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N° 277

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2007.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2008 (n° 189)

TOME V

MÉDIAS

Par M. Christian KERT,

Député.

___

Voir le numéro : 276 (annexe n° 26).

INTRODUCTION 5

I.- LES CRÉDITS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC 7

A. UN BUDGET EN HAUSSE DE 3,6 % 7

1. Une croissance des ressources publiques plus modérée que celle des ressources propres : + 3,55 % 7

2. Une hausse importante des ressources propres : + 3,74 % 9

B. L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR 10

C. L’INTÉRÊT DES CONTRATS D’OBJECTIFS ET DE MOYENS (COM) ET LEUR ARTICULATION AVEC LES CAHIERS DES CHARGES 10

1. Une deuxième génération de COM en début de parcours 11

2. Une extension de cet outil aux radios publiques 12

3. Une meilleure articulation des COM et des cahiers des missions et des charges : l’exemple des clauses publicitaires de Radio France 13

II.- LES AIDES À LA PRESSE : UN NIVEAU TOUJOURS ÉLEVÉ 15

A. LES AIDES DIRECTES 15

B. L’IMPORTANCE DES AIDES INDIRECTES 17

C. L’AGENCE FRANCE PRESSE (AFP) 18

III.- QUELS MOYENS FINANCIERS POUR FRANCE TÉLÉVISIONS ? 19

A. DES MARGES DE MANœUVRE FINANCIÈRES RESTREINTES DANS UN CONTEXTE EN PLEINE MUTATION 19

1. Un univers technologique en forte évolution et un environnement de plus en plus concurrentiel 20

2. La télévision publique est toujours soumise à de lourdes contraintes 25

B. FRANCE TÉLÉVISIONS DOIT BÉNÉFICIER DE MOYENS ACCRUS POUR RÉALISER SES MISSIONS 27

1. Une redevance française en berne par rapport à nos voisins européens 27

2. La répartition actuelle des recettes et ses perspectives d'évolution 28

3. Les divers scénarios envisageables pour dégager de nouvelles ressources pour le service public 29

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 41

II. EXAMEN DES CRÉDITS 61

Article additionnel après l’article 60 : Augmentation de la redevance 61

Après l’article 60 62

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 63

INTRODUCTION

La présentation du budget de l’audiovisuel public selon la nomenclature de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) est, depuis trois ans, plus éclatée qu’elle ne l’était précédemment dans la mesure où elle repose sur plusieurs programmes appartenant à des missions différentes.

La mission interministérielle « Médias » compte trois programmes. Le programme « Presse » regroupe les aides à la presse ainsi que les abonnements à l’Agence France Presse. Le programme « Chaîne française d’information internationale » est consacré à cette nouvelle entité, aujourd’hui dénommée France 24. Le programme « Audiovisuel extérieur », – qui finance trois organismes audiovisuels extérieurs confiés au ministère des affaires étrangères, Radio France Internationale (RFI), TV5 Monde et Canal France International (CFI) – , auparavant au sein de la mission « Action extérieure de l’Etat », a été transféré en 2007 dans la mission interministérielle « Médias », l’action audiovisuelle extérieure de la France étant par nature interministérielle.

Par ailleurs, le compte de concours financier sur les avances à l’audiovisuel public correspondait en 2006 à une mission uniprogramme « Avances à l’audiovisuel public » présentant l’emploi de la redevance. Le Conseil constitutionnel ayant jugé qu’une « mission ne saurait comporter un programme unique », la mission est depuis 2007 découpée en trois programmes retraçant chacun un des grands métiers de l’audiovisuel public : « Télévisions », « Radio » et « Patrimoine audiovisuel ».

Le budget de l’audiovisuel public s’élèvera à 3 845,21 millions d’euros en 2008, soit une hausse de 3,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2007, ce qui représente 133,52 millions d’euros de moyens supplémentaires pour l’ensemble des organismes.

La part de financement public – c’est-à-dire la redevance et les dotations budgétaires – augmentera de 99,74 millions d’euros hors taxe (+ 3,55 %), pour atteindre 2 907,11 millions d’euros. Les ressources propres du service public observeront quant à elles une hausse de 33,78 millions d’euros (+ 3,74 %) pour atteindre 938,10 millions d’euros. La part de financement public se maintient donc au-dessus de 75 % (75,6 % contre 75,64 % en 2007).

Les aides à la presse et la dotation à l’Agence France Presse (AFP) s’élèveront à 288 millions d’euros en 2008, en forte hausse par rapport à 2007 (+ 5,8 %), témoignant de l’attention constante que le gouvernement porte à ce secteur.

S’agissant des radios, le montant prévisionnel du produit de la taxe alimentant le fonds de soutien à l’ expression radiophonique (FSER) est fixé à 25 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2008 contre 24,1 millions d’euros en 2007 (+ 3,73 %).

Après avoir présenté et commenté le budget de l’audiovisuel public et des aides à la presse pour 2008, le rapporteur pour avis s’est attaché, comme il est d’usage dans les avis budgétaires de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à examiner un aspect de la politique publique dont ce budget est l’illustration. Son choix s’est porté cette année sur les moyens financiers du Groupe France Télévisions, en regard de ses objectifs éditoriaux.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre 2007 la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires .

À cette date, 222 réponses étaient parvenues sur un total de 299 questions : 169 sur les 194 questions adressées directement aux organismes de l’audiovisuel public (soit un taux de réponse de 87,11 %) mais seulement 53 sur les 105 questions adressées au ministère (soit un taux de 50,49 %).

Le taux global de réponse est donc de 74,25 %.

I.- LES CRÉDITS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC

Budget de l’audiovisuel public

 

LFI 2007
en M€

PLF 2008
en M€

2008/2007 en %

 

- Encaissements redevance TTC nets

2 281,36

2 397,67

+ 5,10 %

- Crédits budgétaires : remboursements des dégrèvements TTC

509

493

- 1,99 %

Subvention ministère affaires étrangères versée à RFI

74,4

75,9

+ 2,02 %

Total ressources publiques (HT) (tva 2,1 %)

2 807,37

2 907,11

+ 3,55 %

Ressources propres HT

904,32

938,10

+ 3,74 %

Total HT

3 711,69

3 845,21

+ 3,6 %

Source : ministère de la culture et de la communication.

A. UN BUDGET EN HAUSSE DE 3,6 %

En 2008, le service public de l’audiovisuel bénéficiera d’un budget en hausse de 133,52 millions d’euros. Il s’établit à 3 845,21 millions d’euros, ce qui représente une progression de 3,6 %, alors que les dépenses globales de l’Etat ne progresseront en 2008 que de 1,6 %. Cette augmentation se décompose en une part de ressources publiques (+ 99,74 millions d’euros, soit + 3,55 %) et en une part de recettes propres, notamment de publicité et de parrainage (+ 33,78 millions d’euros, soit + 3,74 %).

1. Une croissance des ressources publiques plus modérée que celle des ressources propres : + 3,55 %

Les ressources publiques représenteront toujours en 2008 près des trois quarts du budget des organismes de l’audiovisuel (75,6 %). Cette part de financement est extrêmement variable selon les organismes, notamment en raison de leur inégale capacité à engranger des ressources propres.

Répartition prévisionnelle de la redevance en 2008

(en millions d’euros)

Organismes

LFI 2007

PLF 2008

Évolution 2008/2007

Répartition 2008

France Télévisions

1 918,99

1 985,84

+ 3,5 %

68,7 %

Arte France

214,33

223,33

+ 4,2 %

7,73 %

Radio France

518,87

539,46

+ 4 %

18,66 %

RFI

57,72

58,72

+ 1,73 %

2,03 %

INA

80,46

83,31

+ 3,54 %

2,88 %

Total

2 790,37

2 890,66

+ 3,6 %

100,00 %

Source : projet de loi de finances pour 2008 et ministère de la culture et de la communication.

En 2008, les tarifs de la redevance audiovisuelle seront maintenus au niveau de 2005 puisqu’ils s’établiront à 116 euros pour la métropole et 74 euros pour les départements d’outre-mer. Le montant de redevance à répartir augmentera malgré tout de 116,31 millions d’euros (soit + 5,1 %) du fait de l’intégration de nouveaux redevables qui étaient exonérés jusqu’en 2007 au titre des « droits acquis ».

Le régime des droits acquis

Ce régime a été institué lors de la réforme de la redevance, pour trois ans (2005, 2006 et 2007). Il est prévu au 3° de l’article 1605 bis du code général des impôts et concerne les redevables anciennement exonérés de redevance mais assujettis à la taxe d’habitation. Ces redevables ont continué à bénéficier de cette exonération de redevance lorsqu’ils remplissaient l’une des conditions suivantes :

– être âgés d’au moins 65 ans au 1er janvier 2004, non imposables à l’impôt sur le revenu (revenus de 2002), non redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune (au titre de 2002) et ne pas habiter avec des personnes imposables à l’impôt sur le revenu ;

– être mutilés, invalides civils ou militaires, ou atteints d’une invalidité ou d’une infirmité d’au moins 80 % et avoir un revenu fiscal de référence de 2003 n’excédant pas le seuil défini au I de l’article 1417 du code général des impôts.

Pour autant, la réforme de la perception de la taxe, désormais alignée sur le mode de recouvrement de la taxe d’habitation, qui a certes permis d’obtenir un meilleur rendement, atteint aujourd’hui ses limites. Dans ce contexte, le rapporteur pour avis reviendra dans la troisième partie de son rapport sur la nécessité d’augmenter et d’indexer le tarif de la redevance.

Ressources disponibles sur le compte de concours financier
« avances à l’audiovisuel public »

(en millions d’euros)

 

LFI 2005

LFI 2006

LFI 2007

PLF 2008

Encaissements bruts

2 266,82

2 304,54

2 305,36

2 437,67

Frais de gestion et de trésorerie

- 65

- 24

- 24

- 40

Encaissements nets

2 201,82

2 280,54

2 281,36

2 397,67

Remboursements dégrèvements

440

440

509

493

Total TTC disponible

2 641,82

2 720,54

2 790,36

2 890,67

Total HT disponible

2 587,48

2 664,58

2 732,97

2 831,21

Source : ministère de la culture et de la communication.

Par ailleurs, le rapporteur pour avis s’étonne de la hausse importante des frais de gestion et de trésorerie constatée cette année (+ 66,6 %). Selon les informations communiquées au rapporteur par le ministère des finances, l’année 2006 a constitué un moment clef : première année « post réforme », son exécution aura permis d’affiner le référentiel pour les prévisions d’exécution des encaissements de redevance ainsi que pour la prise en compte des frais d’assiette de recouvrement et de trésorerie. « Tandis que les frais de trésorerie, lors de la préparation du projet de loi de finances 2007, furent difficiles à évaluer car déterminés en fin d’année par le Trésor, l’exécution 2006 a permis de mieux appréhender le montant de ceux-ci pour le projet de loi de finances 2008 ». En conséquence, sur les éléments de cette exécution 2006, l’évaluation des frais d’assiette de recouvrement et de trésorerie a été estimée pour 2008 à 40 millions d’euros dont 16 millions d’euros de frais de trésorerie. Le rapporteur estime malgré tout que cette hausse particulièrement importante ponctionne lourdement le budget de l’audiovisuel public sans que l’explication fournie par le ministère des finances ne la justifie réellement, et alors même que la réforme de la perception de la redevance avait été « vendue » comme permettant une baisse drastique des frais de recouvrement, de gestion et de trésorerie.

Enfin, le rapporteur estime que rien ne saurait justifier que les exonérations de redevance pour motifs sociaux aient vocation à être financées par le budget de l’audiovisuel public. Pourtant, le principe d’un plafonnement des remboursements de dégrèvements de redevance, introduit pour l’année 2006 par l’article 46 de la loi de finances pour 2006, a été reconduit en 2007, puis en 2008, par l’article 21 du présent projet de loi. De plus, le montant prévu pour 2008 est moins élevé que pour 2007 puisqu’il s’établit à 493 millions d’euros. Cette diminution est liée, selon les informations fournies au rapporteur par le gouvernement, à la fin du régime des « droits acquis ».

Du fait de la fin de ce régime, un certain nombre de foyers non-assujettis vont maintenant payer la redevance audiovisuelle. Mais les remboursements d’exonération resteront sans aucun doute inférieurs au montant total des dégrèvements octroyés, puisqu’ils s’élevaient à 589,13 millions d’euros en 2005 (pour 440 millions d’euros remboursés) et à 571,64 millions d’euros en 2006 (pour 440 millions d’euros remboursés). Ce plafond déroge manifestement au principe de remboursement intégral des exonérations posé par l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi de 1986, en disposant que « les exonérations de redevance audiovisuelle décidées pour des motifs sociaux donnent lieu à remboursement intégral du budget général de l’État ».

Il n’est pas normal de financer à moindre coût, sur le budget de l’audiovisuel public, des politiques sociales. Afin de sécuriser les ressources de l’audiovisuel public, il est donc indispensable de supprimer ce plafond qui n’est conforme ni à la loi régissant l’audiovisuel public, ni à l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances. C’est pour cette raison que, conjointement avec M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial, le rapporteur pour avis a déposé un amendement en première partie du présent projet de loi de finances, afin de supprimer ce plafond.

2. Une hausse importante des ressources propres : + 3,74 %

Les objectifs de ressources propres (recettes commerciales, produits financiers et services rendus aux administrations) assignés aux sociétés de l’audiovisuel public sont en hausse de 3,74 % par rapport à 2007, à 938,1 millions d’euros hors taxes. Les objectifs de recettes de publicité et de parrainage sont variables selon les organismes, comme l’indique le tableau ci-après.

Publicité et parrainage : objectifs PLF 2008

(en millions d’euros)

 

Prévisions 2007

Objectifs 2008

2008/2007

France Télévisions

826,7

840

+ 1,69 %

Radio France

45,1

46,5

+ 3,1 %

Chiffre d’affaires publicitaire brut des commissions de régie.

Source : ministère de la culture et de la communication.

B. L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

La subvention du ministère des affaires étrangères au budget de Radio France Internationale (RFI) est en hausse de 2,15 % par rapport à 2007, à 71,13 millions d’euros contre 69,63 millions d’euros en 2007. Avec une dotation de 58,72 millions d’euros de redevance, le budget global de RFI s’élève à 129,85 millions d’euros.

Parallèlement, les crédits inscrits pour France 24 s’élèvent à 70 millions d’euros, contre 69,542 millions en 2007 (+ 0,66 %). Mais le total des moyens disponibles pour 2008 s’élèvera, comme l’Etat s’y est engagé, à 88,5 millions d’euros, les 18,5 millions d’euros complémentaires provenant d’un abondement en gestion.

Enfin, les crédits alloués à TV5 par le ministère des affaires étrangères s’élevaient en 2007 à 64,22 millions d’euros pour un budget de 91,89 millions d’euros. Mais, selon les informations fournies par le ministère, « la situation budgétaire de TV5 Monde est aussi incertaine à mi-2007, qu’en 2006, en raison de la diminution de plus de 3,2 millions d’euros opérée sur le montant de la subvention française (taxation au titre des retraites des anciens combattants africains et réserve légale) ». En 2008, le projet de loi de finances prévoit des crédits en hausse de 2,34 %, à 65,72 millions d’euros.

C. L’INTÉRÊT DES CONTRATS D’OBJECTIFS ET DE MOYENS (COM) ET LEUR ARTICULATION AVEC LES CAHIERS DES CHARGES

Les organismes du secteur public de l’audiovisuel assument des charges de service public qui les distinguent du secteur privé. Les outils qui permettent d’évaluer leur activité se perfectionnent et se diversifient. Aux anciens cahiers des charges se sont ajoutés les contrats d’objectifs et de moyens dont la seconde génération est en cours de signature.

Parallèlement, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) améliore la mesure de la performance grâce aux objectifs et indicateurs du programme « avances aux organismes de l’audiovisuel public » qui complètent le dispositif. De fait, les priorités assignées aux organismes sont nombreuses ce qui pose à la fois la question de leur hiérarchisation et de leur articulation avec les objectifs des contrats d’objectifs et de moyens.

1. Une deuxième génération de COM en début de parcours

Les COM de France Télévisions et d’Arte ayant été signés il y a moins d’un an, il n’est pas encore possible de disposer d’un premier bilan de leur application. A l’inverse, l’exécution du COM de l’INA semble tout à fait satisfaisante puisque les indicateurs prévus par le contrat sont très largement respectés, voire dépassés. On ne peut que s’en féliciter et souhaiter que ce soit le cas pour l’ensemble des structures de l’audiovisuel public, tout en rappelant que, si les organismes respectent leurs engagements, l’Etat doit également respecter les siens, notamment en termes de dotation budgétaire. C’est certes le cas cette année, mais l’Etat ne fut pas toujours aussi respectueux de sa parole par le passé.

Dans le prolongement du premier COM de l’INA, et fort des résultats acquis, le deuxième contrat (2005-2009), signé le 17 novembre 2005 et développe trois axes : la sauvegarde du patrimoine audiovisuel et l’enrichissement des collections ; l’exploitation des fonds ; l’accroissement de l’efficacité et la qualité de la gestion. Dans ce cadre, le plan de sauvegarde et de numérisation (PSN) des fonds menacés de dégradation physico-chimique entrera dans une phase d’accélération. Cela devrait permettre la sauvegarde intégrale des collections à l’horizon de 2015 (soit 820 500 heures de programme audiovisuels enregistrés sur des supports analogiques périssables), ainsi que leur conservation pérenne. On ne peut que se féliciter que les deux premières années d’exécution du COM soient conformes aux objectifs fixés. En effet, au terme de la deuxième année d’exécution du contrat, sur 18 indicateurs, 15 ont été atteints ou dépassés.

