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le 13 avril 2004

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N° 1513

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 avril 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT (N° 1338), relatif au divorce.

PAR M. Patrick DELNATTE,

Député.

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Voir les numéros :

Sénat : 389 (2002-2003), 120 et T.A. 41 (2003-2004).

Assemblée nationale : 1338 et 1486.

INTRODUCTION 9

I. - LE DROIT DU DIVORCE : DES RÈGLES AUJOURD'HUI SOUVENT INADAPTÉES AUX SITUATIONS CONJUGALES 10

A. LE DIVORCE : UN CONTENTIEUX DE MASSE, UNE PERCEPTION MODIFIÉE DANS L'OPINION 10

B. LA LOI DU 11 JUILLET 1975 : DES ATTENTES DÉÇUES 11

II. -  LE PROJET DE LOI : UNE RÉFORME PACIFICATRICE, RESPECTUEUSE DU SENS DE L'ENGAGEMENT MATRIMONIAL 15

A. LA VÉRITÉ DES PROCÉDURES RESTAURÉE 15

1. Le maintien du divorce pour faute 16

2. La rénovation du divorce sur demande acceptée et l'institution du divorce pour altération définitive du lien conjugal 17

3. Une déconnexion complète entre le cas de divorce choisi et les conséquences de celui-ci 18

B. LA RÉNOVATION DE L'INTERVENTION JUDICIAIRE DANS LES PROCÉDURES DE DIVORCE 19

1. Le respect de la volonté des conjoints 20

a) Une procédure de divorce par consentement mutuel simplifiée 20

b) Un aménagement des procédures de divorce contentieux destiné à laisser toute leur place aux accords entre époux 20

2.  La sauvegarde des intérêts de chacun des époux 22

C. LE RÈGLEMENT DES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES DU DIVORCE LORS DE SON PRONONCÉ 23

1. Des retouches à la réforme de la prestation compensatoire intervenue en 2000 23

2. La clarification du sort des donations et avantages matrimoniaux 25

3. L'encadrement des opérations de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux 25

AUDITION DE M. DOMINIQUE PERBEN, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE 27

DISCUSSION GÉNÉRALE 32

EXAMEN DES ARTICLES 37

TITRE Ier -  DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL 37

Article 1er (art. 229 du code civil) : Présentation des cas de divorce 37

Chapitre Ier -  Des cas de divorce 39

Article 2 (art. 230 et 232 du code civil) : Divorce par consentement mutuel 39

Article 230 du code civil : Conditions de présentation d'une demande de divorce par consentement mutuel 40

Article 232 du code civil : Homologation de la convention et prononcé du divorce par le juge 41

Article 3 (section 2 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil ; art. 233 et 234 du code civil) : Divorce accepté 43

Article 233 du code civil : Conditions de présentation d'une demande de divorce accepté - Irrévocabilité de l'acceptation 43

Article 234 du code civil : Prononcé du divorce accepté par le juge 45

Article 4 (section 3 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil ; art. 237 et 238 du code civil) : Divorce pour altération définitive du lien conjugal 46

Article 237 du code civil : Conditions de présentation d'une demande de divorce pour altération définitive du lien conjugal 46

Article 238 du code civil : Définition de l'altération définitive du lien conjugal 46

Article 5 (section 4 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil ; art. 242 et 246 du code civil) : Divorce pour faute 49

Article 242 du code civil : Conditions de présentation d'une demande de divorce pour faute 50

Article 246 du code civil : Présentation concomitante d'une demande de divorce pour faute et d'une demande de divorce pour altération définitive du lien conjugal 51

Après l'article 5 52

Article 6 (art. 247, 248-1, 251, 252, 252-1, 252-2, 252-3, 271 al. 2, 275-1, 276-2 et 280 du code civil) : Nouvelles numérotations d'articles 52

Article 7 (section 5 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil ; art. 247, 247-1 et 247-2 du code civil) : Modification du fondement d'une demande en divorce en cours de procédure 54

Article 247 du code civil : « Passerelle » vers le divorce par consentement mutuel 54

Article 247-1 du code civil : « Passerelle » du divorce pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute vers le divorce accepté 55

Article 247-2 du code civil : « Passerelle » du divorce pour altération définitive du lien conjugal vers le divorce pour faute 55

Chapitre II -  De la procédure de divorce 56

Article 8 (art. 249, 249-3 et 249-4 du code civil) : Procédure de divorce impliquant un majeur protégé 56

Article 9 (section 2 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil ; art. 250, 250-1, 250-2 et 250-3 du code civil) : Procédure de divorce par consentement mutuel 57

Article 250 du code civil : Présentation et examen des demandes 57

Article 250-1 du code civil : Homologation de la convention et prononcé du divorce au terme d'une seule comparution 58

Article 250-2 du code civil : Procédure en cas de refus d'homologation de la convention 60

Article 250-3 du code civil : Caducité de la demande en divorce 61

Article 10 (section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil ; art. 251 du code civil) : Procédures applicables aux divorces contentieux - Formation de la requête 61

Article 251 du code civil : Requête initiale 63

Article 11 (art. 252, 252-1, 252-3 et 253 du code civil) : Tentative de conciliation 65

Article 12 (art. 254 et 255 du code civil) : Mesures provisoires 67

Article 254 du code civil : Compétence du juge aux affaires familiales pour prescrire les mesures provisoires 68

Article 255 du code civil :Mesures provisoires susceptibles d'être prescrites 69

Article 13 (art. 257-1 et 257-2 du code civil) : Introduction de l'instance en divorce 72

Article 257-1 du code civil : Introduction de l'instance et détermination du fondement de la demande de divorce 72

Article 257-2 du code civil : Proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux jointe à la demande 73

Article 14 (section 4 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil ; art. 259, 259-1, 259-3 et 272 du code civil) : Preuves et déclaration sur l'honneur en matière de prestation compensatoire 73

Chapitre III -  Des conséquences du divorce 75

Article 15 (art. 262-1 du code civil) : Date d'effet du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens 75

Article 16 (paragraphe 1 de la section 2 du chapitre III du livre Ier du code civil ; art. 264, 265 et 265-1 du code civil) : Dispositions générales relatives aux conséquences du divorce 77

Article 264 du code civil : Usage du nom de l'ex-conjoint 78

Article 265 du code civil : Sort des donations et avantages matrimoniaux 79

Article 265-1 du code civil : Sort des droits que les époux tiennent de la loi ou de conventions passées avec des tiers 81

Article 17 (paragraphe 2 de la section 2 du chapitre III du titre VI du livre Ier du code civil ; art. 266, 267, 267-1 et 268 du code civil) : Conséquences propres aux divorces autres que ceux prononcés par consentement mutuel 82

Article 266 du code civil : Dommages et intérêts susceptibles d'être accordés à un époux 82

Articles 267 et 267-1 du code civil : Conditions de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux 84

Article 268 du code civil : Homologation des conventions passées entre époux 86

Article 18 (art. 270, 271, 274, 275, 275-1, 276, 276-4, 279-1, 280 et 280-1 du code civil) : Prestation compensatoire 87

Article 270 du code civil : Conditions d'attribution d'une prestation compensatoire 90

Article 271 du code civil : Évaluation de la prestation compensatoire 92

Article 274 du code civil : Modalités de paiement de la prestation compensatoire en capital 94

Article 275 du code civil : Échelonnement du paiement de la prestation compensatoire en capital 95

Article 275-1 du code civil : Combinaison des différentes formes de versement de la prestation compensatoire en capital 97

Article 276 du code civil : Fixation de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère 98

Article 276-4 du code civil : Substitution d'un capital à une rente viagère 99

Article 279-1 du code civil : Régime des conventions relatives à la prestation compensatoire établies dans le cadre d'un divorce contentieux 101

Article 280 du code civil : Conditions de paiement de la prestation compensatoire en cas de décès de l'époux débiteur 103

Article 280-1 du code civil : Choix des héritiers de maintenir la prestation compensatoire sous sa forme antérieure 106

Article 19 (paragraphe 5 de la section 2 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil ; art. 285-1 du code civil) : Bail forcé 107

Chapitre IV - De la séparation de corps 109

Article 20 (art. 297, 297-1, 300 et 303 du code civil) : La séparation de corps 109

Article 297-1 du code civil : Présentation simultanée d'une demande de divorce et d'une demande de séparation de corps 110

Article 300 du code civil : Usage du nom des époux séparés de corps 110

Article 303 du code civil : Pension allouée en cas de séparation de corps 110

Chapitre V - Des biens des époux 111

Article 21 (art. 265-2, 1096, 1442, 1451, 1477 et 1518 du code civil) : Conditions de révocation des donations entre époux - Conventions pour la liquidation et le partage de la communauté - Préciput - Recel de communauté - Coordinations 111

Article 1096 du code civil : Conditions de révocation des donations consenties entre époux durant le mariage 111

Article 1442 du code civil : Coordination 112

Article 265-2 du code civil : Convention de liquidation anticipée 112

Article 1518 du code civil : Préciput 113

Article 1477 du code civil : Recel de communauté 114

Chapitre VI - Dispositions diverses 114

Article 22 (art. 220-1, 228, 245-1, 248-1, 256, 276-3, 278, 279, 275-1, 280-2, 281, 298, 301, 306 et 307 du code civil) : Résidence des époux en cas de violences exercées par un conjoint - coordinations et précisions rédactionnelles 114

Article 23 (chapitre VIII du titre V du livre Ier du code civil ; art. 231, 235 et 236, 239 à 241, 243, 261 à 261-2, 264-1, 268-1 et 269, 273, 276-3 al. 3, 282 à 285, 297 al. 2, 307 al. 2, 309 et 1099 al. 2 du code civil ; art. 20 à 23 de la loi n° 2000-396 du 30 juin 2000) : Abrogations 120

Après l'article 23 123

Article 23 bis (art. 862 du code général des impôts) : Obtention d'une copie exécutoire des jugements de divorce par consentement mutuel sans paiement préalable des droits d'enregistrement 124

TITRE II - DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES 125

Article additionnel avant l'article 24 (art. 862 du code général des impôts) : Obtention d'une copie exécutoire des jugements de divorce par consentement mutuel sans paiement préalable des droits d'enregistrement 125

Article additionnel avant l'article 24 (art. L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles) : Coordination 125

Article additionnel avant l'article 24 (art. 66-1 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991) : Procédure d'expulsion du conjoint violent 125

Article 24 : Application outre-mer 125

Article 25 : Entrée en vigueur de la loi - Conditions d'application aux procédures en cours 126

Article additionnel après l'article 25 (art. 20 de l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000) : Extension du champ d'intervention de la commission de révision de l'état civil de Mayotte 130

Article additionnel après l'article 25 (art. 61 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001) : Simplification de procédure 130

Article additionnel après l'article 25 (art. 64 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001) : Entrée en vigueur des dispositions relatives à la juridiction civile de droit commun à Mayotte et au pouvoir de médiation et de conciliation des cadis 131

TABLEAU COMPARATIF 133

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 181

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 185

ANNEXE 1 : NOUVEAU TITRE VI DU CODE CIVIL TEL QU'ISSU DU PROJET DE LOI RELATIF AU DIVORCE MODIFIÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE 195

ANNEXE 2 : LÉGISLATIONS RELATIVES AU DIVORCE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE (ALLEMAGNE, BELGIQUE, ESPAGNE, IRLANDE, ITALIE, PAYS-BAS, ROYAUME-UNI, SUÈDE) 209

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 225

MESDAMES, MESSIEURS,

Touchant à l'intimité des couples et renvoyant à des interrogations morales, philosophiques ou religieuses sur le sens de l'engagement matrimonial, le chantier de la réforme du divorce est maintenant entamé depuis plusieurs années.

Face aux changements qui ont affecté la cellule familiale au cours des dernières décennies, il avait été confié à Mme Irène Théry, ainsi qu'à un groupe de travail animé par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, le soin de présenter leurs réflexions sur les différentes questions nées de l'évolution de la famille et sur les adaptations législatives qu'elle rendait nécessaires. Ces rapports (1) ont consacré des développements approfondis à la question du divorce, qui a également été éclairée par les travaux des praticiens - avocats et notaires en particulier - et des universitaires.

Le droit du divorce a en outre fait l'objet d'initiatives parlementaires avec la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale et, enfin, la proposition de loi portant réforme du divorce présentée par M. François Colcombet, adoptée par l'Assemblée nationale dans le cadre d'une séance mensuelle d'initiative parlementaire le 10 octobre 2001, puis modifiée par le Sénat le 21 février 2002. Même si le choix de réformes législatives ponctuelles a pu être regretté, l'adoption de la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire a permis de réaffirmer le principe de son versement sous la forme d'un capital et d'assouplir les conditions de révision de rentes allouées sous l'empire de la loi du 11 juillet 1975, offrant ainsi une issue aux débiteurs de prestations compensatoires parfois placés dans des situations dramatiques. D'un objet plus vaste puisque traitant de l'autorité parentale sans distinguer s'il s'agit de couples mariés ou non, la loi du 4 mars 2002 a conforté la primauté des accords entre parents pour définir les modalités de résidence de leurs enfants et expressément prévu la possibilité de choisir une résidence en alternance. Conforme au souci croissant d'assurer une véritable co-parentalité malgré la rupture du couple, elle a ainsi offert une réponse renouvelée à la question, centrale dans un divorce, du sort des enfants mineurs et de la sauvegarde de leurs intérêts, son adoption récente justifiant que le présent projet de loi ne revienne pas sur ses dispositions, afin de leur laisser le temps de produire leurs effets.

Riches et approfondis, ces différents travaux ont permis de mesurer l'évolution des mentalités et des attentes de nos concitoyens, notamment sur des points sensibles tels que la « déjudiciarisation » du divorce ou la suppression du divorce pour faute, et de faire mûrir la réflexion sur les adaptations législatives à apporter au droit du divorce.

C'est donc à la lumière de ces travaux et après avoir réuni un groupe de parlementaires, de praticiens et d'universitaires à partir de décembre 2002 que le Gouvernement a déposé un projet de loi relatif au divorce. Compte tenu de l'attente de nos concitoyens sur un sujet sensible qui concerne leur quotidien et de l'importance des travaux qui ont précédé et accompagné l'élaboration de ce texte, il a choisi de déclarer l'urgence sur ce projet de loi, ainsi que l'article 45 de la Constitution lui en laisse la possibilité. Adopté par le Sénat le 8 janvier dernier, ce projet de loi est aujourd'hui soumis à l'examen de notre assemblée.

Les enjeux qui s'attachent à cette réforme sont considérables : ils tiennent tout d'abord au nombre de personnes qui font l'expérience du divorce. En effet, depuis maintenant vingt ans, le divorce concerne chaque année plus de cent mille couples : 128 971 divorces ont été prononcés en 2002 et le taux de divorcialité (2) était de près de 38 % en 2001. Ils résident également dans l'importance de ce contentieux dans l'activité de nos juridictions civiles : en 2001, 50 % des affaires introduites devant les tribunaux de grande instance avaient trait au divorce, à la séparation de corps ou étaient des demandes postérieures à ces ruptures d'union. Pour nombre de nos concitoyens, la procédure de divorce est donc la seule occasion de recourir à la justice ; l'adaptation du droit du divorce à leurs attentes est donc essentielle pour la crédibilité du service public judiciaire et légitimer son intervention dans l'histoire, nécessairement intime, de la rupture d'un couple. Enfin, parce qu'il est évident que le divorce est une épreuve humaine et affective pour les couples qu'il concerne et pour leurs entourages, au premier rang desquels les enfants mineurs, présents dans 60 % des divorces prononcés en 2002(3), il incombe au législateur d'élaborer un droit qui ne vienne pas endurcir une procédure qui reste toujours douloureuse.

Afin de remédier aux défauts qui affectent aujourd'hui le droit du divorce tel qu'il résulte de la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975, le présent projet de loi tend à restaurer la vérité des procédures, à favoriser les accords entre époux et à concentrer au moment du divorce les règlement de ses conséquences financières.

I. - LE DROIT DU DIVORCE : DES RÈGLES AUJOURD'HUI SOUVENT INADAPTÉES AUX SITUATIONS CONJUGALES

A. LE DIVORCE : UN CONTENTIEUX DE MASSE, UNE PERCEPTION MODIFIÉE DANS L'OPINION

« En l'espace d'une génération, on sera passé d'un divorce relativement rare, affectant environ un couple sur dix, à un divorce fréquent, qui touche trois couples sur dix, et dont le risque, tout en étant maximal au début du mariage, reste élevé jusqu'à des durées relativement avancées ». Telle est l'observation faite par une étude sur les aspects démographiques et juridiques en France entre 1970 et 1996 (4). En effet, après une période de stabilité, le divorce a commencé à devenir plus fréquent, comme dans nombre d'autres pays européens, dans la deuxième moitié des années soixante. Avant même la réforme intervenue le 11 juillet 1975, le nombre de divorces était passé de 39 000 en 1970 à près de 60 000 en 1976. Il a ensuite continué de croître, dépassant le cap des 100 000 divorces prononcés en 1984 et des 110 000 en 1993. Après avoir été de 119 189 en 1995, le nombre de divorces prononcés est revenu à 112 631 en 2001.

Cette hausse du divorce a touché tous les couples quelle que soit leur durée de mariage, l'augmentation du taux de divorce étant toutefois d'autant plus forte que la durée du mariage était élevée. En 2001, la durée du mariage a été de 14,8 ans, avec certains écarts selon les cas de divorce retenus : elle a ainsi été de 14,1 ans en cas de divorce sur requête conjointe, de 14,9 ans dans les divorces pour demande acceptée, de 15,2 ans dans les divorces pour faute et de 27,4 ans pour les divorces pour rupture de la vie commune.

Devenu plus fréquent, le divorce est aussi de moins en moins considéré comme la sanction d'un manquement à l'une des obligations du mariage mais davantage comme la conséquence de l'échec du couple, dans la responsabilité duquel il est bien difficile de démêler la part imputable à l'un ou l'autre conjoint, comme l'atteste l'importance du nombre de divorces prononcés aux torts partagés, de l'ordre de 44 % des divorces pour faute d'après les statistiques fournies par la Chancellerie. Cette évolution est étroitement liée à l'évolution des mentalités qui, comme le soulignait le garde des Sceaux devant le Sénat, « font désormais de l'intensité du lien affectif et de l'épanouissement individuel dans le couple le fondement de l'union conjugale et la condition de son maintien »(5).

Toutefois, alors qu'il est de moins en moins admis de contraindre quelqu'un à rester marié avec un conjoint qu'il n'aime plus, force est de constater que le droit du divorce, tel qu'il résulte de la loi du 11 juillet 1975, offre une réponse peu satisfaisante aux couples qui se trouvent dans cette situation et qu'il n'a que partiellement atteint l'objectif de « dédramatisation » des procédures que s'était fixé le législateur.

B. LA LOI DU 11 JUILLET 1975 : DES ATTENTES DÉÇUES

Alors que le droit du divorce issu de la loi du 27 juillet 1884, dite loi Naquet, avait réintroduit le divorce mais ne l'avait admis que sur preuve de la faute de l'un des époux, le législateur de 1975 a profondément modernisé le droit du divorce.

_  Tout d'abord, face à l'infinie diversité des situations conjugales, il a souhaité laisser aux couples le choix du divorce qui corresponde le mieux à leur situation et prévu à cette fin quatre cas de divorce :

- supposant l'accord des parties sur le principe et les conséquences de la rupture de l'union, le divorce sur requête conjointe est organisé autour de deux comparutions devant le juge aux affaires familiales (articles 230 à 232 du code civil) ;

- reposant sur le double aveu de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune, le divorce demandé par un époux et accepté par l'autre suppose l'accord de principe des conjoints sur le divorce puis le règlement contentieux des conséquences du divorce (articles 233 à 236 du code civil) ;

- le divorce pour rupture de la vie commune peut être demandé en cas de séparation de fait des époux depuis plus de six ans ou en cas d'altération des facultés mentales de l'un d'entre eux depuis une durée identique (articles 237 à 241 du code civil) ;

- le divorce pour faute peut être demandé par l'un des époux pour des faits imputables à l'autre lorsque ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune (articles 242 à 246 du code civil).

Outre l'encouragement aux accords, même partiels, entre les époux, la loi du 11 juillet 1975 s'est efforcée de concentrer les conséquences du divorce au jour de son prononcé, afin de mettre un terme à l'abondant contentieux postérieur au divorce et au mauvais paiement des pensions alimentaires ; elle a ainsi institué la prestation compensatoire destinée à compenser la disparité que crée le divorce dans les conditions de vie de chaque époux (article 270 du code civil) et qui doit prendre la forme d'un capital dès lors que la consistance du patrimoine du débiteur le permet. Alors que « gagner » son divorce entraînait auparavant de réels avantages patrimoniaux, la loi du 11 juillet 1975 s'est enfin attachée à détacher la faute des droits pécuniaires après divorce pour pacifier les procédures.

En outre, la loi du 11 juillet 1975 comportait également d'autres « audaces inventives très en vue : l'éventualité d'un divorce aux torts partagés sans demande reconventionnelle, la concession judiciaire d'un bail du logement familial, l'ouverture du divorce au notariat. Cependant, toutes ces avancées s'adossent à de fortes traditions : divorce judiciaire, ministère des avocats, intérêt de l'enfant, mesures provisoires, maintien d'un divorce pour faute, maintien de la séparation de corps, survie partielle de la pension alimentaire. Le paysage du divorce a changé avec un vocabulaire qui fait sonner en clair les mutations de fond, mais sur une scène et pour un scénario connus » (6).

_  Comme le montre le tableau figurant ci-après, les quatre cas de divorce institués en 1975 sont aujourd'hui inégalement utilisés. Après un délai de mise en place des nouvelles dispositions législatives, les comportements ont peu évolué depuis le début des années quatre-vingts, sous réserve d'une progression du divorce sur demande conjointe et d'un tassement du divorce pour faute : depuis 1981, et confortant en cela l'objectif de pacification des procédures poursuivi par le législateur, les divorces par consentement mutuel sont devenus majoritaires, avec en leur sein une nette prédominance des divorces sur requête conjointe ; les divorces pour faute ont vu progressivement leur audience se réduire mais restent la deuxième procédure la plus utilisée, tandis que les divorces pour rupture de la vie commune, empreints d'une forte « litigiosité » « tant du fait de la résistance du défendeur [que] du poids qui risque de peser sur le demandeur et qui le conduira à rechercher la meilleure solution, fût-ce au prix d'une longue procédure »(7), apparaissent comme durablement marginalisés dans le paysage du divorce français, leur part dans le total des divorces prononcés oscillant depuis 1981 entre 1,5 et 1,1 %.

NOMBRE DE DIVORCES PRONONCÉS EN 2002

Cas

Nombre

Total
(en %)

Divorce sur requête conjointe

59 060

45,8

Divorce sur demande acceptée

19 669

15,3

Divorce pour rupture de la vie commune

1 662

1,3

Divorce pour faute

48 580

37,7

TOTAL

128 971

100,0

Source : Ministère de la Justice

Si les divorces sur requête conjointe sont majoritaires lorsque le mariage a duré moins de cinq ans, sans doute parce qu'ayant moins eu le temps d'acquérir des biens, les époux peinent moins à liquider leur régime matrimonial avant le prononcé du divorce ainsi que l'impose ce cas de divorce, ils deviennent moins fréquents à mesure que la durée du mariage augmente, la proportion de divorces sur requête conjointe tombant à 31,5 % pour les couples ayant été mariés plus de trente-cinq ans. Pour ces couples, le divorce pour rupture de la vie commune perd son caractère marginal, puisqu'il représente 10 % du total des divorces prononcés après trente-cinq ans d'union.

CHOIX DU CAS DE DIVORCE SELON LA DURÉE DU MARIAGE (DIVORCES 2001)

Durée du mariage
mariage

TOTAL

Consentement mutuel

Rupture de la
vie commune

Faute

Total

Requête
conjointe

Demande
acceptée

0-4

100,0

63,1

51,0

12,2

0,0

36,8

5-9

100,0

62,2

49,7

12,5

0,2

37,6

10-14

100,0

61,5

48,1

13,3

0,9

37,6

15-19

100,0

61,6

47,1

14,4

1,2

37,2

20-24

100,0

59,4

45,0

14,4

1,2

39,5

25-29

100,0

57,6

44,3

13,3

2,4

40,0

30-34

100,0

55,8

42,9

12,9

4,3

39,8

35 ans et plus

100,0

45,6

35,1

10,5

10,0

44,4

Source : ministère de la justice

Alors qu'il était souvent considéré que l'augmentation du nombre de divorces prononcés s'accompagnerait d'une moindre conflictualité des procédures, le maintien du divorce pour faute à un niveau relativement important s'explique moins par le souci des époux de plaider les griefs que par des raisons connexes.

Dans son rapport rendu en 1998, Mme Irène Théry indiquait ainsi que ce cas de divorce présentait une certaine facilité, dès lors que, contrairement au divorce sur requête conjointe, il ne contraint pas les époux à régler le sort des biens et des dettes communs et que « les exigences des juges sont faibles quant à la preuve des griefs, évoqués de manière souvent très formelle dans la procédure et le jugement ». Elle soulignait qu'il était également une nécessité, notamment lorsque « le divorce sur requête conjointe est impossible car le conjoint ne répond pas aux courriers de l'avocat consulté dans une perspective de divorce amiable », ainsi que l'atteste la proportion de divorces pour faute prononcés de façon non contradictoire (8). En outre, il convient de souligner que, malgré ses intentions, le législateur de 1975 n'est pas parvenu à déconnecter complètement les conséquences pécuniaires de la faute de la répartition des torts entre les époux, le législateur ayant établi un dispositif dual, qui demeure « sanctionnateur lorsque le divorce est dû au fait exclusif de l'un des époux (...), objectif (...) dans les situations où les époux ont tous deux part au divorce » (9). L'époux divorcé à ses torts exclusifs perd ainsi tout droit au bénéfice d'une prestation compensatoire et ne peut prétendre à une indemnité qu'« à titre exceptionnel, si compte tenu de la durée de la vie commune et de la collaboration apportée à la profession de l'autre époux, il apparaît manifestement contraire à l'équité de lui refuser toute compensation pécuniaire à la suite du divorce » (article 280-1 du code civil) ; il perd également le bénéfice des avantages matrimoniaux et des donations faites par son conjoint alors qu'ils sont maintenus pour son conjoint (article 265 du code civil).

L'audience du divorce pour faute tient également sans doute aux défauts propres aux deux autres cas de divorces contentieux.

En effet, bien que correspondant à la situation très fréquente dans laquelle les époux sont d'accord sur le principe du divorce mais non sur ses conséquences, le divorce sur demande acceptée a connu un succès statistique médiocre, bien qu'il semble variable selon les régions. Ce cas de divorce souffre tout d'abord du formalisme qui entoure le début de sa procédure, le juge ne pouvant constater l'aveu par les époux de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune qu'après un échange de mémoires entre les conjoints ; en outre, comme le relève le rapport de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, « le demandeur court le risque, si sa demande est rejetée, d'avoir à recommencer toute la procédure sur un autre fondement » et ce d'autant plus que l'aveu fait par le conjoint peut être rétracté par la voie de l'appel tant que l'ordonnance du juge qui le constate n'est pas devenue définitive. Le divorce sur demande acceptée produisant les mêmes effets qu'un divorce aux torts partagés (article 234 du code civil), il est donc possible que des époux qui souhaitent obtenir un divorce sans sanction ni coupable se reportent plus volontiers vers la procédure de divorce pour faute, l'article 248-1 du code civil leur permettant par ailleurs de demander au juge de se limiter à constater « qu'il existe des faits constituant une cause de divorce, sans avoir à énoncer les torts et les griefs des parties », ce que font d'ailleurs les parties dans 31,9 % des divorces pour faute.

Quant au divorce pour rupture de la vie commune, les conditions qui sont imposées à l'époux qui souhaite divorcer sans l'accord de son conjoint et sans avoir de faute à lui reprocher sont extrêmement sévères : séparation de fait de six ans ; règles exorbitantes du droit commun en matière de demande reconventionnelle (article 241 du code civil)(10; maintien du devoir de secours (articles 281 à 285 du code civil) ; obligation de supporter les charges du divorce (article 239 du code civil) ; révocation des avantages matrimoniaux et des donations dont il bénéficiait (article 265 du code civil). Résultat des débats passionnés qui ont accompagné l'institution de ce nouveau cas de divorce, ces conditions ont disqualifié celui-ci, contraignant celui des conjoints qui souhaite « retrouver sa liberté » soit à s'engager dans un divorce sur requête conjointe dont les conséquences pourraient lui être extrêmement défavorables, soit à demander le divorce sur le fondement de la faute de l'autre conjoint.

Au total, il est aujourd'hui admis que l'importance quantitative du divorce pour faute ne reflète pas les situations conjugales vécues, nombre de personnes y recourant à défaut de disposer d'une procédure plus adaptée. Or, cette situation n'est guère satisfaisante, d'une part, parce que la crédibilité de notre système judiciaire ne peut que souffrir de l'existence de « comédies judiciaires », d'autre part, parce que ne peuvent être niés les dégâts que peut causer une procédure de divorce pour faute sur un couple et sur son entourage, la recherche et la présentation de preuves de fautes à alléguer obérant le plus souvent tout dialogue entre les époux et toute possibilité d'accords sur les conséquences de leur séparation. C'est donc avec à nouveau comme objectif la pacification des procédures que le législateur s'attelle aujourd'hui à une réforme du divorce.

II. -  LE PROJET DE LOI : UNE RÉFORME PACIFICATRICE, RESPECTUEUSE DU SENS DE L'ENGAGEMENT MATRIMONIAL

Le présent projet de loi tend à pacifier les procédures et à adapter notre droit aux évolutions qui se sont fait jour dans notre société tout en tenant compte des responsabilités particulières qui naissent de l'engagement matrimonial. Comme le relevait le garde des Sceaux au Sénat, « le mariage est en effet plus que jamais, dans une société plurielle, l'expression d'un choix délibéré, librement consenti et dont la dimension sociale est pleinement assumée » (11).

Équilibré et prudent, le projet de loi conforte à plus d'un titre les orientations qui avaient présidé à l'élaboration de la loi du 11 juillet 1975. Il tend ainsi à restaurer « la vérité » des procédures, à favoriser les accords entre époux et à concentrer autant que possible le règlement des conséquences pécuniaires du divorce au moment du prononcé de celui-ci.

A. LA VÉRITÉ DES PROCÉDURES RESTAURÉE

Prenant acte de l'évolution des mentalités sur la question du divorce, le projet de loi modifie notre droit du divorce afin que la procédure choisie par les conjoints corresponde à la réalité de leur situation conjugale et ne soit pas dictée par des considérations étrangères à la cause de la rupture. À cette fin et mis à part le divorce sur requête conjointe, qui est un divorce gracieux, le texte, tout en maintenant le divorce pour faute, rénove les autres cas de divorce et rompt tout lien entre les conséquences du divorce et les conditions de son prononcé. Contrairement aux solutions parfois retenues dans d'autres pays (cf. annexe au présent rapport), le projet de loi a fait le choix de maintenir le pluralisme des cas de divorce. De même, il a maintenu, sous réserve de certains aménagements rendus nécessaire par la réforme du divorce (article 19 du projet de loi), les dispositions relatives à la séparation de corps, qui est toutefois peu utilisée (12).

1. Le maintien du divorce pour faute

À l'inverse du choix fait par l'Assemblée nationale en 2001 lors de l'examen de la proposition de loi présentée par M. François Colcombet, l'article 6 du projet de loi, aux termes de son examen par le Sénat, maintient le divorce pour faute dans une rédaction identique à celle qui figure aujourd'hui dans l'article 242 du code civil.

Ce choix - qui avait déjà été celui fait par les rapports respectivement présentés par Mmes Irène Théry et Françoise Dekeuwer-Défossez - se justifie tout d'abord par le fait que, comme le faisait observer le doyen Carbonnier, « les fautes qui font le divorce dessinent en creux les devoirs qui font le mariage » (13). Et il est indéniable que, ne serait-ce qu'à titre symbolique, ne plus faire de la violation des devoirs et obligations du mariage un cas de divorce aurait des répercussions sur le sens de l'engagement matrimonial.

En outre, si les causes de la rupture résident souvent dans une mésentente durable entre les époux, il est aussi des divorces dans lesquels c'est bien la faute de l'un des conjoints qui justifie la rupture de l'union. Comme le notait Mme Irène Théry dans son rapport précité, « si le droit doit veiller à ne pas attiser les conflits, il ne doit pas non plus ériger des modèles de « bon divorce ». La négociation ne vaut pas dans tous les cas, et il est aussi des conflits légitimes que la justice se doit de traiter, et non de disqualifier de façon moralisante ». Ainsi en est-il particulièrement des cas de violences conjugales : réalisée en 2000, l'enquête nationale sur les violences envers les femmes (14) - puisqu'il s'agit très majoritairement d'elles - a montré que, parmi les diverses violences subies, les violences conjugales sont les plus fréquentes, puisqu'elles concernent environ une femme sur dix (15). La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en 2001 n'avait d'ailleurs pas totalement écarté la prise en compte de la faute dans les procédures de divorce, puisqu'elle permettait au juge de constater dans le jugement de divorce, à la demande d'un conjoint, que des faits d'une particulière gravité, telles que des violences physiques ou morales, commis durant le mariage, pouvaient être imputés à son conjoint et qu'elle lui permettait par ailleurs de statuer sur l'action en dommages intérêts exercée sur le fondement de l'article 1382 du code civil par l'une des parties.

Enfin, alors que près de 38 % des divorces demeurent prononcés sur le fondement de la faute et que près de 42 % d'entre eux le sont aux torts exclusifs de l'un des époux, on peut se demander s'il n'est pas inutilement risqué de supprimer ce cas de divorce et s'il n'est pas à craindre que les époux, privés la possibilité de plaider les griefs, ne fassent de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux ou, plus grave, de l'organisation de la garde des enfants, le nouvel exutoire à leur conflit conjugal.

S'il maintient le divorce pour faute, le projet de loi s'efforce toutefois, dans un souci de pacification des procédures, d'en réduire l'audience en aménageant les autres cas de divorce, afin que les couples ne se reportent plus sur celui-ci à défaut de pouvoir obtenir le divorce sur un autre fondement. 

2. La rénovation du divorce sur demande acceptée et l'institution du divorce pour altération définitive du lien conjugal

Correspondant en pratique à un grand nombre de situations, le divorce sur demande acceptée est modifié par le projet de loi : intitulé « divorce accepté », il ne reposera désormais plus sur le double aveu des faits, qui est aujourd'hui à l'origine du formalisme de la procédure actuelle, mais sur le seul accord des parties sur le principe de leur rupture. En outre, le projet de loi précise que l'acceptation donnée par le conjoint sur le principe de la rupture du mariage ne sera pas rétractable (article 4 du projet de loi) et que les époux qui auront déclaré lors de l'audience de conciliation qu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le fondement de l'article 233 du code civil ne pourront engager l'instance que sur ce même fondement (article 13 du projet de loi). Se trouvent ainsi éliminés les aléas procéduraux que comporte aujourd'hui cette procédure et qui dissuadaient parfois les époux d'emprunter cette voie.
Ce cas de divorce pourra également être utilisé par des époux qui auront initialement été engagés dans une procédure de divorce pour faute ou de divorce pour altération définitive du lien conjugal, conformément au nouvel article 247-1 du code civil (article 7 du projet de loi).

Ainsi aménagé, il est permis de penser que ce cas de divorce se développera, en permettant par exemple à un couple d'accord pour divorcer mais qui ne s'entend pas sur les conséquences de la séparation ou qui n'a pas encore pu liquider ses biens communs de divorcer sur ce fondement ; il pourra également être utilisé lorsque l'un des conjoints refuse de prendre l'initiative du divorce mais, prenant acte du caractère intolérable de la vie commune, ne s'oppose pas à la demande de l'autre. Le réaménagement de ce cas de divorce permettra en outre d'éviter toute marche forcée des conjoints vers un divorce par consentement mutuel en permettant aux époux qui le souhaiteraient de s'orienter vers une procédure dont le temps sera mis à profit pour trouver des solutions qui soient adaptées à leurs situations.

Constituant l'une des innovations majeures du projet de loi, le divorce pour altération définitive du lien conjugal se substitue à l'actuel divorce pour rupture de la vie commune. Aux termes de l'article 238 du code civil tel qu'il résulte de l'article 4 du projet de loi, ce divorce est prononcé dans deux hypothèses : soit en cas de cessation de la communauté de vie tant affective que matérielle entre les époux durant les deux années précédant l'assignation en divorce, soit lorsque la demande en divorce introduite sur le fondement de la faute a été rejetée et que le défendeur a présenté une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal, « l'impossibilité de maintenir le lien conjugal étant, dans cette hypothèse, pleinement caractérisée », ainsi que le précise l'exposé des motifs du projet de loi. Comme l'indiquait le garde des Sceaux au Sénat, « cette voie devrait constituer une véritable alternative au divorce pour faute, en visant toutes les situations dans lesquelles la cause de la rupture se trouve plus dans la mésentente durable ou le désamour que dans l'existence d'une violation grave et avérée des obligations du mariage » (16). Alors que la durée de séparation de fait de six ans a contribué à marginaliser le divorce pour rupture de la vie commune, la durée de séparation est désormais ramenée à deux ans, ce qui paraît un délai raisonnable, notamment si le conjoint qui souhaite divorcer veut ensuite refaire sa vie. Il évitera notamment aux personnes qui souhaitent obtenir le divorce malgré le désaccord de leur conjoint d'avoir à engager une procédure de divorce pour faute artificielle. Afin de permettre au plus grand nombre de personnes de bénéficier de ce nouveau dispositif, l'article 25 du projet de loi précise les conditions dans lesquelles la loi nouvelle s'appliquera aux procédures en divorce introduites avant son entrée en vigueur - fixée par un amendement de la Commission au 1er janvier 2005 - et ouvre aux époux dont l'action en divorce devrait être jugée conformément à la loi ancienne la possibilité de voir prononcer leur divorce pour altération définitive du lien conjugal si les conditions de l'article 238 du code civil sont réunies.

3. Une déconnexion complète entre le cas de divorce choisi et les conséquences de celui-ci

Afin de restaurer la vérité des procédures mais également de les pacifier, le projet de loi rejoint « l'horizon vers lequel marcher » (17) évoqué par le doyen Carbonnier à propos du détachement de la faute des droits pécuniaires susceptibles d'être recueillis lors du divorce.

Afin d'éviter que les conjoints ne soient tentés de « plaider » les griefs en raison des avantages pécuniaires qui pourraient résulter d'un divorce prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux, le projet de loi met fin : à l'interdiction pour le conjoint divorcé à ses torts exclusifs de se voir verser une prestation compensatoire (I de l'article 18 du projet de loi) ; au régime dérogatoire en matière de donations et d'avantages matrimoniaux ainsi que de droits prévus par la loi ou des conventions passées avec des tiers aujourd'hui applicable au conjoint divorcé à ses torts exclusifs (article 16 du projet de loi) ; à l'interdiction faite à celui des époux auquel incombe la responsabilité principale de la séparation de demander le report des effets du jugement dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens (article 15 du projet de loi).

En outre, prenant acte de la banalisation du divorce et vidant notre droit de toute disposition qui accréditerait l'idée d'une condamnation morale de l'époux qui souhaiterait divorcer malgré le désaccord de son conjoint, le projet de loi supprime toutes les dispositions qui tendaient à faire du divorce pour rupture de la vie commune un divorce « à charge ». Contrairement à ce dernier, le divorce pour altération définitive du lien conjugal s'inscrit dans le droit commun du divorce. S'agissant du demandeur, on relèvera ainsi qu'il n'est plus tenu de supporter toutes les charges du divorce (abrogation de l'article 239 du code civil par l'article 23 du projet de loi), qu'il est susceptible de bénéficier d'une prestation compensatoire (article 270 du code civil tel qu'il résulte de l'article 18 du projet de loi), qu'il peut modifier le fondement de sa demande si le défendeur présente une demande en divorce pour faute (article 247-2 nouveau du code civil tel qu'il résulte de l'article 7 du projet de loi), qu'il ne subit plus de régime spécifique en matière de donations, avantages matrimoniaux ni de droits qu'il tiendrait de la loi ou de conventions avec les tiers (article 16 du projet de loi) et qu'il peut désormais demander le report des effets du divorce entre les conjoints en ce qui concerne leurs biens à la date à laquelle ils ont cessé de collaborer et de cohabiter (article 15 du projet de loi). Concomitamment, le projet de loi met fin au statut spécifique que le législateur de 1975, soucieux d'éviter tout risque de « divorce-répudiation », avait accordé au conjoint défendeur dans ce type de divorce : la clause prévue à l'article 241 du code civil, qui permet au juge de rejeter la demande de divorce si le défendeur établit que le divorce aurait, soit pour lui, compte tenu notamment de son âge et de la durée du mariage, soit pour les enfants, des conséquences matérielles ou morales d'une exceptionnelle dureté, est abrogée (article 23 du projet de loi) ; la faculté qui lui est aujourd'hui reconnue de bénéficier d'un bail forcé est supprimée (article 19 du projet de loi) et le maintien du devoir de secours à son égard est supprimé au profit du régime de droit commun de la prestation compensatoire. Enfin, les dispositions relatives au nom d'usage des conjoints divorcés ne reprennent plus la règle actuelle qui permet à la femme de conserver le nom d'usage de son mari lorsque le divorce a été prononcé à la demande de celui-ci pour rupture de la vie commune.

Pour autant, le projet de loi s'attache à protéger l'époux « victime », qu'il s'agisse de celui qui se voit imposer le divorce pour altération définitive du lien conjugal ou de celui reconnu innocent dans un divorce pour faute, en lui ouvrant la possibilité de bénéficier de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil.

B. LA RÉNOVATION DE L'INTERVENTION JUDICIAIRE DANS LES PROCÉDURES DE DIVORCE

Suivant en cela les conclusions du rapport de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, le projet de loi a préservé la compétence exclusive du tribunal de grande instance et, en son sein, celle du juge aux affaires familiales, pour prononcer les divorces. Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, « il est apparu qu'il n'y avait pas lieu de donner compétence pour prononcer le divorce, même pour les cas les plus simples, à une autorité autre que judiciaire. Une telle solution conduirait à transformer le mariage, institution républicaine fondamentale, en un simple contrat dont le sort serait laissé à la seule appréciation des époux. Elle risquerait, en outre, de favoriser les pressions d'un époux sur l'autre et de générer un contentieux après divorce important ».

Pour autant, cela ne signifie pas que le rôle du juge dans les procédures de divorce - dont le rapporteur a déjà rappelé l'importance dans les contentieux civils actuels - ne doive pas évoluer pour préserver toute la légitimité de son intervention dans la rupture d'un couple et la recomposition de la cellule familiale qu'elle implique. Si le projet de loi met en exergue l'importance du respect de la volonté des parties, il confie également au juge le soin de veiller aux intérêts de chacun des époux et de faire la part des responsabilités de chacun dans la rupture de l'union.

1. Le respect de la volonté des conjoints

Déjà nette dans la réforme de 1975(18), la faveur donnée aux arrangements amiables entre les époux est encore accrue par le projet de loi. Librement négociés, ces accords permettent de dégager des solutions mieux adaptées aux cas d'espèce ; mieux exécutés que des décisions judiciaires imposées, ils sont ainsi souvent le gage d'un après-divorce apaisé, particulièrement important lorsque sont impliqués des enfants. Affirmant le respect de la volonté exprimée par les époux, le projet de loi se fait ainsi l'écho de la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, qui a privilégié les accords auxquels parviennent les parents pour l'organisation des modalités d'exercice de l'autorité parentale et la fixation de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant (article 373-2-7 du code civil). Ce souci de respecter la volonté exprimée par les époux se retrouve aussi bien dans l'aménagement de la procédure de divorce par consentement mutuel que dans la réorganisation des procédures propres aux divorces contentieux.

a) Une procédure de divorce par consentement mutuel simplifiée

Reposant entièrement sur la volonté des parties, le divorce sur requête conjointe, désormais intitulé divorce par consentement mutuel, fait l'objet de modifications reflétant le souhait de donner son plein effet à la volonté des conjoints.

