Version PDF
Retour vers le dossier législatif

graphique
N° 2040

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 janvier 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 2030) de MM. Patrick Ollier, Hervé Novelli, Pierre Morange et Jean-Michel Dubernard portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise

PAR M.  Pierre MORANGE

Député

--

INTRODUCTION 5

I.- LES LIMITES JURIDIQUES, ÉCONOMIQUES ET SOCIALES DU DISPOSITIF RELATIF AUX 35 HEURES 7

A. LE BILAN JURIDIQUE : LES LOIS SUR LE TEMPS DE TRAVAIL ONT PARTICIPÉ DE LA COMPLEXIFICATION CROISSANTE DU DROIT DU TRAVAIL 8

B. LE BILAN ÉCONOMIQUE : DES RÉSULTATS SUR L'EMPLOI CONTESTABLES, DES EFFETS SUR LA CROISSANCE À LONG TERME VRAISEMBLABLEMENT NÉGATIFS 8

1. Un bilan macroéconomique au mieux incertain, au pire négatif à long terme 8

2. Au plan microéconomique, des résultats négatifs 9

C. LE BILAN SOCIAL : LA TENDANCE INÉGALITAIRE DES LOIS SUR LE TEMPS DE TRAVAIL 10

II.- RETROUVER LA LIBERTÉ DE TRAVAILLER PLUS POUR GAGNER PLUS TOUT EN DEMEURANT DANS LE CADRE LÉGAL DES 35 HEURES 13

A. LA LIBERTÉ DE TRAVAILLER PLUS POUR GAGNER PLUS 13

1. La logique fragile du partage du travail 13

2. Le « sursaut » : le choix de travailler plus 14

B. POUR AUTANT, IL N'EST PAS QUESTION DE REMETTRE EN CAUSE LA DURÉE LÉGALE DU TRAVAIL FIXÉE À 35 HEURES 15

1. Le maintien de la durée légale du travail à 35 heures 15

2. Favoriser le développement de la négociation collective 16

III.- POURSUIVRE DANS CE CADRE L'ENTREPRISE D'ASSOUPLISSEMENT DES 35 HEURES ENGAGÉE PAR LA LOI FILLON DU 17 JANVIER 2003 19

A. LES ASSOUPLISSEMENTS APPORTÉS PAR LA LOI FILLON DU 17 JANVIER 2003 19

B. LA NÉCESSITÉ D'ALLER PLUS LOIN ENCORE FACE AUX BESOINS À LA FOIS DES SALARIÉS ET DES ENTREPRISES : LES MESURES CONTENUES DANS LA PROPOSITION DE LOI RENCONTRENT CETTE DOUBLE DEMANDE 21

1. L'assouplissement du dispositif du compte épargne-temps (art. 1er) 21

a) L'inspiration de la mesure proposée 21

b) Une nouvelle rédaction de l'article L. 227-1 du code du travail 22

2. Le développement du temps choisi (art. 2) 23

a) Le régime des « heures choisies » 23

b) La possibilité pour les cadres soumis à une convention de forfait de renoncer à une partie des jours de repos en contrepartie d'une majoration de leur salaire 25

3. Des mesures ciblées au profit des petites entreprises de vingt salariés au plus (art. 3) 25

a) Un régime spécifique de majoration et de décompte des heures supplémentaires 26

b) Dans l'attente de la signature d'un accord collectif créant un compte épargne-temps : la possibilité pour les salariés de décider de renoncer à une partie de leurs journées ou demi-journées de repos en contrepartie d'une majoration salariale 26

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 29

II.- EXAMEN DES ARTICLES 35

Avant l'article 1er 35

Article 1er Rénovation et simplification du compte épargne-temps 38

Article 2 Institution d'un régime de temps choisi 57

Article 3 Mesures concernant les petites entreprises de vingt salariés au plus 69

Article 4 Gage 76

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 79

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 85

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 91

INTRODUCTION

La présente proposition de loi s'inscrit dans la perspective ouverte par la loi Fillon du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi et procède à de nouveaux assouplissements de la législation sur le temps de travail.

Parce que le travail doit être au cœur de la promotion sociale de chaque individu, il revient aujourd'hui de rendre au salarié la liberté - dont il avait été privé - de maîtriser et d'organiser son temps de travail et, partant, son temps de vie.

Parce que le travail constitue à la fois un outil d'adaptation à un milieu de l'entreprise en pleine mutation et à un contexte économique ouvert à l'international, donc à la concurrence et aux contraintes comme aux apports de l'économie de marché, il convient de lui rendre toute sa place.

Parce que le dialogue social représente, associé à la volonté individuelle du salarié, le meilleur vecteur pour la construction d'un droit du travail qui concorde avec l'intérêt général, il est important de renforcer aujourd'hui, dans la continuité de l'apport de la loi du 4 mai 2004 relative, notamment, au dialogue social, le rôle de la négociation collective.

Le législateur, au regard des enjeux ainsi définis, peut devenir force de proposition.

Pourquoi ne pas le reconnaître, la réduction du temps de travail telle qu'elle a résulté des lois adoptées en 1998 et en 2000 a déçu.

Sans doute ne convient-il pas pour autant de remettre en cause le maintien de la durée légale du travail au niveau de 35 heures dans le code du travail, qui fait figure désormais de droit acquis.

Néanmoins, l'état des lieux juridique, économique et social laisse songeur. Complexité du droit du travail, incertitude - voire inquiétude - si l'on s'interroge sur les résultats en termes d'emplois du passage aux 35 heures, sans même parler des menaces sur la croissance à long terme. Quant au bilan social, il est au mieux mitigé : comment ne pas pointer la persistance, pour ne pas dire plutôt l'aggravation, des inégalités ?

La mission d'information commune sur l'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail, présidée par M. Patrick Ollier et dont M. Hervé Novelli était rapporteur, a, dans un rapport détaillé déposé au mois d'avril 2004, dont il faut saluer ici la pertinence, mis en lumière les différents aspects de ce bilan tout en l'assortissant de propositions.

Le rapporteur du présent texte, à l'été 2004, a par ailleurs déposé une proposition de loi ouvrant la voie à la simplification et la rénovation du dispositif clé que constitue le compte épargne-temps dans la gestion individuelle du temps de travail tout au long de la vie.

Le 9 décembre 2004, le Premier ministre présentait le « contrat France 2005 », annonçant de nouveaux assouplissements des 35 heures, dont certains ont d'ores et déjà été opérés par voie réglementaire.

L'initiative parlementaire prend place dans ce cadre. Cosignée par M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, M. Hervé Novelli, le rapporteur et le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. Jean-Michel Dubernard, la proposition de loi soumise au Parlement veut aussi constituer une illustration de l'articulation entre les pouvoirs exécutif et législatif, symbole de la démocratie au quotidien.

En rénovant et simplifiant le dispositif du compte épargne-temps, la proposition de loi offre un cadre au salarié pour organiser sa vie personnelle, dans le respect des solidarités intergénérationnelles puisqu'elle crée des possibilités nouvelles d'alimentation des dispositifs d'épargne et de retraite.

En libérant le temps pour encourager le temps de travail choisi, cette initiative donne au salarié le choix dans sa participation à la création de la richesse collective, tout en lui permettant d'accéder, s'il le souhaite, à la promotion sociale sur le fondement de son mérite.

En prévoyant des mesures ciblées sur les plus petites entreprises, la proposition de loi se veut attentive au sort de celles qui sont sorties les plus fragilisées du choc résultant de la réduction du temps de travail et par ailleurs soumises à des contraintes spécifiques.

Par ces voies pragmatiques doivent pouvoir être libérées les initiatives, aux plans individuel comme collectif, et assurés de nouveaux équilibres économiques et sociaux, dans le respect des espérances de chacun.

*

I.- LES LIMITES JURIDIQUES, ÉCONOMIQUES
ET SOCIALES DU DISPOSITIF RELATIF AUX 35 HEURES

Il est difficile de revenir, dans le cadre spécifique de l'étude des mesures contenues dans la présente proposition de loi, sur l'ensemble de l'évaluation de la législation sur le temps de travail.

Ce n'est pas l'objet du présent rapport. Un tel bilan a déjà été dressé à de nombreuses occasions. Exemples parmi d'autres, le rapport établi au nom du Commissariat général du plan par la commission présidée par M. Henri Rouilleault (1), ou les travaux récents de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale, qui a établi, après six mois d'étude, un bilan des différents aspects de la réduction de travail, aux plans juridique, économique et social - pour ne s'en tenir qu'à deux exemples d'observation globale du processus dans ses différentes facettes.

On ne reprendra donc ici que les grandes lignes de ce bilan qui, au mieux, apparaît mitigé, en se concentrant sur les analyses les plus récentes - parues au cours des derniers mois.

Il faut dire, avant même d'aborder ces éléments de bilan, que les faits ont, particulièrement dans la dernière année, mis, en France comme à l'étranger, en évidence les incertitudes du dispositif des 35 heures.

En juin 2004, le débat est lancé en Allemagne, dans des sociétés comme Siemens, Daimlerchrysler, Continental, Thomas Cook ou la Deutsche Bahn, au sein desquelles sont entreprises des négociations d'augmentation du temps de travail, parfois pour porter la durée hebdomadaire du travail au niveau de quarante heures par semaine, le plus souvent sans contrepartie salariale, mais avec un engagement à renoncer à des projets de délocalisation.

En France aussi, la question est posée, de manière particulièrement emblématique avec le cas de l'usine Bosch de Vénissieux mais également dans d'autres entreprises comme Doux, SEB ou encore Cattinair. Autre exemple : le 30 septembre 2004, la société Potain a signé un accord sur l'aménagement du temps de travail visant à remonter à 35 heures la durée du travail de 600 salariés non cadres, travaillant entre 32 heures et 33 heures 15, avec compensation salariale.

Ces faits ont confirmé l'existence d'une situation que les bilans récents du processus de réduction du temps de travail avaient déjà considérée comme fragile.

A. LE BILAN JURIDIQUE : LES LOIS SUR LE TEMPS DE TRAVAIL ONT PARTICIPÉ DE LA COMPLEXIFICATION CROISSANTE DU DROIT DU TRAVAIL

Il n'est pas possible de retracer ici l'évolution de l'ensemble de la législation relative au temps de travail depuis la loi Robien du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail jusqu'à la loi Fillon du 17 janvier 2003, en passant par les deux lois Aubry I et II, du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail et du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.

Une chose est sûre : cette législation est devenue d'une complexité considérable, qu'il ne convient pas d'encourager. Le rapport établi sous la direction de M. Michel de Virville au début de l'année 2004 y a, par exemple, consacré de longs développements (2).

La loi Fillon a commencé l'entreprise de simplification, la présente proposition de loi voulant aussi, en renforçant le rôle du dialogue social, y contribuer - même s'il est vrai que tenter d'y remédier, c'est nécessairement accepter, dans un premier temps, d'entrer dans la logique parfois byzantine de certains dispositifs.

B. LE BILAN ÉCONOMIQUE : DES RÉSULTATS SUR L'EMPLOI CONTESTABLES, DES EFFETS SUR LA CROISSANCE À LONG TERME VRAISEMBLABLEMENT NÉGATIFS

Sans revenir sur l'ensemble des bilans déjà effectués, il convient de rappeler certains constats relatifs à la situation tant macroéconomique que microéconomique consécutive au passage aux 35 heures.

1. Un bilan macroéconomique au mieux incertain, au pire négatif à long terme

Certains rapports récents sont sévères. A titre d'exemple, on peut citer un ouvrage publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en juin 2004, intitulé « L'économie française, 2004-2005 », selon lequel la réduction du temps de travail, engagée depuis 1996, expliquerait à elle seule une baisse de 5,6 % de la productivité par tête sur la période 1996-2002, même si cette baisse aurait pu être beaucoup plus importante si elle n'avait été compensée par l'augmentation de l'intensité du travail depuis la mise en place des 35 heures.

En outre, aux termes du rapport du Fonds monétaire international (FMI) sur la situation économique de la France, remis le 6 juillet 2004, la loi sur les 35 heures est considérée comme étant de ces « mécanismes influant négativement sur les performances du marché du travail ».

Enfin, à l'automne 2004, c'est le rapport d'étape de la mission présidée par M. Michel Camdessus, qui considère que « si nous croissons moins vite, c'est parce que nous travaillons relativement moins », s'attaquant à la politique de partage du temps de travail dont les résultats en matière d'emplois sont qualifiés de « peu probants » et de « stratégie perdante » - résultats qui, à l'horizon de dix ans, conduiraient à « la régression économique et sociale » (3).

2. Au plan microéconomique, des résultats négatifs

Au plan microéconomique, certaines études récentes montrent, là encore, les limites du passage aux 35  heures.

En avril 2004, le titre de l'une d'entre elles est révélateur : « Modulation / annualisation dans le cadre des 35 heures : entreprises et salariés sous contrainte » (4). En octobre 2004, le titre d'une autre ne l'est pas moins : « 35 heures : les experts font la loi »(5). De cette dernière étude, il ressort que les nouvelles règles des lois Aubry « ont été élaborées à partir des conclusions des simulations économétriques et ont minimisé la prise en compte des conditions de travail ou la création d'un consensus minimal, au profit d'aspects économiques. Des études microéconomiques soulignant la nécessité de véritables négociations pour imposer une volonté de partage de l'emploi ne sont pas suffisamment prises en compte. Cela fragilisera ce processus déjà délicat ».

A l'inverse, d'autres analyses mettent aujourd'hui en évidence les raisons pour lesquelles certaines entreprises ne sont pas passées aux 35 heures : il faut se rappeler en effet que trois quarts des petites entreprises employant entre vingt et cinquante salariés n'ont pas réduit le temps de travail.

Une étude émanant de la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale en septembre 2004 rappelle cette forme de morcellement (6: « depuis le 1er janvier 2000, la durée légale hebdomadaire du travail est passée à 35 heures pour les entreprises de plus de vingt salariés. Pourtant, deux ans plus tard, de nombreuses entreprises de plus de vingt salariés, surtout les plus petites, n'avaient pas abaissé leur durée collective de travail. D'autres avaient réduit leur temps de travail mais seulement partiellement. D'autres, enfin, étaient passées aux 35 heures mais en s'affranchissant de tout ou partie des règles d'obtention des aides publiques, notamment celle de l'obligation de négocier ».

Ce même article met, avec le recul, en évidence ce qu'elle nomme sans grande ambiguïté « les réticences aux 35 heures ». Certaines entreprises n'ont pas voulu modifier leur organisation du travail dans un climat d'incertitudes économiques, d'autres ont craint d'entamer une négociation. Certaines encore considèrent la compensation salariale comme un obstacle important. D'autres, dans des métiers de service, évoquent les difficultés de recrutement : les 300 000 offres d'emploi qui chaque année ne trouvent pas preneur sont là pour nous rappeler que même en période de chômage élevé, il est des métiers, des régions, où recruter pour compenser une baisse de la durée du travail est très difficile.

C. LE BILAN SOCIAL : LA TENDANCE INÉGALITAIRE DES LOIS SUR LE TEMPS DE TRAVAIL

Par-delà les nombreux bilans ayant mis en évidence le caractère inégalitaire du passage aux 35 heures, qu'il s'agisse des salariés pris individuellement, des entreprises en fonction de leur taille, mais aussi de leur secteur d'activité ou des dispositifs qui leur sont applicables - sans même évoquer la différence de situations entre les salariés du secteur privé et du secteur public -, il convient de s'arrêter sur les incertitudes qualitatives de la réduction du temps de travail affectant les modes de vie.

Sans doute le bilan doit-il être nuancé. Les études générales précitées ont, il convient de le reconnaître, mis en évidence les aspects positifs de la réduction du temps de travail pour une partie des salariés : le rapport de la commission présidée par M. Henri Rouilleault montre ainsi que « la réduction du temps de travail satisfait une partie des attentes des salariés ».

De même, certains observateurs mettent en évidence le « sentiment d'amélioration de la vie quotidienne » qu'ont pu éprouver les salariés (7).

A l'inverse, comment ne pas reconnaître les difficultés sociales qui ont été engendrées par la réduction systématique du temps de travail ? La plupart des analyses, alors même qu'elles relèvent par ailleurs les aspects positifs du bilan, sont plutôt critiques : « les conditions de travail sont donc le point faible du bilan de la réduction du temps de travail pour les salariés » ; « la réduction du temps de travail était une occasion sans précédent d'améliorer l'articulation entre temps de travail et de loisirs. Mais ses résultats en ce domaine sont mitigés » ; « il est reconnu aujourd'hui que la réduction du temps de travail a occasionné le creusement de certaines inégalités parce qu'elle améliore les conditions de vie des uns tout en dégradant les conditions de travail des autres »(8).

Au total, plusieurs années après l'adoption des lois relatives à la réduction du temps de travail, la question de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale demeure évidemment. Une enquête publiée en décembre 2004 (9) montre ainsi que parmi les personnes exerçant une activité professionnelle, près de 40 % estiment que le travail rend difficile l'organisation de la vie de famille, sachant que ce taux augmente avec la présence d'un enfant de moins de onze ans au domicile pour avoisiner dans ce cas les 50 %.

Si donc le bilan peut et doit être nuancé, même ainsi, une priorité subsiste : permettre à ceux qui le souhaitent de travailler davantage pour gagner plus, tout en demeurant dans le cadre de la durée légale fixée à 35 heures.

II.- RETROUVER LA LIBERTÉ DE TRAVAILLER PLUS
POUR GAGNER PLUS TOUT EN DEMEURANT
DANS LE CADRE LÉGAL DES 35 HEURES

Ni slogan, ni formule creuse : « travailler plus pour gagner plus » si cela est voulu, voilà l'une des libertés auxquelles sont attachés aujourd'hui les salariés, et qui a été perçue comme mise en péril à l'occasion de la mise en œuvre des deux lois de 1998 et 2000 sur le temps de travail. Pour autant, la présente proposition de loi n'entend pas revenir sur le cadre légal des 35 heures.

A. LA LIBERTÉ DE TRAVAILLER PLUS POUR GAGNER PLUS

A la logique du partage du travail, qui indéniablement sous-tendait les politiques de réduction du temps de travail, doit se substituer une dynamique qui résulte d'un choix : travailler plus si le salarié le souhaite.

1. La logique fragile du partage du travail

L'idée du partage du travail, qui inspirait les politiques menées à la fin des années 1990 en France, n'était pas nouvelle, puisqu'elle était déjà à l'honneur par exemple dans les années 1930 aux Etats-Unis. Cette idée va de pair avec celle selon laquelle la réduction du temps de travail équivaudrait au progrès social. Cela est pourtant loin d'être évident.

Le rapport établi par le groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus remis au ministre de l'économie, des finances et de l'économie au mois d'octobre 2004, en fait une démonstration exemplaire (10).

Sans doute est-il possible de considérer à un instant donné, dans un secteur d'activité particulier ou dans une région particulière, une quantité de travail disponible. Dès lors que paraît acquise cette fixité de la quantité de travail, il ne reste en effet qu'à étendre, en une perspective sociale, son bénéfice au plus grand nombre, en la partageant : « cette logique de « partage » permet, dans notre vision collective, de transformer une fatalité économique en pseudo-progrès social ». Les résultats en sont pourtant peu probants. Le rapport est même sévère : « cette stratégie est perdante. A l'horizon de dix ans, elle conduit à la régression économique et sociale. Par définition, moins nous travaillons, moins nous produisons ». Et le rapport de pointer le fait que « les pays dans lesquels la durée du travail et les taux d'activité sont élevés sont aussi ceux dans lesquels le chômage est le plus faible », rappelant cet élément selon lequel « aucune hausse du chômage n'a été constatée lors des épisodes historiques dans lesquels la population a augmenté brusquement (...) ».

De fait, une vision dynamique et globale de l'économie modifie les perspectives.

2. Le « sursaut » : le choix de travailler plus

L'alternative est claire. Selon les auteurs du même rapport, « il vaut donc la peine d'explorer davantage le choix inverse : celui de travailler plus ».

Il est vrai que la France, depuis quelques années, travaille peu.

Au plan national, fin 2002, la durée annuelle collective du travail est de 1614 heures en moyenne pour les salariés à temps complet dans les entreprises de dix personnes ou plus du secteur marchand non agricole, soit douze heures de moins qu'un an plus tôt.

Les comparaisons internationales sont plus éloquentes encore. En 2002, la durée du travail hebdomadaire habituelle, à savoir avec inclusion de toutes les heures, y compris les heures supplémentaires payées ou non, effectuées habituellement, mais compte non tenu du temps de déplacement entre le domicile et le travail et des pauses pour le repas principal, est en France de 37,7 heures, ce qui correspond au niveau le plus faible si l'on prend en compte les différents pays européens.

Il est vrai aussi - même si l'on ne peut en faire un argument décisif - que la France est bien seule à avoir fait un tel choix. L'observation des expériences de réduction du temps de travail à l'étranger montre que jamais, dans les autres pays européens, une telle réduction systématique et imposée de la durée du travail n'a eu cours. Un rapport publié en avril 2004 de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale sur l'aménagement du temps de travail en Europe (11) montre que le rôle d'impulsion joué par le législateur dans le processus de réduction du temps de travail en France est « sans équivalent dans les pays industrialisés », où ce rôle est « non exclusif », citant l'intervention combinée du législateur et des partenaires sociaux en Belgique, au Danemark et aux Pays-Bas ou encore le rôle majeur de la négociation collective en Allemagne. Le même rapport rappelle en outre que, dans les cas étrangers, le processus est plus diversifié, dans le but de répondre au besoin de flexibilité des entreprises. Plus encore, il note que « la position des autres Etats membres à l'égard de la réduction du temps de travail est entourée d'une certaine circonspection. Ils ne la considèrent pas comme un instrument approprié pour créer des emplois (...) ».

Inverser cette tendance fataliste en envisageant le travail comme un choix et la croissance comme un objectif, tel est donc la raison de la présente initiative.

Elle correspond, au reste, à une préoccupation réelle. Les praticiens des ressources humaines s'en font régulièrement l'écho, ainsi que l'illustrent les lignes suivantes : « toutes les enquêtes et études monographiques qui abordent les perceptions et le positionnement des salariés par rapport à leur revenu, à leur temps de travail et à leur temps libre nous apportent déjà un éclairage général précieux. En particulier, elles montrent que si les salariés apprécient en soi la réduction du temps de travail, ils sont plutôt insatisfaits des conditions de travail et de revenu qui en ont résulté. Toutes catégories confondues, environ la moitié des salariés préféreraient avoir plus d'argent et moins de temps libre ». Cet élément d'appréciation doit toutefois être affiné : « S'agissant des employés et des ouvriers, la préférence pour l'argent s'accroît fortement, la demande d'une augmentation immédiate des revenus étant très forte. Ce faisant, cette population manifeste sa propension à l'amélioration prioritaire de son niveau de consommation. Pour autant, elle ne rejette pas l'idée de développer certaines formes d'épargne à court terme ou de revenu aléatoire sous certaines conditions » (12).

