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le 21 décembre 2004

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N° 1988

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 décembre 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT (n° 1384), relatif à la régulation des activités postales,

PAR M. JEAN PRORIOL,

Député.

--

Voir les numéros :

Sénat : 410 (2002-2003), 162, 171 et T.A. 46 (2003-2004).

Assemblée nationale : 1384

INTRODUCTION 7

La mise en œuvre du contrat de plan 8

L'achèvement de la transposition des directives 9

Trois changements fondamentaux 9

L'instauration d'un cadre pour le marché postal 9

La fixation des principes de la régulation 13

La filialisation des services financiers 16

Trois problématiques en suspens 20

Le fonds postal national de péréquation territoriale 20

L'adaptation du régime de responsabilité postale 22

La réorganisation de la fonction de médiation 23

Trois sujets nouveaux 25

Les instances de représentation du personnel 25

Le cas des « reclassés non classifiés » 25

La taxe écologique sur la distribution d'imprimés 26

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 29

AUDITION DE M. JEAN-PAUL BAILLY, PRESIDENT DE LA POSTE 29

AUDITION DE M. PATRICK DEVEDJIAN, MINISTRE DÉLÉGUÉ À L'INDUSTRIE 48

II.- EXAMEN DES ARTICLES 58

Avant l'article 1er : 58

Article 1er 59

Statut des opérateurs postaux 59

Article L. 3-1 du code des P&CE 75

Droits d'accès reconnus aux opérateurs autorisés 75

Article L. 3-2 du code des P&CE 78

Exigences essentielles imposées à tout opérateur postal 78

Article additionnel après l'article 1er 80

Contribution de La Poste à l'aménagement du territoire 80

Article additionnel après l'article 1er 81

Validation législative des commissions départementales de présence postale territoriale 81

Après l'article 1er 83

Article 2 84

Organisation de la régulation postale 84

Article L. 4 du code des P&CE 85

Compétences du ministre chargé des postes 85

et du ministre chargé de l'économie en matière postale 85

Article L. 5 du code des P&CE 87

Rôle consultatif de l'autorité de régulation auprès du Gouvernement 87

Article L. 5-1 du code des P&CE 88

Conditions de délivrance des autorisations 88

Article L. 5-2 du code des P&CE 90

Compétences de contrôle de l'autorité de régulation 90

Article L. 5-3 du code des P&CE 94

Pouvoirs de sanctions de l'autorité de régulation 94

Article L. 5-4 du code des P&CE 98

Compétence de l'autorité de régulation pour le règlement des différends relatifs aux contrats prévus à l'article L. 2-1 98

Article L. 5-5 du code des P&CE 98

Compétence de l'autorité de régulation pour le règlement des différends relatifs à l'accès aux installations et informations indispensables 98

Article L. 5-6 du code des P&CE 99

Régime des décisions de l'autorité de régulation en matière de règlement des différends 99

Article L. 5-7 du code des P&CE 99

Procédure de conciliation devant l'autorité de régulation 99

Article L. 5-8 du code des P&CE 100

Coordination avec le Conseil de la concurrence 100

Article L. 5-9 du code des P&CE 101

Procédures d'enquête dans une perspective de sanctions administratives 101

Article additionnel après l'article 2 103

Mise en cohérence du code de justice administrative s'agissant du pouvoir de sanction en matière postale 103

Article additionnel après l'article 2 103

Mise en cohérence du contenu du contrat de plan avec le nouveau régime de contrôle des tarifs du service universel 103

Article additionnel après l'article 2 104

Consolidation législative des instances unifiées de représentation collective et individuelle du personnel 104

Article 2 bis (nouveau) 105

Ouverture des plans d'épargne entreprise aux agents publics de La Poste 105

Article 3 106

Communication des changements de domicile 106

Article 4 107

Dispositions pénales 107

Article L. 17 du code des P&CE 108

Violation du secteur réservé ou exercice sans autorisation 108

Article L. 18 du code des P&CE 109

Peines complémentaires applicables aux personnes physiques 109

Article L. 19 du code des P&CE 110

Responsabilité pénale des personnes morales 110

Article L. 20 du code des P&CE 111

Recherche et constatation des infractions pénales 111

Article L. 28 du code des P&CE 114

Intervention du ministre chargé des postes devant les juridictions pénales 114

Article L. 29 du code des P&CE 114

Actualisation du régime des envois prohibés 114

Article 5 115

Dispositions communes à la régulation des postes et télécommunications 115

Article 5 bis (nouveau) 117

(Article L. 36-1 du code des P&CE) 117

Modification du collège de l'autorité de régulation 117

Article 6 118

Dénomination de l'Autorité de régulation des télécommunications et des postes 118

Article 7 119

Rapport du Gouvernement sur l'équilibre et le financement du service universel postal 119

Article 8 120

Missions de La Poste, et statut de sa filiale financière 120

Article 9 132

Délai ouvert pour demander l'autorisation d'exercer les activités postales 132

Article additionnel après l'article 9 133

Suppression du Médiateur du service universel postal 133

Article 10 134

Entrée en vigueur du dispositif de régulation 134

Article 11 (nouveau) 135

(Article L. 7 du code des P&CE) 135

Suppression du régime d'irresponsabilité de La Poste 135

Article 12 (nouveau) 138

(Article L. 14 du code des P&CE) 138

Abrogation 138

Article 13 (nouveau) 138

(Article L. 26 du code des P&CE) 138

Sanctions de déclarations frauduleuses de la valeur d'un envoi 138

Article additionnel après l'article 13 139

Redéfinition du champ de la taxe sur les imprimés non sollicités 139

Article 14 (nouveau) 139

(Article L. 36-1 du code des P&CE) 139

Elargissement de la composition de l'Autorité de régulation à des spécialistes des questions postales 139

Article 15 (nouveau) 140

(Article L. 36-14 du code des P&CE) 140

Contrôle de l'activité de l'autorité de régulation par le Parlement 140

Article 16 (nouveau) 141

(Article L. 241-13 du code de la sécurité sociale) 141

Extension à La Poste du bénéfice de l'exonération de cotisations sociales patronales 141

Article 17 (nouveau) 142

Clarification du régime du cahier des charges de La Poste 142

Article 18 (nouveau) 144

Encouragement à la négociation d'une convention collective 144

Article additionnel après l'article 18 144

Exclusion du champ d'application des procédures de préemption pour les opérations de reclassement de La Poste 144

Article 19 (nouveau) 145

Transfert de propriété des biens des concessions de gaz de mines 145

TABLEAU COMPARATIF 147

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 225

ANNEXES 233

Annexe 1 : Liste des personnes auditionnées ;

Annexe 2 : Directive 1997/67/CE du 15 décembre 1997 ;

Annexe 3 : Directive 2002/39/CE du 10 juin 2002 ;

Annexe 4 : Accord sur le dialogue social du 21 juin 2004.

MESDAMES, MESSIEURS,

Je suis très sensible à l'honneur qui me revient de rapporter devant vous sur ce projet de loi sur la régulation postale, car il s'agit d'un texte important à double titre : d'abord, il est exceptionnel que la question postale fasse l'objet à part entière d'un projet de loi ; ensuite, les circonstances rendent les évolutions dans ce domaine particulièrement importantes pour notre pays.

En introduction à mon propos, je ne résisterai pas à la tentation de faire un petit détour historique. De mémoire de parlementaire, la question de La Poste a toujours été évoquée :

- soit incidemment dans un texte à vocation multiple, comme ce fut le cas lors de la première étape de transposition de la directive de 1997 effectuée dans le cadre de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, puisque le dispositif de l'article 19 instituant le service universel postal y a été introduit par la voie d'un amendement du Gouvernement ;

- soit en combinaison avec une réorganisation parallèle du secteur des télécommunications, le cas typique étant celui de la loi du 2 juillet 1990 relative à « l'organisation du service public de la poste et des télécommunications », selon son intitulé de l'époque.

Si l'on met à part divers petits textes de portée technique, - on en compte en vérité 36 au total depuis 1900 - il faut remonter à 1918, au 17 juillet de cette année-là exactement, pour trouver une loi de quelque consistance dédiée à l'activité postale, en l'occurrence, la loi portant création d'un service de comptes courants et de chèques postaux.

Une loi postale par siècle : l'événement que nous vivons est donc d'importance ! Il faut véritablement un concours de circonstances pour qu'un événement aussi exceptionnel se produise, et ces circonstances résultent aujourd'hui de la double exigence d'adaptation de la législation aux engagements du contrat de plan et aux obligations du droit européen.

La mise en œuvre du contrat de plan

Le contrat de plan de « performances et de convergence » pour la période 2003-2007 marque un tournant fondamental dans l'attitude de l'Etat vis-à-vis de La Poste :

- d'une part, il traite (enfin !) cet établissement public non plus comme un démembrement de l'Etat pouvant être chargé unilatéralement de contraintes sans contrepartie, ainsi qu'il était pratiqué à la glorieuse époque du « budget annexe des PTT », mais comme une véritable entreprise à part entière, confrontée à une concurrence exigeante ;

- d'autre part, il lui fait franchir le pas de la distribution du crédit sans épargne préalable, devenu une condition de sa survie en tant que prestataire de services financiers dans le contexte de vieillissement démographique qui touche l'économie française.

Le projet de loi fournit le support législatif indispensable à ces évolutions.

S'agissant de la clarification des relations financières entre l'Etat et La Poste, il redéfinit en particulier le cadre des sujétions imposées à La Poste s'agissant de la prise en charge d'une partie du coût de la diffusion de la presse, ainsi que les conditions dans lesquelles La Poste peut bénéficier des exonérations de charges sociales sur les bas salaires.

Sur ce dernier point, la commission des affaires économiques du Sénat a pris l'initiative d'introduire un article additionnel mettant fin à l'exclusion de La Poste de ce régime d'exonérations à compter du 1er janvier 2006, date de l'abaissement à 50 grammes du plafond du domaine réservé, qui marquera une étape importante dans le processus en cours d'ouverture du marché postal à la concurrence.

S'agissant du devenir de La Poste au titre de sa mission de prestataire de services financiers, le projet de loi crée une filiale agréée en tant qu'établissement de crédit chargé de reprendre toutes les activités financières de La Poste. Afin de mettre en place un calendrier permettant la mise en œuvre des dispositions du contrat de plan aux échéances prévues, il fixe au 1er juillet 2005 le lancement de cet établissement de crédit, date qui impose à rebours une adoption du projet de loi dans un délai relativement bref.

L'achèvement de la transposition des directives

Les obligations européennes que le projet de loi vise à prendre en compte s'illustrent malheureusement dans l'actualité au travers de deux recours pour défaut de transposition en instance devant la Cour de justice des communautés européennes depuis le 17 décembre 2003 :

- le premier recours concerne la directive postale de 1997, et le retard à la mise en place d'une autorité de régulation du secteur postal juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante de l'opérateur postal, conformément à l'article 22 de cette directive ;

- le second recours concerne la directive de 2002, et le retard à l'inscription dans la loi française de l'abaissement à 100 grammes du plafond des courriers relevant du domaine réservé, qui aurait dû intervenir avant le 1er janvier 2003.

Comme cela s'est produit pour la Belgique, l'adoption du projet de loi devrait ipso facto conduire la commission européenne à clore ces deux procédures en infraction devant la Cour de justice des communautés européennes.

L'encadrement du projet de loi par les exigences convergentes, en termes de délais, de la mise en œuvre du contrat de plan et du droit européen impose donc une certaine urgence dans l'examen de ce texte, urgence qui n'a cependant pas été déclarée d'un point de vue institutionnel.

Trois changements fondamentaux

S'agissant du contenu même de ce projet de loi, on peut le présenter de manière synthétique autour de trois axes majeurs, qui renvoient chacun à des articles très denses :

1° l'organisation du marché des activités postales, objet de l'article 1er ;

2° la mise en place d'une régulation de ce marché, objet de l'article 2 ;

3° la refonte du cadre juridique des services financiers de La Poste, objet de l'article 8.

L'instauration d'un cadre pour le marché postal

L'organisation du marché des activités postales consiste d'abord dans le fait de délimiter le domaine dit « réservé » de l'opérateur historique, lequel est désigné depuis la loi de 1999 comme prestataire du service universel.

Cela conduit aussi à définir un régime d'autorisation pour les opérateurs concurrents se déployant dans le champ des envois de correspondance, qui forme une partie du champ du service universel.

Les opérateurs œuvrant dans les catégories d'envois postaux autres que les prestations d'envois de correspondance, et qui se déploient exclusivement dans le domaine du colis par exemple, bénéficient d'ores et déjà, pour les activités en question, d'un régime de liberté que le projet de loi confirme, mais sous réserve du respect d'exigences essentielles, relatives à la sécurité, à la confidentialité, à la protection des données personnelles et à la préservation de l'environnement.

Le secteur des colis est en effet totalement ouvert à la concurrence depuis la loi n° 99-533 du 25 juin 1999, même si La Poste y a par ailleurs des obligations de service universel.

Pour les opérateurs couvrant diverses catégories d'envois postaux, comme La Poste elle-même en particulier, le régime d'autorisation n'est évidemment requis que pour la part de leur activité relevant des envois de correspondance, et n'interférant pas néanmoins avec le domaine réservé.

Au passage, on peut d'ailleurs observer que ce régime d'autorisation concerne aussi, sans exception, les filiales de La Poste intervenant dans le champ des envois de correspondance.

Enfin, l'organisation du marché des activités postales suppose la possibilité pour les opérateurs alternatifs de bénéficier d'installations et informations indispensables à leur activité, qui sont détenues pour l'instant exclusivement par l'opérateur public, lequel a dû les mettre en place au cours de l'histoire pour ses besoins propres : la distribution en boîtes postales, par exemple, ou les données relatives aux changements d'adresse. Les conditions de fixation de la liste de ces installations et informations indispensables font bien sûr l'objet d'un débat entre les professionnels concernés, qu'il appartiendra au Parlement de trancher.

Le service universel postal

Prestations du service universel relevant du domaine réservé à La Poste

Prestations du service universel dans le champ concurrentiel

Envois de correspondance égrenés
de moins de 100g et 1,50 €

Lettre, Ecopli

Envois de correspondance égrenés
de moins de 2 kg et de plus de 100g ou 1,50 €

Lettre, Ecopli

Envois de correspondance en nombre
de moins de 100g et 1,50 €

Ecopli en nombre, Postimpact,
Tem'post G et MD

Envois de correspondance en nombre
de moins de 2 kg et de plus de 100g ou 1,50 €

Ecopli en nombre, Postimpact, Catalogue, Tem'post G et MD, etc.

Envois de correspondance internationaux entrants de moins de 100g

Courrier international prioritaire et économique

Envois de correspondance internationaux de moins de 2 kg et entrants de plus de 100g ou sortants

- -

Courrier international prioritaire et économique

Colis de moins de 20kg

Colissimo, colis prioritaires DOM et international vendus au guichet

Services relatifs aux envois recommandés

Lettre et Colissimo recommandé

Services relatifs aux envois à valeur déclarée

Envois de courrier jusqu'à 2kg et de colis jusqu'à 5kg

Service de recommandation utilisé dans le cadre de procédures administratives et juridictionnelles

Service réservé à La Poste en application de l'article 8 de la directive 97/67/CE

Distribution de la presse

Service public sujet à des obligations tarifaires particulières

Régime juridique des envois postaux

Envois relevant du secteur

réservé à La Poste

Envois en concurrence

soumis à autorisation

Envois en concurrence

non soumis à autorisation

- Envois de correspondance de moins de 100g et 1,50 €

- Envois de correspondance internationaux entrants de moins de 100g

- Envois de correspondance domestiques de moins de 2 kg, et de plus de 100g ou 1,50 €

- Envois de correspondance internationaux entrants de moins de 2 kg et de plus de 100g.

