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le 30 mai 2005

N° 2342

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 mai 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
SUR LE PROJET DE LOI (n° 2249), APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE,
pour la confiance et la modernisation de l'économie,

PAR M. Gilles CARREZ

Rapporteur général,

Député

--

_________________________________________________________________________________________

Voir numéros : 2329 et 2333.

I.- AUDITION 7

II.- EXAMEN DES ARTICLES 21

TITRE PREMIER : ADAPTER L'ENVIRONNEMENT JURIDIQUE DES ENTREPRISES 25

TITRE II : MODERNISER LES OUTILS DE FINANCEMENT DES ENTREPRISES 49

TITRE III SIMPLIFIER L'ACCÈS AU MARCHÉ ET RENFORCER LA CONFIANCE DES INVESTISSEURS 77

TITRE IV FINANCER LA CROISSANCE PAR LA MOBILISATION DE L'ÉPARGNE 211

TITRE V : AUTRE DISPOSITIONS 263

TABLEAU COMPARATIF 277

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 343

Mesdames, Messieurs,

Votre Commission des finances a examiné le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie dans ses séances des 11 mai 2005, 12 mai 2005 et 25 mai 2005.

Le présent rapport retrace ses travaux.

I.- AUDITION

La Commission a entendu M. Thierry Breton, Ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie dans sa séance du 11 mai 2005.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que la présentation de ce projet correspond bien à la demande explicite de la Commission d'éviter des textes trop hétérogènes.

M. Thierry Breton, Ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, a indiqué que ce projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie a pour ambition de mettre en place, près de deux ans après le vote de la loi de sécurité financière, une stratégie de croissance des entreprises, en modernisant leur fonctionnement et en leur facilitant l'accès à des outils de financement modernes. Pour autant, il ne s'agit pas d'oublier les leçons apprises à l'occasion de l'explosion de la bulle Internet. L'entreprise n'est pas, et ne doit pas être enfermée dans un colloque singulier avec ses actionnaires, mais construire une relation de confiance avec ses clients - ce sera l'objet du texte que présentera M. Christian Jacob sur la modernisation des relations commerciales -, mais aussi avec ses salariés. C'est le rôle de la participation et de l'intéressement, qui s'appuient en France sur une longue tradition, mais qui ne sont pas encore répandus dans les entreprises de plus petite taille.

L'objet principal du texte est d'orienter l'épargne des Français vers les entreprises. L'État a plusieurs outils à sa disposition pour accomplir cet objectif. S'agissant des outils fiscaux, leur discussion aura lieu, comme il est naturel, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances. Mais il est aussi d'autres leviers d'action, et le présent projet en comporte deux.

Il s'agit d'abord de conforter la confiance dans l'investissement en actions, en renforçant la transparence des marchés et en s'assurant que l'autorité de contrôle a tous les moyens de remplir sa mission. Il s'agit, ensuite, de rendre la croissance économique possible sur les marchés, en accompagnant de manière progressive les entreprises dans leurs obligations, à mesure qu'elles abordent des marchés plus matures.

Les introductions en bourse ont redémarré et permis la levée de 38 milliards d'euros en Europe en 2004, contre 9 milliards en 2003. En France, Euronext a connu une cinquantaine d'introductions, dont 42 sur les marchés parisiens, pour 5,5 milliards d'euros. Mais ce sont trop souvent l'État et les entreprises publiques qui animent le marché. Le nombre d'introductions d'entreprises « de croissance » reste trop faible : l'an dernier, 31 introductions ont eu lieu sur le second marché et sur le marché libre, pour lever 140 millions d'euros, tandis que, sur l'Alternative Investment Market londonien, 300 introductions ont permis de lever 6,7 milliards, dont 4 milliards en actions nouvelles. Les marchés ne sont pas totalement comparables, car le London Stock Exchange est plus étroit que la Bourse de Paris, et l'Alternative Investment Market cote plus de fonds que d'entreprises au sens commun du terme, mais le décalage reste impressionnant. Euronext, entreprise privée, a réagi en réorganisant sa cote par la fusion des anciens « premier », « second » et « nouveau » marchés dans une « Euroliste » unique, tout en garantissant l'animation du marché des petites capitalisations par la sélection d'analystes chargés de les suivre. Le législateur a accompagné cette réforme en réorganisant, dans la loi de finances pour 2005, les curseurs fiscaux en fonction d'un critère de capitalisation : ce sont désormais les capitalisations inférieures à 150 millions d'euros qui sont exonérées d'impôt de bourse. Euronext a également lancé un nouveau marché non réglementé, mais plus organisé que le marché libre : Alternext. La première introduction y aura lieu le 18 mai prochain.

Le rôle d'un État moderne est d'accompagner la mutation des marchés en fournissant un environnement juridique adapté. Les pouvoirs publics ont récemment homologué le règlement général de l'AMF, qui permet à Alternext de commencer à fonctionner à droit constant. Mais le présent projet de loi lui permettra de se développer dans un cadre juridique taillé sur mesure, grâce à la réforme de l'appel public à l'épargne, notion spécifique à la France.

Les directives européennes, par exemple, ne connaissent et ne régissent que les marchés réglementés, sur lesquels sont admis à la négociation les titres des sociétés dites « cotées ». Le droit français protège, quant à lui, les épargnants quel que soit le marché, dès lors que le placement a fait l'objet d'une publicité, d'un démarchage ou de l'intervention d'un intermédiaire financier. Le monolithisme de cette notion faisait problème : en raison de la protection toujours plus importante des marchés réglementés, les obligations imposées aux entreprises faisant appel public à l'épargne ont été progressivement alourdies. Il en est résulté un véritable effet de seuil entre le financement de gré à gré et l'accès au marché boursier : cette marche d'escalier est un blocage malvenu, à un stade crucial de la croissance de nos entreprises.

Le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie tend donc à organiser une démarche progressive d'accès aux marchés financiers, au moyen de deux mesures. La première consiste à élargir, de manière limitée, les exceptions à l'appel public à l'épargne, afin que les entreprises bénéficient d'un sas d'apprentissage des règles de fonctionnement d'un marché, en ajoutant deux nouvelles exceptions, dans le même esprit que celles déjà existantes. Seraient ainsi exemptées les petites opérations, de l'ordre de moins de 2,5 millions d'euros, celles qui précisément, aujourd'hui, ne peuvent être réalisées en raison des coûts de placement du régime d'appel public à l'épargne. De telles opérations sont en réalité davantage destinées à solliciter des personnes déjà proches de l'entreprise, plutôt que le grand public. Symétriquement, les opérations pour lesquelles le « ticket d'entrée » est supérieur à une certaine quotité, par exemple 50.000 euros, seraient elles aussi exemptées, le public capable de débourser une telle somme pouvant être considéré comme averti. Le premier accès au marché serait ainsi facilité, en « solvabilisant » deux segments : le financement de proximité et le marché de gros.

Le deuxième axe de la réforme est sans doute le plus important : il s'agit d'établir une gradation dans les obligations découlant de l'appel public à l'épargne. Les marchés réglementés sont fréquentés par le grand public des actionnaires individuels, et la protection doit donc y être maximale. En revanche, il est légitime que les émetteurs qui recourent aux marchés non réglementés aient moins de contraintes. L'article 8 du projet de loi prévoit donc que les obligations d'information financière pourront être « déclinées » par le règlement général de l'AMF selon les marchés considérés : il y aura un appel public à l'épargne « de base » et un appel public à l'épargne spécifique aux marchés cotés. Parallèlement, un marché organisé qui, comme Alternext, recherche un label de qualité, pourra obtenir un corpus de règles intermédiaires, lui permettant d'attirer une base solide d'investisseurs en restant adapté au public des jeunes émetteurs.

C'est donc une « respiration » intelligente de la notion d'appel public à l'épargne qui est proposée au Parlement. Mais l'orientation de l'épargne vers les entreprises grâce au développement des marchés ne se fera pas sans conforter la confiance. C'est pourquoi les articles suivants mettent en place une série de mesures pour mettre les marchés réglementés aux meilleurs standards européens. Ainsi, les règles relatives au prospectus diffusé lors de l'émission des titres sont revues, notamment pour prévoir un résumé, plus accessible aux investisseurs, ainsi qu'une mise à jour tenant compte de faits significatifs ayant touché l'émetteur.

Parmi les mesures permettant de renforcer la confiance des investisseurs, figurent notamment l'extension du champ de compétence de l'AMF en matière d'injonction et de sanction ; un meilleur encadrement des recommandations d'investissement portant sur des titres cotés, y compris lorsqu'elles émanent de journalistes financiers ; le renforcement des règles relatives à l'information périodique des investisseurs ; une coopération accrue entre l'AMF et ses homologues européennes.

Ces dispositions viennent compléter celles du DDAC sur les marchés financiers que le Sénat a adopté en première lecture, et que l'Assemblée nationale examinera peu après le présent projet. Il met en place deux nouvelles procédures sur les marchés réglementés : la tenue par les entreprises et leurs correspondants de listes d'initiés, qui ont accès à des informations privilégiées, et la mise en place d'une obligation de déclaration de soupçon des opérations d'initiés par les intermédiaires financiers qui reçoivent un ordre suspect.

Le renforcement du pouvoir de sanction de l'AMF est essentiel au bon fonctionnement des marchés financiers. Le droit français actuel prévoit que l'AMF doit faire la preuve, avant de sanctionner une manipulation de marché, que celle-ci a eu un impact effectif sur le cours d'un titre ou sur le bon fonctionnement du marché. Or, un comportement condamnable ne parvient pas forcément à ses fins. Le droit européen considère, quant à lui, que le manquement est punissable dès lors que les comportements fautifs sont avérés. Cette conception est de nature à accroître l'efficacité de l'AMF, qui a présentement beaucoup de mal à sanctionner les manipulations de cours, et qui pourra désormais sanctionner les tentatives de délits d'initiés. Enfin, le projet de loi réorganise le champ d'application des délits et manquements boursiers sur les marchés : les abus de marché seront désormais sanctionnés, même sur les marchés non réglementés, grâce aux sanctions administratives de l'AMF.

Pour compléter cet arsenal élargi, le Gouvernement réfléchit à confier à l'AMF un pouvoir de transaction en matière de manquements et de délits boursiers. Parallèlement, il conviendra de relever le quantum des sanctions, aujourd'hui réduit quand bien même le comportement est grave, dès lors que les profits réalisés n'ont pas été importants. Une telle démarche renforcerait l'autorité de l'AMF, en lui permettant de punir rapidement un comportement fautif. Le Ministre de l'Économie a un dialogue très constructif avec le Garde des Sceaux sur l'éventualité de la mise en place d'une telle procédure. La consultation de la place, dans toutes ses composantes, émetteurs et investisseurs, et des professions juridiques est indispensable. Le Parlement devrait donc être saisi prochainement d'un texte conjuguant l'attractivité de cette procédure, sa sécurité juridique et le respect des prérogatives de la justice.

Au-delà de l'accès aux marchés, ce projet de loi comporte plusieurs dispositions susceptibles de diversifier le financement des entreprises et d'accompagner leur effort d'innovation et de recherche.

Ainsi, un régime adapté est-il proposé pour les financements apportés par les sociétés de revitalisation économique, qui ont vocation à se développer pour accompagner la mutation des territoires.

La réforme du droit des sûretés, qui va réintégrer dans le code civil les nombreuses innovations jurisprudentielles qui ont permis d'adapter les sûretés au monde moderne, permettra aux entreprises de mobiliser dans un cadre juridique plus sécurisé leurs actifs pour obtenir des financements au meilleur coût. Avec la réforme du soutien abusif votée dans le cadre de la loi de sauvegarde des entreprises, c'est un pas de plus pour débloquer l'accès aux financements des entreprises.

Pour ce faire, compte tenu de la longueur des dispositions à prendre, le Gouvernement demandera au Parlement de l'habiliter à légiférer par ordonnance. Cette habilitation permettra notamment au Gouvernement de réformer l'hypothèque. Il s'agit d'assouplir les conditions d'emploi de la sûreté réelle la plus pratiquée par les particuliers, mais aujourd'hui en perte de vitesse, et de rendre possible l'émergence de deux nouveaux produits : l'hypothèque rechargeable et le viager hypothécaire.

Ces réformes ont pour objectif d'élargir l'accès au crédit en abaissant son coût. Le droit français est très focalisé, en matière de prêts, sur la situation personnelle de l'emprunteur, tandis que d'autres pays fondent davantage leur analyse sur la situation « réelle », c'est-à-dire sur l'existence d'une garantie. Le système français a ses avantages, dans la mesure où il limite les accidents de parcours. Mais il a aussi ses défauts : les personnes qui ne peuvent apporter la preuve de revenus réguliers - les entrepreneurs notamment - sont souvent exclues du crédit. Il est donc important de garder une dose de prêts dits « réels » pour pouvoir répondre à toute la demande.

Quant au viager hypothécaire, il vise à ouvrir, dans des conditions sécurisées, le crédit aux personnes âgées, dont les besoins croissent avec l'espérance de vie.

D'une manière plus générale, cette réforme s'inscrit dans le cadre d'une démarche d'ensemble que le Gouvernement souhaite engager à partir de la rentrée pour débloquer l'accès au crédit. Il a été demandé au Comité consultatif du secteur financier d'engager une étude économique approfondie, afin de comprendre comment se rencontrent, dans ce secteur, l'offre et la demande, et d'analyser les points de blocage.

Dans un registre différent, le projet de loi comporte une mesure législative indispensable au bon fonctionnement de l'Agence de l'innovation industrielle voulue par le Président de la République, et qui aura pour mission de participer, aux côtés d'industriels, au financement de grands projets mobilisateurs d'innovation industrielle. L'Agence sera créée par décret, sous la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial, à directoire et conseil de surveillance. En revanche, il est nécessaire de déroger à la loi de démocratisation du secteur public pour élargir le conseil de surveillance à un représentant de l'Assemblée Nationale, un représentant du Sénat et six personnalités qualifiées.

Enfin, le dispositif sera complété par une mesure complémentaire destinée à encourager les entreprises à profiter des bons résultats qu'elles ont engrangés en 2004 pour participer à l'effort d'investissement sur l'avenir. En effet, la France est en retard sur ses objectifs de Lisbonne, non pas tant, d'ailleurs, sur la composante publique de la recherche que sur celle effectuée par les entreprises, les PME en particulier, qui peinent à trouver le financement nécessaire. En outre, les liens entre recherche publique et recherche privée ne sont pas assez développés.

C'est pourquoi il est proposé une mesure exceptionnelle, qui comporte deux volets, répondant à chacune de ces préoccupations. Avec un plafond commun de 2,5 % de leur impôt sur les sociétés, pour l'encouragement de la recherche dans les PME, les entreprises auront la possibilité de déduire de leur impôt 2004 le quart des sommes apportées à des PME innovantes lors d'une augmentation de capital, directement ou par l'intermédiaire de fonds de capital-risque. Pour ce qui a trait aux partenariats entre les entreprises et les laboratoires de recherche, les entreprises pourront déduire 65 % des sommes qu'elles verseront à un centre de recherche pour le financement d'un projet de recherche.

Le projet de loi adapte également, sur deux points, la gouvernance de l'entreprise.

Il s'agit d'abord de rendre possible la participation aux conseils d'administration sous forme de conférence téléphonique, en allant un peu plus loin que le régime actuel qui autorise, depuis 2001, la visioconférence. Il s'agit ensuite de faciliter la tenue de conseils plus fréquents, voire précipités lorsque l'urgence l'exige, ainsi que de diversifier les conseils d'administration en intégrant plus facilement des administrateurs issus d'autres régions, voire d'autres pays. Il est toutefois prévu qu'au moins une réunion par an devra se tenir intégralement sous la forme classique, afin d'examiner les comptes et la proposition de dividende.

La deuxième disposition abaisse les quorums nécessaires pour la première convocation de l'assemblée générale. Les quorums actuels n'étant jamais réunis, cette première réunion est devenue une formalité qui coûte du temps et de l'argent, pour aboutir au résultat contre-productif que les assemblées se tiennent finalement sans quorum. Un quorum réaliste renforcerait la motivation des entreprises pour le réunir dès la première convocation, et serait donc le gage d'une meilleure participation.

Une autre disposition permettra d'appliquer aux dirigeants d'entreprises publiques des règles similaires à celles applicables aux entreprises privées en matière de limite d'âge. L'âge de référence restera fixé à 65 ans, mais les textes législatifs et réglementaires régissant les établissements publics de l'État pourront prévoir d'y déroger, comme peuvent déjà le prévoir les statuts des sociétés commerciales.

Enfin, il paraît important de fluidifier, autant que possible, les rapports entre la sphère publique et la sphère privée. C'est dans cet esprit que le Gouvernement proposera un amendement tendant à réduire le délai au terme duquel un fonctionnaire est autorisé à rejoindre une entreprise dans un secteur qu'il a eu à connaître au titre de ses précédentes fonctions. Ce délai sera désormais fixé, comme dans la plupart des pays voisins, à deux ans. Cette disposition permettra de concilier le nécessaire respect des règles déontologiques et la souhaitable perméabilité entre la fonction publique et le secteur privé.

Le titre 1er consacré à la gouvernance des entreprises accueillera également des dispositions relatives à la rémunération des mandataires sociaux. Face à l'émotion légitime provoquée par un cas particulier récent, le Gouvernement, en accord avec la commission des Lois et son Président, a voulu réagir rapidement et réaffirmer le rôle des actionnaires en la matière. Un amendement du président Pascal Clément vise à améliorer l'information donnée aux actionnaires, dans le cadre du rapport annuel, sur les rémunérations - quelle qu'en soit la nature et y compris les rémunérations différées - des mandataires sociaux. Le Gouvernement apporte son entier soutien à cet amendement qui permettra d'améliorer la transparence en la matière, gage d'une certaine sagesse, et souhaite compléter cette initiative par des dispositions visant à faire jouer aux actionnaires tout leur rôle, en toute sécurité juridique, en évitant toutefois la démagogie qui guette toujours, s'agissant de questions de cette sorte.

De même que la commission des Lois, le Gouvernement n'est pas favorable à un vote de l'assemblée générale sur la rémunération ordinaire du dirigeant, non plus qu'à un vote consultatif dont on identifierait mal la portée. En revanche, il souhaite que soient désormais soumises à l'assemblée générale, au titre des conventions réglementées, les éléments de rémunérations particulières des mandataires sociaux, y compris les retraites « chapeau » et les indemnités de départ. Par cohérence, il semble également nécessaire de revoir les règles permettant de maintenir un contrat de travail tout en exerçant un mandat social au sein de la même société car, à l'exception des mandataires sociaux représentant les salariés, le rôle des actionnaires et des organes sociaux doit être le même à l'égard de tous les mandataires sociaux.

Le dernier volet de ce projet de loi vise à développer l'intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise dans le monde des PME. La participation est aujourd'hui obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. De manière plus souple, les chefs d'entreprises peuvent négocier des plans d'intéressement avec les partenaires sociaux. Mais force est de constater que ceux-ci restent quand même réservés aux plus grandes entreprises : 61 % des entreprises de plus de 1.000 salariés ont un accord d'intéressement, mais ce taux est seulement de 20 % des entreprises ayant entre 50 et 100 salariés, et de 7,4 % entre 10 et 50 salariés.

Le titre IV du projet de loi tend à faire sortir l'intéressement de ses bases traditionnelles en renforçant les incitations à le mettre en place. Ainsi, le dirigeant d'une entreprise de moins de 100 salariés pourra désormais y accéder, ce qui n'est aujourd'hui le cas que pour les chefs d'entreprise dotés d'un contrat de travail, chose plus fréquente dans les grandes entreprises que dans les petites. Plus directement concerné lui-même, le chef d'entreprise sera incité à mettre en place un système bénéfique pour l'ensemble des salariés. C'est ce qui s'est produit avec les plans d'épargne entreprise lorsque le bénéfice en a été ouvert aux chefs d'entreprise par la précédente majorité. Pour prévenir les excès, il est toutefois prévu que le montant maximum de l'intéressement ne peut dépasser le salaire le plus élevé de l'entreprise.

Le projet tend également à aligner le régime de l'actionnariat salarié dans les sociétés non cotées sur celui des entreprises cotées : elles pourront également offrir un rabais de 20 à 30 % sur les actions distribuées aux salariés. Parallèlement, différentes mesures visent à renforcer l'information et la formation des salariés sur l'épargne salariale.

Pour aller plus loin, il sera proposé à l'Assemblée nationale d'intégrer au projet de loi une mesure permettant le versement d'une prime exceptionnelle d'intéressement sur les résultats 2004. Les entreprises pourront, si elles ont un accord d'intéressement, verser soit 15 % supplémentaires par rapport à l'intéressement versé en 2004, soit 200 euros par salarié, si cela est plus favorable, en conservant le régime social de l'intéressement. Un dispositif similaire sera également offert aux entreprises dans lesquelles il n'y a pas d'accord d'intéressement : le curseur sera alors fixé à 200 euros par salarié, dès lors que la négociation portera aussi sur l'opportunité de mettre en place un accord d'intéressement pour l'avenir. Ainsi, ces entreprises auront mis le pied à l'étrier, et sans doute un certain nombre d'entre elles y resteront accrochées.

Parallèlement, le Ministre délégué aux relations du travail, a commencé à réfléchir, avec deux parlementaires en mission, MM. François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain, aux pistes lancées le 23 mars dernier par le Premier ministre pour rénover la participation. Compte tenu des réactions des parties prenantes, sans doute est-il important de conserver le principe du blocage de la participation, mais sans doute aussi faut-il ouvrir le libre choix au niveau de la négociation collective. Mais il faut également tenir parole : le Premier ministre ayant annoncé ce libre choix dès 2005, une mesure de déblocage ponctuelle figure dans le projet de loi.

Le Président Pierre Méhaignerie, a souligné qu'un certain nombre des points évoqués ne seraient traités qu'à l'occasion de la loi de finances, et a donc invité les députés présents à faire porter leurs questions et observations sur le contenu du projet de loi proprement dit. Il a également émis le souhait que les amendements du Gouvernement soient diffusés le plus tôt possible, car il ne serait pas de bonne méthode de n'en avoir connaissance que la veille, voire le jour de l'ouverture de la discussion en séance publique, fixée au mardi 31 mai.

M. Thierry Breton, Ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, a indiqué que les amendements, au nombre d'une demi-douzaine, étaient quasiment prêts, et seraient communiqués à la Commission, en tout état de cause, avant la suspension des travaux de l'Assemblée nationale.

Votre Rapporteur général a souhaité obtenir des précisions sur l'exécution du budget. Parmi les dépenses votées, 4 milliards avaient été gelés de façon à faire face à des événements imprévus ; or il semble que ceux-ci aient déjà suscité, hors OPEX, des dépenses estimées à 2 milliards. Le Ministre sera-t-il bien, comme il l'avait annoncé, « intraitable » sur la maîtrise des dépenses ? S'il l'est, il pourra compter sur le soutien résolu de la majorité de la Commission.

M. Thierry Breton, Ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, a dit partager en tous points l'analyse du Rapporteur général et a confirmé qu'il serait « intraitable » dans les arbitrages, dût sa popularité en souffrir...

Votre Rapporteur général, a remercié le Ministre et le Gouvernement d'avoir accepté de scinder le projet de loi dit Jacob, qui eût été, dans le cas contraire, trop long et trop hétéroclite. L'élargissement des exceptions à la procédure d'appel public à l'épargne est essentiel, car il crée un moyen terme entre financement de gré à gré et accès au marché réglementé. La transposition des directives « Prospectus » et « Transparence » vient à point nommé, près de deux ans après la loi sur la sécurité financière. Le recours aux ordonnances pour réformer le droit des sûretés est également bienvenu, car le développement du crédit hypothécaire permettra de relancer le financement du logement et l'accession à la propriété.

La relance de l'intéressement passe notamment par des incitations plus fortes dans les entreprises de moins de 100 salariés, et il faut se réjouir qu'un amendement du Gouvernement permette un abondement exceptionnel, compte tenu des excellents résultats des entreprises en 2004. Mais ne faudrait-il pas aller plus loin, et traiter également de la participation ? Le sujet mériterait, il est vrai, de par son importance, un projet de loi spécifique.

S'agissant enfin des rémunérations des dirigeants, il faut distinguer la question de la transparence, qui doit être absolue y compris pour les rémunérations stricto sensu, de celle des modalités de leur fixation. Il est raisonnable de prévoir que seules les rémunérations accessoires ou différées seront décidées par l'assemblée générale des actionnaires dans le cadre de conventions réglementées, mais le risque existe que certains éléments, par exemple ceux qui sont la contrepartie de clauses de non-concurrence, soient alors réintégrés dans la rémunération stricto sensu ; il convient donc que celle-ci soit connue des actionnaires, mais non pas votée par eux, car il y aurait alors danger de paralysie.

M. Tony Dreyfus, après avoir insisté pour que les amendements du Gouvernement soient connus aussitôt que possible et regretté que cette procédure ne permette pas de prendre l'avis du Conseil d'État sur les dispositions concernées, a jugé que le contenu du projet lui-même était par trop lisse, et donnait une impression d'inachèvement. Des précisions seraient notamment nécessaires sur les incitations données aux entreprises pour augmenter l'intéressement, ainsi que sur le déblocage des fonds de participation.

M. Philippe Auberger a approuvé les orientations du projet de loi, qui se situe dans la continuité de la loi de sécurité financière, mais s'est inquiété des conditions dans lesquelles intervient le réveil du marché financier des actions. Certaines entreprises consacrent en effet leurs résultats à racheter leurs propres actions, créant un phénomène d'attrition qui n'est pas forcément souhaitable. De plus, l'activité du marché est très liée à la mise sur le marché des entreprises publiques : le calendrier prévu sera-t-il tenu en ce qui concerne GDF, puis EDF ? L'épargne française est actuellement trop liquide, et a tendance à se porter sur les produits de taux plutôt que sur les actions, notamment pour des raisons fiscales, au nombre desquelles on peut identifier la suppression récente de l'avoir fiscal. Il est donc temps que la réflexion en cours sur la fiscalité de l'épargne dans son ensemble aboutisse.

Enfin, l'article 8 du projet de loi permet aux sociétés locales d'épargne, qui dépendent des caisses d'épargne, de procéder à des appels de fond. Quel est l'objet de cette disposition ? Une partie des sommes collectées sera-t-elle affectée au Fonds de réserve des retraites ?

M. Nicolas Perruchot a estimé que nombre des dispositions du projet de loi allaient dans le bon sens, notamment celles relatives à l'accès des PME à l'épargne, au renforcement des pouvoirs de l'AMF, à la gouvernance des entreprises et à l'intéressement. Il y a lieu d'être plus sceptique, en revanche, sur l'opportunité de créer une Agence de l'innovation industrielle. L'article 21, relatif aux tabacs, laisse hélas de côté le problème de fond posé par les achats croissants effectués au Luxembourg ou en Espagne, où les prix des cigarettes sont plus bas. Le manque à gagner, pour l'État, est estimé à quelque 2 milliards d'euros en année pleine. Quant aux dispositions relatives aux rémunérations des dirigeants d'entreprises, s'appliqueront-elles aussi aux entreprises publiques ? Et que se passera-t-il lorsqu'une assemblée générale refusera d'adopter une convention réglementée ? L'argent devra-t-il être rendu ?

M. Hervé Novelli a estimé que le problème principal est celui de l'orientation de l'épargne vers l'entreprise, et demandé si des mesures fiscales étaient envisagées, soit dans le cadre du projet de loi en faveur des PME, soit dans celui de la loi de finances pour 2006, afin de favoriser les investissements des personnes physiques dans les PME. Il s'est également enquis de l'intention éventuelle du Gouvernement d'étendre le champ du crédit d'impôt recherche pour parer à l'atonie de la recherche privée.

M. Jean-Pierre Balligand s'est dit perplexe quant aux conséquences de l'article 2, qui tend à abaisser à 20 % le quorum requis pour la tenue de l'assemblée générale des actionnaires. La vraie question, selon lui, est celle de savoir comment favoriser la participation des actionnaires individuels, étant donné que les investisseurs institutionnels ont d'autres moyens d'exercer leur contrôle. Les interrogations suscitées par les dispositions relatives à l'épargne salariale et à la participation ne sont pas moindres. Quelle cohérence y a-t-il à permettre le déblocage de la participation, lorsque l'on dit vouloir orienter l'épargne à long terme vers l'entreprise ? S'agit-il d'un infléchissement de la doctrine jusqu'ici en vigueur, ou d'une simple mesure ponctuelle destinée à stimuler la consommation ?

M. Jean-Jacques Descamps a dit partager cette dernière interrogation.

M. Thierry Breton, Ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, a apporté, en réponse aux différents intervenants, les précisions suivantes :

- le but du présent projet n'est pas de réformer la participation, sujet assez important et complexe pour faire l'objet, sans doute en 2006, d'un texte sui generis, lequel sera notamment alimenté par les réflexions de la mission confiée à MM. François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain. Quant à l'intéressement, il bénéficie d'une mesure exceptionnelle cette année, en raison des résultats eux-mêmes exceptionnels enregistrés par les entreprises en 2004 ; elle devrait inciter celles qui n'ont pas encore de dispositif d'intéressement à en adopter un, et leurs salariés à le revendiquer ;

- le projet est moins complexe qu'il n'y paraît, et moins « lisse » que n'a bien voulu le dire M. Tony Dreyfus. Les amendements du Gouvernement ne seront guère nombreux, et seront communiqués sans tarder à la Commission : quatre porteront sur la transparence des rémunérations des dirigeants, un autre tend à ramener à deux ans le délai dans lequel un fonctionnaire est autorisé à rejoindre une entreprise dans un secteur dont il a eu à connaître dans l'exercice de ses fonctions ;

- le Gouvernement considère, comme M. Philippe Auberger, que la vocation d'une entreprise ne consiste pas à racheter ses propres actions, et les services du ministère réfléchissent actuellement à un dispositif qui permettrait de mieux encadre cette pratique ;

- tout est prêt pour l'ouverture du capital de GDF, mais celle-ci devra attendre le redressement des marchés, annoncé pour la fin de mai ou le début de juin 2005. Quant à celle d'EDF, les récents développements intervenus en Italie permettent de l'envisager pour la fin de l'année 2005. Les deux entreprises devraient ainsi être en mesure de trouver les fonds propres dont elles ont besoin pour leur développement ;

- l'Agence de l'innovation industrielle sera financée à hauteur de 2 milliards par les revenus des privatisations ;

- l'article 21 relatif aux tabacs ne vise pas à résoudre le problème fiscal évoqué par M. Nicolas Perruchot, et qui recevra une réponse dans un autre cadre, mais à éviter que soit contournée une législation destinée à protéger la santé publique ;

- les dispositions relatives aux rémunérations des dirigeants d'entreprises s'appliqueront naturellement aux entreprises publiques. Les assemblées générales auront à voter, sur proposition des commissaires aux comptes, des conventions réglementées portant sur toutes les rémunérations différées ou donnant lieu à contractualisation, hors rémunérations normales annuelles. Cette solution de bon sens est également celle qui offre la meilleure sécurité juridique. Une convention repoussée par l'assemblée générale ne pourra s'appliquer, et personne n'aura à rendre d'argent, puisque les sommes, par définition s'agissant de rémunérations différées, n'auront pas été versées ;

- le crédit d'impôt recherche fonctionne bien, mais peut-être n'est-il pas assez connu ni, donc, assez utilisé. Le Gouvernement l'a déjà augmenté, mais n'exclut pas de le faire à nouveau, si cela apparaissait nécessaire ;

- l'abaissement de 25 % à 20 % du quorum requis pour la tenue des assemblées générales n'a pas pour but de permettre à celles-ci de se réunir en petit comité, ce qu'elles font déjà, du reste, lors de la seconde convocation, après que la première a échoué. Il s'agit, en fixant un seuil réaliste, d'inciter les actionnaires à se déplacer dès la première convocation, afin de pouvoir délibérer valablement, sans perdre inutilement plusieurs semaines. Au demeurant, les assemblées qui, actuellement, réussissent à atteindre le quorum dès la première convocation sont généralement celles qui sont le mieux contrôlées par un petit nombre de gros actionnaires, ce qui n'est pas forcément un gage de démocratie.

M. Pierre Bourguignon a insisté pour que le Gouvernement dépose ses amendements dans les plus brefs délais et a demandé si un bilan avait été fait de la mesure d'exonération fiscale des dons que l'article 14 tend à proroger. On peut craindre en effet que son principal, sinon son seul effet ait été de permettre à des gens déjà fortunés d'échapper à l'impôt.

Usant de la faculté, reconnue par l'article 38 du Règlement, à tout député qui n'est pas membre d'une commission permanente d'y prendre la parole, M. Arnaud Montebourg a demandé au Ministre le nombre exact d'amendements qu'il entendait déposer : s'il en a annoncé une demi-douzaine, il n'en a énuméré que cinq. Le sixième ne serait-il pas celui qui consisterait à étendre, comme il en avait été question à propos du projet de loi Gaymard-Jacob, la procédure du « plaider-coupable », fort critiquée récemment, et à juste titre, par la Cour de cassation, au domaine de compétence de l'AMF ? Il y aurait tout lieu de craindre, si tel était le cas, un danger d'étouffement pur et simple des « affaires ».

M. Thierry Breton, Ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, a affirmé qu'aucun amendement en ce sens ne serait déposé par le Gouvernement. Celui-ci réfléchit en revanche à l'idée de donner à l'AMF un pouvoir de transaction, mais toute réforme d'ampleur de cette institution suppose naturellement une discussion préalable et approfondie avec l'ensemble des acteurs de la place.

M. Arnaud Montebourg a demandé si le Gouvernement envisageait quelque avancée, à terme rapproché, sur l'épineuse question de la responsabilité des administrateurs défaillants, qui fait l'objet d'une proposition de loi qui a recueilli un certain consensus en commission des Lois.

M. Thierry Breton, Ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, a répondu que le Gouvernement n'avait pas de projet en ce sens.

M. Jean-Louis Dumont s'est dit préoccupé, en tant que parlementaire frontalier, par l'ampleur des achats de cigarettes dans les pays voisins, où leur prix est plus bas. Le développement du crédit hypothécaire offre des perspectives intéressantes, mais le recours aux ordonnances est critiquable. Le Gouvernement associera-t-il la commission des Finances, au-delà de son Président et de son Rapporteur général, à leur rédaction ? Il serait bon, par ailleurs, que le Ministre de l'Économie donne, ce qu'il n'a pas encore fait depuis sa prise de fonctions, son opinion sur le financement du logement social, tant en ce qui concerne la construction neuve que la réhabilitation et l'accession à la propriété. Enfin, la possibilité de déblocage de l'épargne salariale pose la question du statut même de cette épargne.

Le Président Pierre Méhaignerie a observé que les commissions versées aux intermédiaires du logement social pouvaient paraître élevées et a souhaité que l'on plafonne le dispositif dit « Robien » pour parer au risque que soient construits des logements sans locataires.

M. Nicolas Perruchot a estimé que ce risque était déjà une réalité.

M. Thierry Breton, Ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, a souligné que l'exonération fiscale des dons n'était prorogée que jusqu'à la fin de l'année 2005 et que le bilan de la mesure serait dressé d'ici là. Les amendements du Gouvernement seront déposés ce jour même, et seront au nombre de six ou sept, dont aucun ne portera sur l'AMF, le Gouvernement poursuivant sa réflexion sur les moyens propres à améliorer la réactivité de la place de Paris. Le Parlement sera associé, naturellement, à la rédaction des ordonnances sur le droit des sûretés. Enfin, la question du logement social sera largement évoquée lors de la prochaine audition des Ministres en Commission, le 21 juin prochain.

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* *

II.- EXAMEN DES ARTICLES

En préambule de sa séance du 12 mai 2005, votre Rapporteur général a fait part à la Commission de l'état d'avancement de projets d'amendements du Gouvernement relatifs au versement d'une prime d'intéressement exceptionnelle, à la création d'une réduction d'impôt pour les investissements soit dans des PME innovantes soit dans des centres de recherche, ainsi qu'à la réduction de cinq à deux ans du délai d'interdiction du « pantouflage » pour les fonctionnaires. S'agissant de la participation des salariés aux résultats de leur entreprise, il n'est pas prévu qu'une réforme de fond du régime soit proposée par amendement, en revanche, une mesure de déblocage exceptionnelle pourrait être proposée par le Gouvernement, du même type que celle prise dans la loi pour le soutien à la consommation et l'investissement du 11 août 2004.

Lors de la séance du 25 mai 2005, votre Rapporteur général a de nouveau évoqué les mesures que le Gouvernement proposerait par amendement.

S'agissant de l'intéressement des salariés, il apparaît que la rédaction du projet d'amendement a évolué afin de garantir que la prime versée ne serait pas assujettie aux cotisations sociales. Cette exonération doit être expressément prévue dans le texte de loi. L'une des principales questions qui sera soulevée au cours de la discussion à venir sur l'épargne salariale, et notamment sur le déblocage de la participation, sera celle de l'assujettissement aux cotisations sociales de toute forme de prime immédiatement disponible qui s'apparenterait à un complément de salaire. Du point de vue fiscal, dès lors que la distribution est immédiate, les sommes sont assujetties à l'impôt sur le revenu.

S'agissant de la possibilité pour les fonctionnaires de travailler dans des organismes qu'ils ont eu à contrôler, le projet de loi que prépare le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État, M. Renaud Dutreil, sur la fonction publique devait contenir une mesure permettant de réduire le délai au-delà duquel le « pantouflage » est autorisé, mais il apparaît que le dépôt d'un amendement au présent projet de loi, lequel sera accompagné d'un amendement visant à refondre la commission de déontologie chargée de la surveillance de la bonne application du dispositif, permettra une promulgation plus rapide.

En ce qui concerne la création d'une nouvelle réduction d'impôt en faveur des entreprises qui financent la recherche ou les petites et moyennes entreprises innovantes, seules des corrections d'ordre rédactionnel devraient être apportées à la première version dont il avait été fait état.

Pour la participation des salariés aux résultats de leur entreprise et la rémunération des dirigeants, aucune proposition de rédaction stabilisée n'est encore disponible.

L'idée d'introduire dans la loi une possibilité de versement immédiat de la participation aux salariés à leur demande a été abandonnée car une réflexion de fond doit être menée sur ce sujet très controversé. C'est le sens de la mission confiée à MM. Jacques Godfrain et François Cornut-Gentille. Il apparaît préférable de se limiter à organiser un déblocage limité à la participation perçue au titre de l'année 2004. Cette proposition sera présentée sous forme d'amendement. La participation débloquée sera alors soumise à l'impôt sur le revenu et exonérée de cotisations sociales.

L'amendement relatif à la rémunération des dirigeants devrait, pour sa part, comprendre deux parties : d'une part, une disposition relative à la transparence reprenant l'amendement adopté par la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République qui consiste à rendre obligatoire la présentation d'un état détaillé et complet des rémunérations des dirigeants certifié par les commissaires aux comptes dans le rapport annuel de gestion soumis à l'assemblée générale et, d'autre part, une disposition relative à la compétence en matière de rémunérations. Il s'agirait de soumettre à la procédure des conventions réglementées prévues aux articles L. 225-38 et suivants du code de commerce et approuvées par l'assemblée générale, tous les éléments de rémunération versés à l'occasion de la cessation de fonction ou postérieurement à cette cessation, soit en particulier les indemnités de départ et les retraites dites « chapeau ».

Votre Rapporteur général a relevé que les entreprises connaissant des difficultés doivent pouvoir embaucher rapidement un dirigeant ayant fait ses preuves. Pour qu'un dirigeant susceptible de redresser la situation de l'entreprise accepte d'être embauché dans cette société, cette dernière doit lui proposer des indemnités d'arrivée. Pour des raisons de réactivité en situation de crise, on peut douter de l'opportunité de soumettre le versement de ces indemnités d'arrivée à des procédures longues ou contraignantes.

Une autre question est celle de l'intégration dans les conventions réglementées des indemnités de départ, qui peuvent notamment être la contrepartie d'une clause de non-concurrence. Le problème se pose en particulier lorsqu'un salarié de l'entreprise devient mandataire social. Les informations relatives aux indemnités de départ figurent dans le contrat de travail de ce salarié et ne sont donc pas communiquées à l'assemblée générale. La question est celle de savoir s'il convient de rendre public le montant de ces indemnités, une fois ce salarié devenu mandataire social de l'entreprise.

M. Philippe Auberger s'est interrogé sur la portée de l'amendement que le Gouvernement doit présenter prochainement s'agissant des conventions réglementées. Il faut savoir que le commissaire aux comptes a pour mission de rapporter à l'assemblée générale le fait qu'il a eu connaissance ou non de l'ensemble des conventions réglementées, mais l'assemblée générale ne vote pas sur ces conventions. Dans ces conditions, il semble difficilement justifiable de ne pas faire figurer les indemnités d'arrivée du mandataire social dans ces conventions réglementées puisque l'assemblée générale est simplement informée de l'existence de telles conventions, les approuvant dans leur ensemble et ne votant pas systématiquement sur leur contenu précis.

M. Jean-Jacques Descamps a demandé des précisions s'agissant du projet du Gouvernement d'un déblocage ponctuel de la participation.

Votre Rapporteur général a expliqué qu'il convient de distinguer deux mesures prévues par le Gouvernement. La première concerne l'intéressement. Dans les entreprises ayant un accord d'intéressement, et même dans les autres, une prime exceptionnelle plafonnée à 200 euros pourra être versée aux salariés, en plus de la prime d'intéressement assise sur les salaires de l'année 2004. Cette prime exceptionnelle versée en 2005 sera déductible fiscalement par imputation sur l'acompte d'impôt dû par les entreprises en fin d'année. La deuxième mesure concerne la participation. L'idée est de permettre le déblocage ponctuel et partiel des sommes versées au titre des résultats de 2004, étant précisé que normalement ces sommes devraient être bloquées pendant une durée de cinq ans.

M. Jean-Pierre Balligand a considéré, à titre personnel, que le souci du Gouvernement de permettre le versement d'une prime exceptionnelle d'intéressement pourrait éventuellement se comprendre dans l'optique de donner un pouvoir d'achat supplémentaire à certains salariés, mais qu'en revanche, le projet de déblocage de certaines sommes de la participation n'est pas opportun. D'une part, les sommes liées à la participation représentent des quasi-fonds propres dans de nombreuses petites et moyennes entreprises. Permettre au salarié de débloquer ces sommes par anticipation pourrait ainsi mettre en danger le financement de ces entreprises. D'autre part, la possibilité de déblocage par anticipation de la participation risque d'être utilisée de façon massive par les salariés les plus faiblement rémunérés. Les sommes ainsi débloquées vont sans doute être dépensées très rapidement par ces salariés, alors qu'il s'était attaché, sous la précédente législature, à démontrer la nécessité de maintenir un dispositif de participation s'inscrivant dans la durée. En outre, le Gouvernement conseille par ailleurs de conserver une épargne de long terme, notamment pour de la préparation de la retraite.

Votre Rapporteur général a indiqué avoir rencontré MM. Jacques Godfrain et François Cornut-Gentille qui ont développé une analyse proche. Il s'est réjoui que la participation fasse l'objet d'un tel consensus.

Le Président Pierre Méhaignerie a approuvé M. Jean-Pierre Balligand et le Rapporteur général. D'une part, les fonds propres sont la clé de l'investissement des entreprises, c'est la raison pour laquelle il ne faut pas trop les écorner. D'autre part, les grandes surfaces estiment que les dépenses des ménages concerneraient principalement des produits technologiques qui sont pour la plupart importés. Il ne faudrait pas que la libération de l'épargne aboutisse à une augmentation des importations.

M. Jean-Michel Fourgous a estimé nécessaire de tout faire pour renforcer le capital des entreprises de taille moyenne. La richesse est produite par le capital. Il faut donc laisser le capital dans l'entreprise.

Après avoir estimé que les grandes surfaces elles-mêmes ont une responsabilité dans l'augmentation des importations, M. Richard Mallié s'est interrogé sur le traitement de la prime d'intéressement au regard de l'impôt sur le revenu, des CSG et CRDS et a observé, s'agissant des rémunérations des dirigeants, et notamment de la prime d'accueil, que dans le mesure où la rémunération des dirigeants, y compris les indemnités d'arrivée, serait soumise à la procédure des conventions règlementées, l'assemblée générale serait nécessairement informée de celles-ci puisqu'elle est la destinatrice du rapport des commissaires aux comptes sur les conventions réglementées. Il a estimé important que le conseil d'administration conserve des marges de manœuvre suffisantes pour fixer le montant de la rémunération des dirigeants.

Votre Rapporteur général a indiqué que l'intéressement est soumis à la CSG et à la CRDS. Il a ajouté que, d'un point de vue fiscal, lorsque les sommes issues de l'intéressement sont bloquées pendant cinq ans, la prime n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu.

S'agissant de la rémunération des mandataires sociaux, si les indemnités de départ sont intégrées dans le champ des conventions réglementées et approuvées par l'assemblée générale, tout actionnaire pourra exiger de connaître le détail de ces conventions et de les soumettre au vote. Une entreprise recrutant dans l'urgence un dirigeant ne pourra lui proposer une indemnité d'arrivée que sous réserve de son approbation par l'assemblée générale. En pratique, le versement définitif de cette indemnité ne sera possible qu'après la réunion de l'assemblée générale, ce qui peut difficilement se concilier avec l'urgence du recrutement de nouveaux dirigeants.

M. Richard Mallié a pris l'exemple de la nomination des administrateurs qui n'est définitive qu'après ratification de l'assemblée générale. En outre, il a insisté sur le coût de la réunion d'une assemblée générale.

TITRE PREMIER

ADAPTER L'ENVIRONNEMENT JURIDIQUE DES ENTREPRISES

Article premier

Tenue des conseils d'administration et de surveillance des sociétés
par tout moyen moderne de télétransmission.

Texte du projet de loi :

I. - Le troisième alinéa de l'article L. 225-37 du code de commerce est remplacé par les dispositions suivantes :

« Sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les administrateurs qui participent à la réunion du conseil par des moyens de télétransmission dont la nature et les modalités d'utilisation sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Les statuts peuvent, le cas échéant, limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions. Cette disposition n'est pas applicable pour les opérations prévues aux articles L. 232-1 et L. 233-16 du présent code. »

II. - Le troisième alinéa de l'article L. 225-82 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les membres du conseil de surveillance qui participent à la réunion du conseil par des moyens de télétransmission dont la nature et les modalités d'utilisation sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Les statuts peuvent, le cas échéant, limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions. Cette disposition n'est pas applicable pour les opérations prévues aux articles L. 232-1 et L. 233-16. »

Exposé des motifs du projet de loi :

Les dispositions de l'article 1er ont pour objectif de permettre la tenue des conseils d'administration et des conseils de surveillance des sociétés par tout moyen moderne et interactif de télétransmission. Toutefois, le conseil d'administration ou de surveillance devra se réunir en personne au moins une fois par an, pour l'examen des comptes annuels et consolidés.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de permettre, dans certaines conditions et sous certaines limites, la tenue des conseils d'administration et des conseils de surveillance des sociétés par tout moyen moderne de télétransmission.

I.- Des possibilités limitées de recours aux moyens de télétransmission
pour la tenue des conseils d'administration et de surveillance

A.- Le principe

L'article 109 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a ouvert aux sociétés la possibilité de recourir aux moyens de visioconférence pour la tenue des réunions du conseil d'administration et du conseil de surveillance (1). Cette disposition a permis d'améliorer la souplesse de fonctionnement des conseils. En effet, les règles formalistes strictes de calcul du quorum et de la majorité telles que prévues par les articles 100 et 139 de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966 (2) sur les sociétés commerciales n'étaient plus adaptées tant à l'évolution des moyens de communication qu'à l'internationalisation des sociétés, particulièrement dans les grands groupes qui, ayant des établissements dans de nombreux pays, comprennent fréquemment dans leurs conseils des dirigeants étrangers.

Les articles L. 225-37 et L. 225-82 du code de commerce, portant respectivement sur les réunions du conseil d'administration et du conseil de surveillance, disposent, dans leur premier alinéa, que « le conseil [...] ne délibère valablement que si la moitié au moins de ses membres sont présents ». Leur deuxième alinéa ajoute que, sauf si les statuts prévoient une majorité plus forte, « les décisions sont prises à la majorité des membres présents ou représentés » (3). Enfin, leur troisième alinéa dispose que « sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les [administrateurs/les membres du conseil de surveillance] qui participent à la réunion du conseil par des moyens de visioconférence dont la nature et les conditions d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ».

Il résulte de ces dispositions que le recours à la visioconférence, et à ce seul procédé de télétransmission, est ouvert de droit par la loi, ce choix relevant du règlement intérieur de la société, tandis que l'exclusion de ce procédé doit résulter d'une modification expresse des statuts. En effet, il est apparu inutilement contraignant que le recours à des moyens de visioconférence oblige à convoquer une assemblée générale extraordinaire afin de modifier les statuts. En l'absence de règlement intérieur, les sociétés peuvent néanmoins prévoir cette faculté en modifiant dans ce sens leurs statuts.

L'article 84-1 et par renvoi l'article 108-1 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967, introduits par le décret n° 2002-803 du 3 mai 2002 portant application de la troisième partie de la loi relative aux nouvelles régulations économiques, précisent que « les moyens de visioconférence [...] doivent satisfaire à des caractéristiques techniques garantissant une participation effective à la réunion du conseil dont les délibérations sont retransmises de façon continue ». La finalité de ces dispositions, ainsi que l'indique le rapport au Premier ministre relatif au projet de décret, est de « proscrire tout moyen technique qui ne retransmettrait pas les interventions dans leur intégralité ou qui organiserait des interventions issues de montages ». Les articles 86 et 110 du décret de 1967 précité précisent que le procès-verbal de la séance « fait état de la survenance éventuelle d'un incident technique relatif à la visioconférence lorsqu'il a perturbé le déroulement de la séance », l'idée étant, selon le rapport, « d'éviter que [les conseils] laissent en suspens les incidents liés à l'utilisation de la visioconférence ». Les articles 84 et 108 du même décret de 1967 précisent en outre que le procès-verbal mentionne le nom des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance présents, réputés présents au sens des articles L. 225-37 et L. 225-82 du code de commerce, excusés ou absents.

B.- Les exceptions

Cependant, la participation aux réunions des conseils d'administration et des conseils de surveillance par des moyens de visioconférence est exclue pour la prise de certaines décisions importantes pour lesquelles les articles L. 225-37 et L. 225-82 du code de commerce exigent la présence « physique » des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance pour le calcul du quorum et de la majorité.

S'agissant du conseil d'administration, l'article L. 225-37 du code de commerce précise que les dispositions de son troisième alinéa ne sont pas applicables « pour l'adoption des décisions prévues aux articles L. 225-47, L. 225-53, L. 225-55, L. 232-1 et L. 233-16 [du code de commerce] », c'est-à-dire :

- la nomination ou la révocation du président ainsi que la fixation de sa rémunération (article L. 225-47) ;

- la fixation de la rémunération et la révocation du directeur général (article L. 225-55) ;

-  la nomination, la révocation ainsi que la fixation de la rémunération des directeurs généraux délégués (articles L. 225-53 et L. 225-55) ;

- l'établissement des comptes annuels et du rapport de gestion (article L. 232-1) ;

- l'établissement des comptes consolidés et du rapport de gestion du groupe, s'il n'est pas inclus dans le rapport annuel (article L. 233-16).

S'agissant du conseil de surveillance, l'article L. 225-82 du code de commerce précise que les dispositions de son troisième alinéa ne sont pas applicables « pour l'adoption des décisions prévues aux articles L. 225-59, L. 225-61 et L. 225-81 [du code de commerce] », c'est-à-dire :

- la nomination des membres du directoire ou du directeur général unique et du président du directoire (article L. 225-59) ;

- la révocation des membres du directoire ou du directeur général unique, dans la mesure où cette décision relève de la compétence du conseil de surveillance (article L. 225-61) ;

- l'élection du président et du vice-président du conseil de surveillance (article L. 225-81).

Par ailleurs, rien ne s'oppose à ce que les statuts étendent l'exclusion à d'autres décisions qu'ils doivent alors préciser.

Cette restriction à l'utilisation de la visioconférence pour certaines décisions qui ne relèvent pas de la gestion courante de l'entreprise obéit à un principe de prudence et à la volonté de s'assurer la présence effective des administrateurs à des moments importants de la vie de la société. Dans ces cas-là, la moitié au moins des administrateurs et des membres du conseil de surveillance doit être présente « physiquement » pour que le conseil d'administration et le conseil de surveillance puissent délibérer valablement. Cependant, ainsi que le notait M. André Vallini dans son avis sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques (4), « l'expérimentation de la visioconférence, pour la gestion des affaires courantes, permettra sans doute d'envisager ultérieurement de revenir sur les limitations prévues » par ladite loi d'autant que le droit français se situe en la matière en deçà des droits étrangers.

Éléments de droit comparé

1/ Aux Etats-Unis, le droit des sociétés en la matière dépend de la législation applicable dans chaque Etat. Dans l'Etat du Delaware, réputé être un modèle en matière de droit des sociétés, la sous-section 141(i) de la loi sur les sociétés précise que, sauf disposition contraire du règlement intérieur, les conseils d'administrations peuvent se réunir par voie de conférence téléphonique ou tout autre moyen de communication permettant aux participants de s'entendre les uns les autres. Le texte précise que ces réunions à distance ont un effet équivalent aux réunions physiques. Aucune restriction n'est imposée selon le type de décision. Dans l'Etat de New York, l'article 708 (b) de la loi sur les sociétés prévoit exactement la même disposition que celle du Delaware. Dans l'Etat de Californie, l'article 307 (6) de la loi sur les sociétés prévoit exactement la même disposition que celle du Delaware, en précisant que la télétransmission peut être effectuée par voie électronique.

2/ Au Royaume-Uni, la matière est gouvernée par les statuts de la société et non par la loi. En pratique, presque toutes les sociétés prévoient que les conseils peuvent se tenir par téléphone ou par visio-conférence pour toutes les décisions.

3/ En Allemagne, d'après l'article 108 § 4 du code des sociétés, l'adoption de résolutions du conseil de surveillance d'une société anonyme peut se faire par écrit, par téléphone, ou par d'autres moyens "similaires" (par exemple la visioconférence), si aucun membre du conseil ne s'y oppose. Cette règle s'applique à toutes sortes de délibérations, y compris les nominations, et indépendamment de la majorité requise. Les statuts de la société ou le règlement intérieur du conseil peuvent prévoir des règles différentes, facilitant ou aussi bien interdisant le vote par voie de télécommunication.

4/ En Italie, l'article 2388, paragraphe 1, du code civil dispose que "les statuts peuvent prévoir que la présence aux réunions du conseil puisse se faire par tout moyen de télécommunication". Le texte ne limite pas les décisions qui pourraient être prises ainsi.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

II.- Les modifications proposées par le présent article

A.- La possibilité de recourir à des moyens de télétransmission
pour les réunions du conseil d'administration et du conseil de surveillance

Les articles L. 225-37 et L. 225-82 du code de commerce réputent présents pour le calcul du quorum et de la majorité les administrateurs qui participent par des moyens de visioconférence aux réunions du conseil d'administration et du conseil de surveillance. Or, la visioconférence désigne un moyen de télécommunication précis dont la définition a été entendue de manière restrictive par les entreprises. Il s'agit pour elles d'une retransmission vidéo interactive faisant appel à des techniques et du matériel très coûteux. Ainsi que le notait déjà M. André Vallini dans son rapport pour avis précité (5) « sans doute la référence à l'expression « moyens de visioconférence » est-elle discutable puisqu'elle fait référence à une technique bien particulière de communication à distance qui, compte tenu de la rapidité des changements technologiques en ce domaine, sera peut-être obsolète dans quelques années ».

Le présent article propose donc de substituer aux termes « moyens de visioconférence » ceux de « moyens de télétransmission », en précisant que « la nature et les modalités d'utilisation [de ceux-ci] sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ». Concrètement, il s'agit, par ce changement de terminologie, de tenir compte de l'évolution technologique en élargissant les moyens de télétransmission susceptibles d'être utilisés pour la tenue des réunions, afin de tenir compte notamment des possibilités d'Internet.

Ce changement terminologique s'accompagnerait d'une modification du décret du 3 mai 2002 précité afin que les moyens de télétransmission concernés garantissent l'authentification des administrateurs et des membres du conseil de surveillance, leur participation effective aux débats ainsi que les bonnes conditions de leur vote.

B.- La modification du nombre et de la nature des décisions
pouvant être prises par des moyens de télétransmission

Le présent article propose, respectivement pour le conseil d'administration et le conseil de surveillance, de réduire le nombre et de modifier la nature des décisions pour lesquelles il est légalement exigé que la moitié au moins de leurs membres soit présente pour qu'ils puissent valablement délibérer :

- s'agissant du conseil d'administration, l'article L. 225-37 disposerait que « cette disposition n'est pas applicable pour les opérations prévues aux articles L. 232-1 et L. 233-16 du présent code », c'est-à-dire l'arrêté des comptes annuels (et, le cas échéant, des comptes consolidés) et l'établissement du rapport de gestion de la société (ou, le cas échéant, du groupe). Les autres décisions touchant à la nomination, la révocation et la fixation de la rémunération des dirigeants pourraient désormais être prises par des moyens de télétransmission ;

- s'agissant du conseil de surveillance, l'article L. 225-82 disposerait de même que « cette disposition n'est pas applicable pour les opérations prévues aux articles L. 232-1 et L. 233-16 du présent code », c'est-à-dire que les exclusions seraient alignées sur celles prévues pour le conseil d'administration, alors même que dans le droit actuel, elles ne visent, s'agissant du conseil de surveillance, que les décisions touchant à la nomination et à la révocation des dirigeants de la société.

Une réunion « physique » du conseil d'administration et du conseil de surveillance devrait donc impérativement avoir lieu à l'occasion de l'arrêté des comptes et de l'établissement du rapport de gestion. Pour la Chancellerie, cette disposition tend à ce que les conseils se réunissent physiquement au moins une fois par an, sachant que les décisions de nomination et de révocation, pour lesquelles est actuellement exigée une réunion physique des conseils, n'ont pas lieu forcément tous les ans.

Cependant, il apparaît à la lecture des articles L. 232-1 et L. 233-16 du code de commerce que l'arrêté des comptes annuels et l'établissement du rapport de gestion relèvent de la compétence exclusive du conseil d'administration, le conseil de surveillance, en application du cinquième alinéa de l'article L. 225-68 du même code, n'ayant qu'une fonction de vérification et de contrôle de ces opérations. On peut donc s'interroger sur la pertinence du renvoi, en ce qui le concerne, aux articles L. 232-1 et L. 233-16.

C.- La possibilité de limiter le nombre des décisions pouvant être prises
par des moyens de télétransmission

Parallèlement à l'aménagement du nombre des décisions pouvant être prises par des moyens de télétransmission, les articles L. 225-37 et L. 225-82, dans leur rédaction issue du présent article, préciseraient que « les statuts peuvent, le cas échéant, limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions ». Il résulterait de cette disposition que les sociétés pourraient rétablir, par une modification de leurs statuts, et donc une décision de l'assemblée générale extraordinaire, des limitations au nombre des décisions pouvant être prises par des moyens de télétransmission, notamment celles prévues auparavant par la loi.

*

* *

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Tony Dreyfus, tendant à exclure l'élection du président du conseil d'administration des décisions pour la prise desquelles les administrateurs participant à la réunion par des moyens modernes de télétransmission sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité.

M. Tony Dreyfus a demandé le maintien d'un minimum de solennité et l'exigence de présence physique des administrateurs dans le cas de l'élection du président du conseil d'administration à l'instar de ce qui prévaut pour les réunions portant sur l'arrêté des comptes annuels et l'établissement du rapport de gestion. Il n'est pas souhaitable qu'une décision aussi importante soit prise en petit comité.

S'il a approuvé la position raisonnable de M. Tony Dreyfus, M. Philippe Auberger a rappelé que c'est l'article 107 de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, adoptée sous la majorité précédente, qui a séparé les fonctions de président et de directeur général dans les sociétés anonymes.

Votre Rapporteur général a ajouté que si l'article 109 de la loi précitée sur les nouvelles régulations économiques a permis que les administrateurs participant à un conseil d'administration par des moyens de visioconférence soient réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité, cinq exceptions ont été posées, parmi lesquelles l'élection du président du conseil d'administration. Le rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, M. Philippe Houillon, devrait proposer un amendement conservant l'essentiel des exceptions actuelles, ce qui répondrait aux préoccupations exprimées par l'amendement.

M. Tony Dreyfus a retiré l'amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Tony Dreyfus, tendant à ce que les statuts distinguent, pour l'attribution des « jetons de présence », les administrateurs effectivement présents aux réunions du conseil d'administration et ceux qui y participent par des moyens modernes de télétransmission.

Tout en comprenant les raisons de cet amendement, M. Richard Mallié a douté que ces dispositions aient leur place dans les statuts de la société.