B. POUR AUTANT, IL N'EST PAS QUESTION DE REMETTRE EN CAUSE LA DURÉE LÉGALE DU TRAVAIL FIXÉE À 35 HEURES

L'article L. 212-1 du code du travail tel qu'il a été rédigé par les lois Aubry fixe désormais, pour l'ensemble des entreprises, la durée légale du travail à 35 heures.

Revenir aujourd'hui sur ce qui fait figure de norme n'est pas souhaitable. La question n'est pas en effet de déterminer une nouvelle durée légale du travail. L'enjeu est plus global : il convient de réserver une place plus importante à la négociation collective.

1. Le maintien de la durée légale du travail à 35 heures

L'intervention du Président de la République le 14 juillet 2004 l'a bien rappelé. Interrogé à cette occasion sur les assouplissements des 35 heures, il a clairement précisé qu'il n'était pas « favorable à la loi des 35 heures dans la mesure où elle était autoritaire et générale, autoritaire et uniforme ». En même temps, il a précisé que les assouplissements nouveaux qui pouvaient être apportés à ce dispositif devaient l'être avant tout dans le respect du principe selon lequel « la durée légale du travail est et restera de 35 heures », dans la mesure où il est possible de dire que cela correspond à un « droit acquis » (13).

Telle est bien la perspective dans laquelle se place la présente proposition de loi. Il convient en effet de prendre en compte la très grande diversité des souhaits des salariés, ainsi que le suggère le rapport précité du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, soulignant l'intérêt de prendre en considération à la fois les intérêts des personnes « qui n'entendent pas renoncer aux avantages de la réduction du temps de travail, y compris parmi les jeunes cadres ; de celles qui souhaiteraient travailler plus pour gagner plus ; d'autres, enfin, qui sont prêtes à s'adapter à un régime souple tenant compte des contraintes propres à l'entreprise ».

Le présent texte, faut-il le rappeler, n'entend pas revenir sur la réduction du temps de travail, en une démarche qui, en définitive, serait, en un sens inverse, aussi systématique que la démarche initiée par les lois de 1998 et 2000.

La durée légale du travail est désormais fixée à 35 heures et, pour reprendre le mot utilisé lors de l'allocution précitée, il y a là une forme de droit acquis.

Il importe donc plutôt, en encourageant le développement de la négociation collective, de permettre à ceux qui, par le dialogue social, voudraient s'affranchir de cette norme, de le faire.

2. Favoriser le développement de la négociation collective

Déjà, la proposition de loi déposée en juillet par le rapporteur évoquait, dans son exposé des motifs, « cette philosophie qui vise à redonner la primauté du droit conventionnel sur le droit réglementaire pour une meilleure démocratie sociale ».

Le présent texte se place dans une même inspiration, comme l'atteste également son exposé des motifs en une formule similaire.

Pas davantage que sur les autres thèmes, on ne reviendra dans le détail, dans cette présentation synthétique, sur le débat qui prévaut en la matière (14). D'un mot, il faut simplement rappeler l'enjeu d'une réflexion globale sur l'architecture des normes en droit du travail en général et sur la place respective de la loi et de la négociation collective en particulier.

La présente proposition de loi vise en effet, par les mesures qu'elle porte, à renforcer le rôle de la négociation collective. De ce point de vue, elle s'inscrit dans une démarche traduite notamment par la « position commune » arrêtée par les partenaires sociaux le 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective, qui proposait une clarification des domaines de compétence respectifs de l'Etat et des interlocuteurs sociaux - passant par une redéfinition du domaine de compétence du législateur. La commission présidée par M. Henri Rouilleault a de même consacré des développements importants à cette question, en se référant à la théorie dite des « décrets supplétifs », selon laquelle hors des matières réservées à la loi, la négociation collective doit pouvoir primer, le décret intervenant en cas d'échec de celle-ci. Tout récemment encore, le rapport établi par le groupe de travail présidé par M. Michel de Virville a exploré cette même voie (15).

C'est la raison pour laquelle la proposition de loi soumise aujourd'hui à la discussion a délibérément souhaité confier au dialogue social, donc à la convention ou à l'accord collectif de travail, le soin de procéder à la mise en œuvre des dispositifs proposés.

III.- POURSUIVRE DANS CE CADRE L'ENTREPRISE D'ASSOUPLISSEMENT DES 35 HEURES ENGAGÉE
PAR LA LOI FILLON DU 17 JANVIER 2003

Sans doute la loi Fillon du 17 janvier 2003 a-t-elle déjà entrepris d'assouplir la législation sur le temps de travail. Ces premières mesures étaient nécessaires. Il est proposé aujourd'hui d'aller plus loin dans cette même voie de l'assouplissement et de favoriser la négociation collective, compte tenu également des possibilités nouvelles offertes par la loi du 4 mai 2004 relative, notamment, au dialogue social.

A. LES ASSOUPLISSEMENTS APPORTÉS PAR LA LOI FILLON DU 17 JANVIER 2003

Sans revenir ici de manière exhaustive sur l'ensemble des mesures contenues dans la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, il faut rappeler les principaux assouplissements que cette loi a apportés à la législation sur le temps de travail - assouplissements que la présente proposition de loi vient approfondir.

En effet, les trois points essentiels que la présente proposition de loi a pour objet de réformer étaient pour partie au moins, en germe dans la loi Fillon du 17 janvier 2003.

- D'une part, la loi Fillon a modifié de manière assez substantielle le régime des heures supplémentaires. Déjà, la liberté de pouvoir gagner davantage est à l'ordre du jour, puisqu'avec cette loi, en l'absence de principe contraire déterminé par voie conventionnelle, la majoration des quatre premières heures supplémentaires est effectuée par voie monétaire - et non, comme dans le cadre de la loi Aubry II, par l'attribution d'un repos compensateur.

En matière d'heures supplémentaires également, autre innovation de taille, il est maintenant possible à la négociation collective de déterminer librement un taux de majoration des heures supplémentaires, à la seule condition qu'il soit supérieur à 10 %. Les taux « de droit commun » (25 % pour les huit premières heures supplémentaires, 50 % au-delà) ne s'appliquent qu'en l'absence de taux conventionnel.

La liberté est plus importante aussi grâce à l'accroissement du rôle de la négociation collective en matière de contingents d'heures supplémentaires. En cas d'existence d'un contingent conventionnel, son dépassement entraîne désormais non seulement l'obligation d'autorisation de l'inspection du travail, mais également la mise en œuvre des règles relatives au repos compensateur obligatoire - alors que s'agissant de ces dernières, seul le dépassement du contingent déterminé par voie réglementaire avait un effet avant la loi du 17 janvier 2003.

Le niveau du contingent d'heures supplémentaires est par ailleurs relevé à ce même moment de 130 à 180 heures, par le décret n° 2003-258 du 20 mars 2003, un seuil minoré en cas de modulation restant néanmoins applicable.

- D'autre part, la loi Fillon a ménagé, au bénéfice des plus petites entreprises de vingt salariés au plus, un régime spécifique, en prorogeant jusqu'au 31 décembre 2005 le régime de majoration à seulement 10 % (contre 25 % dans les autres entreprises) des quatre premières heures supplémentaires.

- Enfin, elle a entrepris d'amorcer un mouvement important : la monétisation du compte épargne-temps, en ouvrant cette voie par l'insertion dans l'article L. 227-1 du code du travail d'une référence à la possibilité de constitution d'une épargne ainsi que des modalités de valorisation en argent de ce compte.

Naturellement, le champ des dispositions de la loi Fillon est plus vaste encore. A titre de rappel, on évoquera simplement l'harmonisation des « SMIC multiples », situation intenable à terme, née de la loi Aubry II, et qui avait donné naissance à des situations particulièrement inéquitables, ainsi que les assouplissements relatifs au régime des aides financières ou encore au régime des cadres.

Il est à noter que la « deuxième » loi Fillon du 4 mai 2004 relative, notamment, au dialogue social, a assez substantiellement modifié les conditions de la négociation collective. On retiendra l'idée générale selon laquelle cette loi visait tout à la fois à décentraliser la négociation collective en prévoyant que, sauf clause contraire ou cas particuliers, les accords d'entreprise peuvent déroger aux accords de branche - et les accords de branche aux accords interprofessionnels - et traiter des mêmes thèmes sans qu'il y ait lieu de poser la question du caractère favorable ou non aux salariés de leurs dispositions ainsi que, contrepartie légitime, à la responsabiliser en prévoyant que les accords doivent être « majoritaires ».

Plus ponctuellement, la loi du 4 mai 2004 a également pris en compte la situation des petites entreprises en prorogeant pour 2004 et 2005 la disposition transitoire prévoyant que les heures supplémentaires ne sont imputées sur le contingent qu'au-delà de 36 heures.

D'une certaine façon, c'est la combinaison des deux réformes qui constitue aujourd'hui le fondement de nouveaux assouplissements. Il importe, en un double mouvement, d'aller plus avant dans les assouplissements effectués par la loi du 17 janvier 2003, tout en ouvrant plus grande encore la voie au dialogue social, les règles nouvelles résultant de l'adoption de la loi du 4 mai 2004 redynamisant celui-ci.

B. LA NÉCESSITÉ D'ALLER PLUS LOIN ENCORE FACE AUX BESOINS À LA FOIS DES SALARIÉS ET DES ENTREPRISES : LES MESURES CONTENUES DANS LA PROPOSITION DE LOI RENCONTRENT CETTE DOUBLE DEMANDE

La présente proposition de loi, qui comporte trois articles, traite de trois sujets principaux.

1. L'assouplissement du dispositif du compte épargne-temps (art. 1er)

Destinée à favoriser la maîtrise de leur temps de travail par les salariés tout au long de leur vie, la rénovation du compte épargne-temps repose sur une proposition de rédaction nouvelle de l'article L. 227-1 du code du travail.

a) L'inspiration de la mesure proposée

Aujourd'hui, le compte épargne-temps est un instrument encore trop peu utilisé. Dans seulement environ 18 % des entreprises où il est en place, une majorité de salariés y ont recours effectivement. Pour les plus petites d'entre elles, cette proportion est encore moindre. Dans les faits, les salariés ne valorisent pas leur épargne-temps en congés : au bout des cinq années dont ils disposent pour ce faire se pose la question de la manière dont ces droits sont liquidés, droits qui théoriquement sont perdus pour les salariés au-delà de ce délai.

Le compte épargne-temps doit pouvoir devenir cet outil nécessaire au développement d'une nouvelle conception de la gestion de son temps tout au long de la vie. Cet élément figurait parmi les propositions de la mission d'information commune sur l'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail, qui s'était expressément interrogée sur l'« opportunité d'assouplir les règles du compte épargne-temps, tant en ce qui concerne son alimentation que son utilisation, afin de permettre aux salariés d'améliorer leurs pensions de retraite, voire d'anticiper leur cessation d'activité » (16).

De même, d'autres voix se sont fait entendre pour réclamer des assouplissements dans la gestion du compte épargne-temps : l'Inspection générale des affaires sociales, dans un rapport paru à l'automne 2004 intitulé « Gestion des âges et politique de l'emploi », où elle préconise d'assouplir ce compte afin de permettre aux salariés d'opérer ainsi plus aisément s'ils le souhaitent une cessation progressive d'activité, ou encore des associations de directeurs de ressources humaines, telle l'Association nationale des directeurs et cadres de la fonction personnel.

En déposant une proposition de loi, dès l'été 2004, cosignée par un grand nombre de ses collègues UMP, « tendant à redonner au salarié la liberté de choix de son temps de travail grâce au compte épargne-temps et à la négociation collective dans le cadre des 35 heures », le rapporteur avait ouvert la voie à la réforme, rejoignant la même inspiration. Ainsi qu'il le précisait dans l'exposé des motifs, « dans la continuité des réformes engagées par François Fillon relatives à l'assouplissement des 35 heures et à la négociation collective », il est important de « rendre aux salariés la liberté de travailler plus pour gagner plus grâce à l'optimisation du compte épargne-temps » (17).

L'article 1er de la présente proposition de loi s'inscrit dans cette même philosophie, que l'on peut résumer en trois mots : simplicité, souplesse, diversité, ainsi que l'atteste l'exposé des motifs de la proposition de loi : « l'article 1er rénove et simplifie le régime du compte épargne-temps dans le sens d'une plus grande souplesse, tant pour les salariés que pour les employeurs ».

b) Une nouvelle rédaction de l'article L. 227-1 du code du travail

En faveur de la simplicité, cet article propose donc une nouvelle rédaction de l'article L. 227-1 du code du travail, allégée par rapport à celle aujourd'hui en vigueur.

Cette rédaction est avant tout au service de la souplesse, dans la mesure où l'utilisation du compte épargne-temps n'est plus encadrée par des seuils rigides, qu'il s'agisse notamment de la condition d'ancienneté pour pouvoir bénéficier d'un compte épargne-temps, de la période maximale de dix jours encadrant la possibilité de report de congés ou des maxima de cinq jours dans l'année et quinze jours au total s'agissant de l'affectation de jours réalisés au-delà de la durée collective du temps de travail. Seules subsistent les dispositions destinées à protéger la santé des travailleurs et garantissant le droit au repos, telles les dispositions légales relatives à la durée maximale hebdomadaire du travail, ou les dispositions communautaires relatives aux congés annuels.

En outre, la règle selon laquelle les droits à congés payés affectés au compte épargne-temps peuvent être valorisés en argent dans la limite de cinq jours par an est supprimée.

Par ailleurs, la nature des éléments susceptibles d'alimenter le compte épargne-temps est diversifiée : désormais, ce qui n'était pas le cas auparavant, le repos compensateur obligatoire ainsi que tout type de jours de repos et de congés accordés au titre de la réduction du temps de travail constituent des sources d'alimentation du compte épargne-temps. De plus, toute somme pourrait maintenant être affectée au compte épargne-temps par le salarié.

La limite selon laquelle l'ensemble des droits acquis sur une année affectés au compte épargne-temps ne pouvaient excéder vingt-deux jours disparaît, créant un élément de souplesse considérable.

Les conditions d'utilisation sont, s'agissant de l'utilisation en temps, pour l'essentiel maintenues.

S'agissant de l'utilisation en argent, en revanche, les possibilités nouvelles sont considérables. Le salarié peut expressément, aux termes de la proposition de loi, voir sa rémunération complétée par une monétisation immédiate de ses droits acquis. Quant aux possibilités de monétisation différée, qui étaient certes ouvertes dans le régime aujourd'hui en vigueur, elles sont développées par la référence à la fois à l'alimentation d'un plan d'épargne (qu'il soit d'entreprise, interentreprises ou pour la retraite collectif) et à des versements au profit d'un régime de retraite supplémentaire. L'employeur, quant à lui, conserve l'usage de la possibilité préexistante d'utilisation de jours qu'il a affectés collectivement au compte épargne-temps si les caractéristiques des variations de l'activité le justifient.

La limite générale selon laquelle le congé indemnisé devait être pris dans un délai de cinq ans est supprimée par la nouvelle rédaction, rendant possible une véritable gestion du temps - comme de l'argent - tout au long de la vie.

Au total, la version proposée de l'article L. 227-1, tout en s'inscrivant dans l'architecture préexistante, enrichit et simplifie très avantageusement l'existant.

2. Le développement du temps choisi (art. 2)

Conformément à la volonté décrite plus haut de favoriser, sur la base du volontariat, le travail supplémentaire des salariés, l'article 2 de la présente proposition de loi contient deux mesures, la première permettant aux salariés soumis à un régime de décompte horaire qui le souhaitent d'effectuer des « heures choisies », la seconde, adressée spécifiquement aux cadres, consistant en une formule de renonciation à des jours de repos en contrepartie d'une majoration salariale.

Cette proposition vient s'ajouter à l'assouplissement déjà réalisé par disposition réglementaire, le décret n° 2004-1381 du 21 décembre 2004 ayant opéré une augmentation du contingent légal d'heures supplémentaires pour le porter de 180 à 220 heures.

a) Le régime des « heures choisies »

Conformément à la ligne générale présentée plus haut, il était important d'accorder à l'entreprise un instrument afin de permettre à ceux qui le souhaitent de travailler plus pour gagner plus.

Le rapport précité du groupe de travail présidé par Michel Camdessus évoquait ainsi « une nouvelle notion d'heures supplémentaires, individuelles et non obligatoires, ni pour le salarié, ni pour l'employeur. Ceci respecterait le socle du contrat de travail négocié collectivement et protégé légalement mais l'employeur aurait, en plus de l'usage des heures supplémentaires collectives dont on ne changerait pas le régime, la possibilité de proposer individuellement aux salariés de travailler plus, et de gagner effectivement plus. Le salarié aurait toute latitude pour accepter ou refuser, et cette possibilité resterait bien sûr dans la limite des durées maximales de travail. (...) ».

Une telle possibilité permettrait de favoriser les initiatives et de créer des emplois nouveaux, mais aussi de ménager la possibilité, concernant certains emplois pour lesquels des embauches complémentaires ne sont pas possibles immédiatement, de faire face à ce qui peut apparaître comme un manque de main-d'œuvre dans certains domaines, en accroissant le temps de travail des salariés en poste. Là encore, les associations de directeurs de ressources humaines sont très demandeuses de pareils assouplissements (18).

Le dispositif proposé rejoint, d'une certaine manière, cette inspiration. Il convient d'ouvrir une liberté nouvelle à la fois à l'entreprise et au salarié.

C'est le sens de celle qui constitue l'une des « propositions d'assouplissements » qui sont, ainsi que le précise l'exposé des motifs de la proposition de loi, « animées par le souci général de rétablir la liberté de choix des salariés et des entreprises et d'établir la primauté du droit conventionnel sur le droit réglementaire pour une meilleure démocratie sociale (...) ».

Ainsi est donc, aux termes de l'article 2, ouverte au salarié qui le souhaite, dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif de travail, la faculté, en accord avec le chef d'entreprise, d'effectuer des « heures choisies » au-delà du contingent d'heures supplémentaires tel qu'il est défini à l'article L. 212-6 du code du travail. L'accord collectif de travail définit notamment le taux de la majoration de ces heures, taux qui ne peut être inférieur au taux applicable dans l'entreprise ou dans l'établissement pour les heures supplémentaires, ainsi que, le cas échéant, les contreparties, notamment en termes de repos. Les limites maximales hebdomadaires de la durée du travail sont applicables.

b) La possibilité pour les cadres soumis à une convention de forfait de renoncer à une partie des jours de repos en contrepartie d'une majoration de leur salaire

Les cadres bénéficiant d'un régime particulier d'organisation du temps de travail, il convenait de leur ouvrir une possibilité spécifique de « temps choisi » : pour les cadres soumis au régime des conventions individuelles de forfait, le régime des heures supplémentaires n'est pas nécessairement applicable - c'est le cas en particulier des cadres soumis aux conventions individuelles de forfait en jours sur une base annuelle. Ne serait-ce que dans un objectif d'équité vis-à-vis des autres salariés concernés par les « heures choisies », il convenait de leur permettre, sous la réserve du volontariat, de travailler - et d'être rémunérés pour cela - au-delà de la durée maximale de deux cent dix-huit jours qui leur est en principe applicable.

Il importe en effet de prendre en considération la situation de cadres qui doivent faire face à une charge de travail supplémentaire et renoncer de ce fait à certains jours de repos, sans contrepartie prévue par la loi, en l'état actuel des choses. Cette situation relativement inéquitable au regard de celle des autres salariés nécessitait également la mise en place d'un dispositif spécifique, certains observateurs n'ayant pas manqué de relever ces difficultés : « Les cadres n'ont pas tous également profité de la réduction du temps de travail. En particulier, certaines difficultés s'attachent à la définition du forfait, qu'il soit en jours ou horaire. Le forfait en jours peut notamment aboutir à accroître fortement la durée de travail quotidienne » (19).

Aussi l'article 2 ouvre-t-il la possibilité aux cadres de décider, en accord avec le chef d'entreprise, de renoncer à une partie des jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire. Là encore, il est nécessaire qu'un accord collectif soit signé, pour prévoir non seulement le principe d'une telle renonciation mais aussi le montant de la majoration ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix. Ces jours ne sont alors pas pris en compte pour le décompte des jours travaillés tels qu'ils sont plafonnés au niveau de deux cent dix-huit jours par an, en application du paragraphe III de l'article L. 212-15-3 du code du travail.

3. Des mesures ciblées au profit des petites entreprises de vingt salariés au plus (art. 3)

Le régime prévu par l'article 3 est transitoire. Il vise à prendre en compte les spécificités des petites entreprises de vingt salariés au plus.

a) Un régime spécifique de majoration et de décompte des heures supplémentaires

Dans la logique initiée dès l'année 2000 avec l'adoption de la loi Aubry II, il est important de prévoir, pour celles qui ont été fragilisées par le choc des 35 heures, des mesures propres. Les entreprises n'ayant pas été égales face à la réduction du temps de travail selon leur taille, il faut leur réserver une souplesse dans l'application des règles nouvelles. Cette souplesse est importante encore aujourd'hui étant donnée la difficulté particulière pour elles, rappelée dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, d'« organiser par voie d'accord les règles relatives à la rémunération des heures supplémentaires ». Par ailleurs, il est indéniable, de façon générale, qu'il est plus difficile pour les petites entreprises tant de faire face à des variations conjoncturelles d'activité que de procéder à la négociation collective, y compris compte tenu de la nécessité pour elles de s'approprier les nouveaux outils résultant de la loi du 4 mai 2004 relative au dialogue social.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'article 3 prévoit que les deux mesures spécifiques relatives au régime des heures supplémentaires dans les petites entreprises de vingt salariés au plus sont prorogées jusqu'au 31 décembre 2008 : il s'agit d'une part de la majoration à un taux minoré établi à 10 % des quatre premières heures supplémentaires ; d'autre part, de la possibilité de n'imputer les heures supplémentaires sur le contingent qu'à compter de la trente-septième heure, et non de la trente-sixième, comme le voudrait l'application stricte de la durée légale à 35 heures.

b) Dans l'attente de la signature d'un accord collectif créant un compte épargne-temps : la possibilité pour les salariés de décider de renoncer à une partie de leurs journées ou demi-journées de repos en contrepartie d'une majoration salariale

Par ailleurs, dans un même esprit, afin de tenir compte des difficultés plus importantes des petites entreprises dans la perspective de la signature d'un accord relatif au compte épargne-temps, et donc de même à titre transitoire, jusqu'au 31 décembre 2008, l'article 3 prévoit un mécanisme de renonciation propre aux salariés de ces entreprises de vingt salariés au plus qui le souhaitent à une partie de leurs journées ou demi-journées de repos accordés au titre de la réduction du temps de travail, en accord avec le chef d'entreprise - les heures correspondant à ces journées ou demi-journées n'étant pas imputables sur le contingent d'heures supplémentaires.

Ce mécanisme de renonciation, compte tenu de l'absence d'accord collectif, est encadré par un certain nombre de garanties : cette possibilité est limitée à dix jours par an et la contrepartie salariale doit comporter une majoration au moins égale à 10 %.

*

Lors de ses travaux, la commission a apporté plusieurs aménagements au texte.

