu et place de l'État, les routes nationales qui la traversent, afin de permettre un traitement identique pour l'ensemble de la voirie parisienne. Rappelons que le droit commun confie à l'État le soin d'entretenir les routes nationales, même lorsqu'elles traversent une commune.

Ce régime particulier, dit du « pavé de Paris », définit en conséquence les conditions de la participation de l'État à la prise en charge des dépenses ainsi effectuées par la ville de Paris au titre de l'entretien de la voirie nationale. Il s'agit en l'occurrence d'un mode de répartition des dépenses fondé sur un classement des voies par décret en Conseil d'État en « traverses et annexes des traverses des routes impériales ». Ce classement n'a jamais été concrétisé. Cependant, l'État a continué de verser à la ville de Paris une contribution particulière, distincte des dotations globalisées, qui s'est élevée à 13,226 millions d'euros en 2003.

Le présent article propose très pertinemment de mettre fin à un système qui, historiquement, a été source de multiples débats entre l'État et la ville de Paris, l'identification matérielle de la voirie nationale intra-muros n'ayant jamais été faite. Si la convention intervenue en 1960 entre la ville de Paris et l'État a certes apaisé ces tensions, la gestion de ce dossier n'en reste pas moins laborieuse. Sans compter les interventions successives de la Cour des comptes qui a contesté la justification de cette contribution particulière, en se prononçant pour son intégration dans une dotation globalisée. L'article 20 procède à cette réforme attendue, en intégrant cette contribution dans la dotation générale de décentralisation.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne puis adopté cet article sans modification.

Article 21

Maîtrise d'ouvrage d'opérations routières en cours lors du transfert de voirie

À l'instar de l'article 19 relatif aux contrats de plan État-région, le présent article traite des conséquences du transfert prévu par l'article 12 sur les opérations routières en cours. Il prévoit, par dérogation, que la maîtrise d'ouvrage sur des opérations - ou parties d'opérations - d'investissement en cours sur le réseau national transféré continuera à s'exercer dans les conditions actuelles, prévalant antérieurement au transfert de routes. Il s'agit là d'une mesure de bon sens, le transfert de la maîtrise d'ouvrage pouvant difficilement s'envisager en cours d'opération, en fonction de l'avancement des affaires et des marchés correspondants. Dans la même logique, il dispose que la maîtrise d'ouvrage est transférée lors de la mise en service des aménagements et, au plus tard, le 1er janvier 2007.

Il convient de préciser, comme l'a fait le ministre en séance publique au Sénat le 4 novembre dernier, que, bien que n'étant pas mentionnée, la maîtrise d'œuvre suit la maîtrise d'ouvrage : « Il y a deux cas de figure : soit le maître d'ouvrage réalise lui-même les travaux, et le transfert de la maîtrise d'ouvrage emporte automatiquement la maîtrise d'oeuvre ; soit le maître d'ouvrage délègue les travaux à un tiers par un marché de maître d'oeuvre ; dans ce cas, lors du transfert, il y aura obligatoirement un accord entre le nouveau maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre de l'opération par un avenant au marché, et les missions en cours d'exécution par le maître d'oeuvre seront automatiquement transférées. » (41)

Juridiquement, la déconnexion entre transfert de domanialité et transfert de la maîtrise d'ouvrage s'effectuera par convention, dont le Sénat a tenu à expliciter la qualité des parties concernées (l'État et la collectivité bénéficiaire du transfert) ou, à défaut, par arrêté du représentant de l'État dans le département.

Un décret en Conseil d'État est prévu pour fixer les modalités d'application du présent article.

La Commission a adopté l'article 21 sans modification.

Chapitre II

Les grands équipements

« L'harmonisation, la jonction et le développement des infrastructures à l'échelle du continent européen sont apparus comme des instruments clés pour permettre la circulation des marchandises et des personnes à l'intérieur de l'Europe et renforcer la cohésion économique et sociale de l'Union européenne. » (42)

Il peut paraître paradoxal, à première vue, qu'à l'heure où la datar met en avant la dimension européenne de la politique d'infrastructures, il soit proposé de transférer d'importantes compétences aux collectivités territoriales en matière aéroportuaire, portuaire, fluviale ou encore ferroviaires.

Le paradoxe n'est qu'apparent. À l'heure où le même organisme pointe les mises en garde répétées, par la Cour des comptes notamment, contre l'insuffisant entretien des grands infrastructures, il est temps d'appliquer un principe simple : celui de proximité, qui s'apparente à bien des égards au concept européen de subsidiarité.

Telle est la logique qui préside aux transferts de compétences proposés dans les articles 22 à 28 du présent projet de loi.

Article 22

(art. 105 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité)


Transfert des aérodromes et hélistations civils

Le présent article, modifié à la marge sur des points rédactionnels par le Sénat, prévoit le transfert d'environ 108 aérodromes, soit huit millions de passagers, du domaine de l'État vers celui des collectivités territoriales intéressées, collectivités qui, rappelons-le, ont créé plus de 300 aérodromes. Il s'agirait d'aérodromes à vocation locale à faible trafic de passagers ou de fret.

La question du transfert des aérodromes aux collectivités territoriales s'inscrit dans un débat qui n'est pas nouveau. Ainsi, un projet de loi en la matière avait été rejeté par le Parlement en 1983, ce qui avait « gelé » toute démarche de cette nature pour près de vingt ans. C'est, en effet, en 2002, que le transfert aux collectivités des aéroports appartenant à l'État a, à nouveau, été envisagé, sous forme expérimentale.

De fait, le droit français de l'aviation civile est, de longue date, conçu comme un droit décentralisé : les conditions de développement de l'aviation civile en France (rôle des pionniers, notamment) ont conduit à l'élaboration d'un régime souple, qui ouvre la possibilité, pour toute personne, de créer un aéroport en vue d'une ouverture à la circulation aérienne publique sous la seule réserve de la signature d'une convention avec l'État précisant les obligations de service public s'imposant à l'aérodrome concerné. De fait, de nombreux aéroports (près de 150 en métropole) ont été créés par des collectivités territoriales ou des groupements de telles collectivités. En outre, des aéroports appartenant à l'État ont été transférés par voie conventionnelle à des collectivités volontaires.

L'État détenant néanmoins toujours la responsabilité juridique du développement, de l'aménagement et de l'exploitation de plus d'une centaine d'aéroports de toute taille dont la plupart ont une vocation locale ou régionale, il existe encore des marges de progression pour la décentralisation accrue du secteur aéroportuaire, infrastructure clé pour la relance d'une démarche volontariste d'aménagement du territoire national.

-  Le paragraphe I définit le périmètre, l'objet, les bénéficiaires et le calendrier du transfert.

S'agissant de son périmètre, seraient en tout état de cause exclus du transfert les aérodromes « d'intérêt national ou international » et « ceux qui sont nécessaires à l'exercice des missions de l'État ». La liste en sera fixée par décret en Conseil d'État. Elle devrait inclure les aéroports de Paris - Aéroports de Paris gère quatorze aérodromes - et ceux des principales métropoles régionales, outre-mer inclus. Ainsi que l'a précisé le rapporteur de la commission des lois (43), sont destinés à rester dans le domaine national les aérodromes de Bâle-Mulhouse, Bordeaux-Mérignac, Cayenne-Rochambeau, Fort-de-France-Le Lamentin, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Montpellier-Méditerranée, Nantes-Atlantique, Nice-Côte d'Azur, Pointe-à-Pitre-Le Raizet, Saint-Denis-Gillot, Strasbourg-Entzheim et Toulouse-Blagnac.

S'agissant de l'objet et du calendrier du transfert, sont concernés l'aménagement, l'entretien et la gestion des aérodromes civils appartenant à l'État à la date de publication de la présente loi, le transfert étant effectif au plus tard le 1er janvier 2007.

Votre rapporteur note que, pour ce qui concerne l'objet du transfert, la propriété n'est pas mentionnée, alors que les II et III confirment que tel est bien l'objet du transfert. Qui plus est, la lecture du I de l'article 24 relatif au transfert des ports, et construit de manière exactement similaire au présent article, confirme cette interprétation. Afin de lever toute ambiguïté, votre rapporteur propose de mentionner ce terme explicitement dès le début du I.

Une même lecture parallèle avec l'article relatif au transfert des ports conduit à s'interroger sur le décalage de date entre les deux types d'infrastructures, la clôture des procédures de transfert des ports étant prévue pour le 1er janvier 2006. Dans le souci constant de simplification qui est le sien, votre rapporteur propose d'unifier les calendriers, en choisissant le calendrier prévu pour les ports : le transfert des aérodromes concernés doit avoir lieu le 1er janvier 2006 au plus tard. Par coordination, toutes les dates intermédiaires (préavis notamment) doivent être avancées d'un an dans le présent article.

Enfin, les bénéficiaires sont les collectivités territoriales - ou leurs groupements - dans le ressort géographique desquelles sont situées ces infrastructures. On remarque que, contrairement au transfert du domaine routier, aucune collectivité ne se voit nommément attribuer la compétence en matière aéroportuaire.

- Le paragraphe II clarifie ce dernier point : l'absence de dévolution des aéroports à un type de collectivité s'explique aisément par le fait que, d'ores et déjà, tous les niveaux de collectivités territoriales sont compétents pour créer un aérodrome, les besoins en la matière étant fort divers (loisir, trafic local variable...). Rappelons par exemple, que, sur les quelque 300 aérodromes créés par les collectivités territoriales, seule une quinzaine enregistre un trafic supérieur à 100 000 passagers par an. La logique du bloc de compétences eût, par conséquent, été absurde en cette matière.

D'où la mise en place d'un dispositif de transfert qui allie concertation et compétition. Quatre scénarios sont envisagés par le II :

Scénario n° 1 : une collectivité demande à être bénéficiaire du transfert d'un aérodrome situé sur son territoire et ne figurant pas dans le décret susmentionné. Cette demande doit intervenir avant le 31 août 2006 et être notifiée simultanément par la collectivité qui en est l'auteur à l'État et aux autres collectivités intéressées. Si aucune autre demande n'apparaît dans les trois mois suivant la notification, la collectivité demanderesse est réputée bénéficiaire du transfert. Votre rapporteur relève que, pour les ports, le délai prévu est de six mois. Afin de simplifier le texte, il propose d'uniformiser ce délai, en s'alignant sur le régime des ports pour lesquels, eu égard à des raisons techniques (notamment, en cas de transfert partiel impliquant des travaux), six mois sont nécessaires.

Scénario n° 2 : plusieurs demandes sont présentées dans les conditions évoquées ci-dessus, soit en même temps, soit successivement, dans le délai de notification. Le représentant de l'État organise alors une concertation, dont il fixe la durée et dont l'objectif est d'aboutir à la présentation d'une demande unique. Les collectivités participant à la concertation s'accordent alors sur la candidature de l'une d'entre elles, qui est désignée comme bénéficiaire du transfert.

Scénario n° 3 : ce scénario diffère du précédent en ce qu'il postule que la concertation ne permet pas d'aboutir à un accord.

Le représentant de l'État dans la région désigne alors la collectivité bénéficiaire du transfert, en tenant compte des caractéristiques de l'aérodrome, notamment de son trafic et de sa zone d'attraction, ainsi que des enjeux économiques et d'aménagement du territoire. La région est prioritaire si elle est candidate.

Scénario n° 4 : aucune demande n'est présentée avant le 31 août 2006. Dans ce cas de carence, c'est le scénario n° 3 qui s'applique, avec l'intervention du représentant de l'État dans la région.

En complément de ces dispositions, le Sénat a ajouté une disposition similaire à celle qui est prévue pour les routes : dans les scénarios 1 à 3, le représentant de l'État dans le département est tenu de communiquer aux collectivités ou groupements sollicitant le transfert de compétence toutes les informations dont il dispose afin que le transfert s'effectue en connaissance de cause. Cette disposition vise, comme pour les routes, à pallier l'impossibilité, pour des raisons tant de coût que de délai, d'un audit préalable des infrastructures concernées.

- Le paragraphe III envisage les modalités ainsi que les effets et conséquences juridiques du transfert.

Si la loi fixe les conditions générales du transfert, en revanche, les conditions particulières de chaque transfert, notamment ses modalités et sa date d'entrée en vigueur, relèvent d'une convention entre l'État et le bénéficiaire. Cette procédure conventionnelle renvoie à l'article du code de l'aviation civile relatif à la création d'aérodromes : ainsi, aux termes de l'article L. 221-1 de ce code, « la création d'un aérodrome destiné à la circulation aérienne publique, lorsqu'il n'appartient pas à l'État, est subordonnée à la conclusion d'une convention entre le ministre chargé de l'aviation civile et la personne physique ou la personne morale de droit public ou de droit privé qui crée l'aérodrome. »

Quant aux effets et conséquences juridiques du transfert d'aérodromes, ils sont exactement calqués sur ceux qui prévalent en matière de voirie : la collectivité ou le groupement bénéficiaire succède à l'État dans l'ensemble des droits et obligations à l'égard des tiers ; le changement de domanialité n'induit aucun versement financier de quelque sorte par l'État en contrepartie du transfert des biens de l'aéroport. Toutefois, deux réserves sont introduites, tenant à l'éventuel recours à ces infrastructures par l'État pour l'exercice de ses missions de souveraineté. Le projet de loi exclut ainsi du transfert les emprises et installations nécessaires pour les besoins de la défense nationale, de la sécurité de la circulation aérienne, de la météorologie et de la sécurité civile. Il s'agit, par cette disposition, de préserver un maillage territorial apte à répondre sinon à des situations de crise, du moins à des besoins urgents ou que l'État est le seul à pouvoir mettre en œuvre. Ce dispositif est complété par un mécanisme de mise à disposition, à préciser dans la convention ou l'arrêté précités, des installations ou aménagements nécessaires au fonctionnement des services appelés à mettre en œuvre ces missions (police, sécurité, météorologie).

-  Afin de tenir compte des éventuelles hésitations de certaines collectivités, le paragraphe IV ouvre un droit à l'expérimentation, par une collectivité ou un groupement, du transfert d'un aérodrome, dans le délai d'un an à compter de la publication de la présente loi. Dans ce cadre, les biens visés au III font l'objet d'une mise à disposition.

Cette démarche n'est pas nouvelle : elle est calquée sur celle qu'ouvre l'article 105 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Ainsi, jusqu'au 27 février 2003, les collectivités territoriales pouvaient demander à se voir transférer, à titre expérimental, les compétences pour aménager, entretenir et exploiter, dans les conditions prévues par le code de l'aviation civile, les aérodromes civils. La loi précitée avait exclu de ce processus les aérodromes dont les biens étaient mis à la disposition d'une collectivité territoriale, d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat mixte avant la date d'entrée en vigueur de l'expérimentation. L'expérimentation engagée sur le fondement de cette disposition législative est appelée à se clore au 31 décembre 2006.