Approuvant M. Richard Mallié, votre Rapporteur général a estimé que les assemblées générales doivent garder toute liberté dans les modalités d'attribution des « jetons de présence ». En outre, un administrateur, même s'il n'est pas physiquement présent à une réunion, accomplit un travail de préparation et de participation aux débats identique à celui d'un administrateur physiquement présent.

M. Jean-Jacques Descamps a critiqué la conception singulièrement restrictive selon laquelle les « jetons de présence » auraient vocation à rémunérer les seuls déplacements de l'administrateur.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a adopté l'article premier sans modification.

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Article 2

Aménagement des règles de quorum des assemblées générales.

Texte du projet de loi :

I. - Au deuxième alinéa de l'article L. 225-96 du code de commerce, la première phrase est remplacée par la phrase suivante :

« Elle ne délibère valablement que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins, sur première convocation, le quart des actions ayant le droit de vote, et, sur deuxième convocation, le cinquième des actions ayant le droit de vote. Dans les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne, les statuts peuvent prévoir un quorum plus élevé. »

II. - Au deuxième alinéa de l'article L. 225-98 du même code, la première phrase est remplacée par la phrase suivante :

« Elle ne délibère valablement sur première convocation que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins le cinquième des actions ayant le droit de vote. Dans les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne, les statuts peuvent prévoir un quorum plus élevé. »

Exposé des motifs du projet de loi :

L'article 2 permet de faciliter la tenue des assemblées générales extraordinaires (I) et ordinaires (II) en abaissant les seuils de quorum, tout en permettant, pour les sociétés non cotées, de fixer des quorums plus élevés. L'objectif est de remédier à une situation peu satisfaisante à la fois en termes de coûts et de représentation des actionnaires, dans laquelle les quorums très stricts n'étant pratiquement jamais atteints lors de la première convocation, les décisions se prennent finalement à l'occasion de la deuxième convocation, sans quorum. Ainsi les décisions seront facilitées pour les sociétés cotées au capital souvent dispersé, tandis que des quorums plus importants pourront être maintenus dans les sociétés fermées.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet d'assouplir le quorum exigé pour que les assemblées générales extraordinaire et ordinaire délibèrent valablement tout en permettant aux sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne de fixer dans leurs statuts un quorum plus élevé.

1.- Le droit actuel

A.- Les règles de quorum

Les règles de quorum pour les assemblées générales extraordinaire et ordinaire et les assemblées spéciales sont fixées respectivement par les articles L. 225-96, L. 225-98 et L. 225-99 du code de commerce.

L'article L. 225-98 précité dispose que « l'assemblée générale ordinaire prend toutes les décisions autres que celles visées aux articles L. 225-96 et L. 225-97 », c'est-à-dire les décisions de modifier les statuts et de changer la nationalité de la société, décisions qui relèvent de l'assemblée générale extraordinaire. S'agissant du quorum, l'assemblée générale ordinaire « ne délibère valablement sur première convocation que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins le quart des actions ayant droit de vote. Sur deuxième convocation, aucun quorum n'est requis ».

En ce qui concerne l'assemblée générale extraordinaire, l'article L. 225-96 précité dispose que pour changer les statuts, elle « ne délibère valablement que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins, sur première convocation, le tiers des actions ayant droit de vote et, sur deuxième convocation, le quart des actions ayant droit de vote ». Le même quorum s'applique à la décision de l'assemblée générale extraordinaire de changer la nationalité de la société (article L. 225-97 du code de commerce).

Enfin, l'article L. 225-99 précité dispose que « les assemblées spéciales ne délibèrent valablement que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins, sur première convocation, la moitié, et sur deuxième convocation, le quart des actions ayant droit de vote ». Ce quorum élevé est justifié par la fonction des assemblées spéciales. En effet, l'approbation de l'assemblée spéciale, qui réunit les titulaires d'actions d'une catégorie déterminée (6), est nécessaire pour rendre définitive la décision d'une assemblée générale tendant à modifier les droits relatifs à celles-ci.

Le tableau suivant récapitule les quorums exigés pour les différentes assemblées générales et spéciales :

RÈGLES DE QUORUM

Première convocation

Seconde convocation

Assemblée générale spéciale

La moitié des actions ayant droit de vote

Le quart des actions ayant droit de vote

Assemblée générale extraordinaire

Le tiers des actions ayant droit de vote

Le quart des actions ayant droit de vote

Assemblée générale ordinaire

Le quart des actions ayant droit de vote

Aucun quorum

Le quorum, qui est constaté par le bureau de l'assemblée avant l'ouverture des débats, est calculé en fonction du nombre des actions. Pour le calcul du quorum, seules les actions ayant droit de vote sont prises en considération.

B.- Les problèmes posés par les quorums

L'article L. 225-121 du code de commerce dispose que toute délibération d'une assemblée générale ou spéciale prise sans que le quorum soit atteint est nulle. Lorsqu'une assemblée ne peut, à défaut du quorum requis, délibérer valablement, il en est dressé procès-verbal par le bureau de cette assemblée.

Les sociétés anonymes, surtout lorsqu'elles sont cotées, se caractérisent souvent par un actionnariat dispersé. Dans la pratique, le quorum n'est que très rarement atteint dès la première convocation, les obligeant en conséquence à convoquer une seconde assemblée générale, avec les coûts qui en résultent en termes de location de salle, de matériel et autres.

Sans toucher aux règles de quorum, le I de l'article L. 225-107 du code de commerce, issu de la loi sur les nouvelles régulations économiques (n° 2001-420 du 15 mai 2001), a néanmoins amélioré le fonctionnement des assemblées. Il dispose en effet que « tout actionnaire peut voter par correspondance au moyen d'un formulaire dont les mentions sont fixées par décret en Conseil d'Etat », étant précisé que « pour le calcul du quorum, il n'est tenu compte que des formulaires qui ont été reçus par la société avant la réunion de l'assemblée dans des conditions de délais fixées par décret en Conseil d'Etat ». Le II de l'article ajoute que « si les statuts le prévoient, sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui participent à l'assemblée par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant leur identification et dont la nature et les conditions d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ». Cependant, un tel dispositif ne peut se substituer à un assouplissement des règles mêmes du quorum. De plus, il est d'un maniement délicat, certaines assemblées tenues dans ces conditions ayant fait l'objet de dysfonctionnements importants.

2.- Le présent article propose un assouplissement des règles du quorum
des assemblées générales ordinaires et extraordinaires

A.- L'abaissement du seuil des quorums

Le I du présent article propose que l'assemblée générale extraordinaire puisse délibérer valablement dès lors que « les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins, sur première convocation, le quart des actions ayant droit de vote et, sur deuxième convocation, le cinquième des actions ayant droit de vote ». De même, le II du présent article propose que l'assemblée générale ordinaire puisse délibérer valablement sur première convocation « si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins le cinquième des actions ayant le droit de vote ». Enfin, les assemblées spéciales n'auraient pas leurs règles de quorum modifiées par le présent article.

NOUVELLES RÈGLES DE QUORUM

Première convocation

Seconde convocation

Règles actuelles

Règles nouvelles

Règles actuelles

Règles nouvelles

Assemblée spéciale

La moitié des actions ayant droit de vote

inchangées

Le quart des actions ayant droit de vote

inchangées

Assemblée générale extraordinaire

Le tiers des actions ayant droit de vote

Un quart des actions ayant droit de vote

Le quart des actions ayant droit de vote

Le cinquième des actions ayant droit de vote

Assemblée générale ordinaire

Le quart des actions ayant droit de vote

Le cinquième des actions ayant droit de vote

Aucun quorum

Aucun quorum

Cet assouplissement des conditions de quorum permettrait aux assemblées générales ordinaire et extraordinaire de pouvoir délibérer plus facilement dès la première convocation, évitant ainsi les coûts résultant d'une seconde convocation.

B.- Les règles particulières aux sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne

Jusqu'à présent, le droit français était attaché à une conception unitaire des règles gouvernant le fonctionnement des sociétés anonymes. Si la distinction existe entre les sociétés faisant appel public à l'épargne et les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne, cette distinction restait cantonnée au domaine de l'information que les unes et les autres sont, en application des dispositions législatives et réglementaires, tenues de diffuser.

Le présent article propose cependant de reprendre cette distinction dans le domaine des règles de quorum. En effet, les exigences en la matière sont différentes selon que la société fait ou non appel public à l'épargne. Les sociétés qui ne font pas appel à l'épargne sont des sociétés fermées, dans lesquelles l'actionnariat n'est pas aussi dispersé que dans les sociétés faisant appel public à l'épargne et qu'il est donc plus facile, voire plus nécessaire, de réunir à l'occasion des assemblées générales. C'est pourquoi le I et le II du présent article proposent que, tant pour les assemblées générales ordinaires que pour les assemblées générales extraordinaires, les statuts de ces sociétés puissent prévoir un quorum plus élevé.

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La Commission a examiné deux amendements présentés par M. Tony Dreyfus, le premier, de suppression de l'article, le second, tendant à autoriser les statuts d'une société anonyme à permettre à l'assemblée générale extraordinaire d'une société ne faisant pas appel public à l'épargne de statuer à une majorité plus forte que la majorité des deux tiers des voix des actionnaires présents ou représentés.

M. Tony Dreyfus a expliqué que les sociétés auraient toute liberté de prévoir ou non dans leurs statuts un renforcement des règles de majorité. Une majorité plus forte que les deux tiers des voix des actionnaires présents ou représentés, outre qu'elle contribuerait à une meilleure légitimité des décisions prises, apparaît d'autant plus nécessaire que les règles de quorum seraient par ailleurs assouplies.

Défavorable à une telle proposition, votre Rapporteur général a souligné que l'article tend à abaisser le quorum exigé pour que les assemblées générales ordinaires et extraordinaires délibèrent valablement tant pour la première que pour la seconde convocation. En pratique, le quorum n'est que très rarement atteint dès la première convocation, obligeant les entreprises à convoquer une seconde assemblée générale, avec les coûts qui en résultent. En assouplissant les règles de quorum, le présent article a pour objectif de permettre aux assemblées générales de délibérer valablement dès la première convocation.

M. Tony Dreyfus a observé que la présence de fonds de pension parmi les actionnaires rend la condition de quorum aisément satisfaite, ce qui ôte sa justification à la réforme proposée.

M. Gérard Bapt a insisté sur la nécessité de prendre en considération les droits des petits porteurs.

M. Richard Mallié a souligné l'importance de la réforme proposée au regard de la pratique des entreprises qui, connaissant la difficulté de réunir leurs actionnaires en nombre suffisant, prévoient presque systématiquement une deuxième convocation dès le moment où elles adressent la première d'entre elles. En outre, depuis la loi du 1er août 2003 sur la sécurité financière, les sociétés de gestion de portefeuilles ont l'obligation de voter : l'abaissement du quorum les inciterait d'autant plus à respecter cette obligation.

Suivant l'avis votre Rapporteur général, la Commission a rejeté ces deux amendements.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Charles de Courson, tendant à prévoir que les assemblées spéciales ne délibèrent valablement que si les actionnaires présents ou représentés, sur première convocation, possèdent au moins le cinquième des actions ayant le droit de vote, aucun quorum n'étant en revanche requis sur deuxième convocation.

M. Nicolas Perruchot a indiqué que les raisons qui justifient l'abaissement du quorum dans les assemblées générales ordinaires et extraordinaires justifient pareillement l'abaissement du quorum pour les assemblées spéciales. Il convient de faciliter la prise de décision, tout en évitant le coût d'une première convocation pour laquelle le quorum n'est en pratique presque jamais atteint.

Sans nier l'opportunité d'assouplir les règles de quorum des assemblées spéciales, votre Rapporteur général a estimé nécessaire une réflexion plus approfondie sur l'ampleur d'un tel assouplissement dans le cas d'assemblées qui ont pour fonction de ratifier les décisions de l'assemblée générale portant atteinte aux droits des titulaires d'actions d'une catégorie déterminée. Pour traiter de la situation des assemblées spéciales, votre Rapporteur général a indiqué qu'un dispositif plus satisfaisant serait proposé par le Rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, M. Philippe Houillon.

Suivant l'avis de votre Rapporteur général, la Commission a rejeté l'amendement.

La Commission a adopté l'article 2 sans modification.

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Après l'article 2

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Charles de Courson, tendant à permettre aux sociétés anonymes ne faisant pas appel public à l'épargne d'avoir un actionnaire unique.

M. Nicolas Perruchot a estimé que rien ne justifie de fixer à sept le nombre d'actionnaires des sociétés anonymes ne faisant pas appel public à l'épargne. Autoriser ces sociétés à avoir un actionnaire unique permettrait de constituer des sociétés anonymes unipersonnelles.

Après les observations de MM. Philippe Auberger et Jean de Gaulle, votre Rapporteur général a rappelé qu'un tel dispositif existe déjà, sous forme de sociétés anonymes simplifiées, pour lesquelles l'exigence d'un capital minimum a d'ailleurs été alignée sur celle applicable aux sociétés anonymes par la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche.

M. Nicolas Perruchot a retiré l'amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Charles de Courson, tendant à permettre aux statuts d'une société anonyme ne faisant pas appel public à l'épargne de déroger à la règle de la majorité simple au sein des conseils d'administration et des conseils de surveillance jusqu'à prévoir la règle de l'unanimité.

M. Nicolas Perruchot a rappelé que la loi autorise d'ores et déjà les statuts à exiger la réunion d'une majorité renforcée. Une liberté contractuelle encore plus grande devrait être reconnue pour l'organisation des travaux des conseils d'administration et de surveillance.

Votre Rapporteur général s'est opposé à une telle proposition : une extension trop grande de la règle de l'unanimité, même de façon facultative, pourrait favoriser à terme une paralysie du processus de prise de décision au sein de la société.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Charles de Courson, tendant à permettre, dans les sociétés anonymes ne faisant pas appel public à l'épargne, la prise de décision du conseil d'administration par consultation écrite ou par l'expression dans un même acte du consentement des administrateurs.

M. Nicolas Perruchot a estimé que la réunion du conseil d'administration peut apparaître comme une procédure lourde et parfois contraire à la célérité indispensable. Une procédure aussi contraignante n'apparaît pas nécessaire dans les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne, et peut même être un frein à la participation d'administrateurs compétents étrangers à l'entreprise.

Votre Rapporteur général a relevé que la procédure écrite peut apparaître à cet égard plus contraignante que les dispositions favorisant l'expression et le dialogue à distance des administrateurs, comme la visioconférence, autorisée par la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 ou les moyens modernes de télétransmission prévus par l'article premier du présent projet de loi. Ainsi, les exigences de célérité sont parfaitement satisfaites sans qu'il soit besoin de mettre en place une procédure écrite qui pourrait bien se révéler contraire au but recherché.

Après avoir souligné que les moyens modernes de télétransmission peuvent ne pas être disponibles sur tout le territoire, M. Nicolas Perruchot a retiré l'amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Charles de Courson, tendant à permettre, pour les sociétés anonymes ne faisant pas appel public à l'épargne, la prise de décision des assemblées générales par consultation écrite des actionnaires ou par consentement de tous les actionnaires dans un acte, sans qu'une disposition statutaire en ce sens soit nécessaire.

M. Nicolas Perruchot a indiqué qu'exiger une modification des statuts de la société pourrait avoir pour effet pratique d'exclure de cette option toutes les sociétés qui utilisent des modèles de statuts types, les privant ainsi d'une souplesse appréciable. La prise de décision par consultation ou consentement écrit des actionnaires serait possible pour les décisions des assemblées générales ordinaires et extraordinaires. Elle serait toutefois exclue pour l'assemblée générale annuelle d'approbation des comptes sociaux.

Votre Rapporteur général a rappelé que l'article L. 225-107 du code de commerce permet la participation et le vote à distance des actionnaires - vote par correspondance, visioconférence ou moyens de télécommunication permettant leur identification.

M. Nicolas Perruchot a retiré l'amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Charles de Courson, tendant à autoriser les statuts des sociétés anonymes ne faisant pas appel public à l'épargne à renforcer, à l'exclusion cependant de l'unanimité, les conditions de majorité de vote en assemblée générale ordinaire et extraordinaire prévues dans les articles L. 225-96 et L. 225-98 du code de commerce.

M. Nicolas Perruchot a souhaité une certaine liberté contractuelle pour permettre, dans les statuts des sociétés anonymes ne faisant pas appel public à l'épargne, avec une plus grande sécurité juridique que n'en confèrent aujourd'hui les pactes d'actionnaires, un meilleur équilibre des pouvoirs entre des actionnaires ayant des participations inégalitaires.

Votre Rapporteur général a douté de l'opportunité de toute mesure tendant à renforcer les exigences de majorité qualifiée en assemblée générale, de nature à rendre plus difficiles et complexes les prises de décision des sociétés.

La Commission a rejeté l'amendement.

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Article 3

Limites d'âge des dirigeants d'entreprises publiques.

Texte du projet de loi :

L'article 7 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public est ainsi rédigé :

« Art. 7. - En l'absence de disposition particulière prévue par les textes législatifs ou réglementaires régissant l'établissement, la limite d'âge des présidents de conseil d'administration, directeurs généraux et directeurs des établissements publics de l'Etat est fixée à soixante-cinq ans. »

Exposé des motifs du projet de loi :

L'article 3 entend appliquer aux dirigeants d'entreprises publiques des règles similaires à celles applicables dans les entreprises privées en matière de limite d'âge.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet d'assouplir le régime relatif à la limite d'âge des présidents de conseil d'administration, des directeurs généreux et directeurs généreux délégués, des directeurs ou des membres du directoire des établissements publics de l'État, autres que ceux dont le personnel est soumis à un régime de droit public, et des entreprises publiques.

L'article 7 de la loi 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public fixe à 65 ans, nonobstant toute disposition contraire, la limite d'âge des présidents de conseil d'administration ou de conseil de surveillance, des directeurs ou membres de directoire des établissements publics, industriels et commerciaux de l'État, autres que ceux dont le personnel est soumis à un régime de droit public, des entreprises nationales, des sociétés nationales, des sociétés d'économies mixte ou des sociétés anonymes dont l'État détient, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital social, et ce quelle que soit la taille de l'entreprise.

Cette limite d'âge s'applique en outre dans l'ensemble des établissements publics de l'État, quelle que soit leur nature, et dans les autres sociétés dans lesquelles l'État, les collectivités ou personnes publiques ou la Caisse des dépôts et consignations détiennent ensemble plus de la moitié du capital ou dans lesquelles les nominations aux fonctions régies par la limite d'âge sont prononcées, approuvées ou agréées par décret.

L'article 42 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions d'ordre social a par ailleurs élargi le champ des sociétés visées par l'article 7 de la loi de 1984 précitée aux sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes dans lesquelles l'État détient directement ou indirectement plus de la moitié du capital.

L'adoption de cette disposition, le régime de la limite d'âge des dirigeants des entreprises et établissements publics relevant avant 1984 des dispositions du code de commerce citées ci-après qui confient aux statuts le soin de fixer cette limite, répondait à deux principaux motifs exprimés par la majorité parlementaire d'alors (7: donner une impulsion au rajeunissement des dirigeants en utilisant le rôle de modèle du secteur public et harmoniser les conditions d'exercice des fonctions de l'ensemble des participants du secteur public.

Le présent article propose de rapprocher le régime de la limite d'âge des dirigeants des entreprises et établissements publics du droit commun applicable aux sociétés commerciales, dont, selon les dispositions du code de commerce, les statuts doivent prévoir pour l'exercice des fonctions de président du conseil d'administration (article L. 225-48) ou de directeur général et directeur délégué (article L. 225-54), une limite d'âge qui, à défaut d'une disposition expresse, est fixée à soixante-cinq ans.

Il apparaît en effet que les dispositions de l'article 7 de la loi de 1984 précité, qui imposent aux dirigeants de cesser leurs fonctions à l'âge de soixante-cinq ans quelles que soient les circonstances ou les particularités des entreprises, sont contraires aux exigences de souplesse et d'adaptation qui doivent régir le fonctionnement des entreprises publiques qui opèrent désormais dans un monde de plus en plus ouvert à la concurrence. Parallèlement, elles s'opposent à la nécessité de faire coïncider le plus exactement l'expertise, l'expérience et la compétence des dirigeants, sans que l'âge soit un facteur discriminant, avec les missions des établissements publics. Certaines circonstances économiques et financières, en particulier dans des situations de crises, appellent en effet fréquemment le maintien d'une stabilité des dirigeants, stabilité qui pourrait être remise en cause par une limite d'âge intangible, agissant comme un « couperet », pour des motifs qui seraient finalement purement de principe. De même, les sociétés publiques doivent pouvoir s'attacher librement les compétences qu'elles jugent utiles ; l'existence d'une limite d'âge intangible les placent à cet égard dans une situation concurrentielle défavorable au regard des sociétés anonymes du secteur privé dont les statuts peuvent déterminer librement la limite d'âge de leurs dirigeants. En outre, une limite d'âge intangible peut parfois contraindre les dirigeants atteint par celle-ci à « précipiter » leur succession, sans pouvoir disposer du temps nécessaire à l'aménagement d'une transition harmonieuse.

L'objet du présent article est moins de déroger à la limite d'âge des 65 ans, qui restera la référence en l'absence de toute disposition contraire prévue dans le texte constitutif de l'établissement ou dans le statut de la société, que d'offrir la possibilité de s'écarter de cette référence lorsque les circonstances et les spécificités de l'établissement ou de la société justifient cette dérogation.

En effet, les dispositions des articles L. 225-48 et L. 225-54 du code de commerce n'ont en aucune manière freiné le « rajeunissement » des dirigeants des principales sociétés anonymes. Si les statuts de 27 des sociétés du CAC-40 s'écartent de la limite d'âge de référence de 65 ans (souvent en introduisant une différence entre la limite d'âge applicable au président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance et celle applicable au directeur général, cette dernière étant en général inférieure à la première ; quelquefois en prévoyant des reconductions explicites chaque année par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance lorsque l'âge du président ou le directeur dépasse 65 ans), il apparaît que la moyenne d'âge (entendue comme la médiane) de ces dirigeants ne dépasse pas 56 ans, soit 3 ans de moins que dix années auparavant. Seuls trois dirigeants ont plus de 65 ans, 9 un âge compris entre 61 et 65 ans, 12 compris entre 56 et 60 ans, 9 entre 51 et 55 ans et 7 ont 50 ans ou moins. Dès lors, la faculté de ménager une limite d'âge différente de 65 ans apparaît très largement comme une « précaution » et n'a guère d'influence sur le profil démographique réel du recrutement.

Le présent article propose de remplacer les actuelles dispositions de l'article 7 de la loi de 1984 précitée, par un alinéa unique prévoyant qu'  « en l'absence de disposition particulière prévue par les textes législatifs ou réglementaires régissant l'établissement, la limite d'âge des présidents de conseil d'administration, directeurs généraux et directeurs des établissements publics de l'Etat est fixée à soixante-cinq ans ».

Ainsi, l'ensemble des sociétés anonymes et des sociétés d'économies mixtes dont la majorité du capital social ou des droits de vote appartient à la puissance publique relèverait des dispositions du code de commerce, leurs statuts devant prévoir la définition d'une limite d'âge. En l'absence d'une disposition expresse dans les statuts, il convient de rappeler que les articles L. 225-48 et L. 225-54 précités prévoient en quelque sorte un « filet de sécurité » en disposant que cet âge est fixé à 65 ans.

En outre, s'agissant des établissements publics de l'État, la référence de la limite d'âge de 65 ans serait rappelée. Cependant, il serait désormais possible aux textes régissant l'établissement, qu'ils soient législatifs (cas de la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public) ou réglementaires, de déterminer une limite d'âge qui s'écarterait de cette référence, conformément au droit commun applicable au secteur privé.

Il convient de remarquer que les dispositions relatives à la limite d'âge ne devront en aucune manière avoir pour effet de méconnaître un principe ou une règle de valeur législative (dans le cas du règlement) ou constitutionnelle (dans le cas du règlement et de la loi). A cet égard, le détournement éventuel de la procédure pour induire la cessation de fonction de certains dirigeants dont l'action concourt à l'exercice d'un droit ou d'une liberté constitutionnellement garantis ne manquerait pas d'être sanctionné par les juridictions compétences. Par exemple, les statuts des entreprises de l'audiovisuel public (sociétés France Télévisions, Radio France et Radio France Internationale, dont le capital est détenu intégralement par l'Etat, en application de l'article 47 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication), qui sont, conformément à la loi précitée approuvés par décret, ne pourront en aucune manière modifier la limite d'âge des dirigeants aux fins de priver le Conseil supérieur de l'audiovisuel de son pouvoir de nomination organisé par cette même loi ou de porter atteinte à la durée de leur mandat qui est fixée par cette loi à cinq ans, dispositions qui sont de nature à constituer une garantie de l'indépendance des sociétés nationales de programme chargées de la conception et de la programmation d'émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision et de concourir ainsi à la mise en oeuvre de la liberté de communication proclamée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

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La Commission a examiné un amendement de suppression présenté par M. Tony Dreyfus.

M. Tony Dreyfus a estimé que cet article n'a pas sa place dans le présent projet de loi.

Votre Rapporteur général a observé que l'un des objectifs du projet de loi est l'amélioration de la gouvernance des entreprises. La fixation d'un âge limite des dirigeants, qui permet à ceux-ci d'organiser sereinement leur succession, est inséparable d'une bonne gouvernance. Par ailleurs, cet article ne propose rien d'autre que l'alignement du régime de la limite d'âge pour les présidents et directeurs du secteur public sur celui en vigueur pour les entreprises, à savoir 65 ans, sauf dispositions contraires prévues dans les statuts de l'établissement ou de la société.

M. Philippe Auberger a demandé au Rapporteur général des précisions s'agissant du champ d'application de cet article. En effet, il est précisé que ses dispositions ne s'appliqueraient qu'« en l'absence de dispositions particulières prévues par les textes législatifs ou réglementaires régissant l'établissement public ». Il est évident que la loi peut déroger à elle-même en fixant, le cas échéant, un âge de retraite différent pour un établissement public ou une société particuliers. En revanche, la question de la légalité d'un règlement, par exemple constitutif d'un établissement public, qui dérogerait à la règle générale fixée par la loi reste ouverte.

Votre Rapporteur général a indiqué que sa position n'est pas arrêtée à ce jour sur cette question. Il a par ailleurs estimé nécessaire de prévoir les cas particuliers, comme le faisait l'article 7 de la loi n° 84-934 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, du vice-président du Conseil d'État, du premier président et du procureur général de la Cour des comptes. Il a rappelé que le régime juridique applicable aux établissements publics diffère selon que leur création relève d'une disposition législative, dans le cas de la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public, ou d'une disposition réglementaire, dans le cas où l'établissement public s'intègre dans une catégorie existante. Il a estimé que la question du champ d'application de cet article renvoie à cette distinction, permettant dans le second cas aux statuts de fixer un âge de départ à la retraite de ses dirigeants différent de 65 ans.

Approuvé par M. Philippe Auberger, le Président Pierre Méhaignerie a suggéré de supprimer la possibilité d'une exception par voie réglementaire.

Votre Rapporteur général a estimé nécessaire d'examiner cette question de plus près.

M. Philippe Auberger s'est interrogé sur l'objet réel de l'article. S'il prévoit expressément que les textes législatifs régissant des établissements publics particuliers peuvent fixer une limite d'âge différente de 65 ans, c'est inutile puisque rien n'interdit à une législation particulière de déroger à une loi générale. A l'inverse, si l'on considère que le présent article ne s'applique qu'en l'absence de dispositions réglementaires contraires, cela revient à reconnaître au règlement le pouvoir de déroger à la loi, ce qui semble heurter la conception traditionnelle de la hiérarchie des normes.

Suivant l'avis de votre Rapporteur général, la Commission a rejeté l'amendement.

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Après l'article 3

La Commission a examiné trois amendements présentés par M. Charles de Courson, tendant à faire approuver par l'assemblée générale des actionnaires la rémunération des présidents des conseils d'administration, celle des directeurs généraux et celle des membres du directoire.

M. Nicolas Perruchot a souligné l'importance de cette question, d'ailleurs évoquée par le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il s'agirait de soumettre au contrôle de l'assemblée générale ordinaire la rémunération du président, des directeurs généraux et des membres du directoire. L'objectif est d'améliorer la transparence en faisant approuver par l'assemblée générale des actionnaires, seul organe représentant les propriétaires de la société, l'ensemble des éléments des rémunérations de ces dirigeants.

Votre Rapporteur général a douté de l'opportunité de soumettre à l'assemblée générale des actionnaires la totalité des éléments de la rémunération des dirigeants. Deux questions doivent être distinguées :

- d'une part, la question de la transparence, qui doit être faite sur tous les éléments de rémunération, que ceux-ci prennent la forme d'une rémunération annuelle fixe ou variable, d'indemnités d'arrivée ou de départ ou d'une retraite complémentaire. Les actionnaires doivent être informés de ce que la société verse à ses dirigeants ;

- d'autre part, la question de la compétence pour déterminer le montant de ces rémunérations. Or, cette décision ne peut être le fait de l'assemblée générale ordinaire mais doit relever de la compétence du conseil d'administration, les risques de pollution des débats des assemblées générales, voire de démagogie, étant réels.

Cependant, une distinction peut être faite entre les éléments accessoires de la rémunération (indemnités d'arrivée ou de départ, dites « golden hello » et « golden parachute ») et la rémunération principale. Ainsi que l'avait proposé le Président de la Commission des lois dans la proposition de loi sur la gouvernance des sociétés commerciales du 4 février 2004, il serait souhaitable de les intégrer dans les conventions réglementées prévues aux articles L. 225-38 et suivants du code de commerce, qui sont soumises à l'assemblée générale. Dans ce cas, non seulement l'assemblée générale serait informée de ces rémunérations mais elle pourrait en approuver le niveau. En revanche, la rémunération annuelle resterait de la compétence exclusive du conseil d'administration.

M. Philippe Auberger a dénoncé les dérives, visibles d'ailleurs dans les pays qui, comme le Royaume-Uni, ménagent de tels dispositifs, induites par la soumission de l'ensemble des éléments de rémunération des dirigeants à l'examen, même consultatif, de l'assemblée générale. L'attention n'a pas été suffisamment portée sur le fonctionnement des comités de nomination et de rémunération. Souvent, le conseil d'administration se borne à approuver le rapport de ce comité, à qui revient la charge de fixer les rémunérations des dirigeants. Or, un président de société peut être membre de ce comité dans une autre société et vice versa. Un président verra sa rémunération fixée par un comité dont un ou plusieurs membres, également présidents de sociétés, auront leur rémunération déterminée par le comité de leur société dont lui-même sera membre. Plutôt que d'accorder à l'assemblée générale le pouvoir d'approuver ou de rejeter les rémunérations, peut-être serait-il judicieux de lui permettre de ratifier les nominations des membres du comité de rémunération.

M. Jean-Jacques Descamps a estimé nécessaire de distinguer, s'agissant des rémunérations et des avantages accordés aux dirigeants d'une société, ce qui relève des avantages qui leur sont dus en tant que salariés de cette société et ce qui représente d'autres avantages susceptibles de leur être attribués en tant que mandataires sociaux. En effet, le statut de mandataire social implique diverses sujétions ; par exemple, la personne concernée ne peut pas bénéficier des indemnités de chômage en cas de licenciement, ce qui justifie l'existence d'avantages tels que les indemnités de départ, dites « golden parachutes ». Une solution envisageable serait que l'assemblée générale ordinaire examine l'ensemble des éléments de la rémunération et des avantages liés à la fonction de dirigeant d'une société mais que le conseil d'administration s'en tienne à la détermination des avantages liés à la qualité de salarié du dirigeant. Il convient en tout état de cause d'éviter, en la matière, le cumul des genres.

M. Tony Dreyfus a rappelé que, lors de son audition par la Commission, le 11 mai 2005, le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a clairement expliqué que les questions relatives aux éléments « exceptionnels » de rémunération pourraient opportunément être traitées dans une convention réglementée prévue aux article L. 225-38 et suivants du code de commerce. Ces conventions font l'objet d'un rapport spécial des commissaires aux comptes. Il convient de rappeler à cet égard qu'à la demande d'un actionnaire, le détail du contenu des conventions doit être porté à la connaissance de l'assemblée générale. Ce type de solution, qui permet à l'assemblée générale de statuer sur les éléments les plus significatifs et les plus controversés des rémunérations, constituerait un réel progrès.

M. Jean-Michel Fourgous a considéré que la question de la rémunération des mandataires sociaux doit être examinée en ayant présentes à l'esprit les règles du jeu international de la concurrence. Il ne faut pas qu'une réglementation française trop stricte en la matière puisse inciter de nombreuses sociétés à délocaliser leur siège. Il convient de maintenir au dispositif actuel la souplesse nécessaire à son efficacité. D'une manière générale, il faut éviter que les décideurs français soient les seuls à agir selon des principes prétendument « moraux », comme cela a, par exemple, été le cas dans le passé s'agissant de l'instauration des fonds de pensions. Les responsables français se sont en effet prononcés contre la mise en place de telles institutions, alors que d'autres pays se sont déterminés en fonction de critères exclusivement économiques ou financiers. Le résultat est qu'aujourd'hui, le capital de nombreuses sociétés françaises cotées en bourse appartient significativement à des fonds de pension étrangers.

M. Jean-Jacques Descamps n'a pas estimé possible de soumettre, comme le proposent les amendements présentés par M. Nicolas Perruchot, à l'approbation de l'assemblée générale ordinaire la rémunération annuelle des dirigeants. Un tel dispositif pourrait aboutir à ce qu'une décision d'embauche d'un nouveau dirigeant soit, le cas échéant, remise en cause par cette assemblée générale, ce qui ne semble guère acceptable. Les négociations ou les discussions au sein de l'assemblée générale peuvent en revanche porter sur les autres éléments de rémunération accordés aux dirigeants, comme les indemnités de départ, mais non sur la rémunération principale. D'une manière générale, il faut prendre garde à ce que les solutions retenues ne cèdent pas à la démagogie. La transparence totale et entière sur cette question est parfois souhaitable mais elle peut induire dans certains cas plus de difficultés et d'effets pervers qu'elle n'en résout.

Votre Rapporteur général a indiqué que le Gouvernement proposerait sans doute un amendement distinguant effectivement ce qui relève de la rémunération annuelle du dirigeant, l'équivalent de son « salaire », et ce qui constitue des avantages apparaissant comme la conséquence des sujétions particulières liées au statut de mandataire social. Ces derniers devraient être soumis à la procédure de la convention réglementée déjà évoquée.

Deux questions restent à trancher : la première question est celle de l'articulation entre le statut de salarié et celui de mandataire social. Que se passe-t-il si un dirigeant est d'abord recruté comme salarié et devient ensuite mandataire social ? Les droits et rémunérations attachés au contrat de travail sont souvent maintenus même si certains d'entre eux peuvent apparaître exorbitants du droit commun et relever plus manifestement des contreparties financières liées aux sujétions au titre de l'exercice d'un mandat social. Comment, dans ces conditions, s'assurer que les diverses indemnités qui sont précisément visées par les projets de réforme du droit des sociétés soient réellement soumises aux dispositions relatives aux conventions réglementées, et, partant, à l'approbation de l'assemblée générale, et ne soient pas en quelque sorte « détournées » par leur inscription dans le contrat de travail du dirigeant établi préalablement à sa nomination ?

La deuxième interrogation porte sur la nécessité de mettre en place un dispositif efficace et rapide. En effet, lorsqu'une société se trouve en période de crise, qu'elle rencontre des difficultés qui l'obligent à recourir aux services d'un dirigeant ayant les compétences reconnues pour redresser une situation délicate, elle a naturellement tendance à lui proposer des avantages importants en termes de rémunération principale ou différée. Il s'agit de présenter l'offre la plus attrayante possible pour permettre de prendre rapidement à la concurrence le responsable de société le plus à même de « sauver » la société concernée. Pour que cette personne puisse rapidement donner son accord, il convient d'éviter que les caractéristiques de l'offre d'embauche ne fassent l'objet de concertations trop longues ou de règles d'approbation trop contraignantes. En outre, une excessive publicité accordée à ces éléments de rémunération peut constituer un indice, pour le marché, de la situation d'une entreprise contrainte d'avoir recours à de véritables « ponts d'or » pour s'attacher la compétence d'un dirigeant reconnu. Il faut à la fois éviter d'allonger de façon démesurée les délais d'établissement de la convention réglementée et de donner trop de publicité aux avantages ainsi accordés, dont l'importance peut souvent contribuer à détériorer le climat interne de l'entreprise.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx a relevé que les représentants du personnel siégeant dans le conseil d'administration bénéficient d'ores et déjà d'une information parfaite sur les rémunérations qu'il appartient à ce même conseil de déterminer.

La Commission a rejeté les trois amendements.

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

TITRE II

MODERNISER LES OUTILS DE FINANCEMENT DES ENTREPRISES

Article 4

Accès à de nouveaux types de financement pour les activités
de revitalisation économique.

Texte du projet de loi :

I. - Après l'article L. 313-21 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 313-21-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 313-21-1. - Les sociétés retenues pour contribuer à la création d'activités ou au développement des emplois dans le cadre d'une convention passée avec l'État en application de l'article L. 321-17 du code du travail ainsi que les sociétés agréées par le ministre chargé de l'économie sont autorisées à consentir des garanties partielles au profit d'établissements de crédit octroyant des prêts pour des projets de développement d'entreprises situées dans des bassins d'emploi connaissant des difficultés économiques.

« Les conditions d'application de ces dispositions, notamment en ce qui concerne l'agrément et l'étendue des garanties, sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

II. - L'article L. 511-6 du code monétaire et financier est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° Aux personnes morales pour les prêts participatifs qu'elles consentent en vertu des articles L. 313-13 à L. 313-17 et aux personnes morales mentionnées à l'article L. 313-21-1 pour la délivrance des garanties prévues par cet article. »

Exposé des motifs du projet de loi :

L'article 4 vise à offrir l'accès à de nouveaux types de financement pour les activités de revitalisation économique renforcées notamment par l'article L. 321-17 du code du travail issu de la loi de cohésion sociale publiée le 20 janvier 2005.

Aujourd'hui, le financement de ces activités repose sur deux modèles :

- des prêts participatifs mis en place par des sociétés qui assument 100 % du risque et mobilisent leurs fonds propres pour un montant proche de celui des prêts ; ce modèle se décline en une intervention, soit pour compte propre dans le cas de grands groupes industriels, soit par appel à un prestataire spécialisé dans le métier du développement économique, qui agit au nom et pour compte de son commanditaire ;

- des prêts mis en place par des établissements de crédit, avec demande à Oséo/BDPME d'une sur-garantie spécifique Oséo/Sofaris à l'opération de revitalisation. Cela suppose une décision des établissements de crédit et d'Oséo, qui échappe au moins partiellement au groupe industriel ou à la société qui joue un rôle de prestation de conseil.

Compte tenu de la mobilisation importante des ressources que le premier mode de financement représente, il est apparu judicieux d'offrir un modèle de développement supplémentaire pour ces activités. Dans ce troisième modèle, le prêt est mis en place par un établissement de crédit conventionné avec la société de revitalisation et indemnisé pour la fraction prévisible des sinistres. En contrepartie de son implication dans le processus d'instruction d'octroi du prêt et pour crédibiliser son expertise, le groupe industriel, la société de conseil ou son donneur d'ordre peut assumer une partie du risque en garantissant partiellement (pour un niveau de l'ordre de 5 % au-delà du taux de défaillance indemnisé comme ci dessus) l'établissement de crédit qui octroie des prêts à une ou plusieurs entreprises pour favoriser leur développement.

La mesure autorise ainsi l'octroi d'une garantie partielle au profit d'un établissement de crédit pour la mise en place, par cet établissement, de crédits au développement d'entreprises dans les territoires touchés par les difficultés économiques (principalement des restructurations industrielles ou des transferts d'activité de service vers des zones plus compétitives). Les conditions de mise en place de la garantie seront fixées par décret. Cette mesure ne modifie rien aux deux modèles actuels existant en matière de revitalisation économique mais donne une nouvelle possibilité d'association avec des partenaires bancaires à cette fin.

Au-delà de la seule revitalisation, il apparaît judicieux d'élargir ce nouveau mode de financement pour les opérations de développement local.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de diversifier les modalités de financement des actions de revitalisation économique dans les bassins d'emploi connaissant des difficultés économiques en permettant aux sociétés retenues pour contribuer à la création d'activités ou au développement des emplois dans le cadre d'une convention de revitalisation de bassin ou aux sociétés agréées par le ministre chargé de l'économie d'accorder des garanties partielles au profit d'établissements de crédits octroyant des prêts.

I.- Les actions de revitalisation économique des bassins d'emploi affectés
par des licenciements économiques d'ampleur

L'article 118 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a mis à la charge des entreprises qui procèdent à des licenciements économiques dont l'ampleur affecte l'équilibre économique d'un bassin d'emploi une obligation de participer à sa revitalisation :

- Pour les entreprises occupant entre 50 et 1.000 salariés, il était prévu que le représentant de l'État pouvait réunir l'employeur, les représentants des organisations syndicales de l'entreprise concernée, les représentants des organismes consulaires ainsi que les élus intéressés afin de déterminer les moyens que l'entreprise « peut mobiliser » pour contribuer à atténuer les effets du licenciement sur le bassin.

- Les entreprises de plus de 1.000 salariés étaient en revanche tenues de prendre des mesures permettant la création d'activités et le développement des emplois dans le bassin d'emploi affecté par le licenciement collectif. Une convention signée par l'entreprise et le représentant de l'État dans les six mois suivant la fermeture totale ou partielle du site devait préciser le contenu des actions de revitalisation financées par cette entreprise à hauteur d'un montant fixé par le préfet en fonction de ses capacités financières et de l'ampleur du licenciement dans une fourchette comprise entre 2 fois et 4 fois le SMIC par emploi supprimé.

En dépit de l'absence de promulgation des décrets d'application, ce dispositif a connu un certain succès (à la mi-2004, 51 conventions avaient été signées et 93 étaient en cours de négociation, concernant environ 13.000 emplois supprimés ; 86 millions d'euros avaient été mobilisés, soit 1,7 million d'euros par site, avec 9.064 engagements d'emplois dont 57% étaient à cette date réalisés).

Le I de l'article 76 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de cohésion sociale, qui a inséré dans le code du travail un nouvel article L. 321-17 relatif à l'équilibre des bassins d'emploi, a apporté de substantielles améliorations au dispositif afin de lui donner une nouvelle impulsion :

- le fait générateur de l'obligation de revitalisation n'est plus désormais la fermeture totale ou partielle d'un site, qui, trop restrictive, tendait à limiter le dispositif aux seuls licenciements d'entreprises industrielles, les services privilégiant les désengagements progressifs, mais tout licenciement économique dont l'ampleur affecte l'équilibre d'un bassin d'emploi, de même que le champ géographique, pour rester très souple juridiquement, a été étendu à un ou plusieurs bassins d'emploi ;

- les actions de revitalisation ont été mieux coordonnées avec le plan de sauvegarde de l'emploi puisque les montants consacrés dans ce dernier à des actions équivalentes aux actions de revitalisation sont désormais pris en compte dans le calcul de la contribution due par l'entreprise au titre des actions de revitalisation (8;

- les domaines potentiels d'intervention ont été élargis (avec notamment la mention explicite de la nécessité d'atténuer les effets du licenciement sur les sous-traitants) ;

- la nature conventionnelle du dispositif a été renforcée, le montant de la contribution étant désormais fixé par la convention signée entre l'entreprise et l'État, toujours dans la fourchette de 2 à 4 fois le SMIC par emploi supprimé, le présentant de l'État pouvant fixer un montant inférieur à ce plancher lorsque l'entreprise est dans l'incapacité d'assumer la charge financière de cette contribution.

II.- La nécessité de diversifier les instruments financiers
consacrés à ces actions de revitalisation

Les actions de revitalisation peuvent revêtir de très nombreuses formes. Elles peuvent être conduites et assumées directement par l'entreprise licenciant, ou être menées par un prestataire ad hoc ou par une société spécialisée conventionnée. Elles vont de l'aide directe à l'embauche (en général d'anciens salariés de l'entreprise signataire de la convention) au financement de structures de développement local en passant par des ventes à prix préférentiels d'équipements et de locaux ou de prêts à la création, à la reprise ou au développement d'entreprises.

Dans ces derniers cas, deux formules sont utilisées.

La première est le recours aux prêts participatifs. Dans la mesure où ces concours sont assis sur les ressources disponibles à long terme, cette formule concerne principalement les groupes industriels qui, de part leur structure capitalistique, ont les moyens de mobiliser leurs fonds propres pour un montant quasi équivalent à celui des prêts. En outre, la formule des prêts participatifs (qui sont assimilés à des fonds propres pour leur bénéficiaire) mobilise d'importantes ressources, dans la mesure où ces créances étant de dernier rang, l'entreprise qui les accordent assumant l'intégralité des risques.

La seconde est le recours aux prêts bancaires consentis par les établissements de crédits. Dans ce cas, une garantie spécifique peut être demandée à Oséo/BDPME dont le niveau est négocié au cas par cas. En outre, l'établissement de crédit peut être indemnisé pour la fraction prévisible des risques par la société de revitalisation ou par l'entreprise responsable du licenciement. L'une des limites de ce mode de financement est qu'il n'incite guère l'entreprise ou la société de revitalisation qui pilote les actions de revitalisations à sélectionner les projets les plus prometteurs d'un point de vue économique. En effet, la participation de cette entreprise ou de la société mandatée prend souvent la forme d'une indemnisation, ab initio, de l'établissement de crédit pour la fraction prévisible des sinistres (par exemple un pourcentage déterminé des prêts). Son montant est donc intégré au montant de la contribution due par l'entreprise. Dès lors que l'indemnisation est versée, l'entreprise ou la société mandatée n'est en aucune manière intéressée au succès de l'action financée par le prêt (par exemple la création d'une entreprise), puisque son exposition financière est déterminée et résolue en amont du processus, ce qui limite la crédibilité de son expertise dans le processus d'octroi du prêt.

Il est par conséquent proposé de définir un mode de financement intermédiaire qui prendrait la forme d'une garantie partielle consentie à un établissement de crédit qui resterait indemnisé, dans les conditions de droit commun, pour la fraction prévisible des sinistres. L'objectif est à la fois de réduire, le cas échéant, le montant de cette indemnisation initiale dès lors qu'une sur-garantie est apportée à l'établissement bancaire, de permettre le développement de crédits aux entreprises qui ne disposent pas des moyens d'accorder aux banques des garanties substantielles, et d'encourager l'entreprise soumise aux obligations de financer des actions de revitalisation (ou son mandataire) à sélectionner des projets prometteurs les moins susceptibles de faire jouer sa garantie.

A cette fin, l'article propose d'insérer un article L. 313-21-1 à la Sous-section 2 « Crédits aux entreprises » de la Section 2 « Catégories de crédits et opérations assimilées » du Chapitre III « Crédits » du Titre Ier « Les opérations de banque » du Livre III « Les services » du code monétaire et financier autorisant les sociétés retenues pour contribuer à la création d'activités ou au développement des emplois dans le cadre de la convention de revitalisation prévue à l'article L. 321-17 précité du code du travail à consentir des garanties partielles au profit d'établissement de crédit. Il est d'ailleurs précisé que cette faculté s'applique aux seuls prêts pour des projets de développement d'entreprises situées dans les bassins d'emplois. Il est en outre proposé de permettre au ministre de l'économie, par arrêté et dans des conditions déterminées par décret, d'agréer d'autres sociétés autorisées à accorder ces garanties partielles, dès lors que ces prêts ont pour objet de financer le développement d'entreprises dans des bassins d'emplois connaissant des difficultés économiques, formulation large permettant d'aménager la souplesse nécessaire à l'efficacité du dispositif. Le plafond de la garantie serait déterminé par décret, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie suggérant un niveau de l'ordre de 5% du prêt (une fois retranché de ce montant l'indemnisation accordée, le cas échéant, à l'établissement de crédit pour la fraction prévisible du sinistre).

Cette nouvelle faculté impose d'actualiser la liste, prévue à l'article L. 511-6 du code monétaire et financier, des exceptions au principe général d'interdiction à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel posé à l'article L. 511-5 du code précité. Le II du présent article tend à préciser à cette fin que l'interdiction relative aux opérations de crédit ne s'applique pas aux personnes qui consentent les garanties partielles prévues au nouvel article L. 313-21-1. En outre, dans la mesure où le recours aux prêts participatifs tend à être élargi, en raison notamment du développement de cette pratique dans les opérations de revitalisation, il est proposé de préciser, conformément à leur usage, qu'ils sont eux aussi hors du champ de l'interdiction générale de l'article L. 511-5 précité.

La Commission a adopté l'article 4 sans modification.

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Article 5

Agence de l'innovation industrielle.

Texte du projet de loi :

Lorsqu'il sera créé, l'établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial, dénommé Agence de l'innovation industrielle, sera ajouté à la liste figurant à l'annexe III de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

Exposé des motifs du projet de loi :

L'article 5 prévoit les aménagements législatifs nécessaires à la constitution de l'Agence de l'innovation industrielle sous forme d'établissement public industriel et commercial.

Le récent rapport remis au Président de la République par M. Jean-Louis BEFFA a en effet mis en évidence que la contribution de l'industrie à la richesse nationale reste un des facteurs cruciaux du développement économique national, dans le contexte de la mondialisation, et que les principaux pays industrialisés accroissent les moyens dévolus à maintenir leur compétitivité industrielle.

Ceci passe par un effort renouvelé d'investissements structurants sur le long terme, innovants et répondant à des demandes prévisibles importantes. La France ne peut trouver une bonne place dans la nouvelle division internationale du travail, ni donner un contenu substantiel à ses engagements européens en faveur de la compétitivité à la hauteur des enjeux et des risques de désindustrialisation, que si elle prend l'initiative de mieux dynamiser ses capacités industrielles et son potentiel d'innovation. Celui-ci sera tiré par un effort de recherche industrielle accru et par une coopération plus intense des différents acteurs économiques, mobilisés autour de grands programmes.

Afin de promouvoir de tels projets d'innovation industrielle, l'Agence de l'innovation industrielle sera constituée sous la forme d'un établissement public national à caractère industriel et commercial, doté d'un conseil de surveillance et d'un directoire. Cette agence aura pour mission de soutenir, en co-financement avec des industriels et dans le respect de la réglementation européenne, de grands programmes industriels porteurs de recherche et développement.

Compte tenu des choix structurants de sélection ou d'arrêt des grands programmes qui seront soutenus, le conseil de surveillance de cette agence devra comporter des représentants de l'Etat, des personnalités qualifiées et des parlementaires. Par ailleurs, et afin de renforcer le contrôle des actions de l'agence par le conseil de surveillance, ce dernier dispose de prérogatives renforcées par rapport au droit commun.

Le texte proposé à l'article 5, dans la mesure où la création d'un EPIC est de nature réglementaire, ménage la souplesse nécessaire pour donner au conseil de surveillance la composition décrite ci dessus.

En raison du rôle déterminant de la recherche et de l'innovation dans la croissance et des priorités du Gouvernement en faveur du financement de l'économie, une mise en œuvre rapide de cette agence sera recherchée, afin qu'elle puisse être opérationnelle dès 2005.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet d'autoriser le futur établissement public à caractère industriel et commercial dénommé Agence de l'innovation industrielle qui pourrait être créé conformément aux propositions exprimées dans le rapport « Pour une nouvelle politique industrielle » remis au Président de la République par M. Jean-Louis Beffa le 15 janvier 2005, à déroger aux règles relatives à la composition et au fonctionnement des conseils d'administration ou des conseils de surveillance des établissements et sociétés du secteur public, afin de permettre à son règlement constitutif défini par décret de le doter d'un conseil de surveillance dont la composition serait adaptée à ses missions.

1.- La nécessité d'une instance d'impulsion de l'innovation industrielle

a) Le constat d'une insuffisante spécialisation de la France
dans les industries de haute technologie

Dans son rapport précité, M. Jean-Louis Beffa a mis en évidence la fragilité de l'effort de recherche et de développement industriel de la France par rapport à ses principaux voisins. Le poids de notre pays dans le total de la valeur ajoutée des industries manufacturières des 15 plus riches États de l'OCDE s'est en effet continûment dégradé depuis 1980, passant de 7,6% à cette date à un peu plus de 6% au début des années 2000, alors même que le rôle décisif de l'industrie dans le tissu économique est resté incontesté (compte tenu de son effet d'entraînement sur les autres activités, en particulier au travers de ses consommations intermédiaires, elle représente en agrégat large plus de 40% du PIB français et de 50% de son emploi marchand). Le symptôme le plus inquiétant des faiblesses industrielles de la France tient à cet égard moins à un effort de recherche et développement (R&D) insuffisant (l'intensité de la R&D rapporté à la valeur ajoutée par secteur de spécialisation (industries à faible, moyenne et haute technologies) est comparable à celle constatée chez nos voisins) qu'à une trop faible spécialisation dans les industries de haute technologie, précisément les plus intensives en R&D. Ainsi, les industries de faible et moyenne-faible technologie représente 59% de la valeur ajoutée française, contre 47% pour l'Allemagne ou 51% pour les Etats-Unis. Dans ce contexte, l'enjeu est moins de promouvoir une croissance brutale de la R&D par entreprise que de trouver les voies susceptibles d'encourager la réorientation de la spécialisation industrielle française.

Or, M. Jean-Louis Beffa a bien montré que la politique de soutien à la R&D industrielle en France souffre d'une excessive dispersion de moyens en dehors du secteur de la Défense et du financement des grands programmes définis dans les années 70 et 80.

Ainsi, sur un montant annuel de l'ordre de 3 milliards d'euros d'aides ou d'avances à la R&D des entreprises (soit près de 15% des montants qu'y consacrent les entreprises), le financement du secteur de la défense mobilise 1,5 milliard d'euros environ, 575 millions d'euros sont consacrés aux grands programmes via des subventions (nanotechnologies, réseaux thématiques, nucléaire, etc.) ou des avances remboursables (aéronautique), tandis que 200 millions d'euros d'actions ministérielles hors grands programmes bénéficient principalement aux PME/PMI et peuvent parfois prêter le flanc à la critique de saupoudrage ou de dispersion. Les financements de l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) - OSEO (près de 100 millions d'euros de subventions et 200 millions d'euros d'avances remboursables) sont orientés vers les PME/PMI, tandis que le crédit d'impôt recherche (500 millions d'euros en 2004, mais appelé à représenter 1 milliard d'euros d'ici 2008) favorise majoritairement les mêmes PME/PMI en raison de son plafonnement à 8 millions d'euros par entreprise et par an. Il faut ajouter à ces dispositifs de soutien à l'innovation les financements du Vème programme cadre européen de recherche et développement dont les entreprises françaises bénéficient à hauteur de 125 millions d'euros, ainsi que les pôles de compétitivité qui devraient tirer partie dès 2005 d'une enveloppe trisannuelle de 360 millions d'euros à laquelle s'ajouteront différents dispositifs d'allégements fiscaux et de charges sociales (pour ses dernières, à concurrence des rémunérations servies aux effectifs affectés à l'effort de recherche et développement) ainsi que les éventuels abondements des collectivités locales. Il apparaît ainsi qu'au-delà de la dispersion des moyens, l'un des traits caractéristiques du dispositif français d'aide à l'innovation industrielle est, hormis le cas des grands programmes, sa très faible contribution au financement de la R&D des grandes entreprises industrielles qui jouent pourtant un rôle décisif dans la structuration de réseau économique et sont seules aptes à porter les réorientations majeures de l'industrie vers les secteurs les plus intensifs en innovation.

b) Les programmes mobilisateurs pour l'innovation industrielle

De ce constat, M. Jean-Louis Beffa a conclu à la nécessité de mettre en place une politique industrielle plus focalisée sur de grands programmes industriels porteurs d'innovations fortes, qui serviraient de relais aux grands programmes du passé articulés autour du triptyque recherche publique/entreprise publique et commande publique. A ses yeux, la condition du succès de ces programmes est leur situation très en aval du processus de recherche : ils doivent avoir pour but de déboucher sur un produit correspondant à moyenne échéance à une demande importante et solvable sur le marché européen et mondial, et contenir de fortes innovations susceptibles d'irriguer l'ensemble du tissu économique français voire européen.

De cette nécessité découlent cinq critères de sélection des projets :

- la taille de la demande ;

- la forte composante en innovation du produit ;

- l'existence d'une assise industrielle, qui appelle l'identification et la mobilisation d'acteurs industriels européens capables de porter les projets, de les cofinancer et, par suite, de commercialiser les produits constitués ;

- la conformité des programmes aux objectifs de l'UE, l'amélioration de la compétitivité et des conséquences directes et positives en termes d'emplois,

- ainsi que la nécessité d'une intervention publique, soit dans un rôle de coordinateur (le cas échéant avec le réseau public de recherche fondamentale), soit dans un rôle de cofinanceur, soit dans le rôle de client final.

S'agissant de cette dernière condition, il faut remarquer en effet que l'État a incontestablement un rôle important à jouer pour soutenir des investissements dont l'ampleur, les fortes externalités, la durée de développement et les risques technologiques et annexes (fluctuations des prix des matières premières, changes, etc) limitent la capacité des grands groupes à les assumer seuls. A cet égard, la plus-value que peut apporter la puissance publique tient moins à ses facultés de financement qu'à sa capacité à promouvoir et assurer la coordination des acteurs privés (qui garderaient, en tout état de cause, le rôle de pilote du cycle productif) et des acteurs publics et de promouvoir un transfert harmonieux des connaissances et des méthodes de la recherche fondamentale vers les applications industrielles concrètes. Cette coordination efficace des instruments publics et privés de la recherche est par ailleurs mieux garantie par leur focalisation sur des projets identifiés et concrets.

c) La mise en place d'une Agence de l'innovation industrielle

Dans ce contexte, l'efficacité des programmes pour l'innovation industrielle repose sur la définition d'une structure de coordination, d'impulsion, de financement et de suivi qui soit à même de répondre à quatre objectifs.

D'une part, il est essentiel de concentrer, au sein d'une seule et même institution, des capacités d'expertise et d'évaluation provenant de divers horizons tant publics que privés. Cette concertation doit s'exercer aussi bien en amont de la sélection des programmes, grâce à une analyse prospective à moyen terme, de façon à disposer des capacités d'étudier de manière approfondie l'intérêt des projets industriels et technologiques nouveaux, qu'en aval, afin de mieux identifier les projets susceptibles de déboucher sur un produit pouvant rencontrer à moyenne échéance une demande importante et internationale.

Ensuite, il convient de s'assurer de la coordination des positions des différents acteurs publics de la recherche, en veillant en particulier à ce que la gestion des programmes relève d'une réelle perspective interministérielle et qu'y soit partie prenante le Parlement.

En outre, l'assise des programmes sur une longue durée (5 à 15 ans) appelle une forte stabilité des financements. S'agissant de l'industriel « pilote » du programme, sa participation dès les premiers stades de l'innovation est une garantie de la continuité de son effort. Il apparaît en revanche opportun concernant la participation publique soumise aux contraintes annuelles spécifiques des arbitrages budgétaires de trouver les voies d'un financement pérenne qui pourrait consister en l'attribution à un établissement de ressources particulières (soit débloquées dans leur majorité dès le lancement du projet, soit garanties annuellement par une affectation de recettes).

Enfin, l'indispensable mutualisation des risques inéluctables induits par des projets innovateurs rend nécessaire d'identifier une instance unique de gestion des programmes. La centralisation de l'évaluation dans une seule structure permettrait à cet égard d'assurer une évaluation sereine (il est logique que certains programmes n'aboutissent pas) et pertinente (un « portefeuille » de programmes permet d'appréhender le rendement global des projets et d'identifier les échecs éventuels afin d'en prévenir l'apparition dans d'autres programmes).

2.- Les contours de la future Agence de l'innovation industrielle

M. Jean-Louis Beffa, dans le rapport précité, a ainsi proposé de créer une Agence de l'innovation industrielle chargée de lancer et de financer, dès 2005, les premiers programmes pour l'innovation industrielle qu'elle aura sélectionné, en étroite coordination avec les acteurs privés. Dans l'attente de sa formalisation définitive, qui sera notamment inspirée par un nouveau rapport « de préfiguration » rédigé par M. Beffa en liaison avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, il est possible de dégager les contours de cette nouvelle agence, bien que, interrogé à ce sujet par votre Rapporteur général, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ait souligné que l'ensemble des arbitrages ne sont pas rendus au jour de la parution du présent rapport.

· Une première question essentielle concerne les modalités d'organisation de l'agence. Il est apparu d'ores et déjà opportun de prévoir de la doter d'un statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), afin d'y attacher les garanties comptables et financières inhérentes à ce statut. Cet établissement serait vraisemblablement rattaché au ministre chargé de l'industrie.

