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le 10 juin 2004

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N° 1658

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI (n°
 1549) modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer,

PAR Mme Marguerite LAMOUR,

Députée.

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S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 5

I. -  LE CADRE DE LA LUTTE CONTRE LES ACTIVITÉS ILLICITES COMMISES EN MER 7

A. LES PRINCIPES POSÉS PAR LE DROIT INTERNATIONAL DE LA MER 7

1. La différenciation des espaces maritimes et ses conséquences juridiques 7

2. La sécurité des mers, une préoccupation prise en compte 9

a) Libre circulation en haute mer ou dans les zones économiques exclusives et contrôles en cas de soupçons d'activités répréhensibles 9

b) Souveraineté des Etats côtiers et entraide internationale 10

B. L'EXERCICE PAR L'ÉTAT DE SES POUVOIRS DE CONTRÔLE EN MER 11

1. Le support juridique national : la loi du 15 juillet 1994, modifiée par la loi du 29 avril 1996 11

2. Les moyens mobilisés 13

a) De multiples intervenants 13

b) Un dispositif opérationnel diversifié et performant 14

II. -  LE RENFORCEMENT DES PRÉROGATIVES DE L'ÉTAT, AFIN DE RENDRE LES OCÉANS PLUS SÛRS 17

A. VERS UNE AMÉLIORATION SUBSTANTIELLE DES INSTRUMENTS DE LUTTE CONTRE LES TRAFICS MARITIMES DE STUPÉFIANTS OU DE SUBSTANCES PSYCHOTROPES 17

1. Un fléau majeur 17

2. Des moyens d'action élargis dans le cadre d'une coopération internationale plus efficace 18

B. POUR UNE MEILLEURE PRÉVENTION ET UNE RÉPRESSION PLUS SÉVÈRE DES TRAFICS MARITIMES ILLICITES DE MIGRANTS 20

1. L'immigration clandestine par voie de mer : la France exposée 21

2. L'utilité de dispositions législatives spécifiques en droit interne 22

TRAVAUX DE LA COMMISSION 25

TABLEAU COMPARATIF 41

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 51

INTRODUCTION

Les mers et océans recouvrent environ 71 % de la surface de la terre (1). Cette réalité explique qu'aujourd'hui encore, en dépit de l'expansion des moyens de transport aérien, les échanges maritimes restent importants.

La dimension stratégique de la navigation a toujours été perçue par les Etats côtiers, qui ont consacré d'importants efforts à préserver leur libre accès aux océans. Le droit international de la mer, empreint de coutumes séculaires et codifié en plusieurs étapes au cours du siècle passé, s'en trouve à jamais marqué. Pour preuve, la convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée le 10 décembre 1982 à Montego Bay (2), n'a fait que concilier les principes de liberté (d'accès, de circulation, d'exploitation) et d'égalité (répartition des richesses, droits de souveraineté) pour les Etats parties.

L'édifice juridique établi au fil du temps a certes permis de constituer ce que d'aucuns pourraient qualifier d'« ordre mondial des mers », mais son extrême complexité a favorisé l'émergence de risques difficiles à contrôler. Les pollutions maritimes (3) fournissent un bon exemple des ravages de l'absence de règles uniformes et effectivement opposables à l'ensemble des navires de commerce. Les trafics illicites en tous genres, notamment ceux de stupéfiants ou d'immigrants clandestins, sont une autre manifestation des insuffisances et de l'excessive complexité du droit international de la mer.

La communauté internationale n'a que récemment pris conscience de la nécessité de mieux s'organiser face à ces fléaux nouveaux. La convention des Nations unies contre le trafic illicite des stupéfiants et substances psychotropes a été signée à Vienne le 20 décembre 1988 et le protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, portant sur la lutte contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, a été paraphé à Palerme le 15 décembre 2000 (4).

Avec le recul, il apparaît que ce début de réponse ne peut suffire à lui seul. Les Etats doivent eux aussi s'impliquer, par leurs politiques et leurs réglementations à l'intérieur des espaces maritimes sous leur souveraineté ou juridiction, mais également par le biais de coopérations bilatérales ou multilatérales.

C'est le choix qu'a fait la France, qui jouit de droits importants sur un espace maritime de près de onze millions de kilomètres carrés, en adoptant une législation interne destinée à rendre effectifs les dispositifs du droit international. La loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 (5) a ainsi mis en place des procédures de contrôle et de coercition à l'encontre de navires étrangers (arraisonnement, visite à bord, déroutement) que le droit international rend possibles, y compris en haute mer, dans certains cas (piraterie, transport d'esclaves ou émissions radiophoniques non autorisées). Elle a été complétée, à la suite de l'adoption de la convention de Vienne, par des mécanismes d'entraide internationale à l'encontre de trafics illicites de stupéfiants en mer (6).

Cette législation mérite de nouvelles adaptations. En premier lieu, il apparaît nécessaire de prendre acte de la possibilité pour l'Etat d'agir, en dehors des espaces maritimes relevant de sa souveraineté, à l'encontre de navires étrangers, par délégation des Etats côtiers ou des Etats du pavillon, sur le fondement d'accords internationaux. En second lieu, il est indispensable d'inscrire dans la loi les compétences offertes par le protocole additif à la convention de Palerme en les élargissant aux Etats non parties qui auraient conclu des accords similaires avec la France, de manière à définir plus précisément le cadre d'intervention des moyens de l'Etat dans la lutte contre les trafics illicites de migrants hors de l'espace maritime national.

Tel est justement l'objet du projet de loi n° 1549, renvoyé à la commission de la défense nationale et des forces armées.

I. -  LE CADRE DE LA LUTTE CONTRE LES ACTIVITÉS ILLICITES COMMISES EN MER

A. LES PRINCIPES POSÉS PAR LE DROIT INTERNATIONAL DE LA MER

Le droit international de la mer fixe un cadre juridique opposable, auquel les lois françaises ne peuvent qu'apporter des précisions ou des compléments. En vertu de cette hiérarchie des normes, le législateur conserve la possibilité discrétionnaire d'édicter des règles applicables aux espaces maritimes où s'exerce la souveraineté de l'Etat, sous réserve du respect de certains principes prévus par les textes internationaux.

L'originalité du projet de loi modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 consiste à placer le législateur dans la position de prévoir les modalités d'intervention de l'Etat dans des espaces maritimes ne relevant pas de sa souveraineté. Cette intervention est néanmoins parfaitement justifiée, car elle découle directement de certaines dispositions spécifiques du droit international, en l'occurrence la convention de Vienne, du 20 décembre 1988, et le protocole additionnel à la convention de Palerme, du 12 décembre 2000.

1. La différenciation des espaces maritimes et ses conséquences juridiques

Au regard du droit international, les espaces maritimes sont constitués par les étendues d'eau salée, en communication libre et naturelle. Les eaux douces et les mers intérieures, assimilées au territoire même de l'Etat, en sont donc exclues.

A cause du rôle important joué par les espaces maritimes comme voies de communications internationales, une distinction a été effectuée dès le XVIIème siècle entre la haute mer, échappant à toute compétence territoriale des Etats côtiers parce que considérée comme une res nullius, c'est-à-dire un bien commun à tous les Etats, et diverses zones se trouvant en deçà, les eaux territoriales notamment, sur lesquelles cette compétence territoriale s'exerce. Ce n'est qu'avec l'adoption de la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 que les espaces maritimes ont pu être délimités plus précisément. La séparation entre les eaux territoriales, qui s'étendent sur 12 milles depuis la ligne de base des eaux intérieures vers le large, et la haute mer, qui commence au-delà, marque la limite des pouvoirs des Etats côtiers.

Il reste que l'existence d'autres catégories d'espaces maritimes complique le régime juridique des océans en donnant aux Etats riverains des pouvoirs de juridiction, sensiblement différents de leurs pouvoirs de souveraineté. Deux exemples sont plus particulièrement révélateurs :

- l'existence de zones contiguës, qui peuvent s'étendre au-delà des eaux territoriales jusqu'à 12 milles sur décision unilatérale des Etats côtiers, afin de constituer une sorte d'espace tampon leur permettant de prévenir les atteintes à leurs législations douanière, fiscale, sanitaire et sur l'immigration. Ces zones résultent des pratiques britanniques (Hovering Laws du XVIIIème siècle, instaurant des contrôles douaniers à l'égard de bateaux suspects), américaine (Liquor Treaty) et française (loi de 1817 instituant un contrôle douanier dans un rayon de vingt kilomètres à partir des côtes) ;

- la reconnaissance d'un droit d'emprise des Etats côtiers sur les zones économiques exclusives (ZEE), couvrant 188 milles au-delà des eaux territoriales, et les plateaux continentaux, parties immergées précédant les fonds marins. Dans les deux cas, les Etats côtiers disposent de droits spécialisés d'exploitation ainsi que de droits de juridiction.

Le tableau ci-après synthétise ces différents régimes juridiques.

ESPACES MARITIMES

DÉLIMITATIONS

COMPÉTENCES

Souveraineté des Etats côtiers

MER INTÉRIEURE

Espaces maritimes liés aux domaines terrestres en deçà des lignes de base droites qui déterminent la mer territoriale : ports, rades, baies (articles 8 à 12 de la convention de 1982).

Compétence législative, réglementaire et juridictionnelle de l'Etat côtier.

Limites : libre accès aux ports et rades pour les navires étrangers (convention de Genève du 9 décembre 1923).

Dans le cas de la France, les opérations de police judiciaire sont effectuées d'office en application des lois, ou à la demande du consul de l'Etat du pavillon si des accords bilatéraux l'autorisent.

MER TERRITORIALE

Espaces maritimes adjacents aux côtes, étendus le cas échéant jusqu'à 12 milles (droit reconnu par l'article 3 de la convention de 1982).

Projection des compétences que l'Etat exerce sur son territoire national :

- compétence législative entière à condition de ne pas porter atteinte aux règles de droit international (droit de passage inoffensif, notamment) ;

- limitations de la juridiction pénale et civile.

Juridiction des Etats côtiers

PLATEAU CONTINENTAL

Plateau sous-marin qui prolonge les côtes jusqu'à un point variable où il s'abaisse vers les profondeurs (article 1er de la convention du 29 avril 1958). Il est assimilé avec le fond de la ZEE par la convention de 1982.

Droits d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles (article 77 de la convention de 1982) et obligation pour l'Etat côtier de se conformer aux principes internationaux.

ZONE CONTIGUË

Espaces maritimes contigus à la mer territoriale (article 33 de la convention de 1982) Extension maximale de 24 milles des lignes de base qui déterminent la mer territoriale.

Contrôle de l'Etat côtier en vue de prévenir et réprimer les infractions aux règlements douaniers, fiscaux, sanitaires.

ZEE

Zone adjacente aux 12 milles de la mer territoriale, car s'y exercent certains droits souverains. Largeur de 188 milles au-delà de la mer territoriale.

Souveraineté partielle, limitée au domaine des ressources :

- droits d'exploration, de conservation et de gestion des ressources naturelles biologiques ou minérales ;

- recherche scientifique marine ;

- préservation du milieu (article 56 de la convention de 1982).

Droits résiduels reconnus aux Etats tiers (article 58-1 de la convention de 1982) où sont maintenues les libertés de navigation, de survol et de pose de câbles ou pipelines.

Loi de l'Etat du pavillon

HAUTE MER

Zone au-delà de la ZEE

Libre navigation, mais pouvoirs de contrôle par les navires de l'Etat du pavillon ou ceux d'Etat tiers en cas de transport d'esclaves, de piraterie, d'absence de pavillon ou d'émissions radiophoniques non autorisées. Sinon, droit d'approche par les navires d'Etats tiers, étendu au contrôle sur la base de conventions spécifiques (conventions de Vienne et de Palerme pour les trafics illicites de stupéfiants et de migrants).

