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le 27 mai 2004

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N° 1612

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 mai 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 1518) relatif à l'octroi de mer,

PAR M. Didier QUENTIN,

Député.

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INTRODUCTION 7

I. L'OCTROI DE MER : UN OUTIL AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT LOCAL DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER 8

A. UN « PATRIMOINE FISCAL » ESSENTIEL POUR LES RESSOURCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 8

1. La fragilité des collectivités locales des départements d'outre-mer 8

2. Une ressource essentielle 9

B. UNE RÉPONSE AUX HANDICAPS DE L'ÉCONOMIE DES DOM 10

1. Un tissu économique fragile 10

2. L'apport de l'octroi de mer pour les entreprises locales de production 11

II. L'OCTROI DE MER ET LES CONTRAINTES COMMUNAUTAIRES 12

A. LA DIFFICILE RECONNAISSANCE DES SPÉCIFICITÉS DES RÉGIONS ULTRAPÉRIPHÉRIQUES AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE 12

B. L'OCTROI DE MER INSTITUÉ PAR LA LOI DU 17 JUILLET 1992 : UNE PREMIÈRE ADAPTATION AU CADRE COMMUNAUTAIRE 14

1.  La taxation des productions locales et non plus seulement des importations 15

2.  L'encadrement de la compétence des conseils régionaux pour fixer les taux d'octroi de mer 16

a.  La limitation du nombre de taux et leur plafonnement 16

b.  Les possibilités d'exonération 17

3.  La réforme de l'affectation du produit de l'octroi de mer 17

4.  La création du marché unique antillais 18

III. LE PROJET DE LOI : UN ÉQUILIBRE PRÉSERVÉ ENTRE LES BESOINS DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER ET L'APPLICATION DU CADRE COMMUNAUTAIRE 18

A. LE CONTEXTE COMMUNAUTAIRE 18

B. LE PROJET DE LOI 19

EXAMEN DES ARTICLES 29

TITRE Ier ASSIETTE, TAUX ET MODALITÉS DE RECOUVREMENT DE L'OCTROI DE MER 29

chapitre ier Champ d'application 29

Article 1er Opérations taxables 29

Article 2 Personnes assujetties 30

Article 3 Définition des importations 30

Article 4 Exonération des livraisons à l'exportation 31

Article 5 Exonération des petites entreprises 32

Article 6 Possibilité d'exonérer certaines importations de marchandises 33

Article 7 Possibilité d'exonérer certaines entreprises 34

Article 8 Franchises de taxe 35

Chapitre II Assiette de l'octroi de mer 36

Article 9 Base d'imposition 36

Chapitre III Fait générateur et exigibilité de l'octroi de mer 36

Article 10 Fait générateur et exigibilité de l'octroi de mer sur les importations 36

Article 11 Fait générateur et exigibilité de l'octroi de mer sur les produits pétroliers 38

Article 12 Fait générateur et exigibilité de l'octroi de mer sur les livraisons 38

Chapitre IV Liquidation de l'octroi de mer 39

Section 1 Dispositions générales 39

Article 13 Déclarations trimestrielles 39

Section 2 Déductions 39

Articles 14 à 16 Modalités d'exercice du droit à déduction 40

Articles 17 à 19 Opérations ouvrant droit à déduction 40

Articles 20 à 22 Justification de l'octroi de mer déductible 41

Articles 23 à 26 Modalités de récupération de l'octroi de mer déductible 42

Chapitre V Taux 43

Avant l'article 27 44

Article 27 Liberté de fixation des taux et égalité de taxation 44

Article 28 Différentiels de taux 44

Article 29 Majoration des différentiels de taux 46

Article 30 Critère de différenciation des taux 48

Article 31 Égalité de taxation des produits bénéficiant du régime spécial d'approvisionnement 49

Chapitre VI Redevables de l'octroi de mer 49

Article 32 Personnes redevables 49

Chapitre VII Obligations des assujettis 50

Avant l'article 33 50

Article 33 Immatriculation 50

Article 34 Facturation 50

Article 35 Comptabilité 51

Chapitre VIII L'octroi de mer régional 52

Article 36 Octroi de mer au bénéfice des régions 52

Chapitre IX Dispositions relatives au marché unique antillais 53

Article 37 Obligations déclaratives relatives au marché unique antillais 53

Article 38 Versement annuel aux collectivités du marché unique antillais 54

Article 39 Sanctions pour défaut de déclaration périodique 56

Article 40 Renseignements demandés par les agents des douanes 56

Chapitre X Contrôle, sanctions et recouvrement 57

Avant l'article 41 57

Article 41 Administration compétente 57

Article 42 Sanctions en matière de recouvrement de l'octroi de mer 58

Article 43 Prélèvement au profit de l'État 58

Chapitre XI Dispositions diverses 59

Article 44 Exclusion de l'octroi de mer de la base d'imposition de la T.V.A 59

Article 45 Répercussion de l'octroi de mer sur le prix de vente de l'électricité 59

TITRE II AFFECTATION DU PRODUIT DE L'OCTROI DE MER 60

Article 46 Répartition du produit de l'octroi de mer 60

Article 47 Répartition de la dotation globale garantie 61

Article 48 Fonds régional pour le développement de l'emploi 62

TITRE III DISPOSITIONS FINALES 65

Article 49 Exonération de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin 65

Article 50 Décret d'application 65

Article 51 Abrogation de la loi du 17 juillet 1992 66

Article 52 Entrée en vigueur de la nouvelle législation 66

TABLEAU COMPARATIF 67

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 97

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 109

MESDAMES, MESSIEURS,

L'octroi de mer est un droit très ancien qui a été institué dans plusieurs colonies au cours du XIXe siècle ; son origine réelle serait encore plus ancienne puisqu'il serait issu, en partie, du « droit de poids » dont on trouve la trace en Martinique dès 1670, droit qui frappait tous les produits importés dans cette île et qui subsista jusqu'à la Révolution.

Compte tenu de cette ancienneté, l'octroi de mer apparaît comme un véritable « patrimoine fiscal » auquel les populations d'outre-mer sont très attachées. Il a en effet permis aux communes de faire face aux besoins de leurs habitants tout en contribuant à protéger la production locale.

Cette institution séculaire a toutefois fait l'objet d'une remise en cause de la part des institutions communautaires, qui lui ont reproché son caractère protectionniste trop marqué. En 1989, une première décision du Conseil des communautés européennes oblige ainsi la France à étendre la taxation de l'octroi de mer, jusque là limitée aux produits importés, aux productions locales. Les conseils régionaux peuvent toutefois prévoir des dérogations à cette taxation pour des motifs de développement économique. Tel est l'objet de la loi du 17 juillet 1992.

Applicable à compter du 31 décembre 1992, ce régime est prévu pour durer dix ans ; le 26 mars 2002, la France remet ainsi aux autorités communautaires une demande circonstanciée demandant la poursuite du dispositif. Insuffisamment étayée, cette demande est rejetée ; néanmoins, le Conseil de l'Union européenne accepte un moratoire d'un an afin de permettre à la France de motiver la demande de pérennisation. À la suite de la nouvelle demande formulée le 14 avril 2003, le Conseil accepte, dans sa décision du 10 février 2004, de proroger le régime pour dix ans. Cette prorogation est toutefois subordonnée à plusieurs réserves qui obligent la France à réformer le dispositif de l'octroi de mer.

Le projet de loi s'attache ainsi à transcrire dans la loi la décision du Conseil. Il substitue pour cela au dispositif de plafonnement des taux, mis en place en 1992, un autre dispositif fondé sur des écarts de taxation maximaux entre produits locaux et produits importés. Avant d'en faire une présentation exhaustive, il convient de rappeler l'importance de l'octroi de mer pour les économies des départements d'outre-mer, puis de présenter le contexte communautaire qui a conduit le Gouvernement à réformer le dispositif.

I. L'OCTROI DE MER : UN OUTIL AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT LOCAL DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

A. UN « PATRIMOINE FISCAL » ESSENTIEL POUR LES RESSOURCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. La fragilité des collectivités locales des départements d'outre-mer

Les collectivités territoriales des départements d'outre-mer interviennent dans un cadre d'action très spécifique et sans équivalent en métropole. Il convient ainsi en premier lieu d'insister sur le retard de développement et la faiblesse des infrastructures qui caractérisent encore les dom par rapport à la métropole. Les collectivités locales ont dû, depuis la décentralisation, assumer des charges considérables en matière de routes, de réseaux publics, d'infrastructures scolaires ou de résorption de l'habitat insalubre.

Les spécificités des dom tiennent également à leur croissance démographique : les taux de natalité y sont nettement supérieurs à la métropole (1), et la pyramide des âges révèle une population très jeune. Les phénomènes migratoires revêtent également une ampleur telle qu'ils doivent nécessairement être pris en compte dans toute perspective de développement à long terme. Pour la Guyane, la population immigrée représente ainsi entre 30 et 40 % de la population totale.

Les conséquences de la croissance démographique et de la pression migratoire sont considérables pour les collectivités d'outre-mer. S'agissant notamment du secteur éducatif, les difficultés spécifiques des dom sont essentiellement liées au problème de la croissance des effectifs, qui nécessite un effort particulier en matière d'infrastructures et d'augmentation de la capacité d'accueil des établissements scolaires. Entre 2001 et 2002, les effectifs des premier et second degrés se sont accrus de 7,37 %. Ces données strictement quantitatives ne reflètent que faiblement l'effort déployé par les collectivités locales pour faire face non seulement à la poussée démographique, mais également à une population multiculturelle et plurilingue, qui nécessite une approche pédagogique appropriée.

Le contexte d'intervention des collectivités locales d'outre-mer apparaît également très spécifique en raison des conditions géographiques et climatiques qui caractérisent les départements d'outre-mer. La Réunion et les départements français d'Amérique subissent fréquemment cyclones et ouragans dévastateurs ; il en résulte des charges exceptionnelles pour les collectivités, dues à la fois aux dépenses de reconstructions suite à ces cyclones, ainsi qu'au surcoût des matériaux de construction utilisés pour faire face à ces menaces climatiques.

Le cas de la Guyane est encore différent : située hors de la zone climatique où sévissent cyclones et ouragans, elle doit néanmoins faire face à des conditions climatiques équatoriales qui provoquent l'érosion des bâtiments et nécessitent un entretien et un rythme de renouvellement plus soutenus qu'en métropole. Les travaux d'entretien des voiries par le département constituent ainsi pour le conseil général une charge très importante.

Dans ce contexte, les collectivités locales devraient pouvoir compter sur des ressources stables leur permettant de répondre à ces exigences particulières. Ce n'est malheureusement pas le cas : les départements d'outre-mer se caractérisent en effet par un très faible rendement des quatre taxes directes locales, taxes foncières, taxe d'habitation et taxe professionnelle. Cette faiblesse est due pour l'essentiel à un recensement souvent insuffisant des bases fiscales(2), mais également à la faiblesse des bases d'imposition elles-mêmes, due à la situation économique des dom et aux exonérations particulières concernant la taxe d'habitation et la taxe sur le foncier.

Ainsi, en 2000, le potentiel fiscal par habitant des communes des dom de moins de 10 000 habitants était de 170 euros en moyenne, contre 414 euros en métropole. De même, le potentiel fiscal des communes des dom de plus de 10 000 habitants s'élevait à 318 euros, alors que celui de la métropole relevant de la même catégorie était de 616 euros.

2. Une ressource essentielle

L'octroi de mer apparaît comme une ressource indispensable des communes d'outre-mer. Elle leur permet, en effet, de compenser le double handicap que celles-ci subissent par rapport aux collectivités de métropole, d'une part l'importance de leurs charges spécifiques, d'autre part la faiblesse des bases d'imposition.

En 2003, le produit total de l'octroi de mer pour les quatre départements d'outre-mer s'élevait à 615 millions d'euros et celui du droit additionnel à l'octroi de mer à 140 millions d'euros. Pour les régions d'outre-mer, l'octroi de mer représente entre 11 et 48 % de leurs recettes fiscales et entre 8 et 37 % de leurs recettes réelles de fonctionnement. Pour les communes, le poids de l'octroi de mer est encore plus déterminant : en moyenne, dans les communes de chacune des régions, l'octroi de mer représente de 41 à 47 % et entre 25 et 30 % des recettes réelles de fonctionnement. Les disparités entre communes à l'intérieur d'un même département d'outre-mer sont encore plus importantes : elles sont très marquées en Guyane, où l'octroi de mer représente de 17 à 87 % des recettes fiscales des communes. C'est à La Réunion qu'elles sont les plus resserrées, de 37 à 68 %. Dans ces deux départements, ce sont les communes « de l'intérieur » qui bénéficient de la part la plus faible.

Compte tenu des sommes en jeu, l'octroi de mer permet en outre aux collectivités d'assumer leur rôle dans l'économie locale par le financement d'une part importante des investissements publics, y compris en complémentarité de co-financements réalisés avec des fonds européens. Ainsi, s'agissant des interventions économiques à l'initiative des régions, 10 % de celles-ci sont financées par le produit de l'octroi de mer.

B. UNE RÉPONSE AUX HANDICAPS DE L'ÉCONOMIE DES DOM

1. Un tissu économique fragile

Souvent perçus comme des îlots de prospérité parmi des ensembles économiques en proie à de graves difficultés, les départements d'outre-mer doivent néanmoins faire face aux contraintes inhérentes à l'éloignement et l'étroitesse du marché.

L'éloignement, conjugué aux aléas des transports, oblige ainsi les entreprises des dom à avoir des stocks d'approvisionnement et de produits intermédiaires supérieurs de 25 % à ceux de métropole. En outre, la distance interdit l'adoption de modes de production compétitifs tels que la production en juste à temps.

La taille des marchés intérieurs des départements d'outre-mer a également des conséquences sur l'organisation interne des entreprises. Elle incite les entreprises à être présentes sur plusieurs secteurs industriels, afin de mieux amortir les coûts fixes de structure. Elle rend ainsi difficiles les économies d'échelle et contraint les entreprises soit à utiliser des équipements surdimensionnés, soit à développer des stratégies de niche. En outre, l'accès à la recherche et à l'innovation ainsi qu'à des fonctions à haute valeur ajoutée (marketing, conception) se trouve considérablement freiné.

En ce qui concerne la maintenance, les entreprises des dom doivent posséder en leur sein des équipes spécialisées, ce qui renchérit leurs coûts de production, et disposer de stocks de pièces de rechange hors de proportion avec ce qu'ils sont en métropole.

Les investissements des entreprises des dom sont, compte tenu de ces contraintes pesant sur le marché intérieur, nettement supérieurs à ceux des entreprises métropolitaines. L'équipement moyen par salarié en 1999 variait de 60 300 € à 62 400 € dans les dom pour un chiffre de 50 850 € en métropole (soit entre + 18,8 % et + 22,7 % par rapport à la métropole). Les entreprises sont contraintes d'acheter des matériels en fonction des standards de production d'Europe continentale. Les capacités de production de ces matériels vont au-delà des possibilités réelles d'écoulement de la production sur le marché local.

Les entreprises locales se trouvent ainsi fortement pénalisées par le coût des intrants, importés de métropole ; elles sont également confrontées à des charges salariales lourdes, puisque les salaires du privé ont tendance à s'aligner sur les traitements de la fonction publique ou para-publique, traitements auxquels est appliqué le principe de surrémunération. Cette surrémunération réduit les marges des entreprises : dès lors, seules les entreprises métropolitaines d'une certaine envergure ont la possibilité de reporter ces résultats déficitaires sur des résultats d'ensemble, alors que les entreprises régionales subissent de plein fouet ce manque de compétitivité. Le problème est identique en matière de marchés publics, puisque seules les entreprises métropolitaines peuvent faire face aux délais de paiement considérables pratiqués par les collectivités locales.

Une autre caractéristique de l'économie des départements d'outre-mer réside dans le sous-développement du réseau bancaire et financier : les taux d'intérêt sont plus élevés qu'en métropole et l'offre de crédit peu abondante. De même, les modalités de crédits inter-entreprises sont nettement plus défavorables dans les dom qu'en métropole : les délais de règlement par les clients y sont plus longs (de 11 à 23 %) ; à l'inverse, les délais de paiement exigés par les fournisseurs sont plus réduits (de 16 à 29 %) pour les entreprises des dom que pour les entreprises métropolitaines. La rareté du crédit n'est pas compensée par des réserves importantes de fonds propres. À l'exception des entreprises réunionnaises, le recours à l'autofinancement reste faible. Les perspectives d'investissement des entreprises des dom se révèlent donc réduites ; or, c'est essentiellement par l'investissement privé que se créeront les conditions d'un développement durable et équilibré dans les départements d'outre-mer.

Compte tenu de l'ensemble de ces handicaps, il est apparu indispensable de promouvoir une fiscalité qui donne aux entreprises locales un avantage en terme de compétitivité. C'est au cours des années soixante que l'octroi de mer fut véritablement utilisé comme un outil au service du développement économique, par le jeu des exonérations et des variations des taux applicables. C'est d'ailleurs principalement cet aspect qui a été développé par la France auprès des instances communautaires pour demander la reconduction du dispositif.

2. L'apport de l'octroi de mer pour les entreprises locales de production

L'octroi de mer constitue un soutien essentiel à la production locale (3). Ce soutien global représente, selon les dom, entre 7 % (Guadeloupe) et 11 % (Guyane) du PIB marchand, soit entre 4,5 % et 7,2 % du pib régional total. L'analyse en termes de création de valeur ajoutée liée à l'existence de l'octroi de mer confirme ce constat : l'existence de l'octroi de mer permet un surcroît de valeur ajoutée allant de 24,2 % en Guyane à 31,6 % à la Martinique.

De plus, l'analyse des différentiels de taux d'octroi de mer entre les produits locaux et les marchandises importées montre que les conseils régionaux se sont souciés de la situation des secteurs de production locale exposés à la concurrence extérieure, et donc par nature plus fragiles (4).

L'appui que représente l'octroi de mer est concentré sur quelques secteurs clefs qui constituent le moteur du développement et de la création d'emploi dans les dom. Près des trois quarts du soutien dans les trois départements français d'Amérique (5) vont à quatre secteurs, qui génèrent plus de 60 % de la valeur ajoutée agricole et industrielle et emploient entre 60 et 75 % des salariés des secteurs primaire et secondaire.

De manière générale, le soutien apparaît vital dans les industries agroalimentaires, où l'essentiel de la valeur ajoutée provient de l'octroi de mer (70,5 % en Guyane, 81,2% en Martinique, 86,3 % à La Réunion, 89,5 % en Guadeloupe). Si le soutien effectif aux industries de biens de consommation est moins élevé que pour les industries agro-alimentaires, la santé économique et financière de certaines de ces entreprises est très dépendante de l'octroi de mer.