La constitution d'une gouvernance adaptée aux nécessités d'expertise et de coordination identifiées plus haut rend à cet égard nécessaire de déroger au droit commun applicable aux établissements publics de l'État défini par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

Le présent article propose ainsi d'inscrire la future Agence de l'innovation, à compter de sa création, à l'annexe III de la loi de 1983 précitée, c'est-à-dire au nombre des établissements et entreprises publics exclus du champ d'application de l'ensemble du titre II de la même loi. Le chapitre Ier du titre II « Démocratisation des conseils d'administration ou de surveillance » dispose notamment que les conseils de surveillance des EPIC sont constitués, pour un tiers au moins, de représentants des salariés de l'établissement et, pour le reste, de représentants de l'État et de personnalités qualifiées. Dans le cas de l'Agence de l'innovation industrielle, la règle du « tiers » de représentants de salariés (à l'élection et au statut desquels sont consacrés les deux autres chapitres II et III du titre II précité) n'a guère de sens, la vocation de cet établissement étant d'être une structure souple de pilotage et de suivi de programmes dont le secrétariat serait assumé par les services compétents de l'État.

La composition de son conseil de surveillance, dont la mission serait d'assurer la supervision générale de l'agence et de la politique dont elle assure la gestion, doit à l'inverse permettre la représentation de l'ensemble des parties prenantes dans la politique des programmes, regroupant à cette fin des représentants des ministères concernés (Economie, des finances et de l'industrie, Recherche et Défense, dans des proportions non encore arbitrées), des parlementaires (probablement un par assemblée), des personnalités qualifiées (dont un ou plusieurs représentants d'organisations syndicales), des personnes siégeant ès qualités afin d'assurer la coordination avec les autres dispositifs publics de soutien à l'innovation industrielle (Oséo, Agence nationale de la recherche et Haut Conseil de la Science). En outre, afin de s'entourer de toutes les précautions indispensables au maniement des deniers publics, un commissaire du Gouvernement (qui pourrait, le cas échéant, disposer du pouvoir de s'opposer à une délibération du conseil de surveillance) et un contrôleur d'État seraient membres du conseil. Enfin, un comité scientifique, chargé de contribuer à l'évaluation des programmes et intégrant, le cas échéant, en son sein des experts étrangers, et une cellule de prospective réunissant des industriels, des scientifiques et des responsables de l'administration afin de définir les programmes du futur et de permettre une circulation fluide de l'information entre les acteurs, pourraient être créés, dérogeant ainsi au modèle traditionnel de gouvernance des établissements publics.

Le titre II de la loi de 1983 précitée définit par ailleurs des règles de fonctionnement des conseils de surveillance des établissements publics auxquelles il est proposé de permettre au décret constitutif de l'Agence de l'innovation industrielle de déroger. L'article 10 de la loi de 1983 précitée prévoit notamment que le président du conseil de surveillance est nommé parmi ses membres et sur proposition de celui-ci, par décret, tandis qu'il limite à 5 membres la composition du directoire des établissements publics. L'article 11 pour sa part limite à 5 ans la durée du mandat des membres du conseil d'administration, et encadre le cumul des mandats d'administrateurs dans les établissements et entreprises publics. L'habilitation à déroger à ces règles ne préjuge en rien des formes définitives que prendront la composition et les modalités de fonctionnement de l'Agence. Elle offre cependant au pouvoir réglementaire la faculté de définir la structure la plus adaptée à l'objectif spécifique qui est assigné à l'Agence, laquelle remplit une mission de coordination, d'expertise, d'évaluation et de suivi sur longue période de programmes menés par des industriels « pilotes » en étroite coordination avec elle.

· Une deuxième question concerne les modalités de sélection des grands programmes, de passage des appels d'offre et de suivi des programmes sur leur cycle de vie. En particulier, dans la mesure où l'objet des programmes, selon le rapport précité de M. Jean-Louis Beffa, serait de « confier à une entreprise industrielle ou à un groupe d'industriels européens le rôle de chef de file quant à la mise au point des démonstrateurs ou produits prévus par le Programme et l'animation de l'organisation partenariale permettant ses réalisations [...], le rôle de pivot joué par l'industriel responsable du Programme [devrait se traduire] par un contrat formalisé entre l'industriel et l'Agence pour l'innovation industrielle ». Il appartiendra dès lors au pouvoir réglementaire de définir les stipulations d'un tel contrat, ainsi que les règles relatives à la propriété intellectuelle du programme et les obligations de contrôle incluses dans le contrat.

· Une troisième question tient aux modalités de financement de l'Agence. Votre Rapporteur général rappelle à cet égard que les aides publiques éventuellement accordées dans le cadre des programmes pour l'innovation industrielle (avances remboursables ou subventions directes) devront respecter le droit communautaire relatif aux aides d'État et en particulier, s'agissant des aides à la recherche et ou développement, les plafonds maximaux de subventions définis par la Communication de la Commission relative à l'encadrement communautaire des aides d'État à la recherche et au développement (JOCE C 45 du 17 février 1996). Cette communication, établie sur les fondements des articles 87 paragraphe 3 (qui dispose que sont compatibles avec le marché commun les aides d'État destinées à « promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun [et à] faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques ») et 157 (qui invite la Communauté et les États membres à mener des actions destinées à encourager l'innovation, la recherche et le développement technologique) du Traité CE, dispose que la Commission effectue un examen au cas par cas des projets préalablement notifiés (en tenant compte de la nature du projet, des risques de distorsion de la concurrence et de l'incidence sur les échanges entre les États membres) et fixe des plafonds applicables selon la nature des projets :

- à recherche fondamentale publique, les financements de projets par les établissements d'enseignement supérieur et de recherche sans but lucratif dont les résultats sont mis à disposition des entreprises communautaires sur une base non discriminatoire et les recherches issues d'une procédure d'appel d'offres ne sont pas soumises à cet encadrement communautaire ;

- s'agissant des projets de recherche industrielle, c'est-à-dire les recherches menées pour mettre au point des produits, procédés ou services, nouveaux ou déjà existants, le financement par l'État ne peut dépasser 50% du coût du projet (avec certaines majorations spécifiques pour les programmes qui s'insèrent dans le programme cadre européen de R&D (+ 10 points) ou pour ceux qui prévoient une collaboration transfrontalière s'accompagnant d'un effort pour la diffusion des résultats et l'octroi de licences et de brevets (+ 10 points), dans la limite maximale, tous éléments cumulés, de 75% de financements publics) ;

- s'agissant enfin d'activités de développement préconcurrentielles, c'est-à-dire la concrétisation des résultats de la recherche industrielle dans un plan/schéma/dessin pour des produits, procédés ou services, le plafond est fixé à 25% (sous réserve des majorations décrites plus haut et dans la limite de 50%).

Pour les activités à la fois de recherche industrielle et de développement préconcurrentiel, dans lesquelles s'intègrent manifestement les programmes pour l'innovation industrielle, l'intensité acceptable de financement public ne peut dépasser la moyenne pondérée des intensités mentionnées plus haut (c'est-à-dire dans une fourchette allant de 25 à 50%, hors majorations ponctuelles éventuelles). En tout état de cause, les programmes devront être soumis à l'approbation de la Commission européenne, la notification devant démontrer que l'aide en question, appréciée au cas par cas, incite les entreprises à entreprendre des activités supplémentaires de recherche qui n'auraient pas eu lieu, ou auraient été moins ambitieuses, en l'absence de subventions ou d'avances.

Dans le respect de ces dispositions, les financements de l'agence pourraient, selon le rapport de M. Jean-Louis Beffa précité, représenter des montants annuels de l'ordre « d'un milliard d'euros sur moyenne période », afin de gérer 4 à 6 programmes d'une taille pertinente. La lettre de mission adressée le 17 janvier 2005 par le Président de la République à M. Jean-Louis Beffa sur la création de l'Agence de l'innovation industrielle suggère que « l'Agence sera dotée, entre 2005 et 2007, d'au moins 2 milliards d'euros de crédits dégagés sur les recettes liées à la cession par l'État de participations dans des entreprises ». Votre Rapporteur général remarque à cet égard que, pour ne pas dégrader le déficit public au sens du Traité de Maastricht, les dotations en capital réalisées à partir des recettes de privatisation doivent constituer, selon Eurostat, « un placement de qualité patrimoniale », c'est-à-dire avoir pour vocation, par la rentabilité des investissements qu'elles financent, à trouver une contrepartie dans le futur au bénéfice de l'État, ce qui ne semble pas devoir être le cas des programmes pour l'innovation industrielle.

· Une dernière question concerne la place que devrait occuper l'Agence pour l'innovation industrielle dans le dispositif public de soutien à la recherche industrielle. Selon le rapport de M. Jean-Louis Beffa précité, son objet spécifique tient à sa forte spécialisation sur des programmes d'une taille critique importante (de l'ordre, au minimum, de 100 millions d'euros) et sa concentration plutôt en aval du cycle industriel. Elle se distinguerait à cet égard de l'Agence nationale de la recherche (9), dont la mission, très en amont du cycle de l'innovation, est de favoriser la concertation des différents opérateurs de la recherche publique avec la recherche privée et de se concentrer sur la recherche fondamentale (10), et d'OSEO-ANVAR (issu du rapprochement de l'ANVAR et de la BDPME) qui a pour mission de soutenir l'effort d'innovation des PME notamment en partageant le risque financier inhérent aux transferts de technologie et à la mise au point d'un produit, procédé ou service nouveau à forte composante technologique, soit une situation plus en aval du cycle et concentrée sur les PME. De toute évidence, ces frontières sont par nature poreuses, l'essentiel étant d'assurer une étroite complémentarité entre ces institutions (les projets gérés par l'ANR qui conduiraient à une innovation industrielle potentielle pourraient être développés dans un second temps par l'Agence de l'innovation industrielle, de même que les innovations portées par cette dernière pourraient utilement être relayées par leur transmission aux PME via OSEO-ANVAR). La présence de représentants de ces deux organismes dans le conseil de surveillance de l'Agence constituerait à cet égard une utile précaution.

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La Commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Tony Dreyfus.

M. Tony Dreyfus a retiré l'amendement après que votre Rapporteur général eut indiqué son souhait d'obtenir des précisions sur l'articulation des activités de cette agence avec les autres agences existantes ainsi que sur son financement.

M. Daniel Garrigue a souligné que l'important est, comme pour l'Agence nationale pour la recherche, de connaître les modalités d'apport des financements, ces derniers ne créant pas en l'état actuel une émulation suffisante.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par votre Rapporteur général (amendement n° 31).

La Commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

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Article 6

Habilitation du Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances des mesures visant à réformer le droit des sûretés.

Texte du projet de loi :

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnances les mesures nécessaires pour :

1° Opérer la refonte des dispositions du code civil relatives au cautionnement, au nantissement, au gage, à l'antichrèse, aux privilèges et aux hypothèques, afin d'en améliorer l'efficacité et la souplesse, de simplifier la constitution de ces garanties, d'en faciliter la transmission et de développer le crédit hypothécaire ;

2° Modifier les autres dispositions du livre III du code civil relatives à la délégation, la cession de créance, la subrogation personnelle, la novation, le contrat de rente viagère et la vente à réméré ;

3° Aménager et insérer dans le code civil les dispositions relatives à la clause de réserve de propriété ;

4° Introduire dans le code civil des dispositions inspirées de pratiques relatives aux garanties autonomes, aux lettres d'intention ou de confort et au droit de rétention ;

5° Réformer les dispositions du livre III du code civil relatives à l'expropriation forcée et aux ordres entre les créanciers et adapter en conséquence toutes dispositions de nature législative pour assurer la cohérence avec les modifications ainsi apportées ;

6° Modifier les dispositions du code de commerce, du code des assurances, du code monétaire et financier et du code de la consommation permettant d'assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application du 1° à 4° du présent article.

Les ordonnances prévues par les 1° à 5° doivent être prises dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi. Les ordonnances prévues par le 6° doivent être prises dans un délai de douze mois suivant cette publication.

Pour chaque ordonnance, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication.

Exposé des motifs du projet de loi :

L'article 6 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer le droit des sûretés. Alors que le code civil a connu de profondes modifications, notamment dans les domaines du droit des personnes et de la famille, eu égard aux évolutions sociologiques intervenues, la partie consacrée aux sûretés n'a connu aucune révision d'ensemble depuis 1804. C'est pourquoi, en raison de leur importance décisive pour le développement de l'activité économique, les praticiens ont innové et trouvé des solutions plus adaptées.

A l'occasion du bicentenaire du code civil, le Président de la République a rappelé la nécessité de réécrire le droit des sûretés dans un délai de cinq ans. A cet effet, le garde des sceaux a constitué un groupe de travail composé d'universitaires et de praticiens, afin de proposer les adaptations nécessaires du droit des sûretés, tant en ce qui concerne les sûretés réelles que personnelles.

Face au constat de la dispersion des textes régissant cette matière et de la diversité des solutions mises en œuvre par les praticiens, la réforme aura pour objet de rendre à ce droit sa pleine cohérence, sa lisibilité et sa simplicité de mise en œuvre, gage de sécurité juridique.

La matière sera également modernisée par la consécration ou la mise en place de solutions novatrices qui procèdent de la jurisprudence ou de la pratique française et européenne, afin de restaurer l'efficacité de certaines sûretés, en étendre le champ et sauvegarder la compétitivité des règles juridiques françaises.

Notamment, selon le souhait exprimé par le Président de la République lors de ses vœux aux forces vives de la Nation, les conditions de recours des ménages au crédit hypothécaire pourront être rendues plus attractives, favorisant ainsi les opérations d'accession à la propriété.

Le rapport conjoint de l'Inspection générale des Finances et de l'Inspection générale des services judiciaires sur l'hypothèque et le crédit hypothécaire, remis au ministre de l'économie et au garde des sceaux en novembre 2004 et le rapport conjoint de l'Inspection générale des Finances et du Conseil général des ponts et chaussées sur le prêt viager hypothécaire, remis au ministre de l'économie et au ministre de l'équipement au mois de juillet 2004 ont permis de mettre en exergue la nécessité de trouver des solutions adaptées à l'élargissement de la gamme des produits hypothécaires offerts aux ménages et à la mobilisation de l'actif résidentiel des personnes âgées.

A cet égard, la réforme proposée permettra la mise en œuvre de nouvelles modalités de garantie du crédit afin d'offrir des solutions adaptées au patrimoine des particuliers et des personnes morales, notamment en créant les conditions d'émergence d'un crédit hypothécaire rechargeable et d'un prêt viager hypothécaire.

Ainsi, sera proposée l'insertion au sein du code civil d'un livre nouveau rassemblant l'ensemble des principes directeurs de cette matière, sans omettre leur articulation avec les dispositions contenues dans les autres codes concernés, que sont le code de commerce, le code monétaire et financier, le code des assurances ainsi que le code de la consommation. Les mesures de simplification des procédures et de protection du consommateur, nécessaires au développement du crédit hypothécaire, seront également introduites à cette occasion.

De même, compte tenu des grandes affinités qu'entretient le droit des obligations avec le droit des sûretés, certaines dispositions utilisées dans le cadre de garantie d'une créance seront également adaptées en conséquence.

La procédure de saisie immobilière, régie par des textes de 1806 remaniés en 1938, paraît à bien des égards anachronique. La lenteur, le coût et la complexité sont les défauts couramment relevés à son encontre.

La réforme aura pour objectif de moderniser les textes afin de les rendre plus lisibles, de simplifier la procédure de saisie qui est soumise à un formalisme dont certains aspects sont obsolètes et d'unifier les principes des voies d'exécution au regard des règles instituées par la loi du 9 juillet 1991.

Observations et décision de la Commission :

Cet article tend à permettre au Gouvernement de prendre par voie d'ordonnances, en vertu de l'article 38 de la Constitution, différentes mesures visant à réformer le droit des sûretés. Ces dispositions font suite à un souhait exprimé par le Président de la République qui a plaidé, à l'occasion du bicentenaire du code civil, pour une refonte de ce droit, et ce dans un délai de cinq ans. Le groupe de travail qui a été constitué en juillet 2003, composé d'universitaires et de praticiens, et présidé par le professeur Michel Grimaldi, a remis en mars 2005 son rapport au Garde des sceaux, le ministre de la Justice, M. Dominique Perben.

Il apparaît que la modernisation de certaines règles, qui sont aujourd'hui dépassées du droit des sûretés, revêt à présent un certain caractère d'urgence. Or une telle réforme ne pourrait vraisemblablement pas être menée à bien dans des délais très rapides par le Parlement, en raison de l'encombrement de l'ordre du jour des deux assemblées.

Les réformes ainsi mises en œuvre par ordonnances devraient notamment permettre de moderniser les procédures liées à l'hypothèque. Cet article habilite en effet le Gouvernement à procéder par ordonnance pour créer les conditions de développement du crédit hypothécaire mobilier. Deux produits sont susceptibles d'être mis en place : le crédit hypothécaire rechargeable et le prêt viager hypothécaire.

On constate aujourd'hui que le recours à la caution est utilisé pour plus de 50% des prêts immobiliers en France, alors que l'hypothèque est la garantie la plus répandue dans de nombreux pays européens et aux Etats-Unis.

La pratique dite du « rechargement » de l'hypothèque (nommée « equity release » par les anglo-saxons) qui favorise le crédit hypothécaire mobilier (c'est-à-dire destiné à un bien de consommation), de même le prêt viager hypothécaire (nommé « reverse mortgage » par les anglo-saxons), sont largement répandus au sein des ménages aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Or ces produits sont actuellement inexistants en France. Il convient de remédier à cette situation en élargissant la gamme des produits susceptibles d'être proposés aux ménages français.

Les nouveaux dispositifs de crédit hypothécaire envisagés viendront en effet en complément de la gamme actuelle des crédits offerte aux ménages et aux entreprises. L'objectif est que ces produits deviennent un vecteur supplémentaire d'injection dans l'économie de liquidités destinées à financer des besoins personnels.

I. - Les pistes de réforme du droit des sûretés

De nombreuses dispositions du code civil sont concernées par les projets de réformes envisagées par la Chancellerie. La plupart de ces aspects intéressent en premier lieu la Commission des lois qui s'est saisie pour avis, entre autres articles, du présent article du projet de loi (cf voir le rapport de M. Philippe Houillon, rapporteur de cette Commission pour ce projet de loi (11). La Commission des finances est, quant à elle, particulièrement attachée à suivre les évolutions des règles relatives au crédit hypothécaire.

A.- Les préconisations du groupe de travail mis en place en juillet 2003

Un texte de projet de réforme du droit des sûretés a été proposé par le groupe de travail présidé par le professeur Michel Grimaldi. Ces projets de textes, de portée très large, traitent à la fois :

- des principes directeurs du droit des sûretés (parmi lesquels l'affirmation que la sûreté garantit l'exécution d'une obligation, qu'elle ne saurait être une source d'enrichissement pour le créancier, et qu'elle constitue un accessoire de la créance) ;

- de la nécessité d'articuler ces dispositions avec celles relatives aux procédures d'insolvabilité ;

- de la réforme du cautionnement afin d'aller vers « l'instauration d'un équilibre entre la protection raisonnée de la caution et une nécessaire restauration de l'efficacité de cette sûreté » (rapport Grimaldi, page 5). La définition même du cautionnement pourrait être « celle d'un contrat par lequel une caution s'oblige à payer la dette d'un débiteur en cas de défaillance de celui-ci. » ;

- de la protection de la caution personne physique ; il pourrait être proposé que tout acte de cautionnement sous seing privé souscrit par une personne physique donne lieu à rédaction d'un écrit revêtu par elle-même de la mention chiffrée de son engagement en principal ;

- de la restauration de l'efficacité du cautionnement : le groupe de travail a suggéré une disposition autorisant une clause aux termes de laquelle les héritiers de la caution seraient tenus des dettes nées postérieurement au décès de leur auteur ;

- de la réforme des sûretés sur les meubles avec notamment l'édiction de règles de classement des privilèges mobiliers ;

- de l'actualisation du nantissement des meubles incorporels : le nantissement pourrait être, par analogie par le gage, défini comme la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d'une obligation un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers incorporels, actuels ou futurs ;

- de la réforme des sûretés réelles immobilières, le groupe de travail a recommandé, d'une part, la consécration de l'antichrèse-bail et, d'autre part, la modernisation de l'hypothèque.

B.- La nécessité de mieux encadrer l'habilitation donnée au Gouvernement de légiférer par voie d'ordonnance

Cet article d'habilitation peut certes paraître opportun - dans la mesure où pour de telles questions particulièrement techniques, la procédure des ordonnances peut en effet s'avérer efficace. Néanmoins il convient, pour que l'exercice reste bien encadré, d'une part, que la formulation de l'habilitation ne soit pas trop vague et, d'autre part, qu'au moment de la rédaction des dites ordonnances, divers acteurs puissent être correctement associés à l'élaboration des textes, et notamment les parlementaires particulièrement intéressés à ces questions.

Votre Rapporteur général se réjouit à ce titre de ce que la Commission des lois a adopté, lors de sa réunion du 12 mai 2005, un certain nombre d'amendements présentés par M. Philippe Houillon, rapporteur du présent projet de loi pour cette Commission, visant à limiter le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance. D'ailleurs, on peut rappeler que le Conseil constitutionnel a jugé à plusieurs occasions (12) que s'agissant de la loi d'habitation à légiférer par ordonnance, le Gouvernement était tenu d'indiquer avec précision au Parlement quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre et leurs domaines d'intervention.

1.- L'architecture de l'article

Cet article est composé de neuf alinéas : le premier permet de donner au Gouvernement l'habilitation dont il a besoin, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, pour prendre un certain nombre d'ordonnances visant à réformer le droit des sûretés. Les alinéas deux à sept (correspondant à la numérotation du 1° au 6°) portent sur les différents aspects qui feront l'objet de ces ordonnances.

Le huitième et avant-dernier alinéa indique dans quel délai les ordonnances prévues au 1° à 5° devront être prises : un délai de neuf mois a été retenu. Un délai plus long, de douze mois, est en revanche posé s'agissant des ordonnances prévues par le 6°. Il est vrai que le 6° fait référence à des modifications ayant trait à diverses dispositions figurant dans un certain nombre de codes différents : le code de commerce, le code des assurances, le code monétaire et financier et le code de la consommation. Il est logique que les délais pour élaborer les textes des ordonnances concernées soient plus longs en la matière, étant donné le nombre de codes concernés par les modifications envisagées.

Aux termes du dernier alinéa de cet article, pour chaque ordonnance un délai de trois mois à compter de la publication est retenu pour le dépôt du projet de loi de ratification devant le Parlement.

2.- Une habilitation formulée de manière large et parfois insuffisamment précise

Le 1° (au deuxième alinéa) indique que le Gouvernement s'engage à « opérer la refonte des dispositions du code civil » relatives à de nombreux aspects du code civil : le cautionnement, le nantissement, le gage, l'antichrèse, les privilèges et les hypothèques. Une seule limite est posée : il est indiqué, mais sans plus de précisions, que cette réforme doit poursuivre un objectif :

- d'amélioration de l'efficacité et de la souplesse des dispositifs concernés ;

- de simplification de la constitution de ces garanties ;

- de facilitation de la transmission et de développement du crédit hypothécaire.

On peut rappeler qu'a été adopté par la Commission des lois un amendement présenté par M. Philippe Houillon, rapporteur du présent projet de loi pour cette Commission, tendant notamment à supprimer dans cet alinéa la mention du cautionnement et des privilèges. Il est vrai que le Gouvernement ne semble pas avoir décidé quelle allait être sa position vis-à-vis des propositions élaborées sur cette question précise par le groupe de travail précité.

Le 2° (au troisième alinéa) est de visée très large : il permet la modification des « autres dispositions du livre III du code civil relatives à la délégation, la cession de créance, la subrogation personnelle, la novation, le contrat de rente viagère et la vente à réméré. »

On peut rappeler qu'a été adopté par la Commission des lois un amendement présenté par M. Philippe Houillon, rapporteur du présent projet de loi pour cette Commission, visant à supprimer dans cet alinéa la référence à la délégation, la cession de créance, la subrogation personnelle, la novation, le contrat de rente viagère et la vente à réméré.

L'amendement permet d'habiliter le Gouvernement à modifier par ordonnances, dans un cadre plus précis, le fonctionnement de l'antichrèse (13) et du crédit hypothécaire. S'agissant de l'antichrèse, l'objectif est d'autoriser le créancier de donner à bail l'immeuble dont le débiteur s'est dépossédé à titre de garantie. Concernant le crédit hypothécaire, le but est de permettre la mise en place prochaine de deux nouveaux produits (que l'amendement cite dans son dispositif) : le crédit hypothécaire rechargeable et le prêt viager hypothécaire. Enfin, l'amendement engage le Gouvernement à simplifier la mainlevée de l'inscription hypothécaire et à en diminuer le coût.

Votre Rapporteur général proposera, quant à lui, un sous-amendement à cet amendement adopté par la Commission des lois, afin de préciser qu'il est demandé au Gouvernement de veiller à protéger au mieux les intérêts des personnes bénéficiant de l'un ou l'autre de ces nouveaux produits. Il convient en effet de faire en sorte que soient édictées des règles contraignantes relatives à la protection des consommateurs et que les taux d'intérêt pratiqués par les établissements bancaires puissent être correctement encadrés afin d'éviter toute dérive en la matière, étant donné l'état de vulnérabilité de certaines personnes susceptibles de recourir à ces dispositifs et notamment au prêt viager hypothécaire.

Le 3° (au quatrième alinéa) permet au Gouvernement d'insérer dans le code civil « les dispositions relatives à la clause de réserve de propriété ».

On peut rappeler qu'a été adopté par la Commission des lois un amendement présenté par M. Philippe Houillon, rapporteur du présent projet de loi pour cette Commission, précisant dans cet alinéa que l'insertion dans le code civil des dispositions relatives à la clause de réserve de propriété s'opèrerait à droit constant. Le Gouvernement a en effet indiqué ne pas avoir l'intention de modifier le contenu des dispositions concernées mais a seulement expliqué que ces dernières devaient être transférées dans le code civil.

Le 4° (au cinquième alinéa) permet l'introduction dans le code civil de dispositions relatives aux garanties autonomes, aux lettres d'intention ou de confort et au droit de rétention.

Il faut noter qu'a été adopté par la Commission des lois un amendement de M. Philippe Houillon, rapporteur du présent projet de loi pour cette Commission, rappelant dans cet alinéa la définition générale dégagée par la jurisprudence s'agissant des pratiques de la garantie autonome, de la lettre d'intention et du droit de rétention. L'objectif est d'éclaircir les notions précitées et ainsi de préciser de façon plus claire la finalité des réformes envisagées par le Gouvernement dans ce domaine.

Le 5° (au sixième alinéa) a pour objet d'habiliter le Gouvernement à opérer la réforme des règles relatives à l'expropriation forcée ainsi qu'aux ordres entre les créanciers.

On peut signaler qu'a été adopté par la Commission des lois un amendement de M. Philippe Houillon, rapporteur du présent projet de loi pour cette Commission, tendant à supprimer dans cet alinéa la référence aux dispositions relatives aux « ordres entre les créanciers ». Le Gouvernement n'a en effet pas dans l'intention de modifier de façon générale l'ensemble des règles relatives à l'ordre des créanciers.

L'amendement vise en outre à préciser que la réforme par ordonnances des dispositions du code civil relative aux procédures d'expropriation forcée a pour objet la simplification des procédures civiles d'exécution immobilières, le rapprochement avec les procédures civiles d'exécution mobilière, le renforcement du contrôle du juge et enfin, l'encouragement de la vente amiable.

C.- La réforme du régime de l'hypothèque

On peut relever que la réforme du régime de l'hypothèque est visée au 1° du présent article qui traite également des règles relatives au nantissement, au gage, à l'antichrèse et aux privilèges.

L'objectif poursuivi est double : il s'agit de favoriser le développement du crédit hypothécaire et de faciliter et simplifier l'utilisation de cette sûreté. La réforme de la procédure de saisie est, quant à elle, visée au 5°. Les dispositions qui n'ont pas vocation à figurer dans le code civil et qui sont nécessaires notamment à assurer la protection du consommateur, à garantir un traitement prudentiel adéquat, à permettre, le cas échéant, le nantissement de stocks pour les entreprises, relèvent, quant à elles, du 6° du présent article (au septième alinéa).

En définitive, la réforme du crédit hypothécaire est visée à la fois dans le 1° (au deuxième alinéa) - s'agissant des dispositions du code civil liées au nouveau régime juridique des hypothèques - et au 6° (au septième alinéa).

Au 6° (au septième alinéa), l'habilitation porte sur plusieurs codes - le code de commerce, le code des assurances, le code monétaire et financier et le code de la consommation. Certaines des dispositions de ces codes devront en effet être modifiées afin de tenir compte des « conséquences des modifications apportées en application du 1° à 4° du présent article » (portant quant à elles exclusivement sur le code civil).

Il faut rappeler qu'a été adopté par la Commission des lois un amendement présenté par M. Philippe Houillon, rapporteur du présent projet de loi pour cette Commission, visant dans cet alinéa à habiliter le Gouvernement à aménager et modifier par ordonnances les dispositions de nature législative pour tirer les conséquences des mesures autorisées en application des 1° à 5° de cet article. Cet amendement permet d'éviter de citer dans cet alinéa la liste des différents codes susceptibles d'être affectés par ces modifications. Cela permet en outre de mettre en œuvre la proposition du rapport Grimaldi visant à regrouper l'essentiel des articles relatifs au droit des sûretés au sein d'un Livre IV du code civil.

Il faut en effet noter que la mise en place des deux nouveaux produits envisagés - le crédit hypothécaire rechargeable et le prêt viager hypothécaire - s'appuiera sur le nouveau cadre juridique du régime des hypothèques devant être élaboré par les services de la Chancellerie. Mais d'autres dispositions législatives seront nécessaires pour garantir de bonnes conditions de mise en place de ces nouveaux produits bancaires : il conviendra en particulier de veiller à assurer la protection du consommateur et de préciser les règles prudentielles applicables à ces nouveaux types de crédits.

La création de ce crédit hypothécaire rechargeable pourrait nécessiter une adaptation du droit de crédit tel que décrit dans le code de la consommation et le code de commerce. Des dispositions de protection du consommateur et de réglementation bancaire devraient par ailleurs encadrer ce crédit d'un type nouveau. Il faut en effet faire en sorte que les emprunteurs puissent recourir à ces produits en toute sécurité. Par exemple, il serait opportun d'éviter que les emprunteurs ne mobilisent leur hypothèque pour de faibles montants et ne mettent ainsi en danger leur logement pour des enjeux mineurs.

II.- La mise en place prochaine de deux nouveaux produits

Il faut rappeler que la pratique culturelle française du crédit est aujourd'hui très orientée sur les revenus, et non sur les garanties.

Le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des services judiciaires indique à juste titre : « Les établissements de crédit accordent les prêts principalement au regard de la solvabilité de l'emprunteur ; la nature et la solidité de la garantie ne jouent qu'un rôle subsidiaire. En conséquence, les personnes qui ne disposent pas de revenus suffisants et réguliers sur le moyen terme ont difficilement accès au crédit. »

A.- Etat des lieux de la pratique culturelle française du crédit

En France, on constate que 56% des ménages sont propriétaires de leur logement, alors que ce pourcentage atteint 69% en Angleterre.

D'après les données disponibles, il apparaît que les prêts garantis par une hypothèque portent plus fréquemment sur des opérations dans le neuf, tandis que les prêts cautionnés financent plutôt l'ancien ou les travaux seuls. Les montants empruntés avec une garantie hypothécaire sont plus élevés (au moins 45.000 euros) que ceux garantis par une caution (15.000 euros et plus).

En comparaison des pratiques observées dans certains pays européens ou des Etats-Unis, le prêt bancaire aux particuliers reste, en France, essentiellement fonction des ressources de l'emprunteur. Dans nombre de pays étrangers, les procédures intègrent la qualité de la garantie associée.

La situation française est susceptible de freiner l'accès à la propriété d'un grand nombre de ménages dont les revenus sont par exemple irréguliers, ou des personnes ne bénéficiant pas d'un contrat de travail à durée indéterminée.

1.- Les inconvénients actuels du régime de l'hypothèque

Depuis quelques années, la garantie par caution a tendance à se développer au détriment de la garantie hypothécaire. Ainsi, en 2004, 41% des emprunts immobiliers des particuliers étaient garantis par une caution et 29% par une hypothèque. Ces chiffres étaient de 28% et 37% respectivement en 2000.

Quelles sont les raisons d'une telle situation ?

En premier lieu, il s'avère que les coûts de l'hypothèque sont plutôt plus élevés en France que dans d'autres pays. En France, ce coût représente entre 1,5% et 2% du capital emprunté (hors frais de mainlevée) ; il n'est que de 0,6% en Angleterre et de 0,4% en Allemagne.

Il convient en deuxième lieu de relever le coût dissuasif en France de la procédure de la mainlevée. En France, ce coût atteint 0,4% du capital emprunté au-delà de 16.800 euros. Ainsi, la caution est de plus faible coût que l'hypothèque en offrant par ailleurs, dans bien des cas, le même niveau de garanties, grâce notamment à l'inscription par le banquier d'une hypothèque en cas de défaut.

En troisième lieu, la difficulté avec laquelle peut être mise en œuvre en France la procédure de l'exécution des saisies immobilières représente un autre facteur tendant à freiner le recours à l'hypothèque.

Ces surcoûts pénalisent aussi les entreprises, même si elles recourent plus à l'hypothèque que les particuliers.

2.- Les pistes d'amélioration proposées par deux récents rapports

Les deux rapports déjà cités - le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances, du Conseil général des ponts et chaussées et de l'Agence nationale pour l'information sur le logement relatif au prêt viager hypothécaire et le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection des services judiciaires sur le crédit hypothécaire rechargeable - qui ont été remis au second semestre 2004, établissent diverses recommandations.

Ils préconisent notamment de réduire les coûts afférents au régime de l'hypothèque et d'améliorer l'efficience des procédures de réalisation du gage immobilier.

S'agissant de la réduction des coûts afférents au régime de l'hypothèque, elle pourrait notamment reposer sur une simplification et un allégement des procédures d'inscription et de mainlevée. Le rapport Grimaldi a lui aussi préconisé de simplifier les modalités de la procédure de la mainlevée « qui serait désormais requise par le dépôt au bureau du conservateur d'une simple attestation notariée mentionnant le consentement des parties intéressées » (page 16 du rapport). La mainlevée pourrait ainsi être assouplie et son coût devrait être allégé.

La réforme des procédures de saisie et d'exécution des sûretés devrait également faire l'objet d'une ordonnance.

B.- L'introduction en France du principe de l'hypothèque rechargeable

La mise en place de ce nouveau régime d'hypothèque constitue un apport essentiel de la réforme proposée. Il permettra à la France de se doter de produits qui existent déjà depuis de nombreuses années dans d'autres pays européens et aux Etats-Unis.

1.- La notion d'hypothèque rechargeable

L'hypothèque rechargeable « est celle qui peut être utilisée par le constituant en garantie de nouveaux emprunts : celle qui, consentie pour garantir l'emprunt ayant permis l'acquisition de l'immeuble, peut être ensuite affectée à la garantie d'un emprunt à la consommation. » (Rapport Grimaldi, page 18)

L'objectif principal est d'éviter le coût de la constitution d'une nouvelle hypothèque et de rendre le système de l'hypothèque plus intéressant par rapport au mécanisme de cautionnement des crédits immobiliers. Le texte proposé par le groupe de travail présidé par le professeur Michel Grimaldi et susceptible d'être inséré dans le code civil serait le suivant : « L'hypothèque peut être ultérieurement affectée à la garantie de créances autres que celles visées par l'acte constitutif, pourvu que celui-ci le prévoie expressément. »

Autre préconisation du groupe de travail présidé par le professeur Grimaldi : il conviendrait d'éviter que l'emprunter ne soit contraint de s'adresser, dans une opération ultérieure, systématiquement au même banquier que celui ayant été choisi lors de la première opération. Le jeu de la libre concurrence entre ces établissements devrait pouvoir jouer pleinement, ce qui signifie que l'hypothèque devrait pouvoir être rechargée au bénéfice d'un nouveau créancier.

Enfin, une autre recommandation de ce groupe de travail est que la convention dite « convention de rechargement » pouvant être passée avec le créancier d'origine ou un autre créancier, soit un document notarié. La référence à la recharge pourrait par exemple être inscrite sous forme d'une mention à la marge du document notarié d'origine.

2.- Le crédit hypothécaire rechargeable

L'idée principale est de permettre le recours à l'hypothèque à d'autres fins que le financement de l'achat immobilier.

a) Un nouveau produit dans la gamme des crédits

Serait donc créé un produit hypothécaire spécifique qui viendrait élargir la gamme des financements actuellement proposés aux ménages, l'objectif étant d'offrir la possibilité aux ménages qui le souhaitent de mobiliser leur actif immobilier pour en extraire des sources de financement.

On peut noter que ces prêts pourraient être dédiés à des investissements durables - on peut citer les travaux d'amélioration du logement, l'achat de biens durables, des investissements à finalité professionnelle par exemple - voire de consommation.

b) Le fonctionnement envisagé du mécanisme

L'emprunteur conclurait avec un prêteur un premier contrat de prêt (a priori immobilier) stipulant que le crédit accordé est garanti par une hypothèque rechargeable, clairement identifiée (14). Ainsi ce prêt pourrait être suivi, à la demande de l'emprunteur, d'autres contrats de prêt (conclus avec éventuellement d'autres prêteurs), au fur et à mesure du remboursement du premier prêt ayant été consenti, ce qui réduirait d'autant le montant effectivement garanti par le bien hypothéqué.

Une fois l'inscription prise sur le bien, les ménages auraient la possibilité d'obtenir de nouveaux concours ; il s'agirait alors d'une nouvelle offre de prêt. Ces concours seraient garantis par la même hypothèque, à condition qu'une partie du premier prêt ait déjà été amortie. Cette hypothèque rechargeable aurait a priori une durée de vie limitée et l'inscription de nouveaux concours bancaires devrait être facilitée par des coûts limités.

Pendant toute la durée de la garantie, l'emprunteur pourrait, dans la limite d'un montant fixé lors de la première inscription hypothécaire, obtenir de nouveaux concours bancaires, dont les montants agrégés ne devraient pas dépasser le plafond maximum de la garantie.

Si un prêteur accède à sa demande, un contrat de prêt distinct serait alors conclu, sous seing privé, sans nouvelle inscription hypothécaire. Cela signifie que c'est la même hypothèque qui servirait de garantie, même s'il devrait être fait mention du nouveau prêt par une inscription en marge. Ainsi l'hypothèque consentie le serait pour toutes les créances, actuelles et futures.

3.- Le prêt viager hypothécaire

a) Le principe

Il s'agit de ce que l'on pourrait appeler l'hypothèque « inversée ».

Cette hypothèque est « celle qui garantit un prêt dont le principal et les intérêts sont pour le tout remboursables in fine, en une seule fois, soit au décès de l'emprunteur, soit lors de la vente de l'immeuble hypothéqué. Elle est conçue comme un moyen de garantir, et donc d'obtenir, un crédit remboursable à sa mort, par ses héritiers. » (Rapport Grimaldi, page 19)

Le groupe de travail présidé par le professeur Michel Grimaldi préconisait plusieurs règles permettant de bien encadrer ce nouveau produit :

- la durée maximum de conservation de l'inscription serait portée à 50 ans ;

- lorsque cette hypothèque a été consentie par une personne physique sur l'immeuble constituant son logement principal, il devrait être accordé au créancier le droit d'être colloqué pour la totalité des intérêts au même rang que le principal.

- la dette devrait être payable (capital et intérêts) en une seule fois : lors de l'aliénation de l'immeuble ou lors du décès de la personne concernée.

b) Les modalités envisagées

Ce produit par définition s'adresse à un public ciblé.

Selon les chiffres cités dans le rapport conjoint de l'IGF, du Conseil général des Ponts et chaussées et de l'Agence nationale d'information sur le logement en date de juillet 2004, le logement des personnes âgées représente la plus grande partie de leur patrimoine. En 1998, la part de l'immobilier dans le patrimoine total (hors patrimoine professionnel) était en moyenne de 69% pour l'ensemble des ménages, de 62% pour les retraités de plus de 50 ans et de 56% pour les retraités de plus de 70 ans. Le rapport indique : « Alors que le capital immobilisé dans la résidence principale des personnes âgées n'a jamais été aussi élevé, leur besoin de trésorerie va vraisemblablement s'accroître au cours des prochaines années (...) Sur un plan macroéconomique, la mobilisation de l'actif immobilier des personnes âgées permettrait d'accroître leur consommation ou celle de leurs descendants, du moins pendant la montée du régime, par l'effet direct du recyclage anticipé de leur valeur immobilière. »  (15).

L'objectif est de donner la possibilité à un empruteur de mobiliser, à partir d'un certain âge, la valeur du logement qu'il possède par un prêt gagé sur ce bien. Ce prêt prendrait la forme d'un prêt remboursable in fine s'agissant du capital et des intérêts, soit au moment du décès, soit en cas de déménagement.

La dette serait plafonnée à la valeur du logement au moment du remboursement.

Notons que la possibilité d'accorder ce prêt sous forme de rente ou de capital doit encore être étudiée.

Concrètement, ce produit permettrait à une personne âgée d'extraire des liquidités de son patrimoine immobilier. Les motivations pourraient être diverses : l'emprunteur peut vouloir faire face à des dépenses imprévues (dépendance, réparation de logement), améliorer son niveau de vie, voire réaliser des donations au bénéfice des descendants. Dans tous les cas, le prêt ne fait aucunement perdre la jouissance du bien.

Dans un tel mécanisme, au moment du décès de l'emprunteur, les héritiers ont un choix à faire :

- soit ils remboursent la dette accumulée (éventuellement en réalisant le gage) ;

- soit ils laissent à l'établissement bancaire concerné le soin de lever l'hypothèque et d'exécuter le gage, en leur versant le cas échéant le surplus issu de la vente. Il s'agit du cas où le montant de la dette est inférieur au montant issu de la vente du bien.

Si la valeur de cession du bien s'avère in fine inférieure à la dette, les héritiers ne seraient pas tenus de compenser la différence au banquier.

Pour sa part, le prêteur devra prendre en compte divers éléments : non seulement la mortalité de l'emprunteur, mais également le risque de dépassement (la valeur de la dette dépasse celle de la réalisation du bien), l'éventualité d'un dénouement avant le décès (en cas de déménagement) et le problème éventuellement posé par la concurrence entre créances (cas où une autre dette de rang supérieur devient exigible).

Votre Rapporteur général considère que ce prêt viager hypothécaire, qui peut répondre à une demande réelle de la part du public visé, doit être mis en place avec toutes les précautions qui s'imposent afin de permettre aux emprunteurs concernés de bénéficier d'un produit à la fois fiable et encadré.

D'une manière générale, les deux nouveaux produits devant être prochainement mis en place risquent de se développer, du moins au départ, sur un rythme assez modéré. Leur mise en place n'en constitue pas moins une innovation importante et positive dans le domaine du crédit bancaire.

*

* *

La Commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Tony Dreyfus.

M. Tony Dreyfus a indiqué que cet article, tel qu'il est rédigé, permettrait au Gouvernement de remettre en cause par voie d'ordonnances toutes les dispositions du code civil et du code de commerce concernant la vie des entreprises et qu'il y a lieu de s'inquiéter d'une telle latitude laissée au Gouvernement.

Votre Rapporteur général a également considéré que l'article 6 est rédigé de façon trop large et que cette habilitation devrait être précisée. S'agissant de l'habilitation donnée au Gouvernement de mettre en place par voie d'ordonnances deux nouveaux produits de crédit, le crédit hypothécaire rechargeable et le prêt viager hypothécaire, il pourrait être opportun de présenter lors d'une réunion ultérieure un amendement permettant d'encadrer et de préciser les modalités de la mise en place de ces nouveaux instruments. Il convient en effet de faire en sorte que les règles applicables en termes de taux d'intérêt soient protectrices des consommateurs et que, pour le prêt viager hypothécaire, l'articulation entre ce nouveau produit et le droit applicable à la succession fasse l'objet du meilleur encadrement possible.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a adopté l'article 6 sans modification.

TITRE III

SIMPLIFIER L'ACCÈS AU MARCHÉ
ET RENFORCER LA CONFIANCE DES INVESTISSEURS

Chapitre premier

Simplifier l'accès aux marchés financiers

Article 7

Champ de l'appel public à l'épargne.

Texte du projet de loi :

I. - L'article L. 411-2 du code monétaire et financier est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 411-2. - I. - Ne constitue pas une opération par appel public à l'épargne, l'admission aux négociations sur un marché réglementé, l'émission ou la cession d'instruments financiers :

« 1° Inconditionnellement et irrévocablement garantis ou émis par un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;

« 2° Émis par un organisme international à caractère public dont la France fait partie ;

« 3° Émis par la Banque centrale européenne ou la banque centrale d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;

« 4° Émis par un organisme mentionné au 1° du I de l'article L. 214-1.

« II. - Ne constitue pas une opération par appel public à l'épargne l'émission ou la cession d'instruments financiers lorsque :

« 1° L'offre porte sur des instruments financiers mentionnés au 1° ou au 2° du I de l'article L. 211-1 émis par une société anonyme et que le montant total de l'offre est inférieur à un montant fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ou à un montant et une quotité du capital de l'émetteur fixés par le règlement général.

« Le montant total de l'offre est calculé sur une période de douze mois dans des conditions fixées par le règlement général ;

« 2° L'offre porte sur des instruments financiers mentionnés au 1° ou au 2° du I de l'article L. 211-1 émis par une société anonyme et les bénéficiaires de l'offre acquièrent ces instruments financiers pour un montant total par investisseur et par offre distincte supérieur à un montant fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

« 3° L'offre porte sur des instruments financiers mentionnés au 1° ou au 2° du I de l'article L. 211-1 émis par une société anonyme et que la valeur nominale de chacun de ces instruments financiers est supérieure à un montant fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

« 4° L'offre s'adresse exclusivement à des investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d'investisseurs, sous réserve que ces investisseurs agissent pour compte propre.

« Un investisseur qualifié est une personne ou une entité disposant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur instruments financiers. La liste des catégories d'investisseurs reconnus comme qualifiés est fixée par décret.

« Un cercle restreint d'investisseurs est composé de personnes, autres que des investisseurs qualifiés, dont le nombre est inférieur à un seuil fixé par décret.

« III. - Pour l'application des dispositions du code pénal et de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable, les personnes morales ou les sociétés procédant à des opérations mentionnées aux 1° à 3° du II sont réputées faire appel public à l'épargne. »

II. - Est introduit à la sous-section de la section 8 du chapitre II du titre Ier du livre V du code monétaire et financier un article L. 512-105 ainsi rédigé :

« Art. L. 512-105. - Les banques coopératives, pour l'application du XVI bis de l'article 94 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, sont, pour le réseau des Caisses d'épargne, la Caisse d'épargne et de prévoyance et les sociétés locales d'épargne qui lui sont affiliées. »

Exposé des motifs du projet de loi :

L'article 7 modifie le champ des opérations par appel public à l'épargne. Il favorise le financement de proximité en sortant du champ de l'appel public à l'épargne des opérations d'une taille adaptée aux premières phases d'amorçage et de développement des entreprises. Il sort également du champ de l'appel public à l'épargne des opérations destinées à des investisseurs avertis en raison de la valeur nominale élevée des instruments financiers offerts ou de l'importance des montants souscrits par investisseur. Il simplifie enfin la définition du cercle restreint d'investisseurs en le limitant à des personnes dont le nombre est inférieur à un seuil fixé par décret.

Le II de l'article 7 permet aux sociétés locales d'épargne de faire à nouveau appel public à l'épargne. L'article 28 de la loi du 25 juin 1999 ne prévoyait en effet qu'une disposition transitoire, limitant l'émission de parts sociales à une période s'achevant le 31 décembre 2003. Or les sociétaires d'une société locale d'épargne ont la possibilité de se faire rembourser à tout moment leurs parts sociales. Sans la possibilité d'émettre de nouvelles parts, les sociétés locales d'épargne subiraient une attrition de leurs fonds propres. Après la disposition transitoire utilisée en 1999, les sociétés locales d'épargne sont ainsi intégrées par cet article au droit commun des banques mutualistes ou coopératives, auxquelles l'article 94 XVI bis de la loi du 24 janvier 1984 accorde la possibilité de faire appel public à l'épargne.

Observations et décision de la Commission :

Le I du présent article vise à réformer le champ de l'appel public à l'épargne (APE) à l'occasion de la transposition de la directive Prospectus (directive 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation et modifiant la directive 2001/34/CE), mais il ne s'agit pas à proprement parler d'un travail de transposition.

Il faut rappeler que l'APE est une modalité de placement d'instruments financiers par deux moyens :

- grâce à l'admission d'instruments financiers concernés sur un marché réglementé ;

- grâce à l'émission ou la cession des titres (sans admission sur un marché réglementé) en ayant recours à la publicité, au démarchage ou à des prestataires de services d'investissement.

Il convient de relever que cette modalité particulière de placement s'oppose à une autre modalité de placement : le « placement privé » de titres auprès d'investisseurs qualifiés (les banques, les entreprises d'assurance) ou d'un cercle restreint d'investisseurs.

Toute personne faisant APE se voit imposer :

- une obligation ponctuelle d'information à l'occasion de la réalisation de l'opération (obligation d'établir et de publier ce que l'on appelle un « prospectus » - voir commentaire sur l'article 8 du présent projet de loi) ;

- les obligations permanentes à compter de la date de réalisation de l'opération en matière d'information du public (comme l'obligation d'information permanente) ou de droit des sociétés et visant à garantir la protection des investisseurs détenant les titres objets de l'opération.

Le II du présent article permet, quant à lui, aux sociétés locales d'épargne de faire à nouveau appel public à l'épargne.

I.- Les grands principes de l'appel public à l'épargne

L'appel public à l'épargne est un mode de financement par collecte de fonds auprès d'investisseurs, en particulier lors de la constitution d'une société ou lors d'une augmentation du capital de cette société. Ayant fait appel au public pour leur financement, ces personnes sont soumises à des obligations d'information rigoureuses sous le contrôle de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

A.- Ce que recouvre la notion d'appel public à l'épargne

1.- Qu'est-ce qu'une opération d'APE ?

L'APE recouvre des réalités différentes pouvant aller du simple recours à une publicité financière dans le cadre d'une émission ou d'une cession de titres à l'admission aux négociations sur un marché réglementé.

Cette opération financière implique l'existence d'un nouveau statut : celui de personne faisant publiquement appel à l'épargne, de façon permanente ou temporaire. L'APE se définit en effet par rapport aux opérations considérées et non par rapport aux sociétés. Il ne recouvre pas systématiquement le même domaine que celui des sociétés cotées.

Cette conception traduit une approche qualitative de l'opération par APE définie en fonction de sa cible : le public. Deux composantes doivent donc être distinguées : les opérations par appel public à l'épargne d'une part et d'autre part le statut des émetteurs faisant publiquement appel à l'épargne. Ainsi la réalisation d'une seule opération d'émission ou de cession de titres dans les conditions fixées par la loi place les personnes morales concernées dans le champ de l'APE en les contraignant à respecter les obligations qui y sont liées.

La définition législative de l'APE, et celle corrélative du placement privé, a été établie par la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et se trouve actuellement codifiée aux articles L. 411-1 et L. 411-2 du code monétaire et financier.

2.- Les deux « branches » de l'APE

Aux termes de l'article L. 411-1 du code monétaire et financier (étant précisé que le présent projet de loi ne modifie pas la rédaction de cet article du code monétaire et financier), l'APE est constitué de deux branches.

a) La première branche

La première branche correspond à l'admission d'un instrument financier aux négociations sur un marché réglementé. On peut rappeler que la notion d'« instrument financier », objet de l'APE, est définie à l'article L. 211-1 du code monétaire et financier.

Les instruments financiers comprennent les actions et les autres titres pouvant donner accès directement ou indirectement au capital ou aux droits de vote d'une société, les titres de créance (à l'exclusion des effets de commerce et des bons de caisse), les parts ou les actions d'organismes de placements collectifs, les instruments financiers à terme. Ces instruments ne peuvent être émis que par l'Etat, une personne morale, un fonds commun de placement ou un fonds commun de créance.

Quant aux marchés réglementés en France, ils figurent sur une liste établie par arrêté ministériel. La décision d'admission sur un marché réglementé est prise par l'entreprise de marché, Euronext, étant précisé que l'AMF dispose d'un droit d'opposition à cette décision.

b) La deuxième branche

L'autre branche correspond à l'émission ou la cession d'instruments financiers dans le public en ayant recours soit à la publicité, soit au démarchage, soit à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement. Il y a donc bien deux critères cumulatifs : l'offre au public - par émission de nouveaux titres ou cession de titres existants - et les moyens utilisés pour celle-ci : la publicité, le démarchage ou le recours à un intermédiaire financier.

S'agissant des procédés de publicité, sont visés les procédés sur quelque support que ce soit, comme les annonces dans la presse, par voie de radio, de télévision, de cinéma, des affiches, de prospectus ou de circulaires utilisés pour contacter le public.

On peut relever qu'ont été considérés comme entrant dans le champ des opérations par APE :

- les procédés de publicité rédactionnelle si les articles écrits par les journalistes spécialisés dans la finance analysent les mérites des titres concernés ;

- la diffusion de brochures et d'annonces dans la presse (décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 6 octobre 1980) ;

- des encarts publicitaires insérés dans un journal édité par une association d'usagers du service public, dès lors que le périodique concerné n'est pas réservé aux seuls adhérents de l'association mais également offert à la vente au public (décision de la Cour d'appel de Paris en date du 4 février 1981).

B.- Les obligations préalables à toute opération d'APE

1.- L'exigence d'information du public

Toute personne faisant APE est soumise à une série d'obligations, préalables, concomitantes ou postérieures à l'opération. Chaque opération réalisée par APE est soumise à des exigences strictes d'information contrôlées par l'AMF.

D'ailleurs, une seule opération d'APE crée pour l'émetteur concerné un nouveau statut qui emporte également des obligations particulières en termes de transparence. Les règles de transparence, qui peuvent être de source législative ou réglementaire, prévoient une information des investisseurs soit au fil de l'eau (il s'agit de l'information permanente) soit à des dates fixes (il s'agit de l'information périodique), sous contrôle de l'AMF.

Il faut noter que d'autres obligations s'imposent aux émetteurs faisant APE, notamment l'exigence d'un capital social minimum, les formalités diverses lors de la constitution.

En revanche, même un émetteur ayant fait APE, y compris lorsqu'il est coté sur un marché réglementé, peut procéder à un placement privé, dans les conditions prévues par la loi.

2.- L'obligation de publication d'un prospectus

Les émetteurs français ou étrangers, publics ou privés, doivent, à l'occasion de toute opération d'APE, établir et publier un document d'information spécifique intitulé « prospectus » visé par l'AMF et contenant toute l'information sur l'opération envisagée ainsi que sur leur organisation, leur situation financière et l'évolution de leur activité.

Le contenu de ce document ainsi que la procédure et les modalités de délivrance du visa de l'AMF sont définis par le règlement général de l'AMF. Le contenu de ce document est sensiblement identique qu'il s'agisse d'une introduction en bourse, d'une opération financière ultérieure (lors d'une augmentation de capital par exemple) ou d'une opération d'admission sans offre au public.

Le prospectus est généralement un document unique. Il peut toutefois être parfois constitué de plusieurs documents : il peut par exemple être composé d'un document de base ou d'un document de référence.

Il faut relever que l'objet de l'article 8 du présent projet de loi consiste précisément à transposer une grande partie de la directive Prospectus, laquelle complète les dispositions législatives et règlementaires françaises existantes.

C.- La notion de placement privé

L'article L. 411-2 actuel du code monétaire et financier prévoit deux exceptions à la définition de l'APE au regard de la qualité des personnes susceptibles d'acquérir des instruments financiers et des relations qui les lient à l'émetteur. Il précise ainsi que l'émission ou la cession d'instruments financiers auprès d'investisseurs qualifiés ou dans un cercle restreint d'investisseurs ne constitue pas une opération d'APE sous réserve que ces investisseurs agissent pour compte propre.

1.- Les investisseurs qualifiés

Il s'agit de personnes morales disposant de compétences et des moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur instruments financiers, lorsqu'elles agissent pour compte propre et dont la liste est fixée par décret, étant précisé que les organismes de placement collectif en valeurs mobilières sont aujourd'hui réputés agir en qualité d'investisseurs qualifiés.

Actuellement, ces investisseurs qualifiés ne peuvent être que des personnes morales. Mais en réalité, il s'agit essentiellement des investisseurs institutionnels. Dans tous les cas, ces investisseurs qualifiés doivent agir pour leur propre compte.

Aux termes du décret du 1er octobre 1998 pris en application de la loi du 2 juillet 1998, cette liste comprend actuellement :

- les établissements de crédit, les compagnies financières, les entreprises et les sociétés d'assurance et de réassurance, les institutions de prévoyance et la Caisse d'amortissement de la dette sociale ainsi que le Trésor public, la Banque de France, les services financiers de la Poste ;

- les sociétés de capital-risque, les sociétés financières d'innovation, les sociétés commerciales dont le total de bilan consolidé ou, à défaut, le total de bilan social de dernier exercice est supérieur à 150 millions d'euros, les établissements publics nationaux à caractère industriel ou commercial dont les titres sont négociés sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;

- les sociétés de gestion lorsqu'elles agissent pour le compte d'un organisme public de placement de valeurs mobilières (OPCVM) ou d'un investisseur qualifié ;

- les sociétés dont un ou plusieurs investisseurs qualifiés ou sociétés de capital-risque et organismes mutualistes détiennent, ensemble ou séparément, directement ou non, au moins 99% du capital et des droits de vote.

2.- La notion de cercle restreint d'investisseurs

Selon le troisième alinéa de l'article L. 411-2 actuel du code monétaire et financier, un cercle restreint d'investisseurs est composé de personnes, autres que les investisseurs qualifiés, liées aux dirigeants de l'émetteur par des relations personnelles, à caractère professionnel ou familial. Sont réputés constituer de tels cercles ceux composés d'un nombre de personnes inférieur à un seuil fixé par décret. Ce seuil a été fixé à 100 personnes par le décret n° 98-880 du 1er octobre 1998.

II.- La modification du champ de l'appel public à l'épargne opérée
par le présent article

Le I du présent article vise à réécrire l'article L. 411-2 du code monétaire et financier qui prévoit ce que « ne constitue pas une opération par appel public à l'épargne ». Cet article du code monétaire et financier est donc un article « en creux », l'article L. 411-1 du même code ayant précédemment défini ce que constitue une opération par appel public à l'épargne.

La réforme proposée vise à sortir du champ de l'APE plusieurs types d'opérations. On peut relever que l'exclusion pure et simple du champ d'application de l'APE relève d'un choix d'opportunité fait par le Gouvernement français car la directive Prospectus a simplement indiqué, s'agissant des différentes catégories d'opérations visées par le présent article, que ces dernières étaient hors de son champ d'application ou qu'elles étaient dispensées de prospectus. Le Gouvernement français avait par conséquent le choix entre plusieurs options.

Les opérations mentionnées au 1° à 3° du I de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction et au 1° du II du même article, qui sont visées à l'article 1er paragraphe 2 de la directive Prospectus, sont donc hors du champ d'application de cette directive. Pour les opérations hors du champ de la directive, le Gouvernement disposait de trois options : soit sortir les opérations du champ de l'APE, soit les intégrer dans le champ de l'APE en prévoyant une dispense de prospectus, soit enfin les intégrer dans le champ de l'APE sans prévoir de dispense. Quant aux opérations mentionnées au 2° et au 3° du II de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction, elles figurent à l'article 3 de la directive Prospectus et se trouvent de ce fait dispensées de prospectus. Le Gouvernement français disposait par conséquent de deux options ; il pouvait soit se contenter de dispenser les opérations concernées de l'obligation d'établir un prospectus tout en considérant que celles-ci faisaient néanmoins partie de la définition de l'APE, soit sortir purement et simplement par des dispositions législatives ces opérations du champ de l'APE pour les dispenser de différents types d'obligations en termes d'information du public (informations occasionnelles, périodiques et permanentes).

Dans tous les cas, a été choisie l'option consistant à sortir ces opérations du champ de l'APE.

A.- L'exclusion du champ de l'APE de certaines opérations d'admission
à la bourse, d'émission ou de cession d'instruments financiers

En vertu du I de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction, l'admission aux négociations sur un marché règlementé (cotation en bourse), l'émission ou la cession d'instruments financiers ne constitue pas une opération par APE dans certains cas limitativement établis.

Les premiers cas (les 1°, 2° et 3° du I de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction) concernent l'admission aux négociations, l'émission ou la cession dans le public de titres émis par les États de l'Espace économique européen, par des organismes internationaux ou par des banques centrales.

Ces émetteurs sont actuellement soumis à des règles de transparence, mais celles-ci ne relèvent pas à proprement parler de la réglementation financière. Elles permettent toutefois, en l'état, une information satisfaisante des investisseurs. On peut citer les publications de l'INSEE par l'État français. La réglementation financière ainsi paraît largement inadaptée à des émetteurs de cette nature.