- Envois de correspondance internationaux sortants de moins de 2 kg

- Colis

- Échange de documents

- - 12 -

- Express

- Auto prestation

- Portage de presse

- Autres envois postaux

La fixation des principes de la régulation

S'agissant de la mise en place d'une régulation, le projet de loi instaure en premier lieu une autorité de régulation « juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante des opérateurs postaux », et en particulier de l'opérateur historique et de sa tutelle gouvernementale, conformément à l'article 22 de la directive de 1997.

A partir des différentes solutions qui ont été adoptées en la matière par les autres pays membres de la Communauté européenne, il apparaît que la régulation postale pouvait s'organiser de plusieurs manières :

· le dispositif le plus fréquemment adopté en Europe dans les petits pays est ainsi celui du régulateur multisectoriel, couvrant généralement l'énergie, voire l'audiovisuel, en plus des postes et des télécommunications ;

· la voie du régulateur spécifique au secteur postal a été suivie dans quatre pays seulement : l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni, et le Danemark.

· la France rejoindrait, avec l'extension des compétences de l'autorité de régulation des télécommunications au secteur postal, qui est proposée par le projet de loi, la solution du régulateur dédié aux postes et télécommunications, adoptée en Allemagne, en Autriche, en Belgique, aux Pays-Bas et en Suède.

Le régulateur postal aura pour fonction, outre la surveillance de la prestation fournie par l'opérateur du service universel, par le contrôle de ses tarifs en particulier, d'accorder les autorisations aux opérateurs alternatifs, de régler les litiges entre la Poste et ses grands clients, ou entre La Poste et les opérateurs alternatifs. Il disposera en outre de pouvoirs d'enquête à des fins de sanctions administratives, ou à des fins de recherche d'infractions pénales. Le projet de loi met en effet en place une panoplie graduée de sanctions pouvant être appliquées à des opérateurs qui ne respecteraient pas le cadre de fonctionnement du marché des activités postales.

A l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, un article additionnel propose que l'extension des compétences de l'autorité de régulation des télécommunications au secteur postal s'accompagne d'un accroissement du nombre des membres de son collège : celle-ci passerait de cinq à six membres.

Les régulateurs postaux européens

Pays

Institution en charge de la régulation

Champs couverts par l'entité

Décisionnaire au sein de l'agence ou du ministère

Effectif du régulateur en charge du secteur postal

Agence

Ministère

Espagne

Sous-direction générale de la

régulation des services postaux

postes

Sous-directeur de la régulation des services postaux

60

Royaume-Uni

PostComm

postes

Collège

40

Italie

Ministère des communications

(postes et télécommunications)

postes

(régulateur spécifique aux télécommunications hors ministère)

Ministre

18

Allemagne

RegTP

P & T

Président

(Département 3 - Régulation postale)

- -

50

Chambre de décisions 1

Chambre de décisions 5

Pays-Bas

OPTA

Ministère des affaires économiques

P & T

OPTA conseiller du régulateur

Ministre

Collège de OPTA (pour le SU)

Ministère : n.d.

OPTA : 5

Portugal

ANACOM

TV, Internet, fréquences radio, P & T

Collège

8

Finlande

FICORA

Ministère des transports et des communications

TV, Internet, P & T, fréquences radio, sécurité de l'information

Ministre

Directeur général de FICORA

4 + 4

Suède

PTS

P & T

Directeur général

(Département des affaires postales)

7

Belgique

IBPT

P & T

Collège

6

Danemark

Bureau postal et des transports

(ministère des transports)

Postes, transports commerciaux

(fret, bus taxi)

Chef du bureau postal et des transports

6

Irlande

ComReg

P & T, fréquences radio, TV, Internet, sécurité de l'information

Collège

5

Autriche

Ministère des transports, de

l'innovation et de la technologie

P & T

Ministre

4

Grèce

EETT

P & T, fréquences radio

Collège

(Vice-président en charge des services postaux)

4

Les régulateurs postaux européens disposant d'un collège

Pays

Régulateur postal

Champs couverts par le régulateur

Nombre de membres

du collège

Remarques sur chaque collège

Belgique

IBPT

P & T

4

Les membres du collège sont nommés par le Gouvernement sur proposition du ministre des télécommunications pour une durée de 6 ans renouvelable. Le président à voix prépondérante.

Irlande

ComReg

TV, Internet, P & T, fréquences radio, sécurité de l'information

3

Les membres du collège sont nommés par le ministre des communications pour une durée de 3 à 5 ans, renouvelable une fois.

Grèce

EETT

Fréquences radio, P & T

9

(dont 3 à temps plein)

- -

Le collège comporte 9 membres, dont 3 à temps plein : le président, un vice-président en charge du secteur postal et un vice-président en charge des télécommunications. Les membres sont nommés par le ministre des transports et des communications sur proposition du Parlement.

Portugal

ANACOM

TV, Internet, fréquences radio, P & T

3 ou 4

Les membres du collège sont nommés par le Gouvernement sur proposition du ministre en charge des Communications pour une durée de 5 ans non renouvelable.

Royaume-Uni

PostComm

postes

7

Le collège est composé de son président, d'au moins 3 membres et de son directeur exécutif. Le président est nommé par le secrétaire d'Etat à l'Industrie, les autres membres par le secrétaire d'Etat (après consultation du président), et le directeur exécutif par le président et les membres (après consultation du secrétaire d'Etat). Tous les membres du collège, à l'exception du directeur exécutif, sont nommés pour une période de 5 ans maximum. Les décisions sont prises de manière collective au sein du collège.

La filialisation des services financiers

Mais si la mise en place d'un marché postal régulé constitue le cœur du projet de loi, celui-ci concerne aussi, du fait de la modification de son article 8 lors de la lecture au Sénat, la mise en place d'une filiale ayant le statut d'établissement de crédit, afin de créer des conditions conformes au droit commun bancaire pour la nouvelle activité de distribution du crédit au logement sans épargne préalable.

Dès lors que l'extension de la gamme de ses services financiers doit conduire La Poste à élargir son offre de crédit aux prêts immobiliers sans épargne préalable selon les termes du contrat de plan signé en janvier 2004, le cadre comptable de traitement de ces services financiers doit être spécialement adapté à l'activité bancaire, car le plan comptable général auquel est actuellement assujettie La Poste se prête mal à l'inscription des opérations de crédit. De plus, l'activité de prêt insère automatiquement l'établissement qui s'y livre dans la chaîne des interdépendances entre opérateurs financiers qui crée le « risque systémique » menaçant structurellement le monde financier ; des motifs supérieurs de sécurité économique obligent donc tout nouveau venu dans ce monde à se conformer strictement aux normes de la profession, qui revêtent d'ailleurs de plus en plus une dimension internationale, si l'on prend l'exemple du fameux « ratio Cooke ».

La gestion des crédits nouvellement distribués par La Poste ne pouvant donc être prise en charge que par un établissement bancaire, la question s'est posée de savoir si, selon la thèse dite de « l'adossement », cet établissement pouvait être un établissement préexistant de la place, recourant à La Poste pour la seule distribution de ses services, ou s'il pouvait s'agir d'une filiale de La Poste spécialement créée à cette fin, et agréée en tant que banque. Diverses considérations d'efficacité, prenant en compte notamment le savoir-faire de La Poste en matière de distribution de prêts immobiliers sur épargne préalable, ou le risque d'une gestion insuffisamment réactive du taux offert dans un contexte de marché fortement concurrentiel, ont conduit à privilégier la solution de la filiale bancaire.

Services financiers de La Poste : état des lieux et évolutions

Situation actuelle

Evolutions prévues

Produits

Concernés

Loi du 2 juillet 1990

(et cahier des charges de La Poste )

Contrat de plan

pour 1998-2002

Article 8 du projet de loi

(article L. 518-25 du code monétaire et financier)

Contrat de plan

pour 2003-2007

Assurance-vie

Oui

Oui

Oui

Oui

Crédit immobilier avec épargne préalable

Oui

Oui

- -

Oui

Crédit immobilier sans épargne préalable

Non

Non

Oui

Crédit à la consommation

Non

Non

Première évaluation conduite en 2006

Assurance I.A.R.D

Oui

Non

Première évaluation conduite en 2006

L'extension complète de la gamme des services financiers de La Poste :

¬ est rendue possible par le projet de loi qui prévoit la création d'un établissement de crédit de droit commun pouvant exercer l'ensemble des opérations bancaires, sous condition d'agrément par le CECEI ;

¬ mais dépend cependant entièrement d'une autorisation ultérieure du Gouvernement (le contrat de plan prévoit qu'une première évaluation des conditions d'activité de l'établissement de crédit postal sera conduite en 2006).

Ayant pour objet d'instituer cette filiale bancaire, le dispositif législatif prévu par l'article 8 du projet de loi comporte deux caractéristiques essentielles :

- d'une part, il est strictement conforme aux dispositions fixées dans le contrat de plan ;

- d'autre part, il est conçu de manière à rendre la nouvelle organisation juridique pratiquement transparente pour les principales personnes concernées, à savoir les clients et les postiers.

En effet, selon les termes même du contrat de plan, La Poste et l'Etat ont convenu :

1° « du principe de la création en 2005, dans des conditions de droit commun, d'un établissement de crédit ... soumis à la réglementation et aux contraintes prudentielles de droit commun » ;

2° que « l'établissement de crédit recourra pour son activité commerciale et de production, aux moyens en personnel de La Poste dans le cadre de conventions de services, qui devront exclure toute distorsion de concurrence, en particulier en assurant une juste rémunération de La Poste et de son réseau par l'établissement. »

3° et que « sous ces conditions, l'établissement de crédit pourra octroyer en 2005 des prêts immobiliers sans épargne préalable »

Ainsi, le projet de loi met bien en place un établissement de crédit qui reprend l'ensemble des activités financières de La Poste. Cet établissement de crédit sera soumis complètement aux règles du droit commun bancaire établies par le code monétaire et financier, et en particulier, à la première d'entre elles, fixée à l'article L. 511-10 de ce code, à savoir l'obtention préalable de l'agrément délivré par le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.

Cette procédure d'agrément prenant plusieurs mois, il serait souhaitable que l'article 8 du projet de loi soit voté en termes identiques par les deux chambres le plus vite possible, afin de permettre la saisine du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, et de tenir ainsi l'échéance du 1er juillet 2005 pour l'entrée en activité du nouvel établissement de crédit.

Cet établissement de crédit sera constitué principalement d'un état-major de quelques centaines de personnes, dans la mesure où toutes les opérations de gestion et de contact avec la clientèle continueront à être effectuées par les agents de La Poste, à travers une convention de service.

Cette organisation impose que La Poste conserve des compétences propres dans le domaine des opérations financières, pour deux raisons :

- d'abord, pour disposer de la capacité juridique à fournir les prestations faisant l'objet de la convention de service avec l'établissement de crédit ;

- ensuite, pour faire bénéficier la rémunération versée au titre de cette convention de service de l'exonération de TVA qui est associée, conformément au droit fiscal en vigueur, aux opérations bancaires concernées.

Globalement, au travers de l'aménagement juridique de la convention de service, la structure opérationnelle sur laquelle s'appuiera la distribution des produits financiers de La Poste conservera donc exactement la même taille, sans aucune augmentation de la capacité d'offre.

Le passage à un régime de droit commun de la gestion des activités financières de La Poste va s'accompagner du même passage à un régime de droit commun pour ses produits financiers.

Cela va concerner au premier chef le « chèque postal », qui tout en conservant sa dénomination emblématique depuis sa création en 1918, va devenir un chèque bancaire comme un autre, ce qui aura pour effet de le rendre « endossable », et aussi d'allonger sa durée de validité, actuellement d'une année, de huit jours.

Cela va concerner aussi tous les produits réglementés autres que le livret A, qui entreront sous le régime de droit commun de garantie des dépôts régi par l'article L. 312-4 du code monétaire et financier, au terme d'une période transitoire de deux années où ils continueront à bénéficier d'une garantie de l'Etat, dans le cadre d'une convention ad hoc conclue entre l'Etat et l'établissement de crédit.

En revanche, le livret A va conserver toutes ses particularités, c'est-à-dire la garantie de l'Etat et sa gestion dans le cadre de la Caisse nationale d'épargne, dont l'établissement de crédit deviendra simplement, en quelque sorte, l'agent comptable, en lieu et place de La Poste, et toujours pour le compte de l'Etat.

De plus, la dimension sociale de l'activité financière de La Poste va pouvoir perdurer, en bénéficiant désormais de l'appui de dispositions législatives. Car le projet de loi, outre qu'il introduit à l'article 2 de la loi du 2 juillet 1990 l'idée que le groupe formé par La Poste et ses filiales remplit des « missions d'intérêt général », prescrit à La Poste, au travers de la nouvelle rédaction de l'article L. 518-25 du code monétaire et financier de proposer des produits et services « au plus grand nombre, notamment le livret A ».

Ainsi la filialisation des services financiers devrait être complètement transparente pour les clients de La Poste : ils continueront à bénéficier des mêmes prestations aux mêmes guichets, sous réserve bien sûr du fait qu'ils pourront bénéficier désormais de prêts au logement sans épargne préalable, ce qui devrait les inciter, plus qu'auparavant, à domicilier leur compte courant à La Poste, même dans la phase de leur vie correspondant à l'âge adulte.

Mais cette transparence devrait exister aussi pour les postiers eux-mêmes, qui continueront, quelle que soit leur activité au sein de l'établissement, à recevoir un bulletin de paye de La Poste. Même les 28 000 agents spécialisés dans les activités financières, à savoir les 20 000 employés des 22 centres régionaux de services financiers, les 7 000 conseillers financiers et les 1 000 personnes affectées à des services fonctionnels et centraux pour le compte des activités financières, continueront à être des « postiers » au sens plein du terme, intégrés à la structure hiérarchique interne de La Poste, quoique dépendants fonctionnellement, pour leurs tâches quotidiennes, de l'établissement de crédit.

Chacun continuera donc à exercer ses fonctions comme auparavant, simplement La Poste touchera de la part de l'établissement de crédit une rémunération pour la prestation collective ainsi effectuée. Un flux monétaire se substituera donc au flux des personnes qu'il était possible d'envisager. Même la BundesPost n'est pas allée aussi loin dans le maintien en place de ses personnels dédiés aux services financiers, puisque la PostBank a récupéré ses propres moyens logistiques lors de la séparation de 1990.

La mise à disposition prévue par le texte, qui s'effectuera avec l'accord de l'intéressé, et avec un droit permanent à réaffectation au sein de La Poste, ne concernera de fait que plusieurs dizaines de cadres supérieurs, appelés à occuper des fonctions fondamentales au sein de l'établissement de crédit au regard des contraintes en termes de régulation prudentielle auxquelles se trouve soumise une banque : il existe en effet des métiers « clef », de contrôle notamment, qui ne pourront être confiés qu'à des professionnels de l'activité bancaire.

Trois problématiques en suspens

A côté des trois axes principaux qui structurent le projet de loi dans sa rédaction actuelle, l'examen par le Sénat a mis en évidence trois questions attenantes faisant partie du débat, ayant donné lieu à examen, sinon à adoption, d'articles additionnels :

- l'instauration d'un fonds de péréquation pour la présence territoriale ;

- la remise à niveau du régime de responsabilité postale ;

- la réorganisation de la fonction de médiation.