La demande circonstanciée faite auprès des instances communautaires a insisté sur les conséquences qu'aurait la suppression de l'octroi de mer pour les économies des départements d'outre-mer. Les simulations faites confirment le caractère indispensable de l'octroi de mer pour la survie des entreprises locales dans la plupart des secteurs. Trois conclusions d'ordre général peuvent être tirées de ces simulations :

-  compte tenu, d'une part du niveau de l'octroi de mer, qui représente près de 10 points de taux de marge des entreprises dans les quatre dom, d'autre part des taux de valeur ajoutée (y compris avec l'octroi de mer) qui sont soit inférieurs soit très légèrement supérieurs à ceux de la métropole, le taux de valeur ajoutée des entreprises des dom serait, en l'absence d'octroi de mer, nettement inférieur aux taux métropolitains ;

-  une suppression du différentiel d'octroi de mer empêcherait le secteur industriel des dom d'atteindre, de façon globale, le seuil de rentabilité économique ;

-  par conséquent, la baisse de valeur ajoutée qui résulterait d'une suppression du différentiel d'octroi de mer ou d'une diminution du différentiel pour les secteurs les plus exposés ne pourrait pas être absorbée par une contraction des marges des entreprises et conduirait celles-ci à réduire leurs charges salariales, ce qui se traduirait par des licenciements, voire, dans certains cas, à disparaître purement et simplement.

Compte tenu de ces enjeux, l'acceptation du dispositif de l'octroi de mer par les instances communautaires a été un dossier prioritaire du Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin. Il faut, pour comprendre ces obstacles communautaires, retracer la problématique des départements d'outre-mer au sein des institutions européennes.

II. L'OCTROI DE MER ET LES CONTRAINTES COMMUNAUTAIRES

A. LA DIFFICILE RECONNAISSANCE DES SPÉCIFICITÉS DES RÉGIONS ULTRAPÉRIPHÉRIQUES AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE

La reconnaissance des spécificités des départements d'outre-mer, et plus largement des régions ultrapériphériques, a été difficile et c'est seulement récemment, avec le Traité d'Amsterdam, qu'une base juridique solide a pu être élaborée.

A l'origine, la notion d'ultrapériphérie est inconnue des traités fondateurs. Les départements d'outre-mer sont uniquement mentionnés à l'article 227 du Traité de Rome ; cet article, qui précise dans le premier paragraphe que « le présent traité s'applique [...] à la République française » cite expressément les dom, en distinguant les domaines pour lesquels la législation communautaire est d'application immédiate (libre circulation des marchandises, libération des services, règles de concurrence et agriculture) des autres domaines pour lesquels l'application est différée d'un délai de deux ans, après détermination de leurs conditions d'application par le Conseil statuant à l'unanimité.

Cette distinction faite entre les domaines d'application immédiate et ceux d'application différée a été justifiée par la volonté de laisser aux départements d'outre-mer, dans un premier temps, un délai de transition préalable à leur insertion complète dans la Communauté. Non seulement cette distinction va perdurer, le Conseil n'ayant pas statué dans le délai de deux ans prévu par le Traité de Rome, mais elle donne lieu à une jurisprudence controversée sur l'application du droit communautaire dans les départements d'outre-mer.

Un arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 10 octobre 1978 (arrêt « Hansen ») reconnaît, dans un premier temps, un principe de pleine applicabilité du droit communautaire aux départements d'outre-mer, avec, comme corollaire indispensable, un principe général d'adaptation de ce droit. L'arrêt Hansen se réfère, pour dégager ces deux principes, à la place réservée aux dom dans la Constitution de 1958 : « le statut des dom dans la Communauté est défini en première ligne, par référence à la Constitution française, aux termes de laquelle [...] les dom font partie intégrante de la République ». La référence constitutionnelle est à cet égard déterminante ; l'article 73 postulant le principe de l'adaptation du régime législatif et de l'organisation administrative aux dom nécessité par leur situation particulière, il en résulte leur assimilation au territoire communautaire sous réserve d'adaptation spécifique. L'arrêt précise, à cet effet, que « le Traité de Rome ménageant les plus larges possibilités de prévoir des dispositions particulières adaptées à la situation géographique, économique et sociale particulières des dom, il reste toujours possible de prévoir des mesures spécifiques en vue de répondre aux besoins de ces territoires ».

Cette reconnaissance générale du principe d'adaptation posé par l'arrêt Hansen a néanmoins été fluctuante ; confirmé par l'arrêt « Coopérative agricole d'approvisionnement des avirons » en 1987, le principe d'adaptation connaît cependant une interprétation très restrictive avec l'arrêt « Legros » du 16 juillet 1992 et l'arrêt « Lancry » du 9 août 1994 ; dans ces deux arrêts, la Cour de justice des communautés européennes fait une interprétation extensive de la distinction faite par l'article 227 § 2 entre les domaines communautaires applicables immédiatement aux dom et ceux bénéficiant d'un délai de deux ans préalable à leur application : « les dispositions du Traité mentionnées explicitement à l'article 227 § 2, premier alinéa, ont été applicables dans les dom dès l'entrée en vigueur du traité cee [...] Pour les autres dispositions, il est possible de prévoir des mesures spécifiques en vue de répondre aux besoins de ces territoires. » Cette interprétation réserve en fait le principe d'adaptation aux seules dispositions mentionnées au deuxième alinéa de l'article 227 § 2 faisant l'objet d'une application différée ; pour les autres domaines, énoncés précisément au premier alinéa, et qui touche des domaines essentiels, tels que l'agriculture, la libre circulation des marchandises, la libération des services et les règles de concurrence, il est considéré que l'objectif communautaire doit prévaloir sur l'objectif spécifique de l'outre-mer.

Paraissent ainsi menacés à terme des dispositifs essentiels aux économies ultra-marines, tels que l'octroi de mer ou le programme communautaire « poseidom ».

Une réflexion approfondie sur la place des dom dans l'espace communautaire s'impose ; l'intégration de l'Espagne et du Portugal, qui, avec les Canaries, Madère et les Açores, connaissent également la question de l'éloignement géographique d'une partie de leur territoire, permet à la France de sortir de son isolement. La déclaration de Funchal, le 25 novembre 1988, émanant des exécutifs des sept régions ultrapériphériques, constitue la première tentative commune pour faire reconnaître par la Commission européenne les handicaps structurels de ces régions ; le traité de Maastricht apporte une première réponse en faisant figurer, en annexe, une déclaration reconnaissant pour la première fois la possibilité d'adapter la réglementation communautaire aux spécificités de ces régions. Le contenu de cette déclaration reste cependant peu novateur, tandis que sa portée juridique est incertaine.

Il faut attendre, en 1997, le Traité d'Amsterdam pour que soit réellement reconnue la place des régions ultrapériphériques ; l'introduction d'un nouvel article 299 § 2 du traité instituant la communauté européenne (tce) à la place de l'article 227 § 2 consacre ainsi un véritable régime spécifique pour ces régions.

La notion d'ultrapériphérie, fondée sur les handicaps structurels permanents, l'éloignement et les spécificités géographiques, est d'abord énumérée de façon limitative : seuls sont cités à l'article 299 § 2 les quatre départements d'outre-mer, Madère, les Açores et les îles Canaries. La distinction entre domaines communautaires, directement applicables, et domaines d'application différée disparaît ; la possibilité d'adopter des mesures spécifiques pour ces régions est ainsi reconnue de manière générale.

La seule limite à ce principe d'adaptation figure au dernier alinéa : les mesures particulières ne doivent pas nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique communautaire. La décision du Conseil des communautés européennes du 22 décembre 1989 ayant limité à dix ans, à partir de 1992, le régime applicable à l'octroi de mer, il est apparu, au moment de la demande de reconduction du dispositif, que cette restriction pouvait constituer un sérieux motif d'inquiétude pour l'avenir des politiques spécifiques aux régions ultrapériphériques. Dès lors, en dépit de la transcription fidèle de la décision du 22 décembre 1989 par la loi du 17 juillet 1992, la reconduction du dispositif de l'octroi de mer selon les mêmes principes dix ans plus tard s'est révélée incertaine.

B. L'OCTROI DE MER INSTITUÉ PAR LA LOI DU 17 JUILLET 1992 : UNE PREMIÈRE ADAPTATION AU CADRE COMMUNAUTAIRE

L'octroi de mer, frappant exclusivement les importations des départements d'outre-mer, avait fait l'objet de diverses critiques à partir des années quatre-vingt. D'une part, son efficacité économique était contestée, car il n'avait pas réussi à substituer les productions locales aux importations, qui augmentaient toujours de manière dynamique. La diminution des importations aurait en effet posé un problème budgétaire aux communes domiennes, dont l'octroi de mer représente une part très importante des ressources fiscales. D'autre part, l'octroi de mer était à l'origine de contentieux avec des entreprises métropolitaines ou étrangères, qui le considéraient comme un instrument protectionniste. Des hausses de taux étaient effectivement décidées parfois pour favoriser les investissements de producteurs locaux. C'est ainsi qu'en 1986, le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé une décision du conseil général de la Guadeloupe qui relevait le taux d'octroi de mer pour permettre à une minoterie locale de conserver sa part de marché.

Suite à des plaintes d'opérateurs économiques, la Commission européenne avait ouvert en 1984 une procédure d'infraction à l'encontre de la France. La procédure fut ensuite suspendue afin que les pays membres puissent chercher une solution politique. Ces négociations aboutirent à l'adoption par le Conseil des Communautés européennes, le 22 décembre 1989, de deux décisions.

La première décision, créant le programme poseidom (programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des dom), affirmait la nécessité d'une réforme de l'octroi de mer : « l'achèvement du marché intérieur impose l'aménagement de cette institution afin de la rendre compatible avec le droit communautaire tout en favorisant son caractère d'outil efficace au développement de telles régions. »

La deuxième décision, relative spécifiquement à l'octroi de mer, reconnaissait l'importance de cette taxe tant comme élément d'autonomie locale que comme outil de soutien économique aux productions locales « soumises aux difficultés de l'éloignement et de l'insularité ». Elle posait néanmoins divers principes et règles qui devaient encadrer la réforme de l'octroi de mer. Cette réforme fut la loi du 17 juillet 1992 relative à l'octroi de mer et portant mise en œuvre de la décision du conseil des ministres des Communautés européennes n° 89-688 du 22 décembre 1989.

1.  La taxation des productions locales et non plus seulement des importations

Avant la loi du 17 juillet 1992, l'octroi de mer ne frappait que les importations des départements d'outre-mer. Si la Guyane et La Réunion avaient choisi très tôt d'exonérer leurs produits locaux, cette décision ne fut imitée par les conseils généraux de Guadeloupe et de Martinique qu'en 1963, sous la pression des producteurs locaux, lesquels faisaient valoir qu'ils acquittaient déjà l'octroi de mer au moment de l'importation des matières premières.

La décision n° 89/688/CEE du Conseil des Communautés européennes du 22 décembre 1989 disposait que l'octroi de mer devait être appliqué indistinctement aux importations et aux produits locaux, afin de ne pas créer de discriminations à l'encontre des produits venant de la Communauté. Par conséquent, l'octroi de mer ne serait plus au regard du droit communautaire une « taxe d'effet équivalent à un droit de douane », mais un « droit de consommation », à l'instar de la tva.

La loi du 17 juillet 1992 précisait donc que l'octroi de mer s'appliquait aux importations et aux livraisons de produits locaux. Cependant, diverses dispositions limitaient l'impact de ce changement sur les entreprises des dom :

-  seules les personnes dont le chiffre d'affaires de l'année précédente dépassait 3,5 millions de francs étaient assujetties à l'octroi de mer, certaines entreprises de taille plus modeste pouvant cependant opter pour la situation d'assujetti ;

-  les livraisons à l'exportation étaient exonérées ;

-  pour les entreprises locales, l'assiette de la taxe était réduite de 15% afin de compenser les frais de commercialisation ;

-  il devenait possible de déduire de la taxe régionale l'octroi de mer acquitté sur les importations de matières premières. Ce système de déduction de la taxe acquittée en amont du circuit de production s'inspirait de celui la tva, prévu à l'article 271 du code général des impôts. La loi du 17 juillet 1992 réalisait d'ailleurs également un alignement partiel sur le régime de la tva en matière de recouvrement de l'octroi de mer (pour les obligations déclaratives, les dispositions relatives aux factures et à la comptabilité...).

2.  L'encadrement de la compétence des conseils régionaux pour fixer les taux d'octroi de mer

La fixation des taux d'octroi de mer et des modalités de répartition de son produit entre les communes était à l'origine une prérogative des conseils généraux, en vertu du senatus-consulte du 4 juillet 1866. Cette compétence avait cependant été transférée aux conseils régionaux par la loi du 2 août 1984 relative aux compétences des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion, car elle était liée à la compétence régionale en matière de développement économique.

a.  La limitation du nombre de taux et leur plafonnement

La décision n° 89/688/CEE du Conseil des Communautés admettait la possibilité de moduler le taux de base selon les catégories de produits. Le législateur a cependant souhaité limiter le nombre de taux, qui constituait un facteur de complexité pour les opérateurs : il existait treize taux en Guadeloupe en Guyane, onze en Martinique et dix-huit à La Réunion. De plus, des produits voisins pouvaient se voir appliquer des taux différents.

La loi du 17 juillet 1992 opéra une rationalisation en fixant un maximum de huit taux différents et en disposant que chaque taux devait s'appliquer à des catégories homogènes de produits. Elle prévoyait également que le droit additionnel à l'octroi de mer (6) devait s'appliquer à tous les produits, à l'exception des produits totalement exonérés ou bénéficiant d'un taux zéro.

La loi instaura par ailleurs un taux maximum d'octroi de mer de 30 %, à l'exception des alcools, des produits alcooliques et des tabacs manufacturés, qui pouvaient être taxés jusqu'à 50 %. Cependant, comme chaque région avait des taux plafonds plus élevés (73 % en Guadeloupe et en Martinique, 70 % en Guyane et 77 % à La Réunion), les taux supérieurs déjà existants pouvaient être maintenus pendant une période transitoire de cinq ans.

b.  Les possibilités d'exonération

D'une part, la loi du 17 juillet 1992 prévoyait la possibilité pour les conseils régionaux d'exonérer d'octroi de mer certaines importations, essentiellement des matières premières et des biens d'équipement.

D'autre part, la loi permettait aux conseils régionaux d'exonérer totalement ou partiellement certaines productions locales. En effet, la décision du Conseil des Communautés européennes du 22 décembre 1989 autorisait les exonérations partielles ou totales pour les productions locales pendant une période de dix ans. La loi précisait que les exonérations devaient porter sur des catégories de produits et non sur des entreprises. Elle répondait en cela à une demande des milieux socioprofessionnels, qui avaient constaté que le système antérieur d'exonérations décidées entreprise par entreprise suscitait souvent des sentiments d'injustice.

Les exonérations de productions locales étaient décidées sous le contrôle de la Commission européenne. La décision du Conseil des Communautés européennes du 22 décembre 1989 posait en effet l'obligation de notifier chaque décision d'exonération à la Commission, afin que celle-ci contrôle leur conformité au droit communautaire. Cette notification était effectuée, en vertu de la loi du 17 juillet 1992, par le représentant de l'État. La décision du Conseil précitée prévoyait également que la Commission européenne établirait un rapport sur l'application du régime d'exonération et sur l'incidence de l'octroi de mer sur les économies domiennes.

3.  La réforme de l'affectation du produit de l'octroi de mer

Le produit de l'octroi de mer était traditionnellement réparti entre les communes, selon des critères propres à chaque département d'outre-mer. La seule exception était la Guyane, où le département recevait 35 % des recettes depuis la loi de finances rectificative du 27 décembre 1974.

La décision du Conseil des Communautés européennes du 22 décembre 1989 était assez laconique sur ce sujet, indiquant seulement que le produit de l'octroi de mer devait être réparti « de manière à y favoriser le plus efficacement possible le développement économique et social ».

La loi du 17 juillet 1992 uniformisait à 2,5 % le prélèvement opéré par l'État sur le produit de l'octroi de mer au titre des frais d'assiette et de recouvrement. Auparavant, ce taux était fixé par arrêté et différait entre chaque dom.

La loi spécifiait par ailleurs que la dotation versée aux communes (et au département en Guyane) progresserait chaque année selon un indice prenant en compte l'évolution des prix à la consommation et du produit intérieur brut. Le montant de la dotation se voyait donc déconnecté du volume des importations.

Le produit de la taxe non distribué aux communes devait être affecté à un nouvel organisme, le fonds régional pour le développement et l'emploi (frde). Ce nouvel instrument de développement économique pour l'outre-mer permettait que l'octroi de mer finance des dépenses actives en faveur de l'économie. Son rôle était d'accorder des subventions aux communes réalisant des investissements favorables à l'activité et à l'emploi.

4.  La création du marché unique antillais

La constitution d'un marché unique entre la Guadeloupe et la Martinique apparaissait indispensable afin de compenser l'étroitesse des marchés et pour éviter la double imposition des marchandises qui étaient échangées entre ces deux îles. En conséquence, la loi du 17 juillet 1992 disposait que la Guadeloupe et la Martinique ne seraient plus considérés comme des territoires d'exportation l'un vis-à-vis de l'autre au regard de l'octroi de mer et de la tva. Cela signifiait notamment que les échanges n'étaient plus soumis à l'octroi de mer externe.

III. LE PROJET DE LOI : UN ÉQUILIBRE PRÉSERVÉ ENTRE LES BESOINS DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER ET L'APPLICATION DU CADRE COMMUNAUTAIRE

A. LE CONTEXTE COMMUNAUTAIRE

Le régime d'exonérations en vigueur arrivant à échéance le 31 décembre 2002, il revenait à la France de présenter une nouvelle demande auprès des instances communautaires. En mars 2002, le Gouvernement de M. Lionel Jospin déposait à la Commission européenne une demande de reconduction à l'identique du régime existant ; cette demande ayant été jugée insuffisamment étayée, la Commission l'a rejeta. La pérennité du régime étant fortement menacée, la France obtint, en urgence, la prorogation d'un an du régime, jusqu'à la fin de l'année 2003. Ce délai permit au Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin de reprendre le dossier de façon prioritaire, en rédigeant, à l'initiative de la ministre de l'outre-mer, Mme Brigitte Girardin, et en étroite collaboration avec les conseils régionaux, une deuxième demande plus argumentée. Sur des bases plus convaincantes que la première demande, le Conseil a adopté, le 10 février 2004, une décision favorable à la France ; n'a simplement pas été retenu, par rapport à la demande présentée, le délai de quinze ans qui aurait permis au nouveau régime de l'octroi de mer de coïncider avec le délai de mise en œuvre de la loi de programme pour l'outre-mer.

Est ainsi instaurée dans les départements d'outre-mer, pour dix ans et jusqu'au 1er juillet 2014, un régime permettant de faire bénéficier une liste de produits locaux d'écarts d'octroi de mer dans des limites précisément définies en annexe à la décision. La décision du Conseil prévoit que le nouveau régime doit être en place le 1er août 2004.