Reprenant une disposition de la proposition de loi de M. François Colcombet, l'article 9 du projet de loi réorganise la procédure au tour d'une seule comparution au terme de laquelle le juge, par la même décision, homologue la convention que lui ont soumise les époux et prononce le divorce après avoir vérifié la qualité du consentement des époux et la préservation des intérêts des enfants et de chacun des époux par la convention.

Dans la même logique, le projet de loi supprime toute référence à la tentative de conciliation entre les époux à laquelle le juge doit aujourd'hui procéder, ainsi que le délai de six mois de mariage qui est aujourd'hui exigé pour que les époux puissent demander conjointement le divorce (article 2 du projet de loi). La Commission a toutefois adopté un amendement de Mme Geneviève Levy, prévoyant un délai de trois mois entre la présentation de la requête et la comparution devant le juge.

b) Un aménagement des procédures de divorce contentieux destiné à laisser toute leur place aux accords entre époux

Afin d'éviter que les divorces contentieux ne tournent au duel judiciaire, l'apaisement des procédures est tout d'abord recherché à travers l'institution d'un tronc procédural commun aux trois divorces contentieux, que sont le divorce pour faute, le divorce pour altération définitive du lien conjugal et le divorce accepté et au cœur duquel se trouve l'audience de conciliation. Alors que l'exposé des griefs à l'encontre de son conjoint dès la requête initiale obère souvent les possibilités de dialogue entre les époux, l'article 10 du projet de loi, aux termes de son examen par le Sénat, prévoit qu'il ne sera plus fait mention des motifs du divorce dans la requête initiale. Désormais, ce ne sera qu'après l'audience de conciliation entre les époux et lors de l'introduction de l'instance en divorce que le demandeur fera connaître le cas de divorce sur lequel il fonde sa demande (article 13 du projet de loi). Source d'apaisement, cette nouvelle organisation est également une source de simplification pour les justiciables.

Procédant également du souci d'apaiser les procédures, l'article 14 du projet de loi donne valeur législative à l'interdiction d'entendre les descendants sur les griefs invoqués par les époux. Les obligations de loyauté et de transparence ont également été renforcées, notamment à l'initiative du Sénat, qui a utilement complété les dispositions relatives aux preuves en interdisant la production de communications avec les tiers ou le versement aux débats du contenu des écrits personnels appartenant à son conjoint, obtenus par fraude ou violence. En outre, la déclaration sur l'honneur instituée par la loi du 30 juin 2000 pour la fixation de la prestation compensatoire, par laquelle les parties attestent de l'exactitude leurs revenus, patrimoines, ressources et conditions de vie, a été étendue aux prestations fixées par convention entre les époux dans le cadre d'un divorce contentieux. Enfin, l'obligation de communiquer touts documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial a été étendue aux personnes que le juge pourra, lors de l'audience de conciliation, désigner pour faciliter le règlement des intérêts pécuniaires des époux.

Ainsi apaisées, les procédures contentieuses devraient permettre aux époux de dégager des accords pour lesquels le projet de loi marque sa faveur, qu'ils portent sur le cas de divorce choisi ou sur les conséquences de la rupture de l'union, le temps de la procédure (19) étant ainsi mis au service des parties en permettant notamment de prendre en compte une éventuelle évolution de leurs volontés au cours de la procédure. Les « passerelles » entre les cas de divorce sont rénovées et simplifiées, possibilité étant désormais laissée aux époux de demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce, non seulement par consentement mutuel, mais également pour acceptation du principe de la rupture du mariage (article 247-1 du code civil tel qu'il résulte de l'article 7 du projet de loi). En outre, les époux pourront soumettre à l'homologation du juge des conventions réglant tout ou parties des conséquences du divorce, y compris en matière de prestation compensatoire (article 268 du code civil tel qu'il résulte de l'article 17 du projet de loi). Actuellement prévues à l'article 1450 du code civil, les conventions pour la liquidation et le partage de la communauté ne devront être passées par acte notarié que lorsqu'elles porteront sur un bien soumis à la publicité foncière (III de l'article 21 du projet de loi). Enfin, les époux seront incités à passer des accords en matière de prestation compensatoire par la flexibilité qu'ils retrouveront dans ce cadre conventionnel, l'article 279-1 nouveau du code civil leur permettant notamment de prévoir des rentes temporaires ou des prestations dont le versement cessera à compter de la réalisation d'un événement déterminé (article 18 du projet de loi).

La recherche de ces accords devrait être facilitée par le recours croissant à la médiation familiale. Pratique développée depuis une quinzaine d'années à l'initiative des juridictions et sous l'impulsion des structures associatives, la médiation consiste en l'intervention d'un tiers qualifié qui entend les parties et confronte leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. Consacrée par les articles 21 à 26 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995, la médiation judiciaire civile s'est particulièrement développée en matière familiale en permettant aux parties, sur des sujets particulièrement sensibles, notamment lorsque sont en jeu les intérêts des enfants, de renouer le dialogue et de trouver des solutions pérennes. Introduite sous l'article 373-2-10 du code civil par la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, la médiation familiale voit son rôle dans la gestion des conflits familiaux conforté par le présent projet de loi. S'inspirant là encore de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en 2001, le projet de loi modifie l'article 255 du code civil relatif aux mesures provisoires susceptibles d'être prises par le juge aux affaires familiales lors de l'audience de conciliation : figureront désormais en tête de ces mesures la possibilité pour le juge, d'une part, de proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, de désigner un médiateur familial pour y procéder, d'autre part, d'enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de la médiation. Si ces séances d'information ordonnées par le juge sont gratuites, les séances de médiation elles-mêmes sont à la charge des parties, la rémunération du médiateur étant toutefois prise en charge par l'État au titre de l'aide juridictionnelle lorsque les parties bénéficient de cette dernière. Afin de donner sa pleine mesure à ces nouvelles dispositions législatives et d'assurer la qualité des prestations fournies par les médiateurs, le budget pour 2004 consacré au financement des associations de médiation familiale été augmenté de 772 000 euros, pour atteindre ainsi 1,88 millions d'euros tandis que le décret n° 2003-1166 du 2 décembre 2003 portant création du diplôme d'État de médiateur familial a précisé les conditions de formation de ces professionnels.

2.  La sauvegarde des intérêts de chacun des époux

Tout en s'efforçant de respecter l'autonomie de la volonté des époux, le projet de loi assigne clairement au juge le soin de préserver les intérêts de chacun des époux ainsi que ceux des enfants. Ainsi dans les divorces contentieux, les conventions prévues à l'article 268 du code civil seront-elles soumises à l'homologation du juge. S'agissant des divorces par consentement mutuel et comme c'est aujourd'hui le cas, la convention par laquelle les époux règlent les conséquences de leur divorce est soumise à l'homologation du juge (article 2 du projet de loi) et il est permis de penser qu'il examinera ses termes avec une particulière vigilance dès lors que le divorce pourra être prononcé au terme d'une seule comparution, l'allégement de la procédure devant d'ailleurs lui permettre de dégager plus de temps à cet effet. De même s'il est dans l'esprit de ce cas de divorce que les époux arrêtent eux-mêmes les mesures provisoires qu'ils souhaitent éventuellement prendre si l'homologation de leur convention est refusée, il reviendra au juge de les homologuer en vérifiant qu'elles sont conformes à l'intérêt des enfants (article 250-2 du code civil tel qu'il résulte de l'article 9 du projet de loi).

Par ailleurs, l'importance et la gravité des violences conjugales ont conduit le Gouvernement à étoffer la palette des mesures susceptibles d'être prises par le juge afin d'assurer la protection d'un conjoint et des enfants contre les violences exercées par l'autre époux. Sans remettre en cause les dispositions de l'article 257 du code civil qui permettent au juge, dès la requête initiale et de façon non contradictoire, d'autoriser l'époux demandeur à résider séparément, s'il y a lieu avec ses enfants mineurs, l'article 22 du projet de loi modifie l'article 220-1 du code civil afin de permettre au juge d'évincer le conjoint violent du domicile conjugal et, le cas échéant, de se prononcer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Prises avant même l'introduction d'une demande en divorce, ces nouvelles dispositions seront prises dans le respect du principe du contradictoire - ainsi que le garde des Sceaux s'est engagé à le prévoir dans le décret de procédure qui viendra compléter la loi - et pour une durée limitée à trois mois. La Commission s'est, par ailleurs, attachée à renforcer l'efficacité de ce dispositif, en précisant que le juge statue sur la contribution aux charges du mariage et en aménageant les dispositions relatives à l'expulsion (article additionnel avant l'article 24).

Enfin, si la procédure doit être orientée de façon privilégiée vers l'organisation de l'après-divorce, il convient également qu'elle n'efface pas les responsabilités particulières que l'un des conjoints peut avoir dans la rupture de l'union et qui ne sont que le reflet de la responsabilité qu'implique l'engagement matrimonial. Dans l'appréciation de ces responsabilités, le juge trouve tout son rôle : c'est à lui qu'il appartiendra, si l'équité le commande, de refuser d'accorder une prestation compensatoire, notamment lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture (article 270 du code civil tel qu'il résulte de l'article 18 du projet de loi). Il lui reviendra également d'accorder des dommages et intérêts à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage, soit lorsqu'il est défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint (article 266 du code civil tel qu'il résulte de l'article 17 du projet de loi).

C. LE RÈGLEMENT DES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES DU DIVORCE LORS DE SON PRONONCÉ

À l'instar de la loi du 11 juillet 1975, le projet de loi s'efforce de concentrer les conséquences pécuniaires et patrimoniales du divorce au moment du prononcé du divorce. Il s'agit ainsi d'éviter que se perpétuent entre les anciens époux des rapports juridiques qui constituent autant de source de litiges, mais aussi de tenir compte du fait, observé par le doyen Carbonnier, que la décision judiciaire est plus efficace lorsqu'elle est exécutée à un moment où les époux sont encore sous la « dépendance psychologique » de celle-ci.

1. Des retouches à la réforme de la prestation compensatoire intervenue en 2000

Allouée en 1996 dans 14 % des divorces prononcés, la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. Attestant du souci du législateur de 1975 de mettre fin aux contentieux postérieurs au divorce que suscitait la pension alimentaire, révisable à la hausse ou à la baisse en fonction des besoins et des ressources de chacun des époux, la prestation compensatoire prend la forme d'un capital « si la consistance du patrimoine du débiteur le permet » et n'est révisable que si l'absence de révision doit avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour le débiteur. Les juridictions ayant très souvent écarté un versement en capital au profit de l'allocation d'une rente, viagère ou temporaire et n'ayant admis qu'avec une extrême sévérité les demandes de révision présentées par les parties, laissant ainsi parfois les débiteurs dans de grandes difficultés financières, la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 s'est efforcée de remédier à ces défauts (cf. article 18 du projet de loi).

Sans remettre en cause l'objet de la prestation compensatoire ni les principes dégagés par la loi du 30 juin 2000, l'article 18 du projet de loi en aménage le dispositif afin de remédier aux difficultés d'application que suscitent certaines de ses dispositions.

Figurant désormais à l'article 270 du code civil, qui définit la prestation compensatoire, le principe de son versement sous forme de capital est réaffirmé ; la préférence donnée au capital s'exprime également dans le souci de clarifier les conditions dans lesquelles un capital pourra être substitué à tout ou partie d'une rente viagère, le texte renvoyant désormais sur ce point à un décret en Conseil d'État ; les différentes formes de versement en capital - paiement d'une somme d'argent, le cas échéant échelonné sur une durée maximale de huit ans, abandon d'un bien en propriété, attribution d'un usufruit ou d'un droit d'usage ou d'habitation - pourront être combinées, afin de permettre une meilleure adaptation à la consistance du patrimoine du débiteur et aux besoins du créancier.

Le caractère exceptionnel du versement de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère n'est pas remis en cause, le projet de loi ajoutant aux critères de l'âge et de l'état de santé du débiteur celui de l'absence d'amélioration notable de la situation financière du créancier (article 276 du code civil) - que la Commission a supprimé -, mais autorisant toutefois, afin de donner plus de souplesse au dispositif, à minorer le montant de la rente octroyée de l'attribution d'une fraction en capital lorsque les circonstances l'exigent (article 276, dernier alinéa).

S'agissant des conditions de révision de la prestation compensatoire, le projet de loi ne modifie pas, sous réserve de clarifications rédactionnelles (article 22 du projet de loi), la possibilité de demander la révision des rentes en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, les statistiques disponibles sur le contentieux de la révision montrant que la réforme du 30 juin 2000 a de nouveau permis l'expression d'un contentieux qui avait été tari par une jurisprudence extrêmement sévère sur les conditions de révision (20). S'agissant de la révision des modalités de versement de la prestation compensatoire qui aura été prévu sur plusieurs années, le projet de loi se limite à préciser que le rééchelonnement des versements pourra être demandé en cas de changement important - et non plus notable - de la situation du débiteur, ce qui opère une simplification du droit bienvenue.

Contrairement à la loi du 30 juin 2000, l'article 18 du projet de loi met fin au principe de la transmission passive de la prestation compensatoire aux héritiers du débiteur : aux termes des articles 280 et 280-1 du code civil tels qu'ils résultent du projet de loi, la prestation compensatoire, lorsqu'elle prendra la forme d'un capital dont le versement est échelonné sur plusieurs années ou d'une rente, sera prélevée sur la succession dans la limite de son actif. Un capital sera alors versé au créancier, sauf si les héritiers décident d'un commun accord de maintenir les modalités de paiement applicables du vivant du débiteur.

Enfin, comme la loi du 30 juin 2000, le projet de loi comporte des dispositions propres aux prestations compensatoires allouées sous l'empire de la loi ancienne. Aux nouvelles modalités de révision, possibles en cas de changement important dans les ressources et les besoins des parties, l'article 25 du projet de loi ajoute une nouvelle hypothèse de révision, lorsque les rentes procurent au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères qui sont désormais retenus pour l'attribution d'une rente viagère.

2. La clarification du sort des donations et avantages matrimoniaux

Alors que le caractère révocable des donations consenties entre époux est aujourd'hui une source de complexité et d'ambiguïté, puisqu'à défaut de décision prise par eux sur ce point, les règles actuelles conduisent à considérer que les époux les ont maintenues avec leur caractère d'origine, le projet de loi simplifie le régime des donations et avantages matrimoniaux en cas de divorce.

Ainsi, les dispositions qui portent sur des biens présents seront maintenues, tandis que celles qui n'auront pas produit leurs effets seront révoquées de plein droit par le prononcé du divorce, sauf volonté contraire de l'époux qui les a consenties. Il s'agit d'éviter le maintien par inadvertance de dispositions ou, à l'inverse, leur révocation unilatérale, alors qu'elles participaient de l'équilibre général du règlement du divorce entre les époux (articles 16 et 21 du projet de loi). La Commission a adopté un amendement précisant que les avantages et donations deviennent irrévocables lorsqu'ils ont été confirmés lors du prononcé du divorce.

3. L'encadrement des opérations de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux

Afin d'éviter que le conflit conjugal ne se reporte, une fois le divorce prononcé, sur le terrain des biens, le projet de loi s'est attaché à encadrer dans le temps les opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux. Reprenant une disposition figurant dans la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en 2001, le projet de loi définit un calendrier pour la liquidation et le partage du régime matrimonial (articles 267 et 267-1 du code civil tels qu'ils résultent de l'article 17 du projet de loi).

Par ailleurs, la procédure et les prérogatives du juge aux affaires familiales sont réorganisées afin de permettre, autant qu'il est possible, une simultanéité entre le prononcé du divorce et la liquidation. Au titre des mesures provisoires, le juge pourra désormais désigner un notaire ou autre professionnel qualifié en vue de dresser un état estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux, et désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager (article 12 du projet de loi). De même, l'obligation pour le juge, lorsqu'il attribuera à l'un des époux la jouissance du logement et du mobilier du ménage lors de l'audience de conciliation, de préciser le caractère gratuit de cette obligation, facilitera la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux (article 12 du projet de loi), de même que l'interdiction, en dehors de toute action en divorce, de demander le report des effets du divorce en ce qui concerne les biens des époux à la date à laquelle ils ont cessé de collaborer et de cohabiter (article 15 du projet de loi). Afin d'inciter les époux à régler le plus en amont possible les intérêts pécuniaires et patrimoniaux, le texte oblige le conjoint, à peine d'irrecevabilité, à joindre à sa demande introductive d'instance une proposition de règlement de ceux-ci (article 257-2 du code civil tel qu'il résulte de l'article 13 du projet de loi). Enfin, toujours dans un souci d'accélération des procédures, l'article 267 du code civil, tel qu'il résulte de l'article 17 du projet de loi, permet au juge de statuer sur les désaccords persistant entre les époux lors du prononcé du divorce, dès lors que le projet de liquidation du régime matrimonial établi par le notaire désigné dans le cadre des mesures provisoires contient des informations suffisantes.

La Commission a procédé le mardi 24 février à l'audition de M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice, et à la discussion générale sur le projet de loi relatif au divorce.

M. Dominique Perben a rappelé que le débat au Sénat s'était déroulé dans un climat constructif, aucune voix n'ayant été exprimée contre l'adoption du texte. Il a précisé que le caractère consensuel de la réforme, qui est très attendue, justifiait le recours à la procédure d'urgence, seule de nature à permettre son adoption définitive avant la fin du premier semestre de cette année. Il a ensuite développé les points suivants.

· Le projet de loi s'inscrit dans le cadre plus général de la réforme du droit de la famille à laquelle le Gouvernement travaille et qui concerne, certes, le droit du mariage et des régimes matrimoniaux, mais également le droit de la filiation, celui des successions, ainsi que le régime de protection des majeurs vulnérables. S'agissant plus précisément de la réforme du divorce, la réforme prend en considération les évolutions sociologiques majeures qui sont intervenues ces dernières années et qui ont profondément modifié les relations au sein du couple. En effet, face à la multiplicité des situations de séparation, il est devenu nécessaire d'adapter le dispositif législatif issu de la loi du 11 juillet 1975 afin de pacifier les procédures de divorce. À cette fin, un groupe de travail a été constitué, réunissant des universitaires, des praticiens, des magistrats, avocats et notaires ainsi que de nombreux parlementaires. Sur le fond, le projet répond à une double exigence : d'une part, adapter et moderniser notre législation tout en respectant les valeurs fondatrices de notre société et, en particulier, celle de l'engagement dans le mariage et, d'autre part, maintenir le nécessaire équilibre des droits de chacune des parties au regard des nombreuses conséquences provoquées par la séparation. À cet égard, il importe qu'une vigilance particulière soit accordée au conjoint le plus faible, qu'il s'agisse d'une faiblesse de nature psychologique ou économique. C'est la raison pour laquelle l'instauration d'une procédure de divorce ne prévoyant pas l'intervention d'un juge a été écartée.

La volonté de pacifier les procédures de divorce qui guide le projet de loi du Gouvernement s'opère au travers de l'adaptation des cas de divorce reconnus par la loi et de l'incitation à l'élaboration d'accords entre les époux. La pérennisation du pluralisme des cas de divorce constitue l'un des principaux axes du projet de loi, afin d'éviter que le recours à la procédure de divorce pour faute, aux effets souvent destructeurs pour les personnes concernées, ne soit, comme c'est malheureusement le cas aujourd'hui, la seule issue en cas de désaccord des époux, 42 % des divorces étant effectivement prononcés sur ce fondement. Afin de garantir la prise en compte de la pluralité des situations individuelles, le projet distingue donc quatre cas de divorce : le divorce par consentement mutuel, lorsque les parties s'accordent sur l'ensemble des conséquences de leur séparation ; le divorce accepté, lorsque leur accord se limite au principe de la séparation ; le divorce pour faute, tel qu'il est prévu par le droit en vigueur ; enfin le divorce pour altération définitive du lien conjugal, qui se substitue au divorce pour rupture de la vie commune. Ce cas de divorce constitue une innovation importante du projet de loi, qui devrait permettre d'améliorer la prise en considération des situations où la communauté de sentiments entre les époux n'existe plus et où le maintien de l'union n'a donc plus de sens. Proposé par le Sénat, le nouveau mode de calcul du délai de deux ans de séparation qui fonde ce cas de divorce marque une avancée bienvenue en matière de simplification de la procédure de divorce.

Le choix des époux entre telle ou telle procédure ne doit d'ailleurs plus être motivé par des considérations étrangères à la cause réelle de leur séparation : c'est la raison pour laquelle le projet de loi supprime le lien qui existe aujourd'hui entre le droit à la prestation compensatoire et l'imputation des torts. De même en est-il du sort des donations et avantages matrimoniaux. Par ailleurs, le règlement apaisé des conséquences de la séparation sera facilité par le développement de la médiation familiale, dont le rôle est renforcé, ainsi que par une série de dispositions originales tendant à encourager les époux à liquider le plus rapidement possible leur régime matrimonial ; à cette fin, le juge pourra désigner un notaire dès l'audience de conciliation, les époux devront joindre à leur demande introductive d'instance une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et les opérations de liquidation postérieures au prononcé du divorce seront encadrées dans un délai raisonnable.

· La simplification des procédures de divorce passe par une meilleure prise en compte de la volonté commune des parties ainsi que par la simplification de l'accès au juge. Il est en effet essentiel que la volonté des époux, libre et éclairée, trouve sa pleine expression, notamment lorsque le divorce est prononcé par consentement mutuel. Dans cette hypothèse, le projet de loi prévoit le prononcé du divorce au terme d'une seule audience, au lieu de deux actuellement, le contrôle du juge étant intégralement maintenu et garantissant, de ce fait, la sincérité du consentement et l'équilibre des conventions. La suppression de la deuxième comparution est, certes, contestée par certains praticiens, mais son maintien risquerait de faire échouer la volonté de simplification de la réforme : il s'agit en effet, dans cette hypothèse, de personnes qui sont parvenues à un accord sur l'ensemble des modalités de leur séparation. Par ailleurs, le divorce demandé et accepté, que son formalisme excessif prive d'une grande part de son intérêt, est substantiellement simplifié par le projet de loi. Toutefois, l'assistance obligatoire d'un avocat pour chaque époux constitue, dans ce cas, un gage de la réalité des volontés des conjoints. Des conventions relatives aux modalités d'exercice de l'autorité parentale, mais aussi aux conséquences du divorce pour les époux, seront susceptibles d'être soumises à l'homologation du juge. En outre, l'apaisement des procédures de divorce sera favorisé grâce à l'institution d'un tronc commun procédural jusqu'à la présentation de l'assignation.

· La réforme proposée tend également responsabiliser les époux. À cet effet, le régime des dommages-intérêts est modifié pour améliorer la réparation des conséquences liées à la faute d'un époux, tout en garantissant la réparation des conséquences graves d'ordre matériel ou moral subies par un époux du fait du prononcé d'un divorce qui lui est imposé. Une attention particulière est ainsi portée au conjoint dont le mariage est dissout alors même qu'il n'est pas à l'origine de cette décision : tel est le cas lorsque le divorce est prononcé pour altération du lien conjugal sans qu'il ait pris l'initiative de cette demande ou lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'autre conjoint. Dans le même sens, la réforme prend en considération le drame des violences conjugales dont l'ampleur et la gravité sont mieux mesurées aujourd'hui : le projet prévoit un dispositif nouveau tendant à répondre de façon plus satisfaisante aux situations mettant en danger l'un des époux victime de violences ; dans cette hypothèse, l'époux victime pourra saisir le juge afin qu'il soit statué sur la résidence séparée du couple, une préférence lui étant accordée dans le maintien au domicile conjugal, et ce avant même le début de toute procédure de divorce. Toutefois, compte tenu de la gravité de la situation et des conséquences de la décision du juge, il importe que le respect du principe du contradictoire soit pleinement assuré, ce que s'attachera à faire le décret de procédure.

· S'agissant des dispositions relatives à la prestation compensatoire, le dispositif issu de la loi du 30 juin 2000 est maintenu et étendu à l'ensemble des cas de divorce. Ainsi, la situation de l'époux dépendant, en raison de son âge ou de son état de santé, sera prise en considération grâce à l'octroi d'une rente viagère désormais susceptible d'être complétée par une fraction en capital. Dans l'hypothèse où le débiteur vient à décéder alors même que la prestation compensatoire est encore due, il importe de préserver l'équilibre et l'équité entre le créancier et les héritiers du débiteur : à cet effet, sauf option contraire des héritiers, le projet de loi prévoit de prélever la prestation compensatoire sur l'actif successoral, et dans les limites de celui-ci. Lorsque la prestation compensatoire versée par le défunt aura pris la forme d'une rente, un capital pourra lui être substitué après déduction du montant des pensions de réversion. Ce dispositif présente l'avantage d'apurer définitivement la dette tout en respectant les droits du créancier et sans alourdir la charge des héritiers. Il sera applicable à l'ensemble des prestations compensatoires en cours, dès lors que la succession du débiteur n'aura pas été liquidée à la date d'entrée en vigueur de la loi. Ce mécanisme de substitution ne saurait naturellement constituer un moyen détourné de réviser la montant de la prestation compensatoire : à cette fin, une véritable équivalence entre la rente et le capital devra être trouvée. Un groupe de travail, chargé de préparer le décret d'application de ces dispositions a été constitué et a d'ores et déjà communiqué ses premières conclusions. Le texte définitif de ce décret devrait être disponible au moment de l'examen du projet de loi en séance publique, ce qui garantira la pleine information de la représentation nationale sur cette importante question.

L'exposé du ministre a été suivi de plusieurs interventions.

Rappelant que le chantier de la réforme du divorce était ouvert depuis plusieurs années, M. Patrick Delnatte, rapporteur, a indiqué que ce projet de loi était fort attendu et, au vu des auditions effectuées et de la teneur des débats au Sénat, bien accueilli. Prenant acte de la simplification de la procédure de divorce par consentement mutuel opérée par l'organisation d'une seule comparution devant le juge, il s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles seraient prises les mesures provisoires si le juge n'homologue pas la convention. Se félicitant ensuite que le texte favorise le recours à la médiation familiale en permettant au juge d'inciter les parties à y recourir ou de leur enjoindre d'assister à une réunion d'information à ce sujet, il a interrogé le ministre sur les conditions de financement de ces mesures, souhaitant que leur coût ne constitue pas un obstacle pour les époux. Il s'est demandé comment la prestation compensatoire pourrait être prélevée sur la succession du débiteur si celui-ci s'organisait, notamment par des donations, pour qu'il n'y ait pas d'actif successoral. Il a également souhaité avoir des précisions sur les modalités de substitution d'un capital à une rente, soulignant qu'il s'agissait d'un point particulièrement sensible. Enfin, observant le coût élevé que représente un divorce, il a interrogé le ministre sur les évolutions possibles du dispositif fiscal applicable à la prestation compensatoire et exprimé le souhait que le divorce ne soit pas une occasion de perception fiscale.

En réponse, le ministre de la Justice a tout d'abord indiqué que le nombre de refus d'homologation de conventions est aujourd'hui très faible, de l'ordre de 1 % ; rappelant que les conditions seront réunies pour faciliter l'émergence d'un accord sur les mesures provisoires et que le champ de ces dernières sera très restreint, il a jugé nécessaire de relativiser le risque que les parties et les juges ne parviennent pas à arrêter des mesures provisoires adaptées : si les époux se sont mis d'accord pour présenter une requête conjointe et soumettre au juge un projet de convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce, ils parviendront à s'accorder sur des mesures provisoires.

S'agissant de la médiation familiale, il a considéré que celle-ci pouvait être extrêmement utile, soit pour permettre une réconciliation des époux, soit pour apaiser la procédure de divorce et permettre aux parties de dégager des accords sur tout ou partie des conséquences du divorce ; il a précisé que le budget du ministère de la justice pour 2004 consacrait une dotation de 1,88 millions d'euros au financement des associations de médiation familiale, soit une augmentation de 772 000 euros par rapport à l'année précédente, et indiqué que le Gouvernement, et notamment M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, prêtait une particulière attention à la question de la formation des médiateurs, afin d'assurer leur professionnalisme.

S'agissant de la prestation compensatoire, il a admis qu'il convenait d'être effectivement très attentif à ce qu'un débiteur ne « vide » sa succession : outre la faculté d'agir contre les actes d'appauvrissement du débiteur sur le fondement de la fraude paulienne, le créancier pourra également saisir les biens légués par le défunt qui ne peuvent être délivrés qu'après paiement de l'ensemble des créanciers.

Pour ce qui concerne les conditions de substitution d'un capital à une rente, il a indiqué que le mécanisme retenu dans le décret intègrerait deux paramètres : d'une part, les tables de mortalité 1998-2000, établies par l'insee, d'autre part, un taux d'intérêt technique résultant de la moyenne des taux moyens des emprunts d'État des cinq dernières années, dont serait déduit l'indice moyen des prix à la consommation, soit un taux d'environ 3 %. Il a ainsi précisé que, pour une femme de 70 ans bénéficiant d'une rente viagère de 500 euros par mois, le capital correspondant serait de 76 956 euros.

Évoquant ensuite les discussions en cours avec le ministère des finances sur l'aménagement du dispositif fiscal relatif à la prestation compensatoire, il a indiqué que des amendements seraient déposés afin de mettre en place un régime unique de taxation à 1 % des prestations versées en capital par l'abandon d'un bien quelle que soit l'origine de celui-ci  et d'étendre la réduction d'impôt dont bénéficie aujourd'hui le versement du capital en numéraire au paiement en capital par abandon d'un bien.

Après avoir indiqué que, comme cela a été le cas au Sénat, le groupe socialiste entendait aborder l'examen de ce projet de loi dans un esprit constructif, M. Jean-Yves Le Bouillonnec a interrogé le ministre sur les raisons qui l'ont conduit à maintenir le divorce pour faute et souhaité savoir quelle appréciation il avait de l'état de l'opinion sur cette question ; il s'est demandé s'il ne serait pas préférable de traiter les violences conjugales dans le cadre du droit pénal, au même titre que les autres catégories de violences volontaires contre les personnes, telles que les maltraitances sexuelles dans les familles, qui ont ainsi été efficacement traitées. Puis, tout en approuvant le choix fait par le texte de maintenir le conjoint victime au domicile, il a souhaité obtenir des précisions sur l'organisation d'un débat contradictoire, compte tenu du caractère d'urgence s'attachant à de telles situations.

Après avoir fait observer que l'actuel divorce sur requête conjointe ne peut être utilisé par des époux qui n'ont pas encore liquidé leur régime matrimonial ou qui ne parviennent pas à se reloger, il s'est demandé s'il n'aurait pas été préférable de maintenir deux comparutions, possibilité étant donnée pour les époux étant parvenus à un accord sur l'ensemble des conséquences de leur séparation, de demander au magistrat de ne pas organiser de seconde audience, ce qui permettrait de limiter le nombre d'audiences tout en évitant le problème de la détermination des mesures provisoires, lequel subsiste, comme l'a indiqué le rapporteur puisque l'obligation de présenter une convention temporaire serait maintenue. S'agissant des dispositions du projet relatives à la prestation compensatoire, il a lui aussi attiré l'attention du ministre sur les risques de détournement d'actifs et a suggéré, pour y faire face, de prévoir que l'ex-conjoint survivant bénéficiera des mêmes droits que les héritiers réservataires. Évoquant enfin les dispositions du projet prévoyant la taxation à hauteur d'1 % des prestations versées en capital par l'abandon d'un bien, quelle que soit son origine, et rappelant que le droit en vigueur prévoyait d'ores et déjà des dispositions en ce sens pour les époux mariés sous le régime de la communauté des biens, il a regretté que cette proposition améliore seulement la situation des époux mariés sous le régime de la séparation des biens et craint qu'elle ne comporte un effet pervers.

En réponse, le ministre de la Justice a souligné que le projet de loi devrait réduire l'importance quantitative du divorce pour faute, en ouvrant aux époux qui recourent aujourd'hui à cette procédure la possibilité de demander le divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage ou pour altération définitive du lien conjugal. Il a en revanche estimé inopportun de supprimer le divorce pour faute, parce qu'une telle réforme ne serait pas acceptée par le corps social, que le projet de loi entend maintenir l'idée que le mariage n'est pas un contrat mais une institution, et que les violences conjugales demeurent une réalité dramatique : la suppression du divorce pour faute donnerait un signal contradictoire et pourrait compromettre les efforts par ailleurs développés pour limiter ces violences. Après avoir rappelé que la procédure applicable au divorce par consentement mutuel permettra au juge de renvoyer le prononcé du divorce à une seconde comparution s'il n'homologue pas la convention que lui soumettent les époux, il a souligné qu'il était effectivement indispensable de conférer à la procédure prévue à l'article 220-1 du code civil un caractère contradictoire : bien que très sensible aux préoccupations des conjoints victimes de violences, il a souhaité que la procédure ne soit pas trop expéditive et ne permette pas une expulsion sans fondement. Après avoir observé que la suggestion relative aux droits du créancier d'une prestation compensatoire au décès du débiteur ne se heurte aux droits successoraux dont disposerait le conjoint survivant du débiteur si celui-ci s'était remarié, il a toutefois indiqué que la réflexion du Gouvernement sur la fiscalité de la prestation compensatoire se poursuivait.

En réponse à M. Jérôme Lambert qui l'interrogeait sur les conditions d'application de la réforme à Mayotte où le droit particulier n'exclut pas la répudiation, le ministre a indiqué que le Gouvernement souhaitait rendre ce texte applicable à Mayotte, dans le prolongement de dispositions adoptées dans le cadre de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer.

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* *

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs députés sont intervenus dans la discussion générale.

Mme Geneviève Levy, rapporteur pour la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a remercié le président Pascal Clément d'avoir saisi la délégation du projet de loi relatif au divorce, ainsi que M. Patrick Delnatte de l'avoir associée à ses travaux préparatoires. Elle a indiqué que, si la Délégation aux droits des femmes approuvait pleinement les avancées du projet de loi, elle avait souhaité, conformément à sa mission, en étudier les conséquences sur les droits des femmes et adopté à cet effet des recommandations, regroupées autour de trois thèmes : l'égalité dans la décision de divorce, la solidarité dans ses conséquences et le respect de l'intégrité et de la dignité de l'épouse dans les situations de violence.

S'agissant du divorce par consentement mutuel et de l'égalité dans l'expression de la volonté et du consentement de chacun des époux, elle a estimé que la simplification de la procédure par l'institution d'une comparution unique, tout à fait positive, devrait cependant avoir pour corollaire le respect d'un délai minimum de réflexion, afin d'éviter une décision irréfléchie et de permettre à l'avocat ou aux avocats de déceler d'éventuelles difficultés dans la convention de divorce. Dans cet objectif de maturation de la décision et de finalisation de la convention réglant les conséquences du divorce, elle a proposé l'instauration d'un délai de trois mois entre la demande en divorce et la comparution devant le juge.

Revenant ensuite sur la question de la durée du délai de séparation en cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal, elle a estimé raisonnable le délai de deux ans avant l'assignation en divorce, compte tenu de l'évolution des modes de vie, de la nécessité, pour l'époux qui n'y a pas consenti, de faire face à la séparation pour reconstruire rapidement sa vie et, pour l'époux demandeur, de son aspiration à fonder une nouvelle famille.

Elle a jugé nécessaire que la médiation familiale, qui répondait à une attente des justiciables et des magistrats, soit ouverte à tous et dans toutes les juridictions et bénéficie en outre d'un financement public. Elle a également fait part du souhait de la délégation de rendre gratuite la première rencontre d'information avec un médiateur familial, avant de souligner qu'en cas de violences constatées au sein de la famille, le recours à la médiation familiale n'était pas approprié.

S'agissant de l'attribution de la prestation compensatoire, elle a expliqué que la délégation s'était plus particulièrement concentrée sur le cas de femmes d'un certain âge, divorcées après une longue durée de mariage et ne bénéficiant pas de droits personnels à la retraite, ayant privilégié leur vie de couple sur leur vie professionnelle. Elle a fait valoir que, dans ce cas de figure, plutôt qu'un versement de la prestation sous forme de capital, le juge devrait plutôt envisager son versement sous forme de rente viagère ou une combinaison entre rente et capital.

Elle a fait part de l'attention portée par la délégation au cas du conjoint victime de violences conjugales avant la procédure de divorce : ayant approuvé sans réserve la nouvelle disposition permettant au juge, en cas de violences, d'attribuer le logement conjugal à l'époux victime et à ses enfants et de prononcer l'éviction du conjoint violent, elle a cependant souhaité l'assortir de mesures d'application concrètes, telles que le respect de la procédure contradictoire, l'information du juge des mains courantes, du dépôt de plainte et de toute procédure pénale éventuellement engagée, le prononcé d'astreintes financières contre le conjoint récalcitrant et la fixation par le juge des modalités de prise en charge du loyer et de la contribution de l'époux évincé aux charges du ménage. Soulignant que, dans ces situations de violences, les femmes fragilisées avaient besoin de temps pour se reprendre, réagir et accomplir les démarches nécessaires, elle a souhaité porter de trois à six mois le délai au terme duquel ces mesures devenaient caduques en l'absence de dépôt d'une requête de divorce.

S'appuyant sur l'exemple fourni par l'application de la législation en vigueur, M. Jean-Yves Le Bouillonnec a mis en garde contre les risques de contournement de l'intention du législateur par la jurisprudence. Estimant nécessaire, pour contrer ce risque, que le législateur clarifie au maximum sa volonté, il a insisté sur la nécessité de bien distinguer les causes et les conséquences du divorce, se fondant sur l'exemple du divorce pour faute, prononcé le plus souvent aux torts partagés et sans énonciation des griefs, ce qui montre, s'il en était besoin, la part de stratégie, notamment pécuniaire, qui peut guider le choix d'une procédure de divorce.

Il a jugé que l'organisation du divorce par consentement mutuel autour d'une seule comparution présentait l'avantage de réduire les délais de procédure, notamment pour les divorces dans lesquels n'entrent pas d'intérêts patrimoniaux, mais était une « fausse bonne idée », dans la mesure où, même dans ce cas de figure, les volontés des parties ne coïncidaient jamais spontanément, mais étaient le fruit d'un processus de maturation que favorisait le délai de réflexion qui existe actuellement. Tout en convenant de la nécessité de simplifier cette procédure, il a souhaité que le texte garantisse l'autonomie de chaque époux pour la formation de leur commune intention, et a proposé que, soit chacun d'eux ait son propre avocat, soit que soit maintenue une double comparution mais avec possibilité de voir le divorce prononcé au terme d'une seule audience. Revenant sur la procédure de divorce pour faute, il a estimé ce terme inapproprié, le juge n'étant pas là pour sanctionner les époux et le cas des violences conjugales relevant du juge pénal. Il a proposé de substituer à la notion de faute celle de principe de « comportement inconciliable avec le maintien de la vie conjugale ». S'agissant du divorce pour altération définitive du lien conjugal, il a fait valoir que, si un long chemin avait été parcouru puisqu'une séparation de six ans est actuellement exigée, le délai de deux ans prévu par le texte n'en restait pas moins sujet à débats.

Évoquant ensuite la procédure d'éviction du conjoint violent du domicile conjugal, il a douté que l'auteur de violences conjugales puisse être rapidement évincé du domicile commun compte tenu de la difficulté de faire exécuter les mesures d'expulsion et de la difficulté d'organiser le débat contradictoire.

Enfin, il a indiqué qu'il soumettrait à la Commission des amendements tendant à inciter les époux à choisir une autre procédure que le divorce pour faute tout en ouvrant une possibilité de réparation dans les autres procédures. Il s'est ensuite demandé s'il ne serait pas préférable de recourir, en cas de faute, au droit commun de la responsabilité résultant de l'article 1382 du code civil et de ne faire application de l'article 266 du même code que dans les cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal. Il a expliqué que, dans un tel schéma, les époux ne choisiraient plus la procédure de divorce pour faute, qui permettait de cumuler les deux techniques de réparation, et qu'une moindre marge d'appréciation serait ainsi laissée à une jurisprudence, souvent imaginative et peu conforme aux souhaits du législateur.

Le président Pascal Clément a jugé que supprimer la faute et fonder la réparation, dans une procédure de divorce, sur le droit commun de la responsabilité revenait à banaliser, voire à méconnaître, le contrat de mariage lui-même.

Mme Valérie Pecresse, ayant indiqué qu'elle avait participé au groupe de travail mis en place par MM. Perben et Jacob, s'est dite favorable à l'architecture d'ensemble du projet de loi, mais a regretté que les avancées qu'il contenait en matière de lutte contre la violence conjugale ne soient pas élargies aux violences entre concubins.

M. Alain Vidalies a tout d'abord constaté que les dérives de la jurisprudence par rapport à la volonté du législateur exprimée en 1975 s'étaient renouvelées à l'encontre de celle exprimée en 2000 à propos de la prestation compensatoire. À cet égard, il s'est étonné de l'interprétation que certaines juridictions ont pu faire des dispositions relatives à la révision de la prestation compensatoire. Regrettant cette résistance persistante de certains magistrats face à la volonté du législateur, il a souligné la nécessité d'adopter un texte précis.

Puis il s'est dit très préoccupé de la cohérence entre, d'une part, la réforme des retraites d'août 2003, qui a prévu un changement de nature de la pension de réversion - qui passerait, à compter du 1er juillet 2004, d'un droit personnel du bénéficiaire à percevoir une part de la retraite du conjoint décédé à une allocation différentielle plafonnée qui serait calculée annuellement - sans pour autant que soit précisée à ce jour la manière dont cette pension serait calculée et dont la prestation compensatoire serait prise en compte dans ce calcul, et, d'autre part, le projet de réforme du divorce dont la logique voudrait que les ex-époux aient le moins possible à se revoir. En conséquence, il a demandé au rapporteur, comme il l'avait demandé au Gouvernement lors des débats sur la réforme des retraites en date du 1er juillet 2003 sans obtenir de réponse, de quelle façon seraient articulées prestation compensatoire et pension de réversion et selon quelles modalités de calcul se ferait la substitution d'un capital à une rente.

Le rapporteur a apporté les réponses suivantes :

-  les préoccupations exprimées par la Délégation aux droits des femmes sont satisfaites soit par des textes existants, à l'exemple des astreintes financières déjà prévues par l'article 33 de la loi du 9 juillet 1991 relative aux procédures civiles d'exécution, soit par des amendements qu'il proposera à la Commission ;

-  s'agissant de la procédure d'éviction du conjoint violent, des amendements seront soumis à la Commission pour confier au juge le soin de fixer la contribution aux charges du mariage ; susceptible d'être prise en référé, cette mesure d'éviction repose sur une inversion de la logique des dispositions actuellement applicables qui impliquent le départ du domicile du conjoint victime et sa bonne application dépendra notamment de l'implication des différents intervenants ;

-  il n'est pas souhaitable de supprimer le divorce pour faute, sauf à porter atteinte au mariage lui-même ; de surcroît, il ne faut pas nier que la reconnaissance de la faute permet à la victime de se reconstruire ;

-  le problème de l'application de la loi du 30 juin 2000 est réel, ce qui incite à rendre la rédaction du projet plus précise, de même que se pose celui de la coordination entre les incidences de la réforme des retraites sur la nature des pensions de réversion et les modifications apportées au régime de la prestation compensatoire proposées par le projet.