Il semble par conséquent logique de sortir ces opérations du champ de l'APE. Actuellement, le dernier alinéa de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier dispose déjà que : « Outre l'Etat, sont dispensés de l'établissement du document (...) (16) les autres Etats membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques ainsi que les organismes internationaux à caractère public dont la France fait partie. »

Le présent projet de loi va plus loin puisqu'il ne permet pas seulement une dispense de prospectus, mais prévoit une exclusion de ces opérations du champ de l'appel public à l'épargne, ce qui permettra aux émetteurs concernés d'être exonérés à la fois de l'obligation d'établir un prospectus, mais également des autres obligations en termes d'informations permanentes ou périodiques pesant habituellement sur les émetteurs faisant APE.

Une autre catégorie d'opérations faisant l'objet d'une exclusion du champ de l'APE (4° du I de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction), est constituée par l'admission aux négociations, l'émission ou la cession dans le public de parts d'organismes publics de placement en valeurs mobilières (OPCVM) mentionnés au 1° du I de l'article L. 214-1 du même code.

Le placement de parts d'OPCVM est actuellement soumis à un corpus de règles ad hoc décliné dans le code monétaire et financier ; la publication d'un document d'information à destination du public est également requis. De tels placements se trouvent aujourd'hui techniquement dans le champ de l'APE, ce qui provoque un conflit potentiel entre les deux réglementations applicables en la matière. Dans la pratique, ce sont les règles contenues dans le corpus de règles ad hoc qui sont appliquées.

Le 4° du I de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction tend donc à remédier à cette incohérence juridique en excluant clairement le placement de parts d'OPCVM du champ de l'APE.

B.- L'exclusion d'autres opérations d'émission ou de cession d'instruments financiers en fonction des caractéristiques particulières des offres concernées

Le II de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction prévoit des exclusions du champ de l'APE de certaines émissions ou cessions d'instruments financiers. L'exclusion ne porte plus ici, comme dans le I de l'article L. 411-2, sur les négociations sur un marché règlementé, ce qui signifie a contrario que les opérations décrites ci-après mais réalisées sur un marché règlementé ne feraient plus l'objet d'une exclusion du champ de l'APE et seraient donc soumises aux règles inhérentes aux opérations d'APE.

La première catégorie d'opérations exclues du champ de l'APE (premier alinéa du 1° du II de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction) concerne l'émission ou la cession dans le public de valeurs mobilières émises par des sociétés anonymes à condition que le montant de l'opération soit inférieur à un certain montant et représente moins d'un certain pourcentage du capital de l'émetteur.

Il faut relever que le projet de loi n'indique pas de chiffre s'agissant du montant maximum de l'opération, mais le montant de 2,5 millions d'euros figure dans le texte de la directive Prospectus, à l'article 1, paragraphe 2. Selon les informations recueillies par votre Rapporteur général, l'AMF devrait, à juste titre, proposer dans son règlement général de retenir ce montant de 2,5 millions d'euros (et pas un montant inférieur, comme elle aurait pu le faire, dans la mesure où la directive indique que ce chiffre constitue un plafond).

Quant au pourcentage maximum de capital de l'émetteur que doit représenter le montant de l'opération, il devrait s'établir, selon les informations obtenues par votre Rapporteur général, à 25%. La référence à une telle règle ne figure pas dans la directive Prospectus ; il s'agit d'une volonté du Gouvernement français qui estime que les opérations concernées ne doivent pas permettre de financer trop largement en une seule fois une entreprise : il convient d'éviter que des sociétés ne soient détenues de façon trop significative par les marchés (ce qui serait le cas si un pourcentage trop important du capital de la société pouvait être négocié à l'occasion de ces opérations bénéficiant d'une mesure d'exclusion du champ de l'APE). L'idée est que pour les petites opérations et pour pouvoir placer des fonds auprès du public dans de bonnes conditions, il faut déjà que l'entreprise dispose d'une mise de fond ne provenant pas du public. Cette disposition vise en réalité à protéger les épargnants : l'existence d'une mise de fond leur garantit qu'ils ne seront pas seuls au capital, d'autres investisseurs (bancaires ou actionnaires fondateurs) seront à leurs côtés.

Aux termes du dernier alinéa du 1° du II de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction, le montant total de l'offre est calculé sur une période de douze mois, ce qui est conforme aux prescriptions de la directive Prospectus, dans son article 3, paragraphe 2.

Votre Rapporteur général considère que l'exclusion de ce type d'opérations est particulièrement bienvenue. La réalisation d'opérations de petite taille se trouve aujourd'hui entravée par l'existence du régime juridique applicable aux opérations par APE. Une taille de moins de 2,5 millions d'euros implique que les opérations concernées s'adresseront de fait à un public relativement restreint et ne justifieraient pas des mesures trop contraignantes d'ordre public de protection des investisseurs. En sortant ces opérations du champ de l'APE, le 1° du II de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction vise ainsi à alléger les contraintes pesant sur ces opérations et paraît de nature à faciliter le développement d'un financement de proximité.

La deuxième catégorie d'opérations exclues du champ de l'APE (2° et 3° du II de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction) concerne l'émission ou la cession dans le public (à l'exclusion de l'admission aux négociations sur un marché réglementé) de valeurs mobilières émises par des sociétés anonymes, à condition que les investisseurs souscrivent au placement pour un montant minimum par investisseur et par offre. Dans le 2° du II de l'article L. 411-2, il est fait référence à un « montant total par investisseur et par offre distincte supérieur » à un certain montant, alors que dans le , il est fait mention de « la valeur nominale de chacun de ces instruments financiers » supérieure à un certain montant.

Le montant souscrit par investisseur - la directive Prospectus évoque dans son article 3, paragraphe 2, c) et d), le montant minimum de 50.000 euros - destine ce type d'opérations à des investisseurs avertis pouvant contractuellement organiser avec la personne qui réalise l'opération les conditions de leur information. La déréglementation de ce type d'opérations favorise le développement sur la place de Paris de ce que l'on pourrait nommer un « marché de gros » entre les professionnels.

III.- La modification des définitions des investisseurs qualifiés
et du cercle restreint d'investisseurs

La transposition de la directive Prospectus impose la modification de la définition des investisseurs qualifiés et du cercle restreint d'investisseurs. Tel est l'objet du 4° du II de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction. Selon le premier alinéa du 4°, comme c'est le cas dans le droit actuel, sont exclues du champ de l'APE les opérations qui s'adressent exclusivement soit à des investisseurs qualifiés, soit à un cercle restreint d'investisseurs, sous réserve que ces investisseurs agissent pour compte propre.

A.- S'agissant des investisseurs qualifiés

La définition des investisseurs qualifiés qui figure actuellement dans le deuxième alinéa de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier n'est que faiblement modifiée dans le deuxième alinéa du 4° du II de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction. En effet, l'investisseur qualifié continue à être défini comme « disposant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur instruments financiers. »

La seule modification est que dans le texte proposé par le présent projet de loi, il est fait référence à « une personne ou une entité », alors que dans le droit actuel, il est seulement fait mention de la personne morale et pas de l'entité. En réalité, les OPCVM qui n'ont pas la personnalité morale sont aujourd'hui réputés agir en qualité d'investisseurs qualifiés en vertu de la dernière phrase du deuxième alinéa actuel de l'article L. 411-2 du code précité. Le fait de prévoir dans la définition générale des investisseurs qualifiés proposée dans la nouvelle rédaction de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier que ces derniers peuvent être une personne ou une entité permettra d'englober à la fois les personnes morales et les personnes physiques et les organismes tels que les OPCVM.

Aux termes de la dernière phrase du deuxième alinéa du 4° du II de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction, un décret doit fixer la liste des différentes catégories d'investisseurs qualifiés. Ainsi cette liste qui est actuellement contenue dans le décret n° 98-880 du 1er octobre 1998 devra être modifiée pour coïncider avec celle prévue par la directive Prospectus dans son article 2, paragraphe 1, e). Le décret devra ainsi notamment prévoir la possibilité pour les personnes physiques de demander à être considérées comme des investisseurs qualifiés. Des conditions de patrimoine et/ou de compétences professionnelles seront alors exigées. Conformément aux prescriptions de la directive précitée, cette faculté sera également offerte aux petites et moyennes entreprises.

B.- S'agissant du cercle restreint d'investisseurs

Le dernier alinéa du 4° du II de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction donne une définition du cercle restreint d'investisseurs différente de celle aujourd'hui en vigueur.

En vertu du dernier alinéa actuel de l'article L. 411-2, la définition vise aujourd'hui des personnes liées personnellement ou familialement aux dirigeants d'une entreprise. Il faut rappeler qu'un groupe de moins de 100 personnes est aujourd'hui réputé constituer un tel cercle.

Mais une telle définition subjective et l'existence d'une simple présomption de constitution de tels cercles rendaient cette notion difficilement applicable.

Le projet de loi tend ici à transposer la directive Prospectus qui, dans son article 3, paragraphe 2, b) restreint la définition d'un cercle restreint à un groupe de moins de 100 personnes, écartant ainsi toute appréciation subjective de la définition.

Tableau de correspondance entre les dispositions législatives proposées

et les prescriptions de la directive Prospectus

Article 7 du présent projet de loi

Directive Prospectus

I.- L'article L. 411-2 du code monétaire et financier est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 411-2. - I. - Ne constitue pas une opération par appel public à l'épargne, l'admission aux négociations sur un marché réglementé, l'émission ou la cession d'instruments financiers :

« 1°Inconditionnellement et irrévocablement garantis ou émis par un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;

« 2° Émis par un organisme international à caractère public dont la France fait partie ;

« 3° Émis par la Banque centrale européenne ou la banque centrale d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;

« 4° Émis par un organisme mentionné au 1° du I de l'article L. 214-1.

Article 1, paragraphe 2 : « La présente directive ne s'applique pas:

[...]

b) aux valeurs mobilières autres que des titres de capital émises par un État membre ou par l'une des autorités régionales ou par les organisations publiques internationales auxquelles adhèrent plusieurs États membres, par la Banque centrale européenne ou par les banques centrales des États membres;

[...] »

Article 1, paragraphe 2 : « La présente directive ne s'applique pas:

[...]

a) aux parts émises par les organismes de placement collectif du type autre que fermé;

[...] »

« II.- Ne constitue pas une opération par appel public à l'épargne l'émission ou la cession d'instruments financiers lorsque :

« 1°) L'offre porte sur des instruments financiers mentionnés au 1° ou au 2° du I de l'article L. 211-1 émis par une société anonyme et que le montant total de l'offre est inférieur à un montant fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ou à un montant et une quotité du capital de l'émetteur fixés par le règlement général.

«Le montant total de l'offre est calculé sur une période de douze mois dans des conditions fixées par le règlement général ;

Article 1, paragraphe 2 : « La présente directive ne s'applique pas:

[...]

h) aux valeurs mobilières figurant dans une offre lorsque le montant total de l'offre est inférieur à 2.500.000 euros ; cette limite est calculée sur une période de douze mois;

[...]

Article 3, paragraphe 2 : « L'obligation de publier un prospectus ne s'applique pas aux catégories d'offres suivantes:

[...]

e) une offre de valeurs mobilières dont le montant total est inférieur à 100.000 euros. Cette limite est calculée sur une période de douze mois. »

«2° L'offre porte sur des instruments financiers mentionnés au 1° ou au 2° du I de l'article L. 211-1 émis par une société anonyme et les bénéficiaires de l'offre acquièrent ces instruments financiers pour un montant total par investisseur et par offre distincte supérieur à un montant fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

« 3 °L'offre porte sur des instruments financiers mentionnés au 1° ou au 2° du I de l'article L. 211-1 émis par une société anonyme et que la valeur nominale de chacun de ces instruments financiers est supérieure à un montant fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

« 4° L'offre s'adresse exclusivement à des investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d'investisseurs, sous réserve que ces investisseurs agissent pour compte propre.

Article 3, paragraphe 2 : « L'obligation de publier un prospectus ne s'applique pas aux catégories d'offres suivantes:

[...]

c) une offre de valeurs mobilières adressée à des investisseurs qui acquièrent ces valeurs pour un prix total d'au moins 50.000 euros par investisseur et par offre distincte; et/ou

d) une offre de valeurs mobilières dont la valeur nominale unitaire s'élève au moins à 50.000 euros; et/ou

[...] »

.

Article 3, paragraphe 2 : « L'obligation de publier un prospectus ne s'applique pas aux catégories d'offres suivantes:

[...]

a) une offre de valeurs mobilières adressée uniquement aux investisseurs qualifiés; et/ou

b) une offre de valeurs mobilières adressée à moins de 100 personnes physiques ou morales, autres que des investisseurs qualifiés, par État membre; et/ou[...] »

IV.- Les cas dans lesquels malgré les exclusions du champ de l'APE prévues par le présent article, des sociétés seraient toutefois réputées faire APE

Le III de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction comporte deux aspects distincts : un aspect lié à l'application des dispositions du code pénal et un aspect relatif au cas particulier des experts-comptables.

A.- Pour l'application des dispositions du code pénal

Le III de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction prévoit que, pour l'application des dispositions du code pénal, sont réputées faire appel public à l'épargne les personnes morales ou les sociétés procédant à des opérations visées aux 1° à 3° du II de l'article L. 411-2 du code dans sa nouvelle rédaction.

La logique est la suivante : les sociétés qui émettent des offres définies plus haut (des offres de faible ampleur dont le montant est inférieur à un certain plafond ou des offres qui s'adressent à des investisseurs avertis étant donné le plancher posé en termes de montant total par investisseur et par offre) devraient en principe être exclues du champ de l'APE pour tous les aspects liés à ces opérations.

En réalité, grâce à cette disposition, elles seront certes exclues du champ de l'APE du point de vue du droit financier, mais au regard du droit pénal, elles seront toujours considérées comme faisant APE, ce qui constitue le cas échéant, une circonstance aggravante pour une personne ayant commis une infraction.

Ainsi une société anonyme dont l'offre entrerait dans le champ d'application du 1°, du 2° ou du 3°du II de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction serait certes dispensée de toutes les obligations en matière d'information du public - puisque son opération serait considérée comme exclue de la réglementation relative à l'APE - mais si une infraction était constatée dans cette entreprise, le fait d'avoir réalisé cette opération d'APE serait toutefois pris en compte en tant que circonstance aggravante.

Pour l'application des dispositions du droit pénal, cette entreprise sera bien réputée avoir fait appel public à l'épargne.

B.- Le cas particulier de l'interdiction de faire APE
pour les experts-comptables

Le III de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction tend par ailleurs à faire en sorte que l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable continue de s'appliquer pleinement.

Il faut rappeler que l'interdiction de faire APE pesant sur cette profession et prévue par l'ordonnance précitée s'explique par la volonté d'éviter tout conflit d'intérêt potentiel entre d'une part la déontologie de ces professionnels qui ont pour mission de certifier les comptes des sociétés et d'être parfaitement impartiaux dans leurs travaux et d'autre part toute éventuelle prise d'intérêt dans une opération d'APE.

Or les 1° à 3° du II de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction établissent des cas dans lesquels des opérations qui devraient normalement entrer dans la définition de l'APE en sont exclues. Si aucune disposition législative n'était prévue, cela pourrait signifier que les sociétés d'experts-comptables pourraient, à la faveur de cette réforme, s'autoriser à mener à bien ces catégories particulières d'opérations. L'interdiction posée depuis 1945 ne vaut en effet que pour les opérations d'APE, mais logiquement pas pour celles qui devraient en faire partie mais qui s'en trouvent exclues par une disposition législative particulière.

Pour éviter précisément que de telles opérations puissent être réalisées par des sociétés d'experts-comptables, il est donc précisé qu'elles seraient réputées faire appel public à l'épargne, même dans les cas d'exclusion précités.

V.- L'appel public à l'épargne des sociétés locales d'épargne

Le II du présent article a pour objet de permettre aux sociétés locales d'épargne de faire à nouveau appel public à l'épargne afin de leur permettre de mener à bien leur mission légale qui est de « favoriser la détention la plus large » de leur capital en « animant le sociétariat » (article L. 512-92 du code monétaire et financier).

La loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière, qui a modifié le statut des caisses d'épargne en les transformant en une banque coopérative, a créé des sociétés locales d'épargne (SLE), sociétés coopératives porteuses des parts sociales des caisses régionales d'épargne (CRE), et chargées de favoriser la détention la plus large du capital des caisses d'épargne et d'animer le sociétariat. Le titre II de la loi de 1999 précitée a aménagé un régime transitoire permettant aux SLE de constituer progressivement leur sociétariat. Afin d'acquérir dès leur création les parts sociales des CRE, ces dernières leur ont accordé un prêt sans intérêt remboursable par la suite, au gré des ventes de parts sociales aux sociétaires.

Parallèlement, afin de faciliter le placement des 3 milliards d'euros de parts sociales des SLE dans le public, l'article 28 de la loi précitée a mis en place un dispositif d'information à l'attention des sociétaires dont les caractéristiques sont les mêmes que celles de l'appel public à l'épargne : publication et mise à la disposition de toute personne intéressée d'un document destiné à l'information du public portant sur les modalités et le contenu de l'opération et sur l'organisation, la situation financière et l'évolution de l'activité de l'émetteur. Comme pour les opérations d'offre publique d'instruments financiers (hors marché réglementé), il a été prévu l'établissement d'un document d'information (le prospectus simplifié) dont le contenu est défini par décret et soumis au visa de la Commission des opérations de bourse (COB). Cependant, l'article 28 a limité cette procédure à la période de constitution des SLE, limitant l'émission des parts sociales via l'équivalent strict d'un appel public à l'épargne à une période s'achevant au 31 décembre 2003. Or, les sociétaires ont la faculté de se faire rembourser à tout moment leurs parts sociales, l'article L. 512-93 du code monétaire et financier disposant que seule leur SLE peuvent s'en porter acquéreur. Dès lors, l'incapacité des SLE d'avoir recours à la publicité, au démarchage, à des établissements de crédits ou à des prestataires d'investissement, éléments constitutifs d'un appel public à l'épargne, limite fortement leur capacité à émettre de nouvelles parts et les expose à une attrition de leurs fonds propres.

Il est donc proposé de permettre aux SLE de faire appel public à l'épargne. A cette fin, il est explicitement fait référence au droit commun des banques mutualistes et coopératives dans lequel s'intègre désormais le réseau des Caisses d'épargne, en précisant que les banques coopératives visées au XVI bis de l'article 94 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit qui dispose que « les banques mutualistes et coopératives peuvent faire appel public à l'épargne », sont les sociétés locales d'épargne. Dans la mesure où la vocation de ces dernières est de porter les parts sociales des caisses (régionales) d'épargne et de prévoyance, dont les parts sociales ne peuvent d'ailleurs être portées que par les SLE en vertu de l'article L. 512-89 du code monétaire et financier (à l'exception de certificats coopératifs d'investissement que peut souscrire, en application de l'article 60 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003), et dans la limite de 30% du capital des CRE, la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance), il apparaît en outre nécessaire d'accorder dans le même temps l'autorisation de faire appel public à l'épargne aux caisses d'épargne et de prévoyance, sur lesquelles doivent précisément porter les informations inhérentes à la procédure d'appel public à l'épargne.

Il convient de remarquer que ces dispositions ne modifient en rien le champ du sociétariat des SLE dont les parts sociales ne peuvent être détenues, en application des dispositions de l'article L. 512-93 du code monétaire et financier, que par les clients des caisses d'épargne et de prévoyance, les collectivités locales dans la limite de 20% du capital de chaque SLE, et toute personne morale ou physique qui souhaite contribuer, par un apport de capitaux, à la réalisation des objectifs des caisses d'épargne.

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* *

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Nicolas Perruchot, visant à sortir du champ de l'appel public à l'épargne les opérations d'augmentation de capital réservées aux salariés ou d'attribution d'actions gratuites aux salariés d'une entreprise.

Votre Rapporteur général a souligné que les articles 7, 8, 9, 10 et 11 du présent projet de loi sont particulièrement denses car ils transposent une partie des directives Prospectus, Transparence et Abus de marché, le surplus des dispositions à transposer étant renvoyé au règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF). L'amendement présenté est déjà pour partie satisfait puisque les opérations visées feront l'objet d'une dispense de prospectus. Conformément à la règle posée en ce domaine par la directive Prospectus, le règlement général de l'AMF devra en effet être modifié afin d'indiquer que les opérations d'actionnariat salarié sont dispensées de l'obligation de l'établissement d'un tel document d'information. Pour autant, il n'apparaît pas opportun d'aller plus loin et de placer ces opérations hors du champ de l'appel public à l'épargne. Il est nécessaire que de telles opérations se déroulent dans la transparence et que le public dispose d'une information suffisante.

M. Nicolas Perruchot a retiré l'amendement.

La Commission a adopté un amendement de précision présenté par votre Rapporteur général (amendement n° 30), tendant à permettre à l'ensemble des caisses d'épargne et de prévoyance de faire appel public à l'épargne comme les banques mutualistes et coopératives.

La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

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Article 8

Transposition de la directive Prospectus.

Texte du projet de loi :

I. - L'article L. 412-1 du code monétaire et financier est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 412-1. - I. - Sans préjudice des autres dispositions qui leur sont applicables, les personnes ou les entités qui procèdent à une opération par appel public à l'épargne doivent, au préalable, publier et tenir à la disposition de toute personne intéressée un document destiné à l'information du public, portant sur le contenu et les modalités de l'opération qui en fait l'objet, ainsi que sur l'organisation, la situation financière et l'évolution de l'activité de l'émetteur et des garants éventuels des instruments financiers qui font l'objet de l'opération, dans des conditions prévues par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. Ce document est rédigé en français ou, dans les cas définis par le même règlement général, dans une autre langue usuelle en matière financière. Il comprend un résumé et doit être accompagné, le cas échéant, d'une traduction du résumé en français.

« Aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée sur le fondement du seul résumé ou de sa traduction, sauf si le contenu du résumé ou de sa traduction est trompeur, inexact ou contradictoire par rapport aux informations contenues dans les autres parties du document mentionné au premier alinéa.

« Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles les opérations par appel public à l'épargne qui ne justifient pas une information du public à raison soit de leur nature ou de leur volume, soit de la nature de l'émetteur ou des investisseurs visés, soit de la nature ou de la valeur nominale des instruments financiers concernés, sont dispensées de l'établissement de tout ou partie du document mentionné au premier alinéa.

« II. - Le règlement général fixe également les conditions dans lesquelles il est procédé à l'information du public lorsque des instruments financiers ont été soit émis ou cédés dans le cadre d'un appel public à l'épargne, soit admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers.

« Le règlement général peut tenir compte du fait que les instruments financiers sont négociés ou non sur un marché d'instruments financiers autre qu'un marché réglementé et, le cas échéant, des caractéristiques de celui-ci. Il peut prévoir que certaines règles ne sont applicables qu'à certains marchés d'instruments financiers, à la demande de la personne qui les gère.

« III. - Le règlement général précise, par ailleurs, les modalités et les conditions dans lesquelles une personne ou une entité peut cesser de faire appel public à l'épargne. »

II. - La sous-section 2 de la section 4 du chapitre unique du titre II du livre VI du même code est remplacée par les dispositions suivantes :

  Sous-section 2

« Autorisation de certaines opérations portant sur des instruments financiers

« Art. L. 621-8. - I. - Le projet de document mentionné à l'article L. 412-1, ou tout document équivalent requis par la législation d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, est soumis au visa préalable de l'Autorité des marchés financiers pour toute opération réalisée sur le territoire de l'Espace économique européen lorsque l'émetteur des titres qui font l'objet de l'opération a son siège statutaire en France et que l'opération porte sur des titres de capital ou des titres donnant accès au capital au sens de l'article L. 212-7 ou sur des titres de créance dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois à l'émission et la valeur nominale inférieure à 1 000 €.

« II. - Le projet de document mentionné au I est également soumis au visa préalable de l'Autorité des marchés financiers dans les cas fixés par son règlement général pour toute opération réalisée sur le territoire de l'Espace économique européen lorsque l'opération est réalisée en France ou que l'émetteur des titres objets de l'opération y a son siège social et que l'opération porte sur des titres qui donnent accès au capital d'un autre émetteur et qui n'ont pas été émis dans les conditions fixées par l'article L. 228-93 du code de commerce, ou sur des titres de créance dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois à l'émission et la valeur nominale supérieure ou égale à 1 000 €.

« III. - Le projet de document mentionné au I est également soumis au visa préalable de l'Autorité des marchés financiers dans les cas fixés par son règlement général pour toute opération réalisée sur le territoire de l'Espace économique européen lorsque l'émetteur des titres qui font l'objet de l'opération a son siège statutaire hors du territoire de l'Espace économique européen et que l'opération porte sur des instruments financiers dont la première émission ou cession dans le public sur le territoire de l'Espace économique européen ou la première admission sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen a eu lieu en France.

« IV. - Le projet de document mentionné au I est également soumis au visa préalable de l'Autorité des marchés financiers pour toute opération réalisée en France et portant sur des instruments financiers autres que ceux mentionnés aux I et II.

« V. - Hors les cas prévus à l'article L. 412-1, le projet de document soumis au visa de l'Autorité des marchés financiers est établi et publié dans les conditions prévues par son règlement général.

« VI. - Tout fait nouveau ou toute erreur ou inexactitude concernant les informations contenues dans le document mentionné au I et visé par l'Autorité des marchés financiers, qui est susceptible d'avoir une influence significative sur l'évaluation des instruments financiers et survient ou est constaté entre l'obtention du visa et la clôture de l'opération, est mentionné dans une note complémentaire au document mentionné au I. Cette note fait l'objet d'un visa dans des conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

« VII. - Dans des conditions et selon des modalités fixées par son règlement général, l'Autorité des marchés financiers appose également un visa préalable quand une personne physique ou morale fait une offre publique d'acquisition de titres de capital ou de titres de créance d'un émetteur faisant appel public à l'épargne en France. La note sur laquelle la commission appose un visa préalable contient les orientations en matière d'emploi de la personne physique ou morale qui effectue l'offre publique.

« Les opérations de rachat d'actions prévues par l'article L. 225-209 du code de commerce ne sont pas soumises à l'obligation prévue à l'alinéa précédent.

« Art. L. 621-8-1. - I. - Pour délivrer le visa mentionné à l'article L. 621-8, l'Autorité des marchés financiers vérifie si le document est complet et compréhensible, et si les informations qu'il contient sont cohérentes. L'Autorité des marchés financiers indique, le cas échéant, les énonciations à modifier ou les informations complémentaires à insérer.

« L'Autorité des marchés financiers peut également demander toutes explications ou justifications, notamment au sujet de la situation, de l'activité et des résultats de l'émetteur ainsi que des garants éventuels des instruments financiers objets de l'opération.

« II. - L'Autorité des marchés financiers peut suspendre l'opération pour une durée qui ne peut excéder une limite fixée par son règlement général lorsqu'elle a des motifs raisonnables de soupçonner qu'elle est contraire aux dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables.

« L'Autorité des marchés financiers peut interdire l'opération :

« 1° Lorsqu'elle a des motifs raisonnables de soupçonner qu'une émission ou une cession est contraire aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables ;

« 2° Lorsqu'elle constate qu'un projet d'admission aux négociations sur un marché réglementé est contraire aux dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables.

« Art. L. 621-8-2. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers définit les conditions et les modalités selon lesquelles les opérations par appel public à l'épargne peuvent faire l'objet de communications à caractère promotionnel.

« L'Autorité peut interdire ou suspendre pendant dix jours de bourse les communications à caractère promotionnel lorsqu'elle a des motifs raisonnables de soupçonner qu'elle sont contraires aux dispositions du présent article. »

III. - Il est ajouté à l'article L. 621-7 du même code un X ainsi rédigé :

« X. - Les modalités d'exécution, par dépôt ou par diffusion par voie de presse écrite et par voie électronique ou par la mise à disposition gratuite d'imprimés, des obligations de publicité et d'information édictées par le présent code au titre de la transparence des marchés financiers et dans le cadre des opérations par appel public à l'épargne. »

Exposé des motifs du projet de loi :

Le I de l'article 8 prévoit que le prospectus publié à l'occasion d'une opération par appel public à l'épargne comprend un résumé et limite les cas dans lesquels une action en responsabilité civile peut être intentée sur la base de ce seul résumé. En accord avec la directive 2003/71/CE, dite « Prospectus », une telle action en responsabilité civile ne peut désormais être intentée qu'en cas de contenu trompeur, inexact ou contradictoire par rapport aux informations contenues dans les autres parties du prospectus.

Certaines opérations sont, de par leur montant, la nature ou la valeur nominale des instruments financiers concernés, la nature de l'émetteur ou des investisseurs visés, destinées à des professionnels. En conséquence, la directive 2003/71/CE prévoit que de telles opérations sont dispensées de la publication d'un prospectus. Le présent article pose le principe de telles dispenses qui seront fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Les marchés réglementés sont aujourd'hui parfaitement adaptés au financement de sociétés dont la capitalisation boursière est importante. La création de marchés d'instruments financiers adaptés aux petites et moyennes entreprises permettrait de faciliter le financement de telles entreprises. Afin de favoriser le développement en France de tels marchés, offrant les garanties de sécurité et d'intégrité nécessaires pour être attractifs aux yeux des investisseurs, l'AMF pourra prévoir des règles applicables aux sociétés qui ne sont pas cotées sur un marché réglementé. Certaines de ces règles pourront ne s'appliquer qu'aux sociétés cotées sur certains marchés d'instruments financiers autres que des marchés réglementés, dès lors que les personnes qui gèrent ces marchés en feraient la demande.

En accord avec la directive 2003/71/CE, le II de l'article 8 prévoit que l'Autorité des marchés financiers est compétente pour approuver les prospectus en vue d'opérations par appel public à l'épargne portant sur des actions, des titres donnant accès au capital ou des titres de créance de faible valeur nominale d'émetteurs français. Pour les titres de créance d'une valeur nominale élevée ou des instruments financiers donnant accès au capital d'un émetteur distinct de celui des instruments en question (comme par exemple des warrants), les personnes réalisant l'opération par appel public à l'épargne peuvent choisir leur autorité compétente et l'Autorité des marchés financiers peut donc être amenée à approuver le prospectus pour ces opérations. Les modalités de ce choix seront fixées par le règlement général de l'AMF en accord avec les dispositions prévues par la directive Prospectus.

Afin d'assurer la protection des investisseurs et l'intégrité du marché, le II de l'article 8 prévoit par ailleurs que lorsqu'un fait nouveau significatif intervient ou qu'une erreur est observée dans le prospectus entre la date d'approbation du prospectus et la clôture d'une opération par appel public à l'épargne, la personne ou l'entité qui réalise l'opération publie un supplément au prospectus après visa préalable de ce document par l'Autorité des marchés financiers. Il simplifie également la vie des sociétés cotées en supprimant l'obligation d'établir un prospectus à l'occasion d'opérations de rachat d'actions.

Il définit encore les conditions dans lesquelles l'AMF approuve le prospectus. Lors de cet examen qui vise à protéger les investisseurs, elle contrôle que le prospectus est complet, compréhensible et que les informations qu'il contient sont cohérentes. Afin de garantir la bonne application de la réglementation, l'AMF peut suspendre ou interdire toute opération soumise à approbation lorsque les modalités d'information du public ne lui sont pas conformes.

Il donne enfin compétence à l'AMF pour fixer les conditions dans lesquelles les opérations financières par appel public à l'épargne peuvent faire l'objet de communications à caractère promotionnel.

Les moyens de diffusion de l'information financière périodique des personnes faisant appel public à l'épargne relèvent de la réglementation des autorités boursières. La directive 2004/109/CE (« Transparence ») laisse une marge d'appréciation aux Etats membres afin qu'ils puissent ajouter des modes de diffusion à ceux qu'elle prévoit expressément. Ainsi, afin de garantir la protection des épargnants et la large diffusion de ces informations dans le public, le III de l'article 8 précise que la réglementation boursière pourra prévoir, comme elle le fait déjà aujourd'hui, une diffusion par d'autres canaux, notamment la presse écrite.

Observations et décision de la Commission :

Cet article a pour objet principal de transposer la directive n° 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation, et modifiant la directive 2001/34/CE.

Cette directive, dite directive Prospectus, apporte trois grandes avancées.

La première est qu'elle permet d'harmoniser le contenu du prospectus demandé aux personnes faisant appel public à l'épargne, à travers l'Europe (17). Il faut noter que le règlement européen n° 809/2004, qui est d'application directe en droit français, et qui a été élaboré en application de cette directive fixe, quant à lui, de manière très précise le contenu du prospectus dans les différents cas de figure pouvant se présenter.

Le deuxième apport de cette directive est qu'elle désigne, pour chaque opération par appel public à l'épargne (APE) réalisée en Europe, un superviseur unique qui est chargé de l'approbation du prospectus et du contrôle de l'ensemble de l'opération. La mise en place de ce système d'approbation du document destiné au public par un superviseur unique permettra aux émetteurs de lever des fonds dans l'ensemble des pays de l'Espace économique européen. Tel est le principe du passeport. La directive Prospectus tend ainsi à résoudre les éventuels conflits de droit ou des décisions contradictoires de superviseurs nationaux en cas d'opérations transfrontalières. L'Autorité des marchés financiers (AMF) sera désormais compétente pour approuver le prospectus et contrôler les opérations par APE réalisées dans l'Europe entière et :

- portant sur des actions ou sur des obligations dont le nominal est inférieur à 1.000 euros d'un émetteur dont le siège social est en France ;

- portant sur des obligations dont le nominal est supérieur à 1.000 euros lorsque la personne qui réalise l'opération a choisi l'AMF parmi les autorités compétences des pays où est réalisée l'opération ou du pays où l'émetteur a son siège social.

Le troisième point positif de cette directive est qu'elle harmonise les conditions d'approbation du prospectus en Europe et établit de la sorte un standard européen en matière de protection des investisseurs. Pour les sociétés françaises, il est certain que la transposition par le présent article de la directive Prospectus va représenter un moyen de faciliter la levée des capitaux dans l'Europe entière en simplifiant la procédure de placement transfrontière auprès du public.

L'article 8 du présent projet de loi précise, on l'a noté, certains aspects de l'obligation déjà présente dans le droit français actuel s'agissant de l'établissement et de la diffusion d'un prospectus à destination du public, lors d'une opération par APE. Il tend également à modifier, conformément aux prescriptions de la directive Prospectus, à la fois le champ et le contenu des compétences de l'AMF.

Il réforme enfin le régime juridique de l'information financière des sociétés faisant appel public à l'épargne hors des marchés réglementés permettant ainsi d'accompagner de façon optimale le bon développement d'Alternext. On peut noter que ces dernières dispositions ne relèvent pas d'une nécessité de transposition de la directive communautaire, mais bien d'une volonté du Gouvernement français de permettre dans les meilleures conditions possibles l'essor de marchés dits organisés en France (c'est-à-dire de marchés à mi-chemin entre un marché réglementé et un marché libre). L'AMF sera désormais autorisée à définir un label de qualité intermédiaire entre le régime de l'APE hors marché réglementé et la cotation sur un marché réglementé. Elle pourra en effet moduler ses exigences d'information selon que les émetteurs sont cotés ou non sur les bourses qui demandent à obtenir ce nouveau label de qualité.

I.- Les apports de la directive Prospectus pour faciliter et harmoniser
les modalités de gestion des opérations d'appel public à l'épargne
dans l'ensemble de l'Europe

La directive européenne sur le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en cas d'admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé (directive 2003/71/CE, 4 novembre 2003) est entrée en vigueur le 31 décembre 2003 et doit être transposée avant le 1er juillet 2005.

A.- Les points principaux de la directive

Cette directive a plusieurs effets :

- Elle modifie le régime actuel applicable en matière d'approbation des prospectus, en supprimant notamment le système de reconnaissance mutuelle, au profit de la notion de « passeport européen » qui permettra à tout prospectus approuvé par l'autorité compétente d'un Etat membre d'être utilisé pour une offre ou une admission dans les autres Etats membres, sans nouvelle approbation par l'autorité du marché local ;

- Elle définit largement l'offre au public, mais elle contient également un nombre important de dispenses, et distingue les dérogations à l'APE et les dispenses de prospectus (voir commentaire de l'article 7 du présent projet de loi);

- Elle rend obligatoire le résumé de prospectus, aujourd'hui facultatif dans la réglementation française (sauf lorsque le document est rédigé dans une langue étrangère, auquel cas un résumé en français est demandé). A partir du 1er juillet 2005, le prospectus devra être composé de trois volets : le document d'enregistrement sur l'émetteur, la note d'opération portant sur l'offre elle-même et un résumé rédigé dans un langage non technique (2.500 mots maximum), exposant les éléments les plus importants des deux documents précédents.

- Elle modifie le régime de compétence territoriale des régulateurs de valeurs mobilières tels que l'Autorité des marchés financiers. Dans le nouveau dispositif, une autorité compétente est définie pour approuver les prospectus, même si l'offre au public ou l'admission n'a pas lieu sur le territoire de cette autorité. Cela signifie que l'AMF aura à connaître d'émissions réalisées par des émetteurs français dans d'autres Etats membres. A l'inverse, une offre au public ou une admission pourront être réalisées en France sans son approbation, mais avec celle d'une autorité compétente d'un autre Etat membre.

Un régime spécifique est par ailleurs prévu pour les émetteurs ressortissant d'un pays tiers.

B.- Une directive dite d'harmonisation maximale

Cette directive est une directive dite d'harmonisation maximale : les Etats sont libres des moyens, mais doivent transposer l'ensemble des dispositions de la directive sans en omettre ni y ajouter, notamment en matière de dérogations à l'APE et de dispenses de prospectus.

On peut rappeler que la Commission européenne a pris, après avis du Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières, un règlement d'application fixant les règles harmonisées concernant le contenu, la structure et les modalités de publication du prospectus. Ce règlement est entré en vigueur le 20 mai 2004 ; il sera applicable à partir du 1er juillet 2005.

II.- De nouvelles obligations en termes d'établissement et de publication
du prospectus

Le présent article modifie tout d'abord l'obligation déjà présente en droit français de publier un prospectus à l'occasion d'une opération par appel public à l'épargne, pour rendre la législation française conforme à la directive Prospectus. Tel est l'objet du I de cet article qui vise à la réécriture complète de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier relatif au contenu du prospectus.

A.- L'obligation d'établir un prospectus

Le I du présent article a pour objet de proposer une nouvelle rédaction de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier. Est ainsi posée l'obligation pour tout émetteur, français ou étranger, d'établir un prospectus à l'occasion d'une opération par appel public à l'épargne réalisée en France. Il faut rappeler que l'obligation d'établissement d'un prospectus existe déjà en droit français (premier alinéa actuel de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier), mais que la directive Prospectus nécessite néanmoins une modification à la fois de la loi et du règlement général de l'AMF, lequel a vocation à être complété prochainement, à la suite de l'adoption du présent projet de loi.

Dans sa nouvelle rédaction, l'article L. 412-1 du code monétaire et financier est composé de trois paragraphes. C'est le premier paragraphe (I) de l'article L. 412-1 ainsi réécrit qui rappelle le principe de l'obligation de publier un document destiné à l'information du public pour l'émetteur procédant à une opération par appel public à l'épargne. Le premier alinéa du I pose différents principes, dont plusieurs sont déjà en vigueur dans le droit français actuel.

Seront concernées par l'obligation d'établir un prospectus « les personnes ou les entités » faisant une opération d'APE. Dans le premier alinéa actuel de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier, sont seulement visées les « personnes ». Le fait de prévoir désormais que le champ des émetteurs faisant APE est composé de « personnes » et d'«entités » permet de faire entrer à la fois les personnes - morales ou physiques - et des organismes tels que les Fonds communs de créance (FCC) dépourvus de personnalité morale.

Comme dans le droit actuel, avant de faire APE, ces personnes ou ces entités « doivent, au préalable, publier et tenir à la disposition de toute personne intéressée un document destiné à l'information du public (...)» (première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction). Comme aujourd'hui, la diffusion de ce document que le droit communautaire appelle le « prospectus » est une condition sine qua non de la possibilité donnée à un émetteur de faire APE. L'idée est que le public doit avoir les moyens de s'informer sur la qualité de la société émettrice et les caractéristiques des produits financiers que celle-ci propose.

Ce document porte « sur le contenu et les modalités de l'opération qui en fait l'objet, ainsi que sur l'organisation, la situation financière et l'évolution de l'activité de l'émetteur et des garants éventuels des instruments financiers qui font l'objet de l'opération (...) » (première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction). 

Dans le droit actuel, le prospectus doit déjà contenir des informations sur l'opération et l'activité de l'émetteur ; en revanche, il n'est pas aujourd'hui fait référence aux garants de l'opération. La mention des « garants éventuels des instruments financiers qui font l'objet de l'opération » est nouvelle dans la rédaction proposée pour l'article L. 412-1 du code monétaire et financier.

Cet ajout permettra de faire en sorte que le public dispose des informations les plus complètes possibles à la fois sur la société émettrice elle-même et sur la société qui se porte garante de l'opération (18). Dans le cas d'une société filiale d'un grand groupe, il peut s'avérer opportun pour les investisseurs potentiels de détenir des informations sur l'organisation, la situation financière et l'évolution de l'activité de la société mère.

Selon les derniers mots de la première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction, c'est le règlement général de l'AMF qui déterminera plus précisément ce que doit être le contenu du document. Les sociétés émettrices disposeront donc de toutes les données nécessaires pour établir un prospectus conforme au droit communautaire : elles auront à prendre en compte à la fois les dispositions législatives (l'article L. 412-1 du code monétaire et financier), réglementaires (le décret devant être pris en application du présent article du projet de loi et le règlement général de l'AMF) ainsi que le contenu du règlement européen déjà cité.

B.- Le régime linguistique du prospectus

La deuxième phrase du premier alinéa du I de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction a pour objet de préciser le régime linguistique de ce document. Il est indiqué qu'il doit être rédigé en français ou dans une autre langue usuelle en matière financière, ce qui constitue déjà la règle applicable en France.

Aujourd'hui, si le document est rédigé dans une autre langue que le français, il doit alors être demandé à l'émetteur de fournir en même temps que le document un résumé rédigé en français. Désormais, chaque document, écrit en français ou dans une autre langue, comprendra un résumé. Si le document est écrit dans une autre langue que le français, ce résumé sera également rédigé dans cette langue étrangère, mais sera alors accompagné d'une traduction en français. Ainsi dans le système actuel, si l'émetteur rédige son prospectus dans une langue étrangère, le document est « accompagné » d'un résumé en français (rédaction actuelle du premier alinéa de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier) : il y a donc deux documents, l'un de taille importante et l'autre synthétique mais ces deux documents sont élaborés dans deux langues différentes.

Grâce à la nouvelle rédaction de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier, dans tous les cas de figure, le document comprendra un résumé. Si l'émetteur produit un prospectus en langue anglaise par exemple et que l'opération d'APE s'adresse au public français, le document comprendra automatiquement un résumé en langue anglaise et la traduction littérale de ce résumé en français : il y aura donc trois documents, les deux premiers dans la même langue et le troisième ne sera qu'une traduction fidèle du texte du résumé d'origine. Les probabilités d'incohérences ou d'ambiguïtés entre les trois documents sont de fait réduites. Votre Rapporteur général considère que grâce à ce nouveau dispositif, l'information du public sera mieux assurée et les éventuelles incohérences entre les différents textes plus facilement repérables qu'aujourd'hui.

C.- La limitation de la possibilité de mettre en cause la responsabilité civile
de l'émetteur

Le deuxième alinéa du I de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction a pour but de limiter la possibilité de mettre en cause la responsabilité civile de l'émetteur. Aucune action en justice ne pourra ainsi être intentée sur le seul fondement du résumé ou de sa traduction. Cela signifie que la mise en cause de la responsabilité de la société faisant APE devra s'appuyer sur des allégations d'erreurs, d'omissions ou d'inexactitudes contenues dans le texte complet du prospectus.

Les seules actions en justice sur le fondement du résumé pouvant être jugées recevables seront celles dans lesquelles une personne arguera de l'existence d'un contenu du résumé ou de sa traduction « trompeur, inexact ou contradictoire par rapport aux informations contenues dans les autres parties du document (...) ».

Cette disposition correspond à la transposition de la directive Prospectus qui, dans son article 6.2, indique : « les États membres veillent cependant à ce qu'aucune responsabilité civile ne puisse être attribuée à quiconque sur la base du seul résumé ou de sa traduction, sauf contenu trompeur, inexact ou contradictoire par rapport aux autres parties du prospectus. »

Votre Rapporteur général estime que ces dispositions sont opportunes et de nature à éviter que ne se développent des contentieux inutiles sur le seul fondement du résumé du prospectus. Ce résumé étant un document synthétique, il ne pourra, par définition, pas permettre au public d'avoir une vision complète et exhaustive de la situation de la société émettrice. L'existence du résumé permet simplement aux personnes intéressées de disposer d'un court texte explicatif sur les caractéristiques des instruments financiers proposés, mais ne saurait contenir la même qualité et évidemment pas la même quantité d'informations que le prospectus lui-même, qui est un document long (deux pages environ dans la plupart des cas). En toute logique, sauf si ce résumé contient une erreur ou un problème de traduction, le texte devant, le cas échéant, servir de fondement pour une action en responsabilité civile ne peut être que le prospectus dans son entier.

D.- Les dispenses de prospectus

Le dernier alinéa du I de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction prévoit les cas dans lesquels l'AMF pourra dans son règlement général prévoir que telle ou telle opération d'APE, qui devrait normalement donner lieu à établissement d'un prospectus, pourra en être dispensée. Il est indiqué que ces dispenses interviennent lorsque les opérations « ne justifient pas une information du public ».

Plusieurs catégories d'opérations sont distinguées : celles dont la nature ou le volume relativement peu important n'obligent pas à une information du public ; celles qui sont menées par des émetteurs particuliers ou qui s'adressent à des investisseurs particuliers (par exemple, des investisseurs que l'on peut supposer bien avisés et déjà parfaitement informés) ; celles qui concernent des instruments financiers dont la nature ou la valeur nominale rendent moins nécessaire l'établissement d'un prospectus que pour d'autres instruments.

Cette disposition générale permet la transposition de l'article 4 de la directive Prospectus, qui prévoit une série de dispenses. La modification du règlement général de l'AMF permettra de prendre en compte l'ensemble des cas de figure visés par la directive.

E.- Les demandes des émetteurs de cesser d'être considérés par l'AMF
comme des émetteurs faisant APE

Le III de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction précise qu'une personne ou une entité peut demander à être considérée comme cessant de faire appel public à l'épargne. C'est le règlement général de l'AMF qui précise les modalités de cette demande.

On peut relever que cette disposition est déjà présente dans le droit actuel. Elle permet par exemple à une société ayant racheté ses actions et n'ayant plus l'intention de faire une opération d'APE de demander à sortir de la liste des émetteurs faisant APE, afin de ne plus être contrainte par des obligations d'informations permanentes ou périodiques jugées lourdes et coûteuses.

III.- Le champ de compétences de l'AMF s'agissant de l'approbation
du prospectus

Le II de l'article 8 propose une réécriture de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier relatif aux prérogatives de l'AMF en matière de visa préalable. En effet, c'est l'article L. 621-8 du code monétaire et financier qui fixe le champ de compétence de l'AMF pour l'approbation du prospectus. Cette compétence n'est désormais plus territoriale, conformément à l'article 2.1 de la directive Prospectus.

A.- Une compétence de l'AMF qui n'est plus territoriale

Dans le droit actuel, la compétence de l'AMF pour approuver les prospectus est territoriale. Pour faciliter la levée de capitaux à travers les différents pays de l'Union européenne, la directive Prospectus attribue la responsabilité de l'approbation du prospectus et du contrôle de l'opération à une autorité de supervision nationale unique. Cette approbation est alors valable dans tous les pays de l'Espace économique européen (EEE). Les paragraphes I, II, III et IV de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction aménagent ainsi la compétence de l'AMF selon cette nouvelle répartition des responsabilités.

L'AMF aura vocation à viser et superviser des opérations qui se dérouleront potentiellement uniquement hors de France, tandis que certaines opérations se déroulant en France seront visées et supervisées par l'autorité compétente d'un autre État membre. C'est pour cette raison que le V de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction permet de prévoir la compétence de l'AMF, même lorsque l'opération ne se déroule pas en France. Il convient de prévoir que le visa de l'AMF peut concerner des cas autres que ceux prévus à l'article L. 412-1 du code monétaire et financier, qui ne traite que des opérations se déroulant sur le territoire national.

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1.- Les cas entraînant la compétence automatique de l'AMF pour l'approbation
du prospectus

a) Les dispositions issues de la transposition de la directive Prospectus

En vertu du I de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction, sera automatiquement soumis au visa préalable de l'AMF :

- le projet de document mentionné à l'article L. 412-1 du code monétaire ou financier (c'est-à-dire le prospectus préalable à une opération se déroulant sur le territoire français) ;

- ou « tout document équivalent requis par la législation d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » (c'est-à-dire pour une opération réalisée par exemple par une société française mais sur le territoire d'un autre État membre de l'EEE) ;

- à condition que l'opération soit réalisée sur le territoire d'un État membre de l'EEE et concerne un émetteur ayant son siège statutaire en France et ;

- que l'opération porte sur des actions (sont visés des « titres de capital ou des titres donnant accès au capital au sens de l'article L. 212-7 » du code monétaire et financier, c'est-à-dire l'émission d'obligations avec bons de souscriptions d'action) ou sur des titres de créances dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois et la valeur nominale inférieure à 1.000 euros.

Dans ces cas, la société émettrice n'aura aucun choix possible et devra faire approuver son prospectus par l'AMF.

b) Les dispositions indépendantes des prescriptions de la directive Prospectus

Le IV de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction prévoit la compétence automatique de l'AMF pour l'émission ou la cession d'instruments financiers autres que des valeurs mobilières. Il faut rappeler que la directive Prospectus ne traite que des valeurs mobilières.

Cette disposition vise en réalité à pérenniser le fonctionnement du système actuel pour les instruments financiers autres que des valeurs mobilières.

2.- Les cas dans lesquels l'AMF pourra être l'autorité reconnue compétente pour l'approbation du prospectus

Aux termes du II de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction, l'AMF pourra être compétente « dans les cas fixés par son règlement » (c'est-à-dire que l'émetteur dispose d'une certaine marge de manœuvre dans la détermination de l'autorité compétente qu'il choisit pour l'approbation de son prospectus) :

- pour toute opération réalisée en France ;

- ou lorsque l'émetteur a son siège social en France et que l'opération porte sur des titres donnant accès au capital d'un autre émetteur et qui n'ont pas été émis dans les conditions fixées par l'article L. 228-93 du code de commerce. Il faut rappeler que l'article L. 228-93 du code de commerce indique qu'une société par actions peut émettre des valeurs mobilières donnant accès au capital de la société qui possède directement ou indirectement plus de la moitié de son capital ou de la société dont elle possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital. Cette émission doit être autorisée par l'assemblée générale extraordinaire de la société appelée à émettre ces valeurs mobilières et par celle de la société au sein de laquelle les droits sont exercés, dans les conditions prévues par l'article L. 228-92 du code de commerce.

- ou lorsque l'opération porte sur des titres de créances dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois et la valeur nominale supérieure à 1.000 euros.

Le III de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction prévoit d'autres cas pour lesquels l'AMF pourra être compétente « dans les cas fixés par son règlement » (c'est-à-dire que l'émetteur dispose d'une certaine marge de manœuvre dans la détermination de l'autorité compétente qu'il choisit pour l'approbation de son prospectus).

Il s'agit des opérations réalisées sur le territoire de l'un des États de l'EEE :

- lorsque l'émetteur a son siège social hors de la zone EEE (par exemple les sociétés ayant leur siège social aux Etats-Unis ou au Japon) ;

- et que l'opération porte sur des instruments financiers dont la première émission ou cession dans le public ou la première cotation en bourse dans l'espace EEE a eu lieu en France.

LES CAS DE COMPÉTENCE DE L'AMF POUR L'APPROBATION DU PROSPECTUS

Catégories de titres

Autorité compétente

Article de la directive Prospectus

Transposition au sein du code monétaire et financier

Premier cas de figure

- Titres de créances, avec un nominal supérieur ou égal à 1.000 euros et une échéance supérieure ou égale à douze mois

- Titres donnant accès au capital et dont l'émetteur est différent de celui du sous-jacent

L'émetteur a le choix de l'autorité compétente :

- celle de l'Etat membre où l'émetteur a son siège statutaire ;

- celle de l'Etat membre où les titres ont été ou sont admis à la négociation sur un marché réglementé ;

- celle de l'Etat membre où les titres sont offerts au public.

Art.2.1.m)ii)

II de l'article L. 621-8

Deuxième cas de figure

Valeurs mobilières non visées dans le premier cas et dont l'émetteur a son siège dans un des Etats membres

L'autorité compétente est celle de l'Etat où l'émetteur a son siège statutaire

Art.2.1.m)i)

I de l'article L. 621-8

Troisième cas de figure

Valeurs mobilières non visées dans le premier cas de figure et dont l'émetteur a son siège dans un pays tiers

L'émetteur a le choix de l'autorité compétente :

- celle de l'Etat membre où les valeurs mobilières doivent être offertes pour la première fois dans l'EEE postérieurement à l'entrée en vigueur de la directive ;

- celle de l'Etat membre de première admission à la négociation sur un marché réglementé de l'EEE.

Art.2.1.m)iii)

III de l'article L. 621-8

B.- Un renforcement des pouvoirs de l'AMF en matière de visa préalable

1.- La note complémentaire en vue de découverte d'un fait nouveau
ou d'une erreur dans le prospectus initial

Le VI de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction prévoit l'obligation de publier un complément au prospectus lorsqu'un fait nouveau ou qu'une inexactitude apparaissent après l'approbation du prospectus et que ces éléments nécessitent un amendement au prospectus. Le complément publié fait l'objet de la même procédure d'approbation que le prospectus.

Les pouvoirs de l'AMF se trouvent renforcés puisque cette Autorité devra apposer un visa à une note complémentaire au prospectus qui serait rendue nécessaire par l'intervention entre l'obtention du visa sur le prospectus et la clôture de l'opération d'APE de « tout fait nouveau ou toute erreur ou inexactitude concernant les informations contenues » dans le document initial. Seules sont néanmoins visées les informations susceptibles « d'avoir une influence significative sur l'évaluation des instruments financiers » qui font l'objet de l'opération d'APE concernée.

Cette disposition doit être lue au regard de l'article 16.1 de la directive Prospectus qui dispose : « Tout fait nouveau significatif ou toute erreur ou inexactitude substantielles concernant les informations contenues dans le prospectus, qui est de nature à influencer l'évaluation des valeurs mobilières et survient ou est constaté entre l'approbation du prospectus et la clôture définitive de l'offre au public, le cas échéant, le début de la négociation sur un marché réglementé, est mentionné dans un supplément au prospectus. Ce supplément est approuvé, dans un délai maximal de sept jours ouvrables, de la même manière et publié au moins selon les mêmes modalités que le prospectus initial. Le résumé, et toute traduction éventuelle de celui-ci, donne également lieu à supplément, si cela s'avère nécessaire pour tenir compte des nouvelles informations figurant dans le supplément au prospectus. »

2.- En cas d'opération d'offre publique d'acquisition

Le VII de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction comporte deux alinéas. Le premier prévoit le visa préalable de l'AMF avant toute opération d'offre publique d'acquisition des titres de capital ou des titres de créance d'un émetteur faisant appel public à l'épargne. Comme c'est déjà le cas aujourd'hui, la note établie par l'émetteur doit contenir les orientations en matière d'emploi de la personne morale ou physique effectuant l'OPA.

3.- En cas d'opération de rachat de ses actions par une société

Le dernier alinéa du VII de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction indique que l'AMF n'appose en revanche plus de visa lors des opérations de rachat d'actions prévue par l'article L. 225-209 du code de commerce.

Les dispositions de l'article L. 225-209 du code de commerce

On peut rappeler qu'aux termes de l'article L. 225-209 du code de commerce, l'assemblée générale d'une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé peut autoriser le conseil d'administration (ou le directoire) à acheter un nombre d'actions représentant jusqu'à 10% du capital de la société.

C'est l'assemblée générale qui définit les finalités et les modalités de l'opération, ainsi que son plafond. Cette autorisation est donnée pour une durée supérieure à dix-huit mois.

Le conseil d'administration peut déléguer au directeur général ou, en accord avec ce dernier, à un ou plusieurs directeurs généraux délégués, les pouvoirs nécessaires pour réaliser cette opération. Les personnes désignées rendent compte au conseil d'administration de l'utilisation faite de ce pouvoir dans les conditions prévues par ces derniers.

L'acquisition, la cession ou le transfert de ces actions peut être effectué par tous moyens. Ces actions peuvent être annulées dans la limite de 10% du capital de la société par périodes de vingt-quatre mois.

La société informe chaque mois l'Autorité des marchés financiers des achats, cessions, transferts et annulations ainsi réalisés. L'Autorité des marchés financiers porte cette information à la connaissance du public.

Le droit actuel prévoit qu'un émetteur doit publier une note d'information à l'occasion du rachat de ses propres actions. Or il est avéré que les investisseurs ne jugent en général pas cette information utile au marché. Ils ne s'opposent par conséquent pas aujourd'hui à la suppression de cette note d'information. On peut noter que la suppression de ce visa constitue une initiative du Gouvernement et ne correspond pas à un travail de transposition de la directive Prospectus.

Votre Rapporteur général s'interroge sur l'opportunité de telles dispositions qui donnent le sentiment que les opérations de rachat de leurs actions par les sociétés sont quelque peu facilitées par la suppression du visa préalable donné par l'AMF.

Or le phénomène de ces rachats d'actions apparaît aujourd'hui préoccupant. Il ne convient donc pas d'envoyer aux marchés le « signal » - qui ne correspond pas en outre à la volonté du Gouvernement - que de telles opérations seraient encouragées.

De fait, les opérations de rachat de leurs propres titres par les sociétés connaissent un succès de plus en plus manifeste. Selon les chiffres de l'AMF de novembre 2004, la moitié des sociétés constituant l'indice CAC 40 avaient procédé à des rachats nets d'actions en 2004 (les deux tiers au cours de l'année 2003), pour un montant d'environ 9 milliards d'euros soit 1,2% de leur capitalisation boursière moyenne.

Ces opérations font actuellement l'objet de vives critiques car elles sont considérées par de nombreux observateurs comme se substituant à de véritables politiques d'investissement et de développement à long terme, et ne visent qu'à permettre une consommation par l'entreprise de ses liquidités.

Lors des auditions menées par votre Rapporteur général, il est apparu qu'aujourd'hui, la note devant être fournie par la société concernée à l'AMF pour visa préalable n'empêche aucunement l'opération de rachat des actions de se dérouler ; elle la complique simplement et s'avère dans les faits une formalité relativement inutile. Le fait de supprimer l'obligation d'établir cette note n'aura donc pas d'impact sur la réalisation ou non de ces opérations.

En revanche, votre Rapporteur général considère qu'il serait opportun de prévoir dans le code monétaire et financier une disposition selon laquelle toute société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et qui souhaite procéder au rachat de ses propres titres de capital doit en informer préalablement le marché.

C.- Un pouvoir de vérification générale du contenu du prospectus

Le présent article vise, en plus de la modification d'articles existants du code monétaire et financier - articles L. 412-1 et L. 621-8 - à insérer au sein de ce code, après l'article L. 621-8, deux nouveaux articles : les articles L. 621-8-1 et L. 621-8-2 qui tendent à renforcer les pouvoirs de l'AMF. La deuxième sous-section de la section 4 du chapitre unique du titre II du livre VI du même code, qui est actuellement intitulée : « Autorisation des opérations d'appel public à l'épargne », et qui comprend l'article L. 621-8, s'intitulera désormais : « Autorisation de certaines opérations portant sur des instruments financiers » et comprendra les articles L. 621-8, L. 621-8-1 et L. 621-8-2.

1.- La vérification du document qui doit être complet et compréhensible

L'article L. 621-8-1 nouveau du code monétaire et financier, composé de deux paragraphes, prévoit que l'AMF a un pouvoir de vérification du document soumis à son visa préalable. En vertu de la première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 621-8-1 nouveau du code monétaire et financier, le document doit être « complet et compréhensible » ; les informations qu'il contient doivent être « cohérentes ». Si tel n'est pas le cas, l'AMF peut demander à ce que le document soit modifié et suggérer d'insérer des informations complémentaires aux termes de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 621-8-1 nouveau du code monétaire et financier.

On peut rappeler que ces dispositions sont une transposition de l'article 2.1 q) de la directive Prospectus, qui indique : « « approbation : acte positif à l'issue de l'examen par l'autorité compétente de l'État membre d'origine visant à déterminer si le prospectus est complet, si les informations qu'il contient sont cohérentes et s'il est compréhensible.»

2.- La possibilité donnée à l'AMF de demander des explications complémentaires à la société émettrice

En vertu du dernier alinéa du I de l'article L. 621-8-1 nouveau du code monétaire et financier, l'AMF peut par ailleurs « demander toutes explications ou justifications » sur la situation de la société émettrice et des garants éventuels de l'opération.