S'agissant du compte épargne-temps, elle a prévu un régime attractif d'exonération de cotisations sociales et d'impôt, applicable aux droits issus des abondements de l'employeur, à la condition que ces abondements soient affectés à un plan d'épargne pour la retraite collectif, de manière à ce que soit privilégiée l'épargne longue et confortés les régimes de retraite.

Dans un souci de sécurisation des salariés, elle a en outre mentionné dans le texte le principe de la liquidation monétaire intégrale du compte du salarié qui quitte l'entreprise, sauf si des conditions de transfert des droits ont pu être définies en cas de changement d'emploi, tout en imposant que soit établi un mécanisme spécifique d'assurance pour les comptes individuels qui dépassent un plafond.

Par ailleurs, elle a ouvert expressément la possibilité, pour les salariés qui le souhaitent, d'utiliser le compte épargne-temps pour prendre un congé de solidarité internationale.

Elle a également précisé qu'il est possible à la convention ou l'accord collectif de déroger à la limitation aux droits acquis dans l'année prévue pour la liquidation monétaire du compte.

La commission a, enfin, veillé à ce que les dispositions de la proposition de loi puissent bénéficier à l'ensemble des salariés, en particulier aux différentes catégories de cadres soumis à une convention de forfait quelles qu'en soient les modalités de calcul.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Morange, la présente proposition de loi au cours de sa séance du mardi 25 janvier 2005

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Michel Liebgott s'est réjoui de retrouver l'ensemble des membres de la commission pour une nouvelle année de travail, tout en déplorant que la reprise des travaux parlementaires soit entachée par l'examen d'un texte aussi malheureux. Les Français commencent certes à être coutumiers de ces textes de régression sociale mais, en novembre 2003, avant l'examen du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, le gouvernement avait pris l'engagement de privilégier la négociation collective avant toute réforme de nature législative du droit du travail. Il semblerait donc que les promesses n'engagent que ceux qui les tiennent et que le gouvernement ne soit pas capable de respecter ses engagements. Lorsque la population aura connaissance des manœuvres de la majorité, il n'est pas impossible qu'une « jacquerie » ou une nouvelle « prise de la Bastille » ait lieu, car le sujet n'est pas anodin, loin de là. Il s'agit tout de même de modifier le temps et les conditions de travail de nos concitoyens, bases de notre pacte social.

Par ailleurs, cette proposition de loi n'est pas inscrite dans une niche parlementaire, mais à l'ordre du jour prioritaire, ce qui prouve que le gouvernement cautionne la démarche, même s'il ne s'est pas manifesté et joue profil bas.

L'opposition sera attentive à toute régression. Elle a rencontré, dans le temps très court dont elle disposait, les organisations syndicales. Celles-ci dressent un constat commun : cette façon de procéder est dérogatoire et dangereuse. Le Conseil d'Etat n'a pas été consulté, le texte n'a pas été présenté en Conseil des ministres, il n'a bénéficié d'aucune étude d'impact et les organisations syndicales ont été laissées de côté.

L'exposé des motifs est en outre inexact. Il évoque une réduction du temps de travail qui aurait été obligatoire. Mais c'est nier les centaines d'accords collectifs signés, notamment sous l'empire de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail, dite « loi Robien ».

A l'inverse, ce texte met en place une hausse obligatoire du temps de travail, pour satisfaire des groupes de pression puissants.

Le démantèlement des acquis sociaux, confirmé par ce texte, est en cours depuis l'examen du projet de loi de cohésion sociale, où le gouvernement a introduit la possibilité, pour l'employeur, de licencier individuellement un salarié au simple motif que celui-ci refuse la modification d'une des clauses de son contrat de travail. Pourquoi aller aussi loin dans l'idéologie et le dogmatisme ? Dans les faits, ce texte désastreux aboutit à rétablir la semaine de quarante heures soit un retour à l'époque du Front populaire. C'est dire l'ampleur de la régression sociale imposée par le gouvernement. Au demeurant, les orientations proposées seront de peu d'effets puisque la réduction du temps de travail n'a pas touché la plupart des PME. Quant aux grandes entreprises, l'attitude du deuxième producteur mondial d'acier, Arcelor, qui annonce qu'à l'avenir et face à la forte hausse de la demande mondiale, il préférera recourir aux heures supplémentaires plutôt que d'embaucher de nouveaux salariés, est significative. Cette situation est d'autant plus grave qu'elle annonce le passage d'une société à une autre : désormais, la loi de l'économie prend le pas sur les droits sociaux.

Et encore, les Français ne savent pas tout ! Ils n'ont pas clairement conscience que l'entreprise de déconstruction du droit du travail n'en est encore qu'à ses débuts. Ainsi que l'a dit Nicolas ou Guillaume Sarkozy - l'un ou l'autre, cela importe peu car sur ce point ils partagent les mêmes idées -, « la durée légale du travail n'a pas de sens ». Si, sur le papier, le texte proposé est modeste - il est composé de trois articles - ses effets sont considérables puisqu'il consacre le traitement du salarié comme variable d'ajustement. Les statistiques montrent en effet que les heures supplémentaires travaillées sont, en moyenne, de 59 heures par an et par salarié qui en fait. Or, un décret scélérat du gouvernement a porté le contingent d'heures supplémentaires autorisées à 220 heures par an et par salarié. Qu'est-ce à dire ? Aujourd'hui, rien, puisque la demande est trop atone pour que les entreprises aient un surcroît d'activités. Mais si la croissance molle cède un jour la place à une croissance forte, les entreprises préféreront augmenter les heures supplémentaires plutôt que d'embaucher. Il est vrai qu'avec la politique de ce gouvernement, le risque d'un retour à la croissance est faible. Au final, la réforme proposée par le gouvernement n'aboutit ni à créer des emplois ni à inciter les partenaires sociaux à un retour à la négociation. La mobilisation des fonctionnaires n'a pas été entendue par le gouvernement ; il est à craindre que les manifestations prévues pour le 5 février ne le soient pas non plus. « Travailler plus pour gagner plus », tel est le slogan du gouvernement ; en réalité il s'agit bien plus d'accroître la productivité sans réellement augmenter les salaires. Il ne s'agit pas là de céder au fameux leitmotiv de la « France qui tombe ». Les cinq années du gouvernement socialiste (1997-2002), période au cours de laquelle a été enregistré le plus grand nombre d'heures travaillées en France, sont là pour démontrer qu'il ne faut pas céder au pessimisme : au cours de la même période, deux millions d'emplois ont été créés et le nombre des chômeurs a été réduit d'un million. Cela a également été rendu possible par la création des emplois jeunes. Au prix de 13 000 euros par an et par emploi ceux-ci ont permis à de nombreux jeunes de s'insérer dans le monde du travail tandis que le dispositif des contrats initiative emploi, mis en place par l'actuel gouvernement, d'un coût bien plus élevé - 45 000 euros - peine encore à démontrer son efficacité.

Puis, évoquant la formule de l'écrivain Jack London, « il faut plier ou partir », M. Michel Liebgott a déclaré que le groupe socialiste n'a pas l'intention de plier devant le gouvernement et la majorité car cela reviendrait à condamner les salariés les plus modestes et les personnes - de plus en plus nombreuses - les plus démunies. Toutefois, ne souhaitant pas que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales soit la « commission du démantèlement social », il a indiqué que le groupe socialiste a décidé de ne pas assister à l'examen en catimini des amendements et n'interviendra dans le débat qu'au cours de la séance publique.

(Tous les commissaires socialistes se retirent)

Après avoir pris acte de la stratégie du groupe socialiste, le président Jean-Michel Dubernard a aussitôt regretté cette attitude considérant qu'elle ternit l'image du Parlement, le travail en commission faisant partie intégrante du travail parlementaire.

Mme Martine Billard a déclaré être en accord sinon avec l'attitude du moins avec les remarques formulées par le porte-parole du groupe socialiste. Le texte est une somme d'hypocrisies à la fois sur la forme mais aussi, ce qui est plus regrettable encore, sur le fond. Faire croire aux Français qu'ils peuvent choisir leur temps de travail relève à l'évidence de la supercherie. Qui peut faire croire que les femmes, les plus nombreuses à travailler à temps partiel, choisissent leur nombre d'heures de travail ? Plutôt que de réclamer, dans un effet d'annonce, l'égalité de salaires entre les hommes et les femmes, égalité factice, le Chef de l'Etat serait plus avisé de s'attaquer aux véritables causes de l'inégalité entre les sexes en milieu professionnel en transformant le temps partiel en temps choisi. Car, derrière cette proposition de loi, se cache en réalité la volonté du gouvernement de faire disparaître purement et simplement la notion de durée légale du travail dans le code du travail. Dans les faits et hormis quelques cas exceptionnels, c'est toujours l'employeur qui définit et impose la durée du travail à l'employé : les heures supplémentaires ne sont pas un choix mais une obligation. De plus, recourir aux heures supplémentaires, cela implique de produire plus, donc de répondre à une demande plus forte. Or, là aussi, pointe une contradiction : comment relancer la consommation lorsque les prélèvements de toutes sortes augmentent et que les revenus - non pas pris individuellement mais dans leur globalité - baissent. Cette proposition de loi mériterait de plus amples développements, qui ne manqueront pas de donner lieu à débats lors de l'examen du texte en séance publique. La réforme envisagée est d'autant plus injuste qu'elle pénalise en priorité les femmes et les salariés âgés, lesquels en raison de leur situation de famille ou de leur santé, sont les moins susceptibles de faire des heures supplémentaires.

M. Maxime Gremetz a déclaré que, contrairement aux commissaires du groupe socialiste, il entendait participer au débat sur la proposition de loi en commission et défendre ses amendements. Rarement ces dernières années le gouvernement a déposé des textes de progrès social ; il n'y a donc pas plus de raison aujourd'hui qu'hier de boycotter l'examen du texte en commission. Sur le fond, trois éléments sont à prendre en compte.

Premièrement, il importe d'avoir à l'esprit que la dénonciation des 35 heures relève du discours idéologique. Faute d'autres arguments, les 35 heures sont accusées de tous les maux de la terre, notamment par le MEDEF : si la charcuterie se porte mal, c'est la faute aux 35 heures, etc. Le contexte ensuite doit être rappelé. Il faut se souvenir que l'annonce de cette proposition de loi est intervenue lors de l'examen par le Parlement du projet de loi de cohésion sociale, ce qui n'a pas manqué d'engendrer le trouble à la fois dans les orientations du gouvernement et jusque chez le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, M. Jean-Louis Borloo, tant les dispositions annoncées allaient à rebours de l'esprit du texte qu'il défendait. Enfin, il importe de souligner que certains patrons sont très satisfaits des accords passés avec les syndicats lors de la négociation sur la réduction du temps de travail et ne souhaitent pas les remettre en cause. Il faut en effet rappeler que deux lois successives ont organisé le passage de la durée légale du temps de travail à 35 heures. La première, limpide - baisse de la durée légale du temps de travail de 10 % en contrepartie d'un engagement des entreprises de créer 6 % d'emplois supplémentaires avec des aides de l'Etat -, a abouti à de nombreux accords et à la création de 450 000 emplois. Cette première loi a réellement permis de libérer du temps libre ; la seconde, en revanche, fruit d'un compromis boiteux entre le Premier ministre d'alors et le président du MEDEF, a entraîné de nombreux blocages en prévoyant la réduction de la rémunération des quatre premières heures supplémentaires - majorées de 10 % en lieu et place de 25 % à l'origine. De sorte que, dans ces conditions, le gouvernement actuel n'a plus aucun mérite à maintenir la durée légale du travail à 35 heures, celle-ci devenant une contrainte d'autant plus factice que l'élargissement du contingent d'heures supplémentaires jadis fixé à 130, puis à 180, et maintenant à 220 heures par salarié et par an, conduit en réalité à ce que la durée véritable du travail s'accroisse de 35 à 39 et bientôt à 40 heures.

L'argument selon lequel cette réforme permettrait de travailler plus pour gagner plus doit être rejeté car il relève de la propagande et révèle un discours populiste qui cherche à séduire les travailleurs modestes en passant sous silence la baisse du pouvoir d'achat.

Hier encore, le journal Le Monde se faisait l'écho de cette baisse du pouvoir d'achat qui se traduit par une augmentation de la part des profits dans le revenu national et par une baisse des revenus salariaux dans le partage de la valeur ajoutée. La réalité de la baisse du pouvoir d'achat est tellement évidente qu'elle explique aisément pourquoi 84 % des Français ont pour première préoccupation la stagnation ou la baisse de leurs revenus.

Face à cette réalité incontestable de la baisse du pouvoir d'achat, il faut souligner l'importance des exonérations de charges sociales qui sont accordées le plus souvent sans aucune contrepartie en termes d'emploi.

Il convient de s'élever contre certaines idées fausses comme par exemple celle selon laquelle le travail coûte trop cher dans notre pays ou que les Français ont perdu le goût de travailler. Une récente étude publiée par l'INSEE en juin 2004 permet en effet de démontrer le contraire puisqu'elle établit que le coût annuel moyen d'un salarié est de 37 941 euros en France contre 45 664 euros en Allemagne, nouveaux Länder inclus. De même, il convient de souligner que la productivité du travail en France est supérieure à celle des Etats-Unis.

Les lois sur les 35 heures ont eu des effets positifs en termes d'emploi contrairement à ce que prétendent les partisans d'une économie totalement libéralisée. Le rapport de la mission d'information parlementaire sur les 35 heures, qui ne peut être accusé d'être favorable à la réduction du temps de travail, notait que 350 000 emplois avaient été créés et 50 000 sauvegardés grâce aux deux lois dites « Aubry ».

Des critiques acerbes ont été adressées à ces deux lois en raison d'un coût prétendument exorbitant pour les finances publiques, mais est-ce que ce sont les 35 heures qui coûtent ou plutôt les exonérations des charges patronales, qui atteignent 21,5 milliards d'euros, chiffre d'autant plus considérable qu'il n'existe aucune contrepartie en termes d'emploi ?

Ces propos ne visent pas à embellir la réalité car si la première loi Aubry a incontestablement représenté un progrès, la deuxième résulte d'un compromis douteux entre le gouvernement de Lionel Jospin et le MEDEF. De nombreux aspects de cette législation sur la réduction du temps de travail doivent être améliorés et tel est l'objectif des différents amendements qui vont être présentés au nom du groupe communiste.

M. Paul-Henri Cugnenc a souligné qu'il a écouté attentivement les arguments de l'opposition qui doivent être réfutés à plusieurs titres. Pour répondre à Mme Martine Billard, il paraît exagéré de dire que le temps partiel est toujours un temps partiel subi par le salarié. Dans de nombreux secteurs, les employeurs n'ont aucun intérêt à favoriser le temps partiel qui pose des problèmes complexes d'organisation comme par exemple à l'hôpital où son développement génère de graves difficultés pour assurer un service public de qualité.

On ne peut accepter les propos de M. Maxime Gremetz selon lesquels travailler plus pour gagner plus relèverait de propos populistes et démagogiques. De nombreux salariés modestes aspirent à améliorer leur niveau de vie en travaillant plus. Les chiffres cités par M. Maxime Gremetz doivent être interprétés avec précaution car s'il est exact qu'un travailleur allemand coûte plus cher qu'un salarié français, il convient de préciser que la durée du travail en Allemagne étant supérieure à la durée française, le travailleur allemand a une « production » supérieure à un salarié français au cours d'une année donnée.

Mme Chantal Bourragué a souligné que cette loi est vivement attendue par toutes les entreprises sujettes à de fortes variations d'activité et qui sont contraintes, notamment en fin d'année, d'augmenter massivement leurs heures de travail pour faire face à un surcroît de commandes et se heurtent alors à tous les plafonds et contingents en place. Cette proposition de loi permettra d'indemniser de manière équitable les salariés de leurs efforts en termes de temps de travail sans pénaliser trop fortement les finances de l'entreprise.

En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Morange a apporté les précisions suivantes :

- Cette proposition de loi résulte d'un long travail de réflexion des parlementaires qui a utilement complété les réformes initiées par le pouvoir exécutif. Au cours de l'année 2004, le dépôt de plusieurs propositions de loi a ainsi approfondi le travail réalisé par la mission parlementaire sur l'évaluation des lois relatives aux 35 heures. Cette coopération est un modèle en la matière et démontre que l'initiative parlementaire existe réellement.

Il convient de s'inscrire en faux contre l'idée selon laquelle cette proposition de loi consacrerait un certain autoritarisme de l'employeur dans les relations professionnelles, alors qu'elle affirme à plusieurs reprises la primauté de l'accord collectif et exige en outre l'accord individuel du salarié pour modifier la durée du travail qui lui est applicable. De même, ce texte n'a pas pour objectif de supprimer la référence à la durée légale du travail qui demeurera de 35 heures hebdomadaires par semaine.

De nombreuses critiques ont aussi été formulées à l'encontre du contingent des heures supplémentaires qui a été porté à 220 heures annuelles. Cette augmentation est utile pour certaines entreprises soumises à de fortes variations d'activités. La moyenne de 59 heures supplémentaires par an et par salarié recouvre de nombreuses situations particulières.

On ne peut non plus laisser dire que cette proposition de loi constituerait une véritable régression du dialogue social alors que le texte renvoie constamment aux accords collectifs. Il faut se féliciter que plusieurs lois récentes en matière sociale soient la traduction de négociations sociales antérieures comme par exemple la loi sur la formation professionnelle et le dialogue social. De même, si les négociations interprofessionnelles sur les plans sociaux et les licenciements économiques se sont soldées par un échec, la loi de cohésion sociale a permis de reprendre des éléments dégagés par ces négociations. Cette méthode paraît bien préférable à celle utilisée lors des lois Aubry qui a cherché à faire passer en force des présupposés idéologiques.

En réponse à M. Maxime Gremetz, il convient de préciser que si la productivité française est satisfaisante, la productivité horaire a augmenté en moyenne de 2,32 % entre 1996 et 2002 alors que la productivité par salarié n'a progressé que de 1,06 %, la différence entre ces deux chiffres s'expliquant par la réduction massive de la durée du travail.

Pour ce qui est enfin du lien entre emploi et temps de travail, il faut rappeler que c'est travailler plus qui permet de gagner plus, donc de consommer plus, donc d'avoir plus d'emplois.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Avant l'article 1er

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz précisant que le refus d'effectuer des heures complémentaires proposées par l'employeur ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

Le rapporteur a émis un avis défavorable car il a estimé que le statut juridique des heures complémentaires est déjà suffisamment protecteur du salarié.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant que les heures complémentaires donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des quatre premières heures et de 50 % pour chacune des heures suivantes, le rapporteur ayant émis un avis défavorable après avoir rappelé la spécificité du régime des heures complémentaires et précisé qu'au-delà du dixième de l'horaire contractuel, un accord collectif peut porter cette limite au tiers de l'horaire et que les heures effectuées au-delà du dixième sont alors majorées de 25 %.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz abrogeant le premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail relatif notamment à la réduction du délai de prévenance pour modification des horaires de travail dans le cadre d'un contrat à temps partiel.

Puis, la commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz précisant que les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire minimale de 25 % pour chacune des quatre premières heures et de 50 % pour chacune des heures suivantes, le rapporteur ayant considéré que cela causerait un renchérissement des heures supplémentaires à même de renforcer la diminution du temps de travail, ce qui ne correspond pas à l'objet du texte, et émis un avis défavorable.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant que les heures supplémentaires doivent s'effectuer après accord exprès du salarié concerné et qu'elles ne doivent être utilisées que pour faire face à un surcroît d'activité alors qu'il y a impossibilité de recruter du personnel qualifié, le rapporteur ayant donné un avis défavorable au motif que les heures supplémentaires relèvent du pouvoir de direction de l'employeur en vertu d'une jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation et qu'en tout état de cause le salarié peut refuser de faire des heures supplémentaires dans certains cas.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz précisant que le refus par le salarié d'effectuer des heures supplémentaires conjoncturelles ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.

La commission a examiné deux amendements de M. Maxime Gremetz : l'un prévoyant de porter à 15 jours au lieu de 7 actuellement le délai de prévenance en cas de modulation du temps de travail, tel que défini à l'article L. 212-8 du code du travail, le second abrogeant partiellement le septième alinéa de l'article précité afin de modifier le régime relatif à la réduction du délai de prévenance de façon à permettre aux salariés de mieux s'organiser dans leur vie familiale.

Le rapporteur a précisé que le délai de prévenance de sept jours ouvrés résulte des lois Aubry et que, par ailleurs, il convient de noter qu'un accord peut augmenter ce délai. De plus, il a rappelé qu'aux termes de l'article L. 212-8 du code du travail, la possibilité de réduire les délais de prévenance est encadrée de manière assez importante, qu'il s'agisse de l'existence de conditions fixées par convention ou accord collectif, de la nécessaire justification de ce recours par les caractéristiques particulières de l'activité ou encore des contreparties prévues au bénéfice du salarié aux termes de l'accord.

La commission a rejeté les deux amendements.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Maxime Gremetz qui renforce les prérogatives du comité d'entreprise notamment dans certains choix économiques comme par exemple les décisions d'investissement, d'externalisation ou de délocalisation des activités et qui prévoit la possibilité d'organiser des référendums relatifs à des choix de gestion économique.

Le rapporteur a considéré que cet amendement, qui ne correspond pas à l'objet du texte étudié, institue une véritable cogestion dans l'entreprise et remet en cause l'équilibre des pouvoirs et attributions du comité d'entreprise tels qu'ils figurent à l'article L. 432-1 du code du travail et a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté l'amendement.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz abrogeant l'article 17 de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes qui autorise le travail de nuit des femmes notamment dans le secteur industriel, son auteur ayant fait remarquer que cette disposition, rendue obligatoire par une directive européenne, constitue une véritable régression sociale.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz rétablissant la commission de contrôle de l'utilisation des fonds publics telle qu'elle avait été créée par la loi du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises.

Le rapporteur, émettant un avis défavorable, a fait observer que cette disposition n'a pas de lien avec la présente discussion. Par ailleurs, la loi du 4 janvier 2001 a précisément été abrogée car elle se contentait de créer, en pur affichage, une nouvelle commission administrative sans véritables moyens. Enfin, il existe déjà aujourd'hui des procédures de contrôle de fonds publics, à commencer par la Cour des comptes qui peut contrôler les bénéficiaires de fonds publics.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz abrogeant l'article 3 de la loi 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi portant définition de l'astreinte, le rapporteur ayant donné un avis défavorable après avoir rappelé l'exigence communautaire au fondement de cette définition ainsi que l'existence de contreparties sous forme financière ou de repos.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à abroger l'article 15 de la loi du 17 janvier 2003 précitée et à réécrire l'article 19 de la loi du 19 janvier 2000 dite loi Aubry II.

M. Maxime Gremetz a expliqué qu'il s'agit, en premier lieu, de subordonner l'octroi des aides publiques aux entreprises à leur implication dans la réduction du temps de travail et à leurs efforts en faveur de la création ou la sauvegarde de l'emploi. Ainsi, les entreprises qui préféreraient augmenter la durée du temps de travail, en application des dispositions prévues par la proposition de loi, ne seraient plus éligibles à ces aides. L'amendement vise, en second lieu, à promouvoir le développement des comités de suivi au sein des entreprises afin de veiller à la bonne application de la réduction du temps de travail.

