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le 15 novembre 2005

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N° 2675

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 novembre 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE
L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 2673)
prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955,

PAR M. Philippe HOUILLON,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. - UNE CRISE À RÉSOUDRE 6

A. LA MONTÉE DES VIOLENCES 6

1. Une diffusion progressive depuis un foyer unique 7

2. Les formes prises par les violences urbaines 8

3. Les indicateurs des violences urbaines 8

B. LES PREMIÈRES RÉACTIONS LOCALES 10

1. Les pouvoirs de police du maire 10

2. Les mesures de couvre-feu 11

II. - UN ARSENAL JURIDIQUE À MOBILISER 12

A. UNE PANOPLIE LARGE D'INSTRUMENTS JURIDIQUES EN CAS DE CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES 13

1. Des réquisitions à l'article 16 13

2. L'état d'urgence : un outil à géométrie variable 14

a) L'adoption de la loi de 1955 et ses applications 15

b) Les principales dispositions de la loi du 3 avril 1955 19

B. UNE PROROGATION NÉCESSAIRE DE L'ÉTAT D'URGENCE 23

1. Les décrets du 8 novembre 2005 23

2. La demande de prorogation 26

EXAMEN DES ARTICLES 31

Article 1er : Prorogation de l'état d'urgence 31

Article 2 : Autorisation donnée aux autorités administratives d'ordonner des perquisitions 34

Article 3 : Procédure de fin anticipée de l'état d'urgence 35

TABLEAU COMPARATIF 37

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 39

ANNEXE - LISTE DES TEXTES CITÉS DANS LE RAPPORT 45

MESDAMES, MESSIEURS,

Sans discontinuer depuis le 27 octobre dernier, des violences ont essaimé dans la plupart des zones urbaines de notre territoire.

L'objectif n'est pas ici de déterminer les causes de la crise ni de rechercher les responsabilités mais de déployer tous les outils juridiques à notre disposition pour rétablir l'ordre public, mais aussi pour le maintenir au-delà des manifestations les plus violentes de la crise.

Il s'agit seulement aujourd'hui d'accorder au Gouvernement les moyens gradués de répondre à ces objectifs. À cet égard, le caractère exceptionnel des circonstances exige une légalité exceptionnelle. Ce n'est pas un autre raisonnement qui avait conduit le gouvernement de M. Laurent Fabius à faire voter, en 1985, une loi pour instaurer l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie pour une période de six mois (1).

L'état d'urgence, déclenché le mercredi 9 novembre 2005 à zéro heure par deux décrets pris la veille sur le fondement de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 (2), doit s'achever le dimanche 20 novembre à minuit. Au-delà, l'intervention d'une loi est nécessaire pour le proroger. C'est l'objet du présent projet de loi.

L'intervention de la représentation nationale ne doit pas être interprétée comme un expédient visant à prolonger un dispositif qui devrait avoir une durée d'application brève. Lorsque les circonstances justifient un état d'urgence, le retour à la normale n'est guère envisageable en un si court laps de temps. Avoir prévu que le Parlement se prononce pour proroger l'état d'urgence dans un délai de douze jours est la manifestation du rôle central de la représentation nationale pour juger de la pertinence de ce dispositif, de sa durée et de son champ d'application.

Les maîtres mots du dispositif qui nous est proposé sont « nécessité », « proportionnalité » et « caractère transitoire ».

Nécessité, car il est impératif que les mesures que pourront être amenés à prendre le ministre de l'intérieur ou les préfets sous le régime de l'état d'urgence soient rendues nécessaires par les troubles apportés à l'ordre public. C'est pourquoi la loi, tout comme les décrets qui la précèdent, ne donnent au ministre de l'intérieur et aux préfets qu'une faculté, et en aucun cas une obligation, de recourir à l'une ou l'autre des dispositions prévues par la loi du 3 avril 1955. C'est pourquoi le recours à la censure est une mesure qui ne pourra en aucun cas être mise en œuvre.

Proportionnalité, car il est impératif que d'éventuelles restrictions à la liberté de circulation et à la liberté de réunion, ou perquisitions, ou remises d'armes, soient effectuées de manière circonscrite et pertinente. C'est pourquoi la plupart des dispositions qui pourront être prises sont limitées, en vertu du décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005, à une zone d'application qui ne comprend que les principales zones urbaines du territoire métropolitain.

Caractère transitoire, car il est impératif que les dérogations au droit commun ne durent que le temps nécessaire à un rétablissement et à un maintien durable de l'ordre public. C'est pourquoi le projet de loi prévoit une prorogation brève, pour seulement trois mois, de l'état d'urgence, et y adjoint la possibilité d'y mettre fin avant ce terme, par l'adoption d'un décret en conseil des ministres.

Ainsi, si cette loi doit œuvrer dans un premier temps à rétablir l'ordre public, elle porte en elle un dessein politique plus fort, qui est l'établissement de la concorde entre les citoyens, de l'harmonie entre les différents espaces qui forment la République. Spinoza explique que la finalité du système politique est de « libérer l'individu de la crainte. (...) Après quoi, (les citoyens) seront en mesure de raisonner plus librement, ils ne s'affronteront plus avec les armes de la haine, de la ruse et ils se traiteront mutuellement sans injustice. » C'est précisément l'objet du présent projet de loi.

I. - UNE CRISE À RÉSOUDRE

Le cours ordinaire des choses se trouve aujourd'hui altéré par une série de violences urbaines. Celles-ci se sont progressivement diffusées au cours des dernières semaines au point de nécessiter la mise en œuvre de pouvoirs de crise, de nature à faciliter le maintien de l'ordre et à assurer la continuité du service public.

Ainsi, d'ores et déjà, certains maires, utilisant les ressources de leurs pouvoirs de police, ont pu apporter les premières réponses locales à la montée des violences urbaines.

A. LA MONTÉE DES VIOLENCES

L'origine géographique de la crise actuelle, les étapes de cette crise, les formes prises par les violences urbaines et les indicateurs de ces violences permettent d'appréhender le phénomène. Il serait en revanche beaucoup plus hasardeux et prématuré d'en diagnostiquer dès aujourd'hui les raisons, tant circonstancielles que structurelles, ou d'en désigner des responsables.

1. Une diffusion progressive depuis un foyer unique

En apparence, le déclenchement des premières violences, à Clichy-sous-Bois, dans la nuit du jeudi 27 au vendredi 28 octobre 2005, serait dû à la mort de deux mineurs électrocutés après s'être réfugiés dans un transformateur pour échapper à la police.

Les premières nuits se sont caractérisées par le phénomène circonscrit des violences urbaines : les seules communes de Clichy-sous-Bois et Montfermeil ont été concernées.

À partir de la nuit du 31 octobre au 1er novembre, les troubles se diffusent en Seine-Saint-Denis, dans les communes de Bondy, Sevran, Aulnay-sous-Bois, Neuilly-sur-Marne. Une centaine de véhicules sont incendiés au cours de cette nuit, dont 70 en Seine-Saint-Denis.

Lors de la nuit du 1er au 2 novembre, alors même que les communes de Clichy-sous-Bois et Montfermeil connaissent pour la première fois depuis le 27 octobre une nuit sans incidents, la diffusion des violences se poursuit en région parisienne, non seulement en Seine-Saint-Denis mais encore en Seine-et-Marne, dans les Yvelines et dans le Val-d'Oise.

Un plan de lutte contre les violences urbaines entre en vigueur dans la journée du 2 novembre 2005. Ce plan, que M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur, avait déjà évoqué lors de son audition sur les crédits de la mission « Sécurité » par votre Commission, mobilise dix-sept compagnies républicaines de sécurité (crs) dans les départements sensibles.

La diffusion progressive des violences s'amplifie dans d'autres quartiers de la métropole francilienne mais aussi dans des agglomérations de province. Lors de la nuit du 3 au 4 novembre, des incidents sérieux ont lieu pour la première fois hors d'Île-de-France, en Seine-Maritime, dans les Bouches-du-Rhône et la Côte-d'Or. Dans la nuit du 6 au 7 novembre, pour la première fois depuis le début des violences urbaines, les incendies volontaires sont plus nombreux en province qu'en région parisienne : 982 voitures sont brûlées en province, sur un total de 1 408 voitures incendiées. Parmi les principales agglomérations concernées par ces violences, on peut citer Toulouse, Lyon, Évreux, Amiens.

Le 12 novembre en fin de journée, un affrontement a lieu dans le centre-ville de Lyon. Pour la première fois depuis le début des évènements, le cœur d'une ville est touché par ce type de troubles.

À l'heure actuelle, si la situation paraît moins troublée en région parisienne, les foyers de violence urbaine demeurent vivaces en province.

2. Les formes prises par les violences urbaines

Les violences urbaines qui ont lieu depuis la nuit du 27 au 28 octobre 2005 sont caractérisées par quelques constantes.

La mise à feu de poubelles, celle de voitures, est l'un des signes les plus manifestes de ces violences. Les incendies peuvent aussi viser des moyens de transport en commun (bus), des écoles, de nombreux autres bâtiments publics (bibliothèques, trésoreries, centres sociaux, postes de police...), des églises, des établissements privés (supermarchés, garages, entrepôts...).

Outre ces dommages aux biens, les violences urbaines provoquent également des atteintes aux personnes. Les forces de l'ordre sont les premières visées. Elles essuient parfois des tirs à balle ou des tirs de grenaille, plus souvent le jet de projectiles, qui peut être rendu très dangereux, voire létal, lorsqu'il est pratiqué depuis une grande hauteur.

Si les formes prises par ces violences urbaines sont assez répétitives, leurs auteurs sont à la fois dissemblables et imprévisibles. Il peut s'agir aussi bien de majeurs que de mineurs, de récidivistes que de primo-délinquants. Ils évoluent par petits groupes, et leur connaissance des lieux, leur rapidité de déplacement sont autant de facteurs qui rendent l'action des forces de l'ordre particulièrement délicate.

3. Les indicateurs des violences urbaines

Un indicateur national des violences urbaines a été mis en place à la fin de l'année 2004, pour que le ministère de l'intérieur dispose d'un outil d'analyse et d'action dans les quartiers sensibles. Cet indicateur est renseigné par la direction centrale des renseignements généraux.

Les deux indicateurs principaux, dont la presse s'est fait l'écho depuis le début du mois, et qui servent pour ainsi dire de baromètre quotidien pour évaluer l'intensité des troubles de ces derniers jours, sont le nombre de voitures incendiées d'une part et le nombre d'interpellations d'autre part.

Il est important de replacer ces indicateurs en perspective. Depuis le 1er janvier 2005, plus de 28 000 voitures ont été brûlées. Le phénomène des voitures brûlées fait donc partie du quotidien de nombreuses agglomérations.

Mais, depuis le début des troubles le 27 octobre, la police a interpellé plus de 2 500 personnes et plus de 6 000 voitures ont été incendiées.

L'évolution jour après jour de ces indicateurs permet de constater une montée en puissance des violences urbaines, jusqu'à la nuit du dimanche 6 novembre 2005 (plus de 1 400 voitures incendiées et près de 400 interpellations pour cette seule nuit), puis leur décrue progressive depuis lors.