Le deuxième COM d’ARTE France (2007-2011) a été signé le 15 mars 2007. Il s’articule autour de quatre grands axes : le soutien à la création européenne, mais également française, l’élargissement de l’audience en répondant mieux aux attentes de tous les publics, la promotion de la culture et de l’Europe, l’exploitation de toutes les possibilités offertes par le numérique pour diffuser les programmes et, enfin, le rayonnement et le développement de la chaîne à l’international. Par ailleurs, l’amélioration et la modernisation de la gestion d’Arte France restent une priorité pour ce COM.

Signé en décembre 2001, le premier COM de France Télévisions a notamment permis de mieux assurer la diversité et la spécificité des programmes des chaînes du groupe et d’optimiser sa gestion : le groupe a ainsi mis en œuvre un plan Synergia d’économie de 170 millions d’euros sur la durée du contrat, consacrant aux programmes la plus grande part de l’augmentation des recettes. Le deuxième COM (2007-2010) a été signé le 27 avril 2007. Il s’articule autour de trois objectifs majeurs :

– une stratégie éditoriale renforçant la spécificité et la valeur ajoutée de service public de France Télévisions au sein du paysage audiovisuel : face à une offre de télévision de plus en plus abondante grâce à la TNT, France Télévisions doit accentuer son investissement en faveur de la création audiovisuelle et cinématographique. Le montant des investissements en faveur de la création doit progresser sur la période à un rythme au minimum égal à celui de l’accroissement de la ressource publique et croître de 100 millions d’euros par rapport à 2005 à la fin du COM.

– un rôle moteur dans le développement des nouvelles technologies audiovisuelles : France Télévisions doit jouer un rôle moteur dans la généralisation de la diffusion numérique sur le territoire, dans la perspective de la fin de la diffusion analogique en 2011, mais aussi dans l’introduction de la télévision haute définition (TVHD), de la télévision mobile personnelle (TMP) et le développement de la vidéo à la demande (VOD), pierre angulaire de la lutte contre le piratage des œuvres. S’agissant de la TMP, aucun moyen budgétaire n’est prévu dans le COM.

– l’amélioration et la modernisation de la gestion : le groupe a notamment pris des engagements visant à maîtriser les effectifs et la masse salariale grâce à un plan de départ anticipé à la retraite, renforcer le développement professionnel des collaborateurs grâce à la formation et la mobilité, mieux prendre en compte la diversité des salariés, rationaliser la politique de rémunération. Par ailleurs, afin d’améliorer le résultat du groupe, un effort doit également être réalisé par la filière production de France 3 et France Télévisions Distribution.

2. Une extension de cet outil aux radios publiques

L’intérêt de cet outil de gestion et de développement concerté des organismes de l’audiovisuel public étant pleinement reconnu, deux autres institutions sont concernées par un premier contrat : Radio France et RFI.

Le contrat d’objectifs et de moyens (COM) de Radio France (2006-2009) a été signé par l’État et la société le 21 décembre 2006. Dans un contexte de concurrence accrue et d’évolution rapide du paysage médiatique, est réaffirmée la volonté de préciser l’identité et de conforter les sept chaînes et les formations musicales de Radio France dans leurs missions de service public, tout en permettant à la société de réaliser de nouveaux développements, dans le cadre de la numérisation à venir de la diffusion. Le COM accompagne également l’extension de la diffusion en FM du groupe, dans le cadre de la replanification de la bande FM actuellement en cours. Enfin, la société doit également pouvoir se développer à la fois sur Internet, avec notamment la mise en place de chaînes thématiques dérivées, et sur les supports dédiés à la mobilité, pour proposer de nouveaux services et données associés. Enfin, le COM donne les moyens à Radio France de faire face au lourd chantier de réhabilitation de ses bâtiments.

En revanche, il est regrettable que le COM de Radio France Internationale (RFI) n’ait toujours pas été signé entre l’Etat et RFI. Certes, l’assainissement de la situation financière de la société a constitué un préalable à l’engagement d’une réflexion approfondie sur ses grands axes de développement stratégiques. Par ailleurs, selon les informations fournies au rapporteur par le ministère, « si des négociations ont été engagées en 2006, elles ont été retardées par la situation tendue de l’entreprise. Mais ces négociations doivent reprendre en septembre prochain et pourraient aboutir avant la fin 2007 ». Cela est d’autant plus souhaitable qu’un tel document permettrait à la société et ses ministères de tutelle d’aborder l’ensemble des questions stratégiques de RFI, telles que les publics auxquels la société doit s’adresser, les zones d’actions dans lesquelles elle doit diffuser ses programmes, les langues, les supports de diffusion, mais surtout son rôle et sa coordination avec les autres acteurs de l’audiovisuel extérieur.

3. Une meilleure articulation des COM et des cahiers des missions et des charges : l’exemple des clauses publicitaires de Radio France

Les clauses publicitaires du cahier des missions et des charges de Radio France remontent pour l’essentiel à 1975. Elles contraignent tant le champ des annonceurs autorisés (secteur public et mutualiste, annonceurs collectifs, etc.) que la nature des messages (pas de publicité de marques notamment).

Comme M. Jean-Paul Cluzel, président de Radio-France, l’indiquait au rapporteur lors de son audition, le rétrécissement constant au champ des sociétés publiques, mutualistes ou coopératives met aujourd’hui en péril l’avenir des recettes publicitaires de Radio France, et donc l’exécution du COM, sans compter que cette restriction aux seules sociétés publiques ou mutualistes pose également un problème de conformité à la réglementation européenne. Ainsi, Renault, les AGF, Air France et France Telecom (qui représentaient en 2003 une recette publicitaire de 1,3 million d’euros, soit 3,7 % du total de l’exercice) ont disparu du portefeuille de Radio France ces quinze dernières années. Dans les conditions réglementaires actuelles, la fusion de Gaz de France avec Suez priverait Radio France de recettes qui ont atteint 2,8 millions en 2005 (6,4 % des recettes de l’année) et 1,3 million d’euros en 2006.

Or le COM est fondé sur une évolution des recettes publicitaires de 3 % par an sur la période 2006-2009 (soit moins de 1,5 million d’euros de recettes supplémentaires par an). Dès 2007, Radio France est confrontée à la difficulté d’atteindre un objectif de recettes aussi ambitieux : fin juin, les budgets figurant en portefeuille étaient en retrait de 3,5 % par rapport au chiffre de 2006. Malgré un bon mois d’août, il est aujourd’hui très peu vraisemblable que l’objectif puisse être atteint, un recul du chiffre d’affaires étant même possible.

Le COM prévoit d’ailleurs que « l’Etat assure à Radio France un réexamen des dispositions de son cahier des charges relatives à la publicité », d’autant plus que l’objectif assigné à la publicité aujourd’hui est, non plus, comme à l’origine, d’assurer la promotion de services d’intérêt général, de l’économie sociale ou d’organismes coopératifs ou collectifs, mais l’équilibre financier de la société. Le gouvernement avait toutefois souhaité que la discussion sur la modernisation du cahier des missions et des charges n’intervienne que courant 2007, une fois qu’auraient été tirées les conséquences pour les radios privées de l’ouverture des écrans publicitaires télévisuels à la grande distribution. Il apparaît aujourd’hui que les radios privées n’ont pas subi, comme elles le craignaient, de transfert massif vers la télévision des budgets de leurs annonceurs de la grande distribution. Par ailleurs, Radio France ne représente qu’une part marginale du marché publicitaire de la radio (45 millions d’euros, soit 5,5 % en 2006).

Enfin, est-il besoin de le rappeler, le nombre élevé d’annonceurs de nature identique (organismes mutualistes, assurances, etc.) contraint fortement l’antenne, en saturant les espaces publicitaires de messages peu diversifiés et répétitifs (voir l’exemple caricatural des complémentaires retraites destinées aux fonctionnaires), avec trois inconvénients majeurs : d’une part, une difficulté accrue à ne pas diffuser dans une même tranche les messages de deux annonceurs concurrents ; d’autre part, une impression de saturation de la part des auditeurs du fait de cette concentration ; un risque de connotation de l’image même des chaînes, dont l’auditoire serait identifié aux cibles de ces messages.

Le rapporteur pour avis estime que cette révision du cahier des missions et des charges ne doit absolument pas passer par une augmentation de la durée globale consacrée à la publicité sur les antennes, la modération de la présence publicitaire est sans doute pour nombre d’auditeurs de Radio France une des motivations d’écoute, mais simplement par une modernisation du champ des annonceurs autorisés. Cette révision doit intervenir rapidement, afin de mettre le cahier des missions et des charges de Radio France en conformité avec les objectifs que lui fixe le COM.

II.- LES AIDES À LA PRESSE : UN NIVEAU TOUJOURS ÉLEVÉ

L’ensemble des aides directes à la presse est regroupé avec les abonnements à l’Agence France Presse (AFP) dans le programme « Presse » de la mission « Médias » qui englobe aussi l’ancien compte d’affectation spéciale réservé au fonds d’aide à la modernisation et à la distribution alimenté par la taxe sur le hors médias. Avec 287,89 millions d’euros, le budget des aides directes à la presse pour 2008 est en forte hausse par rapport à 2007 (+ 5,76 %). Pour la troisième année consécutive, depuis la création des trois nouveaux dispositifs d’aide directe (modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale, modernisation de réseau des diffuseurs de presse, développement des services en ligne), l’accent est mis en 2008 sur le soutien aux initiatives structurantes ou innovantes du secteur, avec pour objectif principal d’accompagner le secteur dans les mutations très importantes qu’il traverse.

A. LES AIDES DIRECTES

Les aides à la presse s’élèvent à 178,47 millions d’euros en 2008, en hausse de 9,62 % par rapport à 2007. Les abonnements de l’Etat à l’AFP sont stables à 109,41 millions d’euros. Les variations budgétaires du projet de loi de finances 2008 s’expliquent principalement par la mise en œuvre de deux objectifs de performance retenus pour le programme, l’objectif n° 3 « Contribuer au développement de la diffusion de la presse » et l’objectif n° 4 « Veiller au maintien du pluralisme de la presse ».

Evolution des aides directes à la presse (autorisations d’engagement)

(en millions d’euros)

 

LFI 2007

PLF 2008

Variation %

Abonnements de l’Etat à l’AFP

109,41

109,41

0

Aides à la presse

162,8

178,47

+ 9,62

Aides à la diffusion

94,55

99

+ 4,71

Aide au transport postal de la presse d’information politique et générale

76

83

+ 9,21

Réductions du tarif SNCF

7,3

5,8

- 20,55

Aide impression décentralisée

0,2

-

np

Aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger

2,8

1,95

- 30,36

Aide au portage

8,25

8,25

0

Aides au pluralisme

9,97

9,97

0

Aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires

7,15

7,15

0

Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces

1,4

1,4

0

Aide à la presse hebdomadaire régionale (PHR)*

1,42

1,42

0

Aides à la modernisation

58,27

69,5

+ 19,27

Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale

20,77

30

+ 44,44

Aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale

8

12

+ 50

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

2

2

0

Aide au développement des services en ligne des entreprises de presse

0,5

0,5

0

Aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale

27

25

- 7,41

Total

272,21

287,89

+ 5,76

* cette aide se trouvait dans les aides à la diffusion en 2007

Source : ministère de la culture et de la communication.

Les hausses s’expliquent principalement par l’effort particulier consenti à l’appui du plan de modernisation des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), destiné à faire franchir à cette structure, qui assume seule la distribution des quotidiens nationaux d’information politique et générale sur l’ensemble du territoire, un saut qualitatif important dans sa stratégie de modernisation (progression de 50 % de la dotation) ; le très fort soutien à la modernisation sociale du secteur qui passe par les deux dispositifs destinés à accompagner l’apurement des sureffectifs apparus dans les services chargés de la fabrication de la presse quotidienne nationale et de la presse quotidienne en régions, se traduit par une progression de 44 % de la dotation.

Les quelques baisses constatées s’expliquent par le recentrage du soutien de l’Etat sur la presse quotidienne d’information politique et générale, cœur de cible de la politique publique, et sur les aides aux projets. Ainsi, en 2008, la première section du fonds d’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger sera resserrée sur la seule presse d’information politique et générale. La non-dotation de l’aide à l’impression décentralisée s’explique par l’attente d’une vision claire de la stratégie des acteurs sur ce dossier, la réflexion étant en cours.

B. L’IMPORTANCE DES AIDES INDIRECTES

Le taux de TVA super réduit (2,10 %) réservé depuis 1977 aux quotidiens a été étendu à tous les périodiques à compter de 1989. Par ailleurs, le régime spécial des provisions pour investissements permet aux entreprises de presse d’affecter en franchise d’impôt une partie de leurs bénéfices à des investissements. Les entreprises concernées peuvent ainsi retrancher de leur bénéfice imposable, dans certaines limites, soit les dépenses effectuées au cours de l'exercice pour l'acquisition d’équipements, soit une provision destinée à leur permettre de faire face au financement ultérieur de ce type d'investissements.

Montant des aides indirectes à la presse

(en millions d’euros)

Nature de l’aide

2006

2007

2008

Moins-values de recettes du Trésor public en raison d’allégements et de régimes fiscaux particuliers aux entreprises de presse :

     

- taux de TVA*super réduit

200

205

210

- régime spécial des provisions pour investissements (article 39 bis A du code général des impôts)*

0,5

0,5

0,5

- Réduction d’impôt en faveur des sociétés de presse (article 220 undecies du code général des impôts)

0

0,5

10

Total des aides fiscales indirectes

200,5

206

220,5

Aide budgétaire indirecte : subvention de l’Etat à la Poste pour la distribution de la presse dans les zones peu denses ***

170,5

166

159

* Source : tome II « Evaluation des voies et moyens », PLF 2008.

** Coût supporté par les collectivités locales. Ce chiffrage ne tient pas compte de la taxe d’habitation acquittée par les entreprises de presse sur les locaux exonérés de taxe professionnelle.

*** Aide gérée par le ministère de l’industrie

Ce dernier dispositif a été prorogé jusqu’en 2010 par la loi de finances pour 2007 qui a introduit deux aménagements : le resserrement du champ des bénéficiaires à la seule presse d’information politique et générale pour les publications non quotidiennes ; l’extension du périmètre des investissements éligibles à la prise de participation dans d’autres entreprises de presse ou des entreprises intervenant dans la chaîne de fabrication ou de distribution de la presse.

Par ailleurs, un nouveau mécanisme de réduction d’impôt sur les sociétés est dorénavant prévu pour les entreprises entrant dans le capital des entreprises de presse éditant des publications d’informations politiques et générales (article 220 undecies du code général des impôts) : cette réduction est égale à 25 % du montant des sommes versées au titre des souscriptions en numéraire au capital de ces sociétés.

Le rapporteur pour avis espère que le dossier de la TVA sur la presse en ligne avancera rapidement au niveau européen. Aujourd’hui seules les publications imprimées sur support papier peuvent bénéficier du taux de TVA « super réduit » à 2,10 %. Or il est aberrant que la même publication soit assujettie à des régimes de TVA différents selon qu’elle est imprimée (2,10 %) ou accessible en ligne (19,6 %), l’édition électronique étant aujourd’hui indissociable de l’édition papier.

C. L’AGENCE FRANCE PRESSE (AFP)

L’AFP joue un rôle de premier plan dans l’information internationale et est reconnue comme un outil d’un grand professionnalisme par de nombreux médias mondiaux qui sont ses clients. Sa situation économique reste cependant fragile, dans un marché en pleine mutation technologique et concurrentielle. C’est pourquoi l’Etat a décidé d’accompagner l’AFP, en s’engageant sur l’évolution de ses abonnements pour cinq ans, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens (2003-2007) signé le 20 novembre 2003. En contrepartie, l’Agence s’est engagée à parvenir à l’équilibre financier en 2007, grâce au développement de ses recettes commerciales et à la maîtrise de ses charges. Le résultat net 2006 est, grâce à la cession d’AFX News en juillet 2006, significativement positif, à hauteur de 3 millions d’euros. Le résultat net prévu pour 2007 est très légèrement négatif, à hauteur de - 0,7 million d’euros. Le bilan de ce premier COM est donc positif. Le prochain COM étant en cours de négociation, dans cette attente les moyens de l’agence sont reconduits pour 2008 à hauteur de 109,4 millions d’euros

III.- QUELS MOYENS FINANCIERS POUR FRANCE TÉLÉVISIONS ?

Lors de l’examen par le Parlement de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, le groupe France Télévisions a défendu la possibilité d’une coupure publicitaire dans les émissions de jeux et de variétés, une telle autorisation étant seule à même, selon M. Patrick de Carolis, président-directeur général de France Télévisions, de financer la production de programmes culturels.

Pendant la campagne de l’élection présidentielle, M. Nicolas Sarkozy a admis le manque de moyens de France Télévisions pour assurer son développement dans un univers technologique en forte évolution et un environnement de plus en plus concurrentiel. Étant opposé à toute augmentation de la redevance, il a évoqué la possibilité d’une « augmentation des ressources publicitaires et des ressources tirées des produits dérivés » conditionnée à un renforcement dans les grilles des émissions culturelles.

Où en est-on aujourd’hui ? Dans un marché où les équilibres sont précaires, il convient d’aborder cette problématique avec prudence. A l’heure actuelle, il semble qu’il n’existe aucune étude globale sur l’impact d’une telle mesure, tant pour France Télévisions que pour le reste du marché des médias (autres télévisions, radios, presse). Par ailleurs, l’exercice de ses missions de service public par France Télévisions est-il compatible avec des obligations de chiffre d’affaires publicitaire ? Pour autant, il est clair que le niveau actuel de la redevance ne permet pas au groupe public d’assumer convenablement ses missions et de financer les investissements nécessaires à l’ensemble des évolutions technologiques (passage au numérique, développement de la haute définition, télévision mobile personnelle, catch TV, ...).

Pour tenter d’éclairer le débat, le rapporteur pour avis souhaite faire : une évaluation des crédits prévus dans la loi de finances pour 2008 pour le groupe audiovisuel et de leur adéquation tant avec les montants fixés par le COM qu’avec les objectifs fixés au groupe par l’Etat; un point sur l’évolution prévisible des recettes publicitaires du groupe public; une comparaison avec la politique menée dans les autres pays européens; une étude des solutions alternatives à l'autorisation de coupures publicitaires dans les émissions de flux.

Le rapporteur pour avis pourra ainsi proposer les mesures lui semblant les plus adéquates pour permettre au groupe France Télévisions de continuer à assurer ses missions dans les meilleures conditions.

A. DES MARGES DE MANœUVRE FINANCIÈRES RESTREINTES DANS UN CONTEXTE EN PLEINE MUTATION

Le contexte dans lequel évolue France Télévisions a profondément changé depuis vingt ans. Une évaluation pertinente des besoins de financement de la télévision publique ne peut faire l’économie des mutations continuelles (technologiques et concurrentielles) auxquelles France Télévisions doit faire face tout en continuant à assurer ses missions de service public.

1. Un univers technologique en forte évolution et un environnement de plus en plus concurrentiel

 Des bouleversements technologiques nombreux et concomitants

– Le passage au numérique : des coûts induits mal évalués par le contrat d’objectifs et de moyens

La loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, qui fixe le cadre de l’extinction de la diffusion analogique, a également accéléré le déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT) sur l’ensemble du territoire. Selon un calendrier publié le 10 juillet 2007 par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), les chaînes analogiques nationales sont tenues de couvrir progressivement en TNT 95 % de la population avant 2011, date prévisionnelle de l’extinction de l’analogique.

Le rapporteur pour avis estime que France Télévisions doit jouer un rôle moteur dans le passage au tout numérique et qu’il entre dans sa mission de service public de garantir à tous les citoyens un égal accès à ses chaînes sur la TNT. Mais il faut en tirer les conséquences sur le plan financier.

Certes le COM pour 2007-2010, signé le 24 avril 2007, tient compte des surcoûts liés au passage au numérique. Il est ainsi écrit que « France Télévisions doit contribuer à la généralisation accélérée de la télévision numérique pour tous ». Pour cela le groupe développera la diffusion de ses chaînes sur le réseau secondaire. Le COM prévoit que le coût total de diffusion en numérique s’élèvera à 192,5 millions d’euros d’ici 2010. En l’état actuel du calendrier de déploiement prévisionnel, les coûts de diffusion numérique terrestre de France 2, France 3, France 5 et France 4 qui s’élèvent à 23 millions d’euros en 2007 – dont 13 millions d’euros pour les différentes versions de France 3 – devraient doubler en 2008 (45,5 millions d’euros). Dans un premier temps les coûts de diffusion analogique et numérique s’additionnent : ainsi en 2007, 181 millions d’euros de coûts de diffusion analogique s’ajoutent aux 46 millions d’euros de diffusion numérique. Mais des économies liées à l’extinction de l’analogique sont prévues à partir de 2009 qui s’élèveront à la fin du COM à 74 millions d’euros.

Cependant, certaines dépenses non envisagées par le COM sont à prévoir et devront être financées par France Télévisions.

Pour permettre l’extension optimale de la TNT, le COM prévoit que France Télévisions déploiera ses chaînes sur une offre gratuite par satellite. Conformément à la loi, les décrochages régionaux de France 3 doivent figurer dans cette offre moyennant compensation par l’État. Selon le COM, ce montant qui s’élève à 5,7 millions d’euros par an devait faire l’objet d’un financement budgétaire ad hoc.

Par ailleurs, suite à la réorganisation du multiplexe R1 pour accueillir les chaînes locales, l’ensemble des capacités rendues vacantes sur le multiplexe R1 ne sera pas entièrement utilisé par les chaînes locales, et donc financé par elles. En conséquence, l’équilibre financier de la société gestionnaire du multiplexe R1, financée par les chaînes présentes sur ce multiplexe, est incertain. Or, à défaut d’un paiement intégral par les chaînes locales des fréquences mises à leur disposition, ce sont les autres chaînes présentes sur le R1 (France 2, France 3, France 4, Arte France, LCP-AN et Public-Sénat) qui devront s’acquitter de cette charge indue. Le risque financier est évalué par France Télévisions à environ 6 millions d’euros d’ici 2010.

Le lancement simultané de la TNT en France, mais aussi en Allemagne et en Belgique oblige à des réaménagements de fréquences en zone frontalières (essentiellement Nord et Nord-Est) dans le cadre des accords de coordination aux frontières. Les interventions sur les émetteurs mais aussi sur les antennes de chaque foyer, financées par les chaînes via le Fonds de réaménagement du spectre, sont coûteuses. A titre d'exemple, le réaménagement des fréquences pour Nancy et Strasbourg a coûté 400 000 euros par chaîne. Or les réaménagements semblent générer des surcoûts par rapport aux prévisions initiales du COM.

Enfin, France Télévisions participe au groupement d’intérêt public France Télé Numérique chargé d’accompagner l’extinction de l’analogique, d’assurer la continuité de la réception de ces services, de gérer le fonds d’aide aux téléspectateurs et de les informer sur les conditions de l’extinction de la diffusion analogique. Le budget du GIP est supporté par ses membres : l’État, TF1, Arte France, Métropole Télévision et Canal +. D’après les informations fournies au rapporteur pour avis par le gouvernement, les économies liées à l’extinction de l’analogique devraient permettrent de financer la part du budget du GIP qui doit être supportée par France Télévisions (selon France Télévisions 15% soit 45 millions d’euros d’ici 2010). Cependant le GIP agira par définition avant l’extinction du numérique donc avant les économies prévues à l’horizon 2011. D’ici là, les coûts de diffusion numérique et analogique s’additionnent. Il conviendra donc de préciser le mode de financement du GIP.

Il n’est donc pas certain que les moyens alloués à France Télévisions soient à la mesure de l’effort qui lui est demandé. A titre indicatif, la BBC estime le coût de son passage de l’analogique au numérique à 800 millions d’euros.

– Le développement coûteux des programmes en haute définition (HD)

Alors que la diffusion de programmes en HD se développe sur le satellite, le câble, l’ADSL et, depuis 2006, sur la TNT, il est essentiel que la télévision publique maintienne l’attractivité de ses programmes en diffusant progressivement ses programmes en HD. TF1 prévoit une migration intégrale des programmes de la chaîne en HD en 2012 et M6, qui produit aujourd’hui une heure de programme en HD par jour, en prévoit trois en 2008 : France Télévisions ne peut pas rester en deçà.

Depuis 2006, France Télévisions expérimente avec succès la diffusion de certains programmes sportifs sur la TNT, comme le tournoi de Roland-Garros et, cette année, le Tour de France. Le calendrier prévisionnel de déploiement de la haute définition établi dans le COM prévoit la diffusion de France 2 en HD sur TNT à la fin 2007 pour un coût de 5 millions d’euros, de France 4 au début de 2008 et de France 5, France 3 et France Ô en 2009. Au total, 20,1 millions d’euros au total sont prévus d’ici 2010 pour le passage à la TVHD. De plus, France Télévisions devrait travailler à constituer un stock de programmes en haute définition.

En revanche, les coûts de diffusion des chaînes de France Télévisions en HD sur satellite n’ont pas été prévus par le COM. Ces coûts représentent au total 19 millions d’euros d’ici 2010 selon France Télévisions.

 De nouvelles pratiques sur Internet : vidéo à la demande et « catch up TV »

En 2007, selon NPA Conseil, près de trois millions de Français regardent la télévision sur Internet. Ignorer ce nouveau mode de consommation signifierait pour la télévision publique se priver d’une partie de l’audience, notamment des jeunes générations, et rester en marge des évolutions sociétales. La télévision publique doit donc diffuser l’ensemble de ses chaînes sur ces nouveaux supports pour toucher le public le plus large possible, mais aussi développer de nouveaux services utilisant les capacités de ces réseaux. Le COM prévoit une augmentation de l’offre de contenus sur Internet, prioritairement dans les domaines de l’information, du sport et des déclinaisons régionales de France 3 et RFO. Des synergies entre France Télévisions Interactive et les rédactions de France 2, France 3 devraient être par ailleurs développées pour faire d’Internet le prolongement éditorial des chaînes.

Le rapporteur pour avis estime que le service public audiovisuel doit être aujourd’hui un service multimédia et encourage ces développements. Les efforts de France Télévisions dans ce sens doivent être soutenus par les pouvoirs publics. À cet égard, il est dommage que les services à destination du monde éducatif tels que lesite.fr en partenariat avec France 5 ne bénéficient pas aujourd’hui de moyens suffisants pour se développer.

Comme ses principaux concurrents privés, France Télévisions poursuit également le développement d’une offre compétitive de vidéo à la demande (VOD) sur Internet, sur ADSL et sur les mobiles. Près de 300 titres et 1 200 œuvres sont aujourd’hui accessibles sur le site FranceTVOD.fr. Une partie est en accès gratuit – essentiellement l’information et les magazines, l’autre en accès payant – principalement des œuvres audiovisuelles.

La stratégie de France Télévisions est de décliner cette offre VOD pour le poste de télévision. Le groupe a signé un partenariat avec Orange pour développer sur l’ADSL un service appelé Rewind TV qui permettra aux téléspectateurs d’accéder pendant plusieurs jours à une partie des programmes diffusés entre 18 heures et zéro heure sur toutes les chaînes du groupe. Selon le COM, « le financement de ces développements doit être couvert par les ressources commerciales qu’elle génèrent ». Leur réalisation ne « doit pas affecter le financement des missions de service public ».

– Le développement de la télévision en mobilité

Fin 2006, selon NPA Conseil, la télévision sur téléphone mobile comptait plus de 5 millions d’utilisateurs potentiels (contre 2,5 millions fin 2005). En matière de télévision mobile, France Télévisions a d’ores et déjà conclu des accords avec Orange, SFR et Canalsat Mobile afin de diffuser ses chaînes sur les réseaux des opérateurs de mobiles.

La télévision mobile personnelle (TMP), dont le lancement est prévu au deuxième semestre 2008 à l’occasion des Jeux olympiques de Pékin, permettra aux téléspectateurs de recevoir des programmes sur un support mobile par le biais du réseau DVB-H, avec des images de qualité comparable à celles reçues sur un écran de télévision. Lancée dans plusieurs pays tels que la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l’Italie, la Corée ou le Japon, elle rencontre un réel succès commercial. La France est certes en retard sur ce sujet mais elle peut mettre cette position à profit en s’inspirant des meilleurs modèles économiques existants.

On peut en effet considérer la TMP de deux manières : soit comme le prolongement de la TNT, dans ce cas, France Télévisions, comme les autres chaînes hertziennes, participera aux frais de diffusion ; soit comme le prolongement de la technologie 3G déjà existante, qui permet d’avoir accès aux programmes télévisés sur téléphone portable, dans ce cas, les coûts de diffusion seront partagés entre les chaînes et les opérateurs et l’accès aux chaînes sera payant.

Comme l’énonçait France Télévisions dans sa réponse à la consultation publique lancée par le CSA en 2007, il est possible de diffuser dans un premier temps les mêmes programmes sur télévision hertzienne et TMP, pour ensuite développer des programmes spécifiques, courts et interactifs, adaptés au support, dont certains pourraient être facturés. Le rapporteur pour avis estime quant à lui que les chaînes publiques doivent être accessibles gratuitement sur TMP.

Certes il s’agit d’un effort supplémentaire demandé à France Télévisions qui n’a pas été envisagé dans le COM : les frais de diffusion sont évalués à 8 millions d’euros par an et par chaîne à partir de 2009. Il faut également compter les coûts de production des contenus spécifiques. Mais les exemples étrangers montrent que le modèle de TMP qui fonctionne le mieux est celui qui permet d’accéder gratuitement à des chaînes nationales. De plus, n’est-il pas contraire à l’esprit du service public que les téléspectateurs payent pour accéder aux programmes de France Télévisions diffusés en simulcast ?

Les nouvelles pratiques et la multiplication des supports de diffusion pourraient constituer une formidable opportunité pour France Télévisions. Elles permettraient de prendre des risque éditoriaux et d’amortir l’achat de certains programmes puisqu’ils pourraient être regardés « à la carte ». Cependant France Télévisions aura besoin d’un soutien de sa tutelle pour développer des programmes inédits, négocier les droits de œuvres et prendre pied sur tous les supports.

Sur ces différents sujets, les surcoûts sont nombreux par rapport aux prévisions du COM et ont été évalués à 130 millions d’euros.

● Un environnement concurrentiel profondément transformé

Parallèlement à ces évolutions technologiques majeures et coûteuses, France Télévisions doit faire face à une concurrence exacerbée des chaînes gratuites de la TNT. Le déploiement de la TNT et de ses 18 chaînes gratuites affecte directement l’audience des chaînes hertziennes « historiques ».

Évolution de l’audience

 

TF1

France TV

France 2

France 3

France 5 6 h 45
– 19 h

Canal +

Arte

M6

Autres TV

Total

2005

32,5

37,5

19,8

14,6

3,1

6,8

3,6

1,8

12,7

11,9

14,1

2006

31,9

37,0

19,2

14,7

3,1

6,6

3,3

1,6

12,6

13,5

13,9

2007

31,1

35,4

18,2

14,2

3,0

6,5

3,4

1,7

11,6

16,8

14,2

Progression absolue PdA sur l’an passé

- 0,8

- 1,6

- 1,0

- 0,5

- 0,1

- 0,1

0,1

0,1

- 1,0

3,3

0,3

Progression relative PdA sur l’an passé

- 2,5 %

- 4,3 %

- 5,2 %

- 3,4 %

- 3,2 %

- 1,5 %

3,0 %

6,2 %

- 7,9 %

24,4 %

2,2 %

Source : Médiamétrie

Selon une enquête Médiamétrie de septembre 2007, la part d’audience de France 2 chez les 4 ans et plus passe de 16,9 % pour l’ensemble des Français, à 16,3 % pour les foyers équipés de la TNT. La part d’audience de France 3 passe de 13,3 % à 10,7 %. Celle de France 5 passe de 3,1 % à 3,4 %. Enfin, la part d’audience de M6 passe de 11,6 % à 10,2 %. Seul TF1 augmente son audience (de 31,8 % à 32,4 % sur la TNT). Certaines chaînes, comme Europe 2 TV ou W9 recueillent sur la TNT une part d’audience supérieure à Canal +, France 5 et Arte.

Cette concurrence pèse sur les ressources publicitaires. L’audience accrue des nouvelles chaînes gratuites de la TNT attire de façon croissante les annonceurs. Selon le rapport financier de France Télévisions, les chaînes publiques attiraient 26 % des dépenses publicitaires brutes en 1992, pour 21,8 % aujourd’hui, soit moins que M6 qui attire 22,7 % des dépenses publicitaires et TF1 qui attire aujourd’hui 53,6 % des dépenses publicitaires brutes. Les dix nouvelles chaînes représentent aujourd’hui 3 % des investissements publicitaires bruts annuels en télévision, mais ce chiffre devrait augmenter. A titre d’exemple, en septembre 2007, les annonceurs ont investi en seulement un mois 40,79 millions d’euros brut sur les nouvelles chaînes, soit une hausse de 111,1 % en un an selon l’institut d’étude Yacast.

En 2007, l’augmentation des recettes publicitaires de France Télévisions n’est que de 1,2 %, alors qu’elle est de 3,3 % pour TF1 (au premier semestre 2007). Dès lors, à réglementation constante, il est difficile de compter sur une augmentation substantielle des ressources publicitaires pour assurer le financement de la télévision publique.

Par ailleurs, pour faire face aux nouvelles chaînes et aux nouveaux opérateurs, France Télévisions doit faire face à une surenchère sur les achats de droits d’œuvres cinématographiques ou télévisuelles, et innover dans la production de programmes dont le coût est de plus en plus élevé. Le coût de grille est évalué à 1 927,7 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2008.

Évolution du coût de grille de France Télévisions

Données sociales

En M€

2003

2004

2005

2006

2007

Coût de grille

France 2

712,8

730,7

741,9

778

808,1

France 3

706,4

728,5

749,8

755

777,6

France 4

10,8

14,6

16

France 5

90,1

96,7

103,7

107,8

113,7

RFO

71,7

152,6

156,9

162,8

Source : ministère de la culture et de la communication

Ce phénomène devrait s’accentuer dans les prochaines années. L’augmentation constante du nombre de foyers équipés d’un adaptateur TNT et l’extinction définitive de l’analogique prévue pour le 30 novembre 2011 devraient à terme permettre aux nouvelles chaînes de la TNT d’augmenter considérablement leur audience. La baisse d’audience de France Télévisions, comme des autres chaînes historiques, sera alors difficile à contenir. Dans ce nouveau contexte, disposer non plus d’une ou deux chaînes sur la TNT mais d’un bouquet (avec France 4 et France Ô) peut permettre de maintenir l’audience et par conséquent les recettes publicitaires mais aussi d’amortir le coût des programmes. C’est d’ailleurs la stratégie développée par TF1 (propriétaire de TF6, TV Breizh, TMC…) et M6 (propriétaire d’une dizaine de chaînes, dont W9 une des chaînes recueillant le plus d’audience sur TNT).

2. La télévision publique est toujours soumise à de lourdes contraintes

Si le contexte change, les obligations de service public demeurent. Les programmes et les commandes des chaînes publiques sont encadrés par les dispositions des cahiers des missions et des charges de chaque chaîne. A cela s’ajoutent les obligations résultant des principaux décrets d’application des lois du 30 septembre 1986 et du 17 janvier 1989 relatives à la liberté de communication.

Conformément au décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 relatif à la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles à la télévision, chaque chaîne de France Télévisions doit consacrer 96 heures de son temps global de diffusion, ainsi que des heures de grande écoute à la diffusion d’œuvres européennes ou œuvres d’expression originale françaises inédites. Concernant l’obligation de production indépendante, conformément au décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001 relatif à la contribution des éditeurs de services de télévision au développement de la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles, France Télévisions doit investir 16 % de son chiffre d’affaires dans les œuvres cinématographiques (soit 407 millions d’euros en 2007), dont deux tiers dans des œuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française. Ces décrets ont certes permis de soutenir la création, mais cette accumulation de règles pèse fortement sur les chaînes qui y sont soumises, sans réelle contrepartie puisque leurs droits sur les œuvres ainsi financées sont très limités.

Enfin, suite au rapport Charpillon d’octobre 2002, mettant en évidence un réel déficit d’accessibilité des programmes pour les sourds et malentendants, France Télévisions s’est engagé dans une politique de sous titrage qui a porté ses fruits : en 2006, la moitié de ses programmes étaient sous-titrés. Sur le plan qualitatif, tous les types de programmes sont sous-titrés et à différentes heures de la journée. Il existe même des programmes accessibles en langue des signes.

En 2007, France Télévisions a sous-titré en tout 11 609 heures de programme, beaucoup plus que ses concurrents privés, pour lesquels les contraintes sont moins lourdes : ainsi, TF1 a sous-titré 3 838 heures en 2007. Mais cette politique a un coût : selon la Direction du développement des médias (DDM), les coûts liés au sous-titrage des programmes pour les sourds et malentendants passeront de 8 millions d’euros en 2006 à 11 millions en 2008.

Comme on le voit, les contraintes liées aux investissements dans les nouvelles technologies, à la programmation, aux obligations de sous-titrage pour les personnes sourdes et malentendantes alourdissent les charges qui pèsent sur France Télévisions. Si nous voulons dans les années à venir que la télévision publique continue de se démarquer de ses concurrents privés et offre des programmes de qualité au plus grand nombre, il est impératif de lui allouer des moyens suffisants et stables. Le choix du mode de financement est certes encore ouvert mais il est urgent qu’une décision soit prise.

B. FRANCE TÉLÉVISIONS DOIT BÉNÉFICIER DE MOYENS ACCRUS POUR RÉALISER SES MISSIONS

1. Une redevance française en berne par rapport à nos voisins européens

Tous les pays de l’Union européenne sont confrontés à des problèmes de financement dus aux bouleversements technologiques et à l’aggravation de la concurrence. Chacun tente d’adapter son système de financement à la hausse des coûts et aux exigences des téléspectateurs. La plupart des télévisions publiques européennes, à l’exception des chaînes publiques de la BBC, ont un financement mixte reposant sur les recettes de la redevance et de la publicité. Néanmoins deux catégories de pays se dégagent.

– Les pays à financement public majoritaire (redevance ou subvention de l’État) et dont la réglementation est stricte en matière de publicité. En Grande-Bretagne, 70 % des ressources de la BBC proviennent de la redevance audiovisuelle et la publicité est interdite sur la chaîne publique. Alors que le produit de la redevance affecté à France Télévisions était en 2007 de 1 879,5 millions d’euros, celui affecté à la BBC était de 4,6 milliards en 2006. L’ARD bénéficiait en 2001 d’une affectation de 4,5 milliards d’euros. Dans les pays scandinaves (Danemark, Norvège, Suède, Finlande) le montant des ressources publiques s’élève à 90 %. En Allemagne le produit de la redevance représente 90 % de la ressource financière de la ZDF et 82 % de l’ARD ; la publicité est limitée à 20 minutes par jour et elle est interdite après 20 heures, les dimanches et pendant les vacances scolaires.

Les pays où la part du financement privé est supérieure, tels l’Autriche, l’Irlande, l’Espagne et l’Italie. L’audiovisuel italien est très dépendant de la publicité (57,3 % du financement de la RAI) et le dispositif de limitation du volume publicitaire y est calqué sur la directive TVSF (15 % du temps d’antenne par jour et 20 % par heure d’horloge). En Espagne, la redevance n’existe pas et la télévision (RTVE) est majoritairement financée par la publicité ; RTVE et la plupart des chaînes « autonomiques » des régions souffraient en 2004 d'un déficit structurel : le groupe a enregistré un déficit net de 751,4 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 874,4 millions d’euros !

La comparaison internationale montre que la législation française en matière de publicité n’est pas la plus contraignante. Surtout, elle révèle que les pays qui ont choisi de restreindre le volume de la publicité sont aussi ceux dont le montant de la redevance ou des subventions budgétaires est le plus élevé. Le montant de la redevance française est au contraire un des plus bas d’Europe et un des seuls à ne pas être indexé sur l’inflation (cf. tableau ci-dessous). Il s’agit donc d’un véritable choix que l’État devra assumer pour la télévision publique.

Montant de la redevance audiovisuelle des principaux pays européens en 2006

(en euros)

 

Montant de la redevance audiovisuelle en euros (2006)

Islande

363,60

Autriche

324,85

Suisse

290,00

Norvège

246,00

Suède

210,00

Allemagne

204,36

Finlande

200,70

Royaume-Uni

195,60

Belgique (Wallons)

149,60

Irlande

155,00

Slovénie

132,00

France

116,00

Italie

99,60

Source : observatoire européen de l’audiovisuel

2. La répartition actuelle des recettes et ses perspectives d'évolution

France Télévisions est financé à près de 70 % par le produit de la redevance et 30 % par les ressources publicitaires. Le montant des recettes de diversification demeure aujourd’hui marginal (5,8 millions d’euros en 2007). Bien que le montant de la redevance n’ait pas augmenté depuis 2002 (il a même été abaissé de 50 centimes en 2004) et s’élève toujours à 116 euros, le produit de la redevance affecté à France Télévisions est passé de 1 669 millions d’euros en 2002 à 1 879 millions d’euros en 2007. Selon la Direction du développement des médias (DDM), cette hausse est due à l’amélioration du rendement de la redevance. Certes l’adossement de la perception de la redevance à la taxe d’habitation depuis 2004 a permis d’en améliorer le rendement. Mais ces économies ne sont pas infinies et auront bientôt atteint leurs limites.

Comme souligné précédemment, les perspectives d’évolution des recettes publicitaires sont quant à elles minces. La part des ressources publicitaires de France Télévisions devrait stagner dans les années à venir du fait d’une part de la baisse des investissements bruts en télévision, notamment au profit Internet, d’autre part de la baisse d’audience. Ainsi, en 2007, les recettes publicitaires de France Télévisions n’ont augmenté que de 1,2 %, malgré l’ouverture de la publicité aux secteurs interdits.

D’ailleurs, paradoxalement, la fragmentation du public et la rareté corrélative des offres massives d’audience semblent profiter au leader actuel des investissements publicitaires, TF1. En 2006, selon TNS Media Intelligence, la chaîne privée, avec 33 % de part d’audience, captait 54 % des recettes publicitaires, contre 20,1 % pour France Télévisions. TF1 a également été le principal bénéficiaire de l’ouverture à la publicité au secteur de la grande distribution. Selon TNS Media Intelligence, sur 136 millions d’euros bruts investis au cours du premier semestre 2007, 79,1 millions (58,1 %) l’ont été sur TF1, 15,4 millions d’euros sur France Télévisions, 39,8 millions d’euros sur M6 et 29,7 millions d’euros sur les autres télévisions.

Évolution des parts de marché de France 2, France 3 et France 5

 

TF1

F2

F3

F5

FTV

Canal+

M6

2005

54,4 %

12,1 %

7,2 %

1,1 %

20,3 %

2,2 %

23,2 %

2006
Évolution 2005-2006 (en points)

54,8 %
0,4

11,8 %
-0,3

7,3 %
0,1

1,0 %
-0,1 %

20,1 %
-0,2

2,0 %
-0,2

23,1 %
-0,1

1er semestre 2006

54,2 %

11,9 %

7,2 %

1,0 %

20,1 %

2,0 %

23,7 %

1er semestre 2007
Évolution 2006-2007 (en points)

54,8 %
0,6

10,6 %
-1,3

6,7 %
-0,5

1,0 %

18,3 %
-1,7

2,1 %
0,1

24,8 %
1,1

Source : TNS Media Intelligence – chaînes nationales

3. Les divers scénarios envisageables pour dégager de nouvelles ressources pour le service public

● Revoir les règles applicables à la publicité télévisée ?

Selon les récentes déclarations de Mme  Christine Albanel, la ministre de la culture et de la communication, la transposition de la nouvelle directive « Services de médias audiovisuels sans frontières » serait l’occasion de remettre à plat un certain nombre de dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent à l’audiovisuel, notamment en ce qui concerne les règles publicitaires. L’Etat français aura en effet jusqu’à fin 2009 pour la transposer. Le rapporteur pour avis estime que cette révision ne doit pas déstabiliser un marché déjà fragile et prône donc une certaine prudence.

– La réglementation actuellement applicable au regard des nouvelles règles européennes

La réglementation actuelle, issue du décret n° 92-280 du 27 mars 1992, limite le volume horaire publicitaire à 12 minutes pour les chaînes commerciales et, depuis 2001, à 8 minutes pour les chaînes de service public. Elle se base sur la notion d’heure glissante, c’est à dire « pendant toute une période d’une heure calculées à partir d’un moment quelconque » (1) par opposition à l’heure d’horloge. Contrairement aux chaînes privées qui peuvent couper leurs programmes, pour les chaînes du groupe France Télévisions les messages publicitaires doivent être insérés entre les émissions. Cependant, après autorisation du CSA, peuvent faire l’objet d’interruptions les retransmissions sportives comportant des intervalles et les émissions autres que les œuvres audiovisuelles lorsqu’elles sont diffusées avant vingt heures et qu’elles sont composées de parties autonomes identifiées.

Les dispositions appliquées par nos voisins européens en matière de publicité sont beaucoup plus proches de la directive n° 89/552/CEE dite directive « Télévisions sans frontière » (TVSF) du 3 octobre 1989 et donc, effectivement, beaucoup plus souples que la réglementation française.

Comparatif des règles proposées et des législations européennes en vigueur

 

Allemagne

Espagne

France

Italie

Royaume-Uni

Limitation quotidienne à la diffusion de publicité

15 % du temps d’antenne

15 % du temps d’antenne

10 % du temps d’antenne des chaînes hertziennes

15 % sur les autres chaînes

15 % du temps d’antenne des chaînes commerciales

4 % du temps d’antenne des chaînes publiques

20 % du temps d’antenne sur les chaînes locales

11,6 % du temps d’antenne des chaînes commerciales analogiques (ITV, Channel 4 and Channel 5)

15 % du temps d’antenne sur les autres chaînes

Pas de publicité sur la BBC

Limitation horaire à la diffusion de publicité

Publicité + téléachat : 20 % par heure d’horloge

Publicité + téléachat : 20 % par heure d’horloge

20 % par heure glissante

13,33 % par heure glissante sur le service public

18 % par heure d’horloge sur les chaînes commerciales

12 % par heure d’horloge sur les chaînes publiques

20 % par heure sur les chaînes locales

Publicité + téléachat : 20 % par heure d’horloge

Règle sur les coupures publicitaires dans les programmes pour enfants et les émissions d’information

Pas de coupure si le programme dure moins de 30 minutes ; puis au moins 20 minutes entre deux coupures s’il est plus long

Interdit pour les programmes pour enfants

Pas de coupure si le programme dure moins de 30 minutes ; puis au moins 20 minutes entre deux coupures s’il est plus long

Une coupure par tranche de 30 minutes sur les chaînes commerciales

Pas de coupure si le programme dure moins de 30 minutes ; puis au moins 20 minutes entre deux coupures

Coupure s’il est plus long

Pas de coupure si le programme dure moins de 30 minutes ; puis au moins 20 minutes entre deux coupures

Coupure s’il est plus long

Source Etude NPA Conseil : Directive TVSF, éléments clefs de la révision

La nouvelle directive ne prévoit aucune limitation quotidienne du volume de publicité. La limitation horaire est fixée à 20 % par heure d’horloge. Concernant les règles d’insertion de publicité, il revient aux Etats de veiller à ce que l’insertion de publicité ne porte pas atteinte à l’intégrité des œuvres et aux droits des ayants droits. La nouvelle directive supprime par ailleurs deux dispositions : la règle des 20 minutes entre deux coupures et celle de la diffusion de la publicité entre les parties autonomes ou au cours des interruptions dans les émissions qui en comportent (dont le sport).

Évolution des limitations européennes en matière de publicité

 

Règles en vigueur

Projet initial de directive de la Commission

Compromis conclu entre la Commission culture et la Présidence allemande

Limitation quotidienne à la diffusion de publicité

Publicité + téléachat : 20 %

Publicité seule : 15 %

Disposition supprimée

Disposition supprimée

Limitation horaire à la diffusion de publicité

Publicité + téléachat : 20 %

Publicité + téléachat : 20 %

Publicité + téléachat : 20 %

Règle générale sur les coupures publicitaires

La publicité est insérée de façon à ne porter atteinte ni à l’intégrité ni à la valeur des émissions, et de manière à ce qu’il ne soit pas porté préjudice aux droits des ayants droits.

Au moins 20 minutes entre deux coupures

Diffusion de la publicité entre les parties autonomes ou au cours des interruptions dans les émissions qui en comportent (dont le sport)

Il revient aux Etats de veiller à ce que l’insertion de publicité ne porte pas atteinte à l’intégrité des œuvres et aux droits des ayants droits.

Disposition supprimée

Disposition supprimée

Il revient aux Etats de veiller à ce que l’insertion de publicité ne porte pas atteinte à l’intégrité des programmes, en tenant compte des interruptions naturelles, de la durée ainsi que de la nature du programme, et aux droits des ayants droit

Disposition supprimée

Règle sur les coupures publicitaires dans les films et téléfilms (hors séries et feuilletons, émissions de divertissement et documentaires)

Une coupure par 45 minutes pendant les 90 premières minutes ; une 3è coupure si le programme dure plus de 110 minutes

Une coupure par tranche de 35 minutes pour tous les programmes

A l’exception des programmes enfants, une coupure par tranche de 30 minutes

Pour les seuls programmes enfants maintien de la règle existante : pas de coupure si le programme dure moins de 30 minutes ; puis au moins 30 minutes entre deux coupures

Coupure s’il est plus long

Règle sur les coupures publicitaires dans les programmes pour enfants et les émissions d’information

Pas de coupure si le programme dure moins de 30 minutes ; puis au moins 20 minutes entre deux coupures

Coupure s’il est plus long

Coupures publicitaires émissions religieuses

Interdit

Interdit

Interdit

Source : NPA Conseil

La directive prévoit une possibilité de coupure publicitaire toutes les 35 minutes dans les films et téléfilms (hors séries et feuilletons, émissions de divertissement et documentaires). Seuls les programmes pour enfant de moins de 30 minutes et les émissions religieuses sont interdits de publicité.

La nouvelle directive introduit enfin des dispositions concernant le placement de produit dans les services de médias audiovisuels, qu’ils soient linéaires ou non. Cette nouvelle forme de publicité aujourd’hui interdite en France pourrait être une réponse à la baisse des recettes publicitaires traditionnelles. Il s’agira de déterminer lors de la transposition de la directive les types de programmes dans lesquels il sera autorisé et les modalités d’encadrement du placement de produit.

Il convient de préciser que ces règles ont été conçues comme minimales, tout Etat étant en mesure d’appliquer une réglementation plus restrictive. Quelles sont les évolutions possibles ?

Passer des heures glissantes aux heures d’horloge. C’est une solution qui peut sembler attractive en théorie, mais, étant donné l’instabilité du marché publicitaire et les risques de pression à la baisse des prix, elle pourrait se révéler complexe à mettre en pratique.

Par ailleurs, France Télévisions estime que cela risque de fragiliser sa position vis à vis des chaînes privées. En effet, avec 12 minutes de publicité autorisées par heure, les espaces disponibles sont plus nombreux sur les chaînes privées. Par ailleurs, la possibilité d’insérer des coupures publicitaires au sein des programmes, interdite pour France Télévisions, et les formats de moins d’une heure majoritairement utilisés sur ces chaînes permettraient, selon France Télévisions, aux chaînes commerciales de tirer tout le parti du passage à l’heure d’horloge. En revanche, les chaînes publiques auraient des difficultés à créer des offres supplémentaires au sein du créneau déjà saturé (entre 19 h 00 et 23 h 00) où sont réalisés 65 % des recettes publicitaires.

Compte tenu des enjeux, le rapporteur pour avis estime pour sa part qu’aucune étude exhaustive et fiable n’a encore été réalisée sur les conséquences de ce passage à l’heure d’horloge. Avant de prendre une quelconque décision, les pouvoirs publics doivent réaliser cette étude afin que la représentation nationale dispose d’évaluations et de chiffres fiables et non contestables. En effet, les estimations actuelles sur les conséquences financières du passage à l’heure d’horloge, fournies au rapporteur pour avis à l’occasion des auditions des principales chaînes hertziennes, sont extrêmement variables. Selon les simulations de France Télévisions, l’augmentation des recettes publicitaires se chiffrerait à 8-10 millions d’euros nets supplémentaires pour France Télévisions, 135 millions bruts pour TF1 et 85 millions bruts pour M6. Selon TF1, le passage à l’heure d’horloge permettrait d’accroître de 50 millions d’euros nets les recettes publicitaires du groupe.

Augmenter la publicité dans les émissions de flux. C’est une possibilité à considérer avec prudence. Évoquée par le Président de la République et reprise par France Télévisions, elle concernerait essentiellement les jeux et divertissements, qui plus est avec une limitation à une seule coupure publicitaire par émission. Selon France Télévisions, le chiffre d’affaires supplémentaire qui serait généré par cette coupure est estimé entre 15 et 16 millions d’euros. La chaîne qui bénéficierait le plus des recettes additionnelles est France 2. Cependant, le rapporteur pour avis ne dispose à ce jour d’aucune évaluation objective de l’augmentation des recettes attendues, les seuls chiffres fournis par France Télévisions ne pouvant servir de base à la réflexion, d’autant plus que l’évaluation réalisée par M6 et transmise au rapporteur pour avis lors de l’audition de M. Nicolas de Tavernost, ne donne pas du tout les mêmes résultats… Selon M6, utilisée pleinement, sur la base des grilles actuelles, cette coupure additionnelle dans les émissions de flux permettrait d’augmenter le chiffre d’affaires publicitaire de 10,2 % sur France 2 et de 8,3 % sur France 3, ce qui représente 99 millions d’euros brut de recettes publicitaires, ou 65,3 millions d’euros net.

De plus, comme la précédente, cette solution doit être considérée avec prudence compte tenu de la fragilité actuelle du marché publicitaire et plus spécifiquement de la situation de la presse dont les recettes publicitaires sont en baisse depuis des années. Ainsi au premier semestre 2007, la presse quotidienne nationale a vu ses recettes publicitaires décroître de 2,9 % par rapport au premier semestre 2006, celles de la presse magazine ont baissé de à 0,8 %, alors que la presse gratuite tire les chiffres vers le haut. L’ouverture de la distribution à la publicité au premier janvier 2007 a provoqué un transfert d’une partie des investissements vers la télévision (- 9,3 % au premier semestre 2007).

Enfin, alors que le service public doit continuer à marquer sa différence, le rapporteur pour avis estime que l’augmentation du volume publicitaire conduirait sans aucun doute à brouiller l’image de la télévision publique vis-à-vis de ses concurrents privés.

● Réaliser des économies par le biais de synergies croissantes : un passage obligé

Dans sa lettre de mission à la ministre de la culture et de la communication, le Président de la République mentionne « un certain nombre de synergies importantes, qui n'ont été que trop longtemps différées (et) doivent être mises en œuvre ». Des efforts ont déjà été accomplis par France Télévisions dans ce sens qui doivent être poursuivis, pour cela, le groupe doit être accompagné et soutenu par la tutelle.

Le modèle anglais

La BBC obéit à un modèle institutionnel dont pourrait utilement s’inspirer la France, modèle où les engagements pris entre l’État et la télévision publique font l’objet d’un véritable débat démocratique pluriannuel et d’un contrôle scrupuleux. En effet, une Charte royale, élaborée par le gouvernement mais qui fait l’objet d’une consultation publique et d’un débat au Parlement est signée tous les dix ans et définit l’orientation stratégique donnée à la chaîne publique. Les objectifs de la Charte, traduits en objectifs quantifiés, sont contrôlés par un bureau des gouverneurs et par un conseil de surveillance. Par ailleurs, tous les sept ans, un accord est conclu entre le gouvernement et la BBC afin de définir les moyens financiers de la chaîne, accord qui a jusqu’ici toujours été respecté par le gouvernement. Le Parlement est associé à la définition de cet accord par des auditions en commissions. Si les contrats d’objectifs et de moyens signés entre les acteurs de l’audiovisuel public et l’Etat s’inspirent très largement de ce modèle, l’Etat n’a pas toujours, par le passé, été très respectueux de la parole, notamment budgétaire, donnée et apprécie encore trop souvent la notion de « contrat » comme imposant des contraintes et des objectifs précis à ses partenaires plus qu’à lui-même…

Source : Observatoire européen de l’audiovisuel, rapport de 2007 « La culture des services publics de radiodiffusion ».

Créée en 2000, la holding France Télévisions contrôle un groupe composé des sociétés nationales de programmes et de leurs filiales, avec pour mission d’en assurer le pilotage stratégique et d’en superviser la gestion. Les chaînes sont toutefois dotées de conseils d’administration autonomes, disposant de services propres et de prérogatives en matière de programmation. Ce choix diffère sensiblement du modèle britannique où les filiales ont des identités distinctes, mais où la structure « mère » centralise les services administratifs (services financiers, direction des ressources humaines, etc.) et fixe la ligne éditoriale des chaînes et leur complémentarité. Le modèle de France Télévisions respecte l’autonomie des chaînes mais il a un prix : celui de la superposition des services. Par ailleurs, il doit s’accompagner d’une attention vigilante sur la complémentarité réelle des programmes.

D’un point de vue financier, depuis la création de la holding, France Télévisions mène une politique de maîtrise des dépenses, notamment au travers du plan Synergia. Présenté au conseil d’administration de France Télévisions du 11 avril 2002, il prévoyait un plan d’économies et de synergies de 170 millions d’euros cumulés sur la période 2001-2005. Le plan a finalement dégagé sur cette même période 205 millions d’euros d’économies nettes, ce qui constitue une avancée non négligeable par rapport aux objectifs fixés.

D’un point de vue structurel, dans le cadre de ce plan, un pôle immobilier unique ainsi qu’un service de coordination des achats ont été créés. Des synergies entre les rédactions ont été menées. À l’occasion des quatre soirées électorales, la mise en commun entre France 2 et France 3 des moyens de production, de transmission, de consommation et de réalisation ont permis de réaliser des économies de l’ordre de 30 % par rapport aux mêmes évènements en 2002.

Le COM prévoit la poursuite de ces efforts de maîtrise des dépenses et de rationalisation des structures, notamment par la mise en place d’une filière « technologies » commune pour les fonctions techniques et informatiques du groupe. Les synergies entre les rédactions passeront par la mutualisation des moyens techniques et « fonctions supports » (personnel, immobilier entre les rédactions de France 2, France 3 et RFO). Par ailleurs, un plan de modernisation de la filière de production a été lancé en 2007 : 7 millions d’euros d’économies sont attendues sur deux ans.

Le COM prévoit également une maîtrise des effectifs et de la masse salariale avec la mise au point d’un tableau de bord social au sein du groupe. Les charges de personnel devraient ainsi passer de 36 % des charges opérationnelles en 2005 à 34,6 % en 2010.

Sur le modèle de la BBC, véritable groupe organisé non en filiales mais en filières et capable de diffuser, de produire et de vendre des programmes à l’étranger, il conviendra sans doute de réfléchir à une possible fusion de France Télévisions SA et des chaînes France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO. Cette réforme, qui implique une modification du statut juridique des chaînes, permettrait une fusion plus poussée des services administratifs (informatique, ressources humaines, services financiers). Une telle harmonisation serait l’occasion non seulement de faire des économies de structure substantielles et de renforcer l’unité et la cohérence du groupe.

Enfin, la gestion des ressources humaines du groupe en serait optimisée et la mobilité entre chaînes facilitée. En effet, il existe actuellement une grande disparité entre les filiales en matière de gestion des ressources humaines. La création d’un véritable groupe France Télévisions supposerait la révision des conventions collectives, dans un sens sans doute plus favorable à la plupart des salariés, les grilles de salaires étant très disparates d’une entité à l’autre. Cela entraînerait certes des coûts supplémentaires en année n, mais des économies à long terme du fait de la rationalisation de la gestion du personnel et de la mise en commun des services administratifs.

● Augmenter les recettes de diversification et rentabiliser les programmes produits : le « Grenelle de l’audiovisuel » au service de l’audiovisuel public

Le régime de contribution des chaînes de télévision à la production audiovisuelle est fixé aux articles 27, 33 et 71 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication et ses décrets d’application, notamment le décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001 relatif à la contribution des éditeurs de services de télévision diffusés en clair par voie hertzienne terrestre en mode analogique au développement de la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles.

Une remise à plat de ces règles a été évoquée par la ministre de la culture. Une mission confiée à M. David Kessler, directeur de France Culture, et M. Dominique Richard, ancien député, devrait rendre ses conclusions le 15 décembre prochain. L’hypothèse d’une diminution du quota d’investissement dans les œuvres indépendantes ou d’un intéressement des chaînes aux œuvres qu’elles ont financées serait à l’étude. Il s’agit en effet d’un effort considérable : en 2007, l’apport des diffuseurs français à la production de fiction s’élève à 770 millions d’euros.

Cette réglementation extrêmement complexe a certes permis à la création française de se développer et, très souvent, de se distinguer par la qualité de ses œuvres, mais elle semble obsolète dans un environnement télévisuel qui a beaucoup évolué. Elle ne permet par exemple pas aux chaînes participant à la production des œuvres d’en tirer des contreparties financières intéressantes, si ce n’est en termes d’audience. Ces dispositions limitent en effet les productions internes aux groupes et les privent par ailleurs de recettes de diversification.

La télévision de service public a vocation à financer la création. Il n’est donc pas question de remettre en cause le principe de sa participation au financement de la production des œuvres. Le rapporteur pour avis estime cependant que le système doit mieux prendre en compte l’apport économique des diffuseurs aux œuvres qu’ils produisent. Il conviendrait de permettre à France Télévisions de diffuser les programmes qu’elle achète sur plusieurs de ses chaînes, afin de mieux les rentabiliser, et d’accorder aux chaînes le droit de devenir « copropriétaire » des œuvres qu’elles produisent. Cela permettrait de développer les recettes de diversification. France Télévisions pourrait comme la BBC (1,5 milliard en 2006) tirer des ressources supplémentaires de l’exportation de productions internes et de produits dérivés. Le chiffre d’affaires de France Télévisions Distribution et sa contribution au résultat du groupe est encore limité à 52,1 millions d’euros faute de droits disponibles. Un assouplissement du régime de contribution des chaînes de télévision à la production audiovisuelle permettrait donc à France Télévisions Distribution d’aller au-delà même de l’objectif de 77 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010 fixé par le COM.

● Augmenter les recettes perçues au titre de la redevance : pour une télévision publique qui « affirme son identité de service public »

Dans un rapport d’information (n° 2917) sur les missions du service public de l'audiovisuel et l'offre de programmes en 2006, présenté par M. Dominique Richard au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, relevait qu’une « offre de programmes de qualité ne peut être proposée que si les moyens financiers sont à la hauteur des ambitions ». Il ajoutait : « le produit affecté à France Télévisions apparaît nettement insuffisant pour permettre au service public d'assurer de manière pleinement satisfaisante les missions demandées par le Parlement et le Gouvernement » Le rapporteur pour avis partage entièrement cette analyse. Les ressources publiques doivent permettre à France Télévisions de couvrir des coûts de grille en augmentation constante du fait des exigences de contenu et de suivre les évolutions technologiques en cours.

– L’augmentation du tarif de la redevance et son indexation sur l’inflation

Le tarif de la redevance française, à 116 euros, n’a pas évolué depuis 2004, année où il a même diminué de 50 centimes suite à la réforme de la collecte. Comme souligné précédemment, le montant de la redevance française est un des plus bas d’Europe. L’absence actuelle d’augmentation du tarif de la redevance est d’ailleurs en contradiction avec l’augmentation constante des moyens de l’audiovisuel public prévue annuellement par les différents contrats d’objectifs et de moyens.

On ne peut raisonnablement compter sur la hausse du rendement de la redevance pour permettre à la télévision publique de faire face aux défis qui s’annoncent dans les prochaines années. Dès 2005, malgré le rendement accru des encaissements de redevance permis par la réforme et la baisse des frais de gestion, les recouvrements nets ont été inférieurs de 9,17 millions d'euros aux montants prévus par la loi de finances initiale pour 2005 et de 29,59 millions d'euros à ceux prévus par la loi de finances rectificative 2005.

Par ailleurs, le poids de la redevance audiovisuelle sur le budget des Français est faible comparé aux autres pays européens : 34,4 euros de recette moyenne annuelle par habitant, contre 78,7 euros au Danemark, 73,6 euros en Allemagne et 60,7 euros en Grande-Bretagne. Une augmentation de deux euros de la redevance ne grèverait donc pas considérablement le budget des ménages.

Enfin, alors même que de nombreux impôts (tels que l’impôt sur le revenu et l’impôt de solidarité sur la fortune) sont indexés sur l’inflation, il est injustifié que la redevance ne le soit pas. Si la redevance avait été indexée sur l’inflation depuis 2002, elle s’élèverait aujourd’hui à 128,13 euros, soit une hausse de 12 €.

Indexation rétroactive du montant de la redevance sur l'inflation à partir de 2002

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Montant de la redevance

116,5

118,47

120,55

122,41

124,37

126,24

128,13

Inflation n / n-1
(estimation à partir de 2007)

 

1,7 %

1,8 %

1,5 %

1,6 %

1,5 %

1,5 %

Nota : évolution 2008/2002= 10,0 %

Le rapporteur pour avis estime qu’une hausse de 2 € de la redevance, couplée à son indexation sur l’inflation permettra une augmentation globale des moyens de l’audiovisuel public sans alourdir considérablement le budget des français et donc une renégociation des COM avec des moyens accrus pour chacun des acteurs de l’audiovisuel public, dont France Télévisions.

– La compensation intégrale et transparente des dégrèvements et exonérations

Rien ne saurait justifier aujourd’hui que les exonérations de redevance pour motifs sociaux aient vocation à être financées par le budget de l’audiovisuel public. Pourtant, le principe d’un plafonnement des remboursements de dégrèvements de redevance, introduit pour l’année 2006 par l’article 46 de la loi de finances pour 2006, a été reconduit en 2007, puis en 2008 par l’article 21 du présent projet de loi.

Or ce plafond déroge manifestement au principe de remboursement intégral des exonérations posé par l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi de 1986, en disposant que « les exonérations de redevance audiovisuelle décidées pour des motifs sociaux donnent lieu à remboursement intégral du budget général de l’État ».

Il semble donc quelque peu anachronique de financer à moindre coût, sur le budget de l’audiovisuel public, des politiques sociales. Afin de sécuriser les ressources de l’audiovisuel public, il est donc indispensable de supprimer ce plafond qui n’est conforme ni à la loi régissant l’audiovisuel public, ni à l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances.

– La taxation des nouveaux supports

Le visionnage de la télévision sur ordinateur se développe de plus en plus. Or, par une interprétation démesurément restrictive de la loi, le paiement de la redevance ne tient pas compte de ce nouveau support. Pourtant, selon l’article 1605 du code général des impôts, « la redevance audiovisuelle est due par toutes les personnes physiques imposables à la taxe d'habitation (…) à la condition de détenir (…) un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l'usage privatif du foyer. » Or, une instruction fiscale de la Direction générale de la comptabilité publique (juillet 2005) précise que « les ordinateurs équipés pour la réception des chaînes de télévision ne sont pas taxés ». Pourtant, ils constituent bien un « dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l'usage privatif. » En Allemagne, les possesseurs d’un ordinateur muni d'une carte-télévision, d'un assistant personnel ou d'un téléphone recevant des programmes télévisuels doivent acquitter une taxe destinée à financer l'audiovisuel public. S'ils n'ont pas de téléviseur classique, cette taxe est de 5,52 euros (tarif identique à la taxe sur une radio) au lieu de 17,03 euros par mois.

Dans un souci de neutralité technologique mais aussi d’efficacité financière, le rapporteur pour avis estime qu’il faut envisager l’élargissement de l’assiette fiscale à tous les supports de visionnage des programmes télévisés, y compris les ordinateurs. Il conviendrait que le gouvernement engage une étude sur le nombre de foyers éventuellement concernés.

En conclusion, le rapporteur pour avis souhaite insister sur le contexte dans lequel le débat sur le financement de l'audiovisuel public s'est instauré et se poursuit. Il s'agit d'une véritable révolution. Révolution des pratiques, révolution des modes de diffusion, révolution des techniques et bouleversement de l'audience.

Les solutions financières définies par ce budget pour 2008 ne font qu'annoncer d'autres mesures à la hauteur des enjeux nouveaux. En effet, les règles qui s'appliquent aujourd'hui à l'audiovisuel ont été élaborées dans un contexte qui a peu à voir avec le contexte actuel. Demain la loi devra prendre en compte ces mutations continuelles, pour libérer d'un côté et contraindre de l'autre. L'exercice 2008 laisse présager des évolutions originales pour un paysage audiovisuel français et européen bien plus bouleversé que ces dernières années n'auraient pu le laisser appréhender.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2007 de la mission « Médias », au cours de la séance du mercredi 24 octobre 2007 à 9 h 00.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Je suis heureux de vous accueillir, avec MM. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, et François Rochebloine, qui supplée M. Axel Poniatowski, actuellement en déplacement à New York avec une délégation de la commission des affaires étrangères pour l’Assemblée générale des Nations unies.

Nous sommes réunis en formation de commission élargie afin de débattre des crédits consacrés à la mission « médias » dans le projet de loi de finances pour 2008. Vous le savez, la procédure de la commission élargie sera étendue à toutes les discussions budgétaires à partir de l’année prochaine. Il s’agit de privilégier les échanges entre le ministre, les rapporteurs et les députés ; à nous de les rendre interactifs et vivants.

Les présidents de commission diront un petit mot s’ils le souhaitent, après quoi je donnerai la parole aux rapporteurs – qui auront par ailleurs le loisir d’intervenir quand ils le voudront dans le débat – puis à Mme la ministre et enfin aux députés présents, qui pourront poser leurs questions.

M. Michel Françaix – Nous ne nous contenterons pas de poser des questions, monsieur le président !

M. François Rochebloine, vice-président de la commission des affaires étrangères  La commission des affaires étrangères, comme l’an passé, s’est saisie pour avis de deux programmes de la mission « médias » : le 115 « audiovisuel extérieur » et le 116 « chaîne française d’information internationale ».

La commission des affaires étrangères s’intéresse en effet de près à l’audiovisuel extérieur. J’avais moi-même présidé une mission commune avec la commission des affaires culturelles à propos de la création de la fameuse chaîne d’information continue à vocation internationale, la CII. Et puis, en décembre dernier, le président Balladur m’avait confié une mission sur l’organisation et le financement de l’audiovisuel extérieur ; le rapport, rendu en janvier dernier, a été adopté à l’unanimité.

Le Président de la République a nommé un nouveau conseiller chargé de ces questions, M. Georges-Marc Benamou, et des proposition devraient très prochainement être formulées.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances  La collecte de la redevance a été transformée, ces dernières années, dans le souci d’économiser les derniers publics et d’assurer un financement convenable du service public de l’audiovisuel. Bercy estime que la redevance collectée couvre le total des besoins, définis notamment dans les nouveaux contrats d’objectifs et de moyens. Celui de France Télévisions prévoit une augmentation de la dotation de 3,5 % par an. Comment le financement nécessaire sera-t-il couvert après 2008 ?

J’ai déposé un amendement afin d’indexer la redevance, à partir de 2009, sur l’indice des prix. Le Gouvernement considère-t-il par ailleurs que seule la redevance et les ressources propres doivent financer le service public, à l’exclusion des crédits budgétaires ?

S’agissant de France Télévisions, les objectifs définis dans la lettre de mission du Président de la République sont-ils les mêmes que ceux du contrat d’objectif et de moyens – COM – signé en avril dernier ? De nouveaux financements ne seront-ils donc pas nécessaires ? Un éventuel surcoût peut-il être couvert par les économies de gestion fixées par le COM ? Le Gouvernement serait-il prêt, dans le cas contraire, à élaborer un avenant au contrat ?

Le modèle du groupe multimédias s’imposant de plus en plus, la France a-t-elle intérêt à soutenir les efforts des groupes privés pour se transformer en groupes multimédias ? Doit-elle conserver ses entreprises publiques spécialisées en radio ou en télévision ? Doit-elle construire un groupe public multimédias capable d’être présent sur tous les supports ? Ne craignez-vous pas que l’audiovisuel soit écrasé par les opérateurs de télécommunications s’il ne s’organise pas en groupes multimédias ? Soumettrez-vous ces opérateurs aux mêmes obligations que les opérateurs audiovisuels en matière de création et de diffusion ?

Les nouveaux venus dans le monde de la création – dont Internet – ne contribuent pas au développement de la création française. Comment faire pour qu’il en soit autrement ? Comment parvenir au principe de neutralité technologique pour les règles s’appliquant à une partie de l’image diffusée ?

Avec 300 millions consacrés à l’audiovisuel extérieur, la France a les moyens de reconstruire ce secteur. Quels sont précisément les objectifs géostratégiques et éditoriaux ? Le Gouvernement compte-t-il opter pour l’architecture d’un groupe multimédias ? Compte-t-il par ailleurs étendre à l’audiovisuel public les dispositions de la loi sur le service minimum ?

S’agissant de la presse écrite, elle rencontre de grandes difficultés, malgré les aides directes ou les dépenses fiscales importantes de l’État. Faut-il continuer à soutenir le support papier ou réorienter l’aide vers le soutien à l’élaboration de contenus éditoriaux indépendamment des multiples supports possibles ?

L’AFP a besoin de 20 millions sur cinq ans pour financer sa mutation technologique, numériser sa production et sa diffusion. Le Gouvernement compte-t-il inscrire cet investissement exceptionnel dans le futur COM?

M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles – Je remercie Mme la ministre de présenter un budget en hausse de 3,5%.

Le rétrécissement constant de la publicité au champ des sociétés publiques, mutualistes ou coopératives met en péril l’avenir des recettes publicitaires de Radio France, donc l’exécution du COM. Le Gouvernement envisage-t-il de modifier le champ des annonceurs autorisés ?

France Télévisions est dans un contexte très particulier d’ouverture à la concurrence aggravé par l’arrivée des chaînes de la TNT. Or, le COM signé en avril 2007 a fixé des objectifs ambitieux relatifs au passage au numérique ou au développement de la haute définition et de la télévision mobile personnelle. Le Gouvernement a-t-il des précisions à apporter sur d’éventuels surcoûts ?

Comment le Gouvernement envisage-t-il le développement de synergies au sein du groupe France Télévisions ? Une fusion des chaînes publiques est-elle envisagée ou la mutualisation de certains moyens ?

Vous avez confié à MM. David Kessler et Dominique Richard une mission sur la réforme du régime de contribution des chaînes de télévision à la production audiovisuelle. Quelles sont les hypothèses envisagées ? Une diminution du quota d’investissement dans les œuvres indépendantes ou un intéressement des chaînes aux œuvres qu’elles financent en font-elles partie ?

Vous avez évoqué une possible remise à plat des règles publicitaires applicables à l’audiovisuel. Quelles sont les solutions privilégiées ? Une coupure supplémentaire dans les émissions de flux ? Un passage de l’heure glissante à l’heure d‘horloge ? N’est-il pas un peu incohérent de financer un service public par la publicité alors que l’on attend qu’il affiche sa différence par rapport à des concurrents privés ?

Enfin, la ressource provenant de la redevance n’est guère dynamique : 116 euros depuis 2004 alors que la moyenne européenne excède 195. Comment assurer un niveau suffisant de ressources publiques dans ces conditions ? Peut-on continuer à financer l’audiovisuel public grâce à un système mixte, redevance-publicité, sachant que les audiences baissent inexorablement et que le volume de la publicité est limité ? Je présenterai un amendement tendant à redonner un peu de dynamisme à un débat qui jusqu’ici en a un peu manqué.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères – Moins d’un an après la création de France 24, le président de la République a ouvert le chantier d’une réforme générale de l’audiovisuel extérieur pilotée par l’Elysée. Les deux programmes qui concernent la commission sont en l’occurrence disparates sur le plan budgétaire : celui qui dépend des affaires étrangères est simplement reconduit quand celui dépendant du Premier Ministre – France 24 – progresse sérieusement. Quels sont vraiment les objectifs du Gouvernement ? En outre, la convention liant l’État à France 24 fait état d’un financement de 88,5 millions quand 70 millions seulement sont inscrits. Où trouver les 18,5 millions manquants ?

Comment l’État envisage-t-il d’évaluer la réussite – ou non - de France 24 ? On dénombre aujourd’hui deux actionnaires : France Télévisions – mis sensiblement à contribution - et TF1 – actionnaire « dormant ». Cette structure demeure très troublante. Quelle est l’utilité de TF1 dans le capital de France 24 ?

Plus globalement, quelle est votre conception de la réforme à venir ? Des mutualisations seraient en l’occurrence bienvenues : est-ce par exemple raisonnable que France 24 maintienne un correspondant à Berlin ? Ne pourrait-on s’inspirer de l’expérience de la BBC et de la « new factory », fabrique de l’information alimentant différents opérateurs ? Le format d’infos en continue de France 24 n’est-il pas déjà un peu dépassé? Comment penser la réorganisation de l’audiovisuel extérieur ? Le Parlement, enfin, sera-t-il toujours associé à ces réflexions ?

M. le Vice-Président de la commission des affaires étrangères – Pourquoi 70 millions seulement sont-ils en effet inscrits pour France 24 au lieu des 88,5 millions prévus dans la convention de partenariat ?

Un rapport commandé par la direction de RFI suggère une fusion par étapes et en deux ans avec France 24. Le Gouvernement privilégie-t-il ce scénario ?

Parmi les opérateurs de l’audiovisuel extérieur, il ne faut pas sous-estimer l’importance de Canal France International, structure adossée à France Télévisions. Or, ce rattachement datant de l’époque où CFI était un diffuseur - ce qui n’est plus le cas aujourd’hui -, un adossement de CFI à l’INA ne serait-il pas plus approprié ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication – M. Martin Lalande m’a interrogée sur le financement de France Télévisions. Pour cette année, il semble que l’on ait un peu oublié, à l’occasion du débat qui a eu lieu avant l’été, que l’on ne pouvait pas vraiment parler de grande misère dans la mesure où le contrat d’objectifs et de moyens avait prévu une augmentation considérable de 3,6 % des crédits. Il s’agit d’un bon contrat, qui fixe des obligations éditoriales ainsi qu’un objectif général d’accroître la dimension culturelle et l’identité des chaînes, si possible aux heures de grande écoute.

Mais le contrat demande aussi à France Télévisions de relever des défis technologiques, de prendre le virage vers la TNT et de s’organiser pour être en état de passer à la haute définition, la télévision mobile personnelle n’ayant pas été envisagée dans le contrat. Ce dernier incite également le groupe à procéder à des réformes structurelles.

Tout ceci sera-t-il suffisant ? Pour l’instant en tout cas, il n’y a pas motif à envisager des avenants. Comme l’ensemble des chaînes, celles de France Télévisions sont confrontées à la diminution de l’audience, avec un transfert, notamment de la publicité, vers Internet, qui pose à tout le monde des problèmes de financement. Aujourd’hui, il faut faire le point, voir exactement où en est le groupe. Cela n’avait pas été fait cet été, et je n’ai donc pas été favorable à la demande qui m’était faite d’agir très vite, en ajoutant par décret une coupure dans les émissions de flux. En outre, il se serait agi d’une mesure isolée, difficile à évaluer, qui ne paraissait pas à la hauteur des difficultés rencontrées et qui comportait un risque immédiat de déstabilisation de l’ensemble du secteur. Une décision trop rapide en faveur d’un ajustement de la redevance aurait présenté les mêmes défauts.

Ce sont donc plusieurs chantiers qui doivent être ouverts pour l’ensemble de l’audiovisuel public, afin de prendre les virages technologiques nécessaires, mais aussi de mener à bien une réforme des structures. Il faudra veiller également à ce que le secteur ait les moyens de remplir ses missions. Un seul chantier est pour l’instant engagé, celui de la relation entre producteurs et diffuseurs, autour des décrets Tasca. Il faut voir aussi comment assurer le financement, ce qui renvoie à un autre chantier, celui de la publicité, et qui pose la question de la redevance. Je sais qu’il existe de fortes réticences à l’idée d’une augmentation de cette dernière, (protestations sur les bancs du groupe SRC) mais M. Kert a rappelé que son montant était particulièrement faible. C’est évident si on le compare aux 204 euros de l’Angleterre et aux 200 euros de l’Allemagne, mais aussi aux dépenses moyennes des foyers pour la téléphonie mobile, qui atteignent 50 euros par mois.

De façon plus générale, il faudrait que des signaux soient donnés en faveur d’une réforme plus importante de l’audiovisuel public et de ses structures pour qu’un ajustement de la redevance puisse être envisagé en échange. D’ores et déjà, les fonctions juridiques ont été regroupées au sein de la holding, mais on pourrait aller beaucoup plus loin, en particulier pour les affaires financières, les ressources humaines, les systèmes informatiques et les achats. La mise en commun des moyens de production et des rédactions paraît également nécessaire mais elle suscite plus de réticences. Quoi qu’il en soit, il faut aller de l’avant pour que la holding joue pleinement son rôle et que de meilleurs équilibres soient trouvés entre les chaînes.

L’équilibre entre la publicité et la redevance, qui est une spécificité du système français, paraît satisfaisant. Certes, il y a Arte, et l’on peut discuter pour savoir s’il fallait une chaîne strictement culturelle. Au moment de sa création, certains, comme Bernard Pivot, considéraient que les grandes chaînes pourraient y voir un prétexte pour se dispenser de leurs obligations culturelles. Aujourd’hui, Arte marche bien et France Télévisions présente les caractéristiques d’un audiovisuel de qualité et s’adressant au plus grand nombre. Des réalisations comme Maupassant et Guerre et paix s’inscrivent pleinement dans cet objectif. La publicité, qui est aussi une mesure de l’audience, n’est pas une mauvaise chose en soi ; elle participe à l’équilibre de notre audiovisuel.

S’agissant du modèle multimédias, M. Martin–Lalande s’est demandé s’il fallait aujourd’hui disposer de grands groupes intervenant sur les différents supports. Pourquoi pas ? C’est un chantier qui va aussi être ouvert. Mais les questions relatives à la concentration sont extrêmement sensibles. Dans ma lettre de mission, il m’est demandé de proposer les réformes et les changements réglementaires nécessaires, à la fois pour un soutien à la création, pour l’évolution et l’adaptation aux nouveaux paysages audiovisuels, mais aussi pour faire émerger de grands groupes.

Nous disposons de groupes de télécommunications emblématiques de l’excellence française et dont la puissance de feu est considérable. On peut se demander si l’on n’a pas jusqu’ici terriblement entravé le développement de nos groupes. Aujourd’hui, la constitution de groupes plus puissants devra bien évidemment respecter le pluralisme : il ne faudrait pas créer un mastodonte qui écraserait tout sur son passage.

On pourrait en effet envisager de soumettre les opérateurs de télécommunications à certaines obligations. Cela n’aurait rien de choquant dès lors qu’ils entrent sur les marchés et qu’ils deviennent des diffuseurs et des opérateurs au même titre que les chaînes de télévision. C’est un domaine dans lequel les groupes de pression sont actifs et passionnés. Il faudrait parvenir à un équilibre permettant, sans porter atteinte aux intérêts des grands groupes de télécommunications, de favoriser les producteurs et les créateurs. Ces derniers sont aujourd’hui inquiets à l’idée d’une évolution des décrets Tasca qui prévoient que les deux tiers des commandes des chaînes vont aux producteurs indépendants.

En la matière, un chantier a été confié à M. David Kessler, Président de France Culture et à M. Dominique Richard, qui est un grand spécialiste de ces questions. Certes, il y a eu des mesures favorables à la production indépendante, mais les diffuseurs ne sont pas propriétaires de ce qu’ils commandent et ils sont parfois tentés de garder sous le coude les commandes en question. Or les œuvres circulent très peu et les deuxièmes diffusions sont rares. Il faut donc parvenir à faire respirer un système aujourd’hui figé.

S’agissant toujours de la création, M. Martin–Lalande a évoqué le piratage. La mission chargée de cette question a rendu des rapports d’étape intéressants et les positions semblent se rapprocher. Elle rendra ses conclusions fin novembre. Sans vouloir transformer les fournisseurs d’accès en policiers, il apparaît que des systèmes de filtrage permettent de savoir ce qui se passe. Il faudra voir ce qu’il est possible de faire notamment par la voie de la contractualisation afin de favoriser l’offre légale et de créer un cadre plus dissuasif pour les pirates.

Il a été beaucoup question de l’audiovisuel extérieur dans les interventions des rapporteurs. C’est un débat ancien : je me souviens de réunions à ce propos en 1996, alors que j’étais conseillère culturelle à l’Élysée. Depuis lors, le paysage ne s’est pas simplifié avec l’apparition de France 24. M. Bernard Kouchner et moi-même avons, dans nos lettres de mission, l’objectif de transformer l’audiovisuel extérieur et de donner plus de cohérence à un dispositif qui représente 300 millions d’euros et qui, semble-t-il, ne fonctionne pas très bien. Un groupe de travail sur cette question se réunit à l’Élysée, autour de M. Georges-Marc Bénamou. Il a déjà auditionné de nombreux parlementaires. Les ministères des Affaires étrangères et de la Culture participent activement à la réflexion.

On voit bien les points forts des uns et des autres. TV5 a un très bon réseau de diffusion et de distribution et l’image d’une chaîne francophone. Cela signifie qu’il ne faut pas faire d’annonce imprudente de nature à inquiéter nos partenaires, même s’ils participent peu et si l’on peut donc considérer qu’ils doivent accepter les évolutions voulues par l’actionnaire principal. M. Mathus a observé justement que l’on ne savait pas exactement ce qui se passait du côté de France 24. N’oublions pas toutefois qu’il s’agit d’une chaîne très jeune.

Dotée de structures souples, elle fonctionne dans un certain enthousiasme. Bien sûr, il y a beaucoup d’émissions de plateau, parce qu’elles sont moins coûteuses. Le principal problème reste la notoriété de la chaîne. Il serait assez logique de la rapprocher de TV5. S’agissant de l’actionnariat, on peut se demander si TF1 a vocation à y rester, et si France Télévisions ne devrait pas y jouer un rôle plus actif. Une hypothèse envisagée est la constitution d’une holding animée par une personnalité capable de faire évoluer les choses. Mais rien n’est encore décidé. M. François Rochebloine a évoqué la possibilité d’une fusion entre France 24 et RFI. L’ idée est séduisante, mais pose un certain nombre de problèmes : RFI n’a pas vraiment de statut de droit commun et n’avait même pas de contrat d’objectifs et de moyens. C’est une très bonne chose qu’un tel contrat soit actuellement en discussion. RFI joue évidemment un rôle très utile pour la francophonie, notamment en Afrique. En revanche, on peut s’interroger sur sa présence partout en Europe et sur le nombre de langues de diffusion. A titre d’exemple, l’utilité d’une rédaction en serbo-croate est-elle vraiment évidente ? Le contrat d’objectifs et de moyens permettra d’y voir plus clair et, dans une étape ultérieure, de faire entrer RFI dans le projet.

CFI est une petite structure ; la question de son adossement à l’INA mérite d’être posée. A titre personnel, cela me semble logique, puisque les missions de l’INA ont été étendues. Mais rien n’est décidé.

M. Mathus a évoqué le modèle de la BBC. On peut dire que dans l’audiovisuel en France, France Info sert déjà de banque de données sur Internet. Le danger ici serait de ressusciter l’ORTF. Il existe donc différentes possibilités pour l’audiovisuel extérieur. Nous verrons ce que le Président de la République décidera.

S’agissant de l’audiovisuel public, la question d’une fusion a été évoquée. Évidemment, il n’est pas question de modifier par amendement ce qui est un point essentiel de la loi de 1986 et mérite un débat au Parlement. A titre personnel, je crois que si l’on regroupe dans une holding toutes les fonctions support et que l’on travaille avec le personnel sur la formation et la mobilité, on sera sur la bonne voie. Décider la fusion ferait tomber la convention collective et il faudrait ensuite 18 mois de négociation, ce qui est bien long. Le chantier est ouvert. Mais il faut conserver la personnalité des chaînes et les Français sont attachés à une grande chaîne régionale. La prudence s’impose donc.

Je reviens sur le financement de France 24. Le contrat de partenariat prévoyait 88,5 millions d’euros. Après la discussion budgétaires, les crédits s’élevait à 70 millions d’euros. Mais le Premier ministre a décidé de compléter par 18 millions de crédits de gestion au cours de l’année 2008.

M. Pierre-Christophe Baguet – Mais d’où viendront-ils ?

Mme la Ministre - Ce sont des crédits de gestion.

M. Pierre-Christophe Baguet - M. le Président de la Commission, comprenez-vous d’où viendront ces crédits ?

M. le Président de la commission des finances – Je ne comprends pas vraiment ce que cela veut dire.

M. le Vice-Président de la commission des affaires étrangères – D’un côté il y a la rigueur, mais de l’autre une augmentation par respect de la convention.

Mme la Ministre - Il faut en effet se placer dans l’optique du respect de la convention. Certains font valoir qu’on ne sait pas exactement ce que fait France 24, d’autres qu’il ne faut pas l’empêcher de se développer, par exemple, avec ce projet des programmes en langue arabe sur le même créneau que Al-Jazira…

M. Pierre-Christophe Baguet - Ils n’ont pas les mêmes moyens !

Mme la Ministre - Effectivement. En tout cas les deux points de vue s’expriment. Le Premier ministre a bien pris un engagement sur ces 18 millions.

M. le Vice-Président de la commission des affaires étrangères – Il est normal de respecter les engagements de la convention, mais je m’interroge sur le maintien des crédits en euros constants, ce qui équivaut à une diminution.

Mme la Ministre - Je me fais l’écho de l’arbitrage qui a été rendu. M. de Pouzilhac a été rassuré.

M. Patrice Martin-Lalande a posé une question sur l’AFP. Nous sommes en train de négocier son contrat d’objectifs et de moyens dans lequel figureront des investissements stratégiques.

Un effort a été fait également pour la presse écrite. Ainsi l’État s’est engagé à porter de 8 à 12 millions les crédits destinés aux NMPP dans le plan « Défi 2010 ». M. Lagardère s’est aussi engagé à investir dans la modernisation. La presse écrite a su utiliser les journaux gratuits…

M. Michel Françaix – Elle a été obligée de suivre.

Mme la Ministre - Un grand atout des « gratuits », c’est la multiplicité des points de diffusion. Nous réfléchissons sur les moyens de favoriser le développement du portage. D’autre part, un médiateur va être nommé pour confirmer les liens entre la Poste et la presse en ce qui concerne la distribution. Bien entendu la modernisation va au-delà des supports papier et concerne des investissements sur Internet. Se pose alors le problème des droits d’auteur, les journalistes demandant en quelque sorte à être rémunérés deux fois.

M. le Rapporteur spécial – Donc s’agissant de l’audiovisuel public, vous parlez de prudence et rien n’est exclu. Pour l’audiovisuel extérieur, la question de savoir s’il y aura un groupe ou non n’est pas tranchée…

Mme la Ministre - Pour l’audiovisuel extérieur, la question n’est pas tranchée. Mais elle n’est pas simple, les discussions d’il y a une dizaines d’années l’ont montré. Je le perçois aussi au Conseil des ministres européen et dans les contacts internationaux, par exemple, avec le Canada. Deux philosophies s’opposent, celle de la francophonie et celle de la francophilie qui veut faire aimer la France, mais peut-être en anglais ou en arabe. Rien n’est tranché. On pourrait s’orienter vers une holding dans les mois qui viennent, puis dans un deuxième temps, y associer RFI.

Pour l’audiovisuel public, des orientations ont été données, mais nous allons travailler sur des réformes de structures. Jusqu’où faut-il aller ? A ce stade, il s’agit de renforcer la holding, de conforter les chaînes dans leur identité, d’accorder plus de moyens peut-être, et plus de publicité. Ce dernier point fait l’objet d’une réflexion. En effet, sur les 36 milliards d’investissements publicitaires en France, 11 milliards seulement vont vers les médias. Il faudrait que cette part s’accroisse, comme c’est le cas dans d’autres pays. Il ne s’agit pas d’imposer des coupures publicitaires à tout bout de champ ; il y a bien une spécificité de l’audiovisuel public. Mais il pourrait y avoir un peu plus de publicité.

M. le Rapporteur spécial – Quelle est la position du Gouvernement sur l’indexation de la redevance sur les prix ? Le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions prévoit une augmentation de 3 ,5% des ressources par an. Ce n’est pas possible sans la redevance.

Mme la Ministre - Effectivement, pour mieux soutenir l’audiovisuel public, il serait légitime d’augmenter le produit de la redevance. Il s’agit d’un effort minime, puisque l’on consacre en moyenne 50 euros par mois à la téléphonie mobile contre 2 euros pour la redevance. Mais il est symbolique. On peut se demander s’il doit y avoir une indexation directe. A priori elle n’a pas l’approbation du Président de la République.

M. Christian Kert, rapporteur pour avis – Il peut évoluer !

M. le Rapporteur spécial - L’État s’est engagé dans le contrat d’objectifs et de moyens à augmenter de 3,5% chaque année, les crédits de France Télévisions. Il faut, en bonne logique, drainer les ressources nécessaires. Le principe de l’indexation pourrait se traduire par un engagement dans le contrat d’objectifs et de moyens, en 2009 peut-être, comme je le propose par amendement, puisque pour 2008, nous avons un engagement du Président.

Il me semble paradoxal d’engager la négociation du contrat d’objectifs et de moyens de RFI sans savoir quelle sera la stratégie d’ensemble pour l’audiovisuel extérieur. S’agissant de France 24, d’où proviendront les ressources supplémentaires évoquées ? S’agira-t-il d’annulations de crédits du budget du Premier ministre, ou les nouvelles allocations seront-elles prélevées sur d’autres budgets et, si tel est le cas, lesquels ?

M. Christian Kert, rapporteur pour avis – J’ai cru comprendre que vous ne refuseriez pas l’hypothèse d’un peu de publicité supplémentaire. Je suis très favorable à la publicité, mais j’appelle à la prudence car, à chaque fois que l’on augmente la durée de la publicité audiovisuelle, on atteint le marché publicitaire des autres médias. Si l’on souhaite trouver un équilibre, il faut freiner la publicité télévisuelle.

M. Michel Françaix – Vous progressez !

M. Pierre-Christophe Baguet – Il a toujours été cohérent et tenu le même discours !

M. Christian Kert, rapporteur pour avis – Ma position n’a jamais varié, et je continue de penser qu’il faut non seulement préserver l’équilibre publicitaire de l’ensemble des médias mais aussi l’identité de l’audiovisuel public. France Télévisions procède, en ce moment, à un virage éditorial qui doit viser à différencier nettement les chaînes publiques des chaînes privées.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis – On continue, quand on traite de l’audiovisuel extérieur de la France, de se référer à une BBC mythique, oubliant au passage que BBC1 est l’une des chaînes les plus médiocres qui soit. Dans le même temps, rien n’est dit de France Télévisions. On s’acharne donc à créer une marque qui existe déjà, au lieu de globaliser nos capacités de production d’informations.

S’agissant de TV5 Monde, le débat est très centré sur l’information alors que la demande porte bien davantage sur les programmes. Il faut donc chercher à renforcer aussi ce volet là.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles – Je comprends la passion qui s’exprime en faveur de la vitalité des chaînes publiques, mais j’ai entendu Mme la ministre et je partage ses conclusions : si des signaux sont émis qui ne trouvent pas d’écho, que faire ? Au moment où la commission Attali remet en question tout les secteurs protégés, il faut prendre garde de ne pas adopter des orientations contradictoires.

Madame la ministre, l’extinction définitive de l’analogique en 2011 libérera des fréquences. Avant que la commission engage des auditions à ce sujet, j’aimerais savoir quel est, selon vous, l’équilibre souhaitable en cette matière entre chaînes audiovisuelles et opérateurs de téléphonie mobile. Quel schéma choisir pour mieux couvrir le territoire en ADSL ?

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial – Pour l’ADSL, la couverture du territoire est acquise !

M. le Président de la commission des affaires culturelles – Pas partout, malheureusement !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial – A 98 %, Monsieur le président !

Mme la Ministre – Le contrat d’objectifs et de moyens de RFI précisera ses missions et il n’est pas gênant de le négocier tout en poursuivant la réflexion sur la future configuration de l’audiovisuel extérieur. Mieux : il ne faut pas attendre la création de la holding pour le négocier, car RFI souffre du flottement actuel.

La redevance, vous le savez, n’est pas en débat cette année, puisque la question a été réglée. La redevance, qui augmente de 3,5 % cette année et qui augmentera de 3 % les années suivantes, donne de surcroît un meilleur produit, ce dont je me félicite. Certes, les chaînes devront trouver des ressources propres, mais un ajustement est nécessaire si les engagements réciproques qui ont été pris doivent être tenus.

La BBC n’est pas un exemple absolu, mais nous pouvons nous inspirer de certains des aspects qui en caractérisent le modèle.

Le principe n’en ayant pas été retenu par le Président de la République, le service minimum dans l’audiovisuel public n’est pas à l’ordre du jour.

Je ne puis vous répondre précisément sur l’origine des crédits supplémentaires qui seront alloués à France 24, mais l’engagement pris a rassuré M. Alain de Pouzilhac comme il m’a rassurée.

M. le Vice-Président de la commission des affaires étrangères – Il faudra veiller à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul…

Mme la Ministre - Je pense comme vous qu’il faut être attentif à ne pas développer excessivement les écrans publicitaires au moment où l’on veut renforcer le volet culturel des programmes de France Télévisions…

M. Michel Françaix – Très bien !

Mme la Ministre – L’évolution doit être raisonnable. La réflexion est engagée et elle devrait aboutir au début de l’année prochaine. Elle concernera la publicité dans les médias en général car le Gouvernement est conscient de la concurrence qui s’exerce à ce sujet entre chaînes de télévision, radios et presse écrite. On l’a constaté une nouvelle fois lorsque la grande distribution a eu l’autorisation de faire de la publicité à la télévision : les autres médias ont subi un nouveau recul de leurs recettes publicitaires à cette occasion.

M. Christian Kert, rapporteur pour avis – Peut-on imaginer davantage de publicité pour le chocolat que pour les mutuelles sur Radio France ? (sourires)

Mme la Ministre - Il serait en effet souhaitable d’ouvrir l’éventail des produits pour lesquels la publicité est autorisée sur Radio France.

M. Didier Mathus a évoqué la forte demande de programmes de qualité pour TV5 Monde. Il a raison, et une réflexion doit être menée visant à ce que l’on ne se limite plus à recycler de vieux programmes. Sur ce point, France Télévisions doit être plus réactive. Plus largement, M. Didier Mathus se demande s’il ne conviendrait pas de s’en tenir à une seule chaîne regroupant toute l’offre d’audiovisuel extérieur française. La question est, vous en conviendrez, d’une particulière complexité, et source de grandes difficultés. A ce jour, elle n’est pas tranchée.

M. le Vice-Président de la commission des affaires étrangères – Je tiens à souligner que TV5 a déjà beaucoup évolué.

Mme la Ministre - Le président de votre commission des affaires culturelles m’a interrogée sur la position du Gouvernement quant à l’attribution des fréquences que libérera l’extinction de l’analogique. Puisque l’on ne sait quel sera précisément le dividende numérique, il importe de ne prendre aucune décision hâtive. La téléphonie doit pouvoir se développer, mais son développement ne doit pas entraver celui de l’audiovisuel. Les radios numériques offriront, elles aussi, de considérables possibilités nouvelles, et chacun veut en être, radios associatives comprises.

M. Michel Françaix – Elles le méritent bien !

Mme la Ministre - Le fonds de soutien fléchera aussi les ressources vers elles, mais, je le répète, aucune décision ne doit être prise aussi longtemps que nous n’aurons pas tous les éléments en main, car les enjeux économiques sont considérables.

M. Michel Françaix – Nous n’avons rien à redire, Mme la Ministre, aux bonnes intentions que vous avez exprimées, sur lesquelles chacun s’accorde. En revanche, nous ne partageons pas votre analyse de la situation. Le service public de l’audiovisuel va-t-il aussi bien qu’on le pense ? Et qu’en est-il de la presse ?

Le Président de la République et le Gouvernement ayant beaucoup parlé de « rupture », nous avons rêvé d’un budget « de rupture » tenant compte des évolutions constatées. Malheureusement, celui que vous nous présentez ne montre aucun changement et les bonnes intentions affichées n’y trouvent aucune traduction concrète. On ne peut pourtant réaffirmer la vocation culturelle des chaînes publiques sans leur donner de moyens nouveaux !

Le renouveau de la ligne éditoriale de France Télévisions est engagé, et il est faux de dire que chaînes publiques et chaînes privées se valent. Mais quand on commence à programmer une pièce de Guitry ou Guerre et paix à une heure de grande écoute, on sait que, au début au moins, l’audience souffrira de cette évolution.

Dans ces conditions, les recettes publicitaires attendues ne se concrétiseront pas ; sur les trois derniers mois, leur diminution a d’ailleurs été considérable. Il ne s’agit pas d’augmenter la redevance et la durée des publicités, mais l’une ou l’autre, en étant conscient qu’un surcroît de publicités fera décliner le niveau du service public.

L’audience du service public baisse, pour beaucoup à cause de la TNT, je vous l’accorde, et les autres grandes chaînes subissent aussi le phénomène : la remontée récente de celle de TF1 est peut-être due à la Coupe du monde de rugby et M6 a perdu beaucoup plus que France 2 ou France 3. Nous voyons d’ailleurs avec plaisir que France 5 et Arte continuent de progresser.

Comment poursuivre l’effort ? Comment favoriser la création audiovisuelle française ? Comment pousser la montée en puissance de France 4 ? Comment tenir compte de la grille de soirée de France 5, qui coûte cher ? Comment poursuivre la valorisation des programmes culturels aux heures d’écoute significatives ? Comment améliorer la politique du sous-titrage ? Comment étendre la diffusion de la TNT ? Comment lancer des expérimentations pour la télévision mobile personnelle ? Comment déployer la stratégie de haute définition d’Arte ? Vous posez toutes ces questions mais un surplus de ressources est indispensable pour développer les nouvelles technologies, accompagner les nouvelles pratiques culturelles de consommation des images et investir dans des programmes diversifiés.

La télévision privée est utile pour passer le temps, mais le service public doit aider à comprendre le temps. Cela suppose de donner davantage d’importance à certaines thématiques, notamment dans les programme pour les jeunes. Vous pourriez commencer par supprimer la publicité pour les chewing-gum et les bonbons autour des émissions destinées à la jeunesse et compenser cette perte par une augmentation de la redevance.

Je ne reviendrai pas sur le meccano de la politique audiovisuelle extérieure. Les bureaux de l’AFP qui se sont vidés un peu partout sur la planète ne pourraient-ils pas être utilisés par France 24, TV5 ou RFI ? Enfin, madame la ministre, puisque nous avons confiance en vous, nous ne souhaitons pas que ce projet soit piloté par un conseiller spécial de l’Élysée, sur injonction présidentielle.

La presse quotidienne d’information est en mauvais état : baisse constante des recettes publicitaires, hausse des coûts de production, insuffisance du nombre de points de vente et de la rémunération des kiosquiers, dématérialisation de la diffusion. Les gratuits affichent une bonne santé insolente tandis que la presse quotidienne s’enfonce dans une crise sans fin. Au lieu de mettre le paquet sur les aides directes, vous continuez de privilégier un système qui subventionne à l’aveugle toutes les formes de presse et soutient indifféremment un mensuel sur les yachts et un quotidien en difficulté.

La France est l’un des pays où les aides à la presse sont les plus importantes mais aussi les moins efficaces. Quotidiens indépendants en crise, journaux fabriqués sans journalistes, gratuits récupérant la plus grande part de la masse publicitaire, contrôle d’actionnaires peu concernés par le rôle démocratique de la presse, telle est la situation.

J’aimerais que, l’année prochaine, ce débat ne soit pas une discussion sympathique au cours de laquelle nous constaterons que les problèmes ont perduré et qu’aucune mesure n’a été prise. En tout cas, le projet de budget pour 2008 ne répond pas à vos bonnes intentions.

M. Élie Aboud – Mme la Ministre, comment définissez-vous le projet innovant sur la presse ? Ne contient-il pas une part de subjectivité ?

Un taux de répartition a-t-il été prévu entre la presse nationale et presse régionale ou départementale ?

Où en est la réflexion avec nos partenaires européens à propos de la TVA sur les supports papiers et sur la presse en ligne ?

M. Jean-Paul Lecoq – Je partage entièrement les remarques de M. Michel Françaix.

Madame la Ministre, je suis tout de même surpris que vous ne répondiez pas sur ces 18 millions d’euros, au mépris de la transparence budgétaire.

Sur la question du service minimum, vous ne tombez pas dans la provocation. Je ne vois pas en quoi la grève, sur une chaîne de télévision ou de radio du service public, prendrait en otage les téléspectateurs, à une époque où le monopole n’existe plus et où l’offre de programmes s’est développée avec la TNT.

Pour l’AFP, il est toujours question de mutualisation, dans un souci financier légitime, mais il faut aussi se soucier d’éthique et d’indépendance. De ce point de vue, l’AFP a fait ses preuves au fil des décennies.

L’Humanité, que je feuilletais pendant votre intervention, conserve un intérêt dans le débat politique. Je m’associe donc aux observations de mes prédécesseurs sur la révision des aides à la presse écrite.

Ce matin, j’ai eu l’impression d’entendre une animatrice de groupe de travail sur l’audiovisuel plutôt qu’une ministre capable d’assumer des choix et des positions. Je suis un jeune député mais j’ose espérer que cela ne reflète pas une dérive de nos institutions.

M. Pierre Morange – Une réflexion est-elle engagée sur la pertinence des moyens financiers alloués à Arte, en comparaison avec ceux des autres chaînes publiques, eu égard à son audience ? J’ai cru comprendre que nos amis d’outre-Rhin se penchent sur le sujet.

M. Marcel Rogemont – Derrière l’absence de décision quant aux ressources de l’audiovisuel public, apparaît le choix implicite ou explicite de réduire les moyens et la voilure de France Télévisions. Il existe évidemment un lien entre la politique éditoriale de France Télévisions et la publicité. L’évolution des recettes publicitaires perçues par France Télévisions montre la nécessité de revoir le montant de la redevance audiovisuelle. C’est pourquoi je souhaite personnellement voter l’amendement que proposera tout à l’heure M Christian Kert.

M. Henri Nayrou – Avec la concurrence de la presse gratuite, la menace des groupes européens qui investissent dans ce secteur et la frénésie de l’information instantanée, la presse quotidienne est en crise. Des solutions convenables et durables s’imposent. Il ne faut pas se tromper de cible : la bataille ne se mène plus au niveau de la presse papier, mais contre les nouveaux entrants d’Internet, qui se caractérisent par des pratiques en rupture. On constate aussi un effet ciseau avec la contraction des recettes et le maintien des coûts fixes.

Concentration des titres, tirages à la baisse, défiance des citoyens à l’égard des journalistes, interventionnisme du pouvoir politique et des patrons de presse, tout cela a conduit à deux phénomènes : un front uni des syndicats de journalistes, qui ont enfin pris conscience que leur métier est en danger ; une mise en doute par 63 % des Français de la crédibilité des sources des journalistes. Je demande une modernisation des textes législatifs encadrant les médias. Le sénateur Louis de Broissia avance six pistes de réflexion. La PQR demande quant à elle la clarification et la simplification de la mesure inapplicable de déduction de 25 % des investissements réalisés dans la presse car cette aide est indispensable.

Vos objectifs sont clairs : accompagner les mutations du secteur, préserver le pluralisme, améliorer le ciblage et l’efficacité des aides, mais les moyens ne suivent pas. La presse quotidienne a besoin d’un plan Marshall. Vous vous êtes déclarée défavorable à la mise en chantier d’une nouvelle loi ; ce serait pourtant nécessaire car la législation en vigueur est très ancienne.

M. Patrick Bloche – La réunion de ce matin est à l’image de ce que nous ressentons depuis cinq mois : rien n’est décidé, tout est reporté. Le feuilleton du financement de France Télévision est révélateur du manque de visibilité : aucun choix n’a été fait, ni dans un sens ni dans l’autre.

Alors que les missions et les groupes de travail se multiplient, sous votre impulsion ou le contrôle direct de l’Élysée, beaucoup d’acteurs sont inquiets. Les producteurs s’interrogent sur leur devenir depuis que David Kessler et Dominique Richard ont suggéré une diminution du quota d’investissement dans les œuvres indépendantes. Parallèlement, la modification des seuils anti-concentration aura des conséquences évidentes. Un nouveau dispositif fondé sur les mesures d’audience est-il envisagé ?

Je crois également que certaines illusions sont entretenues en ce qui concerne la publicité : passage à l’heure d’horloge ou manne inépuisable des recettes publicitaires.

À l’unanimité, le Parlement a adopté, lors de l’examen du projet sur la télévision du futur, la mise en place d’un sous quota d’œuvres patrimoniales dans le cadre du quota général de production des chaînes. Qu’en est-il des décrets d’application ?

Enfin, quel message adressez-vous aux rédactions des Échos et de La Tribune, qui connaissent des difficultés ?

M. Alain Rodet – J’insiste sur la nécessaire réorientation des aides à la presse, notamment quotidienne, dont la situation est indigente par rapport par exemple à celle de l’Espagne. Une grande conférence doit être organisée sur ce sujet.

M. Pierre-Christophe Baguet – Je félicite Mme la Ministre pour les efforts accomplis en faveur de la presse. Les campagnes de sensibilisation auprès des jeunes des collèges et des lycées seront-elles maintenues ?

S’agissant de l’audiovisuel extérieur, je m’inquiète du manque d’objectifs du Gouvernement et de l’idée de mettre en place une holding pour France 24, quand il conviendrait au contraire de simplifier les structures. De la même manière, la double tutelle des ministères des affaires étrangères et de la culture ne devrait pas être pérennisée.

S’agissant du financement de l’audiovisuel public, des choix clairs doivent être faits, notamment en ce qui concerne la redevance. Une augmentation doit être soutenue avec, en contrepartie, des efforts de gestion de la part de France Télévisions. Sans doute serait-il utile de s’inspirer du système anglais, où un débat national a été organisé pendant un an avant que le Parlement ne se prononce. Les calendriers du COM et du financement devraient être également mis en cohérence.

Quid, enfin, de la « résorption » des intermittents du spectacle dans le service public de l’audiovisuel ?

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial – Le système d’aide à la presse écrite est coûteux. S’il est efficace sur un certain nombre de points, est-il néanmoins suffisamment à même de préparer l’avenir ? Ne retarde-t-il pas les mutations nécessaires ?

Mme la Ministre – M. Michel Françaix a déclaré qu’il attendait de grandes ruptures : il y en aura, même s’il n’est pas simple de réformer dans un secteur où il faut avancer prudemment. Le travail accompli en faveur des médias est d’ores et déjà important, que ce soit sur le plan des COM ou du budget. L’investissement pour la presse, par exemple, est en hausse de 6%, ce qui représente 288 millions. En outre, de nombreux chantiers ont été ouverts : diffusion des œuvres, problèmes liées aux concentrations, audiovisuel public, publicité, presse… Dans ce dernier domaine, les investissements sont sensibles, notamment s’agissant des services en ligne et des sites électroniques. Je rappelle d’ailleurs que les « gratuits » eux-mêmes sont en déficit.

La comparaison avec les pays étrangers est quant à elle délicate, car nous n’avons pas la même structure de presse, leurs quotidiens étant assez voisins, par l’esprit et le format, de notre presse magazine.

Oui, M. Michel Françaix, notre audiovisuel public est de grande qualité. Les projets sont là, même si la perte d’audience est sensible, les nouvelles chaînes trouvant leur public. L’effort demandé à France Télévisions, s’agissant des ressources publicitaires, n’est que de 1,1% par exemple. Des réformes structurelles seront peut-être envisageables, notamment par des mutualisations, de même que la réalisation d’économies ou à travers la redevance. Les bureaux de l’AFP pourraient en effet constituer des points relais. Un énorme investissement est par ailleurs en cours en faveur de la presse d’information et de politique générale.

Le problème de TVA est en effet considérable et il doit être réglé sur le plan européen, ce que la présidence française permettra sans doute de faire, la TVA devant être alignée en l’occurrence sur celle des biens culturels.

La question du service minimum dans l’audiovisuel public n’est pas à l’ordre du jour, même s’il est loin d’être saugrenu de la poser.

Le groupe de travail sur l’audiovisuel extérieur est situé à l’Élysée compte tenu de son caractère interministériel et de l’implication personnelle du Président de la République. Quoi qu’il en soit, les décisions seront prises par M. Bernard Kouchner et moi-même.

M. Pierre-Christophe Baguet – Il faut un seul patron, pas deux pour l’audiovisuel extérieur !

Mme la Ministre – L’organisation du secteur est en effet complexe, France 24 dépendant du Premier ministre et TV5 des ministères des affaires étrangères et de la culture. Le ministère de la culture est prêt, quant à lui, à prendre l’entière tutelle de l’audiovisuel extérieur.

S’agissant d’Arte, le COM prévoit une hausse de 4,2% du budget par rapport au PLF de 2007, soit 9 millions.

M. Marcel Rogemont, je crois au système actuel de financement de l’audiovisuel public et à l’équilibre entre la publicité et la redevance.

M. Henri Nayrou a souligné combien la presse écrite était en crise en ces temps de transition. La déduction d’impôt de 25% votée lors du PLF 2007 pour les investissements dans les entreprises de presse est très structurante. Les textes d’application sont en cours d’élaboration.

Le respect des sources des journalistes constitue également un sujet essentiel.

Je ne suis pas convaincue qu’il faille un plan Marshall pour la presse. L’essentiel est d’être à ses côtés et, s’il est nécessaire de légiférer, nous le ferons. Quoiqu’il en soit, les parlementaires seront associés à la réflexion.

M. Patrick Bloche a rappelé le débat de l’été dernier. Il m’est apparu que la décision isolée d’autoriser une coupure dans les émissions de flux de France Télévisions n’était pas une bonne réponse et qu’il fallait envisager une réforme plus vaste traitant également des problèmes financiers. Dans le même esprit, j’ai refusé de prendre une décision hâtive sur la redevance. Cela étant, je suis attachée à l’augmentation des ressources financières du groupe.

Je comprends les inquiétudes des producteurs. Les investissements dans la production indépendante doivent être poursuivis, mais elle pourrait aussi bénéficier de ressources apportées par les nouveaux entrants, en particulier les opérateurs de télécommunications. C’est un nouvel équilibre qu’il faut trouver et les intérêts des diffuseurs et des créateurs sont en fait communs. Il est vrai que la publicité n’est pas une manne, mais elle devrait être mieux distribuée entre médias et hors médias.

La disposition relative au sous-quota patrimonial est très intéressante. Elle doit s’intégrer dans une réflexion d’ensemble qui se concrétisera début 2008.

Même s’il s’agit d’opérations privées, nous avons bien évidemment suivi l’affaire Les Échos-La Tribune. Les garanties que nous avions demandées pour Les Échos ont été largement apportées par le repreneur. Nous souhaitons également que la vente de La Tribune se réalise dans les meilleures conditions. J’ai reçu les deux rédactions ensemble dès qu’elles me l’ont demandé.

M. Pierre-Christophe Baguet m’a interrogée sur les tutelles. Je souhaite qu’elles se simplifient pour gagner en efficacité dans le domaine culturel.

Je l’ai dit, un effort en faveur de la redevance ne pourra être fait qu’en échange d’engagements précis et de réformes de structures.

S’agissant des intermittents, les contrôles ont été multipliés par vingt et l’on est passé de 70 % de taux de fraude à 20 %. Même si certaines bloquent encore, les conventions collectives sont signées les unes après les autres. Nous veillons tout particulièrement à assainir la situation.

Enfin, je n’entends pas être une animatrice de télévision mais une ministre, qui prend des décisions en tant que telle.

M. le Président de la commission de finances – Merci beaucoup.

II. EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Christian Kert, les crédits de la mission « Médias », au cours de sa première réunion du 24 octobre 2007.

Article additionnel après l’article 60

Augmentation de la redevance

La commission a examiné un amendement de M. Christian Kert, rapporteur pour avis, visant à augmenter de deux euros le montant de la redevance.

M. Christian Kert, rapporteur pour avis, a rappelé le contexte dans lequel le débat sur le financement de l'audiovisuel public s'est instauré et se poursuit. Le secteur de l’audiovisuel a connu des mutations technologiques et concurrentielles majeures ces dernières années et le financement de France Télévisions doit en tenir compte. Cependant, il va de soi qu’une augmentation à la marge du taux de la redevance implique de la part de l’audiovisuel public de réelles garanties d’investissement dans la création et il est clair qu’une telle augmentation ne l’exempte en rien des efforts de synergies et de maîtrise des dépenses qui doivent être poursuivis. Le président Pierre Méhaignerie peut être rassuré sur ce dernier point : des efforts ont été menés en ce sens à France Télévisions et seront poursuivis. Ainsi le plan Synergia a permis de dégager 205 millions d’euros d’économies entre 2001 et 2005, la réforme de la filière de production devrait permettre de récolter 7 millions d’euros en deux ans, enfin le contrat d’objectifs et de moyens signé en avril 2007 prévoit une mutualisation des services techniques et technologiques.

La simple comparaison avec nos voisins européens est en effet significative : la redevance s’élève à 116 euros en France, 204 euros en Allemagne, 195 euros en Grande-Bretagne, 324 euros en Autriche. Seule l’Italie a un taux de redevance plus bas que le nôtre, et l’on sait la place qu’occupe la publicité sur la télévision publique italienne.

De plus, on ne peut raisonnablement compter sur la hausse du rendement de la redevance pour permettre à l’audiovisuel public de faire face aux défis qui s’annoncent dans les prochaines années. Dans ce contexte, il semble que le seul moyen de faire évoluer le produit de la redevance soit l'augmentation du taux.

Le poids de la redevance audiovisuelle sur le budget des Français étant faible comparé aux autres pays européens, une augmentation de deux euros de la redevance ne grèverait donc pas considérablement le budget des ménages et permettrait d’allouer à France Télévisions des moyens suffisants pour faire face aux défis qui s’annoncent.  Il serait bon d’apporter ainsi un peu de dynamique à un système de financement qui en manque cruellement aujourd’hui.

Le président Pierre Méhaignerie a fait part de son extrême réserve quant à l’augmentation de la redevance. Il semble qu’il existe encore de nombreuses réserves de productivité à France Télévisions, notamment à France 3. De plus, il s’agit d’un geste fortement symbolique dans la mesure où l’on touche au pouvoir d’achat des Français

M. Michel Françaix a estimé que deux solutions s’offrent aux pouvoirs publics : soit faire de la culture sur France Télévisions et s’en donner les moyens ; soit se résigner à se rapprocher de plus en plus du modèle des chaînes privées. On ne peut pas reprocher à la télévision publique de ne pas être moderne et, dans le même temps, ne pas lui allouer les moyens suffisants pour se moderniser. Il faut également rappeler que l’ensemble des chaînes publiques n'est plus aujourd’hui déficitaire.

M. Patrick Bloche a proposé que ces deux euros d’augmentation soient fléchés vers la création.

M. Pierre-Christophe Baguet a estimé qu’il fallait certes, comme le souligne le président Pierre Méhaignerie, faire des efforts de gestion. Mais accorder ainsi une hausse de la redevance serait faire œuvre de pédagogie. Le Parlement pourrait ensuite être plus exigeant quant au contenu des programmes de France Télévisions. C’est au Parlement qu’il revient de voter le budget ; il lui faut donc aujourd’hui prendre ses responsabilités.

La commission a adopté l’amendement.

Après l’article 60

La commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis visant, pour assurer un financement substantiel et stable au service public de l’audiovisuel, à indexer le montant de la redevance sur l’inflation.

Rappelant que de nombreux impôts, tels que l’impôt sur le revenu et l’impôt de solidarité sur la fortune, sont indexés sur l’inflation, le rapporteur pour avis a jugé injustifié que la redevance ne le soit pas.

La commission a rejeté l’amendement.

*

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2008 de la mission « Médias ».

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø France Télévisions – M. Patrick de Carolis, président-directeur général, M. Damien Cuier, directeur général en charge de la gestion, des finances et des ressources humaines, Mme Anne Grand d’Esnon, directrice des relations institutionnelles, et M. Bertrand Scirpo, directeur adjoint des relations institutionnelles.

Ø Canal Plus – M. Bertrand Méheut, président

Ø TV5 Monde – M. François Bonnemain, président

Ø M6 – M. Nicolas de Tavernost, président

Ø France 24 – M. Alain de Pouzilhac, président, et M. Gérard Saint-Paul, directeur général en charge de la rédaction

Ø Radio France – M. Jean-Paul Cluzel, président directeur général, et M. Martin Ajdari, directeur général délégué

Ø France Télévisions – M. Patrice Duhamel, directeur général, et Mme Anne Grand d’Esnon, directrice des relations institutionnelles

Ø Union syndicale des producteurs audiovisuels (USPA) – M. Jacques Peskine, délégué général

Ø FO - France 2 – M. Jean-Michel Seybald, délégué syndical

Ø Mme Laurence Franceschini, directrice du développement des médias

Ø Arte – M. Jean Rozat, directeur général, et Mme Muriel Guidoni, déléguée générale aux relations institutionnelles

Ø TF1 – M. Nonce Paolini, directeur général, M. Jean-Pierre Paoli, directeur de la stratégie, M. Jean-Michel Counillon, secrétaire général, et Mme Marie-Charlotte Guichet, directrice des relations institutionnelles

© Assemblée nationale

1 () Ordonnance du Conseil d’Etat n° 95 256 du 16 mars 1998, dans une affaire opposant le CNCL à TF1.