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N
° 3078

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 mai 2006.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE LOI (n° 3010) portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes,

PAR M. Jérôme CHARTIER,

Député.

——

INTRODUCTION 5

I.– LA COUR DES COMPTES ET LA COMMISSION DES FINANCES ENTRETIENNENT UNE RELATION PRIVILÉGIÉE, RÉCEMMENT RENFORCÉE 7

A.– DE LONGUE DATE, « LA COUR DES COMPTES ASSISTE LE PARLEMENT » 7

1.– Une mission ancienne et propre à toute démocratie parlementaire 7

2.− Une mission confiée à un grand corps de l’État 9

B.– LA LOLF RENFORCE LA COOPÉRATION ENTRE LES COMMISSIONS DES FINANCES ET LA COUR, DOTÉE DE MISSIONS NOUVELLES 12

1.− Des compétences, des prérogatives et des modes de travail complémentaires 12

2.− Avec la LOLF, un changement de dimension 14

II.– LE PROJET DE LOI CONSACRE, SUR LE PLAN STATUTAIRE, LA POSITION SINGULIÈRE QUE LA COUR TIENT DE LA LOLF 19

A.– LA LOLF A MIS EN LUMIÈRE L’ÉQUIDISTANCE DE LA COUR VIS-À-VIS DE L’EXÉCUTIF ET DU LÉGISLATIF 19

1.– Une théorie de l’équidistance confirmée par le Conseil constitutionnel 19

2.− Un positionnement budgétaire original, dont le présent projet tire les conséquences 20

B.– LA MODERNISATION STATUTAIRE PROPOSÉE DOIT AIDER À RELEVER LE DÉFI DE LA GESTION DES RESSOUCES HUMAINES 22

1.− Une réaffirmation du statut particulier des magistrats de la Cour 22

2.− Un élargissement du recrutement face aux enjeux des missions nouvelles et des départs en retraite 26

EXAMEN EN COMMISSION 29

INTRODUCTION

Que votre commission des finances se saisisse pour avis du présent projet de loi portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes n’était sans doute pas dicté par une lecture stricte du Règlement de l’Assemblée nationale ; il ne lui a pas moins semblé nécessaire, eu égard aux liens qu’elle a tissés de longue date avec la Cour, de se prononcer sur des dispositions qui, pour techniques qu’elles puissent paraître, forment un « projet auquel [cette] compagnie est particulièrement attachée », déclarait le Premier président Philippe Séguin lors de la séance solennelle de rentrée du 23 janvier dernier.

Il n’est pas exagéré, comme le Premier président le suggérait lui-même au cours de cette cérémonie, de voir dans les garanties individuelles inscrites dans le présent projet, purement statutaire, le prolongement des garanties collectives récemment obtenues par l’ensemble des juridictions financières, à travers un positionnement budgétaire sui generis, que le Parlement a entériné dans la loi de finances pour 2006.

C’est donc tout naturellement que, sans se substituer en aucune manière à la commission des Lois, à laquelle il revient de traiter au fond ces questions touchant à l’organisation de la carrière, au statut, au régime disciplinaire et au recrutement de ces magistrats particuliers que sont les membres de la Cour des comptes, votre commission des Finances a voulu saisir cette occasion de manifester, par un soutien publiquement exprimé au présent projet, le prix qu’elle attache à la relation de qualité nouée avec la Cour, au service d’une gestion toujours plus pertinente, toujours plus performante, des deniers publics.

Il n’est pas anodin de constater qu’en 2000-2001, l’examen du projet de loi portant diverses dispositions statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes et modifiant le code des juridictions financières (1) n’avait été le fait que des commissions des lois des deux assemblées. La LOLF est passée par là, qui a notablement renforcé les relations entre la Cour des comptes et les commissions des finances.

À cette occasion, votre Commission forme aussi le vœu qu’aboutisse prochainement un autre chantier législatif concernant les juridictions financières, et auquel elle entend bien − cette fois en première ligne −, prendre toute sa part : la réforme du régime de responsabilité des comptables, ainsi que de celle des ordonnateurs, elles aussi annoncées lors de la séance solennelle du 23 janvier dernier.

I.– LA COUR DES COMPTES ET LA COMMISSION DES FINANCES ENTRETIENNENT UNE RELATION PRIVILÉGIÉE, RÉCEMMENT RENFORCÉE

Installée solennellement le 5 novembre 1807, après avoir été créée par une loi du 16 septembre de la même année, la Cour de comptes célébrera l’an prochain son bicentenaire. Ses racines sont pourtant beaucoup plus anciennes, tant il est vrai qu’il ne saurait exister d’État sans qu’en son sein une instance ne soit chargée de contrôler ses comptes et sa gestion. Une exigence tout aussi solidement établie fonde les pouvoirs de contrôle politique du Parlement, compétent s’agissant de l’autorisation budgétaire annuelle. Dès lors, la coopération entre la Cour et le Parlement − tout particulièrement avec ses commissions des Finances − relève de la logique institutionnelle comme de la « nécessité démocratique ».

A.– DE LONGUE DATE, « LA COUR DES COMPTES ASSISTE LE PARLEMENT »

1.– Une mission ancienne et propre à toute démocratie parlementaire

a) Une coopération qui se confond avec l’existence d’un régime parlementaire

Si l’on trouve trace de l’existence d’un bureau financier ou d’une chambre des comptes dès le XIIe siècle dans la France des Capétiens, avec quelques décennies de retard sur la Normandie, l’Angleterre, la Provence ou la Savoie (2), la naissance de la Cour des comptes « moderne » est beaucoup plus documentée ; c’est de cette époque que datent les liens entre Cour et Parlement.

Mais la création de l’actuelle Cour des comptes en 1807 a été précédée d’une brève période au cours de laquelle les fonctions des chambres des comptes de l’Ancien Régime, supprimées à la Révolution, étaient assumées… par le seul Parlement. En effet, à partir de septembre 1791, un bureau de comptabilité composé de quinze commissaires élus par l’Assemblée nationale et dépendant étroitement de son comité des finances était chargé de l’examen des comptes, l’Assemblée elle-même statuant définitivement et donnant décharge aux comptables publics, les contestations nées du contrôle des comptes étant portées devant les tribunaux ordinaires. Entre 1795 et 1807, les cinq puis sept membres de la commission de la Comptabilité nationale, bien que continuant à dépendre de l’Assemblée, furent investis du pouvoir de prendre des décisions exécutoires.

La Cour créée par Napoléon Ier reçut le statut de juridiction mais une juridiction rattachée à l’Exécutif, ne dénonçant abus et malversations qu’à l’Empereur. C’est l’adoption des grands principes budgétaires et comptables, concomitante avec l’avènement du régime parlementaire, qui a fondé le mode de relations existant entre la Cour des comptes et le Parlement, et dont l’essentiel a perduré jusqu’à aujourd’hui.

C’est ainsi qu’un texte de 1822, complété par une ordonnance de 1826, institue la déclaration générale de conformité transmise chaque année par la Cour au ministère des Finances pour être communiquée au Parlement. L’actuel rapport public annuel est, depuis une loi de 1832, un document également remis au Parlement, acte dont la solennité est aujourd’hui marquée par l’audition en séance publique du Premier président, cas unique de prise de parole d’un magistrat, ès qualités, à la tribune de l’Assemblée nationale.

L’inscription de la mission d’assistance de la Cour au Parlement dans la Constitution date de la IVe République. L’article 18 de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose en effet :

« L’Assemblée nationale règle les comptes de la Nation.

« Elle est, à cet effet, assistée par la Cour des comptes.