La décision du Conseil trace parfaitement la ligne de partage entre les possibilités d'adaptation prévues par l'article 299 § 2 du tce pour les seules régions ultrapériphériques et les contraintes du cadre communautaire ; il est ainsi précisé que « la demande française a été examinée au regard du principe de proportionnalité afin de vérifier globalement que les différentiels de taxation que les autorités françaises ont demandé de pouvoir appliquer ne conduisent pas à excéder d'une manière significative, en termes de prix de revient, les handicaps supportés par les produits locaux par rapport aux produits venant de l'extérieur.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la Commission propose donc d'autoriser la mise en œuvre d'une taxe applicable à une liste de produits pour lesquels des exonérations ou des réductions de taxe peuvent être envisagées en faveur des productions locales des départements d'outre-mer. Cette taxation différenciée a pour effet de rétablir la compétitivité de la production locale et de permettre ainsi le maintien d'activités générant des emplois dans les départements d'outre-mer. Une liste de produits doit être établie pour que chaque département d'outre-mer, étant donné que les produits locaux produits dans chacun d'eux sont différents.

Il convient toutefois de combiner les exigences de l'article 299 § 2 et de l'article 90 du Traité, ainsi que de veiller à la cohérence du droit communautaire et du marché intérieur. Cela suppose de se limiter aux mesures qui sont strictement nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis, compte tenu des handicaps de l'ultrapériphéricité. Le champ d'application du cadre communautaire est donc constitué d'une liste de produits sensibles pour lesquels il a pu être prouvé que, lorsqu'ils sont produits localement, leur prix de revient est sensiblement supérieur au prix de revient de produits similaires provenant de l'extérieur. Toutefois, le niveau de taxation doit être adapté de manière à ce que le différentiel de taxation, en ce qui concerne l'octroi de mer, n'ait pour objet que de compenser ce handicap et ne transforme pas cet impôt en une arme protectionniste remettant en cause les principes de fonctionnement du marché intérieur ».

Ce faisant, la décision du Conseil s'inspire d'une précédente décision autorisant, pour les îles Canaries, un régime d'imposition se fondant sur des écarts de taux entre les productions locales et les produits importés (7).

Le projet de loi ainsi présenté aujourd'hui est une transcription fidèle de cette décision du Conseil.

B. LE PROJET DE LOI

Dans le cadre de la décision du Conseil du 10 février 2004, le projet de loi poursuit trois objectifs :

-  le maintien du soutien économique ;

-  une meilleure utilisation du produit de l'octroi de mer ;

-  une simplification administrative.

· Le soutien économique

La transposition de la décision du Conseil oblige à revoir le dispositif d'exonérations des entreprises locales. Il s'agit désormais de faire bénéficier des listes de produits locaux d'une moindre taxation à l'octroi de mer, par comparaison à un produit identique importé. Le Conseil a précisé néanmoins que l'avantage ainsi conféré à ces productions locales doit rester dans une limite de 10, 20 ou 30 points de pourcentage, selon le niveau de soutien nécessaire. Les listes A, B et C de produits correspondant à ces écarts de taux se réfèrent à la nomenclature douanière et forment l'annexe à la décision du Conseil.

Il est également prévu, par la décision du Conseil que, pour permettre l'exonération des entreprises dont le chiffre d'affaires de production est inférieur à 550 000 euros, ces taux puissent être majorés de cinq points pour les produits figurant dans les listes, tandis que, pour les produits non listés, il est imposé un maximum d'écart de cinq points.

Ainsi, alors que le dispositif actuel de l'octroi de mer repose sur un système de taux plafonnés pouvant donner lieu à des réductions de taxation au bénéfice de toute production locale, le nouveau régime instaure un système où les taux sont libres, mais où les réductions de taxation des productions locales ne sont autorisées que pour une liste de produits et dans le respect d'écarts fixés par la décision du Conseil.

Pour le reste du dispositif, le projet de loi reprend les dispositions antérieures : le marché unique antillais, destiné à encourager les échanges entre la Guadeloupe et la Martinique est maintenu. Le dispositif antillo-guyanais qui prévoit, pour la circulation des marchandises dans les départements français d'Amérique, une perception de l'octroi de mer dans le département d'origine et une exonération dans le département d'arrivée, est également inchangé.

· Une meilleure utilisation du produit de l'octroi de mer

Contrastant avec les besoins immenses des économies domiennes, la sous-consommation des crédits des Fonds régionaux pour le développement et l'emploi, alimentés par le produit de l'octroi de mer, est apparue ces dernières années très problématique (8). Afin d'insuffler une nouvelle dynamique à ces Fonds, le projet de loi, dans la continuité d'une modification apportée dans la loi d'orientation pour l'outre-mer pour le seul département de La Réunion, prévoit d'élargir les conditions d'éligibilité des projets financés par les frde.

Par ailleurs, le droit additionnel à l'octroi de mer devient l'octroi de mer régional. Son taux doit être compatible avec la décision du Conseil en matière d'écarts maximum de taux.

· La simplification administrative

La principale simplification porte sur l'organisation de la gestion de l'octroi de mer, puisqu'il est prévu que les services de la douane seront désormais seuls compétents pour gérer l'ensemble du dispositif. Ils reprennent ainsi les attributions auparavant confiées aux services fiscaux en matière de recouvrement de la taxe pour les productions locales ; les entreprises n'auront ainsi qu'un seul interlocuteur pour ce qui concerne les formalités administratives de l'octroi de mer.

La Commission a procédé le mardi 11 mai 2004 à l'audition de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'Outre-mer, et à la discussion générale sur le projet de loi relatif à l'octroi de mer.

Présentant la réforme de l'octroi de mer, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre- mer, a développé les trois points suivants.

Qu'est-ce que l'octroi de mer ? L'octroi de mer est une imposition spécifique aux départements d'outre-mer. Il s'agit d'un droit de consommation très ancien, perçu depuis le XVIIe siècle, qui relève aujourd'hui de la compétence des conseils régionaux. Son produit alimente les budgets des communes des dom, ainsi que celui du département de la Guyane. Les budgets des régions d'outre-mer son également bénéficiaires, depuis 1984, d'un droit additionnel à l'octroi de mer (daom). En 2003, le produit total de l'octroi de mer pour les quatre dom s'élevait à 615 M € et celui du droit additionnel à l'octroi de mer à 140 M €. Cette ressource tient donc une place importante au sein des budgets de ces collectivités. L'octroi de mer a aussi pour objet d'apporter un soutien aux entreprises des dom par des exonérations totales ou partielles des productions locales, sous certaines conditions, tandis que les importations de produits de même nature peuvent rester taxées.

Le maintien de cette forme de soutien économique - dérogatoire au Traité instituant la Communauté européenne (tce) - suppose l'accord des autorités communautaires sous la forme d'une décision du Conseil des ministres de l'Union européenne sur proposition de la Commission. Cette dernière repose, quant à elle, sur une demande de la France sur la base de l'article 299 § 2 du tce, qui reconnaît les handicaps structurels auxquels sont confrontés les producteurs des régions « ultra-périphériques » de l'Union européenne.

Le contexte communautaire. Le régime d'exonération en vigueur est issu de la loi de 1992 et trouve son origine dans la décision du Conseil des ministres de l'Union européenne de 1989. Il arrivait à échéance le 31 décembre 2002. En mars 2002, le Gouvernement précédent avait déposé à la Commission européenne une demande de reconduction à l'identique du régime existant. La Commission, jugeant cette demande insuffisamment étayée, l'avait rejetée. L'existence du régime d'exonérations de l'octroi de mer se trouvait donc menacée au-delà du 31 décembre 2002.

En mai 2002, le nouveau Gouvernement a obtenu de Bruxelles, en urgence, la prorogation d'un an du régime, jusqu'à fin 2003 ; en contrepartie, une nouvelle demande circonstanciée devait être présentée par la France, dans des délais compatibles avec la prise de décision communautaire. Le sursis ainsi obtenu a été mis à profit pour préparer, en étroite concertation avec les exécutifs régionaux et les acteurs économiques locaux, une nouvelle demande circonstanciée, remise au commissaire Bolkestein en avril 2003. Sur ces bases, cette fois convaincantes, le Conseil de l'Union européenne a adopté en février dernier une décision favorable à la France. Est ainsi instaurée dans les dom, jusqu'au 1er juillet 2014, un régime permettant de faire bénéficier une liste de produits locaux d'écarts de taux d'octroi de mer dans des limites précisément définies en annexe à la décision.

La décision du Conseil prévoit que le nouveau régime doit être en place le 1er août 2004. Ce calendrier explique que l'Assemblée nationale soit saisie en urgence du projet de loi, qui a principalement pour objet de transposer dans le droit national le nouveau dispositif d'exonérations. A la demande de la Commission, le projet de loi a été notifié au titre des « aides d'État ». Cette notification, intervenue début mars, a donné lieu à quelques questions de la Commission, auxquelles le Gouvernement a répondu sans délai. La décision d'approbation devrait être donnée dans les prochaines semaines.

Les principaux objectifs du projet de loi sont les suivants : le maintien du soutien économique apporté aux entreprises des dom à travers l'outil fiscal qu'est l'octroi de mer ; une meilleure utilisation budgétaire du produit de cette taxe ; enfin, une simplification administrative.

-  En matière économique, le premier objectif du projet est de transposer dans le droit national le nouveau dispositif d'exonérations autorisé par la décision du Conseil. Il s'agit de faire bénéficier des listes de produits locaux, à défaut d'une exonération totale, d'une moindre taxation à l'octroi de mer par comparaison avec un produit identique importé. L'avantage ainsi conféré à ces productions locales doit toutefois rester dans une limite de 10, 20 ou 30 points de pourcentage, selon le niveau de soutien nécessaire. Les listes de produits correspondant à ces écarts de 10, 20 ou 30 points se réfèrent à la nomenclature douanière et forment l'annexe à la décision du Conseil.

Ainsi, en Guadeloupe, les eaux minérales produites localement figurent à l'annexe B de la décision du Conseil ; elles peuvent bénéficier d'un écart de taux de 20 points maximum. Si la région décide de taxer cette production locale à 5 %, la taxation des importations d'eaux minérales ne peut excéder 25 %, pour respecter l'écart maximum de 20 points autorisé par le Conseil.

La décision du Conseil prévoit également, pour permettre l'exonération des entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 530 000 €, que ces taux puissent être majorés de 5 points pour les produits figurant dans les listes, tandis que, pour les produits non listés, un écart de 5 points de pourcentage est un maximum. Cette dernière disposition permettra de conserver une gestion de la taxe proche de celle qui a prévalu jusque là et qui laissait ces « petites » entreprises hors du champ de l'octroi de mer.

Le dispositif actuel de l'octroi de mer repose sur un système de taux plafonnés à 30 % (50 % pour les alcools), pouvant donner lieu à des réductions de taxation au bénéfice de toute production locale, sous réserve d'une justification du besoin économique. Le nouveau dispositif instaure un système où les taux sont libres, mais où les réductions de taxation des productions locales ne sont autorisées que pour une liste de produits précise et dans le respect d'écarts fixés par la décision du Conseil. Ces écarts et ces listes ont été élaborés avec les acteurs locaux pour rester au plus près des pratiques existantes.

Cette nouvelle approche, qui résulte d'une exigence communautaire, a nécessité un effort important de la part des régions et des socio-professionnels pour disposer d'une meilleure connaissance des productions locales et de leurs besoins en terme de soutien. Pour le reste, les dispositions en vigueur sont maintenues : le marché unique antillais, destiné à accroître et améliorer les échanges entre la Guadeloupe et la Martinique est préservé ; le dispositif antillo-guyanais qui prévoit, pour la circulation des marchandises entre la Guyane et le marché antillais, une perception de l'octroi de mer dans le département d'origine et une exonération dans le département d'arrivée est également inchangé ; les « régimes suspensifs », comme le placement de marchandises importées sous entrepôt, sont maintenant explicitement reconnus. Ils permettent de différer le paiement de l'octroi de mer et améliorent en conséquence la trésorerie des entreprises.

-  En matière budgétaire, le seul véritable changement introduit par le projet de loi vise à porter remède à une consommation insuffisante, dans certains dom, des fonds régionaux pour le développement et l'emploi (frde). Ces fonds ont été institués pour permettre aux régions d'apporter aux communes, sur des ressources d'octroi de mer, des subventions d'investissement destinées à faciliter l'installation d'entreprises et développer l'emploi. A cet effet, et dans le prolongement d'une première extension apportée pour la Réunion dans le cadre de la loi de programme pour l'outre-mer, il est proposé que l'utilisation du frde soit élargie dans tous les dom. Par ailleurs, le droit additionnel à l'octroi de mer devient l'octroi de mer régional. Comme pour le droit additionnel à l'octroi de mer, le taux maximum de l'octroi de mer régional est de 2,5 %. Ce droit régional, s'ajoutant à l'octroi de mer, devra néanmoins respecter la décision du Conseil en matière d'écarts maximum de taux.

-  En matière administrative, la principale simplification concerne l'organisation de la gestion de l'octroi de mer : les entreprises locales n'auront désormais qu'un seul et même interlocuteur, à savoir les services de la douane, dorénavant compétents pour gérer l'ensemble de l'octroi de mer. Les services de la douane reprennent en effet les attributions des services fiscaux en ce qui concerne l'assiette et le contrôle de la taxe pour les productions locales.

Le projet de loi conforte donc un instrument fiscal original et essentiel pour les départements d'outre-mer, permettant d'assurer un niveau pertinent de recettes aux collectivités bénéficiaires et constituant un soutien adapté aux entreprises productives. Il préserve ainsi l'existence du régime de l'octroi de mer, tout en le modernisant et en le simplifiant.

Après s'être félicité de l'importante concertation menée avec les élus et les milieux socio-économiques des départements d'outre-mer, laquelle a permis d'élaborer un dispositif rénové, simplifié et conforme aux exigences communautaires, M. Didier Quentin, rapporteur, a posé les questions suivantes :

-  Est-on en mesure d'évaluer les conséquences sur les budgets des collectivités locales des départements d'outre-mer et, plus généralement, sur l'économie de ces départements, de l'instauration d'un écart maximal des taux applicables respectivement aux importations et aux productions locales ?

-  Les mécanismes retenus pour les écarts de taux n'inciteront-ils pas les unités de production à se morceler pour bénéficier de l'exonération totale accordée aux petits producteurs ?

-  Quels ont été les modalités et les critères d'élaboration de la liste des produits figurant en annexe de la décision du Conseil ?

-  La décision du Conseil en date du 10 février 2004 faisant explicitement référence à la nécessité d'actualiser les listes en cas d'apparition de nouvelles productions ou de mise en péril d'une production locale par certaines pratiques commerciales, est-il possible de préciser d'ores et déjà la procédure communautaire qui serait retenue dans cette hypothèse ?

-  Quelles sont les raisons de la sous-consommation des crédits du Fonds régional pour le développement de l'emploi (frde) ? Les dispositions prévues à l'article 48 du projet de loi sont-elles susceptibles de remédier efficacement à cette sous consommation ?

En réponse au rapporteur, Mme Brigitte Girardin a apporté les précisions suivantes :

-  Le nouveau dispositif devrait permettre d'assurer la continuité dans le volume des ressources collectées, dès lors qu'il n'existera plus, comme aujourd'hui, de plafonnement des taux à 30 %, et qu'aucune limite ne sera fixée quant au nombre et au montant des taux, ce qui accroîtra les marges de manœuvre des régions. Les conséquences sur la situation économique locale devraient également être limitées puisque, d'une part, le marché unique antillais et les régimes suspensifs sont maintenus, et que d'autre part, les petites entreprises qui sont exonérées aujourd'hui continueront de l'être demain.

-  La très grande majorité des entreprises locales sont des petites entreprises, qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 530 000 euros. Comme auparavant, ces entreprises ne seront pas assujetties à l'octroi de mer. De surcroît, les entreprises locales sont moins préoccupées par l'existence d'une exonération que par le maintien d'un écart de taxation entre les produits locaux et les produits similaires importés.

-  Les listes de produits figurant en annexe de la décision du Conseil ont été élaborées sur le fondement de la nomenclature tarifaire douanière utilisée en matière de commerce international. Cet outil permet de répondre aux exigences posées par la Cour de justice des Communautés européennes (cjce) qui, dans sa jurisprudence, n'admet les exonérations d'octroi de mer au bénéfice des productions locales qu'à la condition que celles- ci soient nécessaires, proportionnées aux handicaps subis par les entreprises locales et précisément déterminées. Leur élaboration a donné lieu à une concertation étroite et intense avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, les acteurs économiques et les conseils régionaux des départements d'outre-mer, ce qui a permis d'assurer la conformité des listes avec la volonté des acteurs locaux.

-  La décision du Conseil du 10 février 2004 prévoit, dans son article 3, une actualisation des listes en cas d'apparition d'une nouvelle production ou de mise en péril d'une production existante. La procédure d'actualisation est ouverte par le dépôt d'une demande écrite et motivée des régions auprès du préfet, qui transmet cette demande à la Commission ; cette dernière prépare à son tour une proposition au Conseil. La France a plaidé en faveur d'un allégement maximum de la procédure et a pu obtenir une dispense de l'avis consultatif du Parlement européen.

Pour obtenir satisfaction, les régions devront s'attacher à motiver leurs demandes d'inclusion d'un ou de plusieurs nouveaux produits dans l'une des trois annexes A, B ou C, en justifiant avec soin les niveaux de différentiel sollicités. Le texte du projet de loi est muet sur cette clause dite « de souplesse ». Toutefois, afin de rassurer les régions, il pourrait être utile d'introduire par amendement un article additionnel après l'article 29 rappelant la possibilité de révision ouverte par la décision du Conseil. Ce pourrait être l'occasion de l'encadrer d'un minimum de conditions, comme l'obligation de ne recourir à cette clause qu'une fois par an, hormis les cas d'urgence.

-  La sous-consommation des crédits du frde fait l'objet actuellement d'une expertise par les services du ministère de l'outre-mer. Si ce phénomène était confirmé, il conviendrait de réexaminer le dispositif prévu afin de confirmer la vocation du fonds à financer l'investissement des communes d'outre-mer.

Tout en reconnaissant l'importance du projet de loi pour les économies d'outre-mer, M. Jérôme Lambert a exprimé son inquiétude à l'égard du caractère provisoire du dispositif arrêté. Il a interrogé la ministre sur les perspectives à envisager après cette période de dix ans. Il a également fait part de ses réserves sur le maintien d'un seuil d'exonération pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 550 000 euros, en mettant en garde contre les risques induits par l'existence de tels seuils. Il a dès lors interrogé la ministre sur les perspectives d'évolution ou d'atténuation des effets de seuils.