Le dispositif expérimental prévu au présent paragraphe se substitue à ce mécanisme antérieur, d'ailleurs abrogé au paragraphe VIII. S'il est calé sur la même échéance - tous les actes engageant le bénéficiaire de l'expérimentation au-delà de cette date étant d'ailleurs soumis à l'accord préalable de l'État -, il est beaucoup plus précis quant au dispositif de sortie de l'expérimentation, point qui n'était pas précisé dans la loi relative à la démocratie de proximité. Est alors prévu un transfert de plein droit à la collectivité bénéficiaire de l'expérimentation, sauf si celle-ci a fait connaître son opposition avec un préavis de six mois.

-  Le paragraphe V envisage le cas particulier des aérodromes qui, tout en étant toujours propriété de l'État, sont mis à disposition d'une collectivité ou d'un groupement par voie conventionnelle. Dans cette hypothèse, une procédure très simple est prévue puisque le transfert est possible dès la publication de la présente loi, sur demande de la collectivité, l'échéance étant, là encore, fixée au 31 décembre 2006. Si, le 30 juin 2006 au plus tard, la collectivité résilie la convention, le transfert définitif s'effectue selon la procédure de droit commun décrite aux II et III. Par coordination, avec la modification du calendrier proposée au I, votre rapporteur vous propose que ces délais soient avancés d'un an.

-  Le paragraphe VI pose le principe de la prorogation des délégations de service public accordées par l'État sur les aérodromes faisant l'objet d'un transfert de compétences.

Deux cas de figure sont envisagés :

-  soit la délégation vient à échéance avant le transfert définitif. Dans cette hypothèse, elle est prorogée tacitement, sauf opposition du délégataire, par périodes de douze mois. A compter du transfert, la loi fixe l'échéance de la prorogation du contrat de délégation au premier anniversaire du transfert, à charge ensuite pour la collectivité de gérer librement ce contrat.

- soit la délégation vient à échéance au cours de l'année suivant le transfert définitif, avant sa première date anniversaire. Dans ce cas, la prorogation s'effectue jusqu'à cette dernière date.

-  Le paragraphe VII prévoit l'application aux hélistations civiles des dispositions des paragraphes I à VI.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne. Elle a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 330), ainsi que trois amendements du même auteur unifiant le calendrier de la procédure de décentralisation applicable aux aéroports avec celui prévu pour les ports (amendements nos 331, 332 et 333). Puis elle a rejeté un amendement présenté par M. Gérard Vignoble précisant que les aérodromes mixtes civils et militaires sont transférés dès lors qu'ils sont affectés principalement à une activité aérienne civile. Enfin, elle a rejeté un amendement de M. Bernard Derosier supprimant le sixième alinéa du II de cet article.

La Commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 23

(art. 38 de la Constitution)


Habilitation à actualiser et adapter par ordonnance certaines dispositions
du code de l'aviation civile

L'article 23 habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance à l'actualisation et à l'adaptation du livre II du code de l'aviation civile pour ce qui concerne la sûreté des vols et la sécurité de l'exploitation des aérodromes. Selon la formule habituelle, l'article précise que cette ordonnance devra être prise dans un délai d'un an suivant la publication de la présente loi, le projet de loi ratifiant cette ordonnance devant être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication. C'est à l'initiative du Sénat qu'a été introduit ce délai relativement bref, qui remplace celui de six mois habituellement prévu et que la commission des lois a estimé non « justifié ».

L'objet de l'habilitation, précisément défini comme requis par la jurisprudence constitutionnelle, devrait se traduire par trois types de modifications dans cette partie du code de l'aviation civile relative aux aérodromes (police, conditions d'exploitation, régime des servitudes aéronautiques) :

-  la définition d'un régime de certification des exploitants d'aéroports en matière de sécurité, conformément aux obligations internationales ;

-  la délimitation des compétences respectives de l'État et de l'exploitant en matière de contrôle des passagers et des bagages ;

-  la redéfinition du régime des servitudes aéronautiques.

La Commission a rejeté deux amendements de suppression présentés par M. André Chassaigne et par M. Bernard Derosier, puis adopté l'article 23 sans modification.

Article 24

(art. L. 101-1, L. 601-1 à L. 601-3 nouveaux du code des ports maritimes)


Transfert des ports maritimes non autonomes de l'État

Le présent article porte sur le transfert des ports d'intérêt national dépendant de l'État aux collectivités territoriales, principalement aux régions. Ce transfert complète celui résultant de la loi n° 83-663 du 22 Juillet 1983 qui avait transféré aux communes 228 ports de plaisance et, aux départements, 304 ports de commerce et de pêche, soit, à l'époque, 3 à 4 % du trafic total des ports maritimes français. A contrario, cette nouvelle étape représente le transfert d'une part beaucoup plus conséquente du trafic portuaire maritime, de l'ordre de 50 % du trafic de marchandises diverses et plus de 80 % du trafic de passagers, aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi. Celui-ci précise par ailleurs que « les dispositions de cet article tirent les enseignements de la première vague de décentralisation de 1983, avec les incertitudes, voire les incohérences dans l'application effective des pouvoirs confiés aux collectivités territoriales. »

La construction de l'article 24 évoque largement celle de l'article 22. Ainsi, les paragraphes I à IV sont, à quelques détails près, largement similaires aux paragraphes I, II, III et VI de l'article 22 relatif au transfert d'aérodromes civils. Les suivants comportent des spécificités : ainsi, le paragraphe V concerne le cas particulier de la Corse. Tranchant avec la structure de l'article 22, les paragraphes VI et VII introduisent un titre préliminaire et un livre supplémentaire dans le code des ports maritimes. Les VIII et IX procèdent à des abrogations diverses, les X, XI et XII concernant des dispositions ponctuelles.

-  Le paragraphe I définit le périmètre, l'objet et les bénéficiaires du transfert, dont le calendrier est renvoyé au paragraphe suivant, contrairement à l'article 22.

Sont susceptibles de transfert les ports non autonomes de l'État, c'est-à-dire les ports d'intérêt national et les ports contigus aux ports militaires. Rappelons, en effet, que le code des ports maritimes distingue les ports autonomes, les ports non autonomes de commerce, les ports de pêche et les ports de plaisance :

-  les ports autonomes sont, aux termes de l'article L. 111-1 du code des ports maritimes, « des établissements publics de l'État, dotés de la personnalité civile et de l'autonomie financière, placés sous la tutelle du ministre chargé des ports maritimes et soumis au contrôle économique et financier de l'État. » Il s'agit en fait des ports maritimes de commerce importants ;

-  quant aux ports non autonomes de commerce et de pêche visés par le transfert, il s'agit des ports d'intérêt national et des ports maritimes contigus aux ports militaires dont la liste en est fixée à l'article L. 121-7 du code des ports maritimes : soit, en métropole, Calais, Boulogne-sur-Mer, Dieppe, Caen-Ouistreham, Cherbourg, Saint-Malo, Brest, Le Fret, Roscanvel, Concarneau, Lorient, La Rochelle, La Pallice et Chef de Baie, des Minimes, Bayonne, Port-la-Nouvelle, Sète, Toulon, Nice, Ajaccio, Bastia ; outre-mer, Fort-de-France (Martinique), Degrad-des-Cannes et Larivot (Guyane), Saint-Pierre-et-Miquelon (Saint-Pierre et Miquelon) et Port-Réunion (Réunion).

S'agissant de l'objet et des bénéficiaires de l'opération, le transfert porte sur la propriété, l'aménagement, l'entretien et la gestion et est ouvert « aux collectivités territoriales ». À l'issue de ces transferts, le paysage juridique des ports maritimes de commerce et de pêche sera le suivant :

-  les ports maritimes autonomes, relevant de l'État, définis au titre Ier du livre Ier du code des ports maritimes ;

-  les ports maritimes (commerce, pêche, plaisance) relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements ;

-  les ports maritimes de Saint-Pierre et Miquelon, relevant de l'État.

Tel est d'ailleurs ce qu'indique l'article unique - article L. 101-1 nouveau - qui forme le titre préliminaire inséré par le paragraphe VI dans le code précité, sous la rubrique « organisation portuaire ».

La référence générale aux « collectivités territoriales » dans le I de l'article 24 comme dans l'article L. 101-1 nouveau du code des ports maritimes peut laisser croire à un transfert à la demande, à la manière de ce qui est prévu pour les aéroports. En réalité, chaque type de port a vocation à être transféré à une catégorie de collectivités. Le I doit en effet être lu à la lumière du II.

-  À l'instar du II de l'article 22, le paragraphe II précise, en effet, la procédure de transfert. Elle est, dans son déroulement, identique à celle prévue pour les ports : demande d'une collectivité de se voir transférer la totalité ou une partie du port (individualisable, d'un seul tenant et sans enclave), notification aux autres collectivités, attribution selon trois scénarios (44)- , aucun scénario correspondant à une absence de demande (scénario n° 4) n'étant envisagé - et communication de toutes les informations disponibles par le préfet aux collectivités candidates. Le scénario n° 3 (absence d'accord en cas de pluralité de demandes) diffère toutefois de ce qui est prévu en matière d'aéroports, pour lesquels c'est la région qui, in fine, est reconnue comme bénéficiaire ; dans le cas des ports, c'est une attribution par type d'infrastructure qui est prévue : à la région les ports de commerce ou les parties de port affectées au commerce ; au département les ports de pêche ou affectés en partie à cette activité.

Ainsi, contrairement aux aéroports, une spécialisation est prévue pour chaque type de collectivité, ce que confirme d'ailleurs la lecture du VII, qui, outre un titre préliminaire, introduit dans le code des ports maritimes, un livre VI relatif aux « ports maritimes relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements », qui comporte un article L. 601-1 prévoyant que :

-  la région ou la collectivité territoriale de Corse est compétente pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et pour aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et de pêche transférés en application du présent projet de loi, pour la Corse, de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 comme l'a précisé le Sénat ;

-  le département est compétente pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes de pêche et pour aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et de pêche transférés en application du présent projet de loi et de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 précitée ;

-  les communes ou, le cas échéant, les communautés de communes, urbaines ou d'agglomération sont compétentes pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes de plaisance et pour aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et de pêche transférés en application du présent projet de loi. Le Sénat a précisé que, s'agissant des départements qui assurent d'ores et déjà l'exploitation d'un port de plaisance, ils demeurent compétents et qu'une commune ou une des communautés précitées peut transférer, par voie de convention, à un département qui le demande, la compétence pour créer un port maritime de plaisance.

-  Comme le III de l'article 22, le paragraphe III envisage les modalités ainsi que les effets et conséquences juridiques du transfert (45). Il est à noter qu'aucune clause de sauvegarde n'est prévue pour les emprises liées, notamment, à la défense nationale, les ports militaires permettant d'ores et déjà à l'État de remplir l'ensemble de ses missions en la matière.

-  De même, le IV de cet article reprend exactement le dispositif prévu au VI de l'article 22 s'agissant des délégations de service public (46).

-  En revanche, le paragraphe V du présent article traite d'une hypothèse qui n'avait pas été envisagée pour les aéroports : celle d'un département qui transférerait les ports maritimes placés sous sa compétence à la région ou, selon le cas, à la collectivité territoriale de Corse. Ce transfert « horizontal », qui s'effectuerait en cas d'accord des deux collectivités, est d'ores et déjà rendu possible par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité mais n'a pas reçu d'application concrète. Dans ce cas, la région ou, le cas échéant, la collectivité de Corse, succèderait au département dans ses droits et obligations. Cette substitution ne pourrait donc avoir pour effet de remettre en cause ou de porter atteinte aux droits des délégataires de missions de services publics en cours.

Les modalités de ce transfert devront être réglées par convention : sont notamment concernés la délimitation des emprises ainsi que le transfert et la mise à disposition des personnels auprès de la région. La convention prévoit également le versement à la région ou à la collectivité territoriale de Corse du concours particulier créé au sein de la dotation générale de décentralisation au titre des ports maritimes de commerce et de pêche en application de l'article L. 1614-8 du code général des collectivités territoriales. Il reviendrait en fait aux départements de reverser une partie du concours particulier qu'ils reçoivent au sein de la dgf au titre des investissements exécutés ou subventionnés réalisés par l'État dans les ports maritimes de commerce ou de pêche. Tel est en effet l'objet de l'article L. 1614-8 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 précitée.

-  La plupart des dispositions contenues dans les paragraphes VI et VII modifiant le code des ports maritimes ont été évoquées précédemment. Précisons, en complément, que l'article L. 601-1 nouveau créé au livre VI nouveau dudit code relatif aux ports maritimes des collectivités territoriales- thème jusqu'alors absent de la partie législative de ce code - prévoit, outre la spécialisation des collectivités territoriales en matière de ports maritimes, une disposition dérogatoire pour les installations portuaires de Port-Cros, dont l'aménagement, l'entretien et la gestion sont confiées à l'organisme chargé du parc national de Port-Cros. Il s'agit, en l'occurrence, de l'établissement public national mentionné dans le décret n° 63-1235 du 14 décembre 1963 créant le parc national de Port-Cros.

Le paragraphe VII de l'article 24 introduit en outre, dans ce livre VI nouveau du code des ports maritimes, un article 601-2 nouveau, autorisant l'État à conclure des contrats d'objectifs, portant notamment sur le financement d'infrastructures, la sûreté et la sécurité portuaires, avec la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales compétent.

-  Les VIII et IX de l'article 24 prévoient un certain nombre d'abrogations de dispositions n'ayant plus lieu d'être.

Il en est ainsi de l'article 6 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 précitée, redondant avec l'article L. 601-2 nouveau du code des ports maritimes en ce qu'il définit la compétence des départements et des communes en la matière et devenu sans objet avec le transfert des ports maritimes d'intérêt national et des ports maritimes contigus aux ports militaires

De même, le dernier alinéa de l'article 9 de cette même loi, qui subroge, dans le chef du département ou de la commune, l'ensemble des droits et obligations à l'égard des tiers, est supprimé.