La commission a rejeté l'amendement, après que le rapporteur s'y est déclaré défavorable en faisant valoir que le dispositif institué par la ministre de l'emploi et de la solidarité, Mme Martine Aubry, et auquel s'apparente cette proposition n'a pas eu les effets escomptés sur l'emploi.

Elle a également rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz ayant un objet similaire.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant la signature des conventions ou accords collectifs relatifs à la réduction du temps de travail par des organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections des comités d'entreprise.

M. Maxime Gremetz a jugé nécessaire de renforcer le champ et la portée des accords majoritaires, dont le principe a été introduit lors du débat relatif à la réduction légale du temps de travail. La validité des accords concernant la réduction du temps de travail doit en effet être subordonnée au respect du principe de l'accord majoritaire.

Le rapporteur s'est opposé à l'amendement, en soulignant le caractère dérogatoire du régime qu'il est proposé d'instituer et en rappelant que la loi du 4 mai 2004 relative au dialogue social repose sur un équilibre différent et qui semble meilleur à bien des égards.

M. Maxime Gremetz s'est étonné que le rapporteur semble ainsi contredire les propos tenus par l'ancien ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, M. François Fillon, lors de la discussion du projet de loi relatif au dialogue social notamment, en remettant en cause le principe même des accords majoritaires.

Après que le rapporteur a répondu que tel n'avait pas été le sens de ses propos, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz proposant de fixer à trente-deux heures la durée légale du temps de travail pour les salariés affectés à des travaux reconnus pénibles ainsi que pour les travailleurs postés et de nuit.

M. Maxime Gremetz a souligné l'importance de cet amendement dans la mesure où l'on ne peut pas traiter de la même façon que les autres salariés ceux dont le travail présente un caractère pénible ou dangereux, lié par exemple à une exposition à l'amiante. Dès lors, ceux-ci doivent pouvoir bénéficier d'une retraite anticipée et d'une durée de travail inférieure.

Tout en reconnaissant l'importance de cette question, le rapporteur a rappelé, d'une part, que la durée légale du temps de travail doit être conforme aux seuils définis par la réglementation communautaire qui vise à protéger la santé des salariés et, d'autre part, que l'article 12 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites prévoit que, dans un délai de trois ans, les partenaires sociaux sont invités à engager une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité.

La commission a ensuite rejeté l'amendement.

Article 1er

Rénovation et simplification du compte épargne-temps

Cet article procède à la réécriture de l'article L. 227-1 du code du travail relatif au compte épargne-temps. Après avoir décrit brièvement les conditions de l'introduction dans le code du travail de ce dispositif, il convient d'en préciser le régime actuellement en vigueur avant de présenter les principales modifications prévues par cette nouvelle rédaction.

1. La genèse du compte épargne-temps

Le compte épargne-temps a été institué par l'article 29 de la loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise, qui a introduit un nouveau chapitre VII dans le titre II, consacré aux repos et congés, du livre deuxième du code du travail, chapitre intitulé « Compte épargne-temps » et comportant un nouvel et unique article L. 227-1 entièrement dédié à ce nouveau dispositif.

L'exposé des motifs du projet de loi présentait ainsi le fondement du compte épargne-temps :

« Cette proposition part de l'idée qu'au lieu de distribuer les gains de productivité sous forme de primes (que celles-ci soient d'intéressement ou salariales), ces gains pourraient être attribués au salarié sous forme de temps libre indemnisé. A cette préoccupation d'ordre économique s'ajoute le souhait, pour certains salariés, à certaines périodes de leur vie, de disposer d'un capital temps qui leur permette de financer l'utilisation de congés de longue durée (congé sabbatique, congé parental, congé de fin de carrière) ».

Le rapport (n° 1083) établi par M. Jacques Godfrain au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales reprenait cette double inspiration, économique et sociale :

« l'objectif est d'inciter les salariés à préférer une « rémunération en temps » plutôt qu'en salaire ou en primes, à l'instar de la réforme des modalités de compensation des heures supplémentaires opérée par la loi quinquennale sur l'emploi du 20 décembre 1993, laquelle, tout en pénalisant le recours aux heures supplémentaires, favorise leur rémunération en repos compensateur de manière à favoriser l'embauche » ;

- par ailleurs, il s'agit également de répondre « au souci des salariés de pouvoir disposer, à certaines époques de leur vie, de périodes de congés (...) qui ne se traduisent pas pour autant par la disparition de tout revenu ».

Il convient de noter que ce rapport évoquait une troisième piste : à savoir un « effet-emploi », le compte épargne-temps ne pouvant être utilisé que pour financer des congés d'une durée au moins égale à six mois.

De fait, c'est ainsi que sont retranscrites les « fonctions du compte épargne-temps » dans les années qui ont suivi par les juristes analysant le dispositif (20: « les salariés disposent ainsi, de façon individuelle, d'un instrument leur permettant de maîtriser leur emploi du temps sur une longue période et de concilier vie professionnelle et vie extra-professionnelle. »

Au long des années, cette inspiration a toutefois connu certaines évolutions, qui ont conduit à plusieurs modifications du dispositif légal.

2. Le dispositif du compte épargne-temps en vigueur aujourd'hui

Ce dispositif résulte, pour l'essentiel, de trois lois : la loi du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise ; la loi Aubry II du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ; la loi Fillon du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

On décrira tour à tour les modalités de mise en œuvre, d'alimentation et d'utilisation du compte épargne-temps, ainsi que les modalités diverses de « sortie » de ce compte.

a) Les modalités de mise en œuvre du compte épargne-temps

Dès l'origine, l'article L. 227-1 donne compétence à une convention ou un accord collectif étendu (donc de branche) ou à une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement pour prévoir la création d'un compte épargne-temps au profit des salariés.

Le champ d'application du compte épargne-temps est entendu comme particulièrement extensif, puisque tous les secteurs professionnels sont couverts par l'article L. 227-1, à l'exception de la fonction publique - au sein de laquelle le régime du compte épargne-temps relève aujourd'hui de dispositions décrétales.

C'est à l'accord qui institue le compte épargne-temps de déterminer la durée minimale d'ancienneté dans l'entreprise requise pour que le salarié puisse prétendre au bénéfice de ces dispositions. Il convient de noter que la loi n'exclut pas les salariés sous contrat à durée déterminée du dispositif, sous réserve naturellement que la condition d'ancienneté soit remplie.

L'accord collectif doit comporter un certain nombre de mentions permettant la mise en œuvre, en pratique, du compte épargne-temps. Ces mentions sont limitativement énumérées par la loi.

Un point important est mis en avant dès l'origine : le caractère volontaire de l'ouverture du compte épargne-temps. C'est ce que précise expressément la circulaire d'application de la direction des relations du travail n° 94-15 en date du 30 novembre 1994 : le compte épargne-temps ne peut jamais être imposé par l'employeur.

C'est ainsi que les juristes relèvent très tôt que « dès lors qu'un accord collectif a prévu la création d'un tel compte, le salarié dispose réellement d'un pouvoir de décision quant à son ouverture, son alimentation et son utilisation ». A la fin des années 1990, certains accords rappellent expressément le caractère facultatif et individuel du dispositif pour expliquer le fait que le compte n'est pas nécessairement alimenté tous les ans dans des proportions identiques (21). Le compte épargne-temps doit être bien compris comme un instrument mis à la disposition du salarié pour gérer son temps de travail et être entendu comme tel dès les premières utilisations qui en sont faites.

b) Les modalités d'alimentation du compte épargne-temps

Dès lors que le compte épargne-temps se définit comme un compte, il est assimilé à un état retraçant à la fois des recettes et des dépenses, des entrées et des sorties. S'agissant des « entrées » sur ce compte, il est intéressant de relever que, dès le dispositif initial, on dénombre une forme de double nature des apports.

· Les modalités d'alimentation en temps

Ce mode d'alimentation correspond en effet au principe fondamental sur lequel est fondé ce qui constitue avant tout un compte d'épargne du temps : le temps (sous-entendu de repos) qui n'a pas été « consommé », dans la mesure où le salarié a préféré, à ce moment-là, travailler, est capitalisé, dans l'attente d'une utilisation à venir - qui pourra prendre la forme de temps en plus, plus précisément, comme on le verra, du temps indemnisé en plus. Il s'agit :

- Dès 1994, des congés payés. En principe, en application de l'article L. 223-1 du code du travail, tout salarié « a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur (...) ». Les congés payés sont ainsi définis comme un droit pour les salariés, mais correspondent aussi à une obligation annuelle pour l'employeur. L'article L. 227-1 permet d'y déroger en alimentant le compte épargne-temps, dans une limite toutefois établie à dix jours par an. L'article L. 122-32-25 du code du travail prévoyait déjà le report des congés payés annuels à hauteur de six jours, dans la limite de six années, en vue d'un départ en congé pour la création d'entreprise ou en congé sabbatique. L'article L. 227-1 autorise le cumul de ce report avec le report de dix jours qu'il institue.

- Du repos compensateur de remplacement visé à l'article L. 212-5 (qui peut, sous certaines conditions, se substituer à la majoration salariale pour le paiement des heures supplémentaires), qui peut aussi être affecté au compte épargne-temps. En revanche, le repos compensateur obligatoire ne peut être reporté au-delà d'une année, ni être affecté au compte épargne-temps.

- Depuis la loi Aubry II du 19 janvier 2000, d'« une partie des jours de repos issus d'une réduction collective de la durée du travail utilisable à l'initiative du salarié », comme le précise désormais le sixième alinéa de l'article L. 227-1. Les cadres dits autonomes, s'agissant en tout cas de ceux dont la durée annuelle du travail est décomptée en jours dans le cadre du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail, sont également concernés, conformément à la circulaire ministérielle n° 2000-3 du 3 mars 2000 prise en application de la loi Aubry II. On rappellera que l'article 4 de la loi Aubry I du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail prévoyait déjà, dans le cadre d'une possibilité nouvelle d'organisation de la réduction du temps de travail sous forme d'attribution de jours de repos par accord collectif, la possibilité « qu'une partie de ces repos alimente un compte épargne-temps (...) ».

- Le cas échéant, de temps de travail. La loi du 19 janvier 2000 a inséré dans l'article L. 227-1 un huitième alinéa prévoyant que les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail peuvent être affectées sur le compte épargne-temps, dans une limite de cinq jours par an, et sans pouvoir excéder au total quinze jours. Cette possibilité n'est ouverte qu'à la condition que les « caractéristiques des variations de l'activité » la justifient, et qu'un accord collectif l'ait prévue.

· Les modalités d'alimentation en argent

Par ailleurs, le compte épargne-temps peut, dès 1994, aussi être alimenté par de l'argent :

- Toute prime conventionnelle. Il s'agit, par exemple, de la prime du treizième mois. La loi du 19 janvier 2000 a ajouté la référence à toute indemnité conventionnelle, ce qui permet de couvrir notamment les indemnités destinées à compenser des frais professionnels, telles les indemnités dites de petit déplacement dans le bâtiment et les travaux publics.

- Une fraction de l'augmentation individuelle de salaire prévue par un accord de salaire, dans les conditions fixées par l'accord collectif.

- Les sommes issues de l'épargne salariale.

- Tout abondement par l'entreprise, à la discrétion de l'employeur, ainsi que le prévoit la circulaire de la direction des relations du travail en date du 30 novembre 1994.

c) Les modalités d'utilisation du compte épargne-temps : avant tout, un mode d'indemnisation des congés

En 1994, le compte épargne-temps est conçu pour indemniser en tout ou partie, sur la base du salaire perçu au moment de la prise du congé, des congés sans solde, qui sont non limitativement énumérés au neuvième alinéa de l'article L. 227-1 du code du travail comme étant : le congé parental, prévu par l'article L. 122-28-1 du code du travail ; le congé pour création d'entreprise, prévu par l'article L. 122-32-12 du même code ; le congé sabbatique, prévu par l'article L. 122-32-17 du même code.

Dans ces cas, le congé doit avoir une durée minimale de deux mois, mais cette durée peut être modifiée par convention ou accord collectif, aussi bien dans le sens de la réduction que dans le sens de l'allongement.

L'article 16 de la loi Aubry II a ajouté trois autres types d'utilisation du compte épargne-temps :

- en application du neuvième alinéa de l'article L. 227-1 : l'indemnisation de tout ou partie des heures non travaillées lorsque le salarié a choisi de passer à temps partiel, que ce soit dans le cadre d'un congé parental (prévu par l'article L. 122-28-1 du code du travail), d'un congé de présence parentale (prévu par l'article L. 122-28-9 du même code) ou d'un temps partiel choisi (prévu par l'article L. 212-4-9 du même code) ;

- en application du dixième alinéa de l'article L. 227-1 : la rémunération de temps de formation effectués hors du temps de travail, notamment dans le cadre des actions de formation prévue aux articles L. 932-1 et L. 932-2, ainsi que la cessation progressive ou totale d'activité des salariés âgés de plus de cinquante ans, sans que la limite de cinq ans ou de dix ans leur soit opposable.

d) L'encadrement dans des délais de l'utilisation du compte épargne-temps par la loi Aubry II du 19 janvier 2000

La loi du 19 janvier 2000 a encadré le compte épargne-temps dans des règles nouvelles qui, tout en s'inscrivant dans un cadre juridique globalement inchangé, en altèrent néanmoins la portée. Il s'agit principalement des règles relatives aux délais entourant l'usage du compte épargne-temps.

Ces règles nouvelles sont motivées par le souci d'effectivité de la réduction du temps de travail. Comme le précise le rapport préparatoire à la discussion, « l'accumulation sans limitation de durée des jours de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail pourrait amoindrir l'efficacité de celle-ci et freiner la création d'emplois »(22).

C'est ainsi que l'article 16 de la loi du 19 janvier 2000 introduit notamment des modifications de deux types.

- D'une part, le compte épargne-temps doit être utilisé dans les cinq ans suivant l'accumulation des droits minimaux

Le deuxième alinéa de l'article L. 227-1 est complété par une phrase selon laquelle « le congé doit être pris avant l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle le salarié a accumulé un nombre de jours de congé égal à la durée minimale définie au neuvième alinéa du présent article ».

Cette durée est portée à dix ans lorsque le salarié a un enfant âgé de moins de seize ans à l'expiration de ce délai ou lorsque l'un des parents du salarié est dépendant ou âgé de plus de soixante-quinze ans. De plus, le délai ne s'applique pas lorsque le compte épargne-temps est utilisé par les salariés âgés de plus de cinquante ans désirant cesser leur activité de manière progressive ou totale.

- D'autre part, l'article 16 de la loi du 19 janvier 2000 prévoit que la totalité des jours affectés au compte épargne-temps ne peut excéder vingt-deux jours par an.

Cette règle, nouvelle également, figure désormais au septième alinéa de l'article L. 227-1. Elle est, là encore, motivée par le souci de renforcer l'effectivité de la réduction du temps de travail.

La loi Aubry II diminue par ailleurs le capital temps minimal requis pour utiliser le compte épargne-temps de six à deux mois, de manière à rendre « plus simple » l'utilisation du compte épargne-temps « parallèlement à cet encadrement plus strict de la gestion pluriannuelle » du temps de travail (23). Cette diminution est un peu paradoxale au regard de la logique poursuivie par les défenseurs de la loi, dans la mesure où le seuil de six mois avait été établi précisément pour favoriser « l'effet emploi » du compte épargne-temps.

e) La loi du 17 janvier 2003 et l'amorce de la monétisation du compte épargne-temps

L'article 2 de la loi Fillon du 17 janvier 2003 a assigné au compte épargne-temps une nouvelle fonction en précisant, dans le deuxième alinéa de l'article L. 227-1 du code du travail, que celui-ci a pour objet non plus seulement de permettre au salarié qui le désire d'accumuler des droits à congé rémunéré mais également « de se constituer une épargne ».

Le onzième alinéa de l'article L. 227-1 précise en conséquence que l'accord collectif prévoit « les modalités de valorisation en temps ou en argent des éléments affectés au compte », puisque « les droits à congés payés affectés au compte épargne-temps peuvent être valorisés en argent dans la limite de cinq jours par an ». C'est donc, dans cette limite, aux partenaires sociaux qu'il revient de déterminer les conditions d'utilisation du compte épargne-temps.

Ce principe posé, certaines interrogations subsistaient néanmoins, ayant trait notamment aux modalités de revalorisation des sommes épargnées.

f) Les autres modalités de « sortie » du compte épargne-temps

Pendant un congé, le contrat n'est pas rompu mais suspendu. Le quatorzième alinéa de l'article L. 227-1 prévoit classiquement que « le salarié retrouve, à l'issue de son congé, son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ».

S'agissant des modalités de sortie du compte épargne-temps autres que la prise de congé indemnisée, deux cas de figure peuvent être envisagés.

D'une part, la renonciation au congé indemnisé peut être volontaire. Le onzième alinéa de l'article L. 227-1 précise que l'accord collectif prévoit, notamment, « les conditions de liquidation du compte si le salarié renonce à son congé ». C'est donc l'accord qui pourra déterminer, par exemple, les circonstances exceptionnelles pouvant donner lieu à une liquidation anticipée du compte épargne-temps ou le versement d'une indemnité correspondant aux droits acquis au moment de la renonciation. Mais s'agissant des jours portés sur le compte épargne-temps résultant du report de la cinquième semaine de congés payés en vue de la prise d'un congé sabbatique ou d'un congé pour création d'entreprise, la prise de ces jours sous forme de congés est obligatoire.

D'autre part, le douzième alinéa de l'article L. 227-1 pose qu'en cas de rupture du contrat de travail, le salarié perçoit, comme il en va en cas de congés payés non pris, une indemnité compensatrice d'un montant correspondant aux droits acquis dans le cadre du compte épargne-temps à la date de la rupture. La circulaire n° 94-15 du 30 novembre 1994 précise que l'indemnité compensatrice est calculée à partir de la rémunération perçue au moment de la liquidation du compte. Cette indemnité présente le caractère d'un salaire et est soumise aux cotisations sociales dans les conditions de droit commun (il en est naturellement de même dans le cas général d'utilisation du compte épargne-temps pour l'indemnisation d'un congé).

3. Les modifications proposées par la proposition de loi : la rénovation et la simplification du compte épargne-temps

Au terme de ce bref parcours au fil des lois permettant de décrire le dispositif du compte épargne-temps tel qu'il existe aujourd'hui, force est de constater qu'au fil des années, le compte épargne-temps n'a pas tenu toutes ses promesses. Le compte épargne-temps est apparu, pour bien des entreprises, un outil encombrant, lourd à mettre en place et malcommode d'utilisation.

Les différentes réformes n'ont pas permis de remettre en cause cette tendance, bien au contraire : leur multiplication démontre les insatisfactions suscitées par le dispositif mais a surtout conduit à le complexifier. La loi Aubry II a établi des limites qui, à l'usage, se sont révélées autant de facteurs de rigidités. La loi Fillon du 17 janvier 2003 a entrepris de dépasser ces limites, en ouvrant notamment la voie de la monétisation. Cet effort nécessaire et louable doit toutefois, à l'évidence, encore être enrichi, ainsi qu'en témoigne l'évolution récente du nombre d'accords de branche conclus évoquant cette question, dont la tendance est à la baisse(24).

En 1998, 32 accords de branche ont été conclus dans le cadre de la loi Aubry I du 13 juin 1998 : sur ce total, la plupart aménagent ou visent la création d'un compte épargne-temps, soit en se bornant à en prévoir le principe et en en renvoyant l'organisation à un accord d'entreprise, soit en définissant de façon plus précise certaines modalités - seuls quatre accords mettant en place un compte épargne-temps directement applicable dans les entreprises de la branche. En 1999, sur 98 accords de branche relatifs à la réduction du temps de travail, un tiers prévoit le dispositif du compte épargne-temps, plus de la moitié de ces accords ouvrant la possibilité aux entreprises d'un accès direct. En 2000, 34 branches, soit près de 40 % des branches ayant négocié sur le temps de travail, prévoient un dispositif de compte épargne-temps - quatorze accords étant d'accès direct. En 2001, 22 accords de branche sur 99, soit 22 % du total, abordent cette question, la moitié environ ouvrant un accès direct. En 2002, 12 textes sur 82, soit 15 %, prévoient l'existence d'un compte épargne-temps - la moitié avec accès direct.

En 2003, sur les 78 accords de branche portant sur le temps de travail, six textes traitaient du compte épargne-temps, apportant de manière ponctuelle des précisions ou des compléments à des accords antérieurs. Toutefois, l'accord métallurgie évoquait plus largement ce thème en prévoyant la gestion en argent du compte épargne-temps, avec un taux de revalorisation annuel de 3 %. L'accord passé dans la branche des sucreries stipulait la possibilité d'alimenter le compte épargne-temps par des congés d'ancienneté, tandis que dans la branche des industries laitières, un texte prévoyait un mécanisme incitatif dans le cadre d'une utilisation du compte épargne-temps pour une préretraite.

C'est la raison pour laquelle il s'avérait nécessaire de rénover et simplifier le régime du compte épargne-temps, pour reprendre les termes de l'exposé des motifs de la présente proposition de loi, « dans le sens d'une plus grande souplesse, tant pour les salariés que pour les employeurs ».

Il ne s'agit plus, comme en 1994, tant d'anticiper sur les souhaits des salariés en leur proposant des mesures d'application très encadrées, moins encore de préjuger d'éventuelles évolutions macroéconomiques : il convient plus simplement de libérer les initiatives en apportant simplification, souplesse et diversité à l'objet, aux modes d'alimentation et aux modes d'utilisation du compte épargne-temps. En limitant les prescriptions qu'il impose, le législateur manifestera également sa confiance dans le dialogue social, la mise en place effective du compte épargne-temps continuant à impliquer un accord collectif.

a) La simplification de la description de l'objet du compte épargne-temps

La présente proposition va avant tout dans le sens d'une simplification de l'article L. 227-1.

Comme dans le dispositif original, la création du compte épargne-temps est subordonnée à la conclusion d'un accord collectif de travail. Le texte de la proposition de loi dans sa version initiale renvoie à une « convention collective de branche étendue ou un accord d'entreprise », soit une rédaction légèrement différente de celle en vigueur. L'idée principale reste en tout état de cause la même : permettre de viser tant l'initiative de la branche que celle de l'entreprise.

A cet égard, le rapporteur estime que l'essentiel est en effet de se référer de manière aussi exhaustive que possible aux différents accords. L'esprit de la réforme proposée est bien de favoriser la négociation collective dans son ensemble en s'inscrivant dans le cadre rénové de la loi Fillon du 4 mai 2004. C'est la raison pour laquelle il préfère une définition de caractère plus large, dont le but est de couvrir l'ensemble des initiatives, y compris les conventions et accords de groupe et d'établissement.

Dans un souci d'unification du texte, la même rédaction est proposée dans le cadre de la discussion des articles 2 et 3.