M. Christophe Payet a souligné l'importance de la décision du Conseil de l'Union européenne du 10 février 2004 acceptant une reconduction de l'octroi de mer, moyennant des aménagements portant essentiellement sur le respect d'écarts de taux. Il a rappelé à ce sujet l'importance du produit de l'octroi de mer pour les collectivités d'outre-mer en indiquant que, pour La Réunion, l'octroi de mer représentait 40 % des recettes de fonctionnement d'une commune de 10 000 habitants. Il a souhaité une pérennisation du dispositif proposé en insistant sur les handicaps structurels qui affectent les départements d'outre-mer et justifient de telles spécificités fiscales. Il a souhaité également que les conditions d'éligibilité des opérations financées par le Fonds régional pour le développement de l'emploi puissent être élargies aux opérations d'équipement ou d'infrastructures financées par les collectivités elles- mêmes. Il a cité à ce sujet les projets d'endiguement des ravines à La Réunion, qui n'ont pu aboutir faute de crédits nécessaires.

En réponse aux intervenants, la Ministre a apporté les précisions suivantes :

-  La durée de dix ans accordée au nouveau dispositif de l'octroi de mer a été une déception, puisque les autorités françaises avaient demandé à bénéficier d'une durée analogue à celle prévue dans la loi de programmation pour l'outre-mer, à savoir quinze ans. Cette durée est très certainement le fait d'une rigidité des autorités communautaires, qui se sont limitées à reconduire la durée précédente. Il n'apparaît cependant pas inutile de faire un bilan, au bout de dix ans, de l'évolution du dispositif : l'octroi de mer constitue en effet une dérogation à la règle de libre circulation des marchandises, dérogation qui s'inscrit dans le cadre de l'article 299 § 2 du Traité de l'Union européenne. Cet article reconnaissant aux régions ultrapériphériques des handicaps structurels nécessitant des dispositifs adaptés, il apparaît normal d'avoir à justifier, de manière régulière, de quelle façon ces dispositifs contribuent à améliorer les économies ultramarines.

-  La reconduction du dispositif de l'octroi de mer n'a pas été acquise immédiatement, le Conseil de l'Union européenne ayant jugé insuffisamment étayée la première demande française. Il a ainsi fallu procéder à un travail technique et statistique considérable afin de rassembler tous les éléments permettant de justifier le maintien de l'octroi de mer.

-  Les seuils d'exonération pour les petites entreprises existaient déjà dans le précédent dispositif et l'objectif du Gouvernement a été de ne pas bouleverser l'économie du système ; il pourrait néanmoins être envisagé, pour remédier à la rigidité d'un tel seuil, de prévoir une possibilité de taxation de ces petites entreprises, sur décision expresse des conseils régionaux.

-  L'élargissement des opérations éligibles au Fonds régional pour le développement de l'emploi est prévu à l'article 48 du projet de loi ; néanmoins, la possibilité de financer des opérations d'équipement dont les collectivités locales sont maîtres d'œuvre était déjà possible à La Réunion, une disposition spécifique en ce sens ayant été adoptée dans la loi de programmation pour l'outre-mer.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE Ier

ASSIETTE, TAUX ET MODALITÉS DE RECOUVREMENT DE L'OCTROI DE MER

chapitre ier

Champ d'application

Article 1er

Opérations taxables

Cet article définit les deux catégories d'opérations qui seront soumises à l'octroi de mer dans les quatre régions d'outre-mer.

D'une part, l'octroi de mer frappe les importations de marchandises dans chaque région d'outre-mer. Il s'agit alors de l'octroi de mer dit « externe ». Cet article substitue le terme « importation » à celui d' « introduction » utilisé dans la loi du 17 juillet 1992, car il s'agit du terme générique utilisé aujourd'hui pour désigner les échanges avec les départements d'outre-mer.

D'autre part, sont également imposables à l'octroi de mer depuis la loi du 17 juillet 1992 les livraisons de biens à titre onéreux : on parle dans ce cas d'octroi de mer « interne ». Cet article ajoute par rapport au texte de 1992 une définition de la notion de livraison, en reprenant celle qui est donnée à l'article 256 II du code général des impôts : la livraison d'un bien est « le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire ».

Le tableau suivant montre que l'essentiel du rendement de l'octroi de mer provient aujourd'hui, dans les quatre régions d'outre-mer, de l'octroi de mer externe. Les chiffres retenus sont les recettes de 2001 et cumulent l'octroi de mer proprement dit et le droit additionnel à l'octroi de mer (qui est une recette des conseils régionaux).

OCTROI DE MER INTERNE

OCTROI DE MER EXTERNE

en €

en %

en €

en %

Guyane

3 976 285

4,1

92 503 909

95,9

Guadeloupe

3 010 817

1,9

159 496 247

98,1

Martinique

4 533 000

2,5

180 158 000

97,5

Réunion

4 805 000

2,2

210 882 000

97,8

Par ailleurs, l'article 1er supprime la possibilité d'assujettissement ouverte par la loi de 1992 aux entreprises réalisant des opérations d'achat-revente (c'est-à-dire non pas des activités de production mais des activités purement commerciales) et dont le chiffre d'affaires était supérieur à 230 000 €. Cette option, qui devait permettre à ces entreprises de déduire l'octroi de mer acquitté sur leurs achats de celui encaissé sur leurs ventes, n'a en effet été utilisée depuis 1992 que de manière très marginale.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 2

Personnes assujetties

Le premier alinéa de l'article 2 donne une définition large de la notion d'assujetti, incluant toute personne effectuant des activités de production à titre indépendant, quel que soit son chiffre d'affaires.

Cet article rend le champ des entreprises d'assujetties beaucoup plus vaste que le champ actuel. En effet, la loi du 17 juillet 1992 ne prévoyait l'assujettissement d'une entreprise à l'octroi de mer qu'à partir d'un certain seuil de chiffre d'affaires (3,5 millions de francs, puis 530 000 €). Les négociations avec la Commission européenne sur l'application de la décision du Conseil de l'Union européenne du 10 février 2004 ont incité à remplacer ce dispositif par un système d'assujettissement et d'exonération des petites entreprises, plus transparent : les petites entreprises ne sont toujours pas redevables de l'octroi de mer, mais elles sont soumises à l'obligation de s'identifier auprès du bureau de douane (article 33).

Le second alinéa reprend la définition des activités de production donnée par la loi du 17 juillet 1992. Cette définition englobe toutes les productions industrielles, agricoles et minières. En revanche, les prestations de services ne sont pas imposables à l'octroi de mer.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 3

Définition des importations

L'importation est définie comme l'entrée sur le territoire d'une région d'outre-mer de marchandises originaires :

-  d'une autre région d'outre-mer,

-  de métropole,

-  d'un État membre de la Communauté européenne,

-  d'un État non membre de la Communauté européenne, si les marchandises n'ont pas été mises en libre pratique. La « mise en libre pratique » est un régime douanier qui permet, après paiement des droits de douane, l'entrée de biens sur le territoire communautaire et leur libre circulation, mais non leur commercialisation. Les marchandises mises en libre pratique ne sont pas assujetties à la tva, car elles ne peuvent pas être vendues. Pour être commercialisées, au contraire, les marchandises doivent avoir fait l'objet d'une « mise à la consommation ».

-  de territoires dépendants d'États européens mais non considérés comme membres de la Communauté européenne, énumérés à l'article 256-0 du code général des impôts (il s'agit par exemple de Ceuta, Melilla, Livigno...).

Cet article rappelle que les régions de Guadeloupe et de Martinique sont considérées à l'égard de l'octroi de mer externe comme un territoire unique, comme le disposait déjà la loi du 17 juillet 1992. Elles constituent également un territoire fiscal unique en matière de tva ou d'accises. Les échanges entre ces deux régions ne sont pas considérés comme des importations (ils ne sont d'ailleurs pas soumis aux formalités de dédouanement lors de leur expédition), et ne sont donc pas imposables à l'octroi de mer externe. Par ailleurs, l'article 3 consacre l'appellation de « marché unique antillais », couramment utilisée dans la pratique pour désigner ce territoire unique.

En revanche, les échanges entre la Guadeloupe et la Guyane, ou entre la Martinique et la Guyane sont considérés comme des importations au sens de cet article, bien qu'ils soient eux aussi exonérés d'octroi de mer externe (article 4).

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 4

Exonération des livraisons à l'exportation

Cet article reprend en partie les dispositions de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1992, selon lequel les livraisons à l'exportation vers la France métropolitaine et les autres États sont exonérées d'octroi de mer interne.

Dans le cas de La Réunion, les livraisons à l'exportation vers les autres régions d'outre-mer sont également exonérées d'octroi de mer interne. En revanche, ces marchandises sont soumises à l'octroi de mer externe lors de leur entrée dans la région de destination. L'exonération des livraisons à l'exportation permet donc d'éviter la double imposition des produits.

En revanche, ne sont pas exonérées d'octroi de mer interne les livraisons effectuées en Guyane pour l'exportation vers la Guadeloupe ou la Martinique, et inversement les livraisons effectuées en Guadeloupe ou en Martinique en vue de l'exportation vers la Guyane. En effet, il n'y a pas de problème de double imposition pour les échanges entre le marché unique antillais et la Guyane, car ceux-ci ne sont plus imposables à l'octroi de mer externe en application de la loi du 17 juillet 1992 (les produits guadeloupéens et martiniquais ne sont plus taxés au moment de l'entrée en Guyane depuis le 1er janvier 1998).

Les deux tableaux suivants permettent de visualiser les cas dans lesquels l'octroi de mer est dû et les cas d'exonération.

OCTROI DE MER INTERNE

Produits
consommés ou
expédiés vers

Fabriqués en

Guyane

Guadeloupe

Martinique

Réunion

Guyane

Oui

Oui

Oui

Non

Guadeloupe

Oui

Oui

Oui

Non

Martinique

Oui

Oui

Oui

Non

Réunion

Non

Non

Non

Oui

OCTROI DE MER EXTERNE

Produits
introduits en

Fabriqués en

Guyane

Guadeloupe

Martinique

Réunion

Guyane

-

Non

Non

Oui

Guadeloupe

Non

-

Non

Oui

Martinique

Non

Non

-

Oui

Réunion

Oui

Oui

Oui

-

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 5

Exonération des petites entreprises

Le premier alinéa de cet article dispose que les livraisons des entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 550 000 € (tva et octroi de mer non compris) sont exonérées d'octroi de mer, comme le permet la décision du Conseil de l'Union européenne du 10 février 2004. Ces dispositions sont voisines de celles de la loi du 17 juillet 1992, qui prévoyait l'assujettissement des entreprises dont le chiffre d'affaires dépassait 3,5 millions de francs (530 000 € depuis l'ordonnance du 22 septembre 2000). Le seuil de 550 000 € est mentionné à l'article 1er de la décision du Conseil de l'Union européenne.

Les petites entreprises représentent une part importante du tissu industriel des départements d'outre-mer, notamment parce que les marchés sont très étroits : près de 90% des entreprises ultramarines emploient moins de dix salariés. Il s'agit souvent d'entreprises à caractère artisanal ou familial. Ces entreprises sont confrontées, du fait de leur taille, à une série de handicaps tels la difficulté de trouver des financements, l'impossibilité de réaliser des économies d'échelle, des moyens insuffisants pour investir dans des matériels modernes et pour assurer la formation des salariés... Dans ces conditions, elles ont souvent une existence assez brève : la moyenne d'âge des entreprises des dom est de douze ans.

L'exonération des petites entreprises leur évite de supporter les contraintes comptables que suppose le paiement de l'octroi de mer, notamment la tenue d'une comptabilité par produit ou d'une comptabilité de la taxe payée sur les achats et de celle perçue par les ventes. Elle permet également de compenser les charges spécifiques liées à l'insularité qui pèsent sur les producteurs locaux, mais l'avantage que cette exonération procure aux produits locaux par rapport aux produits importés est plafonné, en application de la décision du Conseil de l'Union européenne précitée (cf. article 29).

Le seuil de chiffre d'affaires de 550 000 € est relatif aux activités de production. D'une part, cela signifie que les activités purement commerciales d'une entreprise ne sont pas prises en compte dans le calcul de ce chiffre d'affaires. D'autre part, ce seuil concerne la totalité des activités de production d'une même entreprise, et non pas seulement la production d'un bien déterminé. A cet égard, la formulation « le chiffre d'affaires relatif à une activité de production » apparaît ambiguë et pourrait être remplacée par : « le chiffre d'affaires relatif à leur activité de production ». La Commission a adopté un amendement du rapporteur opérant cette clarification (amendement n° 1).

L'article 5 supprime par ailleurs l'option d'assujettissement que la loi du 17 juillet 1992 prévoyait pour les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel était compris entre 300 000 € et 530 000 €. En effet, très peu d'entreprises avaient opté pour cette possibilité qui leur permettait de déduire l'octroi de mer payé sur les achats de celui perçu sur les ventes.

La Commission a rejeté un amendement de M. Victorin Lurel défendu par M. Louis-Joseph Manscour tendant à remplacer l'exonération automatique des petites entreprises par une possibilité d'exonération décidée par les conseils régionaux. Le rapporteur a considéré que cet amendement, qui ne prévoyait aucun encadrement de la possibilité d'exonérer les petites entreprises, comportait donc un risque d'arbitraire.

Le second alinéa de l'article 5 précise le mode de calcul du seuil pour les entreprises qui n'ont exercé une activité de production que pendant une partie de l'année. Le seuil de 550 000 € est ajusté au prorata de la durée d'activité. Par exemple, une entreprise n'ayant exercé son activité que sur les six derniers mois de l'année ne sera exonérée que si son chiffre d'affaires est inférieur à 275 000 €.

La Commission a ensuite adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6

Possibilité d'exonérer certaines importations de marchandises

Cet article reprend en grande partie la liste des exonérations possibles d'octroi de mer externe sur les importations qui avait été fixée par la loi du 17 juillet 1992 : les biens de production mentionnés à l'article 295, 1, 5°, a du code général des impôts, les matières premières, les équipements utilisés pour les missions régaliennes de l'État et les équipements des établissements hospitaliers. Il précise que la première de ces catégories inclut les « matériels d'équipement destinés à l'industrie hôtelière et touristique », reprenant ainsi la formulation de l'article 50 undecies de l'annexe IV du code général des impôts, qui énumère ces matériels.

Cet article ouvre par ailleurs une nouvelle possibilité d'exonération, qui concerne les biens réimportés par la personne qui les a exportés, dans le même état. Il s'agit par exemple des ventes sous réserve d'essais satisfaisants ou des produits renvoyés par le client pour cause de vice caché. Ce type d'importations bénéficiait déjà d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée et de droits de douane, en vertu du régime dit « des retours ». L'exonération d'octroi de mer permet donc de rendre leur régime plus cohérent.

Les produits désignés à l'article 6 sont ceux dont l'importation seule peut être exonérée. Cependant, les conseils régionaux étant libres de fixer les taux d'octroi de mer, ils ont la possibilité de taxer à taux zéro d'autres marchandises importées, à condition d'appliquer le même taux aux éventuels produits locaux similaires (cf. article 27).

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 7

Possibilité d'exonérer certaines entreprises

Cet article donne la possibilité aux conseils régionaux d'exonérer totalement ou partiellement d'octroi de mer certaines entreprises locales dont le chiffre d'affaires annuel pour les activités de production dépasse le seuil de 550 000 € (tva et octroi de mer non compris), c'est-à-dire pour les entreprises qui ne bénéficient pas de l'exonération de droit prévue à l'article 5.

Cette possibilité de fixer un taux zéro ou un taux réduit exclusivement sur les produits locaux était déjà prévue par la loi du 17 juillet 1992. L'article 10 de celle-ci autorisait les conseils régionaux à exonérer totalement ou partiellement certaines productions locales, malgré le principe de l'identité de taux pour les importations et les productions locales quand il s'agit de marchandises similaires. Il disposait également que les exonérations étaient votées pour des catégories de produits, et bénéficiaient donc à toutes les entreprises locales fabriquant les produits en question. L'article 7 apparaissant moins explicite à ce sujet, il conviendrait de le clarifier en précisant que les exonérations concernent toujours des catégories de biens. A cet égard, la Commission a adopté un amendement du rapporteur simplifiant la rédaction des deux premiers alinéas (amendement n° 2).

Il est possible de taxer plus lourdement les produits importés que les produits locaux, par dérogation aux règles communautaires qui interdisent d'opérer des discriminations entre les produits selon leur provenance. La décision du Conseil de l'Union européenne du 10 février 2004 autorise en effet ces différentiels de taxation, sur la base de l'article 299, paragraphe 2 du traité instituant la Communauté européenne, qui permet d'adopter des mesures spécifiques pour les départements français d'outre-mer en raison de leurs contraintes particulières en tant que régions « ultrapériphériques » (« la situation économique et sociale structurelle [...] est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits »). Elle tient également compte de la concurrence des pays « acp » (Afrique-Caraïbes-Pacifique), signataires des accords de Cotonou, dont les exportations entrent sur le territoire de l'Union européenne en exonération de droits de douane. Cette taxation différenciée devrait permettre de préserver la compétitivité des productions locales, et donc le maintien d'activités et d'emplois dans les régions d'outre-mer.

Cette faculté d'exonération est cependant doublement encadrée, en application de la décision du Conseil de l'Union européenne précitée. Cette décision a en effet pris en compte la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, selon laquelle les exonérations doivent avoir un caractère « nécessaire, proportionnel et précisément déterminé »(9). D'une part, l'exonération ne peut être mise en œuvre que sur une liste précise de produits. D'autre part, les écarts de taux ainsi créés entre l'octroi de mer interne et l'octroi de mer externe sur les mêmes catégories de marchandises sont encadrés (cf. article 28).

La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article 8

Franchises de taxe

Cet article reprend les dispositions de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1992, selon lesquelles les importations des régions d'outre-mer bénéficient des franchises de taxes existantes. Ce paragraphe avait été ajouté par un amendement du gouvernement lors de la première lecture du texte à l'Assemblée nationale.

L'application de ces franchises à l'octroi de mer permet d'éviter un problème pratique : l'octroi de mer n'a pas pour objectif de taxer les bagages des touristes ou des domiens qui reviennent de métropole. L'article 196 bis du code des douanes dispose que « les voyageurs qui viennent séjourner temporairement dans le territoire douanier peuvent importer, en franchise temporaire des droits et taxes exigibles à l'entrée, les objets exclusivement destinés à leur usage personnel qu'ils apportent avec eux ». Cet article s'applique donc également à l'octroi de mer.

La valeur maximum de marchandises qui peuvent être importées des pays de la Communauté européenne en franchise de taxes est actualisée : elle est de 880 € pour les voyageurs (contre 820 € précédemment) et de 180 € pour les envois non commerciaux (contre 170 € précédemment).