Le fonds postal national de péréquation territoriale

Le projet de loi est l'occasion de marquer la distinction, s'agissant de l'implantation de La Poste sur le territoire national, entre deux réalités superposées :

- d'une part, l'implantation liée aux besoins propres de la fourniture du service universel, qui se limite à ce qui est nécessaire pour que soient assurés, « en tout point du territoire », les services de levée et de distribution « tous les jours ouvrables » ;

- d'autre part, l'implantation justifiée par la volonté nationale d'assurer, dans des zones en risque de désertification, une présence de La Poste en tant que point d'ancrage de l'activité économique et sociale, à des fins d'aménagement du territoire.

Dans cette logique, le Sénat a introduit un article additionnel qui, d'un côté, confie à un décret la fixation des règles d'accessibilité au réseau de La Poste, pour préciser les règles du maillage territorial, et, de l'autre, institue le principe d'un « fonds postal national de péréquation territoriale », pour financer le supplément de charges imputées à La Poste pour la présence excédant celle justifiée par la couverture des seuls besoins du service universel.

Les modalités de financement de ce fonds sont renvoyées à un avenant du contrat de plan, mais il est déjà prévu dans le contrat de plan, ainsi qu'à l'article 21 de la loi du 2 juillet 1990, que La Poste dispose pour financer cette participation à l'aménagement du territoire, d'un abattement sur les taxes fiscales locales, ce qui représentait jusqu'en 2002 une ressource d'environ 300 millions d'euros, réduite depuis 2003, c'est-à-dire depuis l'entrée en vigueur de la réforme de la taxe professionnelle, à 150 millions d'euros.

Cette somme est d'un montant inférieur aux 500 millions d'euros correspondant à la charge de présence territoriale excédant les besoins du service universel.

C'est ce qui donne tout son sens à l'effort de La Poste pour assurer la poursuite de son déploiement à travers des structures moins coûteuses, comme les 2 770 agences postales et les 190 points Poste, qui visent notamment à tenir compte des durées d'activité réduites de certains points de contact, afin de pouvoir cibler la mobilisation des ressources limitées dont elle dispose sur les zones ayant des besoins particuliers d'aménagement du territoire.

Il reste qu'un besoin important de financement subsiste.

Il convient de bien distinguer cette charge liée à la participation à l'aménagement du territoire, de celle induite par la fourniture du service universel. Le service universel impose déjà, en effet, par lui-même, de maintenir un réseau de structure plus dense que celle qui serait requise par une activité conduite aux normes du pur intérêt commercial. La charge correspondante peut être évaluée à 250 millions d'euros.

Le maintien du domaine réservé a spécifiquement pour rôle de permettre de financer cette charge. A terme, à cause de la réduction de la surface du domaine réservé, un fonds de compensation pourrait être envisagé. Un tel dispositif n'entrerait pas en contradiction avec la directive de 1997, et l'article 7 du projet de loi confie au Gouvernement le soin d'évaluer son intérêt dans le cadre d'un rapport qui devra être remis avant le passage du domaine réservé en dessous du plafond des cinquante grammes, c'est-à-dire au plus tard le 31 décembre 2005.

EVOLUTION DU NOMBRE DE POINTS DE CONTACT 1954 - 2004

Année 

1954 

1968 

1975 

1985 

1990 

1994 

2004

Bureaux 

13 639

13 719

13 753

13 947

13 837

13 852

13 744

Partenariats 

3 981 

3 778

3 416

3 276

3 130

3 067

3 070

Total 

17 620

17 497

17 169

17.223

16.967

16.919

16.814

Un tel rapport se nourrirait nécessairement des recommandations que l'autorité de régulation peut être amenée à formuler au ministre chargé des postes, en vertu du 8° de l'article L.5-2 du code des P&CE (1) créé par l'article 2 du projet de loi, si elle constate que le service universel ne peut être financé par La Poste « dans des conditions équitables ».

Mais le droit européen reste très clair quant à la nécessité de séparer le financement de la prestation de service universel, d'un côté, et celui d'une politique d'aménagement du territoire relevant d'un choix collectif national, de l'autre.

L'adaptation du régime de responsabilité postale

Le fonctionnement des activités postales sous l'empire du monopole a justifié autrefois la mise en place d'un régime d'irresponsabilité, pour les dégradations ou les pertes, qui reste encore fixé aux articles L. 7 et L. 13 du code des P&CE.

Il s'agissait surtout à l'époque d'appliquer à l'activité postale une règle administrative, mais de fait, la nature même de l'activité rendait cette solution juridique incontournable dès lors qu'il s'agissait de traiter des centaines de millions d'objets, dont les flux ne s'accompagnent pour la quasi-totalité d'aucune preuve de dépôt ni de distribution.

Il est évident qu'avec la réduction progressive du domaine réservé, qui fait apparaître une concurrence soumise quant à elle au droit commun en matière de responsabilité, et surtout, avec l'évolution du niveau de la qualité de prestation que le consommateur se sent légitimement en droit d'obtenir aujourd'hui, ce régime spécifique d'irresponsabilité n'est plus adapté.

La Poste elle-même a été conduite à l'aménager par voie contractuelle sur certains de ses produits en situation fortement concurrentielle.

Il paraissait donc normal que le projet de loi aborde cette question, et elle a fait la matière d'un article additionnel au cours de la discussion devant le Sénat.

Cependant l'adaptation du régime de responsabilité postale est complexe, car il doit prendre en compte deux objectifs :

- d'une part, définir les conditions dans lesquelles peut être apportée la preuve du dépôt. En effet, il est difficile de garder la trace du geste qui consiste à mettre un pli dans une boîte aux lettres, en l'absence de démarche spécifique de la part de l'expéditeur. Cette difficulté entre évidemment plus en jeu dans le cas de la perte que dans celui de la dégradation ;

- d'autre part, étendre le nouveau régime qui sera institué à l'ensemble des opérateurs postaux concurrents de La Poste, dans le cadre d'un juste équilibre des conditions de fonctionnement de tous les opérateurs. La difficulté tient ici à la limitation du champ d'application de ce régime spécifique.

Le débat à l'Assemblée nationale devrait permettre d'affiner de manière constructive le dispositif adopté par le Sénat.

La réorganisation de la fonction de médiation

Au cours des débats devant le Sénat, le 28 janvier 2004, un amendement a soulevé la question de l'utilité du maintien, dans le dispositif d'encadrement des activités postales, d'un Médiateur du service universel.

En effet, ce maintien n'est plus justifié ni par des arguments de besoin fonctionnel, ni par des arguments d'opportunité.

Fonctionnellement, le Médiateur du service universel a pour mission, aux termes du décret du 28 décembre 2001, d'intervenir, dans le champ du service universel, pour prendre en compte aussi bien les réclamations de tout usager (article R 1-8 du code des P&CE), que celles des clients sous contrat dérogeant aux conditions générales de l'offre du service universel postal, c'est-à-dire des entreprises (article R 1-9 du code des P&CE).

Or le projet de loi, en introduisant le nouvel article L. 5-4 dans le code des P&CE, confie justement à l'autorité de régulation le soin de régler les différends entre le prestataire de service universel et ses clients sous contrat dérogeant aux conditions générales de l'offre du service universel postal. De plus, cette intervention de l'autorité de régulation prend alors la forme d'une décision de justice, alors que le Médiateur du service universel ne peut émettre en pareil cas qu'une recommandation.

Quant à l'intervention du Médiateur du service universel en faveur des usagers, elle fait clairement double emploi, d'un point de vue purement juridique, avec la compétence du Médiateur de la République, qui vaut, aux termes de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur pour « les réclamations concernant, dans leurs relations avec les administrés, le fonctionnement des administrations de l'Etat, des collectivités publiques territoriales, des établissements publics et de tout autre organisme investi d'une mission de service public. »

La compétence du Médiateur de la République pour les réclamations relatives au service public des envois postaux est d'ailleurs confirmée par le fait qu'il a déjà traité des dossiers relevant de ce secteur antérieurement à la création du Médiateur du service universel, ayant même été amené à formuler une proposition de réforme (AGE 94.03 - « Réparation des préjudices causés par les services postaux ») adressée, en août 1994, au ministre en charge de la Poste.

L'activité du médiateur du groupe La Poste ne recouvre en revanche pas le champ de compétence du Médiateur du service universel, puisque le médiateur du groupe La Poste a pour vocation, non pas d'améliorer le fonctionnement du service universel, mais de veiller à ce que les procédures internes du groupe La Poste soient respectées par ses agents. Un protocole signé en mars 2003 entre les deux médiateurs, a permis d'ailleurs de délimiter plus clairement leurs domaines d'intervention respectifs.

Même si le Médiateur du service universel a donné pleinement satisfaction dans l'accomplissement de ses missions depuis son entrée en fonction en mars 2002, le souci d'une bonne administration des ressources publiques devrait donc conduire à sa disparition institutionnelle avec la mise en place de l'autorité de régulation.

Cette disparition institutionnelle se justifierait alors d'autant plus qu'aucun motif d'opportunité ne pourra plus lui être opposé. En effet, la création du Médiateur du service universel a eu pour rôle aussi, en son temps, de fournir une première réponse à la demande de la Commission européenne d'instaurer une instance de régulation « juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante des opérateurs postaux », ainsi que le prévoit l'article 22 de la directive de 1997.

Comme elle l'a indiqué dans sa saisine de la Cour de justice des communautés européennes du 17 décembre 2003, la Commission européenne n'a pas estimé cette réponse suffisante. La France ayant été finalement conduite, avec ce projet de loi, à proposer la mise en place d'un régulateur indépendant, le maintien du Médiateur de service universel n'a plus de sens vis-à-vis des exigences européennes, puisque l'obligation prévue à l'article 19 de la directive de 1997 concernant la mise en place des procédures de « traitement des réclamations des utilisateurs » est couverte par ailleurs.

Reste que l'activité du Médiateur du service universel depuis son installation en 2002, qui se chiffre désormais à environ une vingtaine de réclamations par mois en moyenne, illustre la réalité d'un besoin de médiation auquel une réponse institutionnelle ne suffit pas en soi ; il faut aussi que des ressources suffisantes puissent être consacrées au traitement des dossiers. Or le Médiateur de la République, qui intervient dans de nombreux domaines, n'a pas nécessairement les moyens de conduire une investigation aussi approfondie des problèmes techniques complexes de l'activité postale que le Médiateur du service universel, entièrement dédié à cette tâche.

Sur ce point, le rapporteur a néanmoins pu recueillir des assurances de la part du Médiateur de la République, qui a signalé que ses services avaient continué à traiter des saisines relatives aux activités postales au cours des trois dernières années, au rythme d'une dizaine par an, sans compter les saisines reçues par les délégués départementaux du Médiateur de la République, et traitées localement sans qu'il ait été nécessaire que le Médiateur de la République intervînt lui-même.

Trois sujets nouveaux

A côté des problématiques en suspens, trois sujets nouveaux pourraient être abordés lors de la lecture devant l'Assemblée nationale. Deux d'entre eux concernent le personnel ; la troisième touche à l'activité postale proprement dite.

Les instances de représentation du personnel

En premier lieu, la discussion du projet de loi pourrait être l'occasion de finaliser le dispositif juridique édifié par la loi du 2 juillet 1990, permettant d'assurer la gestion autant que faire se peut « unifiée », au sein de l'exploitant public, des deux populations d'employés relevant a priori de règles de droit différentes, puisqu'au sein de l'effectif total, deux tiers des personnes relèvent du statut de la fonction publique, tandis que le troisième tiers relève du code du travail.

L'accord sur « les principes et méthodes du dialogue social à La Poste », signé entre les syndicats et la direction le 21 juin 2004, a confirmé le bien-fondé des diverses instances mises en place depuis 1990 pour tenter d'assurer une représentation des fonctionnaires et des salariés qui serait, autant que possible, identique au niveau individuel et commune au niveau collectif ; et certaines de ces instances mériteraient peut-être aujourd'hui une consécration de niveau législatif.

Le cas des « reclassés non classifiés »

La deuxième question nouvelle touchant au personnel qui pourrait alimenter le débat lors de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale concerne les fonctionnaires dits « reclassés non classifiés ».

Il s'agit d'agents de l'Etat ayant appartenu à la direction générale de la poste qui a disparu avec la loi du 2 juillet 1990. En vertu de l'article 44 de cette loi, ils ont été placés à compter du 1er janvier 1991, comme tous leurs collègues, sous l'autorité administrative du président de La Poste. Depuis lors, ils ont refusé d'intégrer les corps dits de « classification » qui ont été spécifiquement créés en 1993 au sein de La Poste pour mieux répondre aux besoins fonctionnels de l'exploitant public.

Ils sont ainsi douze mille, demeurés statutairement dans les corps en extinction de l'ancienne direction générale de la poste. Leur revendication est d'ordre principalement symbolique, puisqu'ils réclament la reconnaissance de leur situation de fonctionnaires de l'Etat, ce qu'ils n'ont pourtant jamais cessé d'être d'un point de vue juridique. Mais, de fait, leurs évolutions de carrière se sont trouvées mécaniquement bloquées par leur maintien dans des corps en extinction, et leurs velléités d'intégration dans d'autres corps de l'Etat se sont heurtées aux statuts particuliers régissant ces corps.

Sans bouleverser aucunement les fondements de la fonction publique gérée au sein de La Poste, il est sans doute possible d'explorer des pistes permettant d'améliorer la situation de ces agents qui ont continué à exercer loyalement leur tâche au sein de l'exploitant public depuis une douzaine d'années, en dépit de l'échec de leur revendication.

Les avancées réalisées en ce sens, sur le même sujet, lors de la discussion de la loi sur France Télécom du 31 décembre 2003, montrent en tout cas que des ouvertures sont possibles, à l'image de la procédure de « classement » des fonctionnaires de France Télécom instituée par le décret n°2004-738 du 26 juillet 2004, qui lève, au profit de ceux-ci, l'opposabilité des règles de recrutement prévues par les statuts particuliers.

La taxe écologique sur la distribution d'imprimés

La troisième question pouvant faire nouvellement débat lors de la discussion du projet de loi devant l'Assemblée nationale concerne la contribution à l'élimination des déchets qui a été imposée, en vertu de l'article 20 de la loi de finances rectificative pour 2003, à toute personne faisant distribuer des imprimés, contribution qui peut être versée en nature ou en espèces, faute de quoi la personne en question est assujettie à une taxe prévue par le code des douanes.

Lors de son adoption définitive, cette disposition visait exclusivement les imprimés « non nominatifs », précision qui a été invalidée par le Conseil constitutionnel invoquant, dans sa décision du 29 décembre 2003, une « différence de traitement injustifiée au regard de l'objectif poursuivi ». Or, l'élargissement de la contribution au cas de la distribution des imprimés nominatifs, autrement dit au cas de la publicité adressée, porte atteinte au segment de marché le plus dynamique actuellement dans l'activité globalement déclinante du courrier. La Poste y a notamment connu une progression de 4,6 % de son chiffre d'affaires en 2003.

Un réaménagement du dispositif dans un sens compatible avec la décision du Conseil constitutionnel, mais permettant de restreindre au moins partiellement l'assiette de cette nouvelle contribution, de manière à ne pas faire subir un handicap trop lourd à l'activité postale, pourrait donc être recherché par voie d'amendement, la piste d'une exemption des imprimés relevant de la catégorie des envois de correspondance pouvant par exemple être explorée.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

AUDITION DE M. JEAN-PAUL BAILLY,
PRESIDENT DE LA POSTE

La Commission a entendu le mercredi 8 décembre, à dix heures, M. Jean-Paul Bailly, président de la Poste, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la régulation des activités postales (n° 1384).