2. La sécurité des mers, une préoccupation prise en compte

Bien que d'essence libérale, le droit international de la mer a toujours prévu des possibilités d'intervention à l'encontre de certains navires suspects, mais dans un nombre limité de cas. Ainsi, les principes fondateurs de liberté de circulation et de respect de la souveraineté des Etats connaissent depuis longtemps des aménagements.

Néanmoins, l'encadrement juridique de la lutte contre les activités répréhensibles en mer a récemment évolué de manière substantielle. Il prend désormais en compte de nouvelles situations préjudiciables à la sécurité des océans, parmi lesquelles les trafics de stupéfiants et de migrants.

a) Libre circulation en haute mer ou dans les zones économiques exclusives et contrôles en cas de soupçons d'activités répréhensibles

La liberté de navigation en haute mer ou dans les ZEE, qui implique le droit pour n'importe quel Etat d'y faire naviguer des navires arborant son pavillon, c'est-à-dire relevant de sa nationalité, est une règle de droit coutumier établie depuis très longtemps. Incontestée, elle a été consacrée par la jurisprudence (7) et a été codifiée à l'article 87 de la convention de Montego Bay.

En vertu de cette règle, les bâtiments de guerre ne peuvent exercer, en toutes circonstances, des contrôles ou des actions de coercition qu'à l'encontre des seuls navires civils arborant le même pavillon qu'eux. Néanmoins, pour éviter que la haute mer ou les ZEE ne deviennent le refuge d'activités condamnables, le droit international a prévu des garde-fous. Les bâtiments de guerre ont également le droit de contrôler, sans avoir obtenu au préalable l'accord des Etats du pavillon, des navires qui n'arborent pas le même pavillon qu'eux et soupçonnés de se livrer aux activités illicites suivantes :

- le transport d'esclaves, au sujet duquel l'article 99 de la convention de Montego Bay stipule que « tout Etat prend des mesures efficaces pour prévenir et réprimer le transport d'esclaves par les navires autorisés à battre son pavillon et pour prévenir l'usurpation de son pavillon à cette fin ». L'exercice d'actions coercitives par un navire d'Etat de pavillon différent envers un navire soupçonné de transporter des esclaves est toléré sur le fondement de la coutume ;

- la piraterie ou l'incitation à une telle activité, dont les articles 101 à 107 de la convention de Montego Bay définissent le champ en l'assortissant de mesures de saisie des navires ou aéronefs concernés ;

- les émissions radioélectriques non autorisées, à l'exception des appels de détresse, qui émanent de navires ou d'installations en haute mer et sont destinées à la réception par le public, en violation des règles internationales des

télécommunications. Elles sont expressément visées à l'article 109 de la convention de Montego Bay ;

- l'absence de nationalité, soit par défaut ou dissimulation de pavillon, soit par usage simultané de plusieurs pavillons. Dans ce cas, le navire suspect est considéré comme un navire pirate.

D'autres activités tout aussi répréhensibles ne figurent pas au nombre des infractions qui ouvrent le droit de visite à un navire de guerre étranger sans autorisation préalable de l'Etat du pavillon, au sens de l'article 110 de la convention de Montego Bay. Les contrôles restent possibles, mais ils sont plus encadrés.

C'est notamment le cas du trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, qui a fait l'objet de dispositions complémentaires dans la convention de Vienne de 1988, dont l'article 17 permet l'intervention à l'encontre de navires étrangers en haute mer (8), sous réserve d'une demande d'assistance en ce sens formulée par l'Etat du pavillon ou de l'accord de ce dernier à une requête d'intervention de l'Etat tiers.

Le trafic illicite de migrants ne constitue pas, lui non plus, une activité autorisant les navires de guerre à procéder à des contrôles sur des navires suspects sans en référer aux Etats du pavillon. De manière similaire à l'article 17 de la convention de Vienne, l'article 8 du protocole additionnel à la convention de Palerme, signé en 2000, stipule : « Un Etat Partie qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu'un navire exerçant la liberté de navigation conformément au droit international et battant le pavillon ou portant les marques d'immatriculation d'un autre Etat Partie se livre au trafic illicite de migrants par mer peut le notifier à l'Etat du pavillon, demander confirmation de l'immatriculation et, si celle-ci est confirmée, demander l'autorisation à cet Etat de prendre les mesures appropriées à l'égard de ce navire ».

Comme la convention de Vienne, ce texte constitue néanmoins un progrès important de la coopération internationale contre les activités criminelles modernes sur les océans.

Il est donc indéniable que le droit international de la mer accepte de légitimes restrictions à la libre navigation en haute mer et dans les ZEE. Cependant, les interventions de navires de guerre d'Etats tiers restent le plus souvent conditionnées à la demande d'assistance ou à l'autorisation préalable des Etats du pavillon, ce qui montre la primauté de la notion de nationalité.

b) Souveraineté des Etats côtiers et entraide internationale

La convention de Genève de 1958 sur la mer territoriale et celle de Montego Bay consacrent la souveraineté des Etats côtiers sur leurs eaux territoriales et intérieures. Les Etats côtiers peuvent y exercer l'imperium (pouvoirs de police et de sûreté) et le dominium (droit de propriété) (9).

La liberté de navigation des navires s'applique aussi à ces espaces maritimes en vertu des principes de libre accès aux ports de commerce et de libre passage inoffensif, mais dans le respect de la réglementation des Etats côtiers. Ceux-ci peuvent se trouver fondés à agir, le cas échéant, à l'encontre de navires suspects dans leurs eaux territoriales ou intérieures. Dans le cas du trafic illicite de stupéfiants, cette faculté est ouverte par l'article 27 de la convention de Vienne.

Il reste que, dans certains cas, notamment lorsque les Etats côtiers ne disposent pas de moyens de coercition maritimes suffisants, cette situation peut présenter de sérieux inconvénients et faire peser un risque sur la sécurité des mers. Une parade juridique existe, qui consiste à respecter formellement la souveraineté des Etats côtiers en conditionnant toute intervention d'un Etat tiers dans ses eaux territoriales à l'accord préalable de l'Etat riverain, voire à la demande d'assistance de celui-ci.

Ainsi, sur la base d'accords internationaux, un Etat comme la France peut être amené à prendre certaines mesures coercitives dans les eaux territoriales d'un autre Etat, par délégation de ce dernier. La France n'a signé à ce jour qu'un seul accord de ce type : l'accord de coopération régionale sur la répression du trafic illicite aérien et maritime dans les Caraïbes, signé à San José le 10 avril 2003, sur lequel la rapporteure reviendra plus en détail plus loin. Il apparaît souhaitable que le Gouvernement soumette rapidement au Parlement le projet de loi autorisant l'approbation de cet accord, afin qu'il puisse rapidement entrer en application.

B. L'EXERCICE PAR L'ÉTAT DE SES POUVOIRS DE CONTRÔLE EN MER

La loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 constitue la base juridique, en droit interne, des pouvoirs d'intervention en mer des services de l'Etat, à l'encontre de navires suspects. Son efficacité dépend néanmoins des moyens opérationnels mis en œuvre pour son application.

1. Le support juridique national : la loi du 15 juillet 1994, modifiée par la loi du 29 avril 1996

Les pouvoirs de contrôle en mer de l'Etat sont actuellement définis et régis par la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994, modifiée par la loi n° 96-359 du 29 avril 1996, et les décrets d'application de ce texte (10). Ils s'appliquent aux navires français et aux navires étrangers se trouvant dans les espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République, ainsi qu'en haute mer.

Les mesures de coercition prévues par la loi sont les suivantes :

- les tirs d'avertissement, qui sont précédés de sommations demandant au navire de stopper ou de se dérouter ; ils prennent la forme d'un tir de semonce suivi de trois tirs d'arrêt ;

- l'emploi de la force, quand le capitaine n'obtempère pas aux sommations et tirs d'avertissement ; il peut prendre la forme soit d'actions de vive force, c'est-à-dire l'emploi de commandos pour contraindre le capitaine et éventuellement prendre le contrôle du navire, soit d'un tir avec des projectiles inertes contre le navire.

Ces mesures se caractérisent par leur progressivité, mais les actions de vive force ne constituent pas un point de passage obligé entre les tirs d'avertissement, soumis à la décision du préfet maritime, et le « tir au but », à la discrétion du Premier ministre sur avis du préfet maritime.

La décision de mise en oeuvre des mesures de coercition appartient largement au préfet maritime ou au délégué du Gouvernement outre-mer. Cette déconcentration n'est limitée qu'en cas de tir au but, qui est autorisé par le Premier ministre (après avis du ministre des affaires étrangères) sur demande du préfet maritime (ou du délégué du Gouvernement), dont on notera qu'il conserve l'initiative des opérations.

A tous les stades, les autorités sont informées des mesures prises. Ainsi, en cas de tirs d'avertissement, les préfets maritimes informent les ministres intéressés : celui des affaires étrangères si un pavillon étranger est en cause ou celui au profit de qui l'opération est menée. De même, les actions de vive force font l'objet d'un compte rendu immédiat au Premier ministre, au ministre responsable des moyens et des personnels utilisés (le plus souvent celui de la défense) et aux autres ministres concernés. Le tir au but fait l'objet d'un compte rendu dans les mêmes conditions.

Ces dispositions ne font pas obstacle à l'exercice de la légitime défense ni à l'exercice des pouvoirs spécifiques en matière d'emploi de la force qui sont détenus par les agents des douanes et les gendarmes.

A l'origine, la loi du 15 juillet 1994 répondait principalement à des préoccupations concernant la pêche, la préservation de l'environnement marin et la répression, au sens large, des activités illicites sur les océans. La loi du 29 avril 1996 a donc introduit des dispositions plus spécifiques à la lutte contre le trafic de stupéfiants par voie maritime, essentiellement en adaptant la législation nationale aux dispositions de l'article 17 de la convention de Vienne, signée le 20 septembre 1988. Dans ce cas précis, les contrôles en mer sont élargis aux navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité ainsi qu'aux navires des Etats parties à la convention, notamment en cas de soupçons raisonnables. Les juridictions nationales peuvent être compétentes, sur le fondement d'accords internationaux conclus avec les Etats concernés, c'est-à-dire ceux qui sont parties à la convention de Vienne.

Par ailleurs, le décret n° 97-545 du 28 mai 1997 prévoit que sont individuellement habilités par le préfet maritime et, outre-mer, par le délégué du Gouvernement :

- les commandants ou officiers en second des bâtiments de l'Etat et les commandants de bord des aéronefs de l'Etat à l'exclusion des avions de chasse ;

- les officiers de la marine nationale brevetés fusiliers, les commissaires de la marine, les administrateurs et officiers du corps technique des affaires maritimes, lorsqu'ils sont embarqués.

2. Les moyens mobilisés

La France a adopté un dispositif opérationnel original, qui présente l'intérêt de placer sous une chaîne de commandement unique l'ensemble des capacités d'intervention, ce qui accroît leur efficacité.

a) De multiples intervenants

La lutte contre les trafics illicites de stupéfiants et de migrants relève du dispositif interministériel de l'action de l'Etat en mer. Etant donné qu'une dizaine de ministères exerce des compétences touchant de près ou de loin à la mer, le mode d'organisation retenu repose sur deux principes :

- au jour le jour, chaque administration conserve ses responsabilités propres de contrôle et de police en mer ;

- lorsqu'une intervention sort de l'ordinaire, en raison par exemple de sa gravité ou du volume des moyens engagés, elle mobilise les moyens de plusieurs administrations, coordonnés par le préfet maritime, en métropole, ou le délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer, assisté du commandant de zone maritime outre-mer. Ces autorités de police administrative s'appuient sur un centre opérationnel, généralement le centre « opérations » de la marine nationale en métropole (COM) et le centre des opérations interarmées outre-mer (EMIA), plus rarement sur les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), qui coordonnent plutôt les opérations d'assistance, de sauvetage et de police des pêches.