Comme dans la loi de 1992, il est précisé que ces montants sont réévalués chaque année en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation, afin de prendre en compte l'érosion monétaire. La Commission a adopté un amendement du rapporteur corrigeant la référence à l'indice des prix à la consommation hors tabac (amendement n° 3).

Elle a ensuite adopté l'article 8 ainsi modifié.

Chapitre II

Assiette de l'octroi de mer

Article 9

Base d'imposition

L'article 9 définit la base d'imposition de l'octroi de mer pour chaque catégorie d'opérations imposables. Il se substitue à l'article 4 de la loi du 17 juillet 1992, afin de prévoir une assiette spécifique aux opérations de perfectionnement et de supprimer la réduction de 15 % bénéficiant actuellement aux productions locales.

La base d'imposition de l'octroi de mer sur les importations est inchangée : elle est égale à la valeur en douane des marchandises, définie par les règles communautaires (10) (a) de l'article 9.

Néanmoins, l'octroi de mer sur les importations de marchandises ayant fait l'objet d'une opération de perfectionnement en dehors de la région de taxation n'est calculé que sur la base du prix payé ou à payer au prestataire de la dite opération, et non sur la valeur en douane de la marchandise (c) de l'article 9. Cette disposition étend à l'octroi de mer le régime de réimportation en suite de perfectionnement passif, prévu par l'article 293 du code général des impôts pour le calcul de la tva. Une opération de perfectionnement consiste en une réparation, une transformation, une adaptation, une façon ou une ouvraison faite sur un bien expédié temporairement en dehors de la région de taxation, puis réimporté dans celle-ci.

La base d'imposition de l'octroi de mer sur les livraisons reste égale au prix hors tva (b) de l'article 9, mais la réfaction de 15 % introduite en 1992 pour tenir compte des frais de commercialisation des productions locales est supprimée. Celle-ci est en effet remplacée par le dispositif de différentiel de taux prévu en faveur des productions locales par les articles 28 et 29 du projet de loi. En outre, la déduction des taxes parafiscales n'est plus mentionnée, du fait de la suppression, à compter du 1er janvier 2004, de la parafiscalité.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Chapitre III

Fait générateur et exigibilité de l'octroi de mer

Article 10

Fait générateur et exigibilité de l'octroi de mer sur les importations

L'article 10 modifie les règles d'exigibilité de l'octroi de mer sur les importations, afin de suspendre la taxation des biens placés sous un régime douanier communautaire ou sous un régime d'entrepôt fiscal. Il remplace les dispositions du paragraphe 1 de l'article 5 de la loi du 17 juillet 1992.

Le paragraphe I reprend le principe actuellement en vigueur : l'octroi de mer est exigible dès l'importation du bien. Par cohérence avec les dispositions de l'article premier du projet de loi, la notion d'importation est substituée à celle d'introduction.

Le paragraphe II précise le moment où intervient l'importation. L'exigibilité dès l'entrée des biens dans une région d'outre-mer reste la règle, applicable quelle que soit la provenance des biens. Le projet de loi introduit des exceptions à cette règle : les biens placés sous un régime douanier ou d'entrepôt fiscal ne sont imposés qu'au stade de leur mise à la consommation et non pas dès leur entrée dans la région d'outre-mer.

Les biens placés sous un régime douanier ou d'entrepôt fiscal bénéficient actuellement d'un dispositif de suspension de tva qui a pour objet de reporter à un stade ultérieur l'exigibilité de l'impôt normalement dû. Afin de ne pas léser les marchandises qui viennent de manière temporaire dans une région d'outre-mer, le projet de loi crée, s'agissant de l'octroi de mer, un dispositif similaire pour trois catégories d'opérations.

En premier lieu, ne sont imposés qu'au moment de leur mise à la consommation les biens, importés depuis un État ou un territoire n'appartenant pas à la Communauté européenne, qui ont été placés, au moment de leur entrée dans la région d'outre-mer, sous un régime douanier communautaire (b) du 1° du II de l'article 10). Cette disposition est la reprise des règles d'exigibilité prévues, en matière de tva, par l'article 291 du code général des impôts. Le régime douanier communautaire est défini, comme en matière de tva, par référence à une liste de neuf régimes prévus par les règlements communautaires. Sont visés les régimes suivants : magasins et aires de dépôt temporaire, zone franche, entrepôt franc, entrepôt d'importation, perfectionnement actif, transformation sous douane, transit, admission temporaire en exonération totale.

Après que M. Xavier de Roux eut précisé que le perfectionnement actif constitue un régime de transformation en douane, la Commission a adopté un amendement formel du rapporteur (amendement n° 4), clarifiant le fait que le dispositif de perfectionnement actif et le système de la suspension forment un même régime douanier.

De même, l'exigibilité de l'octroi de mer n'intervient qu'au stade de la mise à la consommation pour les biens, importés depuis la métropole, un État ou territoire faisant partie de la Communauté européenne ou une autre région d'outre-mer, qui ont été placés, au moment de leur entrée, sous un régime d'entrepôt fiscal. L'article 277 A du code général des impôts prévoit cinq régimes d'entrepôt fiscal ouvrant droit à une suspension du paiement de la tva : entrepôt national d'exportation, entrepôt national d'importation, perfectionnement actif national, entrepôt de stockage de biens négociés sur un marché à terme international, entrepôt destiné à la fabrication en « partage ». Le projet de loi aligne, pour des biens placés dans un de ces cinq régimes, les règles de l'octroi de mer sur celles applicables à la tva, et repousse l'exigibilité au stade de la mise à la consommation des biens (première phrase du deuxième alinéa du 2° du II de l'article 10).

Enfin, l'imposition au moment de la mise à la consommation s'applique également aux biens, importés depuis la métropole, un État ou territoire faisant partie de la Communauté européenne ou une autre région d'outre-mer, qui n'ont pas été placés sous un régime douanier, mais remplissent les conditions exigées, s'agissant des biens en provenance de pays tiers, pour bénéficier d'un régime de transit ou d'admission temporaire en exonération totale (dernière phrase du deuxième alinéa du 2° du II de l'article 10). Cette disposition étend donc aux biens en provenance de la Communauté les règles d'exigibilité applicables aux biens en provenance de pays tiers placés en régime de transit ou d'admission temporaire en exonération totale. Elle s'inspire des dispositions prévues par l'article 33 bis de la sixième directive tva 77/388/CEE pour les importations de biens en provenance de territoires, tels que les régions d'outre-mer, faisant partie du territoire douanier de la Communauté, mais exclus de son territoire fiscal.

Le dernier alinéa fixe les règles de territorialité de l'octroi de mer externe, en précisant que les importations sont imposables dans la région sur le territoire de laquelle le fait générateur est intervenu, qu'il s'agisse de l'entrée ou de la mise en consommation des biens.

La Commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Article 11

Fait générateur et exigibilité de l'octroi de mer sur les produits pétroliers

L'article 11 reprend les dispositions du paragraphe 1 bis de l'article 5 de la loi du 17 juillet 1992 qui prévoient, pour les produits pétroliers et assimilés, une imposition au moment de la mise à la consommation. Cette règle, introduite par l'article 20 de la loi de finances rectificative pour 1995 (n° 95-1347 du 30 décembre 1995), s'inspire de celle applicable en matière de taxe intérieure sur les produits pétroliers.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 12

Fait générateur et exigibilité de l'octroi de mer sur les livraisons

L'article 12 maintient les règles d'exigibilité de l'octroi de mer sur les livraisons, prévues par les paragraphes 2 et 3 de l'article 5 de la loi du 17 juillet 1992.

La rédaction proposée par le premier alinéa prend en compte la modification de la définition de la notion de livraison, introduite par l'article premier du projet de loi. Ainsi, le fait générateur de l'octroi de mer interne intervient au moment de la livraison par les assujettis des biens issus de leurs opérations de production au sens large, et non plus des seules opérations de fabrication, de transformation ou de rénovation. En outre, les dispositions particulières actuellement en vigueur en cas d'option d'assujettissement à l'octroi de mer ne sont pas reprises, du fait de la suppression de cette option par l'article premier du projet de loi.

Le dernier alinéa fixe les règles de territorialité en reprenant, sous réserve de modifications rédactionnelles, les dispositions actuellement en vigueur : comme en matière de tva, les livraisons restent imposables à l'octroi de mer à l'endroit où les biens se trouvent au moment du départ de l'expédition ou du transport à destination de l'acquéreur ou au moment de leur délivrance à l'acquéreur en l'absence d'expédition ou de transport. Il est explicitement précisé que cette règle s'applique aux livraisons intervenant sous un régime douanier ou d'entrepôt fiscal, pour lesquels l'article 10 du projet de loi introduit un dispositif de suspension du paiement de l'octroi de mer.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Chapitre IV

Liquidation de l'octroi de mer

Section 1

Dispositions générales

Article 13

Déclarations trimestrielles

En reprenant les dispositions du premier alinéa de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1992, l'article 13 maintient le caractère trimestriel des déclarations servant à la liquidation de l'octroi de mer.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 5) précisant les modalités de liquidation de l'octroi de mer externe, ce qui a rendu sans effet un amendement de M. Victorin Lurel.

La Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Section 2

Déductions

La présente section maintient le régime actuel des déductions applicables à l'octroi de mer. Elle reprend les dispositions de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1992.

Articles 14 à 16

Modalités d'exercice du droit à déduction

L'article 14 pose le principe selon lequel l'octroi de mer qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de l'octroi de mer applicable à cette opération. Ce principe est la reprise des règles applicables à la tva (cf. article 271 du code général des impôts). Il ne peut en réalité s'appliquer à la lettre, car les redevables n'acquittent pas l'impôt opération par opération. Comme ils procèdent à la liquidation de la taxe pour l'ensemble des opérations réalisées au cours d'une période déterminée, ils sont nécessairement conduits à opérer globalement l'imputation de l'octroi de mer qui a grevé l'ensemble des acquisitions de biens réalisées au cours de la même période.

L'article 15 prévoit que le droit à déduction prend naissance lorsque l'octroi de mer déductible est devenu exigible, c'est-à-dire, en application des articles 10 à 12 :

-  pour les biens importés directement mis sur le marché, au moment de leur entrée dans une région d'outre-mer ;

-  pour les biens importés placés en régime douanier ou d'entrepôt fiscal et pour les produits pétroliers, au moment de leur mise à la consommation ;

-  pour les productions locales, au moment de leur livraison.

La déduction de l'octroi de mer est opérée par imputation sur la taxe due par l'assujetti au titre de la période - soit, du fait de caractère trimestriel de la liquidation de la taxe, au titre du trimestre - pendant laquelle le droit à déduction a pris naissance (premier alinéa de l'article 16).

Les délais de déclaration des déductions, actuellement fixés par décret en Conseil d'État, sont précisés par le projet de loi. L'assujetti doit mentionner les déductions dans la déclaration afférente au trimestre au cours duquel celles-ci ont pris naissance. S'il a oublié de mentionner une déduction, l'assujetti peut, au plus tard avant la fin de la deuxième année qui suit, réparer cette omission par une inscription distincte (dernier alinéa de l'article 16). Ces règles reprennent les dispositions de l'article 4 du décret n° 93-201 du 12 février 1993 pris en application de la loi du 17 juillet 1992.

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Articles 17 à 19

Opérations ouvrant droit à déduction

Les opérations ouvrant droit à déduction sont celles visées à l'article premier, c'est-à-dire les importations de marchandises et les livraisons de productions locales (article 17).

Cependant, l'article 18 déroge au principe selon lequel les opérations exonérées n'ouvrent pas droit à déduction, en assimilant aux opérations taxables les opérations qui ont été exonérées en application des 1° à 3° du paragraphe 1 de l'article 4. Il s'agit :

-  des livraisons dans la région de La Réunion de biens expédiés ou transportés hors de cette région par l'assujetti, par l'acquéreur qui n'est pas établi dans cette région ou pour leur compte ;

-  des livraisons dans le territoire du marché unique antillais de biens expédiés ou transportés hors de ce territoire par l'assujetti, par l'acquéreur qui n'est pas établi dans ce territoire ou pour leur compte, à l'exception des livraisons de biens expédiés ou transportés hors de ce territoire à destination de la région de Guyane ;

-  des livraisons dans la région de Guyane de biens expédiés ou transportés hors de cette région par l'assujetti, par l'acquéreur qui n'est pas établi dans cette région ou pour leur compte, à l'exception des biens expédiés ou transportés hors de cette région à destination du territoire du marché unique antillais.

Pour les biens d'investissement affectés à des opérations ouvrant droit à déduction, celle-ci est totale si le montant de ces opérations excède la moitié de l'ensemble des opérations réalisées par le redevable, et nulle dans le cas contraire (paragraphe I de l'article 19).

Le paragraphe II de l'article 19 précise que les véhicules ou engins conçus pour transporter des personnes ou à usage mixte (ainsi que leurs éléments constitutifs, leurs pièces détachées et leurs accessoires) sont exclus du droit à déduction s'ils constituent une immobilisation. En matière fiscale, la notion d'immobilisation recouvre les biens qui sont acquis ou créés par une entreprise, non pour être vendus ou transformés, mais pour être utilisés durablement sous la même forme dans l'entreprise. Toutefois, cette exclusion du droit à déduction ne concerne pas les véhicules routiers comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises, et utilisés par les entreprises pour transporter leur personnel. Cette règle, qui existe également en matière de tva, est destinée à prévenir les distorsions sur le marché du véhicule d'occasion.

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Articles 20 à 22

Justification de l'octroi de mer déductible

Le redevable qui procède à la déduction de l'octroi de mer ayant grevé des biens doit être en mesure de justifier cette déduction. Cette justification est constituée :

-  pour les productions locales, par la mention de l'octroi de mer sur les factures d'achat qui sont délivrées au redevable par les fournisseurs, dans la mesure où ces derniers sont eux-mêmes assujettis et donc légalement autorisés à faire figurer l'octroi de mer sur leurs factures ;

-  pour les importations, par la production par le redevable de documents douaniers qui le désignent comme destinataire réel des biens.

La déduction ne peut être opérée que si le redevable est en possession de la facture ou du document douanier correspondant (premier alinéa de l'article 20). Lorsque cette facture ou ce document font l'objet d'une rectification, le redevable doit apporter les rectifications correspondantes dans ses déductions et les mentionner sur la déclaration qu'il souscrit au titre du trimestre au cours duquel il a eu connaissance de cette rectification (deuxième alinéa de l'article 20).

En principe, les déductions d'octroi de mer régulièrement opérées par un redevable présentent un caractère définitif. Elles peuvent cependant être remises en cause dans certains cas, expressément prévus par l'article 21. Ces révisions des déductions initiales sont appelées « régularisations ». Elles sont possibles dans deux cas :

-  si les marchandises ont disparu : la disparition s'entend de tout événement qui a pour conséquence de distraire le bien de l'actif de l'entreprise et qui est intervenu avant que la marchandise ait reçu l'utilisation en vue de laquelle elle a été acquise. La régularisation n'est pas exigée en cas de destruction des biens - à condition qu'il soit justifié de cette destruction -, qui peut être accidentelle (incendie, inondations ...) ou volontaire (destruction de biens devenus inutilisables en l'état pour l'usage auquel ils étaient destinés) et en cas de vol ou détournement justifiés par le dépôt d'une plainte ;

-  lorsque l'opération pour laquelle les marchandises ont été utilisées n'est pas effectivement soumise à l'octroi de mer.

La régularisation consiste dans le versement au Trésor de la taxe antérieurement déduite.

L'octroi de mer acquitté à l'occasion d'opérations qui sont par la suite résiliées, annulées ou dont les créances sont restées définitivement impayées peut être récupéré par le redevable qui l'a acquitté, par voie d'imputation sur l'octroi de mer dû à raison des ventes ultérieures (article 22). Pour les opérations résiliées ou annulées, la récupération de l'octroi de mer est subordonnée à la rectification de la facture initiale.

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Articles 23 à 26

Modalités de récupération de l'octroi de mer déductible

La récupération, par les assujettis, de l'octroi de mer ayant grevé les biens ouvrant droit à déduction s'opère normalement par voie d'imputation sur l'octroi de mer dû au titre des opérations imposables. Cependant, les crédits d'octroi de mer déductible peuvent, sous certaines conditions, faire l'objet d'un remboursement direct.

Normalement et en priorité, c'est par la voie de l'imputation que doit s'opérer la récupération de l'octroi de mer déductible mentionné sur les déclarations. Cette imputation s'effectue sur la taxe dont l'assujetti est lui-même redevable du chef de ses opérations imposables. Si le montant de la taxe déductible excède le montant de la taxe due, l'excédent est reporté, jusqu'à épuisement, sur la ou les déclarations suivantes (article 23).

Contrairement à la tva pour laquelle le remboursement peut s'appliquer en principe à tous les redevables, l'article 24 limite les cas de remboursement de l'octroi de mer dont l'imputation n'a pu être opérée. Le non remboursement est donc de règle, sauf lorsque l'octroi de mer a grevé l'acquisition de biens d'investissement ou les éléments du prix de produits dont la livraison a été exonérée parce qu'ils ont été expédiés ou transportés dans les conditions prévues aux 1° à 3° de l'article 4 (livraisons de biens aux fins d'exportation par des entreprises locales).

L'article 25 maintient le dispositif de remboursement destiné à favoriser les exportations, en effaçant l'octroi de mer perçu lors de l'importation ou de la production d'une marchandise dans une région d'outre-mer, lorsque cette marchandise est expédiée dans une autre région d'outre-mer ou vers un pays tiers. Les exportateurs peuvent se faire rembourser la taxe qui a grevé l'importation ou la livraison de biens qui sont expédiés hors de La Réunion, de la Guyane ou du marché unique antillais. Ce remboursement est cependant réservé aux personnes qui exercent une activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées (cf. article 256 A du code général des impôts). Il n'est pas applicable aux échanges entre la Guyane et le marché unique antillais que le 4° de l'article 4 exonère de l'octroi de mer. En outre, le projet de loi introduit un délai qui n'est actuellement pas prévu : l'exportation des biens doit intervenir dans les deux ans suivant leur importation ou livraison.

Quel que soit son fondement, le remboursement est accordé sur demande. L'entreprise qui fait une demande de remboursement doit, dès le dépôt de sa demande, réduire son crédit du montant du remboursement demandé. Lorsque le remboursement a été effectué, le crédit remboursé est définitivement annulé (article 26).

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Chapitre V

Taux

Ce chapitre modifie les règles de fixation des taux de l'octroi de mer, afin de transcrire la décision du Conseil de l'Union européenne du 10 février 2004. Il a pour effet de remplacer l'actuel plafonnement des taux assorti d'une liberté d'exonération des productions locales, par une libre fixation du niveau de taxation assortie d'un encadrement des exonérations en faveur des productions locales.

Avant l'article 27

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 6) modifiant l'intitulé du chapitre V.