« L’Assemblée nationale peut charger la Cour des comptes de toutes enquêtes et études se rapportant à l’exécution des recettes et des dépenses publiques ou à la gestion de la trésorerie. »

Par la suite, comme le relève Christian Descheemaker dans son ouvrage précité sur la Cour, cette dernière a d’elle-même établi, en 1955, un rapport sur l’exécution des budgets de 1949 et 1950. Le décret-loi du 19 juin 1956 puis l’ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances institutionnaliseront cette pratique, qu’étoffe la LOLF, tandis que la Constitution du 4 octobre 1958 reformule la mission constitutionnelle dans le dernier alinéa de son article 47, aux termes duquel « La Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances » ; sur ce modèle, le dernier alinéa de l’article 47-1, introduit par la loi constitutionnelle du 22 février 1996, dispose que « La Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale », élargissant de manière assez considérable le champ de la coopération entre la Cour et le Parlement dans le contrôle de la gestion publique (3).

b) Les comparaisons internationales illustrent la pluralité des cas de figure possibles

Les exemples de coopération entre le Parlement et l’institution chargée du contrôle des comptes publics sont variés chez nos voisins européens, car tantôt ladite institution est elle-même d’essence parlementaire, tantôt elle ne l’est pas. Par ailleurs, elle est tantôt investie de pouvoirs juridictionnels et tantôt dépourvue de tels pouvoirs, sans que la ligne de partage soit la même dans les deux cas. On rencontre ainsi (4) :

− des juridictions rattachées au Parlement, comme la Cour des comptes (Rekenhof) belge ou le Tribunal de cuentas espagnol ;

− des juridictions qui, pour entretenir des relations suivies avec le pouvoir législatif, n’en sont pas moins nettement distinctes, comme la Corte dei conti italienne, ou qui visent une relation équilibrée à l’égard du Gouvernement comme du Parlement, comme la Cour des comptes française, la chambre des comptes (Rekenkamer) néerlandaise ou la Cour des comptes fédérale (Bundesrechnungshof) allemande ;

− des organes parlementaires comme l’emblématique National Audit Office britannique, qui travaille pour un comité parlementaire des comptes publics.

Il convient d’ajouter à ce panorama la Cour des comptes européenne, créée en 1975 et érigée en 1992 par le Traité sur l’Union européenne en institution de la Communauté, au côté du Parlement européen, du Conseil, de la Commission et de la Cour de justice. Chargée, en vertu de l’article 248 du Traité instituant la Communauté européenne, de fournir au Parlement et au Conseil « une déclaration d’assurance concernant la fiabilité des comptes ainsi que la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes », la Cour des comptes européenne « assiste le Parlement européen et le Conseil dans l’exercice de leur fonction de contrôle de l’exécution du budget. »

Pierre Joxe, alors Premier président de la Cour des comptes, avait appelé de ses vœux, en 1996, la création au sein de l’Assemblée et du Sénat d’une sous-commission des dépenses de l’État qui, comme au Parlement britannique, aurait eu vocation à travailler, par secteur de l’action gouvernementale, avec les membres compétents de la Cour. L’évolution n’est pas − pas encore ? − allée jusque-là ; les commissions des Finances n’en sont pas moins des interlocutrices privilégiées des magistrats et rapporteurs de la Cour.

2.− Une mission confiée à un grand corps de l’État

Institution originale au sein de la République, la Cour des comptes est un grand corps de l’État en raison de la place qu’elle occupe dans les sommets de la hiérarchie de la fonction publique de l’État ; elle est aussi une juridiction à part entière − qui emprunte à l’ordre judiciaire tout en étant expressément qualifiée de juridiction administrative (5) −, juge des comptes des comptables publics et instance d’appel des 26 chambres régionales et territoriales des comptes, et une institution investie d’un pouvoir général d’audit de la gestion publique, aux compétences particulièrement étendues.

La loi de 1807 et le décret de la même année pris pour son application avaient fixé l’effectif de la Cour à un Premier président, un Procureur général, trois présidents de chambre, dix-huit maîtres des comptes et quatre-vingts référendaires. Le tableau suivant retrace l’évolution récente des effectifs totaux en activité à la Cour, qui compte aujourd’hui sept chambres (6) :

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS EN ACTIVITÉ À LA COUR DES COMPTES

 

2001

2002

2003

2004

2005

Premier président

1

1

1

1

1

Procureur général

1

1

1

1

1

Présidents de chambre

7

7

7

7

7

Secrétaire général et secrétaires généraux adjoints

3

3

3

3

3

Avocats généraux

3

3

3

3

3

Personnels de contrôle

         

Conseillers maîtres (1)

100

106

109

106

116

Conseillers référendaires

46

70

84

76

76

Auditeurs

26

18

14

16

20

Rapporteurs à temps plein

57

48

56

60

60

Assistants

77

80

84

83

70

Total agents à temps plein

319

335

360

344

355

Rapporteurs à temps partiel

48

34

26

37

33

Total personnels de contrôle

367

369

386

381

390

Personnels administratifs

246

253

258

256

259

Total Cour des comptes

615

624

644

649

649

(1) y compris les conseillers maîtres en service extraordinaire.

Source : rapport public 2005.

Outre les fonctionnaires assurant les tâches de gestion qui forment les « personnels administratifs » du tableau précédent, il faut distinguer quatre catégories de personnels :

− les magistrats, au nombre de 214 à la fin de 2005. Il s’agit du Premier président, du Procureur général, des présidents de chambre, des avocats généraux, des trois magistrats du secrétariat général, des conseillers maîtres (non compris les conseillers maîtres en service extraordinaire), des conseillers référendaires et des auditeurs. Le second alinéa de l’actuel article L. 112-1 du code des juridictions financières dispose : « Les membres [du siège] de la Cour des comptes ont la qualité de magistrats. Ils sont et demeurent inamovibles. » Une inamovibilité acquise dès 1807, qui rapproche les magistrats financiers des magistrats de l’ordre judiciaire, ceux de l’ordre administratif n’étant désignés comme tels dans aucun texte, et aucun texte ne fixant à leur profit une quelconque garantie d’inamovibilité. Deux autres éléments consacrent le statut des magistrats financiers : leur prestation de serment prévue à l’actuel article L. 112-3 du code des juridictions financières, et leur robe noire. Les deux dispositions précitées du code sont réaffirmées dans le présent projet de loi (article 3) ;

− les fonctionnaires que sont les dix conseillers maîtres en service extraordinaire, dont l’existence remonte à l’application de la loi du 22 juin 1976 (7) et correspond à l’intégration à la Cour des comptes de la Commission de vérification des comptes des entreprises publiques qui datait de 1948. C’est la raison pour laquelle l’actuel article L. 112-5 du code des juridictions financières les désigne comme « des fonctionnaires appartenant au corps de contrôle des ministères exerçant la tutelle des entreprises publiques ou des personnes ayant exercé des responsabilités dans les fonctions de tutelle ou de gestion des entreprises publiques ». Nommés pour une période de quatre ans non renouvelable, ils n’exercent aucune fonction juridictionnelle. Le présent projet élargit leur recrutement (article 1er) ;

− les rapporteurs extérieurs, qui n’exercent pas non plus de fonctions juridictionnelles et ne prêtent pas davantage serment. Ils sont, aux termes de l’article L. 112-7 du code des juridictions financières, que ne modifie pas le projet de loi, des « magistrats de l’ordre judiciaire et les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’École nationale d’administration », des « fonctionnaires appartenant à des corps de même niveau de recrutement de la fonction publique de l’État, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière ainsi qu’aux agents de direction et aux agents comptables des organismes de sécurité sociale », ou encore des « militaires et […] fonctionnaires des assemblées parlementaires appartenant à des corps de même niveau de recrutement » ;

− les assistants, fonctionnaires de catégorie A ou B issus pour la plupart du ministère de l’Économie et des finances, qui apportent leur concours aux magistrats et rapporteurs dans l’exercice de leurs missions de contrôle.

