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AVANT L'ART. 21
N° 1300
ASSEMBLÉE NATIONALE
26 mai 2008

MODERNISATION DE L'ÉCONOMIE - (n° 842)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 1300

présenté par

MM. Dionis du Séjour, de Courson, Vigier
et les membres du groupe Nouveau centre

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ARTICLE ADDITIONNEL

AVANT L'ARTICLE 21, insérer l'article suivant :

I. – L’intitulé du chapitre II du titre III du livre IV du code de la consommation est ainsi rédigé : « Action de groupe ».

II. – Les articles L. 422-1 à L. 422-3 du même code sont remplacés par des articles L. 422-1 à L. 422-12 ainsi rédigés :

« Art. L. 422-1. – Lorsqu’un groupe de consommateurs a subi des préjudices économiques individuels d’un montant inférieur ou égal à 4 000 euros, ayant pour origine commune le fait d’un même professionnel, les associations visées à l’article L. 422-2 peuvent saisir le tribunal de grande instance compétent et demander réparation pour l’ensemble des victimes identifiées ou identifiables, sans avoir à justifier d’un mandat. »

« Art. L. 422-2. – Seules les associations agréées spécifiquement pour l’action dans l’intérêt d’un groupe de consommateurs peuvent saisir le juge aux termes de l’article L. 422-1.

« Les conditions dans lesquelles les associations de défense des consommateurs peuvent être agréées pour l’exercice de l’action dans l’intérêt d’un groupe de consommateurs ainsi que les conditions de retrait de cet agrément sont fixées par décret qui tiendra compte de leur représentativité sur le plan national et de leur capacité et parcours notamment dans la protection des intérêts de groupes de consommateurs. »

« Art. L. 422-3 – Le juge saisi convoque les parties à une audience à huis clos qui aura lieu dans un délai maximum de deux mois à compter de sa saisine afin de statuer sur la recevabilité de l’action.

« Il s’assure que cette action est justifiée par les circonstances tenant :

« – à l’existence d’un litige entre le défendeur et les victimes ;

« – à la non prescription de l’action ;

« – aux montant des préjudices individuellement subis ;

« – à l’existence de questions de droit ou de fait communes aux membres du groupe ;

« – à la vraisemblance des moyens de fait et de droit invoqués à l’appui des prétentions au regard de l’objet du litige. »

« Art. L. 422-4. – La convention d’honoraires conclue entre l’association et son avocat doit être soumise au juge pour son homologation. Ce dernier vérifie qu’une telle convention ne lèse pas les intérêts des consommateurs représentés. Cette décision ne peut être frappée d’appel. »

« Art. L. 422-5. - Toute publicité de l’affaire est interdite jusqu’à la déclaration de recevabilité.

« Le manquement à cette obligation par le demandeur peut entraîner jusqu’à la radiation du rôle ou l’extinction de l’instance. Le manquement à cette obligation par le défendeur ou par un tiers peut entraîner des sanctions financières définies par décret. »

« Art. L.422-6. – Si l’action est déclarée recevable, le juge détermine les moyens et les conditions de l’avis d’information des membres du groupe.

« La décision qui déclare recevable l’action peut être immédiatement frappée d’appel. Le délai d’appel est de quinze jours.

« Un membre du groupe peut s’exclure à tout moment de l’instance pour engager une action individuelle. La déclaration visant à s’exclure de l’instance est adressée au greffe de la juridiction saisie, par voie postale, par courrier électronique, ou par émargement d’un registre tenu au greffe de la juridiction saisie. »

« Art. L. 422-7. – Dans le jugement sur le fond, le juge se prononce sur la responsabilité du défendeur et le cas échéant sur la réparation due aux membres du groupe.

« Lorsque le juge condamne le professionnel mis en cause au paiement des dommages et intérêts, il procède :

« – Par voie d’allocation individuelle à chaque membres du groupe pouvant être identifié. Le juge fera en sorte que la réparation soit numéraire et versée directement aux membres du groupe.

« Le reliquat une fois les réparations individuelles épuisées servent à la constitution du fonds d’aide à l’action de groupe visé à l’article L. 422-7.

« – Par voie d’allocation collective, lorsqu’une indemnisation en nature peut être envisagée au vu des circonstances de l’affaire.

« Le juge saisi fixe les conditions d’exécution du jugement. »

« Art. L. 422-8. - Sera créé par décret, un fonds d’aide à l’action de groupe pouvant prendre en charge les frais de procédure de l’association demanderesse.