Article 27

Liberté de fixation des taux et égalité de taxation

L'article 27 donne aux régions d'outre-mer une plus grande liberté dans le choix du niveau de taxation des biens soumis à l'octroi de mer : il supprime le taux maximal (30 %, portés à 50 % pour les alcools) qui s'impose actuellement aux délibérations des conseils régionaux, en application de premier alinéa de l'article 10 de la loi du 17 juillet 1992.

En revanche, l'obligation de taxer au même taux des biens identiques ou similaires appartenant à une même catégorie, qu'ils soient importés ou produits localement, reste la règle. Les seules exceptions à cette règle sont les différences de taxation prévues par les articles 28 et 29.

Les notions de marchandises identiques ou similaires sont empruntées au règlement n° 1224/80 du Conseil de l'Union européenne du 28 mai 1980 relatif à la valeur en douane des marchandises. Selon l'article premier de ce règlement, l'expression « marchandises identiques » désigne des marchandises « qui sont les mêmes à tous égards, y compris les caractères physiques, la qualité et la réputation » nonobstant certaines différences d'aspect mineures. De même, l'expression « marchandises similaires » désigne des marchandises « qui, sans être pareilles à tous égards, présentent des caractéristiques semblables et sont composées de matières semblables ce qui leur permet de remplir les mêmes fonctions et d'être commercialement interchangeables ». Le règlement précise en outre que « la qualité des marchandises, leur réputation et l'existence d'une marque de fabrique ou de commerce sont au nombre des éléments à prendre en considération pour déterminer si des marchandises sont similaires ».

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 28

Différentiels de taux

L'article 28 encadre les possibilités, prévues par l'article 7, d'exonérer des biens produits localement par des personnes dont le chiffre d'affaires est égal et supérieur à 550 000 euros, en introduisant des écarts maxima entre les taux à l'importation et les taux à la livraison. Il transcrit les conditions fixées par la décision du Conseil de l'Union européenne du 10 février 2004.

a)Le dispositif actuellement en vigueur

Les exonérations d'octroi de mer en faveur des productions locales sont régies par les paragraphes 2, 3 et 5 de l'article 10 de la loi du 17 juillet 1992.

Les conseils régionaux peuvent, pour des motifs économiques, exonérer partiellement ou totalement les productions locales. Ils ont une entière liberté dans le choix des produits à exonérer et dans celui du niveau de l'exonération, sous la seule réserve de ne pas imposer différemment des produits appartenant à une même catégorie et de ne pas appliquer, au total, plus de huit taux différents.

La Commission européenne a un droit de regard sur les exonérations décidées par les conseils régionaux, afin d'apprécier leur compatibilité avec les besoins économiques qui les motivent. Ces exonérations doivent être notifiées à la Commission qui en informe ensuite les autres États membres et prend position dans un délai de deux mois. Si la Commission ne s'est pas prononcé dans ce délai, l'exonération est réputée approuvée.

b) Le dispositif prévu

La décision du Conseil de l'Union européenne du 10 février 2004 a prévu d'apporter deux limites aux exonérations de productions locales.

-  Les exonérations ne peuvent concerner que des produits limitativement énumérés

Le Conseil de l'Union européenne considère qu'une taxation différenciée peut être mise en place afin « de rétablir la compétitivité de la production locale et de permettre ainsi le maintien d'activités générant des emplois dans les départements d'outre-mer ». Néanmoins, ce différentiel de taxation doit « se limiter aux mesures qui sont strictement nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis, compte tenu des handicaps de l'ultrapériphéricité ». En conséquence, l'article premier de la décision du Conseil limite les possibilités d'exonération ou de réduction aux produits visés dans une liste annexée. Conformément à la demande circonstanciée de la France, cette annexe classe les produits en fonction de leur vulnérabilité à la concurrence. Trois catégories sont prévues :

-  la partie A de l'annexe liste des produits de base ou pour lesquels un certain équilibre par rapport à la concurrence a été trouvé, ainsi que des productions résultant de politiques de filière conduites avec succès depuis de nombreuses années ;

-  la partie B regroupe des produits subissant une concurrence plus forte en provenance des marchés extérieurs et qui nécessitent souvent des investissements spécifiques pour faire face à cette concurrence ;

-  enfin, les produits figurant dans l'annexe C sont des produits de consommation courante fabriqués en très grande série par des multinationales et vendus dans les départements d'outre-mer à bas prix.

-  Les réductions des taux à la livraison sont encadrées dans des limites définies, en fonction de la vulnérabilité des produits à la concurrence, par rapport aux taux à l'importation

L'application des exonérations ou des réductions de taux ne doit pas avoir pour effet d'apporter un avantage disproportionné aux productions locales. Le Conseil de l'Union européenne estime en effet que « le niveau de taxation doit être adapté de manière à ce que le différentiel de taxation (...) n'ait pour objet que de compenser l'handicap et ne transforme pas [l'octroi de mer] en une arme protectionniste remettant en cause les principes de fonctionnement du marché intérieur ». L'article 2 de la décision du 10 février 2004 introduit donc des écarts maxima entre la taxation à l'importation et la taxation à la livraison. Ces écarts sont transposés par l'article 28 du projet de loi. Ils augmentent en fonction du degré de concurrence à laquelle les produits sont soumis : les produits de la partie A de l'annexe peuvent faire l'objet d'un écart maximal de taux égal à 10 %, différentiel porté à 20 % pour les produits de la partie B et à 30 % pour les produits de la partie C.

TAUX APPLICABLES EN ABSENCE DE PRODUCTEURS LOCAUX
EN DESSOUS DE 550 000 EUROS DE CHIFFRE D'AFFAIRES

Taux
sur les livraisons
(l)

Taux
sur les importations
(i)

Produits figurant dans la partie A de l'annexe

l ≥ i - 10

i

Produits figurant dans la partie B de l'annexe

l ≥ i - 20

i

Produits figurant dans la partie C de l'annexe

l ≥ i - 30

i

Autres produits

l = i

i

TAUX APPLICABLES EN ABSENCE DE PRODUCTEURS LOCAUX
AU DESSUS DE 550 000 EUROS DE CHIFFRE D'AFFAIRES

Taux
sur les livraisons
(l)

Taux
sur les importations
(i)

Produits figurant dans la partie A de l'annexe

0

i

Produits figurant dans la partie B de l'annexe

0

i

Produits figurant dans la partie C de l'annexe

0

i

Autres produits

0

i

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 7) tirant les conséquences de la modification apportée à l'article 5.

La Commission a ensuite adopté l'article 28 ainsi modifié.

Article 29

Majoration des différentiels de taux

L'article 29 prévoit que, lorsqu' une entreprise à chiffre d'affaires inférieur à 550 000 euros intervient sur le marché local, les différentiels de taxation fixés à l'article 28 sont majorés de cinq points.

L'article 5 maintient une exonération de droit en faveur des producteurs à chiffre d'affaires inférieur à 550 000 euros. En présence de producteurs exonérés, les conseils régionaux doivent pouvoir disposer d'une marge de différenciation entre les taux à l'importation et les taux à la livraison, plus large que celle prévue dans le cas contraire. Cependant, le Conseil de l'Union européenne estime que cette marge supplémentaire ne doit pas avoir pour effet de dépasser de plus de cinq points les différentiels applicables en l'absence de producteurs exonérés.

Ainsi, lorsqu'un bien est fabriqué localement par une entreprise située en dessous du seuil de 550 000 euros, la différence entre le taux zéro appliqué à ce bien et le taux applicable à un bien similaire importé peut atteindre 15 points de pourcentage si le bien figure dans la partie A de l'annexe à la décision du 10 février 2004, 25 points s'il figure dans la partie B et 35 points s'il figure dans la partie C. Ces dispositions transposent le paragraphe 3 de l'article premier de la décision du 10 février 2004.

Une disposition spécifique est prévue pour les biens ne figurant pas dans l'annexe. En effet, s'ils ne peuvent pas en principe faire l'objet d'une décision d'exonération prise sur délibération du conseil régional, ces biens bénéficient d'une exonération d'office, lorsqu'ils sont produits par une entreprise locale située en dessous du seuil de 550 000 euros de chiffre d'affaires. L'article 29 instaure donc la possibilité d'appliquer, pour ces biens, un écart maximum de 5 points entre le taux zéro appliqué aux entreprises exonérées de droit et le taux applicable aux importations. Cette disposition transcrit le paragraphe 4 de l'article premier de la décision du 10 février 2004.

L'article 29 a donc pour effet d'instaurer :

-  s'agissant de l'octroi de mer externe, des taux plafonds égaux à respectivement 15, 25 et 35 % pour les biens mentionnés dans les parties A, B et C de l'annexe à la décision du Conseil de l'Union européenne, et à 5 % pour les biens qui ne sont pas mentionnés dans cette annexe ;

-  s'agissant de l'octroi de mer interne applicable aux producteurs situés au dessus de seuil d'exonération, un taux plancher de 5 % pour biens mentionnés dans l'annexe et un taux plafond de 5 % pour les biens non mentionnés dans l'annexe.

TAUX APPLICABLES EN PRÉSENCE DE PRODUCTEURS LOCAUX
EN DESSOUS ET AU DESSUS DE 550 000 EUROS DE CHIFFRE D'AFFAIRES

Taux
sur les livraisons
(l)

Taux
sur les
importations
(i)

Entreprises au dessus
de 550 000 euros
de chiffre d'affaires

Entreprises au dessous
de 550 000 euros
de chiffre d'affaires

Produits figurant dans la partie A de l'annexe

l ≥ i - 10 ≥ 5

0

i ≤ 15

Produits figurant dans la partie B de l'annexe

l ≥ i - 20 ≥ 5

0

i ≤ 25

Produits figurant dans la partie C de l'annexe

l ≥ i - 30 ≥ 5

0

i ≤ 35

Autres produits

l = i ≤ 5

0

i ≤ 5

M. Louis-Joseph Manscour ayant retiré un amendement de M. Victorin Lurel, la Commission a adopté cet article sans modification.

Article 30

Critère de différenciation des taux

Le premier alinéa de l'article 30 précise le critère de différenciation des taux d'octroi de mer : les conseils régionaux doivent déterminer leur taux en fonction des handicaps que supportent les productions locales du fait de leur localisation dans une région ultrapériphérique. Cette règle est la transcription de l'exigence de proportionnalité posée par le Conseil de l'Union européenne : les différentiels de taxation de doivent pas conduire « à excéder d'une manière significative, en termes de prix de revient, les handicaps, supportés par les produits locaux par rapport aux produits provenant de l'extérieur » (décision du 10 février 2004, considérant 14).

Le second alinéa de l'article 30 prévoit un compte rendu sur l'utilisation des possibilités d'exonération ouvertes aux régions d'outre-mer, à travers la transmission au préfet d'un rapport annuel. Celui-ci devra être remis avant la fin du premier trimestre de l'année suivant l'année de mise en oeuvre. Ce rapport se substitue aux notifications que le paragraphe 5 de l'article 10 de la loi du 17 juillet 1992 prévoit pour chaque décision d'exonération.

M. Louis-Joseph Manscour a présenté un amendement de M. Victorin Lurel supprimant l'article 30. Le rapporteur a souligné au contraire l'utilité de cet article, dans la mesure où les exonérations en faveur des productions locales ne sont pas automatiques, mais restent des facultés ouvertes aux conseils régionaux, lesquels ne peuvent y recourir qu'en fonction des handicaps locaux. La Commission a donc rejeté cet amendement, puis adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 8).

La Commission a ensuite adopté cet article ainsi modifié.

Article 31

Égalité de taxation des produits bénéficiant du régime spécial d'approvisionnement

L'article 31 oblige les régions d'outre-mer à appliquer aux produits importés bénéficiant du régime spécifique d'approvisionnement le même taux que celui qu'elles appliquent aux produits similaires fabriqués localement. Cette obligation est la transcription de l'article 2 de la décision du Conseil de l'Union européenne du 10 février 2004.

Prévu par les articles 2 et 3 du règlement (ce) n° 1452/2001 du Conseil de l'Union européenne du 28 juin 2001, le régime spécial d'approvisionnement a pour objet de remédier aux difficultés que rencontrent les départements français d'outre-mer, du fait de leur éloignement, ultrapériphéricité ou insularité, pour s'approvisionner en produits agricoles. L'importation de ces produits depuis un pays tiers se fait en exonération de droit, et leur approvisionnement à partir du reste de la Communauté bénéficie d'une aide calculée en tenant compte des surcoûts d'acheminement, des prix à l'exportation vers les pays tiers et, lorsqu'il s'agit de produits destinés à la transformation ou à des « intrants » agricoles, des surcoûts d'insularité et d'ultrapériphéricité. Une liste annexée au règlement précise les produits concernés.

Appliquer aux biens bénéficiant du régime spécial d'approvisionnement un taux d'octroi de mer externe plus élevé que le taux interne aboutirait à taxer davantage des importations subventionnées, et serait contreproductif. Le Conseil de l'Union européenne a donc écarté, pour les produits bénéficiant du régime spécial d'approvisionnement, toute possibilité de différenciation des taux d'octroi de mer.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Chapitre VI

Redevables de l'octroi de mer

Article 32

Personnes redevables

L'article 32 définit les personnes redevables de l'octroi de mer. Il remplace les dispositions de l'article 7 de la loi du 17 juillet 1992.

Le paragraphe I désigne les personnes redevables en distinguant les importations et les livraisons. Pour les premières, l'octroi de mer est dû par les personnes désignées comme destinataires réels des biens sur la déclaration en douane. Pour les secondes, il est dû, comme en matière de tva (cf. le paragraphe 1 de l'article 283 du code général des impôts), par les personnes qui réalisent les livraisons.

Le paragraphe II précise que la facturation de l'octroi de mer rend la personne émettrice de cette facturation redevable de la taxe. Cette règle, actuellement en vigueur, est la reprise d'une disposition applicable en matière de tva (cf. le paragraphe 3 de l'article 283 du code général des impôts). Le projet de loi apporte une précision nouvelle : l'octroi de mer facturé n'est pas dû s'il résulte d'une erreur commise de bonne foi et corrigée par l'émetteur de la facture et si la taxe n'a pas été répercutée. Cette disposition vise à mettre le droit français en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes selon laquelle « il appartient aux États membres de prévoir, dans leurs ordres juridiques internes, la possibilité de correction de toute taxe indûment facturée, dès lors que l'émetteur de la facture démontre sa bonne foi » (11).

La Commission a adopté cet article sans modification.

Chapitre VII

Obligations des assujettis

Avant l'article 33

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 9) modifiant l'intitulé du chapitre VII.

Article 33

Immatriculation

L'article 33 institue une obligation d'immatriculation. Cette obligation s'applique à toute personne assujettie à l'octroi de mer, c'est-à-dire, en application de l'article 2, à toute personne qui exerce de manière indépendante une activité de production dans une région d'outre-mer.

Bien que leurs livraisons soient exonérées d'octroi de mer en application de l'article 5, les personnes dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 550 000 euros sont obligées de s'immatriculer. Elles sont néanmoins dispensées de produire des déclarations trimestrielles.

En conséquence de l'unification de la gestion de l'octroi de mer au sein de la direction générale des douanes et des droits indirects, l'immatriculation se fait au bureau de douane territorialement compétent.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 34

Facturation

L'article 34 fixe les règles de facturation de l'octroi de mer. Il remplace les dispositions des paragraphes 1 et 2 de l'article 9 de la loi du 17 juillet 1992, en leur apportant des précisions rédactionnelles.

Le paragraphe I maintient l'obligation de délivrer une facture. Cette obligation s'impose à toute personne exerçant de manière indépendante une activité de production dans une région d'outre-mer, dès lors qu'elle livre des biens à une personne exerçant le même type d'activité, et que cette livraison est imposable à l'octroi de mer. Les personnes dont les livraisons sont exonérées doivent donc délivrer une facture.

Le paragraphe II précise les éléments qui doivent figurer sur les factures. Celles-ci sont tenues faire apparaître, pour chaque marchandise, les montants dus (au titre de l'octroi de mer d'une part, et de l'octroi de mer régional d'autre part), le taux d'imposition applicables, ainsi que, élément nouveau, la nomenclature du tarif douanier applicable. Les factures doivent en outre, en cas d'exonération, mentionner explicitement que la livraison est exonérée.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 10) précisant que la mention « livraison exonérée d'octroi de mer » ne concerne que les biens totalement exonérés.

La Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 35

Comptabilité

L'article 35 précise les obligations comptables imposées aux personnes assujetties à l'octroi de mer. Celles-ci sont tenues de tenir une comptabilité faisant apparaître d'une manière distincte les opérations taxées et celles qui ne le sont pas, de conserver cette comptabilité et les pièces justificatives des opérations effectuées et de fournir à l'administration toutes les justifications nécessaires à la fixation des opérations imposables.

Ces obligations reprennent les règles actuellement en vigueur, prévues par les trois derniers paragraphes de l'article 9 de la loi du 17 juillet 1992. Compte tenu du transfert de la gestion de l'octroi de mer à la direction générale des douanes et des droits indirects, elles sont désormais définies par référence au code des douanes et non plus par référence au livre des procédures fiscales. Ainsi, le droit de communication particulier à l'administration des douanes prévu à l'article 65 du code des douanes s'appliquera en matière d'octroi de mer. Notamment, les pièces justificatives devront être conservées pendant trois ans.

La Commission adopté cet article sans modification.

Chapitre VIII

L'octroi de mer régional

Article 36

Octroi de mer au bénéfice des régions

L'article 36 institue, au bénéfice des régions, un octroi de mer régional. Cette disposition s'inscrit dans la continuité de la loi du 17 juillet 1992 précitée, qui prévoyait, dans son article 13, un droit additionnel à l'octroi de mer, lui-même issu de dispositions analogues figurant à l'article 39 de la loi du 2 août 1984.

Cette ressource est essentielle aux régions d'outre-mer puisque, en 2001, le droit additionnel à l'octroi de mer s'est élevé à 47,8 millions d'euros pour la Martinique, 23 millions pour La Réunion, 17 millions pour la Guyane et 40 millions pour la Guadeloupe.

Hormis le changement terminologique qui transforme en octroi de mer régional ce qui était connu auparavant sous le nom de droit additionnel à l'octroi de mer, l'article 36 n'introduit pas de changement de fond dans l'économie du dispositif, puisqu'il maintient ce droit régional comme un droit supplétif qui s'ajoute à l'octroi de mer au bénéfice des communes. Comme le droit actuel, il prévoit en outre une identité de l'assiette entre octroi de mer régional et octroi de mer, une fixation du taux par le conseil régional, et, dans le deuxième paragraphe de l'article, un plafond à 2,5 %. La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur, remplaçant, dans ce paragraphe, un singulier par un pluriel, afin de mieux souligner qu'il pouvait exister, selon les produits, plusieurs taux d'octroi de mer régional (amendement n° 11).