Ces dispositions constituent une transposition de l'article 21.3 de la directive Prospectus qui prévoit : « Chaque autorité compétente dispose de toutes les prérogatives nécessaires pour remplir ses fonctions. Une autorité compétente qui a reçu une demande d'approbation d'un prospectus est au moins habilitée (...) b) à exiger de l'émetteur, de l'offreur ou de la personne qui sollicite l'admission à la négociation sur un marché réglementé et des personnes qui le contrôlent ou sont contrôlées par lui qu'ils fournissent des informations et des documents. ».

Grâce à l'ensemble de ces prérogatives, l'AMF sera en mesure d'apposer en connaissance de cause son visa préalable à la diffusion du prospectus. Cela tend à garantir que le document qui sera publié à destination du public, qui aura été vérifié, sera complet et fiable. Votre Rapporteur général note que les échanges d'instruments financiers réalisés dans le cadre d'une opération d'appel public à l'épargne pourront ainsi intervenir dans un cadre encore plus protecteur pour les investisseurs qu'il ne l'est aujourd'hui.

D.- Des pouvoirs de suspension et d'interdiction d'une opération par APE

Le II de l'article L. 621-8-1 nouveau du code monétaire et financier comporte quatre alinéas : le premier porte sur les pouvoirs de l'AMF en matière de suspension d'une opération d'APE et les trois derniers traitent de ses pouvoirs d'interdiction d'une telle opération.

On peut rappeler que ces dispositions correspondent à la transposition de l'article 21.3 de la directive Prospectus qui prévoit : « Chaque autorité compétente dispose de toutes les prérogatives nécessaires pour remplir ses fonctions. Une autorité compétente qui a reçu une demande d'approbation d'un prospectus est au moins habilitée (...) d) à suspendre une offre au public ou une admission à la négociation pendant dix jours ouvrables consécutifs au plus, chaque fois qu'elle a des motifs raisonnables de soupçonner qu'il y a eu violation des dispositions de la présente directive ; (...) ».

S'agissant des pouvoirs d'interdiction, la directive précitée indique, également dans son article 21.3, que chaque autorité compétente, qui dispose de toutes les prérogatives nécessaires pour remplir ses fonctions, est au moins habilitée « f) à interdire une offre au public, si elle constate, ou a des motifs raisonnables de soupçonner, qu'il y a eu violation des dispositions de la présente directive, (...) h) à interdire la négociation sur un marché réglementé, si elle constate qu'il y a eu violation des dispositions de la présente directive (...) ».

1.- La suspension d'une opération

La suspension d'une opération d'APE peut intervenir en vertu du premier alinéa du II de l'article L. 621-8-1 nouveau du code monétaire et financier, mais reste encadrée :

- elle ne peut excéder une limite fixée par le règlement général de l'AMF (d'après la directive, précitée, la suspension ne peut aller au-delà de dix jours ouvrables consécutifs) ;

- l'AMF doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner qu'une opération d'APE est contraire à la loi et à la réglementation générale en la matière.

2.- L'interdiction d'une opération

L'interdiction totale d'une opération peut intervenir, mais conformément aux prescriptions de la directive Prospectus, il convient de distinguer deux cas de figures :

- le cas de l'émission ou de la cession d'instruments financiers (, soit le troisième alinéa du II de l'article L. 621-8-1 nouveau du code monétaire et financier) : l'interdiction est possible si l'AMF a des soupçons sur la légalité de l'opération ;

- le cas d'un projet d'admission aux négociations sur un marché règlementé (, soit le dernier alinéa du II de l'article L. 621-8-1 nouveau du code monétaire et financier) : l'interdiction de l'opération n'est possible que si l'AMF constate que l'opération est contraire à la réglementation en vigueur (de simples soupçons ne suffisent pas).

E.- Le contrôle des communications à caractère promotionnel

L'article L. 621-8-2 nouveau du code monétaire et financier donne compétence à l'AMF pour contrôler les communications à caractère promotionnel qui entourent une opération par APE, conformément aux prescriptions de la directive Prospectus.

Cet article nouveau du code monétaire et financier est composé de deux alinéas : le premier pose le principe d'un contrôle de l'AMF sur les communications à caractère promotionnel pouvant accompagner les opérations d'APE. Ces dispositions générales sont une transposition de l'article 15 de la directive précitée :

Article 15 de la directive Prospectus : «1. Toute communication à caractère promotionnel se rapportant à l'offre de valeurs mobilières au public ou à leur admission à la négociation sur un marché réglementé respecte les principes énoncés aux paragraphes 2 à 5. Les paragraphes 2,3 et 4 ne s'appliquent que dans les cas où l'émetteur, l'offreur ou la personne sollicitant l'admission est soumise à l'obligation d'établir un prospectus.

« 2. Les communications à caractère promotionnel annoncent qu'un prospectus a été, ou sera, publié et indiquent où les investisseurs peuvent ou pourront se le procurer.

« 3. Les communications à caractère promotionnel sont clairement reconnaissables en tant que telles. Les informations qu'elles contiennent ne peuvent être erronées, ou prêter à confusion. Elles doivent aussi être compatibles avec les informations contenues dans le prospectus, si celui-ci a déjà été publié, ou avec les informations devant y figurer, si celui-ci est publié ultérieurement.

« 4. Toute information diffusée oralement ou par écrit en ce qui concerne l'offre au public ou l'admission à la négociation sur un marché réglementé, même si elle n'a pas de visée promotionnelle, concorde toujours avec les informations fournies dans le prospectus. 

« 5. Lorsqu'aucun prospectus n'est requis au titre de la présente directive, les informations importantes fournies par un émetteur ou un offreur et adressées aux investisseurs qualifiés ou à des catégories spéciales d'investisseurs, y compris celles diffusées à la faveur des réunions ayant trait à des offres de valeurs mobilières, sont communiquées à tous les investisseurs qualifiés ou catégories d'investisseurs auxquels cette offre s'adresse exclusivement. Lorsqu'un prospectus doit être publié, ces informations figurent dans le prospectus ou dans un supplément au prospectus, conformément à l'article 16, paragraphe 1.

« 6. L'autorité compétente de l'État membre d'origine est habilitée à vérifier que les activités promotionnelles concernant l'offre au public ou l'admission à la négociation sur un marché réglementé de valeurs mobilières sont conformes aux principes énoncés aux paragraphes 2 à 5. »

Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 621-8-2 nouveau du code monétaire et financier, et conformément à l'article 21, paragraphe 3, de la directive Prospectus, l'AMF pourra interdire ou suspendre pendant dix jours de bourse les communications à caractère promotionnel si elle « a des motifs raisonnables de soupçonner » une irrégularité de ces communications.

F.- Un contrôle relatif aux modalités de publicité des informations financières

Le III de l'article 8 du présent projet de loi vise à ajouter à l'article L. 621-7 du code monétaire et financier une référence aux modalités de diffusion des documents et des informations requises dans le cadre des opérations d'APE. Ces modalités se font « par dépôt ou par diffusion par voie de presse écrite et par voie électronique ou par la mise à disposition gratuite d'imprimés ».

Ainsi le règlement général de l'AMF déterminera les modalités des obligations de publicité et d'information incombant aux sociétés concernées dans le cadre des opérations par appel public à l'épargne.

Certains observateurs émettent des critiques quant à la formulation proposée dans le III de l'article 8 du présent projet de loi car telles qu'elles sont rédigées, ces dispositions obligeraient les entreprises concernées à s'acquitter de l'ensemble de leurs obligations en termes d'informations du public, en diffusant les données requises à la fois par internet et par voie de presse écrite. Cette double modalité de diffusion de l'information pourrait dans certains cas s'avérer particulièrement coûteuse pour les sociétés, voire peu réaliste : envisage-t-on que le règlement de l'AMF puisse réellement contraindre les sociétés émettrices faisant APE à publier dans un périodique ou un quotidien l'intégralité du texte de leur prospectus ?

IV.- La réforme du régime juridique d'information financière des émetteurs faisant appel public à l'épargne hors des marchés réglementés : l'accompagnement d'Alternext

Il faut tout d'abord relever que le II de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier dans sa nouvelle version est de portée beaucoup plus large que le I, qui ne traite que du contenu du prospectus, établi à l'occasion d'une opération d'APE.

Le premier alinéa du II indique que le règlement général de l'AMF fixe les modalités de l'information du public lorsque des titres ont été émis ou cédés dans le cadre d'une opération d'APE (19). Deux cas sont prévus : l'admission ou la cession d'instruments financiers ou l'admission aux négociations sur un marché d'instruments financiers (il n'est pas précisé s'il s'agit de marché réglementé ou de marché organisé). Dans le droit actuel (deuxième alinéa actuel de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier), il est indiqué que le règlement général de l'AMF fixe les conditions dans lesquelles l'émetteur dont les titres ont été émis ou cédés dans le cadre d'un appel public à l'épargne procède à l'information du public.

Désormais, le pouvoir de l'AMF de fixer dans son règlement général des règles relatives aux obligations d'information du public est étendu aux émetteurs cotés sur des marchés d'instruments financiers (sans qu'il soit mentionné qu'il s'agisse impérativement d'un marché règlementé), c'est-à-dire que cette prérogative de l'AMF a vocation à s'étendre y compris aux bourses autres que les marchés réglementés.

A.- La nécessité de mettre en place des marchés intermédiaires notamment pour les petites et moyennes entreprises

Les obligations de transparence incombant actuellement aux émetteurs cotés sur des marchés réglementés font de ces marchés des bourses de qualité où les investisseurs, notamment les petits porteurs, peuvent investir avec confiance.

Le fait pour les émetteurs faisant un tel choix de remplir les conditions qu'impose ce label de qualité représente cependant parfois pour eux des coûts importants. Les contraintes devant être supportées pour acquérir ce label peuvent parfois s'avérer trop lourdes pour les PME.

A défaut de cotation sur un marché réglementé, les PME peuvent actuellement se financer par APE hors d'un marché réglementé. Mais il apparaît que les obligations de transparence correspondant à ce type de placements n'offrent pas toujours les garanties suffisantes en termes de protection des investisseurs. Cet obstacle empêche que se développent effectivement, pour ces entreprises, des bourses attractives intéressant un large public.

La réforme proposée tend à créer un label de qualité nouveau pour des bourses, à mi-chemin entre le label du marché réglementé et le régime juridique actuel de l'APE hors d'un marché réglementé. Le niveau de réglementation correspondant à ce label vise à favoriser l'émergence de bourses adaptées au financement des PME. Le fait pour une entreprise de négocier ses titres sur un marché dit organisé, dans un premier temps, peut constituer dans un second temps un tremplin vers les marchés réglementés.

Votre Rapporteur général considère que parce qu'elle encourage l'accès en bourse des PME, cette réforme permettra d'élargir la gamme des financements accessibles aux PME et favorisera ainsi leur développement.

Les marchés organisés et la protection des investisseurs

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B.- La possibilité pour l'AMF de moduler les règles d'informations financières selon les marchés concernés

Le deuxième alinéa du II de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction introduit une distinction selon que le marché d'instruments financiers dont il s'agit est réglementé ou pas (il peut s'agir d'un marché dit organisé).

Concrètement, cela signifie que dans son règlement général, l'AMF pourra faire une distinction entre les obligations d'informations du public incombant aux émetteurs négociant sur un marché réglementé et celles incombant aux émetteurs négociant sur un marché d'instruments financiers autre qu'un marché réglementé, c'est-à-dire Alternext, marché organisé qui vient d'être lancé sur la place de Paris. Il est en effet indiqué que « le règlement général peut tenir compte du fait que les instruments financiers » sont négociés sur des marchés organisés.

Il convient en revanche de noter que les obligations pesant sur les émetteurs faisant opération d'APE resteront dans tous les cas identiques et le fait de négocier sur un marché organisé ne modifiera pas pour une société émettrice la nature des obligations d'informations du public au moment de l'opération d'APE elle-même. L'AMF pourra exiger une moindre quantité d'informations permanentes ou périodiques pour les sociétés qui interviendront sur un marché organisé par rapport aux contraintes inhérentes aux négociations sur un marché règlementé.

L'idée de la mise en place d'Alternext est précisément de permettre à certaines entreprises qui ne peuvent pas aujourd'hui être cotées sur un marché réglementé, étant donné l'importance des contraintes liées à ce marché, de négocier leurs titres sur un nouveau marché, qui sera caractérisé par un degré moindre de contraintes et de réglementation.

Aux termes de la dernière phrase du dernier alinéa du II de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier dans sa nouvelle rédaction, l'AMF pourra même prévoir que « certaines règles ne sont applicables qu'à certains marchés d'instruments financiers, à la demande de la personne qui les gère. » L'AMF pourra ainsi adapter les différentes règles relatives à l'information obligatoire du public et alléger ainsi certaines des contraintes pesant sur les entreprises en la matière.

*

* *

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Tony Dreyfus, prévoyant que le prospectus publié à l'occasion d'une opération par appel public à l'épargne est accompagné d'un résumé rédigé exclusivement en français dans des conditions précisées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

M. Tony Dreyfus a constaté avec surprise que la majorité s'apprête à ouvrir la possibilité de produire une note d'information dans une langue étrangère alors même que, lorsqu'elle était dans l'opposition, elle s'y était fermement opposée notamment lors des débats parlementaires relatifs à l'adoption de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, arguant à cette occasion devant le Conseil constitutionnel de l'incompatibilité d'une telle disposition avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il a considéré que l'article proposé revient sur l'équilibre alors trouvé par l'ancienne majorité, et que ces dispositions obscurcissent inutilement la rédaction de la loi.

Votre Rapporteur général a rappelé qu'actuellement, les prospectus établis par des sociétés étrangères faisant appel public à l'épargne en France sont rédigés en langue étrangère et sont alors accompagnés d'un résumé en français. Or, le contrôle de cohérence entre le prospectus, lorsqu'il est rédigé dans une langue étrangère usuelle en matière financière - étant précisé que le prospectus est souvent un document très détaillé - et le court résumé en français, n'est guère aisé. Conformément aux prescriptions de la directive Prospectus, un des objets de l'article 8 consiste, lorsque le document est rédigé dans une langue étrangère, à exiger qu'il comprenne non seulement un résumé dans la même langue mais également la traduction de ce résumé en langue française. Un tel dispositif améliore les conditions de l'information délivrée aux épargnants : il représente un progrès par rapport à la situation actuelle, puisqu'il sera désormais possible de vérifier la coïncidence entre le résumé établi dans cette langue étrangère et le résumé rédigé en français.

La Commission a rejeté l'amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Tony Dreyfus, tendant à supprimer la limitation des possibilités pour une société d'être attaquée en justice sur le seul fondement du résumé du prospectus publié à l'occasion d'une opération par appel public à l'épargne.

M. Tony Dreyfus a estimé que ce résumé constitue un élément essentiel, voire décisif, de l'information d'un grand nombre d'actionnaires et que la limitation de sa valeur juridique ne saurait dans ces conditions être acceptée. Il appartient aux entreprises de s'assurer de la qualité irréprochable des informations financières qu'elles apportent au public.

Votre Rapporteur général a indiqué que ces dispositions, qui transposent les règles fixées par la directive Prospectus, ont pour but d'éviter la multiplication des contentieux qui se fonderaient uniquement sur la base d'un résumé qui doit être écrit dans une langue non technique et prend nécessairement une forme très synthétique. Les contentieux sur le fondement du résumé resteraient possibles, mais uniquement lorsque ce résumé comprend une erreur ou une inexactitude dans son contenu ou qu'il est entaché d'un problème de traduction. Les contentieux, s'ils ont lieu, devront logiquement reposer sur la base du prospectus lui-même, qui constitue un document très détaillé et doit permettre une information exhaustive et pertinente du public.

La Commission a rejeté l'amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Tony Dreyfus, tendant à soumettre au visa préalable de l'Autorité des marchés financiers les opérations de rachat de leurs propres titres par les sociétés.

M. Tony Dreyfus a rappelé que, devant la Commission, le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a lui-même regretté la multiplication des opérations de rachat de leurs propres titres par les sociétés. Celles-ci ont concerné, selon les chiffres fournis par 1'AMF en novembre 2004, la moitié des sociétés constituant l'indice CAC 40 en 2004 (les 2/3 en 2003) pour un montant d'environ 9 milliards d'euros, soit 1,2% de leur capitalisation boursière moyenne. Ces opérations sont de plus en plus critiquées. Elles sont perçues comme se substituant à des politiques d'investissement et de développement à long terme, au profit d'une consommation par l'entreprise de ses liquidités au seul profit de la valeur immédiate pour 1'actionnaire. C'est pourquoi il n'apparaît guère opportun de revenir sur le principe, posé par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, d'un visa préalable de l'Autorité des marchés financiers sur ces opérations et sur la présentation à cette occasion, par la société concernée, de documents clarifiant notamment les orientations en matière d'emploi de l'opération.

Votre Rapporteur général, tout en reconnaissant le caractère préoccupant de la multiplication des opérations de rachat de leurs propres titres par les sociétés et en soulignant la nécessité d'encadrer cette dérive, s'est opposé à l'amendement : l'existence ou non d'un visa préalable de l'Autorité des marchés financiers ne constitue manifestement pas la solution à ce problème d'importance.

M. Tony Dreyfus a retiré l'amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par votre Rapporteur général, tendant à prévoir que toute société souhaitant racheter ses propres titres de capital en informe préalablement le marché.

Votre Rapporteur général a indiqué que l'article 8 supprime l'obligation d'établir une note d'information, visée par l'Autorité des marchés financiers, à l'occasion des opérations de rachat par les sociétés de leurs propres actions. Une telle réforme va opportunément dans le sens de la simplification. Comme M. Philippe Auberger l'a déjà souligné, il importe néanmoins qu'elle ne soit pas fâcheusement interprétée comme l'indice d'une volonté de faciliter les rachats d'actions, qui semblent de plus en plus fréquents. L'amendement prévoit en conséquence une obligation d'information du marché sur ces opérations.

M. Philippe Auberger a estimé nécessaire de distinguer, d'une part, les opérations de rachat marginales, ayant pour seul objet de réguler le cours des titres et, d'autre part, les rachats plus massifs qui, eux, doivent en effet donner lieu à information. Il a rappelé le cas de Vivendi Universal qui avait racheté ses actions au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, au point que des manipulations de cours ont pu être suspectées. Tout récemment, Total a annoncé un programme de rachat portant sur près de 100 millions d'euros, après y avoir consacré plus de 3,5 milliards d'euros en 2004.

Le Président Pierre Méhaignerie a constaté que, comme souvent, la Commission est face à deux exigences contradictoires : l'exigence de transparence et le souci d'alléger la réglementation.

Approuvant les propos de M. Philippe Auberger, votre Rapporteur général a précisé que l'obligation d'information prévue par l'amendement n'aurait raisonnablement vocation à s'appliquer qu'aux rachats substantiels. La ligne de partage exacte entre les deux types d'opération devrait être fixée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. Par ailleurs, il conviendra d'être attentif aux conséquences de la réforme prévue au présent article sur les ressources de l'AMF.

M. Richard Mallié a exprimé ses réserves sur l'amendement. D'une part, les rachats d'actions supposent l'autorisation de l'assemblée générale. D'autre part, ces opérations sont le plus souvent nécessaires, soit pour renforcer l'actionnariat majoritaire, soit pour permettre des accords d'échanges de titres avec d'autres entreprises.

Votre Rapporteur général a défendu l'équilibre satisfaisant entre l'allégement résultant de l'article 8 et l'exigence d'information apportée par son amendement.

La Commission a adopté cet amendement et un amendement de conséquence présenté par votre Rapporteur général (amendements n°s 32 et 33).

La Commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

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Article additionnel après l'article 8

Élargissement de l'accès de la Caisse des dépôts et consignations
aux marchés obligataires.

Texte de l'article additionnel :

Le code monétaire et financier est complété par un article L. 518-2-1 nouveau ainsi rédigé :

«  La Caisse des dépôts et consignations peut émettre les titres de créance visés au 2 du I de l'article L. 211-1 ».

Observations et décision de la Commission :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Philippe Auberger, tendant à permettre à la Caisse des dépôts et obligations d'émettre l'ensemble des titres de créances transmissibles par inscription en compte ou tradition qui sont visés à l'article L. 211-1 du code monétaire et financier, c'est-à-dire de recourir aux financements obligataires dans les conditions de droit commun.

Afin d'encadrer l'endettement de la CDC, qui a vocation, compte-tenu des missions particulières d'intérêt général qui lui incombent (financement du logement social et de la politique de la ville, gestion de référence de l'épargne et des retraites des Français et de fonds privés protégés par la loi, partenariats avec les collectivités territoriales, etc.), à demeurer subsidiaire dans le bilan de l'établissement, seules deux principales possibilités de financement lui sont ouvertes. Elle peut émettre des billets de trésorerie (endettement inférieur à un an) et a accès, conformément aux dispositions des articles L. 213-1 à L. 213-4 du code monétaire et financier, aux bons à moyen terme négociables (BMTN), dont l'horizon est en général de 2 à 3 ans. Ces derniers titres de créances négociables, fréquemment libellés sur des montants modérés, sont fortement encadrés par les articles précités et le décret n° 92-137 du 13 février 1992 modifié relatif aux titres de créances négociables, qui les soumettent à des conditions d'émission détaillées (normes de diffusion d'informations notamment) au respect desquelles veille la Banque de France. Compte tenu de ces contraintes, l'endettement en titres de la CDC est resté très modéré (moins de 13% du passif du groupe en 2003).

Il s'avère cependant que l'encours des BMTN est en voie de régression, ramené de 60 milliards d'euros en 2001 à 52 milliards d'euros au 31 mars 2005, les émissions du premier trimestre de l'année s'étant limitées à 3 milliards d'euros. Ce déclin s'est principalement fait au profit du marché des Euro Medium Term Note (EMTN), en quelque sorte des « programmes d'émissions » obligataires plus aisément négociables, dont le volume d'émission au premier trimestre de l'année a atteint 190 milliards d'euros.

Dans ce contexte, la limitation des moyens d'endettement à moyen terme de la CDC au seul marché des BMTN dont la liquidité régresse l'expose à des conditions de négociation de ses obligations de moins en moins favorables.

Si l'opportunité d'élargir ses moyens de financement au marché des EMTN apparaît peu contestable, il convient cependant de remarquer que l'article proposé retient une rédaction beaucoup plus large dans la mesure où il autorise la Caisse des dépôts et consignations à émettre l'ensemble des titres de créances visés au 2 du I de l'article L. 518-2-1 du code monétaire et financier qui définit les instruments financiers et les instruments financiers à terme, soit « les titres de créance qui représentent chacun un droit de créance sur la personne morale ou les fonds communs de créances qui les émet, transmissibles par inscription en compte ou tradition, à l'exclusion des effets de commerce et des bons de caisse », c'est-à-dire l'ensemble des obligations. En outre, l'article n'apporte aucune limitation au volume d'endettement que la CDC pourrait être amenée à contracter.

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M. Philippe Auberger a rappelé qu'en vertu des articles L. 213-1 et L. 213-4 du code monétaire et financier, la Caisse des dépôts et consignations n'est autorisée à émettre, pour son financement à plus d'un an, que des bons à moyen terme négociables (BMTN). Or, l'encours des BMTN est en net déclin, au profit du marché des Euro Medium Term Note (EMTN), programmes d'émissions obligataires plus aisément négociables. Dans ce contexte, il apparaît dangereux de limiter l'assise des capacités de financement de la Caisse à un marché en régression. L'amendement propose de permettre à la Caisse d'émettre, notamment, des EMTN.

Votre Rapporteur général a souligné que l'amendement est de fait beaucoup plus ambitieux qu'il n'y paraît. Permettant à la Caisse des dépôts et consignations d'avoir désormais recours à l'ensemble des produits obligataires, ce qui revient à l'autoriser à s'endetter librement, il propose de mettre fin à une pratique plus que centenaire qui encadre l'endettement de la Caisse des dépôts et consignations en limitant son accès au marché obligataire à des produits très réglementés et dont la vocation est de rester relativement subsidiaires. Si la diversification des moyens de financement de la Caisse, avec leur élargissement aux marchés les plus porteurs comme les EMTN, est sans doute une réelle nécessité, il convient cependant d'être vigilant dans le champ de l'habilitation. En particulier, compte tenu des missions d'intérêt général que la Caisse assume (financement social, rôle dans la politique de la ville, urbanisme, etc.), il importe d'être attentif à ce que des activités qu'elle finance pour le compte ou en prolongement des politiques de l'État ne soit pas couvertes par le recours à l'endettement, constituant en quelque sorte un prolongement déguisé de la dette publique, sous peine de donner lieu à des « fuites en avant » dont l'expérience enseigne qu'elles ne sont pas inenvisageables.

M. Philippe Auberger a indiqué que la meilleure garantie contre ces « fuites en avant » dans l'endettement reste la responsabilité de la Caisse et de ses organes dirigeants, en particulier le conseil de surveillance qu'il a l'honneur de présider. En outre, une « force de rappel » extrêmement importante réside dans le marché : la notation financière de la Caisse est aujourd'hui la plus haute possible. Il est évident qu'une politique d'endettement inconsidérée ne manquerait pas d'induire une dégradation de cette notation, ce que ne pourrait accepter ni la Caisse, ni son unique actionnaire, l'État.

M. Jean-Pierre Balligand a souligné que l'excellente notation financière de la Caisse est un élément décisif de la crédibilité des partenariats qu'elle noue ou des garanties qu'elle accorde. Dès lors, ses organes dirigeants ne peuvent en aucune manière mettre en œuvre des politiques financières qui mettraient en danger cette notation et, partant, exposerait la Caisse à l'incapacité de satisfaire ses missions.

Approuvé en cela par le Président Pierre Méhaignerie, M. Jean-Pierre Balligand a ajouté que l'exceptionnelle crédibilité financière de la Caisse permet d'appuyer efficacement de nombreuses activités dans lesquelles elle s'engage. Son conseil de surveillance ne peut dans ces conditions tolérer une mise en cause de cette crédibilité par un endettement non maîtrisé.

Votre Rapporteur général a objecté que le danger principal tient plus à la tentation à laquelle pourrait être exposé son actionnaire unique, l'État, de « transférer » à la Caisse le financement de politiques ou d'activités en contraignant cette dernière à s'endetter à cette fin.

Répondant à une question de M. Marc Le Fur, votre Rapporteur général a ajouté que cette façon de « se défausser » serait une manière de contourner les règles communautaires du Pacte de stabilité, l'endettement de la Caisse n'étant pas à ce jour intégré au calcul de la dette publique au sens du Traité de Maastricht.

M. Philippe Auberger a estimé que l'opposition à ce type de pratique ressort clairement de la responsabilité du conseil de surveillance de la Caisse. Lors des deux récentes interventions de la Caisse dans la mise en œuvre de mesures de sauvegarde à l'égard de France Télécom et d'Alstom, il a veillé, en sa qualité de président du conseil de surveillance, à apporter à ces opérations toutes les garanties de transparence qui s'imposent, en particulier en veillant à ce que les garanties accordées par l'État soit examinées le plus rapidement possible et en toute connaissance de cause par le Parlement. En outre, dans ces deux situations, la qualité de la notation de la Caisse était la condition même du succès des montages financiers.

La Commission a adopté l'amendement (amendement n° 34).

Chapitre II

Renforcer la confiance des investisseurs

Article 9

Encadrement des recommandations d'investissement destinées au public.

Texte du projet de loi :

I. - A l'article L. 621-7 du code monétaire et financier, il est ajouté un IX ainsi rédigé :

« IX. - Les règles relatives aux recommandations d'investissement destinées au public et portant sur tout émetteur dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un instrument financier qu'il émet, lorsqu'elles sont produites ou diffusées par toute personne dans le cadre de ses activités professionnelles.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels une information financière donnée au public constitue la production ou la diffusion d'une recommandation d'investissement telle que mentionnée à l'alinéa précédent. »

II. - Il est créé au même code un article L. 621-17-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 621-17-1. - Tout manquement, par les personnes produisant ou diffusant des recommandations d'investissement destinées au public dans le cadre de leurs activités professionnelles, aux règles prévues au IX de l'article L. 621-7 est passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions selon les modalités prévues aux I, a et b du III, IV et V de l'article L. 621-15. »

III. - Après l'article L. 621-30 même code, il est ajouté une section 7 ainsi rédigée :

« Section 7

« Recommandations d'investissement produites ou diffusées dans le cadre d'une activité journalistique

« Art. L. 621-31. - Ne sont pas soumis aux règles prévues au IX de l'article L. 621-7 ni aux sanctions prévues à l'article L. 621-7-1 :

« 1° Les entreprises suivantes, au titre de leurs activités journalistiques, lorsqu'elles adhérent à l'association constituée dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article L. 621-32 : les éditeurs de publications de presse au sens de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 modifiée portant réforme du régime juridique de la presse ; les éditeurs de services de radio ou de télévision au sens de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ; les éditeurs de services de communication au public en ligne au sens de la loi n° 2004-575 du 22 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ; les agences de presse au sens de l'ordonnance n° 45-2646 du 2 novembre 1945 modifiée portant réglementation provisoire des agences de presse ;

« 2° Les journalistes, au sens de l'article L. 761-2 du code du travail, lorsqu'ils exercent leur profession dans une ou plusieurs des entreprises mentionnées au 1°.

« Art. L. 621-32. - L'association mentionnée au 1° de l'article L. 621-31 est constituée par les personnes énumérées à ce même 1°, conformément à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. Seules peuvent y adhérer les personnes relevant des catégories énumérées au même 1°.

« L'association établit un code de bonne conduite. Ce code définit les règles spécifiques destinées à garantir le respect par les adhérents de l'association, lorsqu'ils produisent ou diffusent des recommandations d'investissement destinées au public et portant sur les instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur leur émetteur, des obligations de présentation équitable et de mention des conflits d'intérêts, conformément à la directive 2003/125/CE de la Commission du 22 décembre 2003 portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la présentation équitable des recommandations d'investissement et la mention des conflits d'intérêts.

« Le directeur de la publication ou, à défaut, le représentant légal de l'entreprise adhérente s'assure de la bonne application des règles définies dans le code de bonne conduite par les journalistes qui exercent leur profession sous sa responsabilité.

« Art. L. 621-33. - L'association mentionnée à l'article L. 621-32, soit se saisit d'office, soit est saisie par l'Autorité des marchés financiers de faits susceptibles de constituer un manquement d'un adhérent aux règles du code de bonne conduite mentionné à l'article L. 620-32.

« Par dérogation aux articles 42 et suivants de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, lorsqu'il a connaissance d'un fait susceptible de constituer un manquement imputable à une entreprise éditrice de services de radio ou de télévision, le Conseil supérieur de l'audiovisuel en avertit immédiatement l'Autorité des marchés financiers aux fins d'enquête.

« Lorsqu'elle se saisit ou qu'elle est saisie de tout fait mentionné à l'alinéa précédent, l'association invite les entreprises adhérentes intéressées, leur directeur de la publication ou, à défaut, leur représentant légal à présenter leurs observations. Elle peut, à l'issue de cette procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre de ces personnes pour tout manquement aux règles définies dans le code de bonne conduite.

« Art. L. 621-34. - L'association peut prononcer à l'égard de ses adhérents, en fonction de la gravité du manquement, l'une des sanctions suivantes :

« 1° L'avertissement ;

« 2° Le blâme ;

« 3° L'insertion obligatoire d'un avis ou d'un communiqué dans le support concerné ;

« 4° La diffusion d'un communiqué à l'antenne.

« L'association peut également exclure temporairement ou définitivement l'un de ses adhérents. Cette mesure ne peut être prononcée que dans les cas où l'adhérent concerné n'exécute pas une sanction prononcée à son encontre ou qu'il a été sanctionné de façon répétée pour des manquements aux règles définies dans le code de bonne conduite.

« Aucune sanction ne peut être prononcée sans que la personne poursuivie ou son représentant ait été entendue ou, à défaut, dûment appelée.

« L'association se prononce au plus tard dans les trois mois qui suivent sa saisine. Elle informe, dans le mois suivant sa décision, l'Autorité des marchés financiers de cette dernière. En l'absence de décision à l'expiration du délai de trois mois fixé à l'alinéa précédent, l'association est réputée avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu à sanction.

« L'association peut rendre publique sa décision dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne. Les frais y afférents sont supportés par l'adhérent sanctionné.

« Les statuts de l'association prévoient les modalités de déclenchement et de déroulement de la procédure de sanction prévue au alinéas précédents.

« Art. L. 621-35. - L'association établit chaque année un rapport faisant le bilan de son activité. Elle transmet ce rapport à l'Autorité des marchés financiers. »

Exposé des motifs du projet de loi :

L'article 9, en application de la directive 2003/6/CE, dite « Abus de marché », étend le champ de compétence de l'AMF qui pourra fixer dans son règlement général les règles relatives aux recommandations d'investissement produites ou diffusées par toute personne dans le cadre de son activité professionnelle, dès lors qu'elles portent sur un titre admis aux négociations sur un marché réglementé. Cette disposition permet ainsi à l'AMF d'encadrer la production et la diffusion de recommandations d'investissement destinées au public et qui peuvent, une fois diffusées, avoir un impact important sur les cours. Les règles que l'AMF devra mettre en place permettront notamment d'encadrer la présentation de ces recommandations, afin qu'elle soit la plus équitable possible. Elles devront également prévoir dans quelles conditions l'auteur de cette recommandation, et dans certains cas le diffuseur, devront communiquer au public les éventuels conflits d'intérêts qu'ils pourraient avoir avec l'émetteur du titre objet de la recommandation.

Les recommandations d'investissement sont principalement le fait des analystes financiers dont l'activité est déjà réglementée par l'AMF. Néanmoins, cette nouvelle disposition donne une base juridique complémentaire à l'AMF pour fixer des règles applicables aux personnes qui diffuseraient des recommandations d'investissement produites par un analyste, sans que leur activité ne relève, elle-même, de l'analyse financière.

Cette disposition permet également de couvrir l'ensemble du champ des recommandations d'investissement, qui pour partie ne sont pas des analyses financières. En effet, bien que ces règles visent avant tout les analystes financiers, elles devront également s'appliquer à toutes les personnes qui, dans le cadre de leur profession, produisent ou diffusent des recommandations d'investissement, notamment les journalistes financiers. Il est en effet apparu nécessaire, en application de la directive, d'inclure les journalistes dans le champ d'application car, d'une part, leurs recommandations peuvent toucher un grand nombre d'épargnants, d'autre part, la presse ou les médias ne doivent pas permettre aux analystes financiers de se soustraire aux obligations qui leur incombent parce qu'ils seraient moins réglementés.

Toutefois, la nécessité de s'assurer du respect de la liberté de la presse et de la communication exige que des dispositions spécifiques soient prises pour l'application de ce nouveau dispositif aux professionnels de la presse écrite et de l'audiovisuel. Le principe d'une autorégulation a ainsi été retenu.

Tout d'abord, la notion même de recommandation d'investissement a une portée beaucoup plus limitée que lorsqu'il s'agit des professionnels de l'analyse financière. En effet, ne sont visés que les articles ou les interventions à la radio ou à la télévision, qui comportent une recommandation d'investissement directe et explicite, telle que « acheter », « vendre », « conserver » ou un équivalent. A contrario, sont exclues les analyses qui ne comportent que des suggestions implicites ou des commentaires sur la qualité d'un émetteur ou sur l'évolution du cours de ses titres. Sont par conséquent exclues du champ d'application de ces règles toutes les formes du travail journalistique qui consistent à assurer une couverture rédactionnelle ou à rapporter des informations relatives à un émetteur ou à ses titres. Le métier de journaliste qui consiste, lorsqu'il se réfère aux travaux d'analystes financiers, à « éditorialiser » sa production en sélectionnant, analysant, mettant en perspective et recoupant les éléments factuels collectés, quelle qu'en soit la source, n'est donc pas visé dès lors qu'il ne comporte aucune recommandation d'investissement directe et explicite. Il convient ainsi de distinguer la nouvelle de presse qui porte sur une recommandation d'investissement et la recommandation elle-même, qui vise à conseiller les personnes à l'attention desquelles elle est diffusée.

De même, la diffusion de recommandations d'investissement par la presse ou les médias doit s'entendre comme ne visant que les cas où la recommandation a été effectivement diffusée dans le public par ce canal. Ainsi, la simple mention d'une recommandation faite par un tiers ne saurait être considérée comme de la diffusion, quand bien même l'auteur serait cité. En revanche, la publication d'un entretien avec un analyste financier ou la diffusion in extenso d'une analyse financière, dès lors qu'elles seraient considérées comme des recommandations d'investissement, seront bien des cas de diffusion. Il faut noter néanmoins que dans ce cas, les obligations pesant sur le diffuseur resteront limitées et consisteront pour l'essentiel à indiquer précisément le nom et les coordonnées de la personne qui a produit cette recommandation.

Il résulte de cette délimitation de son champ d'application que les publications et médias effectivement concernés par ce texte relèvent principalement de la presse spécialisée. Ainsi, au regard de leur activité de transmission de nouvelles de presse, les agences de presse ne sont pas concernées, de même que l'immense majorité des titres de presse et des médias audiovisuels, y compris tous ceux qui interviennent dans le champ économique et financier sans produire de recommandations d'investissement. Dans la pratique ne sont véritablement concernés que quelques journaux consacrés au conseil boursier et patrimonial, quelques émissions de radio et de télévision et des lettres spécialisées.

Le respect de ces nouvelles règles par les professionnels de la presse et des médias sera garanti par le contrôle, et éventuellement la sanction, de l'AMF. Toutefois, l'article 9 prévoit que tous ceux qui souhaiteront adhérer à un mécanisme d'autorégulation, en l'occurrence une association unique créée pour la circonstance, seront exemptés des règles fixées par l'AMF, qui ne pourra pas les sanctionner. En contrepartie, ils devront respecter les règles fixées par cette association sous la forme d'un code de bonne conduite et seront susceptibles d'être sanctionnés par celle-ci. L'adhésion à cette association sera libre pour toutes les personnes appartenant à l'une des catégories visées par la loi. Celle-ci a prévu que tous les types de médias pourront ainsi adhérer à l'association, afin de garantir qu'aucune des formes du métier de journaliste et de l'exercice de la liberté de la presse ne soit exclue (publications de presse, radio, télévision, sites Internet, agences de presse, etc.). Toutefois, l'association pourra exclure ceux de ses membres qui ne respecteraient pas ses règles de façon répétée ou refuseraient d'exécuter ses décisions de sanction. Ainsi exclues, ces personnes retomberont alors dans le champ de compétence de droit commun de l'AMF.

Le souci d'éviter que des sanctions puissent être prononcées directement à l'encontre des journalistes a conduit à limiter l'adhésion à l'association, et ce faisant le champ des personnes qu'elle peut sanctionner, aux personnes morales les employant. Toutefois, la participation de journalistes économiques et financiers à cette association sera prévue. De plus, les adhérents de l'association auront la responsabilité de faire respecter ces règles aux journalistes qu'ils emploient.

Observations et décision de la Commission :

Conformément au droit communautaire, le présent article tend à encadrer la production et la diffusion des recommandations d'investissement destinées au public. À cette fin, de nouveaux pouvoirs seraient attribués à l'Autorité des marchés financiers. Des règles spécifiques sont néanmoins prévues en faveur des journalistes, afin de garantir le respect de la liberté de la presse et de la liberté de communication.

I.- Le régime général : un encadrement confié à l'Autorité des marchés financiers

A.- Les règles communautaires relatives aux recommandations d'investissement

La directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché, dite directive « abus de marché », fait obligation aux États membres de mettre en place des normes garantissant « que les personnes qui réalisent ou diffusent des travaux de recherche concernant des instruments financiers ou des émetteurs d'instruments financiers ou les personnes qui produisent ou diffusent d'autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement, destinés aux canaux de distribution ou au public, veillent, avec une attention raisonnable, à ce que l'information soit présentée de manière équitable et mentionnent leurs intérêts ou l'existence de conflits d'intérêts en rapport avec les instruments financiers auxquels se rapporte cette information » (article 6 paragraphe 5). L'étendue des obligations en la matière a été précisée par la directive 2003/125/CE de la Commission du 22 décembre 2003 portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la présentation équitable des recommandations d'investissement et la mention des conflits d'intérêts. Le champ d'application de ces règles est large, puisque les recommandations d'investissement concernées sont celles destinées au public ou aux « canaux par lesquels l'information est rendue publique ou est susceptible de l'être », c'est-à-dire « toute information à laquelle ont accès un grand nombre de personnes » (article 1er de la directive 2003/125/CE).

Le droit communautaire distingue la production de recommandations d'investissement de leur simple diffusion.

1.- La production de recommandations d'investissement

a) Les obligations générales

La directive 2003/125/CE pose plusieurs obligations à l'égard de l'ensemble des producteurs de recommandations d'investissement : ceux-ci doivent être identifiés ; les recommandations doivent être équitablement présentées ; les éventuels intérêts et conflits d'intérêts doivent être mentionnés.

D'abord, toute recommandation doit indiquer clairement et de façon apparente l'identité de la personne responsable de sa production, en particulier le nom et la fonction de la personne physique qui a élaboré la recommandation ainsi que le nom de la personne morale responsable de sa production (article 2).

Ensuite, l'exigence de présentation équitable de la recommandation (article 3) suppose que :

- les faits soient clairement distingués des interprétations, estimations, opinions et autres types d'informations non factuelles ;

- toutes les sources soient fiables ou, lorsque ce n'est pas le cas, que ceci soit clairement signalé ;

- l'ensemble des projections, des prévisions et des objectifs de cours soient clairement indiqués comme tels et que les principales hypothèses retenues pour les établir et les utiliser soient mentionnées ;

- le « caractère raisonnable » de la recommandation puisse être démontré.

Enfin, doivent être mentionnées toutes les relations et circonstances pouvant porter atteinte à l'objectivité de la recommandation, en particulier « lorsque les personnes concernées ont un intérêt financier significatif dans un ou plusieurs des instruments financiers faisant l'objet de la recommandation ou un conflit d'intérêts significatif avec un émetteur auquel se rapporte la recommandation » (article 5). Lorsque la personne concernée est une personne morale, doivent au moins être indiqués les intérêts ou conflits d'intérêts éventuels de la personne concernée ou des personnes morales qui lui sont liées :

- qui sont accessibles ou peuvent raisonnablement être considérés comme accessibles aux personnes participant à l'élaboration de la recommandation ;

- qui sont connus de personnes n'ayant pas participé à l'élaboration de la recommandation mais ayant accès ou pouvant raisonnablement être considérées comme ayant accès à la recommandation avant sa diffusion aux clients ou au public.

Afin qu'elles ne soient pas « disproportionnées », toutes ces exigences sont cependant moindres lorsque les recommandations d'investissement sont formulées par une voie non écrite (article 2 paragraphe 3, article 3 paragraphe 2 et article 5 paragraphe 4).

b) Les obligations supplémentaires

En plus des obligations générales, des obligations supplémentaires - elles aussi adaptables en vue d'être proportionnées à des recommandations non écrites - pèsent sur certains producteurs de recommandations d'investissement. Sont ici concernés les analystes indépendants, les entreprises d'investissement, les établissements de crédit, « toute personne morale qui leur est liée » et « toute autre personne concernée dont l'activité principale consiste à produire des recommandations » (articles 4 et 6 de la directive 2003/125/CE).

Pour ces personnes, la présentation équitable des recommandations d'investissement exige également (article 4) (20) :

- que toutes les sources importantes quant au fond de la recommandation soient indiquées ;

- que la méthode d'évaluation utilisée soit résumée ;

- que la signification de la recommandation émise (« acheter », « vendre », « conserver » etc.) soit expliquée, avec indication d'avertissement sur les risques ;

- qu'il soit fait référence à la fréquence prévue des mises à jour de la recommandation et à « toute modification importante de la politique de couverture précédemment annoncée » ;

- que la date à laquelle la recommandation a été diffusée pour la première fois aux fins de distribution soit indiquée, ainsi que la date et l'heure du cours indiqué pour tout instrument financier ;

- que le changement par rapport à une recommandation antérieure soit signalé.

Quant aux conflits d'intérêts, l'article 6 de directive est encore plus détaillé puisqu'il comporte notamment l'obligation de mentionner :

- les participations importantes (au moins 5% du capital) existant entre la personne concernée (ou toute autre personne morale qui lui est liée) et l'émetteur, ainsi que les autres intérêts significatifs ;

- le fait, le cas échéant, que la personne concernée (ou toute autre personne morale qui lui est liée) est partie à un accord avec l'émetteur concernant la production de la recommandation ;

- les modalités administratives et organisationnelles arrêtées au sein de l'entreprise d'investissement ou de l'établissement de crédit afin de prévenir et d'éviter les conflits d'intérêts (« y compris les barrières à l'information », dites aussi « murailles de Chine »).

2.- La diffusion de recommandations d'investissement

a) Les obligations générales

La directive 2003/125/CE pose plusieurs obligations à l'égard de l'ensemble des personnes qui diffusent des recommandations produites par des tiers. En effet, la façon dont une personne diffuse ou résume une recommandation d'investissement peut influencer l'évaluation de cette recommandation par les investisseurs. C'est pourquoi :

- l'identité de la personne qui diffuse la recommandation doit être indiquée « clairement et de façon bien apparente » (article 7) ;

- si la recommandation initiale est « substantiellement modifiée dans l'information diffusée, cette information indique clairement dans le détail la modification substantielle opérée » (article 8 alinéa 1er) ;

- les personnes morales diffusant des recommandations substantiellement modifiées doivent disposer d'une « politique écrite formelle, de façon à pouvoir indiquer aux destinataires de l'information où trouver l'identité de la personne qui a produit la recommandation, la recommandation elle-même ainsi que la mention des intérêts ou des conflits d'intérêts de ladite personne, pour autant que ces éléments sont rendus publics » (article 8 alinéa 2) ;

- lorsque la modification substantielle consiste à « changer le sens directionnel de la recommandation (une recommandation d'"acheter" devenant une recommandation de "conserver" ou de "vendre" par exemple, ou vice versa) », le diffuseur doit satisfaire aux obligations précitées pesant sur les producteurs de recommandations (article 8 alinéa 1er) ;

- tout résumé d'une recommandation d'investissement doit respecter certaines exigences, notamment la mention du document source de la recommandation (article 8 alinéa 4).

b) Les obligations supplémentaires

Des obligations supplémentaires sont prévues à l'égard des entreprises d'investissement et des établissements de crédit (articles 9). Celles-ci doivent notamment respecter :

- les obligations supplémentaires imposées aux producteurs en matière de mention des intérêts et des conflits d'intérêts si la recommandation n'a pas déjà été diffusée par un canal de distribution ;

- l'ensemble des obligations imposées aux producteurs si la recommandation a été substantiellement modifiée.

B.- La transposition proposée

Beaucoup des obligations évoquées précédemment sont déjà en vigueur dans le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. La transposition complète de la directive n° 2003/125/CE suppose néanmoins de compléter le code monétaire et financier afin d'étendre le pouvoir réglementaire de l'AMF à l'égard des recommandations d'investissement ainsi que, logiquement, son pouvoir de sanction en cas de méconnaissance de la réglementation édictée.

1.- La réglementation des recommandations d'investissement

Le I du présent article tend à élargir la délégation de pouvoir réglementaire consentie à l'AMF par l'article L. 621-7 du code monétaire et financier. Le règlement général de l'Autorité recevrait ainsi compétence pour déterminer les « règles relatives aux recommandations d'investissement destinées au public et portant sur tout émetteur dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un instrument financier qu'il émet, lorsqu'elles sont produites ou diffusées par toute personne dans le cadre de ses activités professionnelles » (ajout d'un paragraphe IX à l'article L. 621-7).

Le champ d'application de cette réglementation ne concernerait donc que les recommandations d'investissement :

- destinées au public : ne seraient pas concernés les conseils personnels adressés à un client par un conseiller en investissement financier par exemple (21) ;

- concernant un titre admis aux négociations sur un marché réglementé ou concernant l'émetteur d'un tel titre : une stratégie d'investissement peut en effet être exprimée par référence à un titre ou par référence à son émetteur ;

- produites ou diffusées dans le cadre des activités professionnelles de la personne : le présent article reprend la distinction de la directive 2003/125/CE entre production et diffusion.

Les précisions complémentaires seraient fixées par un décret en Conseil d'État, qui énoncerait « les cas dans lesquels une information financière donnée au public constitue la production ou la diffusion d'une recommandation d'investissement » au sens de la nouvelle disposition (2alinéa du IX de l'article L. 621-7 du code monétaire et financier).

Le présent article opère donc une double habilitation. D'une part, il habilite le pouvoir réglementaire à définir, par décret en Conseil d'État, ce qu'il faut entendre par « recommandation d'investissement ». Ce décret reprendrait et préciserait la définition donnée par le droit communautaire. D'autre part, cet article habilite l'AMF à encadrer, dans son règlement général, la production et la diffusion de ces recommandations d'investissement. Il s'agit ici des règles communautaires précitées sur la présentation équitable des recommandations et sur la communication au public des éventuels conflits d'intérêts.

En réalité, la plupart de ces règles existent d'ores et déjà, dans la mesure où les recommandations d'investissement sont principalement le fait des analystes financiers. En fournissant une évaluation stratégique et financière d'une société cotée, l'analyste financier débouche en effet sur une analyse de cet émetteur et une recommandation d'achat, de vente ou de conservation de ses titres (22). Or, les analystes financiers font partie des professionnels dont l'activité est réglementée par l'AMF en vertu de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier. Sont concernés aussi bien les analystes travaillant pour des prestataires de services d'investissement ou des organismes de placements collectifs et leurs sociétés de gestion (1° et 7° du II de l'article L. 621-9) que, depuis la loi de sécurité financière du 1er août 2003, les personnes indépendantes « produisant et diffusant des analyses financières » (11° du II de l'article L. 621-9). En 2003, le règlement général de l'AMF a reçu compétence à l'égard de ces analystes financiers indépendants pour déterminer les conditions d'exercice de leur activité et pour fixer les « règles de bonne conduite s'appliquant aux personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte des personnes qui produisent et diffusent des analyses financières, à titre de profession habituelle, et les dispositions propres à assurer leur indépendance d'appréciation et la prévention des conflits d'intérêts » (VIII de l'article L. 621-7 du code monétaire et financier).

Le règlement général de l'AMF contient ainsi une série de dispositions relatives à la production et à la diffusion d'analyses financières, qui reprennent
- souvent mot pour mot - les obligations générales et supplémentaires posées par la directive 2003/125/CE en matière de production et de diffusion de recommandations d'investissement :

- les articles 321-122 à 321-142 s'appliquent aux analystes des prestataires de services d'investissement exerçant des activités autres que la gestion pour le compte de tiers ;

- les articles 322-80 à 322-84 s'appliquent aux analystes des sociétés de gestion de portefeuille ;

- les articles 337-2 à 337-9 s'appliquent aux analystes indépendants, c'est-à-dire ne relevant pas d'un prestataire de services d'investissement.

Toutefois, le droit actuel ne couvre pas toutes les hypothèses envisagées par la directive. Face aux recommandations d'investissement produites par un analyste financier, mais diffusées par un tiers, il est impuissant à l'égard de ce dernier. L'adoption du présent article permettrait au contraire de traiter les cas de recommandations diffusées au public par toute personne, dès lors qu'elle agit dans le cadre de ses activités professionnelles. En pratique, il s'agit principalement de journalistes, de divers réseaux de diffusion d'informations ou de lettres périodiques, éditées par des établissements bancaires par exemple.

En outre, des recommandations d'investissement peuvent être produites par d'autres personnes que des analystes financiers. Le droit existant ne couvre pas les hypothèses où ces producteurs ne font pas partie des professionnels dont les activités sont réglementées par l'AMF (par exemple des journalistes financiers). La mesure proposée permettrait de combler cette lacune.

Il importe en revanche de préciser que cette nouvelle réglementation ne concernerait pas les agences de notation, dès lors qu'elles restent dans l'exercice de leur activité normale. La directive n° 2003/125/CE les exclut explicitement de son champ d'application : « les agences de notation de crédit émettent des opinions sur la solvabilité d'un émetteur ou la qualité d'un instrument financier particulier à une date donnée. En tant que telles, ces opinions ne constituent pas des recommandations au sens de la présente directive. Cependant, les agences de notation de crédit devraient envisager d'adopter des politiques et procédures internes visant à garantir que les notations de crédit qu'elles publient sont présentées de manière équitable et qu'elles mentionnent de manière appropriée leurs intérêts ou conflits d'intérêts significatifs en rapport avec lesdits émetteurs ou instruments auxquels se rapportent leurs notations de crédit » (considérant 10). En ce sens, dans son rapport remis le 30 mars 2005 à la Commission européenne, le Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (CERVM (23)) plaide en faveur d'un système d'autorégulation des agences de notation, s'appuyant sur le code de bonne conduite de l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV).

2.- La sanction des recommandations d'investissement

Afin de faire respecter les nouvelles prescriptions que l'Autorité des marchés financiers édicterait dans son règlement général, le II du présent article vise à lui permettre de prononcer des sanctions. Un article L. 621-17-1 serait ajouté au code monétaire et financier pour réprimer « tout manquement, par les personnes produisant ou diffusant des recommandations d'investissement destinées au public dans le cadre de leurs activités professionnelles » aux futures règles.

Les sanctions seraient prononcées par la commission des sanctions au terme de la procédure contradictoire habituelle, définie aux I, IV et V de l'article L. 621-15 du code monétaire financier.

Quant aux sanctions susceptibles d'être prononcées, elles sont variables selon la personne considérée (II et III de l'article L. 621-15) :

- pour les professionnels personnes morales (24), il s'agit de l'avertissement, du blâme, de l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis et d'une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ;

- pour les professionnels personnes physiques (25), il s'agit de l'avertissement, du blâme, du retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, de l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis et d'une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur, selon les cas, à 300.000 euros, 1,5 million d'euros, au quintuple ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ;

- pour les « non professionnels », seule une sanction pécuniaire est possible (au maximum 1,5 million d'euros ou le décuple du montant des profits éventuellement réalisés).

Le texte proposé pose cependant deux problèmes. En ne renvoyant qu'aux a et b du III de l'article L. 621-15 (normalement applicables aux seuls professionnels réglementés), il expose au risque de l'impossibilité de prononcer des sanctions à l'égard des « non professionnels ». L'absence de renvoi au II du même article est également surprenante, dans la mesure où le c du II (dans sa rédaction résultant de l'article 10 du présent projet) traite des sanctions à l'encontre des personnes auteurs de pratiques contraires aux règles relatives à « l'information des investisseurs » et aux règles les protégeant contre les « abus de marché ». Or, il est manifeste que la réglementation des recommandations d'investissement entre dans ces cas de figure. C'est pourquoi votre Rapporteur général présentera un amendement permettant de lever tout ambiguïté en renvoyant à l'article L. 621-15 de façon globale.

Il importe enfin de signaler une difficulté formelle de coordination entre le II du présent article et l'article 1er du projet de loi n° 267 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, adopté en première lecture par le Sénat le 2 mai 2005. Ces deux textes tendent en effet à insérer dans le code monétaire et financier des dispositions distinctes mais portant le même numéro d'article (L. 621-17-1). Ce problème devra être résolu au cours de la discussion parlementaire.

II.- Le régime spécifique aux activités journalistiques :
le choix de l'autorégulation

Un traitement spécifique des activités journalistiques paraît nécessaire afin de ne pas faire peser sur elles des sujétions trop lourdes et, ainsi, de pleinement respecter la liberté de la presse et la liberté de communication.

Actuellement, il n'existe aucune réglementation obligatoire traitant des recommandations d'investissement. C'est pourquoi le III du présent article tend à insérer après l'article L. 621-30 du code monétaire et financier une section 7 intitulée « recommandations d'investissement produites ou diffusées dans le cadre d'une activité journalistique » composée de cinq articles nouveaux (L. 621-31 à L. 621-35).

Le schéma retenu est celui d'une autorégulation des professionnels susceptibles de produire ou de diffuser des recommandations d'investissement destinées au public dans le cadre d'une activité journalistique. Ceux-ci adhéreraient à une association ad hoc, dotée d'un code de bonne conduite et chargée de le faire respecter. Ce choix a été fait à l'issue de négociations menées entre le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, l'Autorité des marchés financiers et les professionnels du secteur : éditeurs de presse, agences de presse, éditeurs de services audiovisuels, éditeurs de service en ligne, Association des journalistes économiques et financiers.

Cette autorégulation les ferait ainsi sortir du champ d'application du pouvoir de réglementation et de sanction de l'AMF en matière de recommandations d'investissement (26). Corrélativement, les entreprises qui n'adhéreraient pas à cette démarche resteraient couvertes par le dispositif général précédemment évoqué et relèveraient donc du pouvoir de l'AMF, détentrice de la compétence de droit commun (27).

Avant d'exposer en quoi consiste le dispositif d'autorégulation proposé par le présent article, il importe de chercher à cerner la notion de « recommandation d'investissement destinée au public » appliquée à l'activité journalistique, puis l'étendue des obligations correspondantes. Ces deux questions sont en effet communes aux deux régimes de surveillance (par l'AMF dans le cadre du dispositif de droit commun ou par l'association ad hoc dans le cadre de l'autorégulation).

A.- La notion de recommandation d'investissement produite ou diffusée
dans le cadre d'une activité journalistique

Votre Rapporteur général rappelle que le droit communautaire définit les recommandations d'investissement de façon générale comme « des travaux de recherche ou d'autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement, explicitement ou implicitement, concernant un ou plusieurs instruments financiers ou les émetteurs d'instruments financiers, y compris les opinions émises sur le cours ou la valeur présente ou future de ces instruments, destinés aux canaux de distribution ou au public » (article 1er de la directive 2003/125/CE). C'est le décret en Conseil d'État mentionné au futur IX de l'article L. 621-7 du code monétaire et financier qui déterminerait « les cas dans lesquels une information financière donnée au public constitue la production ou la diffusion d'une recommandation d'investissement ».

Or, appliquée aux activités journalistiques, cette notion aurait « une portée beaucoup plus limitée que lorsqu'il s'agit des professionnels de l'analyse financière » selon l'exposé des motifs du présent projet. Au moins deux limites spécifiques aux médias devraient ainsi être fixées par le décret en question.

La première limite consisterait à circonscrire la notion à une recommandation « directe et explicite », c'est-à-dire comportant des termes tels que, par exemple, « acheter », « vendre » ou « conserver » (cas expressément visés par le considérant 2 de la directive). Ne seraient donc pas concernées les analyses qui ne comportent que des suggestions implicites ou des commentaires sur la qualité d'un émetteur ou sur l'évolution du cours de ses titres.

Selon l'exposé des motifs du présent projet, « sont par conséquent exclues du champ d'application de ces règles toutes les formes du travail journalistique qui consistent à assurer une couverture rédactionnelle ou à rapporter des informations relatives à un émetteur ou à ses titres. Le métier de journaliste qui consiste, lorsqu'il se réfère aux travaux d'analystes financiers, à " éditorialiser " sa production en sélectionnant, analysant, mettant en perspective et recoupant les éléments factuels collectés, quelle qu'en soit la source, n'est donc pas visé dès lors qu'il ne comporte aucune recommandation d'investissement directe et explicite. Il convient ainsi de distinguer la nouvelle de presse qui porte sur une recommandation d'investissement et la recommandation elle-même, qui vise à conseiller les personnes à l'attention desquelles elle est diffusée ».

La seconde limite s'appliquerait à la diffusion (et non à la production) de recommandations d'investissements dans le cadre d'une activité journalistique. Selon l'exposé des motifs, ne seraient considérés comme des diffusions que « les cas où la recommandation a été effectivement diffusée dans le public par ce canal ». Dès lors, la simple mention d'une recommandation faite par un tiers, mais déjà diffusée par un autre canal d'information, ne saurait être considérée comme de la diffusion au sens de la directive.

Ces deux limites résultent d'une interprétation constructive de la directive 2003/125/CE s'appuyant sur :

- la mention expresse par la directive qu'elle « n'empêche en aucune façon les États membres d'appliquer leurs dispositions constitutionnelles en matière de liberté de la presse et de liberté d'expression dans les médias » (considérant 11 (28)). Or, il ne serait pas raisonnable d'appliquer aux médias sans tenir compte de leur spécificité des règles qui, à l'origine, ont été essentiellement conçues pour les analystes financiers ;

- la possibilité ouverte par la directive que les journalistes puissent faire l'objet d'un traitement distinct des autres producteurs de recommandations d'investissement, à condition qu'ils soient déjà « soumis à une réglementation équivalente appropriée dans les États membres, y compris une autorégulation équivalente appropriée, à condition que cette réglementation produise des effets similaires » à ceux poursuivis par la directive (article 2 paragraphe 4 et article 3 paragraphe 4) (29). Le présent article tend précisément à mettre en place ces « réglementation équivalente » et « autorégulation équivalente » ;

- la distinction opérée par la directive entre un régime général valable pour toute personne et un régime plus contraignant applicable (notamment) aux personnes « dont l'activité principale consiste à produire des recommandations » (articles 4 et 6). Or, l'activité journalistique ne saurait être incluse dans cette dernière catégorie (30).