Enfin, le paragraphe IX abroge l'article 104 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, qui prévoyait une expérimentation du transfert des ports d'intérêt national en faveur des régions qui le souhaitent, jusqu'au 1er janvier 2007. A cet égard, votre rapporteur s'étonne qu'un tel dispositif expérimental n'ait pas été ouvert par le projet de loi, comme pour les aérodromes. Sans doute la décentralisation portuaire a-t-elle déjà vingt ans, ce qui peut expliquer que l'expérimentation ouverte en 2002 n'ait pas été demandée à ce jour. Cependant, dans la mesure où le transfert est aujourd'hui inéluctable, il peut être intéressant de laisser cette possibilité ouverte aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

-  Le paragraphe X unifie le régime des transferts intervenus sur le fondement de la loi n° 83-8 de 1983 précitée avec celui des transferts prévus dans le présent article. Dans la mesure où seuls l'aménagement et l'exploitation, et non la propriété, des ports maritimes ont été transférés, les dépendances du domaine public portuaire concerné sont restées dans le giron de l'État. C'est à leur transfert, à titre gratuit, que permet de procéder le présent paragraphe, sous réserve que la collectivité d'ores et déjà compétente pour l'aménagement et l'exploitation le demande.

- Les paragraphes XI et XII ont été introduits par le Sénat lors du débat en première lecture.

Le XI, issu de deux amendements identiques des rapporteurs des commissions des lois et des affaires économiques du Sénat, attribue la pleine propriété des plans d'eau des ports d'Ajaccio et de Bastia à la collectivité territoriale de Corse, par cohérence et harmonisation avec le projet de loi qui organise le transfert sans restriction aux collectivités territoriales et à leurs groupements des ports non autonomes relevant de l'État.

Le XII, proposé par M. Jean-Jacques Hyest, vise à prendre en compte la situation particulière des ports des départements d'outre-mer, notamment de la Réunion. En effet, le port de la Réunion est constitué de quatre composantes différentes : le port de commerce, le port de pêche, le port de plaisance et le port militaire. L'auteur de l'amendement ayant estimé qu'il n'était « pas envisageable que quatre tutelles différentes s'exercent sur la gestion d'une seule et même entité sans heurts et avec une efficacité optimale » (47), propose de confier à un décret en Conseil d'État le soin de fixer la liste des ports des départements d'outre-mer exclus du transfert au titre du présent article.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, puis adopté un amendement de précision rédactionnelle présenté par le rapporteur (amendement n° 334). Elle a examiné un amendement présenté par M. Christian Estrosi, soumettant le transfert aux communes et à certains groupements de communes des ports maritimes dont l'activité principale est la plaisance, à l'avis des collectivités territoriales qui exerceront les compétences transférées à la date de la promulgation de la loi. Après que le rapporteur a estimé utile de prévoir une rédaction plus satisfaisante d'ici la réunion qui se tiendra en application de l'article 88 du Règlement, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur ouvrant la possibilité d'un transfert expérimental des ports (amendement n° 335).

Puis la Commission a adopté l'article 24 ainsi modifié.

Article 25

(article 38 de la Constitution)


Habilitation à actualiser et à adapter certaines dispositions
du code des ports maritimes par ordonnance

Le changement d'autorité concédante en matière portuaire oblige désormais l'État à clarifier un certain nombre de concepts et positions juridiques qui, jusque là, pouvaient être réglés au sein même de l'État, soit par voie réglementaire, soit par voie de circulaire (voies ferrées des ports, police portuaire, délégation de service public par le biais de concession d'installations portuaires,...). Le projet de loi prévoit donc que des ordonnances pourront clarifier ces questions.

Leur objet est très précisément défini par le présent article :

-  Il s'agit, en premier lieu, d'actualiser et d'adapter le livre III du code des ports maritimes relatif à la police des ports maritimes. Comme ce qui est prévu en matière aéroportuaire, l'enjeu est de délimiter les missions qui relèvent de l'État et celles qui dépendant des collectivités territoriales : comment s'exercent la sécurité et la sûreté du transport maritime ainsi que les opérations de police portuaire dans les ports dont l'activité dominante est le commerce ou qui accueillent des matières dangereuses ? Comment l'État exerce-t-il la police du plan d'eau portuaire ? Quelles sont les conditions d'accueil des navires en difficulté ? Par ailleurs, le transfert devra s'accompagner d'une définition des statuts des agents de l'État exerçant ces missions. Enfin, l'ordonnance donnera une définition des missions relevant des autres autorités portuaires, ainsi que des statuts des agents chargés de les exercer.

-  En deuxième lieu, les ordonnances visent à transposer en droit interne des dispositions communautaires applicables aux ports relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que des dispositions particulières applicables aux délégations de service public relatives à ces ports. Sont notamment concernés leur durée maximale et leur objet, qui pourra comprendre une ou plusieurs des activités portuaires, telles que le commerce, la pêche, la réparation navale ou les zones d'activités portuaires.

-  En troisième et dernier lieu, des mesures devront être prises pour actualiser les dispositions relatives aux voies ferrées portuaires, dont le régime est défini aux articles L. 411-1, L. 411-2, L. 421-1 et L. 441-1 du code des ports maritimes. Comme l'indique le rapport de la commission des lois du Sénat, « ces voies ferrées obéissent à un régime juridique particulier, dans la mesure où elles ne font pas partie du réseau ferré national géré par la SNCF. Le financement de ces voies obéit, en particulier, à des règles particulières, l'autorité portuaire participant au financement et à l'entretien des voies ferrées des quais. L'habilitation donnée au Gouvernement pourrait permettre l'amélioration de la législation actuelle, afin que soit notamment favorisé la desserte, par voies de chemin de fer, des ports maritimes, la desserte portuaire constituant un enjeu économique majeur. » (48)

Selon la formule habituelle, l'article 25 précise par ailleurs que cette ordonnance devra être prise dans un délai d'un an suivant la publication de la présente loi, le projet de loi ratifiant cette ordonnance devant être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication. C'est à l'initiative du Sénat qu'a été introduit ce délai relativement bref, qui remplace celui de six mois habituellement prévu et que la commission des lois a estimé, comme à l'article 23, « trop long ».

La Commission a rejeté deux amendements de suppression présentés par MM. André Chassaigne et Bernard Derosier.

Puis elle a adopté l'article 25 sans modification.

Article 26

(art. 1er, 1er-1 bis nouveau, 1er-4, 1er-5 et 35
du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure
et art. 5 et 7 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983)


Transfert des voies navigables fluviales et ports intérieurs

Le domaine public fluvial de l'État est une réalité ancienne puisque sa création remonte à l'édit de Moulins de février 1566. Tout au contraire, c'est très récemment qu'a été inscrit dans notre droit le domaine public fluvial des collectivités territoriales. En premier lieu, la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 a autorisé le transfert des voies navigables aux régions et des voies non navigables aux départements ainsi que des ports situés sur ces voies, sans toutefois prévoir de transfert du domaine. Cependant, il a fallu attendre la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels pour voir émerger dans notre droit la notion de domaine public fluvial des collectivités locales et de leurs groupements et introduite une procédure de transfert, aux collectivités territoriales, du domaine public fluvial de l'État. L'article 1er du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure évoque désormais parmi ses composantes « les cours d'eaux, canaux, lacs et plans d'eau appartenant au domaine public fluvial des collectivités territoriales et de leurs groupements ».

Ainsi, alors qu'en l'absence de transfert de domanialité, les collectivités territoriales ne pouvaient financer les travaux d'amélioration du domaine de l'État que par un transfert de gestion, quand bien même qu'un certain nombre d'entre elles souhaitaient développer la navigation touristique ou aménager certains ouvrages sur les cours d'eau, comme des ports de plaisance, elles auront désormais une marge de manœuvre importante dans l'aménagement fluvial. Sans compter que ce transfert met fin à l'imbrication des responsabilités qui pouvaient découler du régime précédent.

-  Le I du présent article vient compléter la définition du domaine public fluvial des collectivités territoriales en y faisant figurer la notion de « ports intérieurs », qui se substitue, dans l'ensemble du domaine public fluvial, au terme antérieur de « ports publics situés sur les voies navigables », mentionné au cinquième alinéa de ce même article.

Le projet de loi initial avait également introduit à la fin de cet article de définition du domaine public fluvial le principe de succession de la personne publique gestionnaire de ce domaine vers la collectivité ou le groupement bénéficiaire du transfert dans l'ensemble des droits et obligations à l'égard des tiers. Le Sénat a très justement estimé qu'une telle disposition n'avait nullement sa place dans un article de définition, la renvoyant à un paragraphe I bis nouveau.

-  Introduit par le Sénat, ce paragraphe I bis nouveau complète donc l'article 1-1 du même code, relatif aux modalités de constitution du domaine public fluvial des collectivités territoriales et régissant, notamment, à ce titre la procédure de transfert.

La loi n° 2003-699 précitée, qui a introduit cet article 1-1, subordonne la constitution de la nouvelle composante du domaine public fluvial formée par les cours d'eaux, canaux et plans d'eaux des collectivités territoriales à une procédure d'acquisition amiable, d'expropriation ou de transfert de propriété de l'État ou d'une autre personne publique. Ce dernier repose sur le principe du volontariat, avec priorité reconnue à la région, même si, compte tenu de la diversité des cours d'eau domaniaux et de leur longueur, il est proposé de laisser le libre choix à l'ensemble des collectivités territoriales pour demander à bénéficier de ce transfert.

Outre qu'y est repris l'alinéa supprimé au paragraphe précédent, une disposition similaire à celle qui a été introduite pour les transferts de voirie, d'aérodromes et de ports est insérée dans ce I bis, faisant obligation au représentant de l'État dans le département de communiquer aux collectivités qui le demandent toutes les informations dont il dispose sur le domaine public fluvial susceptible d'être transféré.

-  L'absence de mention, dans la procédure de transfert, des ports intérieurs, notion pourtant introduite dans la définition générale du domaine public fluvial des collectivités territoriales par le présent projet de loi, peut paraître étonnante. En fait, leurs création, aménagement et exploitation sont régis par un article spécifique, inséré par le paragraphe IV (article 1er-5), qui renvoie aux dispositions des articles 1-1 à 1-3 du même code. Sont toutefois exclus de ce champ des ports d'intérêt national inscrits sur une liste fixée par décret en Conseil d'État : il s'agit des ports dont l'importance économique ou le rôle en terme d'aménagement du territoire justifient qu'ils restent dans le giron de l'État. Le rapport de la commission des lois du Sénat mentionne à ce titre les ports autonomes de Paris et de Strasbourg, ainsi que certains ports situés dans le périmètre de la concession donnée à la Compagnie nationale du Rhône.

Par ailleurs, le projet de loi subordonne la création d'un port intérieur par une collectivité à l'accord du propriétaire de la voie ou du plan d'eau concernés, disposition logique au regard de la contiguïté et de l'interdépendance des deux domaines concernés.

-  Si les collectivités bénéficiant du transfert des cours d'eaux et canaux sur le fondement de la loi n° 2003-699 précitée s'en voient reconnaître la pleine et entière propriété, il en va différemment pour les collectivités « pionnières », qui ont bénéficié du transfert tronqué de 1983. Trois régions, la Bretagne, les Pays de Loire et la Picardie avaient, en effet, accepté un transfert de compétences selon ce dispositif. Le paragraphe II propose, dans la logique du projet de loi, de leur transférer la pleine propriété du domaine public fluvial à l'issue d'une expérimentation de trois ans. Ce délai est inférieur à celui prévu pour les collectivités bénéficiant du dispositif d'expérimentation prévu en 2003, qui est de six ans. Au terme de ce délai, les collectivités concernées peuvent soit en devenir également propriétaires, soit y renoncer.

Il peut paraître étonnant de prévoir un dispositif d'expérimentation pour des collectivités qui, depuis vingt ans, sont compétentes en matière d'aménagement et d'exploitation. En fait, c'est le Sénat qui n'a pas souhaité un transfert de propriété automatique, comme le proposait le projet de loi initial, au motif qu'« il est en effet injuste de refuser à ces trois régions la liberté de choisir qui est reconnue aux autres, d'autant que recevoir la propriété d'un domaine comporte des enjeux autrement plus lourds que d'en assurer la simple gestion. » D'où la proposition de nos collègues sénateurs de rattacher le transfert de propriété, pour les trois régions en cause, au dispositif d'expérimentation. Le raisonnement du Sénat est juste : il n'est pas souhaitable d'imposer le transfert de propriété à ces collectivités. Cependant, le rattachement au régime de l'expérimentation n'est pas satisfaisant : pourquoi ne pas plutôt prévoir un transfert de propriété automatique aux trois régions concernées, au 1er janvier 2006, sauf décision contraire de leur part prise, au plus tard, au 30 juin 2005 ?

Ce même paragraphe confère également aux régions ayant obtenu le transfert des cours d'eaux et canaux la possibilité de déléguer, par convention, tout ou partie de leurs compétences à des collectivités territoriales qui en feraient la demande. Cette disposition a été introduite au Sénat par un amendement de M. Gérard Longuet.

Enfin, comme dans le reste du projet de loi, il est précisé que les transferts sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe ou honoraire.

-  Les paragraphes III, V et VI prévoient des mesures de coordination.

Le III prend en compte la création du domaine public fluvial des collectivités territoriales au regard des pouvoirs de police de l'État en matière de navigation et d'utilisation de l'énergie hydraulique. La formulation employée jusqu'alors de « réglementation générale » était adaptée à l'époque où l'État, seul propriétaire, prenait des règlements applicables à l'ensemble des voies ; désormais, les collectivités territoriales pourront prendre des réglementations particulières, dont la coordination avec la réglementation générale de l'État pourrait susciter des contentieux. Le terme de « police » prévient tout conflit de ce type.

Le V étend le paiement de la redevance redevable en cas de prise d'eau sur les cours d'eaux et canaux aux prises d'eau sur les ports intérieurs.

Enfin, le VI abroge des dispositions devenues sans objet de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 : sont concernées le transfert de gestion des canaux, cours d'eau, lacs, plans domaniaux et ports fluviaux et une disposition redondante avec l'article 1-4 du code du domaine public fluvial sur les pouvoirs de police de la navigation reconnus à l'État.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, avant d'adopter un amendement du rapporteur rendant automatique le transfert de propriété aux collectivités territoriales des cours d'eaux et autres infrastructures visées par cet article sauf refus explicite de ces collectivités (amendement n° 336).

La Commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.

Article 27

(art. 18-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs)


Compétences du départementen matière d'infrastructures de transports ferrés ou guidés non urbains

Certains départements envisagent actuellement d'entreprendre la construction et la gestion d'infrastructures de transports ferrés ou guidés de voyageurs. Or, aucun texte ne leur reconnaissant une compétence pour la création et l'exploitation d'une ligne ferroviaire ou d'un tramway, le Conseil d'État a estimé, dans un avis du 25 mars 2003, qu'il était interdit aux départements d'exploiter ou de créer un réseau ferroviaire.