Il ne reprend pas en revanche la distinction figurant à l'article 13 de la loi du 17 juillet 1992, modifié par la loi de finances rectificative pour 1995, qui prévoit une taxation différente des produits exonérés totalement ou partiellement au titre de l'octroi de mer, selon que le droit additionnel régional est supérieur ou inférieur à 1 % (12). L'article 36 s'inscrit dans une logique différente, qui est celle de la décision du Conseil du 10 février 2004 : aussi prévoit-il, dans son troisième paragraphe, que l'addition du taux de l'octroi de mer avec celui de l'octroi de mer régional ne peut conduire à déroger à la règle des écarts de taux entre importations de marchandises et productions locales, telle qu'elle a été édictée aux articles 28 et 29 du projet. Compte tenu de cette contrainte, les conseils régionaux auront donc à opérer un arbitrage entre les taux impartis à l'octroi de mer et celui de l'octroi de mer régional afin que l'ensemble reste dans les limites du droit communautaire.

Pour le reste, l'octroi de mer régional apparaît comme un calque fidèle de l'octroi de mer ; les opérations exonérées sont identiques à celles mentionnées aux articles 4, 5 et 8 pour l'octroi de mer, qui prévoient ainsi les conditions d'exonération de droit des marchandises circulant dans le marché Antilles-Guyane, l'exonération pour les marchandises importées en franchise de taxes et l'exonération pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 550 000 euros.

S'agissant des exonérations facultatives laissées à la libre appréciation des conseils régionaux, prévues aux articles 6 et 7 du projet, l'article 36 prévoit les mêmes modalités d'exonération pour l'octroi de mer régional. Il précise néanmoins que cette décision d'exonération est indépendante de celle que les conseils régionaux seront amenés à prendre pour l'octroi de mer ; ainsi, un conseil régional peut décider, au titre de l'article 6, d'exonérer totalement une production de l'octroi de mer et d'appliquer un taux de 2,5 % pour l'octroi de mer régional.

La Commission a adopté l'article 36 ainsi modifié.

Chapitre IX

Dispositions relatives au marché unique antillais

Article 37

Obligations déclaratives relatives au marché unique antillais

Introduit dans la loi du 17 juillet 1992 à l'article 12, le concept de territoire unique entre les deux départements antillais a été explicité par la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, qui a complété à cet effet la loi du 17 juillet 1992 par trois articles, les articles 1er bis, bis et 15 bis.

Ces trois articles ont permis de créer entre la Martinique et la Guadeloupe un territoire fiscal unique en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'octroi de mer, de droit additionnel à l'octroi de mer et d'accises. En conséquence, les échanges de produits locaux et de produits mis à la consommation ne sont pas soumis aux formalités de dédouanement à l'expédition. En outre, les biens échangés sont taxés dans le département de départ et exonérés à l'arrivée dans le département de destination.

Dans un objectif de suivi des mouvements commerciaux entre les deux départements, l'article 37 du projet de loi a pour objet de préciser les formalités incombant aux entrepreneurs ; il reprend à cet effet la rédaction de l'article 8 bis de la loi du 17 juillet 1992 précitée en imposant, pour chaque mouvement de marchandises importées ou produites en Guadeloupe et expédiées ou livrées en Martinique ou pour chaque mouvement de marchandises importées ou produites en Martinique et expédiées ou livrées en Guadeloupe, une déclaration périodique et un document d'accompagnement.

Le document d'accompagnement a pour objet d'attester que le produit concerné a été fabriqué ou mis à la consommation dans l'autre région. Sa nature a été précisée par un décret de 1995 (13: il peut s'agir, dans le cas d'une livraison, de la facture ou du document en tenant lieu prévu par l'article 289 du code général des impôts ou bien, dans le cas d'une expédition d'une copie de la déclaration en douane établie lors de l'importation, d'une copie de la facture d'achat du bien par l'expéditeur ou, dans le cas d'un produit soumis à accises, d'un titre de mouvement prévu par la réglementation des contributions indirectes.

L'objet de la déclaration est tout autre ; l'article 37 précise, comme le faisait avant lui l'article 8 bis, qu'elle a un caractère périodique, et le décret de 1995 précité lui a donné une valeur mensuelle. Déposée auprès du service des douanes, elle permet le calcul du versement annuel affecté aux collectivités territoriales de la région de destination des marchandises, versement prévu par l'article 15 bis de la loi du 17 juillet 1992 et repris à l'article 38 du projet de loi.

Le dernier alinéa de l'article 37 renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les modalités de la déclaration et le contenu du document d'accompagnement ; s'agissant de dispositions législatives quasiment inchangées par rapport au droit actuel, un tel décret ne devrait pas varier beaucoup dans sa rédaction par rapport à celui de 1995.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 38

Versement annuel
aux collectivités du marché unique antillais

L'article 38 du projet de loi reprend dans sa quasi-totalité, sous réserve de quelques modifications de précision, l'article 15 bis de la loi du 17 juillet 1992 précitée ; il permet ainsi de préciser, pour le marché antillais, les modalités de versement annuel aux collectivités territoriales de la région de destination des marchandises.

Le marché unique antillais instaure, en matière d'octroi de mer, une dérogation par rapport aux règles d'importation et de livraison des marchandises, puisqu'il implique que la production locale d'un dom à destination de l'autre dom soit taxée en priorité au lieu de production. Cette dérogation, décidée d'un commun accord entre les deux conseils régionaux bien avant la loi du 17 juillet 1992 est destinée à l'origine à élargir le marché des entreprises locales et à accroître la concurrence entre elles. Elle n'est pas sans inconvénient puisque, compte tenu des différences de taux d'octroi de mer entre les deux départements et des différences de niveau de consommation, elle peut contribuer à avantager une région au détriment d'une autre.

Pour remédier à des déséquilibres qui pouvaient se révéler à terme trop importants, la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte a introduit un nouvel article 15 bis dans la loi du 17 juillet 1992, prévoyant un versement annuel pour les collectivités territoriales de la région de destination des produits.

L'article 38 se limite alors à reprendre les dispositions de l'article 15 bis, elles-mêmes explicitées par le décret du 6 mai 1995 précité : il est précisé au premier alinéa que le versement porte uniquement sur les produits importés en Martinique ou Guadeloupe et réexpédiés en direction de l'autre département d'outre-mer du marché unique. Le versement ainsi prévu est prélevé, aux termes du deuxième alinéa de l'article, sur les produits de l'octroi de mer perçu dans la région d'importation pour s'imputer sur les produits de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional perçus par la région de destination. Il s'agit donc bien d'un rééquilibrage entre les deux régions. Le versement se fait à la suite des déclarations périodiques prévues à l'article 37 du projet de loi.

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur précisant que le versement opéré entre la région Martinique et la région Guadeloupe est prélevé à la fois sur l'octroi de mer et sur l'octroi de mer régional (amendement n° 12).

Le troisième alinéa renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les modalités de calcul de ce versement ; il précise néanmoins que le calcul repose sur l'application des taux d'octroi de mer et d'octroi de mer régional exigibles à l'importation dans la région d'où sont parties les marchandises. L'assiette de l'octroi de mer est fixée à la valeur en douane des marchandises en cas d'expédition sans transfert de propriété et au prix hors taxe facturé en cas de livraison ; le versement portant uniquement sur des biens importés et non sur des productions locales, il peut paraître curieux de faire référence à des « livraisons » : il s'agit de désigner ainsi des biens qui, introduits dans un département, ne seraient pas réexpédiés immédiatement vers l'autre département d'outre-mer. Dans ce cas là, la valeur en douane n'a plus de signification et il est nécessaire de se référer au prix des livraisons. La distinction entre produits locaux et produits importés et non réexpédiés immédiatement, qui donnent lieu au versement, est établie grâce au document d'accompagnement de la marchandise, prévu à l'article 37. Ce document devra en effet faire apparaître le « code origine » du produit qui permet de connaître son lieu de fabrication ou production.

Sur ce troisième alinéa, la Commission a adopté un amendement corrigeant une erreur de référence pour le renvoi à l'article sur les dispositions réglementaires (amendement n° 13).

L'avant-dernier alinéa précise que les taux applicables pour le calcul du versement sont ceux en vigueur au 31 décembre de l'année au titre de laquelle le versement intervient.

Le dernier alinéa apporte une précision relative au calendrier de la procédure de versement en indiquant que celui-ci intervient un an au plus tard après la date à laquelle a été réalisée l'expédition ou la livraison de marchandises dans la région de destination.

La Commission a adopté l'article 38 ainsi modifié.

Article 39

Sanctions pour défaut de déclaration périodique

L'article 39 détermine les procédures de sanctions applicables par les services des douanes en cas de non-respect des obligations déclaratives prévues à l'article 37 du projet de loi. Ces procédures, spécifiques au marché antillais, sont reprises à l'identique de celles décrites dans la loi du 17 juillet 1992 à l'article 15 ter, sous réserve de l'actualisation des montants en euros.

Aux termes de cet article, le défaut de production dans les délais fixés par voie réglementaire de la déclaration prévue à l'article 37 est passible d'une amende de 750 €, portée à 1 500 € lorsque l'intéressé n'a pas produit la déclaration dans les trente jours suivant une mise en demeure. En outre, toute omission ou inexactitude dans la déclaration est passible d'une amende de 15 €, sans que le total ne puisse excéder 1 500 €.

La mise en œuvre de ces sanctions a pour objectif de parvenir, par le biais des déclarations périodiques exactes, au calcul du versement prévu à l'article 38 correspondant le plus fidèlement possible aux mouvements de marchandises entre Guadeloupe et Martinique.

Les deux derniers alinéas de l'article précisent les procédures d'opposition et de contestation de l'amende, ainsi que l'administration compétente pour la recouvrir : un délai de trente jours est ainsi laissé au redevable à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître la sanction, les motifs de la sanction et la possibilité de présenter des observations dans le délai susmentionné. La mise en recouvrement ne peut intervenir qu'après ce délai de trente jours.

L'amende est prononcée par l'administration des douanes, et recouvrée selon les mêmes modalités que celles prévues en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; son contentieux obéit aux mêmes règles : le projet de loi n'apporte aucune innovation en la matière puisqu'il se limite à reprendre sur ce sujet la même rédaction que l'article 15 ter actuel.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 40

Renseignements demandés par les agents des douanes

Comme le précédent article, l'article 40 reprend dans une rédaction presque identique les quatre derniers alinéas de l'article 15 ter de la loi du 17 juillet 1992.

Aux termes de cet article, les agents des douanes, dont la compétence pour la vérification des déclarations périodiques a été reconnue à l'article 39, sont autorisés à demander aux personnes intéressées des renseignements et documents destinés à vérifier la véracité de leur déclaration. Le délai de réponse, fixé dans la demande de renseignement elle-même, ne peut toutefois être inférieur à cinq jours à compter de la demande. En sus des demandes de renseignements, il est prévu également que l'administration des douanes puisse procéder par convocation. La personne ainsi convoquée peut se faire représenter et son audition donne lieu à procès-verbal

Le défaut de convocation, le refus de réponse à une demande de renseignement ou la non-remise des documents nécessaires à l'établissement de la déclaration périodique est passible d'une amende de 1 500 € ; les modalités de mise en recouvrement de cette amende sont identiques à celles prévues à l'article 39 pour le défaut de déclaration, puisqu'elles relèvent de la responsabilité de l'administration des douanes. Le contentieux de l'amende est en outre soumis aux mêmes garanties, sûretés et privilèges que ceux prévus pour la taxe sur la valeur ajoutée.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Chapitre X

Contrôle, sanctions et recouvrement

Avant l'article 41

La Commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur complétant l'intitulé du chapitre X du projet de loi par une référence explicite à l'octroi de mer (amendement n° 14).

Article 41

Administration compétente

L'article 41 détermine les modalités de constatation, de contrôle et de recouvrement de l'octroi de mer.

La rédaction retenue se démarque de celle adoptée en 1992 : la loi du 17 juillet 1992, dans son article 15, opérait en effet une distinction entre l'octroi de mer interne, de la compétence de la direction générale des impôts, et l'octroi de mer externe qui relevait de l'administration des douanes. Le premier se référait au contentieux et règles de recouvrement applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée, le second faisait référence aux droits de douane.

Afin de faciliter les démarches des entreprises, l'article 41 du projet de loi procède à une harmonisation bienvenue des deux régimes d'octroi de mer, en confiant à la direction générale des douanes et droits indirects l'ensemble des opérations de gestion, contrôle et recouvrement de l'octroi de mer et octroi de mer régional. Il se réfère, pour les règles applicables, à celles en vigueur dans le code des douanes.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 42

Sanctions en matière de recouvrement de l'octroi de mer

Dans la continuité du précédent article, l'article 42 opère une actualisation du code des douanes permettant de tenir compte de la pleine compétences de la direction générale des douanes en matière d'octroi de mer ; à cette fin, il complète l'article 411 du code des douanes par une disposition explicite à l'octroi de mer. Un tel ajout ne modifie pas fondamentalement le régime des sanctions applicables en matière de fraude à l'octroi de mer, dans la mesure où l'article 15 de la loi du 17 juillet 1992 renvoyait déjà, de manière générale, au code des douanes pour ce qui concernait les infractions applicables.

Néanmoins, il est apparu souhaitable de faire apparaître plus explicitement le régime des sanctions applicables à l'octroi de mer : serait ainsi passible d'une amende comprise entre une et deux fois le montant des droits et taxes toute manœuvre ayant pour but ou pour résultat de faire bénéficier indûment son auteur ou un tiers d'une exonération, d'un dégrèvement, d'une déduction, d'un remboursement ou d'une taxe réduite prévus en ce qui concerne l'octroi de mer et l'octroi de mer régional.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 43

Prélèvement au profit de l'État

Aux termes de cet article, il est précisé que l'État perçoit sur le produit de l'octroi de mer un prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement égal à 2,5 % dudit produit. Ce taux correspond aux frais engagés par l'État pour la mise en recouvrement des impôts locaux dans les départements d'outre-mer, et s'apparente aux frais d'assiette et de recouvrement prévus au paragraphe II de l'article 1641 du Code général des impôts, qui retient, pour les contributions directes générales établies au profit des collectivités locales, un taux de 4,4 %.

Les dispositions de l'article 43 sont une reprise du précédent article 14 de la loi du 17 juillet 1992 : il avait été décidé à l'époque de mettre fin à un régime où ce taux était fixé par voie réglementaire, avec des variations importantes selon les régions, puisqu'il était de 1,32 % à La Réunion et 9,83 % en Guyane. L'Assemblée nationale et le Sénat avaient finalement retenu, en dépit des réserves du Gouvernement, un taux de 2,5 %, soit de moitié inférieur à celui qui était proposé dans le projet de loi initial.

Par souci de pragmatisme, le présent projet maintient ce taux de 2,5 % et supprime le gage sur les tabacs inscrit en 1992 pour compenser la perte de recettes induite par une réduction de taux de 5 à 2,5 %, gage qui n'avait pas été levé par le Gouvernement de l'époque.

La Commission a examiné un amendement de M. Victorin Lurel défendu par M. Louis-Joseph Manscour, réduisant le taux du prélèvement au profit de l'État de 2,5 à 1,5 %. Après avoir observé que ce taux de 2,5 % était déjà inférieur à celui prélevé par l'État sur les quatre taxes directes locales, qui est de 4,4 %, le rapporteur a estimé qu'il était peu souhaitable de réduire encore un taux déjà faible au moment où la charge incombant à l'État du fait de la réforme de l'octroi de mer allait s'alourdir.

La Commission a donc rejeté cet amendement, avant d'adopter cet article sans modification.

Chapitre XI

Dispositions diverses

Article 44

Exclusion de l'octroi de mer de la base d'imposition de la T.V.A

L'article 44 précise que l'octroi de mer n'est pas compris dans la base d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée.

Par rapport à la rédaction de l'article 11 de la loi du 17 juillet 1992 précitée, le projet de loi ajoute une référence à l'article 292 du Code général des impôts ; l'exclusion de l'octroi de mer de la base d'imposition de la tva constitue désormais non seulement une dérogation à l'article 267 du cgi, qui précise que « les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature, à l'exception de la tva elle-même » sont comprises dans la base d'imposition de la tva, mais également une dérogation à l'article 292 du même code, qui inclut dans la base d'imposition des biens importés tous les impôts, droits, prélèvements et autres taxes qui sont dus en raison de l'importation, à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que le principe d'exclusion de l'octroi de mer de la base d'imposition de la tva s'appliquait également à l'octroi de mer régional (amendement n° 15).

Elle a ensuite adopté l'article 44 ainsi modifié.

Article 45

Répercussion de l'octroi de mer
sur le prix de vente de l'électricité

L'article 45 du projet de loi reprend dans une rédaction identique le deuxième alinéa de l'article 11 de la loi du 17 juillet 1992 ; il s'agit de prévoir une dérogation aux dispositions de l'article 6 de la loi du 11 juillet 1975 relative à la nationalisation de l'électricité dans les départements d'outre-mer, qui prévoit que : « Les tarifs de vente de l'énergie électrique en haute tension ou en basse tension dans les départements d'outre-mer seront progressivement alignés sur ceux de la métropole, l'unification totale devant être réalisée dans un délai maximum de sept années. »

Le projet de loi, reprenant ainsi les dispositions antérieures, permet à Électricité de France, en dépit des objectifs affichés par la loi du 11 juillet 1975, de tenir compte spécifiquement du montant de l'octroi de mer dans les prix de vente de l'électricité dans les départements d'outre-mer.

La Commission a adopté cet article sans modification.

TITRE II

AFFECTATION DU PRODUIT DE L'OCTROI DE MER

Article 46

Répartition du produit de l'octroi de mer

L'article 46 précise les modalités de répartition du produit de l'octroi de mer dans chacune des régions d'outre-mer. Par rapport aux dispositions prévues à l'article 16 de la loi du 17 juillet 1992, il n'introduit aucune modification de fond mais procède à des actualisations techniques.

En 1992, le débat sur la répartition du produit de l'octroi de mer avait occupé une place importante, puisqu'il était proposé, non plus un versement intégral du produit aux communes, mais une répartition entre deux dotations, la première destinée aux collectivités territoriales, l'autre à un fonds régional pour le développement de l'emploi.

Près de quinze ans plus tard, l'existence d'un tel fonds ne parait plus devoir être remis en question, tant il parait évident que l'octroi de mer doit également être un outil au service du développement des économies ultramarines. C'est la raison pour laquelle le projet de loi s'en tient sur cette question au statu quo en reprenant les clés de répartition du produit de l'octroi de mer arrêtées en 1992.

