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le 25 novembre 2005

N° 2705

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 novembre 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 2667) de M. BERNARD DEROSIER ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES visant à abroger l'article 4 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés,

PAR M. Bernard DEROSIER

Député.

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INTRODUCTION 5

I.- QUELLE EST LA GENÈSE DE CETTE DISPOSITION CONTESTÉE ? 7

A. L'EXAMEN À L'ASSEMBLÉE NATIONALE 7

B. L'EXAMEN AU SÉNAT 8

II.- POURQUOI FAUT-IL ABROGER CET ARTICLE ? 9

A. UNE DISPOSITION CONTESTABLE DANS SON PRINCIPE 9

B. UNE DISPOSITION CONTESTÉE DANS SON CONTENU 10

C. UNE DISPOSITION QUI PORTE PRÉJUDICE AUX INTÉRÊTS DE LA FRANCE DANS SES RELATIONS AVEC SES PARTENAIRES ÉTRANGERS 12

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

INTRODUCTION

« Amendement scélérat », « moment d'égarement » ?... une chose est sûre, depuis son adoption au cours de la deuxième séance du vendredi 11 juin 2004, le sous-amendement du député UMP du Nord, M. Christian Vanneste, introduit, en première lecture, dans ce qui deviendra l'article 4 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des rapatriés, n'en finit pas de susciter des réactions et de faire couler de l'encre.

Dans les semaines qui ont suivi l'adoption de la loi, la presse (Le Monde, France-Soir, Le Figaro, etc.) s'est emparée du texte dont elle a, sous des titres accrocheurs - « L'Assemblée glorifie la colonisation en douce » (Libération du 27 mars), par exemple -, abondamment rempli ses colonnes. Si la controverse fut relativement tardive à s'engager par rapport à la date d'adoption de l'amendement, la polémique n'a cessé d'enfler depuis lors. Historiens et associations de rapatriés se sont faits écho, nourrissant la polémique au point que le 17 octobre dernier, une fois n'est pas coutume, un sous-amendement de quelques lignes adopté quinze mois plus tôt occupait la Une du quotidien Libération pour devenir l'enjeu de la « Bataille de la mémoire ». C'est qu'entre-temps la polémique s'était étendue hors des frontières de l'hexagone pour gagner l'autre rive de la Méditerranée. A la veille de la signature d'un traité de coopération entre la France et l'Algérie destiné à sceller l'amitié franco-algérienne et à rejeter dans le passé les ombres de la colonisation et de la guerre, l'article 4 de la loi a été vécu, depuis Alger, comme la volonté de la France de raviver les braises d'un feu que les partenaires voulaient justement éteindre.

Ainsi, cette loi qui, dans l'esprit de ses promoteurs, devait être le symbole de la réconciliation nationale est-elle devenue pomme de discorde. Non pas seulement parce que, suivant son porte-parole, M. Kléber Mesquida, député de l'Hérault, le groupe socialiste a voté contre son adoption aux motifs que, malgré des avancées certaines dans le domaine de la réparation et de la mémoire, le gouvernement et sa majorité n'ont pas su, à l'égard de tous les rapatriés, « dépasser le stade de la compassion » et offrir, enfin, « un règlement définitif du problème ». Mais aussi parce qu'elle divise la communauté nationale elle-même, jetant le trouble parmi les rapatriés, indignant le corps enseignant, allant même jusqu'à devenir un élément de tension dans les relations franco-algériennes.

Avant de poursuivre, relisons attentivement le texte objet de tant de polémiques, à savoir le deuxième alinéa de l'article 4 de la loi :

« Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente laquelle ils ont droit. »

Citer le texte incriminé n'est pas inutile, l'abus de citations tronquées n'ayant pas peu contribué à rendre confus un débat suffisamment important pour qu'on l'envisage avec précision et sérénité. Mais, avant d'approfondir l'analyse, il convient de retracer le cheminement du dispositif. A elle seule, la genèse de l'article 4, dans son intégralité, éclaire la démarche du législateur, contient en germes les débats d'aujourd'hui et explique très largement la faiblesse du dispositif.

I.- QUELLE EST LA GENÈSE DE CETTE DISPOSITION CONTESTÉE ?

Lorsqu'il est déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 10 mars 2004, le projet de loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, tel qu'élaboré par le gouvernement, ne contient aucune disposition relative aux programmes scolaires.