*

* *

Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Alain Bocquet, la Commission a abordé l'examen des articles du projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

À l'issue de son examen par le Sénat, le projet de loi relatif au divorce comporte vingt-six articles répartis en deux titres respectivement consacrés aux dispositions modifiant le code civil et aux dispositions diverses et transitoires.

TITRE Ier

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL

Article 1er

(art. 229 du code civil)


Présentation des cas de divorce

_  Rompant avec une législation qui, depuis près d'un siècle, n'avait autorisé que le divorce pour faute, la loi du 11 juillet 1975 a introduit trois cas de divorce afin d'adapter la législation à la variété des situations conjugales. L'article 229 du code civil énumère ainsi trois cas de divorce :

-  le divorce par consentement mutuel, qui recouvre deux procédures, l'une gracieuse, le divorce sur demande conjointe des époux, l'autre contentieuse, le divorce demandé par un époux et accepté par l'autre ;

-  le divorce pour rupture de la vie commune ;

-  le divorce pour faute.

Ces cas de divorce sont ensuite développés dans les trois sections suivantes du code civil qui constituent le chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil.

_  Donnant une nouvelle rédaction à cet article, l'article 1er du projet de loi, adopté sans modification par le Sénat, prévoit quatre cas de divorce :

-  le divorce par consentement mutuel ;

-  le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage ;

-  le divorce pour altération définitive du lien conjugal ;

-  le divorce pour faute.

Cet article résume les grandes options du projet de loi qui, à bien des égards, pérennise et conforte les principes dégagés par la loi du 11 juillet 1975.

Contrairement à certaines législations étrangères, notamment allemande(21), le projet de loi n'a pas retenu une seule cause de divorce qui reposerait sur le constat de la faillite du couple mais maintenu plusieurs cas de divorce. Les quatre cas présentés dans l'article 229 reprennent les cas actuels de divorce, le projet de loi faisant du divorce sur demande acceptée un cas propre et renonçant au regroupement quelque peu artificiel qu'avait opéré la loi du 11 juillet 1975 entre divorce sur requête conjointe et divorce sur demande acceptée. Schématiquement et sous réserve des très importants aménagements que leur apporte le projet de loi, le cas de divorce par consentement mutuel reprend l'actuel cas de divorce sur requête conjointe ; le cas de divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage s'inspire de l'actuel divorce demandé par un époux et accepté par l'autre et le cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal du divorce pour rupture de la vie commune ; seul le divorce pour faute demeure, tout comme sa terminologie, inchangé.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a présenté un amendement substituant à la notion de divorce pour faute celle de divorce pour « comportement inconciliable avec le maintien du lien conjugal ». Il a souligné que cet amendement permettrait de ne plus assimiler la violence conjugale - qui doit être pénalement réprimée - à un manquement aux devoirs du mariage et d'empêcher l'utilisation abusive du divorce pour faute, régulièrement sollicité par les parties et leurs conseils au-delà de l'intention du législateur, dans le cadre de stratégies à visées essentiellement financières.

Le président Pascal Clément a reconnu que le divorce pour faute était utilisé parfois de manière inappropriée, avant de souligner que la suppression de ce cas de divorce ne pourrait qu'affaiblir la portée des engagements contractés dans le cadre du mariage.

M. Xavier de Roux a fait état de ses interrogations sur la relation entre la procédure de divorce pour faute et la prestation compensatoire, celle-ci étant liée à la rupture du mariage, quels qu'en soient les motifs du prononcé, et non à l'existence d'une faute. Il s'est demandé si la rédaction proposée était de nature à résoudre la question soulevée par l'amendement.

M. Sébastien Huyghe a rappelé que les manœuvres constatées dans l'utilisation indue de la procédure du divorce pour faute résultaient de l'inadaptation des autres procédures à de nombreuses situations. Il a considéré que le projet de loi, en améliorant ces procédures priverait d'objet les détournements. Il a donc jugé inopérant l'amendement proposé.

Rappelant que la Commission avait déjà eu l'occasion de débattre du maintien du divorce pour faute, le rapporteur a rappelé que la suppression de celui-ci aurait des incidences sur le sens de l'engagement matrimonial et souligné que le projet de loi consistait précisément à « déconnecter » intérêts financier et conditions du prononcé du divorce. La Commission a rejeté cet amendement.

La volonté de pacifier les procédures demeure, l'ordre de présentation des cas de divorce qui reprend celui de la loi du 11 juillet 1975, plaçant significativement le divorce pour faute, conflictuel, en dernière position.

Enfin, le divorce demeure « prononcé » par le juge, les dispositions relatives à la compétence exclusive du tribunal de grande instance et du juge aux affaires familiales pour se prononcer sur le divorce et ses conséquences étant désormais placées en tête du titre VI du code civil, consacré au divorce. Comme le souligne l'exposé des motifs, la solution d'un divorce sans intervention judiciaire, envisagée notamment dans le rapport présenté par Mme Irène Théry, « conduirait à transformer le mariage, institution républicaine fondamentale, en un simple contrat dont le sort serait laissé à la seule appréciation des époux. Elle risquerait, en outre, de favoriser les pressions d'un époux sur l'autre et de générer un contentieux après divorce important ».

La Commission a adopté l'article 1er sans modification.

Chapitre Ier

Des cas de divorce

Article 2

(art. 230 et 232 du code civil)


Divorce par consentement mutuel

_  Procédure gracieuse (22), ainsi que le précise l'article 1088 du nouveau code de procédure civile, le divorce sur demande conjointe des époux repose sur l'accord des époux tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences ; il suppose que les conjoints déposent une requête conjointe et soumettent à l'homologation du juge une convention réglant les conséquences de leur divorce, charge étant donnée au juge de vérifier la qualité du consentement des époux, de s'assurer que la convention préserve les intérêts des enfants et de chacun des époux et, si ces conditions sont réunies, de prononcer le divorce en même temps qu'il homologue la convention.

Les dispositions relatives à ce cas de divorce sont aujourd'hui rassemblées dans le premier paragraphe de la section du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil, consacrée au divorce par consentement mutuel, sous les articles 230 à 232.

_  Composé de deux paragraphes, l'article 2 du projet de loi, sans remettre en cause la nature de ce divorce, ni les rôles qui y sont respectivement impartis aux époux et au juge, donne une nouvelle rédaction à ces dispositions. Il a été adopté sans modification par le Sénat.

Le divorce sur demande acceptée constituant désormais un cas de divorce autonome (cf. article 1er du projet de loi), le divorce sur requête conjointe est désormais intitulé « divorce par consentement mutuel » puisqu'il en devient la seule forme. Par coordination, le I de l'article 2 supprime donc les divisions et les intitulés des paragraphes de la section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil, qui étaient consacrés aux deux formes de divorce par consentement mutuel.

Le II de l'article 2 donne une nouvelle rédaction aux articles 230 et 232 du code civil. Précisant les conditions d'examen de la requête des époux par le juge et l'obligation de réitérer la demande, l'article 231 est quant à lui abrogé (cf. article 23 du projet de loi), par coordination avec la réorganisation de la procédure de divorce par consentement mutuel autour d'une seule comparution et le regroupement des dispositions procédurales relatives à ce type de divorce dans une section du chapitre consacré à la procédure de divorce (cf. article 9 du projet de loi).

Article 230 du code civil

Conditions de présentation d'une demande de divorce
par consentement mutuel

Dans sa rédaction actuelle, l'article 230 du code civil précise les conditions de fond et de forme imposées aux époux qui demandent ensemble le divorce : dispensés de l'obligation de faire connaître la cause de leur demande, ils doivent soumettre à l'approbation du juge un projet de convention réglant les conséquences de leur divorce ; leur demande, qui ne peut être faite au cours des six premiers mois du mariage, doit être présentée par un avocat qui peut être commun aux époux.

L'article 2 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à cet article, aux termes de laquelle « le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu'ils s'entendent sur la rupture du mariage et ses effets en soumettant à l'approbation du juge une convention réglant les conséquences du divorce ».

Le principe de ce cas de divorce n'est donc pas modifié : les époux doivent faire une demande conjointe, s'entendre tant sur le principe de la rupture que sur ses conséquences, ce qu'atteste la présentation, en vue de son homologation par le juge, d'une convention. Comme c'est aujourd'hui le cas, celle-ci doit régler toutes les conséquences du divorce, qu'il s'agisse des enfants (exercice de l'autorité parentale, résidence, droit de visite et d'hébergement, contribution à leur entretien et à leur éducation), des intérêts pécuniaires des époux (liquidation du régime matrimonial, sort des donations et avantages matrimoniaux, prestation compensatoire) ou encore des effets personnels du divorce, par exemple sur l'usage du nom de l'autre conjoint.

Destinée à garantir le sérieux de l'institution matrimoniale en évitant « la formule du mariage à l'essai » (23) et à protéger les époux contre une demande irréfléchie, l'interdiction de présenter une demande de divorce par consentement mutuel dans les six premiers mois du mariage est supprimée. Consacrant pleinement la liberté des époux de divorcer, la suppression de cette disposition permet d'orienter les époux qui découvrent rapidement leur mésentente vers ce cas de divorce plutôt que vers un divorce pour faute ; comme le notait M. Patrice Gélard dans son rapport sur le projet de loi fait au nom de la commission des Lois du Sénat(24), elle est conforme au choix fait par certaines législations étrangères de simplifier la procédure de divorce lorsque celui-ci intervient moins d'un an après le mariage. Aux termes du projet de loi, la seule limitation à la possibilité de divorcer par consentement mutuel réside donc dans l'article 249-4 du code civil qui interdit la présentation d'une demande en divorce par consentement mutuel lorsque l'un des époux se trouve placé sous un régime de protection (cf. article 8 du projet de loi).

Compte tenu du regroupement des dispositions relatives à la procédure dans le chapitre 2 du titre VI du livre Ier du code civil, l'obligation de présentation de la demande par un avocat est désormais inscrite sous l'article 250, dans la section consacrée à la procédure de divorce par consentement mutuel (cf. article 9 du projet de loi).

Enfin, les requêtes présentées dans les divorces contentieux ne devant plus exposer la cause de divorce invoquée (cf. article 10 du projet de loi), il n'est donc plus besoin de dispenser les époux présentant une demande conjointe de divorce d'indiquer les motifs de celle-ci.

La Commission a examiné un amendement de M. Émile Blessig, proposant d'ouvrir la possibilité aux époux, dans le cas du divorce sur requête conjointe, de passer des actes destinés à organiser leur vie familiale jusqu'à la comparution devant le juge. Le rapporteur ayant jugé inutile cet amendement, des conventions sous seing privé pouvant toujours être conclues et soumises à l'homologation du juge, comme l'ensemble des modalités d'organisation de la vie familiale, la Commission a rejeté cet amendement, ainsi que l'amendement n° 14, identique, déposé par M. Bruno Bourg-Broc.

Article 232 du code civil

Homologation de la convention et prononcé du divorce par le juge

Cet article fait l'objet d'une nouvelle rédaction qui n'en modifie pas la substance, la nouveauté essentielle étant que l'homologation de la convention et le prononcé du divorce interviendront au terme d'une seule comparution (cf. article 9 du projet de loi).

L'indissociabilité du prononcé du divorce et de l'homologation de la convention réglant les conséquences du divorce est maintenue, le juge procédant à l'un et l'autre dans la même décision et le refus d'homologation de la convention empêchant le prononcé du divorce. Le champ du contrôle judiciaire est inchangé : le juge dispose, d'une part, d'une faculté d'appréciation sur le contenu de la convention puisqu'il doit s'assurer qu'elle préserve suffisamment les intérêts des enfants ou des époux (25), la jurisprudence ayant confirmé le caractère cumulatif de ces deux contrôles (26). Les articles 250-2 et 250-3 nouveaux précisent les conséquences du refus de l'homologation au cours de la comparution (cf. article 9 du projet de loi). D'autre part, il doit s'assurer que « la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé » ; la volonté « réelle » suppose que le juge vérifie que le divorce est demandé dans une intention sérieuse et non dans un simple mouvement d'humeur ; le contrôle de la qualité du consentement est renforcé dans la nouvelle rédaction proposée puisqu'il n'est plus prévu que le juge s'assure « du libre accord » des époux mais que le consentement est « libre et éclairé ». Essentiel dans un divorce que seule justifie la double volonté des époux, le contrôle du consentement des époux sera d'autant plus important que le prononcé du divorce se fera au terme d'une seule comparution alors que la double comparution actuelle permet aujourd'hui au juge de s'assurer de la persistance du consentement des époux.

La Commission a examiné l'amendement n° 6, déposé par Mme Geneviève Levy, prévoyant un délai de trois mois entre la demande en divorce et la comparution devant le juge, délai qui lui paraît nécessaire à la maturation de la réflexion des conjoints. Le rapporteur a jugé utile de prévoir un tel délai entre la requête et la comparution. Faisant état de cas particuliers dans lesquels les procédures devaient être rapides, M. Alain Vidalies a suggéré que soit alors également prévue la possibilité d'une dérogation, soit par la loi, soit dans les textes d'application. Favorable à l'amendement, le président Pascal Clément s'est interrogé sur la pertinence d'une démarche consistant à infléchir les principes généraux d'une nouvelle législation au regard de cas particuliers, dont l'importance était mal connue. Il a souligné que l'amendement introduisant un délai supplémentaire pourrait être de nature à éviter un certain nombre de divorces, à rebours de toute tentative de banalisation du divorce.

M. Alain Vidalies s'est inscrit en faux contre une appréciation qui conduirait à penser que l'opposition n'était pas convaincue de l'importance de l'institution du mariage. Il a cité, à cet égard, la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant, qui résultait d'une proposition qu'il avait lui-même déposée, et qui attestait du contraire.

Considérant que la demande de divorce concluait elle-même, en règle générale, une réflexion préalable et ne résultait pas d'une décision prise hâtivement, M. Jérôme Lambert a indiqué que l'économie lui semblait pouvoir être faite de l'ajout d'un délai supplémentaire après cette demande.

Suivant l'avis du rapporteur, qui a rappelé que les rétractations des conjoints entre les deux comparutions n'étaient aujourd'hui pas inexistantes, et pourraient être favorisées par l'octroi d'un délai de réflexion préalable à la comparution unique, la Commission a adopté l'amendement n° 6.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Émile Blessig, ainsi qu'un amendement n°15 identique, déposé par M. Bruno Bourg-Broc, prévoyant la possibilité d'une seconde comparution à la demande des parties.

Le rapporteur a indiqué que le renvoi de la comparution pourrait toujours être obtenu. Le président Pascal Clément a souligné que l'amendement, qui tendait en réalité à maintenir le droit en vigueur, lui paraissait témoigner d'une orientation opposée à celui imposant un délai de trois mois après la requête, que la Commission venait d'adopter. M. Jean-Yves Le Bouillonnec, favorable à l'amendement, a observé qu'il aurait également été possible de conserver l'actuelle procédure en ouvrant au juge la faculté de supprimer la seconde comparution, s'il estimait celle-ci inutile. Il a indiqué sa crainte que les mesures provisoires, pourtant importantes car elles permettent d'expérimenter les accords entre époux, ne fassent l'objet d'une certaine improvisation, sans qu'il soit possible de les adapter facilement ensuite, à la lumière de l'expérience. Après avoir rappelé qu'il était précisé que les conventions n'étaient pas intangibles, et qu'elles étaient modifiables, s'agissant notamment des dispositions relatives aux enfants, le rapporteur a estimé que les conditions seraient réunies pour que les parties puissent s'accorder sur les mesures provisoires, le ou les avocats étant présents et le magistrat étant gardien des intérêts en présence. Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté les deux amendements.

La Commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3

(section 2 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil ;
art. 233 et 234 du code civil)


Divorce accepté

Adopté par le Sénat sans modification, cet article fait figurer les dispositions relatives au divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage dans la section 2 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil consacré aux cas de divorce, cette section étant désormais intitulée : « Du divorce accepté » (I de l'article 3).

Prévues dans le II de l'article 3 du projet de loi, les dispositions relatives à ce cas de divorce se substituent, aux articles 233 et 234 du code civil, à celles qui précisent aujourd'hui les conditions dans lesquelles le divorce demandé par un époux et accepté par l'autre peut être demandé et prononcé ; les articles 235 et 236, qui prévoient le rejet de la demande lorsque le conjoint ne reconnaît pas les faits exposés dans la demande initiale et prohibent l'utilisation des déclarations faites par les époux dans une autre action en justice, sont, pour leur part, abrogés (cf. article 23 du projet de loi).

Ce cas de divorce s'inspire de l'actuel divorce demandé par un époux et accepté par l'autre qui constitue aujourd'hui un cas de divorce par « consentement mutuel imparfait » pour reprendre une formule du doyen Carbonnier (cf. article 11 du projet de loi). Le divorce accepté devrait présenter les mêmes avantages que le cas de divorce auquel il se substitue, au premier rang desquels celui de correspondre au cas fréquent d'un accord des conjoints sur le principe du divorce mais non sur ses conséquences.

Article 233 du code civil

Conditions de présentation d'une demande de divorce accepté - Irrévocabilité de l'acceptation

Cet article précise que « le divorce peut être demandé par l'un ou l'autre des époux ou par les deux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci ».

Cette rédaction se distingue à double titre du divorce sur demande acceptée tel qu'il est aujourd'hui prévu à l'article 233 du code civil.

D'une part, son fondement ne réside plus dans le double aveu de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune - dont était attendue une forme de « libération psychologique » (27) - mais dans l'acceptation commune du principe de la rupture du mariage. Conformément à l'orientation générale du projet de loi, l'accent est donc mis sur la volonté et l'accord des époux. L'affirmation de l'absence de prise en considération des faits rompt avec l'organisation actuelle de ce cas de divorce, qui suppose que l'époux demandeur fasse état « d'un ensemble de faits, procédant de l'un et de l'autre époux, qui rendent intolérable le maintien de la vie commune » (article 233 du code civil) dans un mémoire qui conditionne de la recevabilité de sa demande (article 1129 du nouveau code de procédure civile), dont est destinataire l'autre époux, qui peut alors, à son tour, présenter un mémoire « où, sans contester la relation des faits, il en propose, dans les mêmes formes sa version personnelle » (article 1133 du nouveau code de procédure civile). Les époux sont ensuite convoqués devant le juge et s'ils confirment devant celui-ci leurs positions initiales, le juge « rend une ordonnance par laquelle il constate qu'il y a eu double aveu de faits qui rendent intolérable le maintien de la vie commune » (article 1135 du nouveau code de procédure civile).

D'autre part, il est précisé que l'acceptation du principe de la rupture du mariage n'est pas susceptible de rétractation même par la voie de l'appel. Cette disposition tend très directement à remédier au défaut principal du divorce sur demande acceptée. En effet, la jurisprudence a considéré que, une fois rendue l'ordonnance dans laquelle le juge constate le double aveu des faits rendant intolérable le maintien de la vie commune, l'époux conserve la faculté de revenir sur son aveu tant que l'ordonnance n'est pas devenue définitive (28), ce qui permet ainsi à un époux de rétracter librement son aveu par la voie de l'appel. Or la rétractation est lourde de conséquences : privant de fondement la demande en divorce de son conjoint, elle a pour conséquence de rendre caduques l'ordonnance et les mesures provisoires qui ont pu être prises ; la rétractation n'entraînant pas le rejet définitif de la demande, l'article 258 du code civil, qui permet de statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités de l'exercice de l'autorité parentale, ne trouve pas à s'appliquer. Les époux n'ont donc d'autre solution que de présenter une nouvelle demande en divorce. Source d'insécurité, voire de manœuvres dilatoires, venant s'ajouter au fait que le demandeur ignore si son conjoint va accepter cette procédure et s'expose en cas de rejet à devoir recommencer toute la procédure sur un autre fondement, cette faculté de rétractation a fait donc perdre beaucoup de crédit à ce cas de divorce.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Émile Blessig tendant à supprimer le second alinéa de cet article, qui prévoit que l'acceptation du principe de la rupture du mariage n'est pas susceptible de rétractation. Son auteur, invoquant le principe général selon lequel un recours est toujours possible, a considéré que la rédaction adoptée par le Sénat était de nature à créer un risque contentieux. À l'encontre de cette argumentation, M. Alain Vidalies a estimé que le texte mettait fin à des imprécisions ; il a rappelé que la jurisprudence avait conduit à des possibilités inattendues de remise en cause des aveux, du fait du caractère suspensif de l'appel. Il a fait valoir que le vice du consentement pourrait toujours être invoqué selon les règles du droit commun. Le rapporteur a confirmé ce point et rappelé que l'obligation pour les parties d'être chacune assistée d'un conseil pour accepter le principe de la rupture du mariage avait précisément pour objet de préserver l'intégrité du consentement. La Commission a donc rejeté cet amendement.

S'agissant de l'auteur de la demande, la rédaction précise que le divorce peut être demandé non seulement  par l'un ou l'autre des époux mais également par les deux, cette formulation recouvrant l'hypothèse dans laquelle le couple ferait usage de la « passerelle » désormais ouverte par l'article 247-1 du code civil, qui permet aux époux, à tout moment de la procédure et lorsque le divorce aura été demandé pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, de demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage.

Article 234 du code civil

Prononcé du divorce accepté par le juge

Cet article précise que le juge prononce le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage « s'il a acquis la conviction que chacun des époux a donné librement son accord » et non plus, comme le prévoit l'actuel article 234 du code civil, « si l'autre époux reconnaît les faits devant le juge ». Cette modification de fond justifie le changement de dénomination de ce cas de divorce.

Le contrôle judiciaire porte donc sur la vérification de la qualité de l'accord des parties sur le principe de la rupture du mariage et non plus sur le « double aveu » qu'il est aujourd'hui tenu de constater par ordonnance (article 1135 du nouveau code de procédure civile). Comme le soulignait le garde des Sceaux devant le Sénat, « sur le plan procédural, le formalisme particulièrement rigoureux attaché à ce cas, souvent interprétée comme la cause principale de son échec, disparaît » (29). Toutefois, parce qu'il est au cœur de cette procédure et qu'il n'est pas rétractable, l'accord doit être examiné avec une vigilance particulière par le juge, ce qui justifie la présence de deux avocats lors du recueil de ce consentement (cf. V de l'article 11 du projet de loi).

Il est précisé que c'est au juge qu'il revient de statuer sur ses conséquences. Toutefois, il n'est plus indiqué, comme c'est le cas aujourd'hui, que ce divorce suit les règles du divorce aux torts partagés, évitant un emprunt à un autre cas de divorce et marquant bien la spécificité du divorce accepté. De même, il n'est plus précisé que le juge prononce le divorce sans avoir à statuer sur la répartition des torts, la référence au divorce pour faute étant là encore impropre et plus nécessaire dès lors que ne sont plus pris en considération les faits à l'origine de la rupture du mariage.

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4

(section 3 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil ;
art. 237 et 238 du code civil)


Divorce pour altération définitive du lien conjugal

Composé de deux paragraphes, cet article institue le divorce pour altération définitive du lien conjugal, qui remplace l'actuel divorce pour rupture de la vie commune. Ce nouveau cas de divorce fait l'objet de la section 3 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil et comporte les articles 237 et 238, qui précisent aujourd'hui les deux hypothèses dans lesquelles le divorce pour rupture de la vie commune peut être demandé, soit en cas de séparation de fait depuis six ans (article 237), soit en cas d'altération des facultés mentales du conjoint durant cette même durée (article 238). Parfois critiquée, la modification de la dénomination de ce cas de divorce se justifie par le fait qu'il ne résulte pas seulement d'une rupture de la vie commune mais peut être également prononcé lorsque la demande principale de divorce pour faute a été rejetée et que le défendeur a présenté une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Article 237 du code civil

Conditions de présentation d'une demande de divorce
pour altération définitive du lien conjugal

Marginalisé en raison des conséquences particulièrement pénalisantes qu'il impliquait pour le demandeur (cf. exposé général), le divorce pour rupture de la vie commune est remplacé par le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Le projet de loi donne donc une nouvelle rédaction à l'article 237 du code civil, qui ouvre aujourd'hui à un époux la possibilité de demander le divorce en raison d'une rupture de la vie commune lorsque les époux vivent séparés de fait depuis six ans.

Aux termes de cette nouvelle rédaction, l'article 237 du code civil prévoit que le divorce peut être demandé par l'un des époux « lorsque le lien conjugal est définitivement altéré », soin étant donné à l'article suivant de caractériser cette altération définitive.

Article 238 du code civil

Définition de l'altération définitive du lien conjugal

L'article 238 du code civil permet aujourd'hui à une personne de demander le divorce lorsque les facultés mentales de son conjoint se trouvent depuis six ans si gravement altérées qu'aucune communauté de vie ne subsiste plus entre les époux et ne pourra, selon les prévisions les plus raisonnables, se reconstituer dans l'avenir. La maladie du conjoint justifiant toutefois une protection spécifique de celui-ci, il est précisé que le juge peut rejeter la demande d'office « si le divorce risque d'avoir des conséquences trop graves sur la maladie du conjoint ».

L'article 4 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à cet article afin de préciser les conditions dans lesquelles peut être prononcé un divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Celle-ci a comme premier effet d'abroger les dispositions spécifiques qui protègent aujourd'hui du divorce le conjoint dont les facultés mentales sont altérées. Bien que source d'interrogations, cette suppression se justifie toutefois par la logique générale du projet de loi qui est de faire en sorte que le mariage soit préservé lorsqu'il a un sens. Or il peut arriver que ce ne soit pas le cas et il n'appartient pas au législateur de contraindre un époux à être maintenu dans des liens matrimoniaux qui peuvent s'avérer particulièrement pesants et douloureux en cas d'altération des facultés mentales. En tout état de cause, il convient de souligner que le conjoint défendeur pourra bénéficier d'une prestation compensatoire ou des dommages-intérêts, le projet de loi modifiant l'article 266 du code civil afin d'ouvrir au conjoint défendeur dans un divorce pour altération définitive du lien conjugal la possibilité d'en bénéficier (cf. article 17 du projet de loi).

Tel qu'il résulte du projet de loi, l'article 238 du code civil distingue deux hypothèses dans lesquelles le juge peut prononcer le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

_  D'une part, il est précisé que « l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle, entre les époux durant les deux années précédant l'assignation en divorce ». L'office du juge est donc encadré : il n'a pas à apprécier si la séparation de deux ans a entraîné ou non une altération définitive du lien conjugal ; il n'aura qu'à prononcer le divorce dès lors qu'il aura vérifié la réalité de la cessation de communauté de vie. La notion retenue par le projet de loi reprend la définition de la séparation de fait de l'article 237 telle que dégagée par la jurisprudence (Cass., 2e civ. 30 janvier 1980). La cessation de la communauté de vie doit être matérielle et affective, le garde des Sceaux ayant souligné au Sénat, l'importance de faire porter le constat sur ce double aspect de la séparation ; « sinon risquent d'être introduites des demandes en divorce fondées uniquement sur une situation de fait, par exemple l'existence de deux domiciles différents pour des raisons professionnelles, alors qu'il a pu y avoir par ailleurs continuation d'une certaine vie affective, attestée par des échanges de lettres ou quelque autre élément. Ne pas en tenir compte reviendrait en fait à raccourcir encore le délai » (30).

La Commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à clarifier la notion de cessation de la communauté de vie, en la liant directement à la séparation des époux. En dépit d'une observation de M. Émile Blessig estimant que la notion de « communauté de vie, tant affective que matérielle » apportait des garanties aux époux, le rapporteur a fait valoir que la rédaction qu'il proposait serait de nature à éviter des incertitudes dans l'interprétation du texte et souligné qu'elle répondait à des préoccupations de la Délégation aux droits des femmes. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 17), puis rejeté par voie de conséquence les amendements nos 7 et 8 de Mme Geneviève Levy, considérés comme satisfaits et tendant à prendre en compte une séparation de fait et à supprimer une référence au caractère matériel et affectif de la cessation de la communauté de vie.

Le délai de séparation requis appelle deux observations.

Tout d'abord, sur sa durée : alors qu'une durée de trois ans avait été envisagée par le groupe de travail animé par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, que dix-huit mois avaient été retenus par le Sénat lors de l'examen en première lecture de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en octobre 2001, c'est finalement une durée de deux ans qui a été choisie. Elle ne semble pas aujourd'hui susciter d'objections majeures. Initialement favorable à un délai de trois ans, le rapporteur s'est rallié à ce délai de deux ans : d'une part, parce qu'un délai trop long limiterait sans doute d'autant l'intérêt de ce nouveau cas de divorce et continuerait de donner au divorce pour faute un avantage alors que l'objet du projet de loi est précisément d'en réduire l'audience ; d'autre part, parce qu'ainsi fixé, ce délai demeure néanmoins important, de nature à éviter des décisions hâtives mais aussi à permettre à l'époux qui ne souhaite pas divorcer de prendre conscience de la demande et d'envisager les moyens d'y répondre. Ce dernier point paraît particulièrement important, les grandes difficultés qu'ont les époux défendeurs dans un divorce pour rupture de la vie commune à « se reconstruire » ayant été soulignées lors des auditions. En tout état de cause, ce délai ne peut être ni interrompu, ni suspendu, ainsi que le laisse entendre la formule « dans les deux années précédant l'assignation ».

Le point de départ de la computation de ce délai a ensuite été modifié par le Sénat. En effet, le projet de loi initial prévoyait que le délai de séparation devait être de deux ans soit avant la requête initiale en divorce, soit pendant une période de deux ans entre le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation et l'introduction de l'instance. L'objectif de cette disposition était ainsi de prendre en compte non seulement l'hypothèse dans laquelle les époux sont séparés de fait lorsqu'ils présentent la requête mais également la séparation matérielle et affective qui intervient après le dépôt de cette requête. Sur proposition de M. Michel Dreyfus-Schmidt et avec l'avis favorable du Gouvernement, le Sénat a modifié cette rédaction pour préciser que la séparation doit avoir eu lieu dans les deux années précédant l'assignation en divorce. Outre le fait qu'elle accroît la lisibilité du dispositif, cette modification permet d'éviter qu'un couple ayant été séparé de fait pendant, par exemple, vingt mois avant la requête, ne puisse ensuite introduire l'instance qu'après avoir de nouveau été séparés durant deux ans. La rédaction adoptée par le Sénat permet ainsi de « faire masse » des périodes de séparation sans considération pour la date de l'ordonnance de non-conciliation.

La Commission a rejeté un amendement de M. Émile Blessig substituant au mot : « assignation » les mots : « dépôt de la requête » afin de répondre aux disparités de délai d'assignation, le rapporteur ayant fait observer que la modification du point de départ pour le calcul du délai de séparation aurait notamment pour effet d'allonger la procédure et que retenir comme point de départ l'assignation permettait de prendre en compte la séparation qui aura été organisée par l'ordonnance de non-conciliation.

_  D'autre part, et par dérogation à l'obligation d'une séparation de deux ans, le dernier alinéa de l'article 238 du code civil précise que le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal lorsque une demande reconventionnelle de divorce pour altération définitive du lien conjugal a été formée contre une demande principale de divorce pour faute et que celle-ci a été rejetée par le juge (cf. article 5 du projet de loi ; article 246). En effet, face à deux demandes tendant au même résultat mais que la faute de l'autre n'est pas prouvée, il apparaît clairement que le lien conjugal ne peut plus être maintenu. Cette disposition devrait éviter que ne soient prononcés des divorces aux torts partagés qui ne reflètent pas la réalité conjugale et éviter que l'époux contre lequel est demandé le divorce pour faute ne réplique nécessairement sur ce même terrain, envenimant ainsi les procédures.

Après avoir rejeté l'amendement n° 11 de M. Pierre-Christophe Baguet précisant que l'époux qui demande le divorce pour altération définitive du lien conjugal en supporte les charges et permettant au juge de rejeter la demande si le divorce doit avoir pour l'autre époux ou les enfants des conséquences d'une exceptionnelle dureté, la Commission a été saisie d'un amendement de M. Émile Blessig tendant à supprimer le deuxième alinéa de l'article 238 du code civil qui permet le prononcé du divorce sans avoir à respecter le délai de deux ans de séparation, dès lors qu'une demande pour faute présentée à titre principal a été rejetée et qu'avait été présentée à titre reconventionnel une demande de divorce pour altération définitive du lien conjugal. L'auteur de l'amendement ayant indiqué que le deuxième alinéa de l'article 246 du code civil était suffisant, le rapporteur a contesté cette interprétation en expliquant que l'article 246 avait seulement pour objet de préciser l'ordre d'examen de demandes concurrentes. M. Émile Blessig a retiré son amendement.

La Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5

(section 4 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil ;
art. 242 et 246 du code civil)


Divorce pour faute

Le choix ayant été fait de maintenir ce cas de divorce pour les raisons exposés par le rapporteur dans son exposé liminaire, le I de l'article 5 du projet de loi introduit, après les dispositions relatives au divorce pour altération définitive du lien conjugal, une section 4 rassemblant les dispositions relatives au divorce pour faute.

Le projet de loi apporte peu de modifications à l'économie de ce cas de divorce qui, significativement, est le seul à conserver sa dénomination d'origine. La division du code civil qui lui est consacrée fait l'objet des modifications suivantes : l'article 243, qui prévoyait une cause péremptoire de divorce, est supprimé (cf. article 23 du projet de loi); applicables au seul divorce pour faute et figurant aujourd'hui sous l'article 248-1 du code civil, les dispositions relatives à l'absence d'énonciation des griefs dans les motifs du jugement de divorce lorsque les parties le demandent sont insérées dans cette division sous un nouvel article 245-1 (cf. article 6 du projet de loi). Les articles 244 et 245, respectivement consacrés aux incidences de la réconciliation sur la demande de divorce et aux demandes reconventionnelles ainsi qu'aux conditions dans lesquelles le juge peut prononcer un divorce aux torts partagés, sont inchangés, tandis que les articles 242 et 246 font l'objet d'une nouvelle rédaction dans les II et III de l'article 5 du projet de loi.

La Commission a rejeté par coordination deux amendements M. Jean-Yves Le Bouillonnec, le premier ayant pour objet de substituer à la notion de divorce pour faute celle de divorce pour comportement inconciliable avec le maintien du lien conjugal, le second tendant à rétablir l'article 243 du code civil, l'auteur de l'amendement souhaitant lui donner une nouvelle rédaction.

Article 242 du code civil

Conditions de présentation d'une demande de divorce pour faute

Ouvrant aujourd'hui à l'un des époux la possibilité de demander le divorce « pour des faits imputables à l'autre lorsque ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune », cet article a fait l'objet d'une nouvelle rédaction dans le projet de loi initial afin de limiter ce cas de divorce aux violations graves des devoirs et obligations du mariage, le Gouvernement ayant jugé que la notion de faute grave incluait le cas des violations renouvelées.

Sur proposition du rapporteur de la commission des Lois et de M. Michel Dreyfus-Schmidt, le Sénat a adopté un amendement réintroduisant la notion de violation « renouvelée », revenant donc, sous réserve de modifications formelles, à la définition actuelle du divorce pour faute. Justifiée par le souci d'éviter qu'une modification législative n'entraîne une évolution jurisprudentielle sur la définition de la faute et d'assurer la prise en compte du harcèlement moral comme une faute susceptible de justifier le prononcé du divorce, cette modification est particulièrement bienvenue, l'enquête nationale réalisée en 2000 sur les violences envers les femmes, ayant montré que parmi les violences conjugales dénoncées, les pressions psychologiques (actions de contrôle, d'autorité, attitudes de dénigrement ou de mépris) y sont prépondérantes et qu'elles sont, comme les violences verbales, aussi destructrices que les agressions physiques.

M. Émile Blessig a retiré un amendement supprimant la nouvelle rédaction donnée au divorce pour faute, l'auteur de l'amendement ayant considéré qu'elle n'apportait rien par rapport au droit positif, le rapporteur ayant admis ce point mais déclaré préférer la nouvelle rédaction pour des raisons formelles. La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec donnant une nouvelle rédaction à l'article 242 pour préciser que le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits imputables à l'autre constituent une mise en danger de l'un des membres de la famille ou mettent en péril les intérêts de la famille.

Puis la Commission a rejeté trois amendements de M. Jean-Yves Le Bouillonnec : le premier donnant une nouvelle rédaction à l'article 243 du code civil, afin de prévoir que la condamnation pénale pour crimes et délits relatifs aux violences conjugales constitue une cause péremptoire de divorce ; le second modifiant l'article 244 du code civil pour prévoir que la réconciliation des époux n'empêche jamais d'invoquer les faits allégués, afin d'écarter le risque de manipulation de la procédure, notamment dans les cas de violences conjugales ; le dernier de coordination.

Article 246 du code civil

Présentation concomitante d'une demande de divorce pour faute
et d'une demande de divorce pour altération définitive du lien conjugal

Le projet de loi consacrant désormais une section distincte aux « passerelles » existant entre les différents cas de divorce (cf. article 7), le III de l'article 5 donne une nouvelle rédaction à l'article 246 du code civil, qui permet aujourd'hui aux époux engagés dans une procédure de divorce pour faute, de divorce sur demande acceptée ou de divorce pour rupture de la vie commune, de demander au juge de constater leur accord et d'homologuer leur projet de convention.

Aux termes du projet de loi, l'article 246 précise désormais les règles applicables lorsqu'une demande de divorce pour altération définitive du lien conjugal et une demande de divorce pour faute sont concurremment présentées, soit qu'une demande de divorce pour faute ait été formée à titre reconventionnel, la demande principale étant une demande de divorce pour altération définitive du lien conjugal, soit qu'il s'agisse de l'hypothèse inverse(31).

Afin de préserver les droits de la partie qui aurait été victime d'une violation des devoirs du mariage et par dérogation aux règles processuelles de droit commun qui veulent que la demande principale soit examinée avant la demande reconventionnelle, l'article 246 prévoit que la demande de divorce pour faute sera examinée en premier lieu par le juge et que ce n'est que s'il a rejeté celle-ci qu'il examinera la demande de divorce pour altération définitive du lien conjugal. Par le jeu du dernier alinéa de l'article 238 du code civil (cf. article 4 du projet de loi), et si la demande de divorce pour altération définitive a été formée à titre reconventionnel, le divorce sera alors automatiquement prononcé sur ce fondement sans que les parties aient à remplir la condition de séparation de deux ans. À l'inverse, si la demande pour altération définitive à été formée à titre principal et que la demande pour faute formée à titre reconventionnel n'est pas accueillie, le divorce pour altération définitive du lien conjugal ne sera prononcé que si les époux remplissent le critère de cessation de la communauté de vie, prévu au premier alinéa de l'article 238 du code civil.

Afin de ne pas rallonger la procédure, le juge se prononcera sur les deux demandes dans la même décision, conformément au principe d'indivisibilité des demandes principale et reconventionnelle dégagée par la jurisprudence sur l'article 245 du code civil(32).

Après le rejet d'un amendement de coordination de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Émile Blessig a retiré un amendement tendant à préciser que le juge, s'il rejette la demande de divorce pour faute, prononce le divorce pour altération définitive du lien conjugal par application de l'article 238 du code civil.

La Commission a adopté l'article 5 sans modification.

Après l'article 5

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec tendant à insérer, dans une section 5 intitulée « Des autres demandes fondées sur le comportement des époux », un article permettant à l'un des époux, même en dehors de la procédure de divorce pour faute, de demander au juge, soit de constater des faits d'une particulière gravité dans le jugement prononçant le divorce, soit d'ordonner la réparation de ces faits. Son auteur a fait valoir que l'amendement était destiné à encourager les époux à choisir des procédures pacifiées.

Après que le rapporteur eut considéré que le maintien du divorce pour faute rendait inutile cet amendement et que celui-ci aurait pour effet de réintroduire la faute dans toutes les procédures, cet amendement a été rejeté.

Article 6

(art. 247, 248-1, 251, 252, 252-1, 252-2, 252-3,
271 al. 2, 275-1, 276-2 et 280 du code civil)


Nouvelles numérotations d'articles

Le présent article modifie la numérotation de plusieurs dispositions du code civil relatives à la compétence du juge aux affaires familiales, à la procédure de divorce et à la prestation compensatoire. Sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, le Sénat a également renuméroté les dispositions relatives aux conventions de liquidation et de partage de la communauté durant l'instance de divorce, qui figurent aujourd'hui sous l'article 1450 du code civil.

L'essentiel de ces dispositions font, dans leur nouvelle numérotation, l'objet de modifications rédactionnelles dans la suite du projet de loi. Ainsi, l'article 11 modifie les articles 252, 252-1 et 252-3, l'article 14 modifie l'article 272, l'article 18 modifie l'article 275, l'article 21 modifie l'article 265-2 et l'article 22 modifie les articles 228, 280-2 et 281.

disposition

numérotation actuelle

numérotation future

commentaire

Compétence du TGI et du juge aux affaires familiales

247

228

Il s'agit de faire figurer la compétence du juge aux affaires familiales en tête des dispositions relatives au divorce.

Absence d'énoncé des griefs dans les motifs de jugement du divorce pour faute

248-1

245-1

Les dispositions procédurales figurant dans les articles 248 à 249-4 étant communes à tous les cas de divorce, cette disposition, propre au divorce pour faute, est placée dans la section du chapitre Ier du titre VI du livre Ier consacrée à ce cas de divorce.

Audience de conciliation

251

252

Ces renumérotations sont justifiées par la réorganisation des dispositions relatives à la procédure de divorce.

252

252-1

252-1

252-2

252-2

252-3

252-3

252-4

Déclaration sur l'honneur en matière de prestation compensatoire

271 alinéa 2

272

Exigée tant pour la fixation de la prestation compensatoire que pour sa révision, la déclaration sur l'honneur fait désormais l'objet d'un article distinct.

Échelonnement pluriannuel du versement de la prestation compensatoire

275-1

275

Cette renumérotation est justifiée par la réorganisation des dispositions relatives à la prestation compensatoire.

Déduction des pensions de réversion de la prestation compensatoire versée sous forme de rente

276-2

280-2

Toutes les dispositions relatives aux conditions de transmission de la charge de la prestation compensatoire aux héritiers du débiteur sont désormais regroupées après l'article 280.

Exclusion du caractère de libéralité pour la prestation compensatoire

280

281

Cette renumérotation est justifiée par la réorganisation des dispositions relatives à la prestation compensatoire.

Convention de liquidation et de partage anticipés de la communauté

1450

265-2

Cette disposition étant propre au divorce, il est plus cohérent de la faire figurer dans le titre VI du livre Ier.

La Commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7

(section 5 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil ;
art. 247, 247-1 et 247-2 du code civil)


Modification du fondement d'une demande en divorce en cours de procédure

Signe de la faveur du législateur pour le divorce sur demande conjointe et rompant avec le principe de l'autonomie des cas de divorce, l'article 246 du code civil ouvre aujourd'hui aux époux, tant qu'aucune décision n'a été rendue sur le fond, la possibilité de demander au juge de constater leur accord et d'homologuer le projet de convention réglant les conséquences de leur divorce. Bien que figurant dans une section du code civil consacrée au divorce pour faute, cette disposition a un objet plus vaste puisque peuvent également en bénéficier les époux engagés dans des procédures de divorce sur demande acceptée ou pour rupture de la vie commune. Cette passerelle est toutefois la seule (33) et de surcroît, ne peut être utilisée en sens inverse : en effet, l'article 1077 du nouveau code de procédure civile précise qu'« en cours d'instance, il ne peut être substitué à une demande fondée sur un des cas de divorce définis à l'article 229 du code civil, une demande fondée sur un autre cas ». En outre, la disposition inscrite à l'article 246 du code civil prévoyant que « les dispositions des articles 231 et 232 trouvent alors à s'appliquer » contraint les parties à comparaître deux fois devant le juge avant de voir leur divorce être prononcé.