Le président Patrick Ollier a accueilli M. Jean-Paul Bailly, président de La Poste, et ses proches collaborateurs, en émettant le souhait que la commission soit informée, à travers cette audition, du projet industriel proposé par La Poste. Compte tenu des évolutions du marché au plan européen comme au plan national, des réorientations stratégiques s'imposent et il convient d'examiner comment le projet de loi relatif à la régulation des activités postales pourrait les faciliter. L'institution d'un régulateur postal et surtout celle de la filiale bancaire postale suscitent quelques inquiétudes.

M. Jean-Paul Bailly a d'abord présenté ses collaborateurs présents, MM. Marc-André Feffer, Patrick Werner, Jacques Savatier et Foucauld Lestienne. Puis, à titre introductif, il a souligné que La Poste était sans doute le service public le plus connu des Français. Ses 100 000 facteurs constituent un atout essentiel, y compris en vue de l'éventuelle ouverture du marché à la concurrence ; ils pourraient jouer un rôle décisif en cas de diversification des services à domicile. Ses 17 000 points de contact seront maintenus, cet engagement valant département par département, même s'il est impératif qu'elle réfléchisse avec les élus locaux à l'adaptation de son réseau, afin qu'il réponde mieux aux attentes des Français. A l'horizon du contrat de plan, La Poste a pour objectif de demeurer le service public de proximité préféré des Français en améliorant sa qualité et son accessibilité.

Cette grande entreprise finalement assez méconnue se situe, avec 19 milliards d'euros de chiffre d'affaires, au vingtième rang français. Elle exerce trois métiers : le courrier, qui représente encore 59 % de son activité ; les colis et l'express ; les services financiers. Son activité est déjà soumise à la concurrence à hauteur de 62 %, avec la totalité des colis et de l'express ainsi qu'une part croissante du courrier. La Poste ne vit pas de l'impôt mais de ses propres services. Enfin, plus de 90 % de ses ressources proviennent des services achetés par les entreprises et les administrations. Elle a pour objectif d'améliorer ses performances d'ici à 2007-2010 pour faire partie des leaders européens, notamment dans le domaine de l'express, même si elle ne pourra rattraper son homologue allemand.

La Poste, en deux ans, a gagné dix points de qualité de service : au niveau national, 80 % des lettres sont distribuées à J + 1, et le taux atteint 90 % au niveau départemental ; 90 % des colis envoyés sous colissimo arrivent à J + 2. Les performances économiques de l'entreprise sont également en progrès, la diminution du chiffre d'affaires étant plus contenue que prévu et la maîtrise des coûts dépassant les résultats attendus. Les résultats financiers de l'exercice 2004 seront donc corrects : après les 300 millions d'euros de solde positif enregistrés l'année dernière, ils devraient excéder l'équilibre initialement espéré. Et l'entreprise est en mouvement, au travers de cinq grands chantiers : organisation ; courrier ; colis et express ; réseau ; services financiers.

La Poste reste cependant fragile, avec une rentabilité faible, comprise entre 1 et 1,5 % du chiffre d'affaires, des fonds propres extrêmement réduits, susceptibles de gêner une stratégie de développement ambitieuse, et des handicaps lourds - que le contrat de plan s'applique néanmoins à lever - concernant les retraites, les charges sociales sur les bas salaires, l'acheminement de la presse et le coût du réseau.

Le premier chantier a consisté à réorganiser totalement La Poste par activités. La ligne hiérarchique est raccourcie sur trois niveaux au lieu de cinq et responsabilisée. La structure fonctionnelle est réorientée sur l'expertise et allégée. Un accord sur le dialogue social et la prévention des conflits a été signé.

Un budget de 3,4 milliards d'euros est consacré au deuxième chantier, relatif au courrier. Il s'agit d'un marché en stagnation, voire en régression. Les principes industriels de la modernisation de cette activité sont définis, tout comme les modalités de pilotage de la concertation externe - en particulier avec les élus locaux - et interne. Un accord social a été signé en vue d'améliorer la qualité de l'emploi, l'implication du personnel et sa participation au progrès, qu'il s'agisse de la qualité de service ou de l'amélioration des résultats financiers. Le déploiement régional du nouveau dispositif a commencé en Ile-de-France, en Lorraine, dans le Val-de-Loire et dans le Nord. Ce projet de modernisation est technique et social, mais aussi commercial : il est prévu de lancer des produits innovants, comme la lettre recommandée électronique ou le courrier hybride, et de développer les services aux entreprises, du fichier à la boîte aux lettres pour les envois, de la boîte aux lettres à l'archivage pour les réceptions.

Même si le projet de loi transpose correctement la directive et parvient à un assez bon équilibre entre la protection de La Poste et la garantie d'un exercice normal de la concurrence, il est essentiel que la future agence de régulation ne confonde pas services postaux et télécommunications : les enjeux et les caractéristiques du marché postal sont spécifiques et il serait inadapté de lui appliquer les schémas des télécommunications. Par ailleurs, la meilleure manière d'aider La Poste à se moderniser serait de l'autoriser à offrir la totalité des services financiers, de lui permettre d'adapter son réseau et, à l'horizon 2007, de faire disparaître l'ensemble des handicaps concurrentiels.

M. Jean-Paul Bailly a formulé trois souhaits :

- s'agissant des modalités d'homologation des tarifs, plutôt que de moduler les contraintes selon que le service relèvera de la partie monopolistique ou de la partie concurrentielle, il conviendrait d'opérer une distinction correspondant à une réalité économique : le courrier égrené - c'est-à-dire celui des particuliers, clients captifs - serait soumis à un price cap contraignant protégeant les particuliers, tandis que la liberté tarifaire serait plus grande pour les envois en nombre, afin de favoriser la réactivité de La Poste face à ses concurrents ;

- ceux-ci tenteront sans doute d'emporter des marchés sur des niches particulières, et, pour éviter ce phénomène d'écrémage, aucun dispositif compatible avec les règles définies par les autorités bruxelloises ne doit être négligé : il est évident par exemple qu'une concentration exclusive des opérateurs concurrents sur les zones urbaines poserait problème ;

- adoptant une attitude citoyenne en faveur du développement durable, La Poste avait soutenu l'écotaxe sur la publicité non adressée, la PNA, mais son extension par le Conseil constitutionnel au marketing direct s'est révélée catastrophique, ce marché de près de 2 milliards d'euros constituant le seul gisement de croissance du courrier ; il semble heureusement que la Commission des affaires économiques envisage de proposer un amendement pour revenir en arrière et exclure le marketing direct de l'écotaxe.

Le troisième chantier est consacré au colis et à l'express. La Poste a construit le troisième réseau européen, puisqu'elle représente 10 % du marché continental, derrière les réseaux allemand et hollandais, qui en contrôlent respectivement 20 % et 11 %, la part des autres opérateurs n'excédant pas 5 %. Ce réseau renforcé à la suite d'opérations de croissance interne et externe, est désormais bien intégré et doté d'une bonne rentabilité. C'est crucial car de plus en plus d'appels d'offres sont lancés à l'échelle européenne. La Poste vient du reste de remporter un appel d'offres européen de France Télécom pour les transports express. Le marché du colis, contrairement à celui du courrier, est en développement, car il bénéficie de l'explosion des livraisons à domicile liées au e-commerce : en 2004, La Poste a ainsi acheminé 25 % de colis supplémentaires, et les chefs d'entreprise sont très satisfaits du service offert, comme en témoigne un article de La Tribune.

Le réseau de La Poste, objet du quatrième chantier, présente trois caractéristiques : c'est le plus dense d'Europe, mais il est décalé par rapport aux attentes des Français, et coûteux de surcroît. La Poste jouera le jeu de la proximité active en cherchant à mieux rendre service aux Français comme aux collectivités locales. Son réseau, à cet égard, constitue un atout, pour plusieurs raisons : le souci individuel d'ancrage territorial est de plus en plus affirmé ; Internet rapproche les échanges des consommateurs ; certaines zones rurales connaissent un phénomène de regain démographique ; La Poste, grâce à son système informatique connecté à 10 000 points, est en mesure de réaliser des opérations de back office ou de front office au profit des collectivités locales. Mais elle doit s'adapter en permanence aux besoins des Français, dont les habitudes de travail, de loisirs et d'achats changent considérablement. Le réseau de La Poste ayant au contraire peu évolué, il se trouve aujourd'hui décalé tant en ce qui concerne son implantation que les horaires ou les services rendus. Une concertation permanente avec les élus est par conséquent requise : c'est pourquoi La Poste a proposé une charte territoriale pour le dialogue, des dispositifs de bonne pratique et des protocoles locaux. Les discussions ont démarré dans de très nombreux départements, avec le concours, notamment, des commissions départementales de présence postale territoriale.

M. Jean-Paul Bailly a estimé que les bonnes réponses seront trouvées si la volonté d'adaptation s'accompagne d'une concertation authentique, et a identifié trois axes d'adaptation.

Premièrement, l'adoption d'une approche « multicommunale », appuyée sur les structures intercommunales, les cantons ou les pays, est triplement justifiée : deux communes sur trois n'ont jamais accueilli de bureau de poste ; les élus sont habitués à cette approche pour gérer l'ensemble des services de proximité ; elle contribuerait à l'optimisation économique et commerciale de La Poste.

Deuxièmement, le développement du réseau de vente et de distribution de La Poste passe par deux voies : l'augmentation de la clientèle et du chiffre d'affaires de ses produits traditionnels, à commencer par les services financiers, qui, pour répondre à la principale demande de la population, doivent être étendus à la totalité de la gamme de la place, c'est-à-dire au crédit à la consommation et au crédit immobilier ; l'offre de nouveaux services, articulés sur des partenariats, comme celui conclu avec la SNCF, ou correspondant à des créneaux intéressant les collectivités locales - un groupe de travail spécifique pourrait travailler sur ce sujet.

Troisièmement, un réseau de proximité requiert un financement durable ; or, s'il incombe à la Poste, comme à toute entreprise, de maîtriser et de réduire ses coûts ainsi que d'augmenter son chiffre d'affaires, un financement public s'impose, le cas échéant sous la forme d'un fonds de péréquation, à condition que celui-ci soit spécifiquement postal, pérenne, simple, réactif, éventuellement abondé par les collectivités locales, et mobilisable dans le cadre des protocoles territoriaux.

S'agissant du cinquième chantier, relatif aux services financiers, la complétude de la gamme est vraiment essentielle pour lever la frustration de la clientèle, qui, en dépit des efforts commerciaux, s'étiole légèrement. L'impossibilité de proposer des crédits à la consommation et des crédits immobiliers prive La Poste d'outils pour attirer les jeunes et fidéliser la clientèle, en particulier parmi les ménages aisés ; dans ces conditions, il lui est difficile de conserver ses parts de marché et elle ne pourra jamais hisser ses résultats économiques à la hauteur de ceux de ses concurrents. Si La Poste devenait une banque du pauvre, ce serait une catastrophe sociale et économique.

Le président Patrick Ollier a rappelé que la Commission, ce jour même, à seize heures trente, auditionnerait le ministre délégué à l'Industrie, et que les amendements au projet de loi seraient examinés le mardi 14 décembre, voire, si nécessaire, le mercredi 15.

M. Jean Proriol, rapporteur, a constaté que La Poste faisait décidément preuve d'une grande patience car le projet de loi, transmis par le Sénat à l'Assemblée nationale le 29 janvier 2004, sera examiné près d'un an plus tard, alors que la directive européenne qu'il tend à transposer date de 1997. Ce texte contient de bonnes dispositions : la création d'une autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ; à l'article 8, l'introduction par le Sénat, avec l'aval du Gouvernement, d'un établissement de crédit postal, l'ECP ; la consolidation de la présence territoriale grâce au fonds de péréquation dont débat actuellement la commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques.

S'agissant de la modernisation de la logistique, le temps gagné grâce aux plates-formes de tri très automatisées qui seront créées dans chacune des futures vingt-deux régions ne sera-t-il pas perdu lorsqu'il s'agira de redistribuer le courrier sur l'ensemble du territoire ?

Les élus locaux doivent régulièrement batailler avec La Poste au sujet de la présence postale. Celle-ci est certes assurée dans 14 000 communes sur 36 000 et le président de l'entreprise a renouvelé son engagement quant au maintien des 17 000 points de contact, mais que penser de la rumeur selon laquelle ceux-ci offriraient bientôt des services allant de la vente de pain à celle de billets SNCF en passant par les jeux de hasard ?

Le rapport de la Cour des comptes relatif à La Poste pour la période 1991-2002 montre que d'autres pays européens ont su faire évoluer leur système postal bien plus rapidement que la France : des sociétés anonymes ont en effet été créées en 1989 aux Pays-Bas et en 1994 en Allemagne.

La Poste, dans l'état actuel du droit, n'est pas responsable d'un courrier déposé dans une boîte aux lettres et non signalé par une procédure de recommandé. Cette règle est-elle intangible ? Sa remise en cause ne poserait-elle pas trop de problèmes ?

L'unité de La Poste sera-t-elle maintenue après la création de deux directions distinctes pour couvrir respectivement le réseau postal et les services financiers ?

S'agissant du médiateur du service universel postal, on peut s'interroger sur le maintien de cette institution mise en place pour essayer d'apaiser les critiques de l'Union européenne en attendant la création de l'ARCEP, une fois que celle-ci sera opérationnelle.

Enfin, comment traiter le problème des « reclassés non classifiés » afin que soit réparée l'injustice qui les frappe par rapport aux fonctionnaires ayant choisi d'être intégrés dans les nouvelles structures de gestion de l'entreprise ?

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis sur les Postes et télécommunications, s'est inquiété de l'augmentation du taux de cotisation patronale liée à la charge des pensions de retraite, qui, compte tenu de la diminution de la population de fonctionnaires à La Poste, s'élève déjà à 50 % en 2004, et de l'application, à partir du 1er janvier 2007, des normes comptables internationales, qui obligera La Poste à inscrire à son bilan 57 milliards d'euros de provisions pour pensions futures. Comment fera-t-elle ?

La cour d'appel de Rouen vient de condamner Chronopost à verser 50 000 euros de dommages et intérêts à une entreprise qui a été exclue d'un appel d'offres, le délai prévu pour l'acheminement du courrier n'ayant pas été respecté. Le Sénat, à l'article 11 du projet de loi, a modifié le dispositif de responsabilité des opérateurs postaux en introduisant la notion, assez imparfaite, de « preuve suffisante », alors que les dispositions applicables spécifiquement à La Poste, figurant aux articles L. 8 à L. 13 du code des postes et des communications électroniques, demeurent inchangées : ne risque-t-il pas d'y avoir des inconvénients à créer ainsi un régime de responsabilité à deux vitesses ?

Quoique La Poste soit, pour les élus ruraux, le service de proximité par excellence, sa diversification est impérative et non optionnelle, contrairement à ce qu'a laissé entendre M. Jean-Paul Bailly.