L'article 27, modifié très marginalement par le Sénat, propose donc de reconnaître la compétence des départements pour la création et l'exploitation d'infrastructures de transports ferrés ou guidés non urbains, sans qu'elle ait pour objet ou pour effet d'empiéter, d'une part, sur les missions de l'établissement public « Réseau ferré de France », et d'autre part, sur les attributions des autorités compétentes pour l'organisation des transports urbains à l'intérieur des périmètres de transports urbains (ptu), afin d'éviter une concurrence stérile avec des réseaux ferrés ou routiers urbains. Un triple garde-fou est donc posé par cet article 18-1 inséré dans la loti : les infrastructures visées sont non urbaines ; elles ne concernent que le transport de personnes et sont d'intérêt local.

Il convient de préciser qu'à l'intérieur des ptu, les dessertes locales des voies ferrées établies par le département seront créées ou modifiées en accord avec l'autorité organisatrice des transports urbains.

En raison de leur régime spécifique en matière de transports de personnes, ni les départements d'outre-mer (49), ni les départements de la région Île-de-France (50) ne sont concernés par ces dispositions.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, puis adopté l'article 27 sans modification.

Article 28

(art. L. 112-8 et L. 112-9 du code rural)


Transfert à la région de la propriété des biens de l'État concédés aux sociétés d'aménagement régional

L'article 28 procède au transfert des biens de l'État concédés aux sociétés d'aménagement régional, au profit de la région.

Créées en application de la loi n° 51-592 du 24 mai 1951 relative aux comptes spéciaux du Trésor, dont les dispositions ont été reprises aux articles L. 112-8 et L. 112-9 du nouveau code rural, les sociétés d'aménagement régional (sar) ont pour objet la mise en valeur des régions via l'étude, l'exécution et l'exploitation d'ouvrages intéressant plusieurs départements ministériels et bénéficiant de plusieurs sources de financement. Sociétés d'économie mixte, au capital desquelles l'État ne participe pas directement, elles associent ainsi essentiellement des collectivités territoriales - en vertu de l'article L. 112-9 du code rural, les départements et régions peuvent être associés, à leur demande, à la définition des missions de ces sociétés -, des institutions consulaires et des organismes bancaires.

Trois sociétés ont été créées sur ce fondement, principalement en vue de conduire une politique de grands travaux d'aménagement du territoire - essentiellement hydrauliques - dans les régions du Sud de la France. Il s'agit de la Société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale (scp) en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, de la Compagnie nationale d'aménagement de la région Bas-Rhône et du Languedoc (brl) en Languedoc Roussillon, et de la Compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne (cacg), en région Midi-Pyrénées essentiellement, et en Aquitaine. Leur mission, menée à bien sur la base d'une concession octroyée par l'État, s'appuie sur la mise en œuvre d'un équipement hydraulique d'envergure (retenues, canaux, réseaux d'irrigation...), dont la construction est aujourd'hui achevée. C'est pourquoi les activités des sar se sont diversifiées au fil du temps, conformément aux objectifs fixés par l'État dans ses lettres de mission, dont la dernière date du 6 novembre 1995.

Les programmes de grands ouvrages d'infrastructure étant aujourd'hui achevés, il est proposé de transférer aux régions la propriété des ouvrages de l'État concédés aux sar, « disposition propre à mieux impliquer et à responsabiliser les acteurs locaux dans la gestion de ce patrimoine important pour l'économie de leur région » aux termes même de l'exposé des motifs du projet de loi.

Selon une rédaction désormais usuelle, le paragraphe I définit les modalités et les effets de ce transfert, effectué à la demande de l'assemblée délibérante de la région sur le territoire de laquelle sont situés les biens de la société. Est prévu un mécanisme de subrogation semblable à ceux qui existent pour les voiries et tous les grands équipements mentionnés aux articles précédents, de même que la disposition classique se référant à la neutralité financière de l'opération de transfert. De même, l'article 28 renvoie à une concession ou, à défaut, à un arrêté du ministre chargé de l'agriculture pour définir les modalités du transfert. Le Sénat a, par parallélisme, prévu que le représentant de l'État dans la région communiquerait à celle-ci toutes les informations lui permettant de bénéficier du transfert des biens en connaissance de cause. Enfin, il est prévu que les concessions en cours à la date du transfert se poursuivent sans changement jusqu'à leur échéance, sauf décision contraire des deux cocontractants.

Par coordination avec le transfert de propriété, le paragraphe II autorise le conseil régional à concéder, par délibération, l'étude, l'exécution et l'exploitation des ouvrages nécessitant des sources de financements plurielles et impliquant plusieurs départements ministériels « à un établissement public doté de l'autonomie financière, à une société d'économie mixte ou à toute autre forme d'organisme groupant l'ensemble des personnes publiques et privées intéressées, à condition que la majorité des capitaux appartienne à des personnes publiques ». Qui plus est, cette faculté qui était subordonnée, avant le transfert, à un décret en conseil des ministres, est désormais conditionnée par la prise d'un décret en Conseil d'État lorsque la région n'a pas souhaité bénéficier du transfert des biens de la sar.

Le paragraphe III prévoit enfin l'abrogation de la disposition du code rural qui permettait, comme il a été mentionné ci-dessus, aux départements et régions d'être associés à la définition des missions des sar. Notons que cette abrogation, qui a pour conséquence, quelque peu paradoxale, d'écarter totalement les régions du fonctionnement des sar si elles se refusaient à considérer le transfert ouvert au présent article, constitue une incitation forte pour qu'elles l'acceptent.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, ainsi que deux amendements présentés par M. Pierre Morel-A-L'Huissier tenant compte du fait que les sociétés d'aménagement régional ont, au-delà de leur mission définie dans le cadre de la concession hydraulique, un rôle de développement rural défini dans une lettre de mission. La Commission a également rejeté un amendement du même auteur maintenant les droits d'eau accordés aux sociétés dont les concessions font l'objet d'un transfert.

La Commission a adopté l'article 28 sans modification.

Chapitre III

Les transports dans la région Île-de-France

La nécessité d'instaurer une autorité organisatrice des transports en région parisienne apparaît dès les années 1930, avec la création du comité des transports parisiens : cet organisme, dont la fondation avait été réclamée dès 1935 par Raoul Dautry sur le modèle du London Passenger Transport Board, vit le jour avec le décret-loi du 12 novembre 1938, à un moment de crise de l'offre de transports en commun et de montée en puissance de l'automobile. Cependant, c'est dans le décret du 14 novembre 1949 fixant l'organisation des transports de voyageurs et l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 qu'il faut rechercher les origines directes de l'actuel syndicat des transports d'Île-de-France (stif). Celle-ci crée, en effet, un syndicat des transports parisiens (stp), établissement public administratif associant l'État, la Ville de Paris, les départements de la Seine, de la Seine et Oise et de la Seine et Marne, chargé de l'organisation et la coordination technique et tarifaire des transports en commun de voyageurs dans la région dite des transports parisiens. L'arrivée de Paul Delouvrier à la tête du stp, en 1968, correspond à une profonde réorganisation du syndicat, regroupant désormais, outre l'État, l'ensemble des départements de la région parisienne - ville de Paris, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis, Val de Marne, Val d'Oise et Yvelines - au sein d'un organisme qui acquiert l'autonomie financière.

La spécificité de l'organisation francilienne en matière de transports perdure malgré les évolutions de la décentralisation et de l'organisation des transports : la création de la région Île-de-France comme l'adoption de la loti en 1982, qui organise notamment les services de transports en commun en France, ne remettent pas en question une organisation toujours fixée par le décret de 1949 et l'ordonnance de 1959. Il faut attendre l'intervention de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 sur la solidarité et le renouvellement urbains, pour voir la Région Île-de-France, « attendue depuis vingt ans » (51), entrer dans l'établissement public, qui acquiert alors son actuelle dénomination.

Pour importante qu'elle soit, l'entrée de la région au conseil d'administration du syndicat des transports d'Île-de-France (stif) n'a, toutefois, nullement remis en cause la prééminence de l'État dans cet organe qui reste présidé par le préfet de région, préfet de Paris, dont la voix est prépondérante, et soumis à un contrôle économique financier spécifique. Le moment est venu d'accomplir l'étape décisive qui rapprochera l'organisation des transports en Île-de-France des principes et modalités issus de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 confiant à une autorité décentralisée compétente la pleine responsabilité de l'organisation et du fonctionnement des réseaux de transport. Tel est l'objet des articles qui composent le présent chapitre.

Article 29 A (nouveau)

(art. L. 4413-3 du code général des collectivités territoriales)


Rôle de la région Île-de-France en matière de transports et déplacements

Cet article, issu d'un amendement proposé en séance publique au Sénat, le 5 novembre dernier, par M. Roger Karoutchi, a pour objet de tirer les conséquences de la décentralisation des transports publics en Île-de-France, en articulant le rôle désormais prééminent de la région au sein du stif, d'une part avec ceux qu'elle est appelée à jouer en matière de transport et, d'autre part avec les compétences spécifiques de l'État dans la région capitale. La normalisation du rôle de la région dans ces domaines nécessite effectivement de redéfinir exactement les rôles de chacun et de préciser l'articulation entre plusieurs dispositions législatives.

De fait, celles-ci sont multiples :

-  en premier lieu, l'actuel article L. 4413-3 du code général des collectivités territoriales confère à la région un rôle de définition et de mise en œuvre de la politique régionale de circulation et de transport de voyageurs ;

-  en deuxième lieu, en vertu de l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme, la région Île-de-France est chargée d'élaborer, en association avec l'État, un schéma directeur régional, ayant « pour objectif de maîtriser la croissance urbaine et démographique et l'utilisation de l'espace ». Plus précisément, « il précise les moyens à mettre en œuvre pour (...) coordonner l'offre de déplacement » ;

-  en troisième lieu, l'article 14-1 de la loti, d'ailleurs modifié par l'article 12 du présent projet, confie à la région le soin d'élaborer un schéma régional des transports, qui s'appellerait désormais schéma régional des infrastructures et des transports ;

-  enfin, en vertu de l'article 28-3 de cette même loi, le plan de déplacements urbains normalement confié à l'autorité organisatrice des transports dans le périmètre où il est situé est élaboré, dans la région Île-de-France, par l'État. Cependant, l'article 31 du présent projet de loi transfère cette compétence au STIF.

Le nouvel article introduit par le Sénat procède donc à une nouvelle rédaction de l'article 4413-3 du code précité, en en faisant l'article de synthèse des dispositions diverses qui viennent d'être présentées :

-  la région est désormais responsable de la définition de la politique régionale des déplacements, qui s'inscrit dans le cadre, d'une part, du schéma directeur régional prévu par l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme et, d'autre part, du plan de déplacements urbains précité ;

-  l'outil de cette politique est le schéma régional des transports, dont la dénomination doit d'ailleurs être modifiée par coordination avec l'article 12 A du projet de loi, qui le dénomme désormais schéma régional des infrastructures et des transports. Ce schéma serait arrêté par la région d'Île-de-France, en association avec le stif.

Par ailleurs, l'article 29 A nouveau vise à permettre à la région d'intervenir dans le financement des aménagements de sécurité sur les autoroutes non concédées et les routes d'Île-de-France. Le texte initial de l'amendement visait l'ensemble des autoroutes mais, à la suite de l'intervention en ce sens de M. Michel Charasse, le champ a été limité au secteur non concédé. Comme l'a expliqué M. Roger Karoutchi, cette disposition ne fait qu'inscrire dans la loi une pratique d'ores et déjà existante : « dans la mesure où la région intervient déjà, à la demande des collectivités locales, en matière de financement des aménagements de sécurité routière sur l'ensemble du territoire de Île-de-France, cet amendement va en réalité conforter une pratique qui existe d'ores et déjà dans notre région. »

S'il a reçu l'avis favorable du Gouvernement, l'amendement introduisant cet article a cependant suscité une certaine perplexité dans les rangs sénatoriaux, notamment exprimée par le rapporteur de la commission des lois. M. Jean-Pierre Schosteck s'est ainsi demandé si « cet amendement ne risqu[ait]e pas de poser certaines difficultés dans la mesure où il n'est fait référence au stif qu'au sujet de l'élaboration du schéma régional des transports, alors que le syndicat disposera, après l'adoption de ce projet de loi, de compétences d'organisation pour l'ensemble des transports de personnes. En réalité, ce que l'on n'a pas bien perçu, c'est l'articulation entre les déplacements et les transports. Dans ces conditions, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat. »

Votre rapporteur ne perçoit pas d'incohérence dans le texte proposé : il n'existe pas de concurrence entre la région et le stif, ce dernier étant au contraire le moyen idoine d'associer les départements composant la région Île-de-France à la politique régionale de transports. Sans cette référence, les départements seraient exclus du processus, alors qu'ils sont associés, en l'état actuel du droit, à la définition de la politique régionale de circulation et de transport de voyageurs, au travers des avis qu'ils donnent à la région en vertu de l'article 4413-3 du code précité. Qui plus est, il n'existe pas d'identité entre la politique de déplacement et la politique des transports, cette dernière étant plutôt un sous-ensemble de la précédente dans la mesure où elle n'intègre pas les dimensions urbanistique et prospective constitutives d'une politique globale des déplacements.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne. Elle a adopté l'amendement de coordination avec l'article 12 A présenté par le rapporteur (amendement n° 337).

Puis la Commission a adopté l'article 29 A ainsi modifié.

Article 29

(art. 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959)


Organisation et compétences du syndicat des transports d'Île-de-France

La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi sru, a engagé une réforme du stif dont la logique doit être confortée. Notamment, la régionalisation expérimentée dans le cadre de cette loi a permis des progrès en matière de transport, se traduisant, en particulier, par des ouvertures de lignes et de gares.

Restait à aller au bout du processus : tel est l'objectif poursuivi par le présent article, qui réécrit l'article 1er de l'ordonnance de 1959. Il conforte l'essentiel des acquis du système de régulation des transports de voyageurs à l'œuvre depuis plus de quarante ans (coordination multimodale, regroupement des ressources dédiées à l'exploitation des réseaux, contractualisation avec les entreprises, intégration tarifaire), en procédant à la transformation du stif pour en faire un véritable établissement public territorial, regroupant, à l'exclusion de l'État, l'ensemble des collectivités précitées, et présidé par le président du conseil régional. De fait, la région d'Île-de-France est la collectivité « naturelle » de rattachement de l'établissement public, compte tenu de l'importance des financements qu'elle consacre aux investissements de transports collectifs. Sont ainsi sauvegardés les principaux acquis du stif, sans que, pour autant, la présence de différents niveaux de collectivités dans cet organe n'en rende la gestion trop lourde.

C'est ainsi que le paragraphe I de l'article 1er de l'ordonnance précitée supprime la référence à l'État dans la liste des membres composant le stif et modifie le statut du stif, tout en précisant que le stif, établissement public, se substitue au stif, syndicat doté de la personnalité morale, à compter du 1er janvier 2005 au plus tard. Le principe de continuité administrative est garantie par les mécanismes classiques de transfert : subrogation dans les droits et obligations à l'égard des tiers, ainsi que dans les délibérations et actes du syndicat, gratuité du transfert et absence de tout échange financier entre les deux organes.