« Art. L. 422-9. - Si le jugement est favorable à l’association demanderesse, tous les membres du groupe peuvent bénéficier de la réparation dans les conditions notamment de preuve fixées par le juge.

« Art. L. 422-10. – Toute transaction ou renonciation doit être homologuée par le juge saisi qui vérifie qu’une telle convention ne lèse pas les intérêts des consommateurs représentés. A cet effet, il convoque à une audience pour que les membres du groupe puissent contester le contenu d’une telle convention. Par décision motivée, le juge peut décider la non homologation de l’accord.

« Les membres du groupe ne souhaitant pas être liés par les conventions susmentionnées peuvent s’exclure selon l’article L. 422-5. »

« Art. L. 422-11. – Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner tous les mesures pour garantir à tout moment l’information des membres de groupe sur le déroulement de l’action, ainsi que sur celles qu’il considère être dans l’intérêt d’une bonne justice. »

« Art. L. 422-12. – En cas de condamnation aux termes des articles 696 et 700 du nouveau code de la procédure civile, le montant auquel l’association demanderesse est condamnée ne peut excéder un montant fixé par décret. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Tirant les conséquences des lacunes procédurales du système judiciaire français, s’agissant notamment de l’effectivité des droits reconnus aux consommateurs, le Président de la République avait, dès 2005, appelé de ses vœux «une modification de la législation pour permettre à des groupes de consommateurs et à leurs associations d'intenter des actions collectives contre les pratiques abusives observées sur certains marchés. » Mais le vœu est resté pieux…. Dès son élection, le Président de la République actuel, dans la lettre de mission à la Ministre de l’Economie, a demandé la création d’une action de groupe à la française dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie. Or ce dispositif ne figure pas dans le projet de loi.

L’actualité judiciaire des dernières années illustre pourtant l’urgence de l’introduction de cette nouvelle procédure. Faute de procédure efficace à la disposition des consommateurs, une multitude de textes législatifs et réglementaires prévoyant des sanctions en cas de comportements abusifs ou illicites des professionnels n’ont pas été appliqués. La faible saisine des tribunaux par les victimes est aisément compréhensible dès lors que le coût global d’une action individuelle (coût informationnel, déplacements, honoraires…) dépasse le plus souvent le montant du préjudice subi.

Cette inaction n’a jamais été palliée par les modes de saisine simplifiée mis en place par la loi. En outre, malgré les procédures à disposition des associations de consommateurs, et le caractère symbolique des condamnations obtenues, celles-ci n’ont jamais bénéficié directement aux consommateurs ni incluent l’ensemble des personnes lésées. En effet, la seule possibilité de regroupement des litiges qu’autorise le droit français nécessite que chaque justiciable se joigne volontairement à une action en justice.

Au vu de ces éléments, force est de constater que le principe constitutionnel d’accès à la justice n’est pas respecté. Le présent amendement entend pallier ce vide juridique en créant une véritable action de groupe à la française pour les consommateurs, à la fois efficace mais également suffisamment « encadrée » avec un grand nombre de garde-fous pour nous préserver des dérives à l’américaine que d’aucuns refusent.

L’action de groupe instituée par le présent texte a une double vocation. D’une part, offrant un accès à la justice d’un groupe de justiciables en une seule procédure, elle permettra de réparer l’ensemble des préjudices subis ; d’autre part, elle aura un effet dissuasif en sanctionnant la personne fautive, en l’obligeant à cesser une pratique abusive ou illicite et à en assumer les conséquences. La seule existence de l’action de groupe constituera un garde fou au développement des pratiques illicites.

Le présent amendement crée en effet une procédure par laquelle, sous le contrôle constant d’un juge, une association agréée prend seule l’initiative de saisir un juge au nom de l’ensemble des victimes ayant subi un préjudice similaire du fait d'un même professionnel (d’un montant inférieur à 4000 euros) pour obtenir l’indemnisation de chacune. Cette action de groupe, correctement encadrée, suscite même l’adhésion des entreprises puisque le Centre National des Jeunes Dirigeants d’Entreprises, « Croissance Plus », ou encore la CGPME ont clairement indiqué qu’une « action de groupe efficace et encadrée est possible ».

Le présent amendement reprend d’ailleurs le schéma procédural sur lequel se sont entendus les consommateurs et les entreprises, plus particulièrement la CGPME, afin de préserver les intérêts de chacun, tout en garantissant une meilleure justice.