Alors que l'on dénombre 220 voitures brûlées dans la nuit du 1er au 2 novembre, ce chiffre s'élève à 600 dans la nuit du 3 au 4 novembre, puis à 1 295 dans la nuit du 5 au 6 novembre. La nuit du 8 au 9 novembre compte 617 voitures brûlées et 280 interpellations. Enfin, lors de la nuit du 12 au 13 novembre, on dénombre 374 incendies de voitures (dont seulement 74 en Île-de-France) et 212 interpellations.

Si le phénomène évolue donc selon une courbe de Gauss, il faut ajouter que la courbe est distincte pour la région francilienne et pour la province. À un décalage dans la croissance des violences correspond aussi un décalage dans la diminution. La province, concernée plus tardivement, concentre donc aujourd'hui plus de violences urbaines.

Néanmoins, il est pour le moment trop tôt pour savoir si la baisse du nombre d'incidents témoigne d'un rétablissement progressif de l'ordre public ou si les quartiers qui connaissent ces troubles sont encore en état de crise plus ou moins larvée.

LES VIOLENCES URBAINES AU FILTRE DE DEUX INDICATEURS IMPARFAITS

Nuit

Nombre de voitures incendiées

dont Île-de-France

Nombre d'interpellations

31 octobre-1er novembre

(nd)

70

(nd)

1er novembre-2 novembre

(nd)

180

(nd)

2 novembre-3 novembre

(nd)

315

(nd)

3 novembre-4 novembre

600

500

(nd)

4 novembre-5 novembre

897

656

253

5 novembre-6 novembre

1 295

741

349

6 novembre-7 novembre

1 408

426

395

7 novembre-8 novembre

1 173

240

330

8 novembre-9 novembre (début de l'état d'urgence à 0 heures le 9 novembre)

617

150

280

9 novembre-10 novembre

482

95

203

10 novembre-11 novembre

463

89

201

11 novembre-12 novembre

502

86

206

12 novembre-13 novembre

374

74

212

13 novembre-14 novembre

284

(nd)

115

14 novembre-15 novembre

215

(nd)

71

B. LES PREMIÈRES RÉACTIONS LOCALES

1. Les pouvoirs de police du maire

Le premier alinéa de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dispose : « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. ». Le maire, dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs de police, est ainsi chargé de prendre les mesures propres à maintenir l'ordre public dans ses différentes composantes : sécurité publique, tranquillité publique et salubrité publique.

Le maire est ainsi responsable de la police de la circulation sur les voies communales et sur l'ensemble des voies qui sont situées en agglomération, à l'exception des voies classées à grande circulation pour lesquelles le préfet est compétent. Il est aussi responsable de la police des réunions sur le territoire communal.

En cas de carence de l'autorité municipale, le préfet peut se substituer à elle et agir en ses lieu et place (art. L. 2215-1 du même code).

Par ailleurs, de manière générale, le préfet est compétent pour prendre des mesures dont le cadre d'application dépasse le territoire d'une seule commune. Un maire peut alors éventuellement aggraver les mesures décidées par le préfet, mais en aucun cas les atténuer (3).

Dans certaines communes, en vertu du chapitre IV du titre Ier du livre II du code général des collectivités territoriales (articles L. 2214-1 à L. 2214-4), un régime de police d'État peut être établi. En vertu de l'article L. 2214-4, « Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu'il est défini au 2° de l'article L. 2212-2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l'État seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les bruits de voisinage. ». Cela signifie que les mesures relatives à la tranquillité publique sont prises par le préfet dans les communes à police d'État. Ces communes sont les chefs-lieux de départements, les communes de plus de 20 000 habitants qui en font la demande, ainsi que les communes urbaines qui ont un fort taux de délinquance. On dénombre près de 2 600 communes soumises au régime de police d'État.

La juridiction administrative exerce un contrôle de proportionnalité sur les mesures qui sont prises dans le cadre de l'exercice du pouvoir de police par les maires. Les interdictions qui ont un caractère général ou absolu sont ainsi le plus souvent prohibées.

Comme le juge administratif en a décidé à plusieurs reprises en matière d'arrêtés municipaux interdisant certaines réunions publiques, « s'il incombe au maire (...) de prendre les mesures qu'exige le maintien de l'ordre, il doit concilier l'exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté de réunion » (4).

Le maire, usant de ses pouvoirs de police, peut ainsi apporter une réponse, utile quoique limitée, aux violences urbaines qui ont lieu dans certaines communes depuis deux semaines, par l'adoption de mesures de couvre-feu.

2. Les mesures de couvre-feu

Les mesures de couvre-feu peuvent être prises par arrêté municipal. Elles consistent à interdire, durant certaines heures de la nuit, la circulation des personnes, ou plus spécifiquement celle des mineurs, sur le territoire d'une commune ou seulement dans certains secteurs de la commune en question. C'est une mesure qui permet d'une part d'assurer la protection des personnes visées par l'interdiction et d'autre part d'éviter que ces personnes participent à d'éventuels attroupements ou à d'autres formes de troubles ou de violences.

La juridiction administrative opère un strict contrôle de légalité sur ces mesures lorsqu'elles sont prises par arrêté municipal, les subordonnant « à la double condition qu'elles soient justifiées par l'existence de risques particuliers dans les secteurs pour lesquels elles sont édictées et qu'elles soient adaptées par leur contenu à l'objectif de protection pris en compte » (5).

En outre, « l'autorité administrative ne dispose du pouvoir d'assurer l'exécution forcée de ses décisions que si la loi le prévoit ou en cas d'urgence pour faire cesser un danger immédiat » (6). En vertu de cette restriction à la possibilité de recourir à l'exécution forcée, l'arrêté municipal doit explicitement mentionner que les mesures d'exécution forcée ne sont applicables qu'en cas d'urgence.

Le contrôle de la juridiction administrative sur les arrêtés de couvre-feu est d'autant plus efficace et rapide qu'il peut avoir lieu par ordonnance du juge des référés, suspendant l'exécution de l'arrêté si celui-ci est jugé illégal. En vertu de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés doit se prononcer dans un délai de quarante-huit heures, dans la mesure où de tels arrêtés sont susceptibles de porter atteinte à une liberté fondamentale, celle d'aller et de venir.

Les ordonnances du juge des référés sur les arrêtés de couvre-feu ont ainsi parfois suspendu, en tout ou pour partie, l'application de ces arrêtés : soit parce qu'ils prévoient leur exécution forcée sans restriction aux cas d'urgence, soit parce que les secteurs visés sont pour tout ou partie hors de la zone pour laquelle existe une justification sérieuse à l'arrêté, soit en raison de l'absence de risques justifiant l'édiction de mesures restreignant la liberté de circulation.

L'utilité des arrêtés municipaux de couvre-feu dans le cadre des violences urbaines survenues depuis la fin du mois d'octobre 2005 est réelle. C'est pourquoi, certains maires, se fondant sur leur pouvoir de police, ont eu recours à de tels arrêtés, afin de contribuer au rétablissement de l'ordre public. Ainsi, un arrêté du maire du Raincy du 7 novembre 2005 interdit la circulation des mineurs entre 22 heures et 6 heures du matin. Le 8 novembre 2005, le maire d'Orléans a interdit la circulation des mineurs de moins de seize ans de 21 heures à 6 heures, tandis que le maire de Savigny-sur-Orge a interdit la circulation des mineurs non accompagnés de 22 heures à 7 heures.

Si ces arrêtés ont une utilité certaine, elle n'en demeure pas moins extrêmement limitée. En effet, ces arrêtés ne peuvent édicter une interdiction générale et absolue de circuler, pour l'ensemble de la population, sans courir le risque d'être censurés par le juge administratif. Leur adoption relève d'un choix du maire, alors que les violences urbaines se diffusent selon une logique qui ne correspond pas à celle des frontières communales et exigent de ce fait une réponse cohérente et uniforme à l'échelle d'un ensemble de quartiers, voire de l'ensemble d'une agglomération. Enfin, il est difficile d'assurer le respect de ces arrêtés, d'une part parce que leur exécution forcée n'est possible qu'en cas d'urgence manifeste, d'autre part parce que la sanction de leur non-respect est une simple amende de première classe, et par conséquent très faiblement dissuasive.

C'est pourquoi d'autres outils juridiques doivent être envisagés pour répondre à la situation de trouble grave et continu apporté à l'ordre public dans certains secteurs urbains du pays depuis la fin du mois d'octobre.

II. - UN ARSENAL JURIDIQUE À MOBILISER

Pour faire face aux circonstances exceptionnelles, il existe dans notre droit toute une panoplie d'outils juridiques permettant, pour une période transitoire, d'écarter l'application des règles de la légalité ordinaire dans le but de tarir les sources de la crise ou du moins dans celui de rétablir la situation antérieure.

A. UNE PANOPLIE LARGE D'INSTRUMENTS JURIDIQUES EN CAS DE CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES

Au-delà de la théorie jurisprudentielle des « circonstances exceptionnelles », selon laquelle certaines décisions qui seraient illégales en temps normal peuvent devenir légales en certaines circonstances parce qu'elles sont alors nécessaires au maintien de l'ordre, notre corpus juridique possède plusieurs outils pour répondre à des situations de crise.

1. Des réquisitions à l'article 16

La loi du 3 juillet 1877 relative aux réquisitions militaires, complétée par celle du 11 juillet 1938 et l'ordonnance n° 59-63 du 6 janvier 1959 relative aux réquisitions de biens et de services, autorise les réquisitions de biens, de service et de personnes en cas de mobilisation partielle ou totale de l'armée. L'ordonnance n° 1959-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense (7) autorise l'utilisation de la mise en garde, forme de prémobilisation conférant au Président de la République de très larges pouvoirs, allant de la réquisition des personnes, des biens et des services, et, même, pour convoquer les réservistes. Désormais tous ces textes figurent dans le code de la défense (8).

La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combats et milices privées habilite le conseil des ministres à procéder à la dissolution d'associations portant atteinte à l'ordre public ou à l'intégrité du territoire ou qui provoquent des manifestations armées dans la rue.

L'article 16 de la Constitution peut être mis en œuvre lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et lorsque le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu. La décision est prise par le seul Président de la République, qui doit cependant consulter le Premier ministre, les présidents des assemblées et le Conseil constitutionnel, celui-ci se prononçant, dans un avis rendu public, sur l'existence des conditions de fond. La Nation doit être informée par un message présidentiel de la décision prise. Le Parlement se réunit de plein droit et il ne peut être fait usage du pouvoir de dissolution. La procédure de l'article 16 n'a été mise en œuvre qu'une fois à la suite du putsch militaire à Alger en avril 1961.