L'article 46 précise ainsi que la répartition du produit de l'octroi de mer se fait après le prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement prévu par l'article 43, d'un montant de 2,5 %. Le produit restant est réparti entre :

-  d'une part, une dotation globale garantie, dont le montant annuel est égal au montant de l'année précédente, majoré d'un indice égal à la somme du taux d'évolution de la moyenne annuelle du prix de la consommation hors tabac des ménages et du taux d'évolution du produit intérieur brut en volume ;

-  d'autre part, pour le solde, d'une dotation affectée au fonds régional pour le développement de l'emploi.

L'article 46 réaffirme ainsi, en reconduisant les mêmes modalités de répartition, le caractère prioritaire de la dotation globale garantie, puisque le fonds régional pour le développement de l'emploi ne constitue que le solde du produit. Il maintient également, au sein de la dotation globale garantie, une exception pour la Guyane, le produit de la dotation dans cette région étant réparti entre les communes et le département. Pour les autres départements d'outre-mer, l'intégralité de la dotation est versée aux communes.

Comme l'article 16 de la loi du 17 juillet 1992 avant lui, l'article 46 prévoit également le cas où l'évolution du produit de l'octroi de mer serait inférieur au montant de la dotation globale garantie de l'année précédente : dans ce cas, la dotation globale garantie de l'année en cours est réduite à due concurrence et le solde réservé au Fonds régional de développement pour l'emploi est nul.

Compte tenu du dynamisme des bases de l'octroi de mer, un tel scénario ne s'est jamais produit ; le montant de la part affectée à la dotation globale garantie et au Fonds régional de développement pour l'emploi est retracé dans le tableau suivant :

bilan octroi de mer par département d'outre-mer

en euros

Produit de l'octroi de mer

Dotation aux communes

Dotation au département

Montant affecté au frde

Départements

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

Guyane

76 190 663

79 286 101

44 223 610

46 213 691

23 182 740

24 884 295

8 154 314

8 188 115

Guadeloupe

130 998 373

135 516 200

113 490 727

133 690 262

9 122 438

7 380 113

Martinique

140 644 853

146 871 063

133 813 476

139 835 084

6 831 377

7 035 979

Réunion

230 209 947

248 915 417

184 383 133

192 680 374

24 333 771

33 229 359

Source : Ministère de l'outre-mer.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 47

Répartition de la dotation globale garantie

Cet article précise les modalités de répartition de la dotation globale garantie entre les communes et, en Guyane, entre celles-ci et le département. Il reprend la solution déjà retenue en 1992 à l'article 17 de la loi du 17 juillet, consistant d'une part à maintenir en vigueur les modalités appliquées à la date de publication de la loi, et, d'autre part, à prévoir leur modification par décret pris sur proposition du conseil régional.

Les modalités actuelles de répartition sont diverses selon les régions ; leur nature juridique est également variée puisqu'elles peuvent avoir été fixées par décret, ou émaner de délibérations des conseils régionaux. Cette diversité tient aux dispositions de l'article 17 de la loi du 17 juillet 1992, elles-mêmes reprises de l'article 38 de la loi du 2 août 1984, qui accordent aux conseils régionaux un pouvoir de proposition ; à compter de la transmission de cette proposition au représentant de l'État, le Gouvernement dispose d'un délai de deux mois pour prendre un décret en ce sens. À l'issue du délai, et en l'absence de décision contraire du Gouvernement, la proposition du conseil régional vaut délibération applicable.

Ainsi, s'agissant de la Guadeloupe, les modalités ont été fixées par le décret n° 78-990 du 21 septembre 1978 et le décret n° 99-1059 du 15 décembre 1999 : aux termes de ces deux textes, il apparaît que 96 % de la dgg est réparti en fonction de la population des communes ; 4 % est distribué à des communes ayant signé avec le conseil régional des chartes de développement communal (2003 : 9 communes).

Pour la Martinique, il s'agit du décret n° 75-1286 du 29 décembre 1975, qui prévoit une répartition pour 90% au prorata de la population, 5 % à part égale entre toutes les communes et 5 % à part égale entre les communes ayant des centimes inférieurs à 100 F par habitant.

La Réunion a vu ses modalités de répartition fixées par le décret n° 91-964 du 19 septembre 1991 : 17 % de la dgg est répartie également entre les communes, 36 % au prorata de la population et 47 % au prorata des dépenses de fonctionnement et des 2/3 des dépenses d'investissement.

Il n'existe pas de texte pour la Guyane, une délibération du conseil régional étant applicable. En pratique la répartition est effectuée au prorata de la population, à hauteur seulement de 65 % de la dgg puisque 35 % sont attribués au département.

L'article 47 se limite à reconduire, dans son premier alinéa, les modalités de répartition en vigueur à la date du 1er août 2004, date de mise en application de la loi. Il reprend également la procédure de modification particulière régissant les modalités de répartition de la dotation globale garantie, avec le caractère supplétif de la proposition des conseils régionaux par rapport au pouvoir réglementaire.

Le deuxième alinéa confirme les spécificités de la Guyane en matière de répartition de l'octroi de mer en réservant 35 % de la dotation globale garantie au département.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 48

Fonds régional pour le développement de l'emploi

Innovation de la loi du 17 juillet 1992, le Fonds régional pour le développement de l'emploi était destiné à l'origine à rénover le dispositif de l'octroi de mer par un soutien dynamique aux économies des départements d'outre-mer. Ainsi que le notait M. Guy Lordinot, rapporteur pour la commission des Lois de la loi du 17 juillet 1992 : « permettre qu'une partie du produit de l'octroi de mer soit utilisée pour soutenir des actions de développement constitue à l'évidence une utilisation, à la fois plus positive et plus dynamique, des vertus économiques de cette taxe. L'esprit, sinon la lettre de la décision du Conseil des communautés impose de ne plus voir en l'octroi de mer un simple dispositif de protection passive de l'économie locale mais, au contraire un outil actif au service de celle-ci, géré par l'institution régionale. »

L'article 16 de la loi du 17 juillet 1992 prévoit donc à cet effet que le fonds est alimenté par le solde du produit de la taxe de l'octroi de mer, après affectation à la dotation globale garantie aux communes. Les recettes du Fonds sont inscrites au budget de la région, qui décide par voie de délibération des affectations aux communes après consultation du Conseil économique et social régional, selon une périodicité annuelle. Ces recettes sont destinées à des subventions aux investissements des communes et des établissements publics de coopération intercommunale facilitant l'installation d'entreprises et la création d'emplois dans le secteur productif ou contribuant à la réalisation d'infrastructures publiques nécessaires au développement des entreprises.

En dépit des objectifs affichés, les résultats n'ont pas été à la hauteur des espérances : mis en place progressivement entre 1995 et 1999, le Fonds a été confronté à des obstacles juridiques et pratiques, du fait notamment d'une absence de réel encadrement du mécanisme de report des crédits disponibles au titre des dotations annuelles du frde.

La loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer a tenté d'apporter une première réponse à cette sous-consommation des crédits en élargissant les critères d'éligibilité au Fonds. La nouvelle rédaction proposée a tout d'abord étendu les catégories de bénéficiaires de subventions du Fonds : les établissements publics de coopération intercommunale ont ainsi été reconnus destinataires de sommes prélevées sur le Fonds. Dans le même temps, la loi a permis l'attribution de subventions destinées à financer des infrastructures publiques nécessaires au développement des entreprises, alors qu'auparavant seuls étaient concernés les projets dans le secteur productif.

En dépit de cette modification législative, le Fonds régional reste encore sous-utilisé : il a ainsi été souligné auprès du rapporteur la difficulté pratique que rencontrent manifestement les communes pour s'imprégner de manière significative de ce système et de définir de véritables projets de développement économique et d'emploi dans le secteur productif. Cette sous-consommation apparaît dans le tableau suivant :

UTILISATION DES FRDE

Guyane

Martinique

Réunion

1997

1998

1999

1997

1998

1999

1997

1998

1999

Montant de la dotation

13 400 000
(1)

13 305 000
(1)

18 394 000
(1)

45 542 717 
(2)

43 399 084
(2)

52 962 888
(2)

79 501 972
(2)

27 072 551 
(2)

37 631 284
(2)

Montant des engagements

1 153 000

3 804 000

3 376 000

6 046 162

12 068 182

52 962 888

17 172 389

5 636 329
(+ 3 681 679
sur frde 95)

30 914 486
(+ 23 008 134
sur frde 95)

En % de la dotation

8,6 %

28,6 %

18,4 %

13,3 %

27,8 %

100 %

21,6 %

20,8 %

82,2 %

Montant payé par le comptable

1 295 000

2 191 000

1 005 000

2 143 633

7 565 786

31 390 916

6 475 269

22 286 237

11 877 468

En % de la dotation

9,7 %

16,5 %

5,5 %

4,7 %

17,4 %

59,3 %

8,1 %

82,3 %

31,6 %

Montant disponible par rapport à :

-  l'engagement

12 247 000

9 501 000

15 018 000

39 496 555

31 330 902

0

62 329 583

21 436 222
(hors frde 95)

6 716 798
(hors frde 95)

-  au mandatement

12 105 000

11 114 000

17 389 000

43 399 084

35 833 298

21 571 972

73 026 703

4 786 314

25 753 816

(1) : Inscrite au budget.

(2) : Encaissée.

(3) : Ministère de l'outre-mer. Les chiffres pour la Guadeloupe ne sont pas disponibles.

L'article 48 du projet de loi s'attache, dans son premier paragraphe, à rénover les procédures de consommation des crédits du frde en élargissant les opérations éligibles. Il s'inspire de la rédaction actuelle, qui fait référence aux subventions aux investissements des communes et de leurs groupements facilitant l'installation d'entreprises et la création d'emplois dans le secteur productif ou contribuant à la réalisation d'infrastructures publiques nécessaires au développement des entreprises ; il en élargit cependant le contenu puisqu'il n'est plus fait référence qu'au développement économique ; la mention relative au secteur productif est supprimée.

Surtout, l'article 48 ajoute, dans un b) une deuxième voie de consommation des crédits du frde par le financement d'infrastructures et d'équipements publics contribuant au développement économique, à l'aménagement du territoire et au désenclavement économique sous maîtrise d'ouvrage de la région, du département ou de syndicats mixtes. Il s'agit donc de permettre aux collectivités locales de financer des projets dont elles ont la maîtrise, ce qui devrait faciliter le montage d'opérations.

La rédaction ainsi proposée reprend une disposition introduite dans la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 : à l'initiative de M. André Thien-Ah-Koon, a en effet été adopté un amendement élargissant les modalités de recours au frde pour le seul département de La Réunion. Le débat en séance avait fait apparaître la nécessité de procéder à une réflexion globale sur les conditions d'utilisation des crédits du frde, mais l'amendement avait été adopté en l'état, sous réserve d'une réflexion plus approfondie lors de l'examen du projet de loi relatif à l'octroi de mer.

La rédaction proposée pour l'article 48 ajoute, par rapport au dispositif adopté pour La Réunion, une référence aux projets conduits par le département. Il introduit également une limitation à la ventilation des crédits entre subventions aux entreprises, prévues au a) et projets menés par les collectivités locales, inscrits au b) en indiquant que les premières doivent représenter au minimum 60 % du montant total du fonds. Cette limitation marque la volonté de privilégier les projets favorables au développement économique et à l'emploi ; elle est toutefois limitée dans le temps puisque le ratio est mis en place jusqu'au 31 décembre 2007 seulement.

La rédaction retenue confirme, comme l'avait fait la loi du 17 juillet 1992 avant elle, que les subventions ainsi accordées sont cumulables avec celles dont peuvent bénéficier les communes, les établissements publics de coopération intercommunale, les régions, les départements et les syndicats mixtes de la part de l'État ou d'autres collectivités publiques, ou au titre des fonds structurels européens.

L'article 48 innove par rapport à la loi du 17 juillet 1992 en obligeant les bénéficiaires des aides, dans les trois mois qui suivent l'achèvement du projet, à transmettre un rapport de réalisation des investissements financés par le fonds.

Enfin, les deux derniers paragraphes de l'article 48 codifient dans le code général des collectivités territoriales les procédures de consultation du Conseil économique et social régional sur les orientations retenues pour les interventions du fonds, ainsi que l'obligation de remise d'un rapport annuel par le conseil régional sur l'utilisation du fonds.

La Commission a adopté cet article sans modification.

TITRE III

DISPOSITIONS FINALES

Article 49

Exonération de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin

Cet article confirme l'exonération d'octroi de mer des communes de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, qui en bénéficient depuis la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Il reprend une disposition de la loi du 17 juillet 1992 qui avait été introduite par un amendement de MM. Lordinot et Raoult lors de la première lecture du texte à l'Assemblée nationale.

Cette exonération était motivée par le fait que ces deux îles bénéficient historiquement d'un régime de zone franche qui a fortement contribué à leur développement économique. L'exonération fiscale et douanière leur a été accordée par le traité franco-hollandais de 1648 pour Saint-Martin et le traité franco-suédois du 10 août 1877 pour Saint-Barthélemy. Elle a été confirmée depuis par d'autres traités (convention du 28 novembre 1839), des arrêtés du gouverneur de la Guadeloupe (11 février 1850, 9 octobre 1862, 21 novembre 1878, 16 décembre 1881, 14 août 1882, 19 janvier 1891), le décret du 27 décembre 1947 relatif au commerce et aux douanes et enfin deux décrets du 30 mars 1948 relatifs aux impôts directs. Ce régime a également été reconnu dans le code douanier européen, à la demande de la France, en 1992.

Les communes de Saint-Barthélemy et Saint-Martin continueront cependant à recevoir une partie du produit de l'octroi de mer perçu en Guadeloupe, car le titre II de la loi leur sera applicable. Le versement de cette dotation a permis de compenser en partie l'absence d'impôts locaux à Saint-Barthélemy (à l'exception d'un droit de quai spécifique sur les importations) et la faiblesse des recettes fiscales à Saint-Martin. Il se justifiait jusqu'à présent par l'appartenance de ces deux communes au département de la Guadeloupe. Il convient cependant de rappeler que, à la suite de l'approbation du référendum du 7 décembre 2003 relatif à l'évolution statutaire de ces deux îles, celles-ci devraient être érigées en collectivités d'outre-mer séparées de la Guadeloupe et régies par l'article 74 de la Constitution.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 50

Décret d'application

Cet article prévoit qu'un décret précisera les modalités d'application de certaines dispositions de la loi, concernant notamment le droit à déduction, les obligations déclaratives, le rapport sur les exonérations d'octroi de mer sur les productions locales (article 30) et le calcul du versement annuel en Guadeloupe et en Martinique (article 38).

Cet article précise par ailleurs que ce décret désignera l'autorité administrative habilitée à fixer les modalités de déclaration pour les échanges de marchandises entre la Guadeloupe et la Martinique, en application de l'article 37. Cette disposition est une source de complexité, puisqu'elle prévoit un acte réglementaire séparé pour fixer les modalités d'application d'un seul article.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur qui simplifie la rédaction de cet article en ne prévoyant qu'un seul acte réglementaire d'application pour l'ensemble de la loi (amendement n° 16), puis elle a adopté l'article 50 ainsi modifié.

Article 51

Abrogation de la loi du 17 juillet 1992

L'article 51 précise que les dispositions de la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992, qui fixe actuellement le régime de l'octroi de mer, sont abrogées à partir du 31 juillet 2004. Cette loi avait mis le droit français en conformité avec la décision du Conseil de l'Union européenne du 22 décembre 1989 relative à l'octroi de mer dans les départements français d'outre-mer, qui devait s'appliquer jusqu'au 31 décembre 2002. Le régime dérogatoire autorisé par cette décision a cependant été prorogé jusqu'au 31 décembre 2003, puis jusqu'au 31 juillet 2004, afin de permettre au Conseil de l'Union européenne d'adopter une nouvelle décision se substituant à la précédente et de laisser un délai à la France pour adopter une nouvelle législation conforme à cette décision.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant une référence à la loi du 17 juillet 1992 dans le code général des collectivités territoriales, compte tenu de l'abrogation de cette loi par l'article 51 du projet (amendement n° 17). Elle a ensuite adopté l'article 51 ainsi modifié.

Article 52

Entrée en vigueur de la nouvelle législation

L'article 52 prévoit que la nouvelle loi entrera en vigueur à partir du 1er août 2004, en même temps que la nouvelle décision du Conseil de l'Union européenne relative à l'octroi de mer adoptée le 10 février 2004, dont cette loi fait l'application.

La Commission a adopté cet article sans modification.

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La Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter le projet de loi (n° 1518), relatif à l'octroi de mer, modifié par les amendements figurant au tableau comparatif ci-après.

1 () Métropole : 12,8 0/00 ; Guadeloupe : 18 0/00 ; Martinique : 16 0/00 ; Réunion : 21 0/00 ; Guyane : 31,8 0/00.

2 () La loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 a apporté un début de réponse à ce problème en instituant une dotation destinée à améliorer l'adressage des communes.

3 () Le montant estimé du soutien à la production locale varie de 50 millions € (en Guyane) à 110 millions € (à La Réunion).

4 () Tel est le cas par exemple des industries agricoles et alimentaires à la Martinique, de l'industrie du bois et du papier en Guadeloupe ou des biens d'équipement mécanique en Guyane.

5 () Il s'agit des industries agricoles et alimentaires, de l'agriculture, sylviculture et de la pêche, des biens d'équipements mécaniques et de l'industrie des produits minéraux pour la Martinique ; de l'industrie du bois et du papier, des industries agricoles et alimentaires, des biens d'équipements mécaniques, de l'habillement et du cuir pour la Guadeloupe ; de l'agriculture, sylviculture et pêche, des industries agroalimentaires, du bois et papier et des biens d'équipements mécaniques pour la Guyane.

6 () Le droit additionnel à l'octroi de mer (DAOM) avait été institué par la loi du 2 août 1984, au profit des régions. Celles-ci pouvaient créer un droit additionnel à un taux maximum de 1 %. Les quatre régions d'outre-mer ont utilisé cette possibilité et mis en place un DAOM au taux de 1 %.

7 () Décision du Conseil du 20 juin 2002 relative au régime de l'impôt AIEM applicable aux îles Canaries.

8 () Un tableau retraçant cette sous-consommation des crédits figure dans la deuxième partie du rapport pour le commentaire de l'article 48.

9 () Arrêt Chevassus-Marche, du 19 février 1998.

10 () Cf. règlement n° 1224/80 du Conseil de l'Union européenne du 28 mai 1980 relatif à la valeur en douane des marchandises

11 () CJCE, arrêt Genius Holding BV contre Staatssecretaris van Financiën du 13 décembre 1989.

12 () La loi de finances rectificative a prévu de façon rétroactive qu'à compter du 1er janvier 1994, lorsque le taux du droit additionnel régional à l'octroi de mer excède 1 %, seule la fraction du droit additionnel qui excède 1 % est applicable aux produits soumis à un taux zéro ou totalement exonérés.

13 () Décret n° 95-615 du 6 mai 1995 portant application des articles 8 bis et 15 bis de la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992 relative à l'octroi de mer.


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