Votre Rapporteur veut saluer la richesse et la variété des profils des personnels en fonction à la Cour, que le présent projet doit permettre d’accroître encore. On peut ainsi entrer dans le corps aussi bien à 25 ans qu’à 60, en début de carrière comme à l’orée d’une seconde carrière. On peut aussi être recruté comme généraliste ou comme spécialiste. La diversité des missions de la Cour des comptes en est la cause, mais il importe justement que le statut de ses membres autorise toute la souplesse de gestion nécessaire, afin de garantir un haut degré de performance, dans l’exercice des missions anciennes comme dans celui des missions nouvelles.

B.– LA LOLF RENFORCE LA COOPÉRATION ENTRE LES COMMISSIONS DES FINANCES ET LA COUR, DOTÉE DE MISSIONS NOUVELLES

1.− Des compétences, des prérogatives et des modes de travail complémentaires

Comme l’ont relevé des observateurs avisés, la Cour des comptes et le Parlement, s’ils interviennent à certains égards de façon concurrente dans le contrôle de la gestion publique, « peuvent, et doivent, se compléter utilement ».

a) Des similitudes qui fondent une interaction

Initialement cantonnée au rôle de juge des comptes de l’État et de ses établissements (8), la Cour a vu, évidemment avec l’intervention du Parlement, car par la loi, le champ de son contrôle de gestion étendu à l’ensemble de la sphère publique :

− les organismes bénéficiant de concours financiers publics par élargissements successifs à partir de 1939 (9) ;

− les organismes de sécurité sociale depuis la loi précitée de 1949 ;

− les entreprises publiques de façon directe à partir de la loi précitée de 1976 ;

− les organismes faisant appel à la générosité publique avec une loi du 7 août 1991 (10), complétée dans le champ du mécénat par une loi du 1er août 2003 (11;

− les entreprises délégataires de service public depuis une loi du 8 février 1995 (12).

De même, le Parlement est titulaire d’une mission générale de contrôle de la gestion publique, via ses commissions permanentes, mais aussi via leurs émanations − telles les missions d’information, la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de votre commission des Finances depuis 1999 ou encore la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) (13) de la commission des Affaires sociales de notre Assemblée −, enfin, via les missions d’information de la Conférence des présidents depuis 2003 (en vertu de l’article 145 du Règlement de notre Assemblée) et les commissions d’enquête (14).

S’agissant des pouvoirs de contrôle susceptibles d’être mis en œuvre par la Cour et par le Parlement dans ses diverses composantes, là encore des similitudes apparaissent :

− le pouvoir d’accès à l’information écrite, à travers les contrôles sur pièces et sur place et les pouvoirs de communication ;

– le pouvoir d’entendre en audition sous une forme contraignante ;

– l’inopposabilité du secret professionnel, sauf exceptions (secret médical, défense nationale, sécurité intérieure et extérieure de l’État) ;

– les pouvoirs de sanction de l’entrave au droit de communication, y compris au moyen de sanctions pénales, les amendes.

Dans l’exercice de ces missions, les commissions des Finances sont logiquement à l’avant-scène, en vertu de l’article 36 du Règlement de notre Assemblée et des articles 7 et 22 du Règlement du Sénat, et du IV de l’article 164 de l’ordonnance du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, avant même l’adoption de la LOLF. Votre Rapporteur note d’ailleurs que ces dispositions de 1958, toujours en vigueur, conservent leur utilité, comme en témoigne leur extension récente, en loi de finances pour 2006, afin de mieux faire coïncider, précisément, les champs de contrôle respectifs de la Cour des comptes et des commissions des finances. La mission constitutionnelle d’assistance ne résume donc pas les relations qu’entretiennent la Cour et le Parlement ; c’est bien plutôt une complémentarité qui se dessine en effet.

b) Des différences qui engendrent une complémentarité

Les analyses les plus attentives ont noté avec pertinence la différence des statuts et des moyens, ainsi que les différences dans les modalités de contrôle que révèle une comparaison attentive entre la Cour et le Parlement.

Sur le plan du statut et des moyens, il n’y a pas de commune mesure entre des magistrats financiers et des fonctionnaires affectés à la Cour, soit près de 400 agents, qui sont nommés et ont le contrôle pour mission quasi exclusive, et des parlementaires élus, désignés rapporteurs par leur Commission, qui exercent le contrôle en sus de leurs autres fonctions, et s’appuient sur un nombre restreint de fonctionnaires qui n’ont pas non plus, sauf exception, un contrôle pour mission exclusive. Un secrétariat de commission d’enquête, de mission d’information ou de MEC – par nature éphémère – regroupe entre deux et quatre fonctionnaires chargés du contrôle.

Concernant les modalités de contrôle, la finalité diffère souvent : plus « administrative » à la Cour, où le contrôle systématique de la régularité des comptes ne fait pas toujours place aux jugements d’opportunité, plus politique au Parlement, où rapporteurs et rapporteurs spéciaux ont plus facilement tendance à proposer un changement de l’état du droit. D’où deux approches différentes : « celle de la Cour, visant plutôt à pointer les errements, leurs causes et leurs responsabilités, et celle du Parlement, plus prospective, proposant plus volontiers des remèdes aux problèmes constatés. »

Enfin, la Cour n’est pas entièrement libre de déterminer son programme de travail, dans la mesure où il existe une série de contrôles obligatoires, tandis que le Parlement ne connaît pas les mêmes contraintes. La Cour doit aussi respecter une procédure fixée par le code des juridictions financières, quand le Rapporteur parlementaire n’a aucune procédure particulière d’instruction à respecter. Quant aux suites du contrôle, elles ne sont pas toujours publiques à la Cour, alors que l’absence de publicité est très exceptionnelle au Parlement. Cela n’est pas sans lien avec les différences constatées dans le retentissement du contrôle auprès du Gouvernement et/ou de l’opinion publique, ou encore en termes de modifications normatives.

Il s’ensuit une nécessaire complémentarité entre les deux institutions, et en particulier avec les commissions des Finances des deux assemblées, puisque celles-ci peuvent, par exemple, s’appuyer sur l’expertise de celle-là, qui peut en retour compter sur un plus grand retentissement donné à ses travaux. Telle est la logique portée par la LOLF.

2.− Avec la LOLF, un changement de dimension

Un chapitre entier de la LOLF (articles 57 à 60) est consacré au contrôle parlementaire, et le Conseil constitutionnel l’a validé dans l’ensemble, de sorte que se trouvent élevées au niveau organique les dispositions fondant les pouvoirs des commissions des Finances. La loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) transpose peu ou prou ces principes aux finances sociales, codifiés aux articles L.O. 111-8 et suivants du code de la sécurité sociale.

Une dimension essentielle de la LOLF réside dans l’ampleur nouvelle donnée à la mission d’assistance de la Cour des comptes au Parlement en vertu de l’article 47 de la Constitution. Parallèlement, la mission de contrôle de la Cour change de dimension.

a) Un nouveau lustre donné à la mission d’assistance au Parlement

Le nombre de documents transmis au Parlement va croissant, et les commissions des finances en sont naturellement les premières destinataires. Il faut à cet égard distinguer entre les documents publics et ceux qui ne le sont pas.