Enfin, il convient de mentionner l'article 36 de la Constitution qui prévoit que l'état de siège peut être décrété en conseil des ministres et prorogé au-delà de douze jours par une autorisation du Parlement. L'état de siège est le plus ancien des régimes d'exception. Il a été conçu pour faire face aux nécessités de la défense en permettant la militarisation de toute l'administration. Le texte de base est la loi du 9 août 1849 sur l'état de siège, aujourd'hui codifiée dans le code de la défense. Les circonstances demandant la déclaration de l'état de siège sont celles de péril imminent résultant d'une guerre étrangère, d'une guerre civile ou d'une insurrection à main armée.

L'autorité militaire se substitue à l'autorité civile dans l'exercice de la police du maintien de l'ordre. Elle s'occupe de ce qui lui paraît nécessaire et laisse le reste à l'autorité civile. Ces pouvoirs, remis aux autorités militaires, sont étendus sur quatre points : possibilité d'effectuer des perquisitions de jour comme de nuit ; possibilité d'ordonner la remise des armes et munitions appartenant aux particuliers ; possibilité d'interdire les publications et réunions susceptibles d'entraîner des désordres ; possibilité d'éloigner les repris de justice et les personnes non domiciliées dans la zone en état de siège. Pour le reste, le droit commun subsiste.

Aucune de ces formes exceptionnelles de la légalité ne conviendrait à la situation actuelle qui ne s'apparente, en aucun cas, ni à un conflit de type militaire, ni à une menace portée aux institutions de la République, à l'indépendance de la Nation ou à l'intégrité de notre territoire. Il s'agit bien aujourd'hui de faire face à des menaces lourdes pour l'ordre public, ce qui correspond précisément à la définition de l'état d'urgence.

2. L'état d'urgence : un outil à géométrie variable

Le conseil des ministres peut proclamer l'état d'urgence en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public (9) ou d'événements présentant le caractère d'une calamité publique (10). Cet état d'urgence, né de la guerre d'Algérie, s'est appliqué, en Algérie, puis en métropole, de 1955 à 1962, mais aussi en Nouvelle-Calédonie, en 1985.

Ce régime exceptionnel, destiné à donner au Gouvernement les armes nécessaires pour remédier alors à l'état de crise résultant de l'insurrection algérienne, sans avoir à recourir à l'état de siège, a été, par la suite, modifié, notamment par l'ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960, qui lui a donné sa forme actuelle.

a) L'adoption de la loi de 1955 et ses applications

L'histoire montre que le caractère exceptionnel des circonstances qui justifient l'activation de l'état d'urgence explique le caractère également exceptionnel, et parfois hétérodoxe, de sa mise en musique juridique.

- L'adoption de la loi du 3 avril 1955

Sous le gouvernement dirigé par Edgar Faure, en 1955, le programme est à la lutte contre la rébellion en Algérie en empruntant les moyens appropriés : l'état d'urgence est donc voté dans les premiers jours d'avril.

L'état de siège, proclamé à trois reprises par le Parlement en 1879, 1914 et 1939, s'avérait inapplicable en la circonstance puisque, aux termes de la loi du 9 août 1849 qui l'a défini, il ne peut intervenir qu'en « cas de péril imminent résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection armée ». Or, l'Algérie, selon la version officielle de l'époque, est seulement le lieu de « troubles » sanglants. Aussi, l'état-major de la défense, invente-t-il l'état d'urgence. À en croire Edgar Faure, il n'y a guère de différence entre état de siège et état d'urgence : « La simple vérité étant que le terme état de siège évoque irrésistiblement la guerre et que toute allusion à la guerre devait être soigneusement évitée à propos des affaires d'Algérie » (11).

Le 18 mars, le Gouvernement adopte le projet de loi sur l'état d'urgence. Il est aussitôt déposé devant l'Assemblée nationale, qui en débat les 30 et 31 mars. Le respect de la loi interdisant un régime d'exception pour l'Algérie, partie intégrante du territoire national, le texte dispose, dans son article premier, que l'état d'urgence peut s'appliquer sur « tout ou partie du territoire métropolitain, de l'Algérie ou des départements d'outre-mer, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamité publique ». Le titre III n'en emporte pas moins l'ouverture de l'état d'urgence pour la seule Algérie. En fait, précise le ministre de l'intérieur, le gouvernement en plein accord avec le gouverneur général, entend seulement l'appliquer aux Aurès et à la Kabylie, « où des actes de banditisme sévissent avec une intensité particulière ».

L'état de siège permet essentiellement des perquisitions de jour et de nuit, l'éloignement des repris de justice et des individus non domiciliés dans la zone de l'état de siège, la remise des armes et des munitions, l'interdiction des réunions ou publications de nature à exciter ou à entretenir le désordre. Mais, l'état d'urgence, là où il s'applique, donne aux autorités le droit « d'interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté ; d'instituer par arrêté des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ; d'interdire le séjour dans tout ou partie du département de toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics » (article 6). Le ministre de l'intérieur a ajouté un alinéa disposant qu'« en aucun cas, l'assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps » (article 7) et cela pour répondre à la critique maintes fois formulée : l'assignation à résidence forcée « étendue à un grand nombre de personnes pourrait aboutir à la création de camps d'internement ».

Pour éviter d'autres abus, l'article 8 prévoit un recours auprès d'une commission consultative qui peut décider du retrait de ces mesures privatives de liberté. L'article 12 permet aux autorités d'ordonner des perquisitions de jour et de nuit, de contrôler la presse et les publications de toute nature, de même que les émissions radiophoniques, les programmes cinématographiques et les représentations théâtrales. L'article 13 précise qu'un décret pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de la défense nationale peut autoriser la juridiction militaire à se saisir des crimes relevant de cours d'assises et des délits qui leur sont connexes.

Le projet de loi est adopté le 1er avril, à 4 heures 20 du matin, par 379 voix contre 219. Votée dès le lendemain par le Conseil de la République (233 voix pour, 77 contre), la loi instituant l'état d'urgence en Algérie pour une durée de six mois est promulguée le 3 avril 1955. Le 6 avril, M. Jacques Soustelle, le gouverneur général, en annonce l'application dans certaines circonscriptions. Dans une circulaire du 5 avril adressée à tous les fonctionnaires sous ses ordres, le gouverneur général les incite à témoigner aux personnes concernées les égards dus à tout être humain. Dans le même esprit, il s'adresse aux préfets le 8 avril : « L'état d'urgence (...) doit contribuer à la mission de pacification, entendue au sens large du mot, et préparer des lendemains sans amertume. » La circulaire « gubernatoriale » n° 2512 du 8 avril 1955 donne « délégation aux préfets de prononcer les assignations à résidence et de placer les assignés sous le régime de la réquisition civile ».

- Les cas d'application de l'état d'urgence

L'état d'urgence a ainsi été appliqué en Algérie par la loi du 3 avril 1955 pour une période de six mois, prorogée par la loi n° 55-1080 du 7 août 1955 pour six autres mois. Le décret n° 55-1147 du 30 août 1955 étendit l'état d'urgence à tout le territoire algérien. Mais la dissolution de l'Assemblée nationale, le 1er décembre 1955, eut pour conséquence de rendre caduque la loi ayant déclaré l'état d'urgence, conformément à l'article 4 de la loi du 3 avril.

Cependant, sous le gouvernement de Guy Mollet, la loi du 16 mars 1956 relative aux pouvoirs spéciaux en Algérie (12), dans son article 5, accorda au Gouvernement le droit de déclarer l'urgence par décret dans les départements algériens.

À la suite du mouvement du 13 mai 1958 à Alger, l'état d'urgence a été appliqué en métropole par la loi n° 58-487 du 17 mai 1958 pour une période de trois mois, emportant explicitement l'application de l'article 11 de la loi qui confère aux autorités administratives non seulement le pouvoir d'ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit, mais aussi celui de prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature (13). L'article unique de cette loi prévoyait que les pouvoirs d'état d'urgence étaient caducs en cas de changement de gouvernement, ce qui fut le cas dès le 1er juin 1958.

En 1960, ce sont les barricades d'Alger qui poussent le Parlement, convoqué le 2 février, à confier au Gouvernement le pouvoir de prendre des ordonnances pour agir en Algérie. La loi est adoptée à une large majorité tant à l'Assemblée nationale (sur 549 députés, 441 votent pour, 75 contre et 16 s'abstiennent) qu'au Sénat (225 voix pour, 39 contre, 18 abstentions).

Prise sur le fondement de cette loi n° 60-101 du 4 février 1960 autorisant le Gouvernement à prendre, par application de l'article 38 de la Constitution, certaines mesures relatives au maintien de l'ordre, à la sauvegarde de l'État, à la pacification et à l'administration de l'Algérie, l'ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 donne à la loi du 3 avril 1955 sa forme définitive, en prévoyant notamment que la loi portant prorogation de l'état d'urgence devient caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ou de dissolution de l'Assemblée nationale, ce qui se produira en 1962.

L'ordonnance n° 60-529 du 4 juin 1960 (14), dans son article 11, maintient en vigueur les dispositions de valeur législative de la loi du 3 avril 1955, écartant ainsi toutes les interrogations qui avaient pu apparaître sur la valeur des textes instituant l'état d'urgence maintenus après la promulgation de la Constitution du 4 octobre 1958.

À la suite du « putsch des généraux », par deux décrets du 22 avril 1961 (15), l'état d'urgence est déclaré à compter du 23 avril sur le territoire de la métropole, avant même la décision datée du même jour de mettre en œuvre l'article 16 de la Constitution. C'est sur le fondement de ce dernier que, dès le 24 avril, une nouvelle décision prolonge l'état d'urgence jusqu'à nouvelle décision.

Une décision du 29 septembre 1961 mit fin à l'application de l'article 16. Cependant, l'état d'urgence, par une décision du même jour (16), fut maintenu jusqu'au 15 juillet 1962 « sous réserve de ce qui pourrait être décidé par la loi ». L'ordonnance n° 62-797 du 13 juillet 1962, prise en application de la loi référendaire n° 62-421 du 13 avril 1962 (17), prorogea l'état d'urgence jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard jusqu'au 31 mai 1963. Si l'article 50 de la loi n° 63-23 du 15 janvier 1963 (18) a conféré force de loi à cette ordonnance, aucun décret ne fut pris sur son fondement. En tout état de cause, la dissolution de l'Assemblée nationale, décidée par décret du 9 octobre 1962, a mis fin à l'état d'urgence, conformément aux dispositions précitées de l'article 4 de la loi du 3 avril 1955 qui prévoient que « la loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ou de dissolution de l'Assemblée nationale » (19).

Il faudra attendre vingt-cinq ans pour que les pouvoirs publics estiment à nouveau nécessaire de recourir aux dispositions de la loi du 3 avril 1955. C'est ainsi que l'état d'urgence a été instauré sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie et de ses dépendances par arrêté n° 85-35 du haut-commissaire de la République en date du 12 janvier 1985 sur le fondement de l'article 116 de la loi du 6 septembre 1984 (20) et de la loi du 3 avril 1955. La loi n° 85-96 du 25 janvier 1985, après de vifs débats (21) et la saisine du Conseil constitutionnel, a autorisé la prorogation de l'état d'urgence sur ces territoires jusqu'au 31 juin 1985.

LES MISES EN œUVRE DE L'ÉTAT D'URGENCE DEPUIS 1955

Territoire de la République concerné

Période

Algérie

3 avril 1955-1er décembre 1955

Métropole

17 mai 1958-1er juin 1958

Métropole

23 avril 1961-24 octobre 1962

Nouvelle-Calédonie

12 janvier 1985-30 juin 1985 (*)

(*) La période durant laquelle l'état d'urgence s'est appliqué en Nouvelle-Calédonie est en fait discontinue, un délai supérieur à douze jours s'étant écoulé entre l'arrêté du haut-commissaire proclamant cet état d'urgence (du 12 janvier 1985) et la loi destinée à proroger cet état d'urgence (promulguée le 25 janvier 2005).

b) Les principales dispositions de la loi du 3 avril 1955

L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ou des départements d'outre-mer dans deux cas : en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public ; en cas d'événements présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamité publique.

L'article 2 du texte de 1955, tel que modifié par l'ordonnance du 15 avril 1960, prévoit que l'état d'urgence peut résulter d'un décret en conseil des ministres. Ce décret détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur. Mais c'est un décret simple qui fixe, dans les limites de ces circonscriptions, les zones où l'état d'urgence doit recevoir application.

L'état d'urgence ne peut être déclaré par décret en conseil des ministres que pour une période de douze jours. La prorogation au-delà de ce délai ne peut être autorisée que par la loi qui en fixe la durée définitive.

Le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 85-187 du 25 janvier 1985 sur l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie a considéré qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur d'opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public. Il a aussi rappelé que la Constitution du 4 octobre 1958 n'avait pas eu pour effet d'abroger la loi du 3 avril 1955 qui, d'ailleurs, a été modifiée sous son empire.

L'état d'urgence prend fin par l'expiration du délai prévu par le décret qui le proclame ou par la loi qui le proroge. Dans ce dernier cas, la loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs, suivant la date de démission du Gouvernement ou de dissolution de l'Assemblée nationale, ce qui s'est passé lors de la dissolution de 1962.

L'état d'urgence couvre en réalité une série de régimes juridiques et non, comme l'état de siège, un seul régime. C'est ainsi que les mesures prises initialement par le haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie se sont limitées à la mise en place d'un couvre-feu, à une restriction de la détention des armes, et à l'interdiction de tout attroupement de plus de cinq personnes. Il faut distinguer entre les conséquences juridiques de la proclamation proprement dite et les mesures complémentaires qui peuvent y être ajoutées.

- Les conséquences de la proclamation de l'état d'urgence

La déclaration de l'état d'urgence donne au préfet, dont le département se trouve en tout ou en partie compris dans une circonscription soumise à cet état, le pouvoir d'interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté, d'instituer également par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé, d'interdire le séjour, dans tout ou partie du département, à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics.

Les mesures ainsi prises par le préfet, sont laissées à son entière discrétion. Il n'a donc aucune obligation de les motiver, spécialement en ce qui concerne l'interdiction de séjour, qu'il peut signifier même à une personne résidant dans une commune non comprise dans la zone d'application de l'état d'urgence fixée par décret (22). S'il est prévu des sanctions pénales en cas d'inexécution des décisions prises sur le fondement du 3° de l'article 5, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative prescrive l'exécution immédiate d'une mesure d'interdiction de séjour. Cette mesure peut être justifiée par des faits nouveaux résultant de la résolution rendue publique par l'intéressé de ne pas se soumettre à l'interdiction de séjour ordonnée à son encontre par un premier arrêté qui a été rapporté (23).

Dans tous les cas, le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans une circonscription territoriale ou une localité déterminée, de toute personne résidant dans la zone fixée et dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics. L'autorité administrative doit prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence, ainsi que celle de leur famille.

La décision du ministre de l'intérieur fixant assignation à résidence comme, d'ailleurs, l'arrêté du préfet portant interdiction de séjour peuvent faire l'objet d'un recours, en vue de leur retrait, devant une commission consultative comprenant des délégués du conseil général, et dont la composition et les conditions de fonctionnement sont fixées par le décret n° 55-493 du 10 mai 1955 portant règlement d'administration publique, modifié le 7 juillet 1955 (24). Les décisions de cette commission peuvent être déférées, pour excès de pouvoir, devant le tribunal administratif, à charge d'appel devant le Conseil d'État par les personnes qui en font l'objet. Dans une ordonnance rendue en référé le 14 novembre 2005, le président de la section du contentieux a rappelé qu'il incombe aux autorités compétentes de pourvoir à la constitution effective de ces instances afin d'assurer que l'application concrète de la loi sera assortie des garanties qu'elle prescrit (25).

Le tribunal administratif doit statuer dans le mois du recours et, s'il y a appel, le Conseil d'État doit statuer dans les trois mois, faute de quoi, les mesures d'interdiction de séjour ou d'assignation à résidence cessent de recevoir application.

Le ministre de l'intérieur, pour l'ensemble du territoire soumis à l'état d'urgence et le préfet, pour le département, peuvent aussi ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et salles de réunion de toute nature, dans les zones concernées. Ils peuvent interdire, à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou entretenir le désordre.

Ces autorités peuvent ordonner, de surcroît, la remise des armes de la première et quatrième catégories (armes de guerre et de défense), ainsi que celle des armes de la cinquième catégorie (armes de chasse et leurs munitions) (26). Seules, les armes de cette catégorie donnent lieu à récépissé et doivent être restituées à leurs propriétaires, à la fin de l'état d'urgence, dans l'état où elles se trouvaient lors de leur dépôt.

- Les mesures complémentaires susceptibles d'être prises

Le décret qui déclare l'état d'urgence ou la loi qui le proroge, peut par une disposition expresse, d'une part, conférer au ministère de l'intérieur, pour l'ensemble du territoire où est institué l'état d'urgence et au préfet, dans le département, le pouvoir d'ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit, dans les zones de protection (en vertu du 1° de l'article 11), et, d'autre part, les habiliter à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature, ainsi que des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales (en vertu du 2° l'article 11).

L'article 12 de la loi du 3 avril 1955 dispose que, lorsque l'état d'urgence est institué dans tout ou partie d'un département, un décret, pris sur le rapport du garde des sceaux et du ministre de la défense, peut autoriser la juridiction militaire à se saisir de crimes, ainsi que des délits qui leur sont connexes, relevant de la cour d'assises du département. Il convient donc en ce domaine de se référer exclusivement à l'article 700 du code de procédure pénale, qui prévoit l'établissement en cas d'urgence déclarée de tribunaux territoriaux des forces armées. Les règles procédurales énoncées à l'article 12 de la loi du 3 avril 1955 ne sont applicables que si elles sont compatibles avec les dispositions de procédure pénale militaire relative au temps de guerre. La compétence des tribunaux qui seraient établis peut résulter non seulement du code de justice militaire pour le temps de guerre, mais aussi de dispositions particulières des lois sur l'état d'urgence.

- Les sanctions pénales

L'article 13 de la loi du 3 avril 1955 sanctionne d'un emprisonnement de deux mois et d'une amende de 3 750 euros ou de l'une de ces deux peines seulement les infractions aux dispositions de cette loi relatives à l'interdiction de la circulation des personnes ou des véhicules, à l'institution de zones de protection, à l'interdiction de séjour, à l'assignation à résidence, aux fermetures de salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion, à la remise des armes et munitions et au contrôle de la presse. L'exécution d'office, par l'autorité administrative, des mesures prescrites peut être assurée, nonobstant l'existence de ces dispositions pénales.

Par ailleurs, pour être complet, le rapporteur mentionnera que l'article 414-1 du code pénal prévoit une répression accrue de certaines atteintes à la défense nationale lorsqu'elles ont été commises en cas d'état d'urgence.

LA QUESTION DE L'APPLICATION DE LA CONVENTION EUROPÉENNE
DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES DANS LE CADRE DE L'ÉTAT D'URGENCE

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été ratifiée par la France le 3 mai 1974.

Cette Convention impose aux États qui l'ont ratifiée un certain nombre d'obligations, destinées à protéger les droits fondamentaux.

L'article 15 de cette Convention prévoit néanmoins qu'il peut être dérogé aux obligations prévues par la Convention.

Le premier paragraphe de cet article précise que cette dérogation n'est autorisée que dans deux cas : le « cas de guerre » et le « cas d'autre danger public menaçant la vie de la Nation ». En outre, ce paragraphe précise que les mesures dérogatoires ne sont possibles que « dans la stricte mesure où la situation l'exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international ».

Un arrêt de Cour européenne des droits de l'homme est venu préciser que le « danger public menaçant la vie de la Nation » visé par l'article 15 peut être entendu comme un danger limité à une portion du territoire national (arrêt Lawless du 1er juillet 1961).

Le deuxième paragraphe de cet article énumère les articles de la Convention qui ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation. Ce noyau dur de la Convention comprend le droit à la vie (article 2), l'interdiction de la torture (article 3), l'interdiction de l'esclavage (§ 1 de l'article 4) et le principe de légalité des délits et des peines (article 7).

Le troisième paragraphe de cet article impose à l'État qui exerce son droit de dérogation une obligation d'information à l'égard du Conseil de l'Europe. Ce paragraphe stipule : « Toute Haute Partie contractante qui exerce ce droit de dérogation tient le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe pleinement informé des mesures prises et des motifs qui les ont inspirées. Elle doit également informer le secrétaire général du Conseil de l'Europe de la date à laquelle ces mesures ont cessé d'être en vigueur et les dispositions de la Convention reçoivent de nouveau pleine application. ».

La France a formulé lors de la ratification de la Convention une réserve sur le premier paragraphe de cet article 15. Le gouvernement français assimile les situations envisagées dans la Constitution et la législation française aux deux cas visés par l'article 15 de la Convention : « les circonstances énumérées par l'article 16 de la Constitution pour sa mise en œuvre, par l'article 1er de la loi du 3 avril 1978 et par la loi du 9 août 1849 pour la déclaration de l'état de siège, par l'article 1er de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 pour la déclaration de l'état d'urgence, et qui permettent la mise en application des dispositions de ces textes, doivent être comprises comme correspondant à l'objet de l'article 15 de la Convention. »

Ainsi, les dispositions qui peuvent être prises sur le fondement de la mise en œuvre de l'état d'urgence ne sont pas soumises à l'ensemble des obligations énumérées dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

B. UNE PROROGATION NÉCESSAIRE DE L'ÉTAT D'URGENCE

Les circonstances dans lesquelles notre pays se trouvent aujourd'hui ne sont pas, bien sûr, celles de 1955 et toute comparaison se révèlerait hasardeuse sinon malhonnête. Mais chacun peut s'accorder à constater que sont nés de la crise algérienne des outils légaux qui sont susceptibles d'être utilisés aujourd'hui pour faire face à des incidents dont l'ampleur, l'intensité, la soudaineté sont tels que les outils de la légalité ordinaire ne permettent pas de les traiter.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement a été appelé à prendre deux décrets en date du 8 novembre 2005, le premier portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 (décret n° 2005-1386), le second relatif à l'application de ladite loi (décret n° 2005-1387). C'est toujours dans ce contexte qu'il nous est demandé de prolonger l'application de cette loi.

1. Les décrets du 8 novembre 2005

Conformément à la loi du 3 avril 1955, pour « activer » l'état d'urgence, le Gouvernement doit procéder en deux étapes, comme il l'a fait en 1958 et en 1961 : un premier décret pris en conseil des ministres met en application la loi du 3 avril 1955 sur le territoire métropolitain, un second décret simple en limite l'application pour certaines de ses dispositions à certaines zones précises de notre territoire.

Ainsi, le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 pris en conseil des ministres ce même jour a mis en œuvre la loi du 3 avril 1955 à compter du 9 novembre 2005, à zéro heure, sur le territoire métropolitain, excluant ainsi les départements d'outre-mer.

De surcroît, il précise que cette « activation » de la loi de 1955 porte également sur une mesure complémentaire, celle prévue par le 1° de l'article 11 qui confère aux autorités administratives le pouvoir d'ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit (27). Il exclut, a contrario, l'application du 2° de l'article 11 qui confère à ces mêmes autorités le pouvoir de prendre « toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toutes natures ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales ».

Le second décret, n° 2005-1387, dimensionne l'application de la loi de 1955 aux événements :

-  l'article 5 est applicable à tout le territoire : les préfets peuvent interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté et instituer des zones de protection ou de sécurité dans lesquelles le séjour des personnes est réglementé (28).

-  les articles 6, 8, 9 et le 1° de l'article 11 ne sont applicables que sur une partie du territoire délimitée dans un tableau annexé au décret, reproduit en annexe du présent rapport.

Ces articles permettent :

-  au ministre de l'intérieur de prendre des mesures d'assignation à résidence, en application de l'article 6, et des mesures de remise des armes de première, quatrième et cinquième catégories en vertu de l'article 9 ;

-  aux préfets, en cas de nécessité, de prononcer la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature, ainsi que l'interdiction de réunions, en application de l'article 8.

Ces décrets offrent aux autorités compétentes un « menu » dans lequel elles peuvent choisir les mesures adaptées strictement aux circonstances locales, dès lors qu'elles constatent des atteintes graves à la sécurité des personnes et des biens sur ces territoires.

Compte tenu des actes constatés dans la région Île-de-France, les zones définies recouvrent la totalité du territoire des départements de cette région. Sont également désignées, pour d'autres départements métropolitains, des communes particulièrement affectées par les violences urbaines.

Par exemple, l'article 2 de l'arrêté pris en application de la loi du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence par le préfet de l'Eure (29) impose un couvre-feu à l'ensemble des personnes dans le quartier de la Madeleine à Évreux. Cet arrêté est donc généralisé à toute la population mais ne s'applique qu'à une fraction de commune.

Un arrêté pris par le préfet de la Seine-Maritime limite, en revanche, le couvre-feu aux seuls mineurs de moins de seize ans non accompagnés par une personne ayant autorité légale, mais cet arrêté fait porter cette interdiction sur l'ensemble du territoire des communes du Havre et des communautés d'agglomération de Rouen et d'Elbeuf et des boucles de la Seine. Ces deux exemples d'arrêtés préfectoraux témoignent en faveur d'une utilisation raisonnable et a minima des interdictions générales. On peut y voir le signe d'un souci de restreindre au maximum, au regard des risques de troubles à l'ordre public, les dispositions dérogatoires au droit commun.

Ces mesures sont prises par ailleurs sous le contrôle du juge. Ainsi, le Conseil d'État a jugé le 16 décembre 1955 que « les arrêtés d'interdiction de séjour pris par le préfet en vertu des dispositions de l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence ont le caractère de mesures préventives de police édictées afin de préserver l'ordre et la sécurité publique et ne constituent pas des sanctions » (30).

À l'occasion de l'utilisation qui a été faite du régime de l'état d'urgence, le Conseil d'État a exercé un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation. Il a ainsi jugé « qu'en estimant que le comportement de Mme Dagostini à cette occasion était de nature à justifier une mesure d'interdiction de séjour, le haut-commissaire de la République n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation » (31). En outre, le juge administratif maintient, pour les mesures prises sur le fondement de la loi du 3 avril 1955, la qualification de mesures qui ont « pour objet de prévenir les risques pour l'ordre public (...), et non de sanctionner la méconnaissance d'une décision administrative ».

D'ores et déjà, le Conseil d'État a été saisi en référé, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, des décrets du 8 novembre 2005 susmentionnés. Par l'ordonnance précitée du président de la section du contentieux en date du 14 novembre 2005, il a rappelé, d'une part, la nécessaire constitution des commissions départementales chargées de rendre un avis sur les recours gracieux formés par les personnes assignées à résidence ou interdites de séjour (cf. supra), d'autre part, que les perquisitions opérées sur le fondement du 1° de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 devaient être effectuées suivant les dispositions alors applicables du code d'instruction criminelle conférant au préfet des pouvoirs de police judiciaire et que l'abrogation de ces dispositions n'a pas eu pour conséquence de soustraire au contrôle de l'autorité judiciaire l'exercice par le ministre de l'intérieur ou le préfet de décisions relevant de la police judiciaire. C'est sous ces réserves que l'ordonnance écarte, en l'état de l'instruction, le moyen tiré du caractère disproportionné des mesures autorisées par les décrets du 8 novembre.

Pour nécessaires qu'elles soient les mesures prises dans le cadre des deux décrets du 8 novembre n'ont qu'un caractère très temporaire ; elles prendront fin le dimanche 20 novembre à vingt-quatre heures. Elles ne durent que le temps que la loi du 3 avril 1955 leur accorde, c'est-à-dire douze jours.

Ce délai ne doit pas être lu comme celui qui permet de rétablir l'ordre dans tous les cas, mais comme celui qui commande la compétence du Parlement en cas de persistance du péril.

2. La demande de prorogation

La demande de prorogation de la mise en application de la loi du 3 avril 1955 pour répondre aux événements les plus récents est présentée dans un esprit de modération, tant en matière de délais qu'en matière d'étendue des pouvoirs demandés, confirmant la volonté du Gouvernement de ne mettre en œuvre une légalité d'exception que dans une mesure strictement nécessaire.

Les dispositions proposées limitent ainsi la durée de la prorogation à trois mois à compter du 21 novembre 2005 et autorisent expressément le Gouvernement à mettre fin à l'état d'urgence avant cette date butoir si les circonstances deviennent favorables.

Elles permettent ainsi la conciliation entre le principe de compétence
législative et l'impératif de nécessité.

*

* *

La Commission a examiné le projet de loi au cours de sa séance du mardi 15 novembre 2005. Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Jacques Floch, mettant en parallèle le ton mesuré du rapporteur et la portée du projet de loi, s'est interrogé sur la nécessité de ce texte compte tenu de l'arsenal juridique existant, qui est suffisant pour faire face à la situation. Il a estimé que la décision initiale du Gouvernement de décréter l'état d'urgence était justifiée, mais que la prolongation de celui-ci n'était pas opportune, non seulement compte tenu des mesures déjà prises, mais aussi des propositions concrètes formulées par le Président de la République pour rétablir l'ordre et agir sur les causes de la révolte. Il a relevé que les forces de l'ordre ont fait appliquer la loi sans difficultés particulières et que le système judiciaire a commencé à prononcer des condamnations. Il a enfin rappelé que les précédentes utilisations de la loi du 3 avril 1955 en Algérie ou en Nouvelle-Calédonie avaient eu lieu dans un contexte plus dramatique que les émeutes actuelles, lié au système colonial, et qu'en 1985 l'opposition, conduite par l'actuel chef de l'État, avait pourtant contesté le recours à cette loi devant le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Pierre Blazy, évoquant le contexte particulier des événements d'Algérie ou de Nouvelle-Calédonie, s'est demandé si les circonstances actuelles pouvaient être qualifiées de « situation de péril imminent » ou de « calamités publiques » selon les termes de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955. Il s'est inquiété d'une éventuelle banalisation de l'état d'urgence si celui-ci était déclaré à chaque émeute urbaine et a estimé que les réponses durables exigées, tant sur le plan de la sécurité que sur le plan socio-éducatif, étaient d'une autre nature. Il a ensuite exprimé des doutes sur l'intérêt du recours à cet outil, constatant que la période d'émeutes touche à sa fin et que les préfets ont relativement peu utilisé les moyens exceptionnels mis à leur disposition. Il a conclu que le déclenchement de l'état d'urgence tend surtout à impressionner l'opinion publique pour masquer l'échec de la politique gouvernementale.

M. Jean-Pierre Dufau a jugé que le projet de loi ne répond pas aux trois principes énoncés par le rapporteur. S'agissant de la nécessité, il a considéré que, s'il était important au départ de prendre des mesures fortes pour faire respecter la loi, il est inutile de prolonger ce dispositif alors que les violences décroissent et que les préfets mettent fin à certaines mesures d'urgence. Il s'est inquiété d'un éventuel effet pervers de la prolongation de l'état d'urgence, qui n'est pas le message attendu dans les banlieues et pourrait être interprété comme une provocation. En deuxième lieu, il a estimé que la condition de proportionnalité n'est pas remplie car, d'une part, le droit commun permet déjà de sanctionner les délinquants et, d'autre part, les faits ne sont pas de même nature que les événements de 1955 ou de 1984-1985. Enfin, il a considéré que si la période initiale de douze jours d'état d'urgence présente bien un caractère transitoire, il convient aujourd'hui de revenir au droit commun en appliquant avec fermeté l'arsenal juridique existant.

M. Guy Geoffroy a souligné que, à l'aune de son expérience d'élu local, au contact permanent de la population, le début de régression des troubles constatés en Île-de-France tient à l'utilisation limitée de l'outil que constitue l'état d'urgence. Il a estimé justifié l'établissement d'un couvre-feu au regard du nombre important de personnes qu'il a pu observer au milieu de la nuit, face à un hôtel de ville en flammes dans une commune proche de la sienne. Rappelant que l'appréciation des troubles devait être nuancée, quand on sait que le jour du début de la « décrue », un dépôt de bus avait été incendié en réaction à une décision de justice, il a considéré que l'efficacité de l'état d'urgence repose sur un tryptique prévention-dissuasion-action indissociable et particulièrement adapté à la situation : la prévention parce que le couvre-feu empêche des actions spontanées qui ne se réalisent qu'en raison de la présence des acteurs sur les lieux, en dehors de leur domicile ; la dissuasion à l'égard des majeurs et quasi-majeurs qui peuvent craindre des sanctions et n'ont aucun intérêt à devoir subir des perquisitions de nuit, susceptibles de conduire à des découvertes inattendues ; l'action car le couvre-feu et les perquisitions sont des instruments juridiques qui n'existent que dans le cadre de l'état d'urgence. Il importe, contrairement à un positionnement frileux et politicien, selon lequel la situation serait suffisamment redressée, de ne pas s'en priver aujourd'hui, et ce malgré le travail remarquable de la chaîne pénale, sous peine de donner aux acteurs comme aux malheureux spectateurs l'impression d'une baisse de vigilance des pouvoirs publics.

M. Christian Decocq a insisté sur la gravité de la prolongation de l'état d'urgence, les circonstances devant être complètement analysées pour en apprécier l'opportunité, sans donner ni dans le juridisme, ni dans un spectacle de nature trop politicienne. Il convient de trouver, en l'occurrence, la juste mesure entre le nécessaire respect des libertés publiques et l'exigence de donner à la République les outils permettant de maintenir l'ordre public, dans le contexte particulier d'approche des fêtes de fin d'année. En tout état de cause, l'effet préventif de l'état d'urgence et du couvre-feu mérite d'être souligné dans l'amorce de la décrue constatée sur le terrain ; il convient donc de ne pas se priver trop tôt de ces outils efficaces.

M. Arnaud Montebourg a estimé que, dans les circonstances présentes et devant la gravité de la situation, le débat devait rester respectueux de la diversité des opinions. Pour autant, si les perquisitions de nuit permettent effectivement d'arrêter quelques coupables et de découvrir des caches d'armes, elles ne sont manifestement pas de nature à régler tous les problèmes. En tout état de cause, l'appréciation de l'adéquation de la prolongation de trois mois demandée au Parlement aux besoins exige au minimum la production par le Gouvernement d'un premier bilan à ce jour de l'utilisation des mesures autorisées par la déclaration d'état d'urgence. Par ailleurs, même en l'absence de ces mesures exceptionnelles, les pouvoirs publics ne sont pas démunis : ils ont ainsi su mobiliser la chaîne pénale pour obtenir des sanctions sévères très rapides, les arrestations ne s'arrêtant pas là où l'état d'urgence n'est pas appliqué ; de même, la possibilité de perquisitions de nuit a été ouverte dans le cadre de textes de loi récents, et, même si l'opposition s'est élevée, à l'époque, contre celles-ci, elles pourraient être mises en œuvre en évitant de recourir à la prolongation de l'état d'urgence. De manière plus générale, il est très nettement préférable de préconiser une stratégie d'apaisement à une stratégie de tension disproportionnée aux besoins.

Le rapporteur s'est tout d'abord félicité de la sagesse qui a animé les débats de la Commission en estimant que les différentes positions exprimées sont en réalité plus proches qu'elles ne le paraissent.

Il a rappelé que les incidents exceptionnels perdurent, et a précisé que lors de la nuit dernière, 215 voitures ont été incendiées et 71 interpellations ont eu lieu.

Il a considéré que la question essentielle est celle de l'arsenal juridique nécessaire pour permettre un retour progressif au calme et observé que si tout le monde s'accorde à reconnaître l'utilité de l'application de l'état d'urgence pour une période de douze jours, certains considèrent apparemment que la prorogation serait une provocation. Le rapporteur a exprimé sa conviction que cette prorogation participe au contraire de la vigilance nécessaire pour mettre un terme complet aux incidents et estimé qu'en aucun cas une telle prorogation ne peut être qualifiée de contraire à l'État de droit puisque l'État de droit lui-même autorise des mesures exceptionnelles.

En réponse à M. Arnaud Montebourg, il a rappelé que les perquisitions de jour comme de nuit que permet l'état d'urgence exigent l'information et le contrôle de l'autorité judiciaire, comme l'a rappelé l'ordonnance en référé rendue la veille par le Conseil d'État.

Le rapporteur a exposé que les violences urbaines sont un phénomène collectif qui exige une réponse rapide et cohérente que des arrêtés de police municipaux dispersés ne permettent pas d'obtenir.

En ce qui concerne les arrêtés préfectoraux, il a précisé que seuls sept préfets y ont à ce jour eu recours, en rappelant que ces arrêtés ont appliqué de manière très mesurée les mesures permises par l'état d'urgence.

Puis la Commission est passée à l'examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Prorogation de l'état d'urgence

Cet article proroge l'état d'urgence déclaré sur le territoire métropolitain par le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 précité pour une période de trois mois à compter du 21 novembre, date à partir de laquelle expire la durée légale de l'état d'urgence déclenché par décret et au-delà de laquelle l'intervention du Parlement est rendue nécessaire si les circonstances exigent son maintien.

En application de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955 précitée, l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ou des départements d'outre-mer, « soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».

Dans son article 2, ladite loi, telle que modifiée par l'ordonnance du 15 avril 1960 précitée, détermine la procédure à suivre :

- un décret en conseil des ministres déclare l'état d'urgence et détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur tandis qu'un second décret fixe, dans la limite de ces circonscriptions, les zones où l'état d'urgence recevra application ;

-  au-delà de douze jours, la prorogation de l'état d'urgence ne peut être autorisée que par la loi.

Ce dispositif est inspiré par le mécanisme de l'état de siège fixé par l'article 36 de la Constitution qui impose également une prorogation au-delà de douze jours par le Parlement.

À la suite des violences urbaines déclenchées le 27 octobre dernier et après que les populations ont été exposées pendant plus de dix jours à des exactions et à des dégradations de leurs biens, l'état d'urgence a été déclaré par le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005. Ses zones d'application ont été déterminées par le décret n° 2005-1387 du même jour. Il est demandé de proroger ce dispositif pour une durée maximale de trois mois, c'est-à-dire jusqu'au 21 février 2006.

1. Mesures s'appliquant à l'ensemble du territoire métropolitain

S'appliquent ainsi sur l'ensemble du territoire au profit des préfets les articles 5 et 10 de la loi du 3 avril 1955 et au profit du ministre de l'intérieur l'article 9 de la même loi.

Sur le fondement de l'article 5, les préfets peuvent prendre des mesures restreignant les déplacements de personnes pour contribuer à réduire le risque des exactions constatées. Ces mesures sont d'application directes. Elles peuvent se décliner dans trois domaines.

En premier lieu, les préfets, sur cette base, peuvent interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté et décréter ainsi des couvre-feux dans les parties de département qui sont exposées aux plus grands risques de troubles à l'ordre public. Les arrêtés doivent comporter explicitement les catégories de personnes auxquelles ils s'appliquent et mentionner celles qui y échappent parce qu'elles interviennent, par exemple, pour accomplir des missions de service public ou bien parce que cela est motivé par des nécessités médicales ou familiales. Ces mesures ont particulièrement vocation à concerner les mineurs.

En deuxième lieu, les préfets peuvent arrêter des zones protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé. Cette mesure peut permettre notamment de sécuriser des périmètres autour de bâtiments publics ou privés qui, par leur affectation ou leur emplacement, peuvent constituer des cibles privilégiées pour les auteurs des troubles.

En troisième lieu, les préfets peuvent interdire le séjour dans tout ou partie du département à toutes personnes cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit l'action des pouvoirs publics. Ce type de mesures, d'une particulière gravité, ne peut trouver à s'appliquer que dans des cas extrêmes, contrôlés par le ministre de l'intérieur lui-même.

Par ailleurs, sur le fondement de l'article 10 de la loi précitée, les préfets peuvent procéder à des réquisitions de personnes ou de biens. Ces réquisitions peuvent être effectuées aussi bien en application de la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation générale de la Nation en temps de guerre, désormais codifiée au livre II du code de la défense, qu'en application de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit la possibilité d'une exécution d'office par l'utilisation de la force publique, une astreinte éventuellement prononcée par le juge administratif sur demande du préfet, voire une sanction pénale, le refus d'exécuter l'arrêté de réquisition constituant un délit puni de six mois d'emprisonnement et de 10 000 euros d'amende.

Enfin, en application de l'article 9 de la loi du 3 avril 1955, comme on l'a vu supra, le ministre de l'intérieur peut sur l'ensemble du territoire métropolitain ordonner la remise des armes de première, quatrième et cinquième catégories et prescrire leur dépôt entre les mains des autorités et dans les lieux désignés à cet effet.

2. Mesures s'appliquant sur une partie du territoire

Certaines des dispositions de la loi du 3 avril 1955 ne trouvent à s'appliquer que sur des parties du territoire, définies par le tableau annexé au décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005 précité.

Ces mesures sont définies par les articles 6, 8 de ladite loi, mais aussi par le 1° de son article 11 (cf. commentaire sous l'article 2).

Le ministre de l'intérieur peut seul ordonner, sur le fondement de l'article 6, des mesures d'assignation à résidence de toute personne résidant dans une des zones déterminées par le décret précité, dès lors que son activité se révélerait dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics. Il convient de rappeler à ce stade que l'examen d'un recours gracieux formé à l'encontre d'une telle mesure doit être précédé de l'avis d'une commission départementale où siègent des représentants du conseil général et qu'il incombe aux autorités compétentes de pourvoir à la constitution effective de cette instance aux fins d'assurer que l'application concrète de cet article 6 - comme, au demeurant, de l'article 5 - présentera toutes les garanties prescrites par la loi.

Enfin, l'article 8 autorise les préfets à prendre des mesures de police des réunions et des lieux publics, ce qui leur permet, par exemple d'ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacle, débits de boisson et lieux de réunion, ainsi que d'interdire la tenue des réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre, comme cela a été fait à Paris, le week-end dernier.

LES MESURES PERMISES PAR LA LOI DU 3 AVRIL 1955 SUR L'ÉTAT D'URGENCE

Article de la loi du 3 avril 1955

Mesure

Acte juridique de mise en œuvre de la mesure

Condition supplémentaire pour l'adoption de l'acte de mise en œuvre

Article 5

Interdiction de la circulation des personnes ou des véhicules

Arrêté préfectoral

-

Article 5

Institution de zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé

Arrêté préfectoral

-

Article 5

Interdiction de séjour

Arrêté préfectoral

-

Article 6

Assignation à résidence

Arrêté ministériel (Intérieur)

Décret fixant les zones d'application de l'état d'urgence

LES MESURES PERMISES PAR LA LOI DU 3 AVRIL 1955 SUR L'ÉTAT D'URGENCE

Article de la loi du 3 avril 1955

Mesure

Acte juridique de mise en œuvre de la mesure

Condition supplémentaire pour l'adoption de l'acte de mise en œuvre

Article 8

Fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion

Arrêté préfectoral, ou arrêté ministériel (Intérieur) si ensemble du territoire où est institué l'état d'urgence

Décret fixant les zones d'application de l'état d'urgence

Article 9

Remise des armes de 1ère, 4e et 5e catégories

Arrêté ministériel (Intérieur)

-

Article 10

Réquisitions de personnes ou de biens

Ordre de réquisition préfectoral

-

Article 11 (1°)

Perquisitions à domicile de jour et de nuit

Ordre de perquisition du ministre de l'intérieur ou du préfet

Mention expresse dans le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence

Décret fixant les zones d'application de l'état d'urgence

Article 11 (2°)

Contrôle des media

Arrêté préfectoral ou ministériel (Intérieur)

Mention expresse dans le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence

Article 12

Compétence de la juridiction militaire pour les crimes

Revendication de la poursuite par l'autorité militaire

Décret interministériel (Justice et Défense)

La méconnaissance des mesures prises fait l'objet de sanctions pénales : une mesure de deux mois d'emprisonnement complétée par une amende de 3 750 euros ou bien l'une de ces peines seulement peut être prononcée.

La Commission a adopté l'article 1er sans modification.

Article 2

Autorisation donnée aux autorités administratives d'ordonner
des perquisitions

À l'instar de ce qui avait été prévu dans la loi du 25 janvier 1985, cet article prévoit la possibilité pour les autorités administratives compétentes d'appliquer le 1° de l'article 11 de la loi du 5 avril 1955 (32) conférant à ces autorités, en l'espèce les préfets, le pouvoir d'ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit.

Compte tenu de la gravité de ce type de mesures, il faut bien considérer le fait qu'elles ne peuvent intervenir que des cas exceptionnels et, en tout état de cause, en présence d'officiers de police judiciaire qui offrent la garantie que puissent être effectuées des saisies auxquelles ceux-ci sont seuls habilités à procéder, le procureur de la République étant sans délai informé des mesures que le préfet souhaiterait prendre en la matière. En outre, le président de la section du contentieux du Conseil d'État, saisi en référé, a rappelé dans son ordonnance du 14 novembre 2005 que ces perquisitions devront être opérées sous le contrôle de l'autorité judiciaire.

A contrario, ne seront pas appliquées les mesures prévues par le 2° de l'article 11 et par l'article 12 relatives au contrôle des médias et à l'attribution d'une compétence aux tribunaux militaires pour se saisir de crimes et délits.

La Commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3

Procédure de fin anticipée de l'état d'urgence

Cet article prévoit la possibilité pour le Gouvernement de mettre fin, par décret en conseil des ministres, à l'état d'urgence de manière anticipée, lorsqu'il estime que les circonstances ne le justifient plus. Il dispose que, dans ce cas, le Gouvernement en rendra compte au Parlement.

Si la première disposition a été prévue à plusieurs reprises par le passé, la seconde témoigne de la volonté du Gouvernement à la fois de garantir la pleine protection des libertés publiques et d'être le plus transparent possible.

Ainsi, tout en prolongeant pour une durée de six mois l'état d'urgence institué par la loi du 3 avril 1955, la loi du 7 août 1955, dans son article 1er, autorise le Gouvernement à réduire ce délai si la situation le permet. Dès cette époque, est adoptée l'idée de bon sens selon laquelle l'état d'urgence ne doit être appliqué que de manière transitoire et dans la mesure strictement nécessaire au retour à l'ordre public.

Selon la même logique, l'ordonnance du 13 juillet 1962 précitée, dans son article 1er, prévoyait que l'état d'urgence institué en 1961, prolongé jusqu'au 15 juillet 1962, pouvait être étendu jusqu'à une date fixée par décret en conseil des ministres et au plus tard jusqu'au 31 mai 1963.

Il faut rappeler qu'en revanche, la loi du 25 janvier 1985 relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances, ne prévoyait aucunement de mettre fin de manière anticipée à l'état d'urgence dont la date limite était fixée jusqu'au 30 juin 1985, soit pour une durée de plus de trois mois.

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

*

* *

La Commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter sans modification le projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 (n° 2673).

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte du projet de loi

___

Conclusions de la Commission

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Article 1er

Article 1er

L'état d'urgence déclaré sur le territoire métropolitain par le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 est prorogé pour une période de trois mois à compter du 21 novembre 2005.

(Sans modification).

Article 2

Article 2

Il emporte pour sa durée application du 1° de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.

(Sans modification).

Article 3

Article 3

Il peut y être mis fin par décret en Conseil des ministres avant l'expiration de ce délai. En ce cas, il en est rendu compte au Parlement.

(Sans modification).

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Pages

Loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence 40

Loi n° 85-96 du 25 janvier 1985 relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances 43

Décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 43

Décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005 relatif à l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 43

Loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence

[Les dispositions en italique sont obsolètes ou font référence à des textes abrogés]

Art. 1er. -  L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, de l'Algérie ou des départements d'outre-mer, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.

Art. 2. -  L'état d'urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres. Ce décret détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur.

Dans la limite de ces circonscriptions, les zones où l'état d'urgence recevra application seront fixées par décret.

La prorogation de l'état d'urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi.

Art. 3. -  La loi autorisant la prorogation au-delà de douze jours de l'état d'urgence fixe sa durée définitive.

Art. 4. -  La loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ou de dissolution de l'Assemblée nationale.

Art. 5. -  La déclaration de l'état d'urgence donne pouvoir au représentant de l'État dans le département dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2 :

1° D'interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté ;

2° D'instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ;

3° D'interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics.

Art. 6. -  Le ministre de l'intérieur dans tous les cas et, en Algérie, le gouverneur général peuvent prononcer l'assignation à résidence dans une circonscription territoriale ou une localité déterminée de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret visé à l'article 2 dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics des circonscriptions territoriales visées audit article.

L'assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération.

En aucun cas, l'assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes visées à l'alinéa précédent.

L'autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leur famille.

Art. 7. -  Toute personne ayant fait l'objet d'une des mesures prises en application de l'article 5 (3°), ou de l'article 6 peut demander le retrait de cette mesure. Sa demande est soumise à une commission consultative comprenant des délégués du conseil général désignés par ce dernier et comportant, en Algérie, la représentation paritaire d'élus des deux collèges.

La composition, le mode de désignation et les conditions de fonctionnement de la commission seront fixés par un décret en Conseil d'État.

Les mêmes personnes peuvent former un recours pour excès de pouvoir contre la décision visée à l'alinéa premier ci-dessus devant le tribunal administratif compétent. Celui-ci devra statuer dans le mois du recours. En cas d'appel, la décision du Conseil d'État devra intervenir dans les trois mois de l'appel.

Faute par les juridictions ci-dessus d'avoir statué dans les délais fixés par l'alinéa précédent, les mesures prises en application de l'article 5 (3°) ou de l'article 6 cesseront de recevoir exécution.

Art. 8. -  Le ministre de l'intérieur, pour l'ensemble du territoire où est institué l'état d'urgence, le gouverneur général pour l'Algérie et le représentant de l'État dans le département, dans le département, peuvent ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature dans les zones déterminées par le décret prévu à l'article 2.

Peuvent être également interdites, à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre.

Art. 9. -  Les autorités désignées à l'article 6 peuvent ordonner la remise des armes de première, quatrième et cinquième catégories définies par l'article L. 2331-1 du code de la défense et des munitions correspondantes et prescrire leur dépôt entre les mains des autorités et dans les lieux désignés à cet effet.

Les armes de la cinquième catégorie remises en vertu des dispositions qui précèdent donneront lieu à récépissé. Toutes dispositions seront prises pour qu'elles soient rendues à leur propriétaire en l'état où elles étaient lors de leur dépôt.

Art. 10. -  La déclaration de l'état d'urgence s'ajoute aux cas visés à l'article 1er de la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation générale de la nation pour le temps de guerre pour la mise à exécution de tout ou partie des dispositions de ladite loi en vue de pourvoir aux besoins résultant de circonstances prévues à l'article 1er.

Art. 11. -  Le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peuvent, par une disposition expresse :

1° Conférer aux autorités administratives visées à l'article 8 le pouvoir d'ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit ;

2° Habiliter les mêmes autorités à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales.

Les dispositions du paragraphe 1° du présent article ne sont applicables que dans les zones fixées par le décret prévu à l'article 2 ci-dessus.

Art. 12. -  Lorsque l'état d'urgence est institué, dans tout ou partie d'un département, un décret pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de la défense nationale peut autoriser la juridiction militaire à se saisir de crimes, ainsi que des délits qui leur sont connexes, relevant de la cour d'assises de ce département.

La juridiction de droit commun reste saisie tant que l'autorité militaire ne revendique pas la poursuite et dans tous les cas, jusqu'à l'ordonnance prévue à l'article 133 du code d'instruction criminelle. Si, postérieurement à cette ordonnance, l'autorité militaire compétente pour saisir la juridiction militaire revendique cette poursuite, la procédure se trouve, nonobstant les dispositions de l'article 24, dernier alinéa, du code de justice militaire, portée de plein droit soit devant la chambre des mises en accusation prévue par l'article 68 du code de justice militaire, lorsque la chambre de l'instruction saisie n'a pas encore rendu son arrêt, soit devant la juridiction militaire compétente ratione loci lorsqu'un arrêt de renvoi a été rendu. Dans ce dernier cas, les dispositions de l'alinéa ci-après sont applicables, et il n'y a pas lieu, pour la Cour de cassation, de statuer avant le jugement sur les pourvois qui ont pu être formés contre cet arrêt. Le tribunal militaire est constitué, et statue, dans les conditions fixées aux deux derniers alinéas de l'article 10 du code de justice militaire.

Lorsque le décret prévu à l'alinéa premier du présent article est intervenu, dans les circonscriptions judiciaires précisées audit décret et pour toutes les procédures déférées à la juridiction militaire, il ne pourra être exercé aucune voie de recours contre les décisions des juridictions d'instruction, y compris l'arrêt de renvoi, à l'exception de l'opposition contre les ordonnances statuant sur une demande de mise en liberté provisoire devant la chambre des mises en accusation, qui statuera dans la quinzaine. Une nouvelle opposition ne pourra être élevée que contre une ordonnance rendue plus de deux mois après une précédente décision de rejet de la chambre des mises en accusation.

Les pourvois en cassation contre les décisions des juridictions d'instruction ne peuvent être formés qu'après jugement statuant au fond et, s'il y a lieu, en même temps que le pourvoi élevé contre celui-ci. Ils sont portés devant un tribunal militaire de cassation établi par décret en se conformant aux articles 126 à 132 du code de justice militaire et statuant dans les conditions de forme et de fond prévues aux articles 133 à 155 dudit code.

Aucune voie de recours, même en cassation, ne pourra également être exercée contre les décisions des juridictions d'instruction de droit commun statuant sur des faits prévus audit décret à l'exclusion de l'appel devant la chambre des mises en accusation qui statuera dans la quinzaine contre une ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté provisoire et du pourvoi en cassation contre un arrêt de renvoi devant la cour d'assises. Un nouvel appel ne pourra être élevé que contre une ordonnance rendue plus de deux mois après une précédente décision de rejet de la chambre des mises en accusation.

Art. 13. -  Les infractions aux dispositions des articles 5, 6, 8, 9 et 11 (2°) seront punies d'un emprisonnement de deux mois et d'une amende de 3 750 € ou de l'une de ces deux peines seulement. L'exécution d'office, par l'autorité administrative, des mesures prescrites peut être assurée nonobstant l'existence de ces dispositions pénales.

Art. 14. -  Les mesures prises en application de la présente loi cessent d'avoir effet en même temps que prend fin l'état d'urgence.

Toutefois, après la levée de l'état d'urgence, les tribunaux militaires continuent de connaître des crimes et délits dont la poursuite leur avait été déférée.