Lors d'une précédente audition, en 2003, ce dernier avait admis que les directeurs départementaux de La Poste faisaient un usage excessif de la langue de bois. Leurs progrès, à cet égard, restent malheureusement insuffisants, même s'il est vrai qu'ils sont amenés à s'exprimer courageusement devant des assemblées générales de maires hostiles : le mode de communication que la hiérarchie de La Poste leur recommande d'adopter est difficilement acceptable pour les élus. Dans les réunions des commissions départementales de présence postale, seuls comptent les points concrets : l'évolution du réseau des points de contact, et surtout, lorsque le service postal est confié à un buraliste, les avantages et les inconvénients qui en résultent. Il faut prendre en compte, d'une part, le problème de la confidentialité des opérations effectuées dans les « points Poste », mais aussi, d'autre part, l'extension de l'amplitude horaire de l'accueil, que ces nouvelles modalités de présence postale permettent. M. Alfred Trassy-Paillogues a déploré que le directeur départemental dont relève sa circonscription ait imposé le black-out sur les enquêtes de satisfaction et que M. Jean-Paul Bailly se réserve la possibilité d'informer directement l'AMF ; cette opacité engendre une frustration qui apporte de l'eau au moulin des détracteurs de l'évolution de La Poste.

La structure financière de l'entreprise et les différences avec ce qu'ont su accomplir ses concurrentes allemande et hollandaise méritent aussi plus de transparence, d'autant que l'on entend dire tout et n'importe quoi sur le sujet.

Les élus qui souhaitent distribuer leurs bulletins d'information en circonscription font affaire, faute d'obtenir une offre de la part des instances locales de La Poste, avec la société concurrente Adrexo, qui se montre beaucoup plus réactive.

M. Alfred Trassy-Paillogues a conclu en indiquant avoir émis ces remarques critiques en toute amitié, étant un défenseur ardent de La Poste, de la présence postale et de l'aménagement du territoire.

M. François Brottes, intervenant au nom du groupe socialiste, a signalé qu'il rencontrait lui aussi les difficultés décrites par M. Alfred Trassy-Paillogues pour ses envois en nombre mais a regretté que ce dernier n'ait pas fait preuve de la même véhémence au sujet de la charge que représente pour La Poste la diffusion de la presse - et dont sa concurrente allemande est, quant à elle, exemptée.

Il a confirmé que le projet de loi portait essentiellement sur l'organisation de la concurrence et le statut de l'établissement bancaire et s'est ému que la transposition de la directive intervienne si tardivement, à mi-mandat législatif. Le retard dans la transposition présente des inconvénients de plus en plus graves à mesure que la part des activités sous monopole de La Poste se réduit, et la situation est devenue particulièrement critique depuis que cette part est passée sous la barre des 50 % car La Poste est en fait un colosse aux pieds d'argile.

Les débats ne devraient pas se focaliser sur la question de la présence postale, qui n'est que l'arbre cachant la forêt. La Poste se porterait probablement mieux si elle était allégée de charges telles que la diffusion de la presse, si elle n'avait pas à supporter des contraintes spécifiques sur les retraites, si elle bénéficiait des mêmes exonérations sociales que les autres opérateurs, si la majorité politique actuelle lui ôtait le boulet que constitue la taxe qu'elle a instaurée sur la publicité non adressée, ou encore si l'encadrement des horaires de décollage et d'atterrissage des avions n'empêchait pas le transport du courrier la nuit, ce qui complique le respect de l'objectif J + 1.

Pour que La Poste puisse se battre, il faudrait surtout organiser une autre régulation que celle prévue dans le projet de loi. Si La Poste assume des missions de service public clairement définies en matière de courrier, celles qu'elle endosse en matière de services financiers ne sont ni définies, ni reconnues, ni compensées : elle ne doit pas se contenter d'être la banque des pauvres, mais elle doit aussi l'être pour que personne ne se trouve exclu du système bancaire.

A supposer que le projet de loi soit adopté en l'état, quel serait le périmètre précis des compétences de La Poste en matière de services financiers ? Quel statut aurait le nouvel établissement ? A quels partenaires pourrait-il s'adosser ? Où serait affecté le personnel actuel ?

Quel est l'avis de La Poste à propos de la régulation ? La rédaction du Sénat ouvre la voie à l'écrémage : un opérateur pourrait avoir pour seule obligation de desservir un arrondissement de Paris. Par ailleurs, le rapprochement du régulateur postal de celui du secteur des télécommunications n'est pas judicieux.

S'agissant du secteur réservé, au niveau des négociations européennes qui vont s'engager à ce sujet en 2007, rien n'obligera à descendre sous la barre des 50 grammes. Tout dépendra de la façon dont la France défendra ses intérêts dans ces négociations : les pouvoirs publics français doivent se battre pour préserver un secteur réservé. Toutefois, si celui-ci venait à disparaître, La Poste aurait-elle la capacité de maintenir sa desserte de proximité et sa fréquence de distribution six jours sur sept ?

La Poste optera-t-elle pour l'externalisation ou bien s'emploiera-t-elle à conforter sa présence territoriale en diversifiant les services de proximité, en proposant des services financiers et en bénéficiant d'un fonds de compensation ? A cet égard, comment seront répartis les fameux 150 millions d'euros affectés au fonds postal de péréquation territoriale, sachant qu'ils laisseront en tout état de cause un solde de charge à couvrir par la Poste ?

Enfin, quelles sont les perspectives de croissance du chiffre d'affaires lié au développement du trafic B to B ou B to C sur Internet ?

M. Frédéric Soulier, intervenant au nom du groupe UMP, a remercié le président de La Poste pour ses éclaircissements, qui sont autant d'encouragements à le soutenir dans ce chantier historique. La Poste est une entreprise en progrès et en mouvement, et surtout une entreprise qui fait face à une perspective d'ouverture du marché européen à la pleine concurrence. Quoique le contexte soit d'ores et déjà concurrentiel, ce contexte évolutif risque de mettre l'entreprise en difficulté si la préparation fait défaut, car la part du service réservé, qui atteignait déjà 49 % en 2002, sera ramenée à 37 % d'ici à 2006, ce qui représente tout de même plusieurs milliards d'euros.

La Poste, malgré les efforts de ses dirigeants, souffre encore de nombreux handicaps et a pris du retard sur ses concurrentes hollandaise et allemande, comme la Cour des Comptes l'a souligné. Le poids des missions d'intérêt général exerce des contraintes fortes et l'application des 35 heures sans compensation pèse lourdement sur les plages horaires d'ouverture des bureaux, notamment en milieu rural.

Si la préservation des activités d'intérêt général n'est aucunement remise en cause, la difficulté tient à leur déficit structurel. Le réseau urbain finance le réseau rural et ce dernier sera encore plus fragilisé par l'ouverture du marché. Quoi qu'il en soit, les 17 000 points de contact seront maintenus - même si la presse ne s'en fait guère l'écho - et il faudra revoir leur maillage, en concertation avec les élus, afin de constituer un réseau de proximité active, avec le souci du multiservice et de l'élargissement de l'offre postale.

La Poste doit conduire ce chantier le dos au mur. C'est une fois de plus un gouvernement de droite qui saisit l'occasion de sauver l'avenir du service au public, contrairement au gouvernement précédent, qui ne s'en était pas donné les moyens.

M. Frédéric Soulier a conclu en apportant le soutien du groupe UMP au projet de loi.

M. Daniel Paul, intervenant au nom du groupe des député-e-s Communistes et Républicains, a déclaré qu'il n'insisterait pas sur les raisons ayant conduit la construction européenne à faire de la mise en cause des services publics et des entreprises publiques un de ses fondements, La Poste suivant en cela le chemin tracé par d'autres. Observant que La Poste est certainement, avec l'école - également objet de turbulences -, l'un des services les plus proches et les plus aimés de la population, il a indiqué que son groupe serait très attentif à la présence postale territoriale et à ses perspectives d'évolution. Quel sera le statut des 17 000 points de contact ? Avec qui collaboreront-ils ? Qui paiera ? Comment les collectivités locales auront-elles les moyens de s'opposer à telle ou telle évolution ?

En milieu urbain, en particulier dans les zones franches, les habitants sont surtout préoccupés par les problèmes de confidentialité : quand le point de contact sera un bureau de tabac ou une épicerie, un usager de La Poste qui doit de l'argent à ce commerçant se verra dans l'impossibilité de retirer une petite somme sur son compte postal pour payer autre chose.

S'agissant de l'établissement de crédit postal, quels partenaires seront associés à une éventuelle ouverture du capital ? Dans les autres pays européens, des banques postales de même nature ont-elles été créées, ou bien a-t-on adossé l'offre postale de services financiers à des banques déjà existantes ? La nouvelle banque postale ne risque-t-elle pas d'aligner ses méthodes de gestion sur celles que l'on reproche par ailleurs aux établissements bancaires ? Comment éviter que les pauvres soient exclus ? Quel statut auront les salariés qui passeront sous l'autorité de l'établissement de crédit postal ? S'agissant des retraites, comment fera la Poste pour faire face aux 57 milliards d'euros qui devraient être mis à sa charge en 2007 ?

En réponse aux divers intervenants, M. Jean-Paul Bailly a apporté les éléments de précision suivants :

- la modernisation logistique prévue a été bien conçue et n'aura que des avantages : elle réduira les ruptures de charges, accélérera le transfert des flux, améliorera la qualité du service et permettra de faire rouler des camions plus gros mais en moins grand nombre, ce qui se traduira par 5 % d'économies d'énergie d'ici à 2007 ;

- à propos des nouveaux services, la mise à disposition de pain existe déjà, de nombreux points de contact procédant à des arrangements locaux, mais cela relève de l'anecdote, tandis que la réforme de la présence postale est de nature structurelle. Des développements possibles sont envisagés avec des entreprises comme la SNCF, ou encore avec les collectivités locales. Dans certains pays, la diversification des activités atteint 15 % du chiffre d'affaires, ce qui ne serait pas négligeable pour un réseau coûtant 2,5 milliards d'euros : il s'agit d'assurer le financement du réseau en rendant un service plutôt qu'en faisant appel au subventionnement ;

- en milieu rural, la distinction entre la présence fixe et la présence mobile du facteur s'estompe : un certain nombre de services peuvent donc être rendus par les facteurs, à commencer par le « service senior », déjà expérimenté, qui consiste, sur certaines tournées, à assurer un passage plusieurs fois par semaine pour s'assurer de la bonne santé des personnes âgées, en vue d'alerter les services d'urgence compétents si nécessaire ;

- La Poste ne fuit pas ses responsabilités en cas de problème sur ses prestations, mais elle souhaite les assumer dans des conditions claires : il doit exister une preuve peut-être « suffisante », en tout cas bien « réelle » du dépôt, puis de la remise du courrier ou du colis, et à partir de là, l'entreprise se couvre par des garanties et des assurances, comme c'est déjà largement le cas. Par contre, il ne faudrait en aucun cas que l'adaptation du régime juridique de la responsabilité postale, en favorisant une multiplication des plaintes, crée un handicap concurrentiel de La Poste vis-à-vis de ses concurrentes européennes ou des nouveaux opérateurs du marché français ;

- la séparation entre réseau grand public et services financiers répond à plusieurs soucis. Premièrement, le réseau des bureaux de poste doit lui-même évoluer comme un centre d'activités, se diversifier, devenir « multimétiers » tout en préservant une forte réalité territoriale. Ensuite, cette séparation rend les comptes parfaitement étanches, transparents et identifiables et permet ainsi de couper court à toute critique ou tout soupçon quant à des déséquilibres éventuels dans la répartition du réseau entre les différents métiers de La Poste, par exemple au profit des services financiers. Enfin, la dynamique propre à chacun des deux pôles se trouve du même coup préservée, de même que l'enjeu de la présence territoriale.

- la médiation pose un problème complexe, d'autant qu'il convient de ne pas oublier, en plus des instances de médiation pour les envois postaux, les médiateurs MURCEF pour tout ce qui touche aux services financiers ou aux aspects bancaires. De ce point de vue, l'organisation la plus simple possible est hautement souhaitable, de même qu'une répartition parfaitement claire des rôles et prérogatives de chacun ;

- les charges de retraites représentent évidemment un enjeu majeur. L'objectif étant de passer aux normes IAS d'ici à la fin de l'année prochaine, ce problème doit trouver sa solution dans le courant de l'année 2005. Les discussions sont en cours avec les ministères concernés. Le souhait de La Poste est bien connu, et conforme à l'esprit du contrat de plan : parvenir à un taux de cotisation libératoire qui place l'entreprise dans des conditions analogues à celles qui prévalent pour les autres acteurs. La solution pourrait passer par des formes d'adossement aux régimes généraux. Ce genre de dispositif serait d'autant plus légitime qu'une bonne partie des salariés de La Poste sont des contractuels plus en âge de cotiser que de générer des flux de départ en retraite. L'adossement procède à cet égard d'une certaine logique économique ;

- la qualité du dialogue à l'échelon local entre les élus et La Poste a été jugée par plusieurs intervenants insuffisante, mais en progrès. Les responsables de terrain seront invités à poursuivre sur la voie déjà tracée et à mener la concertation conformément à l'esprit défini par les textes, telle que la charte de dialogue territorial, qui désormais s'imposent à eux. Au demeurant, si certaines informations font effectivement état de problèmes à ce niveau, bon nombre d'autres échos saluent la manière exemplaire dont la concertation est désormais menée par certains responsables locaux de La Poste ;

- les enquêtes effectuées auprès des populations, commerçants et clients, ayant accès à des « points Poste » font état d'un taux de satisfaction de plus de 90 % ;

- l'absence de confidentialité est un argument assez souvent invoqué à l'encontre des « points Poste », mais très rarement avancé par les clients eux-mêmes. À supposer que la question se pose, elle vaut surtout pour les retraits d'argent et les lettres recommandées. Des dispositions ont été prises pour éviter tout problème à ce niveau : non seulement les commerçants sont invités à signer un code de déontologie, mais leur comportement fait l'objet d'un suivi attentif. Au moindre dérapage, le fautif se voit retirer la responsabilité qui lui a été confiée. La plus grande rigueur sera de mise, bien qu'il ne faille pas exagérer la réalité : s'agissant par exemple des retraits d'argent, personne n'a jamais rien trouvé à redire aux Points Verts du Crédit agricole. Au demeurant, un simple effort d'aménagement des lieux, par exemple, réduirait notablement les risques à cet égard ;

- le métier de la publicité adressée et des envois en nombre non adressés rencontre des problèmes difficiles. L'année 2004 a été marquée par la réorganisation complète de tous les services, circuits et systèmes informatiques à la suite de l'intégration par Mediapost de Delta Diffusion. La qualité du service s'en est évidemment ressentie durant les premiers mois. Depuis, les choses sont progressivement rentrées dans l'ordre, quand bien même certaines critiques demeurent, notamment pour ce qui touche aux coûts. Un nouveau produit, Municipost, à destination des communes de moins de 2 500 habitants, est actuellement en cours de test et de développement. La difficulté relative à la diffusion des bulletins municipaux tient à la nature même de la demande : les maires souhaitent en fait qu'ils ne soient pas noyés au milieu de la publicité, alors que toute l'économie de cette activité repose précisément sur le principe de la distribution simultanée de plusieurs objets. Si le point d'équilibre économique d'une distribution est de sept objets, on perdra de l'argent en ne distribuant que cinq objets, et on en gagnera si l'on en distribue neuf. N'en distribuer qu'un seul est évidemment source de sérieuses complications. La demande des communes, pour difficile qu'elle soit à satisfaire, sera néanmoins attentivement examinée ;

- les obligations de service public ne pourront être correctement respectées que si elles ont été parfaitement formalisées, à l'instar de ce qui prévaut actuellement pour le courrier. Rien ne s'oppose à ce qu'elles soient mieux formalisées dans d'autres domaines, pour peu que cette formalisation s'accompagne d'une évaluation et d'une méthode de financement. Or c'est justement là que réside toute la difficulté de l'exercice ;