Non moins de cinq rapports publics doivent, en application des deux lois organiques précitées, être régulièrement transmis au Parlement :

− le rapport sur l’exécution des lois de finances (actuel article L.O. 132-1 du code des juridictions financières), appelé à devenir en 2007, en vertu de l’article 58-4° de la LOLF, un rapport sur l’exécution budgétaire − autant dire un rapport sur la performance −, joint au projet de loi de règlement ;

− la déclaration générale de conformité (même article du code des juridictions financières), complétée depuis 2004 par un rapport sur les comptes de l’État, élément du rapport sur l’exécution qui doit devenir en 2007 le support de la certification des comptes de l’État (article 58-5° de la LOLF) ;

− le rapport préliminaire (article 58-3° de la LOLF) destiné à éclairer le débat d’orientation budgétaire institutionnalisé par la LOLF, qui, selon l’expression du Premier président Philippe Séguin, « sera désormais un rapport annuel sur l’état des finances publiques » ;

− un rapport joint à chaque projet de loi de finances comportant la ratification de mouvements de crédits effectués en cours d’exercice par voie réglementaire (article 58-6° de la LOLF) ;

− le rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, remis au Parlement, aux termes de l’article L.O. 132-2-1 du code de la sécurité sociale, « au plus tard le 30 juin de l’année suivant celle afférente aux comptes concernés ».

S’y ajoute la transmission des autres rapports publics que sont le rapport annuel au Président de la République (article L. 136-1 du code des juridictions financières) et les différents rapports particuliers produits chaque année.

Quant aux documents non publics transmis par la Cour, ils recouvrent à la fois les rapports particuliers sur les comptes et la gestion d’entreprises publiques, depuis 1958 (article L. 135-3 du code des juridictions financières), les référés assortis des réponses qu’ils ont suscitées, trois mois après leur notification, depuis 2000 (15) (article L. 135-5, qui vise également les autres « communications de la Cour aux ministres » ainsi que « les autres constatations et observations »), et les rapports établis à la suite du contrôle du compte d’emploi des fonds collectés à la suite d’un appel à la générosité publique (article L. 135-2). Les commissions des finances sont alors les destinataires, sinon toujours uniques, du moins privilégiées, de ces documents, dont 40 à 50 référés par an.

La LOLF prévoit aussi, dans son article 58-2°, « la réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu’elle [la Cour] contrôle », élevant au niveau organique une disposition ordinaire datant de 1967 (article L. 132-4 du code des juridictions financières, qui donne également ce pouvoir aux commissions d’enquête). Mais la LOLF « redonne vie » à cet aspect de la mission d’assistance en laissant à la Cour un délai de huit mois pour remettre son rapport d’enquête, ce qui constitue une forme de compromis entre le temps parlementaire, très rapide, et celui, plus lent, d’une institution qui doit notamment laisser sa place au contradictoire.

Dans les éléments descriptifs de son activité contenus dans son denier rapport public, la Cour dresse la liste des rapports communiqués sur ce fondement aux commissions des Finances au cours de l’année 2005 :

À l’Assemblée nationale :

Efficacité et efficience des établissements d’enseignement supérieur : constats récents, nouvelles approches.

La gestion et l’utilisation des aides au transport aérien outre-mer.

Au Sénat :

Les subventions d’équipement à la recherche universitaire.

Les aides de l’État aux ONG dans le cadre de l’aide publique au développement.

Météo France.

Le service de l’équarrissage.

Les frais de justice.

Le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC).

Le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER).

L’indemnisation des conséquences de l’utilisation de l’amiante.

Rappelons toutefois que le Conseil constitutionnel a censuré le premier alinéa de l’article 58 de la LOLF qui prévoyait la transmission pour avis aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances, du programme prévisionnel de travail de la Cour, y voyant une atteinte à l’indépendance de celle-ci.

Enfin, il est également loisible au Parlement, et en particulier à ses commissions des Finances, de procéder à des auditions de membres de la Cour, ainsi qu’à des envois de questionnaires et à des demandes de documents, les rapporteurs spéciaux manifestant depuis quelques années une tendance toujours plus grande à solliciter la Cour. Votre Rapporteur souligne que les questions de personnes ne sont sans doute pas étrangères à cet état de fait, l’impulsion de premiers présidents tels que Pierre Joxe ou Philippe Séguin étant déterminante à cet égard, comme en témoigne la création de la MEC (16) lorsque le premier était en fonctions, ou la récente désignation par le second d’un magistrat chargé de faire en sorte, selon les propres termes du Premier président, « que se rejoignent plus aisément les attentes du Parlement et les réalisations de [la] juridiction ».

Au-delà, les dispositions organiques récentes ont donné une dimension nouvelle et ambitieuse à des compétences anciennes de la Cour.

b) Une transformation substantielle des compétences de la Cour

La transformation, dès l’an prochain, de la déclaration générale de conformité, qui n’a jamais su trouver le retentissement adéquat, en véritable certification des comptes de l’État, en application de l’article 58-5° de la LOLF, représente un grand enjeu, de même que la transformation du rapport sur l’exécution en rapport sur la performance (article 58-4°). La LOLF est ainsi porteuse de deux nouveaux principes de base de la gestion publique : la recherche de la performance et le souci de la qualité de l’information financière.

Dans ce cadre nouveau, le Premier président Philippe Séguin a eu l’occasion, le 23 janvier dernier, de préciser que « pour faire face à l’ampleur et à la systématisation des vérifications nécessaires, la Cour redéplo[yait] déjà une partie de ses forces », recrutant également des experts extérieurs grâce aux moyens budgétaires alloués en 2005 et en 2006, la progression du montant des crédits alloués d’une année sur l’autre s’établissant à près de 30 % en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Le présent projet doit aussi contribuer à mettre la Cour en mesure de remplir ses nouvelles obligations.

Car la certification des comptes de l’État comme celle des comptes de la sécurité sociale, prévue, là aussi dès 2007, par la LOLFSS, qui doit se matérialiser par la production de neuf opinions distinctes sur les comptes du régime général, est un double rendez-vous que la Cour se doit d’honorer ; elle y travaille d’ores et déjà activement et, pour citer encore l’allocution du 23 janvier, « l’investissement initial pour la Cour est fort lourd. »

Dans ce contexte, la mission de vérification des comptes d’organisations internationales dévolue à la Cour, auprès de l’ONU, de l’OTAN, d’Interpol ou encore de l’Unesco, constitue à la fois un défi, une charge supplémentaire, et une forme d’économie d’échelle dans l’expérience méthodologique à acquérir en vue de la certification.

*

Investie de missions anciennes et variées, essentielles au bon fonctionnement de l’État et de l’ensemble de la sphère publique au sens le plus large du terme, la Cour des comptes estime elle-même, d’après les informations fournies par notre collègue Pierre Bourguignon dans son rapport spécial (17) de novembre dernier portant notamment sur les crédits de la Cour, que calculée en termes de communications directement issues de ses travaux, son activité se répartit de la façon suivante : 20 % d’assistance au Parlement en application de l’article 58 de la LOLF et de la LOLFSS, 20 % de travaux à vocation comptable, 50 % de travaux au titre du contrôle de la gestion publique et 10 % de travaux divers (commissariat aux comptes, organes associés, etc.). La part de l’activité d’assistance au Parlement est cependant en voie d’accroissement, notamment du fait de la prochaine mise en œuvre des nouvelles missions prévues par la LOLF. La Cour précise à cet égard : « Il faut rappeler que chaque contrôle ou chaque enquête de la Cour peut avoir plusieurs utilisations et que de nombreux travaux sur la gestion sont, in fine, communiqués au Parlement soit par la voie des référés transmis aux commissions des finances, soit par la voie des publications. »

Ces relations étroites et croissantes entre la Cour et votre commission des Finances incitent votre Rapporteur à porter une grande attention au présent projet de loi, dont les dispositions, certes d’apparence modeste, ne sont pas sans lien avec l’évolution qui vient d’être retracée.

II.– LE PROJET DE LOI CONSACRE, SUR LE PLAN STATUTAIRE, LA POSITION SINGULIÈRE QUE LA COUR TIENT DE LA LOLF

Les dix-neuf articles que compte le présent projet ne bouleversent pas l’actuelle organisation de la Cour des comptes, mais poursuivent les aménagements qu’au fil de ses deux cents ans d’existence elle a su mettre en œuvre afin de répondre aux exigences croissantes dont elle devenait redevable. Année charnière pour la Cour, 2006 se prêtait assurément à cette mise à jour du code des juridictions financières.