Interministérielle dans son principe et interadministrative dans son fonctionnement, l'action de l'Etat en mer est dirigée par le Premier ministre. Sous son autorité, le secrétariat général de la mer veille à la coordination des moyens et des actions des préfets maritimes et tient à jour les plans d'urgence et d'intervention pour faire face aux diverses hypothèses envisageables. A l'échelon décentralisé, les trois préfets maritimes (11) de métropole et les délégués du Gouvernement outre-mer peuvent, en tant que de besoin, ordonner la mise en oeuvre de moyens hauturiers et requérir l'emploi de la force.

Le schéma ci-après synthétise cette organisation.

Organisation de l'action de l'Etat en mer

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b) Un dispositif opérationnel diversifié et performant

L'ensemble des bâtiments de surface et des aéronefs de la marine est susceptible de participer à une opération de contrôle ou de police en mer, à l'instar des moyens des administrations des douanes et des affaires maritimes, même si ces dernières ne disposent pas de bâtiments hauturiers. Les bâtiments et aéronefs de la marine les plus souvent employés pour les missions de surveillance et de lutte contre les trafics de stupéfiants ou contre les transports de migrants illicites sont six patrouilleurs de service public, six frégates de surveillance, cinq hélicoptères Dauphin de service public ; s'y ajoutent les avions de surveillance maritime Nord 262 basés à Nîmes, Falcon 50 basés à Lorient et Gardian basés outre-mer, ainsi que les avions de patrouille maritime Atlantique 2 basés à Nîmes et Lorient. Par ailleurs, la gendarmerie maritime, qui est intégralement financée par la marine, dispose de trente et une unités navigantes, dont les plus petites font l'objet d'un vaste programme de remplacement devant conduire à l'admission en service de vingt-quatre vedettes de surveillance côtière entre 2003 et 2007.

Il ne faut pas oublier dans ce dispositif les unités terrestres surveillant les approches maritimes, notamment les cinquante-neuf vigies et sémaphores de la marine nationale.

En matière de lutte contre les trafics de stupéfiants, la priorité est actuellement portée sur la mer des Caraïbes. Des opérations programmées y sont régulièrement organisées, en coopération avec les moyens alliés présents sur zone. La France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni coopèrent afin de maintenir en permanence une frégate porte-hélicoptères capable d'intervenir de manière inopinée, le plus souvent sous la coordination d'ensemble de la Joint Interagency Task Force-South (JIATF-S) américaine. La France est en train de renforcer son dispositif par la mise en place à Fort-de-France d'une cellule de renseignement d'intérêt maritime adossée à une antenne de l'office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCTRIS).

En matière de lutte contre les trafics de migrants, l'opération Amarante, reconduite depuis 2001, maintient un dispositif de dissuasion et de surveillance en Méditerranée orientale grâce au déploiement continu d'une frégate sur zone, éventuellement épaulée par un avion de patrouille maritime.

Par ailleurs, depuis 2002, dans le cadre de la surveillance des frontières extérieures de l'Union européenne, des opérations ont été menées sous l'égide de l'Espagne, de l'Italie et de la Grèce ; la France y a significativement participé par l'envoi d'unités de surface ou aériennes. Ce dispositif est appelé à s'institutionnaliser, avec la création de l'agence européenne de gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, dont l'Assemblée nationale a récemment soutenu le principe (12).

Il convient enfin de citer le renforcement du dispositif de surveillance à Mayotte, avec la mise en place d'un radar de surveillance côtière, la création d'une brigade de gendarmerie maritime disposant d'une vedette et le renouvellement des vedettes de surveillance du détachement de la marine sur l'île.

II. -  LE RENFORCEMENT DES PRÉROGATIVES DE L'ÉTAT, AFIN DE RENDRE LES OCÉANS PLUS SÛRS

A. VERS UNE AMÉLIORATION SUBSTANTIELLE DES INSTRUMENTS DE LUTTE CONTRE LES TRAFICS MARITIMES DE STUPÉFIANTS OU DE SUBSTANCES PSYCHOTROPES

Les trafics de stupéfiants sont réprimés par les lois nationales depuis très longtemps. La convention de Vienne, signée en 1988, a permis d'échafauder une coopération internationale plus efficace et coordonnée. Le présent projet de loi n'entend pas remettre en cause l'édifice découlant de ce texte international majeur ; il s'agit au contraire de le perfectionner.

Quelques chiffres sur la répression des trafics en France

Nombre de trafiquants interpellés :

Plus de 7 200 trafiquants ont été interpellés en 2002. Le produit en cause est dans 56 % des cas le cannabis, dans 14 % l'héroïne, dans 18 % la cocaïne (ou crack) et dans 6 % l'ecstasy.

Saisies :

Environ 66 000 saisies ont été réalisées en 2002. Ce nombre est en augmentation sensible depuis la fin des années 1990 (47 647 en 1998 contre 66 000 en 2002). Les saisies d'ecstasy sont en forte hausse et correspondent à 2,15 millions de doses en 2002. Depuis 1996, les saisies de cocaïne sont en hausse tout comme les saisies de crack. Les saisies d'héroïne ont augmenté jusqu'au milieu des années 1990 et ont fortement diminué depuis.

Source : OCTRIS.

1. Un fléau majeur

Il existe trois grandes filières géographiques de trafics de stupéfiants vers l'Europe, qui s'effectuent au moins partiellement par voie maritime :

- le trafic de cocaïne, au départ de l'Amérique du Sud et à destination de l'Europe et des Antilles ;

- le trafic de cannabis, au départ principalement du Maroc et à destination des pays du sud de l'Europe ;

- le trafic d'héroïne, au départ de l'Extrême-Orient.

Selon la JIATF-S, organisme américain de coordination des opérations de lutte contre les narco-trafics dans la zone atlantique et caraïbe, basée à Key West en Floride, les dernières évaluations du trafic de cocaïne font état d'une production d'environ 1 000 tonnes annuelles. Cette production est stable depuis quelques années, malgré les tentatives américaines de destruction des plans de coca dans les trois principaux pays producteurs. Environ un tiers de cette production, soit 330 tonnes, partirait en direction de l'Europe, et les deux tiers, soit 220 tonnes, seraient consommés dans les pays européens.

La quasi-totalité de ces 330 tonnes est acheminée par voie maritime. Les vecteurs sont soit des cargos ou navires de pêche, pour une traversée transatlantique directe, soit des navires plus légers, rapides (go-fasts) ou non (petits navires de pêche), à destination des Antilles ou d'un navire en mer, avant un transfert généralement maritime vers l'Europe. L'arraisonnement, par l'aviso Lieutenant de vaisseau le Hénaff, du cargo cambodgien Winner, le 13 juin 2002, au large des côtes de l'Afrique de l'ouest, a mis en évidence les modes opératoires des trafiquants de drogue pour débarquer leur marchandise sur le sol européen : ce cargo avait quitté l'arc caraïbe et était soupçonné de vouloir transborder au milieu de l'océan sa cargaison sur des vedettes rapides à destination des côtes espagnoles ; son interception ne pouvait donc attendre l'arrivée à quai. Sur le fondement de la loi du 15 juillet 1994, la marine nationale a ainsi pu prévenir une arrivée massive de stupéfiants sur le continent.

Le cannabis marocain est acheminé principalement via Gibraltar, puis par voie routière. L'observation récente de navires hors-bord en Méditerranée occidentale, à destination peut-être du Languedoc-Roussillon et contournant le dispositif espagnol de lutte contre le transport de cannabis marocain, pourrait conduire à un réexamen des modes opératoires des trafiquants.

Les trafics maritimes existant dans le nord de l'Océan indien sont les moins bien connus et constituent vraisemblablement une part très marginale du dispositif d'acheminement de l'héroïne produite en Asie du sud-est et au Moyen-Orient. La marine nationale pourrait cependant découvrir de tels trafics lors de ses missions de surveillance dans la zone.

2. Des moyens d'action élargis dans le cadre d'une coopération internationale plus efficace

● La convention de Montego Bay traite du trafic de stupéfiants au travers de deux articles seulement. D'une part, l'article 27 met la répression du trafic des stupéfiants au nombre des infractions qui autorisent, à titre exceptionnel, l'intervention de l'Etat côtier à bord d'un navire étranger passant dans sa mer territoriale. D'autre part, l'article 108, applicable à la haute mer, pose le principe de la coopération internationale en stipulant que « tout Etat qui a de sérieuses raisons de penser qu'un navire battant son pavillon se livre au trafic illicite peut demander la coopération d'autres Etats pour mettre fin à ce trafic ». La répression du trafic de drogue n'est donc pas au nombre des infractions ouvrant le droit de visite à un navire de guerre étranger sans autorisation préalable de l'Etat du pavillon, au sens de l'article 110 de la convention de 1982.

Afin de lutter de manière plus efficace contre les trafics de stupéfiants, la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes a été signée le 12 décembre 1988 à Vienne. Son article 17, long de onze paragraphes, est une véritable convention maritime destinée à organiser la coopération internationale esquissée par la convention de Montego Bay.

Il prévoit ainsi qu'un Etat partie « qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu'un navire battant son pavillon ou n'arborant aucun pavillon ou ne portant aucune immatriculation se livre au trafic illicite peut le notifier à l'Etat du pavillon, demander confirmation de l'immatriculation et, si celle-ci est confirmée, demander l'autorisation à cet Etat de prendre les mesures appropriées à l'égard de ce navire ». Les mesures de coercition prévues sont l'arraisonnement, la visite et, si des preuves de trafic sont découvertes, la prise des « mesures appropriées à l'égard du navire, des personnes qui se trouvent à bord et de la cargaison ».

On peut distinguer entre la demande d'assistance par un Etat (la France demandera par exemple aux Etats-Unis de contrôler un navire battant pavillon français) et la demande d'intervention (la France demandera par exemple au Venezuela l'autorisation de contrôler un bâtiment vénézuélien). L'innovation consiste donc à prévoir l'intervention sur un navire étranger alors que la convention de Montego Bay ne prévoyait que l'intervention sur un navire du pavillon.

L'article 17 amorce une coopération internationale significative qui toutefois ne remet pas en cause la primauté de la loi du pavillon. Ratifiée par 154 Etats, cette convention est entrée en vigueur le 11 décembre 1990.

● Il est possible d'aller plus loin dans la coopération, notamment par la conclusion d'accords bilatéraux ou multilatéraux. Si les accords bilatéraux sont souvent conclus au cas par cas, lors de la découverte de navires suspects, un accord multilatéral important a été récemment signé en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants.

Il s'agit de l'accord de coopération régionale sur la répression du trafic illicite aérien et maritime dans la Caraïbe, signé à San José le 10 avril 2003, premier engagement international pris en application de la convention de Vienne de 1988. Outre la France, cet accord a été signé par le Costa Rica, les Etats-Unis, Haïti, le Honduras, le Nicaragua, les Pays-Bas et la République Dominicaine.

Les principaux domaines de coopération concernés sont les suivants :

- l'échange d'informations sur la nationalité des navires et aéronefs suspects ;

- les capacités d'action des agents des services répressifs des parties ;

- l'autorisation d'embarquement de ces agents sur des navires d'autres parties ;

- les opérations de répression en haute mer ou dans les eaux territoriales des parties ;

- les coopérations régionales ;

- la compétence juridictionnelle de l'Etat côtier ou de l'Etat du pavillon d'un navire suspect.

L'accord prévoit en matière de répression trois options d'intervention :

- l'Etat du pavillon donne une autorisation exprès d'intervention (avec vérification de la nationalité du navire et autorisation de l'Etat du pavillon) ;

- l'Etat du pavillon a donné une autorisation systématique d'intervention ;

- dans le cas où l'Etat du pavillon ne donne aucune réponse dans un délai de quatre heures, le navire est considéré comme sans pavillon et l'intervention sera possible sur le fondement de l'article 110 de la convention de Montego Bay.

Afin de tenir compte de ce type d'accord multilatéral et d'accords bilatéraux, le présent projet propose de supprimer les références à la convention de Vienne dans la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994.

