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le 17 octobre 2005

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N° 2568

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2006 (n° 2540),

TOME I

RAPPORT GÉNÉRAL

PAR M. GILLES CARREZ

Rapporteur général,

Député.

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CHAPITRE PREMIER : LES CHOIX BUDGÉTAIRES POUR 2006 : 7

I.- DES MARGES DE MANœUVRE BUDGÉTAIRES TÉNUES, RÉPARTIES AVEC AMBITION ET RESPONSABILITÉ 7

A.- UNE AUNE À LAQUELLE MESURER L'ASSAINISSEMENT EFFECTIF DES FINANCES PUBLIQUES : LA « RÈGLE DE RÉPARTITION DES 10 MILLIARDS D'EUROS » 7

B.- LA RÉPARTITION ANNUELLE DES MARGES DE MANœUVRE BUDGÉTAIRES : UNE NETTE RUPTURE DEPUIS 2002 12

C.- LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2006 : UN ÉQUILIBRE TRÈS LARGEMENT CONTRAINT 17

II.- L'ÉQUILIBRE DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2006 : STABILITÉ EN VOLUME DE LA DÉPENSE ET MODÉRATION DANS LES BAISSES D'IMPÔTS PERMETTENT DE STABILISER LE DÉFICIT 20

A.- LA STABILITÉ DES DÉPENSES DE L'ÉTAT DÉSORMAIS ENTRÉE DANS LES MœURS 20

1.- Une stratégie budgétaire au service de l'assainissement des finances publiques

2.- De nombreuses et importantes modifications de périmètre

3.- La poursuite de la maîtrise des crédits dans un contexte de budgétisation plus rigoureuse

4.- Une maîtrise des dépenses à conforter et à approfondir

B.- DES BAISSES D'IMPÔTS SUBSTANTIELLES 43

C.- DES FINANCES PUBLIQUES QUI DEMEURENT CONVALESCENTES 49

1.- La stabilisation du déficit public

2.- L'évolution de l'endettement public

a) La couverture du besoin de financement de l'État

b) Le poids de la dette en 2006

CHAPITRE II : LES RESSOURCES DE L'ÉTAT EN 2006 : DES PRÉVISIONS RAISONNABLEMENT OPTIMISTES 67

I.- LES RECETTES FISCALES NETTES 74

A.- UN IMPÔT SUR LE REVENU TOUJOURS TRÈS DYNAMIQUE 75

B.- UN FORT REBOND DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS 79

C.- UNE TAXE INTÉRIEURE SUR LES PRODUITS PÉTROLIERS AFFECTÉE PAR LE RENCHÉRISSEMENT DU PRIX DU PÉTROLE 82

D.- LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE 83

E.- LES AUTRES RECETTES FISCALES NETTES 85

II.- DES RESSOURCES NON FISCALES FORTEMENT SOLLICITÉES 89

A.- LE PRODUIT DES PARTICIPATIONS DE L'ÉTAT 94

B.- LE PRODUIT DES JEUX 96

C.- LES AUTRES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES DES RECETTES NON FISCALES 98

III.- DES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES EN TRÈS NETTE CROISSANCE 105

CHAPITRE III LES CHARGES BUDGÉTAIRES EN 2006 : DES DÉPENSES CONTENUES MALGRÉ LA MONTÉE DES CONTRAINTES 107

I.- L'ÉVOLUTION DES PRINCIPAUX SUPPORTS BUDGÉTAIRES 108

A.- LE BUDGET GÉNÉRAL 108

B.- LES BUDGETS ANNEXES 113

C.- LES OPÉRATIONS DES COMPTES SPÉCIAUX 115

D.- LES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES 119

II.- LES MOYENS ALLOUÉS AUX PRIORITÉS GOUVERNEMENTALES 120

A.- LA PRIORITÉ DONNÉE À L'EMPLOI ET À LA COHÉSION SOCIALE 120

1.- La montée en charge des nouveaux dispositifs de la politique de l'emploi

2.- La poursuite de l'effort en faveur du logement et de la ville

B.- LES MOYENS EN FAVEUR DES MISSIONS RÉGALIENNES DE L'ÉTAT 135

1.- Le déroulement de la loi de programmation militaire

2.- La programmation en faveur de la Justice

3.- La programmation en faveur de la sécurité intérieure

III.- LES CONTRAINTES PESANT SUR LA CONSTRUCTION BUDGÉTAIRE 143

A.- L'INERTIE DES CHARGES DE PERSONNEL 143

1.- Les modifications affectant les dépenses de personnel

2.- L'évolution des dépenses de personnel

3.- La maîtrise des effectifs de l'Etat

a) Une meilleure appréhension des effectifs

b) La poursuite de la diminution des effectifs

B.- LES CONCOURS DE L'ÉTAT AUX RÉGIMES DE SÉCURITÉ SOCIALE 158

1.- La reconduction du contrat de croissance et de solidarité

2.- L'évolution des dotations hors enveloppe

C.- LES CONCOURS DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 161

CHAPITRE IV : LE CADRAGE ÉCONOMIQUE POUR 2006 177

A.- UNE ACTIVITÉ MONDIALE RESTANT DYNAMIQUE 178

1.- Le maintien du rythme observé au premier semestre 2005

2.- La persistance d'aléas

B.- DES PERSPECTIVES FAVORABLES POUR LA ZONE EURO ET LA FRANCE 186

1.- La zone euro entre hétérogénéité et « décollage en douceur »

2.- La France : vers un rebond de croissance en 2006

ANNEXES 197

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de finances pour 2006 est doublement particulier.