Concernant l'objet du compte épargne-temps, c'est une définition beaucoup plus générale et simple que la précédente qui figure désormais au deuxième alinéa de l'article L. 227-1 : « Le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré et de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ».

En particulier, la référence, dont la portée législative était faible, puisque précédée de l'adverbe « notamment », à la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale, est supprimée. Elle recouvrait le rachat de périodes d'études et autre années, possibilité qui naturellement reste ouverte dans le cadre du présent dispositif, en particulier par l'intermédiaire de l'utilisation immédiate par le salarié des fonds stockés sur le compte épargne-temps : mais il n'y a pas lieu de privilégier telle utilisation du compte épargne-temps plutôt qu'une autre.

Plus simple, la nouvelle formulation de l'objet du dispositif est aussi en cohérence avec la triple vocation du dispositif - on le verra plus en détail par l'analyse des modalités d'utilisation du compte épargne-temps :

- la possibilité de prendre des congés avec indemnisation, alors qu'en principe ceux-ci ne sont pas rémunérés ;

- le bénéfice d'une rémunération différée, autrement dit ce qui était présenté dans la rédaction initiale comme la possibilité de constitution d'une épargne ;

- le bénéfice d'une rémunération immédiate, possibilité nouvelle ouverte par le présent article, qui recouvre donc de facto une possibilité de rachat par l'employeur de jours de repos non pris par le salarié.

Il faut noter, d'emblée, l'un des apports essentiels du nouveau dispositif. Dans un souci de souplesse, la limite qui, dans la version initiale du deuxième alinéa de l'article L. 227-1, encadrait l'utilisation du compte épargne-temps dans une durée de cinq ans, ainsi que les dispositions dérogatoires qui y étaient afférentes, sont supprimées : le principe d'une utilisation libre de ce dispositif est ainsi pleinement consacré.

b) Des modalités d'alimentation plus souples du compte épargne-temps

Ce n'est pas tant la liste des différents modes d'alimentation du compte épargne-temps qui est modifiée - elle reste à vrai dire inchangée pour l'essentiel -que les modalités de mise en œuvre de chacun de ces modes d'utilisation, dans le sens de la souplesse.

Aux termes du nouveau régime, on retrouve donc les possibilités d'alimentation suivantes.

· Les modalités d'alimentation en temps

- Le report de tout ou partie du congé annuel prévu à l'article L. 223-1, étant donné qu'il est désormais expressément précisé qu'il s'agit des jours au-delà de la durée minimale de vingt-quatre jours ouvrables, ce qui correspond au minimum de congés payés imposé par le droit communautaire.

En effet, aux termes de l'article 7 de la directive communautaire 93/104/CE du 23 novembre 1993, « tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines », soit quatre fois six jours ouvrables par semaine, donc vingt-quatre jours ouvrables. Cette limitation était d'ores et déjà applicable, et le nouveau texte ne vient que mettre la rédaction de l'article L. 227-1 en conformité avec le droit positif.

En contrepartie, la limite de dix jours annuels par an disparaît, conformément à la volonté générale de ne pas encadrer trop fortement l'alimentation du compte épargne-temps. Ainsi, un salarié disposant de plus de trente-quatre jours ouvrables de congés payés annuels voit sa situation améliorée par rapport à celle qui prévalait dans le régime précédent, dans la mesure où le nombre de jours qu'il peut affecter au compte épargne-temps peut excéder le nombre de dix.

Dès lors, la question du cumul du report des congés payés avec le report du congé visé à l'article L. 122-32-25 (dans le cadre d'un congé pour création d'entreprise ou d'un congé sabbatique) n'a plus lieu d'être : il est évidemment possible (sous réserve, sans doute - la loi ne le précise pas mais c'est une obligation communautaire - du respect du plancher de vingt-quatre jours effectivement pris).

- Les heures de repos acquises au titre du repos compensateur prévu au premier alinéa du II de l'article L. 212-5 et à l'article L. 212-5-1 du code du travail.

Cette rédaction permet désormais au salarié non seulement d'affecter au compte épargne-temps les heures de repos compensateur de remplacement tel qu'il est visé à l'article L. 212-5 du code du travail, mais également les heures de repos compensateur obligatoire tel qu'il résulte des dispositions de l'article L. 212-5-1.

Il y a environ cinq ans, le projet de loi Aubry II, dans sa version initiale, prévoyait déjà cette possibilité, mais cette mention avait été supprimée par voie d'amendement à l'initiative du rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, lors de la discussion en séance publique.

Le rapporteur ne partage pas cette vision des choses. Il convient en effet de laisser entière la liberté au salarié qui le souhaite de renoncer à son temps de repos compensateur obligatoire s'il estime n'en avoir pas besoin. La protection de la santé du salarié est assurée quant à elle par les limites maximales du temps de travail, ainsi que par les durées minimales obligatoires de repos, aux plans tant quotidien qu'hebdomadaire.

Sur cette question, la pratique a d'ailleurs devancé le droit. En 2001 par exemple, plusieurs accords de branche relatifs au compte épargne-temps ont intégré aux éléments susceptibles d'être versés au compte le repos compensateur obligatoire, contre la lettre de l'article L. 227-1. C'est de même le cas d'un accord de branche en 2002.

- Les jours de repos et de congés accordés au titre de l'article L. 212-9 et du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail.

Au regard de la rédaction initiale, les jours de repos et de congés sont désormais visés directement, sans la réserve de la référence à une « partie » de ces jours.

Par ailleurs, la nouvelle rédaction est plus précise que la précédente, puisqu'au lieu de faire référence aux jours « issus d'une réduction collective de la durée du travail », le texte se réfère directement d'une part aux jours résultant de la mise en œuvre d'un régime de réduction du temps de travail sous forme d'attribution de journées ou demi-journées de repos tels qu'ils figurent à l'article L. 212-9 du code du travail, d'autre part à ceux accordés aux cadres soumis au régime de la convention individuelle de forfait en jours sur une base annuelle en application du III de l'article L. 212-15-3 du même code.

On peut néanmoins s'interroger sur un point : ne serait-il pas opportun d'étendre cette possibilité à l'ensemble des catégories de salariés susceptibles de bénéficier de réduction du temps de travail sous la forme de jours ? Le rapporteur estime, après avoir entendu les différents partenaires sociaux, qu'il n'y a pas d'obstacle, dans un souci d'égalité de traitement, à prendre en considération également les cadres visés aux I et II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, à savoir ceux qui sont soumis aux conventions de forfait en heure, que cela soit sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, et qui bénéficient de fait d'une réduction du temps de travail sous la forme d'attribution de journées de repos.

S'agissant de chacun de ces trois modes d'alimentation, l'initiative est expressément réservée au salarié. C'est la volonté sous-tendant la présente proposition de loi que de laisser intactes les prérogatives du salarié en la matière. On retrouve de ce point de vue l'inspiration du dispositif originel de 1994.

Seule une modalité d'alimentation en temps, désormais réservée à l'initiative de l'employeur, échappe au salarié : il s'agit du régime spécifique préexistant d'affectation au compte épargne-temps des « heures effectuées au-delà de la durée collective du travail ». Ce mécanisme est par ailleurs assoupli. Si en effet subsiste la condition relative à la justification de la mise en œuvre de ce dispositif par les « caractéristiques des variations de l'activité », en revanche, les deux limites préexistantes (cinq jours au plus par année, quinze jours au total) disparaissent - nouveau facteur de souplesse. Il importe toutefois d'observer qu'en l'absence de dérogations prévues par le dispositif, le régime légal des heures supplémentaires continue à s'appliquer, le cas échéant, à ces heures.

· Les modalités d'alimentation en argent

On retrouve là encore les modalités d'alimentation préexistantes, sous une forme simplifiée et élargie.

Le projet vise de manière générale la possibilité d'abondement à la double initiative du salarié et de l'employeur, en faisant une place particulière aux augmentations ou aux compléments du salaire de base, ou encore aux versements effectués dans les conditions prévues par l'article L. 444-6 du code du travail, c'est-à-dire le versement de primes attribuées en application d'un accord d'intéressement ainsi que, à l'issue de leur période d'indisponibilité, de tout ou partie des sommes issues de la répartition de la réserve de participation prévue à l'article L. 442-4, les sommes que le salarié a versées dans un plan d'épargne d'entreprise et celles versées par l'entreprise en application de l'article L. 443-7.

Cette formulation permet donc d'englober à la fois les possibilités préexistantes d'abondement par l'employeur, l'affectation des primes et indemnités conventionnelles et ce qui était dans la rédaction précédente désigné par la « fraction de l'augmentation individuelle de salaire » ainsi que le versement de sommes dans le cadre de l'article L. 444-6 du code du travail. S'agissant de cette dernière référence, le renvoi qui était opéré dans la rédaction préalable à l'article L. 441-8 n'a plus lieu d'être. En effet, celui-ci a été abrogé par la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l'épargne salariale et ses dispositions figurent désormais à l'article L. 444-6 du code du travail.

Mais le texte nouveau va dans le même temps au-delà du droit existant, dans la mesure où il vise de façon générale toute possibilité d'abondement par le salarié, ce qui n'était pas le cas de la rédaction précédente, en sanctuarisant toutefois le « salaire de base », qui doit donc être versé immédiatement en intégralité au salarié.

Elément fondamental - au-delà de la suppression de l'obligation de « consommation » du compte sur une durée de cinq ans déjà évoquée - le nouvel article L. 227-1 ne mentionne plus la limite de vingt-deux jours pouvant être affectés chaque année à un compte épargne-temps - limite qui représentait une contrainte forte et serait aujourd'hui contraire à l'esprit général des modifications souhaitées.

c) Une utilisation diversifiée du compte épargne-temps

Pour ce qui concerne l'utilisation du compte épargne-temps, le présent texte permet un développement incontestable des possibilités d'utilisation offertes au salarié.

· La reconduction des possibilités d'utilisation existantes

- La possibilité d'indemnisation d'un congé subsiste, ainsi que la référence aux congés parental, pour création ou reprise d'entreprise et sabbatique.

Cette référence n'est pas limitative, conformément au texte et à la pratique antérieurs. Par exemple, pour l'année 2001, dans la très grande majorité des accords de branche, les cas d'utilisation des comptes épargne-temps n'avaient pas fait l'objet d'un énoncé limitatif, le salarié pouvant prendre un congé pour tout motif de son choix.

Facteur de souplesse là encore, la condition relative à la durée minimale du congé (de deux mois, modifiable par voie conventionnelle) a été supprimée.

Par ailleurs, la mention selon laquelle l'indemnisation pendant le congé doit être effectuée sur la base du salaire perçu au moment de la prise du congé a disparu, dans un souci de simplification. Il va sans dire qu'elle sera utilement reprise dans le texte de la convention collective.

- L'indemnisation de tout ou partie des heures non travaillées résultant d'un passage à temps partiel est mentionnée dans la nouvelle version de l'article L. 227-1, d'une manière simplifiée, par la simple référence à « un passage à temps partiel ».

- De même, la possibilité de l'indemnisation d'une « période de formation en dehors du temps de travail » remplace de façon plus générale la référence non exhaustive aux articles L. 932-1 et L. 932-2 du code du travail, ce dernier ayant d'ailleurs été abrogé par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

- La « cessation progressive ou totale d'activité » figure elle aussi dans le nouveau texte de l'article L. 227-1 du code du travail.

L'innovation majeure de la proposition est ailleurs. Elle résulte de la possibilité de rémunération immédiate ou différée ouverte par la présente proposition.

· Le développement de nouvelles possibilités d'utilisation

- La possibilité de compléter sa rémunération constitue pour le salarié un apport essentiel.

Sans doute, cette possibilité est-elle cantonnée à la limite des droits acquis dans l'année. Mais on peut s'interroger sur l'opportunité de la suppression de cette référence à l'année qui, en pratique, va limiter la possibilité nouvelle pour le salarié d'obtenir le versement immédiat sous forme monétaire de ses droits acquis.

L'argument selon lequel cette limite constituerait pour les entreprises une garantie leur permettant de n'avoir pas à provisionner des sommes trop importantes est discutable : d'une part, les autres possibilités d'utilisation du compte ne sont pas soumises à la même règle, et le problème peut donc se poser par un autre canal, par exemple la volonté du salarié d'alimenter son compte épargne d'entreprise ; d'autre part, d'autres garanties prévues par cet article existent, en particulier la nécessité pour l'accord de prévoir les conditions de transfert et de liquidation des droits acquis dès lors que les sommes excèderont un montant défini par décret.

Une « voie moyenne » consisterait à laisser ouverte la possibilité pour la convention ou l'accord collectif d'y déroger, le cas échéant.

- Par ailleurs, la présente proposition de loi développe de manière significative la référence à la possibilité de constitution d'une épargne par le compte épargne-temps.

Désormais, l'article L. 227-1 vise expressément la possibilité pour le salarié d'abonder l'un des trois types de plans d'épargne expressément visés : le plan d'épargne d'entreprise (article L. 443-1 du code du travail), le plan d'épargne interentreprises (article L. 443-1-1 du même code) ou le plan d'épargne pour la retraite collectif (article L. 443-1-2 du même code, tel qu'issu de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites).

En outre, mention est faite de la possibilité d'ouvrir ainsi un financement des prestations de retraite, dont il est précisé qu'il devrait revêtir un caractère collectif, obligatoire, et enfin prendre place dans le cadre d'une des procédures visées à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale : cette dernière disposition vise à permettre le financement par le compte épargne-temps des régimes de retraite supplémentaire d'entreprise.

Naturellement, le rapporteur considère que le compte épargne-temps doit être favorisé par un régime social et fiscal attractif, la discussion qui s'ouvre devant venir enrichir de ce point de vue le présent dispositif : d'une part, en en garantissant un bon fonctionnement, d'autre part en en renforçant l'attractivité, notamment au regard des possibilités nouvelles parallèlement ouvertes aux articles 2 et 3 de la présente proposition. Le compte épargne-temps doit bénéficier d'un traitement social et fiscal équitable vis-à-vis de ceux réservés aux autres dispositifs d'épargne collective mis en place dans l'entreprise.

Il convient de garder à l'esprit que l'ensemble de ces modalités d'utilisation sont aux mains du salarié. C'est à lui que revient le choix de privilégier tel ou tel mode d'utilisation de son compte épargne-temps, conformément, une fois encore, à l'inspiration initiale du dispositif.

Sont seules laissées à l'appréciation de l'accord collectif « les conditions d'utilisation des droits qui ont été affectés sur le compte épargne-temps à l'initiative de l'employeur », à savoir les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail. Il s'agit là, en effet, de l'utilisation du compte épargne-temps comme outil collectif, et non individuel, de gestion du temps. La garantie des droits des salariés doit donc être assumée collectivement, par l'accord négocié par leurs représentants.

d) Autres modalités de mise en œuvre du compte épargne-temps

S'agissant de cette dernière question aussi, la nouvelle rédaction de l'article L. 227-1 se place sous le signe de la simplification.

D'une part, la durée minimale d'ancienneté requise dans l'entreprise pour pouvoir bénéficier de l'ouverture d'un compte épargne-temps disparaît. Contrainte inutile, cette condition avait en outre pour effet de diminuer les droits des salariés récemment recrutés.

D'autre part, les modalités de gestion du compte épargne-temps sont renvoyées de manière globale à l'accord collectif de travail.

Pour le reste, sont mentionnées, de manière non exhaustive, les conditions dans lesquelles les droits acquis sont transférés ou liquidés dans deux cas :

- lorsque le montant de ces droits dépasse un montant défini par décret : cette disposition correspond, comme on l'a vu, à une nécessité de gestion et de protection des droits des salariés. En effet, avec le compte épargne-temps, les entreprises sont soumises à des contraintes importantes de provisionnement, dans la mesure où elles doivent pouvoir répondre à tout moment à la demande de liquidation de son compte par le salarié. Il est sans doute nécessaire d'imposer une externalisation de ce risque au-delà de certains montants.

- ou en cas de modification, de rupture du contrat de travail ou de fermeture du compte par le salarié.

Cette formulation, plus brève que dans le texte d'origine, présente l'avantage de la simplicité, mais pourrait en même temps il est vrai paraître lacunaire : la question se pose notamment d'un éventuel transfert de droits lors d'un changement d'employeur.

Par ailleurs, la mention selon laquelle « les droits acquis dans le cadre du compte épargne-temps sont garantis dans les conditions de l'article L. 143-11-1 » subsiste à l'identique. L'article L. 143-11-1 du code du travail prévoit en effet que tout employeur doit assurer ses salariés contre le risque de non-paiement en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire des sommes qui leur sont dues. Les droits acquis dans le cadre du compte épargne-temps sont garantis par l'Association pour la garantie des salaires (AGS), association créée par les organisations nationales professionnelles d'employeurs les plus représentatives et agréée par le ministre chargé du travail. La garantie en question étant limitée à un plafond fixé par décret, l'une des questions qui se pose, compte tenu du nouveau régime plus souple d'accumulation des droits sur le compte épargne-temps, sera celle de la garantie des droits supérieurs à ce plafond.

Enfin, concernant les salariés agricoles, le dernier alinéa de la nouvelle version de l'article L. 227-1 du code du travail vise désormais les salariés définis aux deuxième à quatrième, septième et huitième alinéas de l'article L. 722-20 du code rural et non plus ceux définis à l'article 1144 (1° à 7°, 9° et 10°) du code rural : c'est en effet cette nouvelle référence qui prévaut, l'article 6 de l'ordonnance n° 2000-550 du 15 juin 2000 ayant procédé à l'abrogation de l'article 1144 du code rural ancien.

*

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz de suppression de l'article.

M. Maxime Gremetz a jugé nécessaire de supprimer les modifications apportées par la proposition de loi au compte épargne-temps dans la mesure où celles-ci ont pour objectif de contourner la mise en œuvre de la réduction du temps de travail, en introduisant, de façon assez imprécise, le principe et les conditions de la monétisation du compte épargne-temps. Qu'il soit ainsi permis, pour la première fois, de revendre son temps de travail est par ailleurs caractéristique d'un système capitaliste dans lequel toute activité humaine semble décidément pouvoir se monnayer.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, au motif que l'amendement s'inscrit dans une réflexion très différente de celle des auteurs de la proposition de loi puisque les modifications apportées au compte épargne-temps ont pour objectif de permettre d'accroître la souplesse au service des salariés et de faciliter l'adaptation des entreprises à leur environnement économique, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté un amendement de précision du rapporteur visant à prendre en considération l'intégralité des conventions et accords résultant de la négociation collective.

La commission a examiné un amendement de M. Hervé Morin visant à préciser que le compte épargne-temps permet aux salariés « en fin d'année » d'accumuler des droits à congés rémunérés ou à rémunération.

M. Hervé Morin a expliqué que cet amendement vise en réalité à obtenir des précisions sur les modalités de provisionnement par les entreprises de la rémunération liée au compte épargne-temps, puisque celle-ci peut être immédiate ou différée selon le choix du salarié. Quelles seront par ailleurs les dispositions fiscales applicables à ces provisionnements ?

Le rapporteur a rappelé que la proposition de loi apporte deux éléments de réponse à ce sujet. Le septième alinéa de l'article 1er prévoit tout d'abord que la convention ou l'accord collectif définit les conditions dans lesquelles les droits affectés au compte épargne-temps peuvent être utilisés à l'initiative du salarié pour compléter la rémunération de celui-ci « dans la limite des droits acquis dans l'année ». En outre, l'antépénultième alinéa de cet article prévoit que les modalités de gestion du compte seront définies par l'accord collectif de travail, qui précisera notamment les conditions dans lesquelles les droits acquis sont transférés ou liquidés lorsque le montant de ceux-ci dépasse un montant défini par décret ou en cas de modification, de rupture du contrat de travail ou de fermeture du compte par le salarié. Un amendement sera enfin présenté ultérieurement afin de garantir la sécurisation financière de ce dispositif.

M. Hervé Morin a souhaité savoir concrètement quelles seront les modalités de provisionnement comptable d'une rémunération liée, par exemple, à l'affectation en 2005 par un salarié sur le compte épargne-temps de droits à congé d'une durée de quinze jours, et dont on ignore par définition dans quel délai ceux-ci seront utilisés.

Le rapporteur a tout d'abord rappelé que la proposition de loi vise précisément à assouplir les modalités de gestion du compte épargne-temps et que s'agissant du problème de la liquidation des droits acquis dans l'année, l'entreprise aura l'obligation de s'appuyer sur un organisme extérieur dès lors que le cautionnement sera supérieur à un seuil fixé par décret et sans doute de l'ordre de 60 000 euros par salarié - organisme venant en quelque sorte relayer la garantie déjà existante dans le cadre de l'association pour la garantie des salaires (AGS).

M. Hervé Morin a ensuite retiré l'amendement.

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à permettre aux salariés cadres relevant d'une convention individuelle de forfait exprimée en heures de bénéficier de la possibilité d'affecter au compte épargne-temps les heures effectuées au-delà du forfait, le rapporteur ayant souligné que cette proposition répond à un souci d'égalité entre les salariés.

M. Hervé Morin a retiré un amendement rédactionnel.

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à préciser que la référence à l'année concernant la limite pour la monétisation immédiate des droits acquis n'est obligatoire qu'en l'absence de disposition contraire prévue par la convention ou l'accord collectif.

Le rapporteur a expliqué qu'il s'agit ainsi de ne pas limiter la possibilité nouvelle pour le salarié d'obtenir le versement immédiat sous forme monétaire de ses droits acquis et de préserver la possibilité ouverte aux entreprises qui le souhaitent de garantir à leurs salariés - dans les limites posées par la convention ou l'accord collectif - la liquidation des droits accumulés sur un compte épargne-temps au-delà de cette limite annuelle.

M. Maxime Gremetz a estimé que si la loi dite Aubry II pouvait être considérée comme une « usine à gaz », cette proposition de loi semble être une véritable « usine atomique » !

La commission a ensuite adopté l'amendement.

Elle a également adopté trois amendements du rapporteur, les deux premiers rédactionnels et le dernier visant à prévoir expressément la possibilité pour un salarié d'utiliser les droits acquis sur le compte épargne-temps dans le cadre du congé de solidarité internationale, le rapporteur ayant souligné que cette précision, par-delà son intérêt lié à l'actualité, est de nature à accroître la souplesse de la gestion du temps de travail et met ainsi en exergue l'un des cas d'application du compte épargne-temps.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur tendant à ce que la convention ou l'accord collectif prévoit l'utilisation de tout ou partie des droits affectés sur le compte épargne-temps pour effectuer des versements des plans d'épargne pour la retraite collectifs et que ceux de ces droits qui correspondent à un abondement en temps ou en argent de l'employeur bénéficient du régime prévu aux articles L. 443-7 et L. 443-8 du code du travail.

Le rapporteur a expliqué que l'objectif poursuivi par cet amendement est d'inciter les employeurs à compléter les apports des salariés au compte épargne-temps tout en favorisant l'épargne-retraite. Il est ainsi proposé d'établir un régime attractif d'exonération de cotisations sociales et d'impôts à la condition notamment que ces abondements soient affectés à un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO), cette traçabilité étant conforme à la volonté du gouvernement de privilégier l'épargne longue et de conforter les régimes de retraite en développant les mécanismes complémentaires.