- tout mécanisme de régulation propre à empêcher les effets « d'écrémage » au détriment du service public vaut la peine d'être examiné, à condition qu'il ne puisse être considéré comme anticoncurrentiel ;

- la question de la pertinence du maintien à terme du secteur réservé en est encore au stade de la réflexion et n'a pas fait l'objet de conclusions définitives. Pour les envois en nombre, où la Poste se retrouve d'ores et déjà à la fois face à de gros clients et face à des concurrents eux-mêmes intéressés par ce marché, elle doit, pour être à armes égales avec les autres forces du marché et préserver sa réactivité, pouvoir user d'une forme de liberté dans la construction de ses services, dans l'adaptation des réponses offertes aux clients et dans l'élaboration de sa grille tarifaire ;

- le choix entre l'externalisation - via le recours à une agence postale communale ou un « point Poste - et le renforcement de la gamme de services pour conforter la présence postale se fait pratiquement de lui-même. Les nouveaux services - prestations pour le compte de la SNCF ou d'EDF, par exemple - ne peuvent se concevoir qu'aux endroits connaissant un certain volume d'activité et une réelle fréquentation, et où il reste un volant de temps de travail ; la SNCF ou l'EDF n'auront intérêt à investir pour répondre à la demande qu'à ces conditions. Dans les établissements où l'activité est devenue très faible, la solution d'un partenariat avec la collectivité ou les commerçants apparaît à l'évidence la plus intéressante ;

- La Poste ne se trouve pas vraiment pénalisée par Internet, d'autant que le courrier traditionnel a considérablement diminué. Elle subit fortement en revanche le contrecoup de toutes les formes de dématérialisation : télédéclarations, carte Vitale, dossiers médicaux, etc., autant de domaines dans lesquels les transactions écrites laissent la place aux transactions électroniques. Les courriels de personne à personne ou d'entreprise à entreprise, le commerce électronique touchent beaucoup moins les flux de La Poste, d'autant que ce dernier a une contrepartie positive : le développement du colis à domicile. La Poste sera en revanche touchée par les efforts de rationalisation des grandes entreprises et des administrations, qui se traduiront par une réduction ou un regroupement des relevés et formulaires ;

- enfin, la gestion interne de La Poste est du ressort de La Poste et de ses syndicats, non du débat public. S'il est légitime de soumettre à la concertation avec les élus et les collectivités territoriales tout ce qui a trait à la réalité du service rendu aux Français, les modalités d'organisation interne relèvent des instances de concertation de l'entreprise.

M. Robert Lecou a observé que le souci de relever le défi des cinq chantiers était partagé et devrait transcender les passions et les polémiques : chacun doit y mettre du sien pour que le service universel de la poste devienne une réalité, d'autant que la nécessité de l'équilibre financier est désormais communément admise.

La présence postale qui est un réel souci, dont certains n'hésitent pas à se servir comme d'un instrument, voire d'une arme, comme le prouve l'invitation, envoyée aux 343 maires de l'Hérault par le président de l'association des maires et par le sénateur, président du conseil général, à manifester avec leur écharpe face aux menaces qui pèsent sur certains bureaux de poste, perceptions ou subdivisions de la DDE. Il importe que la Poste apporte une réponse claire à ces inquiétudes puisque le président de La Poste vient de garantir que les 17 000 points de contact seraient maintenus, et même au niveau de chaque département, faute de quoi l'émotion des élus locaux, amplifiée par les médias, aboutira à donner de La Poste une image contraire à celle qu'elle recherche.

M. Jean Auclair a rappelé que son département, la Creuse, s'est tristement fait remarquer par une fronde d'élus savamment orchestrée par de prétendues « forces de progrès » - en fait des conservateurs ringards. Les vrais élus de progrès de ces départements ruraux ont compris que la poste de nos enfants ne sera pas celle de nos parents. C'est sur ces maires décidés à faire bouger les choses qu'il faut s'appuyer, sur ceux qui, plutôt que de défendre un service public totalement dépassé, s'emploient à rendre un véritable service au public, à leurs administrés.

La création de « points Poste » ne portera aucune atteinte à la confidentialité. Les postiers y sont certes tenus, mais il peut aussi arriver de parler trop en buvant un verre au café... et l'épicière ou la boulangère n'auront pas accès au compte du client.

Le rôle du facteur en milieu rural est irremplaçable. Certains politiciens brandissent la menace de la disparition du facteur pour semer le trouble dans les esprits. Reste que, dans la Creuse, la distribution à J + 1 et même J + 2 est devenue rarissime. Depuis la fermeture du centre de distribution de Guéret au profit de celui de Limoges, le délai pour le courrier interne au département est de l'ordre de J + 5. Il faut impérativement remédier à cette situation.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard a signalé que La Poste était membre du « European Services Forum » (ESF), lobby spécialement créé pour pousser à la privatisation des services publics. La Commission, en liaison avec cette structure, prépare une annexe de référence qui laisse entrevoir une modification de certaines réglementations dans un sens défavorable aux services publics ; de son côté, l'Union postale universelle a récemment accepté de se mettre en conformité avec l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), et l'ancien directeur de l'OMC lui a signifié que les services postaux n'entraient pas dans le champ du paragraphe 3 de l'article 1er de l'AGCS et ne pouvaient de ce fait prétendre à une aide des États ni des collectivités. L'oratrice, appuyée par M. Jean Launay, a demandé quel rôle jouait La Poste au sein de l'ESF et si l'on pouvait espérer, à terme, concilier le maintien des services postaux de proximité et les règles de l'AGCS.

En théorie, la réorganisation de La Poste s'effectue dans la concertation. Pourtant, dans les Deux-Sèvres, elle a été menée unilatéralement, au mépris des engagements pris et des conventions passées avec les collectivités. Quelles consignes seront données sur le terrain pour que les promesses en la matière soient réellement tenues ? Quelle forme prendra cette concertation ?

M. Jean Charroppin a insisté sur la nécessité de corriger le décalage entre les intentions et les faits, qui prend sur le terrain d'inquiétantes proportions. Ainsi, la suppression des bureaux de poste en milieu rural, la réduction des horaires d'ouverture des bureaux en milieu urbain ont été le fruit de décisions unilatérales, tout comme les derniers changements des heures de levée, avancées à 16 heures, voire à 14 heures au lieu de 18 heures, avec des conséquences qui peuvent être catastrophiques pour bon nombre d'entreprises. La Chambre de commerce du Jura s'en est elle-même émue.

Sur un plan plus anecdotique, les sociétés philatéliques ont toujours été un partenaire privilégié de La Poste. Or l'année 2004 a vu 214 émissions de timbres, représentant une valeur unitaire totale de 290 euros. Bien souvent, les sociétés philatéliques n'accueillent plus que des retraités, bon nombre de jeunes étant incapables de débourser une telle somme.

M. Léonce Deprez s'est déclaré très attaché, comme tous les élus, au lien social tissé par La Poste et au rôle de trait d'union que jouent les facteurs dans toutes les communes de France, au-delà des considérations économiques et financières. La Poste se doit de continuer à exercer cette fonction politique et intelligente au sens propre du terme.

La question de la politique foncière et patrimoniale de La Poste reste posée. Comment cette présence se traduira-t-elle concrètement dans chaque commune, par exemple lorsqu'un bureau de poste était jusqu'alors installé dans un bâtiment historique de centre ville ? La séparation des missions de distribution et d'accueil du public conduira-t-elle à vendre l'immeuble au meilleur prix pour restaurer les capacités financières de l'entreprise, ou, à l'inverse, à le louer dans des conditions à même de préserver la notion de service au public, indépendamment des considérations marchandes, en contrepartie de l'aide apportée par les municipalités pour construire des centres de distribution en périphérie ? Des directives claires devront être envoyées aux directeurs départementaux, d'autant que la gestion du patrimoine devrait être désormais confiée à une société filiale. Quel en sera le statut ? La Poste aura-t-elle autorité sur elle ?

M. Alain Marty a considéré que l'amélioration du fonctionnement de La Poste est largement liée à la remontée des informations sur le terrain. S'agissant de Colissimo, la réalisation de l'objectif de distribution à J + 2 ne saurait faire oublier le fait que, bien souvent, les destinataires sont absents du logis au moment où passe le facteur et ne peuvent alors venir retirer un colis au bureau de poste, avant vingt-quatre heures, sinon davantage... Ce délai supplémentaire mériterait d'être pris en compte.

Les envois adressés étaient jusqu'à présent traités au niveau des agences locales. Depuis que le service a été centralisé, les contrats doivent être établis et les plis à distribuer apportés au chef-lieu du département, autrement dit à une distance qui peut atteindre 80 kilomètres ! Dans de telles conditions, il n'est pas surprenant que les clients s'adressent à un autre opérateur.

La réorganisation des services se traduit également, dans les communes rurales, par une distribution du courrier de plus en plus tardive, cependant que la levée devient de plus en plus précoce. Pour un artisan en milieu rural, cela peut se traduire par un retard d'une journée, particulièrement handicapant lorsqu'il s'agit, par exemple, de répondre à un appel d'offres.

Le manque de dialogue peut avoir des effets désastreux : ainsi les syndicats ont alerté les élus en affirmant que 251 bureaux de plein exercice étaient appelés à n'être plus que des « points Poste », dont 80 en Moselle et 18 dans la circonscription de l'orateur. La direction départementale, interrogée, assure qu'il n'en est rien, alors que chacun sait pertinemment que bon nombre de bureaux de plein exercice sont appelés à évoluer.

On peut également s'interroger sur les moyens dont disposera la Poste pour offrir un service au niveau mondial, ce que les logisticiens considèrent aujourd'hui comme indispensable, compte tenu de la faiblesse de ses fonds propres.

M. Francis Saint-Léger après avoir souligné que l'évolution de La Poste - fermetures, changements de statut, aménagement des horaires d'ouverture, etc. - n'était pas nouvelle, a observé cependant que chaque nouvelle vague d'adaptation était source d'inquiétude pour les élus locaux et les citoyens, d'autant plus méfiants qu'ils manquent souvent d'informations. Toute nouvelle mesure de réorganisation est immédiatement soupçonnée d'entraîner fermetures de bureaux, dégradation du service ou coûts supplémentaires pour les collectivités. Encore récemment, une commission du service postal n'a pu se tenir en Lozère, tant les élus locaux étaient hostiles à la moindre évolution. Il a donc estimé qu'un langage de vérité serait préférable pour éviter de laisser le doute se répandre dans les esprits, au risque d'affoler les élus comme les populations à la moindre innovation.

En réponse aux divers intervenants, M. Jean-Paul Bailly a apporté les éléments de précision suivants :

- la politique de La Poste n'est pas une politique de repli, mais bien d'adaptation et de développement des services. Assurance est donnée que chaque département conservera au moins autant de points de présence qu'aujourd'hui. Toute évolution se fera dans la concertation, sans chercher à passer en force, dans le cadre d'une approche intercommunale, et sera, dans chaque territoire, concrétisée par un protocole que les élus locaux seront libres de signer ou non - étant entendu que le statu quo signifie régression, absence d'investissements, décalage grandissant avec la réalité et les attentes, etc. Les élus seront invités à signer des protocoles sur l'évolution et le développement des services, en contrepartie d'un abondement des investissements sur le territoire considéré - la modernisation du bureau centre, par exemple - et d'une éligibilité prioritaire au fonds de péréquation. Quoi qu'il en soit, il ne peut être question pour La Poste de tenir un double langage ;

- s'agissant des aspects internationaux, tous les systèmes d'aides seront licites, à condition de correspondre à des obligations de service public et de ne pas créer de distorsions de concurrence ;

- le problème des heures limites de dépôt sera attentivement examiné mais est difficile à régler. Le contexte national n'est, en effet, pas de nature à faciliter les choses : 30 % des créneaux ayant été supprimés pour limiter les vols de nuit, force a été d'abandonner les avions pour les camions, moins rapides et eux-mêmes soumis à de plus en plus de contraintes sur les autoroutes - limitations de vitesse, interdiction de rouler le week-end, etc. Ce sont autant de facteurs qui obligent à avancer l'heure limite de dépôt afin de rester en mesure de respecter les délais de distribution.

Un partenariat plus étroit avec la SNCF est hautement souhaitable, afin notamment de reproduire sur toutes les lignes TGV le dispositif mis en place sur le sillon rhodanien, avec la création de deux gares de fret, en Bourgogne et à Cavaillon. Le train apparaît à bien des égards la meilleure réponse, bien que les contraintes existent également : les TGV postaux du sillon rhodanien ont dû ainsi adapter leurs créneaux horaires, afin de permettre l'entretien des voies. Or le courrier est une chaîne où tout se joue à cinq minutes près ;

- même s'ils restent principalement fréquentés par les personnes âgées, les clubs philatéliques suscitent un regain d'intérêt chez les jeunes ;

- La Poste a créé une société, qu'elle contrôle à 100 %, chargée d'optimiser la gestion de son patrimoine, y compris en interne : un système de loyers a été mis en place afin que chacun sache désormais combien lui coûte l'occupation de l'espace. Aucune politique d'externalisation n'a été envisagée. Sur le terrain, les politiques sont arrêtées au coup par coup, en fonction des intérêts de l'entreprise, mais également des objectifs d'aménagement des élus ;

- l'express est désormais le seul marché postal connaissant un développement au niveau mondial. La création par La Poste d'un réseau express européen de premier plan est en cours de finalisation. Il s'agit maintenant de se mettre en position de répondre à des appels d'offres à l'échelle mondiale. Pour rester à la hauteur de ce besoin d'évolution, La Poste devra conforter ses relations avec plusieurs partenaires d'envergure internationale. Ces relations ne seront pas forcément de nature capitalistique ; elles pourront aussi être d'ordre commercial, ou encore relever d'une combinaison des deux formes de resserrement des liens, à l'instar des grandes alliances qui se sont nouées dans le monde du transport aérien. Plusieurs grands opérateurs pourront constituer des alliances commerciales et/ou capitalistiques afin de se donner une capacité de couverture de la totalité du globe.

M. Robert Lecou a fait observer, qu'en matière de présence postale, il existait deux niveaux de débat : si celui conduit au sein de cette commission était parfaitement serein, il ne pourrait faire oublier l'appel à manifester le 10 décembre, signé par deux parlementaires... Un effort de communication s'imposait en direction des associations de maires et les présidents de conseils généraux.

M. Jean-Paul Bailly a reconnu que les efforts en la matière n'ont pas toujours été couronnés de succès.

M. Patrick Werner, Directeur général délégué chargé des services financiers, a précisé que le périmètre d'activité de l'établissement de crédit postal se définissait ainsi : si le projet de loi y inclut la totalité des activités de banque de détail, le contrat de plan ne mentionne explicitement que le crédit immobilier aux particuliers et reste muet sur le crédit à la consommation et sur l'assurance de dommages. Il reviendra éventuellement plus tard au Gouvernement d'autoriser ou non La Poste à faire du crédit à la consommation ou de l'assurance IARD.

Le nouvel établissement aura le statut de droit commun d'une banque, mais aucun partenaire au capital. Le texte pose le principe d'un contrôle majoritaire de l'ECP par La Poste. Au départ, La Poste détiendra 100 % du capital, mais il n'est pas inutile de prévoir, à terme, une structure en capital qui mette l'ECP à égalité d'armes avec ses concurrents, d'autant qu'il ne pourra prétendre au niveau de rentabilité des autres banques commerciales. Sa véritable force réside dans sa clientèle.