Tout d'abord, il constitue le premier budget élaboré selon notre nouvelle loi organique relative aux lois de finances (n° 2001-692 du 1er août 2001). Il faut ici saluer la performance remarquable qu'est la mise en œuvre d'une nouvelle architecture financière de responsabilité, de performance et d'évaluation, dans les délais et sous les contraintes prévus par le texte organique. Le Gouvernement et le Parlement se sont attelés à cette tâche depuis 2001, dans un esprit consensuel et déterminé. Que chacun en soit félicité, et que les efforts consentis soient renouvelés sans répit pour que l'ensemble des opportunités que recèle la loi organique relative aux lois de finances soit exploité pour moderniser notre gestion publique et faire émerger, enfin, une réelle culture de la performance de l'État.

La loi organique relative aux lois de finances n'est pas le seul « relais » que la précédente majorité a transmis à celle qui lui a succédé en 2002. Le deuxième « relais » est cependant moins une chance qu'un fardeau : une regrettable fragilisation de nos finances publiques. Il sera exposé, dans le présent rapport, combien l'imprévoyance de la XIème législature a rendu nos finances publiques vulnérables au retournement conjoncturel de l'économie. Si, durant les quatre années 1998 à 2001, la précédente majorité avait retenu une affectation des surplus de recettes entre les hausses de dépenses, les baisses d'impôts et la réduction du déficit, comparable à celle mise en œuvre pendant les quatre exercices 2003 à 2006, les considérables plus-values conjoncturelles dont elle a bénéficié (67,5 milliards d'euros) lui auraient permis de rétablir, dès 2001, l'équilibre du budget de l'État, et de ménager une très large « marge de sécurité » pour absorber les chocs conjoncturels et autoriser des politiques économiques ambitieuses. Au lieu de cela, seuls 9 milliards d'euros ont alors été consacrés à réduire le déficit, qui a, du seul fait de l'atonie de la croissance, atteint son étiage à plus de 56 milliards d'euros en 2003.

Cela nous conduit à la seconde particularité du budget pour 2006 : en tant que quatrième budget de la législature, il est l'occasion d'établir un premier bilan et de bâtir nouveaux projets. Beaucoup a déjà été fait pour assainir les finances publiques : le déficit s'est réduit de plus de 12 milliards d'euros en 2004 ; il est désormais acquis que la dépense de l'État ne progresse pas plus vite que l'inflation ; surtout, et c'est peut-être l'essentiel, la conviction est maintenant très largement partagée que l'État ne peut continuer, sans risque pour les générations futures, de « vivre au dessus de ses moyens » et que la montée de l'endettement, ininterrompue depuis 1981, met en péril la capacité des Gouvernements de mener une politique budgétaire autonome et efficace. Pour autant, l'assainissement de nos finances publiques est un processus fragile, comme le montre bien le budget pour 2006. La tentation est forte, pour « épargner » à court terme l'équilibre du budget, d'adopter des mesures fiscales dont les effets se font sentir avec plusieurs années de retard. En 2006, avant même que ne soient rendus les premiers arbitrages sur le projet de loi de finances, ce ne sont pas moins de 4 milliards d'euros de baisses d'impôt qui ont déjà été votées, limitant d'autant les marges de manœuvre dans la construction budgétaire. Ce seront plus de 5 milliards d'euros en 2007. De même, votre Rapporteur général montrera que la prudence et la responsabilité imposent de ne pas « distribuer » chaque année, en hausse de charges publiques ou en allégements d'impôt, plus de 10 milliards d'euros. Or, le respect de cette « règle des 10 milliards d'euros » se révèle concrètement bien exigeant, le projet de loi de finances pour 2006 ne s'y conformant qu'avec difficulté.

Reste que le budget pour 2006, parce qu'il réussit cette transition fondamentale qu'est l'entrée en vigueur de l'ensemble de la loi organique relative aux lois de finances, et parce qu'il conjugue, au mieux du possible, l'ambition nécessaire au redressement de notre économie et la responsabilité budgétaire à l'égard des générations futures, consolide les progrès accomplis depuis 2002 dans la remise sous contrôle des finances de l'État. En cela, il constitue un budget responsable, et il confirme la rupture de comportement budgétaire décidée en 2002.