Adopté sans modification par le Sénat, cet article insère une nouvelle section à la fin du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil consacré aux cas de divorce, rassemblant trois articles - 247, 247-1 et 247-2 - précisant les « passerelles » entre les différents cas de divorce. Facilitées par la mise en place d'un tronc commun procédural et l'homogénéisation des conséquences des divorces, ces « passerelles » devraient présenter un grand intérêt pratique, notamment compte tenu des possibilités croissantes de recours à la médiation. Elles vont en outre dans le sens d'une pacification des procédures, conformément à la logique générale du texte.

Article 247 du code civil

« Passerelle » vers le divorce par consentement mutuel

Proche de l'actuel article 246 du code civil précédemment décrit, cet article ouvre aux époux la possibilité de demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences du divorce. Contrairement aux dispositions actuelles, cette « passerelle » pourra être utilisée « à tout moment de la procédure », ce qui inclut l'appel. La simplification de la procédure de divorce par consentement mutuel, désormais organisée autour d'une seule comparution, rendra cette passerelle plus attractive alors qu'actuellement, les époux déjà engagés dans une procédure contentieuse, doivent comparaître deux fois devant le juge avant que leur convention ne puisse être homologuée. Pour prononcer le jugement, le juge s'assurera de la qualité des consentements et de la préservation des intérêts des enfants et des époux.

Article 247-1 du code civil

« Passerelle » du divorce pour altération définitive
du lien conjugal ou pour faute vers le divorce accepté

Introduit par le présent projet de loi, ce nouvel article permet aux époux engagés dans une procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal ou de divorce pour faute de demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage. Cette disposition permet de tenir compte de l'évolution des relations entre les époux qui, à la faveur d'une mesure de médiation par exemple, se mettraient d'accord sur le principe du divorce mais non sur ses conséquences et d'éviter que, parfois de façon artificielle, ils soient contraints d'invoquer des torts réciproques, ce qui devrait permettre de « mordre sur les actuels divorces aux torts partagés sans énonciation de motifs » (34) et de rendre leur transparence aux procédures de divorce.

Article 247-2 du code civil

« Passerelle » du divorce pour altération définitive
du lien conjugal vers le divorce pour faute

Conformément au souci du projet de loi de ne pas pénaliser le demandeur d'un divorce pour altération définitive du lien conjugal, le nouvel article 247-2 du code civil, introduit par l'article 7 du projet de loi, n'enferme plus le demandeur d'un divorce pour altération définitive du lien conjugal dans le fondement initial de sa demande mais l'autorise, si une demande en divorce pour faute est présentée à titre reconventionnel, à invoquer les fautes de son conjoint « et » à changer le fondement de sa demande.

Tel n'est pas le cas aujourd'hui du conjoint qui demande le divorce pour rupture de la vie commune, l'article 241 du code civil prévoyant que lorsque l'époux défendeur forme à son tour une demande reconventionnelle en divorce pour faute, le juge n'a pas droit de partager les torts et ne peut que prononcer le divorce aux torts exclusifs du demandeur initial. Cette disposition permettra ainsi au conjoint qui, par exemple dans l'intérêt des enfants, choisira de fonder sa demande sur l'altération définitive du lien conjugal plutôt que sur la faute, de répliquer sur ce terrain si son conjoint venait à présenter une demande reconventionnelle de divorce pour faute. Pragmatique, elle est donc destinée à donner toutes ses chances au divorce pour altération du lien conjugal et à pacifier les procédures.

Après le rejet d'un amendement de coordination avec ces précédents amendements de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, la Commission a adopté un amendement du rapporteur substituant le mot : « pour » au mot : « et » afin de préciser que le seul objet de l'invocation de la faute est de modifier le fondement de la demande (amendement n° 18).

La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié. 

Chapitre II

De la procédure de divorce

Le projet de loi modifie substantiellement la structure du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil consacré à la procédure de divorce : alors que ses quatre sections sont aujourd'hui consacrées à des dispositions générales, à la conciliation, aux mesures provisoires et aux preuves, il réorganise les deuxième et troisième sections, qui porteront désormais sur les procédures respectivement applicables au divorce par consentement mutuel (cf. article 9) et aux divorces contentieux (cf. articles 10 à 13), les deux autres sections faisant l'objet de modifications ponctuelles (cf. articles 8 et 14).

Article 8

(art. 249, 249-3 et 249-4 du code civil)


Procédure de divorce impliquant un majeur protégé

Consacrée aux dispositions générales relatives à la procédure de divorce, la première section du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil rassemble aujourd'hui les dispositions relatives à la compétence du tribunal de grande instance et du juge aux affaires familiales (article 247), à la confidentialité des débats (article 248), à la non-énonciation des torts et griefs des parties dans les motifs du jugement d'un divorce pour faute (article 248-1), à la situation des majeurs protégés (articles 249 à 249-4) et aux conditions d'exercice de l'action en divorce en cas d'interdiction légale (article 250).

Le projet de loi modifie cette section : les dispositions figurant sous les articles 247 et 248-1 sont déplacées et partiellement modifiées (cf. articles 6 et 22 du projet de loi), l'article 250 est abrogé (cf. article 23 du projet de loi). Restent l'article 248, inchangé par le projet de loi, ainsi que les dispositions relatives aux majeurs protégés : justifiées par la protection particulière dont doivent bénéficier ces personnes compte tenu des incidences d'un divorce, ces dispositions sont modifiées par l'article 8 du projet de loi, que le Sénat a adopté sans modification.

-  S'il prévoit que le majeur en curatelle exerce lui-même l'action en divorce avec l'assistance du curateur, l'article 249 du code civil précise que la demande en divorce formée au nom d'un majeur en tutelle doit être présentée par son tuteur avec l'autorisation du conseil de famille et après avis du médecin traitant. L'article 8 du projet de loi le complète afin de préciser que l'autorisation peut également être donnée par le juge des tutelles, afin de couvrir l'hypothèse dans laquelle le conseil de famille n'est pas formé. Par ailleurs, afin d'assurer au maximum le respect de la volonté de l'intéressé, il est précisé que cette demande est formée après que, dans la mesure du possible, il ait été entendu, selon le cas, par le conseil de famille ou par le juge. La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que la demande en divorce au nom d'un majeur en tutelle devait être présentée avec l'autorisation du conseil de famille et, seulement à défaut d'un tel conseil, par le juge des tutelles (amendement n° 19).

-  L'article 249-3 du code civil précise que si l'un des époux se trouve placé sous la sauvegarde de justice, la demande en divorce ne peut être examinée qu'après organisation de la tutelle ou de la curatelle. Il est complété par l'article 8 du projet de loi afin de préciser que le juge peut toutefois prendre les mesures provisoires et les mesures urgentes prévues à l'article 257 du code civil. Compte tenu du temps requis pour organiser une tutelle ou une curatelle, il est en effet nécessaire que le juge puisse sans attendre prendre ces mesures, particulièrement nécessaires par exemple en cas de violences conjugales. La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 20).

-  Enfin, l'article 249-4 du code civil interdit à un époux placé sous l'un des régime de protection prévus à l'article 490 - sauvegarde de justice, tutelle, curatelle -, de présenter une demande en divorce par consentement mutuel, l'objectif étant ainsi de protéger l'époux contre sa propre vulnérabilité. Les termes de « divorce par consentement mutuel » ne désignant plus désormais que l'actuel divorce sur requête conjointe, il convient d'étendre cette interdiction au divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage qui se substitue au divorce sur demande acceptée, actuellement considéré comme un divorce par consentement mutuel.

La Commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9

(section 2 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil ;
art. 250, 250-1, 250-2 et 250-3 du code civil)


Procédure de divorce par consentement mutuel

Dans un souci de lisibilité, le projet de loi fait figurer les dispositions procédurales relatives au divorce par consentement mutuel dans le chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil consacré à la procédure de divorce. Adopté sans modification par le Sénat, cet article donne donc une nouvelle rédaction à la section 2 de ce chapitre, qui est désormais intitulée : « De la procédure applicable au divorce par consentement mutuel » et qui comprend les articles 250 à 250-3. Les dispositions relatives à la conciliation, qui figurent aujourd'hui dans cette section, sont, pour leur part, renumérotées et modifiées par les articles 6 et 11 du projet de loi.

Article 250 du code civil

Présentation et examen des demandes

Prévoyant que, en cas d'interdiction légale résultant d'une condamnation, l'action en divorce ne peut être exercée par le tuteur qu'avec l'autorisation de l'époux interdit, l'article 250 du code civil fait l'objet d'une nouvelle rédaction, ses dispositions étant devenues obsolètes depuis l'abolition de la peine d'interdiction légale par la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992.Tel qu'il résulte de l'article 9 du projet de loi, cet article reprendra désormais les règles procédurales qui sont actuellement inscrites aujourd'hui sous les articles 230 et 231 du code civil.

Reprenant le deuxième alinéa de l'article 230 du code civil, le premier alinéa de l'article 250 précise que la demande en divorce est présentée par les avocats respectifs des parties ou par un avocat choisi d'un commun accord. La pérennisation de cette disposition fait aujourd'hui l'objet de nombreuses discussions, certains estimant que l'obligation de la représentation par avocat est une contrainte inutile, d'autres jugeant préférable d'imposer aux époux de prendre chacun un avocat afin d'assurer au mieux la défense de leurs intérêts. La Commission a été saisie d'un amendement en ce sens présenté par M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Affirmant la nécessité de préserver l'intérêt de chacun des époux et des enfants, l'auteur de l'amendement a considéré que l'assistance d'un avocat pour chacune des parties était indispensable dans une procédure qui ne compte désormais qu'une seule comparution. Le rapporteur a observé que l'amendement de Mme Geneviève Levy adopté à l'article 2 instituant un délai de trois mois entre la demande de divorce et la comparution apportait une première réponse aux inquiétudes de M. Le Bouillonnec, ce délai étant mis à profit par chacune des parties pour réfléchir aux conséquences matérielles qu'emporterait le divorce. Faisant ensuite état du coût financier du recours à un avocat, il a considéré que le projet de loi apportait une réponse équilibrée, puisqu'il laissait toute liberté aux parties pour décider ou non du choix d'un avocat commun. Il a rappelé que, actuellement, dans 90,4 % des divorces sur requête conjointe, les époux choisissaient de se faire représenter par un avocat commun. La Commission a donc rejeté l'amendement

Le deuxième alinéa de l'article 250 du code civil reprend le premier alinéa de l'actuel article 231 qui prévoit que le juge examine la demande avec chacun des époux, puis les réunit avant d'appeler le ou les avocats. Le déroulement de cette comparution donne ainsi l'occasion au juge aux affaires familiales de vérifier la qualité du consentement des époux tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences. Alors que les dispositions législatives et réglementaires actuellement applicables confient au juge une mission de conciliation, que traduisent les termes de l'article 231 - « si les époux persistent dans leur intention de divorcer » - il n'est plus fait de référence à la tentative de conciliation et les dispositions relatives à la conciliation ne figurent plus que dans la section consacrée à la procédure applicable aux divorces contentieux. Ce choix rejoint la proposition faite par dans le rapport sur le rénovation du droit de la famille, réalisé par le groupe de travail animé par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, qui jugeait inutile de conserver une référence à la tentative de conciliation, l'accord présenté au juge impliquant la volonté de divorcer.

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec supprimant l'audition de chacun des époux par le juge aux affaires familiales, le rapporteur ayant insisté sur la nécessité de maintenir un tête-à-tête entre le juge et chacune des parties. Elle a également rejeté l'amendement n° 12 de M. Pierre-Christophe Baguet réintroduisant le principe d'une seconde comparution.

Article 250-1 du code civil

Homologation de la convention et prononcé du divorce
au terme d'une seule comparution

Soucieuse de laisser le temps de la réflexion aux époux et de permettre au juge de s'assurer de la persistance des époux dans leur volonté de divorcer, la procédure actuelle de divorce sur requête conjointe s'articule aujourd'hui autour de deux comparutions devant le juge aux affaires familiales. Au cours de la première comparution, le juge vérifie la recevabilité de la requête, attribue par ordonnance la force exécutoire attachée à une décision de justice à la convention temporaire que lui soumettent les parties, éventuellement après en avoir demandé la modification de certaines clauses qui lui paraîtraient contraires à l'intérêt des enfants (article 1093 du nouveau code de procédure civile). Il examine ensuite le projet de convention définitive et indique, le cas échéant, les conditions auxquelles la convention sera homologuée (article 1094 du nouveau code de procédure civile). Les époux sont ensuite tenus de respecter un « délai de réflexion » d'une durée minimale de trois mois à compter du jour de la première ordonnance du juge aux affaires familiales avant de renouveler leur demande. À l'inverse, à défaut de renouvellement dans les six mois qui suivent l'expiration de ce délai de réflexion, la demande conjointe est considérée comme caduque. C'est au cours de cette seconde comparution que le juge prononce le divorce « s'il a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que chacun d'eux a donné librement son accord » et s'il constate que la convention préserve suffisamment les intérêts des enfants et de chacun des époux. S'il constate un défaut d'accord, le juge déboute les époux de leur demande ; s'il refuse l'homologation de la convention, il ajourne sa décision jusqu'à présentation d'une convention modifiée (article 1100 du nouveau code de procédure civile), qui doit être présentée dans un délai de six mois, faute de quoi toute la procédure est caduque (article 1101 du nouveau code de procédure civile).

Justifié par le souci du législateur de 1975 de s'assurer du sérieux de la démarche des époux alors qu'il rétablissait le divorce par consentement mutuel, le mécanisme de la double comparution est aujourd'hui, « dans une proportion significative de cas [...] perçu comme inutile aussi bien par les époux que par le juge et les avocats » (35), notamment lorsque les époux vivent déjà séparés de fait. Constituant rarement une occasion de réconciliation, le délai de réflexion est le plus souvent vu comme une source de retard dans le prononcé du divorce, et parfois, comme le soulignait le garde des Sceaux lors de l'examen du projet de loi au Sénat, entretient « une situation de crispation, de tension à l'intérieur du foyer, avec toutes les conséquences qui peuvent s'ensuivre » (36). Enfin, le mécanisme de la double comparution se révèle coûteux, la représentation par avocat étant obligatoire durant toute la procédure.

Aussi l'article 250-1 du code civil tel qu'il résulte de l'article 9 du projet de loi prévoit-il que le juge homologue la convention réglant les conséquences du divorce et par la même décision prononce le divorce « lorsque les conditions prévues à l'article 232 sont réunies », c'est-à-dire lorsqu'il s'est assuré de la qualité du consentement des époux et de la préservation suffisante des intérêts des enfants et de chacun des époux par la convention qu'ils lui soumettent. La possibilité de prononcer le divorce au terme d'une seule comparution devrait permettre de raccourcir sensiblement la durée des procédures de divorce par consentement mutuel qui étaient en 2001 de 9,2 mois et qui, en 1996 pour une durée moyenne de procédure de 9,5 mois, se décomposait en 2,5 mois de la saisine du tribunal à la première ordonnance, 4,5 mois de celle-ci au dépôt de la requête réitérée et 2,5 mois de la requête réitérée au jugement(37). Source de simplification pour les parties comme pour les juges ou les avocats, cette réforme a pour effet de déplacer en amont de la saisine du juge aux affaires familiales le travail d'élaboration de la convention et il y a tout lieu de penser que cette simplification sera d'autant plus opérationnelle que les parties auront préalablement expérimenté l'accord qu'ils comptent soumettre à l'homologation du juge. Parallèlement, il conviendra que le juge aux affaires familiales fasse preuve d'une vigilance particulière sur le contenu de la convention qui lui est soumise, le refus de son homologation débouchant sur une seconde comparution, prévue à l'article 250-2.

Article 250-2 du code civil

Procédure en cas de refus d'homologation de la convention

Envisageant l'hypothèse d'un refus d'homologation de la convention par le juge, cet article précise que le juge peut alors homologuer les mesures provisoires prévues aux articles 254 et 255 du code civil (cf. article 12 du projet de loi), nécessaires jusqu'à ce que le jugement de divorce passe en force de chose jugée. Parmi ces mesures, pourra, le cas échéant, figurer une mesure de médiation.

S'agissant d'un divorce d'accord, il n'appartient pas au juge d'ordonner les mesures provisoires mais seulement d'homologuer celles sur lesquelles les parties se seront mises d'accord, sous réserve qu'elles soient conformes à l'intérêt des enfants. Cette dernière disposition reprend l'actuel article 253 du code civil qui précise qu'en cas de divorce sur requête conjointe, « les époux règlent eux-mêmes les mesures provisoires dans la convention temporaire qui doit être annexée à leur requête initiale », le juge pouvant toutefois faire supprimer ou modifier les clauses qui lui paraîtraient contraires à l'intérêt des enfants.

Lors des auditions, des interrogations sont nées sur la possibilité d'arrêter des mesures provisoires adaptées alors que les époux n'auront présenté qu'une convention définitive. En pratique, ce risque doit être relativisé : le nombre de refus d'homologation constaté aujourd'hui est très faible, de l'ordre de 1 % des demandes et ils sont le plus souvent liés à des désaccords portant sur des questions fondamentales (absence de consentement) ou patrimoniales et non sur les mesures provisoires. La présence des deux conjoints et l'action conjointe du magistrat, garant des intérêts en présence, et des conseils qui connaissent parfaitement le dossier pour avoir été les artisans du rapprochement entre les époux, devraient faciliter l'émergence d'un accord sur les mesures provisoires, le juge, après avoir expliqué aux époux les raisons de son refus d'homologation de la convention définitive, pouvant d'ailleurs leur ménager un temps de réflexion pour mettre au point les mesures provisoires au cours de l'audience. Enfin, il convient de souligner que la question des mesures provisoires ne pourra bloquer la procédure, soumettre à l'homologation du juge des mesures provisoires n'étant en aucun cas une obligation pour les parties qui conserveront toutes libertés à cet égard.

Un délai de six mois à compter du refus de l'homologation est laissé aux époux pour présenter une nouvelle convention. Ce délai est identique à celui qui est prévu dans l'article 1100 du nouveau code de procédure civile qui précise les conditions dans lesquelles les parties à l'issue de la deuxième comparution peuvent présenter une convention modifiée lorsque la convention définitive n'a pas été homologuée.

Par coordination avec le rejet d'un amendement à l'article 2, la Commission a rejeté un amendement de M. Émile Blessig autorisant les parties à demander une deuxième comparution. Elle a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec obligeant les parties à préparer une convention réglant les mesures provisoires, afin de mieux anticiper un éventuel refus d'homologation par le juge de la convention définitive réglant les conséquences du divorce. L'auteur a exprimé la crainte que, faute d'un dispositif préparé en amont, les mesures provisoires ne soient arrêtées dans le bureau du juge avec la plus grande improvisation. Il a également rappelé que, dans le dispositif actuel, les refus d'homologation par le juge intervenaient au cours de la deuxième audience, ce qui donne davantage de temps aux parties pour préparer cette éventualité. Il a jugé que le dispositif proposé allait à l'encontre de l'objectif de pacification affiché par le projet, puisque les conséquences insuffisamment préparées du refus d'homologation risquaient d'envenimer les relations entre les parties. Le rapporteur a rappelé qu'il s'agissait en l'occurrence du divorce pour consentement mutuel, et non du divorce sur demande acceptée ; il lui a semblé dès lors que les conséquences du refus d'homologation de la convention par le juge n'étaient pas de nature à susciter un conflit. La Commission a en conséquence rejeté l'amendement.

Article 250-3 du code civil

Caducité de la demande en divorce

À l'instar de l'actuel article 1101 du nouveau code de procédure civile, cet article prévoit que si, à l'issue du délai de six mois prévu à l'article précédent, les époux n'ont pas présenté au juge une nouvelle convention, la demande en divorce est caduque. Il en est de même si le juge refuse une nouvelle fois l'homologation de la convention. Cette disposition permet ainsi d'éviter que des époux qui achoppent visiblement sur le règlement de certaines conséquences de leur divorce ne reviennent de façon répétée devant le juge.

La Commission a adopté l'article 9 sans modification.

Article 10

(section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil ;
art. 251 du code civil)


Procédures applicables aux divorces contentieux - Formation de la requête

Cet article, ainsi que les quatre suivants, réorganisent la procédure applicable aux divorces autres que par consentement mutuel. Elle est décrite dans la troisième section du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil, qui est réorganisée en cinq paragraphes, respectivement consacrés : à la requête initiale (article 10) ; à la conciliation (article 11) ; aux mesures provisoires (article 12) ; à l'introduction de l'instance en divorce (article 13) ; aux preuves (article 14). Reflétant les grandes étapes de la procédure contentieuse, ce nouveau découpage accroît sa lisibilité du dispositif.

S'inspirant des propositions formulées dans le rapport du groupe de travail animé par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, la réorganisation de la procédure contentieuse s'articule autour de la mise en place d'un « tronc commun procédural » qui est à la fois une source de simplification, de souplesse et de pacification par rapport au droit existant.

Il constitue tout d'abord une simplification puisque la procédure sera désormais commune au divorce accepté, au divorce pour altération définitive du lien conjugal et au divorce pour faute.

En effet, le divorce sur demande acceptée fait aujourd'hui l'objet d'une procédure particulière, rendue nécessaire par l'obligation par le juge de recueillir le double aveu des parties. Elle se déroule en deux phases : la première, non contentieuse, débute par une demande formée par l'un des époux, accompagnée d'un mémoire dans lequel il s'efforce de décrire objectivement la situation conjugale et constate que le maintien de la vie commune est devenu intolérable ; si ce mémoire est accepté par l'autre époux - qui peut à son tour en présenter un - le juge convoque les époux afin de constater leur accord de principe sur le divorce et prend les mesures provisoires pour la durée de l'instance. Ayant pour but de faire régler par le juge les conséquences du divorce, la seconde phase est contentieuse et introduite par assignation ; le juge statue par un jugement, susceptible des voies de recours selon le droit commun et qui ne fait pas état des causes du divorce.

De leur côté, le divorce pour faute et le divorce pour rupture de la vie commune suivent une procédure longue et complexe, voulue comme telle à l'origine afin de décourager les époux de divorcer. Elle s'organise autour de trois étapes :

-  une requête initiale est présentée par un époux qui demande au juge aux affaires familiales de fixer une date pour une audience de conciliation ;

-  moment crucial de la procédure, la conciliation permet au juge d'entendre chacun des époux puis de les réunir en sa présence. Si cette tentative de conciliation réussit, elle est constatée par procès-verbal ; si elle échoue, ce qui est le cas le plus fréquent, le juge rend une ordonnance dite de non-conciliation, dans laquelle il peut, soit renvoyer les parties à une nouvelle tentative de conciliation, soit autoriser immédiatement l'époux qui a présenté la demande à assigner son conjoint (article 1111 du nouveau code de procédure civile). Dans les deux cas, il peut ordonner les mesures nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée ;

-  enfin, l'assignation d'un des époux devant le juge aux affaires familiales marque le début de l'instance judiciaire proprement dite(38). À l'issue des débats au cours desquels les preuves rapportées sont discutées, le juge rend sa décision, qui est susceptible de voies de recours ; le jugement de divorce prononce la dissolution du mariage et règle les conséquences du divorce.

Le projet de loi ne remet pas en cause cette organisation en trois temps, sa durée devant être mise à profit par les époux pour calmer les passions et parvenir à l'élaboration d'accords réglant tout ou partie des conséquences de leur divorce.

La procédure est toutefois modifiée de façon à la rendre plus souple, l'unité procédurale des divorces contentieux permettant aux parties de modifier en cours de procédure le fondement de leur demande, par le jeu des « passerelles » qui sont désormais prévues aux articles 247 à 247-2 (cf. article 7 du projet de loi). Limitées en 1975 pour éviter les stratégies, une personne « tentant d'abord sa chance » en fondant sa demande sur la faute de son conjoint avant de se « rabattre » sur un autre cas de divorce, ces passerelles devraient notamment permettre au conjoint de former plus facilement une demande de divorce accepté puisque le choix du fondement ne se fera plus au stade de la requête initiale mais de l'assignation, après que la conciliation ait pu permettre de « sonder les intentions de l'autre conjoint » (39). En outre, l'institution d'un tronc commun est un facteur de pacification puisque ce n'est qu'au stade de l'assignation que sera déterminé le cas de divorce invoqué. Tel est particulièrement l'objectif poursuivi par l'article 251 du code civil qui précise les conditions de présentation de la requête initiale.

Article 251 du code civil

Requête initiale

Posant actuellement le principe de l'obligation de la tentative de conciliation lorsque le divorce est demandé pour faute ou pour rupture de la vie commune, l'article 251 du code civil fait l'objet d'une nouvelle rédaction afin de préciser les conditions de présentation de la requête initiale.

Outre l'obligation de présenter une requête au juge par avocat, il est précisé que l'indication des « motifs » du divorce n'est pas requise. Sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, le Sénat est allé plus loin en prévoyant qu'elle est interdite.

Cette disposition rompt avec les dispositions actuelles. En effet, s'agissant du divorce pour rupture de la vie commune, l'article 1123 du nouveau code de procédure civile exige que la requête initiale précise les moyens par lesquels l'époux assurera, tant durant l'instance qu'après la dissolution du mariage, son devoir de secours ainsi que ses obligations à l'égard des enfants tandis que l'article 1224 exige un document établissant la réalité de l'altération des facultés mentales du conjoint lorsque le divorce est demandé sur le fondement de l'article 238 du code civil. De même, l'article 1129 du nouveau code de procédure civile précise que la requête initiale doit, en cas de divorce sur demande acceptée, être accompagnée d'un mémoire personnel dans lequel le demandeur s'efforce de décrire objectivement la situation conjugale. Enfin s'agissant du divorce pour faute, et conformément à l'article 494 du nouveau code de procédure civile, la requête doit être motivée et le type de divorce choisi être indiqué.

Tel qu'il résulte du projet de loi, l'article 251 du code civil va indéniablement dans le sens de la jurisprudence dégagée en matière de divorce pour faute, qui considère qu'il n'est pas nécessaire que le requête initiale en divorce pour faute énonce les faits invoqués comme cause de divorce. En pratique, comme le relève le rapport du groupe de travail animé par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, « l'énonciation des griefs, dès la requête initiale, cristallise une atmosphère contentieuse et agressive. Tel époux qui aurait accepté de plus ou moins bon gré l'idée d'un divorce, se sent personnellement mis en cause et insulté par l'énoncé des griefs outrancièrement grossis pour convaincre le tribunal de l'existence de véritables et graves fautes. Dès lors, il va rendre coup pour coup et les espoirs d'apaisement deviendront illusoires ».

Il a été objecté que l'interdiction d'énoncer les motifs du divorce dans la requête initiale serait en pratique très désavantageuse pour le défendeur qui ignorerait tout des dispositions de son conjoint. A cela, il peut être répondu que jusqu'à l'assignation, le choix du cas de divorce n'est pas fait, la tentative de conciliation devant être l'occasion d'éclaircir ce point et, le cas échéant, de constater l'accord des époux sur le principe du divorce, leur permettant ensuite de se diriger vers la procédure la moins contentieuse. Par conséquent, les mesures provisoires seront prises sans considération pour les circonstances de la rupture. Le rapport de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez était bien conscient de cette atteinte portée au principe du contradictoire, jugeant toutefois que « c'est le prix à payer pour ne pas avoir à énoncer les griefs, énoncé dont on sait combien il est dévastateur ». Et de noter que « les juges aux affaires familiales, à l'heure actuelle, ne veulent tenir aucun compte des causes de la rupture dans l'organisation des mesures provisoires et refusent tout débat sur les torts lors de l'audience de conciliation ».

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par M. Jean-Yves Le Bouillonnec obligeant la requête formée par un des époux pour demander le divorce à préciser le cas de divorce. Tout en approuvant le dispositif proposé, en ce qu'il n'oblige plus à exposer les motifs du divorce, M. Jean-Yves Le Bouillonnec a jugé contestable de laisser le défendeur dans l'incertitude sur la procédure choisie ; soulignant que le défendeur arriverait à l'audience de conciliation sans savoir sur quels motifs il devrait argumenter, il a jugé cette disposition difficilement conciliable avec l'obligation pour chaque partie d'avoir un avocat pour accepter le principe de la rupture du mariage sur le fondement de l'article 233 du code civil. Le rapporteur a considéré que cet amendement allait à l'encontre de l'objectif du projet de loi consistant à établir un « tronc commun » procédural pour les divorces contentieux. Le président Pascal Clément ayant toutefois jugé nécessaire de poursuivre la réflexion sur ce point, la Commission a décidé de réexaminer cette question lors de la réunion qu'elle tiendra en application de l'article 88 du Règlement. Elle a en conséquence rejeté l'amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, ainsi qu'un amendement du rapporteur de sens opposé, précisant que la requête ne devait comprendre ni les motifs, ni le cas de divorce. Elle a également rejeté un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec obligeant la requête à informer le juge des procédures civiles ou pénales engagées à l'encontre de l'un des époux, le rapporteur ayant observé que de telles informations à ce stade de la procédure orienteraient obligatoirement celle-ci vers tel ou tel type de divorce.

La Commission a adopté l'article 10 sans modification.

Article 11

(art. 252, 252-1, 252-3 et 253 du code civil)


Tentative de conciliation

Cet article, auquel le Sénat a apporté des modifications de coordination à la suite de la renumérotation des dispositions qu'il concerne, modifie les dispositions relatives à la tentative de conciliation.

Aujourd'hui rassemblées dans la section 2 du chapitre 2 du titre VI du livre Ier du code civil, ces dispositions figureront désormais dans le deuxième paragraphe de la section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil, consacrée à la procédure applicable aux divorces contentieux (I de l'article 11). Y sont rassemblés les articles suivants :

_  L'article 252, relatif à l'obligation de procéder à une tentative de conciliation, reprend les dispositions de l'actuel article 251 (cf. article 6 du projet de loi). Le II de l'article 11 y apporte deux modifications :

-  d'une part, il n'est plus précisé dans le premier alinéa que la tentative de conciliation est obligatoire avant l'instance judiciaire « quand le divorce est demandé pour rupture de la vie commune ou pour faute » (40), la conciliation étant désormais une étape obligée de tous les divorces contentieux, y compris en cas de divorce accepté ;

-  d'autre part, il est donné une nouvelle rédaction au deuxième alinéa, qui précise aujourd'hui que, en cas de divorce par consentement mutuel, une conciliation peut être tentée en cours d'instance suivant les règles de procédure propres à ce cas de divorce. Cette disposition n'est aujourd'hui plus justifiée, qu'il s'agisse du divorce accepté qui, faisant partie des divorces contentieux, impliquera désormais une tentative de conciliation, ou qu'il s'agisse de l'ex-divorce sur requête conjointe, l'accord préalable des époux qu'il suppose rendant inutile le maintien d'une référence à la conciliation. Dans sa nouvelle rédaction, le deuxième alinéa de l'article 252 précise l'objet de la conciliation, en confiant au juge le soin de chercher à concilier les époux « tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences ». La mission de conciliation « sur le principe du divorce »  doit être entendue au sens large. En effet, elle doit non seulement permettre aux époux de déterminer, autant que faire ce peut, le cas de divorce sur lequel se fondera l'assignation mais également porter sur le fait même de divorcer, même s'il faut bien admettre que l'affirmation de cet aspect de la conciliation présente un caractère essentiellement symbolique, le nombre de réconciliations étant à ce stade, de l'ordre de 0,1 %. Par ailleurs, la conciliation doit porter sur les conséquences du divorce afin de permettre de dégager des solutions négociées et mieux adaptées à la situation de chacun et ce, le plus en amont possible.

Le rapporteur ayant considéré qu'il entrait dans la compétence de concilier les parties sur le principe du divorce, la Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec précisant que le juge entendait les parties sur le principe du divorce et cherchait à les concilier sur les mesures à prendre, ainsi que l'amendement n° 16 présenté par M. Bruno Bourg-Broc tendant à étendre à tous les cas de divorce contentieux l'assistance obligatoire d'un avocat pour chaque époux.

_  L'article 252-1 reprend les dispositions de l'actuel article 252 (cf. article 6 du projet de loi) sur le déroulement de la conciliation. Inchangé, le premier alinéa précise que le juge doit s'entretenir personnellement avec chacun des époux séparément avant de les réunir en sa présence. En revanche, les deux alinéas suivants sont modifiés par le III de l'article 11 du projet de loi :

-  confortant l'importance des conseils dans le déroulement de la procédure, la présence et la participation des avocats à l'entretien ne sont plus subordonnées à la demande des époux mais obligatoires, le texte ne faisant sur ce point qu'inscrire dans la loi une pratique bien établie ;

-  sans revenir sur le principe selon lequel en l'absence du défendeur, le juge s'entretient avec l'autre conjoint et l'invite à la réflexion, le III de l'article 11 modifie la rédaction de cette disposition afin de ne plus faire référence au cas de divorce pour altération des facultés mentales, qui est supprimé ; seront désormais visées les hypothèses dans lesquelles l'époux soit ne se présente pas, soit se trouve hors d'état de manifester sa volonté.

_  L'article 252-2 reprend les dispositions de l'actuel article 252-1 (cf. article 6 du projet de loi), qui précise les conditions dans lesquelles la tentative de conciliation peut être suspendue : si la suspension est de moins de huit jours, elle peut être suspendue et reprise sans formalités ; au-delà, si un plus long délai paraît utile, la procédure est suspendue et il y a une nouvelle tentative de conciliation dans un délai maximal de six mois.

_  L'ancien article 252-2, désormais 252-3 (cf. article 6 du projet de loi) fait l'objet d'une nouvelle rédaction par le IV de l'article 11. Comme aujourd'hui, il précise qu'il entre dans les missions du juge d'inciter les parties à régler les conséquences du divorce à l'amiable. L'intérêt de ces accords, recherchés tout au long de la procédure, est d'autant plus grand qu'ils seront homologués par le juge dans les conditions prévues à l'article 268 et non plus seulement « pris en compte », comme le prévoit aujourd'hui l'actuel article 252-2. Il est précisé que le juge exerce cet office lorsqu'il « constate que le demandeur maintient sa demande » et non plus « lorsqu'il ne parvient pas à les faire renoncer au divorce », cette reformulation marquant l'évolution de la finalité de la tentative de conciliation et ôtant à la disposition actuelle sa tournure « moralisatrice »(41). Enfin, il prévoit que le juge demande aux époux de présenter pour l'audience de jugement un projet de règlement des effets du divorce et que, à cet effet, il peut prendre les mesures provisoires prévues à l'article 255 du code civil (cf. article 12 du projet de loi). Dans cette perspective, ce sont les mesures introduites par le projet de loi tant en matière de médiation que de règlement des intérêts pécuniaires des époux qui sont particulièrement visées.

_  L'article 252-4 reprend les dispositions de l'actuel article 252-3 (cf. article 6 du projet de loi), qui précise que ce qui a été écrit ou dit à l'occasion d'une tentative de conciliation, sous quelque forme qu'elle ait eu lieu, ne pourra pas être invoqué pour ou contre un époux ou tiers dans la suite de la procédure. Cette disposition prend un relief particulier dans le nouveau dispositif procédural puisque, désormais, le choix du cas de divorce retenu ne se fera qu'à l'occasion de l'assignation et il importe d'éviter que des faits relatés à l'occasion de la tentative de conciliation ne soient ensuite utilisés pour fonder sa demande de divorce, par exemple sur la faute.

_  Actuellement consacré aux mesures provisoires prises en cas de divorce sur demande conjointe, l'article 253 du code civil fait l'objet d'une nouvelle rédaction dans le V de l'article 11 du projet de loi. Il y est désormais précisé que les époux ne peuvent accepter le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le fondement de l'article 233 que s'ils sont chacun assistés d'un avocat. Il s'agit ainsi de s'assurer de l'intégrité du consentement des époux, d'autant plus important qu'il ne sera désormais pas rétractable même par la voie de l'appel.

La Commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article 12

(art. 254 et 255 du code civil)


Mesures provisoires

Si le mariage subsiste jusqu'au prononcé du divorce, il est évident que la procédure engagée rend impossible une vie familiale normale. Prescrites par le juge aux affaires familiales dans l'ordonnance de non-conciliation dans le cadre d'un divorce contentieux (article 1111 du nouveau code de procédure civile) ou dans l'ordonnance constatant le double aveu dans le cadre d'un divorce sur demande acceptée (article 1135 du nouveau code de procédure civile), les mesures provisoires règlent la vie du couple et des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée (article 254 du code civil).

Elles sont, malgré leur caractère provisoire, essentielles. Tout d'abord, parce qu'elles peuvent parfois se prolonger durant de nombreuses années. En effet, ces mesures s'appliquent tant que la procédure est en cours mais également jusqu'à ce que le jugement prononçant le divorce ne soit plus susceptible de recours suspensif ; or le pourvoi en cassation suspend l'exécution de l'arrêt prononçant le divorce (article 1121 du nouveau code de procédure civile). En outre, ces mesures provisoires présentent une particulière importance pour les parties en ce qu'elles préfigurent souvent les solutions définitives qui seront retenues lors du prononcé du divorce, par exemple en matière d'attribution du logement. Enfin, elles ont un contenu très varié, la liste de mesures provisoires susceptibles d'être prescrites par le juge qui figure à l'article 255 du code civil n'étant pas limitative.

L'article 12 du projet de loi modifie les dispositions relatives aux mesures provisoires : alors qu'elles font aujourd'hui l'objet de la section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil, consacré à la procédure de divorce, elles figureront désormais dans le paragraphe 4 de la section consacrée à la procédure applicable aux divorces contentieux. Ce paragraphe rassemblera les articles 254 et 255 qui font l'objet d'une nouvelle rédaction dans les II et III de l'article 12. Y figurera également l'article 256 du code civil - auquel le V de l'article 22 apporte une modification rédactionnelle - qui précise que les mesures provisoires relatives aux enfants sont prises conformément aux dispositions relatives à l'autorité parentale. Enfin, l'article 257 demeure inchangé : il permet au juge, dès la présentation de la requête en divorce et sans que l'autre conjoint soit appelé à la procédure (42), d'autoriser l'époux demandeur à résider séparément, s'il y a lieu avec ses enfants mineurs, et d'ordonner toutes mesures conservatoires telles que l'apposition de scellés sur les biens communs. Ces mesures urgentes se distinguent des mesures prévues à l'article 220-1 du code civil, tel qu'il résulte de l'article 22 du projet de loi : en effet, elles supposent le dépôt d'une requête en divorce, ne peuvent conduire à l'éviction du conjoint violent du domicile familial, ne peuvent faire l'objet d'aucun recours (article 1107 du nouveau code de procédure civile) et ne sont pas contradictoires. C'est sur ce dernier point que se concentrent les critiques de ces dispositions, le rapport de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez ayant fait état du risque de prendre à cette occasion des mesures injustes qui s'avéreront pourtant difficiles à remettre en cause par la suite et qui, par la violence qu'elles impliquent, obèrent largement les chances de reprise de dialogue entre les époux. Même si les juges semblent généralement réticents à ordonner la résidence séparée avec les enfants, cette procédure conserve toutefois son utilité en cas d'extrême urgence et, par exemple, lorsque la victime, pour assurer sa protection, est prête à quitter le logement familial. Il est toutefois permis de penser que ces mesures urgentes seront moins utilisées compte tenu des modifications apportées par le projet de loi à l'article 220-1 du code civil.

Article 254 du code civil

Compétence du juge aux affaires familiales
pour prescrire les mesures provisoires

Le II de l'article 12 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à l'article 254 du code civil, qui donne compétence au juge pour prescrire les mesures qui sont nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée.

Le moment auquel sont prescrites ces mesures demeure l'audience de conciliation, la rédaction étant toutefois modifiée afin de tenir compte de la mise en place d'un tronc commun et de ne plus faire référence à « la comparution des époux dans le cas visé à l'article 233 », cette formulation renvoyant à la procédure spécifique du divorce sur demande acceptée qui rentre désormais dans le droit commun des divorces contentieux.

De même, l'objet de ces mesures est inchangé - il s'agit des mesures « nécessaires » pour assurer l'existence des époux et des enfants « jusqu'à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée ». Si l'autorité compétente pour prescrire ces mesures provisoires demeure le juge aux affaires familiales, il est désormais précisé que ce sera « en considération des accords éventuels des époux ». Conforme à la logique constante du projet de loi, cet ajout reprend ainsi la disposition de l'actuel article 1117 du nouveau code de procédure civile qui prévoit que « lorsqu'il ordonne des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les arrangements que les époux ont déjà conclus entre eux ». Prudente, la formulation retenue dans le nouvel article 254 laisse au juge toute faculté d'appréciation sur les accords que lui soumettent les parties mais marque une nouvelle fois la sollicitude de la loi à l'égard des solutions négociées entre époux.

Article 255 du code civil

Mesures provisoires susceptibles d'être prescrites

_  Cet article énumère aujourd'hui, de façon non limitative, cinq types de mesures que le juge peut prendre lors de l'audience de conciliation afin d'assurer l'existence des époux et de leurs enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée.

En pratique, les ordonnances de non-conciliation sont établies dans chaque tribunal sur la base d'un modèle type qu'utilise le juge aux affaires familiales. Correspondant aux situations les plus classiques, ces modèles contiennent généralement les mesures suivantes : « l'autorisation à assigner l'autre conjoint, l'autorisation des époux à avoir une résidence distincte avec défense de s'y troubler ; l'attribution de la jouissance du domicile conjugal gratuite ou non, au besoin à titre de pension alimentaire ; l'attribution des objets mobiliers se trouvant au domicile conjugal sous réserve d'éventuelles dispositions contraires ; il peut être prévu un délai pour le conjoint qui quittera le domicile conjugal avec une date butoir ; chacun des époux est autorisé à reprendre ses effets personnels ; il peut être ordonné à l'autre de les remettre ainsi qu'en ce qui concerne les effets des enfants ; il peut être ordonné l'inventaire des biens de la communauté ; et l'ordonnance contient toutes les mesures concernant les enfants » (43).

_  Le III de l'article 12 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à cet article. Sans remettre en cause la liberté d'appréciation laissée au juge en la matière, ce qui est une garantie d'adaptation à chaque cas d'espèce, cette nouvelle rédaction complète les mesures existantes et en prévoit de nouvelles, doublant ainsi le nombre de mesures énumérées.

Significativement et conformément au souci constant du projet de loi de favoriser la recherche d'accords, même partiels, entre les époux, les deux premières mesures provisoires énumérées ont trait à la médiation familiale : le 1° de l'article 255 permet ainsi au magistrat de proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, de désigner un médiateur familial pour y procéder ; le 2° lui permet d'enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de la médiation.Ces dispositions sont conformes à la logique de la médiation qui, reposant sur le volontariat des parties, ne peut être imposée aux parties, à l'exception d'une séance d'information à ce sujet. Constituant l'occasion de rétablir un dialogue entre les époux, la médiation présente un intérêt renouvelé compte tenu d'une part, de la possibilité de soumettre à l'homologation du juge, dans un divorce contentieux, des conventions sur les conséquences du divorce (cf. article 17 du projet de loi) et, d'autre part, de la possibilité de passer en cours de procédure vers un divorce moins contentieux voire vers un divorce par consentement mutuel (cf. article 7 du projet de loi). La Commission a examiné un amendement de M. Émile Blessig, supprimant la possibilité d'enjoindre aux parties de participer à la séance d'information sur la médiation familiale. Le rapporteur ayant fait valoir que la seule obligation imposée aux époux était de recevoir une information sur la médiation et qu'une disposition similaire était déjà prévue à l'article 373-2-10 du code civil relatif à l'autorité parentale, l'amendement a été retiré.