Puis la commission a adopté l'amendement ainsi qu'un amendement de coordination du rapporteur.

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à sécuriser les créances acquises par les salariés dans le cadre du compte épargne-temps. L'amendement mentionne explicitement le principe de la liquidation monétaire intégrale du compte du salarié qui quitte l'entreprise, excepté si des conditions de transfert des droits ont pu être définies. Il plafonne le montant des droits acquis individuellement, sauf dans le cas où un mécanisme spécifique d'assurance a été prévu et mis en place par l'entreprise.

M. Maxime Gremetz a souligné que la proposition de loi introduit un mécanisme illisible.

La commission a ensuite adopté un amendement de coordination du rapporteur relatif au régime fiscal et social des abondements de l'employeur affectés à un PERCO.

La commission a ensuite adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2

Institution d'un régime de temps choisi

Cet article prévoit la création de deux dispositifs de temps choisi adaptés aux modalités différentes de décompte du temps de travail. D'une part, un régime d'« heures choisies », prévu dans un nouvel article L. 212-6-1 inséré dans le code du travail : c'est l'objet du I de cet article. D'autre part, une possibilité de renonciation par les cadres à une partie de leurs jours de repos en contrepartie d'une majoration salariale : c'est l'objet des II et III de cet article.

1. Le nouveau régime des « heures choisies »

Le I de cet article prévoit la création d'un nouveau régime d'« heures choisies ».

L'économie de ce dispositif peut être ainsi résumée : il s'agit d'ouvrir au salarié qui le souhaite, en accord avec son employeur, la possibilité d'effectuer des heures de travail au-delà du contingent d'heures supplémentaires.

Cette possibilité est subordonnée à l'existence d'une convention ou d'un accord collectif de travail.

Il convient, avant de revenir plus en détail sur le dispositif proposé, de rappeler brièvement quel est aujourd'hui le fonctionnement du contingent d'heures supplémentaires.

C'est en effet avant tout par rapport au dépassement de ce contingent que se définit le régime de ces « heures choisies ».

a) Le fonctionnement du contingent d'heures supplémentaires qui prévaut aujourd'hui aux termes de l'article L. 212-6 du code du travail

Il convient d'examiner tour à tour les modalités de détermination du contingent d'heures supplémentaires ainsi que ses fonctions.

· La détermination du contingent légal et du contingent conventionnel d'heures supplémentaires

Aux termes de la rédaction aujourd'hui en vigueur de l'article L. 212-6 du code du travail, « un décret détermine un contingent annuel d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail et, s'ils existent, du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel ».

Le décret n° 2003-258 du 20 mars 2003 avait porté le niveau de ce contingent à 180 heures par an et par salarié (ce contingent étant limité à 130 heures par an et par salarié en cas de mise en œuvre de la modulation telle que définie à l'article L. 212-8 du code du travail).

Le décret n° 2004-1381 du 22 décembre 2004 a porté le contingent de 180 heures à 220 heures.

Tel se définit le contingent appelé indifféremment contingent réglementaire ou contingent légal.

Depuis 1982, il peut être établi par convention ou accord collectif étendu un contingent conventionnel, qui peut être différent (supérieur ou inférieur) du contingent légal.

· Les fonctions du contingent d'heures supplémentaires

Si l'on garde à l'esprit l'une des définitions génériques que donne le dictionnaire Robert de la notion de contingent (« part qui revient à chacun dans une distribution sujette à restriction »), on pourrait - non sans raisons - être dans l'idée que le contingent d'heures supplémentaires constitue une sorte de stock restreint d'heures supplémentaires utilisables.

En théorie, il en va certes un peu autrement. De même que la durée dite légale du travail n'est une durée maximale que des heures accomplies dans des conditions « ordinaires » (de rémunération, notamment), et qu'elle constitue davantage un seuil de déclenchement à partir duquel les heures travaillées changent de statut et deviennent « supplémentaires », de même le contingent d'heures supplémentaires constitue un seuil de déclenchement.

Ainsi, depuis la loi Fillon du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, le régime des heures supplémentaires peut être ainsi défini :

- au sein du contingent d'heures supplémentaires : les heures supplémentaires sont soumises à majoration. Par ailleurs, dans les entreprises de plus de vingt salariés, les heures supplémentaires effectuées au-delà de 41 heures par semaine donnent droit, pour chacune d'entre elles, à un repos compensateur obligatoire de 50 %, en application du premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail ;

- au-delà du contingent d'heures supplémentaires : il est encore possible de faire des heures supplémentaires, soumises à majoration. Mais celles-ci sont alors en outre conditionnées à l'autorisation de l'inspecteur du travail, après avis, s'ils existent, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, en application du premier alinéa de l'article L. 212-7 du code du travail : d'une certaine façon, dans ce cas, leur existence - et non plus seulement leur régime d'application - est conditionnelle.

Par ailleurs, le droit au repos compensateur obligatoire est renforcé, en application du troisième alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail : dans les petites entreprises de vingt salariés au plus, les heures supplémentaires ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de ces heures supplémentaires ; dans les entreprises de plus de vingt salariés, elles ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 100 % de ces heures.

Le tableau présenté ci-après retrace le régime du repos compensateur obligatoire selon les différents cas de figure évoqués.

Le repos compensateur

Heures
supplémentaires

Taille de
l'entreprise

Heures supplémentaires effectuées en deçà du contingent annuel

Heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel

En deçà de 41 heures par semaine

Au-delà de 41 heures par semaine

Entreprise de 1 à 20 salariés

Néant

Néant

50 % pour chaque heure supplémentaire

Entreprise de plus de 20 salariés

Néant

50 % pour chaque heure supplémentaire

100 % pour chaque heure supplémentaire

Trois remarques peuvent être faites.

- D'une part, avant la loi Fillon du 17 janvier 2003, il fallait distinguer entre contingent légal et contingent conventionnel s'agissant de leurs effets : le contingent conventionnel avait pour seul effet de déterminer le nombre d'heures supplémentaires au-delà duquel l'autorisation de l'inspecteur du travail était nécessaire, sans incidence sur le seuil de déclenchement du repos compensateur obligatoire, qui était déterminé par le seul contingent réglementaire.

Depuis la loi du 17 janvier 2003, c'est le niveau du contingent conventionnel qu'il convient de prendre en considération pour chacun de ces deux effets (autorisation de l'inspecteur du travail et repos compensateur obligatoire) s'il existe ; à défaut de contingent conventionnel, le contingent légal prévaut.

Il faut noter toutefois que s'agissant des contingents conventionnels qui avaient été négociés avant le 20 janvier 2003, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2003, si le contingent conventionnel est supérieur au contingent légal, ce dernier continue selon la loi à porter effet en matière de repos compensateur obligatoire. Le Conseil constitutionnel a approuvé, dans sa décision n° 2002-465 DC du 13 janvier 2003, cette disposition destinée à éviter que la loi ne modifie de fait, dans un sens défavorable aux salariés, la portée des conventions passées dans un cadre légal antérieur.

- D'autre part, il convient de noter que le contingent d'heures supplémentaires est sans incidences sur le niveau de la majoration salariale. Les heures supplémentaires, qu'elles soient effectuées en deçà ou au-delà du contingent, sont soumises à des taux identiques. Ceux-ci, pour mémoire, peuvent être rappelés par les tableaux suivants :

Régime de la majoration des heures supplémentaires
dans les entreprises de 20 salariés au plus

Heures supplémentaires

Nature de la majoration

Montant de la majoration

36e à 39e

Majoration de salaire (ou repos compensateur de remplacement par accord collectif)

Jusqu'au 31 décembre 2005 10 % (sauf accord collectif plus favorable)

40e à 43e

Majoration de salaire (ou repos compensateur de remplacement par accord collectif)

25 % (par accord collectif dérogatoire : 10 % minimum)

44e et au-delà

Majoration de salaire (ou repos compensateur de remplacement par accord collectif)

50 % (par accord collectif dérogatoire : 10 % minimum)

Régime de la majoration des heures supplémentaires
dans les entreprises de plus de 20 salariés

Heures supplémentaires

Nature de la majoration

Montant de la majoration

36e à 39e

Majoration de salaire (ou repos compensateur de remplacement par accord collectif)

25 % (par accord collectif dérogatoire : 10 % minimum)

40e à 43e

Majoration de salaire (ou repos compensateur de remplacement par accord collectif)

25 % (par accord collectif dérogatoire : 10 % minimum)

44e et au-delà

Majoration de salaire (ou repos compensateur de remplacement par accord collectif)

50 % (par accord collectif dérogatoire : 10 % minimum)

- Enfin, il est question ici du repos compensateur obligatoire. Le contingent d'heures supplémentaires est sans effet sur le régime du repos compensateur de remplacement, qui constitue une forme de « paiement » des heures supplémentaires. Le repos compensateur obligatoire s'ajoute, s'il existe, au repos compensateur de remplacement.

Si en théorie, le contingent d'heures supplémentaires ne constitue pas une limite absolue aux heures supplémentaires, il en va bien différemment en pratique. On comprend aisément, en effet, que la double limite liée à la nécessité de l'autorisation de l'inspecteur du travail, ainsi qu'aux règles présidant à la mise en œuvre du repos compensateur, rend de facto le dépassement du contingent d'heures supplémentaires peu aisé. Cela engendre pour les entreprises une tendance à la restriction qui peut être à l'origine de difficultés importantes pour leur activité.

b) Le nouveau régime des « heures choisies »

Le présent dispositif vise à instituer un nouveau régime d'heures travaillées, dont la logique est profondément différente de celle qui sous-tend le régime des heures supplémentaires. Ces heures sont appelées « heures choisies ». Il s'agit d'heures supplémentaires dont le régime est spécifique puisqu'elles sont définies comme réalisées « au-delà du contingent d'heures supplémentaires applicable dans l'entreprise ou dans l'établissement en vertu de l'article L. 212-6 du code du travail » et soumises dans le même temps à des règles particulières.

Ce n'est donc pas avant tout par la loi, mais d'abord par l'accord collectif de travail, que sera défini le régime des « heures choisies ».

Aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-6-1 que crée le dispositif, l'existence même des heures choisies dépend de celle d'une convention collective de branche étendue ou d'un accord d'entreprise.

Mais cette première garantie ne peut suffire : à la volonté collective doit s'ajouter une volonté individuelle, puisque ce même premier alinéa prévoit expressément l'initiative des salariés (« les salariés qui le souhaitent peuvent... »), en accord avec l'employeur. Le recours aux « heures choisies » est donc assorti d'un double verrou, collectif et individuel.

Il convient de souligner en conséquence la spécificité des « heures choisies » par opposition aux heures supplémentaires que, sauf cas particulier, le salarié est tenu d'exécuter selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis un arrêt de la chambre sociale en date du 20 mars 1961.

En matière d'« heures choisies », l'initiative appartient au salarié. Ce dispositif veut donc pleinement ouvrir aux salariés qui le souhaitent la possibilité, par leur travail, de bénéficier d'une rémunération supplémentaire.

Le deuxième alinéa de l'article L. 212-6-1 prévoit les garanties entourant le régime des heures choisies :

- L'accord collectif de travail précisera les conditions dans lesquelles ces « heures choisies » seront effectuées : il peut s'agir de l'établissement de délais de prévenance ou encore de précisions relatives à la forme que devrait prendre l'initiative des salariés, la détermination du moment du choix par exemple, ou encore la condition d'un écrit.

- Le régime de la majoration des « heures choisies » est calé - a minima -sur celui des heures supplémentaires, puisque le deuxième alinéa prévoit expressément que « le taux de la majoration ne peut être inférieur au taux applicable pour la rémunération des heures supplémentaires dans l'entreprise ou dans l'établissement en application du deuxième alinéa de l'article L. 212-5 », à savoir le régime rappelé plus haut : majoration fixée conventionnellement à au moins 10 % de la rémunération habituelle ou, en l'absence d'accord collectif de travail, majoration de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % ensuite.

Dans le cas où un taux spécifique aurait été déterminé par accord collectif pour les heures supplémentaires, un nouvel accord relatif aux heures choisies pourrait fixer un second taux égal ou supérieur à ce premier taux.

- L'accord collectif de travail prévoit aussi « les contreparties, notamment en termes de repos ».

Dès lors, ces garanties ne justifient plus le recours aux mécanismes déclenchés habituellement par le dépassement du contingent pour les heures supplémentaires. Le troisième alinéa de l'article en tire les conséquences.

D'une part, alors qu'en principe les heures effectuées au-delà du contingent sont soumises à autorisation de l'inspecteur du travail, le troisième alinéa du nouvel article L. 212-6-1 écarte expressément l'applicabilité du premier alinéa de l'article L. 212-7 relatif à cette autorisation. L'exigence d'un accord collectif pour recourir aux heures choisies conduit logiquement, conformément à la démarche de confiance dans le dialogue social, à écarter l'intervention administrative.

D'autre part, alors que les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent d'heures supplémentaires sont soumises à des règles strictes en matière de repos compensateur obligatoire, le même troisième alinéa du nouvel article L. 212-6-1 écarte l'applicabilité aux « heures choisies » des dispositions de l'article L. 212-5-1 du code du travail, qui définit ce repos compensateur obligatoire - le repos compensateur étant entièrement défini conventionnellement, le cas échéant.

Naturellement, la protection de la santé reste, comme pour les heures supplémentaires « traditionnelles », au cœur du dispositif des « heures choisies ». Le quatrième alinéa de l'article L. 212-6-1 rappelle donc l'exigence du respect de la « durée maximale hebdomadaire du travail » telle qu'elle résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 212-7 du code du travail (et conformément aux exigences du droit communautaire (25)) : « Au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures » ; « la durée hebdomadaire du travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures » (26).

2. La possibilité pour certains cadres de renoncer à une partie de leurs jours de repos en contrepartie d'une majoration salariale

Le dispositif prévu aux II et III de cet article s'adresse spécifiquement aux salariés définis comme cadres.

Il prévoit la possibilité que leur soit ouverte, s'ils le souhaitent, et en accord avec le chef d'entreprise, la faculté de renoncer à une partie de leurs jours de repos en contrepartie d'une majoration de leur salaire.

Cette possibilité doit être prévue par un accord collectif de travail.

Avant de revenir sur le dispositif proposé, il convient de rappeler la situation de ces cadres visés au premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail.

a) La soumission de certains cadres au régime des « conventions de forfait en jours »

Il existe aujourd'hui dans le code du travail à la fois différentes catégories de cadres et différents types de forfaits auxquels ils peuvent être soumis.

· La définition des différentes catégories de cadres

La loi Aubry II du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail a introduit dans le code du travail une section spécifique consacrée aux cadres au sein du chapitre relatif à la durée du travail.

Elle a distingué entre trois catégories de cadres, soumise chacune à un régime particulier en ce qui concerne la réglementation de la durée du travail :

- les cadres dirigeants, définis restrictivement à l'article L. 212-15-1 comme ceux « auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou leur établissement », exclus de la réglementation légale et réglementaire de la durée du travail ;

- les cadres intégrés, définis par l'article L. 212-15-2 comme ceux « dont la nature des fonctions les conduit à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés » : ils sont soumis à l'ensemble des dispositions réglementaires et légales sur la durée du travail ;

- les cadres autonomes, qui constituent une catégorie définie de manière résiduelle par l'article L. 212-15-3 comme ne relevant pas des dispositions des articles L. 212-15-1 et L. 212-15-2.

· La fixation de la durée (réduite) du travail par la convention individuelle de forfait en jours sur l'année

L'article L. 212-15-3 du code du travail organise le régime de fixation de la durée du travail des cadres par des conventions individuelles de forfait.

Ces conventions individuelles de forfait peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, en heures ou en jours. On peut ainsi distinguer entre :

- les conventions de forfait en heures sur une base hebdomadaire ou mensuelle, qui ne sont pas subordonnées à l'existence d'un accord collectif ;

- les conventions de forfait en heures sur une base annuelle, subordonnées à l'existence d'un accord collectif préalable ;

- les conventions de forfait en jours sur une base annuelle : leur existence est également subordonnée à la conclusion d'un accord collectif de travail.

L'intérêt principal de ce dernier type de forfait consiste à échapper à la distinction dans une journée entre ce qui relève ou non du temps de travail effectif, en particulier en cas de mission ou voyage professionnel.

Seuls les cadres véritablement autonomes dans l'organisation de leur emploi du temps peuvent être soumis à ce régime, puisque le III de l'article L. 212-15-3 précise : « la convention ou l'accord définit, au regard de leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, les catégories de cadres concernés ». En outre, l'accord exprès du salarié est requis.

Le forfait consiste dans la fixation d'un nombre de jours travaillés, sous un plafond de 218 jours. Ce plafond correspond, compte tenu de cinq semaines de congés payés, à une dizaine de jours de repos au titre de la réduction du temps de travail, compte tenu de ce que la durée actuelle du travail (ces jours de repos exceptés) est en général de 226 ou 227 jours par an, selon le positionnement dans l'année des jours fériés. Mais un accord collectif peut déterminer un nombre de jours inférieur pour ce plafond.

Par définition, il n'est pas procédé à un décompte horaire du temps de travail des cadres soumis au forfait annuel en jours : c'est précisément l'objectif de ce régime que d'échapper à ce décompte, difficile à effectuer pour les salariés concernés. Aussi, il est compréhensible que les cadres ne soient dans ce cas pas soumis aux durées maximales quotidiennes ou hebdomadaires du travail, ni aux autres dispositions du code du travail reposant sur un calcul en heures, en particulier celles relatives au régime du contingent d'heures supplémentaires et à la prise du repos compensateur. Il est à noter toutefois que les dispositions relatives au repos quotidien et hebdomadaire s'imposent.

b) Les limites de ce régime

En cas de dépassement du plafond de 218 jours, seules certaines possibilités sont aujourd'hui ouvertes au salarié :

- il peut affecter les jours de repos non pris à son compte épargne-temps, dans les limites inhérentes au régime de celui-ci - en particulier la limite, dont l'article 1er de la présente proposition propose la suppression, des vingt-deux jours par an ;

- il peut procéder à un report de congés payés dans les conditions prévues à l'article L. 223-9 du code du travail ;

- il a la possibilité, en cas de non prise de l'ensemble des congés payés acquis au cours d'une période de modulation, de dépasser le plafond, faute de précisions contraires dans l'accord collectif ;

- il peut « travailler plus » en cas de non acquisition et donc de non prise de congés payés sur la période du forfait lorsqu'il vient d'être embauché, sauf disposition contraire dans l'accord collectif.

- Enfin, l'article L. 212-15-3 permet au salarié de bénéficier dans les trois premiers mois de l'année suivante d'un nombre de jours égal à ce dépassement. Mais ce nombre de jours réduit d'autant le plafond annuel de l'année durant laquelle ils sont pris : le plafond « nouveau » de l'année suivante. Ainsi, si un cadre a dépassé de dix jours le plafond de 218 jours au cours de l'année N, il peut bénéficier au cours des trois premiers mois de l'année N+1 de dix jours de repos, sachant que le plafond de jours travaillés de l'année N+1 sera établi à 208. Bref, il s'agit d'une faculté de report limité des jours de repos d'une année sur le premier trimestre de la suivante.

Au total, ces possibilités s'avèrent, dans la pratique, très insuffisantes. Nombreux en effet sont les cadres qui se trouvent aujourd'hui, ainsi que l'ont confirmé au rapporteur les différentes personnes entendues au cours des auditions, dans l'impossibilité pratique de prendre l'ensemble des jours de repos accordés au titre de la réduction du temps de travail, face à la charge de travail à laquelle ils sont confrontés. Dans le système actuel, le plus souvent, les journées de repos non prises seront perdues en l'absence, pour les cadres au forfait annuel, d'un dispositif comparable aux « heures supplémentaires » et fondant donc en droit la rémunération du temps supplémentaire passé au travail. Le présent dispositif vise à apporter un élément de réponse à cette situation, à l'évidence inéquitable tout en ouvrant, naturellement, aux cadres la voie du temps choisi, le régime des « heures choisies » ne leur étant par définition pas applicable.

c) Le dispositif proposé

Le II de l'article 2 vise à compléter le premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail par deux phrases.

La première phrase définit le principe : le salarié qui le souhaite peut renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire.

Cette possibilité doit être prévue par un accord collectif de travail.

Par ailleurs, si le souhait du salarié est requis, l'accord du chef d'entreprise n'est pas moins nécessaire.

Est ainsi ouverte une possibilité nouvelle pour le salarié d'utiliser ses jours de repos non pris, évitant ainsi la perte pure et simple trop souvent constatée dans les faits. On retrouve l'arbitrage « argent contre temps » évoqué dans la partie générale, souvent privilégié par les salariés et rendu possible par ce dispositif.

Il convient de garder à l'esprit que cette renonciation ne peut toutefois être que partielle : le salarié n'a la possibilité de renoncer qu'à « une partie de ses jours de repos ».

La deuxième phrase renvoie à l'accord collectif de travail le soin de déterminer les modalités pratiques de cette opération de renonciation avec contrepartie. L'accord collectif déterminera « notamment » - la liste n'est donc pas exhaustive - deux types d'éléments : le montant de la majoration d'une part, les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix d'autre part :

- le montant de la majoration : compte tenu de ce que les cadres visés au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail ne sont pas soumis à un décompte horaire du temps de travail, il n'est pas possible de prévoir un seuil de majoration sous la forme d'un taux de la majoration de l'heure travaillée. C'est la raison de ce renvoi plus général à une majoration dont le montant doit être établi par voie conventionnelle ;

- les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix : cet élément revêt une importance certaine dans la mesure où il conditionne l'effectivité de la liberté de l'initiative du salarié.

En revanche, il convient de noter que le présent dispositif n'est pas limité par un plafond, contrairement au régime de la renonciation à des jours visés à l'article 3 : c'est que, au présent cas, la convention collective assure une garantie qui n'est pas présente dans le cadre transitoire de l'article 3. On peut penser que la référence à la renonciation à une « partie » des jours de repos constitue une invitation très forte, pour les partenaires sociaux, à fixer un tel plafond.

L'ensemble du dispositif se présente comme en référence au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail, à savoir comme visant les cadres soumis au forfait en jours établi sur une base annuelle. Mais il ne mentionne pas les cadres soumis à une convention de forfait établie en heures sur une base annuelle (en application du II du même article). Par souci de cohérence, il semblerait souhaitable de prendre en considération également ce cas de figure, qui offre les mêmes possibilités d'attribution de jours au titre de la réduction du temps de travail : il n'y a pas lieu, ainsi que l'ont confirmé plusieurs des personnes entendues par le rapporteur, de ne pas accorder à ces cadres la même possibilité de renonciation à des jours de repos en contrepartie d'une majoration salariale.

Le III du présent article 2 précise que les jours effectués par les cadres et rachetés ne s'imputent pas sur le total de jours travaillés faisant l'objet d'un maximum prévu par le III de l'article L. 212-15-3 du code du travail.