A. L'EXAMEN À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La préoccupation n'apparaît qu'au stade de l'examen du texte par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui, au cours de sa réunion du 8 juin 2004, et à l'initiative de son rapporteur, M. Christian Kert, député des Bouches-du-Rhône, adopte un amendement relatif à l'enseignement de l'histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ainsi rédigé :

« Les programmes scolaires et les programmes de recherche universitaire accordent à l'histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu'elle mérite.

« La coopération permettant la mise en relation des sources orales et écrites disponibles en France et à l'étranger est encouragée. »

Si la rédaction, nuancée - et qui s'inscrit dans le droit fil de l'article 2 de la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage comme crimes contre l'humanité (1) -, ne pose, à ce stade, pas de difficultés (l'amendement est adopté sans autre discussion que la présentation faite par son auteur), il n'en demeure pas moins, comme l'avenir le montrera, que, désormais, le ver est dans le fruit.

Le débat bascule au cours de l'après-midi du vendredi 11 juin 2004 (et non « nuitamment » comme on a pu le retrouver imprimé dans l'hebdomadaire Marianne) lorsque le président de séance, M. Eric Raoult, député de Seine-Saint-Denis, appelle la discussion des amendements portant articles additionnels après l'article 1er. Le rapporteur présente son amendement puis c'est au tour de M. Christian Vanneste, membre de la commission des lois, de défendre ses deux sous-amendements - l'un de fond, l'autre purement rédactionnel - visant à distinguer le cas des programmes universitaires et celui des programmes scolaires. Invité par le président à donner l'avis de la commission sur ces initiatives, le rapporteur, M. Christian Kert, rappelle que celle-ci a, le matin même, au cours d'une réunion organisée en application de l'article 88 du Règlement de l'Assemblée nationale, repoussé les deux sous-amendements. Le gouvernement, quant à lui, s'en remet à la sagesse de l'Assemblée qui adopte l'amendement du rapporteur modifié par les sous-amendements de M. Christian Vanneste lequel devient l'article 1er quater du projet de loi. Fin du premier acte.

B. L'EXAMEN AU SÉNAT

L'épilogue ne tarde pas. Il advient dès la discussion, en première lecture, au Sénat. La commission des affaires sociales, saisie au fond, adopte l'article sans modification suivant en cela son rapporteur, M. Alain Gournac, sénateur UMP des Yvelines, qui, sous le bénéfice de quelques remarques mineures ne remettant nullement en cause le fond du dispositif, réclamait une telle décision. L'examen en séance, le 16 décembre 2004, est plus lapidaire encore puisque l'article 1er quater est adopté sans débat, dans la rédaction suivante :

« Les programmes de recherche universitaire accordent à l'histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu'elle mérite.

« Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit.

« La coopération permettant la mise en relation des sources orales et écrites disponibles en France et à l'étranger est encouragée. »

Les deux assemblées ayant voté la disposition en termes identiques, suivant la procédure réglementaire l'article est déclaré conforme et ne sera plus ni discuté ni donc modifié jusqu'à l'adoption définitive du projet de loi intervenue en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 10 février 2005. C'est alors qu'un autre débat, par voie de presse celui-là, s'engage...

II.- POURQUOI FAUT-IL ABROGER CET ARTICLE ?

Trois raisons militent en faveur de l'abrogation de cet article : il est contestable dans son principe, contesté dans son contenu et il porte préjudice aux relations extérieures de la France.

A. UNE DISPOSITION CONTESTABLE DANS SON PRINCIPE

Contestable dans son principe, la disposition l'est assurément. La commission des affaires sociales du Sénat avait d'ailleurs, dans son rapport, pointé les difficultés posées par une telle rédaction, sans toutefois en tirer les conséquences qui s'imposaient.

Le problème tient en une phrase : il n'entre pas dans les prérogatives du législateur de fixer les programmes scolaires et encore moins les programmes universitaires.

L'indépendance des enseignants-chercheurs qui ont la charge de ces programmes a d'ailleurs été consacrée principe fondamental reconnu par les lois de la République par le Conseil constitutionnel dans une décision du 20 janvier 1984 (DC n° 165) ; ce qui a conduit fort logiquement le rapporteur du Sénat à faire le constat du « peu de portée juridique » du premier alinéa de l'article, analyse reprise ensuite abondamment par les différents commentateurs qui se sont exprimés sur le sujet et implicitement validée par le ministre de l'Education nationale lui-même, M. Gilles de Robien, qui, interrogé par le Journal du dimanche (2) sur la portée de la loi répondait qu'elle « n'implique aucune modification des programmes actuels d'histoire qui permettent d'aborder le thème de la présence française outre-mer dans tous ses aspects et tous ses éclairages ».

Quel symbole qu'une loi dont le vote par la représentation nationale n'a pas vocation à produire d'effets ?

Si l'on peut comprendre les motivations ayant conduit le rapporteur de l'Assemblée nationale a proposé un amendement (sur lequel est ensuite venu se greffer le sous-amendement de M. Christian Vanneste) et notamment la volonté de faire en sorte que, dans le respect de la réalité des faits, l'équilibre préside au compte rendu de l'histoire de cette période - certains, à tort ou à raison, ayant le sentiment que la balance penche toujours du même côté, celui de la torture et des exactions commises par la France -, il n'en demeure pas moins que c'était là, et l'avenir l'a démontré, ouvrir la boîte de Pandore. De ce point de vue, le précédent de la loi de 2001 sur la reconnaissance de la traite et de l'esclavage comme crimes contre l'humanité a joué le rôle de référence malheureuse même si, en la matière, personne ne conteste le bien-fondé de la démarche législative.

Une fois que le législateur s'autorise à définir le contenu des programmes scolaires, toutes les interprétations sont possibles y compris celles de ceux qui ne se consolent pas d'avoir vu se refermer le chapitre de l'histoire coloniale.

Introduire dans la loi une disposition relative à l'enseignement de l'histoire de la colonisation, c'était donc, quelle que soit la nature du texte proposé - nuancé dans un premier temps, durci et biaisé ensuite - écrire une histoire officielle, en rupture complète avec les traditions de notre République. C'est, de ce point de vue qu'on peut considérer que, dès ce stade, le « ver était dans le fruit », avec cette conséquence que, contestable dans son principe, c'est donc l'ensemble de l'article 4 qui doit aujourd'hui être abrogé et non pas seulement le deuxième alinéa - objet essentiel de la discorde -, quand bien même le dernier alinéa de l'article - qui incite à la coopération interétatique pour la réunion des sources - ne fait que rappeler une évidence mise en pratique quotidiennement par les historiens.

B. UNE DISPOSITION CONTESTÉE DANS SON CONTENU

C'est là qu'intervient véritablement la question du sous-amendement présenté par M. Christian Vanneste qui cristallisera autour de lui la polémique. Là où le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. Christian Kert, avait réclamé l'équilibre, le député UMP du Nord n'hésite pas à faire clairement pencher la balance dans un seul et unique sens : « la reconnaissance [du] rôle positif de la présence française outre-mer ».

Ce faisant, l'auteur a sciemment ignoré la réalité de la colonisation. L'initiative est révélatrice de l'incapacité de certains à faire face avec lucidité au passé colonial de la France.

De ce point de vue les arguments développés par M. Christian Vanneste pour défendre son sous-amendement sont éclairants, notamment lorsqu'il convie à son discours les mânes de Jules Ferry dont il rappelle qu'il avait ardemment soutenu l'entreprise de colonisation au motif que la France ferait ainsi « œuvre scolaire, éducative et sanitaire dans les pays d'Afrique ou d'Asie », action à laquelle il s'identifia au point d'y gagner le surnom de « Tonkinois ».

Mais, en la matière, en appeler à l'histoire c'est nécessairement faire œuvre d'anachronisme.

Il n'y a pas lieu ici de dresser une historiographie exhaustive ni de multiplier les citations. Pour restituer le climat de l'époque, il suffit de constater que le promoteur de l'école républicaine, Jules Ferry, et un intellectuel dont les réflexions nourriront toute une génération, Ernest Renan, se rejoignent dans une même défense et illustration de l'aventure coloniale.

Quand, à la tribune de la Chambre des députés, le premier justifie la conquête de pans entiers du continent africain et des confins de l'Asie par la nécessité de procurer des débouchés à l'industrie française et d'offrir à la marine des positions stratégiques sur toutes les mers du globe (3), le second, dans son ouvrage fameux, La Réforme intellectuelle et morale, fonde le colonialisme sur l'inégalité des races et la mission civilisatrice de l'homme blanc (4).

Plus près de nous, comment ne pas rappeler le succès exceptionnel rencontré par la célèbre exposition coloniale de 1931 pour laquelle les organisateurs avaient été, dans un souci de vérité, jusqu'à offrir aux regards des Parisiens des femmes et des hommes « importés » des colonies pour peupler de gigantesques monuments en carton-pâte - dont le célèbre temple d'Angkor-Vat - dressés aux fins de faire admirer au peuple de France les richesses des territoires sur laquelle régnait sa puissance.

Trente ans plus tard, c'est avec curiosité sinon indignation que ceux-là mêmes qui se pressaient à l'entrée du bois de Vincennes considéreront une telle entreprise. C'est que dans l'intervalle, le temps avait passé, les idées considérablement évolué et les rapports de force entre la métropole et son Empire été profondément bouleversés par une nouvelle et éprouvante guerre mondiale. Indochine (1954), Maroc et Tunisie (1956), Afrique noire (1960), la décolonisation est en marche... En 1962, l'aventure coloniale de la France s'achève dans la douleur d'une guerre qui aura mobilisé près d'un million et demi de jeunes Français et jeté à terre la IVe République.

Comment concevoir aujourd'hui qu'alors que la IIe République avait aboli l'esclavage, celle qui lui succède - après le second épisode napoléonien - se lance à corps perdu dans l'aventure coloniale sans que cela apparaisse aux yeux des contemporains comme une contradiction insurmontable ? Que ceux-là mêmes qui avaient lutté contre les dérives autoritaires et liberticides du Second Empire plaideront avec ardeur pour que la France impose sa tutelle sur les territoires d'Afrique et d'Asie et leurs habitants auxquels elle ne reconnaîtra jamais le statut de citoyens à part entière ?

L'histoire possède ses linéaments propres qu'il ne convient pas nécessairement de justifier - comme, niant l'évidence, cherche à le faire à tout prix l'article 4 de la loi - ni de renier, mais simplement d'affronter avec lucidité et circonspection.

Pour éviter que ce « passé ne passe pas » pour reprendre la très belle expression utilisée par les historiens Eric Conan et Henry Rousso pour qualifier une autre page douloureuse de l'histoire de France, la première nécessité est de laisser aux chercheurs, dont les ouvrages sur le sujet sont d'ores et déjà nombreux et de grande qualité, le soin de travailler librement dans le respect de la pluralité des points de vue. A cet égard, la mise à disposition anticipée des archives de la guerre d'Algérie aux historiens, voulue par le dernier secrétaire d'Etat aux anciens combattants du gouvernement de M. Lionel Jospin, M. Jacques Floch, témoigne assurément d'une démarche plus sereine et plus efficace pour l'éclosion de la vérité et la dissipation des zones d'ombre de notre histoire récente.

Si le législateur peut utilement consacrer la vérité historique, comme ce fut le cas, sous la précédente législature, avec la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc », venue opportunément, quoique tardivement, mettre en cohérence le discours officiel et la réalité des faits, il ne saurait se substituer au travail des historiens.

L'exemple de ce dernier texte montre également que, pour ce qui touche à la mémoire de la Nation, l'unanimité est requise (5), la communauté nationale ne pouvant se retrouver divisée autour de sa propre histoire. Ferment de la division de la communauté nationale, l'article 4 de la loi du 23 février 2005 rend impossible la réconciliation nationale. A ce titre, il doit être abrogé.

C. UNE DISPOSITION QUI PORTE PRÉJUDICE AUX INTÉRÊTS DE LA FRANCE DANS SES RELATIONS AVEC SES PARTENAIRES ÉTRANGERS

Dernière raison qui milite en faveur de l'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février 2005, mais non la moindre, les menaces, lourdes, qu'elle fait peser sur la politique étrangère de notre pays.

Plus encore que d'autres événements la colonisation, puis la décolonisation, débordent la seule histoire nationale pour se mêler à celles des territoires, devenus depuis lors des Etats souverains, qui n'ont eu d'autre choix que d'entretenir avec la Nation française une grande intimité.

De sorte que, la polémique engendrée par la loi a débordé le cadre de nos frontières pour gagner la rive sud de la Méditerranée A plusieurs reprises, les autorités algériennes, par le canal du parti majoritaire, le FLN, se sont émues des dispositions adoptées par le Parlement français. La controverse est ensuite montée d'un cran lorsque le Président algérien en personne, M. Abdelaziz Bouteflika, a brandi les dispositions de l'article 4 pour compromettre la signature du traité d'amitié et de coopération entre l'Algérie et la France prévue de longue date et destiné à enterrer définitivement les différends du passé et à jeter les bases d'une coopération fructueuse pour l'avenir. « Le traité d'amitié algéro-français torpillé ? » s'interrogeait ainsi en Une Le Courrier d'Algérie en juin dernier. Et il est vrai qu'initialement prévue à la fin du printemps, évoquée ensuite pour l'automne, la signature du traité - dont on peut mesurer l'importance pour la relation franco-algérienne au rôle tenu hier par le traité de l'Elysée, signé le 22 janvier 1963, dans la réconciliation franco-allemande - ne cesse d'être remise à plus tard.

Si l'on peut légitimement s'interroger sur l'impact véritable de la loi du 23 février 2005 sur la signature du traité, et sur les motivations réelles de la réaction algérienne - dont la violence apparaît parfois excessive et asservie à des enjeux de politique intérieure -, il n'en demeure pas moins que l'article 4 de la loi ne contribue pas à établir entre la France et l'Algérie un climat de sérénité propice à raviver des liens de coopération plus intenses entre les deux pays.

Plus généralement, il n'est pas acceptable qu'un texte, dont le principe et le contenu eux-mêmes sont contestables, puisse avoir un impact négatif sur la diplomatie française. A l'heure où le développement de la coopération euro-méditerranéenne apparaît comme une nécessité, où la position géographique de la France et son héritage historique - qui ne doit pas être considéré comme un handicap mais comme un réel atout (120 millions de personnes parlent le français dans le seul Maghreb) - plaident pour le renforcement de tels liens, il est désolant de constater que l'article 4 de la loi, qui marque un mépris inacceptable à l'égard de populations auxquelles, rappelons-le, il n'a jamais été reconnu la qualité de citoyens, a provoqué d'importantes réactions au sein de l'ensemble des pays concernés par la colonisation française.

*

A côté de la culpabilisation excessive, du refus de lever les tabous, du déni ou de la défense outrancière, il existe une voie médiane susceptible d'unir les citoyens français autour de leur histoire et de rassembler la France et les pays dont le territoire fut autrefois placé sous sa souveraineté.

La France l'a déjà expérimenté pour des événements qui pour être différents accusent toutefois une évidente parenté. Après s'être affrontées trois fois en moins d'un siècle, la France et l'Allemagne ont su faire taire leurs rancœurs pour devenir les moteurs d'une aventure riche de prospérité. De la même façon, la France et les Etats sur le territoire desquels elle a assuré la souveraineté dans le passé doivent être capables de transcender leur histoire commune et de mettre en avant ce qui les rapproche plutôt que ce qui les divise. Et les liens, par-delà les circonstances dans lesquels ils ont été tissés, sont riches et nombreux.

Côté français, cela passe à l'évidence, comme le réclame l'article unique de la présente proposition de loi, par l'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février 2005. A l'aune des événements récents, le rapporteur estime une telle clarification plus que jamais nécessaire tant le brouillage d'une identité nationale parfois mal assumée entre pour une part importante dans le faisceau des motifs qui ont entraîné les violences de ces jours derniers et, en tout état de cause, ternit le rayonnement de la France.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a examiné, sur le rapport de M. Bernard Derosier, la présente proposition de loi, au cours de sa séance du mercredi 23 novembre 2005.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean-Michel Dubernard, après avoir salué la venue dans la commission du rapporteur, s'est félicité de la pondération de son intervention et notamment de l'éclairage qu'il a apporté sur le rôle de la commission et de son rapporteur, M. Christian Kert, lors des débats préalables à l'adoption de la loi du 23 février 2005. L'ensemble de la commission avait alors validé une rédaction équilibrée qu'il faut ici rappeler : « Les programmes scolaires et les programmes de recherche universitaire accordent à l'histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu'elle mérite. La coopération permettant la mise en relation des sources orales et écrites disponibles en France et à l'étranger est encouragée ». C'est au cours de la séance de l'après-midi du 11 juin 2004 que, à la suite de l'adoption d'un sous-amendement présenté par M. Christian Vanneste, la rédaction aujourd'hui en cause a été retenue, confirmée ensuite au Sénat - ce qui, conformément à la procédure parlementaire habituelle, rendait « conforme » cet article sur lequel aucune des deux assemblées ne pouvait plus dès lors revenir pour le rediscuter ou le corriger.

Il est important d'entendre les arguments présentés à l'appui de l'abrogation de cet article 4, arguments qui ont beaucoup de signification et doivent être pesés à l'aune du contexte politique international. A cet égard, il convient de saluer l'honnêteté intellectuelle qui préside à l'analyse de la situation effectuée par le rapporteur.

M. Maxime Gremetz a souhaité souligner lui aussi le caractère unanime de la position prise initialement par la commission sur cette question. On ne peut qu'être satisfait de voir rediscutée une question dont les enjeux sont si importants.

Il est essentiel de rappeler qu'il convient de laisser aux historiens le soin d'écrire l'histoire. Il n'y a aucune directive à leur donner en cette matière. Cela serait anormal, voire même illégal, qu'une assemblée représentative, aussi prestigieuse soit-elle, donne ainsi une ligne directrice aux chercheurs. La recherche serait encadrée et figée et il n'est pas besoin de développer plus avant quels en seraient les effets négatifs.

Il est aussi important de souligner l'impact du traitement de ces questions dans les manuels scolaires. A cet égard, il faut remarquer la pondération du rapporteur et user d'un ton identique. Il ne s'agit pas de demander à quiconque de modifier son jugement sur les effets de la colonisation. On ne peut oublier que certains esprits - et non des moindres - ont bien évolué au fil du temps sur cette question. Chacun doit rester libre d'apprécier les effets de la colonisation, aussi divers et contradictoires soient-ils.

C'est pourquoi le présent article 4, au regard des relations avec les pays d'Afrique du Nord mais aussi plus généralement de l'ensemble des pays anciennement colonisés et avec lesquels la France noue désormais des relations de coopération, est très choquant. Nombreux sont les parlementaires à avoir recueilli de multiples réactions sur cette disposition. Aucun texte juridique - ni la Constitution, ni la loi de la République - ne doit se prononcer sur ces appréciations.

C'est la raison pour laquelle cette proposition de loi est si importante. Il faut revenir sur la rédaction de l'article 4 et, pourquoi pas, en reprenant la version qui avait initialement fait consensus au sein de la commission.

M. François Liberti a souligné l'importance de prendre en compte l'émotion suscitée par la modification de l'article 4. Le débat a été passionné à l'Assemblée nationale, l'opposition ayant fait connaître le risque de modification du texte. Les réactions tant françaises qu'internationales montrent qu'aujourd'hui il en va de la responsabilité collective de revenir sur la rédaction de cet article 4.

Après avoir précisé qu'il convient de ne pas focaliser le débat uniquement sur l'histoire proche de l'Algérie mais qu'il faut tenir compte de toutes les anciennes colonies françaises, Mme Hélène Mignon a déclaré que les parlementaires n'ont pas à faire œuvre d'historien ni à proposer des programmes pédagogiques. Toutefois, les propos tenus par le Président algérien, M. Abdelaziz Bouteflika, en réaction au vote de la loi du 23 février 2005 ont été excessifs. Il convient en effet d'admettre que la présence française en Algérie a permis d'accomplir des choses positives pour ce pays. Un colloque pourrait utilement être organisé par l'Assemblée nationale afin de réunir des historiens qui pourraient présenter leurs analyses et débattre de sujets qui font encore polémique, comme la question des disparus ou du sort et du vécu des populations autochtones durant la période coloniale et la guerre d'Algérie. Une telle initiative permettrait d'évoquer calmement ces questions sans que le Parlement prenne des positions à l'emporte-pièce.

M. Lionnel Luca a fait valoir que, pour comprendre l'intention du législateur, l'article 4 de la loi du 23 février 2005 devait être apprécié dans son entier et non tronqué, en ne considérant qu'un membre de phrase pris isolément, hors de son contexte ; Fouquier-Tinville ne disait-il pas « Donnez-moi un morceau de phrase et je vous enverrai à l'échafaud » ? On peut s'étonner qu'un amendement adopté en séance publique le 11 juin 2004 n'ait suscité de réactions, à l'étranger, qu'en avril-mai 2005, qui plus est dans un seul pays, l'Algérie, où, d'ailleurs, la polémique a été lancée pour des considérations de politique intérieure. Et il n'est pas inutile de rappeler que la loi du 21 mai 2001, tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage comme crimes contre l'humanité, contient une disposition similaire concernant les programmes scolaires, laquelle n'a pas donné lieu à une telle polémique. Remettre de l'huile sur le feu de la question algérienne est déplorable. Le texte adopté est bon ; il n'y a rien à y changer.