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Loi n° 85-96  du 25 janvier 1985 relative à l'état d'urgence
en Nouvelle-Calédonie et dépendances

Art. 1er. -  L'état d'urgence proclamé en Nouvelle-Calédonie et dépendances par l'arrêté n° 85-35 du 12 janvier 1985 du haut-commissaire de la République, en application de l'article 119 de la loi n° 84-821 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence, est rétabli jusqu'au 30 juin 1985.

Est conféré au haut-commissaire le pouvoir mentionné à l'article 11, 1°, de la loi du 3 avril 1955 précitée.

Art. 2. -  La présente loi sera applicable en Nouvelle-Calédonie et dépendances dès sa promulgation par le haut-commissaire et sa publication par voie d'affichage au haut-commissariat.

Décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005
portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955

Art. 1er. -  L'état d'urgence est déclaré, à compter du 9 novembre 2005, à zéro heure, sur le territoire métropolitain.

Art. 2. -  Il emporte pour sa durée application du 1° de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 susvisée.

Décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005
relatif à l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955

Art. 1er. -  Outre les mesures prévues à l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 susvisée qui sont applicables à l'ensemble du territoire métropolitain, les mesures mentionnées aux articles 6, 8, 9 et au 1° de l'article 11 de la loi peuvent être mises en oeuvre dans les zones dont la liste figure en annexe au présent décret.

Art. 2. -  Ce décret entrera en vigueur à compter du 9 novembre 2005, à zéro heure.

A N N E X E

DÉPARTEMENTS

ZONES CONCERNÉES

Alpes-Maritimes 

Nice, Saint-Laurent-du-Var

Bouches-du-Rhône

Marseille

Côte-d'Or

Dijon, Chenôve, Longvic

Eure 

Évreux, Gisors

Haute-Garonne 

Toulouse, Colomiers, Blagnac

Loiret 

Orléans

Meurthe-et-Moselle 

Nancy, Vandœuvre-lès-Nancy

Moselle 

Metz, Woippy

Nord 

L'ensemble des communes de la communauté urbaine de Lille-Métropole

Oise 

Méru, Creil, Nogent-sur-Oise

Puy-de-Dôme 

Clermont-Ferrand

Bas-Rhin 

Strasbourg, Bischheim

Haut-Rhin

Mulhouse

Rhône 

Lyon, Vénissieux

Paris 

Paris

Seine-Maritime 

Rouen, Le Havre

Seine-et-Marne 

L'ensemble des communes
du département

Yvelines

L'ensemble des communes
du département

Somme 

Amiens

Vaucluse 

Avignon

Essonne 

L'ensemble des communes
du département

Hauts-de-Seine

L'ensemble des communes
du département

Seine-Saint-Denis 

L'ensemble des communes
du département

Val-de-Marne 

L'ensemble des communes
du département

Val-d'Oise 

L'ensemble des communes
du département

ANNEXE
LISTE DES TEXTES CITÉS DANS LE RAPPORT

Loi n°°55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence et en déclarant l'application en Algérie ;

Loi n° 55-1080 du 7 août 1955 relative à la prolongation de l'état d'urgence en Algérie ;

Décret n° 55-1147 du 28 août 1955 relatif à l'application de l'état d'urgence ;

Loi n° 56-258 autorisant le Gouvernement à mettre en œuvre en Algérie un programme d'expansion économique, de progrès social et de réforme administrative et l'habilitant à prendre toutes mesures exceptionnelles en vue du rétablissement de l'ordre, de la proteciton des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire (art. 5) ;

Loi n° 58-487 du 17 mai 1958 déclarant l'état d'urgence sur le territoire métropolitain ;

Décret n° 58-489 du 17 mai 1958 relatif à l'application de l'état d'urgence ;

Décret n° 58-490 du 17 mai 1958 portant application de certaines dispositions de la loi instituant un état d'urgence ;

Ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense ;

Loi n° 60-101 autorisant le Gouvernement à prendre, par application de l'article 38 de la Constitution, certaines mesures relatives au maintien de l'ordre, à la sauvegarde de l'État, à la pacification et à l'administration de l'Algérie ;

Ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 modifiant certaines dispositions de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence ;

Ordonnance n° 60-529 du 4 juin 1960 modifiant certaines dispositions du code pénal, du code de procédure pénale et des codes de justice militaire pour l'armée de terre et pour l'armée de mer en vue de faciliter le maintien de l'ordre, la sauvegarde de l'État et la pacification de l'Algérie (art. 11) ;

Décret n° 61-395 du 22 avril 1961 portant déclaration de l'état d'urgence ;

Décret n° 61-396 du 22 avril 1961 relatif à l'application de l'état d'urgence ;

Décision du 24 avril 1961 relative à la durée de l'état d'urgence (art. 16 de la Constitution) ;

Décision du 29 septembre 1961 relative à certaines mesures prises en vertu de l'article 16 de la Constitution (art. 16 de la Constitution) ;

Décision du 29 septembre 1961 mettant fin à l'application de l'article 16 de la Constitution (art. 16 de la Constitution) ;

Loi n° 62-421 du 13 avril 1962 concernant les accords à établir et les mesures à prendre au sujet de l'Algérie sur la base des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 ;

Ordonnance n° 62-797 du 13 juillet 1962 prorogeant les dispositions des décisions des 24 et 27 avril 1961 et modifiant l'ordonnance n° 58-1309 du 23 décembre 1958 ;

Loi n° 63-23 fixant la composition, les règles de fonctionnement et la procédure de la Cour de sûreté de l'État instituée par l'article 698 du code de procédure pénale (art. 50) ;

Décret n° 85-46 du 14 janvier 1985 portant application de l'article 119 de la loi n°0 84-821 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances ;

Loi n° 85-96 du 25 janvier 1985 relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances ;

Circulaire n° INT D 05 00098 C mettant en œuvre le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée instituant un état d'urgence et du décret n° 2005-1387 relatif à l'application de la même loi du 3 avril 1955 ;

Décret n°°2005-1386 du 8 novembre 2005 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

Décret n°°2005-1387 du 8 novembre 2005 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.

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N° 2675 - Rapport fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi (n° 2673) prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 (M. Philippe Houillon)

1 () Loi n° 85-96 du 25 janvier 1985 relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances.

2 () Le texte de la loi est reproduit en annexe.

3 () Si le préfet est autorisé « à faire des règlements de police municipale pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, aucune disposition n'interdit au maire d'une commune de prendre sur le même objet et pour sa commune, par des motifs propres à cette localité, des mesures plus rigoureuses » (Conseil d'État, 18 avril 1902, Commune de Néris-les-Bains).

4 () Conseil d'État, 19 mai 1933, Benjamin.

5 () Conseil d'État., ordonnance du président de la section du contentieux, 9 juillet 2001, Préfet du Loiret.

6 () Conseil d'État, ordonnance du président de la section du contentieux, 29 juillet 1997, Préfet du Vaucluse.

7 () Texte modifié par la loi n° 72-1149 du 23 décembre 1972.

8 () Ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code de la défense.

9 () Ordre public entendu comme l'ensemble des exigences fondamentales (sociales, politiques, etc.) considérées comme essentielles au fonctionnement des services publics, au maintien de la sécurité ou même à la sauvegarde de certains intérêts particuliers primordiaux.

10 () Expression générique désignant un ensemble de fléaux ou de sinistres : incendies, inondations, ruptures de digues, éboulements de terre ou de rocher, « marée noire » ou autres accidents naturels, épidémies...

11 () Mémoires, tome II, page 197.

12 () Loi n° 56-258 du 16 mars 1956 autorisant le Gouvernement à mettre en œuvre en Algérie un programme d'expansion économique, de progrès social et de réforme administrative et l'habilitant à prendre toutes mesures exceptionnelles en vue du rétablissement de l'ordre, de la protection des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire.

13 () Cf. les deux décrets du 17 mai 1958 n° 58-489 relatif à l'application de l'état d'urgence et n° 58-490 portant application de certaines dispositions de la loi instituant un état d'urgence.

14 () Ordonnance modifiant certaines disposition du code pénal, du code de procédure pénale et des codes de justice militaire pour l'armée de terre et pour l'armée de mer en vue de faciliter le maintien de l'ordre, la sauvegarde de l'État et la pacification de l'Algérie.

15 () Décrets n° 61-395 portant déclaration de l'état d'urgence et n° 61-396 relatif à l'application de l'état d'urgence.

16 () Article 1er de la décision du 29 septembre 1961 relative à certaines mesures prises en vertu de l'article 16 de la Constitution.

17 () Loi concernant les accords à établir et les mesures à prendre au sujet de l'Algérie sur la base des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962.

18 () Loi fixant la composition, les règles de fonctionnement et la procédure de la Cour de sûreté de l'État instituée par l'article 698 du code de procédure pénale

19 () Conseil d'État, 25 juin 1969, Ministre de l'intérieur contre Éditions parisiennes et Devay.

20 () Loi n° 84-821 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, abrogée par le 3° de l'article 233 de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 organique relative à la Nouvelle-Calédonie. Le pouvoir du haut-commissaire de prononcer l'état d'urgence est désormais fixé par l'article 1er de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. Un pouvoir identique est confié au haut-commissaire de la République en Polynésie française par le septième alinéa de l'article 1er de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française, ainsi qu'à l'administrateur supérieur aux îles Wallis et Futuna par l'article 8 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer.

21 () Jusqu'alors, sous la Ve République, aucun débat parlementaire n'avait eu lieu sur l'état d'urgence.

22 () Conseil d'État, assemblée, 16 décembre 1955, Dame Bourokba.

23 () Conseil d'État, 25 juillet 1985, Mme Dagostini.

24 () La commission est composée d'un membre de l'inspection générale de l'administration, de deux personnes désignées par l'autorité administrative et de deux conseillers généraux.

25 () Conseil d'État, ordonnance du président de la section du contentieux, 14 novembre 2005, M. Rolin.

26 () Sur le régime juridique applicable à ces catégories d'armes, voir M. Christian Estrosi, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi sur la sécurité intérieure, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 508, 18 décembre 2002, commentaire du titre II.

27 () En temps ordinaire et sous réserve de quelques exceptions liées notamment à la lutte contre le crime organisé, les perquisitions ne sont autorisées que de jour et sous le contrôle ou la conduite de l'autorité judiciaire (premier alinéa de l'article 59 du code de procédure pénale : « Sauf réclamation faite de l'intérieur de la maison ou exceptions prévues par la loi, les perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant 6 heures et après 21 heures »).

28 () Conseil d'État, assemblée, 16 décembre 1955, Dame Bourokba.

29 () Arrêté n° DS-2005-001.

30 () Conseil d'État, assemblée, 16 décembre 1955, Dame Bourokba.

31 () Conseil d'État, 25 juillet 1985, Mme Dagostini.

32 () La loi du 3 avril 1955, celle du 17 mai 1958, et le décret du 22 avril 1961 avaient prévu l'application de l'ensemble de l'article 11, y compris les mesures de censure.


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