B. POUR UNE MEILLEURE PRÉVENTION ET UNE RÉPRESSION PLUS SÉVÈRE DES TRAFICS MARITIMES ILLICITES DE MIGRANTS

L'immigration clandestine recouvre deux types de situations :

- d'une part, le phénomène des passagers clandestins, c'est-à-dire les tentatives relativement isolées de groupes limités de personnes, qui embarquent à l'insu des équipages ;

- d'autre part, le transport collectif de réfugiés, qui se rapproche davantage du trafic d'êtres humains en ce qu'il procède d'un marchandage conclu avec des « passeurs » pour les faire pénétrer illicitement dans les eaux territoriales d'un pays quelconque à l'aide d'un navire spécialement affrété à cet effet.

Le présent projet de loi porte sur le second aspect, le premier étant régi par le droit commun de l'immigration.

Quelques repères sur le trafic illicite de migrants

Le trafic illicite de migrants se définit comme le fait d'assurer, afin d'en tirer un avantage financier ou matériel, l'entrée illégale dans un Etat d'une personne qui n'en est ni un ressortissant, ni un résident permanent (article 3 du protocole de Palerme). Il est de plus en plus souvent le fait de réseaux criminels qui se livrent à la traite des êtres humains.

Les navires utilisés dans le cadre du trafic par voie maritime sont souvent vétustes ou dangereux. Les passeurs n'hésitent pas non plus à faire vivre les migrants dans des conditions indignes et insalubres. Plusieurs accidents retentissants ont mis en relief les risques auxquels les migrants sont exposés :

- janvier 2000 : trois Chinois sont retrouvés morts à bord d'un cargo à Seattle (Etats-Unis), en compagnie de quinze survivants entassés dans des caisses métalliques de 40 pieds, recouvertes de toile. Pendant deux semaines, ils n'avaient pu subsister que grâce à des bouteilles d'eau, des légumes et des biscuits ;

- octobre 2001 : 353 immigrants entassés à bord d'un navire de vingt mètres qui prenait l'eau et dont la destination était l'île Christmas (Australie) se noient dans les eaux indonésiennes.

Le trafic illicite de migrants engendre beaucoup de profits pour les filières criminelles qui s'y livrent : ils sont comparables à ceux des trafics de drogue et d'armes. A titre d'exemple, Interpol estime que les immigrants de la province du Fujian (d'où sont originaires une majorité d'immigrants chinois) doivent payer 30 000 dollars pour se rendre en Europe et 60 000 dollars pour atteindre l'Amérique du nord. Les réseaux criminels recourent le plus souvent au chantage affectif (menaces de représailles contre la famille restée au pays) et au travail forcé ou à la prostitution pour leur paiement.

Source : Interpol.

1. L'immigration clandestine par voie de mer : la France exposée

Parce qu'il est clandestin par essence, le trafic illicite de migrants est difficile à évaluer. Seuls les nombres de migrants refoulés ou de demandes de régularisation font l'objet de statistiques fiables ; ainsi, selon la direction centrale de la police aux frontières, 42 943 immigrants en situation irrégulière ont été refusés sur le territoire national ou réadmis par leur pays d'origine en 2002. Néanmoins, le centre international pour le développement des politiques migratoires de Vienne estime entre 300 000 et 400 000 le nombre de clandestins illégaux qui entrent par tous moyens (aériens, terrestres et maritimes) et s'établissent chaque année dans l'Union européenne (13). Pour ce qui concerne l'immigration clandestine par voie maritime, une évaluation menée en 2004 par la fondation méditerranéenne d'études stratégiques a avancé le chiffre de 100 000 entrées illégales en Europe par ce biais chaque année, dont 65 000 hors transits classiques par ferries.

Les filières organisant ces trafics sont désormais mieux connues : certaines émanent d'Europe centrale et associent des individus de nationalités diverses (russe, yougoslave, albanaise) ; d'autres proviennent de Chine, du sous-continent indien, d'Afghanistan et du Proche-Orient. Ce sont ces dernières qui privilégient les transits par voie maritime.

Pendant longtemps, la France a été considérée comme un pays faiblement exposé à l'immigration clandestine par voie de mer, à la différence de l'Italie, dont la région des Pouilles constitue une véritable zone de transits en provenance du Proche-Orient et des Balkans. Il est vrai que, si l'hexagone est largement ouvert sur les océans, sa façade méditerranéenne, par définition plus sujette aux arrivées de migrants que la façade atlantique, reste moins accessible que celles de l'Italie ou de l'Espagne.

Pour autant, le territoire national n'est pas épargné par les trafics illicites de migrants par voie maritime. L'échouage du cargo East Sea, le 17 février 2001, sur les côtes du Var, avec 900 immigrants clandestins d'origine kurde à son bord, a notamment apporté l'illustration que notre pays peut lui aussi subir le problème des navires dits « du dernier voyage », qui proviennent des côtes libanaises, syriennes ou turques. En outre, de tels trafics peuvent également sévir outre-mer, notamment près de la Réunion, de Mayotte, des Antilles ou de la Guyane, où la surveillance est parfois rendue plus difficile, même si des améliorations du dispositif en place sont en cours. D'un point de vue quantitatif, 2,8 % des immigrants clandestins refoulés en 2002, soit 1 200 personnes environ, étaient parvenus sur le territoire national par la voie maritime.

Dans de nombreux cas, la France est considérée comme un pays de rebond vers d'autres destinations (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, notamment). Le propre des filières de trafics de migrants est de segmenter le trajet de leurs victimes, en organisant le passage par plusieurs pays choisis en fonction de leur plus ou moins grande perméabilité, qui résulte aussi bien des difficultés matérielles de contrôle des frontières que des lacunes législatives. Pour ce qui concerne la France, le présent projet de loi vise à éviter que de telles lacunes puissent exister.

2. L'utilité de dispositions législatives spécifiques en droit interne

Avant l'entrée en vigueur du protocole de Palerme, le 28 janvier 2004, le droit international de la mer avait peu à dire à propos des trafics illicites de migrants par voie de mer : il n'interdisait ni de partir en bateau des côtes d'un Etat, ni de naviguer librement en haute mer ou dans la zone économique exclusive des autres Etats. La plus grande partie de la traversée d'un navire se livrant à un trafic illicite de migrants en haute mer pouvait donc échapper à tout reproche juridique, sauf s'il était possible de démontrer l'existence d'un véritable trafic d'êtres humains.

Corrélativement, l'absence d'un cadre législatif incriminant en France les trafics illicites de migrants empêchait la marine nationale d'intervenir en haute mer lors de la découverte de tels agissements. Ainsi, en mars 2002, la frégate Aconit, déployée en Méditerranée orientale, avait repéré que le cargo Monica, battant pavillon santoméen, transportait près de 1000 migrants clandestins, mais elle dut se borner à suivre ce navire avant de passer le relais aux autorités italiennes, à l'approche de la Sicile. Ce sont ces dernières qui se chargèrent des opérations d'arraisonnement, de contrôle de l'équipage et du débarquement des passagers vers des centres d'accueil, faute d'une possibilité d'intervention du bâtiment français en amont.

Le protocole de Palerme offre de nouvelles possibilités d'intervention, puisque les Etats signataires qui l'ont ratifié pourront désormais exercer leurs pouvoirs de police en haute mer, sous réserve de l'autorisation de l'Etat du pavillon ; ils pourront faire de même dans les zones relevant de la juridiction d'un Etat côtier si celui-ci donne son accord.

Le présent projet de loi introduit une partie des dispositions du protocole dans ce qui deviendra un titre spécifique de la loi du 15 juillet 1994. Le texte ne se borne pas, néanmoins, à transposer cet accord international dans le droit interne, puisqu'il apporte des précisions procédurales bienvenues et ne cantonne pas leur champ d'application aux seuls Etats parties au protocole de Palerme. Comme le protocole de Palerme ne confère pas de droits coercitifs aux Etats signataires, à la différence de l'article 17 de la convention sur les produits stupéfiants et les substances psychotropes, signée à Vienne le 20 décembre 1988, c'est le présent projet de loi qui va donner un caractère effectif et concret aux principes posés par le droit international, en spécifiant notamment quelles autorités maritimes pourront exercer des pouvoirs de police administrative et judiciaire et en désignant les juridictions compétentes. Les dispositions s'aligneront sur celles en vigueur contre les trafics maritimes de stupéfiants.

Le projet de loi présente en outre l'avantage de permettre une application des dispositions du protocole de Palerme à des Etats avec qui la France aurait conclu des accords bilatéraux à cet effet, sans qu'ils soient pour autant signataires du protocole en question.

En définitive, le texte soumis à l'examen du Parlement répond à un besoin juridique, en comblant un vide préjudiciable à l'efficacité des services en charge de la surveillance des mers. Il précise également la portée et les conditions d'application d'un texte international qui donne enfin une base juridique à la prévention d'une activité qui salit l'image des océans.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 8 juin 2004.

Après l'exposé de la rapporteure, la commission est passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article premier

Qualification des pouvoirs exercés en mer par l'Etat

L'intitulé de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 se réfère aux « pouvoirs de contrôle en mer » de l'Etat. Cette notion ne revêt pas une signification juridique rigoureuse, à la différence de celle de « pouvoirs de police » que l'article premier du projet de loi vise à lui substituer.

Il convient de distinguer les pouvoirs de police administrative de ceux de police judiciaire. Les premiers sont exercés à des fins de maintien de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publique, c'est-à-dire dans une perspective de prévention de risques ou de nuisances. Les seconds ont en revanche pour objet la recherche et la constatation des infractions aux lois pénales, ainsi que le rassemblement des éléments de preuve, en vue d'une sanction par l'autorité judiciaire.

En apparence, la rédaction de l'article premier du projet de loi entretient une certaine ambiguïté, car elle ne qualifie pas les pouvoirs de police visés. L'exposé des motifs le reconnaît d'ailleurs, « le terme « police » (...) n'exprimant pas exactement le sens véritable de la loi » (14). Ce choix se justifie néanmoins par le fait que le texte contient des dispositions qui se rapportent tantôt à la police administrative exercée par les commandants de bâtiments ou les commandants de bord d'aéronefs de l'Etat vis-à-vis de certains navires sur lesquels portent des soupçons de trafics illicites de stupéfiants ou de migrants, tantôt à la police judiciaire exercée par les commandants de bâtiments de l'Etat une fois lesdits navires arraisonnés, avec l'éventuel constat d'infractions.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2

(Article premier de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994)

Extension des compétences des commandants de bâtiments de l'Etat et des commandants de bord des aéronefs chargés de la surveillance en mer

Le présent article a pour objet de préciser le champ des compétences des commandants de bâtiments de l'Etat et des commandants de bord des aéronefs, chargés de la surveillance en mer.

L'article premier de la loi n° 94-589 habilite ces personnels à exercer et à faire exécuter les mesures de contrôle et de coercition prévues par le droit international, la législation et la réglementation françaises. Il s'agit pour l'essentiel des trois grands types de pouvoirs de police en mer (reconnaissance, visite, déroutement) et des mesures classiques de coercition envers un navire (arraisonnement, déroutement, emploi de la force armée).

L'alinéa supplémentaire proposé vise à étendre expressément cette habilitation aux cas où un Etat étranger donne son accord pour qu'un navire battant son pavillon ou naviguant dans ses eaux territoriales fasse l'objet de mesures de contrôle ou de coercition. Dans ce cas, l'intervention est réalisée au nom de l'Etat l'autorisant et dans les limites qu'il a fixées.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3

(Article 2 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994)

Élargissement du champ d'application de la loi à certains navires

Le champ d'application de la loi n° 94-589 est précisé par son article 2. Elle concerne :

- l'ensemble des navires français dans tous les espaces maritimes, sous réserve des compétences reconnues aux Etats par le droit international ;

- les navires étrangers dans les espaces maritimes relevant de la souveraineté de la juridiction de la République française, ainsi qu'en haute mer, conformément au droit international.