CHAPITRE PREMIER

LES CHOIX BUDGÉTAIRES POUR 2006 :

CONSOLIDER LES PROGRÈS ACCOMPLIS
DANS L'ASSAINISSEMENT DES FINANCES DE L'ÉTAT

I.- DES MARGES DE MANœUVRE BUDGÉTAIRES TÉNUES,
RÉPARTIES AVEC AMBITION ET RESPONSABILITÉ

A.- UNE AUNE À LAQUELLE MESURER L'ASSAINISSEMENT EFFECTIF DES FINANCES PUBLIQUES :
LA « RÈGLE DE RÉPARTITION DES 10 MILLIARDS D'EUROS »

Depuis l'alternance du printemps 2002, le débat budgétaire s'est révélé un exercice difficile et très fortement contraint par une redoutable hypothèque : la faiblesse des marges de manœuvre budgétaires.

La fragilité de la croissance (1,5% en moyenne annuelle depuis 2001), qui limite les recouvrements d'impôts assis sur une richesse nationale peu dynamique a rendu ce phénomène manifeste, dont le - seul - mérite a été de dissiper une illusion dangereuse : croire que, parce que le chiffre brut du déficit se replie au rythme des rentrées fiscales dopées par la croissance, les finances de l'État se rétablissent en profondeur.

L'exemple de deux années illustre ce paradoxe. En 2000, le déficit de l'État a atteint 2,5% du PIB, soit son plus bas niveau depuis 1992. Légèrement supérieur de 29 milliards d'euros, en baisse de 3,5 milliards d'euros, il paraissait franchir une étape de plus vers l'équilibre que le Gouvernement d'alors prétendait pouvoir atteindre en quelques années.

En 2003, à l'inverse, le déficit de l'État a atteint son étiage : à près de 57 milliards d'euros, soit 3,9% du PIB, il se dégradait de 7 milliards d'euros par rapport au niveau atteint en 2002. L'opposition n'a guère hésité pour y voir la conséquence d'une mauvaise politique budgétaire.

Ces résultats ont une apparence : la vertu et le succès pour l'année 2000, l'irresponsabilité et l'échec pour l'année 2003. Ils ont surtout une réalité : la qualité de la politique budgétaire suivie ces deux années est exactement à l'inverse de ce qui est suggéré par le seul chiffre du déficit.

En 2000, ce ne sont pas moins de 19,2 milliards d'euros qui ont été « dépensés » en plus par rapport à 1999 : les charges de l'État (en y intégrant le financement des 35 heures, opportunément « débudgétisé » alors pour en masquer le coût réel) ont progressé de 6,0 milliards d'euros, tandis que 12,2 milliards d'euros étaient consacrés à des baisses d'impôts. Cependant, l'économie française atteignant alors le sommet de son cycle, l'incidence réelle de ces décisions politiques a été dissimulée par un dynamisme exceptionnel des ressources de l'État : d'une année sur l'autre, les recettes fiscales et non fiscales (1) ont alors progressé spontanément de 22,7 milliards d'euros.

En 2003, la majorité a assumé des choix difficiles et responsables : 2,5 milliards d'euros supplémentaires seulement ont été « redistribués » par rapport à 2002 : 1,5 milliard d'euros de baisses d'impôts et - 1,0 milliard d'euros d'accroissement des dépenses. Or, dans le même temps, une croissance atone a réduit spontanément, d'une année sur l'autre, de 4,3 milliards d'euros les ressources de l'État (2).

Même rétrospectif, l'exercice qui consiste à comparer l'incidence de ces choix budgétaires opposés dans un contexte économique inversé est révélateur. Si la répartition des marges de manœuvre budgétaires effectuée en 2003 avait été appliquée à l'exercice 2000, le déficit aurait alors régressé de plus de 19,7 milliards d'euros, c'est-à-dire que le budget de l'État aurait alors presque atteint l'équilibre. A l'inverse, l'application des choix budgétaires de 2000 à la conjoncture économique morose de 2003 aurait dégradé le déficit de plus de 23 milliards d'euros.

Afin de réduire la complexité qui égare les jugements portés sur la qualité de l'assainissement budgétaire, votre Rapporteur général a proposé de retenir une règle simple et parlante, la « règle des 10 milliards d'euros ».

Les recettes fiscales nettes, qui constituent l'essentiel des ressources de l'État, connaissent d'année en année des évolutions qui peuvent différer dans des proportions très importantes. C'est ainsi qu'entre 1999 et 2001, au sommet du dernier cycle économique, les plus-values fiscales spontanées ont atteint près de 20 milliards d'euros chaque année. A l'inverse, en 2002, les ressources fiscales n'ont progressé spontanément que de 1,8 milliard d'euros, se repliant même de 0,4 milliard d'euros en 2003. Cela est le résultat de deux phénomènes complémentaires.

Tout d'abord, la croissance économique exerce un impact direct sur l'évolution de la base fiscale taxable et donc sur les recouvrements d'impôts. A long terme, d'ailleurs, le produit des impôts ne peut évoluer spontanément qu'au rythme de la richesse nationale.

Cependant, un deuxième phénomène vient, à législation constante, perturber à court terme cette relation : l'élasticité, c'est-à-dire la surréaction des recettes fiscales nettes aux fluctuations cycliques de l'économie, liée à deux éléments caractéristiques du système fiscal français. Tout d'abord, 40% des impôts d'une année sont assis sur les revenus de l'année précédente, ce qui tend à accentuer brutalement les variations du cycle. Ensuite, la composition précise de la croissance exerce une influence déterminante sur le profil des recouvrements (une croissance portée par la consommation, comme en 1999-2000 et en 2004, est plus profitable à l'État qui tire une part déterminante de ses ressources provient de la TVA et des autres droits d'accises). Ainsi, les phases de reprise et de progression de l'activité impriment aux ressources de l'Etat un rythme de progression très supérieur à celui de l'économie dans son ensemble : en 1999 et 2000, les recettes fiscales ont ainsi progressé deux fois plus vite que l'économie dans son ensemble et, en 2004, 1,75 fois plus rapidement. A l'inverse, dans les phases de retournement de l'activité, le ralentissement des recouvrements fiscaux est beaucoup plus marqué que celui de l'activité. Ainsi, en 2002 et 2003, l'élasticité s'est effondrée, les ressources fiscales stagnant en dépit d'une croissance qui, pour être faible, n'en était pas moins positive.

SURPLUS SPONTANÉ ANNUEL DE RECETTES FISCALES NETTES DU BUDGET GÉNÉRAL
DE L'ÉTAT ENTRE 1998 ET 2006

(en milliards d'euros)

graphique

Lecture : en 2004, les recettes fiscales ont progressé « spontanément », c'est-à-dire avant impact des mesures nouvelles affectant leur produit, de 16,89 milliards d'euros, sont 9,54 milliards d'euros dus à la croissance économique (2,3%) et 7,32 milliards d'euros liés à l'apparition d'une élasticité des recettes fiscales au PIB supérieure à 1,7.

Le graphique ci-dessus met en évidence cette cyclicité exacerbée des recettes fiscales : le surplus spontané annuel, sur lequel sont construits les budgets de chaque exercice, varie dans une amplitude extrêmement importante, allant de zéro à plus de 20 milliards d'euros par an. L'observateur attentif en infère cependant qu'il existe manifestement une tendance moyenne autour de laquelle gravitent les surplus effectifs constatés chaque année.

A l'horizon d'un cycle économique complet, les mouvements de recettes liés à l'élasticité tendent en effet à se compenser ; et ne restent au final que des surplus « durables » qui résultent d'une progression des recouvrements d'impôts calquée sur celle de la richesse nationale. Le produit de la croissance potentielle de l'économie (2,25% par an en volume, 4,0% en valeur) et d'une élasticité unitaire dégage ainsi un surplus « durable » de recettes de l'ordre de 10 milliards d'euros par an.

Ce montant, autour duquel fluctuent les surplus de recettes effectifs, constitue par conséquent une utile référence pour apprécier la nature des arbitrages budgétaires annuels : lorsque la hausse des dépenses et/ou les baisses d'impôts dépassent au total 10 milliards d'euros, on provoque une dégradation structurelle des finances de l'État, quand bien même l'apparition d'excédents conjoncturels de ressources permettrait d'afficher une réduction « optique » du déficit. A l'inverse, un budget construit à partir d'une progression des charges et/ou des allégements fiscaux inférieurs à 10 milliards d'euros est un budget qui assainit structurellement les finances publiques.

L'ampleur de l'endettement public (voir infra) ne laisse guère le choix : la responsabilité impose de ne pas distribuer, en hausse de dépenses ou en baisse d'impôts, des montants significativement supérieurs à 10 milliards d'euros. Il faut mesurer la difficulté intrinsèque de cette tâche : la stabilisation de la dépense de l'État en volume préempte chaque année une somme de l'ordre de 5 milliards d'euros qui correspond à l'ajustement des charges publiques à l'inflation. De même, l'indexation de la grande majorité des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales sur l'inflation et un tiers de la croissance réelle constatée un an plus tôt absorbe un milliard d'euros supplémentaire chaque année. Dès lors, sauf à franchir un nouveau palier dans la maîtrise des dépenses de l'État, la réelle « marge de manœuvre » budgétaire ne concerne qu'environ quatre milliards d'euros chaque année. Il appartient au législateur de décider de l'affectation de cette marge entre baisses d'impôts et réduction du déficit.

LA « RÈGLE DE RÉPARTITION DES DIX MILLIARDS D'EUROS »

1.- En moyenne à long terme, les ressources de l'État évoluent au même rythme que la richesse nationale (c'est-à-dire selon le taux de croissance potentielle de l'économie) : les excédents d'une année dus à une croissance supérieure à son potentiel et à une forte élasticité des recettes fiscales au PIB ont vocation à être compensés par des moins-values aussi importantes lorsque croissance et élasticité diminuent. La prudence impose donc de ne pas dépenser, en hausse de dépenses ou en baisses d'impôts, plus de 10 milliards d'euros par an, qui est l'augmentation spontanée des recettes pour une croissance de 2,25% (et une élasticité unitaire). Si ce montant est dépassé, les finances de l'État sont structurellement dégradées, quel que soit le niveau apparent du déficit.

2.- L'évolution des dépenses limitée à l'inflation (« norme de stabilité en volume ») préempte chaque année 5 milliards d'euros de ces surplus. De même, l'indexation de la grande majorité des éléments constitutifs du prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales emploie 1 milliard d'euros supplémentaire chaque année.

3.- Il ne reste donc plus que 4 milliards d'euros à répartir entre baisses d'impôts et réduction du déficit. Il faut donc prendre conscience à ce stade que lorsque les baisses d'impôts atteignent 4 milliards d'euros, la situation des finances de l'État ne s'améliore pas.

4.- Tant que le déficit dépasse 35 milliards d'euros :

- la dette s'autoalimente (effet « boule de neige »), c'est-à-dire que la croissance spontanée des recettes fiscales est plus faible que la croissance spontanée des intérêts de la dette ;

- l'État présente un déséquilibre de sa section de fonctionnement, c'est-à-dire qu'il emprunte pour payer ses dépenses courantes.

Dès lors, jusqu'à ce que le déficit du budget de l'État se soit replié sous la barre des 35 milliards d'euros, la priorité doit être donnée à la réduction du déficit. Cela signifie notamment que toute baisse d'impôts supplémentaire (a fortiori au-delà de 4 milliards d'euros) doit être gagée par une baisse équivalente de dépenses, ce qui impose d'aller au-delà du gel en volume des charges de l'État.

B.- LA RÉPARTITION ANNUELLE DES MARGES DE MANœUVRE BUDGÉTAIRES : UNE NETTE RUPTURE DEPUIS 2002

RÉPARTITION DES SURPLUS SPONTANÉS DE RECETTES (a) DU BUDGET GÉNÉRAL
DE L'ÉTAT ENTRE 1998 ET 2001

(en milliards d'euros)

graphique

(a) Surplus spontané annuel = surplus spontané des recettes fiscales nettes à périmètre constant + surplus de recettes non fiscales à périmètre constant - évolution du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes.

Lecture : En 2000, les recettes de l'État ont progressé spontanément de 23,5 milliards d'euros. Les dépenses du budget général et les prélèvements sur recettes, à périmètre constant (ce qui implique notamment, en 2000, d'inclure dans les dépenses du budget général les 6,9 milliards d'euros de ressources transférées au FOREC pour financer la montée en puissance des allégements de charges compensant l'augmentation du coût du travail induite par les 35 heures), ont augmenté de 6 milliards d'euros. Les impôts ont parallèlement été réduits de 14 milliards d'euros. Le reliquat, 3,5 milliards d'euros, a par conséquent été consacré à réduire le déficit du budget général de l'État.

En 2001, en revanche, la somme des dépenses supplémentaires et des nouvelles baisses d'impôts (11 + 12 milliards d'euros) a été supérieure de 2 milliards d'euros au surplus spontané de recettes. C'est de ce montant que s'est dégradé le déficit du budget général de l'État cette année-là.

Une application rétrospective de l'application de la « règle des 10 milliards d'euros » permet de mesurer combien le comportement budgétaire de la présente majorité s'inscrit en rupture avec celui de la précédente législature.

Le graphique ci-dessus montre en effet qu'entre 1997 et 2001, la précédente majorité a bénéficié du surplus spontané de recettes, porté par la situation de l'économie en phase haute du cycle, dépassant 68 milliards d'euros. Durant toute la période, les hausses de dépenses et les baisses d'impôts (respectivement 33,7 et 26,3 milliards d'euros) ont largement dépassé le niveau des surplus durables générés par la croissance potentielle (4 années x 10 milliards d'euros soit 40 milliards d'euros). Le déficit structurel s'est donc dégradé durant cette période d'un montant proche de 20 milliards d'euros, en dépit d'une amélioration « optique » du déficit effectif de 8,9 milliards d'euros entre 1997 et 2001. Cela signifie concrètement que si la précédente majorité avait contenu ses choix budgétaires annuels dans l'enveloppe des 10 milliards d'euros qui représentent le maximum à dépenser pour ne pas dégrader la situation structurelle des finances publiques, le déficit serait aujourd'hui inférieur de 20 milliards d'euros à son niveau effectif.

A l'inverse, depuis 2003, la majorité actuelle a su enclencher les mécanismes d'un assainissement pérenne des finances publiques de l'État.

La pierre de touche de cette stratégie de responsabilité à l'égard des générations futures est le gel en volume de la dépense et son corollaire, le respect intégral en exécution du plafond de dépense voté par le Parlement dans la loi de finances initiale. Il ne faut d'ailleurs pas méconnaître l'ampleur des efforts et des défis qu'implique le respect de la norme « zéro volume »: la dynamique propre et difficilement résistible des dépenses de personnel et celle des charges de la dette absorbent en effet chaque année la quasi-intégralité (voire plus encore) de l'augmentation rendue possible par l'ajustement des dépenses à l'inflation. C'est, comme il sera vu infra, le cas en 2006, année durant laquelle, en raison notamment des revalorisations de traitement consenties aux fonctionnaires en 2005, les seules dépenses de personnel devrait progresser de plus de 4 milliards d'euros, « consommant » 80% de la progression qui en est permise par la norme « zéro volume ».

Le graphique ci-dessous, qui détaille la répartition annuelle des surplus spontanés de recettes entre 2003 et les propositions du présent projet de loi de finances pour 2006, montre que la majorité ne se contente cependant pas de se saisir du levier de la maîtrise de la dépense.

Il apparaît clairement lorsqu'on confronte ces choix budgétaires à ceux réalisés durant la précédente législature, que les montants globalement distribués chaque année sont très significativement inférieurs entre 2003 et 2006 à ceux distribués entre 1998 et 2002.

RÉPARTITION DES SURPLUS SPONTANÉS DE RECETTES (a) DU BUDGET GÉNÉRAL
DE L'ÉTAT ENTRE 2003 ET 2006

(en milliards d'euros)

graphique

(a) Surplus spontané annuel = surplus spontané des recettes fiscales nettes à périmètre constant + surplus de recettes non fiscales à périmètres constants - évolution du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes.

Lecture : En 2003, les recettes fiscales nettes stagnant spontanément (- 0,4 milliard d'euros), les recettes non fiscales diminuant de 2,9 milliards d'euros et le prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes augmentant de 1,6 milliard d'euros, le déficit du budget de l'État s'accroissait spontanément de 4,9 milliards d'euros. L'accroissement des dépenses et du prélèvement sur recettes au profit des collectivités locales entre 2003 et 2002 (+ 0,7 milliard d'euros) et les baisses d'impôt (1,2 milliard d'euros) sont venus aggraver de 1,9 milliard d'euros ce phénomène, portant l'augmentation du déficit à 6,7 milliards d'euros entre 2002 et 2003.

RÉPARTITION DES SURPLUS ANNUELS DE RECETTES DEPUIS 2003

(en milliards d'euros)

 

 

 

Exécution 2003

Exécution 2004

Révisé 2005

PLF 2006

- accroissement spontané des ressources fiscales nettes à périmètre constant

- 0,4

16,9

11,0

12,4

- effet net des mesures fiscales décidées avant 2002

0,6

2,0

0,0

0,0

- plus--value spontanée de ressources non fiscales à périmètre constant

- 2,9

2,7

0,9

1,7

- évolution du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes

1,6

- 0,8

1,8

0,7

TOTAL surplus spontané de recettes

- 4,3

22,4

10,0

13,4

Evolution des dépenses globales financées par l'État

0,7

7,6

7,9

8,5

- accroissement des charges nettes du budget général à périmètre constant (« norme zéro »)

0,1

4,1

5,1

5,0

- couvertures de dépenses effectuées par d'autres organismes publics (a)

0,0

2,4

1,8

2,2

- évolution des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales

0,6

0,9

1,0

1,3

Evolution des allégements de charges sociales sur les bas salaires

0,3

1,2

0,0

1,8

Evolution des impôts

- 1,5

- 1,5

- 4,9

- 3,7

- mesures nouvelles affectant le produit des impôts décidées ou proposées dans la LFI

- 0,6

- 0,7

- 1,8

0,2

- mesures nouvelles affectant le produit des impôts décidées dans un autre texte que la LFI de l'année

- 0,9

- 0,8

- 3,1

- 3,9

Evolution du solde du budget général de l'Etat

- 6,7

12,1

- 2,8

- 1,4

(a) Voir ci-dessous.

Principales dépenses de la catégorie couvertures de dépenses effectuées par d'autres organismes publics

2004

- budgétisation des dépenses d'investissement et de régénération de RFF pour 1,6 milliard d'euros

- affectation nette de droits tabacs au BAPSA en contrepartie de la suppression de la subvention versée par le budget général pour 0,2 milliard d'euros

révisé 2005

- transfert de ressources fiscales à l'AFITF à hauteur de 0,6 milliard d'euros

- budgétisation du financement de retraites anticipées de Charbonnage de France pour 0,2 milliard d'euros

- transfert de 1,1 milliard d'euros à la CNAM pour contribuer à l'équilibre du régime d'assurance maladie

PLF 2006

- transfert de ressources/subventions supplémentaires à l'AFITF pour 0,9 milliard d'euros

- création du compte d'affectation spéciale « gestion du patrimoine immobilier de l'État » et transfert de 0,3 milliard d'euros de ressources à son profit

- création du compte d'affectation spéciale « contrôle et sanction automatisée des infractions du code de la route » et transfert de 0,2 milliard d'euros de ressources à son profit

- affectation de la TICGN à l'ADEME pour 0,2 milliard d'euros

- affectation de ressources au nouveau compte d'affectation spéciale « Pensions » supérieures de 0,2 milliard d'euros aux charges transférées

- transfert de 0,2 milliard d'euros de droits sur les tabacs à la sécurité sociale en contrepartie de l'adossement du régime maladie des marins au régime général

Comme le montrent les tableaux ci-dessus, les augmentations de dépenses et les baisses d'impôts n'ont pas dépassé globalement 3,8 puis 10,3 milliards d'euros en 2003 et 2004, respectant l'esprit comme la lettre de la « règle des 10 milliards d'euros ». La maîtrise des charges publiques, conjuguée à une réelle modération dans l'ampleur des allégements fiscaux ont ainsi assaini structurellement les finances publiques, quand bien même l'atonie conjoncturelle en 2003 a pu induire une forte dégradation « cyclique » du déficit. A l'inverse, en 2004, les fruits d'une conjoncture plus amène ont permis de dégager une plus-value de recettes de plus de 20 milliards d'euros, dont les deux tiers ont, du fait de la prudence et de la responsabilité des choix budgétaires faits à l'automne 2003, été consacrés à réduire de 12 milliards d'euros le déficit du budget général de l'État.

En 2005, l'accroissement des dépenses et les nouvelles baisses d'impôts devraient « absorber » 12,8 milliards d'euros. 5,1 milliards d'euros seraient consacrés à la « norme zéro volume », dont 0,9 milliard d'euros liés à l'augmentation des allégements de charges sociales sur les bas salaires et 1,0 milliard d'euros au renforcement des concours de l'État à destination des collectivités territoriales. Les baisses d'impôts (3) atteindraient pour leur part 4,9 milliards d'euros. Le reliquat (1,8 milliard d'euros) est constitué, d'une part, de transferts sans contrepartie de l'État à des organismes publics (en particulier l'affectation de 1,1 milliard d'euros à la caisse nationale d'assurance maladie dans le cadre du plan de réforme de la sécurité sociale de 2004). D'autre part, une importante fraction de ce reliquat est consacrée à des dépenses d'investissement (c'est en particulier le cas pour les 0,5 milliard d'euros de ressources transférées à l'Agence de financement des infrastructures de France (AFITF) chargée d'assumer le financement de la part revenant à l'État dans le financement du programme de 22,5 milliards d'euros d'infrastructures de transport décidé lors du CIADT de décembre 2003).

Il est permis de déduire de la nature de ces dernières dépenses que les arbitrages budgétaires pour 2005 se sont globalement intégrés dans l'enveloppe des 10 milliards d'euros qui constitue l'aune à laquelle juger de la qualité de l'assainissement budgétaire.

C.- LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2006 : UN ÉQUILIBRE TRÈS LARGEMENT CONTRAINT

Le présent projet de loi de finances propose de consacrer 14,2 milliards d'euros de moyens nouveaux aux politiques publiques en 2006.

LES CHOIX BUDGÉTAIRES POUR 2006 (Budget général de l'état uniquement)

(en milliards d'euros)

graphique

Il faut à ce stade souligner que des éléments décisifs de l'équilibre budgétaire ont très largement préexisté à la construction de la loi de finances.

En premier lieu, il faut rappeler que l'accroissement des charges nettes du budget général de l'État au même rythme que la seule inflation implique d'y consacrer 5,0 milliards d'euros de crédits supplémentaires chaque année. C'est d'ailleurs précisément le montant retenu pour 2006, qui correspond à l'application de l'indice général des prix (+ 1,8% prévu pour 2006) au plafond de dépenses nettes adopté en loi de finances initiale pour 2005 diminué de montant total des allégements de charges sociales sur les bas salaires (voir II du présent chapitre). Il ne faut cependant pas se méprendre sur la portée de cette stabilisation en volume, pendant quatre années consécutives, de la dépense de l'État : cette performance, inédite dans l'histoire budgétaire récente de la France, est d'autant plus remarquable que les pesanteurs inhérentes à certaines catégories de dépenses (les dépenses de personnel absorbent à elles seules près de 90% des crédits supplémentaires dont l'ouverture est rendue possible par l'ajustement du plafond des dépenses à l'évolution des prix) impliquent un effort extrêmement rigoureux de maîtrise budgétaire dans l'ensemble des missions du budget. A cela, il convient d'ajouter l'application traditionnelle des règles d'indexation des principales dotations aux collectivités territoriales qui préempte 1,1 milliard d'euros en 2006 avant toute décision nouvelle.

En second lieu, les mesures fiscales adoptées entre 2002 et 2005 réduisent de 3,9 milliards d'euros les ressources du budget général de l'État en 2006 avant même la prise en compte des mesures proposées dans le projet de loi de finances. Parallèlement, la dynamique propre des allégements de charges sociales sur les bas salaires mis en place par la loi « Fillon » du 17 janvier 2003, soutenue par une progression sans précédent du SMIC entre 2002 et 2005, alourdit de 1,8 milliard d'euros (0,9 milliard d'euros au titre de 2005 et 0,9 milliard d'euros à celui de 2006) les charges du budget général, quelles que soient d'ailleurs les modalités d'imputation budgétaire retenues pour leur traitement.

Au total, ce ne sont pas moins de 11,7 milliards d'euros qui apparaissent « distribués » avant même les premiers choix budgétaires pour 2006.

Dans ce contexte très largement contraint, le Gouvernement a su faire preuve de responsabilité et d'ambition dans la détermination de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2006.

Témoigne du souci de responsabilité à l'égard des générations futures l'adossement des mesures d'allégements supplémentaires d'impôts proposées dans le présent projet de loi, qui atteignent 0,8 milliard d'euros, à des mesures fiscales d'harmonisation et de simplification qui permettent de dégager une plus-value de 1,0 milliard d'euros. Au total, le coût des baisses d'impôts en 2006 est « limité » à un peu plus de 3,7 milliards d'euros.

De même, le respect de la « norme zéro » est désormais pleinement entré dans les mœurs : la régulation budgétaire pour 2005 a porté dès le premier semestre 2005 sur 8 milliards d'euros, dont 4 milliards d'euros consolidés par des annulations de crédits ; en 2006, le financement des priorités du Gouvernement (1,6 milliard d'euros supplémentaires consacrés aux missions régaliennes de la Défense, de la Justice et de l'Intérieur et une enveloppe de 3,4 milliards d'euros accordée au programme « accès et retour à l'emploi) est rendu compatible avec le gel en volume de la dépense au moyen d'importants redéploiements et d'une nouvelle accélération des efforts de productivité. Les dépenses complémentaires à celles incluses dans le champ de la « norme zéro » (qu'elles soient financées par une subvention ou par une affectation de ressources qui sont traitées dans la nomenclature budgétaire en « changement de périmètre »), lesquelles constituent dans la présentation retenue par le présent rapport la catégorie des « couvertures de dépenses effectuées par d'autres organismes publics », sont limitées à 2,2 milliards d'euros, dont les deux tiers financeraient des dépenses « d'avenir » (avec en particulier l'accroissement de près 0,9 milliard d'euros des moyens de l'Agence de financement des infrastructures de transports, dont 0,7 milliard d'euros de ressources fiscales transférées), le reliquat servant, comme il est encore trop fréquemment de coutume, à couvrir des besoins de financement contraints (par exemple, l'adossement du régime maladie des marins au régime général).

Le projet de loi de finances pour 2006 trace en outre des perspectives ambitieuses pour l'avenir. La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (n° 2001-692 du 1er août 2001) fournit les instruments d'une réforme de l'État et appelle à faire émerger une culture de performance dont les effets pourraient apparaître assez vite. Parallèlement, pour 2007, la réforme de l'imposition des personnes, qui allie efficacement simplification de l'impôt, encouragement au travail et responsabilité fiscale (« bouclier fiscal » d'un côté, plafonnement des avantages fiscaux de l'autre), et celle de la taxe professionnelle marquent une nouvelle étape dans l'adaptation de notre système fiscal aux défis et aux nécessités d'une économie de croissance.

Pour autant, la confrontation des grandes données de l'équilibre du budget pour 2006 à la « règle de répartition des 10 milliards d'euros » incite dès à présent à la plus grande vigilance sur les modalités de financement des allégements fiscaux programmés pour 2007. En 2006, la somme des nouveaux moyens (dépenses directes et « indirectes », baisses d'impôt), qui atteint 14,2 milliards d'euros, dépasse sensiblement les 10 milliards d'euros correspondant aux surplus annuels « durables » à long terme. L'adoption de prévisions de recettes raisonnablement optimistes, ainsi qu'une forte sollicitation des ressources non fiscales (+1,7 milliard d'euros à périmètre constant en dépit de l'interruption des versements annuels de 3 milliards d'euros de la CADES au budget de l'État), permettent d'escompter une plus-value de recettes de 13,4 milliards d'euros en 2006, qui limite par conséquent la dégradation du solde du budget général de l'État à 1,4 milliard d'euros en 2006, dégradation d'ailleurs compensée par l'apparition d'un excédent équivalent des comptes spéciaux du Trésor permettant de stabiliser le déficit du budget de l'État dans son ensemble.

Pour autant, il est clair que la conduite simultanée d'une politique de responsabilité budgétaire et d'une politique de réforme fiscale ambitieuse se heurte à la faiblesse des marges de manœuvre réellement disponible. L'arbitrage responsable entre réduction du déficit public et baisses d'impôts porte aujourd'hui sur une masse réduite à 4 milliards d'euros. La seule solution pour étendre les marges de manœuvre consiste donc à aller plus loin dans la maîtrise de la dépense : c'est sans doute là l'un des enjeux décisifs des choix budgétaires du futur. C'est pourquoi l'engagement du Gouvernement de parvenir, à brève échéance, à un gel en valeur de la dépense de l'État est la clef du rétablissement de nos finances publiques.

1 () Diminuées de l'accroissement du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes dont les évolutions sont ici considérées comme échappant aux arbitrages budgétaires annuels en raison de leur caractère « exogène ».

2 () Après financement du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes, voir note (1) ci-dessus.

3 () Dont le détail est présenté dans le rapport n° 1863, Tome I, de votre Rapporteur général sur le projet de loi de finances pour 2005, aux pages 43 à 50.


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