A.– LA LOLF A MIS EN LUMIÈRE L’ÉQUIDISTANCE DE LA COUR VIS-À-VIS DE L’EXÉCUTIF ET DU LÉGISLATIF

1.– Une théorie de l’équidistance confirmée par le Conseil constitutionnel

Dès la production de sa contribution aux travaux préparatoires de la LOLF, sur la requête des commissions des Finances des deux assemblées, en décembre 1999 (avec un complément en mars de l’année suivante), la Cour des comptes avait insisté sur l’équilibre à garantir entre les pouvoirs exécutif et législatif. La position d’« équidistance » de la Cour, notion chère au Premier président Séguin, devait recevoir une consécration constitutionnelle à l’occasion de la décision précitée du 25 juillet 2001 rendue par le Conseil constitutionnel sur la LOLF.

En effet, outre son statut de juridiction administrative dont « la Constitution garantit [l’]indépendance par rapport au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif » (18), la Cour voit ses missions nouvelles, issues de l’article 58 de la loi organique, assorties d’une réserve : ces missions « doivent être interprétées au regard du dernier alinéa de l’article 47 de la Constitution, aux termes duquel : “ La Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances ” ; […] par suite, il appartiendra aux autorités compétentes de la Cour des comptes de faire en sorte que l’équilibre voulu par le constituant ne soit pas faussé au détriment de l’un de ces deux pouvoirs » (19).

Historiquement, la Cour était nettement plus proche du Gouvernement que du Parlement, tant de par la carrière de ses personnels que par l’objet de ses contrôles, et ce en dépit du fait que la Cour dépendît du Parlement, pour le vote de ses crédits de fonctionnement ou des dispositions législatives la concernant, sans qu’elle-même détînt de pouvoir de contrôle sur les budgets parlementaires, en vertu de l’autonomie financière des assemblées, conséquence de la séparation des pouvoirs. Mais alors que la tendance, prolongée et largement amplifiée par la LOLF, consistait à opérer un rééquilibrage, le Conseil constitutionnel a voulu empêcher qu’un déséquilibre inverse n’apparaisse au profit du Parlement, la réserve d’interprétation précitée s’accompagnant de la censure de la disposition relative à la transmission pour avis du programme de travail de la Cour aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des Finances.

Ce concept d’équidistance a eu d’importantes conséquences pratiques que votre Commission a pu observer, et que prolonge le projet de loi.

2.− Un positionnement budgétaire original, dont le présent projet tire les conséquences

L’une des plus notables illustrations de la position équilibrée occupée par la Cour des comptes à l’égard des pouvoirs publics réside dans le rattachement de ses crédits, regroupés au sein du programme « Cour des comptes et autres juridictions financières », à la mission « Conseil et contrôle de l’État », de création récente. Cette nouvelle mission est apparue à l’occasion du discours lu au nom du Premier ministre au cours de la séance solennelle de la Cour des comptes du 9 mai 2005. Le discours s’adressait en ces termes au Premier président de la Cour des comptes :

« Monsieur le Premier président, vous aviez exprimé lors de la séance solennelle de janvier dernier, des préoccupations quant à l’indépendance de la Cour, dans le contexte nouveau créé par la loi organique relative aux lois de finances. Je vais y répondre aujourd’hui. J’ai été convaincu par vos analyses. Des tâches nouvelles incombent à la Cour en termes de certification des comptes de l’État et d’évaluation de la performance. Ces missions nouvelles font partie de cette réforme de grande ampleur qu’est la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances d’août 2001. […]

« Je sais que le Président de la République lui-même a été attentif à votre demande, convergente avec celle du Conseil d’État. C’est pourquoi j’ai décidé de faire procéder à une modification de la structure du projet de loi de finances qui sera présentée à l’automne au Parlement. »

Et le Premier ministre de préciser l’architecture de la mission en trois programmes : « Conseil d’État et autres juridictions administratives », « Conseil économique et social » et « Cour des comptes et autres juridictions financières ». Sont également mentionnés, outre le rattachement spécifique de ce dernier programme au ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, en lieu et place du ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie, d’importantes dérogations au droit commun : « l’autonomie de discussion dont doivent bénéficier ces institutions dans leur relation avec le ministère des finances », mais aussi pour « la Cour des comptes, comme le Conseil d’État, […] une exonération de mise en réserve », et enfin pour les trois programmes, des « dispositions spécifiques en matière de gestion budgétaire ». Cette dernière précision annonçait l’allègement du contrôle financier dont devait bénéficier, dès l’année suivante, le programme piloté par la Cour des comptes.

Depuis lors, les modalités d’exonération de la mise en réserve ont été précisées, par lettre du 25 mai 2005. Il en résulte que, si la Cour des comptes ne doit pas voir ses crédits affectés par un quelconque gel, pour les autres juridictions financières, les mises en réserve envisagées seront soumises à un accord préalable du responsable de programme, à savoir le Premier président.

Pour garder à cette dérogation au droit commun des programmes du budget de l’État sa correcte dimension, il faut préciser que l’équidistance ne va cependant pas jusqu’à placer la Cour à mi-chemin entre ce droit commun et le traitement budgétaire réservé par la LOLF aux Pouvoirs publics, dont les crédits sont regroupés en dotations − et non en programmes − au sein d’une mission spécifique qui déroge aux règles de la gestion par la performance. Le Premier président ne disait pas autre chose le 23 janvier dernier, lorsqu’il déclarait n’avoir « jamais eu pour objet d’affranchir la Cour du respect des règles budgétaires, ni de l’exonérer d’une saine discipline budgétaire ». M. Philippe Séguin ajoutait : « Notre objectif était de tirer de nos nouvelles missions, et notamment de la certification des comptes de l’État, toutes les conséquences. »

Le tableau suivant résume l’évolution, en forte progression, des crédits attribués à la Cour et aux chambres régionales et territoriales entre 2005 et 2006 :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA COUR DES COMPTES ET DES AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES

(en millions d’euros)

 

AE

CP

Action

2005

2006

2005

2006

Contrôle externe et indépendant des comptes publics

29,75

39,08

29,8

39,08

Contrôle externe et indépendant de la régularité et de l’efficacité de la gestion publique

67,12

76,84

67,29

76,84

Conseil et expertise

14,12

14,99

14,14

14,99

Soutien aux activités des juridictions financières

23,24

40,77

23,31

40,77

Totaux

134,23

171,68

134,54

171,68

Source : d’après le PAP « Conseil et contrôle de l’État » pour 2006, compte tenu des votes intervenus.

Entérinée par le Parlement et notamment par votre Commission, cette nouvelle indépendance budgétaire acquise vis-à-vis de Bercy comporte des prolongements statutaires que reflète le présent projet, en particulier ses articles 11 et 12 :

− l’article 11 supprime, à l’article L. 212-11 du code des juridictions financières, l’intervention du ministre des Finances à l’occasion de la délégation des magistrats de chambre régionale des comptes dans les fonctions du ministère public. Le décret y procédant serait désormais pris uniquement sur proposition du Premier président de la Cour et du Procureur général ;

− l’article 12, toujours à propos des magistrats délégués dans les fonctions du ministère public, prévoit, en modifiant l’article L. 223-1, de substituer le Premier président au ministre des Finances le pouvoir de saisir, en matière disciplinaire, le conseil supérieur des CRC.

Mais pour l’essentiel, le toilettage du code des juridictions financières concerne la Cour en elle-même plus que ses relations avec d’autres institutions.