Cette dernière disposition couvre donc le cas d'une intervention à l'encontre d'un navire étranger en haute mer, sous réserve de l'accord préalable de l'Etat du pavillon, conformément à la convention de Montego Bay de 1982. De fait, il s'agit du cas le plus fréquent. Les accords bilatéraux sont souvent signés au cas par cas lors de la découverte d'un navire suspect, l'Etat du pavillon étant alors contacté afin d'obtenir son autorisation pour l'exercice de mesures de coercition.

La possibilité d'une intervention dans les eaux territoriales étrangères, en accord cette fois avec l'Etat côtier, n'est donc actuellement pas prise en compte par la loi. C'est ce cas que vise le présent article.

La France n'a, à ce jour, signé qu'un seul accord permettant ce type d'intervention. Il s'agit de l'accord de coopération régionale sur la répression du trafic illicite aérien et maritime dans la Caraïbe, signé à San José le 10 avril 2003 par la France, le Costa Rica, les Etats-Unis, Haïti, le Honduras, le Nicaragua, les Pays-Bas et la République Dominicaine.

*

La commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par la rapporteure, puis l'article ainsi modifié.

Article 4

(Article 5 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994)

Pouvoirs confiés aux commandants des bâtiments de l'Etat durant les opérations de déroutement d'un navire

L'article 5 de la loi n° 94-589 fixe les conditions de déroutement d'un navire. Le déroutement est une injonction faite à un navire de se rendre vers la position ou le port déterminé par le commandant ou le commandant de bord qui ordonne l'opération. Le déroutement peut être opéré soit lorsque l'accès à bord a été refusé par le capitaine du navire, soit lorsqu'il s'est trouvé matériellement impossible (en raison de mauvaises conditions météorologiques, par exemple).

Le déroutement est également prévu dans quatre autres situations :

- en application du droit international ;

- en vertu de dispositions législatives ou réglementaires particulières ;

- pour l'exécution d'une décision de justice ;

- à la demande d'une autorité qualifiée en matière de police judiciaire (par exemple celle qui a constaté une infraction à bord du navire).

En revanche, le texte actuel ne fixe pas expressément les pouvoirs du commandant ou du commandant de bord lors du déroutement. Le présent article a pour objet de donner un fondement juridique aux mesures de coercition nécessaires et adaptées que peut être amené à prendre l'agent de l'Etat chargé de ce déroutement. Ces mesures ne peuvent être prises qu'en vue d'assurer :

- la préservation du navire et de sa cargaison ;

- la sécurité des personnes se trouvant à bord.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 5

Modification de l'intitulé du titre II

Le présent article a pour objet de modifier l'intitulé du titre II de la loi n° 94-589, dont la rédaction est actuellement la suivante : « Dispositions particulières portant adaptation de la législation française à l'article 17 de la Convention des Nations unies contre le trafic illicite des stupéfiants et substances psychotropes faite à Vienne le 20 décembre 1988 ». La référence à la convention de Vienne n'apparaît plus opportune. En effet, l'article 6 du présent projet modifie l'article 12 de la loi n° 94-589, figurant dans le titre II, en étendant le champ des opérations de lutte contre le trafic de stupéfiants au-delà de celui de la seule convention de Vienne.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 6

(Article 12 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994)

Définition du champ d'application des pouvoirs de police en mer
dans la lutte contre le trafic de stupéfiants

La rédaction actuelle de l'article 12 de la loi n° 94-589 résulte de la loi n° 96-359 du 29 avril 1996 relative au trafic de stupéfiants en haute mer et portant adaptation de la législation française à l'article 17 de la convention des Nations unies contre le trafic illicite des stupéfiants et substances psychotropes faite à Vienne le 20 décembre 1988. Ce texte est donc très marqué par la volonté de transposition de cette convention dans le droit français.

La rédaction proposée par le présent article, sans modifier considérablement le texte actuel, permet d'étendre aux Etats non parties à la convention de Vienne la mise en œuvre de mesures d'entraide en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. L'intervention française n'est plus cantonnée aux navires battant pavillon d'un Etat partie à cette convention. Elle pourra concerner tout navire, du moment que l'Etat du pavillon aura sollicité l'intervention de la France ou agréé sa demande d'intervention. Comme précédemment, sont également visés les navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité.

On notera que la rédaction actuelle rappelle que les dispositions du titre II s'appliquent aussi aux navires battant pavillon français. Ce rappel disparaît dans le texte proposé, ce qui ne modifie en rien l'état du droit, puisque le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-589 précise que celle-ci s'applique « aux navires français dans tous les espaces maritimes, sous réserve des compétences reconnues aux Etats par le droit international ». En outre, l'article 113-3 du code pénal dispose que « la loi pénale française est applicable aux infractions commises à bord des navires battant un pavillon français, ou à l'encontre de tels navires, en quelque lieu qu'ils se trouvent ».

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 7

(Article 13 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994)

Autorité supervisant les opérations outre-mer

La décision d'exécuter ou de faire exécuter des mesures de coercition à l'encontre des navires pour lesquels il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'un trafic de stupéfiants se commet à bord et se trouvant en dehors des eaux territoriales est prise par les commandants ou commandants de bord sous l'autorité du préfet maritime. De ce point de vue, la rédaction actuelle de l'article 13 de la loi du 15 juillet 1994 ne prend pas en compte le fait que, pour les collectivités d'outre-mer, les fonctions du préfet maritime relèvent d'un délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer (15).

Le présent article tend à combler cette lacune.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 8

Modification de l'intitulé du chapitre 1er du titre II

Comme le titre II, le chapitre 1er de celui-ci fait actuellement référence à la convention de Vienne. Les modifications de l'article 14 de la loi n° 94-589 proposées par l'article 9 du présent projet suppriment les références à cette convention et il convient donc d'en tirer les conséquences sur l'intitulé du chapitre 1er.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 9

(Article 14 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994)

Pouvoirs de police des commandants

Le présent article a pour seul objet de modifier le premier alinéa du I et le III de l'article 14 de la loi n° 94-589, en vue de supprimer les références à la convention de Vienne, par coordination avec les articles 5 et 6 du présent projet. Aucune modification n'est apportée au fond en ce qui concerne les pouvoirs de saisie, les comptes rendus d'exécution des mesures prises et le sort des saisies placées sous scellés.

*

La commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par la rapporteure, puis l'article ainsi modifié.

Article 10

(Article 15 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994)

Compétence des juridictions françaises dans le cas de trafics illicites de stupéfiants constatés en haute mer

Le présent article a également pour objet de supprimer les références à la convention de Vienne, cette fois dans l'article 15 de la loi n° 94-589. Il propose une nouvelle rédaction d'ensemble, précisant dans le premier alinéa les compétences des juridictions françaises dans les cas de trafics de stupéfiants constatés en haute mer. Les juridictions françaises peuvent ainsi poursuivre et juger les auteurs de ces infractions :

- lorsque des accords bilatéraux ou multilatéraux le prévoient ;

- ou avec l'assentiment de l'Etat du pavillon ;

- ou lorsque ces infractions sont commises à bord d'un navire n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 11

(Article 17 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994)

Compétence des juridictions d'outre-mer

Si l'article 17 de la loi n° 94-589 prévoit qu'en métropole le tribunal compétent est soit le tribunal de grande instance situé au siège de la préfecture maritime, soit le tribunal de grande instance du port vers lequel le navire a été dérouté, cette souplesse n'a pas été retenue pour l'outre-mer. Le texte actuel prévoit la seule compétence de la juridiction de première instance en matière correctionnelle située au siège du délégué du Gouvernement.

Le présent article prévoit, outre une actualisation des dénominations des collectivités d'outre-mer, l'alignement des règles de compétence outre-mer sur celles en vigueur en métropole.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 12

(Articles 18 à 24 [nouveaux] de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994)

Exercice par l'Etat de ses pouvoirs de police en mer dans la lutte contre l'immigration illicite par mer

L'article 12 du projet de loi vise à substituer au titre III de la loi n° 94-589, relatif à des « Dispositions diverses », un titre III définissant les pouvoirs de police en mer de l'Etat en matière de lutte contre l'immigration illicite par voie maritime. Le dispositif de cet article se décompose en sept nouveaux articles qui viendraient s'insérer dans le corps de la loi du 15 juillet 1994. La structure et le contenu de ce nouveau titre III sont inspirés de ceux du titre II.

*

La commission a examiné un amendement présenté par la rapporteure ayant pour objet de modifier l'intitulé du titre III. Après que MM. Michel Voisin et Damien Meslot eurent estimé que la rédaction proposée par le projet de loi était cohérente avec l'objet de lutte contre l'immigration illicite par mer, la rapporteure a retiré son amendement.

*

Article 18 [nouveau] de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994

Définition des infractions visées

Le nouvel article 18 de la loi n° 94-589, tel qu'il résulte de la rédaction du projet de loi, définit l'infraction de trafic illicite de migrants par voie de mer par renvoi aux dispositions législatives en vigueur en métropole, dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre et Miquelon (article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (16)), ainsi qu'à celles qui concernent plus spécifiquement les îles Wallis-et-Futuna (article 28 de l'ordonnance du 26 avril 2000 (17)), la Polynésie française (article 30 de l'ordonnance du 26 avril 2000 (18)), Mayotte (article 28 de l'ordonnance du 26 avril 2000 (19)) et la Nouvelle-Calédonie (article 30 de l'ordonnance du 20 mars 2002 (20)).

La qualification de l'infraction est similaire dans tous les cas : il s'agit du fait, pour toute personne, d'aider directement ou indirectement, de faciliter ou de tenter de faciliter l'entrée, la circulation et le séjour irrégulier d'un étranger en France et outre-mer, sur le territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ou sur celui d'un Etat partie au protocole additionnel à la convention de Palerme sur le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, signé le 12 décembre 2000 et entré en vigueur le 28 janvier 2004. L'objectif est donc de réprimer les activités des passeurs, qui exploitent la misère et l'espoir des populations désireuses d'émigrer à tout prix loin de leur pays.

La définition du droit français ne recouvre pas complètement celle du protocole additionnel à la convention de Palerme, dont l'article 3 stipule : « L'expression « trafic illicite de migrants » désigne le fait d'assurer, afin d'en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l'entrée illégale dans un Etat Partie d'une personne qui n'est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet Etat ». De fait, le droit national n'exige pas la preuve d'un but lucratif, même s'il constitue une circonstance aggravante lorsqu'il est établi. Il implique, de surcroît, qu'au moment des faits l'auteur de l'infraction soit présent sur le territoire national ou sur celui d'un Etat partie à la convention de Schengen ou au protocole de Palerme.

Malgré tout, la loi du 26 novembre 2003 (21) a harmonisé de manière significative les dispositions du droit pénal français avec celles du droit international. Désormais, l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne se réfère plus aux notions restrictives de territoire métropolitain et de départements d'outre-mer, permettant ainsi l'application de l'article 113-1 du code pénal, qui englobe les espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française dans le territoire de la République, cette définition étant plus conforme à l'esprit du protocole de Palerme. De même, conformément aux stipulations dudit protocole, une circonstance aggravante de mise en danger de la vie des étrangers a été introduite dans l'article 21 bis de l'ordonnance de 1945, qui porte la peine prévue de cinq à dix ans d'emprisonnement et l'assortit d'une amende passant de 30 000 à 750 000 euros, lorsque ces infractions « sont commises dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente » ou « lorsqu'elles ont pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie, de transport, de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité de la personne humaine ».

Jusqu'alors, l'infraction de mise en danger d'autrui, prévue par l'article 223-1 du code pénal, n'était pas spécifiquement applicable au trafic de migrants, même si les circonstances de l'infraction étaient susceptibles de permettre son application dans certains cas (violation des règles d'habitabilité des navires, risque de mort ou d'infirmité résultant des conditions du transport). De même, il n'existait pas d'infraction relative au transport et au voyage de personnes dans des conditions contraires à la dignité humaine. Lors de l'examen, en 2002, du projet de loi autorisant la ratification du protocole de Palerme, les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale avaient souligné la nécessité d'adapter le droit français (22). La rapporteure se réjouit que le Gouvernement se soit conformé à leur souhait.

*

La commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par la rapporteure.

Article 19 [nouveau] de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994

Pouvoirs de police en mer de l'Etat
pour lutter contre les trafics illicites de migrants

Le nouvel article 19, que le projet de loi insère dans la loi du 15 juillet 1994, définit le champ d'application des procédures et des sanctions prévues par le droit national lors d'opérations de police judiciaire en mer destinées à mettre au jour et sanctionner un éventuel trafic illicite de migrants. Il s'agit exclusivement de mesures de police judiciaire, car le texte se réfère à la recherche, la constatation, la poursuite et le jugement des infractions définies à l'article 18 nouveau.

Sur le modèle de l'article 6 du projet de loi, le présent article renvoie tout d'abord aux dispositions du titre Ier de la loi n° 94-589, c'est-à-dire aux dispositions générales du texte, qui précisent les autorités de police compétentes, les navires sur lesquels elles sont habilitées à exercer leurs attributions et leurs pouvoirs (droits de visite, de déroutement, de poursuite et éventuellement de recours à des mesures de coercition). Il souligne ensuite que les dispositions du nouveau titre III de la loi sont également applicables et complète enfin la liste des navires concernés, énumérés à l'article 2 de la loi n° 94-589, par :

- les navires battant pavillon d'un Etat qui a sollicité l'intervention de la France ou agréé sa demande d'intervention ;

- les navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité.

Les justifications de ces précisions sont les mêmes que celles énoncées lors du commentaire de l'article 6 du projet de loi. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir.

Article 20 [nouveau] de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994

Habilitation des commandants de bâtiments
et des commandants de bord
des aéronefs chargés de la surveillance en mer

Le nouvel article 20 de la loi du 15 juillet 1994 établit la compétence des commandants de bâtiments de l'Etat et des commandants de bord des aéronefs de l'Etat chargés de la surveillance en mer à exécuter et faire exécuter les mesures de police administrative et judiciaire qui sont prévues par le droit international et les articles 3 à 7 de la loi n° 94-589. Le texte mentionne ces responsables en totale coordination avec la rédaction de l'article premier de la loi n° 94-589 et par similitude avec les dispositions de l'article 13. Pour mémoire, les bâtiments ou aéronefs « chargés de la surveillance en mer » correspondent aux navires de guerre et aéronefs militaires ou aux navires et aéronefs portant visiblement une marque extérieure et identifiables à ce titre comme se trouvant au service de l'Etat. Dans la pratique, il peut donc s'agir des bâtiments ou aéronefs de la marine nationale et de la gendarmerie, mais aussi des bâtiments ou aéronefs des douanes ou des affaires maritimes.

Il est précisé que les commandants concernés agissent « sous l'autorité du préfet maritime ou, outre-mer, du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer ». La référence aux préfets maritimes, dont le rôle de coordination des administrations de l'Etat agissant en mer est reconnu par le décret du 6 février 2004 (23), aligne le dispositif sur celui prévu pour la lutte contre les trafics maritimes de stupéfiants. La mention des délégués du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer, quant à elle, est rendue nécessaire par la spécificité de la situation des collectivités d'outre-mer.

Il est également prévu que le procureur de la République soit avisé des mesures prises sur le fondement des dispositions du présent article.

L'habilitation des commandants de bâtiments de l'Etat et des commandants de bord des aéronefs de l'Etat chargés de la surveillance en mer est conditionnée à l'existence de «  motifs raisonnables de soupçonner que les infractions » de trafic illicite de migrants « se commettent à bord de l'un des navires visés à l'article 19 et se trouvant en dehors des eaux territoriales ». L'exercice des pouvoirs de police suppose donc la conjonction de critères liés à la qualité des navires (ceux qui sont visés à l'article 19) avec des circonstances de fait (soupçons de trafic de migrants et navigation en dehors des eaux territoriales (24)).

Article 21 [nouveau] de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994

Mesures à l'encontre des navires soit sans pavillon ou sans nationalité,
soit à la demande ou avec l'accord de l'Etat du pavillon

Le chapitre Ier du nouveau titre III est intitulé : « Des mesures prises soit à l'encontre d'un navire n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité, soit à la demande ou avec l'accord de l'Etat du pavillon ».

Il est constitué d'un article 21, qui se décompose en trois paragraphes et qui définit les mesures de police administrative susceptibles d'être prises par les commandants de bâtiments ou d'aéronefs français à l'encontre d'un navire étranger naviguant en haute mer, lorsqu'il est soupçonné de se livrer à un trafic de migrants.

Le paragraphe I autorise le commandant qui décide la visite d'un navire suspect à « faire procéder à la saisie des objets ou documents qui paraissent liés à la commission des infractions ». Ils sont « placés sous scellés, en présence du capitaine du navire ou de toute personne se trouvant à bord de celui-ci », cette dernière précision devant limiter les risques de vices de forme lors de la procédure. Cette procédure est identique à celle introduite par l'article 9 du projet de loi, dans le cas des trafics illicites de stupéfiants en mer.

Le paragraphe II précise les dispositions de l'article 5 de la loi n° 94-589, relatives au déroutement des navires contrôlés, à l'instar et sur le modèle du dispositif prévu par l'article 14 de la même loi, pour ce qui concerne les trafics illicites de stupéfiants.

Si les lieux de déroutement mentionnés par le présent paragraphe sont déjà énumérés à l'article 5 précité, le projet de loi précise que le déroutement intervient vers une position ou un port appropriés « lorsque des investigations approfondies qui ne peuvent être faites en mer doivent être diligentées à bord » et qu'il est ordonné vers un point se situant dans les eaux internationales « lorsque l'Etat du pavillon en formule expressément la demande, en vue de la prise en charge du navire ».

Le paragraphe III prévoit enfin la remise, aux autorités de l'Etat du pavillon, d'un compte rendu d'exécution des mesures de police prises en application de la loi n° 94-589, consignant également les produits, objets ou documents placés sous scellés. Cette règle est écartée si, à la demande ou avec l'accord de l'Etat du pavillon, la France décide de donner elle-même une suite judiciaire aux infractions relevées en application de la compétence reconnue aux juridictions françaises par l'article 22. Une fois encore, la procédure s'aligne sur celle introduite par l'article 9 du projet de loi pour les contrôles effectués en cas de soupçons de trafic illicite de stupéfiants.

*

La commission a adopté trois amendements de cohérence rédactionnelle présentés par la rapporteure.

Article 22 [nouveau] de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994

Compétence des juridictions françaises
dans le cas de trafics illicites de migrants constatés en haute mer

Le chapitre II du nouveau titre III est intitulé : « De la compétence des juridictions françaises ». Le projet de loi prévoit qu'il regroupera deux nouveaux articles : les articles 22 et 23.

L'article 22 nouveau étend, sur la base d'accords bilatéraux ou multilatéraux, la compétence des juridictions françaises à la poursuite des infractions de trafic de migrants qui sont commises à bord de navires étrangers se trouvant en haute mer. Il définit également les modalités d'information des autorités françaises et du procureur de la République. En fait, cet article transpose aux trafics de migrants en haute mer les dispositions inscrites à l'article 10 du présent projet de loi sur la compétence juridictionnelle des tribunaux français pour les trafics illicites de stupéfiants en haute mer.

Ces dispositions reposent sur des justifications semblables à celles énoncées lors du commentaire de l'article 10, si ce n'est qu'elles s'appliquent dans ce cas au trafic illicite de migrants en haute mer.

Article 23 [nouveau] de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994

Procédure de constatation des infractions

L'article 23 détaille la procédure d'enquête judiciaire menée dans l'éventualité d'un trafic illicite de migrants par voie de mer, en s'inspirant fortement, mais pas intégralement, des dispositions de l'article 16 de la loi du 15 juillet 1994, valables pour les trafics de stupéfiants.

Quand le navire suspect, qu'il arbore un pavillon français ou étranger, se trouve dans les eaux territoriales, c'est le droit commun de la procédure pénale qui s'applique. En dehors de cette zone maritime où s'exerce la pleine souveraineté de la République, les dispositions de l'article 23 entreront en vigueur.

Le premier alinéa de l'article distingue la situation des officiers de police judiciaire de celles des agents des douanes, des commandants de bâtiments ou d'aéronefs de l'Etat et des officiers de la marine nationale embarqués sur lesdits bâtiments. Les premiers agissent « conformément aux dispositions du code de procédure pénale », aux termes desquelles ils ne peuvent instrumenter que sur des navires français en haute mer. Les officiers de marine, quant à eux, « lorsqu'ils sont spécialement habilités à cet effet par un décret en Conseil d'Etat », à l'instar des officiers de police judiciaire, voient leurs pouvoirs en haute mer étendus aux navires étrangers. Les compétences des autorités désignées portent explicitement sur la constatation des infractions et la recherche de leurs auteurs, ce qui renvoie effectivement à des mesures de police judiciaire.

Les modalités de recherche et de constatation des infractions sont explicitées au 1° de l'article. Le procureur de la République compétent, selon un principe constitutionnel bien affirmé en matière de police judiciaire spéciale, doit bénéficier d'une information préalable, dont le formalisme n'est pas établi si ce n'est qu'elle doit être réalisée « par tout moyen ».

La constatation des infractions donne lieu à des procès-verbaux « qui font foi jusqu'à preuve du contraire », ce qui leur confère une valeur supérieure aux documents établis sur le fondement des articles 430, 431 et 433 du code de procédure pénale, selon lesquels les procès-verbaux ne valent qu'à titre de renseignements et peuvent être contestés. Ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République compétent dans un délai de quinze jours, ce qui permet de tenir compte des conditions particulières d'éloignement dans lesquelles les enquêtes en mer peuvent être menées. A la différence de la rédaction retenue à l'article 16 de la loi n° 94-589, la copie de ces documents serait remise aux personnes intéressées seulement « dans la mesure du possible », cette précision se révélant être on ne peut plus floue. Le principe de la transmission des procès-verbaux aux personnes intéressées se justifie par le fait qu'ils peuvent servir de base à l'engagement de poursuites judiciaires. Néanmoins, si, dans le cas des trafics illicites de stupéfiants l'identification des personnes intéressées, c'est-à-dire susceptibles d'être poursuivies, est relativement aisée (l'ensemble de l'équipage étant présumé se trouver en infraction), il n'en va pas de même dans le cas des trafics illicites de migrants en mer, puisque les droits international et national ne sanctionnent pénalement que les passeurs (25). Or, le plus souvent, il est très difficile de les identifier avec certitude parmi leurs victimes. La rédaction retenue par le projet de loi ne semble pas complètement satisfaisante, car elle ouvre la voie, par son imprécision, à des contestations. Il apparaît donc indispensable de garantir la validité de la procédure lorsqu'il n'est pas possible d'identifier les passeurs.

Les perquisitions et saisies effectuées sont régies par les dispositions du 2° de l'article. Une fois encore, l'article 16 de la loi n° 94-589 a servi de modèle à la rédaction de ces dispositions. La perquisition et la saisie des objets ou documents « qui paraissent provenir de la commission des infractions » sont soumises à l'autorisation du procureur de la République, sauf dans les cas d'extrême urgence. Cette autorisation est transmise aux autorités concernées par tout moyen.

Il s'agit là d'une procédure qui reprend les dispositions prévues à l'encontre des délits flagrants, seule exception avec les crimes à l'obligation posée par le code de procédure pénale de recueillir l'assentiment de la personne chez laquelle une perquisition doit avoir lieu dans le cadre d'une enquête préliminaire. L'analogie de la situation prévue à l'article 23 nouveau avec les cas de délits flagrants ne s'arrête pas aux modalités de perquisition puisque, à l'instar des dispositions de l'article 56 du code de procédure pénale, il est explicitement prévu que les produits, documents ou objets saisis sont placés immédiatement sous scellés.

La grande spécificité de cette procédure concerne néanmoins les horaires d'intervention des autorités habilitées à la mettre en œuvre : les perquisitions et saisies peuvent être effectuées, sous réserve de l'autorisation du procureur de la République, en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale, c'est-à-dire entre vingt-et-une heures et six heures du matin. Cette exception se justifie à deux titres : la nécessité d'agir rapidement lorsqu'un navire suspect est repéré et la relativité des notions d'« heures ouvrables » et de « protection du domicile » en mer.

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La commission a adopté un amendement présenté par la rapporteure prévoyant que la copie du procès-verbal constatant les infractions est transmise à la personne intéressée et qu'à défaut la procédure n'est pas pour autant entachée de nullité.

Elle a ensuite adopté un amendement rédactionnel présenté par la rapporteure.

Article 24 [nouveau] de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994

Siège des tribunaux compétents

Dans l'article 24, inséré spécialement à cet effet dans la loi du 15 juillet 1994, le projet de loi détermine quels sont les tribunaux territorialement compétents pour le jugement des auteurs d'infractions de trafic de migrants en haute mer. Les critères de droit commun apparaissent inappropriés en l'espèce, car l'article 382 du code de procédure pénale dispose que le tribunal correctionnel compétent est celui « du lieu de l'infraction, celui de la résidence du prévenu ou celui du lieu d'arrestation ou de détention de ce dernier ». Puisque cet article ne trouverait à s'appliquer que dans un petit nombre d'affaires de trafics maritimes de migrants, il faut définir des critères de compétence spécifiques.

Le tribunal compétent est logiquement celui du siège de la préfecture maritime, pour la métropole, et celui du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer, outre-mer. Ce choix se justifie de lui-même, compte tenu des pouvoirs de coordination en matière de police en mer attribués aux préfets maritimes ou aux délégués du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer. Cependant, tant en métropole qu'outre-mer, le critère du port vers lequel le navire a été dérouté reste retenu, mais à titre apparemment subsidiaire. La rédaction de cet alinéa reprend celle de l'article 17 de la loi du 15 juillet 1994, tel que modifié par l'article 11 du projet de loi.

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La commission a adopté l'article 12 du projet de loi ainsi modifié.

Article 13

Application de la loi aux collectivités d'outre-mer

Le présent article étend l'application des dispositions du projet de loi à Mayotte, aux îles Wallis-et-Futuna, à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises, en créant un titre IV spécifique à cet objet et intitulé : « Dispositions diverses ».

En vertu du principe d'identité législative défini à l'article 73 de la Constitution, les règles posées par le projet de loi s'appliqueront automatiquement aux départements d'outre-mer, c'est-à-dire à la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion, sans qu'aucune mention expresse ne soit inscrite dans le texte. Ces dispositions entreront en vigueur dans les mêmes conditions à Saint-Pierre-et-Miquelon, car en vertu de la loi du 11 juin 1985 (26), relative au statut de l'archipel, toutes les dispositions législatives sont applicables de plein droit à cette collectivité selon un principe d'assimilation.

En revanche, selon le principe de spécialité législative, issu de l'article 74 de la Constitution, les textes qui ne sont pas propres aux autres collectivités territoriales d'outre-mer doivent, pour leur être applicables, comporter une disposition expresse d'applicabilité, ou leur être étendus par une loi ultérieure. L'entrée en vigueur du statut de « pays d'outre mer » de la Polynésie française, en application de la loi organique du 27 février 2004 (27), n'entre nullement en contradiction avec ce principe constitutionnel puisque, aux termes de l'article 7 de la loi organique : « Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin ». Or, les pouvoirs de police exercés par l'Etat en mer entrent dans le champ des compétences exclusives qui lui sont dévolues par l'article 14 de la loi organique. De même, l'article 72-3 de la Constitution renvoie à la loi pour déterminer le régime législatif des Terres australes et antarctiques françaises. C'est donc logiquement que le présent article prévoit l'extension des dispositions du projet de loi à Mayotte, aux îles Wallis-et-Futuna, à la Polynésie française et aux Terres australes et antarctiques françaises.

Pour ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, la précision apportée par le présent article découle de la répartition des compétences entre l'Etat et cette collectivité d'outre-mer. L'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 (28) dispose en effet que : « L'Etat est compétent dans les matières suivantes : (...) 12° Exercice, hors des eaux territoriales, des compétences résultant des conventions internationales ».

La commission a adopté cet article sans modification.

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Titre

La commission a adopté un amendement de conséquence présenté par la rapporteure et ayant pour objet de modifier le titre du projet de loi.

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* *

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

En conséquence et sous réserve des amendements qu'elle propose, la commission de la défense nationale et des forces armées demande à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi n° 1549.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte du projet de loi

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Propositions de la Commission

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Projet de loi modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer

Projet de loi relatif aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de police en mer

(amendement n° 9)

Article premier

Article premier

Loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer.

Dans l'intitulé de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer, le mot : « contrôle » est remplacé par le mot : « police ».

(Sans modification)

TITRE IER

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article premier

Article 2

Article 2

Les commandants des bâtiments de l'Etat et les commandants de bord des aéronefs de l'Etat, chargés de la surveillance en mer, sont habilités, pour assurer le respect des dispositions qui s'appliquent en mer en vertu du droit international ainsi que des lois et règlements de la République, à exercer et à faire exécuter les mesures de contrôle et de coercition prévues par le droit international, la législation et la réglementation française.

L'article 1er de la même loi est complété par l'alinéa suivant :

« Ils sont notamment habilités à exercer et à faire exercer au nom de l'Etat du pavillon ou de l'Etat côtier les mesures de contrôle et de coercition fixées en accord avec cet Etat. »

(Sans modification)

Article 2

Article 3

Article 3

La présente loi s'applique :

- aux navires français dans tous les espaces maritimes, sous réserve des compétences reconnues aux Etats par le droit international ;

- aux navires étrangers dans les espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française ainsi qu'en haute mer conformément au droit international.

Elle ne s'applique ni aux navires de guerre étrangers, ni aux autres navires d'Etat étrangers utilisés à des fins non commerciales.

A l'article 2 de la même loi, il est ajouté un quatrième alinéa ainsi rédigé :

« - aux navires situés dans les espaces maritimes sous souveraineté d'un Etat étranger, en accord avec celui-ci. »

Après le troisième alinéa de l'article 2 de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :...

(amendement n° 1)

Article 5

Article 4

Article 4

Lorsque l'accès à bord a été refusé ou s'est trouvé matériellement impossible, le commandant ou le commandant de bord peut ordonner le déroutement du navire vers la position ou le port appropriés.

Le commandant ou le commandant de bord peut également ordonner le déroutement du navire vers une position ou un port appropriés dans les cas suivants :

- soit en application du droit international ;

- soit en vertu de dispositions législatives ou réglementaires particulières ;

- soit pour l'exécution d'une décision de justice ;

- soit à la demande d'une autorité qualifiée en matière de police judiciaire.

Le commandant ou le commandant de bord désigne la position ou le port de déroutement en accord avec l'autorité de contrôle des opérations.

A l'article 5 de la même loi, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pendant le transit consécutif à la décision de déroutement, les agents mentionnés à l'article 1er peuvent prendre les mesures de coercition nécessaires et adaptées en vue d'assurer la préservation du navire et de sa cargaison et la sécurité des personnes se trouvant à bord. »

(Sans modification)

TITRE II

Article 5

Article 5

DISPOSITIONS PARTICULIÈRES PORTANT ADAPTATION DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE À L'ARTICLE 17 DE LA CONVENTION DES NATIONS UNIES CONTRE LE TRAFIC ILLICITE DES STUPÉFIANTS ET SUBSTANCES PSYCHOTROPES FAITE À VIENNE LE 20 DÉCEMBRE 1988.

L'intitulé du titre II de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :

« TITRE II

« EXERCICE PAR L'ÉTAT DE SES POUVOIRS DE POLICE EN MER DANS LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC ILLICITE DE STUPÉFIANTS ET SUBSTANCES PSYCHOTROPES »

(Sans modification)

Article 12

Article 6

Article 6

La recherche, la constatation, la poursuite et le jugement des infractions constitutives de trafic de stupéfiants et commises en mer sont régis par les dispositions du titre Ier de la présente loi et par les dispositions ci-après. Ces dernières s'appliquent, outre aux navires battant pavillon français :

- aux navires battant pavillon d'un Etat partie à la convention de Vienne contre le trafic illicite des stupéfiants et substances psychotropes autre que la France, ou régulièrement immatriculés dans un de ces Etats, à la demande ou avec l'accord de l'Etat du pavillon ;

- aux navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité.

L'article 12 de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 12.- La recherche, la constatation, la poursuite et le jugement des infractions constitutives de trafic de stupéfiants et commises en mer sont régis par les dispositions du titre Ier de la présente loi et par les dispositions du présent titre qui s'appliquent, outre aux navires mentionnés à l'article 2 :

« - aux navires battant pavillon d'un Etat qui a sollicité l'intervention de la France ou agréé sa demande d'intervention ;

« - aux navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité. »

(Sans modification)

Article 13

Article 7

Article 7

Lorsqu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'un trafic de stupéfiants se commet à bord de l'un des navires visés à l'article 12 et se trouvant en dehors des eaux territoriales, les commandants des bâtiments de l'Etat et les commandants de bord des aéronefs de l'Etat, chargés de la surveillance en mer, sont habilités à exécuter ou à faire exécuter, sous l'autorité du préfet maritime, qui en avise le procureur de la République, les mesures de contrôle et de coercition prévues par le droit international et la présente loi.

A l'article 13 de la même loi, après les mots :

« sous l'autorité du préfet maritime », sont insérés les mots :

« ou, outre-mer, du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer ».

(Sans modification)

CHAPITRE Ier

Article 8

Article 8

Des mesures prises à la demande ou avec l'accord d'un Etat partie à la convention précitée faite à Vienne le 20 décembre 1988.

L'intitulé du chapitre Ier du titre II de la même loi est ainsi modifié :

« CHAPITRE Ier

« Des mesures prises soit à l'encontre d'un navire n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité, soit à la demande ou avec l'accord de l'État du pavillon ».

(Sans modification)

Article 14

Article 9

Article 9

I. - Lorsqu'il décide la visite du navire, à la demande ou avec l'accord d'un Etat partie à la convention précitée, le commandant peut faire procéder à la saisie des produits stupéfiants découverts et des objets ou documents qui paraissent liés à un trafic de stupéfiants.

Ils sont placés sous scellés en présence du capitaine du navire ou de toute personne se trouvant à bord de celui-ci.

II. - Le commandant peut ordonner le déroutement du navire vers une position ou un port appropriés lorsque des investigations approfondies qui ne peuvent être effectuées en mer doivent être diligentées à bord.

Le déroutement peut également être ordonné vers un point situé dans les eaux internationales lorsque l'Etat du pavillon en formule expressément la demande, en vue de la prise en charge du navire.

III. - Le compte rendu d'exécution des mesures prises en application de l'article 17 de la convention de Vienne ainsi que les produits, objets ou documents placés sous scellés sont remis aux autorités de l'Etat du pavillon lorsque aucune suite judiciaire n'est donnée sur le territoire français.

L'article 14 de la même loi est ainsi modifié :

I. - Le premier alinéa du I est remplacé par les dispositions suivantes :

« A l'occasion de la visite du navire, le commandant peut faire procéder à la saisie des produits stupéfiants découverts et des objets ou documents qui paraissent liés à un trafic de stupéfiants. »

II. - Le III est remplacé par les dispositions suivantes :

« III. - Le compte rendu d'exécution des mesures prises ainsi que les produits, objets ou documents placés sous scellés sont remis aux autorités de l'Etat du pavillon lorsque aucune suite judiciaire n'est donnée sur le territoire français. »

...des mesures prises en application de la présente loi ainsi que les produits...

