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ART. 7 BIS
N° 21 Rect.
ASSEMBLÉE NATIONALE
6 juillet 2010

ADAPTATION DU DROIT PÉNAL À L'INSTITUTION DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE - (n° 2517)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 21 Rect.

présenté par

M. Mamère, M. Yves Cochet et M. de Rugy

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ARTICLE 7 BIS

Substituer aux alinéas 2 et 3 les quatre alinéas suivants :

« Art. 689-11. – Pour l’application du statut de la Cour pénale internationale, signé à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l’article 689-1 toute personne coupable de l’une des infractions suivantes :

« 1° Crimes contre l’humanité et crimes de génocide définis aux articles 211-1, 211-2 et 212-1 à 212-3 du code pénal ;

« 2° Crimes de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code ;

« 3° Infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 1949 et au protocole additionnel I du 8 juin 1977. ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet article vise à élargir la compétence territoriale des tribunaux français afin de permettre la poursuite et le jugement des auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à l’étranger.

Cependant, ce mécanisme de compétence extra-territoriale, fondamental dans la lutte contre l’impunité, a été vidé de sa substance par la mise en place de quatre conditions cumulatives excessivement restrictives, lors du débat au Sénat. Ces quatre conditions constituent autant de verrous qui rendront pratiquement impossible la mise en œuvre de cette disposition :

1. l’exigence de résidence habituelle sur le territoire français de l’auteur des faits ;

2. la double incrimination ;

3. le monopole des poursuites par le parquet ;

4. l’inversion du principe de complémentarité.

Premièrement, la condition de résidence habituelle est incohérente avec le droit existant qui prévoit la poursuite des auteurs de crimes internationaux dès lors qu’ils « se trouvent » en France. Elle manifesterait en outre une bienveillance du législateur français qui s’accroîtrait avec la gravité des crimes poursuivis. Enfin, cette condition risque d’être pratiquement impossible à réaliser. Un individu suspecté d’avoir commis un génocide, des crimes contre l’humanité ou crimes de guerre pourra aller et venir librement en France sans être inquiété tant qu’il ne s’installera pas durablement sur le territoire français

Deuxièmement, par définition, les crimes internationaux constituent la violation de valeurs universelles reconnues par la communauté internationale. Instaurer la condition de double incrimination revient à remettre en cause cette universalité.

Troisièmement, le monopole des poursuites confié au ministère public est en contradiction avec la tradition pénale française, celle-là même confirmée par la réforme procédurale de mars 2007. Il constituerait un bouleversement des équilibres procéduraux portant atteinte aux droits des victimes et créerait une inégalité des citoyens devant la loi.

Enfin, le renversement du principe de complémentarité, retire aux juridictions nationales l’obligation que le Statut de Rome leur a pourtant confiée de juger elles-mêmes, en priorité, les crimes internationaux.

Aucun autre système juridique en Europe n’accumule autant d’obstacles à la poursuite des criminels internationaux. Seule la présence du suspect sur le territoire national est le plus souvent requise afin d’éviter les procédures in abstentia. La France se singulariserait de manière regrettable parmi les États européens en ne modifiant pas ce texte.

Cet amendement supprime ces conditions afin que les crimes du Statut de Rome soient soumis au même régime procédural que les autres crimes pour lesquels est déjà admise une compétence extraterritoriale des juridictions françaises, c’est-à-dire une condition de simple présence de l’auteur des faits sur le territoire français (article 689-1 du Code de procédure pénale).