Un certain nombre des missions de l'établissement public, présentées dans le paragraphe II, ne sont pas modifiées par rapport au droit existant : fixation des relations à desservir, désignation des exploitants, définition du mode technique d'exécution des services, des conditions générales d'exploitation et de la politique tarifaire. D'autres sont ajoutées par le projet de loi : définition des conditions de financement des services, veille sur la cohérence des programmes d'investissement. Des missions à destination de publics spécifiques lui sont par ailleurs assignées : transport des personnes à mobilité réduite, services de transports à la demande - ce qui vise notamment les scolaires et personnes dépendantes ou handicapées - et, dans une logique de rapprochement de la situation existant sur le reste du territoire depuis 1984, responsabilité de l'organisation et du fonctionnement des transports scolaires, assortie de la consultation, au moins une fois par an, du conseil interacadémique d'Île-de-France. C'est là une avancée qu'il faut souligner : sur ce point aussi, l'Île-de-France bénéficie d'une décentralisation accrue, même si sa spécificité justifie que ce soit la région, et non les départements comme partout en France, qui exerce la compétence des transports scolaires. Il convient, de toute façon, de rappeler que les départements sont membres du syndicat,

En outre, le stif se voit attribuer la compétence de l'organisation du transport public fluvial régulier de personnes, mode de transport qui n'était jusqu'alors reconnu par aucun texte. Enfin, ses compétences seront étendues à la maîtrise d'ouvrage en matière de réalisation d'infrastructures de transport, dans la limite des attributions reconnues à Réseau ferré de France et à la ratp. À ce jour, si le syndicat ne dispose pas au sens strict de capacité de maîtrise d'ouvrage, celle-ci étant assurée par la ratp, Réseau ferré de France - ou par les collectivités territoriales ou par État pour les aménagements de voirie liés à la réalisation de système de transport -, le syndicat veille toutefois à la cohérence des plans d'investissement concernant les services de transports publics de voyageurs et approuve les schémas de principe et avant-projets d'infrastructures nouvelles qui ont été pour l'essentiel contractualisées entre l'État et la Région dans le contrat de plan État-Région.

En vertu de ce même paragraphe II de l'article 29, l'affirmation d'une collectivité majoritaire est combinée avec la possibilité, pour l'autorité organisatrice unique, de pouvoir consentir à des collectivités de niveau infrarégional (départements, agglomérations) de très larges délégations, notamment pour l'organisation de réseaux de proximité : ce procédé ne doit concerner que des périmètres ou des services définis par convention. Quant aux transports scolaires, aux services à la demande, au transport des personnes à mobilité réduite et aux transports fluviaux, il revient au stif de les donner en régie à une personne publique ou, via une convention, d'en confier la gestion à une entreprise ou une association.

Le paragraphe III, prévoyant une clé de répartition du financement des charges liées à l'exploitation des services de transport entre les membres du syndicat, ne fait que reprendre une disposition existante. Celle-ci est toutefois assortie de deux précisions : l'une visant à rappeler le caractère de dépenses obligatoires de ces contributions, l'autre précisant que la majorité des deux tiers des membres du syndicat est requise pour modifier cette répartition. Ce même paragraphe met en outre à la charge du syndicat les frais de transport individuel des élèves et des étudiants handicapés vers les établissements scolaires et universitaires.

C'est dans le paragraphe IV que sont définies les modalités de fonctionnement du stif, et notamment les règles de majorité. Celles-ci sont, effet, bouleversées par la fin de la composition paritaire du syndicat qu'entraîne le départ de l'État et de l'abrogation de la règle de prépondérance reconnu au président d'alors, à savoir le préfet. Dans le nouveau schéma, il reviendra à un conseil, composé de représentants des collectivités territoriales qui en sont membres, d'administrer le syndicat, la région d'Île-de-France disposant de la majorité des sièges. Fallait-il prévoir la présence des collectivités délégataires ? Cette « fausse bonne idée » n'a pas été retenue : la participation des autorités organisatrices de second rang aurait, en effet, des conséquences ennuyeuses, en les contraignant à contribuer au financement du stif, chaque membre devant apporter une contribution financière, et rendrait difficile le fonctionnement du conseil d'administration du stif. Quant au président du syndicat, il est élu parmi les représentants du conseil régional d'Île-de-France.

Si le paragraphe VII renvoie à un décret en Conseil d'État pour fixer les statuts de cet établissement public, la loi requiert toutefois une majorité qualifiée des deux tiers pour les principales décisions que sont les délégations d'attributions relevant du syndicat et les modifications de répartition des contributions des membres du syndicat. La logique du système et la composition du conseil d'administration réclament à l'évidence une telle majorité qualifiée des deux tiers, afin qu'aucune collectivité ne domine les autres sur des questions aussi importantes.

Quant à l'État, il reste présent, en amont et en aval des actes et décisions du syndicat : d'une part, le représentant de l'État dans la région d'Île-de-France est entendu à sa demande par le conseil d'administration du syndicat ; d'autre part, plus classiquement, le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire des actes du syndicat sont exercés par le représentant de l'État dans la région d'Île-de-France.

Enfin, les paragraphes V et VI, relatifs aux règles de fonctionnement comptables et financières du syndicat, soumettent ce dernier à la première partie du livre II du code des juridictions financières et précisent que le comptable du syndicat est un comptable public nommé par le ministre chargé du budget.

Aucune de ces dispositions n'a fait l'objet de modifications substantielles au Sénat. De même, la Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne. Elle a examiné un amendement présenté par Mme Valérie Pecresse transférant l'ensemble des charges résultant de l'exploitation des services de transports à la région d'Île-de-France. Après que le rapporteur a rappelé que les décisions en matière de financement doivent être prises à la majorité qualifiée, ce qui garantit une marge de manœuvre importante de l'ensemble des collectivités publiques concernées et que M. René Dosière a émis des doutes sur la recevabilité financière du transfert proposé, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a adopté l'article 29 sans modification.

Article 30

(art. 1-1 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959)


Ressources du syndicat des transports d'Île-de-France
et de la régie autonome des transports parisiens

L'article 30 tire les conséquences financières du retrait de l'État dans le fonctionnement du syndicat des transports d'Île-de-France. Comme l'a rappelé M. Jean-Pierre Fourcade lors du débat en séance publique au Sénat le 5 novembre dernier, il « doit permettre de mettre fin à la vieille querelle qui veut que les habitants de la région Île-de-France soient favorisés parce que État finance en grande partie leurs transports. (...) nous entrons ainsi dans un système normal de financement des transports en commun de la région Île-de-France. » (52)

Jusqu'alors, en effet, les ressources du syndicat dépendaient pour une part non négligeable du versement de l'État (15,81 % dans le budget pour 2003).


RECETTES DU STIF DANS LE BUDGET PRÉVISIONNEL INITIAL POUR 2003

RECETTES

(en millions d'euros)

Versement transport

2436,6

État

584,68

Région

211,68

Départements

341,43

Subventions spécifiques État et Région (Imagine'R, politique de la ville...)

35,10

Produits des amendes

86,00

Divers

3,91

Total

3699,70

Le tableau ci-dessus indique clairement que l'État est, à ce jour, la personne morale qui contribue, de loin, le plus largement aux ressources du stif. L'article 30 vise, par conséquent, à permettre au stif de bénéficier de nouvelles catégories de ressources, afin de compenser la perte du concours financier que État apporte actuellement au syndicat en sa qualité de membre.

Les six sources de financement actuelles sont évidemment conservées. Il s'agit :

-  des concours financiers des collectivités territoriales membres du syndicat ;

-  du produit du versement destiné aux transports en commun perçu à l'intérieur de la région d'Île-de-France sur le fondement des articles L. 2531-2 et suivants du code général des collectivités territoriales. Cette contribution est due par les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique, à but non lucratif, dont l'activité est de caractère social, lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés. Elle est affectée, en priorité, aux dépenses d'investissement et de fonctionnement des transports de personnes, mais peut également contribuer à financer des mesures tarifaires ou des dépenses d'exploitation d'ouvrages et d'équipements affectés au transport. Le présent article 30 ajoute d'ailleurs à cette liste le financement des opérations visant à favoriser l'usage combiné des transports en commun et de la bicyclette. L'assiette du versement de transport est constituée par le montant des salaires payés. Le taux du versement exprimé en pourcentage des salaires est fixé, au plus, à 2,6 % à Paris et dans le département des Hauts-de-Seine, à 1,7 % dans les départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et 1,4 % dans les départements de l'Essonne, des Yvelines, du Val-d'Oise et de la Seine-et-Marne. Jusqu'alors fixé par décret, ce taux sera désormais déterminé par le syndicat en vertu du présent article, qui n'en modifie pas les plafonds ;

-  de la part du produit des amendes de police relatives à la circulation routière ;

-  de toutes autres contributions, subventions ou avances qui lui sont apportées par l'État et par les collectivités publiques ou par tout organisme public ou privé notamment pour la mise en oeuvre de politiques d'aide à l'usage des transports collectifs au bénéfice de certaines catégories particulières d'usagers ;

-  des produits de son domaine ;

-  et des redevances pour services rendus et produits divers.

En plus de ces six sources de financement existantes, le texte prévoit trois ressources nouvelles :  le produit d'emprunts ;  les versements au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ;  et une dotation forfaitaire.

Cette dernière correspondait, dans le projet de loi initial, à ce qu'avait dépensé l'État, l'année précédant la transformation du syndicat, au titre du transport scolaire, des bourses de fréquentation scolaire, du financement des frais de premier établissement des services de transports réservés aux élèves, des frais de transports des élèves des écoles maternelles en zone rurale, du transport des élèves et étudiants gravement handicapés et des tarifications spécifiques consenties aux élèves et aux étudiants
. Sur proposition de M. Roger Karoutchi, le Sénat a souhaité fonder cette dotation sur la moyenne des dépenses actualisées exposées par l'État sur une période de trois ans. Il a considéré, en effet, que cette règle de trois ans valant, en vertu de l'article 88, pour l'ensemble des transferts, il était logique qu'elle fût appliquée pour ce transfert spécifique, étant « en quelque sorte une règle d'intégration dans le régime général des transferts de compétences pour l'ensemble des collectivités » (53). Le Gouvernement, rappelant sa position de principe selon laquelle il accepterait, pour la compensation, le système de référence que le Parlement choisirait, s'est rangé à la proposition sénatoriale.

Le débat sur la question des trois ans rejoint celui sur l'évolution des ressources du syndicat à la suite du transfert dont il est bénéficiaire. En la matière, le présent article prévoyait, dans sa rédaction initiale, d'assortir le transfert du versement annuel aux collectivités intéressées, en contrepartie des charges nouvelles en résultant, d'une compensation forfaitaire indexée, dont le montant serait fixé par décret en Conseil d'État. Cette disposition a suscité de fortes réticences, notamment de la part d'élus Île-de-France. M. Jean-Pierre Fourcade s'est ainsi ému de « voir figurer dans ce texte des résidus des mécanismes de compensation traditionnels laissant au Conseil État le soin de fixer les modalités de la compensation » : « Je crains que le rédacteur de cet article n'ait oublié que nous avons voté une révision constitutionnelle et que le Gouvernement a approuvé une proposition de loi organique, sans parler de l'article 88 de ce texte (...) Nous avons fait un gros effort et lors de la réforme constitutionnelle et dans le texte lui-même pour que la compensation réponde à des règles législatives fixées chaque année par la loi de finances. » (54) Le même discours a été tenu par M. Roger Karoutchi, qui a proposé au Sénat, qui l'a accepté, de renvoyer les conditions d'indexation aux règles prévues aux articles L. 1614-1 à L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales. Il s'agit de permettre un ajustement automatique de cette dotation en cas de modification des règles de droit, c'est-à-dire de faire bénéficier le stif des garanties de l'article 88.

Enfin, l'article 30 contient une disposition importante, relative au versement, par l'État, à la ratp d'un concours financier, à raison des charges de retraite qu'elle supporte. Ce sont, en effet, 674 millions d'euros qui sont versés chaque année par la régie au titre des prestations vieillesse de ses 38 500 ayant droits, dont 414 millions d'euros proviennent de la contribution du syndicat à la régie et correspondent au besoin de financement de la régie en la matière. En effet, le financement de ces prestations ne peut s'effectuer grâce aux seules cotisations salariales et patronales. Le retrait de l'État du stif, alors même qu'il contribuait pour la moitié au financement du déficit de ce régime, imposait de substituer à ce mécanisme un concours financier spécifique qui s'ajouterait aux ressources dont dispose d'ores et déjà la ratp en vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 précitée.

L'article 30 contient une dernière disposition d'abrogation de l'article 4413-3 du code général des collectivités territoriales. Ce dernier ayant été adopté dans une nouvelle rédaction à l'article 29 A, il convient de supprimer cette disposition. Après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, la Commission a donc adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 338).

La Commission a adopté l'article 30 ainsi modifié.

Article 31

(art. 28-3 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982)


Plan de déplacements urbains
et plans locaux de déplacement dans la région Île-de-France

Le paragraphe I de l'article 31 tire également les conséquences des nouvelles règles de fonctionnement du stif, en confiant à ce dernier la charge d'élaborer et de réviser le plan de déplacements urbains. Celle-ci est actuellement exercée par l'État, le syndicat n'étant qu'associé à l'élaboration de ce plan. Par inversion avec le dispositif actuel, ce sont maintenant les services de l'État qui y seront associés.

Le plan de déplacements urbains : principes et objectifs
(articles 28 et 28-1 de la loti)

Le plan de déplacements urbains définit les principes de l'organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement, dans le périmètre de transports urbains. Il doit être compatible avec les orientations des schémas directeurs et des schémas de secteur, des directives territoriales d'aménagement définies par le code de l'urbanisme, ainsi qu'avec le plan régional pour la qualité de l'air s'il existe. Il couvre l'ensemble du territoire compris à l'intérieur du périmètre. Il vise à assurer un équilibre durable entre les besoins en matière de mobilité et de facilité d'accès, d'une part, et la protection de l'environnement et de la santé, d'autre part. Il a comme objectif un usage coordonné de tous les modes de déplacements, notamment par une affectation appropriée de la voirie, ainsi que la promotion des modes les moins polluants et les moins consommateurs d'énergie. Il précise les mesures d'aménagement et d'exploitation à mettre en oeuvre. Il est accompagné d'une étude des modalités de son financement et de la couverture des coûts d'exploitation des mesures qu'il contient.