La totalité du personnel de commercialisation et de production de l'ECP restera dans La Poste, sous statut postal et dirigé par des postiers. Les seuls transferts vers l'ECP concerneront les personnels du siège ou ceux chargés du contrôle et de l'expertise, soit entre 500 et 1 000 personnes, à rapporter aux 19 000 agents qui resteront dans les centres régionaux et aux quelque 7 000 ou 8 000 conseillers financiers spécialisés. Le transfert des agents s'effectuera dans le cadre d'une convention d'entreprise tout à la fois compatible avec leur statut antérieur, et attractif afin de ménager la possibilité de recruter des personnels hautement spécialisés issus du milieu bancaire.

M. Marc-André Feffer, Directeur général délégué chargé de la stratégie, a assuré que La Poste n'était pas opposée à une évolution du principe de responsabilité, pour peu que celle-ci s'effectue dans un cadre contractuel et aboutisse à un régime économiquement supportable pour l'opérateur - qu'il s'agisse de La Poste ou d'un concurrent. Une bonne partie de l'activité est constituée par des flux de masse à prix relativement modique, qui excluent tout régime de responsabilité sophistiqué ; quant aux produits suivis et garantis, ils sont d'ores et déjà couverts par un système de responsabilité. L'idée envisagée au Sénat consiste à mettre en place un système intermédiaire permettant un régime de responsabilité assorti de plafonds sitôt qu'existent une preuve de dépôt et une preuve de distribution, sans aller pour autant jusqu'à offrir une formule de responsabilité très sophistiquée, qui serait aussi très onéreuse. Ce serait, en tout cas dans un premier temps, une bonne façon d'expérimenter un système de responsabilité adulte, à mi-chemin entre, d'une part, l'irresponsabilité sur les produits de masse non suivis, et d'autre part des produits bénéficiant d'un régime de responsabilité spécifique, à mesure que se développent les courriers et colis suivis qui constituent pour La Poste un élément très important en termes de gamme et de dynamisme commercial.

M. Foucauld Lestienne, Directeur des ressources humaines, a précisé que l'on appelle « reclassés » les agents qui ont gardé leur statut et leur grade de fonctionnaires de l'État relevant du ministère des PTT, contrairement aux « classifiés », beaucoup plus nombreux, qui ont accepté d'intégrer un corps de fonctionnaires de l'État propre à La Poste. Les reclassés souhaitent en fait une évolution de carrière au-delà des possibilités offertes par leur actuel statut.

Deux statuts coexistent déjà à La Poste, celui de fonctionnaire de l'État et celui de salarié, ce qui n'est déjà pas sans poser des problèmes de cohérence de gestion. La création d'un nouveau corps de fonctionnaires aboutirait à ajouter un troisième statut et serait source de complexités supplémentaires. De surcroît, les reclassés ont depuis 1999 la possibilité d'être promus dans les corps de reclassification, par concours ou sur liste d'aptitude. Favoriser leur promotion au sein de leur corps de reclassement et selon des modalités prévues par leur ancienne situation statutaire aboutirait à les promouvoir à des grades qui n'ont plus d'équivalent à La Poste, celle-ci ayant mis en place des grades fonctionnels consacrant la réalité des métiers. Ainsi le préposé serait promu agent d'exploitation, alors que ce métier a disparu ; de même pour le contrôleur qui deviendrait contrôleur divisionnaire. Satisfaire une revendication de ce genre revient à offrir une lampe à pétrole pour remplacer la bougie, à l'époque ou tout le monde s'éclaire à l'électricité. Au surplus, cela supposerait la création, non d'un corps de reclassés, mais d'autant de corps que l'on en compte dans la population considérée. L'imputation de la rémunération des agents concernés sur le budget du ministère de l'Industrie supposerait par ailleurs que ce dernier crée les emplois correspondants. Enfin, présenter l'intégration des reclassés dans un nouveau corps comme un retour dans le cadre des fonctionnaires de l'État pourrait susciter les plus vives interrogations au sein des fonctionnaires classifiés, et accréditer l'idée erronée que les fonctionnaires de La Poste ne relèvent plus de la fonction publique de l'État - avec les risques sociaux qui en découleraient.

M. Jean-Paul Bailly a précisé qu'une telle démarche serait d'autant plus inopportune qu'il s'agit d'un corps en extinction.

M. Foucauld Lestienne a expliqué que bon nombre de reclassés le sont restés pour des raisons d'opportunité, afin de se prévaloir de quinze années de service actif avant de basculer dans la reclassification.

AUDITION DE M. PATRICK DEVEDJIAN,
MINISTRE DÉLÉGUÉ À L'INDUSTRIE

La Commission a entendu le mercredi 8 décembre, à seize heures trente, M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'Industrie, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la régulation des activités postales (n° 1384).

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'Industrie, a observé que la situation de la Poste était bien connue puisqu'en 1997 déjà, le rapport de Gérard Larcher, alors président de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, donnait l'alerte sur la situation des activités postales, profondément différentes de celles des autres grands réseaux de service public. En effet, contrairement à EDF et à France Télécom, dotées d'un outil de production très performant et riche d'un considérable capital technologique, la Poste se trouve dans une situation délicate. Alors que le marché postal se contracte, l'ouverture à la concurrence est engagée, et la libéralisation totale des services postaux se profile à l'horizon 2009.

Pour autant, il ne faut pas craindre cette ouverture mais y voir une chance tant pour l'économie française que pour la Poste elle-même. A Lisbonne, en 2000, les Quinze se sont fixés pour objectif de faire de l'économie de l'Union la première économie de la connaissance d'ici 2010. A cette fin, ils ont souhaité poursuivre la libéralisation des échanges tant immatériels que matériels. C'est dans ce cadre qu'a été adopté le fameux « paquet télécom », transposé cette année en droit interne par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. Les Etats membres en ont également appelé à la poursuite de la libéralisation dans le secteur des transports et dans celui des services postaux. Cette concurrence accrue devra s'accompagner d'indispensables gains de productivité chez les opérateurs du secteur pour nourrir et soutenir la croissance économique européenne. C'est à quoi tend la transposition des directives postales.

Ce projet de loi donne aussi l'occasion tant attendue de se pencher sur l'avenir de l'entreprise. Comme chacun le sait, le Gouvernement a signé l'année dernière avec la Poste un nouveau contrat de plan qui lui fixe des objectifs ambitieux en termes d'amélioration de la qualité des services, de modernisation de l'outil et, plus généralement, d'amélioration de sa compétitivité. Le rapport que la Cour des comptes a consacré à la Poste en 2003 a montré que, depuis sa transformation en établissement public en 1990, l'entreprise a réalisé des efforts d'adaptation très importants. Malgré cela, l'écart s'est creusé entre elle et les postes allemande et néerlandaise, dont la qualité de service s'est régulièrement améliorée. Ainsi assurent-elles plus de 90 % de distribution du courrier à J+1, contre 75 % en France. La Poste doit donc améliorer sa compétitivité pour affronter une concurrence qui ne cesse de s'aiguiser. Un sursaut est nécessaire avant les dernières étapes de la libéralisation, en 2009.

Le débat parlementaire donne aussi l'occasion de traduire sur le plan législatif les progrès permis par le contrat de plan : l'allègement de charges sur les bas salaires si longtemps réclamé, l'extension de la gamme des services financiers et son corollaire, leur filialisation, et enfin la création d'un fonds national destiné à financer la présence postale territoriale.

Pour permettre à la Poste de relever ces défis, il faut réformer en profondeur une législation qui, outre qu'elle est souvent obsolète, est l'objet de contentieux avec l'Union européenne. En premier lieu, le projet de loi permet de transposer la deuxième directive postale, adoptée le 15 octobre 2001 par le Conseil des ministres européens des postes. Que prévoit-elle ? Que, depuis le 1er janvier 2003, toute correspondance de plus de 100 grammes ou d'un prix supérieur à trois fois le tarif de base peut être librement distribuée en France, et que ces limites seront abaissées à 50 grammes et à deux fois et demi le tarif de base en 2006. Ensuite, le Parlement européen et le Conseil des ministres devront se prononcer, en 2007, pour confirmer l'achèvement du marché intérieur des services postaux à l'horizon 2009. Il est donc probable qu'à cette date, le secteur sera complètement libéralisé. Aussi le projet a-t-il pour objectif de concilier l'ouverture progressive du secteur postal à la concurrence et la fourniture, par la Poste, du service universel postal, qui consiste à assurer la distribution des correspondances jusqu'à 2 kg et des colis postaux jusqu'à 20 kg, en tout point du territoire, six jours sur sept - alors que la directive prévoit une distribution cinq jours sur sept seulement : le Gouvernement fait donc mieux.

M. François Brottes a rappelé qu'il s'agissait d'un « amendement Brottes »...

M. Patrick Devedjian a observé que c'était un amendement coûteux, comme le sont habituellement les amendements Brottes, mais que le Gouvernement l'assumait, en espérant que son auteur ne se montrerait pas ingrat...

M. François Brottes s'est déclaré certain que le ministre délégué ne serait pas déçu...

M. Patrick Devedjian a poursuivi son exposé en soulignant que, pour accompagner la libéralisation du secteur postal, la pratique et le droit européen montraient la nécessité d'installer un régulateur indépendant. Le conflit intervenu entre les entreprises françaises de routage et la Poste a montré les limites de l'organisation française actuelle, qui attribue au ministre chargé des postes la double fonction de régulateur du secteur et de tutelle de l'entreprise, activités difficilement conciliables. Les entreprises du secteur et la Commission européenne estiment que le Gouvernement n'est pas le mieux placé pour exercer le rôle d'arbitre indépendant voulu par la directive, puisqu'il est en quelque sorte, pour employer une métaphore sportive, à la fois l'entraîneur et l'arbitre. C'est pourquoi, dès 2002, le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin a souhaité mettre au point un dispositif de régulation cohérent et complet, à l'instar de ce qu'ont déjà réalisé douze des Quinze et l'ensemble des nouveaux Etats membres.

L'alternative consistait soit à créer un régulateur spécifique, soit à élargir les compétences du régulateur existant. Comme l'ont fait huit des onze pays européens qui disposaient d'un régulateur indépendant, le Gouvernement a décidé d'élargir le périmètre de compétence de l'ART, qui deviendrait, selon le nom que les sénateurs ont souhaité lui donner, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Cette solution présente l'avantage de pouvoir être mise en œuvre très rapidement. A ce jour, l'ART comporte des services administratifs et un collège de cinq membres, que le projet voté par le Sénat a prévu de porter à six. L'Autorité créera un service consacré aux activités postales ; le ministre délégué a précisé qu'elle régulerait seulement le marché des envois de correspondances.

En proposant la création de cette nouvelle instance de régulation, le Gouvernement a pour premier objectif de garantir la bonne fourniture par la Poste du service universel. A l'avenir, un décret précisera les caractéristiques des services que la Poste doit offrir ; il appartiendra au régulateur de veiller à ce qu'elle respecte ses obligations, notamment pour ce qui est de la qualité de service. Le deuxième objectif est de définir un régime juridique clair et les conditions d'exercice de l'ensemble des opérateurs, en veillant à l'équité de la concurrence. Le dernier objectif est de garantir la pérennité du service universel en veillant particulièrement à son financement.

Pour y parvenir, le projet de loi comporte plusieurs dispositions nouvelles. En premier lieu, l'exercice d'une activité de distribution de correspondances par des concurrents de la Poste est soumis à un régime d'autorisation ; les autorisations seront délivrées par le régulateur pour dix ans et seront renouvelables mais incessibles, si bien qu'elles n'auront pas de valeur marchande. L'octroi d'une autorisation sera assorti d'exigences de qualité, de respect de la confidentialité des envois et de protection des consommateurs. Par ailleurs, l'ARCEP sera amenée à jouer un rôle majeur dans le règlement des différends dans le secteur postal, mais aussi en matière de régulation tarifaire, puisqu'elle homologuera les tarifs des services réservés.

En revanche, les tarifs du service universel non réservé seront soumis à un objectif tarifaire global déterminé par le ministre après avis de l'ARCEP. Dans le cas particulier des tarifs de la presse, le Gouvernement a souhaité maintenir le dispositif d'homologation ministériel en vigueur. L'ARCEP rendra des avis publics en matière tarifaire. Elle veillera aussi à ce que le financement de la mission de service universel postal soit assuré dans le respect des règles de concurrence, la possibilité lui étant donnée de faire vérifier les règles d'affectation des coûts de la Poste. Si elle venait à constater un déséquilibre dans le financement du service universel postal, elle aurait obligation de proposer au ministre des mesures pour y remédier. De plus, le projet prévoit que, trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, le Gouvernement devra faire un rapport au Parlement sur le financement du service universel, en étudiant notamment l'éventualité de créer un fonds de compensation alimenté par les opérateurs concurrents, ce que prévoient les directives. Enfin, l'ARCEP sera doté d'un large pouvoir de sanction.

Le ministre délégué s'est dit convaincu que le dispositif prévu permettrait de concilier la libéralisation du secteur et la fourniture du service public postal de qualité auquel le Gouvernement est très attaché.

Mais il convenait aussi de réduire les handicaps concurrentiels de la Poste en matière de charges sociales, de services financiers et de financement de sa contribution à l'aménagement du territoire. L'entreprise sera donc mise à égalité avec ses concurrents. Le ministre délégué a rappelé que le Gouvernement précédent avait imposé à la Poste la réduction du temps de travail sans lui permettre de bénéficier des aides prévues pour atténuer le surcoût énorme que cela représentait pour elle. La Poste devra entreprendre rapidement de grandes réorganisations d'ici à 2009, date à laquelle elle pourrait perdre tout monopole. Pour préparer cette échéance, le Gouvernement propose d'accorder à l'entreprise l'éligibilité aux « exonérations Fillon ». Cette mesure, dont le coût est estimé à 230 millions, permettra de replacer la Poste dans le droit commun. Elle est très attendue par l'entreprise et par son personnel.

S'agissant du réseau des bureaux de poste et des questions sous-jacentes d'aménagement du territoire, les solutions ne seront certainement pas dictées « d'en haut », car le ministre délégué ne croit qu'à la négociation sur le terrain. De longue date, la Poste bénéficie d'un abattement de taxe professionnelle justifié par sa contribution à l'aménagement du territoire. Le Gouvernement propose de compléter ce mécanisme par la création d'un fonds postal national de péréquation territoriale qui permettra de financer une présence postale là où elle paraît prioritaire. Le contrat de plan a posé le principe d'un tel fonds ; la Poste et un groupe d'élus présidé par le sénateur Hérisson, président de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, travaillent actuellement à en définir le détail.

Un autre apport majeur du projet consiste en la création d'un établissement de crédit postal. La gamme des services financiers de la Poste s'est étoffée progressivement, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, autour du livret A. Elle comprend aujourd'hui à peu près tous les produits d'épargne et elle s'étend au crédit immobilier avec épargne préalable. La possibilité de créer un établissement financier obéissant aux règles bancaires parachève cette évolution ; elle permettra à la Poste de conserver sa clientèle qui, aujourd'hui, la quitte lorsqu'elle a besoin d'emprunter. Elle permettra aussi de développer l'activité du réseau des bureaux de poste. Elle devra naturellement s'exercer dans le respect de toutes les règles professionnelles et prudentielles.