(amendement n° 2)

Article 15

Article 10

Article 10

Les auteurs ou complices d'infractions de trafic de stupéfiants commises en haute mer peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises lorsque des accords bilatéraux ou multilatéraux ou des arrangements particuliers sont conclus entre les Etats parties à la convention de Vienne.

Les arrangements particuliers sont transmis par la voie diplomatique aux autorités françaises, accompagnés des éléments permettant de soupçonner qu'un trafic de stupéfiants est commis sur un navire.

Une copie de ces documents est transmise par tout moyen et dans les plus brefs délais au procureur de la République.

L'article 15 de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les auteurs ou complices d'infractions de trafic de stupéfiants commises en haute mer peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises lorsque des accords bilatéraux ou multilatéraux le prévoient ou avec l'assentiment de l'Etat du pavillon, ainsi que dans le cas où ces infractions sont commises à bord d'un navire n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité.

« L'assentiment mentionné à l'alinéa précédent est transmis par la voie diplomatique aux autorités françaises, accompagné des éléments permettant de soupçonner qu'un trafic de stupéfiants est commis sur un navire. Une copie de ces documents est transmise par tout moyen et dans les plus brefs délais au procureur de la République. »

(Sans modification)

Article 17

Article 11

Article 11

En France métropolitaine, le tribunal compétent est soit le tribunal de grande instance situé au siège de la préfecture maritime, soit le tribunal de grande instance du port vers lequel le navire a été dérouté.

Dans les départements et territoires d'outre-mer et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, le tribunal compétent est la juridiction de première instance en matière correctionnelle située au siège du délégué du Gouvernement.

En matière criminelle, les dispositions de l'article 706-27 du code de procédure pénale sont applicables.

Le deuxième alinéa de l'article 17 de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :

« Dans les départements d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, et dans les Terres australes et antarctiques françaises, le tribunal compétent est la juridiction de première instance en matière correctionnelle située soit au siège du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer soit au port vers lequel le navire est dérouté. »

(Sans modification)

Titre III

Article 12

Article 12

Dispositions diverses.

Le titre III de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :

« TITRE III

« EXERCICE PAR L'ÉTAT DE SES POUVOIRS DE POLICE EN MER DANS LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION ILLICITE PAR MER

« Art. 18.- Les infractions visées au présent titre sont celles définies au I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 et commises en mer, au I de l'article 28 de l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis-et-Futuna, au I de l'article 30 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française, au I de l'article 28 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, et au I de l'article 30 de l'ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie.

« Art. 19.- La recherche, la constatation, la poursuite et le jugement des infractions visées à l'article 18 sont régis par les dispositions du titre Ier de la présente loi et par les dispositions du présent titre qui s'appliquent, outre aux navires mentionnés à l'article 2 :

« - aux navires battant pavillon d'un Etat qui a sollicité l'intervention de la France ou agréé sa demande d'intervention ;

« - aux navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité.

« Art. 20.- Lorsqu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner que les infractions visées à l'article 18 se commettent à bord de l'un des navires visés à l'article 19 et se trouvant en dehors des eaux territoriales, les commandants des bâtiments de l'Etat et les commandants de bord des aéronefs de l'Etat, chargés de la surveillance en mer, sont habilités à exécuter ou à faire exécuter, sous l'autorité du préfet maritime ou, outre-mer, du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer, qui en avisent le procureur de la République, les mesures de contrôle et de coercition prévues par le droit international et la présente loi.

« CHAPITRE Ier

« Des mesures prises soit à l'encontre d'un navire n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité, soit à la demande ou avec l'accord de l'État du pavillon

« Art. 21.- I.- A l'occasion de la visite du navire, le commandant peut faire procéder à la saisie des objets ou documents qui paraissent liés à la commission des infractions visées à l'article 18.

« Ces derniers sont placés sous scellés en présence du capitaine du navire ou de toute personne se trouvant à bord de celui-ci.

« II.- Le commandant peut ordonner le déroutement du navire vers une position ou un port appropriés lorsque des investigations approfondies qui ne peuvent être faites en mer doivent être diligentées à bord.

« Le déroutement peut également être ordonné vers un point situé dans les eaux internationales lorsque l'Etat du pavillon en formule expressément la demande, en vue de la prise en charge du navire.

« III.- Le compte rendu d'exécution des mesures prises en application de l'article 19 de la présente loi ainsi que les produits, objets ou documents placés sous scellés sont remis aux autorités de l'Etat du pavillon lorsque aucune suite judiciaire n'est donnée sur le territoire français.

« CHAPITRE II

« De la compétence des juridictions françaises

« Art. 22.- Les auteurs ou complices d'infractions visées à l'article 18 et commises en haute mer à bord des navires visés à l'article 19 peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises lorsque des accords bilatéraux ou multilatéraux le prévoient ou avec l'assentiment de l'Etat du pavillon, ainsi que dans le cas où ces infractions sont commises à bord d'un navire n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité.

« L'assentiment mentionné à l'alinéa précédent est transmis par la voie diplomatique aux autorités françaises, accompagné des éléments permettant de soupçonner que les infractions visées à l'article 18 sont commises sur un navire. Une copie de ces documents est transmise par tout moyen et dans les plus brefs délais au procureur de la République.

« Art. 23.- Outre les officiers de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale, les agents des douanes ainsi que, lorsqu'ils sont spécialement habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les commandants des bâtiments de l'Etat, les officiers de la marine nationale embarqués sur ces bâtiments et les commandants de bord des aéronefs de l'Etat, chargés de la surveillance en mer, peuvent constater les infractions visées à l'article 18 et en rechercher les auteurs selon les modalités suivantes :

« 1° Le procureur de la République compétent est informé préalablement et par tout moyen des opérations envisagées en vue de la recherche et de la constatation des infractions.

« Les infractions sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. Ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours qui suivent les opérations. Dans la mesure du possible, copie en est remise à la personne intéressée ;

« 2° Il peut être procédé avec l'autorisation, sauf extrême urgence, du procureur de la République à des perquisitions et à la saisie des objets ou documents qui paraissent provenir de la commission des infractions visées à l'article 18 ou qui paraissent servir à les commettre.

« Cette autorisation est transmise par tout moyen.

« Les produits, documents ou objets saisis sont placés immédiatement sous scellés.

« Les perquisitions et saisies peuvent, lorsque l'autorisation du procureur de la République le mentionne, être opérées à bord du navire en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale.

« Art. 24.- En France métropolitaine, le tribunal compétent est soit le tribunal de grande instance situé au siège de la préfecture maritime, soit le tribunal de grande instance du port vers lequel le navire a été dérouté.

« Dans les départements d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, et dans les Terres australes et antarctiques françaises, le tribunal compétent est la juridiction de première instance en matière correctionnelle située soit au siège du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer soit au port vers lequel le navire est dérouté. »

(Sans modification)

« Art. 18.- 

... celles qui, commises en mer, sont définies au I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, au I de l'article 28...

(amendement n° 3)

« Ils sont...

(amendement n° 4)

... ne peuvent être effectuées en mer...

(amendement n° 5)

... en application de la présente loi...

(amendement n° 6)

... les opérations. La copie en est remise à la personne intéressée ; à défaut, la procédure n'est pas pour autant entachée de nullité ;

(amendement n° 7)

..., être effectuées à bord...

(amendement n° 8)

Article 18

Article 13

Article 13

Art. 18. La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte.

Dans la même loi, il est ajouté, après le titre III, un titre IV ainsi rédigé :

« TITRE IV

« DISPOSITIONS DIVERSES

« Art. 25.- La présente loi est applicable à Mayotte, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. »

(Sans modification)

AMENDEMENT NON ADOPTÉ
PAR LA COMMISSION

Article 12

(Titre III nouveau de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994)

Amendement présenté par Mme Marguerite Lamour, rapporteure :

Dans l'intitulé de ce Titre,

supprimer :

« par mer ».

N° 1658 - Rapport de la commission de la défense nationale et des forces armées sur le projet de loi modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer (rapporteure : Mme Marguerite Lamour)

1 () Les étendues maritimes ont une surface totale de 361,3 millions de kilomètres carrés, contre 148,7 millions de kilomètres carrés pour les terres émergées.

2 () Le 11 avril 1996, la France a ratifié cette convention (et ses neuf annexes), publiée par le décret n° 96-774 du 30 août 1996.

3 () Les marées noires résultant des naufrages du Torrey Canyon en 1967, de l'Amoco-Cadiz, en 1978, de l'Erika, en 1999, et, plus récemment, du Prestige sont autant de catastrophes qui resteront à jamais dans la mémoire collective française.

4 () La France a ratifié ces deux textes, respectivement le 31 décembre 1990 et le 6 août 2002.

5 () Loi n° 94-589 du 15 juillet 1994, relative aux modalités d'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer.

6 () Loi n° 96-359 du 29 avril 1996, relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic des stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime.

7 () Affaire du Lotus, arrêt du 10 septembre 1927 rendu par la Cour permanente de justice internationale.

8 () Cette intervention peut revêtir la forme de l'arraisonnement ou de la visite. En cas de trafic avéré, des mesures « appropriées » seront prises à l'encontre des personnes et de la cargaison.

9 () La France n'échappe pas à la règle. La jurisprudence administrative reconnaît la souveraineté de l'Etat sur le fondement de l'arrêt « Starr », rendu par le Conseil d'Etat le 4 décembre 1970. La loi établit quant à elle la propriété de l'Etat sur le sol et le sous-sol de la mer territoriale depuis 1963 (loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963, relative au domaine public maritime).

10 () Le décret n° 95-411 du 19 avril 1995, relatif aux modalités de recours à la coercition et de l'emploi de la force en mer, ainsi que le décret n° 97-545 du 28 mai 1997, pris pour l'application de l'article 16 de la loi n° 94-589.

11 () Ce sont les commandants des régions maritimes Méditerranée, Atlantique et Manche - mer du nord.

12 () Elle a en effet voté, le 11 mai 2004, la résolution n° 297 sur la proposition de règlement du Conseil, portant création d'une agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membre de l'Union européenne, sur le rapport de M. Thierry Mariani.

13 () Ce chiffre est à comparer aux 250 000 arrestations effectuées chaque année par les polices aux frontières des Etats membres.

14 () Exposé des motifs du projet de loi n° 1549, p.4.

15 () Décret n° 79-413 du 25 mai 1979 relatif à l'organisation des action de l'Etat en mer au large des départements et territoires d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Mayotte.

16 () Ordonnance n° 45-2658, du 2 novembre 1945, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

17 () Ordonnance n° 2000-371, du 26 avril 2000, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis-et-Futuna.

18 () Ordonnance n° 2000-372, du 26 avril 2000, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française.

19 () Ordonnance n° 2000-373, du 26 avril 2000, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

20 () Ordonnance n° 2002-388, du 20 mars 2002, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie.

21 () Loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

22 () Voir à ce sujet le rapport n° 201 de M. André Rouvière, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat (session ordinaire 2001-2002), et le rapport n° 30 de M. Christian Philip, au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale (XIIème législature).

23 () Décret n° 2004-112, du 6 février 2004, relatif à l'organisation de l'Etat en mer.

24 () Car dans ces dernières, le droit commun de la police administrative s'applique.

25 () Article 5 du protocole additionnel à la convention des Nations unies de Palerme, du 12 décembre 2000, et article 21 de l'ordonnance n° 45-2658, du 2 novembre 1945.

26 () Loi n° 85-595 du 11 juin 1985, relative au statut de Saint-Pierre-et-Miquelon.

27 () Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

28 () Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, relative à la Nouvelle Calédonie.


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