Concrètement, ce nouveau dispositif ne devrait donc concerner qu'une petite partie, bien spécifique, des activités journalistiques : la presse financière principalement, quelques émissions de radio ou de télévision et des sites internet spécialisés. En outre, il est probable que les journalistes entrent le plus souvent dans le champ de la réglementation en tant que diffuseurs des recommandations d'investissement (et non de producteurs), ce qui correspond au régime le moins rigoureux.

À l'inverse, il serait regrettable que les règles plus souples prévues en faveur des journalistes puissent être utilisées par d'autres pour se soustraire à leurs propres obligations. Par exemple, une recommandation d'investissement produite par un analyste financier et utilisant un canal médiatique pour la diffuser (entretien dans la presse écrite ou audiovisuelle, diffusion complète dans un journal ou un site en ligne spécialisé) pourrait, en cas d'irrégularités, donner lieu à deux sanctions : l'une à l'encontre de l'analyste en tant que producteur, l'autre à l'encontre du média diffuseur.

B.- Les obligations pesant sur les recommandations d'investissement produites ou diffusées dans le cadre d'une activité journalistique

Seules les obligations générales évoquées précédemment seraient opposables aux journalistes (31). Votre Rapporteur général rappelle qu'elles diffèrent selon que le journaliste est producteur ou simple diffuseur de la recommandation d'investissement.

En matière de diffusion de recommandations produites par un tiers (articles 7 et 8 de la directive), la première obligation est de mentionner « clairement et de façon bien apparente » l'identité du journaliste diffuseur. Si l'information diffusée modifie « substantiellement » la recommandation faite par le tiers, le souci de transparence impose alors au journaliste d'indiquer qu'il a modifié la recommandation initiale. Ce n'est rien d'autre, en somme, que la distinction entre les faits et leur commentaire. Dans ce cas, les destinataires de l'information (lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes) doivent pouvoir obtenir davantage d'informations sur la recommandation en cause, notamment l'identité de son producteur (32). Si la modification va jusqu'à changer « le sens directionnel » de la recommandation (rapportant une recommandation d' « acheter », le journaliste recommande de « vendre » ou de « conserver », ou vice versa), le diffuseur de la recommandation est alors assimilé à un producteur et soumis au régime correspondant.

En revanche, à l'exception de la mention de l'identité du diffuseur, ces règles « ne s'appliquent pas aux informations de presse concernant des recommandations produites par des tiers lorsque la substance de ces recommandations n'est pas modifiée » (article 8 paragraphe 3 de la directive). Enfin, si un journaliste résume une recommandation d'investissement, il doit veiller à ce que son propos soit clair et non trompeur et à ce que des informations sur la recommandation initiale soit accessibles aux destinataires de l'information.

En matière de production de recommandations, votre Rapporteur général rappelle que les obligations générales (articles 2, 3 et 5 de la directive) sont relatives à :

- l'identité du producteur de la recommandation (personne morale et personne physique) ;

- la présentation équitable de la recommandation : distinction entre faits et commentaires ; fiabilité des sources (et, le cas échéant, mention de leur absence de fiabilité) ; indication des « projections, des prévisions et des objectifs de cours » ; caractère « raisonnable » de la recommandation ;

- la mention des intérêts et des conflits d'intérêts de nature à porter atteinte à l'objectivité de la recommandation, qu'ils soient le fait d'une personne morale (par exemple un groupe de presse) ou d'une personne physique (journaliste ayant participé à l'élaboration de la recommandation).

Beaucoup de ces exigences sont d'ores et déjà satisfaites en pratique - ou devraient l'être - en application du devoir général de prudence et d'objectivité incombant à tout journaliste.

C.- Le dispositif d'autorégulation proposé

L'autorégulation consisterait en l'adhésion de différentes entreprises
- presse écrite, radio, télévision, communication au public en ligne, agences de presse - à une association nouvelle, chargée d'édicter et de faire respecter un code de bonne conduite. Votre Rapporteur général ne peut néanmoins manquer de relever que le terme d' « autorégulation » peut paraître à plusieurs égards excessif, compte tenu de la densité de l'encadrement législatif ici présenté et du rôle non négligeable que continue de jouer l'AMF dans le schéma proposé (33).

1.- Adhérents de l'association

Les entreprises adhérentes à l'association et les journalistes employés par elles seraient exclus du champ d'application du nouveau dispositif proposé par les I et II du présent article : elles échapperaient donc aux prescriptions et aux sanctions de l'AMF en matière de recommandations d'investissement (IX de l'article L. 621-7 et article L. 621-17-1 du code monétaire et financier). En revanche, celles qui n'adhéreraient pas à l'association seraient soumises au régime de droit commun et au pouvoir de l'AMF.

Au terme du nouvel article L. 621-31 du code monétaire et financier, seraient dispensés du régime de droit commun :

- « au titre de leurs activités journalistiques », les entreprises de presse, de radio, de télévision, éditrices de communication au public en ligne et les agences de presse adhérentes à l'association. Sont donc exclus du champ de l'autorégulation les réseaux de diffusion qui n'auraient pas d'activités journalistiques ou les feuilles d'information qu'un établissement bancaire diffuserait auprès de ses clients ;

- les journalistes (34) lorsqu'ils exercent leur profession dans l'une ou plusieurs des entreprises adhérentes de l'association. En revanche, les journalistes ne pourraient eux-mêmes adhérer à l'association. Cette solution est logique dans la mesure où ils ne sont pas personnellement passibles des sanctions susceptibles d'être prononcées par l'association.

Plus précisément, les entreprises autorisées à adhérer à l'association seraient les suivantes :

- les éditeurs de publications de presse au sens de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse. L'article 2 de cette loi définit l' « entreprise éditrice » comme « toute personne physique ou morale ou groupement de droit éditant, en tant que propriétaire ou locataire-gérant, une publication de presse », cette dernière notion désignant elle-même « tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de catégories de publics et paraissant à intervalles réguliers » (article 1er) ;

- les éditeurs de services de radio ou de télévision au sens de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Il s'agit donc, en application de son article 2, de tout service de communication au public par voie électronique destiné à être reçu simultanément par l'ensemble du public ou par une catégorie de public et dont le programme principal est composé d'une suite ordonnée d'émissions comportant soit des sons, soit des images et des sons ;

- les éditeurs de services de communication au public en ligne au sens de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Par là, il faut entendre « toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n'ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d'informations entre l'émetteur et le récepteur » (article 1er de la loi) ;

- les agences de presse au sens de l'ordonnance n° 45-2646 du 2 novembre 1945 portant réglementation provisoire des agences de presse. Sont considérés comme agences de presse « les organismes privés qui fournissent aux journaux et périodiques, des articles, informations, reportages, photographies et tous autres éléments de rédaction et qui tirent leurs principales ressources de ces fournitures » (35).

2.- Établissement d'un code de bonne conduite

L'association, qui serait constituée selon les règles de droit commun de la loi du 1er juillet 1901, devrait établir un « code de bonne conduite » et le faire respecter par ses adhérents. C'est là le cœur du nouveau dispositif : ce code doit satisfaire au droit communautaire en matière de recommandations d'investissement destinées au public, tout en tenant compte des particularités des activités journalistiques : « ce code définit les règles spécifiques destinées à garantir le respect par les adhérents de l'association, lorsqu'ils produisent ou diffusent des recommandations d'investissement destinées au public et portant sur les instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur leur émetteur, des obligations de présentation équitable et de mention des conflits d'intérêts, conformément à la directive 2003/125/CE (...) » (dispositif proposé pour l'article L. 621-32 du code monétaire et financier). Sont donc visées à la fois les obligations communautaires et les « règles spécifiques » permettant de les remplir.

3.- Sanctions disciplinaires

Une fois l'association créée et son code de bonne conduite établi, il lui appartiendrait de le faire respecter, au besoin en recourant à des sanctions. En droit commun, tout membre d'une association doit exécuter les obligations souscrites en adhérant aux statuts et, le cas échéant, respecter un règlement intérieur, sous peine de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'à l'exclusion.

En l'occurrence, les sanctions viseraient, non pas les journalistes eux-mêmes, mais soit les entreprises adhérentes de l'association - donc essentiellement des personnes morales - soit le directeur de la publication ou, à défaut, le représentant légal de l'entreprise adhérente. Ce choix est logique, dès lors que le directeur de la publication - ou le représentant légal des entreprises qui en sont dépourvues (par exemple l'Agence France Presse) - « s'assure de la bonne application des règles définies dans le code de bonne conduite par les journalistes qui exercent leur profession sous sa responsabilité » (dispositif proposé pour l'article L. 621-32).

C'est donc un mécanisme proche de celui des délits de presse qui est prévu, mais encore plus protecteur puisque le présent article ne retient pas le système de responsabilité « en cascade » (36).

L'association se saisirait d'office de tout fait « susceptible de constituer un manquement d'un adhérent aux règles du code de bonne conduite ». L'AMF aurait le pouvoir de saisir l'association des mêmes faits. Il paraît en effet normal qu'exerçant son rôle général de régulateur des marchés financiers, l'AMF puisse alerter l'association sur des faits qui pourraient apparaître comme des manquements. Il est d'ailleurs probable qu'en pratique les saisines émanent surtout de l'AMF.

Par ailleurs, par dérogation aux articles 42 et suivants de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, « lorsqu'il a connaissance d'un fait susceptible de constituer un manquement imputable à une entreprise éditrice de services de radio ou de télévision, le Conseil supérieur de l'audiovisuel en avertit immédiatement l'Autorité des marchés financiers aux fins d'enquête » (alinéa 2 du dispositif proposé pour l'article 621-33 ). Cette référence à la seule autorité de régulation existant dans les secteurs ici concernés permettrait une collaboration avec l'AMF qui, au terme de son enquête, pourrait éventuellement saisir l'association.

Les conditions d'exercice du pouvoir disciplinaire de l'association seraient détaillées dans les statuts de l'association elle-même. Le dernier alinéa de l'article L. 621-34 disposerait : « Les statuts de l'association prévoient les modalités de déclenchement et de déroulement de la procédure de sanction ». Le présent article requiert néanmoins de respecter un cadre juridique relativement précis.

L'association serait tenue de suivre une procédure contradictoire. Cela suppose notamment d'inviter la personne poursuivie (l'entreprise adhérente, le directeur de la publication ou le représentant légal de l'entreprise) à présenter ses observations (dispositif proposé pour l'article L. 621-33). En la matière, la jurisprudence habituelle exige que la personne puisse connaître les faits qui lui sont reprochés, les sanctions encourues et les preuves réunies contre elle. En outre, l'alinéa 7 de l'article L. 621-34 disposerait : « aucune sanction ne peut être prononcée sans que la personne poursuivie ou son représentant ait été entendue ou, à défaut, dûment appelée » (rédaction inspirée de la procédure disciplinaire de l'AMF définie au IV de l'article L. 621-15). Les droits de la défense imposent en effet de permettre à la personne poursuivie d'être entendue ou de faire valoir ses observations par écrit et, en tout état de cause, de disposer d'un délai suffisant pour pouvoir préparer et présenter sa défense.

La sanction devrait être prononcée « en fonction de la gravité du manquement » (alinéa 1er du dispositif proposé pour l'article L. 621-34). Il pourrait s'agir d'un avertissement, d'un blâme, de l'insertion obligatoire d'un avis ou d'un communiqué dans le support concerné, de la diffusion d'un « communiqué à l'antenne » ou de l'exclusion, temporaire ou définitive, de l'adhérent poursuivi. L'association pourrait rendre publique sa décision dans les publications, journaux ou supports qu'elle désignerait, aux frais de l'adhérent sanctionné (alinéa 9 du dispositif proposé pour l'article L. 621-34). Il convient de préciser qu'il ne s'agit pas ici d'un quelconque pouvoir contraignant de l'association à l'égard de ces « publications, journaux ou supports », mais d'une possibilité de prescrire l'obligation à la charge de la personne sanctionnée de procéder elle-même, à ses frais, à une telle publicité. L'exclusion, sanction la plus sévère, ne pourrait pas être prononcée dès le premier manquement, mais seulement « dans les cas où l'adhérent concerné n'exécute pas une sanction prononcée à son encontre ou qu'il a été sanctionné de façon répétée pour des manquements aux règles définies dans le code de bonne conduite ». La possibilité d'une exclusion devrait être dissuasive, dans la mesure où elle a pour conséquence de faire retomber l'entreprise adhérente dans le droit commun et donc dans le champ du pouvoir de l'AMF.

L'association devrait se prononcer dans les trois mois suivant sa saisine, faute de quoi elle serait « réputée avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu à sanction ». Nouvelle manifestation de la proximité avec l'Autorité des marchés financiers, l'association l'informerait dans le mois suivant de la teneur de sa décision (alinéa 8 du dispositif proposé pour l'article L. 621-34).

Le présent article ne prévoit aucune disposition concernant les voies de recours contre la décision de sanction de l'association. En application du droit commun, c'est donc le juge judiciaire qui serait compétent pour en connaître et, plus précisément, le Tribunal de grande instance du lieu du siège social de l'association. La compétence du juge judiciaire ne fait guère de doute, dès lors que l'association n'est ni investie d'une mission de service public, ni dotée de prérogatives de puissance publique. Il est d'ailleurs opportun que les questions susceptibles de toucher à la responsabilité des médias soient traitées par le seul juge judiciaire.

En droit commun, un tel recours est d'ordre public et est donc ouvert quand bien même les statuts de l'association l'excluraient expressément. Lorsqu'il constate une irrégularité (non-respect des statuts, violation de la procédure disciplinaire ou des droits de la défense, disproportion entre la sévérité de la sanction et la gravité de la faute etc.), le juge judiciaire annule la sanction et, éventuellement, alloue des dommages-intérêts à la personne sanctionnée.

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La Commission a examiné un amendement de suppression de l'article, présenté par M. Tony Dreyfus.

M. Tony Dreyfus a estimé tout à fait insuffisant l'encadrement de la production et de la diffusion de recommandations d'investissement destinées au public auquel procède l'article 9, en transposition de la directive 2003/125 CE du Parlement européen et du Conseil du 22 décembre 2003. En effet, la définition excessivement restrictive de la notion de « recommandations d'investissement destinées au public » tend à réduire à peu de chose la portée concrète de ces dispositions. Il n'est pas acceptable qu'au nom de la liberté de la presse, qui doit évidemment être respectée avec la plus grande rigueur, on en vienne à écarter de la protection légale qui doit entourer toute information tendant à influencer le public en matière de placements financiers de nombreux messages ou articles qui, de fait, exercent un impact certain sur les publics les moins avertis et peuvent bien souvent les abuser. En outre, aucune avancée significative n'est faite sur la question de la qualité du travail et de l'indépendance des agences de notation, question pourtant centrale en matière de renforcement de la confiance des investisseurs.

Votre Rapporteur général a rappelé que l'article 9 renvoie à un décret en Conseil d'Etat la question de la détermination précise des contours de la notion de « recommandations d'investissement destinées au public ». Ce décret devra être pris dans les meilleurs délais. Des précisions sont en effet nécessaires pour s'assurer de la qualité de l'équilibre qui sera trouvé en la matière. Quant aux agences de notation, elles sont explicitement exclues du champ d'application de la directive. Pour elles, c'est plutôt un dispositif d'autorégulation qui paraît préférable, ainsi que l'a récemment proposé le Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières.

M. Tony Dreyfus a retiré l'amendement.

Votre Rapporteur général a observé que cet article tend à mieux encadrer la production et la diffusion de recommandations d'investissement destinées au public. Ces recommandations peuvent émaner certes des professionnels de marché, mais aussi des medias dans leur ensemble, qu'ils soient écrits, télévisés ou électroniques. La question est de savoir quelles autorités sont les mieux à même de contrôler, et le cas échéant de sanctionner, le respect des règles qui encadrent ces activités. L'article propose le choix de l'autorégulation, en confiant cette mission à une association ad hoc regroupant l'ensemble des médias, quelle que soit leur nature, et veillant à appliquer un code de déontologie à l'ensemble des journalistes qui seront affiliés à cette association. L'association pourra s'autosaisir ou être saisie par l'Autorité des marchés financiers. Elle disposerait des moyens de sanctionner tout manquement à ces règles déontologiques. Ce choix de l'autorégulation est le bon, d'autant plus qu'il est assorti de toutes les garanties de sécurité en ménageant le rôle de surveillance de l'Autorité des marchés financiers.

La Commission a adopté sept amendements rédactionnels présentés par votre Rapporteur général (amendements n°s 35 à 41).

La Commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.

*

* *

Article 10

Élargissement des pouvoirs d'injonction et de sanction de l'Autorité
des marchés financiers et modification de la définition des délits boursiers.

Texte du projet de loi :

I. - Le I de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après les mots : « soit mis fin » sont ajoutés les mots : « en France et à l'étranger, » ;

2° Il est ajouté un second alinéa ainsi rédigé :

« Le collège dispose des mêmes pouvoirs que ceux mentionnés à l'alinéa précédent à l'encontre des agissements méconnaissant les dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les épargnants et le marché contre les opérations d'initié, les manipulations de cours ou la diffusion de fausses informations, commis sur le territoire français et concernant des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou pour lesquels une demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée. »

II. - L'article L. 621-15 du code monétaire et financier est modifié comme suit :

1° Le c du II est remplacé par les dispositions suivantes :

« c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l'étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à toute autre pratique contraire aux dispositions législatives ou réglementaires destinées à assurer l'information des investisseurs ou leur protection contre ce type de pratiques, dès lors que ces actes concernent un instrument financier émis par une personne ou une entité faisant appel public à l'épargne ou admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée, dans les conditions déterminées par le Règlement général de l'Autorité des marchés financiers et en fonction du marché sur lequel les instruments financiers sont admis aux négociations. » ;

2° Au II, il est ajouté un d ainsi rédigé :

« d) Toute personne qui, sur le territoire français, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à toute autre pratique contraire aux dispositions législatives ou réglementaires destinées à assurer la protection des investisseurs contre ce type de pratiques, dès lors que ces actes concernent un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée. » ;

3° Au premier alinéa du c du III, les mots : « au c » sont remplacés par les mots : « aux c et ».

III. - Le dernier alinéa de l'article L. 465-1 du code monétaire et financier est supprimé.

IV. - L'article L. 465-2 du code monétaire et financier est modifié comme suit :

1° Les mots : « d'instruments financiers » sont remplacés par le mot : « réglementé » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Est puni des peines prévues au premier alinéa de l'article L. 465-1 le fait, pour toute personne, de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché réglementé, de nature à agir sur les cours. »

Exposé des motifs du projet de loi :

L'article 10 complète le pouvoir de sanction de l'AMF. Il adapte les pouvoirs d'injonction et de sanction de l'AMF afin de lui donner compétence pour prévenir et sanctionner, d'une part les manquements relatifs aux titres des émetteurs faisant appel public à l'épargne où qu'ils soient négociés, y compris à l'étranger, d'autre part les mêmes manquements s'agissant de titres admis à la négociation sur un marché réglementé de l'Espace économique européen dès lors qu'ils ont été commis en France. La directive a ainsi entendu donner une compétence large aux autorités boursières tout en leur imposant des obligations de coopération fortes.

Cet article prévoit également que l'AMF puisse sanctionner des manquements objectifs aux règles de protection des investisseurs, qui ne nécessiteront pas de faire la preuve que les pratiques fautives ont eu un impact sur les cours ou sur le fonctionnement des marchés. Cette mesure facilitera la sanction par l'AMF des pratiques de manipulation de cours et de fausse information. La directive définit ainsi précisément un certain nombre de pratiques qui sont considérées comme fautives en soi. Toutefois, l'effet sur le cours demeurera un élément constitutif des manquements d'initiés puisqu'il doit être pris en compte pour apprécier si une information non publique doit être considérée comme une information privilégiée. L'article prévoit enfin, conformément à la directive, que la tentative de manquement d'initié pourra également être sanctionnée.

Cet article adapte également la définition des délits d'initié, de manipulation de cours et de fausse information, afin de tenir compte des modifications introduites par la directive dans les définitions des manquements administratifs. Ainsi, le champ d'application du délit de manipulation de cours est aligné sur ceux des délits d'initié et de fausse information.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article entend poursuivre l'harmonisation des règles relatives aux infractions boursières sur les marchés financiers européens, en application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché, dite directive « abus de marché ». Les pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers (AMF) seraient élargis, dans le but de mieux répondre aux différents manquements administratifs commis en matière boursière. Parallèlement, sans que cela découle de la directive, les délits boursiers feraient l'objet d'une légère adaptation.

I.- L'élargissement des pouvoirs de sanction
et d'injonction de l'Autorité des marchés financiers

A.- L'élargissement du pouvoir de sanction de l'Autorité des marchés financiers

1.- L'influence du droit communautaire

Le II du présent article propose d'élargir le pouvoir de sanction de l'Autorité des marchés financiers, afin de l'adapter aux exigences de la directive « abus de marché ». Celle-ci, déjà partiellement transposée, définit un régime bien plus précis qu'auparavant (37) : son champ d'application est plus large et les pratiques réglementées plus nombreuses.

La directive « abus de marché » s'applique à tout instrument financier admis à la négociation sur un marché réglementé d'au moins un État membre, ou pour lequel une demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée, que l'opération elle-même soit effectivement exécutée sur ce marché ou non (article 9). Pour les opérations d'initiés, ce champ s'étend aussi à « tout instrument financier non admis à la négociation sur un marché réglementé d'un État membre mais dont la valeur dépend » d'un des instruments financiers précités. En outre, l'article 10 de la directive invite chaque État membre à appliquer les interdictions et obligations prévues par elle :

« aux actes accomplis sur son territoire ou à l'étranger concernant des instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé situé ou opérant sur son territoire ou pour lesquels une demande d'admission à la négociation sur ce marché a été présentée » ;

« aux actes accomplis sur son territoire concernant des instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé dans un État membre ou pour lesquels une demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée ».

Cet élargissement du champ d'application des règles sur les « abus de marché » fait l'objet d'une proposition de transposition dans le présent article.

Quant aux pratiques réglementées par la directive, il s'agit des « opérations d'initiés » et des « manipulations de marché ». Par rapport aux manquements administratifs que peut actuellement sanctionner l'AMF, la première expression correspond au manquement d'initié et à la communication d'information privilégiée, tandis que la seconde recouvre la diffusion de fausse information et la manipulation de cours (38). La plupart des exigences communautaires, qui relèvent très largement du domaine réglementaire en droit interne, ont déjà été transposées dans le règlement général de l'AMF (39). Le livre VI du règlement général est consacré aux « abus de marché » et reprend les traditionnels manquements administratifs du droit boursier.

Ainsi, le titre II (40) traite des « opérations d'initiés » et énonce, dans ses articles 622-1 et 622-2 plusieurs « obligations d'abstention » d'utilisation d'une information privilégiée. Selon l'article 622-1, toute personne qui détient une telle information doit s'abstenir de l'utiliser « en acquérant ou en cédant, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés ». Il s'agit là du manquement d'initié au sens strict. Mais la notion d' « opération d'initié » est plus large, puisque l'article 622-1 interdit également à la personne détentrice d'une information privilégiée de :

- « communiquer cette information à une autre personne en dehors du cadre normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle lui a été communiquée » ;

- « recommander à une autre personne d'acquérir ou de céder, ou de faire acquérir ou céder par une autre personne, sur la base d'une information privilégiée, les instruments financiers auxquels se rapportent cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés ».

Le titre III du livre VI du règlement général de l'AMF est, quant à lui, consacré aux « manipulations de marché », qui se composent de la manipulation de cours (articles 631-1 à 631-10) et de la diffusion d'une fausse information (article 632-1).

Constitue une manipulation de cours (41) :

« 1° Le fait d'effectuer des opérations ou d'émettre des ordres :

« a) qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l'offre, la demande ou le cours d'instruments financiers ou

« b) qui fixent, par l'action d'une ou de plusieurs personnes agissant de manière concertée, le cours d'un ou plusieurs instruments financiers à un niveau anormal ou artificiel, à moins que la personne ayant effectué les opérations ou émis les ordres établisse la légitimité des raisons de ces opérations ou de ces ordres et leur conformité aux pratiques de marché admises sur le marché réglementé concerné ;

« 2° Le fait d'effectuer des opérations ou d'émettre des ordres qui recourent à des procédés donnant une image fictive de l'état du marché ou à toute autre forme de tromperie ou d'artifice (...) ».

Enfin, la fausse information est définie comme suit par l'article 632-1 (42: « toute personne doit s'abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d'appel public à l'épargne au sens de l'article L. 411-1 du code monétaire et financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses (...) ».

2.- L'organisation actuelle du pouvoir de sanction de l'AMF

Les personnes susceptibles d'être sanctionnées par la commission des sanctions (43) de l'AMF se divisent en deux catégories (article L. 621-15 du code monétaire et financier) :

- les « professionnels », c'est-à-dire les acteurs des marchés financiers, soumis en tant que tels au contrôle de l'AMF en vertu de l'article L. 621-9 (44). Ils peuvent être sanctionnés pour tout « manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles en vigueur ». Sont concernées tant les personnes morales que les personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte (a et b du II de l'article L. 621-15) ;

- les « non professionnels » (en particulier les émetteurs), qu'ils soient personnes morales ou personnes physiques (c du II de l'article L. 621-15). Ils peuvent être sanctionnés pour les actes qui, par renvoi au I de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier, peuvent donner lieu à injonction de l'AMF. Il s'agit des « pratiques contraires aux dispositions législatives ou réglementaires » lorsqu'elles sont de nature à porter atteinte aux droits des épargnants ou ont pour effet de fausser le fonctionnement du marché, de procurer aux intéressés un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché, de porter atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ou de faire bénéficier les émetteurs ou les investisseurs des agissements d'intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles.

La première catégorie de personnes susceptibles d'être sanctionnées correspond au pouvoir disciplinaire détenu par l'AMF et - avant leur fusion dans cette dernière Autorité - par la Commission des opérations de bourse (COB), par le Conseil des marchés financiers (CMF) et par le Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF). La deuxième catégorie correspond au pouvoir de sanction administrative de l'AMF, que la COB détenait auparavant à l'égard de toute personne, y compris les professionnels. En limitant les sanctions administratives aux seuls « non professionnels », la loi de sécurité financière du 1er août 2003 a atténué la portée de la distinction entre pouvoir de sanction administrative et pouvoir de sanction disciplinaire, lui préférant une présentation rationae personae (45).

3.- Les modifications proposées

Le II du présent article tend à permettre à l'AMF de sanctionner, d'une part, les manquements relatifs aux titres admis à la négociation sur un marché français (même si le manquement a eu lieu à l'étranger) et, d'autre part, les manquements concernant des titres admis à la négociation sur un marché réglementé d'un autre État européen (Communauté européenne ou Espace économique européen), dès lors qu'ils ont été commis en France. Le c du II de l'article L. 621-15 du code monétaire financier - qui permet actuellement de sanctionner les « non professionnels » ayant commis un acte visé à l'article L. 621-14 - serait remplacé par deux nouvelles dispositions applicables à toute personne, l'une relative aux titres cotés à Paris, l'autre aux titres cotés sur un autre marché européen.

Dans le premier cas (nouvelle rédaction du c du II de l'article L. 621-15), les actes visés seraient ceux concernant un « instrument financier émis par une personne ou une entité faisant appel public à l'épargne ou admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée ». À l'égard de ces actes, l'AMF aurait le pouvoir de sanctionner « toute personne qui, sur le territoire français ou à l'étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à toute autre pratique contraire aux dispositions législatives ou réglementaires destinées à assurer l'information des investisseurs ou leur protection contre ce type de pratiques ».

Dans le second cas (nouveau d du II de l'article L. 621-15), les actes visés seraient ceux concernant « un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée ». À l'égard de ces actes, l'AMF aurait le pouvoir de sanctionner « toute personne qui, sur le territoire français, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à toute autre pratique contraire aux dispositions législatives ou réglementaires destinées à assurer la protection des investisseurs contre ce type de pratiques ».

Le dispositif retenu s'articule donc autour des trois manquements administratifs précités (opération d'initié, manipulation de cours et diffusion d'une fausse information), tout en renvoyant plus généralement aux autres lois et règlements destinés à assurer « la protection des investisseurs contre ce type de pratiques » (ainsi que, dans le seul premier cas, « l'information des investisseurs »).

Plusieurs précisions sur la portée du système proposé doivent être apportées.

a) Compétence territoriale

La compétence territoriale de l'AMF serait déterminée par les deux critères complémentaires définis par l'article 10 précité de la directive « abus de marché ».

Le premier critère - qui, en pratique, a vocation à être le critère principal - est celui du lieu de cotation des titres. La directive invite chaque État membre à sanctionner les manquements « accomplis sur son territoire ou à l'étranger concernant des instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé situé ou opérant sur [le territoire de l'État considéré] ou pour lesquels une demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée ». Le présent article reprend ce critère (46) et permet ainsi à l'AMF de prononcer des sanctions concernant les actes commis en France et à l'étranger. C'est là une consécration de la jurisprudence actuelle, qui applique le droit français aux opérations réalisées à l'étranger portant sur des titres négociés sur un marché français (47).

Le second critère, lui aussi tiré de l'article 10 de la directive, est celui du lieu d'accomplissement des actes incriminés. Le présent article vise en effet les actes accomplis sur le territoire français qui concernent « un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée ». Ce second critère, nouveau, serait complémentaire du premier, afin de ne pas laisser échapper à la compétence de l'AMF certains manquements commis en France.

La compétence territoriale de chaque autorité de régulation est donc large et, en pratique, deux autorités nationales pourront parfois être compétentes simultanément. Dans cette hypothèse, c'est le premier critère de détermination de compétence qui devrait prévaloir sur le second. Une telle évolution paraît nécessaire au regard de l'internationalisation des marchés financiers et de la facilité de passer et de faire exécuter des ordres.

b) Facilitation de la sanction des abus de marché

Les manquements boursiers seraient plus aisés à réprimer, sans que leurs définitions - fixées dans le règlement général de l'AMF - soient modifiées. Actuellement, l'AMF ne peut en effet sanctionner qu'une pratique « de nature à porter atteinte aux droits des épargnants » ou qui a « pour effet de fausser le fonctionnement du marché, de procurer aux intéressés un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché, de porter atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ou de faire bénéficier les émetteurs ou les investisseurs des agissements d'intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles » (effet du renvoi au I de l'article L. 621-14 par le c du II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier).

Or, la directive « abus de marché » définit de façon objective les infractions, sans égard pour les effets produits sur les cours ou sur le fonctionnement du marché (2 de l'article 1er). La modification proposée par le présent article permettrait ainsi à l'AMF de sanctionner les deux manquements (diffusion de fausse information et manipulation de cours) regroupés sous le terme de « manipulation de marché » dans le titre III du livre VI de son règlement général, sans avoir à se préoccuper des effets causés par les pratiques en cause.

En revanche, cette modification n'emporte pas de changement à l'égard des opérations d'initiés. En effet, pour que son utilisation par l'initié donne lieu à sanction, l'information privilégiée doit être susceptible d'influencer sensiblement le cours des titres. Le règlement n° 90-08 de la COB visait une information « qui, si elle était rendue publique, pourrait avoir une incidence sur le cours de la valeur ». Désormais, reprenant la définition communautaire (48), l'article 621-1 du règlement général de l'AMF définit l'information privilégiée comme une « information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés » (49). Plus précisément, l'alinéa 3 du même article dispose qu'il s'agit d' « une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement ». L'effet sur le cours semble donc, en tout état de cause, demeurer un élément constitutif des opérations d'initiés.

Le pouvoir de sanction de l'AMF ne se limite cependant pas aux trois manquements précités. Actuellement calqué sur son pouvoir d'injonction, il concerne aussi une série d'autres pratiques dont l'énumération est, on l'a vu, à la fois large et floue (50). Le présent article propose de lui substituer la rédaction suivante (51) :

- pour les titres cotés en France, « toute autre pratique contraire aux dispositions législatives ou réglementaires destinées à assurer l'information des investisseurs ou leur protection contre ce type de pratiques » ;

- pour les titres cotés sur un marché réglementé européen, « toute autre pratique contraire aux dispositions législatives ou réglementaires destinées à assurer la protection des investisseurs contre ce type de pratiques ».

Par « protection des investisseurs contre ce type de pratiques », il faut entendre les agissements (autres que les trois manquements traditionnels) prohibés par la réglementation relative aux « abus de marché ». Il s'agit par exemple des obligations de déclaration d'opérations suspectes, des obligations de déclaration par les émetteurs des transactions de leurs dirigeants ou des obligations d'établissement de listes d'initiés par les émetteurs et certains tiers (52).

En revanche, la référence à « l'information des investisseurs » ne serait faite qu'à l'égard des titres cotés sur un marché français, car elle va au-delà de la simple transposition de la directive « abus de marché ». Il s'agit de viser des infractions à certaines règles spécifiques comme, par exemple, celles relatives aux rachats d'actions par leurs émetteurs (53) ou aux déclarations de franchissement de seuil (réformées par l'article 12 du présent projet).

Comme pour les manipulations de marché, la nouvelle rédaction proposée permet de sanctionner ces « autres » pratiques irrégulières sans avoir à démontrer qu'elles ont produit un effet préjudiciable (sur le fonctionnement du marché, sur le traitement des investisseurs etc.). Cette approche semble légitime, en particulier lorsque sont en jeu des obligations d'information ou de notification. Le pouvoir de sanction de l'AMF en serait ainsi conforté, même s'il est évident que la sanction sera plus sévère à l'égard de pratiques ayant eu un effet concret. Il faut en effet rappeler que le montant de la sanction doit être fixé « en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements » (dernier alinéa du III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier).

c) Sanction des tentatives d'opération d'initié

À la différence des autres manquements, la tentative d'opération d'initié pourrait dorénavant être sanctionnée : serait en effet visée toute personne qui « s'est livrée ou a tenté de se livrer » à une telle opération. Il s'agit là encore d'une conséquence de la directive « abus de marché » qui, dans son article 2, prohibe l'utilisation d'une information privilégiée « en tentant d'acquérir ou de céder » les instruments financiers auxquels se rapporte cette information. Par exemple, des ordres passés mais finalement non exécutés pourraient donner lieu à sanction de l'AMF. Actuellement, la rédaction du I de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier ne permet pas de sanctionner la tentative.

d) Marchés concernés

Le nouveau c du II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier préciserait que les sanctions seraient prononcées contre les personnes auteurs des manquements, en France et à l'étranger, « dans les conditions déterminées par le Règlement général de l'Autorité des marchés financiers et en fonction du marché sur lequel les instruments financiers sont admis aux négociations ». En effet, le champ d'application du texte proposé ne se limite pas au seul marché réglementé (54), puisque sont visés les actes concernant un instrument financier :

- émis par une personne ou une entité faisant « appel public à l'épargne ». Or, l'appel public à l'épargne inclut l'admission d'un instrument financier aux négociations sur un marché réglementé, mais ne s'y résume pas (possible appel public à l'épargne sans cotation) (55) ;

- ou admis aux négociations sur « un marché d'instruments financiers » ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée. Or, la notion de marché d'instruments financiers est plus large que celle de marché réglementé et inclut par exemple les plates-formes multilatérales non réglementées (multilateral trading facilities) et les systèmes internalisés bilatéraux gérés par des prestataires de services d'investissement. Avec la suppression de la règle de centralisation des ordres sur le marché réglementé, ces nouveaux types de marchés ont vocation à se multiplier (56). En outre, l'admission à la négociation
- c'est-à-dire la cotation - ne se confond pas avec la négociation elle-même : un titre peut être coté et négocié sur un marché réglementé, ou bien coté sur un marché réglementé et négocié sur un autre marché ou bien encore coté et négocié sur un marché non réglementé.

L'avantage de la rédaction proposée par le présent article est de couvrir ces différents cas de figure et de permettre, grâce à la surveillance ainsi renforcée de l'AMF, de consolider la confiance des investisseurs sur ces différents marchés. L'AMF pourra donc adapter son règlement général en fonction du marché concerné. Cette disposition est cohérente avec l'article 8 du présent projet, qui tend notamment à favoriser le développement de marchés d'instruments financiers non réglementés mais néanmoins « organisés » et adaptés aux petites et moyennes entreprises. La création d'Alternext par Euronext en mai 2005 en est l'exemple le plus récent.

D'ores et déjà, par arrêté du 15 avril 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a homologué la modification du règlement général de l'AMF élargissant l'application du livre VI du règlement général sur les abus de marché aux « systèmes multilatéraux de négociation organisés » (et non plus aux seuls marchés réglementés) définis aux articles 525-1 et suivants du même règlement. Ceci étend le champ du manquement d'initié et de la manipulation de cours aux titres cotés sur ce nouveau type de marchés (modification de l'article 611-1). La diffusion de fausses informations n'est en revanche pas affectée, puisqu'elle sanctionne déjà tout instrument financier émis par voie d'appel public à l'épargne sans égard pour les modes de cotation et de négociation (article 632-1).

En revanche, et en harmonie avec la directive, seul le marché réglementé est retenu pour l'application du second critère de compétence territoriale (cas des actes accomplis en France concernant un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre État membre de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée).

e) Sanctions applicables

Les sanctions que peut prononcer l'AMF sont actuellement fixées au III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier. Elles sont différentes selon la personne considérée :

- pour les professionnels personnes morales, il s'agit de l'avertissement, du blâme, de l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis et d'une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ;

- pour les professionnels personnes physiques, il s'agit de l'avertissement, du blâme, du retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, de l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis et d'une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur, selon les cas, à 300.000 euros, 1,5 million d'euros, au quintuple ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ;

- pour les non professionnels, seule une sanction pécuniaire est possible (au maximum 1,5 million d'euros ou le décuple du montant des profits éventuellement réalisés).

Il convient cependant de remarquer que la rédaction proposée par le présent article vise désormais « toute personne », et non plus « toute personne autre » qu'un professionnel. Ceci fait donc entrer les professionnels dans le champ des nouveaux c et d du II de l'article L. 621-15. Or, les sanctions correspondantes - qui, en droit actuel, concernent les non professionnels - ne sont que des sanctions pécuniaires (c du III de l'article L. 621-15). La conséquence en est que l'AMF ne pourrait plus prononcer de sanctions professionnelles (avertissement, blâme, interdiction d'exercice) dans le cas d'un abus de marché commis par un professionnel réglementé. Votre Rapporteur général présentera un amendement visant à résoudre ce problème de coordination.

B.- L'élargissement du pouvoir d'injonction de l'Autorité
des marchés financiers

Corollaire du renforcement du pouvoir de sanction de l'Autorité des marchés financiers, le I du présent article tend à élargir le champ d'application de son pouvoir d'injonction.

L'actuel I de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier permet au collège de l'AMF d'ordonner qu'il soit mis fin à certaines pratiques contraires aux dispositions législatives ou réglementaires, lorsqu'elles « sont de nature à porter atteinte aux droits des épargnants ou ont pour effet de fausser le fonctionnement du marché, de procurer aux intéressés un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché, de porter atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ou de faire bénéficier les émetteurs ou les investisseurs des agissements d'intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles ». Les injonctions de l'AMF, conformément à l'article 14 paragraphe 4 de la directive « abus de marché », peuvent être rendues publiques. En outre, le II de l'article L. 621-14 (inchangé par le présent article) permet au président de l'AMF de saisir le président du Tribunal de grande instance de Paris d'une demande de référé, tendant à ce qu'il ordonne à la personne responsable de se conformer à la loi et aux règlements, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets.

La modification proposée est double.

D'une part, il serait précisé que ce pouvoir d'injonction vaut « en France et à l'étranger » (1° du I du présent article). Comme pour le pouvoir de sanction, cet ajout est requis par l'article 10 de la directive « abus de marché ». Mais alors qu'il ne fait que consacrer la jurisprudence en matière de sanctions, la possibilité de prononcer des injonctions à l'encontre d'agissements commis à l'étranger est une réelle nouveauté. Cet élargissement de la compétence territoriale de l'AMF permet d'envisager les cas, de plus en plus nombreux, où les interventions sur le marché français sont faites « à distance ». Bien sûr, il peut être objecté que de telles injonctions n'auront qu'une portée limitée si elles ne visent qu'à produire des effets à l'étranger. Mais c'est oublier, d'abord, que l'AMF est liée par des accords bilatéraux avec de nombreuses autorités homologues à l'étranger. Ensuite, cette modification permet aussi à l'AMF de prendre des mesures d'urgence sur le territoire national pour faire cesser des agissements ayant lieu à l'étranger : par exemple, « geler » les actifs qu'une personne, agissant depuis un autre État, détient chez un prestataire d'investissement français. Enfin, cette modification est de nature à faciliter l'intervention de l'AMF lorsqu'elle est sollicitée par une autorité homologue d'un autre État qui souhaite qu'elle prenne des mesures d'urgence.

D'autre part, un nouveau pouvoir d'injonction serait créé pour les manquements commis « sur le territoire français » à l'égard de titres admis à la négociation sur un marché réglementé d'un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou pour lesquels une demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée (2° du I du présent article). Comme pour les sanctions, il s'agit d'un second critère de compétence territoriale, applicable aux titres cotés sur un autre marché européen (en application de l'article 10 de la directive « abus de marché »).

Toutefois, les pratiques visées par cette nouvelle disposition ne sont pas identiques à celles relatives aux titres cotés en France. Cette rédaction est plus restrictive, car elle se contente d'assurer la transposition de la directive. Ne seraient donc concernés que les « agissements méconnaissant les dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les épargnants et le marché contre les opérations d'initié, les manipulations de cours ou la diffusion de fausses informations ». Concrètement, seraient ainsi visés les agissements actuellement définis par le livre VI du règlement général de l'AMF, ainsi que, sans doute, les autres obligations découlant de la directive « abus de marché » dont la transposition est proposée dans le projet de loi précité n° 267 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.

II.- L'adaptation de la définition des délits boursiers

En disposant que les sanctions administratives doivent être prises par les États membres « sans préjudice de leur droit d'imposer des sanctions pénales » (article 14 paragraphe 1er) et « sans préjudice des compétences des autorités judiciaires » (article 11 alinéa 1er), la directive « abus de marché » laisse subsister les deux ordres - pénal et administratif - de répression des infractions boursières. Chaque État peut ainsi souverainement déterminer le régime pénal applicable à ces infractions.

Les III et IV du présent article tendent ainsi à modifier certaines dispositions relatives aux délits boursiers, afin de redécouper leur champ d'application et de le mettre en cohérence avec celui des manquements administratifs correspondants.

Les trois délits boursiers traditionnels sont définis par le code monétaire et financier sous l'intitulé « atteintes à la transparence des marchés ».

· Le délit d'initié concerne les détenteurs d' « informations privilégiées sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché réglementé » (article L. 465-1 du code monétaire et financier).

On distingue généralement :

- les initiés « primaires », qui sont les dirigeants d'une société mentionnée à l'article L. 225-109 du code de commerce ;

- les initiés « secondaires », détenteurs d'informations privilégiées « à l'occasion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions » ;

- les initiés « tertiaires », c'est-à-dire les autres personnes bénéficiaires, « en connaissance de cause », d'informations privilégiées.

Au sens strict, le délit d'initié consiste à opérer frauduleusement sur le marché, c'est-à-dire à  réaliser ou à permettre de réaliser, soit directement, soit par personne interposée, une ou plusieurs opérations avant que le public ait connaissance des informations (article L. 465-1 alinéas 1er et 3 du code monétaire et financier).

Au sens large, le délit d'initié consiste aussi à communiquer à un tiers les informations privilégiées « en dehors du cadre normal de sa profession ou de ses fonctions » dans le cas d'un initié primaire ou secondaire (article L. 465-1 alinéa 2) ou « avant que le public en ait connaissance » pour les initiés tertiaires (article L. 465-1 alinéa 3).

Le délit d'initié ne serait en rien affecté par le présent projet.

· Le délit de diffusion de fausse information est le « fait, pour toute personne, de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché réglementé, de nature à agir sur les cours » (article L. 465-1 alinéa 4). Ces dispositions ne seraient pas modifiées par le présent projet, mais seulement déplacées à l'article L. 465-2, dont elles constitueraient le deuxième alinéa (III et 2° du IV du présent article).

Ce déplacement est logique, dès lors que ce délit est plus proche de la manipulation de cours (visé à l'article L. 465-2) que du délit d'initié (visé à l'article L. 465-1). Le droit communautaire les traite d'ailleurs ensemble sous l'appellation « manipulation de marché ».

· Le délit de manipulation de cours est le « fait, pour toute personne, d'exercer ou de tenter d'exercer, directement ou par personne interposée, une manœuvre ayant pour objet d'entraver le fonctionnement régulier d'un marché d'instruments financiers en induisant autrui en erreur » (article L. 465-2). Sans raison logique convaincante, la manipulation de cours peut donc s'appliquer à tout « marché d'instruments financiers » (par exemple le Marché libre), alors que le délit d'initié et la diffusion de fausse information concernent le seul marché réglementé. Le 1° du IV du présent article propose donc d'harmoniser le champ d'application des trois délits boursiers, en limitant la manipulation de cours au marché réglementé.

Cette modification peut paraître modeste, mais elle doit être appréciée en tenant compte du nouveau champ d'application proposé pour la sanction des manquements administratifs : ceux-ci seraient susceptibles d'être appliqués à l'ensemble des titres émis par une personne faisant appel public à l'épargne ou dont les titres sont cotés sur un marché d'instruments financiers, réglementé ou non (nouveau c du II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier). Ces deux éléments s'inscrivent dans l'entreprise plus vaste de mise en cohérence des champs d'application respectifs de la répression pénale et de la répression administrative. L'objectif est de réserver l'application du droit pénal aux faits les plus graves (c'est-à-dire aux agissements sur les marchés réglementés), tandis que les manquements administratifs doivent s'étendre à un ensemble de faits plus large.

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Outre deux amendements rédactionnels présentés par le Rapporteur général (amendements n°s 42 et 43), la Commission a adopté un amendement présenté par votre Rapporteur général tendant à garantir la possibilité pour l'Autorité des marchés financiers de prononcer des sanctions professionnelles à l'encontre de professionnels réglementés commettant un abus de marché (amendement n° 44).

La Commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

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Article 11

Amélioration des règles relatives à l'information périodique.

Texte du projet de loi :

I. - Il est ajouté à la section 1 du chapitre Ier du titre V du livre IV du même code des articles L. 451-1-1, L. 451-1-2, L. 451-1-3 et L. 451-1-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 451-1-1. - Les émetteurs dont des instruments financiers autres que des titres de créance d'une valeur nominale supérieure à 50 000 € et dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois sont admis aux négociations sur un marché réglementé de l'Espace économique européen et pour lesquels l'Autorité des marchés financiers est compétente pour viser le document mentionné à l'article L. 412-1, doivent déposer auprès de l'Autorité des marchés financiers, dans les conditions fixées par son règlement général, après la publication de leurs comptes annuels, un document qui contient ou mentionne toutes les informations qu'ils ont publiées ou rendues publiques au cours des douze derniers mois dans l'Espace économique européen ou un pays tiers pour satisfaire à leurs obligations législatives ou réglementaires en matière d'instruments financiers, d'émetteurs d'instruments financiers et de marchés d'instruments financiers.

« Art. L. 451-1-2. - I. - Les émetteurs français dont des titres de capital, ou des titres de créance d'une valeur nominale inférieure à 1 000 € et dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois, sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, publient et déposent auprès de l'Autorité des marchés financiers un rapport financier annuel dans les quatre mois qui suivent la clôture de leur exercice.

« Ce rapport financier annuel comprend les comptes annuels, les comptes consolidés le cas échéant, un rapport de gestion, une déclaration des personnes physiques qui assument la responsabilité de ces documents et le rapport des commissaires aux comptes ou des contrôleurs légaux ou statutaires sur les comptes précités.

« II. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers précise également les cas dans lesquels les émetteurs autres que ceux mentionnés au I et qui sont mentionnés ci-dessous, sont soumis à l'obligation prévue au I :

« 1° Les émetteurs français dont des titres donnant accès au capital au sens de l'article L. 212-7, ou des titres de créance d'une valeur nominale supérieure ou égale à 1 000 € et dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;

« 2° Les émetteurs dont le siège est établi hors de France dont des titres mentionnés au 1° ci-dessus sont admis aux négociations sur un marché réglementé français ;

« 3° Les émetteurs dont le siège est établi hors de l'Espace économique européen dont des titres mentionnés au I sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

« III. - Les émetteurs mentionnés aux I et II et soumis aux obligations définies au I, dont des titres de capital ou des titres de créance sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, publient également et déposent auprès de l'Autorité des marchés financiers un rapport financier semestriel dans les deux mois qui suivent la fin du premier semestre de leur exercice.

« Ce rapport financier semestriel comprend des comptes condensés pour le semestre écoulé, présentés sous forme consolidée le cas échéant, un rapport semestriel d'activité, une déclaration des personnes physiques qui assument la responsabilité de ces documents et le rapport des commissaires aux comptes ou des contrôleurs légaux ou statutaires sur l'examen limité des comptes précités.

« IV. - Les émetteurs mentionnés aux I et II et soumis aux obligations définies au I, dont des titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé de l'Espace économique européen, publient également et déposent auprès de l'Autorité des marchés financiers une information financière trimestrielle dans les quarante-cinq jours qui suivent la fin des premier et troisième trimestres de leur exercice.

« Cette information financière comprend :

« 1° Une explication des opérations et événements importants qui ont eu lieu pendant la période considérée et une explication de leur incidence sur la situation financière de l'émetteur et des entités qu'il contrôle ;

« 2° Une description générale de la situation financière et des résultats de l'émetteur et des entités qu'il contrôle pendant la période considérée ;

« 3° Le montant net par segment d'activité du chiffre d'affaires du trimestre écoulé et, le cas échéant, de chacun des trimestres précédents de l'exercice en cours et de l'ensemble de cet exercice, ainsi que l'indication des chiffres d'affaires correspondants de l'exercice précédent. Ce montant est établi individuellement ou, le cas échéant, de façon consolidée.

« V. - Sans préjudice des règles du code de commerce applicables aux comptes annuels, aux comptes consolidés, au rapport de gestion et au rapport semestriel d'activité ainsi qu'aux rapports des commissaires aux comptes, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers précise le contenu des documents mentionnés aux I, III et IV.

« VI. - Les émetteurs mentionnés aux I et II et soumis aux obligations définies au I communiquent à l'Autorité des marchés financiers, ainsi qu'aux personnes qui gèrent des marchés réglementés de l'Espace économique européen sur lesquels leurs titres sont admis aux négociations, tout projet de modification de leurs statuts, dans un délai fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

« VII. - Sans préjudice des obligations prévues par le code de commerce, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les modalités de publication, de dépôt et de conservation des documents et informations mentionnés au présent article.

« VIII. - L'Autorité des marchés financiers peut dispenser les émetteurs dont le siège est établi hors de l'Espace économique européen des obligations définies au présent article si elle estime équivalentes les obligations auxquelles ceux-ci sont soumis. L'Autorité des marchés financiers arrête et publie régulièrement la liste des Etats tiers dont les dispositions législatives ou réglementaires sont estimées équivalentes.

« Art. L. 451-1-3. - L'Autorité des marchés financiers veille à ce que les émetteurs dont le siège est établi hors de France, qui ne sont pas soumis aux obligations définies à l'article L. 451-1-2, et dont des titres mentionnés aux I et II du même article sont admis aux négociations uniquement sur un marché réglementé français publient l'information réglementée au sens de la directive 2004/109/CE du 15 décembre 2004, dans les conditions et selon les modalités prévues par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

« Art. L. 451-1-4. -  Les obligations prévues à l'article L. 451-1-2 ne s'appliquent pas aux émetteurs suivants :

« 1° Les Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen et leurs collectivités territoriales ;

« 2° La Banque centrale européenne et les banques centrales des Etats mentionnés au 1° ;

« 3° Les organismes internationaux à caractère public dont l'un des Etats mentionnés au 1° fait partie ;

« 4° Les émetteurs de titres de créance inconditionnellement et irrévocablement garantis par l'Etat ou par une collectivité territoriale française ;

« 5° Les émetteurs dont des titres de créance ont une valeur nominale supérieure ou égale à 50 000 € et dont aucun autre instrument financier mentionné aux I et II de l'article L. 451-1-2 n'est admis aux négociations sur un marché réglementé. »

II. - L'article L. 621-18 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 621-18. - L'Autorité des marchés financiers s'assure que les publications prévues par les dispositions législatives ou réglementaires sont régulièrement effectuées par les émetteurs mentionnés à l'article L. 451-1-2.

« Elle vérifie les informations que ces émetteurs publient. A cette fin, elle peut exiger des émetteurs, des personnes qui les contrôlent ou sont contrôlées par eux, et de leurs commissaires aux comptes ou contrôleurs légaux ou statutaires, qu'ils fournissent tous documents et informations utiles.

« Elle peut ordonner à ces émetteurs de procéder à des publications rectificatives ou complémentaires dans le cas où des inexactitudes ou des omissions auraient été relevées dans les documents publiés. Faute pour les émetteurs concernés de déférer à cette injonction, l'Autorité des marchés financiers peut, après avoir entendu l'émetteur, procéder elle-même à ces publications rectificatives ou complémentaires.

« L'Autorité des marchés financiers peut porter à la connaissance du public les observations qu'elle a été amenée à faire à un émetteur ou les informations qu'elle estime nécessaires.

« Les frais occasionnés par les publications mentionnées aux deux alinéas précédents sont à la charge des émetteurs concernés. »

III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 621-21 du même code est complété par les dispositions suivantes :

« L'Autorité des marchés financiers et ses agents peuvent également échanger des informations confidentielles relatives aux obligations mentionnées aux articles L. 412-1, L. 451-1-2 et L. 451-1-3 avec les entités auxquelles ces autorités ont délégué le contrôle de ces obligations, dès lors que ces entités sont astreintes aux mêmes obligations de secret professionnel.

« A cette fin, l'Autorité des marchés financiers peut signer des conventions organisant ses relations avec ces entités déléguées. »

IV. - Les dispositions du présent article n'entrent en vigueur que le 20 janvier 2007, à l'exception de celles du I ajoutant un article L. 451-1-1 au code monétaire et financier et de celles du III relatives aux obligations mentionnées à l'article L. 412-1 du même code.

Exposé des motifs du projet de loi :

L'article 11 concerne la publication et le dépôt des rapports financiers annuels et semestriels et de l'information financière trimestrielle des entreprises auprès de l'AMF. Il accroît la lisibilité du droit français en concentrant en un article unique l'ensemble des obligations périodiques d'information applicables aux émetteurs dont des valeurs mobilières sont admises aux négociations sur un marché réglementé.

En accord avec la directive 2004/109/CE, dite « Transparence », il prévoit que l'Autorité des marchés financiers supervise la publication et le dépôt de l'information périodique pour les émetteurs français dont des actions, ou des titres de créance dont le nominal est faible, sont cotés sur des marchés réglementés. Les émetteurs, dont seuls des titres de créance, dont le nominal est élevé, sont admis aux négociations sur un marché réglementé européen, disposent en revanche de la possibilité de choisir leur autorité compétente parmi les autorités des pays dans lesquels leurs titres de créance sont cotés. Les modalités de ce choix seront fixées par le règlement général de l'AMF en accord avec les dispositions prévues par la directive Transparence.

Cet article vise également à faciliter la coopération entre l'Autorité des marchés financiers et les autres autorités européennes en permettant à l'AMF, sous réserve de la signature de conventions, d'échanger des informations confidentielles relatives au respect des obligations d'information périodique.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de transposer dans le droit français certaines dispositions de la directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2004 sur l'harmonisation des obligations de transparence concernant l'information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé, et de la directive 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation.

Actuellement, les émetteurs dont des instruments financiers sont admis aux négociations sur le marché réglementé français sont soumis à un ensemble d'obligations de publication d'informations à destination du public, informations permanentes et périodiques, mais également occasionnelles lors d'opérations particulières, comme les émissions d'instruments financiers ou les offres publiques d'achat, dans le double but de protéger l'investisseur, qui doit pouvoir prendre sa décision d'investissement en toute connaissance de cause, et d'assurer le bon fonctionnement des marchés financiers, qui serait compromis si les acteurs ne disposaient pas tous de la même information.

Cependant, après l'harmonisation intervenue au niveau européen en matière d'information financière permanente et occasionnelle (57), il est apparu nécessaire de définir, pour les émetteurs dont des instruments financiers sont admis à la négociation sur un marché réglementé de l'Espace économique européen, un ensemble commun d'obligations en matière de publication d'informations périodiques, afin d'atteindre l'objectif du Plan d'action sur les services financiers (58): la mise en place d'un marché financier européen possédant un haut standard de transparence. Dans la même perspective d'unification des marchés financiers nationaux, il convenait de rationaliser le système actuel de supervision de cette information périodique qui, fondé sur le principe de la compétence territoriale des autorités nationales de marché, se caractérise par une complexité et une lourdeur au détriment des émetteurs d'instruments financiers.

Si le marché réglementé français se caractérise d'ores et déjà par un degré élevé de transparence, sous le contrôle de l'Autorité des marchés financiers, le présent article, en plus de rassembler dans un même texte toutes les obligations de publication d'informations périodiques des émetteurs dont des instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé de l'Espace économique européen, constituerait une triple avancée :

- en renforçant les obligations en matière de publication d'informations périodiques des émetteurs dont des instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé de l'Espace économique européen ;

- en rationalisant le système de supervision des émetteurs au sein de l'Espace Economique Européen, désormais fondé sur le principe du superviseur unique ;

- en élargissant les possibilités de coopération de l'Autorité des marchés financiers avec les autres autorités de marchés de l'Espace économique européen.

I.- Les obligations de publication d'informations périodiques des émetteurs dont les des instruments financiers sont admis aux négociations
sur un marché réglementé français

Dès lors que des instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé français (59), admission qui constitue l'une des modalités de l'appel public à l'épargne (60), leurs émetteurs sont soumis à de nombreuses obligations de publication, préalables à l'admission de l'instrument sur le marché réglementé (61), et, une fois admis, périodiques ou à l'occasion d'évènements particuliers (62). Les obligations de publication d'informations périodiques résultent, pour les actions, des dispositions du décret n° 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales et de l'article 211-40 du règlement général de l'AMF, pour les titres de créance, de l'article 211-40 du règlement général de l'Autorité des marché financiers et, pour les titres donnant accès au capital, de la doctrine de la COB  (63). Elles constituent un ensemble complexe puisque les mêmes obligations ne s'appliquent pas à tous les émetteurs, qu'elles diffèrent selon la nature des titres et qu'elles proviennent de sources très diverses.

A.- Les obligations de publication des émetteurs dont des titres de capital
sont admis aux négociations sur un marché réglementé français

Le terme « titre en capital » est un terme générique englobant deux sortes d'instruments financiers : les actions et les certificats d'investissement (64). S'agissant, de ces derniers, la COB a considéré, pour les sociétés qui émettent des certificats d'investissement admis aux négociations sur un marché règlementé français alors que leurs actions ne le sont pas, que la bonne information du public implique la publication des mêmes renseignements que ceux mis à charge des sociétés dont les actions sont admis aux négociations sur un marché réglementé (65) ;

1.- Les publications annuelles

L'article 295 du décret du 23 mars 1967 précité impose que les sociétés cotées sur un marché réglementé publient au Bulletin des annonces légales obligatoires (BALO) dans les quatre mois à la clôture de l'exercice et quinze jours au moins avant la réunion de l'assemblée générale ordinaire des actionnaires, sous un titre qui fasse clairement apparaître qu'il s'agit de projets non vérifiés par les commissaires aux comptes :

- les comptes annuels (bilan, compte de résultat, annexe) ;

- le projet d'affectation du résultat ;

- les comptes consolidés, s'ils sont disponibles (bilan, compte de résultat et l'annexe consolidés).

L'article 296 du même décret impose que la publication des projets de comptes soit suivie dans les 45 jours qui suivent l'approbation des comptes par l'assemblée générale par une seconde insertion au BALO portant sur les documents suivants :

- les comptes annuels approuvés, revêtus de l'attestation des commissaires aux comptes ;

- la décision d'affectation des résultats ;

- des comptes consolidés revêtus de l'attestation des commissaires aux comptes.

Cependant, les sociétés sont dispensées de publier des comptes approuvés si les projets correspondants, objets de la première insertion au BALO, ont été approuvés sans modification par l'assemblée générale ordinaire des actionnaires. Elles doivent simplement faire insérer au BALO un avis mentionnant la référence à la première insertion et contenant l'attestation des commissaires aux comptes

2.- Les publications semestrielles

L'article 297-1 du décret précité impose que les sociétés dont les actions sont cotées sur un marché réglementé établissent et publient au BALO, dans les quatre mois qui suivent la fin du premier semestre de l'exercice :

- un tableau d'activité et de résultats qui doit indiquer, notamment, le montant net du chiffre d'affaires et le résultat courant établi avant impôt ;

- un rapport d'activité semestriel commentant les données chiffrées relatives au chiffre d'affaires et aux résultats de la société au cours du premier semestre, décrivant son activité au cours de cette période ainsi que son évolution prévisible au cours de l'exercice et relatant les évènements importants survenus au cours du semestre ;

- une attestation des commissaires aux comptes sur la sincérité des informations contenues dans le rapport semestriel et le tableau d'activité et de résultat.

Enfin, les sociétés qui établissent annuellement des comptes consolidés doivent publier sous la forme consolidée le tableau d'activité et de résultat et le rapport semestriel. Ces documents, accompagnés de l'attestation des commissaires aux comptes, sont publiés dans les quatre mois qui suivent la fin du premier semestre de l'exercice. Cette publication sous forme consolidée dispense la société mère de publier son rapport semestriel et son tableau d'activité individuels.

3.- Les publications trimestrielles

L'article 297 du décret précité impose que le sociétés cotées sur un marché réglementé publient au BALO, dans les quarante-cinq jours qui suivent chacun des trimestres de l'exercice, le montant net du chiffre d'affaires du trimestre écoulé et, le cas échéant, de chacun des trimestres précédents de l'exercice en cours et de l'ensemble de cet exercice, ainsi que l'indication des chiffres d'affaires correspondants de l'exercice précédent. Les sociétés qui établissent et publient des comptes consolidés doivent publier le montant net de leur chiffre d'affaires consolidé. De plus, lorsque la société a plusieurs branches d'activité, ces renseignements, y compris les éléments comparatifs, doivent être fournis pour chacune d'entre elles.

4.- Le cas des émetteurs étrangers dont les titres de capital sont admis
aux négociations sur un marché réglementé français

Les dispositions du décret du 23 mars 1967 ne sont pas applicables aux émetteurs ayant leur siège social à l'étranger. Cependant, l'article 211-40 du règlement général de l'AMF leur impose de lui transmettre, au plus tard avant leur publication, un ensemble d'informations « équivalentes à celles données sur les autres marchés où les titres sont négociés » et notamment :

- « de publier dans les six mois qui suivent la fin de l'exercice, les comptes annuels et consolidés, le cas échéant, le rapport de gestion et de faire traduire en français ce rapport ou des extraits substantiels ; les extraits comprennent notamment les comptes de l'exercice et les éléments permettant de connaître les orientations suivies et les principales décisions relatives à l'avenir de l'entreprise », cette publication pouvant être effectuée dans un journal à grand tirage, l'obligation de publication n'impliquant pas obligatoirement une publication au BALO ;

- « de diffuser, par l'intermédiaire de la presse financière française, des informations sur l'activité et les résultats du premier semestre comprenant au minimum le chiffre d'affaires et le résultat net avant impôt, consolidés s'il y a lieu, dans les quatre mois suivant la fin du premier semestre de l'exercice » ;

- « de publier, dans les meilleurs délais toute modification des droits attachés aux différentes catégories d'action », cette publication pouvant être effectuée dans un journal à grand tirage.

B.- Les obligations de publication des émetteurs dont des titres de créance
sont admis aux négociations sur un marché réglementé français

Les titres de créance représentent un droit de créance négociable sur la personne morale qui les émet (66). Selon l'article 211-40 du règlement général de l'AMF, qui s'applique tant aux émetteurs français qu'à ceux ayant leur siège social à l'étranger (67), les émetteurs dont les titres de créance sont admis aux négociations sur un marché réglementé français sont tenus d'une unique obligation en matière d'information périodique, celle de « de publier des extraits substantiels de comptes annuels et consolidés, le cas échéant, dans les six mois suivant la fin de l'exercice ; les collectivités locales et les émetteurs bénéficiant de la garantie de l'Etat sont dispensés de cette publication ».

C.- Les obligations des sociétés émettant des titres donnant accès au capital admis aux négociations sur un marché réglementé français

Les titres donnant accès au capital sont des valeurs mobilières donnant droit, par conversion, échange, remboursement, présentation d'un bon ou de toute autre manière, à l'attribution à tout moment ou à une date fixe de titres qui, à cet effet, sont ou seront émis en représentation d'une quotité de capital de la société émettrice (68). S'agissant de ces titres, aucune disposition réglementaire (ni recommandation) n'est actuellement prévue en ce qui concerne les obligations de publication d'informations périodiques pesant sur leurs émetteurs. Cependant, ce défaut d'obligation de publication spécifique n'emporte en pratique aucune conséquence, puisque les émetteurs de ces titres donnant accès au capital émettent généralement l'actif sous-jacent, c'est-à-dire le titre en capital lui-même, et se trouvent donc soumis aux obligations de publication qui découlent de l'admission de celui-ci aux négociations sur un marché réglementé.

D.- Sanctions

Toute infraction aux obligations de publicité mises à la charge des sociétés est sanctionnée par l'amende prévue pour les contravention de la 5ème classe, c'est-à-dire 1.500 euros au plus, et 3.000 euros en cas de récidive. Cependant, dans la pratique, ces sanctions apparaissent inefficaces puisque, outre la faiblesse des sommes en cause, il semblerait que le Parquet ne saisit que très rarement le Tribunal lorsqu'une société manque à ses obligations. De plus, certaines obligations de publication d'informations périodiques, celles concernant des émetteurs autres que les sociétés, sont issues du règlement général de l'Autorité des marchés financiers et leur inexécution n'est pas sanctionnée pénalement.

Afin de pallier cette absence de sanction, l'Autorité des marchés financiers, dans le seul cas de la non-publication des comptes annuels, et après avoir contacté l'émetteur en cause, utilise ses prérogatives de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier. Elle saisit ainsi de manière systématique le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris pour qu'il fasse injonction à celui-ci de se mettre en conformité avec ses obligations de publication. En effet, l'objectif de l'Autorité des marchés financiers n'est pas tant d'obtenir ou de prononcer une sanction pécuniaire que de veiller à ce que les investisseurs et le marché soient correctement informés, et donc à ce que l'émetteur publie aussi rapidement et complètement que possible ces informations.

II.- Le renforcement des obligations de publication d'informations périodiques des émetteurs dont des instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché règlement de l'Espace économique européen

Les émetteurs dont des instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé français sont actuellement soumis à un ensemble d'obligations en matière de publication d'informations périodiques qui, non seulement n'ont pas toutes la même valeur juridique, mais diffèrent selon la nationalité de l'émetteur ou la nature de l'instrument financier émis. Le présent article constituerait donc une clarification et une simplification du droit existant en la matière. Désormais, l'ensemble des émetteurs ayant des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé de l'Espace économique européen serait, en principe, soumis aux mêmes obligations en matière de publication d'informations périodiques. De plus, ces obligations issues de la directive 2004/109/CE seraient rassemblées dans un seul texte et auraient toutes valeur législative.

A.- Les obligations de dépôt et de publication résultant du nouvel article
L. 451-1-1 du code monétaire et financier

Le I du présent article introduirait dans le code monétaire et financier un nouvel article L. 451-1-1, transposant l'article 10 de la directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003 précitée (directive « Prospectus »). Il disposerait que  «  les émetteurs dont les instruments financiers autres que des titres de créances d'une valeur nominale supérieure à 50.000 € et dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois sont admis aux négociations sur un marché réglementé de l'Espace économique européen et pour lesquels l'Autorité des marchés financiers est compétente pour viser le document mentionné à l'article L. 412-1  doivent déposer auprès de l'Autorité des marchés financiers dans les conditions fixées par son règlement général, après la publication de leurs comptes annuels, un document qui contient ou mentionne toutes les informations qu'ils ont publiées ou rendues publiques au cours des douze derniers mois dans l'Espace économique européen ou un pays tiers pour satisfaire à leurs obligations législatives ou réglementaires en matière d'instruments financiers, d'émetteurs d'instruments financiers et de marchés d'instruments financiers ».

Il résulte de ces dispositions que ne seraient concernés par l'obligation de publication de ce document que :

- les émetteurs ayant déposé auprès de l'AMF le document de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier, c'est-à-dire les émetteurs pour lesquels l'Autorité des marchés financier, en application de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier dans sa rédaction proposée par l'article 8 du présent projet de loi, est compétente pour viser le prospectus publié ou tenu à la disposition de toute personne intéressée lors d'une opération par appel public à l'épargne,

- à l'exception des émetteurs dont seuls des titres de créance d'une valeur nominale supérieure à 50.000 euros et dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois (69) sont admis aux négociations sur un marché réglementé de l'Espace économique européen. En effet, les émetteurs de tels titres s'adressent, non au grand public que les dispositions du présent article ont pour objet de protéger à travers la transparence de l'information périodique, mais à des professionnels sur un marché de gros qui sont en position d'exiger que ceux-ci s'engagent, par la voie contractuelle, à leur communiquer les informations périodiques qu'ils jugent nécessaires.

Ce document se présenterait sous la forme d'une liste référençant toutes les informations que ces émetteurs ont publiées ou rendues publiques au cours des douze derniers mois dans l'Espace économique européen ou un pays tiers pour satisfaire à leurs obligations législatives ou réglementaires en matière d'instruments financiers, d'émetteurs d'instruments financiers et de marchés d'instruments financiers. En effet, les émetteurs pourraient se contenter de mentionner ces documents sans reproduire intégralement leur contenu, à charge pour l'investisseur ou toute personne intéressée d'accéder aux documents en question.

Enfin, le dépôt et la publication de ce document pourraient se faire par l'intermédiaire de la base de décisions et d'informations financières « Sophie » pilotée par l'Autorité des marchés financiers, qui regroupe d'ores et déjà l'ensemble des informations transmises par les sociétés cotées soumises à son contrôle.

B.- Les obligations de dépôt et de publication résultant
du nouvel article L. 451-1-2 du code monétaire et financier

Les I, III et IV du dispositif proposé pour le nouvel article L. 451-1-2 du code monétaire et financier imposeraient aux émetteurs dont des titres de capital et des titres de créance d'une valeur nominale inférieure à 1.000 euros et dont l'échéance est supérieure ou égale à 12 mois (1) sont admis aux négociations sur un marché réglementé de l'Espace économique européen de déposer auprès de l'AMF un ensemble de documents dont la publication est, pour certains d'entre eux, d'ores et déjà exigée de la part des émetteurs dont des instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé français. Ces documents seraient :

- un rapport financier annuel qui comprendrait « les comptes annuels, les comptes consolidés, le cas échéant, un rapport de gestion, une déclaration des personnes physiques qui assument la responsabilité de ces documents et le rapport des commissaires aux comptes ou des contrôleurs légaux ou statutaires (70) sur les comptes précités » ;

- un rapport financier semestriel contenant « des comptes condensés pour le semestre écoulé, présentés sous forme consolidée le cas échéant, un rapport semestriel d'activité, une déclaration des personnes physiques qui assument la responsabilité de ces documents et le rapport des commissaires aux comptes ou des contrôleurs légaux ou statutaires sur l'examen limité des comptes précités (71)»

- une information financière trimestrielle comprenant « une explication des opérations et évènements importants qui ont eu lieu pendant la période considérée et une explication de leur incidence sur la situation financière de l'émetteur et des entités qu'il contrôle ; une description générale de la situation financière et des résultats de l'émetteurs et des entités qu'il contrôle pendant la période considérée ; le montant net par segment d'activité du chiffre d'affaire du trimestre écoulé et, le cas échéant, de chacun des trimestres précédent de l'exercice en cours et de l'ensemble de cet exercice, ainsi que l'indication des chiffres d'affaires correspondant de l'exercice précédent [dont le ] montant est établi individuellement ou, le cas échéant, de façon consolidée ».

Il résulterait de ces dispositions un renforcement important des obligations de publication d'informations périodiques pesant sur les émetteurs. De plus, il ne serait plus fait de distinction, comme dans le droit actuel, entre les émetteurs nationaux et étrangers ni entre les titres qu'ils émettent. Enfin, un nouveau document s'ajouterait à ceux qui existent dans le droit français : «  la déclaration des personnes physiques qui assument la responsabilité de ces documents ». Ces personnes, dont la liste serait fixée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, seraient les administrateurs, le président du conseil d'administration, ou d'autres dirigeants.

Par ailleurs, s'agissant du contenu des documents susmentionnés, le V du dispositif proposé par le nouvel article L. 451-1-2 du code monétaire et financier disposerait que « sans préjudice des règles du code de commerce applicables aux comptes annuels, aux comptes consolidés, au rapport de gestion et au rapport semestriel d'activité ainsi qu'aux rapports des commissaires aux comptes, le règlement général de l'autorité des marchés financiers précise le contenu des documents mentionnés au I, II et III ».

En effet, la législation française, complétée par les normes comptables, définit très précisément le contenu de ces documents. Cependant, celles-ci ne s'appliquent qu'aux émetteurs de droit français. Or, les obligations de publication prévues par le présent article s'appliqueraient également à des émetteurs ayant leur siège social à l'étranger et dont des titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé français. Dans ce cas, il apparaîtrait difficile d'exiger de ceux-ci la publication de documents dont leur droit national n'exige pas la production. C'est pourquoi, dans ce cas précis, afin de tenir compte de leurs spécificités, l'Autorité des marchés financiers se verrait attribuer le pouvoir de définir le contenu de ces documents.

C.- Les projets de modification des statuts

Le VI du dispositif proposé pour le nouvel article L. 451-1-2 du code monétaire et financier disposerait que « les émetteurs mentionnés au I et II et soumis aux obligations définies au I communiquent à l'Autorité des marchés financiers, ainsi qu'aux personnes qui gèrent des marchés réglementés de l'Espace économique européen sur lesquels leurs titres sont admis aux négociations, tout projet de modification de leurs statuts dans un délai fixé par l'Autorité des marchés financiers ».

Cette disposition se justifie dès lors qu'une modification des statuts peut avoir une influence sur les cours, notamment lorsqu'elle touche à la négociabilité des titres ou aux droits de vote. En application des articles 222-1 et 222-3 du règlement général de l'AMF, les émetteurs dont des instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé français doivent, dès que possible, porter à la connaissance du public les informations précises qui seraient susceptibles d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou sur le cours d'instrument financiers qui y sont liés. Cependant, il est apparu nécessaire d'obliger les émetteurs à communiquer tous leurs projets de modification des statuts afin que cette transmission ne dépende pas d'une appréciation subjective de leurs conséquences sur le marché.

D. - Les modalités de publication, de dépôt et de conservation

Le VII du dispositif proposé pour le nouvel article L. 451-1-2 du code monétaire et financier disposerait que « sans préjudice des obligations prévues par le code de commerce, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les modalités de publication, de dépôt et de conservation des documents et informations mentionnés au présent article »(72).

En premier lieu, le dépôt pourraient être effectué par l'intermédiaire de la base de données financière « Sophie » de l'AMF, comme cela serait le cas pour le document récapitulatif prévu par l'article L. 451-1-1.

En second lieu, s'agissant de la publication de ces documents, l'article 21 de la directive 2004/109/CE précitée précise que « l'Etat membre d'origine exige que l'émetteur recourt à des médias dont on puisse raisonnablement attendre une diffusion efficace des informations auprès du public dans l'ensemble de la Communauté. L'Etat membre d'origine ne peut obliger l'émetteur à recourir uniquement à des médias dont les opérateurs sont établis sur son territoire ». Cependant, le III de l'article 8 du présent projet de loi modifierait l'article L. 621-7 du code monétaire et financier qui disposerait que « les modalités d'exécution, par dépôt ou par diffusion par voie de presse écrite et par voie électronique ou par la mise à disposition gratuite d'imprimés, des obligations de publicité et d'information édictées par le présent code au titre de la transparence des marchés financiers et dans le cadre des opérations par appel public à l'épargne » seraient déterminées par l'AMF.

Enfin, s'agissant de la conservation des documents, la directive prévoit, pour les rapports financiers annuel et semestriel, qu'ils restent à la disposition du public pendant cinq ans. Cette durée serait reprise par le règlement général de l'AMF qui fixerait également les modalités de conservation pour l'ensemble des documents. L'archivage pourrait notamment se faire via « Sophie » (73).

E- Les exceptions aux obligations de publication d'informations périodiques

Le I du présent article introduirait dans le code monétaire et financier un nouvel article L. 451-1-4 disposant que les obligations de publication prévues à l'article L. 451-1-2 ne s'appliqueraient pas à certaines catégories d'émetteurs :

les Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen et leurs collectivités territoriales ». En effet, les Etats et les collectivités territoriales, qui sont de gros émetteurs de titres de créance, publient d'ores et déjà un grand nombre d'informations. De plus, exiger dans leur cas la publication d'un rapport de gestion ou de leur chiffre d'affaires n'aurait guère de sens ;

- « la Banque centrale européenne et les banques centrales des Etats [parties à l'accord sur l'Espace économique européen] ». Cette disposition vise des cas particuliers parmi les Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen, notamment les banques centrales belges et grecques dont les actions sont cotées sur un marché réglementé ;

- « Les organismes internationaux à caractère public dont l'un des Etats [parties à l'accord sur l'Espace économique européen] fait partie ». L'exclusion des organismes à caractère public, comme le FMI, la Banque mondiale ou la Banque européenne d'investissement, se fonde sur l'absence de demande en ce domaine de la part des investisseurs. De plus, dans le cas de la BEI, les prêts accordés répondent aussi à une logique politique qui rend malaisée l'application à cette institution des obligations d'information périodique essentiellement comptable ;

- « Les émetteurs de titres de créance inconditionnellement et irrévocablement garantis par l'Etat ou par une collectivité territoriale française ». L'objectif de la directive est de protéger les investisseurs en les informant de manière précise et continue sur le risque de leur investissement, afin de leur permettre à tout instant de prendre la décision d'investissement qui leur semble raisonnable. Or, dès lors que des titres de créance sont garantis par une collectivité publique, le risque de défaillance se déplaçant sur celle-ci, il n'apparaît plus nécessaire d'imposer des obligations de publication d'informations à l'émetteur lui-même ;

- « Les émetteurs dont des titres de créance ont une valeur nominale supérieure ou égale à 50.000 euros et dont aucun autre instrument financier mentionné aux I et II de l'article L. 451-1-2 n'est admis aux négociations sur un marché réglementé ». Cette exception est limitée aux émetteurs de titres de créance d'un montant nominal très élevé. Elle ne concerne concrètement que les émetteurs qui visent non pas un public de particuliers mais des investisseurs professionnels. Dans ce cas, les obligations en matière d'information sont définies contractuellement entre l'investisseur et l'émetteur. La même exception est prévue pour le document du nouvel article L. 451-1-1 du code monétaire et financier.

III.- La rationalisation de la supervision de l'information périodique
au sein de l'Espace économique européen

A.- Le principe d'un superviseur unique

L'objectif de la directive est que chaque émetteur dont des titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ne relève que d'un seul superviseur au sein de l'Espace économique européen. En effet, actuellement, la supervision des émetteurs repose sur le principe de la compétence territoriale des autorités de marchés. Dès lors qu'un émetteur a ses titres admis aux négociations sur un marché règlementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, le superviseur de cet Etat est compétent, quand bien même l'émetteur a des instruments financiers admis aux négociations sur plusieurs autres marchés, ce qui le conduit à relever du contrôle de plusieurs superviseurs qui, jusqu'à l'harmonisation résultant de la directive 2004/109/CE, avaient des exigences différentes de publication d'informations périodiques.

En application du I du dispositif proposé pour le nouvel article L. 451-1-2 du code monétaire et financier, l'Autorité des marchés financiers serait compétente pour superviser le dépôt et la publication du rapport financier annuel, du rapport financier semestriel et de l'information financière trimestrielle « des émetteurs français dont des titres en capital, ou des titres de créance d'une valeur nominale inférieure à 1.000 euros et dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ».

Corollairement, les émetteurs étrangers dont des titres en capital ou des titres de créance d'une valeur nominale inférieure à 1.000 euros et dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen relèveraient, en application du même principe, du contrôle de leur superviseur national, quand bien même ils auraient des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé français.

En effet, dans le cas des émetteurs dont des titres en capital, ou des titres de créance d'une valeur nominale inférieure à 1.000 euros et dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois, la compétence de supervision des obligations de publication d'informations périodiques reviendrait à l'autorité de l'Etat membre dans lequel ces émetteurs ont leur siège statutaire. Ce choix repose sur la considération empirique que le public auquel s'adressent les émetteurs de titres en capital ou d'obligations d'une valeur nominale peu élevée est essentiellement situé dans l'Etat membre où se trouve leur siège social.

Cependant, il subsisterait une exception à ce principe du superviseur unique : les projets de modification des statuts qui, en application du VI du dispositif du nouvel article L. 451-1-2 du code monétaire et financier, seraient communiqués « à l'Autorité des marchés financiers, ainsi qu'aux personnes qui gèrent des marchés réglementés de l'Espace économique européen sur lesquels leurs titres sont admis à la négociation ». En effet, les instruments financiers, pour être admis aux négociations sur un marché réglementé, doivent respecter un certain nombre de conditions, tenant notamment à leur négociabilité. Cette disposition aurait pour objectif de permettre aux autorités des marchés sur lesquels ces titres sont admis aux négociations de veiller à ce que leurs émetteurs respectent toujours les conditions d'admission à celles-ci.

B.- La liberté laissée à certains émetteurs du choix de leur superviseur

Le II du dispositif proposé pour le nouvel article L. 451-1-2 du code monétaire et financier disposerait que le règlement général de l'Autorité des marchés financiers préciserait les cas dans lesquels les émetteurs autres que ceux mentionnés au I seraient soumis aux obligations de déposer auprès de l'AMF les différents rapports et informations.

Afin d'assurer un fonctionnement harmonieux du marché financier européen et de tenir compte des spécificités tenant aux émetteurs de certains instruments financiers, le règlement général de l'AMF, ainsi que les règlements de l'ensemble des autorités de marché de l'Espace économique européen, ouvriraient à certains émetteurs, dans les cas où ils auraient des instruments financiers admis aux négociations sur plusieurs marchés réglementés de l'Espace économique européen, la possibilité de choisir comme superviseur celui de l'Etat où ils ont leur siège statutaire ou celui des Etats membres qui ont admis leurs instruments financiers aux négociations sur un marché réglementé situé sur leur territoire.

Les émetteurs concernés seraient :

- « les émetteurs français dont des titres donnant accès au capital au sens de l'article L. 212-7, ou des titres de créances d'une valeur nominale supérieure ou égale à 1.000 euros et dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois (74) sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ». Cette possibilité de choix n'existerait donc qu'à la condition qu'ils n'émettent aucun titre en capital sur un marché réglementé de l'Espace économique européen ; situation qui entraîne la compétence de l'autorité de marché de l'Etat du siège statutaire. De plus, l'exception au profit des émetteurs de titres donnant accès au capital est largement théorique. En effet, il est très rare que des émetteurs émettent de tels titres sans que l'actif sous-jacent, par exemple une action, soit coté sur un marché. Enfin, la possibilité des émetteurs de titres de créance d'un montant nominal supérieur ou égal à 1.000 euros et dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois de choisir leur superviseur repose sur la constatation que le marché obligataire se concentre essentiellement sur Londres et Luxembourg ;

- « les émetteurs dont le siège est établi hors de France dont [des titres donnant accès au capital au sens de l'article L. 212-7, ou des titres de créances d'une valeur nominale supérieure ou égale à 1.000 euros et dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois] sont admis aux négociations sur un marché réglementé français ». Cette disposition est le corollaire de la possibilité de choix laissée aux émetteurs français de choisir l'autorité de marché d'un autre Etat membre ayant admis les titres susmentionnés sur leur marché réglementé. Les émetteurs étrangers dont les mêmes titres sont admis à la négociation sur un marché français pourraient choisir l'AMF. Cependant, dès lors qu'ils émettent des titres de capital, la compétence reviendrait à l'autorité de l'Etat où est situé leur siège statutaire ;

- « les émetteurs dont le siège est établi hors de l'Espace économique européen dont [des titres en capital, ou des titres de créance d'une valeur nominale inférieure à 1.000 euros et dont l'échéance est supérieure ou égale à douze mois] sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ». Par exemple, les sociétés nord-américaines ou japonaises ayant leurs instruments financiers admis à la négociation sur plusieurs marchés réglementés européens ne seraient donc soumises qu'à une seule supervision au sein de l'Espace économique européen. Bien que les émetteurs des pays tiers, pour des raisons évidentes de simplicité, choisissent généralement de faire coter leurs titres sur un seul marché réglementé, il pourrait arriver que pour des raisons politiques, ou des choix d'alliance, ils soient admis à la négociation sur plusieurs d'entre eux.

Enfin, ainsi que le précise la directive, le choix d'un émetteur « demeure valable pendant au moins trois ans, sauf si ses valeurs mobilières ne sont plus admises à la négociation sur aucun marché réglementé dans la Communauté ». Cette disposition serait reprise dans le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

C.- La neutralisation de «  l'aléa moral »
découlant du principe du superviseur unique

Le principe du superviseur unique au sein de l'Espace économique européen aurait cependant pour conséquence l'apparition d'un phénomène « d'aléa moral ». En effet, un émetteur dont le siège est établi hors de France pourrait avoir des titres admis aux négociations sur le seul marché réglementé français. Or, en application du dispositif prévu par le nouvel article L. 451-1-2 du code monétaire et financier et du principe du superviseur unique, cet émetteur pourrait, dans certains cas, relever de la supervision d'une autre autorité de marché, alors même que le risque serait supporté par des investisseurs sur la place de Paris. Pour cette raison, ce superviseur pourrait moins s'impliquer dans le contrôle des obligations de publication d'informations périodiques de cet émetteur dont la défaillance n'affecterait pas les marchés qui relèvent de son contrôle.

Dans cette situation, le dispositif proposé pour le nouvel article L. 451-1-3 prévoit que « l'Autorité des marchés financiers veille à ce que les émetteurs dont le siège est établi hors de France qui ne sont pas soumis aux obligations définies à l'article L. 452-1-2, et dont les titres mentionnés aux I et II du même article sont admis aux négociations uniquement sur un marché réglementé français publient l'information réglementée au sens de la directive 2004/109/CE du 15 décembre 2994 dans les conditions et selon les modalités prévues par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ».

Alors qu'en application du principe de libre choix du superviseur, l'Autorité des marchés financiers n'aurait plus compétence pour contrôler le respect des obligations d'information périodique des émetteurs susmentionnés, le présent article réintroduirait le principe de compétence territoriale de l'Autorité des marchés financiers, avec cependant une limitation de ses pouvoirs, puisque celle-ci veillerait uniquement au respect des obligations en matière d'information réglementée, sans avoir le pouvoir de définir le contenu de celle-ci, comme le V du dispositif proposé par le nouvel article L. 451-1-2 le prévoit par ailleurs.

L'information réglementée est définie par l'article 2 de la directive comme « toute information que l'émetteur ou tout autre personne ayant sollicité sans le consentement de celui-ci l'admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé, est tenu de communiquer en vertu de la présente directive, de l'article 6 de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché) ou des dispositions législatives, réglementaires ou administratives d'un Etat membre adoptées en vertu de l'article 3 § 1 de la présente directive ».

L'Autorité des marché financiers veillerait donc à ce que les émetteurs concernés publient une information réglementée dont le contenu serait fixé par :

- la directive 2004/109/CE ;

- l'article 6 de la directive 2003/6/CE qui dispose que « les Etats membres veillent à ce que les émetteurs d'instruments financiers rendent publiques, dès que possible, les informations privilégiées qui concernent directement lesdits émetteurs », par ailleurs transposé à l'article 222-3 du règlement général de l'AMF ;

- les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d'un Etat membre adopté en vertu de l'article 3 § 1 de la directive 2004/109/CE, c'est-à-dire la possibilité reconnue à un Etat membre de « soumettre un émetteur à des exigences plus strictes que celles énoncées par la présente directive ».

D.- La possibilité reconnue à l'AMF de dispenser un émetteur de ses obligations de publication d'informations périodiques

Le VIII du dispositif proposé pour le nouvel article L. 451-1-2 dispose que « l'Autorité des marchés financiers peut dispenser les émetteurs dont le siège est établi hors de l'Espace économique européen des obligations définies au présent article si elle estime équivalentes les obligations auxquelles ceux-ci sont soumis. L'Autorité des marchés financiers arrête et publie régulièrement la liste des Etats tiers dont les dispositions législatives ou réglementaires sont estimées équivalentes ».

Cette disposition repose sur l'idée que pour attirer les sociétés des pays tiers sur les marchés réglementés des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen, il conviendrait d'admettre que la supervision de l'information financière par leur autorité nationale de marché offre des garanties équivalentes à celles prévues par la directive 2004/109/CE. En effet, un tel émetteur peut déjà être soumis dans son pays à des obligations de publication d'informations périodiques similaires ou plus contraignantes que celles prévues par la directive. Lui imposer celles-ci non seulement n'améliorerait pas le contrôle mais le ferait hésiter à émettre des instruments financiers sur un marché réglementé de l'Espace économique européen. Cette disposition a donc pour but de renforcer l'attractivité du marché réglementé européen, étant précisé qu'en application du nouvel article L. 451-1-1 du code monétaire et financier, il devrait, dans le cas où il fait appel à l'épargne sur le marché réglementé français, déposer auprès de l'AMF un document qui contient ou mentionne toutes les informations qu'ils ont publiées ou rendues publiques au cours des douze derniers mois dans l'Espace économique européen ou un pays tiers pour satisfaire à leurs obligations législatives ou réglementaires en matière d'instruments financiers, d'émetteurs d'instruments financiers et de marchés d'instruments financiers 

Dans les faits, cette équivalence concernerait les entreprises nord-américaines et japonaises. Si, dans un premier temps, l'AMF établirait seule la liste des Etats tiers dont les dispositions législatives ou réglementaires sont estimées équivalentes, dans un second temps, cette liste serait harmonisée au niveau européen selon la procédure prévue par l'article 23 § 4 de la directive (75).

IV.- Le contrôle du respect des obligations d'information périodique par l'Autorité des marchés financiers et le renforcement des possibilités de coopération internationale

A.- Le pouvoir de contrôle de l'AMF sur le respect des obligations
prévues par le présent article

Le II du présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 621-18 du code monétaire et financier. Afin de mener à bien sa mission de supervision du dépôt et de la publication des informations périodiques des émetteurs dont des instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, l'AMF disposerait d'un certain nombre de prérogatives.

Le premier alinéa de l'actuel article L. 621-18 du code monétaire et financier dispose que l'autorité des marchés financiers « s'assure que les publications prévues par les dispositions législatives ou réglementaires sont régulièrement effectuées par les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ». Le deuxième alinéa dispose quant à lui qu'« elle vérifie les informations que ces sociétés fournissent aux actionnaires ou publient ».

L'un des apports du présent article serait que les mêmes obligations d'information périodique s'appliqueraient à tous les émetteurs, quel que soit leur nature juridique ou leurs instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé. En conséquence, la nouvelle rédaction contiendrait une formulation plus générale. Le premier alinéa du nouvel article L. 621-18 disposerait désormais que « l'autorité des marchés financiers s'assure que les publications prévues par les dispositions législatives ou réglementaires sont régulièrement effectuées par les émetteurs mentionnés à l'article L. 451-1-2 ». De la même manière, le terme « émetteurs » serait substitué à celui de « sociétés » dans les alinéas suivants de l'article.

On remarque cependant qu'il n'est pas fait mention du contrôle par l'AMF des obligations de dépôt et de publication d'informations périodiques découlant des nouveaux articles L. 451-1-1 et L. 451-1-3 du code monétaire et financier.

L'article L. 451-1-1 vise la transposition d'une disposition de la directive « prospectus » et non de la directive « transparence ». En l'absence de dispositions spécifiques dans l'article 8 du présent projet de loi qui transpose la directive « prospectus », il faudrait considérer que ce sont les pouvoirs généraux de contrôle de l'AMF, prévus à l'article L. 621-14 du code monétaire et financier, qui trouveraient à s'appliquer.

L'article L. 451-1-3 vise l'information périodique pour laquelle l'AMF veille à ce qu'elle soit publiée. Il concernerait donc les émetteurs établis à l'étranger pour lesquels le pouvoir de supervision, en application du principe du superviseur unique, serait dévolu à une autre autorité de marché que l'AMF, alors même que leurs instruments financiers seraient cotés uniquement sur le marché réglementé français. Il n'était pas possible de reconnaître à l'AMF, à l'égard de ces émetteurs, les mêmes pouvoirs qu'à l'égard de ceux dont elle est le superviseur. Cependant, l'article 26 de la directive a néanmoins prévu des mesures conservatoires. Dans un premier temps, lorsque l'autorité compétente de l'Etat membre sur un marché réglementé duquel des instruments financiers sont admis aux négociations constate qu'un émetteur ne remplit pas ses obligations, « elle fait part de ses constatations à l'autorité compétente de l'Etat membre d'origine ». Si les mesures prises par celle-ci s'avèrent inadéquates ou non suivies d'effet, l'AMF « après avoir informé l'autorité compétente de l'Etat membre d'origine, prend, dans le respect de l'article 3 § 2 toutes les mesures appropriées pour protéger les investisseurs » (76). L'AMF retrouverait alors le pouvoir général de contrôle qu'elle possède à l'égard des émetteurs pour lesquels elle est compétente. Ces dispositions devraient être réintégrées dans le texte de l'article par un amendement du Gouvernement.

Le troisième alinéa de l'actuel article L. 621-18 du code monétaire et financier dispose que l'Autorité des marchés financiers « peut ordonner [aux sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé] de procéder à des publications rectificatives dans le cas où des inexactitudes ou des omissions auraient été relevées dans les documents publiés. Faute pour les sociétés intéressées de déférer à cette injonction, l'Autorité des marchés financiers peut procéder elle-même à ces publications rectificatives ».

La nouvelle rédaction proposée par le II du présent article comporterait les modifications suivantes :

- en premier lieu, outre des publications rectificatives, l'autorité des marchés financiers aurait désormais le pouvoir d'exiger des publications « complémentaires ». En effet, actuellement, seules sont possibles des publications rectificatives. Or, certaines informations, comme les comptes, ne peuvent faire l'objet de rectification dès lors qu'ils sont adoptés par l'assemblée générale. Des informations par nature complémentaires sont donc appelées rectificatives. La précision terminologique apportée par le présent article aurait donc pour effet de mettre le droit en accord avec la pratique ;

- en deuxième lieu, l'Autorité des marchés financiers ne pourrait procéder elle-même à ces publications rectificatives ou complémentaires « qu'après avoir entendu l'émetteur », ce qui constitue une garantie au bénéfice de celui-ci, en lui donnant l'occasion de se justifier sur les faits qui lui seraient reprochés ;

- enfin dans le cadre de son pouvoir de vérification des informations que les émetteurs publient, l'Autorité des marchés financiers pourrait « exiger des émetteurs, des personnes qui les contrôlent ou sont contrôlées par eux, et de leurs commissaires aux comptes ou contrôleurs légaux ou statutaires, qu'ils fournissent tout documents et informations utiles » (77). L'Autorité des marchés financiers aurait donc un véritable droit de communication dont le champ d'application serait très étendu puisqu'il s'appliquerait aux sociétés mères, aux filiales, à leurs contrôleurs, quels qu'ils soient, et concernerait l'ensemble des documents.

B.- Le renforcement de la coopération
avec les autres autorités européennes de régulation

Corollaire de la poursuite d'un standard européen de transparence, le III du présent article étend les possibilités de coopération entre l'Autorité des marchés financiers et les autres autorités de régulation européennes. Plus précisément, il s'agit de permettre des échanges d'informations confidentielles entre l'AMF et les « entités » auxquelles ses homologues européens auraient délégué certaines compétences.

Dans le domaine financier, les moyens de coopération entre les autorités européennes de régulation ne manquent pas. En 2003, l'AMF a ainsi bénéficié des outils forgés à l'époque de la Commission des opérations de bourse (COB). L'article 3 de loi n° 89-531 du 2 août 1989 avait introduit un article 5 bis dans l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 relative à la COB, plusieurs fois complété depuis et devenu article L. 621-21 du code monétaire et financier. Dans sa rédaction actuelle, son alinéa 2 dispose que l'obligation de secret professionnel qui pèse sur l'AMF (en vertu du II de l'article L. 621-4 (78)) ne fait pas obstacle à la communication des « informations qu'elle détient ou qu'elle recueille à leur demande aux autorités » des États européens qui exercent « des compétences analogues et astreintes aux même obligations de secret professionnel ». Les États en question sont ceux de la Communauté européenne et les autres États membres de l'Espace économique européen (Norvège, Islande et Liechtenstein) (79).

Afin de lever tout obstacle juridique aux échanges d'informations, la loi de sécurité financière n° 2003-706 du 1er août 2003 a précisé que cette transmission se fait par dérogation aux dispositions de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication des documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères. Il a également été ajouté en 2003 que les informations recueillies par l'AMF ne peuvent être divulguées qu'avec « l'accord explicite » des autorités étrangères compétentes qui les ont transmises ou « exclusivement aux fins pour lesquelles ces autorités ont donné leur accord » (alinéa 4 de l'article L. 621-21, transposant l'article 16 de la directive « abus de marché »).

Le III du présent article entend ajouter au deuxième alinéa de l'article L. 621-21 les deux phrases suivantes : « l'Autorité des marchés financiers et ses agents peuvent également échanger des informations confidentielles relatives aux obligations mentionnées aux articles L. 412-1, L. 451-1-2 et L. 451-1-3 avec les entités auxquelles ces autorités ont délégué le contrôle de ces obligations, dès lors que ces entités sont astreintes aux mêmes obligations de secret professionnel. À cette fin, l'Autorité des marchés financiers peut signer des conventions organisant ses relations avec ces entités déléguées ».

Il s'agit de poursuivre la transposition de l'article 25 de la directive « transparence ». Celui-ci prévoit que l'obligation de secret professionnel s'applique à tous ceux qui travaillent ou qui ont travaillé pour l'autorité de régulation compétente et pour les entités auxquelles les autorités compétentes ont éventuellement délégué certaines tâches. Pour autant, cette obligation « n'empêche pas les autorités compétentes de s'échanger des informations confidentielles » (paragraphe 3 de l'article 25).

La principale nouveauté de la modification législative ici proposée est la mention des « entités déléguées ». La directive « transparence » permet en effet aux États membres d'autoriser leurs « autorités administratives compétentes centrales » (80) (l'AMF en France) à déléguer certaines tâches à d'autres autorités. Ces délégations portent généralement sur le contrôle des comptes ou des informations publiées par les entreprises. Le terme « entité » retenu par le présent article est volontairement vague, compte tenu de la diversité des statuts des organismes en cause. Les délégations peuvent être consenties à des autorités publiques, mais la directive précisant que les entités visées n'ont pas nécessairement une nature administrative (article 24 paragraphe 2 et considérant 28), il peut aussi s'agir de personnes privées dans le cadre de délégations de service public.

Le premier État européen où le superviseur boursier a délégué certaines de ses fonctions est le Royaume-Uni. La Financial Services Authority (FSA) a délégué le contrôle des rapports d'information publiés par les entreprises au Financial Reporting Review Panel (FRRP), qui a récemment été doté d'un statut public. Au Danemark, l'autorité administrative centrale (Finantilsynet) délègue la revue des comptes à la chambre de commerce. Les régulateurs suédois (Finansinspektione) et allemand (Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht ou BaFin) délèguent également à des organismes en s'inspirant du modèle britannique.

Dans le cas de la France, l'AMF n'entend pas procéder à ce type de délégation. Mais c'est pour permettre les échanges avec les États qui feraient un tel choix que le présent article vise ces « entités déléguées ». À leur égard est posée la même condition que pour les autorités de régulation : « dès lors que ces entités sont astreintes aux mêmes obligations de secret professionnel ».

Le présent article ajoute que l'AMF peut signer des conventions organisant ses relations avec ces organismes. L'alinéa 6 de l'article L. 621-21 (inchangé) parait en effet insuffisant pour permettre de telles conventions, dès lors qu'il ne concerne que les relations avec les « autorité étrangères exerçant des compétences analogues aux siennes », et non avec leurs délégataires.

Les informations susceptibles d'être échangées seraient celles relatives aux « obligations mentionnées aux articles L. 412-1, L. 451-1-2 et L. 451-1-3 » du code monétaire et financier.

L'article L. 412-1 du code monétaire et financier - réécrit par le I de l'article 8 du présent projet en application de la directive « prospectus » - est relatif aux obligations générales de publicité en cas d'appel public à l'épargne. Selon le IV du présent article, les nouvelles possibilités d'échange d'informations relatives à ces obligations entreraient en vigueur immédiatement, la directive « prospectus » devant être transposée avant le 31 juillet 2005.

Les articles L. 451-1-2 et L. 451-1-3 (81) sont, eux, introduits par le I du présent article en application de la directive « transparence ». Sont donc visées les obligations évoquées précédemment relatives au rapport financier annuel, au rapport financier semestriel, à l'information financière trimestrielle, aux projets de modification des statuts et, pour les émetteurs échappant à l'application de l'article L. 451-1-2, à l'information réglementée au sens de la directive « transparence ».

V.- Entrée en vigueur

L'article 31 de la directive « transparence » fixe aux Etats membres la date du 20 janvier 2007 pour la transposition de ses dispositions. Cependant, comme le présent article propose également la transposition de certaines dispositions de la directive « prospectus », pour laquelle le délai de transposition expire au 1er  juillet 2005, le IV du présent article prévoit une entrée en vigueur en deux phases : à l'exception du nouvel article L. 451-1-1 du code monétaire et financier et des dispositions du III relatives aux obligations mentionnées à l'article L. 412-1 du même code, les dispositions du présent article entreraient en vigueur le 20 janvier 2007.

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La Commission a adopté six amendements rédactionnels présentés par votre Rapporteur général (amendements n°s 45 à 50).

La Commission a adopté l'article 11 ainsi modifié.

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Article 12

Amélioration des règles relatives aux franchissements de seuils.

Texte du projet de loi :

I. - Le I de l'article L. 233-3 du code de commerce est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société. »

II. - L'article L. 233-7 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 233-7. - I. - Lorsque les actions d'une société ayant son siège sur le territoire de la République sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un marché d'instruments financiers admettant aux négociations des actions pouvant être inscrites en compte chez un intermédiaire habilité dans les conditions prévues par l'article L. 211-4 du code monétaire et financier, toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, du tiers, de la moitié, des deux tiers ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote informe la société dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d'actions ou de droits de vote qu'elle possède.

« L'information mentionnée à l'alinéa précédent est également donnée dans les mêmes délais lorsque la participation en capital ou en droits de vote devient inférieure aux seuils mentionnés par cet alinéa.

« La personne tenue à l'information prévue au premier alinéa précise le nombre de titres qu'elle possède donnant accès à terme au capital ainsi que les droits de vote qui y sont attachés.

« II. - La personne tenue à l'information mentionnée au I informe également l'Autorité des marchés financiers, dans un délai et selon des modalités fixées par son règlement général, à compter du franchissement du seuil de participation, lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un marché d'instruments financiers autre qu'un marché réglementé, à la demande de la personne qui gère ce marché d'instruments financiers. Cette information est portée à la connaissance du public dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

« Le règlement général précise également les modalités de calcul des seuils de participation.

« III. - Les statuts de la société peuvent prévoir une obligation supplémentaire d'information portant sur la détention de fractions du capital ou des droits de vote inférieures à celle du vingtième mentionnée au I. L'obligation porte sur la détention de chacune de ces fractions, qui ne peuvent être inférieures à 0,5 % du capital ou des droits de vote.

« IV. - Les obligations d'information prévues aux I, II et III ne s'appliquent pas aux actions :

« 1° Acquises aux seules fins de la compensation, du règlement ou de la livraison d'instruments financiers, dans le cadre habituel du cycle de règlement à court terme défini par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

« 2° Détenues par les teneurs de comptes conservateurs dans le cadre de leur activité de tenue de compte et de conservation ;

« 3° Détenues par un prestataire de services d'investissement dans son portefeuille de négociation au sens de la directive 93/6/CE à condition que ces actions ne représentent pas une quotité du capital ou des droits de vote de l'émetteur de ces titres supérieure à un seuil fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers et que les droits de vote attachés à ces titres ne soient pas exercés ni autrement utilisés pour intervenir dans la gestion de l'émetteur ;

« 4° Remises aux membres du Système européen de banques centrales ou par ceux-ci dans l'exercice de leurs fonctions d'autorités monétaires, dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

« V. - Les obligations d'information prévues aux I, II et III ne s'appliquent pas :

« 1° Au teneur de marché lors du franchissement du seuil du vingtième du capital ou des droits de vote dans le cadre de la tenue de marché, à condition qu'il n'intervienne pas dans la gestion de l'émetteur dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

« 2° Lorsque la personne mentionnée aux I et II est contrôlée au sens de l'article L. 233-3 et que l'entité qui la contrôle est soumise à l'obligation prévue aux I et II pour les actions détenues par cette personne ou que cette entité est elle-même contrôlée au sens de l'article L. 233-3 et que l'entité qui la contrôle ainsi est elle-même soumise à l'obligation prévue aux I et II pour ces mêmes actions.

« VI. - En cas de non-respect de l'obligation d'information mentionnée au III, les statuts de la société peuvent prévoir que les dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 233-14 ne s'appliquent qu'à la demande, consignée dans le procès-verbal de l'assemblée générale, d'un ou plusieurs actionnaires détenant une fraction du capital ou des droits de vote de la société émettrice au moins égale à la plus petite fraction du capital dont la détention doit être déclarée. Cette fraction ne peut toutefois être supérieure à 5 %.

« VII. - Lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé, la personne tenue à l'information prévue au I est tenue de déclarer, à l'occasion des franchissements de seuil du dixième ou du cinquième du capital ou des droits de vote, les objectifs qu'elle a l'intention de poursuivre au cours des douze mois à venir. Cette déclaration précise si l'acquéreur agit seul ou de concert, s'il envisage d'arrêter ses achats ou de les poursuivre, d'acquérir ou non le contrôle de la société, de demander sa nomination ou celle d'une ou plusieurs personnes comme administrateur, membre du directoire ou du conseil de surveillance. Elle est adressée à la société dont les actions ont été acquises et à l'Autorité des marchés financiers dans un délai de dix jours de bourse. Cette information est portée à la connaissance du public dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. En cas de changement d'intention, lequel ne peut être motivé que par des modifications importantes dans l'environnement, la situation ou l'actionnariat des personnes concernées, une nouvelle déclaration doit être établie, communiquée à la société et à l'Autorité des marchés financiers et portée à la connaissance du public dans les mêmes conditions. »

III. - L'article L. 233-8 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 233-8. - I. - Au plus tard dans les quinze jours qui suivent l'assemblée générale ordinaire, toute société par actions informe ses actionnaires du nombre total de droits de vote existant à cette date. Dans la mesure où, entre deux assemblées générales ordinaires, le nombre de droits de vote varie d'un pourcentage fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie, par rapport au nombre déclaré antérieurement, la société, lorsqu'elle en a connaissance, informe ses actionnaires.

« II. - Les sociétés dont des actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé publient chaque mois le nombre total de droits de vote et le nombre d'actions composant le capital de la société s'ils ont varié par rapport à ceux publiés antérieurement, dans des conditions et selon des modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. Ces sociétés sont réputées remplir l'obligation prévue au I. »

IV. - L'article L. 233-9 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 233-9. - I. - Sont assimilés aux actions ou aux droits de vote possédés par la personne tenue à l'information prévue au I de l'article L. 233-7 :

« 1º Les actions ou les droits de vote possédés par d'autres personnes pour le compte de cette personne ;

« 2º Les actions ou les droits de vote possédés par les sociétés que contrôle cette personne au sens de l'article L. 233-3 ;

« 3º Les actions ou les droits de vote possédés par un tiers avec qui cette personne agit de concert ;

« 4º Les actions ou les droits de vote que cette personne, ou l'une des personnes mentionnées aux 1º à 3º ci-dessus est en droit d'acquérir à sa seule initiative en vertu d'un accord ;

« 5° Les actions dont cette personne a l'usufruit ;

« 6° Les actions ou les droits de vote possédés par un tiers avec lequel cette personne a conclu un accord de cession temporaire portant sur ces actions ou droits de vote ;

« 7° Les actions déposées auprès de cette personne, à condition que celle-ci puisse exercer les droits de vote qui leur sont attachés comme elle l'entend en l'absence d'instructions spécifiques des actionnaires ;

« 8° Les droits de vote que cette personne peut exercer librement en vertu d'une procuration en l'absence d'instructions spécifiques des actionnaires concernés.

« II. - Ne sont pas assimilées aux actions ou aux droits de vote possédés par la personne tenue à l'information prévue au I de l'article L. 233-7 :

« 1° Les actions détenues par les organismes de placement collectif en valeurs mobilières gérés par une société de gestion de portefeuille contrôlée par cette personne au sens de l'article L. 233-3, sauf exceptions prévues par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

« 2° Les actions détenues dans un portefeuille géré par un prestataire de services d'investissement contrôlé par cette personne au sens de l'article L. 233-3, dans le cadre du service de gestion de portefeuille pour compte de tiers dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, sauf exceptions prévues par le même règlement général. »

Exposé des motifs du projet de loi :

La publication des déclarations de franchissement de seuils permet d'informer le public de l'évolution de l'actionnariat des sociétés cotées. A cet égard, l'article 12 vise tout d'abord à accroître la fréquence de ces déclarations en introduisant trois nouveaux seuils afin de mieux informer le marché. Il prévoit également de soumettre aux obligations de déclaration de franchissement de seuils de nouvelles personnes qui, compte tenu de l'innovation et de la sophistication sur les marchés financiers, pourraient aujourd'hui parvenir à avoir une influence significative sur une société sans que les marchés en soient informés. Il aménage enfin et rend moins contraignantes les déclarations de franchissement de seuils pour certaines activités qui excluent au contraire toute volonté d'influencer la stratégie d'une entreprise, comme les activités d'arbitrage et de négociation pour compte propre des entreprises d'investissement dans leur portefeuille de négociation.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de moderniser les règles relatives aux déclarations de franchissement de seuils de participation permettant d'informer le public de l'évolution de l'actionnariat des sociétés cotées, en procédant à la transposition des dispositions afférentes de la directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2004, dite « transparence », sur l'harmonisation des obligations de transparence concernant l'information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE. A cet effet, trois nouveaux seuils de déclaration de franchissement dans la détention du capital ou des droits de vote d'une société seraient introduits (15, 25 et 95%) tandis que les modalités de calcul des participations seraient aménagées afin d'adapter le dispositif législatif à l'évolution des produits et des pratiques des marchés financiers.

Le bon fonctionnement des marchés financiers repose sur deux piliers : la sécurité et la transparence. La confiance des investisseurs implique, en effet, leur bonne compréhension de la situation des sociétés et de leurs perspectives d'évolution. La répartition du capital et/ou des droits de vote est, dans ce contexte, l'une des premières informations auxquelles les investisseurs doivent avoir accès pour pouvoir corriger ou conforter leurs appréciations boursières. C'est à cette fin que la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales a introduit des articles devenus les articles L. 233-6 et suivants du code de commerce (section II Des notifications et des contrôles du Chapitre III Des filiales, des participations et des sociétés contrôlées du Titre III Dispositions communes aux diverses sociétés commerciales du Livre deuxième Des sociétés commerciales et des groupements d'intérêt économique) déterminant un régime de déclaration obligatoire des franchissements de certains seuils de participation dans les sociétés par actions afin de faire connaître aux sociétés concernées et au public l'acquisition et la cession de participations d'une certaine importance.

A.- Les sociétés dont la détention d'actions est soumise aux déclarations
de franchissement de seuils

1.- Le droit existant

La loi de 1966 précitée a tout d'abord limité le champ des sociétés dont les actionnaires sont soumis aux obligations de déclaration de franchissement de seuils aux seules sociétés cotées ayant leur siège sur le territoire de la République. La loi n° 85-705 du 12 juillet 1985 a ensuite étendu cette obligation d'information à toute prise de participation, qu'elle soit détenue dans des sociétés cotées ou non, l'intention du législateur étant alors de mettre fin aux excès de l'« autocontrôle ».

Le XV de l'article 51 de l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales, ratifiée par le XXVII de l'article 78 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, a pour son part introduit une distinction selon la nature du marché aux négociations duquel sont admis les titres donnant lieu à obligation d'information.

L'obligation d'information des franchissements de seuils à l'attention de la société dont la répartition du capital ou des droits de vote est affectée a été étendue par l'ordonnance précitée. Désormais, aux termes de l'article L. 233-7 du code de commerce, les actions concernées par l'obligation de déclaration sont celles « inscrites en compte chez un intermédiaire habilité dans les conditions prévues par l'article L. 211-4 du code monétaire et financier ». Cette référence vise à la fois les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé et celles dont les titres sont admis aux opérations d'un dépositaire central.

Il faut rappeler que l'article L. 211-4 du code précité, modifié par le II de l'article 52 de l'ordonnance de 2004 précitée, impose aux valeurs mobilières émises sur le territoire français et soumises à la législation française, quelle que soit leur forme (l'acception de valeurs mobilières couvrant non seulement les actions, les obligations et les titres participatifs, mais aussi les droits négociables détachés de ces titres, par exemple les droits de souscription et les droits d'attribution) d'être représentées par une inscription en compte ouvert au nom de leur propriétaire et définit deux modalités de tenues de ces comptes.

Les titres des sociétés par actions qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé (à la bourse de Paris Eurolist (anciens premier et second marchés), à l'exception des actions de SICAV, doivent généralement être inscrits à un compte tenu chez lui par l'émetteur au nom du propriétaires de titres.

Toutes les autres valeurs mobilières doivent être inscrites dans un compte ouvert au nom du propriétaire tenu par un intermédiaire financier (établissement de crédit ou entreprise d'investissement) habilité par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Cet intermédiaire conserve les avoirs correspondants soit dans ses coffres, soit dans des comptes courants ouverts à son nom auprès du dépositaire central. On peut rappeler à ce stade que le dépositaire central (aujourd'hui Euroclear France, ancien Sicovam SA, dont il convient de remarquer qu'il ne dispose pas du monopole de l'activité de dépositaire central, l'AMF pouvant habiliter d'autres organismes à cet effet) est pour sa part chargé d'assurer la circulation par virement entre ses adhérents (exclusivement des intermédiaires affiliés) des valeurs titres qu'ils détiennent pour le compte de leurs clients, jouant le même rôle que celui tenu par la Banque de France pour les espèces.

Or, le troisième alinéa de l'article L. 211-4 précité autorise désormais l'admission de titres de sociétés non admises aux négociations sur un marché réglementé aux opérations du dépositaire central, ce qui permet l'inscription des titres en compte chez un intermédiaire habilité dès lors que cette option est prévue dans les statuts de la société émettrice. Cette faculté permettra à des sociétés de se conformer aux dispositions relatives à la transparence financière sans souhaiter accéder pour autant à un marché financier.

- En revanche, l'information obligatoire de l'AMF et du public lors des franchissements de seuils est restée limitée aux actions des sociétés admises aux négociations sur un marché réglementé.

2.- Les modifications proposées

Les modifications proposées par le présent article s'agissant du champ des sociétés dont les actionnaires sont soumis aux déclarations de franchissement de seuils ont principalement pour objet d'intégrer dans le régime des déclarations le marché organisé Alternext.

Euronext, l'entreprise de marché qui gère les marchés de la bourse de Paris, a en effet annoncé, le 14 avril, la création d'un nouveau marché, dit « organisé », en quelque sorte intermédiaire entre les marchés réglementés et les marchés de gré à gré, dont l'objet est de concilier l'existence d'un cadre réglementaire assoupli par rapport aux marchés réglementés, afin d'offrir aux petites et moyennes entreprises les moyens d'accéder aux marchés financiers, avec la garantie aux investisseurs d'une transparence et d'un contrôle de l'information qui n'existent pas dans les marchés de gré à gré.

Ainsi, le II du présent article propose de modifier la rédaction de l'article L. 233-7 du code de commerce, conformément aux dispositions de la directive transparence précitée, afin d'actualiser le champ de l'obligation de déclaration des franchissements de seuils :

- s'agissant de l'information des sociétés dont l'actionnariat est affecté par ces franchissements, aux actions des sociétés « admises aux négociations sur un marché [...] admettant aux négociations des actions pouvant être inscrites en compte chez un intermédiaire habilité dans les conditions prévues par l'article L 211-4 du code monétaire et financier », ce qui recouvre les sociétés qui, sans accéder à un marché réglementé, souhaitent user de la faculté décrite plus haut ;

- seraient, en outre, soumis à l'obligation de déclaration de franchissement à l'AMF et au public les actionnaires des sociétés admises aux négociations « sur un marché d'instruments financiers autre qu'un marché réglementé, à la demande de la personne qui gère ce marché », ce qui vise les marchés organisés décrits ci-dessus dont le gestionnaire souhaiterait apporter cette garantie aux actionnaires.

B.- Les modalités de calcul des franchissements de seuils

1.- Le numérateur : les titres détenus par l'actionnaire soumis
à l'obligation de déclaration

a) Les titres assimilés à ceux personnellement détenus

Afin de déterminer la fraction du capital détenue par un actionnaire, il est nécessaire de déterminer le nombre d'actions ou de droits de vote dont il dispose, que ce soit directement ou indirectement. Il convient à cet égard de remarquer que dans le droit français (les dispositions communautaires se contentent d'imposer une surveillance des seuls droits de vote), la déclaration de franchissement de seuil est requise lorsque les seuils sont franchis non seulement en capital mais aussi en droits de vote. Par suite, lorsque le nombre des droits de vote ne correspond pas au nombre des actions - ce qui est pratiquement toujours le cas dans les sociétés cotées - les actionnaires doivent opérer un double contrôle systématique (en capital et en droit de vote) de leurs participations.

· Dans la mesure où l'objet de la procédure est d'informer sur l'influence réelle dont dispose l'actionnaire dans la gestion de la société, l'article L. 233-9 du code de commerce introduit par la loi n° 89-531 du 2 août 1989 en transposition de la directive 88/627 du Conseil du 12 décembre 1988 énumère les titres détenus dans le cadre de situations ou contrats particuliers qui doivent être assimilés à des actions détenues personnellement par l'actionnaire et, par voie de conséquence, être pris en compte dans le calcul des seuils. Ces titres sont :

- les actions ou droits de vote possédés par d'autres personnes pour le compte de la personne soumise à l'obligation de déclaration de franchissement de seuil. Cette hypothèse recouvre les conventions de prête-nom, au moyen desquelles le prête-nom agit de façon simulée en son nom propre, mais en réalité pour le compte d'une autre personne, les conventions de portage de titre et les mandats de gestion ;

- les actions ou droits de vote possédés par les sociétés que contrôle cette personne. La notion de contrôle est clairement définie à l'article L. 233-3 du code de commerce, aux termes duquel un actionnaire est considéré comme contrôlant une société au sens de cet article lorsqu'il détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de la société, lorsqu'il dispose seul de la majorité des droits de vote dans la société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ou lorsqu'il détermine, en fait, par les droits de vote dont il dispose, les décisions aux assemblées générales de cette société. Il convient, en outre, d'ajouter une présomption de contrôle lorsque la personne dispose, directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40% et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.

A cet égard, il est subsidiairement proposé, au I du présent article de compléter la définition de la notion de contrôle en ajoutant une nouvelle éventualité constitutive de contrôle (4°) lorsque la société (qui dès lors contrôle) est associée ou actionnaire d'une autre société (dès lors contrôlée) et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société.

- les actions ou droits de vote possédés par un tiers avec qui la personne agit de concert. A cet égard, l'article L. 233-10 du code de commerce dispose que sont considérées comme agissant de concert les personnes qui, pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société, ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer des droits de vote. Dans ce contexte, les personnes agissant de concert sont tenues à déclaration, que le franchissement de seuil résulte de l'initiative d'une seule ou de plusieurs d'entre elles. Dès lors, afin de déterminer si un seuil a été franchi, il faut ajouter au numérateur de la fraction détenue par le « concertiste » le nombre des actions ou des droits de vote détenus par chacun des membres du concert (que ce soit directement ou indirectement via les hypothèses envisagées à l'article L. 233-9 précité) ;

- les actions ou droits de vote que cette personne ou l'une des personnes mentionnées dans les trois premières hypothèses sont en droit d'acquérir à leur seule initiative en vertu d'un accord. Sont ici visés les actions et les droits de vote pouvant être acquis à tout moment, par l'exercice d'une option, par la personne concernée, ses mandataires, les sociétés contrôlées par elle et les personnes agissant de concert avec elle (notamment les contrats optionnels, les options négociables, les options d'achat et de souscription d'actions, les valeurs mobilières composées donnant droit à l'attribution d'action ou de droit de vote à tout moment (82)). Dans ce cas, la déclaration doit être faite par l'acquéreur éventuel au moment de la conclusion de l'accord lorsque le bénéficiaire peut lever l'option sans délai préalable (ce qui impose, le cas échéant, une nouvelle déclaration de franchissement de seuil à la baisse si l'option n'est pas levée), à défaut la déclaration étant reportée à la date à laquelle s'ouvre la possibilité de lever l'option.

· L'article 2 de la directive « transparence » précitée a étendu le champ des hypothèses d'assimilation d'actions afin de mieux prendre en compte des situations permettant aux actionnaires d'exercer indirectement une influence significative sur la société sans que les marchés en soient aujourd'hui informés. Il est ainsi proposé, au IV du présent article, de reprendre les dispositions de l'article L. 233-9 dans sa rédaction actuelle en les complétant par quatre nouvelles hypothèses d'assimilation :

- Les actions dont la personne soumise à l'obligation de déclaration de seuils a l'usufruit. L'intégration de l'usufruit, imposée par la directive, semble en effet cohérente : dans la mesure où l'usufruitier (qui a droit aux fruits des actions, c'est-à-dire au dividende) dispose, en principe, du droit de vote en assemblée générale ordinaire, il lui est en effet loisible d'exercer une influence sur la gestion de la société, quand bien même le nu-propriétaire conserve le droit de vote dans les assemblées extraordinaires. Il faut en outre souligner que cette répartition des votes, pour être très usuelle, ne revêt pas pour autant un caractère impératif, les statuts de la société pouvaient prévoir des modalités d'attribution différente ou s'en remettre au libre choix des intéressés.

- Les actions ou les droits de vote possédés par un tiers avec lequel la personne a conclu un accord de cession temporaire portant sur ces actions ou ces droits de vote. Cette formulation, qui est celle de la directive « transparence » précitée, apporte une clarification : en effet, on l'a vu, les options négociables sont couvertes par l'obligation de déclarer actions ou droits de vote que cette personne ou l'une des personnes mentionnées dans les trois premières hypothèses sont en droit d'acquérir à leur seule initiative en vertu d'un accord. Il en avait été déduit que, lorsqu'un actionnaire conclut un accord de cession assorti d'un délai préalable, la déclaration ne peut être réalisée qu'une fois passé ce délai, lorsque l'option peut être librement exercée (83). Il apparaît opportun, afin de parfaire la publicité sur l'étendue réelle de la participation des actionnaires, de comptabiliser ces actions dès la date de la conclusion de l'accord de cession temporaire.

- les actions déposées auprès de la personne, à condition que celle-ci puisse exercer les droits de vote qui leur sont attachés comme elle l'entend en l'absence d'instructions spécifiques des actionnaires. Le dépositaire est la société de bourse ou l'établissement financier qui a pour mission la gestion administrative des titres et leur conservation, assurant tout encaissement ou paiement au regard des titres qu'il conserve (dans le cas d'un dépôt de billets-parts d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), le dépositaire s'assure également de la régularité des décisions prises par l'OPCVM) et vérifiant l'intégrité des titres. Le dépositaire est ainsi en quelque sorte le « notaire » de l'inscription des droits de propriété s'agissant des valeurs mobilières. La directive « transparence » précitée a prévu le cas, semble-t-il, selon les informations communiquées à votre Rapporteur général par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, inexistant à ce jour dans le droit français, où le dépositaire serait en mesure d'exercer les droits de vote attachés aux actions dont il assure la conservation.

- les droits de vote que la personne peut exercer librement en vertu d'une procuration en l'absence d'instructions spécifiques des actionnaires concernés. Il convient en effet de rappeler qu'à défaut d'assister personnellement aux assemblées générales, les actionnaires ont la faculté de voter à distance, d'adresser une procuration à la société sans indication de mandataire (pouvoir en blanc en vertu duquel est émis au nom de l'actionnaire un vote favorable à l'adoption des projets de résolution présentés ou agréés par le conseil d'administration) ou de donner une procuration à un autre actionnaire, assortie ou non d'instructions spécifiques. Ce dernier cas peut conduire à conférer à un ou des actionnaire(s) qui bénéficie(nt) de nombreuses procurations d'exercer une influence sans commune mesure avec les actions qu'ils détiennent directement. C'est pourquoi la directive « transparence » précitée, dont les termes sont ici repris, prévoit l'assimilation de ces procurations aux actions donnant lieu à déclaration de franchissement de participations.

b) Les titres non assimilés à ceux personnellement détenus

En contrepartie de la meilleure prise en compte des situations conférant à des actionnaires une influence importante dans la gestion de l'entreprise qui doivent être intégrées dans le champ des actions et droits de vote soumis aux obligations de franchissement de seuils, la directive « transparence » précitée a exclu certains types de détention directe ou indirecte d'actions qui, dans la mesure où ils sont redondants ou excluent toute faculté ou volonté d'influencer la stratégie de l'entreprise, ne justifient pas leur maintien dans le calcul des seuils.

A cette fin, il est proposé au IV du présent article d'introduire un II à l'article L. 233-9 du code de commerce afin d'aménager deux exceptions à la prise en compte dans le calcul des actions ou droits de vote soumises aux déclarations de franchissement de seuils.

- Tout d'abord, il est proposé de ne pas assimiler aux actions possédées par une même personne les actions détenues par les OPCVM gérées par une société de gestion contrôlée par cette personne (84). La loi n° 2003-706 du 1er août 2003 sur la sécurité financière a en effet introduit un 8° nouveau à l'article L. 533-4 du code monétaire et financier disposant que les sociétés de gestion de portefeuille, dans les assemblées d'actionnaires ont l'obligation d'exercer les droits de vote des actions détenues par les OPCVM qu'elles gèrent dans l'intérêt exclusif des actionnaires ou des porteurs de parts de ces organismes ou, lorsqu'elles n'exercent pas ces droits de vote, d'expliquer à ceux-ci leurs motifs. Dès lors, puisque la société de gestion ne peut en aucune manière agir pour son compte propre ou pour celui de la personne qui la contrôle, il n'apparaît pas nécessaire de comptabiliser parmi les actions ou droits de vote détenus par cette personne donnant lieu à déclaration de franchissement de seuil les actions ou droits de vote détenus par la société de gestion qu'elle contrôle. En tout état de cause, les sociétés de gestion elles-mêmes restent, comme il est naturel, tenues à déclaration pour l'ensemble des titres des fonds qu'elles gèrent (article L. 214-32 du code monétaire et financier pour les fonds communs de placement).

La rédaction proposée ménage cependant la possibilité d'exceptions « prévues par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ». Sont ici principalement visés les fonds de placement dédiés avec un seul porteur de parts qui contrôle lui-même la société de gestion du fonds. Dans cette hypothèse, il apparaît que la société de gestion exerçant les droits de vote dans l'intérêt exclusif de la personne qui précisément la contrôle, cette dernière doit être considérée, s'agissant des déclarations de seuils, comme le réel titulaire des droits de vote ou des actions.

- Un traitement comparable est proposé pour les actions détenues par un prestataire de services d'investissement contrôlé par la personne soumise aux déclarations de seuils, « dans le cadre du service de gestion de portefeuille pour compte de tiers » dans les conditions fixées par le règlement général de l'AMF. Dès lors, en effet, que le prestataire se contente d'exercer les droits de vote au profit exclusif de ses clients, il apparaît superflu d'imposer à la personne qui contrôle ce prestataire de comptabiliser les actions détenues par ce dernier dans le calcul de sa participation effective une société.

c) Les titres écartés de l'obligation de déclaration de franchissement de seuil

En parallèle, il est proposé, au II du présent article, de ne pas prendre en compte pour le calcul des seuils des actions ou des droits de vote dont la comptabilisation n'est pas révélatrice d'une réelle influence dans la société concernée pour des raisons tenant à la nature et à l'objet de la détention de ces actions ou à l'identité du détenteur.

· L'article L. 233-7 du code de commerce serait ainsi complété par un IV disposant que les obligations de déclaration de seuils ne s'appliquent pas aux actions (hormis le cas où les droits de vote, qui ne sont pas en principe exercés par leurs possesseurs dans ces cas de figure le deviendraient) acquises et détenues à quatre titres.

- Dans le cadre des activités d'administration des actions (« activités post-marchés ») (1° du IV précité). Les valeurs mobilières se transmettent en effet de compte à compte selon des procédures d'enregistrement, de compensation, de règlement et de livraison déterminées par le cycle de règlement à court terme défini par le règlement général de l'AMF, auquel il est d'ailleurs proposé d'expressément se référer. A titre d'exemple, en cas de cession de valeurs mobilières sur un marché réglementé, le transfert de propriété intervient au moment de l'inscription des titres au compte de l'acheteur. Cependant, le transfert d'une action d'un compte titre à un autre chez un intermédiaire habilité (voir plus haut) peut précéder le règlement par l'acheteur de la valeur de l'action : il apparaît dans ces conditions superflu d'assujettir l'intermédiaire habilité à l'obligation de déclaration de seuils pour des actions qu'il ne détient que provisoirement dans l'attente de l'inscription en compte titre du nouveau propriétaire.

- Comme on l'a vu plus haut, les actions doivent être inscrites en compte auprès d'un intermédiaire habilité. Il apparaît inopportun de soumettre ces derniers, dans leur stricte activité de tenue de comptes titres et de conservation, aux obligations de déclaration de franchissement de seuils. Bien que, dans la pratique, ce type d'activités ne donne aujourd'hui pas lieu à déclaration de franchissement de seuils, le texte de la directive « transparence » précitée impose de mentionner expressément cette dérogation (2° du IV précité).

- La directive « transparence » précitée ouvre par ailleurs la possibilité aux Etats membres de prévoir que ne sont pas prises en compte dans le calcul des déclarations de seuil, les actions détenues par un prestataire d'investissement dans son portefeuille de négociation au sens de la directive 93/6/CEE du Conseil du 15 mars 1993 sur l'adéquation des fonds propres des entreprises d'investissement et des établissements de crédit. Il est proposé d'exercer cette option. Le portefeuille de négociation, notion prudentielle introduite par ladite directive sur laquelle sont assises les règles prudentielles et de solvabilité, comprend les positions en titres et autres instruments financiers détenus par des prestataires d'investissement à des fins commerciales et exposés principalement aux risques de marché et aux risques liés à certains services financiers fournis au client. Dans la mesure où les actions détenues dans ce portefeuille sont gérées à des fins commerciales, il est apparu opportun de les exclure du calcul des participations effectives tout en encadrant cette exclusion par les deux conditions imposées par la directive « transparence » précitée : les droits de vote détenus dans le portefeuille à l'égard de chaque société émettrice de ces titres ne pourraient pas dépasser un seuil fixé par le règlement général de l'AMF, qui ne pourra en tout état de cause être supérieur au plafond de 5% déterminé par la directive ; les droits de vote attachés à ces titres ne sauraient être exercés « ni autrement utilisés » (ce qui vise l'abstention éventuelle lorsqu'elle a pour objet de concourir à un objectif déterminé) pour intervenir dans la gestion de l'émetteur.

- Une dernière précision est apportée par la directive s'agissant des actions remises aux membres du Système européen de banques centrales de la zone euro. Dans l'exercice quotidien de leurs missions sur le marché interbancaire, les banques centrales sont, en effet, amenées à détenir des actions, à l'occasion des prises en pension en particulier (grâce auxquelles les établissements bancaires cèdent, en échange de monnaie banque centrale, des titres à la banque centrale qu'ils s'engagent à racheter à court terme). Soumettre les banques centrales à des déclarations de franchissement de seuils au titre de ces actions qu'elles ont d'ailleurs pour vocation de ne détenir qu'à court terme n'aurait guère de sens (et la Banque de France ne s'est à cet égard jamais soumise à ces obligations). Il est proposé de reprendre les dispositions de la directive, lesquelles limitent par ailleurs légitimement l'exclusion des déclarations aux actions détenues « dans l'exercice des fonctions d'autorités monétaires ».

· Il est proposé parallèlement d'exclure deux types d'actionnaires de tout ou partie des obligations de déclaration de franchissement de seuils, conformément à la directive transparence précitée, en introduisant un V à l'article L. 233-7 précité.

En premier lieu, il est apparu au législateur communautaire que la détention d'actions par les teneurs de marché, lorsqu'elle porte sur un montant raisonnable du capital d'une société, ne justifie pas d'entrer dans le dispositif de déclaration de seuil dans la mesure où elle n'a aucune incidence sur la gestion de la société et ne reflète pas une réelle position d'investisseur. Les teneurs de marché sont les opérateurs ou les établissements intervenant sur les marchés financiers pour leur compte propre de manière continue en rendant en permanence publics les prix d'achat et de vente de certains titres qu'ils proposent pour des quantités données, afin de contribuer à la liquidité du titre sur le marché (ils interviennent en particulier fréquemment lors des introductions en bourse, afin de stabiliser le cours et d'apporter une garantie de revente aux actionnaires). Bien que leur intervention ait précisément pour objet de ne porter que sur une fraction modérée du capital des sociétés, le cas n'est guère isolé où ils sont conduits à franchir le premier seuil de déclaration de 5% sans que cela ne révèle en rien un comportement d'investisseur. Il est donc proposé de les exonérer de l'obligation de déclaration du franchissement du seuil des 5%, dans le seul cadre de leurs activités de tenue de marché et sous la garantie qu'ils n'interviennent pas dans la gestion de l'émetteur des titres.

En second lieu, il apparaît que la prise en compte de la détention indirecte des actions d'une société peut conduire (voir plus haut), en cas de contrôles en chaîne, à une multiplication des notifications pour une seule prise de participation. Par exemple, une société A contrôle une société B qui contrôle une société C. Si cette société C vient prendre, dans une société cotée D, une participation significative entraînant franchissement de seuil, les trois sociétés A, B et C devront notifier à la société D le nombre d'actions qu'elles détiennent directement ou indirectement (par l'intermédiaire de C en ce qui concerne A et B) dans son capital. Ces déclarations en chaîne conduisent à une multiplication des procédures sans apporter des éléments d'information réellement pertinents tant à la société dont la répartition du capital est affectée qu'au public. Il est par conséquent proposé, conformément aux dispositions de la directive « transparence » précitée, de limiter la déclaration à la personne en bout de chaîne du contrôle (dans l'exemple plus haut, la personne A dont la déclaration dispense les sociétés B et C de l'obligation de déclarer les franchissements de seuils dans la société D).

2.- Le dénominateur : le total des titres de la société dont l'actionnariat évolue

Afin qu'ils puissent calculer les seuils éventuellement franchis, les actionnaires doivent pouvoir connaître le nombre total de droits de vote existant dans la société.

· L'article L. 233-8 du code de commerce prévoit, à cette fin, une obligation d'information incombant aux émetteurs de façon à permettre à leurs actionnaires de calculer leurs seuils de participation :

- chaque année, à l'issue de l'assemblée générale ordinaire, toute société par action doit informer ses actionnaires du nombre total de droits de vote existant à cette date ;

- lorsqu'en cours d'exercice, le nombre de droits de vote varie d'un pourcentage fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie (aujourd'hui 5%) par rapport au dernier nombre déclaré, la société doit en informer les actionnaires dès qu'elle en a connaissance et, si elle est admise aux négociations sur un marché réglementé, adresser cette information à l'AMF, le règlement général de l'AMF fixant les conditions dans lesquelles cette information est portée à la connaissance du public (publication par avis au Bulletin des annonces légales obligatoires BALO).

· Conformément à l'article 15 de la directive « transparence » précitée, il est proposé de préciser les règles relatives à l'information des actionnaires sur le capital et les droits de vote des sociétés.

L'obligation de la publication des droits de vote des sociétés par actions dans les quinze jours qui suivent l'assemblée générale serait maintenue dans ses termes actuels dans le nouveau I de l'article L. 233-8.

Un II serait introduit concernant les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé afin :

- de « mensualiser » l'information sur l'évolution du capital et des droits de vote, comme l'impose la directive précitée qui précise que « l'État membre d'origine exige au moins que l'émetteur rende public le total du nombre des droits de vote et du capital à la fin de chaque mois civil au cours duquel une augmentation ou une baisse de ce total s'est produite ». Il est ainsi proposé d'imposer aux sociétés cotées de publier chaque mois ce nombre total s'il a varié par rapport au dernier total publié, ce qui apporte une précision par rapport au seuil déclencheur actuel, le moment où la société a connaissance de la variation du total ses droits de vote pouvant se révéler difficile à déterminer juridiquement ;

- de réparer une omission dans le droit actuel : l'obligation d'information sur l'évolution globale du capital d'une société porte aujourd'hui exclusivement sur le nombre des droits de vote et non le nombre total d'actions, qui peut se révéler difficile à connaître lorsqu'il existe des valeurs mobilières composées. Il est donc proposé de préciser, conformément aux dispositions de la directive précitée, que l'information mensuelle à la charge des sociétés cotées sur un marché réglementé porte également sur le nombre d'actions composant le capital des sociétés.

C.- Les seuils donnant lieu à déclaration de franchissement

L'essentiel est cependant l'augmentation des seuils donnant lieu à déclaration de franchissement de seuil que propose l'article.

Aujourd'hui, l'article L. 233-7 du code de commerce impose six seuils :

- 5%, lequel seuil (en droits de vote) ouvre à l'actionnaire la possibilité de demander l'inscription d'un projet de résolution à l'ordre du jour des assemblées générales ;

- 10% et 20%, qui imposent chacun (que ce soit en droits de vote ou en actions), aux termes du septième alinéa de l'article L. 233-7 dans sa rédaction actuelle issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, repris dans le dispositif proposé pour le VII de l'article L. 233-7, le dépôt par l'actionnaire franchissant l'un de ces seuils d'une déclaration d'intention (adressée dans les 10 jours à l'AMF) sur les objectifs qu'il entend poursuivre au cours des 12 mois à venir précisant si l'actionnaire agit seul ou de concert, s'il envisage d'arrêter ou de poursuivre ses achats, s'il souhaite acquérir ou non le contrôle de la société concernée, s'il a l'intention de demander sa nomination ou celle d'une ou plusieurs personnes comme administrateur, membre du directoire ou du conseil de surveillance ;

- 33 1/3%, minorité de blocage dans les sociétés anonymes et seuil de déclenchement d'une offre publique obligatoire lorsque les titres de la société sont admis aux négociations sur un marché réglementé ;

- 50%, seuil de déclenchement d'une procédure de garantie de cours ;

- 66 2/3%, majorité aux assemblées générales extraordinaires.

L'article 9 de la directive « transparence » précitée, afin de renforcer la fréquence et la qualité des informations sur l'acquisition ou la cession de participation importante, impose deux nouveaux seuils : 15% (les trois vingtièmes) et 25% (le quart), que le II du présent article propose d'introduire dans la nouvelle rédaction de l'article L. 233-7 du code de commerce.

En outre, il est proposé de créer un nouveau seuil de franchissement donnant lieu à déclaration, lorsque l'actionnaire dépasse 95% des droits de vote ou des actions d'une société, seuil de déclenchement d'une offre ou d'une demande publique de retrait, ou franchit à la baisse ce seuil.

Lorsqu'un actionnaire (seul ou de concert) détient au moins 95% des droits de vote d'une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, afin de permettre aux actionnaires devenus « ultra-minoritaires » de se retirer d'une société dont les titres deviennent dans ces conditions, de fait, très peu liquides, un ou plusieurs minoritaires peuvent demander à l'AMF d'imposer au majoritaire le dépôt d'une offre publique de rachat des actions des minoritaires. L'initiative de l'offre publique de retrait peut d'ailleurs venir du ou des majoritaires. L'AMF se prononce ensuite sur l'offre au regard des conditions prévalant sur le marché des titres concernés et les éléments d'information apportés par le demandeur. Elle s'assure en particulier de la pertinence du prix de rachat proposé aux regards des divers éléments de valorisation des sociétés, l'essentiel étant de permettre aux actionnaires minoritaires, dont les titres ont perdu leur liquidité sur un marché rendu étroit par le poids relatif des majoritaires, de sortir dans des conditions équitables de la société. A cette fin, les majoritaires doivent fournir à l'AMF une évaluation des titres tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière à moyen terme, de l'existence de filiales et des perspectives d'activité, l'appréciation du caractère équitable des prix de retrait obligatoire devant être fondée sur des critères multiples et pertinents.

Il n'est en revanche pas proposé de modifier les modalités pratiques des déclarations de franchissement de seuil, à l'exception du délai d'information de l'AMF s'agissant des participations dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé (ou, comme mentionné au A du présent commentaire, pour celles dont les titres sont admis aux négociations sur un marché financier à la demande du gestionnaire de ce marché). Actuellement fixé à 5 jours de bourse à compter du franchissement de seuil, il serait déterminé, dans la rédaction proposée pour le II de l'article L. 233-7 précité, par le règlement général de l'AMF. Ce délai devrait s'établir à 4 jours de cotation après le franchissement, l'information devant ensuite être portée à la connaissance du public dans un délai de 3 jours de cotation (contre 2 jours aujourd'hui), conformément aux dispositions de l'article 12 de la directive « transparence » précitée.

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La Commission a examiné un amendement présenté par M. Tony Dreyfus, tendant à prévoir le signalement obligatoire du franchissement du seuil de 90% du capital ou des droits de vote.

M. Tony Dreyfus a estimé que cet amendement permettrait d'informer les actionnaires minoritaires d'une société de la possibilité de se voir confrontés prochainement à une procédure d'offre publique de rachat obligatoire.

Suivant l'avis de votre Rapporteur général, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a adopté l'article 12 sans modification.

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Article 13

Extension de la garantie de cours et de l'obligation de dépôt
d'une offre publique.

Texte du projet de loi :

Il est ajouté à l'article L. 433-3 du code monétaire et financier un III et un IV ainsi rédigés :

« III. - L'Autorité des marchés financiers peut prévoir que les règles mentionnées au II sont également applicables, dans des conditions et selon des modalités fixées par son règlement général, aux instruments financiers négociés sur certains marchés d'instruments financiers, autres que des marchés réglementés, lorsque la personne qui gère ces marchés en fait la demande.

« IV. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles tout projet d'offre publique déposé conformément aux dispositions de la section 1 ou de la section 2 du présent chapitre doit, lorsque l'offre porte sur une société qui détient plus du tiers du capital ou des droits de vote d'une société française ou étrangère dont des titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou sur un marché équivalent régi par un droit étranger et qui constitue un actif essentiel de la société détentrice, être accompagné des documents permettant de prouver qu'un projet d'offre publique irrévocable et loyale est ou sera déposé sur l'ensemble du capital de la société contrôlée, au plus tard à la date d'ouverture de la première offre publique. »

Exposé des motifs du projet de loi :

Le développement en France de marchés d'instruments financiers autres que les marchés réglementés et offrant néanmoins des garanties en termes de protection des actionnaires, en particulier minoritaires, et d'intégrité des transactions permettra de créer des marchés adaptés à l'accès en bourse de petites et moyennes entreprises. A cet égard, la garantie de cours, qui vise à permettre aux actionnaires minoritaires de sortir du capital d'une société à l'occasion d'un changement de contrôle au même prix que le cédant, est une sécurité importante aux yeux des investisseurs. Pour favoriser le développement de tels marchés attractifs aux yeux des investisseurs, l'article 13 prévoit donc la possibilité pour l'AMF de superviser une procédure de garantie de cours sur des marchés d'instruments financiers autres que les marchés réglementés, lorsque la personne qui gère ces marchés en fait la demande.

Le droit français prévoit que lorsqu'une personne vient à prendre le contrôle d'une société mère française ou étrangère qui détient plus du tiers du capital ou des droits de vote d'une société fille dont les actions sont cotées en France, elle doit déposer une offre publique visant la société fille lorsque la société fille constitue une part essentielle des actifs de la société mère. L'article 13 vise également à étendre cette disposition aux sociétés filles cotées sur un marché réglementé de l'Espace économique européen ou sur un marché réglementé étranger lorsque la société mère est une société française. Par marché réglementé étranger, s'entend un marché d'instruments financiers étranger présentant des caractéristiques équivalentes.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a un double objet : il propose, d'une part, d'ouvrir la procédure de garantie de cours à des marchés d'instruments financiers non réglementés (ces marchés sont dits organisés) lorsque les personnes gérant ces marchés en font la demande et, d'autre part, de créer une nouvelle modalité de déclenchement d'une offre publique sur une société fille dans le cadre d'une offre publique lancée sur la société mère.

I.- Le droit existant

A.- Les offres publiques

La procédure d'offre publique d'achat ou d'offre publique d'échange vise, pour l'initiateur de l'offre, à prendre le contrôle d'une société dans des délais brefs en le faisant savoir publiquement à l'ensemble des actionnaires de la société visée.

Les procédures sont organisées par le code monétaire et financier et, plus précisément, par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers afin de garantir la transparence de l'information et la protection des actionnaires minoritaires.

L'article 231-3 du règlement général de l'AMF prévoit qu' « en vue d'un déroulement ordonné des opérations au mieux des intérêts des investisseurs et du marché, toutes les personnes concernées par une offre publique doivent respecter le libre jeu des offres et de leurs surenchères, d'égalité de traitement et d'information des détenteurs des titres des personnes concernées, de transparence et d'intégrité du marché et de loyauté dans les transactions et la compétition ».

L'offre peut consister en :

- une offre unique proposant l'achat des titres visés (OPA) ou l'échange contre des titres émis ou à émettre (OPE) ou un règlement en titres et en numéraire,

- une offre alternative (OPA ou OPE),

- une offre principale assortie d'une ou plusieurs options subsidiaires présentant le caractère d'un accessoire indissociable.

En dehors de quelques cas précis, l'offre doit viser la totalité des titres de capital et des titres donnant accès au capital ou aux droits de vote de la société visée.

Elle fixe le prix ou les termes de l'échange proposé par l'initiateur.

L'offre présente un caractère irrévocable. Cependant, l'initiateur peut, dans son offre, poser une condition d'obtention d'un pourcentage du capital ou des droits de vote, en deçà duquel l'offre n'aura pas de suite positive (article 231-10 du règlement général de l'AMF).

Le projet d'offre doit être déposé auprès de l'AMF sous forme de lettre précisant les objectifs et intentions de l'acheteur, le nombre et la nature des titres de la société visée qu'il détient ainsi que la date et les conditions auxquelles l'acquisition a été réalisée, le prix ou les parités d'échange fixés par l'initiateur et les éléments retenus pour cette fixation (éventuellement le seuil en deçà duquel l'offre n'aura pas de suite positive).

L'AMF se prononce sur la recevabilité de l'offre au regard de la loyauté et de la transparence du marché boursier. L'opération peut être soumise à un contrôle au regard du droit des concentrations par le ministère de l'économie ou par la Commission européenne.

L'information du public est ensuite assurée par la diffusion d'une note d'information de l'initiateur et de chaque société concernée, après obtention du visa de l'AMF. La durée de l'offre est de vingt-cinq jours de bourse, ou au maximum de trente-cinq jours si l'initiateur et la société visée n'ont pas déposé de note d'information conjointe (offre inamicale).

Une offre publique résulte en principe du libre choix de l'initiateur mais doit obligatoirement être déposée lorsqu'une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert (85) vient à détenir plus du tiers des titres de capital ou plus du tiers des droits de vote d'une société de droit français dont les actions sont cotées sur un marché réglementé (dispositions combinées du I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier et de l'article 234-2 du Règlement général de l'AMF). Il s'agit dans ce cas d'une détention directe d'un tiers des titres d'une société.

Il convient de souligner que certaines exceptions au principe de déclenchement de l'offre publique lors du franchissement du seuil d'un tiers sont prévues (notamment en cas de franchissement temporaire portant sur moins de 3% du capital). L'AMF peut en outre accorder des dérogations dans un certain nombre de situations spécifiques.

Il est également prévu que la prise de contrôle d'une société mère entraîne le dépôt obligatoire d'une offre publique sur la société fille cotée en France sur un marché réglementé (détention indirecte de plus d'un tiers des titres d'une société). L'article 234-3 du Règlement général de l'AMF dispose ainsi que lorsqu'une personne vient à prendre le contrôle (86) d'une société détenant plus d'un tiers du capital ou des droits de vote d'une société cotée sur un marché réglementé français, et lorsque cette dernière constitue une part essentielle des actifs de la société venant à être contrôlée, une offre publique doit être lancée sur la société fille.

Cette obligation permet aux actionnaires de la société fille de pouvoir revendre leurs titres dans de bonnes conditions si le contrôle sur la société-mère vient à changer, étant entendu que le nouveau détenteur du contrôle peut librement modifier la stratégie de la société mère mais également celle de la société fille. Un actionnaire en opposition avec une nouvelle orientation est protégé par cette obligation d'offre publique sur la société fille.

L'obligation de déposer une offre publique sur la société fille s'applique également lorsqu'un groupe de personnes agissant de concert vient à prendre le contrôle de la société détentrice, sauf si l'une ou plusieurs de ces personnes disposaient déjà du contrôle et tant que l'équilibre des participations n'est pas significativement modifié.

La même obligation s'applique lorsqu'une ou plusieurs personnes agissant seules ou de concert viennent à détenir par fusion ou apports plus du tiers des droits de vote d'une société dès lors que ces titres représentent une part essentielle de l'entité absorbée ou apportée.

La société dont le contrôle change peut être française ou étrangère, cotée sur un marché français ou étranger ou non cotée.

Une sanction en cas de non-respect de l'obligation de dépôt d'une offre publique sur la société fille a été prévue à l'article L. 433-3 du code monétaire et financier consistant en la privation des droits de vote attachés au titres dépassant le seuil d'un tiers.

B.- La procédure de garantie de cours

La procédure de garantie de cours est une modalité particulière d'offre publique. Elle est prévue par le II de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier. L'article 235-1 du règlement général de l'AMF prévoit qu' « est tenue de déposer un projet de garantie de cours une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce, qui acquiert ou est convenue d'acquérir un bloc de titres lui conférant, compte tenu des titres ou des droits de vote qu'elle détient déjà, la majorité du capital ou des droits de vote d'une société.

Ce projet précise l'identité du ou des cédants et cessionnaires du bloc, la quantité de titres cédés, la date, le mode de réalisation et le prix de cession, ainsi que toute information complémentaire nécessaire à l'appréciation de la réalisation. »

Cette procédure ne vise donc que les cas dans lesquels le seuil de 50% est dépassé par acquisition d'un bloc de titres.

L'acquéreur du bloc s'engage à se porter acquéreur sur le marché de tous les titres présentés à la vente au prix auquel l'acquisition du bloc a été réalisée.

Lorsque plusieurs personnes agissent de concert, la garantie de cours pèse sur tous les acteurs agissant de concert.

A titre d'exception, l'AMF peut placer sous le régime d'une offre publique l'acquisition d'un bloc de titres conférant la majorité du capital si :

- « la transaction est assortie d'éléments connexes susceptibles d'affecter l'égalité [...] entre le prix payé pour le bloc majoritaire et le prix offert aux autres actionnaires (il est en effet possible que, dans le cadre d'une négociation plus globale, l'acquisition du bloc de titres se soit faite à un prix avantageux pour l'acquéreur, en contrepartie d'éléments ne bénéficiant qu'au cessionnaire dudit bloc ; pour les autres actionnaires amenés à vendre leurs titres, le prix ainsi fixé est donc sous-évalué) ;

- le ou les  blocs sont acquis auprès de personnes qui ne détenaient pas préalablement, de concert entre elles ou avec le cessionnaire, la majorité des droits de vote de la société » (article 235-4 du règlement général de l'AMF).

L'offre publique se déroule alors selon une procédure simplifiée ; la durée d'une telle offre est limitée par rapport à la procédure normale.

La procédure de garantie de cours constitue donc une assurance pour les actionnaires minoritaires voyant le contrôle de la société dont ils détiennent les titres changer de main de pouvoir revendre leurs titres au prix du marché.

La procédure de garantie de cours donne lieu à l'établissement d'un projet de note d'information pour chaque société concernée contenant les mêmes informations que pour les offres publiques. Ces notes sont également soumises au visa de l'AMF dans les mêmes conditions que pour les offres publiques puis portées à la connaissance du public.

II.- Les modifications proposées par le présent article

A.- L'extension du champ d'application de la garantie de cours
aux marchés non réglementés

La réglementation relative à la garantie de cours n'est aujourd'hui applicable qu'aux marchés réglementés français. Il s'agissait, à la Bourse de Paris, du Premier Marché, du Second Marché et du Nouveau Marché, désormais fusionnés en un marché unique, « Eurolist d'Euronext ».

Par ailleurs, de nouveaux marchés se sont développés parallèlement aux marchés réglementés qui ne relèvent pas du corpus de règles encadrant les marchés réglementés. Ces marchés sont dits organisés et sont encadrés par la directive 2004/34/CE du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers.

Euronext a procédé au lancement d'un marché non réglementé, baptisé Alternext. Sur ce marché seront négociés les titres de petites et moyennes entreprises européennes respectant un minimum d'engagements en matière de transparence financière et de protection des actionnaires minoritaires mais selon des modalités simplifiées.

Le deuxième alinéa du présent article propose d'ajouter un III à l'article L. 433-3 du code monétaire et financier afin de préciser que l'AMF peut prévoir que les règles relatives à la garantie de cours sont applicables aux instruments financiers négociés sur des marchés d'instruments financiers autres que les marchés réglementés lorsque les personnes qui gèrent ces marchés en font la demande.

Ainsi, l'AMF pourrait prévoir dans son règlement des modalités d'application de la garantie de cours à des marchés dits organisés. Ainsi, cette procédure qui permet de garantir l'égalité de traitement entre les actionnaires et constitue à cet égard un fondement important du droit financier, pourrait être étendue, sur la base du volontariat, aux marchés organisés. Ces derniers seraient donc munis d'un minimum de garanties afin de protéger les actionnaires sans étouffer les petites et moyennes entreprises cotées sur ces marchés par des contraintes disproportionnées.

S'agissant de la garantie de cours, Euronext a d'ores et déjà indiqué vouloir étendre cette procédure au marché Alternext.

Il convient de souligner que la rédaction proposée pour le III de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier, visant les instruments financiers négociés sur « certains » marchés d'instruments financiers, pourrait être améliorée en faisant référence à l'ensemble des marchés d'instruments financiers autres que les marchés réglementés.

B.- L'obligation de dépôt d'une offre publique sur une société fille

Le présent article propose d'ajouter un IV à l'article L. 433-3 du code monétaire et financier visant à prévoir que la recevabilité d'une offre publique d'achat ou d'échange sur une société cotée sur un marché réglementé français soit subordonnée à la fourniture de la preuve qu'une offre publique irrévocable et loyale sera également déposée sur les sociétés françaises ou étrangères dont les titres sont cotés sur un marché réglementé français, d'un Etat parti à l'Espace économique européen ou sur un autre marché équivalent à un marché réglementé et sont détenus pour plus d'un tiers par la première société visée par l'offre publique (87). La société dont le capital ou les droits de votes sont détenus pour plus d'un tiers d'entre eux par la société visée par l'offre publique doit également constituer un actif essentiel de cette société.

Il est donc proposé de rendre obligatoire la mise en œuvre d'un projet d'offre publique irrévocable et loyale sur une société fille lorsqu'une OPA ou une OPE vise la société mère cotée sur un marché réglementé français.

Cette obligation nouvelle permettrait de protéger les actionnaires de la société mère dans la mesure où cette nouvelle obligation permettrait à ces derniers de ne pas être lésés sur la valeur de l'ensemble des sociétés filles dans lesquelles leur société détient des parts importantes.

Il convient de souligner que l'inscription dans la loi d'une telle disposition soulève quelques questions. Ainsi, seraient désormais inscrits dans le code monétaire et financier un certain nombre des critères encadrant les offres publiques aujourd'hui fixés par le seul règlement général de l'AMF. Il en est ainsi du seuil de détention d'un tiers du capital ou des droits de vote, de la notion d'actif essentiel, et du caractère irrévocable et loyal d'une offre publique.

Néanmoins, l'intention du Gouvernement est bien d'encadrer cette nouvelle obligation qui s'appliquerait à des sociétés filles cotées en France mais également hors de France et de l'Espace économique européen.

La procédure d'OPA ou d'OPE constitue un élément de base de beaucoup de droits des marchés financiers nationaux et il apparaît peu probable qu'un marché équivalent à un marché réglementé à l'étranger interdise une telle procédure. On peut en revanche penser que tous les droits étrangers n'imposent pas une procédure irrévocable. En ce cas, l'engagement de l'initiateur de l'OPA sur la mère pourra être contractuel et répondre aux conditions posées par le présent article.

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La Commission a adopté un amendement de précision présenté par le Président Pierre Méhaignerie (amendement n° 26).

La Commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.

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1 () L'article L. 225-107 du code de commerce, introduit par la loi NRE, dispose également que « si les statuts le prévoient, sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui participent à l'assemblée par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant leur identification et dont la nature et les conditions d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ».

2 () L'article 100 et l'article 139 disposaient que le conseil d'administration et le conseil de surveillance ne délibèrent valablement que «  si la moitié au moins de [leurs] membres sont présents. Toute clause contraire est réputée non écrite. A moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte, les décisions sont prises à la majorité des membres présents ou représentés ».

3 () Sauf clause contraire des statuts, les administrateurs et les membres du conseil de surveillance ont la possibilité de se faire représenter aux réunions des conseils. Trois conditions sont requises : le mandat ne peut être donné qu'à un autre administrateur (ou membre du conseil de surveillance) ; chaque administrateur (ou membre du conseil) ne peut représenter qu'un seul de ses collègues au cours d'une même séance du conseil et le mandat doit être donné par écrit. Il faut préciser qu'il n'est tenu compte des administrateurs (ou des membres du conseil de surveillance) représentés que pour le calcul de la majorité. En revanche, le calcul du quorum s'effectue d'après le nombre des administrateurs ou membres du conseil présents ou réputés présents à la réunion.

4 () Avis n° 2309 de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, présenté par
M. André Vallini, Député, 30 mars 2000, p. 72.

5 () Ibid p. 73.

6 () Par exemple les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, les actions à droit de vote double...

7 () JO 1984 n° 267 Débats Assemblées nationales, discussion et adoption par l'Assemblée nationale en première lecture lors de la 2ème séance du 13 juin 1984.

8 () Bien que les deux dispositifs soient par nature différents, le plan de sauvegarde de l'emploi étant un engagement unilatéral de l'entreprise tandis que les actions de revitalisation sont déterminées dans une convention entre l'État et l'entreprise.

9 () Qui pour l'instant est un groupement d'intérêt public, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la recherche qui devrait être examiné par le Parlement avant la fin 2005, devant définir son statut et ses missions définitifs.

10 () L'ANR a pour objectif de « semer » des projets de recherche finalisé, investissant des montants de l'ordre du million d'euros par projet, trois priorités lui étant assignées : l'énergie et l'environnement, la santé et les technologies de l'information.

11 () Avis (n° 2333) présenté au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur le titre Ier et les articles 6,10,11,12 et 13 du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Rapporteur : M. Philippe Houillon.

12 () Cf décision n° 76-72 DC du 12 janvier 1977 et décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986.

13 () L'antichrèse peut être définie comme le contrat par lequel un créancier acquiert, pour sûreté de sa créance, la faculté de percevoir les fruits d'un immeuble qui lui est remis par son débiteur.

14 () Ce contrat serait suivi d'une inscription d'hypothèque rechargeable qui devrait être bien identifiable, notamment par rapport à d'autres hypothèques par les tiers et les autres créanciers du débiteur.

15 () Pages 8 et 9.

16 () Il s'agit du prospectus.

17 () Sont concernés les Etats membres de l'accord sur l'Espace économique européen, c'est-à-dire les Etats membres de l'Union européenne auxquels il faut ajouter l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège.

18 () A l'occasion d'une opération par APE, il peut y avoir deux types de garants : ceux qui garantissent la bonne fin de l'opération (généralement la banque qui réalise le placement pour le compte de l'émetteur) et ceux qui garantissent les titres objets de l'opération (par exemple l'Etat garantissant une émission obligataire d'un établissement public). Est ici visée une information sur les garants des instruments financiers placés.

19 () Le premier alinéa du II de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier dans sa nouvelle version vise l'information du public à partir du jour où les titres ont été émis ou cédés par APE. Cet alinéa représente en réalité la base légale des obligations permanentes qui pèsent sur la personne ayant fait APE, à partir du jour où l'opération est réalisée.

20 () Lorsque les trois premières exigences qui suivent « risquent d'être disproportionnées par rapport à la longueur de la recommandation diffusée, les États membres s'assurent qu'il suffit de faire référence clairement et de façon bien apparente dans la recommandation elle-même à l'endroit où les informations requises peuvent être directement et aisément consultées par le public, par exemple par la fourniture d'un lien direct vers ces informations sur un site internet approprié de la personne concernée, à condition que la base ou la méthode d'évaluation utilisée n'ait pas été modifiée » (article 4 paragraphe 2).

21 () Le considérant 3 de la directive 2003/125/CE précise à cet égard que les « conseils en investissement, fournis sous la forme d'une recommandation personnelle à un client concernant une ou plusieurs opérations sur des instruments financiers (notamment des recommandations informelles d'investissement à court terme provenant des services commerciaux ou des services de négociation d'ordres d'une entreprise d'investissement ou d'un établissement de crédit et adressées à leurs clients), qui ne sont pas susceptibles d'être rendus publics, ne doivent pas être considérés en eux-mêmes comme des recommandations au sens de la présente directive ».

22 () Son activité est actuellement définie par l'article L. 544-1 du code monétaire et financier tel que modifié par la loi de sécurité financière n° 2003-706 du 1er août 2003 : « exerce une activité d'analyse financière toute personne qui, à titre de profession habituelle, produit et diffuse des études sur les personnes morales faisant appel public à l'épargne, en vue de formuler et de diffuser une opinion sur l'évolution prévisible desdites personnes morales et, le cas échéant, sur l'évolution prévisible du prix des instruments financiers qu'elles émettent ». La loi du 1er août 2003 a imposé aux analystes financiers de conserver pendant trois ans et de tenir à la disposition de l'AMF tous les documents préparatoires à l'élaboration des publications diffusées sous leur responsabilité (article L. 544-3 du code monétaire et financier). Elle requiert également des dirigeants d'une entreprise d'analyses financières qu'ils s'abstiennent de toute initiative auprès des analystes financiers dont ils rémunèrent les services qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres ou ceux de leurs actionnaires au détriment d'une information sincère (article L. 544-2 du code monétaire et financier).

23 () Plus connu sous son acronyme anglais de CESR (Committee of European Securities Regulators).

24 () Selon l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, il s'agit des prestataires de services d'investissement agréés ou exerçant leur activité en libre établissement en France ; des personnes autorisées à exercer l'activité de conservation ou d'administration d'instruments financiers (y compris les dépositaires d'OPCVM) ; des dépositaires centraux et des gestionnaires de système de règlement et de livraison d'instruments financiers ; des membres des marchés réglementés mentionnés à l'article L. 421-8 ; des entreprises de marché ; des chambres de compensation d'instruments financiers ; des OPCVM et de leurs sociétés de gestion ; des intermédiaires en biens divers ; des personnes produisant et diffusant des analyses financières.

25 () Selon l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, il s'agit des personnes placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes morales précitées.

26 () Pour tous les autres manquements, les journalistes restent naturellement dans le champ de compétence de l'AMF. En matière de diffusion de fausse information, le règlement général de l'AMF évoque même explicitement leur cas : « Le non-respect de l'interdiction [de diffusion de fausse information] par des journalistes agissant dans le cadre de leur profession doit être apprécié en tenant compte de la réglementation applicable à cette profession. Cependant ce non-respect est susceptible de constituer par lui-même un manquement dès lors que les intéressés retirent, directement ou indirectement un avantage ou des profits de la diffusion de telles informations » (article 632-1 alinéa 3, transposant le c du 2 de l'article 1er de la directive « abus de marché »).

27 () Le présent article n'instaure aucune obligation d'adhésion à l'association, la liberté d'association incluant la liberté de ne pas adhérer.

28 () La même mention figure au considérant 44 de la directive « abus de marché ».

29 () La directive « abus de marché » dispose elle-même : « Les États membres devraient être en mesure de choisir la manière la plus appropriée d'établir une réglementation pour les personnes qui réalisent ou diffusent des travaux de recherche concernant des instruments financiers ou des émetteurs d'instruments financiers ou pour les personnes qui produisent ou diffusent d'autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement, y compris des mécanismes appropriés d'autorégulation, qui devraient être notifiés à la Commission » (considérant 22).

30 () En témoigne a contrario l'absence, aux articles 4 et 6, de disposition mentionnant pour les journalistes la possibilité d'une « réglementation équivalente » ou d'une « autorégulation équivalente ».

31 () En particulier, la confidentialité des sources n'est aucunement menacée par le présent projet : l'obligation d'indiquer « toutes les sources importantes » quant au fond de la recommandation est inapplicable aux médias, l'article 4 de la directive ne traitant que des analystes indépendants, des entreprises d'investissement, des établissements de crédit, de « toute personne morale qui leur est liée » et de « toute autre personne concernée dont l'activité principale consiste à produire des recommandations ».

32 () « Les États membres s'assurent qu'il existe une réglementation appropriée pour garantir que les personnes morales concernées qui diffusent, elles-mêmes ou par l'intermédiaire de personnes physiques, une recommandation substantiellement modifiée disposent d'une politique écrite formelle, de façon à pouvoir indiquer aux destinataires de l'information où trouver l'identité de la personne qui a produit la recommandation, la recommandation elle-même ainsi que la mention des intérêts ou des conflits d'intérêts de ladite personne, pour autant que ces éléments sont rendus publics » (article 8 alinéa 2 de la directive 2003/125/CE).

33 () L'AMF aurait le pouvoir de saisir l'association en vue de déclencher une procédure disciplinaire (article L. 621-33 alinéa 1er) ; elle devrait être tenue informée de la décision de l'association sur une éventuelle sanction dans le mois suivant celle-ci (article L. 621-34 alinéa 8) ; elle recevrait transmission du rapport annuel de l'association faisant le bilan de son activité (article L. 621-35).

34 () Le présent article renvoie, pour la définition du journaliste, à l'article L. 761-2 du code du travail, selon lequel « le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ».

35 () En outre, ne sont visés par l'ordonnance que les « organismes inscrits sur une liste établie sur la proposition d'une commission présidée par un haut magistrat, de l'ordre administratif ou judiciaire, en activité ou honoraire, et comprenant en nombre égal, d'une part des représentants de l'Administration, d'autre part, des représentants des entreprises et agences de presse ».

36 () L'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse énumère les personnes responsables de la façon suivante : « 1° les directeurs de publications ou éditeurs (...) ; 2° à leur défaut, les auteurs ; 3° à défaut des auteurs, les imprimeurs ; 4° à défaut des imprimeurs, les vendeurs, les distributeurs et afficheurs ».

37 () La directive « abus de marché » abroge la directive 89/592/CEE du Conseil du 13 novembre 1989 concernant la coordination des réglementations relatives aux opérations d'initiés.

38 () Des précisions sur ces notions sont données par trois autres textes : la directive 2003/124/CE de la Commission du 22 décembre 2003 portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la définition et la publication des informations privilégiées et la définition des manipulations de marché ; le règlement 2273/2003 de la Commission du 22 décembre 2003 portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les dérogations prévues pour les programmes de rachat et la stabilisation d'instruments financiers ; la directive 2004/72/CE de la Commission du 29 avril 2004 portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les pratiques de marché admises, la définition de l'information privilégiée pour les instruments dérivés sur produits de base, l'établissement de listes d'initiés, la déclaration des opérations effectuées par les personnes exerçant des responsabilités dirigeantes et la notification des opérations suspectes.

39 () D'autres éléments de transposition - de niveau législatif ceux-là - figurent également dans le projet de loi n° 267 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, adopté en première lecture par le Sénat le 2 mai 2005.

40 () Ce titre reprend l'ancien règlement n° 90-08 de la COB, en l'enrichissant des apports de la directive 2003/6/CE (articles 1er, 2, 3), de la directive 2003/124/CE (article 1er) et de la directive 2004/72/CE (article 4).

41 () Les articles 631-1 à 631-10 du règlement général de l'AMF sur les manipulations de cours reprennent l'ancien règlement n° 90-04 de la COB, en l'enrichissant des apports de la directive 2003/6/CE (a et b du 2 de l'article 1er et article 8), de la directive 2003/124/CE (articles 4 et 5) et du règlement 2273/2003.

42 () L'article 632-1 du règlement général de l'AMF reprend l'ancien règlement n° 98-07 de la COB, en l'enrichissant des apports de la directive 2003/6/CE (c du 2 de l'article 1er).

43 () Votre Rapporteur général rappelle que la loi de sécurité financière n° 2003-706 du 1er août 2003 a institué une séparation organique entre le collège et la commission des sanctions, afin de répondre aux exigences de la jurisprudence fondée sur l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif au droit à un procès équitable.

44 () Il s'agit des prestataires de services d'investissement agréés ou exerçant leur activité en libre établissement en France ; des personnes autorisées à exercer l'activité de conservation ou d'administration d'instruments financiers (y compris les dépositaires d'OPCVM) ; des dépositaires centraux et des gestionnaires de système de règlement et de livraison d'instruments financiers ; des membres des marchés réglementés mentionnés à l'article L. 421-8 ; des entreprises de marché ; des chambres de compensation d'instruments financiers ; des OPCVM et de leurs sociétés de gestion ; des intermédiaires en biens divers ; des personnes produisant et diffusant des analyses financières. Les sanctions disciplinaires relatives aux conseillers en investissements financiers et au démarchage financier font l'objet de dispositions spécifiques (respectivement : articles L. 621-17 et L. 341-17).

45 () Dans son rapport au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de sécurité financière (2002-2003, n° 206, T. 1, p. 141), M. Philippe Marini écrivait ainsi : « les II et III du nouvel article L. 621-15 du code monétaire et financier fusionnent [les] deux régimes de sanctions et distinguent désormais celles-ci en fonction des personnes auxquelles elles s'appliquent. On passe ainsi d'une distinction rationae materiae à une distinction rationae personae ».

46 () En l'élargissant à tout « marché d'instruments financiers » (et non au seul marché réglementé) et en ajoutant le cas de l'appel public à l'épargne. Sur ces aspects, voir les développements ci après (point d).

47 () Dans l'arrêt « Pierre Bergé c. Agent judiciaire du Trésor » du 18 juin 1996, la chambre commerciale de la Cour de cassation considère ainsi que, pour affirmer la compétence de la COB, la cour d'appel a pu retenir que, « s'il n'est pas contestable que le domaine d'application des règlements de la Commission est limité au territoire national, les cessions litigieuses ont porté sur des actions émises aux négociations du second marché de la Bourse de Paris, et que les élément d'extranéité tenant au lieu d'implantation du siège social des banques cessionnaires et au déroulement de certaines négociations à l'étranger, ne sont pas de nature à exclure l'opération du champ d'application de la loi française ».

48 () Article 1er de la directive « abus de marché » et article 1er de la directive 2003/124/CE.

49 () Par ailleurs, deux définitions spéciales sont prévues pour les informations privilégiées relatives aux instruments dérivés sur produits de base (article 621-2) et aux ordres transmis par les clients (article 621-3).

50 () Il s'agit des « pratiques contraires aux dispositions législatives ou réglementaires, lorsque ces pratiques sont de nature à porter atteinte aux droits des épargnants ou ont pour effet de fausser le fonctionnement du marché, de procurer aux intéressés un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché, de porter atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ou de faire bénéficier les émetteurs ou les investisseurs des agissements d'intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles » (I de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier).

51 () L'une des conséquences est que le pouvoir d'injonction ne serait plus, comme aujourd'hui, « adossé au pouvoir de sanction » (Philippe Marini, rapport au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de sécurité financière, 2002-2003, n° 206, T. 1, p. 129).

52 () La transposition en droit interne de ces trois dispositifs est proposée par les articles 1er, 3 et 4 du projet de loi n° 267 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, adopté en première lecture par le Sénat le 2 mai 2005.

53 () Les rachats d'action relèvent du règlement 2273/2003 précité, ainsi que du règlement général et des instructions de l'AMF.

54 () Le marché réglementé est actuellement Eurolist qui, depuis le 21 février 2005, a fusionné les Premier, Second et Nouveau marchés de la Bourse de Paris.

55 () L'article L. 411-1 du code monétaire et financier dispose que l'appel public à l'épargne est constitué par l'une des opérations suivantes : l'admission d'un instrument financier aux négociations sur un marché réglementé ; l'émission ou la cession d'instruments financiers dans le public en ayant recours soit à la publicité, soit au démarchage, soit à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement.

56 () Les différents modes d'exécution des ordres sont traités par la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, dont la transposition par ordonnance est proposée par l'article 5 du projet de loi n° 267 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, adopté en première lecture par le Sénat le 2 mai 2005. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, M. Philippe Marini, écrit à cet égard : « cette directive fixe (...) un cadre commun pour trois modes d'exécution des ordres (...), qu'il importe de distinguer du critère juridique de l'admission à la négociation sur un marché réglementé, pivot de la législation boursière. La prévention et la répression de l'abus de marché se veulent donc neutres par rapport au lieu de négociation des titres » (rapport n° 309, 2004-2005, p. 21).

57 () Par la directive 2003/71/CE précitée et la directive 2003/6/CE du 28 janvier 2003 sur les abus de marché

58 () Lancé en 1999 par la Commission européenne, le Plan d'action pour les marchés financiers vise à créer un marché unique dans le secteur des services financiers au sein de l'Union européenne. Il comprend 42 mesures destinées à harmoniser la réglementation en vigueur dans les différents Etats membres en matière de valeurs mobilières, des services bancaires, d'assurance, de crédit hypothécaire et de toute autre forme de transaction financière. A la fin 2004, la quasi-totalité des mesures prévues avait été adoptée.

59 () Les articles L. 421-3 à L. 421-5 du code monétaire et financier définissent un marché réglementé comme un marché d'instruments financiers de fonctionnement régulier, dont les dispositions établies et approuvées par les autorités compétentes définissent les conditions de fonctionnement, d'accès, d'admission aux négociations, et fixent les obligations de déclaration des transactions des autorités compétentes. Le marché réglementé constitue donc un label de qualité garantissant des conditions de transparence, de surveillance et d'organisation propres à assurer la protection des investisseurs. Depuis le 1er avril 2005, la place de Paris ne comporte plus qu'un seul marché réglementé, appelé Eurolist, qui a remplacé le Premier marché, le Second marché et le Nouveau marché.

60 () L'article L. 411-1 du code monétaire et financier dispose que « l'appel public à l'épargne est constitué d'une des opérations suivantes : l'admission d'un instrument financier aux négociations sur un marché réglementé [et] l'émission ou la cession d'instruments financiers dans le public en ayant recours soit à la publicité, soit au démarchage, soit à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement ». Il convient par ailleurs de signaler que l'article 7 du présent projet de loi propose de modifier le champ de d'application de l'appel public à l'épargne en allongeant la liste des opérations ne constituant pas un appel public à l'épargne de l'article L. 411-2 du code monétaire et financier.

61 () L'article L. 412-1 du code monétaire et financier tel qu'il est proposé de le modifier à l'article 8 du présent projet de loi disposerait que « les personnes ou les entités qui procèdent à une opération par appel public à l'épargne doivent, au préalable, publier et tenir à la disposition de toute personne intéressée, un document destiné à l'information du public portant sur le contenu et les modalités de l'opération qui en fait l'objet ainsi que sur l'organisation, la situation financière et l'évolution de l'activité de l'émetteur et des garants éventuels des instruments financiers qui font l'objet de l'opération, dans des conditions prévues par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ».

62 () L'article 222-3 du Règlement général de l'AMF précise ainsi que « tout émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public les informations susceptibles d'avoir une influence sensible sur les cours des instruments financiers concernés ».

63 () Bulletin de la COB n° 193, juin 1986, p. 5.

64 () Les certificats d'investissement constituent un démembrement des droits attachés aux actions. Celles-ci confèrent en effet à leur titulaire un droit au dividende mais également un droit de vote lors des assemblées générales. Le titulaire d'un certificat d'investissement n'a que le droit au dividende.

65 () Bulletin de la COB n°193, juin 1986, p. 5.

66 () Les titres de créance comprennent les obligations classiques, les obligations avec bons de souscription de titres de créance, les titres participatifs, les titres subordonnés ou tout bon donnant droit à des titres de créance.

67 () Le champ d'application de cette obligation d'information est très large puisque ne sont pas seulement visés les sociétés mais tous les émetteurs. Par exemple, les établissements publics, parmi lesquels on peut citer l'agence française de développement (AFD) ou la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ne sont pas des sociétés mais lorsqu'ils émettent des obligations sur les marchés financiers, ils sont soumis aux mêmes obligations de publication d'informations périodiques que les sociétés.

68 () Sont notamment considérés comme des titres donnant accès au capital les bons de souscriptions de titres en capital, les obligations convertibles, échangeables ou remboursables en titres de capital.

69 () Cette limitation portant sur l'échéance des titres de créance n'est pas une exigence de la directive 2004/109/CE.

70 () Les contrôleurs légaux sont en principe les commissaires aux comptes. Cependant, certaines entreprises ou professions sont soumises à des contrôles légaux spécifiques tels que les contrôles de la Cour des comptes, du contrôle d'Etat, de la Commission bancaire, de la Commission de contrôle des assurances et de l'Autorité des marchés financiers. La référence aux contrôleurs statutaires a pour objet d'inclure les rapports des contrôleurs légaux étrangers sur les comptes lorsque des émetteurs étrangers relèveraient de la supervision de l'AMF.

71 () Selon la norme CNCC (Conseil national des commissaires aux comptes) N° 3-101 § 4, l'examen limité des comptes a pour objectif de permettre au commissaire aux comptes, sur la base de diligences ne mettant pas en œuvre toutes les procédures requises pour un audit, de conclure qu'il n'a pas relevé d'éléments le conduisant à considérer que ces comptes ne sont pas établis, dans tous leurs aspects significatifs, conformément au référentiel comptable qui leur est applicable.

72 () Il faut préciser à ce propos que le décret du 23 mars 1967 continuerait à s'appliquer. L'articulation entre les obligations des nouveaux articles du code monétaire et financier proposés par le présent article et les obligations de ce décret se ferait par une modification du règlement.

73 () Il est cependant envisagé la mise en place d'un archivage au niveau européen, par l'intermédiaire du comité européen des régulateurs de marchés de valeurs mobilières qui dispose d'un site Internet.

74 () Cette limitation portant sur l'échéance des titres de créance devrait faire l'objet d'un amendement du Gouvernement tendant à sa suppression.

75 () La Commission, assistée par le Comité européen des valeurs mobilières, arrête des mesures d'exécution indiquant que, en raison de ses dispositions législatives, réglementaires ou administratives, ou bien de pratiques ou procédures fondées sur les normes édictées par les organisations internationales, le pays tiers assure l'équivalence des obligations d'information prévues par la présente directive.

76 () L'article 3 § 2 de la directive prévoit que « l'Etat membre d'accueil ne peut, en ce qui concerne l'admission de valeurs mobilières à un marché réglementé situé sur son territoire, imposer des obligations plus strictes que celles énoncées par la présente directive ou l'article 6 de la directive 2003/6/CE [et], en ce qui concerne la notification d'informations, soumettre un détenteur d'action ou une personne physique ou morale visée à l'article 10 ou à l'article 13 à des exigences plus strictes que celles énoncées dans la présente directive ».

77 () Cette disposition est reprise du décret n° 69-810 du 12 août 1969 relatif à l'organisation de la profession et au statut professionnel des commissaires aux comptes.

78 () Le texte visé était auparavant l'article L. 621-11, mais les dispositions relatives au secret professionnel ont été déplacées dans le code monétaire et financier par la loi de sécurité financière du 1er août 2003. L'article 84 de l'ordonnance n° 2005-429 du 6 mai 2005 modifiant le code monétaire et financier vient d'en tirer les conséquences rédactionnelles à l'article L. 621-21.

79 () Une disposition analogue, non concernée par la modification ici proposée, existe en faveur des autre États, sous réserve de réciprocité (article L. 621-21 alinéa 3).

80 () Il s'agit, par renvoi de la directive « transparence », de l'autorité mentionnée à l'article 21 de la directive « prospectus », qui prévoit elle aussi que les États membres peuvent habiliter leur autorité compétente à déléguer des tâches.

81 () En revanche, le choix a été fait de ne pas renvoyer au nouvel article L  451-1-1 résultant de la directive « prospectus » : dans la mesure où il consiste en la publication annuelle d'un document de récapitulation, il présente peu d'intérêt dans le cadre de la coopération entre autorités de régulation.

82 () Il convient de prendre également en compte, en sus des contrats optionnels proprement dits, les titres ou droits de vote susceptibles d'être acquis en vertu de promesses de vente de titres cotés lorsque les cessions qu'elles prévoient se réaliseront librement, de gré à gré (Association nationale des sociétés par actions - ANSA -, Comité juridique, 4 juillet. 1990, n° 161).

83 () Voir ANSA, CJ, 4 juillet 1990 n° 161 précité.

84 () Voir plus haut, la notion de contrôle, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

85 () Au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce, «I.- Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote, pour mettre en œuvre une politique vis-à-vis de la société.

II. - Un tel accord est présumé exister :

1º Entre une société, le président de son conseil d'administration et ses directeurs généraux ou les membres de son directoire ou ses gérants ;

2º Entre une société et les sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 ;

3º Entre des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes ;

4º Entre les associés d'une société par actions simplifiée à l'égard des sociétés que celle-ci contrôle. »

86 () La notion de contrôle s'entend au sens des textes applicables à cette société qui peut relever du droit français ou d'un droit étranger.

87 () Il convient de souligner que la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, non transposée en France, dispose que les Etats membres doivent veiller à ce qu'une offre publique soit déposée si une personnes vient à détenir, de manière directe ou indirecte, un pourcentage déterminé du capital d'une société cotée en Europe lui en donnant le contrôle.


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