Les orientations du plan de déplacements urbains portent sur :

« 1° La diminution du trafic automobile ;

« 2° Le développement des transports collectifs et des moyens de déplacement économes et les moins polluants, notamment l'usage de la bicyclette et la marche à pied ;

« 3° L'aménagement et l'exploitation du réseau principal de voirie d'agglomération, afin de rendre plus efficace son usage, notamment en l'affectant aux différents modes de transport et en favorisant la mise en oeuvre d'actions d'information sur la circulation ;

« 4° L'organisation du stationnement sur le domaine public, sur voirie et souterrain, notamment la classification des voies selon les catégories d'usagers admis à y faire stationner leur véhicule, et les conditions de sa tarification, selon les différentes catégories de véhicules et d'utilisateurs, en privilégiant les véhicules peu polluants ;

« 5° Le transport et la livraison des marchandises de façon à en réduire les impacts sur la circulation et l'environnement ;

« 6° L'encouragement pour les entreprises et les collectivités publiques à favoriser le transport de leur personnel, notamment par l'utilisation des transports en commun et du covoiturage » .

La nouvelle compétence du stif en matière de plan de déplacements urbains rapproche la région Île-de-France du droit commun, dans la mesure où l'élaboration des plans de déplacements urbains est, sur l'ensemble du territoire national, également le fruit de l'action conjointe des collectivités territoriales et de l'État : ainsi, c'est à la demande du (des) maire(s) ou du président de l'établissement public chargé d'organiser les transports publics de personnes que le préfet constate la création et la délimitation du périmètre de déplacements urbains. Ensuite, le plan de déplacements urbains est élaboré ou révisé à l'initiative de l'autorité compétente pour l'organisation des transports urbains sur le territoire qu'il couvre, les services de l'État étant associés à son élaboration. L'Île-de-France garde toutefois une spécificité dans la mesure où le syndicat agirait « pour le compte des collectivités qui le constituent ».

La mécanique administrative complexe dans laquelle ce plan s'insère n'est pas modifiée par rapport au droit existant. Ainsi, les prescriptions du plan de déplacements urbains sont subordonnées au respect des orientations du schéma directeur de la région Île-de-France ; en revanche, c'est le plan de déplacements urbains qui sert de référence aux schémas de cohérence territoriale, aux schémas de secteur et aux plans locaux d'urbanisme :

-  les premiers, définis à l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme, ont notamment pour fonction de présenter, sur la base du diagnostic des besoins du territoire en la matière « le projet d'aménagement et de développement durable retenu, qui fixe les objectifs des politiques publiques d'urbanisme en matière (...) de déplacements des personnes et des marchandises, de stationnement des véhicules et de régulation du trafic automobile » et de définir « les objectifs relatifs à l'équilibre(...) entre l'urbanisation et la création de dessertes en transports collectifs. » En outre, « Ils peuvent définir les grands projets d'équipements et (...) subordonner les extensions urbaines à la création de dessertes en transports collectifs. » ;

-  les schémas de secteur constituent, aux termes du même article, des compléments aux schémas de cohérence territoriale qui, sur certaines parties, en détaillent et en précisent le contenu ;

-  quant aux plans locaux d'urbanisme, définis par l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, ils ont pour objet, dans le respect des deux schémas précédent, de présenter des projets d'aménagement et de développement durable définissant les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme, sur la base du diagnostic précisant les besoins répertoriés, notamment en matière de transports.

Comme pour tous les plans de déplacements urbains, une large concertation est prévue au stade de l'élaboration du plan, associant, s'ils le souhaitent, les représentants des professions et des usagers des transports, les chambres de commerce et d'industrie et les associations agréées de protection de l'environnement. Le Sénat a souhaité élargir la place faite aux représentants des milieux économiques dans la définition de la politique des transports en Île-de-France : c'est pourquoi, sur proposition de sa commission des lois, il a étendu la consultation à l'ensemble des chambres consulaires lors de l'élaboration du plan de déplacement urbain.

Le processus d'adoption du plan fait l'objet de modifications consécutives au rôle nouveau du stif en la matière : le projet de plan est tout d'abord adopté par délibération du conseil régional d'Île-de-France, sur proposition du syndicat. L'avis préalable des conseils municipaux et généraux continue d'être requis, ces collectivités disposant pour ce faire d'un délai de six mois à l'issue duquel leur avis est réputé émis : la seule différence avec le processus décisionnel actuel est qu'il était alors réputé favorable. Le Sénat a, en outre, prévu que soit sollicité l'avis des organes délibérants des groupements de collectivités territoriales ayant compétence en matière de déplacements.

Vient ensuite le stade l'enquête publique, dont l'issue peut éventuellement conduire à des modifications du plan. Celui-ci est alors soumis pour avis au représentant de l'État dans la région, ainsi qu'au préfet de police, avant son adoption définitive par le conseil régional. Toutefois, en cas de désaccord persistant - six mois après la fin de l'enquête publique - entre la région et l'État ou si la mise en œuvre du plan est de nature à compromettre gravement la réalisation et l'exploitation d'une infrastructure de transport d'intérêt national, c'est ce dernier qui a le dernier mot, le plan étant, dans ce cas, adopté par décret en Conseil d'État.

En dépit de l'allongement de la durée de son élaboration, la périodicité de révision du plan reste de cinq ans. Une procédure simplifiée est toutefois prévue en la matière, permettant au représentant de l'État de mettre en demeure le syndicat d'y procéder et, à défaut, à l'issue d'un délai de six mois, au gouvernement d'ouvrir la procédure de révision par un décret en Conseil d'État qui en précise l'objet. Le Sénat a, sur ce point, modifié la rédaction initiale qui prévoyait seulement une consultation du syndicat, ce qui revenait à priver ce dernier de la faculté de réviser lui-même le plan sur demande du représentant de l'État et à ne lui laisser cette compétence que tous les cinq ans.

Le paragraphe II de l'article 31 modifie, quant à lui, l'article 28-4 de la loti, relatif aux plans locaux de déplacements urbains, qui sont au plans de déplacements urbains ce que les schémas de secteur sont aux schémas de cohérence territoriale. Les changements apportés au droit existant visent :

-  tout d'abord, à actualiser une référence, à la suite de la codification des dispositions de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement. C'est sur proposition de la commission des lois du Sénat qu'a été ajoutée cette disposition ;

-  ensuite, à tirer les conséquences dans cet article de la loi du 13 décembre 2000 sur la solidarité et le renouvellement urbains. Celle-ci a en effet substitué aux actuels plans d'occupation des sols les plans locaux d'urbanisme ;

-  enfin, à ouvrir à la ville de Paris la possibilité de prendre l'initiative d'élaborer un plan local de déplacement, dans les mêmes conditions de forme et de procédure, sachant que son approbation en reviendrait, après enquête publique, au conseil de Paris.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, puis adopté l'article 31 sans modification.

Article 32

(art. L. 213-13, L. 213-14 et L. 821-5 nouveau du code de l'éducation)


Organisation des transports scolaires en région Île-de-France

L'article 32, que le Sénat a modifié à la marge, sur des points strictement rédactionnels, conforte encore le processus de normalisation de la région Île-de-France par rapport aux autres régions françaises. En effet, alors que les responsabilités exercées par l'État en matière d'organisation et de financement des transports scolaires ont été transférées depuis le 1er septembre 1984 aux départements et aux autorités compétentes pour l'organisation des transports urbains (en pratique, les communautés urbaines ou les communautés d'agglomération), cette compétence est restée du ressort de l'État dans la région Île-de-France. De fait, la législation spécifique annoncée par l'article 31de la loi du 22 juillet 1983 (article L. 213-13 du code l'éducation) n'est jamais intervenue. Le présent article met fin à cette exception et, par souci de cohérence et de lisibilité pour les usagers, prévoit un transfert global du dispositif des transports scolaires en Île-de-France, y compris la carte Imagin'R des étudiants et le transport individuel des élèves et étudiants handicapés. Comme l'explique l'exposé des motifs, « ce dispositif, actuellement financé sur les budgets de l'enseignement scolaire et supérieur, sera géré par le Syndicat des transports en Île-de-France (stif). »

A cet effet, de nouvelles dispositions en matière d'organisation et de financement des transports scolaires sont introduites dans le code de l'éducation :

-  l'article L. 213-13 précité est actualisé et renvoie, par coordination, aux dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959 précitée, modifiée par l'article 29 qui donne au stif compétence sur les transports scolaires. ;

-  les articles L. 213-14 et L. 821-5 du code de l'éducation font écho aux dispositions du b) du III de l'article 1er de ladite ordonnance, relatives à la prise en charge des frais de transport individuel des élèves et des étudiants handicapés vers les établissements scolaires et universitaires par le syndicat.

Une période transitoire est cependant prévue pour la mise en œuvre de ce transfert dans l'organisation des transports scolaires, afin de prendre en compte le fait qu'actuellement, ce service est parfois assuré, en région Île-de-France, par des personnes morales de droit public ou de droit privés ayant passé une convention avec l'État. En effet, si, dans les départements de la petite couronne, la majorité des déplacements des élèves s'effectue sur des lignes régulières de transports publics de voyageurs, il existe, selon le rapporteur de la commission des lois du Sénat, une vingtaine de services spéciaux de transports scolaires, chiffre qui atteint 1 200 dans les départements de la grande couronne (55).

Afin de prendre en compte cette situation de fait, ces services spéciaux sont maintenus sous leur forme juridique actuel pour un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur du nouveau statut du stif - soit jusqu'au 1er janvier 2008 au plus tard, en vertu de l'article 33. A l'issue de cette période, soit une convention entre le syndicat et les personnes organisatrices de ces services, prise en vertu de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 précitée, proroge la situation actuelle ; soit, en l'absence de convention, le stif devient automatiquement compétent pour remplir cette mission et est subrogé dans les droits et obligations des diverses personnes morales concernées pour l'exécution des contrats en cours. La loi supplée par ailleurs l'absence de convention en faisant obligation au stif de fournir à ces services des ressources d'un montant au moins égal à celles qu'elles auront reçu de l'État dans l'année précédant la transformation du syndicat.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, puis adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 339).

Puis la Commission a adopté l'article 32 ainsi modifié.

Article 33

Entrée en vigueur des dispositions du présent chapitre

L'article 33 précise les conditions d'entrée en vigueur des articles composant le présent chapitre relatif aux transports dans la région Île-de-France.

Le Gouvernement propose de subordonner cette entrée en vigueur à la publication du décret prévu à l'article 30, par lequel l'État contribue à l'équilibre du régime des retraites des agents de la ratp : la transformation du stif interviendrait dès le 1er janvier suivant la publication de ce décret, au plus tard le 1er janvier 2006. En bref, dans le projet de loi initial, soit cette publication intervenait d'ici à la fin de l'année 2004, et le « nouveau stif » voyait le jour dès le début de l'année prochaine ; soit tout le processus était reporté d'un an. M. Roger Karoutchi a convaincu le Sénat, et le Gouvernement qui s'en est remis sur le sujet à « l'allant des élus d'Île-de-France », de fixer l'entrée en vigueur des articles 29 à 32 au plus tard au 1er janvier 2005.

Au vu de l'attente que suscite la réforme du stif, ce choix est tout à fait pertinent. Cependant, le Sénat n'ayant pas tiré toutes les conséquences de cette modification, le texte manque quelque peu de cohérence rédactionnelle. Afin de rétablir la logique du dispositif, votre rapporteur propose de fixer l'entrée en vigueur de ces dispositions à compter de la parution du décret précité, au plus tard au 1er janvier 2005.

Le Sénat a également ajouté dans cet article une disposition baptisé « état des lieux », similaire à celle qu'il a introduite dans tous les articles traitant de transfert et qui fait obligation au représentant de l'État dans la région de communiquer aux collectivités territoriales membres du stif toutes les informations dont il dispose sur le syndicat.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, puis adopté un amendement de cohérence rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 340).

Puis elle a adopté l'article 33 ainsi modifié.

Article 34

Décrets en Conseil d'État

En vertu du présent article, des décrets en Conseil d'État viendront préciser en tant que de besoin les modalités d'application du chapitre III.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, puis adopté l'article 34 sans modification.

Chapitre IV

Les fonds structurels européens

Article 35

Les fonds structurels européens

L'article 35 prévoit de confier, à titre expérimental, aux régions ou à d'autres collectivités territoriales, la fonction d'autorité de gestion et celle d'autorité de paiement des fonds structurels.

Les fonds structurels sont les outils financiers de la politique régionale communautaire, consacrée par l'Acte unique européen. Ils visent à réduire les écarts de développement entre les régions.

La réforme des fonds structurels intervenue en 2000 privilégie la subsidiarité et la simplification en contrepartie d'un contrôle et d'une évaluation renforcés.

Quatre fonds financent la politique de cohésion sociale et économique communautaire : le fonds européen de développement régional (feder), le fonds social européen (fse), le fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section orientation (feoga), l'instrument financier d'orientation de la pêche (ifop).

Les fonds structurels répondent à trois objectifs prioritaires :

-  objectif 1 : promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement. En France, seuls les départements d'outre-mer sont concernés par ce nouvel objectif. La Corse et le Hainaut français bénéficient d'un dispositif de « soutien transitoire objectif 1 » ;

-  objectif 2 : soutenir la reconversion économique et sociale des zones en difficulté structurelle ;

-  objectif 3 : soutenir l'adaptation et la modernisation des politiques et systèmes d'éducation, de formation et d'emploi.

69,7 % des crédits sont consacrés à l'objectif 1, 11,5 % à l'objectif 2 et 12,3 % à l'objectif 3.

Les fonds sont répartis entre les programmes d'initiative nationale qui représentent 94,65 % du montant global, les programmes d'initiative communautaire et les actions innovatrices.

Les programmes d'initiative communautaire sont au nombre de quatre : Leader +, dédié au développement local en milieu rural, Interreg III pour les actions de coopération transfrontalière, transnationale ou interrégionale, Equal en faveur de la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'emploi et Urban II pour les zones urbaines en difficulté.

La gestion des fonds structurels obéit à quatre principes :

-  le principe de concentration : les fonds visent uniquement les trois objectifs et les quatre initiatives communautaires cités ci-contre ;

-  le principe de programmation : leur mise en œuvre s'effectue dans le cadre de programmes pluriannuels ;

-  le principe d'additionnalité : les fonds structurels constituent un complément de financement ;

-  le principe de partenariat : les actions sont décidées dans le cadre d'une concertation entre la Commission, les États et les collectivités territoriales impliquées.

La France bénéficie pour la programmation 2000-2006 de 14,62 milliards d'euros au titre des programmes d'initiative nationale, de 1,046 milliards d'euros au titre des programmes d'initiative communautaire et de plusieurs dizaines de millions d'euros au titre des actions innovatrices.

Pour bénéficier des fonds structurels, les États membres doivent se conformer aux principes de programmation définis par la Commission et présenter leurs propres programmes.

Ces programmes sont établis par le Gouvernement français, en collaboration avec les instances régionales lorsqu'ils correspondent à un objectif territorialisé, au travers d'un document unique de programmation (docup). Ce document est ensuite soumis à la Commission qui doit l'approuver. Ce document détaille les interventions à financer par axes et mesure, en indiquant pour chaque mesure la répartition des participations financières. Il est accompagné d'un complément de programmation.

Pour la mise en œuvre de ces fonds, le règlement du Conseil du 21 juin 1999 (56) a distingué deux autorités : une autorité de gestion et une autorité de paiement.

L'autorité de gestion est responsable de l'efficacité, de la régularité de la gestion et de la mise en œuvre d'un programme. Elle est aussi responsable de la sélection des opérations et du dispositif d'évaluation.

L'autorité de paiement certifie les dépenses et assure l'appel des crédits communautaires auprès de la Commission. Destinataire de ces crédits, elle est ensuite chargée de leur versement aux bénéficiaires du programme.

Le préfet assume actuellement ces deux fonctions, appuyé par les secrétariats généraux pour les affaires régionales (sgar) qui exercent une responsabilité opérationnelle.

Face aux difficultés françaises en matière d'utilisation des crédits européens, les procédures ont été simplifiées par une circulaire du Premier ministre du 15 juillet 2002 et deux circulaires interministérielles du 19 août et du 27 novembre 2002. Ces mesures répondent au souci d'alléger les procédures, de renforcer l'appui aux projets et de mieux associer les collectivités locales à la gestion des fonds structurels européens. Parallèlement a été engagée en Alsace une expérience pilote consistant à confier au conseil régional, en lieu et place du préfet, le rôle d'autorité de gestion du programme objectif 2 Alsace.

Les réformes engagées ont déjà produit leurs effets puisque toutes les régions françaises ont évité pour l'année 2003 la procédure dite du « dégagement d'office », en vertu de laquelle les crédits non utilisés sont réputés perdus.

Faisant le point sur l'expérimentation menée en Alsace, le président du conseil régional a reconnu que celle-ci avait apporté « une meilleure lisibilité par les acteurs locaux, une plus grande rapidité de paiements et plus de cohérence d'intervention et de synergie des acteurs » qui s'est traduit par le traitement de 457 dossiers dans les douze premiers mois contre 288 au cours des seize mois précédents.

Dans la perspective de l'élargissement qui risque de transférer la majeure partie des fonds structurels vers les nouveaux adhérents, la France doit démontrer son intérêt pour les crédits européens en faisant la preuve de sa capacité à les consommer. L'expérimentation du transfert aux collectivités territoriales de cette responsabilité doit permettre de répondre à cette exigence. Les résultats de l'expérience alsacienne incitent à poursuivre dans cette voie.

Il s'agit donc de passer d'une gestion déconcentrée à une gestion décentralisée des fonds structurels et de donner une base légale aux expérimentations.

Le droit communautaire permet aux États membres de désigner les autorités gestionnaires des fonds structurels : « En application du principe de subsidiarité, la mise en œuvre des interventions relève des États membres au niveau territorial approprié en fonction de la situation spécifique de chaque État membre » (57).

L'article 35 prévoit de confier, par une expérimentation, aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse qui en font la demande, la fonction d'autorité de gestion et celle d'autorité de paiement. Si ces collectivités ne le souhaitent pas, les autres collectivités territoriales, leurs groupements ou un groupement d'intérêt public peuvent se porter candidats.

· Cette expérimentation est encadrée par une convention qui précise :

-  le programme mis en œuvre ;

-  les conditions dans lesquelles l'autorité satisfait aux obligations imposées à l'État par la législation communautaire.

· L'article 35 pose le principe de la responsabilité financière de l'autorité expérimentatrice. A ce titre, elle assumera la charge des corrections ou sanctions financières résultant de contrôles nationaux et communautaires ou d'arrêts de la Cour de justice des communautés européennes. Cette responsabilité n'empêche pas l'autorité de se retourner ensuite contre les personnes dont les actes sont à l'origine de la procédure.

· Le Sénat a introduit la possibilité pour l'autorité publique expérimentatrice de déléguer, par convention, la fonction d'autorité de paiement, à l'exception de la certification des dépenses, à un groupement d'intérêt public, une institution financière spécialisée ou des institutions ou services autorisés à effectuer des opérations de banque. Cette novation a pour objet de renforcer l'efficacité des procédures et de raccourcir les délais de paiement. S'il apparaît incontournable de confier aux collectivités territoriales les fonctions de programmation, d'instruction des dossiers, de contrôle et d'évaluation des programmes réalisés, la fonction de caissier peut légitimement être assurée par des organismes dont c'est la vocation première. Les collectivités seraient ainsi déchargées d'une tâche qu'elles n'ont pas nécessairement les moyens de maîtriser afin de se consacrer à leur mission essentielle de gestion des fonds structurels.

· L'article 35 prévoit une évaluation des expérimentations menées.

D'une part, l'autorité publique expérimentatrice doit dresser le bilan de son expérimentation au 31 décembre 2005 qu'elle adresse au représentant de l'État dans la région.

D'autre part, le gouvernement doit déposer au Parlement au cours du premier semestre 2006 un bilan des expérimentations engagées au titre du présent projet de loi.

· Un terme est fixé pour l'expérimentation. Le projet de loi précise que cette expérimentation concerne les fonds structurels pour la période 2000/2006.

S'appuyant sur les principes constitutionnels de l'expérimentation, M. Michel Charasse a présenté un amendement, adopté par le Sénat, tendant à préciser les modalités d'achèvement des expérimentations. Cet amendement prévoit donc que les conventions conclues sur le fondement de l'article 35 seront caduques le 31 décembre 2008 sauf dispositions législatives contraires. Le terme retenu de 2008 correspond à l'issue de la période de paiement du programme 2000/2006. Cette nouvelle disposition conforte le rôle du Parlement dans l'évaluation des expérimentations.

· Le Sénat, sur un amendement du rapporteur, a opéré la validation législative des décisions antérieures d'expérimentation afin d'en établir la sécurité juridique. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la validation répond aux deux conditions suivantes : respect de l'autorité de la chose jugée et justification par un motif d'intérêt général.

· Enfin, afin de ne pas retarder les expérimentations couvrant une période déjà entamée, un amendement de la commission des lois du Sénat prévoit l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 35 dès la publication de la présente loi.

L'expérimentation prévue par cet article s'inscrit dans le cadre défini par l'article 37-1 de la Constitution qui dispose que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ».

En vertu de l'article 83 du projet de loi, cette expérimentation s'accompagnera d'une mise à disposition des services ou parties de services ainsi que de leurs personnels, exerçant antérieurement la compétence transférée.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne. Elle a adopté l'article 35 sans modification.

Chapitre V

Les plans d'élimination des déchets

Article 36

(Article L. 541-14 du code de l'environnement)


Les plans d'élimination des déchets ménagers

Les déchets traités par les communes représentent 47 millions de tonnes par an, dont 28 millions proviennent des déchets ménagers. La production de déchets augmente chaque année de 1 %.

Selon la communication de la ministre de l'environnement au Conseil des ministres du 4 juin 2003, la France s'achemine vers une situation critique en matière de capacité d'élimination des déchets ; plus de la moitié des départements devraient dans les prochaines années être confrontés à la pénurie avec pour conséquence une augmentation des distances de transport, une augmentation des coûts et un risque de réapparition des exutoires illégaux.

L'article L. 541-1 du code de l'environnement fixe les objectifs en matière d'élimination des déchets et donne la définition suivante du déchet : « tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon ».

La loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux a affirmé la compétence des collectivités territoriales en matière de gestion des déchets.

Le code de l'environnement prévoit trois catégories de plans de gestion des déchets :

-  les plans nationaux (article L. 541-11 du code de l'environnement) ; actuellement seuls les déchets contenant ou contaminés par des pcb (polychlorobiphényls) font l'objet d'un tel plan, approuvé par arrêté ministériel du 26 février 2003.

-  les plans régionaux d'élimination des déchets industriels spéciaux (predis) (article L. 541-13) dont la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a confié l'élaboration aux régions.

-  les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés (pdedma) (article L. 541-14).

Les plans d'élimination des déchets ménagers et assimilés ont été créés par la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées, conformément aux directives communautaires. Leur régime a ensuite été modifié par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier », mise en œuvre par le décret n° 96-1008 relatif aux plans d'élimination des déchets ménagers et assimilés.

Les contraintes communautaires pèsent sur la gestion des déchets en France. La directive du Conseil du 15 juillet 1975 relative aux déchets prescrivaient déjà l'établissement de plans de gestion des déchets portant sur les types, quantités et origines des déchets à valoriser ou à éliminer. La directive du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d'emballage, dans son article 14, exige l'existence de plans pour ce type de déchets.

Dans son rapport au Conseil et au Parlement européen du 19 mai 2003 concernant la mise en œuvre de la législation communautaire en matière de déchets, la Commission regrette les défaillances de la France, comme de l'Italie et du Royaume-Uni, dans l'instauration de ces plans alors que la planification est un « élément central de la politique de gestion des déchets car sans planification adéquate, les États membres ne peuvent ni rendre compte, ni s'occuper des déchets qui se présentent sur leur territoire ».

La France a d'ailleurs été condamnée par la Cour de justice des communautés européennes au motif qu'« en n'établissant pas des plans de gestion des déchets pour l'ensemble de son territoire, en n'élaborant pas, pour certaines régions ou certains départements, de tels plans pour les déchets contenant des polychlorobiphényles, pour les déchets de soins ainsi que pour les déchets ménagers spéciaux et en n'ayant pas inclus un chapitre spécifique relatif aux déchets d'emballages dans tous les plans de gestion des déchets ayant été adoptés, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent » (58).

Dans son rapport d'information sur la gestion des déchets ménagers sur le territoire (59), M. Émile Blessig pointait les lacunes de plans départementaux. Il parvenait à la conclusion que « la solution pourrait résider dans un transfert pur et simple de la compétence d'élimination des déchets aux départements, à la condition que les responsabilités des collectivités locales ainsi que les financements soient clairement définis ».

L'article 36 modifie l'article L. 541-14 du code de l'environnement relatif aux plans départementaux d'élimination des déchets ménagers.

Aux termes de l'article L. 541-14, chaque département doit être couvert par un plan, départemental ou interdépartemental, d'élimination des déchets ménagers et de ceux mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales qui peuvent être collectés et traités sans sujétions techniques particulières, à l'instar des déchets industriels banals (dib).

Le plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés (pdedma) est un document d'inventaire et de synthèse à caractère prospectif, destiné à orienter et coordonner les actions des pouvoirs publics et des organismes privés impliqués.

Il a pour objet :

-  de dresser l'inventaire des types, des quantités et des origines des déchets à éliminer et des installations existantes appropriées ;

-  de recenser les documents d'orientation et les programmes des personnes morales de droit public et de leurs concessionnaires dans le domaine des déchets ;

-  d'énoncer les priorités à retenir, compte tenu notamment des évolutions démographiques et économiques prévisibles, non seulement pour la création d'installations nouvelles mais également pour la collecte, le tri et le traitement des déchets.

Il existe actuellement deux plans interdépartementaux, l'un pour la Corse, l'autre pour la Drôme et l'Ardèche et quatre plans ont été annulés par la justice administrative : Alpes-Maritimes (28 mars 2000), Bouches-du-Rhône (24 juin 2003), gironde (2 mars 2000) et Var (18 avril 2000).

Jusqu'à présent, l'initiative et la responsabilité de l'élaboration du plan appartenaient à l'État, sauf si un département demandait à exercer cette compétence. Treize départements ont obtenu cette compétence en vertu de la loi Barnier : Aisne, Creuse, Lozère, Haute-Marne, Mayenne, Meuse, Morbihan, Haut-Rhin, somme, Tarn et Garonne, Essonne, Réunion, Val d'Oise.

Le projet de loi confie au département une compétence de droit commun pour l'élaboration des plans d'élimination des déchets ménagers et assimilés.

Le projet de loi prévoit pour l'Île-de-France l'existence d'un plan régional d'élimination des déchets ménagers et assimilés. En effet, la particularité de cet espace géographique (densité d'urbanisation, capacité des stockage réduite voire inexistante à Paris et dans la petite couronne) et les solidarités interdépartementales fortes conduisent à promouvoir un périmètre régional pour la gestion des déchets ménagers.

Le président du conseil général ou celui du conseil régional pour l'Île-de-France se voit transférer la responsabilité de l'initiative et de l'élaboration du plan. Le Sénat a adopté un amendement de la commission des affaires économiques et du Plan tendant à associer à ce processus les collectivités territoriales ou leurs groupements qui exercent une compétence en matière d'élimination ou de traitement des déchets.

L'élaboration du plan donne lieu à une concertation avec une commission consultative composée de représentants des communes et de leurs groupements, du conseil général, de l'État, des organismes publics, des professionnels concernés et des associations agréées de protection de l'environnement. Par coordination avec la création d'un plan régional pour l'Île-de-France, le projet de loi complète cette liste avec le conseil régional d'Île-de-France. Le Sénat a pour sa part ajouté les associations agréées de protection de consommateurs, dont la participation à la gestion des déchets doit être renforcée, et les conseils généraux d'Île-de-France.

Le projet de plan est ensuite soumis pour avis au conseil départemental d'hygiène ainsi qu'aux conseils généraux des départements limitrophes et, par coordination avec le transfert de compétences, au représentant de l'État et aux conseils généraux d'Île-de-France. Le projet peut être modifié pour tenir compte des avis émis. Le Sénat a prévu pour la région Île-de-France la consultation du représentant de l'État dans la région et des conseils départementaux d'hygiène situés sur le territoire de la région. L'amendement du Sénat précise également que les avis sont réputés favorables s'ils n'ont pas été formulés dans un délai de trois mois, afin d'éviter tout blocage du processus.

Le projet de loi prévoit de solliciter l'avis du conseil général et du conseil régional d'Île-de-France lorsque l'État élabore le plan à la suite de la carence des responsables de son élaboration, conformément à l'article L. 541-15 du code de l'environnement, tel que modifié par l'article 37 du projet de loi.

Le projet de plan est enfin soumis à enquête publique puis, conséquence de leur nouvelle compétence, approuvé par délibération du conseil général ou du conseil régional pour l'Île-de-France.

Le Sénat a introduit une nouvelle disposition dans cet article modifiant l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, relatif aux responsabilités des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (epci) en matière d'élimination des déchets ménagers. En vertu de cet article, le département peut se voir confier, à la demande des communes ou es EPCI, la responsabilité du traitement, de la mise en décharge des déchets ultimes et des opérations de transport, de tri ou de stockage.

Le Sénat a prévu que la convention fixant les modalités de ce transfert précise les équipements pour lesquels la maîtrise d'ouvrage est confiée aux départements afin de faciliter la réalisation d'équipements identifiés par le plan départemental.

La Commission a rejeté l'amendement de suppression n° 139 présenté par M. Jean-François Mancel. Elle a été saisie d'un amendement présenté par Mme Valérie Pecresse associant, dans la région Île-de-France, les départements à l'élaboration du plan d'élimination des déchets. MM. Guy Geoffroy et Robert Pandraud ont soutenu cet amendement en faisant observer que le transfert du traitement des déchets d'un département à l'autre ne devait pas intervenir sans que les départements concernés soient consultés par la région et que cette consultation ne retarderait en aucune manière des procédures déjà aujourd'hui très longues. En réponse à M. Jérôme Lambert, le rapporteur a précisé que l'article 36 ne concernait que les déchets d'origine ménagère. La Commission a adopté l'amendement de Mme Valérie Pecresse (amendement n° 341).

La Commission a rejeté l'amendement n° 187 de M. Jacques Pélissard, déjà satisfait par le texte adopté par le Sénat. Elle a examiné un amendement présenté par M. Bernard Derosier substituant une simple transmission à la soumission pour avis au préfet du projet de plan. Le rapporteur ayant précisé qu'il était favorable à cette substitution, dès lors qu'une nouvelle rédaction serait présentée, la Commission a rejeté l'amendement. Elle a également rejeté un amendement du même auteur soumettant le projet de plan lorsqu'il est élaboré par l'État à un avis conforme des conseils généraux, ainsi que l'amendement n° 186 de M. Jacques Pélissard prévoyant une procédure d'urgence en cas de carence dans l'élaboration du plan.

La Commission a adopté l'article 36 ainsi modifié.

Article 37

(art. L. 541-15 du code de l'environnement)


Compétences de l'État à l'égard des plans d'élimination
des déchets ménagers

Cet article modifie l'article L. 541-15 du code de l'environnement afin de déterminer les pouvoirs du représentant de l'État en cas de défaillance du conseil général ou du conseil régional d'Île-de-France dans l'élaboration du plan d'élimination des déchets.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 541-15 du code de l'environnement exige la compatibilité avec les catégories précitées de plans d'élimination des déchets, des décisions des personnes morales de droit public et de leurs concessionnaires dans ce domaine.

Dans cette même logique de respect des plans, l'article impose de rendre les prescriptions applicables aux installations existantes compatibles avec les plans, dans un délai de cinq ans pour les plans nationaux et dans un délai de trois ans pour les plans régionaux et départementaux.

Le présent article supprime cette disposition en raison de la nouvelle compétence départementale dans l'élaboration des plans.

En effet, d'une part, la vocation prospective des plans leur interdit d'imposer des prescriptions particulières aux installations existantes. Le contenu du plan, décrit à l'article précédent, n'engendre pas de conséquences pour les installations existantes.

D'autre part, il convient de distinguer la planification qui relève désormais du conseil général, de la police des installations qui incombe à l'État. En raison de leurs conséquences pour l'environnement et la santé, les installations de traitement des déchets relèvent en effet pour la plupart de la nomenclature des installations classées, définies à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Elles obéissent de ce fait à des règles très contraignantes - autorisation préfectorale pour l'ouverture et la fermeture - auxquelles ne peuvent se substituer les prescriptions d'un plan n'offrant pas les mêmes garanties. La police de telles installations est assurée par l'inspection des installations classées, placée sous l'autorité du préfet. Elle veille au respect de la réglementation et des dispositions de l'arrêté préfectoral.

L'article L. 541-15 dans ses deux derniers alinéas dispose qu'un décret en Conseil d'État fixe les modalités et procédures d'élaboration et de publication des plans nationaux, régionaux et départementaux, le parallélisme des formes s'imposant pour leur révision.

Actuellement, le décret détermine d'une part les modalités de consultation du public, les mesures de publicité requises et la procédure simplifiée de révision. Il fixe d'autre part les conditions dans lesquelles l'État élabore le plan régional d'élimination des déchets industriels et spéciaux lorsque le conseil régional, après y avoir été invité, n'a pas adopté le plan dans un délai de dix-huit mois.

Le présent article procède à une réécriture de cette dernière disposition. Tirant les conséquences de la nouvelle compétence du conseil général, il prévoit le cas d'une carence du conseil général dans l'élaboration du plan départemental. Il introduit en outre la possibilité pour le préfet de demander une nouvelle délibération.

Selon les termes du projet de loi, le décret fixe donc, en premier lieu, les conditions dans lesquelles le représentant de l'État peut demander, au conseil général ou régional en Île-de-France, une nouvelle délibération sur le projet ou la révision du plan départemental d'élimination des déchets.

Il détermine, en second lieu, les conditions dans lesquelles l'État élabore les plans régionaux ou départementaux lorsque, en dépit de l'invitation du préfet à y procéder, ils n'ont pas été adoptés dans un délai de dix-huit mois.

Le Sénat, sur proposition conjointe de la commission des lois et de la commission des affaires économiques, a adopté une nouvelle rédaction afin de parvenir à un exact parallélisme entre les plans régionaux et les plans départementaux d'une part et entre l'élaboration et la révision d'autre part. Outre une réécriture globale, le texte du Sénat élargit au plan régional la procédure de la nouvelle délibération, qui s'applique également à l'élaboration. Cette délibération est demandée au président du conseil régional ou général suivant le plan concerné. Il prévoit en outre la substitution du préfet en cas de carence du conseil général ou régional dans la procédure de révision.

La Commission a rejeté un amendement de suppression du paragraphe 1° de cet article présenté par M. Bernard Derosier et adopté l'article 37 sans modification.

Article 37 bis

(article L. 541-13 du code de l'environnement)


Pouvoir de substitution du préfet pour l'élaboration des plans d'élimination des déchets industriels spéciaux

Cet article, introduit par le Sénat à l'initiative de la commission des lois et de la commission des affaires économiques, complète l'article L. 541-13 du code de l'environnement afin de prévoir la consultation du conseil régional lorsque le préfet exerce son pouvoir de substitution dans l'élaboration du plan régional d'élimination des déchets industriels spéciaux, faisant suite à une carence du conseil régional.

Ce nouvel article traduit l'exigence d'un dispositif similaire pour les plans régionaux et les plans départementaux. L'article 36 du présent projet de loi prévoyant une consultation du conseil général ou du conseil régional pour l'Île-de-France lorsque le préfet élabore le plan départemental d'élimination des déchets, il convient de prévoir une disposition semblable pour l'élaboration du plan régional.

La Commission a rejeté un amendement de M. Bernard Derosier subordonnant l'adoption du plan d'élimination des déchets industriels, lorsqu'il est élaboré par l'État, à un avis conforme du conseil régional. La Commission a adopté l'article 37 bis sans modification.

Article 38

Dispositions transitoires

Les dispositions transitoires, inscrites dans cet article, prévoient que les procédures actuellement en vigueur s'appliqueront aux plans départementaux d'élimination des déchets en cours d'élaboration ou de révision à la date de publication de la présente loi. Ils seront donc approuvés par le préfet, sauf transfert déjà opéré, et resteront applicables jusqu'à leur révision selon la nouvelle procédure.La Commission a adopté l'article 38 sans modification.

Article additionnel après l'article38

Transfert expérimental aux régions des politiques de soutien au développement des énergies renouvelables et de maîtrise de la consommation d'énergie

La Commission a adopté un amendement de M. Émile Blessig (amendement n° 342) autorisant, pendant une période de cinq ans, le transfert expérimental à la région du soutien au développement des énergies renouvelables et à la maîtrise de la consommation d'énergie. Une convention entre l'Etat, la région et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie doit en fixer les modalités.

Voir la suite du rapport

N° 1435 - Rapport de M. Marc-Philippe Daubresse sur le projet de loi adopté par le Sénat n° 1218 relatif aux responsabilités locales (Tome I) (Sénat, 1ère lecture)

1 () Sondage Sofres effectué par la Commission pour l'avenir de la décentralisation, en août 2000.

2 () Jacques Méraud, Les collectivités locales et l'économie nationale, Crédit local de France-Dexia, 1997.

3 () Charles Desmons, L'investissement public en France, Rapport au Conseil économique et social, novembre 2002.

4 () Demain la ville, Rapport de M. Jean-Pierre Sueur au Ministre de l'Emploi et de la solidarité, 1998.

5 () Pour une décentralisation au service de la cohésion sociale, Pouvoirs locaux, septembre 2003.

6 () L'expression est empruntée à M. Laurent Davezies, in Plus de décentralisation avec moins d'inégalités ?, Pouvoirs locaux, op. cit.

7 () Message au Parlement de M. Le Président de la République, 2 juillet 2002.

8 () Par exemple, pour les services des préfectures nécessaires à la préparation et à l'exécution des délibérations des conseils généraux ainsi qu'à l'exercice des pouvoirs et responsabilités dévolus à l'exécutif des départements, pour certains services de l'État compétents en matière d'action sociale et de santé et des directions départementales de l'agriculture et de la forêt.

9 () Le transfert des services a été constamment retardée et le partage a été réalisé de manière très inégale selon le territoire considéré. Les lignes de partage ne sont pas encore aujourd'hui parfaitement claires. Le projet de loi devrait contribuer à améliorer la situation (voir notamment titre II et article 77 du projet de loi).

10 () Micehl Bouvier, préface in A. G. Kouévi, Le droit des interventions économiques des collectivités locales, LGDJ, 2003.

11 () Discours de Lyon, 24 mars 1968.

12 () Source : C. Demazière, « Interventions économiques locales et cohésion sociale : les conditions de l'efficacité », Pouvoirs locaux, n° 58, III/2003.

13 () JO Débats, Sénat, séance du 30 octobre 2003, p. 7307.

14 () Ibid., p. 7323.

15 () Pour élevé qu'il soit, le montant des aides ainsi transférées de l'État aux régions demeure somme toute modeste puisque le total des aides accordées par les régions aux entreprises était, en 2001, de 800 millions d'euros ; la mesure proposée correspond donc à un accroissement de 30 % des capacités de financement de la région. Si l'on prend en compte, le total des aides accordées par l'État aux entreprises, la modestie du transfert proposé par l'article 2 du projet de loi apparaît plus nettement encore puisque, selon les chiffres publiés par la Commission européenne, en 2001, l'État avait accordé 16 milliards d'euros aux entreprises et les collectivités territoriales, 2 milliards d'euros.

16 () Rapport Sénat n° 31 de M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur au nom de la commission des lois, p. 82.

17 () Source : rapport AN n° 1110, annexe 23, établi par M. Augustin Bonrepaux, rapporteur sur le projet de loi de finances pour 2004 (tourisme) au nom de la commission des finances.

18 () Rapport Sénat n° 31 de M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur au nom de la commission des lois, p. 85.

19 () La régionalisation de la formation professionnelle - Rapport au ministre des affaires sociales de M. Pierre-André Périssol, député de l'Allier - juin 2003.

20 () Avis n° 33 (2003-2004) de Mme Annick Bocandé, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 22 octobre 2003.

21 Décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 portant code des marchés publics.

22 () Les acteurs de la formation professionnelle : pour une nouvelle donne,Rrapport au Premier ministre de M. Gérard Lindeperg, septembre 1999.

23 () Le réseau autoroutier concédé représente aujourd'hui 8 000 kilomètres de voiries.

24 () Rapport d'audit sur les grands projets d'infrastructures de transport établi par l'inspection générale des finances (igf) et le conseil général des ponts et chaussées (cgpc), février 2003.

25 () JO Sénat, 4 novembre 2003, pp. 7419-7420.

26 () Ibid.

27 () Ibid.

28 () Source : Rapport d'audit sur les grands projets d'infrastructures de transport établi par l'inspection générale des finances et le conseil général des ponts et chaussées, février 2003.

29 () Ibid.

30 () Voir plus loin le commentaire sous l'article 89.

31 () JO Débats, Sénat, p. 7428.

32 () Rapport d'audit précité. Chiffres issus du 39ème rapport de la commission des comptes des transports de la nation, octobre 2002. Données en milliards de voyageurs-kilomètres.

33 () Ibid.

34 () Ibid.

35 () Pour compenser la dégradation de la rentabilité moyenne de l'activité du concessionnaire résultant de la pratique de l'adossement, l'État allongeait généralement la durée du contrat de concession.

36 () Rap. cit.

37 () Taxe d'aménagement du territoire(TAT), perçue sur les sociétés d'autoroutes et répercutée sur les péages autoroutiers et taxe sur la production d'énergie hydroélectrique, essentiellement supportée par EDF.

38 () Rap. cit.

39 () JO Débats Sénat, séance du 4 novembre 2003, p.7436.

40 () Aux termes de l'article L. 151-1 du code de la voirie routière, « les routes express sont des routes ou sections de routes appartenant au domaine public de l'État, des départements ou des communes accessibles seulement en es points aménagés à cet effet et qui peuvent être interdites à certaines catégories d'usagers ou de véhicules ».

41 () JO Débats Sénat, 4 novembre 2003, p. 7461.

42 () DATAR, La France en Europe : quelle ambition pour la politique des transports ?, Étude prospective, 2003.

43 () Cf. rapport Sénat n° 31 précité, p. 141.

44 () Cf. commentaires sous l'article 22.

45 () Cf. commentaires sous cet article.

46 () Id.

47 () JO débats, Sénat, séance du 4 novembre 2003, p. 7472.

48 () Rapport Sénat n° 31, op. cit., p. 161.

49 ()En vertu de l'article 50 de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, ce sont les régions qui sont compétentes en la matière.

50 ()Cf. articles 29 à 33 du présent projet de loi.

51 () Le moniteur des travaux publics et du bâtiment, n° 5122, 25 janvier 2002.

52 () JO Débats, Sénat, séance du 5 novembre 2003, p. 7504.

53 () JO débats, Sénat, 5 novembre 2003, p. 7506.

54 () JO Débats, Sénat, séance du 5 novembre 2003, p. 7505.

55 () Rapport Sénat n° 31 de M. Jean-Pierre Schosteck, p. 192.

56 () Règlement du Conseil CE 1260/1999, J.O. n) L 161 du 26 juin 1999.

57 () Article 8 du règlement du Conseil précité

58 () Arrêt C 292/99 du 2 mai 2002, Commission c. France.

59 () Rapport d'information de l'Assemblée nationale n° 1169 de M. Émile Blessig au nom de la délégation pour l'aménagement du territoire.


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