B.– LA MODERNISATION STATUTAIRE PROPOSÉE DOIT AIDER À RELEVER LE DÉFI DE LA GESTION DES RESSOUCES HUMAINES

1.− Une réaffirmation du statut particulier des magistrats de la Cour

Le présent projet de loi réaffirme solennellement, dans toute son originalité, le statut des membres de la Cour des comptes, en même temps qu’il clarifie leur régime disciplinaire ; en filigrane, c’est la question de la gestion des ressources humaines, en lien avec la nouvelle autonomie de l’institution, qui est posée.

a) Une autre équidistance : entre ordre judiciaire et ordre administratif

L’article 3 propose une réécriture des dispositions fondamentales qui caractérisent l’originalité des membres de la Cour des comptes. Le nouveau chapitre préliminaire inséré en tête du titre II du livre Ier du code des juridictions financières intercale, de manière significative, des règles semblables à celles en vigueur pour les « magistrats » administratifs, entre deux articles spécifiques aux magistrats financiers : l’inamovibilité et le serment.

Ainsi est résumée cette autre forme d’équidistance propre aux magistrats de la Cour : deux attributs symboliquement très forts les rapprochent de leurs homologues de l’ordre judiciaire, mais la référence introduite par le présent projet à l’application, chaque fois que cela est possible, des règles statutaires de la fonction publique de l’État, est calquée sur le code de justice administrative.

L’instauration d’un conseil supérieur de la Cour des comptes, que l’article 2 prévoit de substituer à la commission consultative de la Cour (20), peut se lire de la même manière : alors que le Conseil d’État ne dispose que d’une commission consultative, qui remplace à la fois la commission administrative paritaire et le comité technique paritaire, la Cour des comptes disposerait d’une instance consultative qui emprunte au Conseil supérieur de la magistrature, même s’il ne dispose pas, tant s’en faut, de pouvoirs aussi étendus.

Le tableau suivant permet d’illustrer la continuité existant entre les deux instances :

COMMISSION CONSULTATIVE

DE LA COUR DES COMPTES

CONSEIL SUPÉRIEUR

DE LA COUR DES COMPTES

Composition

9 membres de droit :

− Premier président

− Procureur général

− présidents de chambre

6 membres de droit :

− Premier président

− Procureur général

− 4 présidents de chambre les plus anciens dans leur grade (y compris, éventuellement, le rapporteur général)

 

3 personnalités qualifiées, n’exerçant pas de mandat électif, nommées pour trois ans (non renouvelables) par le Président de la République et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat

9 membres élus par leurs pairs pour un mandat de deux ans renouvelable une fois, représentant les magistrats, les conseillers maîtres en service extraordinaires et les rapporteurs extérieurs, et autant de suppléants.

(Modalités de l’élection fixées par décret, notamment la répartition des élus par catégorie de personnels).

Idem, avec des mandats de trois ans.

Attributions

Consultée par le Premier président sur toutes les questions relatives à la compétence, à l’organisation et au fonctionnement de la Cour, sur les modifications des dispositions statutaires applicables aux magistrats, ainsi que sur toute question déontologique, d’ordre général ou individuel, relative à l’exercice des fonctions des magistrats, des conseillers maîtres en service extraordinaire et des rapporteurs extérieurs.

Idem.

Avis sur les mesures individuelles concernant la situation, la discipline et l’avancement des magistrats de la Cour des comptes, ainsi que sur les nominations aux emplois de président de CRC et de vice-président de la CRC d’Île-de-France.

Idem.

Aucune compétence disciplinaire.

Compétences disciplinaires (art. 10 du projet de loi)

Formation

Pour les mesures individuelles, formation variable en fonction du grade du magistrat dont la situation est examinée (ne siègent que les pairs ou les supérieurs).

Pour les mesures individuelles, formation invariable (tous siègent).

Formation variable en matière disciplinaire.

Enfin, il est possible d’interpréter comme une conséquence indirecte de l’inclusion au sein d’une même mission du budget de l’État du Conseil d’État et de la Cour des comptes, les dispositions de l’article 6 qui alignent les règles de promotion des conseillers référendaires sur celles applicables aux maîtres des requêtes au Conseil d’État, pour l’accès, respectivement, au grade de conseiller maître et de conseiller d’État.

En substance, les conseillers référendaires pourront accéder deux ans plus tôt qu’actuellement à la maîtrise, soit au bout de douze ans au lieu de quatorze (ou bien après dix-sept années en tant que magistrat de la Cour). Parallèlement, un grade de référendaire est institué, et les deux classes au sein du référendariat, supprimées (à l’article 17).

b) Un régime disciplinaire clarifié

L’article 10 met en place un régime disciplinaire classique, là où n’existait rien d’autre qu’un décret du 19 mars 1852, devenu depuis longtemps inapplicable, et qui est abrogé par l’article 18. Votre Rapporteur signale d’ailleurs que le projet de loi, par erreur, mentionne un décret du 30 mars 1852.

Outre la définition de la fonction disciplinaire d’un magistrat comme faute commise dans l’exercice de ses fonctions ou comme manquement à son serment, est établie une gradation en six sanctions, prononcées par « l’autorité investie du pouvoir de nomination », donc par le Président de la République, sur proposition du conseil supérieur de la Cour des comptes, ou éventuellement, pour les deux sanctions les moins lourdes, par le chef de corps, donc le Premier président. Les garanties de procédure attachées à l’exercice des poursuites disciplinaires sont minutieusement détaillées.

Enfin, par combinaison des règles posées par la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de celles applicables aux magistrats des CRC, est instituée une procédure de suspension des magistrats de la Cour, y compris lorsqu’ils sont détachés sur un emploi de Président de CRC, en cas de faute grave.

c) Des outils de GRH à développer

Au-delà des aspects purement statutaires portés par le projet, votre Rapporteur estime qu’une gestion volontariste des ressources humaines doit aussi être à l’ordre du jour pour la Cour.

− Une rémunération au mérite plutôt embryonnaire

Comme le relevait le rapport spécial précité dans son chapitre relatif aux crédits du programme « Cour des comptes et autres juridictions financières », alors que les dépenses de personnel y représentent une part prépondérante – plus de 87 % –, le levier des rémunérations au mérite n’est pas utilisé à une échelle comparable à ce qui s’observe pour le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives ». Il est pourtant très cohérent avec la promotion d’une gestion par la performance. C’est pourquoi faudra suivre attentivement la mise en œuvre renouvelée de la prime de rendement trimestrielle en vigueur à la Cour, calculée en fonction de la quantité et de la qualité du travail fourni, pondérée par la durée de présence dans le grade et harmonisée par l’autorité hiérarchique.

− La gestion du corps ou le coût de l’autonomie

Dans son allocution de début d’année, le Premier président reconnaissait : « Si la réforme réalisée crée de la valeur et du sens pour nos juridictions, elle nécessite nombre d’aménagements dont la gestion est lourde. Car le symbole a un prix, un prix dont nous sommes conscients mais que nous choisissons résolument d’acquitter. » Parmi ces charges nouvelles, on peut ranger la gestion des personnels. Pour les seuls magistrats de la Cour, l’ampleur de la tâche est circonscrite de façon satisfaisante, comme l’illustre le tableau suivant :

POSITION ADMINISTRATIVE DES MAGISTRATS

DE LA COUR DES COMPTES

Position

Effectif

En service à la Cour des comptes

214

Détaché dans les fonctions de président et de vice-président de chambre régionale ou territoriale de comptes

27

Mise à disposition auprès d’une administration

4

Détachés dans une administration ou un organisme public

96

En disponibilité

49

Hors cadre

6

Total

396

Source : rapport public 2005.

Si l’on se hisse, en revanche, au niveau de compétence du responsable de programme, l’enchevêtrement des mises à disposition et des détachements est à soi seul un défi.