M. Christian Kert a déclaré apprécier la mesure des propos tenus par le rapporteur qui a été en contact avec le monde, très sensible, des rapatriés. La plupart des textes votés sur cette question à l'Assemblée nationale et au Sénat l'ont été à l'unanimité. L'auteur de l'amendement n'a pas voulu réécrire l'histoire officielle mais souhaité permettre la mise en exergue - « en particulier » sont les termes de la loi - des aspects positifs du passé colonial de la France. Il n'en demeure pas moins que la première mouture du texte, tel que proposé par la commission à l'initiative de son rapporteur - qui tendait à « accord[er] à l'histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu'elle mérite » -, reste préférable.

M. Christian Kert ayant rappelé que ce n'était pas la première fois que le Parlement écrivait une page d'histoire, faisant référence à la reconnaissance du génocide arménien par la loi du 29 janvier 2001, M. Maxime Gremetz a fait observer que, sur cette question, les historiens avaient tranché.

M. Christian Kert a ensuite souligné que l'article 4 de la loi du 23 février 2005 était en fait une déclinaison technique de l'article 1er de la loi qui exprime la reconnaissance de la Nation aux rapatriés et reconnaît les souffrances qu'ils ont endurées. Au Sénat, Mme Gisèle Printz, porte-parole du groupe socialiste, a d'ailleurs apporté le soutien de son groupe au texte de l'article 4 en indiquant qu'il méritait son approbation. Enfin, il convient de réfléchir aux conséquences très négatives d'une décision d'abrogation de l'article 4 au sein des communautés harkie et de rapatriés. Si le Parlement faisait machine arrière, ce serait considéré par ces communautés comme un abandon. Un message négatif sur la période coloniale serait ainsi donné et ne manquerait pas, dans le contexte actuel, d'être utilisé à des fins peu recommandables par certains. En outre, un vote d'abrogation serait considéré comme l'exécution, par la représentation nationale, d'un diktat du président algérien dont les attaques contre la France sont inacceptables.

Le président Jean-Michel Dubernard a salué les propos, marqués d'une grande honnêteté intellectuelle, de M. Christian Kert. Ils tiennent parfaitement compte à la fois de la dimension nationale de la question et du contexte international dans lequel elle s'inscrit, notamment des devoirs de la France vis-à-vis de certaines populations. Ils montrent la difficulté de traiter la proposition de loi à un moment qui n'est peut-être pas le meilleur.

M. Michel Liebgott a estimé qu'il appartient au législateur de tendre à un équilibre et de ne pas mettre de l'huile sur le feu. La loi ne doit pas faire l'histoire, ni la juger. Or l'histoire de la France en Algérie s'écrit encore aujourd'hui. On peut rappeler les réactions lors du match France-Algérie du 6 octobre 2001 (lorsque la Marseillaise a été sifflée dans l'enceinte du Stade de France), les propos du président Abdelaziz Bouteflika ou les agitations dans les banlieues, événements qui invitent le Parlement à rester à l'écart des débats entre historiens. Les débats autour de la date de commémoration des victimes de la guerre d'Algérie montrent également la difficulté à aborder cette histoire. Tandis que la date du 19 mars s'était installée durablement dans le calendrier commémoratif, un décret de septembre 2003 du Président de la République, M. Jacques Chirac, a institué le 5 décembre journée nationale d'hommage aux « Morts pour la France » en Afrique du Nord avec instructions données aux maires de substituer cette date à la précédente pour les commémorations réalisées dans leurs commune. Cela montre les difficultés qui peuvent surgir lorsque l'on ravive des plaies qui étaient en voie d'être fermées, alors même que tous les élus locaux ont la volonté de faire vivre en harmonie la diversité des communautés. C'est pourquoi la proposition du rapporteur de supprimer l'article 4 est opportune.

Le président Jean-Michel Dubernard a souhaité que l'on ne commence pas à débattre sur la date du 5 décembre, à la fois pour ne pas s'éloigner de l'objet du texte examiné aujourd'hui et pour éviter le retour de joutes verbales.

M. Maxime Gremetz a rappelé que l'histoire est faite par les peuples. A ce titre, elle ne peut être réécrite. Il a fallu cinquante ans pour que les événements d'Algérie soient enfin et officiellement reconnus comme une guerre et non comme de simples opérations de maintien de l'ordre public ainsi que tous les gouvernements successifs, jusqu'en 1999, et de nombreux manuels d'histoire les présentaient.

Il a ensuite déclaré qu'en tant qu'ancien d'AFN, il pouvait témoigner du traumatisme des appelés du contingent partis en Algérie. Il n'est pas possible d'écrire l'histoire par la loi ou de donner des orientations à la recherche. En raison de la proximité de ces événements, et de la diversité des points de vue, le Parlement n'a pas intérêt à susciter un débat supplémentaire.

En réponse aux différents orateurs, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- Les contacts fréquents avec l'ambassadeur d'Algérie en France et les autorités algériennes sur place confirment qu'il convient de ne pas focaliser le débat sur l'article 4 sur le seul cas algérien.

- Le rapporteur n'a pas de jugement sur l'intérêt de la rédaction initiale de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 - sur laquelle il n'a pas eu à se prononcer n'étant pas membre de la commission lors de son examen - ni non plus d'opposition de principe à son encontre. Il faut apprécier ce texte au regard de l'intérêt de la France dans un contexte international et national très mouvant. Ainsi, depuis la publication de la loi, la presse algérienne fait état très régulièrement de réactions fortement hostiles à l'égard de la France, faisant appel à l'histoire en évoquant la répression sanglante de l'armée française lors des événements de Sétif le 8 mai 1945 ou la répression policière lors de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Le président Abdelaziz Bouteflika, lui-même, suit une démarche similaire lorsque récemment il concluait un discours public en accusant la France d'avoir quitté le sol algérien sans laisser le plan de certains champs de mines antipersonnelles.

- C'est un programme d'apaisement de ce passé douloureux en Algérie et dans tout le Maghreb qu'il faut conduire. Cela va dans le sens de l'intérêt national car la France est en mesure de servir de trait d'union entre l'Europe et les pays du Maghreb, ces derniers étant très demandeurs d'un rapprochement avec l'Union européenne. Il s'agit également de contenir l'offensive des Etats-Unis pour s'imposer en lieu et place de la France comme le partenaire privilégié de ces pays. Il ne s'agit nullement de faire un procès d'intention à qui que ce soit mais de tenir compte des conséquences de la loi votée et de l'article incriminé.

Le président Jean-Michel Dubernard a proposé de ne pas engager la discussion des articles, de suspendre les travaux de la commission et de ne pas présenter de conclusions sur le texte de la proposition. Cette position n'empêche ni la discussion en séance publique ni la publication d'un rapport incluant le compte-rendu des travaux de la commission au cours desquels chacun a eu tout loisir de s'exprimer.

Suivant la proposition de son président, la commission a décidé de suspendre l'examen de la proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions.

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N° 2705 - Rapport sur la proposition de loi visant à abroger l'article 4 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (M. Bernard Derosier)

1 () « Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent. La coopération qui permettra de mettre en articulation les archives écrites disponibles en Europe avec les sources orales et les connaissances archéologiques accumulées en Afrique, dans les Amériques, aux Caraïbes et dans tous les autres territoires ayant connu l'esclavage sera encouragée et favorisée. »

2 () Edition du 16 octobre 2005.

3 () « Mais, Messieurs, il y a un autre côté plus important de cette question, et qui domine de beaucoup celui auquel je viens de toucher. La question coloniale, c'est pour les pays voués par la nature même de leur industrie à une grande exportation, la question même des débouchés. Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d'expansion coloniale - celle qui nous a fait aller, sous l'Empire, à Saigon, en Cochinchine, celle qui nous conduit en Tunisie, celle qui nous a amenés à Madagascar - je dis que cette politique d'expansion coloniale s'est inspirée d'une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention, à savoir qu'une marine comme la nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d'abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement. » (Journal officiel, séance du 28 juillet 1885).

4 () « La nature a fait une race d'ouvriers. C'est la race chinoise d'une dextérité de main merveilleuse, sans presque aucun sentiment d'honneur; gouvernez-la avec justice en prélevant d'elle pour le bienfait d'un tel gouvernement un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite; une race de travailleurs de la terre, c'est le nègre : soyez pour lui bon et humain, et tout sera dans l'ordre; une race de maîtres et de soldats, c'est la race européenne. Que chacun fasse ce pour quoi il est fait et tout ira bien. » (La Réforme intellectuelle et morale, 1871).

5 () Rappelons que ce texte, adopté à l'unanimité, est issu de plusieurs initiatives parlementaires venant de la majorité et de l'opposition d'alors.


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