Les mesures provisoires concernent également la résidence séparée des époux. Compte tenu des modalités de computation du délai de deux ans de séparation requis pour que le divorce soit prononcé pour altération définitive du lien conjugal, il arrivera qu'en pratique la séparation débute à l'ordonnance de non-conciliation. Le 3° de l'article 255 précise que le juge statue sur les modalités de la résidence séparée des époux, et non plus qu'il se contente de l'autoriser, comme c'est aujourd'hui le cas, la modification de la rédaction sur ce point tenant notamment au fait que certains époux se présenteront devant le juge alors qu'ils résident déjà séparément. Si le projet de loi ne modifie pas la possibilité pour le juge d'ordonner la remise des vêtements et objets personnels (5° de l'article 255), il complète, en revanche, fort utilement la disposition lui permettant d'attribuer à l'un d'eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou de partager entre eux cette jouissance (4° de l'article 255), en imposant au juge de préciser le caractère gratuit ou non de cette jouissance et, le cas échéant, en constatant l'accord des époux sur le montant d'une indemnité d'occupation. Compte tenu de la difficulté pratique de déterminer le montant de cette indemnité et des risques de contestation qui pourraient en découler et de ralentissement de la procédure, il n'a pas été prévu que le juge puisse fixer lui-même le montant de cette indemnité.

Cette question est aujourd'hui une source de difficultés importantes lorsque l'ordonnance de non-conciliation ne comporte aucune précision sur ce point : en effet, si le logement appartient aux deux époux, celui qui l'occupe est en principe débiteur d'une indemnité d'occupation, à moins que la jouissance ait été concédée à titre gratuit, en tant que modalité d'exercice du devoir de secours qui subsiste entre les époux jusqu'au prononcé du divorce. Si le juge n'a rien précisé sur ce point, le bénéficiaire s'expose à se voir réclamer, lors de la liquidation du régime matrimonial, une indemnité d'occupation pour la période postérieure à l'assignation en divorce, celle-ci étant la date à laquelle le divorce prend ses effets entre les époux en ce qui concerne leurs biens. Il est alors nécessaire de se pencher rétrospectivement sur l'ordonnance de non-conciliation en examinant les autres dispositions ordonnées (notamment l'existence d'une pension alimentaire pour voir si celle-ci n'a pas été minorée pour tenir compte de l'attribution du logement commun ; dans ce cas, on peut en effet présumer que l'attribution est faite à titre gratuit) et l'état des ressources des ex-époux. Les effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens remontant désormais à l'ordonnance de non-conciliation, l'indemnité d'occupation pourra théoriquement être due à compter de cette date ; si la jouissance est gratuite, c'est donc que la jouissance du logement correspondra à l'exécution d'une obligation légale.

Les mesures prévoient également l'aménagement des relations pécuniaires entre les époux : ainsi le 7° de l'article 255 reprend la possibilité reconnue au juge d'accorder à l'un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire, par exemple s'il a besoin de liquidités pour se reloger. Le 6° de l'article 255 reprend la possibilité pour le juge de fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d'instance que l'un des époux devra verser à son conjoint mais complète ces dispositions en confiant au juge le soin de désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes. Bienvenue car permettant de régler la question de la contribution aux dettes du ménage, cette disposition n'est toutefois pas opposable aux tiers et ne change en rien l'obligation aux dettes des époux. En outre, le projet de loi complète ces dispositions en prévoyant dans le 8° de l'article 255 que le juge statue sur l'attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que le logement familial et son mobilier, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial.

Enfin, conformément au souci de concentrer lors du prononcé du divorce les conséquences pécuniaires et patrimoniales de celui-ci, il est prévu au 9° de l'article 255 que le juge pourra désigner un notaire ou un autre professionnel qualifié - un avocat, un expert-comptable, un commissaire-priseur, par exemple - en vue de dresser un inventaire estimatif, ce qui présentera un grand intérêt pratique pour le juge, ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux. La Commission a adopté un amendement de M. Emile Blessig, sous-amendé par le rapporteur afin que l'accord des parties ne soit plus exigé, tendant à prévoir la désignation d'un professionnel qualifié, sans qu'il ne soit plus fait mention du notaire, en vue de dresser un inventaire des biens ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux (amendement n° 21). M. Émile Blessig a en effet estimé qu'en l'absence de biens immobiliers, le recours à un notaire ne devait pas être obligatoire, d'autres professionnels pouvant remplir cet office.

Le 10° de l'article 255 permet de désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial, le Sénat, sur proposition de son rapporteur, ayant complété cette disposition afin de préciser qu'il lui revient également de former les lots à partager. La Commission a adopté un amendement de M. Émile Blessig, permettant au juge de désigner un professionnel qualifié, et non seulement un notaire, en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial (amendement n° 22). Le rapporteur ayant souligné la technicité des opérations visées, l'auteur de l'amendement, ainsi que MM. Jean-Yves Le Bouillonnec et Alain Vidalies ont estimé que l'intervention du notaire ne se justifiait qu'en la présence de biens immobiliers.

Ces nouvelles mesures provisoires s'inspirent de l'actuel article 1116 du nouveau code de procédure civile qui est aujourd'hui utilisé par le juge aux affaires familiales lorsque la complexité de la situation patrimoniale empêche de fixer la prestation compensatoire ; elles prennent un relief particulier compte tenu de l'obligation qui est désormais faite au demandeur, sous peine d'irrecevabilité, de joindre à sa demande introductive d'instance une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux (cf. article 13 du projet de loi) ; particulièrement utiles pour permettre ensuite le respect du calendrier qui est désormais fixé pour la liquidation du régime matrimonial (cf. article 17 du projet de loi), ces mesures provisoires sont en outre un moyen d'inciter les époux à faire preuve d'une plus grande transparence financière.

La Commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.

Article 13

(art. 257-1 et 257-2 du code civil)


Introduction de l'instance en divorce

Adopté sans modification par le Sénat, cet article crée un paragraphe 4 dans la section consacrée à la procédure applicable aux divorces contentieux ; intitulé « De l'introduction de l'instance en divorce », il comporte trois articles : les articles 257-1 et 257-2 nouveaux ainsi que l'actuel article 258, qui précise que le juge peut, lorsqu'il rejette définitivement la demande en divorce, statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Le maintien de cet article est significatif, en montrant que les déboutés, bien que rares, demeurent possibles si les conditions définies par la loi ne sont pas remplies(44).

Article 257-1 du code civil

Introduction de l'instance et détermination
du fondement de la demande de divorce

Confortant la logique du tronc commun procédural, cet article précise que ce n'est qu'après l'ordonnance de non-conciliation qu'un époux peut introduire une demande ou former une demande reconventionnelle pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute. C'est donc désormais seulement au stade de l'instance, après l'audience de non-conciliation qui constitue le passage obligé, que les époux auront à préciser le cas de divorce sur lequel ils introduisent l'instance ou fondent leur demande reconventionnelle. On observera que, contrairement au divorce pour rupture de la vie commune que l'on connaît aujourd'hui (article 241 du code civil), une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal pourra valablement être formée à titre reconventionnel.

Une restriction est toutefois apportée à cette règle dans le deuxième alinéa : lorsque les époux ont déclaré lors de l'audience de non-conciliation accepter le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le fondement de l'article 233 du code civil, l'instance ne peut être engagée que sur ce fondement. Soulignant le caractère définitif de l'accord ainsi donné, cette disposition laisse toutefois les époux libres de soumettre ensuite une convention réglant les conséquences de leur divorce, ainsi que le nouvel article 247 leur en laisse la possibilité (cf. article 7 du projet de loi). La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Yves Le Bouillonnec, tendant à modifier l'intitulé du divorce pour faute.

Article 257-2 du code civil

Proposition de règlement des intérêts pécuniaires
et patrimoniaux des époux jointe à la demande

Dans la logique du projet de loi et afin d'inciter les époux à entamer le règlement de leurs intérêts pécuniaires et patrimoniaux le plus en amont possible, ce nouvel article subordonne la recevabilité de la demande introductive d'instance à la présentation d'une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux. Cette disposition est d'autant plus justifiée que des mesures provisoires destinées à préparer le règlement des intérêts pécuniaires ainsi que la liquidation du régime matrimonial pourront désormais être prises (cf. article 12 du projet de loi). Le temps s'écoulant entre l'ordonnance de non-conciliation et l'introduction de l'instance (45) sera donc notamment utilisé à cette fin.

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, prévoyant qu'est jointe à la demande introductive d'instance la déclaration sur l'honneur prévue à l'article 272 du code civil.

La Commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14

(section 4 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil ;
art. 259, 259-1, 259-3 et 272 du code civil)

Preuves et déclaration sur l'honneur en matière de prestation compensatoire

Cet article modifie les dispositions relatives aux preuves dans les procédures de divorce qui figurent aujourd'hui dans la section 4 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil. Le maintien de ces dispositions est notamment justifié par celui du divorce pour faute.

Par coordination avec la réorganisation des dispositions relatives à la procédure applicable en cas de divorce contentieux, cet article fait figurer ces dispositions dans un paragraphe 4, rassemblant les articles 259 à 259-3 auxquels il apporte plusieurs modifications.

_  Prévoyant que les faits invoqués comme causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l'aveu, l'article 259 du code civil est complété afin d'interdire l'audition des descendants sur les griefs invoqués par les époux. Figurant actuellement dans le deuxième alinéa de l'article 205 du nouveau code de procédure civile, cette disposition est « inspirée par un souci de décence et de protection des intérêts de la famille » (Cass., 2e civ., 12 décembre 1958). Sont concernés par cette interdiction formelle les enfants, petits enfants, voire arrière-petits enfants, sans considération pour leur âge ou pour le fait qu'ils sont communs ou non aux époux engagés dans l'instance de divorce. La jurisprudence a déjà fait une application large et ferme de cette interdiction en l'appliquant aux enfants légitimes, naturels, nés d'un premier lit ainsi qu'aux conjoints des descendants. L'inscription dans la loi de cette disposition doit être approuvée : d'une part, parce qu'il est à l'évidence inhumain de vouloir demander à un enfant de prendre parti pour l'un ou l'autre de ses parents, d'autre part, parce que cette interdiction est de nature à protéger les enfants, en évitant que le déroulement de la procédure n'altère, voire obère, leurs chances de maintenir une relation avec leurs deux parents.

_  Sur proposition de MM. François Zocchetto et Michel Mercier, le Sénat a donné une nouvelle rédaction à l'article 259-1 du code civil. Celui-ci interdit aujourd'hui à un époux de verser aux débats les lettres échangées entre son conjoint et un tiers qu'il aurait obtenus par violence ou par fraude. La nouvelle rédaction retenue par le Sénat vise désormais les « communications échangées entre le conjoint et un tiers », afin de prendre en compte non seulement les lettres, comme c'est le cas aujourd'hui, mais également les communications téléphoniques - ce qu'admettait déjà la jurisprudence - ou encore les messages électroniques. Elle permet en outre d'interdire de verser aux débats « le contenu des écrits personnels appartenant à son conjoint » obtenu par fraude ou violence.

La Commission a été saisie de deux amendements donnant une nouvelle rédaction à l'article 259-1 du code civil, le premier présenté par M. Jean-Yves Le Bouillonnec, visant à obliger l'époux versant des pièces aux débats à prouver qu'il ne les avait pas obtenues par fraude ou violence, le second, de M. Émile Blessig, frappant de nullité les pièces obtenues par ces moyens. Le rapporteur, tout en approuvant la nécessité de clarifier la rédaction de cette disposition, a estimé qu'il ne convenait pas, pour autant, de renverser la charge de la preuve ; il a, par conséquent, proposé, sur la base du second amendement, une rédaction interdisant aux époux de verser aux débats des éléments de preuve obtenus par violence ou fraude. La Commission a adopté cet amendement ainsi modifié (amendement n° 23) et rejeté l'amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

_  L'article 259-3 du code civil fait aujourd'hui obligation aux époux de se communiquer et de communiquer au juge ainsi qu'aux experts désignés par lui tous documents et renseignements utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial. L'article 14 du projet de loi modifie cette rédaction afin que le bénéfice de la communication de ces informations soit étendu aux personnes que le juge aura désignées au titre des mesures provisoires pour dresser un inventaire estimatif ou faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ainsi qu'au notaire qu'il aura chargé d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial. Cette obligation de communication est en effet la condition de l'efficacité de ces mesures provisoires et d'un règlement rapide des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.

_  Enfin, sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, le Sénat a modifié la rédaction de l'article 272 du code civil. Conformément à l'article 6 du projet de loi, celui-ci reprend les dispositions actuellement inscrites dans le deuxième alinéa de l'article 271 : celui-ci impose aux parties, pour la fixation ou à l'occasion de la révision d'une prestation compensatoire, de fournir une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie  et prévoit que cette obligation est applicable que la prestation soit fixée par le juge ou par les parties « dans la convention visée à l'article 278 », c'est à dire dans le cadre d'un divorce sur requête conjointe. Tenant compte de la possibilité désormais ouverte par le texte de fixer la prestation par voie conventionnelle dans le cadre d'un divorce contentieux (cf. article 18 du projet de loi), le Sénat a étendu l'obligation de déclaration sur l'honneur à cette hypothèse en supprimant la mention de « la convention visée à l'article 278 ».

La Commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.

Chapitre III

Des conséquences du divorce

Article 15

(art. 262-1 du code civil)


Date d'effet du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens

Alors que le mariage prend fin à la date à laquelle la décision qui prononce le divorce prend force de chose jugée (article 260 du code civil), l'article 262-1 du code civil précise, dans son premier alinéa, que le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens « dès la date de l'assignation » et permet, dans son deuxième alinéa, à l'un ou l'autre époux de demander le report de l'effet du jugement à la date où ils ont cessé de cohabiter et de collaborer, le bénéfice de cette disposition étant toutefois interdit à l'époux auquel incombent à titre principal les torts de la « séparation » (46).

Cette date se distingue de celle à laquelle se produisent les effets patrimoniaux du divorce à l'égard des tiers : celle-ci est en effet plus tardive, le jugement de divorce n'étant opposable aux tiers qu'« à partir du jour où les formalités de mention en marge prescrites par les règles de l'état civil ont été accomplies » (article 262 du code civil).

Partant de l'idée qu'il ne subsiste plus de communauté entre les époux entre l'assignation et le prononcé du divorce, la rétroactivité prévue par l'article 262-1 du code civil tend à protéger les époux des agissements de l'autre, par exemple, en évitant que l'un ne profite de l'enrichissement de l'autre ou, à l'inverse, ne pâtisse de dettes inconsidérément contractées par son conjoint(47).

Adopté sans modification par le Sénat, l'article 15 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à l'article 262-1 du code civil.

Contrairement à la rédaction actuelle, une distinction est clairement établie selon le type de divorce prononcé :

-  en cas de divorce par consentement mutuel, la liquidation du régime matrimonial est fixée à la date d'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce, sauf disposition conventionnelle. Il est ainsi remédié à une lacune des dispositions actuelles, qui sont inadaptées à ce cas de divorce dès lors que celui-ci ne donne lieu à aucune assignation ; en fonction des cas d'espèce, il est permis de penser que certaines conventions feront remonter la liquidation du régime matrimonial à la cessation de toute cohabitation ou à la date de la requête initiale ;

-  pour les autres cas de divorce, l'effet du jugement entre les époux en ce qui concerne leurs biens est reporté, non plus à la date de l'assignation, mais à celle de l'ordonnance de non-conciliation organisant les modalités de la résidence séparée des époux, ce qui paraît mieux correspondre à la réalité, nombre d'époux cessant de cohabiter à compter de l'ordonnance de non-conciliation et les mesures provisoires ayant notamment pour objet de statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux (cf. article 12 du projet de loi). En outre, cette solution est d'autant plus justifiée compte tenu des modifications apportées par le Sénat au décompte du délai de deux ans de séparation requis pour obtenir un divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Cette disposition est susceptible de deux aménagements : d'une part, par voie conventionnelle, si les époux passent une convention de liquidation et de partage anticipés, comme le nouvel article 265-2 du code civil leur en laisse la possibilité (cf. article 6 et 21 du projet de loi) ; d'autre part, par voie judiciaire.

En effet, la possibilité pour les époux de demander au juge de reporter l'effet du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de collaborer ou de cohabiter est maintenue. Mais le projet de loi y apporte trois modifications :

-  conformément au souci de pacification de la procédure, cette action n'est plus interdite à l'époux auquel incombent à titre principal les torts de la séparation ;

-  afin de concentrer au maximum les effets du divorce lors du prononcé de celui-ci, il est précisé que la demande de report ne pourra être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce. Le projet de loi remet ainsi en cause les solutions dégagées par la jurisprudence. En effet, fréquemment formée au cours de l'instance en divorce de façon à ce qu'il soit statué sur ce point par le jugement qui prononce le divorce, cette demande peut également valablement être formée postérieurement et jusqu'à la liquidation du régime matrimonial, par exemple au cours de l'instance de liquidation qui relève de la compétence du tribunal de grande instance (48). Cette solution n'est toutefois pas conforme au souci de concentration des effets du divorce et de pacification des procédures, puisqu'elle permet de remettre en débat, parfois longtemps après l'instance, « les comportements passés des ex-époux, leurs torts - pas nécessairement ceux qui ont causé le divorce mais au moins ceux qui ont provoqué la séparation »(49) et pouvait entraîner une remise en cause des décisions prises en fonction de la situation patrimoniale des époux (prestation compensatoire, sort des donations et avantages matrimoniaux), si le report de l'effet du jugement modifiait la consistance de la communauté.

-  il est prévu que la jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve son caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge. À défaut de cette précision, le conjoint ayant la jouissance du logement conjugal pourrait être redevable d'une indemnité d'occupation à compter de la date à laquelle la cohabitation et la collaboration ont cessé puisqu'à compter de cette date, la communauté ne doit plus être considérée que comme une indivision et que le bénéficiaire doit, à ce titre, payer une indemnité sur le fondement de l'article 815-9 du code civil. Le projet de loi évite ainsi toute interrogation sur la nécessité pour le conjoint qui se maintient dans le logement conjugal de payer une indemnité d'occupation. Cette gratuité est présumée jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, au cours de laquelle, au titre des mesures provisoires, le juge sera amené à se prononcer sur le caractère gratuit ou non pour la suite de la procédure.

Par coordination avec ses précédentes décisions, la Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Yves Le Bouillonnec modifiant l'intitulé du divorce pour faute, avant d'adopter deux amendements du rapporteur, le premier de précision (amendement n° 24), le second laissant explicitement au juge la faculté d'apprécier l'opportunité de faire droit à la demande de l'un des époux de fixer les effets du jugement sur les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer (amendement n° 25).

La Commission a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 16

(paragraphe 1 de la section 2 du chapitre III du livre Ier du code civil ;
art. 264, 265 et 265-1 du code civil)


Dispositions générales relatives aux conséquences du divorce

Cet article modifie les dispositions générales relatives aux conséquences du divorce pour les époux. Celle-ci figurent aujourd'hui dans le paragraphe 1er de la section 2 du chapitre III du titre VI du livre Ier du code civil, qui rassemble les articles suivants :

-  l'article 263, qui précise que les époux divorcés qui veulent contracter une nouvelle union entre eux doivent de nouveau se marier ;

-  l'article 264, relatif à l'usage du nom de chacun des époux ;

-  l'article 264-1, qui donne compétence au juge du divorce pour ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux.

Exception faite de l'article 263 du code civil qui demeure inchangé, le projet de loi modifie substantiellement ce paragraphe : l'article 264 fait l'objet d'une nouvelle rédaction dans le présent article ; l'article 264-1 est abrogé (cf. article 23 du projet de loi), de nouvelles dispositions relatives à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux des époux étant désormais prévues (cf. article 17 du projet de loi). Significativement, et conformément à la logique du projet de loi qui est de déconnecter les conséquences du divorce des conditions de son prononcé, les dispositions relatives au sort des donations et avantages matrimoniaux ne figurent plus dans le paragraphe du code civil consacré aux suites propres aux différents cas de divorce (articles 266 à 269) mais parmi les dispositions générales applicables à tous les cas de divorce, sous l'article 265. Dans le même esprit, il est inséré un nouvel article 265-1 privant le divorce de tout effet sur les droits que les époux tiennent de la loi ou des conventions passées avec les tiers. Et dans le souci de favoriser la recherche d'accords entre les époux en dehors même du divorce par consentement mutuel, il est inséré un nouvel article 265-2 relatif aux conventions passées par les époux pour la liquidation et le partage de leur régime matrimonial, qui reprend l'actuel article 1450 (cf. article 6 du projet de loi) sous réserve de deux modifications (cf. II bis et III de l'article 21 du projet de loi). La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à faire explicitement figurer dans ce paragraphe l'article 265-2 du code civil (amendement n° 26)

Article 264 du code civil

Usage du nom de l'ex-conjoint

« Élément essentiel du statut des gens mariés » (50), le droit d'usage du nom du conjoint disparaît avec le divorce ainsi que le prévoit l'article 264 du code civil. Celui-ci prévoit une exception à ce principe en cas de divorce pour rupture de la vie commune et un aménagement au profit de la femme si « elle justifie qu'un intérêt particulier s'y attache pour elle-même ou pour les enfants ».

L'article 16 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à cet article.

Sans remettre en cause le principe posé, il en inverse l'énoncé. En effet, il n'est plus précisé que « chacun reprend l'usage de son nom », mais que « chacun des époux perd l'usage du nom de son conjoint ». Cette rédaction est juridiquement plus exacte puisque le mariage n'a en droit aucune conséquence sur le nom des conjoints et ne fait que conférer à chaque époux un droit d'usage sur le nom de l'autre.

Par coordination avec la suppression du divorce pour rupture de la vie commune et du « statut » spécial accordé au conjoint qui se voit imposer par l'autre ce type de divorce, la disposition précisant que la femme peut, dans l'hypothèse où ce divorce est demandé par son mari, conserver le nom de celui-ci, est supprimée.

Enfin, le projet de loi maintient la possibilité, avec l'accord de l'époux ou l'autorisation du juge, de garder l'usage du nom de l'autre si un intérêt particulier s'y attache pour lui ou les enfants, mais donne une nouvelle rédaction à cette disposition, plus conforme au principe d'égalité, afin que la femme ne soit plus la seule à bénéficier de cette dérogation.

Article 265 du code civil

Sort des donations et avantages matrimoniaux

_  Malgré son souhait de dédramatiser le divorce en déliant ses conséquences pécuniaires pour les époux de la répartition des torts entre ces derniers, la loi du 11 juillet 1975 a institué un régime dual s'agissant du sort des donations et des avantages matrimoniaux consentis entre époux. En effet, les articles 265 à 269 du code civil prévoient des solutions qui différent selon que le divorce est, ou non, à la charge de l'un des époux. Dans le premier cas, le sort de ces donations et avantages matrimoniaux est fixé par la loi ; dans le second, il relève du libre choix des époux :

-  l'époux divorcé à ses torts exclusifs et l'époux demandeur en divorce pour rupture de la vie commune perdent de plein droit toutes les donations et tous les avantages matrimoniaux consentis par leur conjoint, soit lors du mariage, soit après (articles 267 et 269). Impératives (51), ces dispositions sanctionnent l'époux coupable ou considéré comme tel. Corrélativement, la loi contraint ce dernier à maintenir les donations ou avantages matrimoniaux qu'il avait consentis à l'autre, même s'ils comportaient une clause de réciprocité ;

-  à l'inverse, les époux décident eux-mêmes du sort des donations et avantages matrimoniaux en cas de divorce pour faute aux torts partagés (article 267-1), de divorce demandé par l'un et accepté par l'autre (article 268-1) et de divorce sur requête conjointe (article 268). Dans ce dernier cas, il est précisé que si les époux n'ont rien décidé à cet égard dans leur convention, « ils sont censés les avoir maintenus ».

Le champ de ces dispositions est vaste puisque sont concernées les donations faites, « soit lors du mariage, soit après », ce qui inclut les donations consenties par contrat de mariage, celles faites avant le mariage et en vue de celui-ci ainsi que celles faites entre les époux au cours du mariage, celles faites sur des biens présents ou à venir. Seuls échappent à ces dispositions les présents d'usage dès lors qu'ils ne portent pas sur un souvenir de famille, ou les donations qui présentent un caractère rémunératoire (52). Sont également concernés tous les avantages matrimoniaux, qu'ils résultent de clauses particulières du contrat de mariage (clauses de partage inégal de la communauté, d'attribution intégrale de la communauté, de préciput), du régime matrimonial choisi ou d'une modification conventionnelle de celui-ci, par exemple, lorsque des époux aux situations financières très différentes adoptent un régime de communauté universelle.

La portée de ces dispositions doit être appréciée au regard du régime de révocation propre aux donations et avantages matrimoniaux consentis entre époux. En effet, si les donations par contrat de mariage et les avantages matrimoniaux sont irrévocables, tel n'est pas le cas des donations entre époux consenties pendant le mariage auxquelles l'article 1096 du code civil donne un caractère révocable. Droit personnel, la révocation d'une donation entre époux peut être révoquée jusqu'au décès de son auteur, de même qu'une donation à cause de mort ou qu'un legs. Et il a été considéré par la jurisprudence que les donations étaient maintenues « avec les caractères qu'elles présentaient, de sorte que celles qui [...] ont été faites pendant le mariage restent révocables » (53). Ainsi, si le maintien des avantages matrimoniaux et des donations consenties par contrat de mariage présente un caractère absolu, tel n'est pas le cas des donations consenties durant le mariage qui pourront toujours être anéanties par leur auteur. Tel sera le cas de ces donations lorsqu'elles profitent au conjoint innocent dans un divorce pour faute ou défendeur dans un divorce pour rupture de la vie commune (54) mais aussi dans un divorce prononcé aux torts partagés ou produisant les effets d'un divorce aux torts partagés (55). Quant au sort des donations dans un divorce sur requête conjointe, la jurisprudence a considéré qu'à défaut de décision quant à ces donations dans la convention de divorce, elles sont maintenues, conformément à l'article 268 du code civil, mais conservent, faute de stipulation contraire, le caractère révocable ou irrévocable qui était le leur avant le divorce (56).

_  Le projet de loi modifie substantiellement ce dispositif : donnant une nouvelle rédaction à l'article 265 du code civil - qui fixe actuellement les effets du divorce sur les droits qu'un époux tient de la loi ou de conventions passées avec les tiers -, il y fait désormais figurer les dispositions relatives au sort des donations et avantages matrimoniaux consentis entre époux. Maintenant les avantages et donations qui ont déjà produit leurs effets et prévoyant, sauf volonté contraire du donateur, la révocation de ceux qui n'ont pas commencé de produire leurs effets, le nouveau régime met fin à la logique qui prévaut aujourd'hui, le projet de loi instituant un régime uniforme pour les donations et avantages matrimoniaux en cas de divorce, sans considération pour la répartition des torts entre les époux ou le cas de divorce invoqué. En outre, alors que les époux disposent aujourd'hui du libre choix quant au maintien ou à la révocation des donations et avantages matrimoniaux en cas de divorce pour requête conjointe, de divorce sur demande accepté ou de divorce aux torts partagés, le projet de loi met en place un système plus directif, laissant certes une place à la volonté des époux mais limitant les incertitudes sur le sort des donations qui n'ont pas fait l'objet de dispositions expresses par les conjoints, la générosité conjugale pouvant se révéler particulièrement aléatoire dès lors que se rompt le lien matrimonial. Enfin, ces modifications ont pour effet de simplifier le dispositif actuel, qui est aujourd'hui indéniablement complexe.

Tel qu'il résulte du projet de loi initial, le premier alinéa de l'article 265 du code civil précise que le divorce « est sans incidence » sur les avantages matrimoniaux qui ne sont pas subordonnés au prédécès de l'un des époux et sur les donations de biens présents quelle que soit leur forme. Compte tenu du caractère désormais irrévocable des donations de biens présents entre époux (cf. I de l'article 21 du projet de loi), cela signifie que ces donations seront maintenues irrévocablement. Cette disposition est de nature à éviter toute remise en cause des droits acquis durant le mariage, alors que, sous l'empire de la loi actuelle, la révocation de donations de biens présents est lourde de conséquences pour le donataire puisque son titre est rétroactivement détruit, que le bien retourne dans le patrimoine du donateur et que la restitution des biens donnés doit s'opérer en nature.

Le second alinéa prévoit, au contraire, une révocation de plein droit de toutes les dispositions à cause de mort, y compris les avantages matrimoniaux, accordées par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l'union. En effet, il ne paraît pas opportun de maintenir des dispositions dont la justification tient au fait que le mariage aura duré jusqu'à la mort de l'époux qui les a consenties.

Cette révocation a lieu de plein droit, sauf volonté contraire de l'époux qui a consenti ces donations et avantages. Il est précisé que cette volonté est constatée par le juge au moment du prononcé du divorce, lors de l'homologation de la convention que lui soumettent les époux en cas de divorce par consentement mutuel, lors du jugement dans les autres cas. Les époux seront ainsi tenus de se prononcer sur le sort de ces avantages matrimoniaux et donations, accroissant ainsi sensiblement la sécurité juridique sur ce point.

Alors que le projet de loi faisait une division entre les dispositions à cause de mort, révoquées de plein droit, et les autres, maintenues, le Sénat, sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, a modifié cette rédaction afin de prévoir que le maintien ou la révocation dépendent de ce que les avantages ou les donations ont, ou non, produit leurs effets durant le mariage.Cette modification permet ainsi de tenir compte des avantages matrimoniaux qui ne produisent leurs effets qu'à la dissolution du régime matrimonial mais sans impliquer nécessairement le décès de l'un des époux, par exemple la stipulation de parts inégales ou la clause de prélèvement moyennant indemnité.

Afin de compléter ce dispositif et d'éviter toute ambiguïté sur le sort de la donation ou de l'avantage matrimonial qui auront été maintenus, la Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant le caractère irrévocable des dispositions qui auront été maintenues par le conjoint lors du prononcé du divorce (amendement n° 27).

Article 265-1 du code civil

Sort des droits que les époux tiennent de la loi
ou de conventions passées avec des tiers

Dans la même logique que les dispositions relatives au sort des donations et avantages matrimoniaux consentis entre époux, l'article 265 du code civil prévoit, à fins de sanction, que l'époux aux torts exclusifs duquel est prononcé le divorce pour faute, ainsi que celui qui a pris l'initiative d'un divorce pour rupture de la vie commune, perdent les droits que la loi et les conventions passées avec les tiers attribuent au conjoint divorcé. Cette disposition vise principalement les avantages sociaux au titre des droits attribués au conjoint par la loi, et les assurances-vie ou les réversions de rente viagère au titre des droits résultant de conventions passées avec les tiers. À l'inverse, ces droits ne sont pas perdus en cas de partage de torts ou de divorce par consentement mutuel.

Conformément à la logique du projet de loi qui tend à déconnecter les conséquences pécuniaires du divorce de la répartition des torts, l'article 16 précise, dans un nouvel article 265-1 du code civil que, quel que soit le fondement du divorce, le divorce est « sans incidence » sur les droits que l'un ou l'autre des époux tient de la loi ou des conventions passées avec les tiers.

La Commission a adopté l'article 16 ainsi modifié.

Article 17

(paragraphe 2 de la section 2 du chapitre III du titre VI du livre Ier du code civil ;
art. 266, 267, 267-1 et 268 du code civil)


Conséquences propres aux divorces
autres que ceux prononcés par consentement mutuel

Cet article modifie substantiellement le paragraphe 2 de la section 2 du chapitre III du titre VI du livre Ier du code civil. Actuellement consacré aux « suites propres aux différents cas de divorce », ce paragraphe est désormais intitulé : « Des conséquences propres aux divorces autres que par consentement mutuel », attestant ainsi du souhait d'uniformiser les conséquences des différents divorces contentieux sans considération pour leur fondement.

Le projet de loi modifie substantiellement le contenu de ce paragraphe : les dispositions relatives aux dommages-intérêts auxquels peut être condamné l'époux divorcé à ses torts exclusifs demeurent mais sous une forme modifiée (article 266) ; les dispositions relatives au sort des donations et avantages matrimoniaux consentis entre époux (articles 267 à 269) et des droits que le conjoint tient de la loi ou de conventions passées avec des tiers (article 265) sont reprises dans les nouveaux articles 265 et 265-1 (cf. article 16 du projet de loi), communs à tous les cas de divorce ; elles sont remplacées par des dispositions précisant les modalités de liquidation du régime matrimonial (articles 267 et 267-1) et à l'homologation des conventions susceptibles d'être passées entre les époux au cours de l'instance (article 268).

Attestant du souci du projet de loi de favoriser le règlement complet des conséquences du divorce au moment de son prononcé et, à tout le moins, de raccourcir les délais de liquidation du régime matrimonial consécutives au prononcé du divorce, l'introduction de ces dispositions marque une rupture par rapport au droit actuel du divorce, qui comporte peu de règles relatives à la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, ce qui pouvait en outre être une source d'injustice puisque la liquidation est en réalité nécessaire pour fixer la prestation compensatoire en connaissance de cause.

Article 266 du code civil

Dommages et intérêts susceptibles d'être accordés à un époux

L'article 266 du code civil ouvre aujourd'hui au conjoint innocent la possibilité d'obtenir des dommages-intérêts du conjoint condamné aux torts exclusifs « en réparation du préjudice matériel ou moral que la dissolution du mariage fait subir à son conjoint ». Cette action est strictement encadrée puisqu'elle est exclue en cas de divorce sur requête conjointe, de divorce sur demande acceptée et de divorce pour rupture de la vie commune et que cette demande, qui ne peut être présentée qu'à l'occasion de l'action en divorce, suppose que le divorce pour faute soit prononcé aux torts exclusifs de l'un des conjoints. Pour les autres cas de divorce, seule une action sur le fondement de l'article 1382 du code civil est envisageable (57)

L'article 17 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à ces dispositions.

Celle-ci permet tout d'abord de préciser explicitement que l'allocation de dommages-intérêts en application de l'article 266 du code civil n'est pas exclusive d'une prestation compensatoire destinée à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective des époux (article 270 du code civil). En effet, si ces deux notions sont proches, la prestation compensatoire ayant vocation à « absorber » le préjudice matériel que peut causer le divorce à l'un des conjoints, elles ne se recouvrent pas totalement, l'article 266 permettant notamment d'obtenir réparation du dommage moral qui résulte de la rupture pour un conjoint qui, par ailleurs, n'obtiendrait pas de prestation compensatoire.

L'objet de la réparation est modifié, afin de restreindre le champ des dommages-intérêts aux préjudices les plus graves. En effet, au lieu d'un « préjudice matériel et moral que la dissolution du mariage fait subir au conjoint », les dommages-intérêts doivent réparer « les conséquences d'une particulière gravité que le conjoint subit du fait de la dissolution du mariage ».

S'il demeure précisé que cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion d'une action en divorce afin d'éviter qu'une action ultérieure ne vienne ranimer le conflit entre les anciens époux, le champ des personnes susceptibles de former cette demande est élargi au conjoint défendeur dans un divorce pour altération définitive du lien conjugal, permettant ainsi de prendre en compte la souffrance particulière que suscite la rupture chez un conjoint qui ne la souhaite pas. Le juge ne pouvant désormais plus rejeter la demande de divorce sur le fondement de la clause d'exceptionnelle dureté, le droit à réparation ainsi ouvert atteste ainsi du souci d'offrir une protection particulière au conjoint qui se voit imposer le divorce.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Yves Le Bouillonnec limitant l'octroi de dommages et intérêts au seul conjoint défendeur à un divorce pour altération définitive du lien conjugal afin de compenser la disparition de la clause d'extrême dureté. En revanche, elle a adopté un amendement de cohérence du rapporteur limitant de manière explicite le dédommagement au cas où le défendeur à un divorce pour altération définitive du lien conjugal n'a pas lui-même formé de demande de divorce (amendement n° 28).

Enfin, la nouvelle rédaction laisse au juge, dans tous les cas, la possibilité de décider que la réparation s'effectuera en valeur ou en nature, par exemple en imposant une obligation de faire au conjoint condamné. Compte tenu de la difficulté pratique de mettre en œuvre des réparations en nature, la Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cette faculté (amendement n° 29).

Articles 267 et 267-1 du code civil

Conditions de liquidation et de partage
des intérêts patrimoniaux des époux

Alors que le divorce par consentement mutuel implique la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux puisqu'ils soumettent à l'homologation du juge une convention réglant toutes les conséquences du divorce, la liquidation du régime matrimonial des époux ne présente, pour les divorces contentieux, aucun caractère obligatoire ni en cours de procédure, ni au moment du prononcé du divorce. Elle peut donc intervenir après le prononcé définitif du divorce, le partage après divorce d'une communauté ou d'une indivision entre époux séparés de biens se faisant selon les règles applicables aux partages successoraux, ainsi que le prévoient les derniers alinéas des articles 1476 et 1542 du code civil (58).

Conformément à son souci de concentrer les conséquences du divorce au jour de son prononcé, le législateur de 1975 a introduit la possibilité, jusque là interdite, pour les époux de régler à l'amiable, par une convention conclue durant l'instance de divorce, la liquidation et le partage de la communauté (article 1450 du code civil). Puis en 1985 (59), l'article 264-1 du code civil est venu préciser que le juge aux affaire familiales, lorsqu'il prononce le divorce, ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux et statue, s'il y a lieu, sur les demandes de maintien dans l'indivision ou d'attribution préférentielle.

Malgré ces dispositions, le lien entre prononcé du divorce et liquidation des intérêts patrimoniaux est insuffisant, les parties faisant parfois de la liquidation du régime matrimonial un nouvel exutoire à leur conflit. En effet, les compétences du juge aux affaires familiales ont été strictement interprétées par la jurisprudence(60). En outre, la portée de l'article 1450 du code civil a souffert de l'obligation qui y est posée de passer la convention par acte notarié et de l'impossibilité d'y inclure des éléments relatifs à la prestation compensatoire (61) ou aux donations et avantages matrimoniaux, dont le sort dépend de la répartition des torts.

De nature à favoriser le règlement complet de toutes les conséquences du divorce au moment de son prononcé et à pacifier les relations entre les ex-époux, les nouvelles règles de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux prévues par le projet de loi aux articles 267 et 267-1 du code civil s'inscrivent dans le prolongement des dispositions déjà examinées, qui tendent à favoriser la recherche d'accords entre les époux en amont du prononcé du divorce : demande de présentation pour l'audience d'un projet de règlement des effets du divorce (article 252-3) ; désignation d'un notaire pour élaborer un projet de liquidation de régime matrimonial et de formation des lots ou d'un professionnel pour dresser un inventaire estimatif ou faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux (article 255) ; obligation d'inclure dans la demande introductive d'instance une proposition sur cette question, sous peine d'irrecevabilité (article 257-2).

_  Aujourd'hui consacré au sort des donations et avantages matrimoniaux des époux en cas de divorce pour faute aux torts exclusifs de l'un des époux, l'article 267 du code civil rassemble désormais les dispositions relatives aux compétences du juge en matière de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux, qui figurent aujourd'hui sous l'article 264 du code civil. Il a fait l'objet d'une modification rédactionnelle par le Sénat.

Significativement, il est précisé que le juge n'ordonne la liquidation et le partage qu'à défaut d'un règlement conventionnel par les époux. Conformément à la logique du projet de loi, qui favorise la recherche de solutions négociées entre les époux, une plus grande part est faite aux conventions entre époux qui pourront désormais être soumises à l'homologation du juge (article 268) et dont on peut espérer qu'elles seront plus nombreuses, le projet de loi invitant clairement les parties à se préoccuper des questions patrimoniales dès le début de la procédure.

Les compétences du juge sont élargies : outre la compétence qu'il détient pour ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux (62) des époux et statuer sur les demandes de maintien dans l'indivision ou d'attribution préférentielle, il pourra désormais accorder à l'un des époux ou aux deux une avance sur sa part de communauté ou de biens indivis. Aujourd'hui, les compétences du juge du divorce en la matière ayant été d'interprétation stricte, tel n'est pas le cas. Or, cela peut se révéler particulièrement important pour permettre aux époux d'organiser leur nouvelle vie en disposant d'actifs dès le prononcé du divorce.

Enfin, le juge est autorisé à statuer, à la demande de l'un ou l'autre des époux, sur les désaccords persistant entre les époux dès lors que le projet de liquidation du régime matrimonial établi par le notaire dans le cadre des mesures provisoires contient des informations suffisantes. A défaut, le juge devrait ordonner la liquidation et le partage et les parties seraient renvoyées devant le notaire sans que le désaccord, pourtant identifié au cours de la procédure de divorce, ne soit réglé ; dans ces conditions, il suffirait de l'obstruction ou de la passivité d'une des parties, pour que le désaccord subsiste et qu'il faille saisir le tribunal de grande instance pour un second procès, cette fois-ci de liquidation. Cette disposition permet ainsi d'éviter que les parties ne s'exposent à la procédure de liquidation prévue dans l'article 267-1 du code civil alors que le désaccord est déjà identifié.

_  Actuellement consacré au sort des donations et avantages matrimoniaux en cas de divorce aux torts partagés, l'article 267-1 du code civil fait l'objet d'une nouvelle rédaction par l'article 17 du projet de loi. S'y trouvent désormais prévues des règles encadrant dans le temps la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux, lorsque ceux-ci doivent intervenir après le divorce.

En effet, aujourd'hui, le jugement prononçant le divorce désigne un notaire, ou le président de la chambre des notaires avec faculté de délégation, pour effectuer la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux. Le partage peut alors se faire à l'amiable ; en revanche, en cas de désaccord entre les parties, la procédure laisse alors la possibilité d'une navette, parfois interminable, entre le notaire et le tribunal de grande instance, compétent pour procéder aux liquidations.

L'article 267-1 du code civil fixe désormais un calendrier à cette procédure : il dispose ainsi que si les opérations de liquidation et de partage ne sont pas achevées dans le délai d'un an après que le jugement est passé en force de chose jugée, le notaire transmet un procès-verbal de difficultés au tribunal, celui-ci pouvant laisser un délai supplémentaire d'une durée maximale de six mois.

Fort opportunément, le Sénat, sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, a précisé l'issue de la procédure. Les deux derniers alinéas de l'article 267-1 précisent en effet que si, à l'issue de ce délai supplémentaire, les opérations ne sont toujours pas achevées, le notaire est tenu d'en informer le tribunal et d'établir, si besoin, un nouveau procès-verbal de difficultés. Le tribunal statue alors sur les contestations et renvoie les parties devant le notaire afin d'établir l'état liquidatif.

Le projet de loi ne remet pas en cause la compétence que détient le tribunal de grande instance en matière de partage contentieux ; ce n'est donc pas le juge qui aura prononcé le divorce qui sera amené à trancher du contentieux postérieur, relatif à la liquidation et au partage du régime matrimonial. Le rapporteur ne saurait toutefois qu'être favorable à ce que l'organisation des tribunaux permette, dans la mesure du possible, de regrouper ces différents contentieux dans la même main, comme cela est parfois pratiqué dans certaines juridictions. Afin de faciliter encore les conditions de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, le Gouvernement a par ailleurs annoncé dans l'exposé des motifs du projet de loi que les règles procédurales de partage seraient simplifiées par décret.

Alors qu'il est fréquent de voir certaines procédures de liquidation durer plusieurs années, ce calendrier devrait permettre de remédier à ces situations, souvent très difficiles à vivre pour les époux. On relèvera toutefois qu'une bonne coopération de la part des notaires est indispensable puisque le respect de ce calendrier dépendra de leur ponctualité pour adresser le premier procès-verbal de difficultés, puis, le cas échéant, informer le juge de la persistance des difficultés rencontrées et lui adresser si besoin un nouveau procès-verbal.

Article 268 du code civil

Homologation des conventions passées entre époux

Par cohérence avec la recherche de solutions négociées entre les époux et l'incitation à la médiation notamment par l'adoption de mesures provisoires en ce sens, l'article 17 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à l'article 268 du code civil qui précise aujourd'hui le sort des donations et avantages matrimoniaux en cas de divorce sur demande acceptée.

Cet article prévoit désormais que les parties pourront soumettre à l'homologation du juge des conventions réglant tout ou partie des conséquences du divorce, par exemple sur le sort du logement ou sur la prestation compensatoire, ce que n'autorise aujourd'hui pas la jurisprudence. Dans ce cadre, les époux pourront même s'entendre sur le versement d'une prestation qui prenne la forme d'une rente temporaire, cette faculté étant désormais ouverte par le nouvel article 279-1 du code civil (cf. article 18 du projet de loi). Sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, le Sénat a supprimé la disposition qui précisait qu'étaient visées les conventions « autres que celles relatives à la liquidation du régime matrimonial », afin qu'il ne puisse être accrédité que le juge n'est pas autorisé à homologuer les conventions passées en application de l'article 1450 du code civil (nouvel article 265-2 du code civil). Les conventions relatives aux enfants se feront, pour leur part, sur le fondement de l'article 373-2-7 du code civil, qui figure parmi les dispositions relatives à l'autorité parentale auxquelles renvoie désormais l'article 286 du code civil, inchangé sur ce point par le projet de loi.

Le contrôle du juge sur ces conventions est limité : il sera tenu de les homologuer après avoir vérifié qu'elles préservent les intérêts des enfants et de chacun des époux.

Il convient de se féliciter de l'introduction de cette disposition qui permet, même dans des procédures contentieuses, de favoriser la recherche de solutions négociées entre les parties qui, mieux adaptées à ces dernières et choisies par elles, seront sans doute mieux exécutées et qui susciteront moins de contentieux postérieurs au prononcé du divorce.

La Commission a adopté l'article 17 ainsi modifié.

Article 18

(art. 270, 271, 274, 275, 275-1, 276, 276-4, 279-1, 280 et 280-1 du code civil)


Prestation compensatoire

Un peu plus de trois ans après l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, l'article 18 du présent projet de loi ouvre de nouveau le chantier de la prestation compensatoire en modifiant certaines des dispositions du code civil relatives à cette prestation instituée par la loi du 11 juillet 1975.

Souhaitant mettre fin aux conflits récurrents que suscitaient entre les ex-époux le caractère variable de la pension alimentaire dont l'ancien article 301 du code civil autorisait l'octroi (63), le législateur de 1975 a alors conféré à la prestation compensatoire un caractère définitif et forfaitaire. Destinée, ainsi que le précise l'article 270 du code civil, à « compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » des époux, cette prestation est susceptible d'être versée dans tous les cas de divorce sauf en cas de divorce pour rupture de la vie commune (64; elle est toutefois refusée à l'époux aux torts exclusifs duquel le divorce est prononcé, l'article 280-1 du code civil permettant toutefois à ce dernier d'obtenir une indemnité à titre exceptionnel s'il apparaît « manifestement contraire à l'équité » de lui refuser toute compensation pécuniaire en raison de la durée du mariage et de la collaboration apportée à la profession de l'autre époux. Afin de permettre le règlement définitif des effets pécuniaires du divorce lors de la dissolution de l'union, la prestation doit être versée sous la forme d'un capital (65) dès lors que « la consistance des biens du débiteur le permet ». Toutefois, lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser un capital, il peut être tenu au paiement d'une rente, d'une durée inférieure ou égale à la vie du créancier. Présentant un caractère forfaitaire, cette rente, pas plus que le capital, ne peut être révisée, sauf si l'absence de révision doit avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; il est également précisé que la prestation ne peut être révisée « même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties » (article 273 ancien du code civil). Le cadre légal ainsi défini ne s'impose toutefois pas aux époux divorçant par demande conjointe : ils fixent alors librement le montant et les modalités de la prestation compensatoire dans la convention qu'ils soumettent à l'homologation du juge, celle-ci ne pouvant être refusée que si elle fixe « inéquitablement » les droits et obligations des époux.

La suite est connue : l'exception - la rente - est devenue la règle et le capital, l'exception, les parties réclamant le plus souvent une rente, notamment en raison de son intérêt fiscal (66), et les juridictions n'ayant pas respecté le caractère subsidiaire que le législateur avait entendu donner à la rente, sans que la Cour de cassation s'y oppose (67). Conjuguée à la sévérité des critères de révision posés par la loi et à la rigueur de leur interprétation par la jurisprudence, cette faveur donnée à la rente a eu des conséquences parfois dramatiques pour les débiteurs ou leurs héritiers, placés dans des situations économiques difficiles.

C'est à cette évolution, contraire à la lettre et à l'esprit de la loi du 11 juillet 1975, que la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce s'est attachée à remédier. Elle a eu pour principal objet de confirmer l'option prise par le législateur en 1975 dont « l'objectif central était de dénouer concomitamment la situation patrimoniale des époux et leur situation conjugale » (68) et de faciliter les conditions de révision des prestations compensatoires allouées sous forme de rente, y compris lorsqu'elles ont été fixées avant le 1er juillet 2000, date de son entrée en vigueur.

Le principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital y est réaffirmé : il n'est plus précisé dans la nouvelle rédaction de l'article 274 que son octroi sous cette forme est subordonné à l'existence d'une consistance des biens de l'époux débiteur qui le permette ; les modalités de paiement en capital sont diversifiées, l'abandon d'un bien en propriété étant désormais possible et le paiement pouvant être échelonné sur une période maximale de huit ans. La rente n'est plus autorisée que sous sa forme viagère, « à titre exceptionnel » et à condition que soient réunies des conditions de fond - l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permettant plus de subvenir à ses besoins - et de forme - une décision spécialement motivée du juge.

Le caractère forfaitaire de la prestation compensatoire (article 273) conduit à interdire sa révision lorsqu'elle est attribuée sous forme de capital ; seul un rééchelonnement des versements est possible, en cas de « changement notable » dans la situation du débiteur et ce versement ne pouvant se faire sur plus de huit ans qu'à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée du juge (article 275-1). En revanche, les modalités de révision des prestations attribuées sous forme de rentes viagères  sont assouplies : l'article 276-3 prévoit ainsi que la rente peut révisée - mais en aucun cas à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge - suspendue ou supprimée « en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties », ce qui permet désormais au débiteur d'invoquer une amélioration de la situation du créancier (69) pour justifier une demande de révision de la prestation compensatoire. Ont ainsi été considérés comme des changements importants de nature à justifier la réduction ou la suppression de la rente : la mise à la retraite du débiteur, la modification du contexte économique ayant entraîné une forte diminution de l'ensemble des revenus de celui-ci, la charge d'une nouvelle famille, la perception d'une pension de réversion par la créancière supérieure au montant de la rente compensatoire (70). En 2001, sur 1 713 décisions prononcées sur une demande de révision, 30,6 % ont donné lieu à acceptation, 29,4 % à une acceptation partielle et 39,9 % à un rejet. Témoignant du souci d'apurer les relations financières entre ex-époux, la loi du 30 juin 2000 a ouvert au créancier la possibilité de demander le paiement du solde du capital après la liquidation du régime matrimonial (article 275-1) ; il a également ouvert la possibilité de demander la substitution d'un capital à une rente au débiteur ou au créancier, si celui-ci établit qu'une modification de la situation du débiteur la rend possible (article 276-4).

Le principe de la transmission de la charge de la rente viagère aux héritiers du débiteur est maintenu, l'article 276-2 prévoyant que les pensions de réversion éventuellement perçues du chef du conjoint décédé sont déduites de plein droit de la rente versée au créancier, ce qui permet de limiter voire de supprimer la charge pesant sur les héritiers du débiteur. En outre, les héritiers du débiteur bénéficient des mêmes droits que celui-ci pour les demandes de révision du montant de la prestation allouées sous forme de rente viagère ou les demandes de substitution à un capital (articles 276-3 et 276-4).

Soucieux de remédier aux situations souvent difficiles dans lesquelles se trouvaient plongés certains débirentiers, la loi du 30 juin 2000 comporte des dispositions transitoires applicables aux rentes, viagères ou temporaires, en cours de versement lors de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle et aux instances en cours qui n'ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée. Les conditions de révision et de substitution d'un capital à une rente prévues par la loi nouvelle leur sont applicables, exception faite de la déduction de la pension de réversion qui, afin de préserver les droits acquis des créanciers, ne présente pas un caractère automatique mais doit être décidée par le juge.

Très vite après son entrée en vigueur, la loi du 30 juin 2000 a suscité des difficultés d'interprétation ou d'application. Composé de dix paragraphes, cet article modifie sur plusieurs points les articles du code civil consacrés aux prestations compensatoires tout en s'inscrivant dans le droit fil de la réforme engagée en 2000.

Article 270 du code civil

Conditions d'attribution d'une prestation compensatoire

L'article 270 du code civil a aujourd'hui un double objet. En même temps qu'il prévoit la fin du devoir de secours en cas de divorce, il fixe une exception à cette règle lorsque le divorce est prononcé pour rupture de la vie commune. Par ailleurs, il précise l'objet de la prestation compensatoire que l'un des époux peut être tenu de payer à l'autre.

Aux termes de la nouvelle rédaction que lui donne le I de l'article 18 du projet de loi, l'article 270 du code civil comporte trois alinéas : le premier rappelle que le divorce met fin au devoir de secours entre époux ; le second précise l'objet et la nature de la prestation compensatoire ; le dernier précise dans quelles hypothèses cette prestation peut ne pas être accordée.

L'objet et la nature de la prestation compensatoire sont inchangés. Comme c'est aujourd'hui le cas, elle « est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » des époux. Son caractère forfaitaire, qui figure actuellement sous l'article 273, est désormais repris dans le deuxième alinéa de l'article 270 (71). Conformément à la logique du législateur de 1975 puis de 2000, soucieux d'épuiser les conséquences pécuniaires du divorce lors du prononcé de ce dernier, la disposition selon laquelle la prestation compensatoire prend la forme d'un capital - aujourd'hui inscrite sous l'article 274 (72) - figure désormais d'entrée de jeu. Comme c'est aujourd'hui le cas, il est précisé que son montant « est fixé par le juge ».

En revanche, le champ d'application de la prestation compensatoire est élargi et ce, à double titre :

-  d'une part, la prestation compensatoire pourra être versée dans tous les cas de divorce, alors qu'elle est aujourd'hui exclue en cas de divorce pour rupture de la vie commune. En effet, le divorce prononcé sur ce fondement entraîne le maintien du devoir de secours entre les époux, qui se traduit par le versement d'une pension alimentaire au profit de l'époux défendeur, révisable en fonction des besoins et ressources des anciens époux et destinée à assurer une égalisation de leurs niveaux de vie. Ce cas de divorce étant remplacé par le divorce pour altération définitive du lien conjugal, auquel ne sont plus attachées les conséquences discriminantes qui caractérisent aujourd'hui le divorce pour rupture de la vie commune, le projet de loi met fin à la dérogation que prévoit le droit positif actuel au profit du divorce pour rupture de la vie commune en matière de devoir de secours. Par conséquent, le premier alinéa de l'article 270 du code civil, dans la nouvelle rédaction que lui donne l'article 18 du projet de loi, se contente désormais de rappeler que « le divorce met fin au devoir de secours entre époux ».

-  d'autre part, conformément à l'objectif de pacification du divorce, l'octroi de la prestation compensatoire ne sera plus fonction de la répartition des torts et la prestation pourra être versée à un époux alors même que le divorce sera prononcé à ses torts exclusifs, ce qu'interdit aujourd'hui l'article 280-1 du code civil.

Un tempérament à ce principe est toutefois prévu pour éviter que l'octroi d'une prestation compensatoire puisse être une source d'injustice. Le dernier alinéa de l'article 270 du code civil, tel qu'il résulte de l'article 18 du projet de loi, laisse en effet au juge la possibilité de refuser l'octroi d'une prestation « si l'équité le commande » et dans deux hypothèses :

-  soit « en considération des critères prévus à l'article 271, notamment lorsque la demande est fondée sur l'altération définitive de lien conjugal », par exemple lorsque le mariage a duré peu de temps ;

-  soit « au regard des circonstances particulières de la rupture » lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de la prestation. Cette formulation marque un double assouplissement par rapport au droit existant : d'une part, il n'y a plus d'interdiction de principe au versement d'une prestation compensatoire au profit de l'époux aux torts exclusifs duquel serait prononcé le divorce, le juge disposant désormais d'une faculté d'appréciation en la matière ; d'autre part, seules les circonstances particulières de la rupture peuvent justifier le refus de la prestation compensatoire à l'époux fautif.

Par rapport au dispositif qui figure aujourd'hui à l'article 280-1 du code civil, le système est donc inversé : à l'interdiction de principe assorti d'une dérogation en faveur de l'époux fautif qui peut bénéficier d'une indemnité à caractère exceptionnel s'il apparaît contraire à l'équité de lui refuser toute compensation pécuniaire, est substituée une autorisation de versement de la prestation compensatoire dans tous les cas, celle-ci pouvant être toutefois refusée lorsque l'équité l'exige. Le projet de loi conforte ainsi la logique de la loi du 11 juillet 1975 qui s'était efforcée de détacher les effets du divorce des causes de son prononcé mais avait toutefois maintenu un lien entre la répartition des torts et l'octroi d'une prestation lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un des conjoints.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec tendant à supprimer les dispositions précisant les hypothèses dans lesquelles le juge peut refuser d'accorder une prestation compensatoire si l'équité le commande, l'auteur de l'amendement ayant jugé souhaitable de laisser au juge une liberté d'appréciation sur ce point. Le rapporteur ayant estimé, au contraire, nécessaire de préciser les cas dans lesquels le juge pourra faire jouer l'équité compte tenu du caractère général de cette notion, la Commission a rejeté cet amendement. Elle a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur supprimant, comme inutile, la disposition prévoyant que c'est « notamment lorsque la demande est fondée sur l'altération définitive du lien conjugal » que la prestation compensatoire, en considération des critères de l'article 271 du code civil, peut être refusée (amendement n° 30).

Article 271 du code civil

Évaluation de la prestation compensatoire

_  Dans leur rédaction actuelle, les articles 271 et 272 du code civil précisent les conditions de détermination de la prestation compensatoire.

-  La prestation compensatoire étant destinée à compenser la disparité matérielle que crée le divorce entre les époux, le premier alinéa de l'article 271 précise que la prestation compensatoire est fixée « selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible » ; la disparité s'apprécie au jour de la dissolution du mariage, et non par exemple, au moment de la séparation.

-  Introduit par la loi du 30 juin 2000, le second alinéa de l'article 271 dispose que les parties doivent fournir au juge, tant dans les divorces contentieux que par consentement mutuel, « une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie » ; comme le souligne la circulaire de la direction des affaires civiles et du sceau présentant un bilan de l'application de la loi du 30 juin 2000, la production de cette déclaration est destinée à faciliter le travail du juge, à renforcer l'obligation de loyauté entre les parties et, en cas de dissimulation par l'une d'entre elles de sa situation, à permettre l'exercice par l'autre d'une action en révision ou en indemnisation.

-  L'article 272 établit une liste, non limitative, des critères que le juge est invité à prendre en considération dans la détermination des besoins et des ressources des époux ; les critères retenus témoignent de l'obligation pour le juge de prendre en considération les situations antérieure, présente et future des époux. La loi du 30 juin 2000 a modifié ponctuellement ces critères : outre l'âge et l'état de santé des époux, le temps déjà consacré ou qu'il leur faudra consacrer à l'éducation des enfants, leurs droits existants et prévisibles, ainsi que leur patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, la loi du 30 juin 2000 a ajouté la durée du mariage, confortant ainsi une pratique des tribunaux. En outre, elle a précisé que sont prises en compte, non plus la perte éventuelle de leurs droits en matière de pension de réversion mais la situation respective des conjoints en matière de pensions de retraite, afin de tenir compte de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 qui a permis au conjoint divorcé non remarié de bénéficier de la pension de réversion. Enfin, outre les qualifications professionnelles, il est précisé que le juge prend en considération la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail(74).

_  Le projet de loi modifie l'organisation de ces dispositions : le premier alinéa de l'article 271 est inchangé mais il est suivi des critères pris en considération par le juge (II de l'article 18). Quant aux dispositions relatives à la déclaration sur l'honneur, elles figurent désormais dans un article distinct, l'article 272 (cf. article 6 du projet de loi) et font l'objet d'une modification à l'article 14 du projet de loi.

Outre une modification de l'ordre dans lequel sont présentés les critères de détermination des besoins et des ressources des parties, le projet de loi apporte les modifications suivantes :

-  la rédaction du critère de la qualification et de la situation professionnelles des époux est modifiée afin de ne plus préciser que l'évaluation de la qualification et de la situation professionnelles est faite « au regard du marché du travail », cette précision étant inutile ;

-  s'agissant du patrimoine tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, il est précisé qu'il s'agit du patrimoine « estimé ou prévisible » ; cet ajout se justifie par le fait que le juge, au titre des mesures provisoires, pourra désigner un notaire en vue d'élaborer une projet de liquidation du régime matrimonial et de formation de lots à partager ;

-  le critère du temps consacré à l'éducation des enfants fait l'objet d'une nouvelle rédaction afin de prévoir explicitement la prise en compte des choix professionnels faits pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore consacrer à celle-ci. Cette rédaction permettra ainsi de tenir compte du choix fait par l'un des conjoints d'arrêter son activité professionnelle durant un certain nombre d'années pour élever les enfants et de la difficulté qu'il peut ensuite rencontrer pour revenir sur le marché du travail. Outre une modification rédactionnelle proposée par le rapporteur de la commission des Lois, le Sénat a complété cette disposition afin que soient également prises en compte pour la fixation de la prestation compensatoire les conséquences des choix professionnels faits par « un époux en faveur de la carrière de l'autre et au détriment de la sienne ». Cet ajout a été fait sur proposition de M. Michel Dreyfus-Schmidt, le Gouvernement s'en remettant à la sagesse du Sénat car jugeant que les hypothèses visées par cet ajout étaient couvertes par les autres critères figurant dans le nouvel article 271.

La Commission a rejeté l'amendement n° 9 de Mme Geneviève Levy prévoyant que le juge, pour fixer la prestation compensatoire, prend en compte l'état de santé « tant physique que psychique » des époux, le rapporteur ayant considéré que le terme d'« état de santé » était suffisamment large pour permettre de prendre en compte toutes les situations et répondre ainsi au souhait légitime de l'auteur de l'amendement. Puis la Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 31). Elle a ensuite rejeté l'amendement n° 10 de Mme Geneviève Levy tendant à permettre de prendre en compte les conséquences du choix de la vie familiale, le rapporteur ayant fait observer qu'il était satisfait par le projet de loi.

Article 274 du code civil

Modalités de paiement de la prestation compensatoire en capital

Tel qu'il résulte de la loi du 30 juin 2000, l'article 274 du code civil affirme sans ambiguïté le principe du versement de la prestation compensatoire sous la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge, tandis que l'article 275 procède à une énumération limitative (75) des formes que peut prendre la constitution de ce capital. Afin de favoriser le paiement de la prestation compensatoire sous cette forme, la loi du 30 juin 2000 a élargi la palette offerte au juge puisqu'aux trois modalités prévues par la loi du 11 juillet 1975 - versement d'une somme d'argent, abandon d'un bien en nature pour l'usufruit, dépôt de valeurs productives de revenus - a été ajouté la possibilité d'abandonner un bien en nature pour l'usage et l'habitation ainsi qu'en propriété.

Les dispositions de l'article 274, relatives au versement de la prestation compensatoire sous la forme d'un capital, figurant désormais dans le deuxième alinéa de l'article 270 du code civil, le III de l'article 18 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à l'article 274. Celui-ci rassemblera désormais les dispositions relatives aux modalités de constitution du capital, actuellement inscrites sous l'article 275 et auxquelles le projet de loi apporte les modifications suivantes :

-  très rarement utilisée par les tribunaux, la possibilité d'exécuter la prestation compensatoire par le dépôt de valeurs productives de revenus entre les mains d'un tiers chargé des verser les revenus à l'époux créancier est supprimée ;

-  présentant l'avantage de la simplicité, la possibilité d'exécuter la prestation par le versement d'une somme d'argent est naturellement maintenue ; intégralement reprise dans le projet de loi initial, la disposition, qui figure aujourd'hui dans le dernier alinéa de l'article 275 et qui prévoit que le prononcé du divorce peut être subordonné au versement effectif du capital ou à la constitution des garanties prévues à l'article 277, a été modifiée par le Sénat. Sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, le Sénat a en effet supprimé la possibilité de subordonner le prononcé du divorce au versement effectif de la prestation compensatoire, le rapporteur ayant fait valoir que la constitution de garanties était suffisante et qu'il convenait d'éviter de retarder par trop le prononcé du divorce ;

-  la possibilité d'attribuer un bien en nature, en propriété, en usufruit, pour l'usage ou l'habitation, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier, est maintenue, sous réserve de certaines précisions rédactionnelles : il n'est plus précisé que le bien peut être « meuble ou immeuble » et il est, en revanche, précisé que le droit d'usage, d'habitation ou d'usufruit, peut être « temporaire ou viager », afin qu'il ne puisse être pensé que cet usufruit ou ces droits d'usage et d'habitation puissent être limités à huit ans, la durée maximale d'échelonnement du capital (cf. article 275). On relèvera que, pas plus qu'aujourd'hui, la nature du bien pouvant être abandonné en pleine propriété n'est précisée : comme cela a été fréquemment souligné, il peut donc s'agir d'un bien commun ou indivis, mais également d'un bien propre du conjoint, qui lui aurait par exemple été légué par sa propre famille et qui « passerait » ainsi définitivement à son ex-conjoint. Cette innovation de la loi du 30 juin 2000 permet d'éviter la pérennisation des rapports entre ex-époux que supposait l'attribution de l'usufruit d'un bien et notamment la répartition des dépenses relatives à celui-ci.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec tendant à préciser que l'exécution de la prestation compensatoire en capital pourra prendre la forme d'un abandon de biens en propriété ou de l'attribution d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit, le jugement opérant en ce cas cession forcée en faveur du créancier. L'auteur de l'amendement ayant fait observer que cette nouvelle rédaction tendait à préserver le droit de propriété en visant non plus l'« attribution » d'un bien en propriété mais son « abandon », comme c'est le cas aujourd'hui, afin d'éviter qu'un bien propre puisse être transféré contre le gré de ce dernier, le rapporteur a indiqué qu'il soumettait, pour sa part, un amendement à la Commission précisant que l'accord de l'époux débiteur est exigé pour l'attribution de biens qu'il a reçus par succession ou donation. La Commission a adopté ces deux amendements (amendements nos 32 et 33).

Article 275 du code civil

Échelonnement du paiement de la prestation compensatoire en capital

_  Tout en supprimant la possibilité dont usaient largement les tribunaux de fixer la prestation compensatoire sous la forme d'une rente temporaire, la loi du 30 juin 2000 a pris acte des difficultés de paiement que pourrait rencontrer le débiteur pour verser la prestation sous l'une des formes autorisées par le code civil, soit qu'il ne dispose pas d'un patrimoine suffisant, soit qu'il n'ait pu recourir à un emprunt pour payer la prestation immédiatement ou que la réalisation de ses actifs suppose un certain délai.

Aussi l'article 275-1 du code civil précise-t-il aujourd'hui que le paiement de la prestation compensatoire versée en capital, peut être échelonné sur une durée maximale de huit ans et faire l'objet de versements mensuels ou annuels, indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Afin de tenir compte des aléas de paiement qui peuvent survenir sur la durée, l'article 275-1 du code civil ouvre une faculté de révision mais l'encadre strictement : elle porte seulement sur ses modalités de paiement, elle est ouverte au débiteur ou à ses héritiers, elle doit être motivée par un « changement notable » de leur situation et c'est seulement à titre exceptionnel et par une décision spéciale et motivée que le juge peut autoriser un versement échelonné sur une durée supérieure à huit ans. Les droits du créancier sont garantis à double titre : contrairement au droit antérieur à la loi du 30 juin 2000 (76), le montant de la prestation allouée ne peut en lui-même faire l'objet de révision et il est prévu que la charge du solde du capital passe aux héritiers du débiteur. Afin, toutefois, de limiter les relations pécuniaires entre ex-époux, le paiement du solde du capital est facilité : possible à tout moment pour le débiteur ou les héritiers, il peut également être demandé par le créancier au juge après la liquidation du régime matrimonial(77).

_  Le projet de loi modifie ces dispositions : leur numérotation est modifiée, l'article 6 du projet prévoyant qu'elles figureront sous l'article 275 du code civil, et non plus 275-1, tandis que le IV de l'article 18 y apporte plusieurs modifications de fond.

Outre une modification de référence rendue nécessaire par la renumérotation des dispositions relatives à la prestation compensatoire à laquelle procède le projet de loi, les dispositions relatives au sort de la prestation compensatoire lors du décès du débiteur, qui figurent aujourd'hui dans le troisième alinéa de l'article 275-1 du code civil, sont supprimées, un article distinct rassemblant désormais les dispositions relatives au sort de la prestation compensatoire lors du décès du débiteur (cf. article 280 du code civil tel qu'il résulte du projet de loi).

Sur proposition du rapporteur de sa commission des Lois, le Sénat a précisé que les versements correspondant au paiement de la prestation compensatoire auront un caractère « périodique » et non plus seulement annuel ou mensuel, comme le prévoit aujourd'hui le code civil. Assouplissant les dispositions légales relatives à la fixation de la prestation compensatoire par le juge, cette disposition est conforme à l'esprit du projet de loi qui s'est attaché à favoriser le versement en capital tout en assouplissant certaines règles. Elle est en outre de nature à s'adapter à la diversité des cas d'espèce.

S'agissant de la libération du solde du capital restant dû à la demande du débiteur ou du créancier, le projet de loi précise qu'il s'agit du capital indexé afin de garantir les droits du créancier.

Enfin, s'agissant des conditions de révision des modalités de versements, le projet de loi ne revient pas sur la durée maximale d'échelonnement de huit ans. La Commission a été saisie de l'amendement n° 13 de Mme Geneviève Levy, portant à dix ans cette durée, l'auteur de l'amendement ayant souligné les avantages de cette solution tant pour le débiteur que pour le créancier. Le rapporteur ayant rappelé, d'une part, que les époux pourront soumettre à l'homologation du juge une convention relative à la prestation compensatoire dans laquelle ils retrouveront une plus grande liberté et que, d'autre part, le débiteur pourra demander une révision des modalités de paiement initialement arrêtées, la Commission a rejeté cet amendement.

Tel qu'il résulte du projet de loi, l'article 275 précise que la révision de ces modalités de paiement du capital pourra être demandé par le débiteur, non plus en cas de changement « notable » de sa situation mais en cas de changement « important ». Cette modification simplifie l'état du droit, puisque c'est également un changement « important » qui peut justifier une révision de la prestation lorsqu'elle est versée sous forme de rente viagère (cf. article 276 du code civil). Elle est en outre de nature à mieux garantir les droits du créancier, qui ne s'exposera plus à voir le montant de ses versements être réduits en cas d'un simple changement notable de la situation du débiteur.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement de M. Alain Vidalies tendant à revenir sur cette modification. Rappelant que c'était volontairement et de façon consensuelle que le législateur avait, en 2000, choisi de faire une distinction entre les conditions de révision de la rente, qui suppose un changement important dans les ressources et les besoins du débiteur, et les conditions de révision des modalités de paiement du capital, l'auteur de l'amendement a insisté sur l'intérêt de maintenir la distinction qui existe aujourd'hui, estimant que la modification prévue par le projet de loi conduirait à rigidifier cette procédure de révision alors que son intérêt est précisément de permettre au juge d'apprécier des changements qui, pour être réels, ne sont pas pour autant importants et qui correspondent en pratique à des cas fréquents, par exemple lorsque le licenciement du débiteur suscite une incertitude sur ses capacités de paiement. Il a craint que l'harmonisation des terminologies ne conduise la jurisprudence à unifier les conditions de révision de la rente et des modalités de paiement du capital et, de fait, à rendre ces dernières plus strictes, alors que le législateur avait précisément voulu conférer plus de souplesse à cette révision dès lors que celle-ci n'a pas pour le créancier les mêmes conséquences qu'une révision du montant de la rente. Considérant pour sa part que, dans l'exemple cité par M. Alain Vidalies, il s'agissait bien d'un changement important, le rapporteur a souligné qu'il entrait une part de subjectivité dans la définition de ce qu'est un changement notable ou important et estimé que l'harmonisation des termes serait un facteur de simplification particulièrement bienvenue pour les justiciables. La Commission a donc rejeté cet amendement.

Article 275-1 du code civil

Combinaison des différentes formes de versement
de la prestation compensatoire en capital

Comme le relevait la circulaire du ministère de la justice du 25 novembre 2002 relative au bilan de la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, la loi est restée silencieuse sur le point de savoir si les différentes formes de paiement en capital peuvent se combiner. Et de préciser que « la jurisprudence a d'ores et déjà majoritairement privilégié une analyse souple, en prévoyant par exemple que la prestation compensatoire sera payée sous forme d'abandon par le mari de sa part sur le bien immobilier commun et d'un complément en numéraire, échelonné sur huit ans ».

Le V de l'article 18 du projet de loi vient confirmer cette solution très souple, propre à tenir compte de la diversité des consistances des patrimoines et des situations économiques des débiteurs. Rétablissant l'article 275-1 du code civil - précédemment renuméroté 275 -, il y autorise la combinaison d'un versement en capital échelonné sur une durée maximale de huit ans et du versement d'une partie du capital sous l'une des formes prévues à l'article 274 : somme d'argent, abandon d'un bien en propriété, pour l'usufruit, l'usage ou l'habitation.

Article 276 du code civil

Fixation de la prestation compensatoire
sous forme de rente viagère

Soucieux de favoriser le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, la loi du 30 juin 2000 a interdit le versement de rentes temporaires fixées par le juge et conféré un caractère exceptionnel à l'attribution de rentes viagères. Aux termes de l'article 276 du code civil, celle-ci ne peut ainsi être octroyée que si l'état de santé ou l'âge du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins et suppose de la part du juge une décision « spécialement motivée ». Contrairement à l'état du droit antérieur, il n'existe plus aucune condition tenant à la consistance du patrimoine du débiteur. Enfin, l'article 276 du code civil précise que le juge prend en considération les éléments d'appréciation prévus à l'article 272.

Citant des jurisprudences, la circulaire du 25 novembre 2002 a noté qu'il avait été fait une interprétation restrictive de ce dispositif : elle a ainsi indiqué qu'une « cour d'appel a constaté que l'âge de l'épouse (60 ans) et le fait qu'elle soit retraitée (pension de 487 € par mois) constituaient des éléments insuffisants pour lui attribuer une prestation compensatoire sous forme de rente viagère et condamné le mari (retraite de 1 250 € par mois) à lui verser un capital de 45 000 €. Dans une autre espèce, une cour d'appel a estimé que l'épouse, âgée de 59 ans, handicapée à 80 %, disposant d'une faible retraite, remplissait les conditions fixées par la loi ». De même, a été accordée une prestation compensatoire sous forme de rente viagère à une femme, mariée depuis 32 ans, âgée de 57 ans, inactive pendant le mariage et sans possibilité sérieuse de trouver un emploi(78).

Le VI de l'article 18 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à l'article 276 du code civil, qui a pour effet d'apporter deux modifications de fond aux règles actuelles.

-  Confirmant le caractère exceptionnel que doit désormais revêtir la rente viagère, une nouvelle condition à l'allocation de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère est posée, tenant au caractère inenvisageable d'une amélioration notable de la situation financière du créancier ; la Commission a adopté deux amendements identiques du rapporteur et de M. Émile Blessig tendant à supprimer ce nouveau critère d'octroi de la rente viagère (amendement n° 34), le rapporteur ayant jugé préférable de s'en tenir aux critères arrêtés en 2000, qui sont clairs, alors que le nouveau critère envisagé était plus subjectif et ne serait sans doute pas d'application aisée.

-  La combinaison de l'allocation d'une rente viagère et d'un capital selon les modalités prévues à l'article 274 du code civil - somme d'argent, bien en propriété, droit d'usufruit, d'usage ou d'habitation - est désormais possible à condition que les « circonstances l'imposent », l'objectif étant ainsi de laisser au juge une plus grande liberté dans la détermination de la rente, par exemple en cumulant, si l'état du créancier le justifie, l'usufruit d'un logement et le versement mensuel d'une somme, étant précisé que l'attribution d'une fraction en capital vient en déduction de montant de la rente octroyée.

Cette dernière disposition contribue à assouplir les règles relatives à la prestation compensatoire afin de l'adapter aux différents cas d'espèce. Elle revient en outre sur une jurisprudence de la Cour de cassation qui, conformément à la lettre de la loi du 30 juin 2000, avait exclu la possibilité de cumuler l'octroi d'un capital et d'une rente viagère(79).

La Commission a rejeté un amendement de M. Émile Blessig, supprimant le caractère exceptionnel du recours à la rente viagère, l'auteur de l'amendement ayant précisé que l'article 276 du code civil prévoit déjà des conditions restrictives mais le rapporteur ayant relevé que le projet de loi ne faisait, sur ce point, que reprendre les dispositions en vigueur.

Article 276-4 du code civil

Substitution d'un capital à une rente viagère

Conformément au souhait du législateur de favoriser le versement de la prestation compensatoire en capital, l'article 276-4 du code civil, introduit par la loi du 30 juin 2000, permet de saisir le juge aux fins de substituer un capital à une rente viagère, à la demande du débiteur (1er alinéa), de ses héritiers (2e alinéa) ou du créancier (dernier alinéa) si celui-ci « établit qu'une modification de la situation du débiteur permet cette substitution, notamment lors de la liquidation du régime matrimonial ». Le premier alinéa de cet article précise que le capital substitué pourra prendre l'une des formes prévues aux articles 275 et 275-1 du code civil : somme d'argent, dont le paiement pourra éventuellement être échelonné sur huit ans, abandon d'un bien en propriété, en usufruit ou pour l'usage ou l'habitation, dépôt de valeurs productives de revenus dans les mains d'un tiers.

Permettant d'apurer définitivement les relations financières entre les ex-époux, cette disposition suscite aujourd'hui des interrogations dans les juridictions, le législateur n'ayant défini aucune méthode de calcul. La circulaire du 25 novembre 2002 indique ainsi que la pratique a développé deux méthodes, la première consistant à estimer le montant du capital nécessaire à la production d'un revenu équivalent à la rente (méthode de « capitalisation »), la seconde consistant à prendre en compte l'âge du créancier et son espérance de vie en fonction de barèmes établis par les compagnies d'assurances (méthode de « conversion »). Faisant état des difficultés suscitées par chacune de ces méthodes, la circulaire précise qu'une mission interministérielle d'expertise, sous la responsabilité de la Chancellerie, a eu pour objet d'élaborer un mode de calcul spécifique.

Le VII de l'article 18 du projet de loi modifie l'article 276-4 du code civil.

S'agissant de l'objet de la demande, la substitution pourra désormais porter seulement sur une partie de la rente viagère, confortant ainsi les possibilités de cumul d'une rente et d'un capital déjà prévues par le dernier alinéa de l'article 276 du code civil.

S'agissant des personnes susceptibles de demander la substitution d'un capital à tout ou partie de la rente viagère, le projet de loi maintient inchangées les conditions dans lesquelles le créancier peut demander cette substitution ; de même il maintient la possibilité pour le débiteur de demander cette substitution « à tout moment ». En revanche, la disposition ouvrant cette action aux héritiers du débiteur est supprimée, par coordination avec le regroupement des dispositions relatives à la transmission de la charge de la prestation compensatoire dans les articles 280 et suivants : aux termes du nouvel article 280 du code civil, la substitution d'un capital à une rente se fera d'office mais elle ne sera, en revanche, plus possible si les héritiers du débiteur maintiennent le versement de la prestation compensatoire sous sa forme initiale, le dernier alinéa de l'article 280-2 du code civil n'ouvrant aux héritiers que les actions en révision prévues aux articles 275 et 276-3 du code civil ; la Commission a adopté à l'article 22 un amendement destiné à revenir sur ce point.

S'agissant des modalités de substitution du capital à tout ou partie de la rente, l'article 276-4 du code civil reprendra désormais dans son dernier alinéa les dispositions actuelles prévoyant que les modalités d'exécution en capital prévues aux articles 274 et 275 sont applicables : il pourra ainsi s'agir du versement d'une somme d'argent, le cas échéant, échelonné sur une durée maximale de huit ans, de l'attribution d'un bien en propriété ou d'un droit d'usage, d'habitation ou d'usufruit.

En outre, le VII de l'article 18 du projet de loi s'est attaché à préciser le point essentiel que constituent les modalités de calcul de la substitution. Il a ainsi renvoyé à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les modalités de la substitution d'un capital à tout ou partie de la rente, ce qui mettra un terme aux interrogations que suscite aujourd'hui l'article 276-4 du code civil et de garantir un traitement uniforme dans toutes les juridictions. Il précisait également dans sa rédaction initiale, que « le montant du capital substitué prend notamment en compte les sommes déjà versées ». Cette disposition a été supprimée par le Sénat, sur proposition de Mme Sylvie Desmarescaux et avec l'avis favorable du Gouvernement ; en effet, le garde des Sceaux a indiqué que les travaux engagés sur l'élaboration du décret qui fixera les modalités de calcul de substitution de la rente ont montré que celle-ci devra être effectuée au jour de la demande de conversion, et non à la date du jugement allouant la prestation compensatoire, la substitution opérant pour l'avenir et n'ayant donc pas à intégrer les sommes antérieurement versées. La Commission a rejeté un amendement de M. Michel Vaxès tendant à rétablir le texte initial du projet de loi sur ce point.

Conscient des enjeux qui s'attachent à la définition de ces modalités de calcul, le Ministre s'est engagé à communiquer le projet de décret à la représentation nationale avant l'adoption définitive du présent projet de loi. D'après les informations fournies par la Chancellerie, l'objectif poursuivi est d'aboutir à une véritable équivalence entre la rente et le capital substitué de telle sorte que l'équilibre des droits fixés par le jugement de divorce soit pleinement respecté. Les travaux du groupe de travail composé de praticiens et d'un actuaire ont conduit à exclure la référence à une simple règle de calcul, comprenant des paramètres variables dans le temps, au profit de paramètres fixes permettant d'annexer des tableaux préfigurés et d'une utilisation plus aisée, cette méthode étant d'ores et déjà appliquée par le décret n° 86-973 du 8 août 1986 fixant les modalités de conversion en capital d'une rente consécutive à un accident. Le calcul devrait intégrer deux paramètres :

-  la table de mortalité 1998-2000, qui est à ce jour la table la plus récente établie par l'insee ;

-  un taux d'intérêt technique de 4 % qui prendrait en compte la moyenne des taux moyens d'emprunt d'État et l'indice moyen des prix à la consommation sur les dix dernières années.

Lors de son audition devant la Commission des lois le 24 février dernier, le Ministre a ainsi indiqué que pour une femme de soixante dix ans bénéficiant d'une rente viagère de 500 euros par mois, le capital correspondant serait ainsi de l'ordre de 76 956 euros.

la Commission a adopté un amendement du rapporteur rendant plus souple la détermination des modalités de versement du capital, en précisant qu'à l'occasion de la substitution d'un capital à une rente, les différentes modalités de paiement en capital pourront être combinées entre elles (amendement n° 35). Elle a adopté un autre amendement du rapporteur précisant que le refus du juge de procéder à cette substitution devra être spécialement motivé, l'auteur de l'amendement ayant précisé qu'il s'agissait ainsi d'inscrire dans le code civil une disposition qui n'était jusque là applicable qu'aux rentes déjà allouées lors de l'entrée en vigueur de la loi (amendement n° 36).

Article 279-1 du code civil

Régime des conventions relatives à la prestation compensatoire établies
dans le cadre d'un divorce contentieux

_  Si le cadre légal des prestations compensatoires fixées par le juge présente une certaine rigidité, les époux peuvent y échapper dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel.

En effet, aux termes de l'article 278 du code civil, ce sont les époux eux-mêmes qui, en cas de demande conjointe de divorce, fixent le montant et les modalités de la prestation compensatoire dans la convention qu'ils soumettent à l'homologation du juge, celui-ci ne pouvant la refuser que si les droits et obligations des époux sont fixés inéquitablement. La loi du 30 juin 2000 a encore accru la spécificité du régime des prestations compensatoires convenues dans le cadre d'un divorce sur requête conjointe en accordant aux époux deux libertés refusées au juge qui fixe une prestation dans le cadre d'un divorce contentieux :

-  d'une part, ils peuvent prévoir que le versement de la prestation cessera à compter de la réalisation d'un événement incertain : interdites dans les divorces contentieux (80), les conditions résolutoires, par exemple de remariage ou de concubinage, ou suspensives peuvent donc être ici valablement prévues ; cette faculté, déjà admise par la jurisprudence antérieure à l'adoption de la loi du 30 juin 2000 (81), permet ainsi aux époux de prévoir que la prestation cessera d'être versée, par exemple, à compter de la réalisation d'événements tels que « le remariage du bénéficiaire, la retraite, l'invalidité, la perte d'un emploi ou la « faillite » du débiteur, le décès de l'une ou l'autre des parties, voire la réalisation d'un bien, la reprise d'une activité ou tout autre événement » (82) ;

-  d'autre part, les époux peuvent convenir d'une rente temporaire, désormais interdite en cas de prestation fixée par le juge.

L'article 279 du code civil prévoit en outre que la convention, une fois homologuée, a la même force exécutoire qu'une décision de justice et précise les conditions de révision de la prestation allouée dans ce cadre :

-  elle ne peut être révisée que par une autre convention, soumise également à l'homologation du juge ;

-  les époux peuvent également inclure dans la convention la possibilité pour chacun d'entre eux de demander au juge de réviser la prestation en cas de changement important dans les ressources et les besoins des parties ;

-  enfin, même en l'absence de clause de révision, les époux peuvent toujours utiliser les modes de révision prévus pour les prestations judiciaires.

Très claires pour les divorces présentés par requête conjointe, ces dispositions trouvaient-elle à s'appliquer aux conventions établies par les parties dans le cadre d'un divorce contentieux ? En effet, comme le relève la circulaire du 25 novembre 2002, la loi « ne règle pas expressément le sort à réserver aux conventions établies par les parties dans le cadre d'un divorce contentieux qui dérogeraient aux principes généraux et porteraient, par exemple, sur l'octroi d'une rente temporaire ». Et de noter que la Cour de cassation ne s'étant pas prononcée sur la question, il est aujourd'hui impossible de déterminer si les dispositions sur la fixation de la prestation s'imposent tant au juge qu'aux parties, la possibilité de fixer une rente temporaire étant donc réservée aux seuls divorces sur requête conjointe, ou si, au contraire, ces dispositions ne sont applicables qu'à défaut d'accord des parties, celles-ci pouvant alors librement s'entendre sur le montant et les modalités de la prestation.

Le VIII de l'article 18 du projet de loi tend à insérer après l'article 279 du code civil, un nouvel article, numéroté 279-1, précisant les règles applicables aux prestations compensatoires qui feraient l'objet d'une convention dans le cadre d'un divorce contentieux, conformément au nouvel article 268 du code civil qui permet aux époux de soumettre à l'homologation du juge des conventions réglant les conséquences de leur divorce (cf. article 17 du projet de loi).

Conformément à la logique de pacification des conflits et de valorisation des accords intervenus entre les époux, il prévoit que ces conventions seront régies par les articles 278 et 279 du code civil, relatifs aux prestations compensatoires fixées dans un divorce par consentement mutuel, offrant ainsi aux époux engagés dans une procédure de divorce contentieux la possibilité d'échapper au cadre légal relativement rigide des prestations fixées par le juge en se mettant d'accord sur des modalités plus proches de leurs souhaits et plus adaptées à la consistance de leur patrimoine et à la nature de leurs besoins, par exemple en décidant du versement d'une rente temporaire. Rigides, les règles de fixation de la prestation compensatoire ne deviennent donc que des dispositions supplétives, applicables par le juge à défaut d'accord entre les parties ou de refus d'homologation par le juge de la convention relative à la prestation compensatoire.

Article 280 du code civil

Conditions de paiement de la prestation compensatoire
en cas de décès de l'époux débiteur

Particulièrement sensible, la question de la transmission de la charge de la prestation compensatoire aux héritiers du débiteur avait fait l'objet de discussions lors de l'examen de la loi du 30 juin 2000.

La solution retenue avait alors consisté à maintenir le principe de la transmission aux héritiers, déjà prévu par l'ancien article 276-2 du code civil. Ce choix avait alors été justifié par l'idée que « la rente constitue une dette du patrimoine du défunt qui, comme toutes les obligations en général, passent telles quelles aux héritiers » (83) et des considérations d'équité, afin que soient assurée aux créanciers la sécurité qu'ils sont en droit d'attendre de la décision judiciaire par laquelle leur a été octroyée une rente. Il a donc été précisé que la charge de la rente, ou du capital restant dû si son paiement a été échelonné sur plusieurs années, passe aux héritiers du débiteur (1er alinéa de l'article 276-2 et 3e alinéa de l'article 275-1).

Toutefois, cette transmissibilité passive pouvant être une source de difficultés, la loi du 30 juin 2000 s'est attachée à tempérer la rigueur de cette règle par les dispositions suivantes :

-  les pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé sont déduites de plein droit de la rente versée au créancier, la déduction continuant, sauf décision contraire du juge, à être opérée même si le créancier perd son droit à pension de réversion (84;

-  les héritiers se voient ouvrir l'action en révision, suspension ou suppression de la rente viagère en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties (article 276-3, dernier alinéa) ;

-  ils se voient également ouvrir l'action en rééchelonnement des versements du capital, ouverte en cas de « changement notable de la situation du débiteur » (article 275-1, 3e alinéa) ;

-  ils peuvent également se libérer du solde du capital restant dû lorsque celui-ci est versé de façon échelonnée (article 275-1, avant-dernier alinéa) ;

-  enfin, ils peuvent demander la conversion de la rente viagère en un capital (article 276-4, 2e alinéa).

Malgré ces aménagements, force est de constater que la question de la transmission de la prestation aux héritiers du débiteur est demeurée particulièrement épineuse, en pérennisant des relations financières entre le créancier et, non plus le débiteur, mais ses héritiers.

Aussi le projet de loi met-il fin au principe de la transmissibilité passive de la prestation compensatoire. Le dispositif proposé réalise un équilibre entre la préservation de la situation du créancier pour lequel la prestation est parfois la seule source de revenus, notamment lorsqu'il perçoit une rente viagère, et le souci de tenir compte des recompositions familiales, en évitant la pérennisation de relations financières entre le créancier et la famille du débiteur, parfois son second conjoint ou les enfants issus de cette deuxième union. Cette solution est conforme aux solutions d'apaisement recherchées dans d'autres aspects du droit de la famille, par exemple dans la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant, qui a subordonné la possibilité pour ce dernier de recueillir un usufruit au fait que les enfants également appelés à la succession étaient communs.

Tout d'abord, le projet de loi regroupe les dispositions relatives aux conditions de transmission de la prestation compensatoire aux héritiers du débiteur, aujourd'hui dispersées entre les articles 275-1 (ouverture aux héritiers de l'action en révision prévue en cas de versement échelonné du capital, paiement du solde du capital), 276-2 (déduction des pensions de réversion), 276-3 (ouverture aux héritiers de l'action en révision de la rente viagère) et 276-4 (ouverture aux héritiers de l'action substitution d'un capital à une rente). Elles seront désormais rassemblées dans trois articles successifs :

-  l'article 280, qui prévoit le prélèvement de la prestation compensatoire sur l'actif successoral et la mise à disposition du créancier d'un capital immédiatement exigible ;

-  l'article 280-1, qui précise les conditions dans lesquelles les héritiers peuvent maintenir les formes et les modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient au débiteur décédé ;

-  l'article 280-2 qui reprend, sous réserve de modifications (cf. IX de l'article 22), les dispositions relatives à la déduction de la pension de réversion actuellement inscrites sous l'article 276-2 (renuméroté par l'article 6 du projet de loi).

Le IX de l'article 18 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à l'article 280 du code civil, ses dispositions actuelles - qui excluent le caractère de libéralité de la prestation, même versée sous forme de capital - figurant désormais sous l'article 281 (cf. articles 6 et X de l'article 22 du projet de loi).

Aux termes de cette nouvelle rédaction, le paiement de la prestation compensatoire est prélevé sur la succession. Le champ des obligations des héritiers est précisé : la question de savoir si les héritiers sont tenus dans la limite des forces de la succession est enfin résolue, le projet de loi prévoyant que la prestation est prélevée sur l'actif successoral, dans la limite de celui-ci ; ils ne seront ainsi tenus au paiement de la prestation s'ils n'ont pas recueilli dans la succession de biens en permettant le paiement. Il est précisé que « tous les héritiers » supportent le paiement de la prestation en proportion de la part qu'ils recueillent dans l'hérédité. En outre, il est précisé que les héritiers ne sont pas tenus personnellement au paiement de la prestation compensatoire

Les droits du créancier sont toutefois garantis : en effet, le paiement est supporté par « tous les héritiers », y compris réservataires, mais également, si l'actif successoral se révèle insuffisant, par les légataires particuliers (85), proportionnellement à leur émolument, sous la seule réserve toutefois qu'il ne soit pas fait application de l'article 927 du code civil. La rédaction retenue est inspirée des deuxième et dernier alinéas de l'article 767 du code civil, qui met à la charge de la succession une pension alimentaire au profit du conjoint successible se trouvant dans le besoin. La prestation compensatoire doit être payée de préférence aux legs particuliers que le de cujus a pu faire. Si l'actif est insuffisant pour assurer à la fois le paiement de la prestation et de tous les legs, les légataires particuliers subiront une réduction, proportionnelle à l'émolument de chacun ; toutefois, si le défunt a expressément déclaré que tel legs sera acquitté de préférence aux autres, cette déclaration devra être respectée : le legs désigné ne sera réduit qu'autant que la suppression totale des autres ne suffit pas à assurer le paiement de la prestation compensatoire.

Qu'en est-il toutefois si le débiteur a sciemment « vidé » sa succession, au moyen de donations afin d'éviter que l'actif successoral serve à régler ses dettes, le bénéficiaire de la prestation compensatoire s'exposant ainsi au même risque que tout créancier successoral ? Interrogée sur ce point par le rapporteur, la Chancellerie a indiqué que les créanciers peuvent agir contre les actes d'appauvrissement de leur débiteur sur le fondement de la fraude paulienne prévue par l'article 1167 du code civil, qu'ils peuvent saisir les biens légués par le défunt qui ne peuvent être délivrés qu'après paiement de l'ensemble des créanciers ou demander à être payés en priorité sur l'actif successoral par rapport aux créanciers personnels des héritiers, conformément à l'article 878 du code civil relatif à la séparation de patrimoines et qui leur permet d'éviter tout concours avec les créanciers personnels. En tout état de cause, il convient de ne pas oublier que le bénéficiaire de la prestation compensatoire s'expose, depuis la loi du 30 juin 2000, à voir les héritiers renoncer à la succession et donc à ne plus s'acquitter du paiement de la prestation compensatoire.

Afin d'apurer les relations financières entre le créancier et les héritiers du débiteur, et limiter ainsi les risques de conflit, il est précisé qu'est mis à la disposition du créancier un capital immédiatement exigible.

Si la prestation a pris la forme d'un capital dont le versement a été échelonné sur plusieurs années dans les conditions prévues à l'article 275 du code civil, le solde de ce capital devient immédiatement exigible. La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur, prévoyant que, en cas de paiement d'une prestation sous la forme d'un capital échelonné, le solde de ce capital, qui devient immédiatement exigible lors du décès du débiteur, est indexé (amendement n° 37).

S'il s'agit d'une rente, celle-ci se voit alors substituer un capital. Compte tenu des difficultés concrètes que suscite cette opération, il est précisé, comme dans l'article 276-4 du code civil, que cette substitution s'effectue selon les modalités fixées par décret en Conseil d'État. Il est, en outre, indiqué que cette substitution prend en compte les sommes déjà versées. La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la disposition prévoyant la prise en compte des sommes déjà versées lors de la substitution d'un capital à une rente lors du décès du débiteur (amendement n° 38), le rapporteur ayant indiqué qu'il s'agissait ainsi de coordonner cette rédaction avec celle retenue par le Sénat à l'article 276-4 du code civil et M. Alain Vidalies ayant souligné l'importance de ce dernier point. M. Émile Blessig a ensuite indiqué qu'il retirait un amendement tendant à confier à un décret le soin de fixer les modalités de calcul pour la substitution d'un capital à la rente que versait le débiteur, le rapporteur ayant indiqué qu'il était satisfait par le projet de loi. S'interrogeant sur la teneur du décret prévu par le projet de loi pour procéder à cette substitution, M. Alain Vidalies a exprimé des réserves sur la solution consistant à renvoyer à un décret le soin de définir les règles de substitution d'un capital à une rente ; rappelant que c'était volontairement que le législateur en 2000, craignant que la fixation d'un barème n'aboutisse à des sommes disproportionnées, avait confié au juge le soin de procéder à cette substitution en fonction des cas d'espèce, il a jugé que ce système, très souple, aurait mérité qu'il lui soit laissé le temps d'être appliqué. Le président Pascal Clément ayant souligné les enjeux qui s'attachent aux modalités de calcul de cette substitution, le rapporteur a fait état des informations fournies par le garde des Sceaux lors de son audition par la commission des Lois et estimé que s'en remettre à l'appréciation des juges risquait de conduire à de fortes disparités entre les juridictions.

La substitution d'un capital à la rente s'opère déduction faite des pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé, conformément à l'article 280-2 du code civil qui, dans la rédaction que lui donnent les articles 6 et 22 du projet de loi, prévoit cette déduction de plein droit « du montant de la prestation compensatoire transmise aux héritiers, lorsque celle-ci, au jour du décès, prenait la forme d'une rente ». La Commission a été saisie de deux amendements identiques de M. Alain Vidalies et de Mme Maryse Joissains-Masini, tendant à préciser que, au décès du débiteur, la substitution d'un capital à la rente antérieurement versée, se fait après application de l'article 280-2 du code civil. Le rapporteur a indiqué que ces deux amendements seraient satisfaits par un amendement qu'il soumettrait à la Commission à l'article 22 du projet de loi pour clarifier la rédaction de l'article 280-2 du code civil en ce sens. M. Alain Vidalies a rappelé sa très vive préoccupation quant à l'articulation entre la réforme des retraites et le principe de la déduction de la pension de réversion et, tout en admettant la pertinence juridique de l'amendement du rapporteur, a jugé préférable, dans un souci de lisibilité, de mentionner l'application de l'article 280-2 du code civil dans l'article 280. La Commission a rejeté ces amendements. La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Michel Vaxès tendant à insérer les dispositions relatives à la déduction de la pension de réversion dans le nouvel article 280 du code civil.

Article 280-1 du code civil

Choix des héritiers de maintenir
la prestation compensatoire sous sa forme antérieure

Le X de l'article 18 du projet de loi ouvre aux héritiers du débiteur la possibilité de maintenir les formes et les modalités de règlement de la prestation compensatoire. Il déroge ainsi à la règle d'exigibilité immédiate prévue dans l'article précédent, les héritiers étant alors tenus personnellement au paiement de la prestation et non plus seulement dans les forces de la succession. Destinées à répondre à la variété des situations rencontrées, ces dispositions se substituent aux dispositions de l'actuel article 280-1, qui interdit aujourd'hui l'octroi d'une prestation compensatoire au conjoint aux torts exclusifs duquel le divorce est prononcé tout en autorisant, sous certaines conditions, le versement d'une indemnité à caractère exceptionnel.

En raison des conséquences qu'implique cette option, des conditions de fond et de forme sont posées : le maintien de la prestation compensatoire sous sa forme antérieure requiert l'unanimité des héritiers, leur accord devant, à peine de nullité, être constaté par un acte notarié et devenant opposable aux tiers à compter de sa notification au créancier lorsque celui-ci n'est pas intervenu à l'acte.

Outre la déduction automatique de la pension de réversion, éventuellement versée du chef du conjoint décédé, le dernier alinéa de cet article ouvre aux héritiers la possibilité de demander une révision de la prestation compensatoire dans les conditions prévues aux articles 275 (rééchelonnement ou libération du solde du capital en cas de paiement échelonné sur une durée maximale de huit ans) et 276-3 (substitution d'un capital à une rente viagère). La Commission a adopté un amendement du rapporteur donnant une nouvelle rédaction au dernier alinéa de cet article afin d'ouvrir aux héritiers du débiteur qui opteraient pour le maintien des modalités antérieures de paiement de la prestation compensatoire, l'ensemble des actions ouvertes au débiteur, à savoir les actions en révision et les demandes de substitution d'un capital à une rente ou de libération du solde du capital lorsque le versement de ce dernier était échelonné (amendement n° 39).

La Commission a adopté l'article 18 ainsi modifié.

Article 19

(paragraphe 5 de la section 2 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil ;
art. 285-1 du code civil)


Bail forcé

Point sensible, notamment lorsque les époux ont des enfants, la question du logement familial suscite une particulière attention de la part du législateur. Si, au titre des mesures provisoires, le juge peut attribuer à l'un des époux la jouissance du logement et du mobilier du ménage, l'article 285-1 du code civil lui donne également la possibilité de contraindre l'époux propriétaire exclusif du logement familial à consentir sur ce logement un bail à son ancien conjoint, moyennant le paiement d'un loyer dont le juge fixe le montant.

Innovation importante de la loi du 11 juillet 1975, ce bail forcé n'est susceptible de porter que sur un bien qui appartient « en propre ou personnellement » (86)  à l'un des époux (87) et peut être concédé dans deux hypothèses :

-  lorsque l'époux non propriétaire exerce l'autorité parentale sur les enfants ou, en cas d'exercice en commun de l'autorité parentale, lorsque les enfants ont leur résidence habituelle dans ce logement ; destiné à éviter que le conjoint et les enfants ne soient « mis à la porte » de ce logement, le bail peut être renouvelé jusqu'à la majorité du plus jeune des enfants ;

-  lorsque le divorce est prononcé pour rupture de la vie commune, à la demande de l'époux propriétaire ; conforme au souci du législateur d'assurer au conjoint défendeur le maintien de ses conditions de vie matérielles, ce bail peut être concédé pour une durée maximale de neuf ans, prolongé par décision judiciaire et, à l'inverse, prendre fin si l'époux bénéficiaire se remarie ou vit en état de concubinage notoire.

En tout état de cause, le bail peut prendre fin si l'époux locataire manque à ses obligations de locataire ou être résilié par le juge « si des circonstances nouvelles le justifient » (dernier alinéa de l'article 285-1 du code civil), par exemple en cas de modification dans l'attribution de la garde des enfants ou de changement important dans la situation financière des deux anciens conjoints.

Adopté sans modification par le Sénat, l'article 19 du projet de loi modifie ces dispositions par coordination avec la suppression du divorce pour rupture de la vie commune et du maintien du devoir de secours qu'impliquait ce cas de divorce.

Il procède tout d'abord à une réorganisation formelle au sein de la section 2 du chapitre III du titre VI du livre Ier du code civil : le paragraphe 5 de cette section, relatif au logement et comportant un article unique, l'article 285-1, devient ainsi le paragraphe 4, qui est actuellement consacré au devoir de secours après le divorce et dont les articles 282 à 285 sont abrogés par le projet de loi (cf. 2° de l'article 23).

L'article 285-1 du code civil fait l'objet d'une nouvelle rédaction afin d'en supprimer toutes les dispositions liées au bail forcé en cas de divorce pour rupture de la vie commune. Ne subsiste donc plus que l'hypothèse d'un bail forcé au profit des enfants. Les modalités de concession du bail - fixation judiciaire de la durée, renouvellement jusqu'à la majorité du plus jeune des enfants, résiliation en cas de circonstances nouvelles - sont maintenues. En revanche, les critères d'octroi du bail forcé au conjoint non propriétaire sont modifiés afin de mettre en avant l'intérêt des enfants concernés : le logement ne pourra ainsi être concédé à bail au conjoint qui exerce l'autorité parentale qu'à deux conditions cumulatives : les enfants y résident habituellement et leur intérêt le commande.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec permettant au juge de concéder au conjoint qui exerce seul ou en commun l'autorité parentale sur un ou plusieurs enfants un droit d'habitation et d'usage sur un logement autre que la résidence principale et appartenant à l'autre époux. L'auteur de l'amendement ayant souligné l'intérêt de ce dispositif pour les enfants, le rapporteur a exprimé des réserves sur l'opportunité d'étendre les facultés de bail forcé et la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a adopté l'article 19 sans modification.

Chapitre IV

De la séparation de corps

Article 20

(art. 297, 297-1, 300 et 303 du code civil)


La séparation de corps

Relâchant le lien matrimonial sans le dissoudre, la séparation de corps a pour principal effet de mettre fin au devoir de cohabitation, ainsi que le prévoit l'article 299 du code civil. Toutes les règles du divorce, dès lors qu'elles n'impliquent pas la dissolution du mariage, ont vocation à s'appliquer à la séparation de corps : l'article 296 du code civil précise ainsi que « la séparation de corps peut être prononcée à la demande de l'un des époux dans les mêmes cas et aux mêmes conditions que le divorce ». Composé de quatre paragraphes, l'article 20 du projet de loi apporte aux dispositions relatives à la séparation de corps plusieurs modifications résultant de la réforme du divorce.



Article 297 du code civil


Demandes reconventionnelles

Compte tenu de la proximité existant entre la séparation de corps et le divorce, le premier alinéa de l'article 297 du code civil autorise l'époux contre lequel est présentée une demande en divorce à former une demande reconventionnelle en séparation de corps et inversement. En outre, le second alinéa de cet article précise que si une demande en divorce et une demande en séparation de corps sont simultanément accueillies, le juge prononce à l'égard des deux conjoints le divorce aux torts partagés.

Le projet de loi modifie cet article :

-  d'une part, son second alinéa est supprimé, les dispositions applicables en cas de demandes en divorce et séparation de corps concurrentes figurant désormais dans le nouvel article 297-1 du code civil ;

-  d'autre part, il introduit une dérogation au principe selon lequel le défendeur à l'action en divorce peut riposter par une demande de séparation de corps : le I de l'article 20 du projet de loi prévoit en effet que, lorsque la demande principale en divorce est fondée sur l'altération définitive du lien conjugal, la demande reconventionnelle ne peut tendre qu'au divorce. Cet ajout reprend la disposition, qui prévoit qu'en cas de demande en divorce pour rupture de la vie commune, « la demande reconventionnelle ne peut tendre qu'au divorce et non à la séparation de corps ». Destinée à éviter que le défendeur ne bloque la procédure de divorce, cette disposition figure aujourd'hui sous l'article 241 du code civil qu'abroge l'article 23 du projet de loi.

Article 297-1 du code civil

Présentation simultanée d'une demande de divorce
et d'une demande de séparation de corps

Le II de l'article 23 du projet de loi introduit dans le code civil un nouvel article - l'article 297-1 - précisant les règles applicables en cas de présentation concurrente d'une demande en divorce et d'une demande en séparation de corps.

L'article 297-1 prévoit ainsi que le juge examine en premier la demande en divorce, prononce celui-ci dès lors que les conditions en sont réunies et prévoit que, ce n'est qu'à défaut, qu'il statue sur la demande en séparation de corps.

Une exception est toutefois prévue lorsque les deux demandes sont fondées sur la faute ; il est précisé que le juge les examine simultanément et s'il les accueille, prononce à l'égard des deux conjoints le divorce aux torts partagés. Cette disposition reprend celle inscrite aujourd'hui dans le deuxième alinéa de l'article 297, le divorce absorbant donc la séparation de corps.

Article 300 du code civil

Usage du nom des époux séparés de corps

Contrairement au divorce, le principe est que les époux séparés de corps conservent l'usage du nom de l'autre. Prévu à l'article 300 du code civil, il manifeste ainsi, conformément à la logique de la séparation de corps, la pérennité du lien matrimonial.

Le III de l'article 20 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à cette disposition. Comme en matière de divorce (cf. article 16 du projet de loi), le caractère « sexué » des dispositions est supprimé : il n'est plus mentionné que « la femme séparée conserve l'usage du nom du mari » ni que « dans le cas où le mari aurait joint à son nom le nom de la femme, celle-ci pourra également demander qu'il soit interdit au mari de le porter » mais que « chacun des conjoints séparés conserve l'usage du nom de l'autre ». En outre, la faculté d'interdire l'usage de ce nom par voie judiciaire, tant lors du prononcé de la séparation de corps que dans un jugement ultérieur, est maintenue, le nouvel article 300 du code civil précisant en outre, que cette interdiction est décidée « compte tenu des intérêts respectifs des époux ».

Article 303 du code civil

Pension allouée en cas de séparation de corps

Découlant là encore du maintien du lien matrimonial entre les époux séparés de corps, l'article 303 du code civil précise que la séparation de corps laisse subsister entre les époux le devoir de secours et prévoit à ce titre son exécution à travers le versement d'une pension alimentaire à celui des époux qui se trouve dans le besoin. Afin de limiter les relations financières entre les époux, le dernier alinéa prévoit l'application à cette pension de l'article 285 du code civil, relatif à la pension alimentaire versée en cas de divorce pour rupture de la vie commune.

Cet article étant désormais abrogé (cf. article 23 du projet de loi), le IV de l'article 20 du projet de loi reprend désormais dans l'article 303 les dispositions de l'article 285 : il est ainsi prévu que la pension alimentaire est, lorsque la consistance des biens de l'époux débiteur le permet, remplacée, en tout ou partie, par un capital selon les règles des articles 274 à 275-1 et 277, relatifs à la prestation compensatoire ; il est également précisé que si ce capital devient insuffisant pour couvrir les besoins du créancier, celui-ci peut demander un complément sous forme de pension alimentaire. La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant également l'application de l'article 281 du code civil dans cette hypothèse (amendement n° 40).

La Commission a adopté l'article 20 ainsi modifié.

Chapitre V

Des biens des époux

Article 21

(art. 265-2, 1096, 1442, 1451, 1477 et 1518 du code civil)


Conditions de révocation des donations entre époux - Conventions
pour la liquidation et le partage de la
communauté - Préciput - Recel de communauté - Coordinations

Composé de sept paragraphes, cet article modifie plusieurs dispositions relatives aux biens des époux.



Article 1096 du code civil


Conditions de révocation des donations consenties
entre époux durant le mariage

Dans sa rédaction actuelle, cet article pose le principe de la révocabilité des donations faites entre époux durant le mariage (88). Destinée à protéger le donateur contre une générosité irréfléchie, cette disposition permet à l'époux de révoquer par sa seule volonté et jusqu'à son décès la donation faite à son conjoint. En raison du caractère clandestin que peut prendre la révocation et du contraste avec des donations consenties entre concubins qui, obéissant au droit commun des donations entre vifs (89), ne peuvent être révoquées, cette disposition est fréquemment contestée.

Le I de l'article 21 donne une nouvelle rédaction à l'article 1096 du code civil. Aux termes de celle-ci, le premier alinéa de cet article précise que les donations de biens à venir faites entre époux durant le mariage seront toujours révocables. Interdites dans le cadre des donations ordinaires entre vifs, car le caractère irrévocable de ces dernières feraient d'elles un pacte sur succession future, prohibé par le code civil, les donations de biens à venir sont autorisées entre époux durant le mariage en raison même du caractère révocable de ces donations. En affirmant le caractère révocable des donations de biens à venir, le projet de loi préserve la possibilité pour les époux de procéder à une donation au dernier vivant alors que l'abrogation pure et simple de l'article 1096 du code civil, parfois proposée, aurait sans doute condamné cette pratique pourtant très fréquente.

Le deuxième alinéa précise que les donations faites entre époux de biens présents ou de biens à venir ne sont pas révoquées par la survenance d'enfants, reprenant sur ce point le deuxième alinéa de l'actuel article 1096. Il déroge là encore au droit commun des donations, dans lequel la survenance d'enfant est une cause de révocation, afin que le bien puisse rester dans la famille. Or, en cas de donation entre conjoints, ce risque n'existe pas.

Sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, le Sénat a inséré un nouvel alinéa prévoyant explicitement le caractère irrévocable des donations de biens présents et les soumettant au droit commun des donations entre vifs. À cette fin, il a prévu que les articles 953 et suivants du code civil, relatifs aux exceptions à la règle de l'irrévocabilité des donations entre vifs, leur seraient applicables. La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que les articles 953 à 958 du code civil sont applicables aux donations de biens présents entre époux (amendement n° 41).



Article 1442 du code civil


Coordination

Par coordination avec la suppression de tout lien entre l'attribution des torts et les conséquences du divorce, le II de l'article 21 supprime la dernière phrase de l'article 1442 du code civil qui, à l'instar de l'actuel article 262-1 du code civil, précise que l'époux auquel incombent les torts de la séparation ne peut obtenir que l'effet de la dissolution de la communauté soit reporté à la date où les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer. Le champ d'application de cet article 1442 se distingue toutefois de celui de l'article 262-1, puisque celui-ci est limité au cas de la dissolution du mariage par le divorce, alors que l'article 1442 peut être invoqué dans d'autres cas de dissolution de la communauté et qu'il ne joue que pour les époux soumis à un régime de communauté.



Article 265-2 du code civil


Convention de liquidation anticipée

Interdites jusqu'à l'adoption de la loi du 11 juillet 1975 car censées favoriser les divorces, les conventions passées pendant l'instance en divorce par les époux sur la liquidation et le partage de la communauté sont autorisées par l'article 1450 du code civil, le législateur de 1975 ayant ainsi voulu favoriser la concentration des effets du divorce au moment où celui-ci est prononcé et la recherche d'accords entre époux.

Afin de faciliter le recours à ces conventions, le III de l'article 21 allège la condition de forme posée par le deuxième alinéa de l'article 1450 : alors que « ces conventions doivent être passées par acte notarié, sauf en cas de demande conjointe », le projet de loi restreint l'obligation d'acte notarié à la liquidation des seuls biens soumis à la publicité foncière. Ainsi, dès lors qu'une communauté ne comportera pas d'immeuble, la convention de liquidation anticipée pourra être faite sous seing privé, par exemple par un avocat. Parallèlement, il applique à tous les divorces l'obligation de passer cette convention par acte notarié lorsqu'elle porte sur un bien soumis à publicité foncière alors que l'article 1450 en dispense aujourd'hui les personnes divorçant par consentement mutuel. Cette contrainte supplémentaire pour ces couples est toutefois une garantie indéniable.

Dans la même logique, le Sénat, sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, a étendu cette faculté de liquidation anticipée au partage des biens indivis entre époux séparés de biens, entérinant ainsi une solution dégagée par la jurisprudence (90); le II bis de l'article 21 précise ainsi que la liquidation et le partage concernent non plus « la communauté », mais le « régime matrimonial ».

Par coordination avec le déplacement de cette disposition sous l'article 265-2 du code civil (cf. article 6 du projet de loi), le Sénat, sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, a modifié la rédaction du paragraphe II de l'article 21 afin de viser l'article 265-2 et non plus l'article 1450 et procédé à la même substitution à l'article 1451 du code civil (III bis).



Article 1518 du code civil


Préciput

Conformément à l'article 1515 du code civil, le préciput est un avantage matrimonial qui permet à un époux survivant d'être autorisé « à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d'une espèce déterminée de biens ».

L'article 1518 du code civil précise que lorsque la communauté se dissout du vivant des époux, il n'y a pas lieu à la délivrance du préciput mais que l'époux au profit duquel il a été stipulé conserve ses droits « pour le cas de survie, à moins que les avantages matrimoniaux n'aient été perdus de plein droit ou révoqués à la suite d'un jugement de divorce ou de séparation de corps » (91).

L'article 265 du code civil prévoyant désormais que, sauf volonté contraire de l'époux qui y a consenti, les dispositions à cause de mort sont révoquées de plein droit, il était nécessaire, par coordination, de prévoir que le préciput ne peut profiter à son bénéficiaire pour le cas de survie que sous réserve de l'article 265 du code civil. En revanche, le préciput continuera de jouer en cas de changement de régime matrimonial, de séparation de corps ou de biens et d'absence déclarée.

Sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, le Sénat a adopté un amendement corrigeant une erreur matérielle.



Article 1477 du code civil


Recel de communauté

L'article 1477 du code civil prévoit que celui des époux qui aurait diverti ou recelé quelques effets de la communauté est privé de sa portion desdits effets.

Introduit par le Sénat à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, le V de l'article 21 complète utilement l'article 1477 du code civil afin de prévoir que l'époux ayant dissimulé sciemment l'existence d'une dette commune doit l'assumer définitivement.

La Commission a adopté l'article 21 ainsi modifié

Chapitre VI

Dispositions diverses

Article 22

(art. 220-1, 228, 245-1, 248-1, 256, 276-3, 278, 279, 275-1,
280-2, 281, 298, 301, 306 et 307 du code civil)
Résidence des époux en cas de violences exercées par
un conjoint - Coordinations et précisions rédactionnelles

Composé de quatorze paragraphes, cet article comporte des dispositions relatives aux mesures judiciaires conservatoires en cas de violences conjugales et à la compétence du juge aux affaires familiales ; il apporte également des modifications ponctuelles aux dispositions relatives à la procédure de divorce, à la prestation compensatoire et à la séparation de corps.

1. Résidence des époux en cas de violences exercées par un conjoint (article 220-1 du code civil)

L'article 220-1 du code civil permet au juge aux affaires familiales de prescrire des mesures urgentes lorsque l'un des époux « manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille » ; il prévoit que, à ce titre, le juge peut « notamment » interdire à l'un des époux de faire des actes de disposition ou interdire le déplacement de meubles. Déterminée par le juge, la durée de ces mesures ne peut dépasser trois ans.

Le I de l'article 22 du projet de loi complète ce dispositif afin de permettre au juge aux affaires familiales de protéger une personne ou les enfants contre les violences de son conjoint, en lui permettant de statuer sur la résidence séparée des époux lorsque les violences exercées par un conjoint mettent en danger son conjoint ou un ou plusieurs enfants.

La notion de violences est volontairement large afin de laisser une marge d'appréciation au juge et de prendre en compte le caractère protéiforme des violences conjugales ; comme cela a été souligné au Sénat lors de l'examen de cet article (92), elle devrait en tout état de cause inclure le harcèlement. Alors que, dans le projet de loi initial, étaient visées des violences mettant « gravement » en danger le conjoint, un ou plusieurs enfants, le Sénat a adopté, outre un amendement rédactionnel, un amendement de M. Michel Dreyfus-Schmidt supprimant cet adverbe, améliorant ainsi la protection offerte aux victimes et évitant des débats sur la gravité de la mise en danger. En outre, on relèvera que le texte vise les violences mettant en danger non seulement le conjoint mais également « un ou plusieurs enfants », cette formulation ayant été retenue afin de tenir compte de l'hypothèse des familles recomposées.

Si ces conditions sont réunies, les prérogatives du juge sont étendues. Il statue sur la résidence séparée des époux, en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal. La loi oriente sa décision en précisant que « sauf circonstances particulières », la jouissance du logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences. En outre, il se prononce, s'il y a lieu, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Intervenant indépendamment de toute procédure de divorce, cette mesure urgente se distingue ainsi de celles que peut prendre le juge aux affaires familiales en application de l'article 257 du code civil, sur le fondement duquel il peut autoriser l'époux demandeur à résider séparément, s'il y a lieu avec ses enfants mineurs. D'une part, elle présente l'avantage d'offrir une protection à une personne ou à ses enfants, contre la violence de son époux sans attendre le dépôt d'une requête initiale en divorce. D'autre part, elle permet de prévoir l'éviction du conjoint violent alors qu'aujourd'hui, l'article 257 n'autorise le conjoint menacé qu'à quitter le domicile conjugal, ce qui est certes efficace mais objectivement injuste. Inversant cette logique, le projet de loi renforce les droits des victimes en leur laissant la jouissance du domicile conjugal même s'il demeure clair, que, dans certains cas, la meilleure protection pour la victime sera encore de quitter le domicile.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier rédactionnel (amendement n° 42), le second destiné à permettre au juge, dans le cadre de l'action introduite sur la résidence séparée des époux en cas de violences exercées par le conjoint, de statuer sur la contribution aux charges du mariage (amendement n° 43), l'auteur ayant indiqué qu'il s'agissait ainsi de répondre aux demandes de la Délégation aux droits des femmes et de favoriser la mise en œuvre concrète de cette disposition.

S'agissant de l'organisation de la procédure, l'absence de dispositions tendant à assurer le respect du contradictoire a suscité de nombreuses interrogations. On rappellera que conformément à l'article 1290 du nouveau code de procédure civile, ces mesures urgentes sont prescrites par le juge aux affaires familiales, statuant en référé, c'est-à-dire dans le respect du principe du contradictoire (93), le magistrat étant toutefois habilité à statuer par ordonnance sur requête, donc sans contradictoire (94). Dans le cas d'espèce, la gravité des mesures envisagées, notamment l'éviction du conjoint d'un domicile qui pourrait pourtant lui appartenir en propre, impose nécessairement le respect du principe du contradictoire ; il est en outre un garde-fou utile pour éviter que des mesures urgentes ne puissent être décidées sur le fondement d'allégations mensongères. S'agissant d'une procédure civile, le Gouvernement a toutefois considéré que cette question relevait du pouvoir réglementaire. Lors de l'examen de cet article au Sénat, Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, puis le garde des Sceaux, se sont engagés à ce que le décret prévoie le respect du principe du contradictoire.

S'agissant de la durée des mesures prises, une distinction est établie entre la nouvelle mesure relative à la résidence séparée des époux et les autres mesures susceptibles d'être prises sur le fondement de l'article 220-1 du code civil :

-  les dispositions relatives à la durée des secondes sont inchangées : leur durée doit être déterminée par le juge et ne saurait dépasser trois ans, prolongation comprise ;

-  les mesures relatives à la résidence séparée des époux sont caduques si, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée ; justifiée par la gravité des mesures prononcées mais aussi par la nécessité d'éviter que la situation ainsi créée ne perdure alors qu'elle est par essence provisoire, la brièveté de ce délai n'empêche toutefois pas le conjoint victime de présenter une nouvelle demande.

La Commission a été saisie de trois amendements, l'amendement n° 5 de Mme Geneviève Levy, un amendement de M. Michel Vaxès et un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, les deux premiers tendant à porter de trois à six mois la durée des mesures prises sur la résidence des époux en cas de violences conjugales, le dernier prévoyant en outre une possibilité de renouvellement pour une durée qui ne peut excéder six mois. Tout en admettant que le délai de trois mois, au terme duquel les mesures deviennent caduques si aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée, était sans doute trop bref, le rapporteur a estimé qu'un délai de six mois ne serait sans doute pas adapté au caractère extrêmement provisoire que doivent présenter ces mesures. Il a donc proposé de soumettre à la Commission d'ici la séance publique un amendement qui porterait ce délai à quatre mois ; en conséquence, la Commission a rejeté les trois amendements.

2. Dispositions relatives à la prestation compensatoire (articles 276-3, 278, 279, 280-2 et 281 du code civil)

Les paragraphes VI à X de l'article 22 modifient ponctuellement certaines dispositions relatives à la prestation compensatoire en matière de divorce.

_  L'article 276-3 du code civil précise que la prestation compensatoire allouée sous forme de rente viagère peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de « changement important dans les ressources ou les besoins des parties ». Point central de la réforme intervenue en 2000, cette disposition permet ainsi à un conjoint d'invoquer non seulement un changement important de sa propre situation mais également de se fonder sur un changement de même nature qui affecterait la situation de l'autre conjoint. Cette évolution marque un assouplissement des conditions de révision puisque la jurisprudence, sous l'empire des dispositions antérieures, considérait que l'exceptionnelle gravité ne devait être examinée qu'au regard de la situation de celui qui l'invoquait (Cass., civ 2e., 6 janvier 1988). Conformément au souci du législateur de 2000 d'assouplir les conditions de révision des rentes viagères, le VI de l'article 22 du projet de loi précise explicitement que le changement important justifiant la révision de la rente peut ne concerner les ressources ou les besoins que « de l'une ou l'autre des parties », ce qui permet ainsi de répondre à la question, soulevée dans la circulaire du 25 novembre 2002, de savoir si le changement important devait concerner les deux parties et de conforter la jurisprudence sur ce point.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 44), la Commission a été saisie de trois amendements : le premier de M. Michel Vaxès précisant que la demande de révision peut être présentée en cas de remariage, de conclusion d'un pacs, ou de concubinage notoire du créancier ; le deuxième de Mme Maryse Joissains-Masini précisant que la révision de la prestation est de droit en cas de remariage, concubinage ou conclusion d'un pacs par le créancier ; le dernier de M. Jean-Christophe Lagarde limitant cette révision de droit au cas du remariage du créancier. Le rapporteur ayant jugé préférable de s'en tenir à l'ouverture de la révision de la rente en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties sans viser les différentes situations qui peuvent être à l'origine de ce changement, et de ne pas prévoir de révision automatique, M. Alain Vidalies a déclaré partager cette position : rappelant que ce débat avait déjà eu lieu lors de la discussion de la loi du 30 juin 2000 et observant que celle-ci, comme le projet de loi, en réaffirmant le principe du versement de la prestation compensatoire en capital, lui avait conféré un caractère indemnitaire, il a considéré que ces amendements reviendraient à donner à la prestation un caractère alimentaire. La Commission a donc rejeté ces amendements, ainsi qu'un amendement de Mme Maryse Joissains-Masini prévoyant que la révision de la rente ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé par le juge au moment du divorce ou après une révision.

_  L'article 278, relatif aux prestations compensatoires versées dans le cadre d'un divorce sur requête conjointe, fait l'objet d'une simple modification rédactionnelle dans le VII de l'article 22, afin de tenir compte de la nouvelle terminologie de ce divorce, désormais qualifié de divorce par consentement mutuel.

_  L'article 279 relatif aux conditions de révision de la prestation compensatoire convenue dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel précise, dans son dernier alinéa, que les époux peuvent prévoir dans leur convention que chacun d'eux pourra, en cas de changement important dans « les ressources et les besoins des parties », saisir le juge d'une demande en révision ; le VIII de l'article 22 du projet de loi aligne cette disposition sur celle applicable à la révision de la prestation judiciaire en précisant désormais que le changement important justifiant la révision concerne « les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre » des parties. Il n'y a en effet pas de raison de prévoir des conditions de révision plus rigoureuses dans ce type de divorce. En outre, il est procédé à une modification de référence par coordination avec la renumérotation de l'article 275-1, qui est désormais devenu l'article 275 (cf. article 6 du projet de loi).

La Commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant la rédaction de cet article, d'une part, afin d'éviter que la substitution du capital à une rente ne soit assimilée à une révision de celle-ci, d'autre part, pour permettre l'application des dispositions relatives au paiement de la prestation en cas de décès du débiteur aux prestations fixées par convention, si celle-ci ne comporte pas de disposition sur ce point (amendement n° 45).

_  L'article 280-2 du code civil, qui reprend les dispositions figurant aujourd'hui sous l'article 276-2, prévoit la transmission de la charge de la rente aux héritiers du débiteur et la déduction des pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé. Le IX de l'article 22 lui apporte deux modifications : la première de coordination, afin de supprimer la première phrase qui fixe le principe de la transmission de la charge de la rente aux héritiers, compte tenu du nouveau mécanisme de paiement de la prestation compensatoire en cas de décès du débiteur prévu à l'article 280 du code civil (cf. article 18 du projet de loi) ; la seconde afin d'adapter la rédaction à ces nouvelles règles : sans remettre en cause le principe de la déduction automatique des pensions de réversion, il est précisé que cette déduction porte non plus sur la rente versée au créancier, puisque celle-ci n'existe plus, mais qu'elle se fait « du montant de la prestation compensatoire transmise aux héritiers, lorsque celle-ci, au jour du décès, prenait la forme d'une rente ». Le capital substitué à la rente le sera donc après déduction des pensions de réversion ; quant aux héritiers qui souhaiteraient continuer à payer la prestation sous sa forme antérieure, ils bénéficieront, comme dans le régime actuel, de la déduction de la pension de réversion, les sommes à verser au créancier étant réduites d'autant. La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier tendant à prévoir sans ambiguïté la déduction de la pension de réversion éventuellement versée du chef du conjoint décédé lorsque la prestation va être prélevée sur la succession (amendement n° 46), le second précisant que la possibilité de remettre en cause la déduction de la pension de réversion n'est possible que si les héritiers ont maintenu le paiement de la rente sous sa forme antérieure (amendement n° 47).

_  Reprenant les dispositions de l'actuel article 280 (cf. article 6 du projet de loi), l'article 281 du code civil exclut, à l'instar de ce qui est prévu pour les avantages matrimoniaux, le caractère de libéralité de la prestation même versée sous forme de capital, les transferts et abandons réalisés au titre de la prestation compensatoire étant considérés comme participant du régime matrimonial. Le X de l'article 22 du projet de loi précise que cette règle vaut quelles que soient les modalités de versement de la prestation compensatoire. La Commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 48).

3. Dispositions relatives à la séparation de corps (articles 298,301, 306 et 307 du code civil)

Les paragraphes XI à XIV modifient ponctuellement certaines dispositions relatives à la séparation de corps :

-  afin de tenir compte du déplacement dans le code civil et de la renumérotation des dispositions relatives à la compétence du juge aux affaires familiales sous l'article 228 (cf. article 6 du projet de loi), l'article 298 du code civil est modifié afin de préciser que non seulement les règles relatives à la procédure de divorce, mais également l'article 228 du code civil, sont applicables à la procédure de séparation de corps ;

-  relatif aux droits successoraux du conjoint survivant séparé de corps, l'article 301 du code civil est modifié afin, d'une part, de tenir compte de la nouvelle terminologie du divorce sur requête conjointe et, d'autre part, de supprimer la disposition privant le conjoint survivant de ses droits lorsque la séparation a été prononcée contre lui, conformément à la logique du projet qui est de déconnecter les conséquences du divorce de la répartition des torts entre les conjoints ;

-  prévu à l'article 306, le délai à l'issue duquel le jugement de séparation de corps est converti de plein droit en jugement de divorce est ramené de trois à deux ans, par coordination avec le délai de cessation de la communauté de vie requis pour obtenir un divorce pour altération définitive du lien conjugal ;

-  l'article 307, qui précise les conditions de conversion en divorce par demande conjointe, est modifié afin de tenir compte de la nouvelle terminologie de ce cas de divorce. La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 49).

4. Autres modifications (articles 228, 245-1 et 256 du code civil)

L'article 247 du code civil, relatif aux compétences du juge aux affaires familiales, étant désormais numéroté 228 (cf. article 6 du projet de loi) et l'article 228 actuel, par ailleurs supprimé (cf. article 23 du projet de loi), figurant à la fin du titre V du livre Ier du code civil, consacré au mariage, le paragraphe II de l'article 22 précise l'emplacement de l'article 228 et le place en tête du titre VI du livre Ier du code civil consacré au divorce. Par ailleurs, il en modifie la rédaction afin que, parmi les compétences du juge aux affaires familiales, il ne soit plus fait référence à sa compétence pour statuer sur la modification de la « pension alimentaire », les pensions alimentaires susceptibles d'être versées au titre du devoir de secours en cas de divorce pour rupture de la vie commune étant supprimées (cf. articles  18 et 23 du projet de loi). Il est également précisé que le juge aux affaires familiales est compétent pour statuer sur « la modification de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants », selon une terminologie plus conforme aux dispositions relatives à l'autorité parentale (95).

Les paragraphes III et IV de l'article 22 apportent deux modifications rédactionnelles à l'article 245-1, anciennement 248-1, qui précise que, à la demande des parties, le juge n'énonce pas les torts et griefs des parties dans les motifs du jugements : il en supprime la précision selon laquelle cette disposition s'applique en cas de divorce pour faute, devenue inutile puisque cette disposition est désormais placée dans une section consacrée au divorce pour faute et non plus dans une section rassemblant des dispositions générales sur la procédure de divorce ; il supprime également la précision selon laquelle il s'agit du juge « aux affaires familiales », ce qui va de soi.

De même, l'article 256 du code civil, qui précise que les conséquences de la séparation pour les enfants sont réglées selon les dispositions du chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil, est modifié par le paragraphe V de l'article 22, afin de préciser qu'il s'agit des « mesures provisoires » relatives aux enfants et non des « conséquences de la séparation », ce qui est une formulation plus exacte.

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur modifiant une référence à l'article 1397-1 du code civil (amendement n° 50).

Elle a ensuite été saisie d'un amendement de M. Émile Blessig destiné à éviter toute difficulté d'interprétation de la procédure locale d'Alsace-Moselle et à soumettre la procédure de liquidation postérieure au divorce aux dispositions du titre VI de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Tout en se déclarant d'accord sur le fond, le rapporteur a suggéré à l'auteur de l'amendement, dans un souci de lisibilité du projet de loi, de faire figurer cette disposition dans un article additionnel. M. Émile Blessig a indiqué qu'il retirait son amendement et le rectifierait d'ici la séance publique.

La Commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 23

(chapitre VIII du titre V du livre Ier du code civil ;
art. 231, 235 et 236, 239 à 241, 243, 261 à 261-2, 264-1, 268-1 et 269,
273, 276-3 al. 3, 282 à 285, 297 al. 2, 307 al. 2, 309 et 1099 al. 2 du code civil ;
art. 20 à 23 de la loi n° 2000-396 du 30 juin 2000)


Abrogations

Outre l'abrogation, motivée par leur obsolescence et la discrimination qu'elles constituent à l'égard des femmes, des dispositions relatives au délai de viduité (chapitre VIII du titre V du livre Ier du code civil, articles 261 à 261-2), cet article abroge différentes dispositions du code civil contraires à l'esprit du projet de loi ou devenues sans objet compte tenu des dispositions de celui-ci.

_  Par coordination avec la simplification des procédures de divorce par consentement mutuel, l'article 231, relatif à la première comparution des époux devant le juge aux affaires familiales, est abrogé.

_  La nouvelle procédure de divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage ne reposant plus sur un double aveu mais sur un double accord, l'article 235, qui prévoit que le juge ne prononce pas le divorce lorsque l'autre époux ne reconnaît pas les faits, est abrogé. Il en est de même de l'article 236 qui précise que les déclarations faites par les époux ne peuvent être utilisées comme moyen de preuve dans aucune autre action en justice ; en effet, cette disposition ne se justifie aujourd'hui que par la nécessité d'éviter les réticences des époux et favoriser l'expression objective des faits qui sont à la base de la procédure ; or l'énonciation des faits est désormais expressément écartée.

_  Conformément au souci de rompre tout lien entre les conséquences du divorce et le type de divorce choisi et de mettre fin au régime extrêmement défavorable pour le demandeur du divorce pour rupture de la vie commune, les articles 239 à 241 sont abrogés ; sont ainsi supprimées : les dispositions précisant que le demandeur supporte toutes les charges ; celles permettant au juge de rejeter la demande si le défendeur établit que le divorce aurait pour lui ou les enfants des conséquences matérielles ou morales d'une exceptionnelle dureté, ce qui entérine bien l'idée qu'un époux ne peut plus être maintenu dans les liens du mariage contre son gré ; les dispositions relatives aux demandes reconventionnelles en matière de divorce pour rupture de la vie commune.

_  L'article 243 du code civil qui prévoit qu'un époux peut demander le divorce pour faute contre un conjoint qui a fait l'objet d'une des condamnations visées à l'article 131-1 du code pénal, est abrogé, le projet de loi menant ainsi jusqu'à son terme la logique de 1975 qui avait conduit le législateur à supprimer les causes péremptoires de divorce. La Commission a rejeté, par coordination avec ses précédentes décisions, un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec qui tendait à rétablir cet article du code civil.

_  La réorganisation des dispositions du code civil relatives aux conséquences du divorce autre que par consentement mutuel conduit à abroger l'article 264-1, relatif à la compétence du juge aux affaires familiales pour ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux et statuer, s'il y a lieu sur les demandes d'attribution préférentielle et de maintien dans l'indivision ; ces dispositions figurent désormais dans le nouvel article 267 (cf. article 17 du projet de loi).

_  La même raison conduit également à abroger les articles 268-1 et 269, actuellement consacrés au sort des donations et avantages matrimoniaux en cas de divorce sur demande acceptée et de divorce pour rupture de la vie commune, les dispositions relatives au sort des donations et avantages matrimoniaux, communes à tous les cas de divorce, figurant désormais dans l'article 265 du code civil (cf. article 16 du projet de loi).

_  La nouvelle rédaction de l'article 270 rappelant le caractère forfaitaire de la prestation compensatoire, l'article 273, qui précisait ce point, est abrogé.

_  Les dispositions relatives à la transmission de la prestation compensatoire et aux actions ouvertes aux héritiers étant désormais regroupées dans les articles 280 à 280-2, la mention selon laquelle l'action en révision de la rente viagère est ouverte au débiteur et à ses héritiers figure, non plus dans le dernier alinéa de l'article 276-3, qui est supprimé, mais dans l'article 280-2.

La Commission a été saisie de trois amendements identiques, respectivement présentés par MM. Michel Vaxès, Jean-Christophe Lagarde et Alain Vidalies, tendant à rétablir le troisième alinéa de l'article 276-3 du code civil.

Soulignant l'importance de cette question, M. Alain Vidalies a considéré que l'interprétation qui consiste à ouvrir au créancier une action en « révision de la révision » est sujette à caution et ne s'appuie sur aucune jurisprudence ; il a considéré que l'ouverture d'une action en révision au créancier ne serait pas sans incidence sur la nature de la prestation compensatoire, qu'elle alimenterait un contentieux entre ex-époux, que le législateur s'efforce précisément de tarir, et qu'elle ne favoriserait donc pas la pacification des divorces. Il a déclaré ne pas comprendre les motivations de la suppression de cet alinéa, sauf à penser qu'elle constitue une première solution au problème posé par la réforme des pensions de réversion précédemment évoqué.

Tout en se déclarant personnellement favorable à la rédaction proposée dans le projet de loi, estimant qu'il procédait à une clarification des dispositions du code civil concernées, le rapporteur a indiqué qu'il n'avait pas de désaccord sur le fond avec ces amendements, dès lors qu'ils reviennent au texte en vigueur, étant toutefois entendu que l'article 276-3, dans sa rédaction actuelle, ouvre une action en révision au créancier, ainsi que l'atteste la rédaction de son deuxième alinéa qui prévoit que le montant de la révision ne peut conduire la rente au delà du montant initialement fixé par le juge. Quand bien même existeraient des divergences d'interprétation sur les deuxième et troisième alinéa de l'article 276-3, il a jugé qu'il ne serait pas équitable de ne pas permettre au créancier de demander une révision à la hausse, s'il y a eu une première baisse, d'autant que cette hausse ne pourrait pas conduire à porter la rente à un montant supérieur à celui initialement fixé par le juge. Après avoir relativisé l'ampleur du contentieux susceptible d'en résulter, l'encadrement des conditions d'octroi des rentes viagères par la loi du 30 juin 2000 les rendant plus rares, il a précisé que l'adoption de ces amendements rendrait par ailleurs nécessaire une modification de l'article 280 du code civil afin de préciser qu'aucune demande en révision ne pourra être formée à l'occasion de la substitution d'un capital à la rente lors du décès du débiteur.

Après que M. Émile Blessig eut jugé nécessaire, pour des raisons d'équité, de trouver une solution qui permette de « partager le retour à meilleure fortune », le président Pascal Clément a approuvé les propos du rapporteur, se disant choqué que seules des révisions à la baisse puissent être envisagées et jugeant que cette solution constituerait une rupture du principe d'égalité. M. Alain Vidalies ayant fait valoir que l'ouverture d'une action en révision au créancier serait une source d'insécurité juridique pour le débiteur, notamment s'il venait à former une nouvelle famille, le président Pascal Clément a estimé que tel ne serait pas le cas puisque le montant initialement fixé serait connu et qu'il ne serait pas susceptible d'être dépassé. À l'issue de cette discussion, la Commission a rejeté ces amendements.

_  Par coordination avec la suppression des dispositions relatives au devoir de secours en cas de divorce pour rupture de la vie commune, la division et l'intitulé du paragraphe 4 de la section 2 du chapitre III du titre VI du livre Ier du code civil sont supprimés, de même que les articles 282 à 285 qui précisent la mise en œuvre de ce devoir de secours. L'article 281 est maintenu, mais avec un contenu différent (cf. articles 6 et 22 du projet de loi).

_  Par coordination avec les nouvelles dispositions relatives aux demandes reconventionnelles en matière de séparation de corps, le deuxième alinéa de l'article 297 est supprimé, le cas qu'il envisage - présentation simultanée d'une demande en divorce et d'une demande en séparation de corps - étant désormais traité dans l'article 297-1 (cf. article 20 du projet de loi).

_  Le deuxième alinéa de l'article 307 qui précise que lorsque la séparation de corps a été prononcée sur demande conjointe, elle ne peut être convertie en divorce que par une nouvelle demande conjointe, est supprimé. Justifiée par le souci de rassurer l'époux qui aurait accepté une séparation de corps par consentement mutuel en lui garantissant que le divorce ne pourra lui être imposé par son conjoint au bout du délai de conversion, cette disposition est en effet contraire à l'esprit du projet de loi qui autorise désormais le divorce sur le fondement d'une séparation d'une durée de deux ans. La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir le deuxième alinéa de l'article 307 du code civil afin de garantir qu'une séparation de corps prononcée par consentement mutuel ne pourra être convertie que par une nouvelle demande conjointe (amendement n° 51).

_  Dans un souci d'égalité, l'article 309, prévoyant que la femme peut contracter un nouveau mariage dès que la décision de conversion a pris force de chose jugée est supprimé, cette disposition étant en tout état de cause satisfaite par l'article 147 du code civil qui prévoit qu'on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier.

_  Prévoyant la nullité des donations déguisées ou par personne interposée entre époux, le deuxième alinéa de l'article 1099 du code civil est abrogé, cette disposition marquant, par son automaticité, une défiance dépassée à l'égard des donations entre époux. Permettant de préserver le libre jeu de la révocabilité, cette disposition est en outre moins justifiée compte tenu du caractère irrévocable qu'auront désormais les donations de biens présents entre les époux (cf. article 21 du projet de loi).

_  Sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, le Sénat a abrogé les dispositions transitoires prévues aux articles 20 à 23 de la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire, celles-ci étant désormais reprises dans les paragraphes VI à X de l'article 25 du projet de loi.

_  La Commission a adopté un amendement du rapporteur abrogeant l'article 52 de la loi du 8 janvier 1993 modifiant le code civil, relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales (amendement n° 52).

La Commission a adopté l'article 23 ainsi modifié.

Après l'article 23

La Commission a été saisie un amendement présenté par M. Jean-Yves Le Bouillonnec donnant compétence au juge aux affaires familiales pour examiner toutes les actions relatives à la fixation de la prestation compensatoire, y compris celles qui pourraient être introduites en cas de contestation lors du prélèvement sur l'actif successoral. Après que le rapporteur eut indiqué que le juge aux affaires familiales était d'ores et déjà compétent pour examiner les questions relatives à la fixation et à la révision de la prestation compensatoire, mais proposé d'approfondir ce point d'ici la séance publique, la Commission a rejeté cet amendement.

Article 23 bis

(Art. 862 du code général des impôts)


Obtention d'une copie exécutoire des jugements de divorce par
consentement mutuel sans paiement préalable des droits d'enregistrement

Dans sa rédaction actuelle, l'article 862 du code général des impôts impose l'acquittement préalable des droits d'enregistrement pour obtenir la copie exécutoire du jugement de divorce sur demande conjointe. Cette obligation ne concerne pas les divorces contentieux, conformément au deuxième alinéa de cet article du code général des impôts qui précise que sont exceptés de cette obligation les actes « qui se signifient à partie ».

Cette disposition fait l'objet du dernier point de la circulaire du 25 novembre 2002 sur le bilan de l'application de la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce. Il y est relevé que « des difficultés peuvent survenir lorsque l'époux créancier ne peut financièrement assumer la charge de frais d'enregistrement sans recouvrer le montant des sommes qui lui reviennent en vertu de la décision de justice. En ce cas, non seulement, démuni du titre exécutoire, il ne peut mettre en œuvre les procédures civiles d'exécution forcée, mais encore, le jugement de divorce ne peut être transcrit sur les registres de l'état civil ».

Ces difficultés risquant de devenir plus prégnantes avec le paiement de plus en plus fréquent de la prestation compensatoire en capital, le Sénat, avec l'avis favorable du Gouvernement, a introduit un article additionnel modifiant le deuxième alinéa de l'article 862 du code général des impôts afin de faire figurer parmi les actes exceptés de l'obligation d'acquittement préalable du droit d'enregistrement les copies exécutoires des jugements de divorce rendus en application de l'article 232 du code civil.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article, afin de l'insérer dans le titre II du projet de loi, qui regroupe les dispositions diverses et transitoires (amendement n° 53).

TITRE II

DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Article additionnel avant l'article 24

(art. 862 du code général des impôts)


Obtention d'une copie exécutoire des jugements de divorce par
consentement mutuel sans paiement préalable des droits d'enregistrement

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant dans le titre II les dispositions de l'article 23 bis précédemment supprimé (amendement n° 54).

Article additionnel avant l'article 24

(art. L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles)


Coordination

La Commission a adopté un amendement du rapporteur de coordination rédactionnelle à l'article L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles (amendement n° 55).

Article additionnel avant l'article 24

(art. 66-1 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991)


Procédure d'expulsion du conjoint violent

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à faciliter l'expulsion des conjoints violents ordonnée par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l'article 220-1 du code civil, en excluant l'application du délai de deux mois suivant le commandement d'expulsion durant lequel cette dernière ne peut pas avoir lieu, celle du sursis des mesures d'expulsion auquel il doit être procédé lorsqu'elles ne sont pas exécutées à la date du 1er novembre de chaque année et jusqu'au 15 mars de l'année suivante, ainsi que celle du report de l'expulsion sur décision du juge de l'exécution pour des motifs particuliers, telle l'impossibilité de relogement de l'intéressé (amendement n° 56).

Article 24

Application outre-mer

Bien que les textes relatifs au divorce fassent partie des lois dites « de souveraineté » et soient, à ce titre, par exception au principe de spécialité législative qui régit les collectivités d'outre-mer, applicables de plein droit, cet article prévoit l'application de la présente loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis et Futuna et à Mayotte (96), l'objectif étant ainsi d'assurer toute sa clarté au droit applicable dans ces collectivités.

Il est précisé que l'application à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis-et-Futuna se fait conformément à l'article 3 de la loi n° 70-589 du 9 juillet 1970 relative au statut civil de droit commun dans les territoires d'outre-mer qui prévoit que les dispositions législatives relatives notamment à l'état des personnes et postérieures à l'entrée en vigueur de cette loi seront applicables de plein droit. La référence à cette disposition n'est toutefois plus pertinente pour la Polynésie française depuis l'adoption de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 dont l'article 196 prévoit l'abrogation en tant qu'elle s'applique en Polynésie française de la loi n° 70-589 du 9 juillet 1970.

L'article 24 du projet de loi précise en outre que l'application de la nouvelle loi relative au divorce à Mayotte se fera conformément au I de l'article 3 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 57) ainsi que l'amendement n° 4 de M. Mansour Kamardine prévoyant l'extension de l'application du titre VI du livre premier du code civil à Mayotte.

La Commission a adopté l'article 24 ainsi modifié.

Article 25

Entrée en vigueur de la loi - Conditions d'application
aux procédures en cours

Constitué de dix paragraphes, l'article 25 du projet de loi précise la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi, les conditions d'application aux procédures introduites avant cette date ainsi que les dispositions transitoires applicables aux prestations compensatoires allouées antérieurement.

1. L'entrée en vigueur et l'application aux procédures introduites antérieurement

Le I de cet article précise que la loi entrera en vigueur le premier jour du neuvième mois suivant sa publication au Journal officiel de la République française, ce délai étant notamment justifié par l'importance des dispositions réglementaires qui devront être prises, particulièrement pour adapter le nouveau code de procédure civile. La Commission a adopté un amendement du rapporteur fixant au 1er janvier 2005 l'entrée en vigueur de la loi nouvelle  (amendement n° 58).

Afin de permettre au plus grand nombre de personnes de bénéficier de ces nouvelles dispositions législatives, le II précise que la loi nouvelle s'appliquera aux procédures en divorce introduites avant son entrée en vigueur. Deux exceptions sont toutefois prévues :

-  s'agissant des divorces par consentement mutuel, lorsque la convention temporaire aura été homologuée avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ;

-  s'agissant des divorces contentieux, lorsque l'assignation aura été délivrée avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Dans ce cas et afin de permettre de traiter les cas nombreux de « faux » divorces pour faute, il est prévu que les parties pourront se prévaloir des passerelles prévues aux articles 247 et 247-1, afin de leur permettre de bénéficier d'un divorce par consentement mutuel sans avoir à comparaître à deux reprises devant le juge aux affaires familiales ou d'un divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage. Afin de tenir compte des personnes qui seraient séparées de fait et qui comptaient divorcer aux torts partagés, il est précisé que le divorce pourra être prononcé pour altération définitive du lien conjugal soit parce qu'ils auront prouvé qu'ils ont été séparés de fait pendant les deux ans précédant l'assignation, soit parce que l'assignation ayant été faite sur le fondement du divorce pour faute, le défendeur aura formé une demande reconventionnelle pour altération définitive du lien conjugal et la demande principale aura été rejetée. La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que ces demandes en divorce seront alors examinées dans le respect de l'article 246 du code civil tel qu'il résulte de la loi nouvelle (amendement n° 59).

Le III précise que les mêmes règles seront applicables aux séparations de corps, ce qui est logique compte tenu de l'identité des procédures de divorce et de séparation de corps.

Dans un souci de stabilité juridique, le IV précise que l'appel et le pourvoi en cassation seront formés, instruits et jugés selon les règles applicables lors du prononcé de la décision de la première instance. Il s'agit aussi d'éviter que des parties n'interjettent appel ou ne se pourvoient en cassation afin de bénéficier de la loi nouvelle.

Le V précise que les demandes de conversion d'une séparation de corps en divorce seront formées, instruites et jugées conformément aux règles applicables lors du prononcé de la séparation de corps : cette solution, identique à celle qui avait été dégagée pour l'application de la loi du 11 juillet 1975, se justifie dès lors que, la cause de la séparation de corps devenant la cause du divorce, il est nécessaire que soient maintenues les règles applicables lors du prononcé de la séparation de corps, « sauf à risquer de déjouer les prévisions des parties » (97).

2. Les dispositions transitoires applicables en matière de prestation compensatoire

Compte tenu de la nécessité d'offrir des possibilités de révision aux débiteurs de prestations compensatoires allouées sous l'empire de la loi du 11 juillet 1975, les articles 20 à 23 de la loi du 30 juin 2000 ont précisé les règles de révision et de déduction de la pension de réversion applicables à ces dernières.

Les paragraphes VI à X de l'article 25 du projet de loi précisent à leur tour les dispositions transitoires applicables en matière de prestation compensatoire. Elles se substituent aux articles 20 à 23 de la loi du 30 juin 2000, par ailleurs abrogés (cf. article 23 du projet de loi) et les complètent afin de tenir compte de la modification du droit qu'opère le présent projet de loi. Ces paragraphes traitent successivement des rentes viagères, des rentes temporaires, des dispositions applicables aux instances en cours ainsi que des conditions d'application des règles applicables en cas de décès du débiteur.

S'agissant des rentes viagères en cours de versement lors de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, le VI de l'article 25 comporte trois alinéas traitant respectivement des conditions de révision des rentes viagères fixées par le juge ou par convention et des possibilités d'y substituer un capital.

S'agissant de la révision, de la suspension et de la suppression de ces rentes, le projet de loi initial avait distingué selon que la prestation avait été allouée avant ou après l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 :

-  pour les rentes fixées avant le 1er juillet 2000 : le projet de loi prévoit que la rente pourra être révisée, suspendue ou supprimée lorsque son maintien en l'état procurerait un avantage manifestement excessif au regard des critères posés à l'article 276 du code civil, c'est-à-dire l'âge et l'état de santé du créancier ainsi que la possibilité de voir sa situation financière s'améliorer ; cette action n'est ouverte qu'au débiteur ou à ses héritiers, ce qui est logique, dès lors qu'on voit mal un créancier arguer de l'avantage manifestement excessif que lui procure le maintien de la rente ;

-  les rentes versées entre le 1er juillet 2000 et l'entrée en vigueur de la loi nouvelle pourront, pour leur part, être révisées, suspendues ou supprimées dans les conditions prévues à l'article 276-3 du code civil.

Sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, le Sénat a également ouvert aux rentes viagères allouées avant le 1er juillet 2000 la possibilité de demander leur révision, suspension ou suppression dans les conditions prévues à l'article 276-3.

Outre la révision des rentes, la substitution d'un capital aux rentes viagères allouées avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle pourra être faite dans les conditions prévues à l'article 276-4 du code civil. Sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, le Sénat a repris les dispositions qui figurent au dernier alinéa de l'article 20 de la loi du 30 juin 2000 et qui prévoient que le refus du juge de substituer un capital aux rentes viagères en cours doit être spécialement motivé. La Commission a adopté deux amendements de coordination du rapporteur (amendements nos 60 et 61).

S'agissant des rentes temporaires en cours de versement lors de l'entrée en vigueur de la loi, le VII de l'article 25 reprend largement l'article 21 de la loi du 30 juin 2000. Les dispositions transitoires applicables à ces rentes temporaires, tant judiciaires - dans ce cas, il ne devrait s'agir que de rentes versées avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 - que conventionnelles, ne renvoient pas aux articles 276-3 et 276-4 mais prévoient des mécanismes de révision et de conversion en capital s'en inspirant. Il est ainsi précisé que les rentes temporaires peuvent être révisées, suspendues ou supprimées en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, que la révision ne peut conduire, sauf accord entre les parties, à proroger leur durée initiale ni à porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par la juge. On relèvera que, contrairement à la révision des rentes viagères, l'action en révision n'est ouverte qu'au débiteur et à ses héritiers. La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cette dernière précision, le IX de l'article 25 étant modifié afin d'y regrouper l'ensemble des actions ouvertes aux héritiers du débiteur (amendement n° 62).

En outre, la substitution d'un capital à ces rentes temporaires peut également être demandée par le débiteur, ses héritiers ou le créancier s'il établit qu'une modification de la situation du débiteur permet cette situation, le capital prenant alors l'une des formes prévues aux articles 274 et 275 du code civil ou une combinaison des deux, ainsi que l'article 275-1 du code civil en laisse désormais la possibilité. La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant, dans un souci de simplification, à renvoyer aux dispositions de l'article 276-4 du code civil plutôt que d'énumérer celles-ci (amendement n° 63).

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser le sort des prestations compensatoires qui, depuis le 1er juillet 2000, auraient été allouées sous la forme d'un capital échelonné en permettant au débiteur de demander la révision sur le fondement d'un changement important de sa situation (amendement n° 64).

Précisant le champ d'application des dispositions transitoires applicables aux rentes viagères et temporaires déjà allouées, le VIII de l'article 25 précise qu'elles sont applicables aux « instances en cours qui n'ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée ». Une disposition identique figurait à l'article 23 de la loi du 30 juin 2000. L'article 500 du nouveau code de procédure civile prévoyant qu'a force de chose jugée le jugement qui n'est pas susceptible d'un recours suspensif d'exécution et l'article 1121 de ce même code prévoyant que le délai de pourvoi en cassation et le pourvoi lui-même suspendent l'exécution de l'arrêt qui prononce le divorce, cet effet suspensif concerne donc la prestation compensatoire. Les dispositions transitoires trouveront donc à s'appliquer aux affaires même pendantes devant la Cour de cassation, à condition que le pourvoi porte à la fois sur la question du divorce et sur celle de la prestation compensatoire.

S'agissant des dispositions relatives au paiement de la prestation compensatoire en cas de décès du débiteur, le IX de l'article 25 précise que les articles 280 à 280-2 (paiement d'un capital immédiatement exigible dans la limite de l'actif successoral ; maintien des modalités anciennes de paiement en cas d'accord des héritiers ; déduction de la pension de réversion) seront applicables aux prestations compensatoires allouées avant l'entrée en vigueur de la présente loi dès lors que la succession n'aurait pas donné lieu à partage définitif avant cette date. Dans l'hypothèse où la succession aura été entièrement liquidée, les héritiers du débiteur pourront se prévaloir des dispositions transitoires prévues aux VI et VII de l'article 25 du projet de loi. La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à regrouper dans le IX les conditions et les modalités d'action des héritiers du débiteur (amendement n° 65).

En outre, contrairement aux rentes fixées après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, le X de l'article 25 laisse à l'appréciation du juge, saisi à cette fin par les héritiers du débiteur, le soin de déterminer si la pension de réversion versée du chef du débiteur décédé sera déduite du montant des rentes en cours. Reprenant une solution dégagée dans l'article 22 de la loi du 30 juin 2000, cette disposition, à laquelle le Sénat a apporté une modification formelle sur proposition de son rapporteur, tend à préserver les droits acquis par des créanciers qui cumuleraient déjà la rente et la pension de réversion. La rédaction retenue dans le projet permet de répondre à la question, soulevée dans la circulaire du 25 novembre 2002, de l'incidence de la date du décès du débiteur sur l'automaticité de la déduction. En effet, analysant les termes de l'article 22 de la loi du 30 juin 2000, il y est noté que si « certains considèrent ce mécanisme applicable, dès lors qu'à la date d'entrée en vigueur de la loi, le créancier n'était pas en droit de percevoir la pension de réversion, d'autres estiment que le seul élément à prendre en considération pour qu'il n'y ait pas déduction automatique résulte de l'existence d'une rente servie au 1er juillet 2000 ». La rédaction retenue dans le projet de loi met un terme à ces interrogations en précisant que la déduction ne sera laissée à l'appréciation du juge que lorsque le débiteur était décédé avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000. Cette solution permet ainsi une déduction automatique du plus grand nombre possible de pensions de réversion.

La Commission a adopté l'article 25 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 25

(art. 20 de l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000)


Extension du champ d'intervention de la commission
de révision de l'état civil de Mayotte

La Commission a adopté l'amendement n° 1 présenté par M. Mansour Kamardine étendant la compétence de la commission de révision de l'état civil aux actes relatifs aux enfants nés postérieurement à la publication de l'ordonnance du 8 mars 2000.

Article additionnel après l'article 25

(art. 61 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001)


Simplification de procédure

La Commission a adopté l'amendement n° 3 présenté par M. Mansour Kamardine soumettant la mise en œuvre de la procédure prévue par l'article 61 de la loi du 11 juillet 2001 à l'accord d'une seule des deux parties, au lieu des deux dans l'état du droit.

Article additionnel après l'article 25

(art. 64 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001)


Entrée en vigueur des dispositions relatives à la juridiction civile de droit commun à Mayotte et au pouvoir de médiation et de conciliation des cadis

La Commission a adopté l'amendement n° 2 présenté par M. Mansour Kamardine supprimant la disposition subordonnant à la publication d'une ordonnance l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la mise en place d'une juridiction civile de droit commun et au pouvoir de médiation et de conciliation des cadis à Mayotte.

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La Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter le projet de loi (n° 1338), adopté par le Sénat, modifié par les amendements figurant au tableau comparatif ci-après.

1 () Rapport de Mme Irène Théry à la ministre de l'emploi et de la solidarité et au garde des Sceaux, ministre de la justice, « Couple, filiation et parenté aujourd'hui : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée », la documentation française, 1998 ; rapport de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez au garde des Sceaux, ministre de la justice, « Rénover le droit de la famille : propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps », la documentation française, 1999.

2 () L'indicateur conjoncturel de divorcialité est « le nombre de divorces que compterait une promotion fictive de mariages dont la probabilité de divorcer serait, à chaque durée de mariage, identique à celle observée l'année considérée. Il ne décrit le comportement réel d'aucune promotion de mariage. » (insee première, n° 482).

3 () En 2001, 141 148 enfants mineurs ont été concernés par les divorces prononcés.

4 () Mme Brigitte Munoz-Perez, ministère de la justice.

5 () Débats parlementaires du Sénat, compte rendu intégral, séance du 7 janvier 2004, p. 49.

6 () M. Gérard Cornu, Le phénomène du divorce, dans « Sociologie judiciaire du divorce », sous la direction de M. Jean Hauser, Economica, 1999.

7 () M. Jean Hauser, « Divorce pour rupture de la vie commune », éditions du juris-classeur, 1997, fasc. 70. Il y relève que ce cas de divorce représente près de la moitié des hypothèses de pourvoi en cassation dans la matière du divorce.

8 () En 2002, 81,6 %  des divorces pour faute ont été rendus de façon contradictoire.

9 () Mme Geneviève Thomas-Debenest, « Conséquences du divorce pour les époux », éditions du juris-classeur, fasc. 10.

10 () L'article 241 du code civil précise que lorsque l'époux défendeur forme une demande reconventionnelle de divorce pour faute, le juge ne peut partager les torts et ne peut que prononcer le divorce aux torts exclusifs du demandeur initial.

11 () Débats parlementaires du Sénat, compte-rendu intégral, séance du 7 janvier 2004, p. 49.

12 () En 2001, les tribunaux de grande instance ont prononcé 3 370 séparations de corps.

13 () M. Jean Carbonnier, « La question du divorce : mémoire à consulter », recueil Dalloz Sirey, 1975, 20e cahier, chronique XX.

14 () « Les violences envers les femmes en France : une enquête nationale », collection « droits des femmes », 2003, La Documentation française.

15 () La notion de « violence conjugale » retenue dans l'enquête ne concerne pas que les seules femmes mariées mais s'étend à toute relation de couple, avec ou sans cohabitation.

16 () Débats du Sénat, compte rendu intégral, séance du 7 janvier 2004, p. 50.

17 () « La question du divorce : mémoire à consulter », précité.

18 () L'article 252-2 du code civil précise ainsi que le juge, lors de l'audience de conciliation « essaye d'amener les époux à en régler les conséquences à l'amiable, notamment en ce qui concerne les enfants, par des accords dont pourra tenir compte le jugement à intervenir » ; l'article 1450 du code civil prévoit, pour sa part, que « les époux peuvent, pendant l'instance en divorce, passer toutes conventions pour la liquidation et la partage de la communauté ».

19 () En 2001, les divorces par demande acceptée ont été prononcées en 12,2 mois, les divorces pour faute en 17,3 mois et les divorces pour rupture de la vie commune en 16,1 mois.

20 () Le nombre de demandes en révision de la prestation compensatoire est passé de 684 en 1998, à 1261 en 2000, 2352 en 2001 et 1873 en 2002.

21 () cf. annexe du présent rapport sur les législations relatives au divorce au sein de l'Union européenne.

22 () En effet, conformément à l'article 25 du nouveau code de procédure civile, « le juge statue en matière gracieuse lorsqu'en l'absence de tout litige, il est saisi d'une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou de la qualité du requérant, qu'elle soit soumise à son contrôle ».

23 () Mme Geneviève Thomas-Debenest, « Divorce par consentement mutuel », éditions du juris-classeur, divorce, fasc. 50.

24 () Rapport n° 120, session ordinaire de 2003-2004.

25 () L'article 278 du code civil précise ainsi, s'agissant d'une prestation compensatoire fixée par convention, que le juge refuse d'homologuer celle-ci si elle fixe inéquitablement les droits et obligations des époux.

26 () Cass., civ. 2ème, 24 février 2000.

27 () Jean Carbonnier, « La question du divorce : mémoire à consulter », précité.

28 () Cass., 2ème.civ., 26 janvier 1984.

29 () Débats parlementaires du Sénat, séance du 7 janvier 2004, p.49.

30 () Débats parlementaires du Sénat, séance du 7 janvier 2004, p. 85.

31 () En effet, il sera désormais possible de présenter une demande pour altération définitive du lien conjugal à titre reconventionnel, ce qu'interdit aujourd'hui l'article 241 du code civil en cas de demande de divorce pour rupture de la vie commune.

32 () Cass., 2e civ., 26 novembre 1997.

33 () On mentionnera toutefois la possibilité de passer d'une procédure de divorce pour rupture de la vie commune à un divorce aux torts exclusifs, par le biais d'une demande reconventionnelle en divorce pour faute (art. 241 du code civil) et de passer du divorce à la séparation de corps (art. 1076 du nouveau code de procédure civile).

34 () Rapport précité de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, p. 127.

35 () Rapport précité de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, p. 117.

36 () Débats parlementaires du Sénat, séance du 7 janvier 2004, p. 83.

37 () Source : Etudes et statistique de la justice, « les divorces en 1996 », ministère de la justice, 1999.

38 () L'article 251 du code civil précise en effet qu'« une tentative de conciliation est obligatoire avant l'instance judiciaire ».

39 () Rapport précité de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, p. 126.

40 () Actuellement, dans le divorce sur demande acceptée, la confrontation des deux époux devant le juge ne constitue pas une tentative de conciliation mais doit permettre au juge de vérifier que les époux reconnaissent tous deux les faits rendant intolérable le maintien de la vie commune.

41 () Cette formulation n'était de surcroît pas exacte, puisqu'il arrive que le défendeur rejette le principe même du divorce et dans cette hypothèse, il n'y a pas lieu de le faire « renoncer » au divorce.

42 () En revanche, le conjoint demandeur est tenu de se présenter personnellement devant le juge (art. 1106 du nouveau code de procédure civile).

43 () MM. Jean Hauser et Jérôme Casey, code des personnes et de la famille, édition 2004-2005, Litec.

44 () En 1996, la proportion de rejets était de 3 % : 0,5 % des divorces par consentement mutuel, 7 % des divorces pour faute et 6 % des divorces pour rupture de la vie commune.

45 () Dans son étude statistique sur les divorces prononcés en 1996, le ministère de la justice indiquait que le délai s'écoulant entre l'ordonnance de non-conciliation et l'assignation était de 2,6 mois en cas de divorce pour faute, de 2,3 mois pour les divorces sur demande acceptée et de 2,5 mois en cas de divorce pour rupture de la vie commune.

46 () Sur ce plan, la détermination de la faute est différente de celle faite pour l'attribution des torts du divorce. Ainsi, la Cour de cassation a cassé un arrêt qui, en cas de divorce sur demande acceptée, retenait qu'il n'était pas possible dans un tel cas de rechercher à qui incombent à titre principal les torts de la séparation, confondant ainsi les torts à l'origine de la séparation avec les torts cause du divorce dont ils doivent être distingués (civ. 1ère, 6 mai 2003).

47 () Toutefois, si un époux ne doit pas contribuer au paiement des dettes contractées par le conjoint après la date de l'assignation, il reste, s'agissant de l'obligation à la dette, tenu à l'égard des tiers jusqu'à la transcription du jugement de divorce.

48 () La deuxième chambre civile de la Cour de cassation l'a admis dans un arrêt du 19 février 2002, à condition toutefois que le jugement ne contienne aucune disposition sur le report de la date des effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens.

49 () Droit de la famille 2002, commentaire de jurisprudence n° 69, note H.L.

50 () Code des personnes et de la famille, sous la direction de Jean Hauser et de Jérôme Casey, Litec.

51 () Cette révocation peut toutefois être écartée par un accord contraire des époux ou une renonciation au bénéfice de l'article 267 du code civil de la part de l'époux « innocent ».

52 () Par exemple, lorsque le mari a payé un bien acheté au nom de sa femme, lorsque la cause de l'acte se trouve dans la rémunération d'une collaboration professionnelle de l'épouse (Cass., civ 1ère., 9 mai 1978).

53 () Cass., 1èreciv., 29 mai 1979.

54 () Arrêt précité.

55 () Cass, 1ère civ., 4 février 1992.

56 () Cour d'appel de Lyon, 18 mars 1999.

57 () Un époux peut valablement agir parallèlement sur le fondement des articles 1382 et 266 du code civil dès lors que les préjudices invoqués sont différents (Cass., 2e civ., 25 mars 1991).

58 () Par dérogation aux règles applicables aux partages entre co-héritiers, il est précisé qu'en cas de divorce ou de séparation de corps, l'attribution préférentielle n'est jamais de droit et qu'il peut toujours être décidé que la totalité de la soulte éventuellement due sera payable comptant.

59 () Loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985.

60 () Ainsi, il a été considéré qu'il n'appartient pas au juge de se prononcer sur la répartition des dettes communes qui relèvent de la liquidation de la communauté (Cass., 2e civ., 17 décembre 1998).

61 () Cass., 1ère civ., 23 mars 1994.

62 () La liquidation consiste à évaluer les masses active et passive des biens après l'établissement des reprises et des récompenses ; le partage consiste à composer les lots, à les attribuer à chacun nommément et à lui donner un caractère définitif et irrévocable soit par signature des parties soit par jugement.

63 () Dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 juillet 1975, l'article 301 du code civil permettait l'octroi d'une pension alimentaire au conjoint ayant obtenu le divorce ; elle présentait un caractère forfaitaire (son montant ne pouvait excéder le tiers des revenus de l'époux débiteur), indemnitaire (elle devait réparer le préjudice résultant de la disparition du devoir de secours) et alimentaire (elle était allouée en fonction des besoins du demandeur et des ressources du débiteur).

64 () En effet, dans ce cas, le devoir de secours ne prend pas fin et une pension alimentaire peut être versée par le conjoint ayant pris l'initiative du divorce.

65 () Trois modalités sont retenues par l'article 275 du code civil : versement d'une somme d'argent, abandon d'usufruit ou dépôt de valeurs productives de revenus.

66 () Le versement en capital était assujetti aux droits de mutation à titre gratuit alors que la rente pouvait être déduite des revenus du débiteur et devait être ajoutée à ceux du créancier.

67 () La Cour de cassation a en effet considéré qu'en allouant une rente, les juges du fond ont implicitement constaté l'impossibilité d'accorder un capital (Cass. civ.2e., 25 juin 1980).

68 () M. Sylvain Thouret, « lesLes accords relatifs à la prestation compensatoire en matière de divorce après la loi du 30 juin 2000 », Procédures, éditions du juris-classeur, août-septembre 2001.

69 () Dans le régime antérieur, il n'était pas possible de fonder la demande de révision sur l'amélioration de la situation de l'autre ex-conjoint (Cass., 2e civ., 6 janvier 1988).

70 () Circulaire du ministère de la justice : bilan d'application de la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire, difficultés techniques, 25 novembre 2002. Bulletin officiel du ministère de la justice n° 88 (1er octobre - 31 décembre 2002), CIV 2002-11 C1/25-11-2002.

71 () Par coordination, l'article 23 du projet de loi prévoit l'abrogation de l'article 273 du code civil.

72 () Aux termes du III de l'article 18 du projet de loi, l'article 274 du code civil rassemblera désormais des dispositions sur les formes que peut prendre la prestation compensatoire lorsqu'elle est versée sous forme de capital.


74 () Dans sa rédaction antérieure à l'adoption de la loi du 30 juin 2000, l'article 272 du code civil précisait qu'était prise en considération la disponibilité des époux pour de nouveaux emplois.

75 () Le juge ne peut y déroger qu'avec l'accord des parties (Civ. 2e., 25 mai 1993).

76 () La clause d'exceptionnelle gravité prévue à l'ancien article 273 du code civil permettait de réviser la prestation compensatoire en capital.

77 () Cette différence de régime entre le créancier et le débiteur se justifie par le fait que c'est la seule considération de la situation du débiteur qui a conduit à prévoir un versement échelonné de la prestation compensatoire.

78 () Cour d'appel de Nîmes, 5 octobre 2001 : juris-data n° 2001-156724.

79 () Voir notamment Cass., 2e civ., 28 mars 2002.

80 () Cass, 2e civ., 2 mai 1984 et 5 novembre 1986.

81 () Cass., 2e civ., 16 janvier 1985.

82 () A. Bénabent, droit civil de la famille , Litec.

83 () J. Massip, « La réforme des prestations compensatoires après divorce », les petites affiches, 16 janvier 2001.

84 () En application de l'article L. 46 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le conjoint divorcé qui contracte un nouveau mariage ou vit en état de concubinage notoire, perd son droit à pension.

85 () Bénéficiaires d'un legs ayant pour objet un ou plusieurs biens ou droits déterminés.

86 () Cette distinction résulte de la terminologie propre à chaque régime matrimonial, le code civil évoquant les biens « personnels » des époux séparés de biens (article 1536) et les biens « propres » des époux mariés sous le régime de la communauté légale (article 1403).

87 () Si le logement familial est un bien commun ou indivis, le juge pourra recourir à l'attribution préférentielle du logement au profit de l'un des époux ou au maintien forcé dans l'indivision ; si le logement est loué,il peut attribuer le droit au bail à l'un des époux, en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause, sous réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l'autre époux (art. 1751 du code civil).

88 () Contrairement aux donations entre époux par contrat de mariage.

89 () Aux termes de l'article 894 du code civil, « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte ».

90 () Cass., 1ère civ., 5 mai 1987.

91 () Autrement dit, l'époux innocent et le défendeur dans un divorce pour rupture de la vie commune gardent le préciput ; l'époux fautif et le demandeur dans un divorce pour rupture de la vie commune le perdent ; dans un divorce aux torts partagés, sur demande acceptée ou sur demande conjointe, ils le conservent s'il n'a pas été révoqué par l'autre conjoint.

92 () Débats du Sénat, compte-rendu intégral de la séance du 8 janvier 2004, p. 150.

93 () L'article 484 du nouveau code de procédure civile précise que « l'ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

94 () L'article 493 du nouveau code de procédure civile précise que « l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse ».

95 () L'article 373-2-2 du code civil précise que « en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire... ».

96 () Pour sa part, la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon demeure régi par le principe de l'assimilation législative , à l'exception de la fiscalité, du régime douanier et de la réglementation en matière d'urbanisme.

97 () Mme Caroline Watine-Douin, « Séparation de corps, cessation », éditions du juris-classeur, fasc. 15.


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