En effet, d’après le rapport spécial précité, 10 magistrats de la Cour des comptes sont mis à disposition à l’extérieur du programme, tous exerçant leurs fonctions dans des cabinets ministériels. En outre, un magistrat de chambre régionale des comptes est mis à la disposition du ministère des affaires étrangères pour exercer ses fonctions à la Commission européenne.

En revanche, le programme accueille de nombreux personnels mis à disposition, venant en grande majorité du ministère des Finances : plus d’une centaine au profit de la Cour et près de 400 au profit des CRC. Cette situation n’est que le produit de l’histoire : la Cour des comptes a toujours géré très peu de corps en propre, en dehors de celui des magistrats. De surcroît, au moment de la création des CRC, il n’avait été prévu aucun corps pour les personnels autres que les magistrats, de sorte que l’ensemble des personnels assistants de vérification et administratifs sont en position de détachement ou mis à disposition. Des conventions de gestion ont été établies entre la Cour et les directions concernées du ministère des Finances.

D’autre part, toujours d’après des données datant de l’automne 2005, 119 magistrats de la Cour des comptes sont en détachement à l’extérieur, dont 27 sont dans les chambres régionales des comptes pour exercer les fonctions de président de CRC ou de vice-président de la chambre régionale d’Île-de-France et 11 au titre de la mobilité. Les rémunérations sont rattachées aux programmes des établissements d’accueil. Les détachements à l’extérieur concernent 75 magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes, dont 13 au titre de la mobilité.

En sens inverse, à la Cour des comptes, 207 personnes sont accueillies en détachement, dont 48 détachées dans le statut d’emploi de rapporteur et 80 dans celui d’assistant. Les autres accueils en détachement concernent les personnels administratifs. Dans les chambres régionales et territoriales, 431 personnes sont actuellement en détachement dont 50 pour exercer les fonctions de magistrat.

On mesure au vu de ces chiffres l’ampleur de la tâche que représente la gestion de ces effectifs pour les responsables de BOP et le responsable du programme. Votre Rapporteur n’oublie pas pour autant la richesse que représente une telle « respiration » des effectifs. Le présent projet amplifie d’ailleurs ce mouvement.

2.− Un élargissement du recrutement face aux enjeux des missions nouvelles et des départs en retraite

a) L’outil du tour extérieur et des nominations de conseillers maîtres en service extraordinaire

Soucieuse de mobiliser toutes les compétences nécessaires, non seulement pour faire face aux échéances de 2007 mais encore pour y faire face dans la durée, la Cour pourra aussi, grâce au présent projet de loi, compter sur un recrutement extérieur élargi.

En matière de nominations au tour extérieur, trois articles modifient le droit en vigueur :

– l’article 5 supprime la condition de durée de services publics aujourd’hui opposable pour la nomination comme conseiller maître, ce qui représente un nouvel alignement sur le Conseil d’État, pour la nomination de conseillers d’État au tour extérieur ;

– l’article 8 permet, en réservant un quart des nominations de conseillers référendaires au tour extérieur aux rapporteurs extérieurs à temps plein exerçant à la Cour depuis trois ans, de reconnaître des compétences démontrées et de donner des gages de recrutements extérieurs a priori parfaitement adaptés ;

– l’article 9 prévoit d’impliquer davantage le Premier président dans les nominations au tour extérieur de conseillers référendaires ou de conseillers maîtres, en systématisant sa consultation pour avis, ce qui, là encore, devrait permettre d’ajuster au mieux ces recrutements aux besoins de la Cour.

Incidemment, l’article 15 prévoit d’élargir le recrutement au tour extérieur de conseillers de CRC, portant la proportion de tels emplois ainsi pourvus d’un cinquième à un tiers.

Quant au recrutement de conseillers maîtres en service extraordinaire, il serait élargi par l’article 1er dans trois directions : le passage de dix à douze postes, le maintien dans ces fonctions pendant cinq ans au lieu de quatre, et l’élargissement du vivier de personnes éligibles.

L’ensemble de ces évolutions aura pour effet d’« agiliser » la Cour dans l’exercice de ses missions élargies. Dans le même temps, les évolutions démographiques du corps ne doivent pas être perdues de vue.

b) L’enjeu des retraites

Dans les dix prochaines années, une centaine de magistrats de la Cour des comptes seront atteints par la limite d’âge, ce qui représente la moitié des magistrats actuellement en activité ou maintenus en activité au-delà de la limite d’âge. C’est à partir de 2010 qu’auront lieu le plus grand nombre de départs. Pour les magistrats des CRC, 140 départs sont à prévoir dans les dix ans, ce qui représente également la moitié des effectifs de magistrats en activité. Enfin, 220 départs de personnel administratif des juridictions financières sont prévus d’ici à 2015. Toutefois, ces statistiques n’intègrent pas les 400 personnes mises à disposition qui sont comptabilisées dans leur administration d’origine.

Ce dernier défi n’est pas le moindre pour le responsable du programme « Cour des comptes et autres juridictions financières ». À l’heure où le nombre de recrutements en début de carrière, à l’issue de l’ENA, tend à diminuer, se répercutant mécaniquement sur le nombre de recrutements au tour extérieur ou l’intégration dans le corps des magistrats de personnels extérieurs, le présent projet est particulièrement bienvenu, et témoigne d’un louable souci d’anticipation. Raison de plus, s’il en était besoin, pour se prononcer en faveur de son adoption.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 10 mai 2006, votre Commission a procédé à l’examen pour avis du projet de loi portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes.

Après l’intervention de votre Rapporteur pour avis, M. Charles de Courson a déclaré que le groupe UDF votera ce texte, qui va dans la bonne direction. Il s’est néanmoins interrogé sur trois points précis. Tout d’abord, est-il nécessaire d’élargir le recrutement de conseillers maîtres en service extraordinaire dont le nombre est porté à douze ? Ensuite, même si la question demeure très théorique, a-t-on bien mesuré les problèmes de composition de l’instance disciplinaire créée par le projet, par exemple lorsqu’il s’agira d’examiner le cas d’un Président de chambre, puisque ne peuvent siéger que les magistrats d’un grade égal ou supérieur à celui de la personne mise en cause ? Enfin, s’agissant des nominations au grade de Président de chambre, prévoir que le Premier président présente « une liste de plusieurs noms » n’est-il pas trop vague ? S’il n’y a que deux noms sur la liste, le choix risque d’être prédéterminé.

M. Jean-Louis Dumont a évoqué le rapport qu’il a remis, avec M. Yves Jégo, sur le suivi des préconisations de la Cour des comptes. Certains Présidents de chambre n’ont pas daigné répondre aux questions que les rapporteurs leur ont soumises. Pourtant, certains magistrats souhaitaient une modernisation du fonctionnement de la Cour, mais d’autres considèrent qu’ils n’ont de comptes à rendre à personne. Par ailleurs, les travaux et recommandations des chambres régionales des comptes sont mal connus. On peut comprendre l’indépendance financière de l’institution, mais, de ce fait, son contrôle doit relever du Parlement. Ce projet de loi va dans le bon sens en ce qui concerne la carrière et la discipline, mais il faudrait qu’il garantisse que la Cour des comptes et les chambres régionales sont bien au service de l’État. Enfin, la nomination, comme Premier président de la Cour des comptes, de magistrats ayant effectué une carrière politique, étonne parfois beaucoup à l’étranger, même si les personnes ne sont pas en cause.

M. Louis Giscard d’Estaing a émis quelques réserves concernant les rapports entre le Parlement et la Cour des comptes : il n’y a pas eu de progrès spectaculaire, et l’arrivée du Premier président Philippe Séguin ne s’est pas traduite par une amélioration de leur coopération. Ainsi, dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC), les magistrats de la Cour apportent souvent une contribution plutôt passive.