Enfin, le projet de loi contient une mesure très attendue par tous les clients de la Poste, puisqu'elle concerne le régime de responsabilité des envois postaux. En effet, des dispositions très anciennes faisaient bénéficier la Poste d'une irresponsabilité de droit ; les tribunaux en écartent désormais l'application, considérant qu'elles ne sont pas conformes aux principes généraux du droit. Le Gouvernement propose donc d'adopter un nouveau dispositif répondant mieux aux attentes des consommateurs et applicable à l'ensemble du secteur postal. Les dispositions votées par le Sénat peuvent encore être améliorées ; le ministre délégué s'est dit ouvert aux propositions que pourrait faire la Commission à ce sujet.

Après le contrat de plan signé en 2003 avec la Poste, après la conclusion des accords Etat-presse-Poste sur le transport postal de presse, ce projet de loi constitue le troisième et le plus important pilier de la politique postale voulue par le Gouvernement. La réforme envisagée est particulièrement ambitieuse, puisqu'elle traite de tous les aspects du droit applicables à cette activité. Elle doit permettre à la Poste de s'adapter à l'ouverture progressive des marchés du secteur postal tout en garantissant un service public de qualité, sur l'ensemble du territoire, dans un cadre transparent permettant le développement d'une concurrence saine au bénéfice de l'économie française.

M. Jean Proriol, rapporteur, est revenu sur le retard pris tant pour examiner le projet de loi, - voté par le Sénat il y a bientôt un an - que pour transposer la directive. Comment s'étonner du contentieux avec la Commission européenne, alors que tous les membres de l'Union, à l'exception de la France et du Luxembourg, ont créé une Autorité autonome ? Il était grand temps de permettre à la Poste de lutter à armes égales avec ses concurrents, et notamment avec les postes allemande et néerlandaise, qui ont beaucoup d'avance sur elle.

Après s'être félicité de l'esprit d'ouverture dont le ministre délégué a fait preuve dans son exposé liminaire vis-à-vis des initiatives parlementaires, notamment s'agissant de la question de la responsabilité postale, le rapporteur a souligné que les obligations de service public devraient être précisées ; c'est d'ailleurs ce que souhaite le président de la Poste. Par ailleurs, est-il raisonnable de laisser subsister la taxe sur les imprimés non sollicités, que la Poste est tenue de payer alors même qu'elle n'est pas responsable de ces envois ? D'autre part, M. Jean-Paul Bailly a affirmé que l'entreprise n'avait pas l'intention d'engager une politique de repli de son implantation territoriale. Le ministre délégué pourrait-il préciser ce point ? Certes, de nombreux changements sont intervenus dans la localisation des bureaux de poste depuis trente ans, mais il est impératif de confirmer que les 17 000 points de contact postaux actuels demeureront.

Par ailleurs, comment cadrer la concurrence dans le secteur postal après l'entrée sur le marché français d'opérateurs étrangers dont on comprend d'emblée tout l'intérêt qu'ils trouveront à s'occuper de Paris, de Lyon et de Marseille, et tout le désintérêt relatif qu'ils risquent d'éprouver lorsqu'il s'agira de servir Concarneau, la Haute-Loire ou le Cantal, préférant laisser ces destinations exotiques à l'opérateur universel ?

Pour ce qui est de la médiation, est-il véritablement indispensable de conserver un dispositif au sein duquel coexisteront le Médiateur de la République, le médiateur du service universel postal, le médiateur de la Poste et l'ARCEP ? Ne pourrait-on simplifier cet échafaudage ? Enfin, s'agissant des procédures de contrôle des tarifs de la Poste, son président a plaidé pour un distinguo économique entre les envois en nombre et les envois égrenés plutôt que d'en rester à une distinction juridique entre secteur réservé et secteur concurrentiel. Qu'en sera-t-il ?

M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a cru déceler chez le ministre délégué, qui l'a contestée, une certaine fascination pour la Poste allemande. Mais, pour juger valablement, il faut comparer ce qui peut l'être : les tarifs postaux allemands sont-ils inférieurs aux tarifs français ? Le nombre de bureaux de poste par habitant est-il plus élevé en Allemagne qu'en France ? La poste allemande est-elle contrainte de supporter le coût de l'aide à la presse et une taxe supplémentaire sur la publicité non adressée ? Enfin, le passage des avions est-il interdit la nuit en Allemagne aux mêmes horaires qu'en France ?

L'orateur s'est ensuite félicité que le projet arrive enfin devant l'Assemblée.

M. Patrick Devedjian a admis un retard de huit années, dont la responsabilité ne saurait être imputée au seul gouvernement actuel...

M. François Brottes a convenu que le retard était ancien. Il a pris acte de l'application des « exonérations Fillon » à la Poste, mesure constructive, mais il s'est étonné du silence du ministre délégué sur les aides à la presse. La Poste doit pourtant être libérée d'une contrainte qu'elle ne peut plus assumer en une période de concurrence exacerbée. Pour le choix du régulateur, chacun aura compris que le Gouvernement a choisi ce qu'il avait sous la main ; mieux aurait pourtant valu un régulateur spécifique. Quant au risque d'« écrémage », auquel le rapporteur a fait allusion, il est bien réel, si tous les opérateurs n'ont pas les mêmes contraintes de desserte territoriale. Pour ce qui est des services financiers de la Poste, le ministre délégué n'a pas expliqué comment mesurer l'écart entre les dispositions du projet de loi et le contrat de plan. Quelle est la position du Gouvernement ? Sachant que l'ouverture permise par le projet de loi semble a priori assez large ?

Sur le fond, qu'en sera-t-il de l'évolution du droit postal européen ? Pourquoi présenter la libéralisation totale comme inéluctable alors que rien n'est fixé ? Un choix politique devra être fait si l'on veut conserver un secteur réservé pour permettre la péréquation : quelle sera la position du Gouvernement à ce sujet, en 2007 ? Après tout, l'Union ne fera jamais que ce que les Etats membres décideront. Quant au fonds de compensation, comment sera-t-il alimenté et réparti ? Enfin, quelles sont les missions de service public que le Gouvernement souhaite voir affecter à la Poste ?

M. Frédéric Soulier s'est félicité, au nom du groupe UMP, de la présentation d'un texte qui constitue un élément essentiel du rétablissement de la Poste, au moment où le marché européen s'ouvre de plus en plus largement à la concurrence. D'ailleurs, le président de l'entreprise a souligné à quel point il lui était nécessaire de pouvoir passer d'une stratégie défensive à une stratégie commercialement offensive. Il reste à définir avec précision l'avenir des services publics en milieu rural, car toute décision de fermeture est lourde de conséquences. Or, ce démantèlement déjà engagé a été rendu inéluctable par un manque d'anticipation - c'est particulièrement vrai pour la Poste, mise en difficulté face à ses concurrents. En matière postale, on sait bien que le réseau urbain finance le réseau rural et que celui-ci risque d'être fragilisé par l'évolution prévisible. Puisqu'il est structurellement déficitaire, ne peut-on imaginer que le fonds postal de péréquation soit abondé par les régions ou les départements ? L'enjeu, ce serait une offre postale élargie, sur l'ensemble du territoire, avec une obligation de service public, selon le modèle du FIATA pour les services aériens. Les régions ne financent-elles pas déjà les TER ?

M. Antoine Herth a relevé que le Gouvernement entendait voir la Poste continuer de distribuer les correspondances six jours sur sept, et s'en est félicité. Mais qu'en est-il des délais de distribution ? Rien ne sert de distribuer tous les jours des colis si c'est tous les jours avec retard... Chaque parlementaire est très attentif à la modernisation de la Poste, mais s'inquiète aussi de la manière dont le réseau des points de vente évoluera, et de celle dont sera conduit le dialogue avec les élus locaux. S'agissant enfin du nouvel établissement de crédit postal, ne faut-il pas dire clairement que la Poste s'engage dans une activité bancaire comme le font les autres postes européennes ?

M. Jacques Bobe a dit avoir entendu le président de la Poste garantir le maintien des 17 000 points de contact, en conservant leur nombre dans chaque département. C'est bien, mais qu'en sera-t-il de la répartition, dans chaque département, entre villes et campagnes ? Il faut veiller à un équilibre convenable sans retenir pour seul critère celui de l'évolution démographique. Par ailleurs, M. Jean-Paul Bailly a estimé souhaitable que la Poste s'appuie, pour dessiner son réseau, sur les intercommunalités ; cela ne manquera pas de poser problème, car le nombre de ces collectivités est très inégal selon les régions. Quel est l'avis du Gouvernement sur ce point ? S'agissant enfin des services financiers de la Poste, il convient d'expliquer clairement que l'on s'apprête à constituer un nouveau réseau bancaire, alors que la France est le pays qui compte déjà le plus grand nombre de guichets bancaires. A tout le moins, il est nécessaire de garantir une étanchéité absolue entre l'activité bancaire et l'activité postale, pour éviter que le secteur postal ne devienne une simple annexe d'un groupe tout entier tendu vers le service bancaire.

Répondant aux intervenants, M. Patrick Devedjian est revenu sur la question de la présence postale. La répartition actuelle des quelque 17 000 points d'accès aux services postaux date, pour l'essentiel, d'avant 1914, époque où les réalités démographiques de la France étaient fort différentes.

Ce n'est pas par fascination envers la Poste allemande, comme semble le croire M. François Brottes, que la comparaison est nécessaire, mais parce qu'il faut analyser les forces et les faiblesses des concurrents : lorsque la Deutsche Post viendra offrir ses services sur le territoire français, elle le fera avec les atouts qui sont les siens. C'est justement pour faire face à cette concurrence annoncée que l'Etat a signé avec la Poste un contrat de plan comportant l'objectif de faire parvenir 85 % du courrier à « J+1 » - ce qui n'interdit pas de rêver à égaler les 90 % dont se targue la Poste allemande, dans des conditions bien différentes il est vrai, puisque le taux de présence postale en Allemagne est d'un point pour 6490 habitants, au lieu d'un pour 3530 en France.

Il faut savoir que, sur les 17 000 points de présence postale en France, 6 500 sont ouverts moins de quatre heures par jour, et 3 700 moins de deux heures. Aussi faut-il se réjouir chaque fois qu'un contrat est signé entre la Poste, une collectivité locale et un petit commerce rural : c'est une chance pour le service public, et aussi une chance pour l'aménagement du territoire. En tout état de cause, aucune transformation de bureau n'aura lieu sans l'accord exprès des élus locaux.

L'écrémage redouté - à juste titre - par certains pourra être évité par le fonds de compensation, qu'alimenteront justement les contributions des concurrents de la Poste, et qui rendra la concurrence plus équilibrée.

Le périmètre du service universel sera au moins aussi large que ce que prévoit la directive de 1997 en son article 3 : il s'agira d'« une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tous points du territoire, à des prix abordables pour tous les utilisateurs ». Cela n'interdit nullement que le courrier soit distribué, comme actuellement, six jours par semaine, au lieu des cinq obligatoires aux termes de la directive...

S'agissant du médiateur du service universel postal, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse de l'Assemblée et de sa commission. Il est vrai qu'il y a le Médiateur de la République d'un côté, le régulateur postal de l'autre, et que l'on peut se demander quelle place il reste, au milieu, pour le médiateur du service universel postal...

Pour ce qui est de la taxe sur les imprimés non sollicités, il paraît tout à fait envisageable d'en exempter les publipostages, dans la mesure où il s'agit certes d'envois en nombre, mais personnalisés.

Quant au retard pris par la transposition de la directive, l'ordre du jour encombré de l'Assemblée en explique une partie, mais une partie seulement, et l'on peut observer, sans polémique aucune, qu'il n'est pas de gouvernement qui n'ait à se reprocher quelque transposition tardive. Mais en l'espèce il était urgent d'agir, car la France faisait l'objet de poursuites.

Jusqu'où doivent aller les activités financières de la Poste ? On doit observer que le contrat de plan est en retrait sur la loi, l'objectif premier étant de permettre à la Poste de conserver sa clientèle. L'autorisation de distribuer des crédits immobiliers sans épargne préalable est un premier pas, dont il faudra mesurer les effets, et le Gouvernement a entendu d'autre part les craintes exprimées - fort normalement - par la Fédération bancaire française. Celle-ci avait longtemps protesté, du reste, contre les avantages dont bénéficiait la Poste par rapport aux banques classiques ; aussi devrait-elle se réjouir de la voir entrer dans le droit commun de la concurrence ! Quant à la séparation entre les activités financières de la Poste et ses activités postales, la loi bancaire la rend, de toute façon, obligatoire.

Quelle sera la position du Gouvernement dans la négociation européenne en vue de l'échéance de 2009 ? Pour répondre à la question de M. François Brottes, il faudrait déjà savoir qui gouvernera la France alors... Plus sérieusement, le rapport des forces au sein des Vingt-Cinq sera déterminant : on imagine mal, en effet, qu'un pays puisse brandir seul l'étendard de la révolte contre l'ouverture de la concurrence aux plis de moins de 50 grammes avec quelque chance de succès ! D'autre part, les choses se présenteront différemment selon que la Poste française aura fait, ou non, des progrès de productivité - et l'on voit mal pourquoi il faudrait être pessimiste sur ce point.

Concernant les aides à la presse, il est permis de se demander, au vu de la récente prise de contrôle de nombreux titres par de grands groupes capitalistiques, s'il est vraiment justifié de subventionner Dassault ou la Banque Rothschild. Du reste, la Poste a déjà accompli un gros effort de productivité dans la distribution de la presse, conformément à la logique de l'accord de juillet 2004, et l'aide repose aussi pour partie sur le budget de l'Etat.

M. François Brottes a objecté que 400 millions d'euros restaient à la charge de la Poste.

M. Jean Proriol, rapporteur, a signalé que le montant total à couvrir était de 1,2 milliard.

M. Patrick Devedjian, revenant sur le fonds de compensation, a rappelé la distinction entre ce fonds, alimenté par les concurrents de la Poste pour financer le service universel, et le fonds de péréquation, qui a une finalité d'aménagement du territoire et qu'alimentent des abattements sur les taxes locales, c'est-à-dire, in fine, les budgets des collectivités locales.

M. Jacques Bobe a posé à nouveau le problème des accords entre la Poste et des structures de coopération intercommunale. Celles-ci sont en effet très hétérogènes, y compris sur le plan juridique : toutes n'ont pas forcément la capacité juridique nécessaire pour contracter, les communautés de communes en particulier.

M. Patrick Devedjian a répondu que tout dépendait des compétences confiées à l'intercommunalité par les communes adhérentes. Cela dit, le cadre intercommunal est souvent plus approprié que celui d'une petite commune rurale isolée.

M. Gabriel Biancheri a observé que la charte adoptée par le Congrès de l'Association des maires de France prévoit explicitement cette possibilité, mais a redouté que les collectivités qui accorderaient une aide financière au service postal universel sur leur territoire n'encourent les foudres de la Commission européenne, saisie par des concurrents de la Poste.

M. Patrick Devedjian a répondu que la Commission européenne, jusqu'à présent, n'avait rien trouvé à redire à de telles interventions des collectivités, dès lors qu'elles étaient proportionnées à l'objectif. Il existe d'ailleurs une jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes - l'arrêt Ferring du 22 novembre 2001 - sur le financement des services d'intérêt général.

M. Yves Coussain, président, a remercié le ministre délégué d'avoir apporté aux députés des réponses qui ne manqueront pas d'alimenter la discussion du projet de loi en séance publique.

1 () On désignera par l'expression « code des P&CE », le code des postes et des communications électroniques, qui s'est substitué au code des postes et télécommunications, en vertu de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.


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