Cette précision pourrait paraître évidente, mais elle est essentielle au bon fonctionnement de l'ensemble du dispositif.

L'idée d'un rachat des jours par le chef d'entreprise consiste à apporter une solution à la situation de perte sèche de jours de repos accordés au titre de la réduction du temps de travail tout en permettant au cadre qui le souhaite de travailler plus pour gagner plus, le cas échéant.

C'est la raison pour laquelle il était important de préciser dans la deuxième phrase du dernier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail que les jours « auxquels le salarié a renoncé dans les conditions prévues au premier alinéa » - soit les jours rachetés - sont déduits du plafond annuel, à l'image des jours affectés sur le compte épargne-temps, déjà expressément visés par cette même phrase.

*

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de suppression de l'article de M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz a expliqué que l'article démantèle le dispositif des 35 heures en facilitant le recours aux heures supplémentaires. D'autres moyens existent pour répondre aux attentes des salariés, comme l'augmentation des salaires.

Article L. 212-6-1 du code du travail

La commission a adopté un amendement de précision du rapporteur.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Hervé Morin visant à ce que le dispositif des « heures choisies » puisse être adopté dans le cadre référendaire.

M. Hervé Morin a souligné que parfois toutes les conditions ne sont pas réunies pour qu'un accord collectif soit conclu.

Le rapporteur a répondu que le recours au référendum est strictement encadré par la loi. Il a proposé à l'auteur de l'amendement de le retirer, ce que M. Hervé Morin a accepté.

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à ce que le compte épargne-temps puisse être utilisé par les salariés âgés de plus de cinquante ans désirant cesser leur activité. Il s'agit de permettre le départ anticipé à la retraite et de faciliter l'embauche des jeunes.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur qui a précisé que cette possibilité est déjà ouverte pour le dispositif, sans pour autant permettre un abaissement de l'âge requis pour l'obtention des droits à retraite, ce qui ne correspond pas à l'objet du texte, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement de coordination et deux amendements rédactionnels du rapporteur.

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à étendre le dispositif du temps choisi aux salariés cadres soumis à une convention individuelle de forfait sur une base annuelle exprimée en heures. Cette catégorie de salariés échappe en effet au régime des « heures choisies » ainsi qu'au régime de renonciation aux jours de repos.

M. Maxime Gremetz a relevé le discours contradictoire de la majorité qui, d'une part, déplore le manque d'autorité des syndicats et, d'autre part, est prête à autoriser des salariés à négocier ce type d'accord. L'amendement revient en fait à créer des « jaunes ».

La commission a adopté l'amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement de précision et un amendement de coordination du rapporteur.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3

Mesures concernant les petites entreprises
de vingt salariés au plus

Cet article procède à trois modifications concernant les entreprises de vingt salariés au plus.

Les deux premières - qui figurent au I de cet article - se placent dans le prolongement de dérogations déjà existantes.

La troisième - contenue dans le II -  constitue une disposition spécifique destinée aux petites entreprises, de manière transitoire, dans l'attente de la mise en œuvre d'un accord collectif de travail relatif au compte épargne-temps.

1. La prolongation de l'application d'un taux minoré à 10 % pour la majoration des quatre premières heures supplémentaires

La réduction du temps de travail telle qu'elle était prévue par les lois Aubry prévoyait un mécanisme transitoire pour le passage aux trente-cinq heures de l'ensemble des entreprises. C'est ainsi que le premier alinéa du V de l'article 5 de la loi Aubry II du 19 janvier 2000 disposait que « pendant la première année civile au cours de laquelle la durée hebdomadaire est fixée à trente-cinq heures, chacune des quatre premières heures supplémentaires effectuées donne lieu à la bonification prévue au premier alinéa du I de l'article L. 212-5 du même code au taux de 10 % ».

Ce régime était alors justifié par la volonté de laisser aux partenaires sociaux le temps de la négociation.

Néanmoins, aucune spécificité n'avait été prévue au profit des plus petites entreprises.

Aussi l'article 5 de la loi Fillon du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi a-t-il modifié cette disposition de façon à prolonger la période d'adaptation pour les entreprises de vingt salariés au plus en prévoyant que le taux de la majoration des quatre premières heures supplémentaires, alors fixé à 10 % (de la trente-sixième à la trente-neuvième heure), reste à ce même niveau non jusqu'à la fin de l'année 2002 (fin de la première année consécutive à leur passage légal aux trente-cinq heures) mais jusqu'au 31 décembre 2005 - dans l'attente d'un accord collectif fixant ce taux à un niveau ne pouvant être que supérieur.

Le rapport de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales expliquait ainsi cette décision : « Pour ces entreprises, la démarche de réduction du temps de travail est grandement compliquée par les difficultés croissantes de recrutement rencontrées dans certains secteurs, la difficulté voire l'impossibilité de mettre en place de véritables polyvalences entre les salariés, enfin la nécessité, notamment dans les services, de proposer à la clientèle des horaires d'ouverture importants (...). Pour les entreprises les plus petites (pour lesquelles le passage à la nouvelle durée légale du travail est effectif depuis le 1er janvier 2002), cette durée, totalement arbitraire, est rapidement apparue en décalage complet avec leurs capacités réelles »(27).

Avec cette nouvelle disposition, le taux de majoration salariale applicable dans les entreprises de vingt salariés au plus est donc le suivant :

- si l'entreprise est couverte par un accord de branche étendu (28), le « droit commun » de la majoration salariale des heures supplémentaires tel qu'établi pour l'ensemble des entreprises par la loi Fillon s'applique, à savoir le taux de la majoration prévu par les partenaires sociaux ;

- si l'entreprise n'est couverte par aucun accord de branche étendu, ce sont les taux fixés par la loi qui s'appliquent.

En principe, le régime ainsi établi par la loi Fillon devait laisser place au régime légal de droit commun à partir du 1er janvier 2006 : les heures supplémentaires effectuées de la trente-sixième à la trente-neuvième heure devraient donc alors, en l'absence d'accord de branche étendu, être majorées de 25 %, sans que subsiste de régime particulier propre aux petites entreprises concernant les quatre premières heures supplémentaires.

Néanmoins, force est de constater, aujourd'hui, que la situation des entreprises de vingt salariés au plus justifie la prolongation de ce régime. On ne reviendra pas ici dans le détail sur les conditions difficiles dans lesquelles la réduction du temps de travail, qu'elle ait été effective ou non, a été vécue par les petites entreprises, moins armées que les grandes pour faire face à ce choc entraînant un bouleversement de leur organisation auquel elles n'étaient pas préparées(29), non plus que sur les fragilités qui les affectent de manière plus structurelle compte tenu de leur petite taille.

Plus généralement, il convient de rappeler que le code du travail comporte de nombreux seuils entraînant, souvent de manière pérenne, un traitement différencié des entreprises selon leur taille. Les difficultés spécifiques, bien connues, que pose l'organisation du travail dans les petites entreprises -notamment la plus grande difficulté qu'elles ont à répondre aux variations de l'activité par le recours à l'emploi temporaire - peuvent parfaitement justifier un régime propre des heures supplémentaires.

C'est la raison pour laquelle le A du I de l'article 3 propose, dans le V de l'article 5 de la loi du 19 janvier 2000, de remplacer le millésime 2005 par celui de 2008.

Pour cette même raison est proposée une seconde mesure allant dans le même sens.

2. La prolongation de l'application d'un régime dérogatoire transitoire d'imputation des heures supplémentaires sur le contingent

En effet, il convient de garder à l'esprit que le niveau de la durée légale du travail tel qu'elle est définie à trente-cinq heures par l'article L. 212-1 du code du travail constitue le seuil de déclenchement du passage des « heures normales » aux « heures supplémentaires ». Passé cette limite, les heures effectuées sont imputées sur le contingent d'heures supplémentaires tel que défini à l'article L. 212-6 du code du travail. Dès lors, de deux choses l'une :

- soit les heures sont réalisées dans la limite de ce contingent, et elles ne donnent pas lieu à autorisation de l'inspecteur du travail, non plus que, dans les petites entreprises de vingt salariés au plus, à repos compensateur obligatoire ;

- soit les heures sont réalisées au-delà de ce contingent, mais cette possibilité est conditionnée alors à l'autorisation de l'inspecteur du travail. Par ailleurs, dans ce cas, dans les petites entreprises de vingt salariés au plus, le repos compensateur obligatoire s'élève à 50 % de chaque heure supplémentaire ainsi effectuée.

Pour adoucir cet effet créé par l'imputation des heures supplémentaires à compter de la trente-sixième heure sur le contingent, la loi Aubry II avait institué un régime transitoire d'imputation progressive des heures supplémentaires sur le contingent, de façon à « retarder » l'effet de seuil résultant du dépassement du contingent, et à ménager une transition pour les entreprises pour lesquelles ce passage aux trente-cinq heures n'allait, à l'évidence, pas de soi.

Ainsi, pour les entreprises de plus de vingt salariés, le VIII de l'article 5 de la loi du 19 janvier 2000 prévoyait que « le seuil défini au troisième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail [c'est-à-dire le seuil valable pour l'imputation des heures supplémentaires sur le contingent] est fixé à trente-sept heures pour l'année 2000 et à trente-six heures pour l'année 2001 ».

Sans doute dans ce cas, contrairement à ce qui prévalait pour le régime de majoration des heures supplémentaires, la loi Aubry II instituait-elle un dispositif différent pour les petites entreprises, conséquence de la fixation d'une date différente de passage aux trente-cinq heures - date fixée deux ans plus tard, au 1er janvier 2002 : le VIII de l'article 5 disposait ainsi que « pour les entreprises pour lesquelles la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures à compter du 1er janvier 2002 [c'est-à-dire autres que celles ayant plus de vingt salariés au 1er janvier 2000], ces seuils sont applicables respectivement en 2002 et en 2003 ». Autrement dit, ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2004 que l'imputation des heures supplémentaires sur le contingent devait être opérée de manière totale pour une durée légale fixée à trente-cinq heures, à savoir à compter de la trente-sixième heure.

Néanmoins, cette transition n'a pas paru suffisante.

C'est ainsi qu'en présentant le nouveau dispositif de majoration des heures supplémentaires pour les entreprises de vingt salariés au plus, le rapport préparatoire à la loi Fillon précité faisait part d'une forme de regret : « On peut relever que si la question du coût des heures supplémentaires est traitée dans le présent projet de loi, celui-ci ne prévoit en revanche aucune disposition d'assouplissement s'agissant du seuil de déclenchement pour l'imputation progressive sur le contingent annuel d'heures supplémentaires. Or ce type de dispositions, en permettant de fait de relever de manière transitoire le nombre d'heures supplémentaires pouvant être effectuées sans l'autorisation de l'inspecteur du travail, auraient pu également représenter un élément de souplesse favorable ».

C'est finalement par voie d'amendement que cette modification a été réalisée, un an plus tard environ, lors de la discussion, en première lecture devant l'Assemblée nationale, du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Cette initiative a, lors de la première séance du mercredi 17 décembre 2003, été ainsi présentée par M. Claude Gaillard : « Je rappelle que, dans la loi Aubry, qui a pu être qualifiée de brutale, une souplesse avait néanmoins été prévue dans le décompte des heures supplémentaires : celles-ci ne s'imputent sur le contingent qu'à partir de la trente-septième heure en 2002, et de la trente-sixième en 2003. En outre, la loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi a prolongé l'application de la majoration de 10 % des heures supplémentaires jusqu'au 31 décembre 2005. A la fois pour fournir aux petites entreprises la souplesse dont elles ont besoin et par souci de cohérence, notre amendement propose de proroger aussi jusqu'au 31 décembre 2005 l'imputation sur le contingent d'heures supplémentaires ».

C'est donc un double souci, à la fois de souplesse au profit des plus petites entreprises, et de cohérence avec le régime de la majoration des heures supplémentaires, qui animait cette disposition, devenue l'article 50 de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Aujourd'hui, ce même double souci inspire la proposition de proroger ce dispositif pour trois années supplémentaires, à savoir jusqu'au 31 décembre 2008. C'est ainsi que le B du I de cet article 3 propose d'ajouter, dans l'avant-dernière phrase du VIII de l'article 5 de la loi du 19 janvier 2000, la référence aux trois années 2006, 2007 et 2008.

Concernant les deux modifications proposées dans ce paragraphe I, une question se pose. La proposition de loi, dans sa rédaction initiale, se borne à prolonger l'application des V et VIII de l'article 5 de la loi Aubry II. Or, ces deux paragraphes, l'un explicitement (le VIII), l'autre implicitement (en indiquant qu'un taux de majoration dérogatoire « reste » et non pas « est » fixé, ce qui implique une référence historique), visent les entreprises « pour lesquelles la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures à compter du 1er janvier 2002 », c'est-à-dire, selon l'article 1er de la même loi Aubry II, toutes les entreprises autres que celles qui avaient plus de vingt salariés au 1er janvier 2000. Cette référence historique, à l'évidence, pose aujourd'hui problème, notamment pour les entreprises créées depuis 2000. C'est la raison pour laquelle est proposé un amendement destiné à établir une rédaction actualisée de ces dispositions de manière à viser un champ d'application conforme à la réalité d'aujourd'hui, autrement dit à viser les petites entreprises de vingt salariés au plus sans référence datée.

3. L'établissement d'un dispositif transitoire de renonciation à une partie des jours de repos issus de la réduction du temps de travail contre majoration salariale dans l'attente de la mise en œuvre d'un compte épargne-temps

Le compte épargne-temps tel qu'il résulte de l'article 1er de la présente proposition de loi, s'il ménage et enrichit la vocation originelle de ce compte - l'indemnisation d'une période de congé qui sinon ne le serait pas -, développe dans le même temps singulièrement sa dimension monétaire, qu'il s'agisse de sa fonction rémunératrice différée (l'épargne) ou immédiate (de facto, une forme de rachat par l'employeur des jours placés sur le compte épargne-temps en contrepartie d'un paiement au salarié qui abandonne les repos accumulés).

Le II de cet article 3 se présente comme une forme d'anticipation du compte épargne-temps dans les petites entreprises de vingt salariés au plus pour ce qui concerne cette dernière fonction : favoriser le rachat de jours de repos.

On retrouve également, d'une certaine façon, l'inspiration du dispositif prévu aux II et III de l'article 2 mais qui était réservé au cas bien spécifique des cadres.

Là encore, ce sont les contraintes inhérentes au fonctionnement des petites entreprises, en l'espèce la difficulté plus grande à y passer des accords collectifs (ce qui nécessite des partenaires syndicaux et certaines compétences pour formaliser des accords portant sur des questions complexes) qui motivent cette dérogation. C'est d'ailleurs le sens du début du dispositif, qui vise expressément « l'attente de la convention collective de branche étendue ou de l'accord d'entreprise prévu à l'article L. 227-1 ». Autrement dit, dès lors que l'accord collectif de travail relatif à la création d'un compte épargne-temps aura été signé, ce dispositif - qui ne nécessite lui pas d'accord collectif - ne sera plus applicable.

Le dispositif prévu est le suivant : le salarié est à l'origine d'une demande de renonciation. Cette renonciation est dans le même temps subordonnée à l'accord du chef d'entreprise.

La renonciation par le salarié peut porter tant sur des « journées » que sur des « demi-journées » de repos, mais elle doit, en tout état de cause, être partielle.

Les journées ou demi-journées auxquelles le salarié peut renoncer sont limitativement énumérées.

Il s'agit de celles accordées « au titre de la réduction du temps de travail » :

- en application du II de l'article L. 212-9 du code du travail : il s'agit de la disposition selon laquelle « une convention ou un accord étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire moyenne sur l'année est réduite, en tout ou partie, en deçà de trente-neuf heures, par l'attribution de journées ou de demi-journées de repos ». Autrement dit, ce paragraphe ouvre la possibilité de réduction du temps de travail par prise de journées ou de demi-journées sur l'année.

Le I du même article L. 212-9 du code du travail vise un même mécanisme, mais sur une période de quatre semaines. Ce paragraphe n'est pas mentionné dans le texte initial de la proposition de loi. Après avoir entendu différentes personnalités, le rapporteur juge qu'il n'y a pas lieu de ne pas ouvrir les mêmes possibilités de « rachat » dans ce cas de figure très voisin de celui visé au II. C'est la raison pour laquelle est proposée une modification du texte dans ce sens.

- en application du II de l'article L. 212-15-3 du code du travail : il s'agit du régime, applicable aux cadres, dit des conventions individuelles de forfait en heures sur une base annuelle ;

- en application du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail : il s'agit du régime, applicable aux cadres, dit des conventions individuelles de forfait en jours sur une base annuelle.

Là encore, pour des raisons tant de cohérence juridique que d'équité et selon le même raisonnement que dans le cadre de l'article 1er, il est proposé d'étendre cette possibilité aux cadres visés au I de l'article L. 212-15-3 du code du travail, à savoir les cadres soumis aux conventions individuelles de forfait en heures sur une base hebdomadaire ou mensuelle.

Il est à noter que les heures qui seront effectuées au titre de ce qui constitue une forme d'échange de travail contre du temps libre ne s'imputeront pas sur le contingent d'heures supplémentaires, qu'il soit légal ou conventionnel, prévu à l'article L. 212-6 du code du travail.

Ce régime est encadré par un certain nombre de garanties qui représentent, en l'absence d'accord collectif, autant de « verrous » :

- Le rachat ne peut porter que sur une quantité limitée de dix jours par an. Compte tenu de l'inclusion dans le dispositif de catégories de salariés dont le temps de travail ne donne pas lieu à un décompte en jours, mais uniquement en heures (même s'ils bénéficient de fait de ce qu'il est convenu d'appeler des « jours de RTT »), il apparaît opportun de prévoir d'emblée un maximum également exprimé en heures, qui pourrait être, à raison de sept heures par jour, de soixante-dix heures.

- Les heures qui seront effectuées à ce titre doivent donner lieu à une majoration de salaire au moins égale à 10 % : autrement dit, elles bénéficient du même régime de majoration salariale que les heures supplémentaires ordinaires dans les entreprises de vingt salariés au plus, tel qu'il est prévu au I de ce même article. Il semble opportun au rapporteur de prévoir que les journées et demi-journées effectuées à ce titre puissent de même bénéficier d'une majoration salariale.

- Le régime est conçu comme provisoire puisque devant prendre fin au 31 décembre 2008, cette date correspondant à la date retenue pour la prorogation des deux mesures précédemment analysées relatives à la majoration des heures supplémentaires et à leur imputation sur le contingent.

*

M. Hervé Morin a déclaré comprendre les raisons économiques qui conduisent à distinguer les entreprises comptant moins de 20 salariés et celles en comptant plus de 20. Cependant, cette distinction est excessivement complexe et cette prolongation engendre une certaine perplexité. Elle constitue une lourde discrimination supplémentaire à l'encontre de salariés dont les conditions de travail sont peu favorables et les avantages sociaux moindres. Le groupe UDF proposera lors de la discussion un amendement prévoyant une bonification de 25 % de la rémunération des heures supplémentaires dans ces petites entreprises ainsi qu'une réduction à due proportion des cotisations sociales. Il faut inciter les salariés à travailler plus sans que cela soit coûteux pour l'entreprise.

La commission a examiné un amendement de suppression de l'article de M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz a expliqué que l'amendement vise à supprimer les dérogations accordées aux entreprises de 20 salariés au plus dans le paiement des heures supplémentaires. Cette dérogation était accordée pour permettre l'adaptation de ces entreprises à la réduction du temps de travail. Cette réduction n'étant plus actuelle, il convient de faire cesser cette dérogation. En outre, la différence crée une inégalité flagrante entre les salariés.

Invoquant les contraintes économiques qui ont conduit à proposer de proroger la différenciation de régime, le rapporteur a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, visant à préciser expressément, dans un souci d'égalité de traitement, que les entreprises comportant actuellement 20 salariés au plus ont droit aux mêmes dérogations que celles définies comme telles par la loi Aubry II.

La commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

La commission a adopté un amendement du rapporteur étendant, dans un souci d'égalité de traitement, l'application de l'article 3 aux salariés bénéficiant de jours ou demi-jours de repos sur une période de quatre semaines ainsi qu'aux cadres bénéficiant de conventions de forfait en heures sur une base hebdomadaire ou mensuelle.

La commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4

Gage

Cet article procède, comme il est d'usage dans le cadre d'une proposition de loi susceptible d'engendrer des pertes de recettes nouvelles pour les pouvoirs publics, à l'ajout d'un gage.

En effet, les dispositions de l'article 1er relatives au compte épargne-temps, en particulier, pourraient avoir un tel effet compte tenu des avantages sociaux ou fiscaux pouvant s'attacher aux éléments transitant dans le compte épargne-temps.

Cet article comporte deux paragraphes.

Le premier est relatif aux pertes de recettes éventuelles pour l'Etat : celles-ci sont compensées, à due concurrence, par l'institution d'une taxe additionnelle à la taxe visée à l'article 1001 du code général des impôts, à savoir la taxe spéciale sur les contrats d'assurance.

Le second concerne les pertes de recettes pour les régimes sociaux : il s'agit d'une contribution additionnelle à la contribution visée à l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale, à savoir la CSG assise sur les sommes mises en œuvre dans le cadre des jeux.

*

La commission a adopté l'article 4 sans modification.

La commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

Le président Jean-Michel Dubernard a regretté la posture des commissaires socialistes s'agissant de l'examen d'un texte trouvant sa source dans une initiative parlementaire.

*

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de loi dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI

PORTANT RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL
DANS L'ENTREPRISE

Article 1er

I. - L'article L. 227-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 227-1. - Une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement peut prévoir la création d'un compte épargne-temps au profit des salariés.

« Le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises.

« Peuvent y être affectés, dans les conditions et limites définies par la convention ou l'accord collectif, les éléments suivants :

« - à l'initiative du salarié, tout ou partie du congé annuel prévu à l'article L. 223-1 excédant la durée de vingt-quatre jours ouvrables, les heures de repos acquises au titre du repos compensateur prévu au premier alinéa du II de l'article L. 212-5 et à l'article L. 212-5-1 ainsi que les jours de repos et de congés accordés au titre de l'article L. 212-9 et du III de l'article L. 212-15-3 ou les heures effectuées au-delà de la durée prévue par la convention individuelle de forfait conclue en application du I ou du II de l'article L. 212-15-3 ;

« - à l'initiative de l'employeur, les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail, lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient.

« La convention ou l'accord collectif peut prévoir en outre que ces droits peuvent être abondés par l'employeur ou par le salarié, notamment par l'affectation des augmentations ou des compléments du salaire de base ou dans les conditions prévues par l'article L. 444-6.

« La convention ou l'accord collectif définit les conditions dans lesquelles les droits affectés sur le compte épargne-temps sont utilisés, à l'initiative du salarié, soit pour compléter la rémunération de celui-ci, dans la limite des droits acquis dans l'année sauf disposition contraire prévue par la convention ou l'accord collectif, soit pour alimenter l'un des plans d'épargne mentionnés aux articles L. 443-1, L. 443-1-1 et L. 443-1-2 ou contribuer au financement de prestations de retraite lorsqu'elles revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d'une des procédures visées à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, soit pour indemniser en tout ou partie un congé, notamment dans les conditions prévues aux articles L. 122-28-1, L. 122-32-12, L. 122-32-17 ou L. 225-9 du présent code, une période de formation en dehors du temps de travail, un passage à temps partiel, ou une cessation progressive ou totale d'activité.

« Lorsque la convention ou l'accord collectif prévoit que tout ou partie des droits affectés sur le compte épargne-temps sont utilisés pour effectuer des versements sur un ou plusieurs plans d'épargne pour la retraite collectifs mentionnés à l'article L. 443-1-2, ceux de ces droits qui correspondent à un abondement en temps ou en argent de l'employeur bénéficient du régime prévu aux articles L. 443-7 et L. 443-8 dans les conditions et limites fixées par ces articles.

« La convention ou l'accord collectif précise en outre, le cas échéant, les conditions d'utilisation des droits qui ont été affectés sur le compte épargne-temps à l'initiative de l'employeur.

« La convention ou l'accord collectif de travail définit par ailleurs les modalités de gestion du compte.

« A défaut de dispositions d'une convention ou d'un accord collectif de travail prévoyant les conditions de transfert des droits d'un employeur à un autre, le salarié perçoit en cas de rupture du contrat de travail une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l'ensemble des droits qu'il a acquis.

« Cette indemnité est également versée lorsque les droits acquis atteignent, convertis en unités monétaires, un montant déterminé par décret, sauf lorsque la convention ou l'accord collectif de travail a établi pour les comptes excédant ce montant un dispositif d'assurance ou de garantie répondant à des prescriptions fixées par décret. Le montant précité ne peut excéder le plus élevé de ceux fixés en application de l'article L. 143-11-8.

« Les droits acquis dans le cadre du compte épargne-temps sont garantis dans les conditions de l'article L. 143-11-1.

« Les dispositions du présent article sont applicables aux salariés définis aux deuxième à quatrième, septième et huitième alinéas de l'article L. 722-20 du code rural. »

II. - L'article L. 443-7 du code du travail est ainsi modifié :

- après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Les versements à un ou plusieurs plans d'épargne pour la retraite collectifs peuvent inclure des droits provenant d'un compte épargne-temps dans les conditions mentionnées au huitième alinéa de l'article L. 227-1. » ;

- aux troisième et dernier alinéas, le mot : « versées » est remplacé par les mots : « et droits versés ».

III. - L'article L. 443-8 du même code est ainsi modifié :

- le premier alinéa est ainsi rédigé : « Les sommes et droits mentionnés à l'article L. 443-7 peuvent être déduits par l'entreprise de son bénéfice pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu selon le cas. » ;

- au deuxième alinéa, les mots : « Elles ne sont pas prises » sont remplacés par les mots : « Ils ne sont pas pris » ;

- au troisième alinéa, les mots : « Elles sont exonérées » sont remplacés par les mots : « Ils sont exonérés ».

Article 2

I. - Après l'article L. 212-6 du code du travail, il est inséré un article L. 212-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 212-6-1. - Lorsqu'une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement le prévoit, le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, effectuer des heures choisies au-delà du contingent d'heures supplémentaires applicable dans l'entreprise ou dans l'établissement en vertu de l'article L. 212-6.

« La convention ou l'accord collectif de travail précise les conditions dans lesquelles ces heures choisies sont effectuées, fixe la majoration de salaire à laquelle elles donnent lieu et, le cas échéant, les contreparties, notamment en terme de repos. Le taux de la majoration ne peut être inférieur au taux applicable pour la rémunération des heures supplémentaires dans l'entreprise ou dans l'établissement conformément au deuxième alinéa de l'article L. 212-5.

« Les dispositions de l'article L. 212-5-1 et du premier alinéa de l'article L. 212-7 ne sont pas applicables.

« Le nombre de ces heures choisies ne peut avoir pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail au-delà des limites définies au deuxième alinéa de l'article L. 212-7. »

II- Le II de l'article L. 212-15-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement peut enfin ouvrir la faculté au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise, d'effectuer des heures au-delà de la durée annuelle de travail prévue par la convention de forfait. La convention ou l'accord collectif précise notamment les conditions dans lesquelles ces heures sont effectuées, fixe la majoration de salaire à laquelle elles donnent lieu ainsi que les conditions dans lesquelles le salarié fait connaître son choix. »

III. - Le premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement peut enfin ouvrir la faculté au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. La convention ou l'accord collectif détermine notamment le montant de cette majoration ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix. »

IV. - Dans la deuxième phrase du dernier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail, après les mots : « sur un compte épargne-temps » sont insérés les mots : « ou auxquels le salarié a renoncé dans les conditions prévues au premier alinéa ».

Article 3

I. - 1° L'article 5 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail est ainsi modifié :

A. A la fin du dernier alinéa du V, le millésime : « 2005 » est remplacé par le millésime : « 2008 » ;

B. L'avant-dernière phrase du VIII est complétée par les mots : « , 2006, 2007 et 2008 ».

2° Par dérogation aux dispositions de l'article L. 212-5 du code du travail, et à défaut de convention ou accord collectif de travail fixant un taux de majoration supérieur, le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires applicable aux entreprises de vingt salariés au plus est fixé à 10 % jusqu'au 31 décembre 2008. Le seuil défini au troisième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail est fixé pour ces mêmes entreprises à trente-six heures pour les années 2006, 2007 et 2008.

II. - Dans l'attente de la convention ou de l'accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement prévu à l'article L. 227-1 du code du travail et directement applicable, dans les entreprises de vingt salariés au plus, le salarié peut, en accord avec le chef d'entreprise, décider de renoncer à une partie des journées ou demi-journées de repos accordées en application de l'article L. 212-9 ou du III de l'article L. 212-15-3 du même code dans la limite de dix jours par an ou d'effectuer des heures au-delà de la durée prévue par la convention de forfait conclue en application du I ou du II de l'article L. 212-15-3 du même code dans la limite de soixante-dix heures par an. Les heures, demi-journées ou journées effectuées à ce titre donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale à 10 %. Elles ne s'imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 212-6 du même code. Ce régime prend fin le 31 décembre 2008.

Article 4

I. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle à la taxe visée à l'article 1001 du code général des impôts.

II. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par l'institution d'une contribution additionnelle à la contribution visée à l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale.

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Avant l'article 1er

Amendements présentés par M. Maxime Gremetz :

·  Le quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est ainsi rédigé :

« Le refus d'effectuer les heures complémentaires proposées par l'employeur ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »

·  Après le quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les heures complémentaires donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des quatre premières heures et de 50% pour chacune des heures suivantes ».

·  Le premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail est abrogé.

·  Le I de l'article L. 212-5 du code du travail est ainsi rédigé :

« I. - Les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire minimale de 25 % pour chacune des quatre premières heures et de 50 % pour chacune des heures suivantes. »

·  Après l'article L. 212-5-2 du code du travail, il est inséré un article L. 212-5-3 ainsi rédigé:

« Art. L.  212-5-3.- Les heures supplémentaires ne peuvent s'effectuer qu'après l'accord exprès de chaque salarié concerné.

« Les heures supplémentaires ne peuvent être accomplies qu'au cas où l'entreprise ne peut recruter le personnel nécessaire pour faire face au surcroît d'activité, notamment  lorsqu'il n'existe pas de candidat pour le travail proposé.»

·  Après l'article L. 212-5-2 du code du travail, il est inséré un article L. 212-5-4 ainsi rédigé:

« Art. L. 212-5-4.- Le refus d'effectuer les heures supplémentaires conjoncturelles proposé par l'employeur ne constitue par une faute ou un motif de licenciement. »

·  Le septième alinéa de l'article L. 212-8 du code du travail est ainsi modifié :

« Le mot « sept » est remplacé par le mot « quinze» ».

·  Les deux dernières phrases du septième alinéa de l'article L. 212-8 du code du travail sont supprimées.

·  L'article L. 432-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 432-1.- Le comité d'entreprise et les délégués du personnel participent à la gestion des entreprises et à l'élaboration des décisions pour toutes les questions intéressant la durée et l'aménagement du temps de travail et ses effets sur le volume et la structure des effectifs, l'organisation du travail, les rythmes de production. Le comité d'entreprise est également compétent pour intervenir dans les mêmes conditions sur les projets du chef d'entreprise en matière d'organisation économique et juridique de l'entreprise, de choix de productions, d'investissements, de sous-traitance, d'externalisation ou de délocalisation des activités et productions de l'entreprise ou de l'établissement.

« Le comité d'entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, peuvent dans ces matières soumettre au personnel et au chef d'entreprise leurs propres propositions.

« Dans le cas où leurs propositions ne sont pas retenues, le comité d'entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, peuvent s'opposer aux décisions du chef d'entreprise.

« Sur décision du Comité d'Entreprise, ou à défaut des délégués du personnel les différends sont soumis à référendum décisionnel des salariés de l'entreprise ou de l'établissement.

« Au cas où le chef d'entreprise refuse de mettre à l'ordre du jour ou de traiter en réunion ou de soumettre au vote du comité ou des délégués du personnel un projet ou une décision dans une matière prévue au présent article le comité d'entreprise ou les délégués du personnel sont alors, sur demande du secrétaire, réunis et présidés par l'inspecteur du travail afin de permettre au comité d'entreprise ou aux délégués du personnel de débattre de la question en cause, d'exprimer leurs propositions et, le cas échéant, d'exercer leur droit d'opposition.

« Les projets et décisions du chef d'entreprise, les propositions et décisions du comité d'entreprise ou des délégués du personnel doivent reposer sur des motifs réels, sérieux et pertinents du point de vue économique et social, ils sont guidés par des objectifs sécurisant l'emploi, la formation, améliorant les conditions de vie et de travail des travailleurs, garantissant la satisfaction des besoins de la société, préservant l'environnement.

« Le chef d'entreprise peut contester la décision du Comité d'entreprise devant le tribunal de grande instance qui statue, en cas d'urgence, dans le délai de 30 jours. »

·  L'article 17 de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est abrogé.

·  I. - L'article 84 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 relative à la loi de finances rectificative pour 2002 est abrogé.

II - En conséquence, la loi n° 2001-7 du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises et les textes réglementaires s'y référant sont rétablis dans leurs rédactions antérieures à la loi précitée au I. »

·  L'article 3 de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi est abrogé.

·  I. - A.- L'article 15 de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 est abrogé.

B.- L'article 19 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail est ainsi rédigé :

« Les entreprises dont la durée collective du travail est fixée au plus soit à trente-cinq heures hebdomadaires, soit à 1 600 heures sur l'année, qui en fonction du nombre d'emplois créés et du nombre de salariés mis en formation à la charge de l'entreprise, bénéficient d'un allégement de charges selon deux modalités alternatives - au gré de l'accord d'entreprise - pour une période de sept ans :

« - soit un allégement de cotisations sociales défini à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale dans les conditions prévues au présent article.

« - soit un allégement des charges d'intérêt et de remboursement des crédits à moyen et long terme pour leurs investissements, sous forme d'une bonification modulée en fonction du nombre d'emplois créés et du nombre de salariés mis en formation à la charge de l'entreprise. Le barème correspondant de bonification sera défini par décret.

« Les entreprises remplissant les conditions fixées au présent article bénéficient de l'allégement de cotisations à la charge de l'employeur au titre de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale jusqu'au 31 décembre 2012.

« Les entreprises ou établissements dont la durée du travail excède trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures sur l'année bénéficient de l'allégement des cotisations sociales défini à l'article L. 214-13-1 du code de la sécurité sociale jusqu'au 31 décembre 2005.

« Le comité de suivi paritaire prévu au II de l'article 3 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 peut veiller à l'application de la réduction du temps de travail ainsi que les modalités d'organisation du temps de travail et du décompte de ce temps applicables aux salariés de l'entreprise et les modalités comme les délais selon lesquels les salariés doivent être prévenus en cas de modification des horaires. Il veille également au contrôle des embauches effectuées en conséquence des aides publiques perçues par l'entreprise. »

II - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par l'institution d'une contribution additionnelle à la contribution visée à l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale.

·  I. - A.- L'article 15 de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 est abrogé.

B.- L'article 19 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail est ainsi rédigé :

« Les entreprises dont la durée collective du travail est fixée, par accord ou convention, au plus soit à trente-cinq heures hebdomadaires, soit à 1 600 heures sur l'année, bénéficient d'un allégement de cotisations sociales défini à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale dans les conditions prévues au présent article.

« La convention ou l'accord fixe la durée du travail et précise les catégories de salariés concernés, les modalités d'organisation et de décompte du temps de travail, les incidences sur la rémunération de la réduction du temps de travail.

« L'accord d'entreprise doit entrer dans le cadre quantitatif des créations ou préservations d'emplois prévues à l'article 3 paragraphes IV et V de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail.

« Si l'entreprise réduit de 10 % la durée du travail et s'engage à procéder à des embauches correspondant à 6 % au moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail, elle bénéficie d'un allégement des cotisations à la charge de l'employeur.

« Si l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail et s'engage à préserver un volume d'emplois équivalent à 9 % au moins de l'effectif auquel s'applique la réduction du temps de travail, elle bénéficie alors d'un allégement majoré des cotisations.

« Les salariés à contrat à durée déterminée, les salariés embauchés et pour lesquels l'entreprise bénéficie d'une exonération totale ou partielle des cotisations patronales de sécurité sociale ou de l'application de taux spécifiques d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ne sont pas pris en compte pour l'appréciation du taux minimum d'embauche. Le nouvel effectif doit être maintenu pendant tout le temps ou l'entreprise bénéficie des allégements de cotisations. La durée et l'ampleur de la réduction est appréciée à partir d'un mode constante de décompte des éléments de l'horaire collectif.

« Le comité de suivi paritaire prévu au II de l'article 3 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 peut veiller à l'application de la réduction du temps de travail ainsi qu'aux modalités d'organisation du temps de travail et du décompte de ce temps applicables aux salariés de l'entreprise et aux modalités comme aux délais selon lesquels les salariés doivent être prévenus en cas de modification des horaires. Il veille également au contrôle des embauches effectuées en conséquence des aides publiques perçues par l'entreprise. »

II - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par l'institution d'une contribution additionnelle à la contribution visée à l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale.

·  « Par dérogation aux dispositions de la loi n° 2004-391 du mai 2004 relative au dialogue social, les conventions ou les accords collectifs relatifs à la réduction du temps de travail doivent, à peine de nullité, avoir recueilli les signatures d'organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections de Comités d'entreprise dans les entreprises de la branche d'activité considérée et s'étant déroulées au cours des deux années précédant la signature de l'accord ; cette majorité est constatée à partir des procès-verbaux d'élection qui sont adressés à l'administration compétente ; chaque année l'administration compétente informe les organisations syndicales de salariés et d'employeurs sur l'influence chiffrée de chaque organisation syndicale.

« Les accords d'entreprise doivent, à peine de nullité, avoir recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles dans l'entreprise. Au cas où ultérieurement à la signature de l'accord les syndicats signataires deviennent minoritaires, l'accord ne continue à produire ses effets qu'autant qu'il est renégocié et remplit à nouveau les conditions prévues au présent article »

·  « Pour les salariés affectés à des travaux pénibles, tels que définis par décret, pour les travailleurs postés, pour les travailleurs de nuit, travaillant au moins trois heures dans la tranche horaire comprise entre 22 heures et 5 heures, la durée légale du travail est fixée à 32 heures au 1er janvier 2006. »

Article 1er

Amendement présenté par M. Maxime Gremetz :

Supprimer cet article.

(Article L.  227-1 du code du travail)

Amendements présentés par M. Hervé Morin :

·  Dans le deuxième alinéa de cet article, après les mots : « permet au salarié », insérer les mots : « , en fin d'année, ».

(retiré en commission)

·  Après les mots : « des augmentations », rédiger ainsi la fin du sixième alinéa de cet article : « , ou des compléments du salaire de base, ou dans les conditions prévues par l'article L. 444-6 ».

(retiré en commission)

Article 2

Amendement présenté par M. Maxime Gremetz :

Supprimer cet article.

(Article L.  212-6-1 du code du travail)

Amendement présenté par M. Hervé Morin :

·  Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « ou un accord d'entreprise », insérer les mots : « conclu dans les conditions prévues aux articles L. 132-1 et L. 132-2 du code du travail, ».

(retiré en commission)

Amendements présentés par M. Maxime Gremetz :

·  Après le premier alinéa de cet article, insérer l'alinéa suivant :

« Le compte épargne-temps peut être utilisé par les salariés âgés de plus de cinquante ans désirant cesser leur activité, de manière progressive ou totale sans que la limite d'âge fixée à l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale leur soit opposable. »

Article 3

Supprimer cet article.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

¬ CGT-FO - Mme Michèle Biaggi, secrétaire confédérale, et Mme Lucile Castex, assistante confédérale

¬ CGPME - M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales, et M. Jean-François Veysset, membre du bureau et vice-président de la commission sociale

¬ MEDEF - M. Denis Gautier-Sauvagnac, président du groupement des propositions d'action « relations du travail », M. Alain Noqué, conseiller, M. Dominique Tellier, directeur des relations sociales, et M. Guillaume Ressot, chargé des relations avec le Parlement

¬ CGT - M. Roland Metz, conseiller confédéral, et M. Eric Thouzeau, conseiller confédéral

¬ CFE-CGC - M. Jean-Luc Cazettes, président, M. Alain Lecanu, délégué national au pôle emploi, et M. Guillaume Demigné, juriste

¬ CFDT - M. Rémi Jouan, secrétaire national, et M. Didier Prono

¬ CFTC - M. Michel Coquillion, secrétaire général-adjoint, Mme Joëlle Morisetti, conseillère technique, et M. Patrick Rouget, conseiller technique

¬ UPA - M. Pierre Perrin, président, M. Pierre Burban, secrétaire général, et M. Guillaume Tabourdeau, chargé des relations avec le Parlement

-----------

N° 2040 - Rapport sur la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise (M. Pierre Morange)

1 () Commissariat général du plan, « Réduction du temps de travail : les enseignements de l'observation », Rapport de la commission présidée par Henri Rouilleault, juin 2001.

2 () Michel de Virville, « Pour un code du travail plus efficace, rapport au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité », 15 janvier 2004.

3 () Un certain nombre de travaux récents analysent par ailleurs les écarts de croissance entre la France et d'autre pays européens ou les Etats-Unis, soulignant le fait que le PIB par tête français, après des années de rattrapage, stagne à 75 % du PIB américain, compte tenu d'une productivité horaire voisine, mais d'un taux d'emploi inférieur de 15 % et cumulativement d'un nombre d'heures travaillées par salarié inférieur également de 15 %.

4 () Matthieu Bunel, Travail et emploi, n° 98, avril 2004.

5 () Pierre Boisard, Travail et emploi, n° 100, octobre 2004.

6 () « Les réticences aux 35 heures : ce qu'en disent des entreprises de plus de vingt salariés », Premières informations et premières synthèses de la DARES, septembre 2004, n° 39.1. Enquête qualitative menée en 2003 auprès d'une trentaine d'entreprises afin d'analyser leurs réticences.

7 () Christine Erhel, Christine Gavini, Laurence Lizé, « La réduction du temps de travail », Presses Universitaires de France, 2003.

8 () Christine Erhel, Christine Gavini, Laurence Lizé, dans l'ouvrage précité.

9 () Hélène Garner, Dominique Meda, Claudia Senik, « La difficile conciliation entre vie professionnelle et vie familiale », Premières informations et premières synthèses de la DARES, décembre 2004, n° 50.3.

10 () « Le sursaut, vers une nouvelle croissance pour la France », La documentation française, 2004.

11 () Rapport d'information (n° 1519) présenté par M. Edouard Landrain au nom de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale sur l'aménagement du temps de travail en Europe, avril 2004.

12 () Bruce Dévernois, « Le rachat modulé du temps de travail », Les cahiers du DRH, n° 78, 28 mars 2003.

13 () Le Président de la République a également mentionné les deux principes suivants : «Il faut plus de liberté pour les travailleurs et notamment pour ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus et plus de liberté pour les entreprises afin de mieux s'adapter aux marchés et aux développements » ; « les salariés devront bien entendu y trouver leur compte sur leur feuille de paie ».

14 () Voir les développements qui y sont consacrés dans le rapport de la mission d'information commune sur l'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail précité.

15 () Michel de Virville, « Pour un code du travail plus efficace, rapport au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité », 15 janvier 2004.

16 () Au cours des auditions, tant l'économiste Michel Godet que le sociologue Jean Viard avaient en effet insisté sur cette ouverture nécessaire, l'arythmie devant présider à la nouvelle conception du temps, délimité au cours d'une vie par une succession de périodes d'intense travail, ou de congés par exemple.

17 () Proposition de loi (n° 1762) de M. Pierre Morange et plusieurs de ses collègues tendant à redonner au salarié la liberté de choix de son temps de travail grâce au compte épargne-temps et à la négociation collective dans le cadre des 35 heures.

18 () Voir à cet égard par exemple l'article de Bruce Devernois, « Le rachat modulé du temps de travail », Les cahiers du DRH, n° 78, 28 mars 2003 : « Il y a (...) les difficultés de recrutement dans certains métiers et pour certaines compétences. Il y a la difficulté de gérer les hausses temporaires des commandes des clients qui ne justifient pas toujours l'embauche d'un salarié à plein temps ou qui ne peuvent être satisfaites par le recrutement d'un intérimaire ou d'un contrat à durée déterminée, en particulier quand le poste nécessite un temps de formation relativement long ».

19 () Christine Erhel, Christine Gavini, Laurence Lizé, « La réduction du temps de travail », Presses Universitaires de France, 2003.

20 () Voir, à titre d'exemple, l'article de Mme Nathalie Dedessus-Le-Moustier, « Les fonctions du compte épargne-temps », Droit social, n° 6, juin 1998.

21 () Voir l'article précité de Mme Nathalie Dedessus-le-Moustier.

22 () Rapport (n° 1826) de M. Gaëtan Gorce établi au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

23 () Selon le rapport précité.

24 () Les éléments d'information présentés ci-après sont issus des différents bilans de la négociation collective établis chaque année par les services du ministère en charge du travail.

25 () Directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

26 () Sachant qu'un décret pris après conclusion d'une convention ou d'un accord collectif de branche peut prévoir que cette durée hebdomadaire calculée sur une période de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-six heures ».

27 () Rapport (n° 231) fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales par M. Pierre Morange sur le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

28 () Ou, en principe, un accord d'entreprise ou d'établissement depuis la loi du 4 mai 2004, dont la portée sur ce point reste cependant incertaine, puisqu'elle a modifié la mesure codifiée (article L. 212-5 du code du travail), mais pas l'article 5 de la loi Aubry II.

29 () Voir, à titre d'illustration, les longs développements consacrés à cette question dans le rapport (n°1544) de la mission d'information commune sur l'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail, déposé en avril 2004.


© Assemblée nationale