S’agissant du statut, l’article 2 du projet de loi prévoit qu’un élu ne peut pas participer au conseil supérieur de la Cour des comptes. Or, il n’est jamais question des membres de la Cour qui exercent des fonctions électives : sont-ils en disponibilité ? N’est-ce pas en contradiction avec le principe selon lequel aucun élu ne participe à une instance qui contrôle le fonctionnement de la Cour des comptes ?

M. Michel Bouvard, Président, a précisé que contrairement à la tradition anglo-saxonne, la Cour des comptes n’est pas une émanation du Parlement. L’indépendance de la Cour des comptes par rapport à l’exécutif a été préservée, tandis que les liens avec les commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ont, indéniablement, été renforcés même avant la LOLF. L’office de l’évaluation des politiques publiques, créé en 1996 sur l’initiative du Président de l’Assemblée nationale Philippe Séguin, n’a pas fonctionné, la MEC, créée en 1999, mettant en œuvre le même objectif politique.

Les chambres régionales des comptes développent souvent un rôle de conseil et d’expertise auprès des collectivités locales. On peut se demander si la réforme engagée est susceptible de favoriser la mobilité entre la Cour et les chambres régionales, ainsi que ce rôle d’expertise, très utile aux collectivités.

Les référés du Premier président de la Cour des comptes sont systématiquement communiqués aux assemblées parlementaires. Le Président de la commission des Finances les transmet aux rapporteurs spéciaux, avec un traitement spécial lorsqu’ils sont confidentiels, ce qui est rare.

S’agissant de la MEC, il est regrettable que les magistrats de la Cour soient davantage observateurs qu’acteurs. Cela dit, leur implication varie selon les sujets. Ceux-ci sont souvent choisis précisément parce que la Cour y a déjà travaillé, ce qui peut expliquer qu’elle ne souhaite pas intervenir de nouveau. Il faudra aborder ce sujet avec le Premier président de la Cour lors de sa prochaine audition.

Votre Rapporteur pour avis a tout d’abord rappelé que le projet de loi prévoit que le nombre de conseillers maîtres en service extraordinaire passe de 10 à 12 ; cette augmentation n’est pas considérable, et permettra notamment le recrutement de membres dont les compétences techniques seraient nécessaires à l’exercice par la Cour de ses missions nouvelles.

S’agissant de la discipline, le décret de 1852 était inapplicable. Le dispositif adopté semble suffisant, même en cas d’examen de la situation d’un Président de chambre, puisque la formation disciplinaire du conseil supérieur de la Cour des comptes comprendrait encore d’autres magistrats du grade de président de chambre.

M. Charles de Courson a soulevé l’hypothèse d’une erreur commise par le Premier Président de la Cour des comptes. Aux termes des textes actuels, le Premier Président n’est soumis à aucun contrôle.

Votre Rapporteur pour avis a soulevé la même question concernant le Vice-président du Conseil d’État, le Premier président de la Cour de cassation ou le Président du Conseil constitutionnel, dont la situation de facto sinon de jure, est identique.

M. Charles de Courson a répondu que le premier est, théoriquement, responsable devant le Président du Conseil d’État, c’est-à-dire le Premier ministre, le deuxième relevant du Conseil supérieur de la magistrature, tandis que le dernier n’est pas un magistrat.

Votre Rapporteur pour avis a rappelé que le régime de responsabilité des personnes précitées est un sujet purement théorique. Par ailleurs, la question des nominations de Président de chambre à partir d’une « liste de plusieurs noms » pourrait être précisée par voie réglementaire, pour éviter qu’il n’y ait que deux noms.

M. Michel Bouvard, Président, s’est interrogé sur l’opportunité de fixer dans la loi une telle précision, M. Charles de Courson indiquant qu’il serait effectivement souhaitable que cette liste comporte au moins trois noms, afin de garantir la liberté de choix de l’autorité de nomination.

Puis votre Rapporteur pour avis a rappelé que le dernier rapport public annuel de la Cour des comptes détaille le suivi des préconisations antérieures, ce qui prouve que MM. Jean-Louis Dumont et Yves Jégo ont été entendus, même s’ils n’ont pas eu l’impression que leurs travaux étaient initialement bien accueillis par la Cour. Il faut souligner combien la Cour tient à son indépendance, ce qui contribue, dans certains cas, à tempérer son zèle dans sa mission d’assistance.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que le Parlement a voté une modification de la LOLF qui permet un débat dans les assemblées autour du rapport public annuel de la Cour, afin d’insister sur les préconisations estimées les plus importantes.

Votre Rapporteur pour avis a rappelé que la Cour des comptes doit respecter le principe du contradictoire avant toute publication, ce qui rend impossible la transmission au Parlement des travaux de la Cour au fur et à mesure de leur avancement. Quant à la participation des magistrats de la Cour à la MEC, elle dépasse leur seule présence aux réunions, notamment par le travail fait en amont. Enfin, il est établi qu’un membre de la Cour des comptes détenteur d’un mandat électif tel que celui de parlementaire ne peut pas exercer sa fonction de magistrat pendant la durée de ce mandat.

La Commission a ensuite, suivant l’avis de votre Rapporteur, émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

© Assemblée nationale

1 () Doc. A.N. n° 2064 (XIe législature).

2 () Voir Christian Descheemaeker, La Cour des comptes, Les études de la documentation française, 2005, p. 9.

3 () L’extension de la compétence de la Cour aux organismes de sécurité sociale remonte cependant à la loi n° 49-1650 du 31 décembre 1949.

4 () Voir Stéphanie Flizot, Les relations entre les institutions supérieures de contrôle financier et les pouvoirs publics dans les pays de l’Union européenne », LGDJ, 2003.

5 () Voir notamment la décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 rendue par le Conseil constitutionnel sur la LOLF, considérant 106 : « Considérant qu’en vertu du code des juridictions financières, la Cour des comptes est une juridiction administrative ». Le Conseil d’État est d’ailleurs, pour cette raison, juge de cassation des arrêts de la Cour des comptes.

6 () S’y a joute, depuis janvier 2006, une huitième présidente de chambre chargée des fonctions de rapporteur général du comité du rapport public et des études, en application du décret n° 2005-1793 du 30 décembre 2005 modifiant l’article R. 112-24 du code des juridictions financières.

7 () Loi de finances rectificative pour 1976 n° 76-539 .

8 () S’agissant des comptes publics locaux, la compétence de la Cour n’a jamais été étendue directement, en pratique, aux plus modestes d’entre eux, qu’ils relèvent des conseils de préfecture, du système de l’apurement administratif − lequel a d’ailleurs été rétabli par la loi du 21 décembre 2001 − ou, depuis la loi du 2 mars 1982, des chambres régionales et territoriales des comptes, dont la Cour est l’instance d’appel.

9 () Décret-loi du 20 mars 1939 puis lois n° 53-633 du 25 juillet 1953, n° 67-483 du 22 juin 1967, n° 96-314 du 12 avril 1996 et n° 2000-321 du 12 avril 2000.

10 () Loi n° 91-772.

11 () Loi n° 2003-709.

12 () Loi n° 95-127.

13 () Article L.O. 111-10 du code de la sécurité sociale.

14 () L’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires fait notamment référence à « la gestion des services publics ou des entreprises nationales ».

15 () La loi du 30 décembre 2000 a fixé le régime actuel, après l’instauration d’une faculté de transmission toute théorique en 1950, puis plusieurs dispositions spécifiques adoptées entre 1977 et 1997.

16 () Depuis l’origine, en février 1999, la MEC travaille en étroite collaboration avec la Cour des comptes.

17 () Doc. A.N. n° 2568, annexe 23.

18 () Décision n° 2001-448 DC, considérant 106.

19 () Même décision, considérant 107.

20 () Cette commission avait été créée par la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes.