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N° 277

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2007.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2008 (n° 189)

TOME VI

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE

Par M. Olivier JARDÉ,

Député.

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Voir le numéro : 276 (annexe n° 32).

INTRODUCTION 5

I.- UN EFFORT BUDGÉTAIRE HISTORIQUE, QUI ACCENTUE LA DYNAMIQUE ENGAGÉE DEPUIS TROIS ANS 7

A. L’AMÉLIORATION DE L’ENVIRONNEMENT MATÉRIEL DES CHERCHEURS 8

1. Les mesures en faveur des jeunes chercheurs 8

2. Les moyens des organismes de recherche 8

3. Le financement des grands projets et très grandes infrastructures de recherche 9

B. LA POURSUITE DE LA MONTÉE EN CHARGE DES FINANCEMENTS INCITATIFS PORTÉS PAR LES AGENCES 9

C. LA DYNAMISATION DE LA RECHERCHE DANS DES ENTREPRISES 10

II.- LA RECHERCHE BIOMÉDICALE FRANÇAISE À LA CROISÉE DES CHEMINS 13

A. UNE PRIORITÉ MOINDRE QUE DANS LA PLUPART DES AUTRES PAYS INDUSTRIALISÉS 15

1. Un effort important 15

2. Une priorité progressivement diluée ? 16

3. Une place dans la compétition internationale préoccupante 16

B. UN SECTEUR FRAGMENTÉ À L’EXTRÊME 17

1. L’exemple américain des National Institutes of Health 18

2. Un empilement de structures au fil des ans 19

a) Les établissements publics de recherche 19

b) Les centres hospitalo-universitaires 21

c) Les agences d’objectifs et de moyens spécialisées 22

3. La difficile évaluation des établissements 23

C. DES RÉPONSES NOUVELLES À CETTE DISPERSION 24

1. Les instruments de coopération 24

a) Les réseaux thématiques de recherche avancée et les centres thématiques de recherche et de soins 24

b) Les pôles de compétitivité 25

2. La montée en charge des financements incitatifs 26

a) De nouvelles agences 26

b) Une dynamique à canaliser 27

3. Le décloisonnement des carrières 28

a) Attirer les meilleurs 28

b) Proposer de nouveaux types de contrats 29

D. DES ESSAIS CLINIQUES DE QUALITÉ 30

1. Un cadre législatif rénové 30

2. Une place intéressante dans la compétition internationale 32

3. Des atouts à conforter 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

I.- AUDITION DES MINISTRES 35

II. EXAMEN DES CRÉDITS 69

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 71

INTRODUCTION

Conformément à l’engagement du Président de la République et du gouvernement d’accroître de 5 milliards d’euros les moyens de l’enseignement supérieur d’ici 2012 et d’amplifier l’effort budgétaire en faveur de la recherche et de l’innovation, le financement de la recherche et de l’enseignement supérieur constitue la toute première priorité de l’effort budgétaire de l’État en 2008. La mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), composée de douze programmes relevant de six ministères, voit ainsi son projet de budget pour 2008 progresser de 1,99 milliard d’euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2007 (+ 9,37 % à structure constante). Cela constitue un effort sans précédent pour donner à notre système d’enseignement supérieur et de recherche les moyens de prendre toute sa place dans la compétition internationale.

Le présent rapport pour avis porte sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), à l’exception des crédits des programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante » qui font l’objet d’un rapport pour avis de Mme Valérie Rosso-Debord. L’effort en faveur de la recherche se décline en trois volets :

– un renforcement des moyens consacrés aux organismes de recherche et aux actions en faveur de la recherche industrielle financés à partir de la MIRES (+ 364 millions d’euros de crédits de paiement au titre des programmes et actions concernant la recherche) ;

– la poursuite du développement des financements sur projets et des financements incitatifs portés par les agences de moyens (Agence nationale de la recherche et Oséo Innovation) : + 190 millions d’euros ;

– un paquet de dépenses fiscales supplémentaires de 455 millions d’euros destiné à promouvoir l’effort de financement de la recherche par les entreprises, dont 390 au titre de la montée en charge du crédit impôt recherche.

Ce projet de budget s’insère dans un effort global de maîtrise des finances publiques, qui se traduit prioritairement par un encadrement strict de l’évolution de la masse salariale et des plafonds d’ETPT (équivalent temps plein travaillé) : après trois années de forte priorité donnée à l’emploi scientifique (2 300 emplois supplémentaires créés dans les organismes de recherche de 2005 à 2007), l’emploi scientifique sera ainsi stabilisé en 2008, les plafonds d’ETPT n’évoluant que de l’impact des créations d’emploi intervenues en fraction d’année en 2007. Cette orientation est cohérente avec la volonté de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche d’améliorer prioritairement l’environnement matériel des chercheurs.

Après avoir présenté les principales orientations du budget de la recherche pour 2008, le rapporteur pour avis s’est attaché, comme il est d’usage dans les avis budgétaires de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à examiner un aspect de la politique publique dont ce budget est l’illustration. Son choix s’est porté cette année sur la recherche biomédicale.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre 2007 la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Le rapporteur pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 17 septembre 2007. À cette date, 22 % des réponses lui étaient parvenues.

À la date butoir, le taux de réponses était de 96 %.

I.- UN EFFORT BUDGÉTAIRE HISTORIQUE, QUI ACCENTUE LA DYNAMIQUE ENGAGÉE DEPUIS TROIS ANS

Les crédits des dix programmes recherche de la MIRES, qui représentent 43 % de l’ensemble des crédits de la mission, augmentent pour 2008 de 879 millions d’euros (429 millions de crédits budgétaires, 390 millions de dépenses fiscales et 60 millions d’euros de crédits pour Oséo Innovation).

Présentation des crédits recherche de la mission par programme

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2007

Demandées pour 2008

Ouverts en LFI pour 2007

Demandés pour 2008

172 / Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

3 839 171 484

5 004 608 150

3 839 171 484

5 004 608 150

187 / Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 163 116 925

1 220 812 427

1 163 116 925

1 220 812 427

193 / Recherche spatiale

1 261 054 058

1 277 747 726

1 261 054 058

1 277 747 726

189 / Recherche dans le domaine des risques et des pollutions

276 843 057

279 843 057

276 843 057

279 843 057

188 / Recherche dans le domaine de l’énergie

659 299 204

671 485 965

659 299 297

671 485 965

192 / Recherche industrielle

644 320 182

697 320 182

576 470 182

576 470 182

190 / Recherche dans le domaine des transports, de l’équipement et de l’habitat

400 276 284

416 512 132

378 021 473

379 273 132

191 / Recherche duale (civile et militaire)

198 000 000

200 000 000

198 000 000

200 000 000

186 / Recherche culturelle et culture scientifique

151 444 520

159 848 690

150 184 520

157 298 690

142/ Enseignement supérieur et recherche agricoles

275 845 215

277 856 008

275 845 215

281 296 008

Total des crédits recherche

8 865 925 929

10 048 835 337 

8 778 006 211

10 206 034 337

Source : projet annuel de performance du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

A. L’AMÉLIORATION DE L’ENVIRONNEMENT MATÉRIEL DES CHERCHEURS

1. Les mesures en faveur des jeunes chercheurs

Un ensemble significatif de mesures en faveur des jeunes chercheurs est proposé, afin de conforter leur situation et de mieux reconnaître leur investissement en matière de recherche :

– un relèvement du dispositif des conventions de recherche pour les techniciens supérieurs – CORTECHS (300 entrées prévues en 2008 pour un montant total de 3 millions d’euros) ;

– la consolidation du contingent annuel de 800 postes de post-doctorants (+ 1,76 million d’euros, soit une enveloppe de 28,11 millions d’euros) ;

– l’activation du dispositif des conventions industrielles de formation par la recherche – CIFRE (+ 6,65 millions d’euros, soit une enveloppe globale de 54,04 millions d’euros pour 1 260 entrées prévues en 2008 comme en 2007), dont le caractère incitatif est amélioré par revalorisation de 16 % du niveau de l’aide versée aux entreprises (dont le montant annuel est porté de 14 635 à 17 000 euros).

2. Les moyens des organismes de recherche

Les priorités définies dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens des organismes de recherche bénéficient d’augmentation de crédits : + 15,7 millions d’euros pour le Centre national d’études spatiales (CNES) et + 11,8 millions d’euros pour le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). De même, des projets ciblés des organismes de recherche (moyens d’investissement ou de fonctionnement récurrent qui n’ont pas vocation à être pris en charge par l’Agence nationale pour la recherche) font l’objet de financements supplémentaires pour un montant de 10,57 millions d’euros.

Projets ciblés des organismes de recherche financés en 2008

Organismes

Projets ciblés

Montants
(en millions d’euros)

CNRS

Soutien aux équipes implantées à l’Institut Gustave Roussy (IGR)

1,50

INSERM

Soutien aux équipes implantées à l’IGR et Institut clinique de la Souris

3,20

INRA

Opérations structurantes du contrat

0,52

CIRAD

Rapprochement avec l’INRA

0,65

CEMAGREF

Centre de Lyon (CPER)

1,20

Institut Pasteur Paris

Biologie intégrative (CPER)

0,80

Institut Curie

Biologie du développement

1,00

INRIA

Mise en œuvre du contrat d’objectifs

1,70

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

3. Le financement des grands projets et très grandes infrastructures de recherche

La mise en place et l’exploitation de très grands équipements ou infrastructures de recherche à dimension nationale ou internationale, ainsi que la mise en place de réseaux de plates-formes d’équipements à la pointe de la technologie, sont indispensables aux progrès de la plupart des champs disciplinaires.

Les crédits ouverts au titre de la contribution française au projet ITER (construction de la machine et financement de l’approche élargie) sont plus que doublés car portés de 16,9 à 33,9 millions d’euros (+ 17 millions d’euros). L’achèvement de la construction et l’optimisation des conditions de mise en service du Large Hadron Collider au CERN font l’objet d’un relèvement des contributions des vingt États membres soutenu par un effort spécifique des deux États hôtes, la Suisse et la France (+ 4 millions d’euros pour notre pays).

Le financement des très grandes infrastructures de recherche (TGIR) est prévu à hauteur de 250,83 millions d’euros, dont 129,22 millions pour le CNRS, 62,2 millions pour le CEA, 20 millions pour la flotte de l’IFREMER et 13,40 millions pour l’institut Paul-Émile Victor. Cette enveloppe inclut également une première contribution spécifique de 3 millions d’euros de la France (répartie entre le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le CEA) aux projets pilotés par l’Allemagne de laser européen XFEL (qui doit être implanté à Hambourg) et d’accélérateur de particules Fair (qui doit être implanté à Darmstadt).

B. LA POURSUITE DE LA MONTÉE EN CHARGE DES FINANCEMENTS INCITATIFS PORTÉS PAR LES AGENCES

Les financements incitatifs sur programmes et projets sont un facteur de dynamisation du système de recherche. Depuis 2005, cette responsabilité est confiée à l’Agence nationale pour la recherche (ANR) qui, créée d’abord sous forme d’un groupement d’intérêt public, est devenue depuis janvier 2007 un établissement public placé sous la tutelle unique du ministère chargé de la recherche. L’intégralité de son financement est désormais imputée sur le programme 172.

Son budget d’intervention bénéficie d’une augmentation substantielle puisqu’il sera porté en 2008 à 955 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiements. (+ 130 millions d’euros). Cette augmentation permettra d’intensifier le financement des projets de recherche et d’honorer la couverture en crédits de paiement des programmations scientifiques lancées depuis 2005.

Ces crédits d’engagement supplémentaires permettront à l’ANR :

– d’accroître à nouveau le montant global de ses appels à projets (624 millions d’euros en 2006 et 617,5 millions d’euros en 2007), prenant en compte les nouvelles priorités de la France en matière scientifique et de réponses aux grands enjeux et questions de société (en matière environnementale notamment) ;

– d’augmenter significativement le dispositif du « préciput » qui, en application de l’article 16 de la loi de programme pour la recherche, instaure le principe du versement à l’organisme dans lequel le porteur du projet exerce ses fonctions d’une partie du montant des aides allouées par l’agence dans le cadre des procédures d’appel d’offres (le taux de préciput est actuellement de 5 %, soit un montant de 22,3 millions d’euros) ;

– de prendre en compte l’augmentation des engagements de l’État pris dans le cadre des contrats de projet État-région 2007/2013 en matière de financement d’équipements scientifiques, par rapport aux contrats 2000/2006 (l’enveloppe globale passant de 204,8 à 271,74 millions d’euros) ;

– de poursuivre l’effort de financement du dispositif des « Instituts Carnot » (60 millions d’euros en 2007).

En outre, le contrat d’objectifs de l’agence, en cours de préparation, comportera un relèvement de la part de ses financements à destination des entreprises (18 % actuellement).

Par ailleurs, une enveloppe de 60 millions d’euros de crédits supplémentaires est ouverte au titre de l’engagement du gouvernement de la poursuite de la montée en charge des interventions d’Oséo Innovation. Après avoir doublé entre 2005 et 2007, le budget d’intervention de l’agence sera ainsi porté à 220 millions d’euros en 2008 (+ 37 %).

C. LA DYNAMISATION DE LA RECHERCHE DANS DES ENTREPRISES

Instauré en 1982, le crédit impôt recherche permet aux sociétés qui investissent dans le développement de nouveaux produits et de procédés industriels à contenu technologique, de réduire leur imposition. Afin d’en prolonger et améliorer les effets, mieux positionner notre pays dans l’intense compétition engagée en la matière au niveau international et se rapprocher de l’objectif de la stratégie de Lisbonne de consacrer 3 % du PIB au financement de la recherche (2,13 % en 2005), le gouvernement souhaite amplifier et simplifier le dispositif existant.

Il est ainsi prévu une augmentation de 390 millions d’euros, par rapport à la loi de finances initiale pour 2007, de la dépense fiscale au titre de la montée en charge du crédit impôt recherche (soit un montant attendu de dépenses fiscales de 1 289 millions d’euros pour ce dispositif en 2007, représentant un quasi-doublement par rapport à 2005), liée à la réforme du dispositif introduite par la loi de finances rectificative pour 2006.

Le mode de calcul du crédit impôt recherche est simplifié et majoré pour que, dès le 1er janvier 2008, les dispositions suivantes entrent en vigueur :

– suppression de la part en accroissement et du plafond ;

– instauration d’un taux de 30 % jusqu’à 100 millions d’euros de dépenses, puis de 5 % au-delà, le taux étant majoré de 50 % l’année d’entrée dans le dispositif ;

– introduction de mesures de simplification pour les entreprises et d’amélioration de la sécurité juridique du dispositif.

II.- LA RECHERCHE BIOMÉDICALE FRANÇAISE
À LA CROISÉE DES CHEMINS

Le secteur de la recherche en biologie et santé, que l’on désigne dans ce rapport par recherche biomédicale, a subi de profonds bouleversements au cours des dernières années, aux implications scientifiques, économiques et sociales nombreuses.

Tout d’abord, les perspectives ouvertes par le décryptage du génome humain à grande échelle ont bouleversé la compréhension des pathologies et l’approche de la recherche. La maîtrise accrue des biotechnologies fait du vivant un véritable terreau de médicaments innovants et transforme les techniques de recherche.

Ensuite, la recherche nécessite désormais l’utilisation de plates-formes techniques coûteuses ainsi que des efforts renouvelés d’investissement à moyen et long terme. Le coût de la mise au point d’une molécule innovante a par ailleurs été multiplié par dix en vingt ans. Cette augmentation des coûts a provoqué une vague de concentrations dans l’industrie pharmaceutique et une accélération de la compétition internationale. En outre, l’industrie pharmaceutique est un secteur en pleine croissance, aux retombées économiques nombreuses en termes d’emploi et de création de richesse : entre 1990 et 2003, la demande mondiale de médicaments a par exemple augmenté de 7 % par an, soit deux fois plus vite que le PIB mondial et presque quatre fois plus vite que le PIB français. Cette croissance n’est pas près de fléchir, la demande n’étant pas entièrement satisfaite, même dans les pays les plus développés.

Enfin, c’est un secteur qui modifie en profondeur la structure de nos sociétés comme en témoignent les progrès enregistrés dans l’espérance de vie. Ses applications et progrès peuvent en effet bénéficier à la population de manière quasi immédiate. Des études récentes réalisées aux États-Unis démontrent ainsi clairement l’efficacité de la recherche médicale, responsable par exemple de 30 à 70 % des progrès en santé concernant l’espérance de vie pendant l’enfance.

Il faut ajouter que la recherche en santé bénéficie d’un contexte favorable, l’émergence de nouvelles maladies et de nouveaux risques sanitaires ayant fortement sensibilisé la population à son importance.

Plus qu’ailleurs, la France se doit donc d’être présente au premier plan dans ce secteur clé pour l’avenir de nos sociétés.

Or si le Pacte pour la recherche initié en 2006 et la réforme des universités effectuée à l’été 2007 témoignent de la volonté manifeste de dynamiser le système de recherche français, le rapporteur pour avis a le sentiment que la recherche biomédicale n’est plus au premier plan des priorités gouvernementales.

La France ne manque certes pas d’atouts dans ce domaine, avec notamment une formation et un réseau de soins de qualité. Elle souffre néanmoins d’un système fragmenté et cloisonné à l’extrême, dans un contexte où la taille critique des établissements et les synergies entre équipes interdisciplinaires jouent un rôle primordial. La qualité du système de recherche publique étant un élément important dans les décisions de localisation des entreprises, la France ne peut se dispenser de réfléchir à la réorganisation de son système de recherche biomédicale et s’engager massivement dans le secteur. À défaut, elle risque de se retrouver distancée dans la compétition internationale et de voir ses centres de recherche et développement quitter le territoire, à l’heure où la plupart des pays investissent massivement dans les biotechnologies et Shanghai est en train devenir un nouveau cluster (1) mondial en recherche biomédicale.

Shanghai, nouvel épicentre mondial dans le domaine biomédical ?

Le XIe plan quinquennal (2006-2010) a été l’occasion pour les dirigeants chinois de réaffirmer, au plus niveau de l’État, leur engagement et la priorité donnée aux sciences et technologies.

Amorcée dès les années 1970, la politique de soutien au secteur des biotechnologies s’est renforcée par la suite avec des programmes s’adressant à la recherche publique comme au secteur privé, sous l’égide du ministère des sciences et technologies (MOST) et du ministère de la santé (MOH).

Les biotechnologies occupent une place dominante au sein du programme 863 lancé en 1986 par le MOST. La Chine s’est illustrée par sa participation au programme de séquençage du génome humain, dans lequel elle a réalisé 1 % de l’étude totale. De façon plus générale, la Chine a orienté ses recherches vers les thérapies cellulaires et géniques, ainsi que le travail sur les cellules souches. De 2000 à 2004, le secteur des biotechnologies en Chine a connu une croissance de plus de 20 % et devrait continuer à croître dans les années à venir selon un rythme de 10 %.

La municipalité de Shanghai a engagé de nombreux efforts au cours de la dernière décennie pour attirer les meilleurs chercheurs dans le domaine biomédical. Elle compte aujourd’hui près de 20 000 chercheurs et autant de doctorants, trois cents établissements d’enseignement supérieur, 90 instituts de l’Académie des sciences de Chine et de l’Académie de médecine, neuf instituts émanant des Shanghai Institutes for Biological Sciences (SBIS) (dont l’Institut Pasteur de Shanghai), de nombreux incubateurs d’entreprises et dispose d’un réseau de près de 500 hôpitaux pour vingt millions d’habitants. En 2003, on comptait 158 entreprises et 31 centres de recherche et développement dans le domaine des biotechnologies. Toutes les, grandes firmes pharmaceutiques sont présentes à Shanghai. En 2006, Norvartis y a ouvert un centre stratégique de recherche et développement avec un investissement initial de 100 millions de dollars.

A. UNE PRIORITÉ MOINDRE QUE DANS LA PLUPART DES AUTRES PAYS INDUSTRIALISÉS

1. Un effort important

Aujourd’hui, selon le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, la France consacre un peu plus de 2,6 milliards d’euros par an à la recherche publique dans le domaine de la santé. Cette dépense se décline ainsi :

– 1,3 milliard d’euros (50 %) pour les organismes publics de recherche, essentiellement l’INSERM et le département des sciences de la vie du CNRS ;

– 1 milliard d’euros (38 %) pour les établissements d’enseignement supérieur, dont les centres hospitaliers universitaires (CHU) et les centres de lutte contre le cancer (CLCC) ;

– 335 millions d’euros (12 %) de crédits incitatifs de l’État distribués par l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) ou encore l’Agence nationale de la recherche (ANR).

De façon encore plus marquée que dans les autres disciplines scientifiques, la recherche biomédicale française se distingue par la place importante occupée par les organismes publics de recherche (50 % des financements publics contre 30 % en moyenne dans les autres secteurs).

En termes d’effectifs, on estime à un peu plus de 12 000 le nombre de chercheurs dans le domaine biomédical, répartis entre enseignants-chercheurs des universités et chercheurs en biologie et santé des établissements publics de recherche.

Les entreprises du médicament ont investi 3,9 milliards d’euros en recherche et développement en France en 2004, soit 13 % des investissements des industriels. Ce budget fait de l’industrie pharmaceutique le deuxième contributeur, en valeur absolue, à la recherche et développement en France, derrière l’industrie automobile mais devant la construction aéronautique et spatiale, et également le deuxième contributeur en pourcentage du chiffre d’affaires consacré à la recherche, soit 11,3 % contre 20,2 % à la construction aéronautique et spatiale et 3,8 % pour l’industrie automobile.

Les effectifs de recherche et développement dans les entreprises du médicament s’établissent à environ 22 000 personnes, dont 10 000 chercheurs et ingénieurs. De nombreux interlocuteurs du rapporteur pour avis ont attiré son attention sur les deux principales lacunes du tissu de recherche privé français : le manque de petites entreprises en biologie ou biotechnologies et l’absence de centres de recherche et développement de laboratoires étrangers, limitant ainsi les transferts de connaissances et les effets de réseau. Tous imputent ces lacunes à l’absence de priorité donnée à ce secteur depuis de nombreuses années.

2. Une priorité progressivement diluée ?

La recherche biomédicale est absente en tant que telle des statistiques du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Afin de retracer dans le temps l’effort consenti par la France dans ce domaine, on peut se référer aux sciences du vivant, discipline qui, outre la recherche médicale et la recherche en biologie, comprend la recherche en sciences agronomiques et alimentaires.

Le secteur des sciences du vivant absorbe aujourd’hui 21 % du budget recherche et développement technologique de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES), soit 2 642 millions d’euros en 2007. Cela en fait le premier secteur de la recherche publique française en termes de priorité et de ressources.

En 1999, le comité interministériel de la recherche scientifique et technique (CIRST) avait retenu les sciences du vivant comme première priorité de l’effort national de recherche et s’était prononcé pour un accroissement des ressources qui lui étaient consacrées. Si les crédits alloués aux sciences du vivant ont certes augmenté de 27,5 % depuis cette date, soit davantage que les crédits civils de recherche (19,5 %), force est de constater que cette priorité s’est diluée au fil des ans, les sciences et technologies de l’information et de la communication ainsi que la recherche dans le domaine environnemental étant venus s’ajouter aux priorités gouvernementales.

Dans le même temps, la plupart des autres grands pays ont consenti d’importants efforts budgétaires en matière de recherche biomédicale. En Allemagne, les aides fédérales dans les secteurs santé, médecine et biotechnologies ont ainsi augmenté, de 1998 à 2004, de 40 %. En Grande-Bretagne, les subventions d’État au Medical Resarch Council (MRC) et au Biotechnology and Biological Science Research Council (BBSRC) ont progressé, entre 1998-1999 et 2004-2005, de 52 et 46 %. Enfin, aux États-unis, le budget des National Institutes for Health (NIH) a quasiment doublé entre 1998 et 2005 pour dépasser aujourd’hui les 27 milliards de dollars, soit presque dix fois l’ensemble des crédits de la MIRES alloués aux sciences du vivant et quasiment le double de l’ensemble des crédits de la recherche publique française (14 milliards d’euros).

Au total, si les grands pays scientifiques ont tous identifié les sciences du vivant comme un domaine prioritaire à la fin des années 1990 et décidé d’augmenter les crédits publics qui leur étaient destinés, la France l’a fait dans des proportions moindres que les autres.

3. Une place dans la compétition internationale préoccupante

L’accroissement des connaissances constitue la première raison d’être de recherche scientifique. La qualité et le dynamisme de la recherche d’un pays se manifestent donc prioritairement par sa capacité à produire des connaissances au meilleur niveau international.

Les indicateurs de production des connaissances les plus pertinents sont ceux construits à partir des publications scientifiques. Même si elles sont loin de refléter parfaitement la totalité des activités de recherche, les publications scientifiques représentent aujourd’hui le baromètre de la production de connaissances. L’attractivité d’un centre de recherche et sa capacité à faire venir les meilleurs et décrocher des subventions et des contrats dépendent de cet affichage. C’est à travers ces indicateurs que la recherche française est perçue hors de France. La base de donnée qui fait référence au niveau international, celle de Thomson Scientific-ISI, est utilisée ci-après.

La part des publications françaises de référence internationale dans la production scientifique européenne est passée de 15,12 % en 1995 à 13,29 en 2005 tandis que la part dans la production mondiale baissait dans le même temps de 5,36 à 4,50 %. Dans les domaines qui nous intéressent, la recherche médicale et la biologie, les chiffres ne sont pas plus favorables, comme l’illustre le tableau suivant :

Part, en pourcentage, des publications françaises de référence
dans la production scientifique mondiale

Disciplines

1995

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Biologie fondamentale

5,57

5,45,

5,27

5,12

4,95

4,77

4,63

Recherche médicale

5,57

5,19

5,09

4,90

4,47

4,53

4,38

Biologie appliquée-écologie

4,23

4,43

4,22

4,05

3,85

3,63

3,47

Physique

5,77

5,77

5,73

5,66

5,43

5,27

5,08

Sciences de l’Univers

5,06

5,67

5,44

5,26

5,12

4,99

4,88

Mathématiques

7,12

7,94

7,88

7,82

7,65

7,53

7,21

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

La France se place au cinquième rang mondial en valeur absolue en termes de publications et citations scientifiques dans les sciences du vivant, derrière les États-Unis, l’Angleterre, l’Allemagne et le Japon mais juste devant la Chine. Rapportées au nombre d’habitants, nos publications ne nous placent qu’au quatorzième rang, à égalité avec la Belgique mais après, notamment, la Suisse, le Canada, l’Australie et Israël. Toute la production scientifique biomédicale française dans les journaux d’excellence ne représente que 7 % de la production des États-Unis, 29 % de l’Angleterre, à peine la moitié de la ville de Boston et seulement les deux tiers de la seule Université de Harvard.

B. UN SECTEUR FRAGMENTÉ À L’EXTRÊME

À l’opposé du système américain, où les National Institutes for Health sont au centre du dispositif national de recherche médicale depuis plus de soixante-dix ans, la recherche biomédicale française est un secteur fragmenté à l’extrême où coexistent outils et organismes aux statuts et modes de fonctionnement très variés : établissements publics, fondations, centres hospitalo-universitaires ou encore agences de moyens. Un bref aperçu du système américain permet donc de mettre en lumière, par un effet de contraste saisissant, l’éparpillement, le manque de coordination et l’inertie de notre système.

1. L’exemple américain des National Institutes of Health

L’organisation de la recherche biomédicale américaine repose essentiellement sur le réseau des National Institutes of Health. Actuellement au nombre de 27, couvrant chacun une thématique propre, ces instituts et centres sont implantés à Bethesda, petite ville proche de Washington, formant ainsi le campus biomédical le plus important au monde.

Les créations de ces instituts se sont déroulées entre 1937 et 2000, la plupart d’entre eux l’ayant été au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, entre 1946 et 1950, à l’époque où la France mettait en place ses principaux établissements publics de recherche. La création de chaque institut a, à chaque fois, fait l’objet d’enquêtes approfondies pour en établir le bien-fondé. Chaque création correspondait ainsi à une nécessité thérapeutique, du fait de l’émergence de nouvelles maladies ou de l’amplification de maladies anciennes. Dans chaque cas, l’intitulé de l’institut énonce clairement son domaine de recherche : institut national du cancer, institut national de la santé mentale, institut national de l’œil... Au cours du temps, les missions de chaque institut ont pu être renforcées ou étendues, comme par exemple pour la maladie d’Alzheimer dont l’étude est revenue à l’institut du vieillissement.

Trois entités, créées très tôt, sont les clefs de voûte de l’ensemble du système :

– le centre pour l’expertise scientifique des demandes de subventions parvenant aux instituts nationaux de la santé, créé dès 1946 ;

– le centre de recherche clinique, crée en 1953, qui a pour mission d’organiser la recherche clinique de la meilleure qualité possible, à partir des données expérimentales obtenues dans l’un ou l’autre institut ;

– la bibliothèque nationale de médecine, créée en 1956, qui collecte, organise et met à la disposition de la communauté biomédicale mondiale les publications parues dans le monde entier.

Le budget des instituts nationaux, de l’ordre de 27 milliards de dollars par an, est réparti entre les différents instituts, en fonction des urgences biomédicales du moment. Actuellement, les recherches sur la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, le diabète, le syndrome métabolique, le cancer de la prostate ou encore le cancer du sein, font l’objet de dotations financières importantes. Chaque institut soutient une recherche intra muros et une recherche extra muros. La recherche intra muros est effectuée à Bethesda dans les laboratoires propres de l’institut où travaillent environs 6 000 personnes. Cette recherche bénéficie approximativement de 10 % du budget total. Le nombre des laboratoires des instituts peut être très variable. Il peut être au nombre de 20 dans l’institut du cancer et de 11 dans l’institut du vieillissement. Ce nombre atteste généralement de l’importance de l’effort qui veut être fait dans la recherche sur une pathologie donnée.

La recherche extra muros est effectuée dans n’importe quel laboratoire des universités des cinquante États du pays ou même, mais rarement, dans des laboratoires étrangers. Elle est uniquement financée sur proposition de projets présentés après des appels d’offres très sélectifs. Après une expertise effectuée par les membres de commission choisis dans les différents États du pays, des financements très importants, de l’ordre d’un million de dollars par an, sont accordés pour des périodes de cinq ans. Ces financements couvrent l’achat des équipements, le fonctionnement, le salaire d’un ou de plusieurs étudiants en thèse, d’un étudiant ou de plusieurs étudiants « post-doctoraux », de techniciens, d’une secrétaire et même d’une partie du salaire du responsable du projet.

2. Un empilement de structures au fil des ans

Comme le rappelait récemment le professeur Bernard Kerdelhué lors de son intervention devant l’Académie des sciences morales et politiques, l’organisation de la recherche médicale française a été relativement simple jusqu’en 1945, s’apparentant sur bien des points à la recherche américaine avant la création des NIH.

À cette époque, la recherche scientifique était quasiment uniquement effectuée au sein des universités, sous la direction de professeurs qui n’étaient pas encore dénommés enseignants-chercheurs. Les activités de recherche se concentraient alors à l’Institut Pasteur, au Collège de France, à l’École normale supérieure, à l’École de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, dans des laboratoires de l’association Claude-Bernard, dans des hôpitaux et à l’Institut national d’hygiène.

Depuis cette date, de nouvelles structures sont venues s’ajouter au fil des ans au tissu existant pour le rendre aujourd’hui difficilement lisible et peu réactif.

a) Les établissements publics de recherche

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, plutôt que de réformer l’université pour dynamiser la recherche, les pouvoirs publics ont préféré créer les établissements publics de recherche (CNRS, CEA, INRA, INSERM). M. Jean-Pierre Door, dans son rapport d’information sur l’avenir du système de recherche français, présenté le 21 décembre 2004 rappelait que c’était là une pratique ancienne en France, initiée par François Ier qui, souhaitant lui aussi réformer l’université, avait préféré le Collège de France.

Ces établissements concentrent aujourd’hui près de la moitié des efforts publics consentis dans le domaine de la recherche biomédicale, que ce soit en termes de ressources ou de personnel. La France se distingue de ses principaux partenaires par la présence de deux opérateurs principaux, généralistes, l’INSERM et le département des sciences de la vie du CNRS, de taille et de niveau de ressources comparables et dont les fonctions se recouvrent largement.

Créé en 1964 et doté d’un budget de 612 millions d’euros, dont 492 de subventions de l’État, l’INSERM est le principal opérateur dans le domaine de la recherche biomédicale en France. Établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la double tutelle des ministères de la santé et de la recherche, il est le seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine et a donc vocation à étudier toutes les maladies, des plus fréquentes aux plus rares ; 85 % de ses 335 unités de recherche sont implantées au sein des centres hospitalo-universitaires (CHU) ou des centres de lutte contre le cancer (CLCC). Ces unités emploient 13 000 personnes (dont 6 000 chercheurs, pour la plupart fonctionnaires recrutés par concours) réparties sur l’ensemble du territoire.

Le département « Sciences de la vie » du CNRS dispose lui d’un budget de 430 millions d’euros réparti parmi 300 structures de recherches (laboratoires, instituts, fédérations) comprenant 5 300 personnes (dont 2 800 chercheurs). Les domaines scientifiques privilégiés par le département sont la biologie cellulaire et moléculaire, la biologie intégrative et les neurosciences, ainsi que la génétique et la génomique.

Le bénéfice attendu de l’existence de deux structures distinctes, l’une tournée vers la recherche clinique, l’autre spécialisée dans la recherche fondamentale et pluridisciplinaire, est à considérer au regard des coûts de structure et du manque de concertation qui peut en résulter, compte tenu de l’imbrication croissante des programmes et équipes de recherche, justement mis en valeur par un récent rapport de la Cour des comptes sur la recherche publique en sciences du vivant. Au fil des auditions, le rapporteur pour avis a acquis la conviction que le rapprochement de l’INSERM et du département sciences de la vie du CNRS, serpent de mer évoqué depuis une vingtaine d’années, est inéluctable.

À côté de ces deux opérateurs principaux, la recherche biomédicale est également présente, de manière plus ciblée, au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et à l’Institut national de recherche agronomique (INRA). L’INRA, établissement public à caractère scientifique et technologique placé sous la double tutelle des ministères chargés de la recherche et de l’agriculture, participe à des recherches en biologie et santé essentiellement par l’intermédiaire de son département « Alimentation humaine ».

Grâce à l’intégration de savoirs et de techniques issues des technologies nucléaires développées en son sein, la direction des sciences du vivant du CEA se spécialise dans les domaines où la composante technologique est essentielle : traitement et acquisition des images, transmission des informations, gestes assistés par ordinateur et télé-chirurgie, micro et nanotechnologies ou encore modèles de stockage de l’information génétique. La création de grandes plateformes nationales (Neurospin, dédiée à l’imagerie cérébrale à très haut champ, et MirCen, centre d’imagerie préclinique pour la recherche sur les maladies neurodégénératives, infectieuses, cardiaques et en cancérologie, développé en partenariat avec l’INSERM) répond également à cette spécialisation technologique, tout comme l’intégration en 2007 des centres nationaux de séquençage (Genoscope) et de génotypage d’Evry au sein du nouvel Institut de génomique. La direction des sciences du vivant compte près de 1900 personnes, dont plus de 1 050 salariés du CEA (le CEA étant un établissement public industriel et commercial, il recrute sur des contrats de droit privé, à la différence du CNRS ou de l’INSERM). Le CEA a ainsi trouvé une place originale dans le système de recherche biomédicale français, en concertation avec les autres organismes de recherche, comme l’a affirmé le directeur des sciences du vivant, M. André Syrota, au rapporteur pour avis.

b) Les centres hospitalo-universitaires

La création en 1958 des centres hospitalo-universitaires (CHU), en mettant en commun les ressources des facultés de médecine et des hôpitaux publics, a permis de réaffirmer la vocation de l’hôpital à faire de la recherche.

Si la recherche fondamentale se fait plutôt dans les laboratoires universitaires, pas forcément situés dans l’enceinte de l’hôpital, la recherche clinique, c’est-à-dire la recherche médicale appliquée aux soins, est menée dans les services hospitaliers.

La recherche clinique à l’hôpital se fait aujourd’hui principalement par le biais de trois outils mis en place au début des années 1990 : les Centres d’investigation clinique (CIC), le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) et les délégations à la recherche clinique (DRC).

Tout d’abord, dans le cadre de la loi du 20 décembre 1988, modifiée par la loi du 23 janvier 1990, l’INSERM et un certain nombre d’établissements publics de soins ont conclu une convention portant création de centres d’investigation clinique (CIC). Ces structures sont entièrement dédiées à l’organisation, la coordination et la réalisation d’essais cliniques afin d’améliorer la connaissance des maladies, leur traitement et leur prévention. Les conventions portant création d’un centre d’investigation clinique le définissent généralement comme « une unité géographique située au sein d’un établissement hospitalier qui rassemble une surface suffisante, des lits d’investigation, un local de conditionnement et de stockage des prélèvements, des pièces de travail et des locaux techniques dans une disposition adaptée aux contraintes particulières d’une activité de recherche clinique ». Il en existe aujourd’hui vingt-un, dont huit au sein de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris (AP-HP).

Ensuite, le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), doté d’un budget annuel de l’ordre de 100 millions d’euros, a été créé en 1992. Ses objectifs étaient, par le biais de financements incitatifs, de dynamiser la recherche clinique hospitalière en vue de promouvoir le progrès médical, participer à l’amélioration de la qualité des soins par l’évaluation de nouvelles méthodes diagnostiques et thérapeutiques et, enfin, valider scientifiquement les nouvelles connaissances médicales en vue d’un repérage des innovations thérapeutiques et de la mise en œuvre de stratégies de diffusion dans le système de santé. Depuis 1993, chaque année, par voie de circulaire, le ministre en charge de la santé lance un appel à projets de recherche permettant aux équipes hospitalières de déposer des dossiers en vue d’obtenir leur financement dans le cadre de l’enveloppe annuelle disponible. À partir de 1994, l’affichage de thématiques spécifiques a permis un pilotage national en fonction des priorités de santé publique et en tenant compte d’appels à projets spécifiques relevant d’autres organismes publics, tout en laissant une part de liberté aux investigateurs pour le choix d’autres thèmes. De l’avis de tous les acteurs, la création du PHRC a constitué une avancée majeure dans le développement de la recherche clinique à l’hôpital.

Enfin, en complément de ce dispositif, des délégations à la recherche clinique (DRC) ont été créées au sein des établissements de santé hospitalo-universitaires à l’initiative de leur directeur général, sur incitation des pouvoirs publics. Elles associent en leur sein des représentants des hôpitaux généraux, des centres hospitaliers spécialisés, des centres anti-cancéreux et des organismes de recherche. Elles ont, de part leur composition tripartite, permis de créer une cohérence régionale de la recherche en termes de proximité géographique autour de chaque centre hospitalo-universitaire et renforcé les collaborations hôpital/université.

c) Les agences d’objectifs et de moyens spécialisées

Plus récemment, plutôt que de confier de nouvelles responsabilités aux organismes existants, les pouvoirs publics ont choisi de mettre en place des agences d’objectifs et de moyens thématiques, témoins des priorités de santé publique du moment.

L’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) est un groupement d’intérêt public (GIP) créée en 1992 associant les ministères en charge de la recherche, de la santé, le CNRS, l’INSERM, l’Institut Pasteur et l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Elle anime, coordonne et finance en France et dans les pays en développement les recherches sur le Sida et les hépatites virales B et C. Elle définit des priorités scientifiques et mobilise la communauté scientifique et finance, grâce à un budget de 40 millions d’euros des programmes et des bourses de recherche après évaluation par ses instances scientifiques.

Créé par la loi de santé publique du 9 août 2004, dans le cadre du Plan cancer, l’Institut national du Cancer (INCa) est un groupement d’intérêt public placé sous la tutelle des ministères de la santé et de la recherche, il fédère l'ensemble des acteurs de la lutte contre le cancer en France. Il lance des appels à projets pour soutenir les structures et financer les actions innovantes dans les domaines de la recherche, des soins, du dépistage, de la prévention et de l'accompagnement des malades. Il soutient notamment des programmes de recherche impliquant plusieurs disciplines autour d'une pathologie cancéreuse, par exemple le programme intégré du cancer colorectal lancé en 2007. Il noue des partenariats avec les autres institutions pour rassembler les compétences (méthodologie et expertise) autour de projets communs.

Si la réussite du Plan cancer et la qualité du travail de l’INCa ne peuvent être mises en question, le rapporteur sur avis regrette l’empilement des structures et la multiplication des crédits incitatifs qui en résultent, même si un effort de coordination avec le programme hospitalier de recherche clinique a été fait. On peut, en revanche, se réjouir que le lancement du Plan national Alzheimer 2008-2012 ne se soit pas accompagné, pour l’instant, de la création d’une nouvelle agence d’objectifs et de moyens mais par l’installation d’une simple commission sur le plan Alzheimer, chargée de coordonner l’effort national.

Enfin, parmi les nombreux acteurs du secteur caritatif d’aide à la recherche médicale, on peut s’arrêter sur la Fondation pour la recherche médicale, créée en 1947. Vivant uniquement grâce aux dons et legs, elle a pour vocation de financer, grâce aux 30 millions d’euros collectés annuellement, des projets de recherche après examen par son conseil scientifique. Elle finance ainsi 700 projets en moyenne par an dans tous les domaines de la santé (maladies neurologiques et psychiatriques, maladies du système immunitaire, pathologies infectieuses, affections cardiovasculaires ou encore cancers) et pour toutes les structures : INSERM, CNRS ou Institut Pasteur. Son activité est telle que le Professeur Jean Bernard estimait à 75 % le taux des chercheurs de l’INSERM qui avaient été un jour aidés par la fondation. Capable de mobiliser rapidement des sommes importantes sur des projets précis, elle apporte, comme l’a déclaré le président de son conseil de surveillance, M. Pierre Joly, au rapporteur pour avis, un peu de la souplesse et de la réactivité qui manquent parfois à la recherche publique.

3. La difficile évaluation des établissements

L’éparpillement des structures de recherche et la multiplication des appartenances administratives des scientifiques nuisent à l’efficacité de l’ensemble du système, dans un secteur où l’interdisciplinarité est indispensable et l’utilisation de matériels à haute performance très coûteuse. Force est de constater que peu d’établissements français atteignent cette masse critique qui leur permet d’exister sur la scène internationale. Année après année, le classement des universités mondiales effectuées par l’université Jiao-Tong de Shanghai, pour critiquable qu’il soit, révèle au grand jour l’absence des universités françaises dans le haut de ce classement.

Cette absence doit être nuancée par le fait que la recherche scientifique française, en particulier dans le domaine biomédical, se fait essentiellement dans et grâce aux organismes publics de recherche, dont l’activité ne peut que difficilement être prise en compte par ces classements. Le directeur général de l’INSERM expliquait ainsi que ces bilans comparatifs étaient totalement inadaptés à des établissements nationaux qui sont à la fois des producteurs de savoir académique et des agences de moyens : « Près de 80 % de nos publications ne sont pas prises en compte. Des organismes de recherche biomédicale comme le nôtre ne sont pas évaluables par des indicateurs de ce type. » À l’inverse, le monde anglo-saxon travaille plus volontiers sous une bannière unique. L’université américaine de Harvard, leader mondial dans la recherche biomédicale, et la plupart des facultés d’outre-atlantique sont ainsi créditées de la quasi-totalité de leurs publications dont l’affiliation est sans ambiguïté. De même, les 31 collèges de Cambridge publient sous le label de la « Cambridge University » afin de la faire bénéficier à plein de cette visibilité.

L’été dernier, l’étude sur la recherche biomédicale, dirigée par M. Philippe Even, ancien doyen de Necker, et publiée dans Les Echos, a alimenté le débat sur l’opportunité et la pertinence de ces classements. En s’appuyant sur un certain nombre de données bibliométriques, l’étude, nommée P5.N, avait pour ambition d’évaluer les effets de la concentration sur la créativité des chercheurs. Le résultat est un classement des grands ensembles (500 chercheurs en moyenne) qui confirme la supériorité de Paris et donc l’effet de masse critique. Parmi ces grands ensembles, se distinguent notamment l’Université Paris V, le campus du CNRS de Gif-sur-Yvette et l’Institut Pasteur. Parmi les institutions de taille moindre (140 chercheurs), on trouve aux premières places l’hôpital Necker, l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg et l’Institut Curie.

Si le biais choisi, la sélection de journaux, est naturellement critiquable, comme l’a fort justement souligné M. Frédéric Dardel, directeur du département des sciences du vivant du CNRS, le rapporteur pour avis salue néanmoins l’existence d’un tel travail qui a le mérite d’essayer de dresser un portrait de la recherche biomédicale et de banaliser la notion de classement dans la communauté scientifique, à l’image de ceux des hôpitaux effectués par différents magazines d’information.

C. DES RÉPONSES NOUVELLES À CETTE DISPERSION

1. Les instruments de coopération

a) Les réseaux thématiques de recherche avancée et les centres thématiques de recherche et de soins

Les réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) et les centres thématiques de recherche et de soins (CTRS) font partie des nouveaux instruments créés par la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006. Ils ont pour but de rassembler sur un thème donné des communautés d’excellence avec une masse critique de chercheurs, de les structurer, d’augmenter leur visibilité nationale et internationale et de leur donner les moyens juridiques et financiers d’être compétitifs avec les meilleurs centres de recherche mondiaux.

Les centres ou réseaux thématiques de recherche et de soins (CTRS/RTRS) incluent une composante relative aux soins et rassemblent des équipes scientifiques et médicales pour développer des projets démontrant une continuité entre recherche fondamentale, recherche clinique et soins innovants. Neuf centres ont été retenus par le ministère de la recherche dans le cadre de l’appel à projets lancé en février 2007. Les thèmes sélectionnés vont de la transplantation à la santé mentale, en passant par le cancer et la prématurité. Sur les treize RTRA sélectionnés, trois concernent le secteur biomédical.

Ces RTRA et CTRS ont été créés sous forme de fondations de coopération scientifique. Ce statut de type nouveau leur donne souplesse et réactivité nécessaire. Il permet, par ailleurs, d’engager la prospection d’autres sources de financement dans des conditions assimilées à celles de fondations reconnues d’utilité publique.

L’État a apporté une dotation globale de 201 millions d’euros pour les RTRA et 35 millions pour les CTRS/RTRS

b) Les pôles de compétitivité

De nombreux instruments de coopération avec les entreprises ont également été créés. Parmi eux, les pôles de compétitivité permettent, depuis 2004, la mise en réseau des entreprises, de la recherche publique et de l’enseignement supérieur. Après appel à projets, les dossiers retenus sont labellisés par l’État et reçoivent un financement du fonds unique interministériel, géré par le ministère de l’économie et des finances, doté de 200 millions d’euros. Les pôles peuvent également recevoir des dotations de l’ANR (170 millions d’euros de dotation), de l’Agence pour l’innovation industrielle (88 millions d’euros) ou d’Oséo innovation (80 millions d’euros). Aujourd’hui, huit pôles de compétitivité s’intéressent à la recherche biomédicale :

Pôles de compétitivité dans le domaine biomédical

Pôle

Type

Localisation

Thématiques

Lyonbiopôle

mondial

Rhône-Alpes

Diagnostic moléculaire et cellulaire, vaccins et biomédicaments, briques technologiques.

Medicen

mondial

Île-de-France

Cancer, infectiologie, neurologie, imagerie, technologies du médicament, médecine moléculaire et cellulaire

Innovations Thérapeutiques

vocation

mondiale

Alsace

Chimie, biologie et technologies médicales

Atlantic Biothérapies

national

Pays-de-Loire

Thérapie cellulaire et génique, immuno-intervention et immunotechnologie, ingénieries moléculaire, cellulaire et tissulaire

Cancer Bio Santé

national

Midi-Pyrénées
Limousin

Prévention, molécules d’intérêt thérapeutique, innovations technologiques, socio-sanitaire

Nutrition Santé Longévité

national

Nord
Pas de Calais

Désordres métaboliques et maladies associées ainsi que maladies neuro-dégénératives

Orpheme

national

Provence
Côte d’Azur
Languedoc
Roussillon

Maladies infectieuses et tropicales, problématiques liées au vieillissement (dispositifs médicaux, oncologie, pathologies neurologiques…)

Prod’Innov

national

Aquitaine

Nutrition et biomédicaments

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Le rapprochement du monde universitaire et du monde de l’entreprise constitue un des succès indéniables des pôles de compétitivité. La participation des établissements publics s’est traduite par la création de nouveaux postes de chercheurs, tant dans les universités que dans les organismes de recherche, et l’augmentation sensible des conventions CIFRE (convention industrielle de formation par la recherche, permettant à un jeune chercheur de réaliser sa thèse en entreprise). On constate également une synergie avec les dispositifs mis en place par le ministère de la recherche pour favoriser la recherche et le développement en entreprise : incubateurs, concours de création d’entreprises innovantes…

Même si certaines personnalités auditionnées par le rapporteur pour avis regrettent la bureaucratie et la complexification certaine du tissu de recherche engendrées par ces nouvelles structures, toutes, tant des établissements publics que des laboratoires pharmaceutiques, ont loué les bénéfices tirés de leur participation à ces coopérations, en particulier la possibilité, pour les organismes publics, de recruter des chercheurs sur contrat privé grâce au statut de fondation ou d’association des RTRA et des pôles.

2. La montée en charge des financements incitatifs

a) De nouvelles agences

L’Agence nationale de la recherche (ANR), qui bénéficie de dotations budgétaires croissantes, est au cœur du dispositif gouvernemental de dynamisation de la recherche publique par la procédure des appels à projets. Ses appels à projets se sont organisés, en 2006, autour de sept axes : les sciences humaines et sociales ; la sécurité ; les écosystèmes et le développement durable ; l’énergie durable et l’environnement ; la biologie et la santé ; les sciences de la matière, de l’information et de la communication ; les opérations non thématiques. Le programme « Biologie et santé » a bénéficié, en 2006, d’un financement de 124,30 millions d’euros, soit 20 % du budget de l’ensemble des programmes et il est le deuxième budget des programmes thématiques, après le programme « Matière et information » (153,10 millions d’euros) mais devant le programme « Énergie durable et environnement » (111,70 millions d’euros). On peut également observer que les projets retenus en biologie et santé ont bénéficié d’une aide moyenne, 312 390 euros, inférieure à la moyenne des aides attribuées par l’agence.

Crée en 2005, l’Agence de l’innovation industrielle (AII), placée sous la double tutelle des ministères chargés de l’économie et de l’industrie, soutient des programmes mobilisateurs pour l’innovation industrielle, qui couvrent des travaux de recherche et développement en incluant la phase de développement industriel et de mise sur le marché. À l’heure actuelle, deux de ses programmes concernent directement le domaine de la santé : IRM à très haut champ, piloté par Guerbet-Siemens, et Diagnostics et thérapies innovantes, piloté par Mérieux.

b) Une dynamique à canaliser

Si le rapporteur pour avis se réjouit du lancement des plans nationaux de santé publique (cancer, maladie d’Alzheimer) et de la dynamique enclenchée par la montée en charge des financements incitatifs, « le pilotage par l’excellence », selon l’expression de M. Frédéric Dardel, directeur du département des sciences du vivant du CNRS, qui encourage les équipes à se regrouper et tire la recherche française par le haut en sélectionnant les meilleurs projets, deux inquiétudes se font jour :

– les équipes de recherche consacrent désormais une grande partie de leur temps à répondre aux appels à projets lancés par les différents organismes, ce qui fait autant de temps en moins accordé à la recherche ;

– surtout, la multiplication des sources de financement, émanant de différents ministères – fonds unique interministériel, géré par le ministère de l’économie et des finances, programme hospitalier de recherche clinique, géré par le ministère de la santé ou encore programmes de l’ANR, sous la tutelle du ministère de la recherche, pour n’en citer que quelques-uns – n’évite pas le risque du saupoudrage et rend difficile la conduite d’une véritable stratégie de pilotage du secteur biomédical par les crédits incitatifs.

On ne peut ainsi pas se dispenser d’une réflexion globale sur l’organisation de notre système de recherche en santé. La volonté du Président de la République, exprimée dans sa lettre de mission à la ministre de l’enseignement supérieur et la recherche, de faire des universités les véritables opérateurs de la recherche en France, les organismes de recherche étant appelés à se rapprocher du modèle des agences de moyens, impose de redéfinir les compétences et thématiques de chacun de ces organismes.

Si M. Christian Bréchot, directeur général de l’INSERM, se disait prêt à transformer pour partie son établissement en agence de moyens, à l’image des NIH américains, cette évolution suppose de redéfinir les rôles que pourraient jouer à ses côtes l’INCa, l’ANRS, l’ANR ainsi que le programme hospitalier de recherche clinique.

3. Le décloisonnement des carrières

La fragmentation du tissu de recherche français engendre un cloisonnement entre recherche fondamentale, enseignement et recherche clinique. Cela nuit profondément à la capacité de s’adapter aux évolutions très rapides de la recherche. Il faut ainsi de huit à dix ans en France pour créer un centre de recherche sur une nouvelle thématique, contre deux à trois ans aux États-Unis ou au Royaume-Uni, en raison notamment des délais nécessaires aux différents acteurs pour parvenir à un accord.

Aussi, comme l’ont souligné tous les interlocuteurs du rapporteur pour avis, le décloisonnement des carrières de chercheurs est-il indispensable pour garantir au système français sa qualité.

a) Attirer les meilleurs

Outre l’absence de visibilité de nos grandes institutions au niveau international, évoquée plus haut, et dont le rapporteur pour avis a pu mesurer les conséquences, à Shanghai, où seul l’Institut Pasteur était connu de ses interlocuteurs chinois, le système français souffre, dans la compétition mondiale, de son incapacité à proposer des profils de carrière diversifiés à ses chercheurs.

La qualité des recrutements de chercheurs et enseignants-chercheurs, dans le contexte du renouvellement attendu des effectifs des organismes de recherche et universités dans les prochaines années (environ 30 % de départs à la retraite d’ici 2012 en sciences de la vie et médecine), est un élément essentiel de la réforme de la recherche française. Le taux élevé de départs pourrait constituer une opportunité pour définir de nouveaux profils de carrière.

S’il est fondamental de maintenir l’offre de positions permanentes, il est néanmoins important de fournir aux jeunes chercheurs la possibilité de démontrer leur capacité de gérer de façon autonome un projet de recherche avant leur titularisation. Les personnalités interrogées sur ce point par le rapporteur pour avis ont toutes souligné les nombreux inconvénients des titularisations trop précoces des jeunes chercheurs. Dans cet esprit, l’INSERM a mis en place deux initiatives originales : le « programme avenir » et les « contrats chercheurs juniors ».

Lancés en 2000, les « programmes avenir » associent contrat à durée déterminée et dotation pour mener à bien un projet de recherche. Les lauréats reçoivent ainsi une dotation de fonctionnement annuelle de 60 000 euros pendant cinq ans ainsi qu’une allocation mensuelle, financée par les partenaires de l’INSERM : ministère de la santé, hôpitaux, universités, conseils régionaux, Agence nationale de recherche sur le sida, caisse d’assurance maladie des professions indépendantes, Fondation pour la recherche médicale ou encore association de recherche contre le cancer.

Depuis 2006 s’est ajouté au dispositif un soutien à l’équipe par la prise en charge du salaire d’un post-doctorant. Ce dispositif est ouvert à tous les chercheurs, statutaires ou non, les contrats des non statutaires étant appelés « contrats chercheurs juniors ». Ils représentent plus du tiers du programme avenir. En leur offrant l’éventail des garanties dont disposent leurs aînés, ces contrats permettent aux jeunes chercheurs de développer leur projet sur cinq ans, avec une évaluation intermédiaire à trois ans. Au terme de cette expérience, qui ne doit pas être prolongée afin d’éviter toute précarisation liée au renouvellement de contrats temporaires, ils peuvent concourir s’ils le souhaitent à un recrutement sur poste permanent.

Par ailleurs, si les établissements publics, à l’exception du CEA au statut d’établissement public industriel et commercial, ne peuvent s’abstraire des grilles de rémunération de leurs chercheurs statutaires, il est important, s’ils souhaitent garder leurs meilleurs éléments, qu’ils puissent leur proposer des rémunérations complémentaires. Dans ce but, l’INSERM a mis en place, en partenariat avec l’université, l’hôpital, des organismes de recherche étrangers ou encore l’industrie des « contrats d’interface ». Ces contrats sont attribués sur appel d’offres à partir de projets de mise en place d’un projet d’enseignement ou de recherche. Il offre aux lauréats une rémunération complémentaire de 1 500 euros bruts mensuels, versée par l’organisme partenaire, pendant quatre ans. Ces partenariats favorisent en outre les transferts de connaissance de la recherche fondamentale vers les soins, la santé publique ou l’enseignement.

b) Proposer de nouveaux types de contrats

La mobilité des chercheurs des établissements publics vers l’enseignement supérieur est aujourd’hui extrêmement faible : 0,78 % des effectifs de ces établissements en 2006, alors que les passerelles entre établissements publics et universités sont primordiales. Face à ce constat, on peut retenir la proposition du directeur général de l’INSERM, de permettre à son établissement et à des universités « pilotes », dans le cadre de certains pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), la mise en place de recrutement de chercheurs-enseignants sur contrat temporaire de haut niveau de cinq ans, identifiés par un label de type « Institut universitaire de France ». La composition de ces jurys permettrait la participation d’experts nationaux et internationaux, désignés conjointement par l’INSERM et l’université. Dans le cadre de ces expériences pilotes, l’Université et l’INSERM affecteraient un nombre limité de postes de chercheurs et d’enseignants-chercheurs dans ces concours.

Enfin, la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilité des universités a ouvert la possibilité, pour les présidents d’université de recruter des agents contractuels pour une durée déterminée ou indéterminée. Le rapporteur pour avis pense qu’il pourrait être envisagé d’étendre ce dispositif aux organismes publics de recherche, afin qu’ils puissent proposer aux jeunes chercheurs le souhaitant des contrats à durée indéterminée assortis d’un mode de rémunération plus souple que la grille statutaire. Cela serait un instrument très utile pour attirer les chercheurs étrangers et faire revenir les chercheurs français expatriés, que le recrutement par concours freine souvent.

D. DES ESSAIS CLINIQUES DE QUALITÉ

Proposer aux industries pharmaceutiques un cadre pour effectuer des essais cliniques de qualité est un élément majeur d’attractivité du territoire national, ainsi que le soulignait déjà le rapport de M. Jean-Yves Le Déaut pour le compte de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les biotechnologies en 2005. C’est en effet à ce stade que se joue un partenariat décisif entre la recherche publique et les industries du médicament.

1. Un cadre législatif rénové

La recherche clinique permet de faire bénéficier les malades des avancées de la recherche fondamentale. Son encadrement a fait l’objet d’un profond remaniement à l’occasion de la transposition de la directive européenne 2001/20 relative aux essais cliniques dans notre droit national par la loi de santé publique du 9 août 2004 relative à la santé publique, pleinement entrée en vigueur depuis le 27 août 2006. À la différence du dispositif européen, qui ne concerne que le médicament, la législation française, depuis la loi Huriet-Sérusclat de 1988, a fait le choix, maintenu en 2004, d’un dispositif unique pour toute la recherche sur l’homme (chirurgie, dispositifs médicaux, imagerie…) Les principales innovations introduites en 2004 sont notamment :

– le renforcement des règles concernant l’information des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales et le recueil de leur consentement ;

– la suppression de la distinction entre « recherche avec bénéfice individuel direct » (ABID) et « recherche sans bénéfice individuel direct » (SBID), remplacé par un examen des projets de recherche fondé avant tout sur l’évaluation du bénéfice escompté (individuel ou collectif) au regard du risque prévisible encouru ;

– le remplacement du régime de déclaration antérieurement en vigueur par un régime d’autorisation : toute recherche biomédicale nécessite désormais, pour être mise en œuvre, à la fois un avis favorable d’un comité de protection des personnes (CPP) et une autorisation du ministère chargé de la santé ou, selon le domaine concerné, de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) ;

– la transformation des comités consultatifs de protection des personnes qui se prêtent à une recherche biomédicale (CCPPRB) en comités de protection des personnes (CPP), à la composition élargie et aux compétences étendues ;

– une procédure spécifique, considérablement allégée, pour les recherches visant à évaluer les soins courants. C’est la grande nouveauté – introduite lors du débat à l’Assemblée nationale par un amendement de M. Pierre-Louis Fagniez – de la loi de 2004. Elle n’exige qu’un passage devant un CPP, sans intervention de l’autorité compétente, ministère chargé de la santé ou AFFSSAPS.

Si la recherche clinique comprend les essais de médicament ou de nouveaux dispositifs médicaux sur l’être humain, ce que la loi relative à la santé publique désigne par les termes de « recherche biomédicale », elle comprend néanmoins d’autres aspects, tout aussi essentiels pour le progrès de la santé comme la comparaison entre plusieurs stratégies de traitement ou l’observation sur des groupes importants de personnes ou d’échantillons biologiques pour mieux comprendre la part des facteurs génétiques ou environnementaux qui interviennent dans la cause ou les symptômes d’une maladie. C’est ce que le professeur François Lemaire appelle « recherches non interventionnelles », par opposition aux recherches interventionnelles que sont les recherches biomédicales et les recherches portant sur les soins courants. Leur procédure ne fait l’objet d’encadrement spécifique, même si la protection des données implique le respect des dispositions de la Commission nationale informatique et liberté (CNIL) et les collections de prélèvements biologiques sont régies par la loi de bioéthique du 6 août 2004.

La recherche clinique a une valeur formatrice et structurante : elle est à la fois un mode privilégié d’accès à l’innovation thérapeutique pour le patient et une source de formation continue pour les personnels médicaux et soignants ; elle améliore ainsi la qualité des soins. Elle contribue donc à l’évaluation et à la réputation de la médecine française.

Chaque année, la recherche clinique implique plus de 300 000 personnes nouvelles en France, à travers environ 2 200 demandes de recherches déposées auprès de l’AFSSAPS ou du ministère de la santé. Au total, près de 800 000 personnes participent à des essais thérapeutiques. La recherche clinique est aujourd’hui internationale et les données venues de toute la planète s’agrègent peu à peu pour améliorer la connaissance des maladies et de leur traitement. Conscients de l’enjeu, les centres hospitaliers universitaires français ont depuis dix ans considérablement investi dans la recherche.

Les quatre phases des essais cliniques

Les essais cliniques suivent une progression en quatre phases afin de juger la tolérance et l’efficacité du traitement :

Phase I : Intègre des volontaires sains pour évaluer la tolérance d’un nouveau traitement.

Phase II : Porte sur un nombre limité de malades ou de volontaires sains, étudie l’efficacité des traitements et le devenir des médicaments dans l’organisme.

Phase III : Porte sur un grand nombre de malades, plusieurs centaines voire plusieurs milliers, et évalue par comparaison avec un autre traitement l’efficacité du traitement testé. C’est seulement au terme de ces trois phases qu’une demande d’autorisation de mise sur le marché pourra être faite, s’il s’agit d’un médicament.

Phase IV : Après commercialisation, cette phase, dite post AMM (autorisation de mise sur le marché) permet de mieux cerner en situation réelle les conditions d’utilisation, de déceler les effets indésirables rares et de mieux cibler les personnes pour lesquelles le traitement sera profitable en situation réelle.

2. Une place intéressante dans la compétition internationale

Le Leem (Les entreprises du médicament) conduit tous les deux ans une enquête visant à évaluer la place de la France dans la recherche clinique internationale. La dernière enquête, qui date de 2006, fournit ainsi une batterie d’indicateurs qui mesurent la qualité de l’organisation de notre recherche clinique.

La France représente 8 % des patients recrutés dans le monde et est devancée par les États-Unis (17 %), les pays de l’Europe de l’Est (15 %) et l’Allemagne (9 %). Une analyse prenant en compte la population des différents pays a permis d’identifier pour chacun d’eux un ratio exprimé en nombre de patients recrutés pour 1 000 habitants. Avec un ratio supérieur à la moyenne européenne, la France se place en deuxième position derrière la Scandinavie.

Cette enquête montre une diminution du nombre de patients recrutés par étude pour l’ensemble des pays (53 contre 71 en 2004) mais un maintien de ce membre pour la France (46 patients par étude), certes derrière ses grands compétiteurs internationaux mais qui reste au niveau de la moyenne des pays européens, proche de l’Italie, de l’Espagne ou du Royaume-Uni.

La moyenne de vitesse de recrutement est de 1,7 patient recruté par centre et par mois, au niveau européen et tous pays confondus. Les pays de l’Est restent les plus performants avec une vitesse de 2,5 patients recrutés par centre et par mois. Les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada apparaissent comme les pays les moins performants avec des vitesses voisines de 1. La France se démarque avec une vitesse de recrutement stable de 1,4 patient recruté par centre et par mois.

L’analyse qualitative confirme l’importance, aux yeux des promoteurs d’essais cliniques, de la France en tant que marché clé européen, tant sur le plan économique que pour la disponibilité des patients. La qualité des infrastructures et du système de santé français est appréciée, la prise en charge médicale en France étant toujours perçue comme excellente. En revanche, la France perd en perception sur la simplicité des autorisations administratives alors qu’elle avait obtenu le meilleur score en 2004, les États-Unis prenant aujourd’hui la première place. Quant au jugement des laboratoires sur la productivité de la recherche clinique en France, il reste quasi identique à celui de 2004, traduisant toujours l’impact d’une certaine lenteur et d’un faible respect des objectifs de recrutement malgré une perception d’une qualité des investigateurs et d’un coût de développement français dans la moyenne européenne.

Enfin, l’analyse des coûts rapportés par patient montre que la France reste un pays attractif en la matière. En 2005, le coût par patient en France est évalué à 3 532 dollars, inférieur à ceux du Royaume-Uni (5 500), de l’Allemagne (6 800) et des États-Unis (13 000), qui ont le coût le plus élevé.

3. Des atouts à conforter

La plupart des personnalités auditionnées par le rapporteur pour avis ont confirmé la bonne impression que suggère cette étude et souligné la qualité du dispositif français d’essais cliniques. Il est important de conforter cette position car la compétition internationale est de plus en plus intense dans ce domaine. Shanghai est ainsi devenu un centre important d’essais cliniques. Comme l’ont souligné les interlocuteurs du rapporteur pour avis lors de son déplacement, la Chine offre de nombreux atouts aux industriels souhaitant développer des médicaments et effectuer des essais cliniques :

– la pharmacopée chinoise, avec près de 13 000 substances médicinales provenant de ressources naturelles, présente un potentiel unique d’innovation, encore largement sous-exploité ;

– la population chinoise, composée de plus de cinquante groupes ethniques, dont un dominant, facilite la réalisation d’essais cliniques et permet d’identifier les gènes impliqués dans un certain nombre de maladies ;

– les Chinois sont de plus en plus enclins à développer des pathologies similaires à celles des pays occidentaux (maladies cardio-vasculaires).

Aussi, est-il est important que la France conforte ses atouts en la matière, qualité du personnel soignant et des infrastructures, bonne insertion dans le marché européen, pour attirer les entreprises du médicament sur son territoire. Quelques mesures pourraient simplifier et améliorer le dispositif existant.

Si les industriels auditionnés ont souligné la lourdeur et la lenteur des décisions prises par les autorités administratives, le rapporteur pour avis constate au contraire que la direction de l’AFSSAPS a parfaitement mesuré que la qualité de son travail était un élément d’attractivité du territoire. L’agence se doit en effet de fournir une évaluation de qualité et ce dans un délai bref. Par rapport au délai maximal de traitement prévu par la directive de 60 jours, l’agence se fait fort de traiter les demandes dans un délai de 38-40 jours. Dans un souci de simplification administrative, il serait certainement opportun de lui transmettre les compétences actuellement exercées par le ministère de la santé, afin que les promoteurs d’essais cliniques disposent d’un interlocuteur unique.

Les comités de protection des personnes, malgré la complexité de la nouvelle réglementation et l’élargissement de leur champ de compétence, leur conférant le rôle de co-décideur dans l’autorisation des recherches biomédicales, continuent de fonctionner de manière artisanale et non coordonnée. Il est donc important que les membres, tous bénévoles, puissent bénéficier d’une formation (réglementation en vigueur, principes éthiques, méthodologie) adaptée car elle n’est aujourd’hui prévue par ni par le cursus universitaire ni dans le cadre de la formation continue. Par ailleurs, comme le soulignait le professeur Christian Hervé lors de son audition par le rapporteur pour avis, il est indispensable de mettre en place une coordination des différents comités de protection des personnes, afin qu’ils puissent constituer un corpus de connaissances communs qui permette de partager une critériologie des arguments qui conduisent aux avis défavorables et un recensement exhaustif des problèmes juridiques posés par leurs avis.

Enfin, les entreprises raisonnant désormais à l’échelle européenne, il est important de coordonner les activités des différentes autorités administratives nationales d’autorisation d’essais cliniques. Cela permettrait aux industries du médicament de profiter à plein de l’effet de taille du marché intérieur européen. L’échange d’information entre les différentes autorités accroîtrait en outre la sûreté des autorisations de mise sur le marché. Plusieurs personnalités ont attiré l’attention du rapporteur pour avis sur la rigidité de la procédure d’essais cliniques définie par la directive. Le niveau d’exigence et de contrôle imposé est extrême, s’appliquant sans nuance aux essais véritablement risqués, de phase I, II ou III et aux essais sans risque, portant en phase IV sur les médicaments déjà autorisés et utilisés, après autorisation de mise sur le marché.

Le rapporteur pour avis juge donc important de faire éclater le dispositif monolithique de la directive en un dispositif plus diversifié, en trois branches, pour les essais interventionnels, faiblement interventionnels et non interventionnels. Ce sont là des dossiers qui pourraient faire partie des chantiers de la présidence française de l’Union européenne, au deuxième semestre 2008.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DES MINISTRES

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie, et M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur, sur les crédits pour 2008 de la mission « Recherche et Enseignement supérieur », au cours de la séance du jeudi 8 novembre 2007 à 15 heures.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances de l’économie générale et du Plan Avec Pierre Méhaignerie et Patrick Ollier, nous avons le plaisir d’accueillir Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie, et M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur.

Comme il est de coutume en commission élargie, je vais donner immédiatement la parole aux différents rapporteurs. Les ministres répondront à leurs observations et questions, puis à une première série de questions de députés représentant les différents groupes. Enfin, tous les députés qui le souhaitent pourront s’exprimer.

Nous avons à entendre huit rapporteurs, ce qui représente une séance assez lourde. Nous avons déjà eu cette même expérience lors de l’examen d’un autre budget. Peut-être faudra-t-il donc à l’avenir revoir le format de nos commissions élargies.

Nous allons entendre successivement les rapporteurs spéciaux, M. Garrigue, M. Claeys, et M. Hénart, puis les rapporteurs pour avis, M. Jardé, M. Lejeune, M. Daniel Paul, Mme Rosso-Debord et M. Lasbordes.

M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial de la commission des finances pour la recherche – Le budget de la recherche est l’une des grandes priorités de l’action de l’État, comme en témoigne son augmentation exceptionnelle de 1,8 milliard, soit 7,8 %, malgré les contraintes budgétaires. Cet effort porte à la fois sur les crédits budgétaires, avec une progression de 3,4 % des crédits de paiement, et sur les agences, notamment l’Agence nationale de la recherche qui finance les projets. L’emploi scientifique, qui a connu une augmentation trois ans de suite, est désormais stabilisé, mais l’effort se poursuit pour améliorer la situation des jeunes chercheurs et les conditions matérielles. Enfin, ce secteur bénéficie d’importantes mesures fiscales, avec le crédit impôt recherche et, dans une moindre mesure, le statut de jeune entreprise universitaire et l’allègement de la fiscalité des brevets.

Dans un secteur où les acteurs et les programmes sont très nombreux, nous voulons aussi mieux assurer le pilotage de la recherche publique qui est essentiel pour la rendre plus efficace. Il faut en particulier augmenter la part du financement incitatif de l’ANR qui, avec 12 % du financement total de la recherche, n’a pas encore la place que des organismes de soutien au projet ont dans d’autres pays. On peut souhaiter que l’enveloppe dont elle dispose soit plus large qu’aujourd’hui et que, pour plus de souplesse et de réactivité, les dossiers soient plus simples. Une comparaison entre les procédures de l’ANR et celles du Conseil européen de la recherche devrait permettre des simplifications. Il y aura également une augmentation du préciput versé aux unités qui hébergent des bénéficiaires de projets aidés par l’ANR.

Pour autant, nous ne proposons pas un pilotage totalement centralisé. Il faut qu’il reste différencié. On a débattu de la transformation des grandes agences en agences de moyens et il y a eu des avancées à l’INSERM. Cependant il faut être prudent et ne pas encadrer trop systématiquement la recherche si l’on veut développer la recherche fondamentale.

D’autre part, on observe un développement de l’emploi contractuel, désormais beaucoup mieux accepté dans ce domaine qu’il y a quelques années. Il faut encore accroître la souplesse. Par exemple, les agences de recherche n’ont pas profité de la possibilité donnée aux universités de recruter des CDI. Je proposerai un amendement à ce sujet. Il faut peut-être également introduire plus de souplesse dans certains modes de rémunération si l’on veut attirer les meilleurs et des chercheurs étrangers.

Je souligne l’effort accompli pour les jeunes chercheurs. Il convient de le poursuivre pour porter le taux de doctorants à 2 % alors qu’il est actuellement de 1,2 %. Un autre souci, qui relève d’ailleurs plutôt de la bonne application de la LOLF, est de disposer d’indicateurs plus exigeants, notamment en ce qui concerne les publications et les indices d’impact. Il y a là une faiblesse de la recherche française qui, de ce fait, n’occupe pas la place qu’elle mérite. Il faut inciter les chercheurs à publier dans les grandes revues internationales et y sensibiliser les organismes. Contrairement à certaines idées reçues, la recherche française est de bon niveau. Même si l’on n’y consacre pas les 3 % du PIB prévus par la stratégie de Lisbonne, nous sommes de ce point de vue entre l’Allemagne et le Royaume-Uni et il n’y a pas moins de prix Nobel français aujourd’hui qu’autrefois.

La réforme du crédit impôt recherche est essentielle. Elle tient compte des propositions de la Cour des comptes. On peut néanmoins regretter que le dispositif ne soit pas plus incitatif pour les jeunes entreprises à forte croissance, d’autant que l’on sait que ces PME très actives dans la recherche et dans l’exportation font la force de l’Allemagne. Avec d’autres collègues, nous proposerons un amendement pour relever le niveau de déduction fiscale accordée à ces PME pour les dépenses de recherche développement.

La France est extrêmement présente dans la recherche européenne à travers les grands projets et le programme communautaire de recherche et développement. Il paraît essentiel de s’efforcer avec nos partenaires d’éviter de dupliquer des structures d’autant que les systèmes nationaux et européens se recoupent largement. De même, on a trop tendance à multiplier les réseaux ce qui entraîne une déperdition d’énergie.

Il est également très important d’affirmer les priorités à l’échelle européenne et de les assumer, ce que l’on n’a pas su faire en France pour les sciences du vivant et pour les STIC. Dans ce contexte, les débats en cours sur GALILEO paraissent particulièrement intéressants puisque, pour la première fois, on va affirmer une véritable priorité partagée par l’ensemble des Européens.

La création d’une agence d’évaluation est extrêmement positive. Si dans notre pays, l’évaluation est relativement satisfaisante pour les sciences exactes, elle est en revanche bien trop faible dans les sciences humaines et sociales. La commission des finances aimerait que la Cour des comptes s’intéresse aux modalités de l’évaluation dans ce secteur.

Sous toutes ces réserves, je proposerai à la commission des finances de voter en faveur de ce projet de budget.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des finances pour la recherche dans le domaine du développement durable – Je suis favorable au crédit impôt recherche mais je considère que ce dispositif mérite une évaluation car on ne peut pas considérer comme telle l’enquête qui a été menée en 2006 auprès de deux mille entreprises et qui montrait surtout ce que ressentaient leurs dirigeants. Par ailleurs, comme M. Garrigue, je regrette que le dispositif institué cette année ne favorise pas le financement des PME innovantes. Peut-être serait-il judicieux de modifier cette mesure et j’aimerais connaître le sentiment de la ministre à ce propos.

Si je me félicite que l’Agence nationale de la recherche bénéficie de crédits d’État, je me demande toutefois si elle sera également soumise à la régulation budgétaire en cours d’année.

S’agissant plus précisément du développement durable, le ministre d’État nous a présenté la semaine dernière les orientations et les objectifs issus du Grenelle de l’environnement. Comment vont-ils se traduire en matière de recherche ? Une impulsion sera-t-elle donnée dès 2008 ? Les organismes de recherche se verront-ils fixer une orientation et dans quelle direction ? Pouvez-vous également nous indiquer si la loi cadre que Jean-Louis Borloo a annoncée pour janvier prochain comportera un volet recherche ? Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous avez récemment déclaré à un journal du soir : il faut en effet associer recherche et développement durable mais aussi savoir, le moment venu, donner des signes dans des directions bien précises.

Enfin, la prochaine présidence française de l’Union sera-t-elle l’occasion d’une réflexion sur la recherche et développement permettant de fixer de nouvelles orientations au niveau européen ?

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial de la commission des finances pour l’enseignement supérieur et la recherche universitaire – D’un montant de 1,8 milliard d’euros, ce budget est à la hauteur des engagements présidentiels comme de la réforme des universités et de la loi de programmation sur la recherche. Il tire ainsi de façon heureuse les enseignements des nombreux rapports parlementaires sur ce thème.

L’insertion professionnelle est devenue l’une des missions de l’enseignement supérieur. L’université, qui reste un service public national d’enseignement supérieur, doit donner aux jeunes des informations leur permettant de comparer les établissements. Chaque université doit se doter des outils d’évaluation du taux de placement à l’emploi de ses étudiants, mais l’État, qui habilite les diplômes, doit prévoir un cadre national d’évaluation. Avez-vous un calendrier pour cela ?

Pour ce qui est de la vie étudiante et du pouvoir d’achat des étudiants, on sait que des frais illégaux sont parfois perçus par les établissements, la conférence des présidents d’universités le déplore et certaines affaires sont pendantes devant les tribunaux administratifs. Or il paraît difficile de demander une augmentation des moyens financiers sans mettre préalablement de l’ordre dans tout cela. Il paraît en particulier nécessaire que ce qui touche au sport universitaire et à la vie culturelle soit intégré dans les droits légaux. Je sais que vous avez demandé à vos services d’intervenir ; où en êtes-vous ?

En 2008, 55 millions d’euros sont prévus pour les bourses. Disposez-vous de perspectives pluriannuelles quant à la politique sociale menée par cet intermédiaire ? Est-il par ailleurs prévu d’exercer un contrôle plus rigoureux sur l’assiduité des étudiants boursiers ?

En ce qui concerne le logement, l’augmentation des crédits n’a pas permis d’aller vers les objectifs du rapport Anciaux.  L’inscription budgétaire pour 2008 paraît insuffisante et la commission des finances défendra donc un amendement pour y remédier.

S’agissant de la restauration étudiante, la part de l’État dans le prix du ticket de restaurant universitaire est tombée de 50 à 33 % alors qu’une forte pression s’exerce sur le prix des denrées et que la nourriture est essentielle à la qualité de vie et d’étude. Je souhaite donc savoir si l’État se montrera vigilant à ce propos dans la convention d’objectifs pour l’année qui vient.

Un effort considérable est fait en faveur de l’investissement, mais on manque, là aussi, de perspectives pluriannuelles. Disposerez-vous en 2009 des moyens d’une programmation pluriannuelle garantissant une cohérence avec les engagements pris dans le cadre des contrats de projet État-région et permettant aux universités de savoir dans quels délais les travaux qu’elles jugent nécessaires pourront être réalisés.

Pour les carrières, je ne reviens pas sur le caractère préoccupant de la pyramide des âges. La nouvelle loi confie une part importante de la gestion des ressources humaines aux universités. Un chantier est ouvert en la matière, je comprends que vous ayez différé les annonces le temps de la discussion générale sur la fonction publique, mais pourriez-vous nous dire quelques mots sur vos propositions et sur votre calendrier ?

J’en viens à l’organisation générale du service public de l’enseignement supérieur.

En ce qui concerne l’organisation des sites, comment pensez-vous qu’il sera possible de concilier les projets de rapprochement sur des sites où l’on trouve plusieurs établissements avec le passage à l’autonomie des universités ?

Les fondations universitaires ont été instituées par la loi de programmation de 2006 afin de mobiliser des moyens nouveaux pour la recherche. Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur ne peuvent pas constituer de telles fondations. Il paraîtrait judicieux que cette possibilité soit ouverte au moins aux établissements publics de coopération scientifique.

Enfin, les crédits alloués à l’enseignement supérieur privé sont en recul alors que les étudiants accueillis dans ces établissements ont droit à un enseignement de même qualité que les autres. Comment vous paraît-il possible de faire évoluer la situation ? Envisagez-vous une politique de contractualisation comme celle dont bénéficie l’enseignement privé dans le primaire et dans le secondaire ? Quoi qu’il en soit, la commission des finances proposera de réévaluer quelque peu la dotation de ces établissements.

M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les crédits de la recherche – Je me suis plus particulièrement intéressé à la recherche biomédicale qui me paraît très importante pour l’avenir car elle est une clé de la recherche mondiale, mais aussi parce que ses répercussions industrielles sont très importantes. Si un effort important est consenti dans ce domaine à l’occasion de ce budget, on ne saurait ignorer que les États-Unis, qui ont doublé les crédits destinés à cette recherche au cours des huit dernières années, et la Chine, dont l’investissement est sur le point de dépasser le nôtre, font encore beaucoup mieux.

À l’occasion des auditions, j’ai été frappé par l’extrême fragmentation et par l’empilement des structures qui coexistent sans passerelles et sans coordination. Ne vous semble-t-il pas qu’il conviendrait d’en regrouper certaines afin d’atteindre une taille critique dans un certain nombre de domaines, comme les sciences du vivant ?

S’agissant des crédits incitatifs, ne craignez-vous pas que la multiplication des agences de moyens conduise, là encore faute de coordination, à un saupoudrage ? Une rationalisation paraît indispensable.

De même, la rationalisation des carrières est un sujet récurrent car les deux pôles que sont la recherche universitaire et les établissements publics ont des moyens de recrutement différents. La réforme des universités a ouvert la possibilité de recruter des chercheurs sous contrat, il faut l’utiliser.

M. Michel Lejeune, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire pour la recherche dans le domaine du développement durable – Au fond, tout est développement durable, mais je m’en tiendrai, faute de temps, aux programmes de la mission recherche et enseignement supérieur qui lui sont plus spécifiquement consacrés.

Ma première question porte sur le septième programme cadre européen de recherche et de développement technologique qui vient d’être adopté. Il disposera, pour la période 2007-2013 d’une enveloppe importante d’environ 50 milliards d’euros, mais quelle place est accordée dans ce cadre aux recherches dans le domaine du développement durable ? Comment les organismes de recherche français concernés comptent-ils participer au montage des projets européens ?

Le captage et le stockage des gaz à effet de serre, notamment du CO2 , sont un enjeu majeur de la lutte contre le réchauffement climatique. Quelle place prend cette préoccupation dans les activités et dans les projets de l’IFP et de l’ADEME ? Quel budget leur est consacré ?

Un travail important est en cours sur les revêtements routiers. Le laboratoire central des Ponts et Chaussées développe un programme d’optimisation des matériaux incorporant des recyclés dans la route, ce qui est particulièrement intéressant pour les déchets ultimes. La lutte contre la pollution par les ruissellements routiers passe aussi par un travail novateur sur les revêtements. Pouvez-vous faire le point sur ces questions ?

Enfin, il n’y aura pas de développement durable sans agriculteurs et éleveurs, et pas d’éleveurs sans vétérinaires. Or le programme 142, qui dépend du ministère de l’agriculture, ne semble pas bénéficier des mêmes augmentations que les programmes rattachés au ministère de l’enseignement supérieur. Pourtant, la formation et la recherche sont essentielles dans ce domaine. Le budget pour 2008 de la plus prestigieuse des écoles vétérinaires, celle de Maisons-Alfort, paraît sous-estimé compte tenu de son état de vétusté. Le nouveau directeur s’inquiète de ces difficultés, alors que l’institution est connue dans le monde entier pour l’excellence de son enseignement et de sa recherche. Un effort supplémentaire semble indispensable pour réaliser les investissements les plus urgents.

Je donne malgré tout un avis favorable à ce projet de budget.

M. Daniel Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la politique de recherche et de recherche industrielle – Vous ne vous étonnerez pas que la tonalité de mon propos soit quelque peu différente. Si l’on constate en effet un réel effort pour les crédits de la recherche, la question essentielle du contrôle et du pilotage n’est pas résolue. La France accuse un retard réel en matière de recherche industrielle, y compris comparativement à d’autres États européens. Il faut donc s’interroger sur l’efficacité des politiques mises en œuvre.

Le crédit impôt-recherche a déjà subi cinq modifications depuis sa création, sans jamais aucune évaluation. Ses retombées en matière d’emploi et de qualification, qui sont la clé d’une recherche performante, restent inconnues. Il y a donc un risque de gâchis des fonds publics, d’autant que certains groupes privés semblent utiliser les financements publics de façon pour le moins critiquable, comme cela a été le cas à Crolles, où la coopération avec les laboratoires publics s’est soldée par des licenciements et des délocalisations. Ce budget se contente donc de donner un coup de pouce à des aides fiscales dont l’efficacité n’est pas garantie. Votre gouvernement semble féru de contrôles : que comptez-vous faire en ce domaine ?

Le dynamisme de l’économie française a largement été porté par les grands programmes de recherche des années 70 et 80, concentrés sur des secteurs stratégiques. C’est dans cet esprit qu’avait été créée l’AII en 2005. Depuis, elle a su faire ses preuves, mais vous avez décidé de la dissoudre dans OSEO, sous prétexte de concentrer le soutien de l’État sur les entreprises moyennes, lesquelles étaient les principales bénéficiaires des actions de l’Agence. Néanmoins la énième réforme du crédit impôt-recherche devant favoriser les grands groupes, vos justifications paraissent peu crédibles. Est-ce la présence au sein de l’Agence de partenaires sociaux qui gêne ? Est-ce le fait d’avoir été soutenu par le précédent Président de la République ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Oh !

Mme la Ministre  – Voyons, Monsieur Paul !

M.  Daniel Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Ce sont d’éminents responsables de grands groupes industriels français qui font état de cette éventualité. Quelle garantie avons-nous qu’au sein d’OSEO, des fonds suffisants, identifiés, seront consacrés à la recherche industrielle ?

La question du pilotage est en outre essentielle dans le contexte actuel de privatisation des entreprises. EDF et GDF notamment, qui assuraient une part importante de la recherche industrielle au profit de la nation tout entière, ont tendance à baisser les crédits qui y sont consacrés au profit de retours sur investissement plus rapides, et à orienter leur recherche sur les activités commerciales et de marketing ou sur des sujets d’intérêt moins commun qu’auparavant. Bref, elles ne font plus de la recherche que pour leur propre compte.

Ce problème de pilotage recoupe celui de la liberté de la recherche. Le sous-financement chronique des universités, la multiplication des contrats précaires dans la recherche pénalisent son développement et son efficacité. La loi sur les universités ne fera que renforcer les inégalités entre les établissements, entraînant un gâchis considérable en matière de ressources humaines. Les chercheurs qui n’atterriront pas dans les universités les plus prisées connaîtront des difficultés considérables. Enseignants et étudiants se mobilisent donc pour en demander l’abrogation.

Il est impératif de développer un emploi stable et correctement rémunéré pour favoriser la recherche fondamentale, dans un système qui fait de plus en plus la part belle à des projets ponctuels, sans vision de long terme. C’est aussi le seul moyen d’éviter que les jeunes diplômés de nos meilleures écoles s’orientent tous vers le secteur de la banque et de la finance, aux carrières bien plus attractives. Si les salaires de la recherche ne pourront sans doute jamais concurrencer ce secteur, la perspective d’un travail stable et sécurisé peut tout de même constituer un avantage.

Pour développer la recherche fondamentale, il faut aussi freiner le développement de la concurrence entre laboratoires, qui se lancent dans une course aux contrats pour pouvoir obtenir des fonds : le mouvement Sauvons la recherche insiste sur ce point. Les implications sur la recherche industrielle sont réelles, car la recherche fondamentale d’aujourd’hui, c’est la recherche appliquée de demain.

La recherche bénéficiant à l’ensemble de la population, l’effort devrait en être supporté plus largement par le secteur bancaire notamment. Les fonds nécessaires sont colossaux. Pourquoi une partie des aides publiques accordées aux PME ne pourrait-elle servir à lever des emprunts bonifiés auprès des banques, en échange de formation et de créations d’emplois ? Enfin, comment comptez-vous rééquilibrer les pouvoirs à l’intérieur des pôles de compétitivité en faveur des salariés et des universités ? Un secteur particulier est à l’ordre du jour : celui de la batellerie, pour son potentiel en matière de développement durable. Il est question d’une relance des investissements, notamment avec le canal Seine nord. Pourquoi ne pas créer un pôle de compétitivité dans ce secteur ?

Vous aurez compris que je donne un avis défavorable à ce projet de budget.

Mme Valérie Rosso-Debord, rapporteure pour avis pour les formations supérieures, la recherche universitaire et la vie étudiante – La loi du 10 août 2007 vise à renforcer la qualité des études, mais aussi à concourir au bien-être des étudiants. L’autonomie doit faire de l’université un lieu vivant et accueillant où les jeunes se sentent pris en charge et peuvent envisager sereinement leur avenir. Elle apportera ainsi une contribution décisive à l’égalité des chances et au renforcement de l’attractivité de notre territoire.

Trois domaines sont essentiels pour l’amélioration du bien-être étudiant.

Le premier est celui de la santé. Celle des étudiants est globalement bonne, mais reste trop souvent la cinquième roue du carrosse pour les universités. La dotation de fonctionnement accordée aux SUMPPS n’avait pas été majorée depuis dix ans. Je suis heureuse que le budget pour 2008 marque une rupture salutaire à cet égard, mais tout reste à faire pour qu’ils deviennent de véritables services de médecine préventive et de promotion de la santé. Ils devraient ainsi avoir la latitude d’adapter leur politique de prévention aux profils de leur établissement, ou pouvoir servir de médecin référent pour les étudiants éloignés de leur domicile familial.

Il faudrait aussi envisager la création d’un chèque santé pour améliorer l’accès des étudiants à une couverture complémentaire. Les médecins des SUMPPS devraient pouvoir décider de leur attribution sur des critères médicaux, les assistants sociaux étant chargés de vérifier que les étudiants satisfont aux critères sociaux. Enfin, les services de médecine préventive doivent définir la politique du handicap de l’université, qui s’ajoute à la charte Handicap Université qui vient d’être signée.

Le deuxième axe, très complémentaire du premier, est le sport. Pour pouvoir pratiquer plus aisément, peut-être faudrait-il inclure des droits spécifiques dans les droits d’inscription à l’université.

Enfin, le logement est indispensable à l’attractivité de nos établissements et ses crédits doivent être augmentés. On pourrait bâtir des formules de financement innovantes, associant le CROUS et les collectivités locales aux universités. Il faudrait pour cela que les CROUS puissent recourir au partenariat public-privé et que les universités propriétaires de leurs terrains puissent les confier à des organismes chargés de la construction et de l’entretien de logements. Quant aux collectivités locales, elles participent de façon importante au financement du logement étudiant mais aucun EPCI n’a encore accepté un transfert du patrimoine des CROUS. Une réflexion interministérielle est nécessaire pour mobiliser ces crédits d’investissement, en particulier au profit des étudiants boursiers. Enfin, les CROUS doivent à leur tout devenir plus autonomes, pour gagner en efficacité, et mieux articuler leurs actions avec l’université, notamment dans le cadre des PRES.

M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques pour les grands organismes de recherche – Les quelques observations et questions que j’ai à formuler ne remettent pas en cause l’avis favorable que je donne aux crédits consacrés aux grands organismes de recherche.

Il me semble d’abord que le CEA devrait être au centre des recherches sur les énergies nouvelles que préconise le Grenelle de l’environnement. Son statut d’EPIC lui donne une grande souplesse de gestion et ses bons résultats sont reconnus par tous. Or il lui manque au moins 33 millions pour faire face aux missions qui lui ont été confiées en 2006, dont notamment le développement des réacteurs de quatrième génération. Le CEA dispose de ressources propres importantes, il doit en conserver la maîtrise. Il voudrait ainsi consacrer à la recherche une part plus importante du dividende qui lui est versé par AREVA, ce qui semble raisonnable.

Quant à l’ANR, sa place dans la recherche française est dorénavant bien établie et son budget suit son développement constant. Pour renforcer encore son efficacité, il faudrait pouvoir mieux prendre en compte les demandes des chercheurs et des instituts. 900 questionnaires ont été distribués, qui ont obtenu 600 réponses mais le point de vue des grands organismes semble s’exprimer difficilement. Comment améliorer la prise en compte des thèmes de recherche proposés par les organismes ? Par ailleurs, les départs en retraite étant importants dans les équipes de chercheurs, qu’est-il prévu pour les jeunes chercheurs ?

Le CNRS, qui est le principal bénéficiaire des crédits de l’ANR, ne sait pas toujours faire connaître ses réalisations. Je suis heureux que le récent prix Nobel Albert Fert lui ait rendu hommage. Après des années de doute, le CNRS s’est remis en marche. Il ne faudrait pas l’entraver par des règles budgétaires trop contraignantes, telles que la réserve de précaution ou les gels et dégels tardifs de crédits : 6 % de crédits bloqués se traduisent par 15 % de crédits en moins pour les laboratoires ! Et la progression du budget de l’établissement sera absorbée pour l’essentiel par sa cotisation aux pensions civiles de l’État. J’aimerais être rassuré sur les perspectives budgétaires du CNRS

Enfin, la politique spatiale est au cœur de la recherche. Le crédit du CNES et la contribution française à l’Agence spatiale européenne sont conformes aux engagements pris, mais les retards de GALILEO, les incertitudes qui pèsent sur la recherche américaine et le développement des projets chinois et indiens renforcent la nécessité d’une politique spatiale européenne, que le traité simplifié permet par ailleurs. Sera-ce une des priorités de la présidence française ?

J’ajoute pour finir que je proposerai à la commission des affaires économiques deux recommandations, relatives à cette présidence française et au crédit impôt-recherche.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur.

Mme la Ministre – M. Garrigue et M. Jardé ont évoqué l’hypothèse de développer l’emploi contractuel dans les organismes de recherche. La loi Libertés et responsabilités des universités offre cette souplesse, que réclament les grands organismes de recherche. Ils y voient le moyen d’attirer des chercheurs étrangers et de faire revenir en France des chercheurs français partis à l’étranger et qui ne pourraient, étant donné leur âge, être recrutés d’une autre manière. La question mérite d’être posée, et elle l’a d’ailleurs été publiquement par la présidente du CNRS. Toutefois, le sujet ne me paraît pas pouvoir être réglé au décours de la discussion budgétaire. Il s’agirait en effet d’une modification majeure de la politique de recrutement des organismes de recherche. Une réflexion préalable approfondie est donc nécessaire, qui suppose une phase de dialogue social et un débat national, sachant que, dans tous les cas, il s’agit de se procurer une marge de souplesse supplémentaire et non de substituer des recrutements contractuels à l’emploi statutaire.

Parler des jeunes chercheurs, c’est pointer le principal défi de la recherche française, qui est en effet d’ordre démographique. Le Gouvernement a permis le recrutement de 3 000 emplois statutaires composés pour moitié d’enseignants chercheurs et d’emplois supports. Sachant que, d’ici à 2012, 25 % des effectifs de l’INSERM et 20 % de ceux du CNRS partiront à la retraite, il est indispensable d’attirer de jeunes chercheurs. C’est pourquoi le budget prévoit la revalorisation du doctorat et, pour la deuxième année consécutive, celle de l’allocation recherche, qui aura donc été augmentée de 16 % en deux ans.

Le budget qui vous est présenté prévoit aussi la création de 2 250 supports de monitorat. Ainsi, chaque doctorant pourra devenir moniteur, et, en particulier, accomplir des missions de conseil en entreprise. Notre volonté de revaloriser le doctorat nous fait d’autre part travailler à sa reconnaissance dans les conventions collectives et dans les recrutements administratifs. Nous souhaitons également rendre le contrat « jeune chercheur » vraiment attrayant. Il nous faut retenir nos cerveaux, et notamment les meilleurs. Il ressort en effet des enquêtes sur ce point qu’un petit nombre seulement de chercheurs français choisit de s’exiler, mais que ce petit nombre est constitué des meilleurs, débauchés à des prix qui sont hors de proportion avec ce que permettent les contrats statutaires en France. Ceux-là, nous voulons les retenir en leur offrant un environnement de recherche stimulant.

Il faut, c’est exact, des indicateurs ; la tâche de l’AERS est de les mettre au point et elle le fait.

J’en viens au crédit d’impôt-recherche – le CIR – qui, avez-vous dit, ne serait pas assez incitatif pour les PME de croissance. Allons ! Le PLF 2008 est l’occasion d’une réforme historique, avec le triplement du montant alloué à ce dispositif, qui est destiné par nature aux PME de croissance.

Certains souhaiteraient le quintuplement du crédit impôt-recherche. Soyons raisonnables ! En année pleine, grâce à la réforme, 3 milliards seront consacrés au financement du CIR. Avec cet outil, nous sommes aujourd’hui le pays qui fait le pari de la recherche privée puisque, selon l’enquête du ministère, 80 % du CIR va aux PME. Rapporté aux 3 milliards prévus, c’est un montant considérable, et dire qu’il faudrait quintupler cette somme au bénéfice des PME de croissance, c’est en fait dire qu’il faudrait le quintupler tout court. Or l’effort consenti est déjà gigantesque, puisqu’il représente un quart du budget de l’enseignement supérieur. Un moment vient où il faut savoir s’arrêter.

Vous avez parlé de la recherche européenne. Je partage votre constat : les structures se sont multipliées sans cohérence d’ensemble, chaque État membre de l’Union européenne ayant souhaité construire ses propres infrastructures de recherche et éprouvant des réticences à s’en déposséder. L’un des enjeux de la présidence française de l’Union sera donc de mettre la recherche européenne au service de la société en l’orientant en priorité vers les défis du siècle que sont le changement climatique, le vieillissement de la population, la santé, l’énergie et le développement durable. La présidence française de l’Union nous donnera l’occasion d’y inciter nos partenaires.

S’agissant de GALILEO, nous faisons tout, vous le savez, pour que ce projet trouve ses financements avant la fin de 2007. Le Président de la République s’implique personnellement dans ce dossier, qu’il a évoqué avec Mme Merckel et M. Barroso, et que M. Barrot, commissaire européen, suit avec une particulière attention, car il s’agit d’un projet de première envergure au service de la société européenne.

Vous me demandez, monsieur le député, que la Cour des comptes évalue les sciences humaines et sociales comme elle l’a fait, de manière remarquable, pour les sciences du vivant. Procéder dès maintenant à une telle évaluation serait prématuré, puisque l’AERS en est encore à définir une batterie d’indicateurs. Il conviendra, dans un second temps, de demander à la Cour de vérifier que ces indicateurs, indispensables, sont pertinents.

M. Claeys a demandé l’évaluation du CIR, récusant celle qu’a réalisée mon ministère en 2006.

M. Alain Claeys – Je ne la récuse pas, je la juge insuffisante.

Mme la Ministre – Elle était pourtant intéressante, puisqu’elle a fait apparaître que 1 euro de crédit impôt-recherche génère 2,4 euros d’investissement en recherche et développement. Elle a aussi montré que le dispositif bénéficie pour 80 % aux PME, comme je vous l’ai indiqué. Elle a permis de définir les dépenses ainsi financées, qui servent pour 40 % au recrutement de jeunes chercheurs et pour 30 % aux dépenses de fonctionnement. Je souligne, d’autre part, qu’un quart de ces dépenses environ revient à des organismes de recherche habilités, ce qui montre la porosité des frontières entre recherche privée et recherche publique.

Ceux qui critiquent le dispositif le font donc pour de mauvaises raisons, une partie des sommes investies par l’État revenant aux organismes publics par le biais de contrats de collaboration. Je l’ai dit, le crédit impôt-recherche connaîtra en 2008 une très importante réforme, ses modalités d’attribution étant radicalement simplifiées et son budget triplé. Mieux vaut donc attendre l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions avant de procéder à une nouvelle évaluation, qui aura lieu, si vous le souhaitez, l’année suivante.

Vous m’avez interrogé sur la situation de l’ANR au regard de la régulation budgétaire. À l’heure où nous parlons, la décision n’est pas prise, mais je souhaite que les crédits de l’Agence n’y soient pas soumis.

Ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie, traitera plus complètement que moi du Grenelle de l’environnement, mais vous m’avez interrogé sur les crédits qui lui sont liés. Un volet « recherche » très important a évidemment été décidé, ce qui est logique, la recherche sur le développement durable étant de notre champ de compétence. Ainsi 34 millions seront consacrés aux programmes de l’ANR liés au Grenelle de l’environnement, dans un budget en progression de 17 %.

Vous m’avez aussi demandé si la loi-cadre sur l’environnement comprendrait un volet « recherche ». Je ne peux imaginer qu’il en aille autrement, mais Mme la Secrétaire d’État chargée de l’écologie vous en parlera beaucoup mieux que moi.

S’agissant de la place de la recherche dans les efforts visant à favoriser le développement durable, je souhaite, je vous l’ai dit, que la présidence française de l’Union soit l’occasion de donner la priorité à une recherche européenne au service de la société.

M. Hénart m’a, à juste titre, demandé la définition d’une matrice nationale permettant de juger de l’insertion professionnelle de toutes nos universités. Je retiens cette excellente proposition que j’inscrirais à l’ordre du jour des travaux de la direction générale de l’enseignement supérieur.

Je pense à la refonte des régimes financiers des universités ou à la question de l’insertion professionnelle. Votre suggestion est excellente. Il serait à ce propos souhaitable d’avoir un cadre national pour évaluer les renseignements que les universités donneront à leurs étudiants.

Cette année, très peu de cas de frais d’inscription illégaux ont été signalés et j’ai systématiquement donné aux recteurs l’instruction de les déférer au tribunal administratif. Les droits d’inscription sportifs ne constituent pas, quant à eux, des frais d’inscription illégaux puisqu’ils ne sont pas consubstantiels à la scolarité de l’élève. Il ne faut en aucun cas « couler » les associations sportives des universités qui se démènent pour assurer des offres sportives aux étudiants. J’ai validé juridiquement cette question.

Je suis par ailleurs d’accord avec Mme Rosso-Debord : l’offre sportive devrait être développée et incluse dans le cursus de l’élève, mais cela sera long et compliqué. Je me propose de lancer dans quelques semaines une mission sur le sport à l’université.

Outre les 2,5 % de revalorisation à la rentrée de 2007, ce qui représente 4 millions, le PLF pour 2008 prévoit 55 millions pour les bourses. Chaque année, ce sont 100 millions supplémentaires qui seront consacrés au financement des études. La réforme des bourses que nous avons présentée en octobre, permettra d’avoir 50 000 boursiers supplémentaires, la création d’un échelon de 4,5 % supplémentaire pour les 100 000 étudiants les plus défavorisés et un doublement des bourses de mobilité. Les bourses au mérite seront également allouées aux étudiants méritants des BTS, IUT et licence  et il sera enfin possible de bénéficier de prêts avec des paiements différés, l’État devant s’engager à garantir en partie la défaillance de remboursement. Cette réforme, en revanche, doit s’accompagner d’un contrôle de l’assiduité par production des relevés de notes, comme j’ai eu l’occasion de le dire aux directeurs de CROUS.

Le logement étudiant est une question prioritaire et nous voulons remplir les objectifs fixés par le rapport Anciaux, soit 7 000 rénovations par an et 5 000 constructions nouvelles. Des moyens sont d’ores et déjà mobilisés par les CROUS et dans le cadre des contrats de projets État-région. Au total, 117 millions seront consacrés cette année au logement étudiant. D’ores et déjà, 5 850 chambres ont été rénovées et 2 780 ont été construites. Avec les offices d’HLM et les collectivités territoriales, on dénombrera à la fin de 2007 plus de 5 000 constructions nouvelles.

M. le rapporteur propose un amendement pour augmenter le nombre de rénovations. Compte tenu des retards qui ont été pris dans les travaux de Jussieu, 11 millions ne seront sans doute pas consommés en 2008. De la même manière, j’ai demandé au CNOUS de s’engager sur le nombre de logements supplémentaires qui seront vraiment rénovés en 2008. Dans ces conditions, sans doute peut-on envisager de porter le nombre de rénovations à 6 350.

Des inquiétudes se font jour s’agissant du ticket restaurant. Depuis 2004, il a augmenté de 10 centimes chaque année et il s’élève aujourd’hui à 2,80 euros. Son coût réel est en fait de 5,20 euros, l’État le subventionnant à hauteur de 54%. Nous devons prendre un certain nombre de mesures préventives pour éviter que ce coût ne soit encore plus élevé dans les années à venir. Je propose que la mission Lambert réfléchisse à cette question.

Nous sommes engagés dans un grand plan de rénovation universitaire, ce budget visant avant tout à achever le financement des CPER 2000-2006. Ce sont 265 millions de CP qui en apureront les dettes et 66 millions de CP qui financeront les premiers travaux des CPER de 2007-2013. Au total, nous disposons de 331 millions de CP cette année et 21 milliards seront consacrés aux CPER pour 2007-2013.

Les décrets d’application de la loi sur les libertés et responsabilités des universités auront un impact considérable sur les carrières. Nous avons engagé une concertation avec les personnels sur les modifications des décrets statutaires et nous commencerons dans les semaines à venir le chantier des carrières des enseignants chercheurs.

L’autonomie des sites universitaires est indissociable de la politique des PRES, outils très puissants de structuration de l’offre universitaire. L’émiettement de nos universités nuit à son rayonnement international. D’ici deux ans, notre enseignement supérieur devra être structuré en une quinzaine de pôles. La création des fondations universitaires au niveau des PRES est quant à elle une excellente idée mais elle est prématurée car elle suppose une modification de la loi LRU. Je propose que la question soit posée à l’issue de la première évaluation de la loi d’ici un an.

Vous avez évoqué une moindre augmentation de la dotation annuelle des établissements privés. Sur ce point, nous avons une vraie divergence. Si leur subvention, à 56 millions cette année, est en légère diminution, c’est que mon ministère s’est battu pour que ces établissements récupèrent tout le montant de la taxe sur les salaires qu’ils versaient à Bercy. Cela représente 14 millions, soit le quart de leur subvention ! Grâce à la mobilisation de tous les parlementaires, celle-ci avait augmenté de 63 % depuis 2003. Je vous demande donc de bien en avoir conscience : plus 63% en quatre ans et plus 25 % en 2007, si tous les établissements de France avaient connu une telle augmentation, ils en seraient certainement très satisfaits ! (Rires)

Monsieur Jardé, si la recherche biomédicale connaît un tel émiettement entre agences et structures, c’est que, historiquement, la création de celles-ci est apparue comme la bonne ou la seule réponse pour développer telle ou telle stratégie. Mais effectivement, on atteint les limites de l’exercice et je suis franchement hostile à la création d’une agence de moyens supplémentaire sur la maladie d’Alzheimer. S’agissant des sciences du vivant, il faut effectivement un rapprochement entre le CNRS et l’Inserm et leurs présidents auront à cœur d’organiser les convergences. J’ai confié à François d’Aubert une mission sur les partenariats entre organismes et universités. Ce sera l’occasion d’aborder la question des unités mixtes qui, dans les sciences du vivant, dépendent souvent du CNRS, de l’Inserm et de l’Université, afin d’essayer de rendre le système moins bureaucratique.

Monsieur Lejeune, en 2008, sous présidence française de l’Union, nous organiserons une conférence sur le développement durable. Vous souhaitez un effort budgétaire supplémentaire pour l’enseignement agricole privé. En 2007, un effort exceptionnel de 2,6 millions a été consenti pour les travaux de remise en état et de sécurité de l’école vétérinaire de Maisons-Alfort ; il sera poursuivi. Monsieur Barnier vous donnera par écrit des réponses complémentaires.

Monsieur Paul, j’ai répondu à propos de l’efficacité du crédit impôt recherche, même si je sais que je ne vous ai pas convaincu. Un euro de crédit d’impôt, c’est 2,4 euros de dépenses de recherche et les entreprises qui bénéficient de ce dispositif font davantage de recherche que celles qui bénéficient de subventions. Enfin, il y a aussi un retour partiel pour les organismes de recherche.

La fusion entre Oséo et l’AII est une bonne chose car Oséo Innovation s’intéresse au démarrage des PME et complète donc l’éventail des instruments en leur faveur.

Vous regrettez la multiplication des contrats précaires dans la recherche ? Le pacte de 2006 a permis de créer 6 000 emplois statutaires, soit 3 000 de chercheurs et enseignants-chercheurs et 3 000 d’emplois-supports techniques et administratifs. Le problème aujourd’hui, c’est plutôt qu’il va falloir recruter 3 700 chercheurs et enseignants-chercheurs par an d’ici à 2012 alors que 4 000 allocataires de recherche seulement entrent en doctorat. Le défi à relever est donc plutôt d’ordre démographique, en relation avec l’attractivité du métier. Mais il faut effectivement travailler à ce que les contrats de post-doctorant, qui, dans les EPIC, étant de droit privé, sont limités à dix-huit mois, deviennent plus longs. Il faudra réfléchir également aux conditions de rémunération et d’encadrement afin que cette période entre la thèse et l’entrée dans un emploi statutaire qui, depuis une dizaine d’années, se fait entre 31 et 35 ans, soit la plus stable possible et la plus propice à la recherche. Dans ce domaine, nous essaierons de reprendre ce qui se fait de mieux en Europe. M. Novelli vous répondra sur l’effort du secteur bancaire pour la recherche industrielle et sur les pôles de compétitivité. La liaison entre ces derniers et l’université est importante et la loi LRU permet que les présidents des pôles fassent partie des conseils d’administration des universités. Il faut également que les pôles de compétitivité aient des liens avec les réseaux thématiques de recherche avancée et que les PRES puissent y participer, pour améliorer la liaison entre recherche fondamentale et recherche appliquée et entre formation et emploi.

Madame Rosso-Debord, je souhaiterais que vous transmettiez à mes services votre proposition sur la couverture complémentaire des étudiants et le chèque santé car elle me paraît un peu différente de ce qui figure dans le rapport de M. Wauquier sur la santé étudiante. Notre objectif est que 100 % des étudiants aient une couverture complémentaire. Actuellement, 9 % n’en ont pas. Pour certains, c’est simplement par insouciance, et il faut leur faire prendre conscience de sa nécessité. Pour d’autres, c’est pour des raisons financières, mais les dispositifs d’ordre général comme la CMU, qui concernent tous les jeunes, leur en donnent la possibilité.

Pour ce qui est du droit de prescription de la médecine préventive, j’y suis favorable, mais la décision appartient à Mme Bachelot. Nous souhaitons bien que tous les jeunes entrent dans la logique de la prévention et du parcours de soins.

S’agissant du logement, le CROUS peut recourir à des partenariats privé public. Le problème c’est leur complexité et leur lourdeur administrative. Le Président de la République a demandé au Premier ministre de créer une mission sur le développement de ces partenariats, qui est nécessaire. Je souhaite les développer à l’université mais je constate que, malgré l’aide de la Caisse des dépôts, certains établissements ont du mal à mettre sur pied leur dossier. Il en va de même pour le CROUS.

L’un des objectifs de la loi relative à l’autonomie des universités est de donner à celles-ci la maîtrise de leur foncier – qui est mal géré, comme tout le foncier de l’État. En leur transférant la propriété des bâtiments, il ne s’agit nullement de s’en décharger, mais de leur permettre d’en faire un meilleur usage et d’accroître l’offre de logements pour étudiants.

S’agissant de la gouvernance du CROUS, nous attendons les conclusions de la mission Lambert pour la fin de cette année.

Monsieur Lasbordes, vous suggérez de répartir différemment le dividende qu’AREVA verse au CEA afin d’en affecter une part plus importante au financement du réacteur de quatrième génération. Mais le dividende d’AREVA finance le fonds de démantèlement des centrales nucléaires. On a pris beaucoup de retard dans ce domaine depuis longtemps et, dans le prolongement du Grenelle de l’environnement, il ne serait pas acceptable de ne pas provisionner le fonds de démantèlement à la hauteur nécessaire. Pour ce qui est du réacteur de quatrième génération, le CEA a toutes marges de manœuvre pour recentrer ses activités sur son cœur de métier.

M. François Brottes – Mais AREVA n’est pas exploitant de centrales nucléaires !

Mme la Ministre  Les crédits d’AREVA sont affectés au fonds de démantèlement par la loi et il n’est pas possible d’en modifier la destination.

S’agissant de l’ANR, vous déplorez que la programmation ne prenne pas en compte les réponses des différents organismes aux questionnaires qui leur ont été envoyés.

M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis  – J’ai dit en fait qu’avec la création de l’établissement public, les demandes des dirigeants des organismes ne me paraissaient pas suffisamment prises en compte.

Mme la Ministre   Cela relève du conseil d’administration de l’ANR, qui est une autorité indépendante et qui n’est pas là pour lancer des appels à projet correspondant exactement aux demandes stratégiques des organismes car, si tel était le cas, on pourrait parler de financement récurrent. Cela étant, même si les responsables de l’ANR et des grands organismes se réunissent tous les quinze jours dans mon bureau, peut-être conviendrait-il de renforcer quelque peu le dialogue institutionnel sur les grandes priorités de recherche ?

Le CNRS constitue une réserve de précaution conformément à la demande qui est faite à tous les établissements publics. J’ai toutefois demandé, compte tenu de la priorité nationale accordée à la recherche, que la situation des organismes soit examinée cas par cas, mais la décision n’a pas encore été prise.

En ce qui concerne l’espace, j’ai déjà répondu pour Galileo. Vous souhaitez que l’espace soit une priorité de l’Union européenne. Il est déjà formidable qu’il s’agisse désormais d’une compétence communautaire, ce qui va changer beaucoup de choses. Sans doute la présidence française de l’Union nous donnera-t-elle l’occasion de nous intéresser à nouveau à ce sujet, encore faudrait-il que Galileo n’ait pas échoué d’ici là, ce qui marquerait d’un signe noir la politique spatiale européenne et qui serait très difficile à surmonter en quelques semaines. Mais nous savons tous que Galileo réussira, avant la présidence française…

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur – Ma présence en ces lieux se justifie par le fait que le ministère de l’Économie, de l’emploi et des finances est responsable du programme « recherche industrielle ». Mais avant d’en venir plus précisément à ce dernier, je souhaite rappeler que la politique de compétitivité de notre pays est tout particulièrement axée sur l’innovation. C’est un domaine qui, depuis l’élection du président de la République, a fait l’objet de toutes les attentions du Gouvernement. Quand nous nous battons, la ministre de la recherche et moi-même, en faveur de la ratification du protocole de Londres, nous agissons bien en faveur de l’innovation. De même, c’est l’innovation que nous défendons quand nous faisons adopter un projet de loi réprimant la contrefaçon.

C’est aussi cette politique que l’on retrouve dans le programme spécifique de recherche industrielle à travers la fusion des grandes agences et le développement des pôles de compétitivité.

Dans ce projet de loi de finances, les dispositions relatives à la fiscalité des brevets poursuivent également cet objectif. Il s’agit de faire diminuer les revenus de cession des brevets en leur appliquant un taux réduit et d’assouplir le régime fiscal applicable à l’apport par un inventeur d’un brevet à la société qui l’exploite. En fait, tout ce qui a trait à la promotion et à la défense des droits de propriété intellectuelle s’inscrit dans la politique en faveur de l’innovation.

C’est aussi le cas des dispositions relatives au crédit impôt recherche. Mme Pécresse a souligné que le nouveau dispositif était en rupture avec le précédent. Le premier changement est d’ordre quantitatif puisque trois milliards d’euros seront consacrés en année pleine au CIR, contre 900 millions seulement en 2006. Une autre nouveauté tient à la procédure du rescrit fiscal réduit à trois mois, qui permet de sécuriser les dépenses éligibles. Désormais, lorsque l’administration n’aura pas répondu à la demande de l’entrepreneur sur l’éligibilité de ses dépenses dans un délai de trois mois, celles-ci seront réputées acceptées. En outre, grâce au déplafonnement, le dispositif pourra désormais profiter également aux grandes entreprises. En effet, ce sont maintenant 30 % des dépenses qui seront prises en compte jusqu’à 100 millions d’euros et 5 % au-delà.

Tout cela fait du crédit impôt recherche le dispositif fiscal le plus puissant en faveur des dépenses de recherche et développement dans toute l’OCDE, à l’exception de l’Espagne.

Selon les derniers chiffres connus, 7 000 entreprises ont eu recours au CIR. C’est fort peu, mais cela tient sans doute aux contrôles fiscaux qui ont trop souvent suivi les demandes et à la complexité du dispositif. Celui-ci étant désormais très simple, on peut s’attendre à une progression des demandes. Je rappelle enfin que jusqu’en 2005, le crédit impôt-recherche s’adressait aux entreprises de moins de 250 salariés, jusqu’à 81 % des dépenses.

Parmi les autres dispositifs du programme « recherche industrielle », M. Paul s’est inquiété des effets de la fusion AII-OSEO sur les personnels. Dans la mesure où AII n’emploie que 24 personnes, il sera tout à fait possible d’adopter une gestion personnalisée et de mener à fond une concertation apte à lever ces inquiétudes !

Le Gouvernement est convaincu de la nécessité de recentrer l’effort de recherche et développement sur les entreprises moyennes. Les grands groupes ne seront pas pour autant pénalisés. Sur les 23 milliards d’euros, soit 1,3% du PIB, que les entreprises privées consacrent à la recherche et développement, la moitié proviennent des 13 plus grands groupes français. Les dépenses du seul groupe Sanofi dépassent quatre milliards d’euros. Tout cela nous prouve la nécessité de concentrer les crédits sur les PME : la totalité de l’enveloppe de l’AII ne permettrait pas de couvrir les besoins d’une seule grande entreprise !

La fusion sera effective le 1er janvier 2008. M. Paul s’est également préoccupé de la gouvernance en rappelant que les salariés étaient associés à celle d’AII. Ils ont été reçus par mon directeur de cabinet et il apparaît que la réforme en cours permettra également de les associer à la gouvernance d’OSEO.

Je suis par ailleurs persuadé que les pôles de compétitivité sont une réponse moderne dans une politique industrielle moderne. Depuis la fin de 2004, 71 pôles ont été créés. Le mouvement est interrompu pour l’instant car la semaine prochaine, un cabinet d’audit sera choisi afin d’étudier la façon dont les procédures de gouvernance des pôles ont fonctionné. Les conclusions seront rendues publiques en juin 2008. Nous avons souhaité ce processus d’évaluation afin d’aboutir à une politique d’excellence. C’est bien le moins que l’on puisse demander à ces pôles, qui ont commencé à essaimer un peu partout en Europe, qu’on les appelle clusters ou parcs de haute technologie. Nous avons donc donné un élan et cette réponse simultanée de plusieurs pays européens pourrait être à l’origine d’une politique industrielle européenne moderne car venant de la base. En effet, dans ce système, ce sont les entreprises, les laboratoires de recherche, les organismes de formation qui font naître les projets que la puissance publique accompagne mais qu’elle ne choisit pas.

S’agissant du pôle batellerie, attendons la fin de l’audit, Monsieur Paul. Soyez assuré que nous le laisserons voguer s’il a quelque utilité !

Si je ne suis pas toujours d’accord avec vous, je ne m’interdis pas de prendre en compte ce que vous avez dit à propos des banques. À la demande du Président de la République, nous avons réuni à plusieurs reprises l’ensemble du secteur bancaire à la suite des soubresauts que nous avons connus récemment. Nous avons ainsi obtenu de pouvoir mettre en ligne sur le site du ministère les informations relatives aux encours offerts aux PME par le réseau bancaire, y compris selon la taille et selon l’âge des entreprises. C’est ainsi, par la transparence qui favorise la concurrence, que les banques seront amenées à offrir de meilleures capacités de soutien aux PME. Je ne suis pas hostile à ce qu’une réflexion plus approfondie soit menée sur les façons d’associer ce secteur au financement de tel ou tel projet innovant au sein des pôles de compétitivité.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie – Le ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durable est directement concerné par trois programmes entiers et pour partie par d’autres, ce qui illustre d’ailleurs sa compétence transversale. Il est directement intéressé par ce qui concerne le crédit impôt recherche, dans la mesure où le développement durable est le moteur d’une nouvelle compétitivité fondée sur la recherche et l’innovation. Des problèmes structurels et de financement nous ont empêchés par le passé d’être très performants en matière de technologies innovantes, pour les nouvelles technologies de l’information et de la communication par exemple. Les technologies vertes ouvrent une nouvelle ère que la nouvelle formule du crédit impôt recherche nous permettra sans doute de saisir.

Le premier des trois programmes qui nous intéressent particulièrement concerne la recherche dans le domaine des risques et pollutions environnementaux sanitaires ou nucléaires. Il constitue une priorité pour le ministère de l’écologie. Ses crédits, en augmentation de 5 %, permettront de répondre à des enjeux de taille, tels que les risques technologiques, traités notamment par l’Ineris, ou les risques sanitaires environnementaux. Si la ligne budgétaire qui y est consacrée peut vous paraître faible, il faut savoir que l’ensemble du budget de l’Agence française de la sécurité sanitaire de l’environnement et du travail est en augmentation. En ce qui concerne l’évaluation des risques nucléaires, les travaux portent sur les questions classiques de radioprotection mais aussi sur des problèmes récents comme l’irradiation en milieu médical. Enfin, des actions de recherche et développement sont menées par l’ADEME en matière d’habitat économe ou de véhicules propres. Les crédits du service de la recherche et de la prospective de la direction des études économiques augmentent fortement pour mettre tout cela en cohérence.

Le deuxième programme porte sur la recherche dans le domaine de l’énergie : il s’agit du nucléaire civil, des nouvelles technologies d’énergie – dont les énergies renouvelables, mais pas seulement – et des usages durables qui peuvent être faits des hydrocarbures ; 441 millions sont destinés au démantèlement d’installations nucléaires, à la sécurité du parc et à la recherche sur les déchets et sur le nucléaire du futur ; 85 millions vont aux énergies non productrices de gaz à effet de serre, comme l’hydrogène, le solaire photovoltaïque, les biocarburants de deuxième génération, soit une progression de 8 % sur un an ; 138 millions sont aussi consacrés à l’Institut français du pétrole pour ses recherches sur l’utilisation rationnelle des hydrocarbures, notamment en ce qui concerne le captage et le stockage du CO2. Cette question est au cœur de nos préoccupations, d’autant qu’au plan international, l’Inde, la Chine ou des pays comme la Pologne réclament des assurances dans ce domaine, ainsi que des projets pilotes, avant d’accepter de s’engager dans la lutte contre le changement climatique. Outre l’IFP, le BRGM, le CNRS, l’ANR et l’AII travaillent sur ce sujet. Plus de 36 millions y ont été consacrés depuis 2005, mais ce n’est pas suffisant. Il faut passer à l’étape des prototypes. Deux projets pilotes sont prévus, avec le plan de soutien correspondant.

Le troisième programme concerne la recherche dans le domaine des transports, de l’équipement et de l’habitat. En 2008, la priorité sera donnée à la recherche aéronautique dont les crédits seront doublés par rapport à 2007. L’objectif est de résister à la concurrence américaine et de préserver notre réseau de PME sous-traitantes, qui représentent beaucoup d’emplois. Ces fonds permettront de contribuer au plan de soutien à la filière aéronautique. Pour le reste, les crédits du programme serviront à consolider les moyens d’établissements de recherche tels que le laboratoire des Ponts-et-Chaussées, l’INRS ou le CSTB et des incitations dans le domaine de l’habitat et des transports. À ce propos, pour répondre à la question qui m’a été posée sur le revêtement des routes, le laboratoire des Ponts-et-Chaussées travaille sur des matériaux recyclables très intéressants. Un chantier expérimental a été lancé sur l’autoroute A6 en 2003, mais il est difficile de faire adopter ce savoir-faire innovant aux professionnels. Nous y travaillons. Le programme de recherche sur le ruissellement devrait, lui, bientôt déboucher sur des recommandations pour la conception de modèles adaptables au cas par cas.

La question de la recherche a évidemment été très présente tout au long du Grenelle de l’environnement. C’était une des priorités de l’atelier sur la biodiversité, par exemple, mais elle a été évoquée aussi à propos, par exemple, des pratiques agricoles, du climat, des transports ou de l’habitat. Le Président de la République a évoqué un plan massif d’investissements d’un milliard supplémentaire sur quatre ans, avec une équivalence entre les moyens consacrés à la recherche nucléaire et ceux de la recherche sur les technologies propres et la prévention des atteintes à l’environnement. Un groupe de travail va être installé pour définir un programme précis d’ici au 15 décembre. D’ores et déjà, les conclusions du Grenelle permettent d’envisager des actions dans cinq domaines : la santé environnementale, dans laquelle la France est en retard, les engagements que nous avons pris dans le cadre du règlement Reach, les nouvelles technologies en matière de CO2 et de transport propre, le soutien aux démonstrateurs en matière de technologies éco-responsables et enfin la formation et la recherche appliquée dans le domaine de l’agriculture durable.

Au niveau national, nous espérons commencer à donner des déclinaisons concrètes au Grenelle de l’environnement dans la loi qui devrait être examinée fin janvier, mais il est difficile de dire exactement lesquelles, sauf en matière d’OGM, car le périmètre de cette première « loi Grenelle » n’est pas encore défini. En revanche, certains engagements reçoivent déjà une traduction par le financement d’actions.

Au niveau européen, le septième PCRD est certes orienté vers le développement durable, mais sans être à la hauteur des enjeux. Il ne permet certainement pas de faire de l’environnement la « nouvelle frontière » de l’Union et d’en faire la source de la nouvelle compétitivité des économies européennes. La France s’est beaucoup impliquée dans la recherche européenne sur le développement durable, et l’Ineris, notamment se classe bien dans les appels d’offres européens. Les indicateurs de performance du programme 189 tiennent compte, par exemple, de cette implication. Mais la recherche européenne reste très loin de ce qu’elle devrait être. Une consultation est en cours pour un Livre vert sur l’espace européen de recherche. La présidence française sera l’occasion de faire progresser nos idées à ce sujet, et Nicolas Sarkozy a d’ailleurs placé le climat et l’énergie parmi ses priorités. Il y aura aussi à examiner la directive Sols et la directive Mer, qui appellent beaucoup de travaux de recherche – en particulier sur l’acidification des océans.

Le Président de la commission des finances – Nous en arrivons aux interventions des groupes.

M. Claude Birraux – En 2006 et 2007 ont été menées deux réformes d’envergure concernant la recherche et les universités. Avec le recul, les craintes qu’avait suscitées la loi sur la recherche se sont dissipées et l’on ne parle plus aujourd’hui que d’aménagements à la marge. Les chercheurs, par exemple, ont compris que la création de l’ANR leur permettait de disposer de budgets pluriannuels.

Pour 2008, les crédits de la recherche connaissent une augmentation de 7,8 % en volume, appréciable dans un contexte budgétaire extrêmement contraint. L’enseignement supérieur et la recherche ne souffrent notamment pas de la diminution de l’emploi public – l’encadrement des étudiants est même amélioré. Mais la visibilité à long terme des postes qui seront ouverts pour faire face aux départs à la retraite devrait être aussi bonne que celle qui concerne les financements.

Les mesures d’accompagnement de la loi sur les universités ont aussi été prises, concernant l’allocation recherche, l’ANR ou OSEO par exemple – mais, si vous me permettez une observation particulière à propos de la construction du nouvel accélérateur à particules, le LHC, est-ce le directeur de recherche qui nous représente aujourd’hui au conseil du CERN ? Les engagements ont aussi été tenus en ce qui concerne le renforcement de l’encadrement, la revalorisation des carrières, les jeunes chercheurs, le transfert du parc immobilier, le bien-être étudiant, les bourses ou le logement. Néanmoins, il paraît possible de trouver des solutions de financement innovantes, notamment par le biais d’un conventionnement avec les bailleurs privés.

Je tiens beaucoup, vous le savez, à ce que le doctorat soit reconnu comme première expérience professionnelle. La loi sur la recherche en donne la possibilité. Si des réticences persistent à ce sujet au sein des organismes paritaires, elles doivent être levées, et un courrier cosigné par plusieurs ministres doit les inciter à mettre d’urgence ce point à leur ordre du jour.

Je constate avec satisfaction que des PRES se créent. Ils constituent une force de frappe bienvenue, au service des collectivités.

Lors de la préparation du « Grenelle de l’environnement », l’importance du volet « recherche » n’est pas apparue immédiatement. Un effort considérable est pourtant nécessaire, comme l’a souligné Mme Kosciusko-Morizet. L’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques peut aider à éclairer le débat.

Je suis favorable au crédit impôt recherche, à condition que le dispositif soit véritablement évalué et que des comparaisons européennes permettent d’en améliorer l’efficacité. Surtout, des interfaces doivent être créées pour assurer la valorisation de la recherche et les transferts de technologies à l’étranger. Je me suis laissé dire que l’Université de Corte a créé une cellule de valorisation qui donne d’excellents résultats, sans que cela ait en rien influé sur les méthodes de travail des chercheurs.

Pour atteindre l’objectif fixé à Lisbonne, il faut accroître la part, notoirement insuffisante, du secteur privé dans la recherche.

J’en viens à l’avenir de l’Université. Je comprends l’impatience des jeunes et leur inquiétude à l’idée du changement mais j’observe aussi que, nolens volens, tout le monde se réfère désormais au « classement de Shanghai ». Or, la taille des établissements n’explique ni n’excuse tout, puisque le MIT, qui ne compte que 6 000 étudiants, est classé premier ou deuxième dans presque tous les domaines, que l’Université de Genève, qui en compte 14 000, est classée à la trente-et-unième place mondiale et que six établissements suisses, tous de petite taille, figurent au nombre des cent meilleurs. Nous devons tendre à cette excellence en insérant, comme il se doit, la recherche et l’Université au sein de la société française car de leurs succès dépendra l’avenir de notre jeunesse et de notre pays. Or - et M. Brottes ne me démentira pas -, des sonneurs d’alarme se répandent, qui réclament à hauts cris un moratoire sur la recherche. Cela ne se peut ! Nous avons besoin de la recherche pour progresser. Le groupe UMP votera ce budget qui traduit le changement engagé par la loi que nous avons adoptée cet été.

M. Alain Claeys – Mon intention n’est pas de rouvrir le débat que nous avions eu lors de l’examen du projet « Libertés et responsabilités des universités », au cours duquel vous nous aviez reproché de vouloir faire une « loi cathédrale » lorsque nous disions que la loi ne réglerait pas tout, et il serait d’ailleurs injuste de prétendre que le budget que vous nous présentez est entièrement mauvais. Je dois toutefois souligner la persistance du malaise qui touche les chercheurs, les présidents d’université et les étudiants.

Ce malaise, les chercheurs l’éprouvent, en particulier ceux des grands organismes tels que le CNRS, et on ne peut le laisser perdurer. Après la création de l’ANR et sachant la volonté d’autonomie des universités, vous devez, Madame la ministre, clarifier l’avenir de cet organisme et dissiper ainsi la néfaste ambiguïté actuelle.

Le préciput de l’ANR s’établit à 11 % ; je regrette que vous n’ayez pu convaincre Bercy de le porter à 20 %. De plus, quelle sera son affectation précise ? Il ira, avez-vous dit, à la structure d’accueil ; mais qu’en sera-t-il dans le cas de laboratoires mixtes ?

J’en viens au malaise des présidents d’université. Le budget supplémentaire qui leur est affecté semble considérable, mais c’est un montant d’affichage.

Mme la Ministre   Vous y allez fort !

M. Alain Claeys – Non, Madame la ministre et je vais vous expliquer pourquoi. Examinons, par exemple, la ligne « Accompagnement à l’autonomie des universités », qui est en augmentation apparente de 381 millions. Si l’on regarde attentivement ce dont il s’agit, on se rend compte que 329 millions sont affectés aux chantiers immobiliers et que, de plus, certains de ces crédits sont – à juste titre – « fléchés » vers l’Université Jussieu ou celle de Mulhouse. Comme, en outre, il faut rattraper les crédits non versés entre 2000 et 2006, ne restent en réalité que 45 millions.

Mme la Ministre   Mais non !

M. Alain Claeys – J’attends vos précisions mais je considère pour ma part qu’un effort important reste à faire. De même, s’agissant des crédits de personnels, une grande partie – 232 millions – des sommes inscrites au budget sert à couvrir la cotisation au compte spécial « pensions ». Là encore, l’écart est très grand entre l’affichage et les montants réellement destinés à l’accompagnement à l’autonomie.

J’en viens au malaise des étudiants, qui impose de ne pas rester l’arme au pied. Un effort important est nécessaire en matière de logements, comme l’a souligné un rapport parlementaire, et il faut aussi faciliter les crédits directs aux étudiants.

En résumé, c’est une urgence vitale pour nos organismes de recherche que de les rassurer. D’autre part, les crédits destinés à accompagner les universités vers l’autonomie ne sont pas conformes aux engagements pris. Enfin, je ne suis pas certain d’avoir parfaitement compris vos propos à ce sujet, mais je vous signale que si vous vous proposez d’associer fondations et PRES…

Mme la Ministre  J’ai dit que la démarche est prématurée !

M. Alain Claeys – …vous allez mettre le feu aux poudres. Restons-en à ce qui a été décidé : la création des PRES doit découler des délibérations des conseils d’administration des universités. Je constate à ce sujet que, s’agissant des petites et des moyennes universités, la création des PRES semble quelque peu en panne.

Enfin, je vous saurai gré de nous communiquer les résultats des audits réalisés dans quelques universités à l’occasion du passage au budget global, ce qui nous permettrait d’apprécier les difficultés apparues.

Le président de la commission des finances – Je constate que personne ne souhaite plus poser de questions à Mme la secrétaire d’État à l’écologie, que je remercie de ses réponses.

M. Benoist Apparu – Pourriez-vous, Madame la ministre, nous dire quelles sont les traductions budgétaire et réglementaire précises de la loi « Libertés et responsabilités des universités » ? Comment sera affecté le milliard supplémentaire alloué à l’enseignement supérieur ? Quel est l’état d’avancement des décrets d’application ? Ce projet avait été négocié avec les organisations étudiantes ; j’aimerais savoir si la discussion se poursuit pour les décrets d’application, afin de permettre une osmose complète.

M. Armand Jung – Madame la ministre, vous avez souligné, pour le regretter, que la France compte autant d’universités que de départements, si bien qu’elles n’ont aucune visibilité à l’étranger. Vous avez aussi insisté sur la nécessité de relancer les quinze PRES adossés aux pôles de compétitivité, au risque d’un nouvel empilement incompréhensible. La loi du 10 août 2007 fait allusion à la fusion des universités, une fusion qui aurait un intérêt certain et qui, là où elle est souhaitée et possible, doit être encouragée au moins aussi vivement que les PRES. Ces projets ayant un coût, j’aimerais savoir, Madame la ministre, quelles aides spécifiques seront allouées aux universités qui ont choisi de fusionner. Une annonce officielle encouragerait cette démarche.

M. Daniel Fasquelle – La lutte contre l’échec à l’université doit être une de nos priorités. Quels moyens supplémentaires sont destinés à renforcer le tutorat en première année et l’encadrement pédagogique en licence ? D’autre part, une insertion professionnelle suppose de développer les licences professionnelles et de renforcer l’autonomie des universités, qui doivent pouvoir créer des diplômes nouveaux. Or, la procédure actuelle d’habilitation est très lourde ; peut-on imaginer la simplifier ?

Je vous ai entendue évoquer la revalorisation de l’allocation de recherche ; ne pourrait-on les multiplier, de manière que chaque doctorant ait un statut professionnel ?

Mme Geneviève Fioraso – Nous sommes tous préoccupés par la croissance insuffisante des jeunes entreprises innovantes. La principale difficulté réside pour elles dans l’accès aux marchés et aux financements. Sans doute faudrait-il s’inspirer de l’exemple allemand où les grandes entreprises mais aussi les centres de recherches sont très proches des PME et des PMI. Dès lors, je suis inquiète lorsque M. Novelli oppose ces deux structures. La suppression de l’AII n’est pas de bonne politique, de même d’ailleurs que le saupoudrage des pôles de compétitivité : 71 pôles, est-ce bien sérieux lorsque les États-Unis ont trois grands axes de recherche ? De même, dix pôles dans le domaine du développement durable sans mise en réseau, est-ce bien raisonnable ?

L’augmentation des crédits de recherche relève de la politique d’affichage, comme en témoigne par exemple le budget de l’INRIA qui semble augmenter de 7,8% en 2008 alors que l’impact du seul rattrapage de la TVA et des régimes de retraite fait baisser cette croissance de 5 points. À cela s’ajoutent les gels de crédits. Au lieu, par ailleurs de remplacer poste par poste les départs à la retraite dans les organismes, vous auriez dû réfléchir à des orientations stratégiques précises et, en particulier, à ces priorités que doivent être le développement durable et l’investissement dans des énergies nouvelles.

Le parc du logement étudiant est insuffisant et très dégradé. Or, vous avez prévu de dégager 100 millions quand les universités de la seule communauté d’agglomération grenobloise auraient besoin de 84 millions !

Enfin, c’est infamant envers les chercheurs que de qualifier le CNRS d’agence de moyens.

M. Daniel Paul, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Les établissements d’enseignement supérieur privés peuvent donc récupérer la taxe qu’ils versent sur les salaires depuis le 1er septembre 2007. Cela intéressera sans nul doute d’autres établissements !

Mme la Ministre  – Cette mesure a été votée par le Parlement.

M.  Daniel Paul – Quel montant représente-t-elle ?

Vous avez également indiqué qu’AREVA interviendra dans le démantèlement des centrales nucléaires. Quels sont précisément les modes de financement du fonds de démantèlement ?

Enfin, des grandes entreprises telles que la SNCF, Airbus ou GDF ont joué un rôle moteur dans leur domaine. L’AII permettait ainsi à des entreprises de mettre la puissance de grands groupes au service de projets de rupture technologique. Croyez-vous que le crédit impôt recherche jouera pas le même rôle ? Aucune grande entreprise ne le refusera évidemment, mais nous n’aurons aucune garantie qu’elle n’ira pas développer son projet à l’étranger.

Mme la Ministre – Ce ne sera pas possible. Le fisc est très vigilant.

Mme Sandrine Mazetier – Si la France veut tenir les objectifs de Lisbonne, elle devrait augmenter le nombre d’étudiants et assurer leur réussite. Or, ni la mini- réforme de juillet ni ce budget ne le permettront.

S’agissant des bourses, 100 millions étaient annoncés mais ce sont en fait 52,8 millions qui seront débloqués. Selon les préconisations de M. Wauquiez, ce sont 150 à 500 millions qui seraient nécessaires ! Je m’inquiète également de l’extinction programmée des prêts d’honneur – à taux zéro – au profit d’un système où l’État donnera aux banques dix millions pour cautionner des prêts qui, eux, seront à intérêt.

En outre, l’exonération d’impôt consentie aux étudiants qui travaillent ne bénéficie qu’aux familles imposables et non aux étudiants qui sont le plus souvent victimes de l’échec à l’université.

Ce que le budget prévoit en faveur du logement étudiant est très inférieur aux besoins : le scandale, en la matière, est patent. Le rapporteur Hénart a lui-même souligné qu’il faudrait ajouter 70 millions. Une augmentation des crédits de 11 millions serait en tout cas bien en deçà des besoins.

À ce propos, d’ailleurs, il faudrait s’interroger sur les retards du chantier de Jussieu et ne pas théoriser l’impuissance. Les autres universités manquent également de moyens pour rationaliser leurs locaux et louent à grand frais des lieux d’études « baroques » où s’entassent les étudiants. Oui, l’investissement en faveur du logement étudiant doit augmenter, mais pas en prenant les 11 millions de Jussieu qui, éventuellement, devraient être affectés aux autres universités parisiennes !

Mme Annick Girardin – Le Gouvernement assure vouloir effectuer l’ensemble des démarches nécessaires au dépôt par la France du dossier de demande d’extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon. La date butoir est le 13 mai 2009. Or, le dossier doit s’appuyer sur un argumentaire à la fois juridique et technique, ce qui exige notamment une campagne scientifique menée dans le cadre du programme EXTRAPLAC. Le 26 septembre, le secrétaire d’État aux affaires européennes a réitéré cet engagement tout en affirmant que Saint-Pierre-et-Miquelon figurait sur la liste préparatoire des missions de ce programme. Compte tenu du délai, il est impératif de dépasser le stade de la liste préparatoire et les crédits pour cette mission scientifique doivent être explicitement inscrits dans le PLF pour 2008, dernier exercice budgétaire plein avant la date limite du dépôt du dossier.

M. François Brottes – Je reviens sur la question de M. Paul à propos du démantèlement des centrales nucléaires.

Mme la Ministre  Il ne s’agit pas des centrales mais de l’ensemble des installations nucléaires du CEA.

M. François Brottes – Je comprends mieux car AREVA ne peut pas financer le démantèlement d’installations relevant d’autres opérateurs. Ce serait de toute façon contraire à la loi de 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs qui a créé une commission nationale d’évaluation des charges du démantèlement des installations et du traitement des déchets. Cette commission n’est d’ailleurs toujours pas en place. Il est souhaitable que le Gouvernement se saisisse de cette question majeure.

Mme la Ministre  Absolument.

M. François Brottes – Je ne suis pas d’accord néanmoins avec M. Paul sur l’analyse qu’il fait des résultats obtenus sur le site de Crolles. On peut considérer que les entreprises ont tenu leurs engagements en ce qui concerne l’investissement et l’emploi. La vraie question concerne l’avenir : je ne souhaite pas que l’État se désengage.

Mme la Ministre  Merci de venir au secours de l’État.

M. François Brottes – J’en viens à ma question. Aujourd’hui, la recherche sur les nanotechnologies a quitté la France et même l’Europe pour les États-Unis. En effet, l’Europe n’a pas su mobiliser les fonds nécessaires. J’appelle donc votre attention ainsi que celle du ministre de l’industrie sur la nécessité d’être très vigilants et de protéger cette filière majeure pour les innovations à venir.

Je souhaite également une précision sur les chiffres. Mme Kosciusko-Morizet a rappelé l’engagement du président Sarkozy de consacrer un milliard en quatre ans aux énergies et aux moteurs du futur. Vous avez parlé de 232 millions pour cette année ; ce n’est pas tout à fait le premier quart. J’aimerais y voir plus clair.

Nous prenons acte du triplement du budget pour le crédit impôt recherche. Si néanmoins on s’apercevait, en fin d’année, que les entreprises n’ont pas demandé à bénéficier de la totalité de cette somme, utiliseriez-vous les crédits qui restent pour les laboratoires de recherche ?

Enfin, la responsable de l’ANR a indiqué qu’elle était « sous commande » des pouvoirs publics en ce qui concerne le choix des programmes. Cela signifie-t-il que l’Agence s’en tient aux grands thèmes décidés nationalement ou que le Gouvernement lui passe des commandes précises ?

Mme la Ministre – Monsieur Birraux, l’État français est représenté au CERN par Michel Spiro, le directeur de l’IN2P3 et par le représentant permanent de la France auprès de l’ONU à Genève.

Pour ce qui est du conventionnement avec les bailleurs privés pour le logement étudiant, il existe, mais on peut effectivement faire plus. Les collectivités locales, en particulier les régions, sont également parties prenantes dans le cadre des contrats de plan État-Région. En revanche, les municipalités ne s’investissent peut-être pas suffisamment. J’ai demandé à l’AMF de faire du logement étudiant un des thèmes de travail de son groupe sur le logement. Il est certain que le mal-logement est un problème général et que, à tort certainement, on considère que les étudiants sont mieux lotis que la plupart des autres jeunes. Je n’en fais pas grief aux collectivités locales, mais il y a là une véritable priorité. Pouvoir s’épanouir pendant ses études, avoir le sentiment d’une promotion sociale est important pour le reste de la vie. Comme le demande le président de la République, pensons à récompenser le travail et le mérite.

Pour ce qui est du doctorat comme première expérience professionnelle, nous y travaillons mais le problème est celui de la reconnaissance du doctorat comme qualification dans les conventions collectives, ainsi que de la reconnaissance par l’administration des compétences d’un doctorant. Or, actuellement elle ne reconnaît pas de diplôme supérieur à la licence et donc pas les compétences issues de la recherche. Je discute du sujet avec M. Woerth.

Un crédit impôt recherche d’un montant aussi élevé est un dispositif unique en Europe. Nous voulons absolument que la France crée les conditions fiscales favorables pour que les entreprises choisissent d’y implanter leurs centres de recherche et donc des emplois. C’est une façon de lutter contre les délocalisations. Quand une entreprise française délocalise la recherche, on ne voit pas pourquoi elle maintiendrait en France son centre de décision. Le classement de Shanghai a ses limites mais il existe et il détermine le choix d’implantation des professeurs, des post-doctorants et des étudiants étrangers. Il faut donc bien en tenir compte. Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, je mettrai en avant deux thèmes, la rénovation d’Erasmus et l’assurance qualité. Si les étudiants indiens ne connaissent pas le nom de nos universités, il faut au moins qu’ils sachent qu’en venant dans tel établissement, ils recevront une bonne formation. De même, les étudiants européens pourront organiser leur mobilité s’il existe un dispositif pour valider la qualité des diplômes en Europe.

Vous avez abordé la question des rapports entre science et société. Je suis préoccupée comme vous par la méfiance qui se manifeste dans la société civile envers le progrès scientifique. Le Grenelle de l’environnement a permis de commencer un travail pédagogique à ce sujet.

M. Claeys a soulevé la question fondamentale de la place des grands organismes de recherche et d’une vision globale de la politique de la recherche. Cette politique s’appuie sur 4 piliers : des universités puissantes et autonomes ; des organismes de recherche d’excellence et soumis à évaluation ; une recherche sur projets dynamique ; une recherche privée plus ambitieuse. Tels sont les facteurs de la réussite dans tous les pays développés. Mais je veux rassurer ceux qui s’inquiètent au CNRS : ni les stratégies, ni les statuts de l’organisme ne sont en cause. Simplement, à côté de ces grands organismes, il est nécessaire que l’université ait aussi sa stratégie de recherche. Les grands organismes en question ont d’ailleurs été les premiers à se lamenter qu’elle n’en ait pas. Quant à la recherche sur projets, en 2006, l’ANR n’a financé que 12% des projets au total quand on en était à 50% dans la plupart des pays voisins. Cette recherche sur projets est un outil de pilotage stratégique qui permet à l’État de déterminer de grands enjeux prioritaires dans une dynamique d’excellence. Elle permet aussi de financer des projets de jeunes entreprises innovantes, qui ne le seraient pas dans un système structuré uniquement autour des établissements publics.

Cela dit, il est évident qu’il faut que d’autres organismes de recherche aient leur stratégie propre et indépendante. Lorsqu’est survenue l’épidémie de la vache folle, il était heureux qu’au CEA un chercheur ait fait des recherches sur le prion à l’époque où ce n’était pas une priorité. On ne peut en effet prévoir les crises ni les nouvelles découvertes. Le CNRS qui absorbe aujourd’hui 25 % du budget de la recherche publique est présent dans 35% des laboratoires qui emportent les appels d’offres à projets de l’ANR. Il gagne donc à l’existence de celle-ci.

S’agissant du préciput versé par l’ANR aux établissements qui hébergent des chercheurs bénéficiaires d’une aide au projet, le pacte de recherche l’a fixé à 6 %. La commission des affaires sociales souhaitait le porter à 15 %. J’ai obtenu qu’il passe à 11 % cette année, ce qui avec les 4% de frais de gestion, nous met en effet à 15 %. M. Claeys souhaite aller jusqu’à 20 %. Je suis favorable à une telle évolution qui a un effet vertueux car elle incite les universités à recruter les meilleures équipes, susceptibles d’amener des crédits. M. Claeys parle par ailleurs d’un malaise des présidents d’université. À mon avis, ils sont plutôt satisfaits de disposer d’un milliard de dotation, de 329 millions pour les chantiers immobiliers et de 381 millions et 700 postes d’encadrement pour accompagner le passage à l’autonomie !

J’ai dit ce que j’avais à dire sur les bourses et sur les logements étudiants.

M. Claeys considère que les PRES des petites et moyennes universités sont en panne. Ce n’est pas le cas. Ainsi, Nantes, Angers et Le Mans viennent de saisir de leur décision de créer un nouveau PRES pour passer à l’autonomie dès le 1er janvier 2009 et j’ai accédé à leur demande avec plaisir, tout comme à celle, identique, des deux universités clermontoises.

S’agissant des audits d’universités, nous disposons de trois conclusions complètes qui montrent que Tours et Nancy I ne sont pas prêtes à passer à l’autonomie, tandis que Cergy pourra le faire le 1er janvier 2009.

En effet, les universités ne veulent pas rester seules face à leurs difficultés et elles réclament de l’État un outil pour faciliter ce passage à l’autonomie. J’ai répondu volontiers à ce souhait. Les trente universités qui ont demandé à passer à l’autonomie au 1er janvier 2009 feront l’objet d’un audit avant la fin de l’année, mais il est vrai que nous avons été un peu débordés car nous ne misions que sur une vingtaine de candidats. Nous répondrons néanmoins à toutes les universités demandeuses.

M. Apparu m’a interrogée sur la traduction budgétaire de la loi sur l’autonomie. Eh bien, il s’agit tout simplement des 700 emplois et du milliard d’euros.

Je peux bien évidemment faire le point sur les décrets d’application. Le décret électoral est sorti et toutes les universités peuvent désormais élire leur nouveau conseil d’administration, vingt d’entre elles ayant déjà modifié leurs statuts et choisi la composition de leur conseil d’administration de leur université autonome.

Le décret sur le recrutement des étudiants à l’université est prêt, il lui reste simplement à passer en CTP du ministère le 21 novembre prochain. Il sera publié dans la foulée. Il est extrêmement attendu par les étudiants pour tout ce qui à trait aux aides aux handicapés, aux emplois de bibliothèque et au tutorat.

La transmission au Conseil d’État du décret sur les fondations est imminente.

Le pré-projet d’ordonnance sur l’université Antilles-Guyane a été présenté à l’ensemble des parties hier. Il a fait l’objet d’un accord et sera modifié en ce qui concerne le siège.

Les dispositions relatives au comité de suivi de la loi seront publiées avant la fin de l’année. Toutes les mesures règlementaires encore en cours de rédaction paraîtront d’ici à février 2008. Nous pourrons ainsi avoir un très beau « Warsmann », qui montrera à quel point le ministère a fait diligence.

Il n’y a pas eu de « négociations » avec les syndicats mais une concertation intense engagée dès l’origine et qui se poursuit sur les décrets d’application. Tous les partenaires ont été fréquemment reçus par mon cabinet et par la direction du ministère. Ce dernier peut ainsi être qualifié de « ministère de la concertation permanente ».

Monsieur Jung, je ne regrette pas le nombre des universités, j’en prends acte et je les invite à se regrouper. Je n’impose pas la fusion mais je plaide en sa faveur si elle vise une vraie mise en cohérence et un vrai projet, comme à Strasbourg. Il y a bien un engagement de l’État auprès des universités en voie de fusion. Même si cela est fort lourd, nous avons fait le choix d’un audit conjoint des trois universités strasbourgeoises afin de pouvoir faire des propositions d’organisation à la fois pour aujourd’hui et pour la future université fusionnée. Tout cela est coûteux en temps et en argent, mais l’État fera ce qui est nécessaire pour aboutir à un projet de fusion bien ficelé !

Monsieur Fasquelle, l’encadrement pédagogique et le tutorat sont des priorités de ce budget. Par ailleurs, il ne saurait y avoir de nouveaux diplômes car je rappelle que les diplômes sont nationaux et que la procédure demeure inchangée.

Il ne m’est pas possible de répondre à toutes les questions de Mme Fioraso, en particulier parce que je ne connais pas les banques et les PME. Je lui indique toutefois que l’augmentation de 7,8 % du budget de l’INRIA est conforme au contrat signé en 2006. Pourquoi ne tiendrait-on pas compte des retraites et de la TVA alors que celles-ci entrent bien dans le budget de l’établissement ?

S’agissant des gels de crédits, les négociations sont en cours et je ne puis vous répondre immédiatement. Sachez toutefois que je soutiens l’idée d’un examen au cas par cas en fonction de la situation de l’organisme.

En ce qui concerne les départs en retraite, j’ose espérer que lorsqu’un organisme envisage le remplacement des retraités, il n’exclut pas un redéploiement en fonction de ses priorités scientifiques. Si tel n’est pas le cas, c’est qu’il est mal géré …

Peut-être n’y a-t-il pas dans ce budget de priorité claire en faveur du développement durable, mais il y en a un certain nombre d’autres comme la santé, l’énergie, les nanotechnologies, les technologies de l’information, les biotechnologies.

Le CNRS peut lui-même être considéré comme une agence de moyens. En effet, un organisme de recherche peut avoir trois natures : opérateur de recherche, agence de moyens au service d’une autre entité, agence de financement. Dans la mesure où 80 % des chercheurs du CNRS travaillent dans des unités mixtes, extérieures à l’établissement, celui-ci est à la fois agence de moyens pour ces unités et opérateur de recherche pour ses unités propres. Mais il est vrai que la symbolique est importante et j’attends les conclusions de la mission que j’ai confiée à François d’Aubert sur cette question.

Ma réponse à la question de M. Paul est 85 millions d’euros. Je considère par ailleurs que la fusion AII-OSEO ne cassera pas la dynamique de l’innovation.

Mme Mazetier m’a interrogée sur l’augmentation du nombre des étudiants. Mais les inscriptions sont libres et ils peuvent tout s’inscrire.

Je l’ai dit, les bourses représenteront 52 millions en 2008 et 100 millions en année pleine.

Dans la mesure où 35 % des prêts d’honneur ne sont pas consommés, on peut considérer qu’il ne s’agit pas d’un bon outil ou, pour le moins, qu’il ne répond pas à l’attente des étudiants.

Le logement étudiant bénéficie d’une dotation de 117 millions d’euros. Ce n’est pas très loin des 120 millions préconisés par le rapport Anciaux et, si l’on y ajoute les 11 millions de l’amendement parlementaire, on atteindra 128 millions.

En ce qui concerne le retard du chantier de Jussieu, il faut prendre en considération le fait qu’il n’est pas possible de désamianter un site occupé par 50 000 étudiants. J’ai par ailleurs du mal à comprendre comment Mme Mazetier peut proposer que les crédits non consommés soient donnés aux universités parisiennes juste après qu’elle a dénoncé le scandale du logement étudiant …

J’indique à Mme Girardin que l’IFREMER travaille sur la question de l’extension du plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon, mais je lui apporterai plus de précisions par écrit.

Je comprends mal, Monsieur Brottes, comment vous pourriez, dans le cadre de la LOLF, transformer une dépense fiscale en crédits de paiement !

S’agissant enfin des priorités de l’ANR, je vous rappelle que l’Agence est dotée d’un conseil d’administration qui choisit les programmes. Même si l’État est majoritaire, ce conseil comporte des scientifiques et l’on y confronte les points de vue.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances  – Je vous remercie pour ces réponses extrêmement précises.

II. EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition de Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie, et M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis les crédits pour 2008 de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » sur le rapport de M. Olivier Jardé pour les programmes de la recherche.

La commission a approuvé les conclusions du rapporteur pour avis sur les crédits de la recherche et a donné un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2008 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

par ordre chronologique (2)

Ø Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – M. Frédéric Dardel, directeur du département sciences du vivant, et M. Alain Resplandy-Bernard, secrétaire général du CNRS

Ø Commissariat à l’énergie atomique (CEA) – M. le professeur André Syrota, directeur des sciences du vivant, et M. Jean-Pierre Vigouroux, chargé des affaires publiques

Ø Faculté de Nancy – M. le professeur Patrick Netter, doyen de la Faculté

Ø Groupe Pierre Fabre – M. Pierre Teillac, président de l’Institut de recherche Pierre Fabre, et M. Jean Derégnaucourt, conseiller du président

Ø Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) – M. le professeur Christian Bréchot, directeur général

Ø Comité de protection des personnes d’Ile-de-France II – M. le professeur Christian Hervé, président

Ø Sanofi Aventis – M. Marc Cluzel, directeur recherche et développement, et M. Jean Pierre Lehner, directeur des affaires réglementaires et médicales

Ø Fondation pour la recherche médicale – M. Pierre Joly, président du conseil de surveillance

Ø Institut national du cancer – M. le professeur Dominique Maraninchi, président, et Mme Pascale Flamant, directrice générale

Ø Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche – M. le professeur Pierre-Louis Fagniez, conseiller auprès de la ministre

Ø Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) – M. Nicolas Best, directeur du département de la recherche clinique et du développement, et M. le professeur François Lemaire, président de la délégation interrégionale à la recherche clinique d’Île-de-France

Ø Agence de la biomédecine – Mme Carine Camby, directrice générale

Ø Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) – M. Jean Marimbert, directeur général

Ø Les entreprises du médicament (LEEM) – M. Christian Lajoux, président, M. Bernard Lemoine, vice président délégué, M. Claude Bougé, directeur général adjoint, et Mme Aline Bessis-Marais, responsable des affaires publiques

Ø Institut Curie – M. le Professeur Pierre Bey, directeur de l'hôpital, et M. le Professeur Daniel Louvard, directeur du centre de recherche

Ø Institut Pasteur – Mme Alice Dautry, directrice générale

Ø Université Paris V Descartes – M. le professeur Daniel Jore, directeur de l’UFR biomédicale, M. Philippe Djian, directeur de l’IFR des sciences du vivant et M. François Rannou, INSERM UMR-S-530

Déplacement à Shanghai (du 22 au 26 septembre 2007)

Ø Consulat général de France à Shanghai – M. Thierry Mathou, consul général de France, M. Michel Bauderon, attaché scientifique, et Mlle Julie Dionisi, adjointe de l’attaché scientifique

Ø Mission économique – Mme Marie-Chantal Piques, chef de secteur

Ø Hôpital Rujiin, Pôle Franco-chinois de Génomique (CNRS) et centre de Recherche Clinique Ruijin (INSERM) – M. le docteur Chen Zhu

Ø Institut Pasteur de Shanghai – M. le professeur Vincent Deubel, directeur général

Ø Incubateur Juke Biotech Park – M. Jiong Zhang, directeur général

Ø Hôpital Fudan, centre de recherche Mérieux – M. Guoming Ma, directeur du laboratoire

Ø Institute of Materia Medica – M. Yongning Chen, directeur adjoint et M. le Professeur Ye Yang, directeur du département chimie et produits naturels

Ø Hôpital Dongfang – M. le professeur Zhongmin Liu, président

© Assemblée nationale

1 () Dans le langage économique, un cluster est un regroupement, généralement sur un bassin d’emploi, d’entreprises, de fournisseurs, de prestataires de service et d’institutions (universités, organismes de recherche, chambres de commerce..) du même secteur, qui créent et entretiennent un système relationnel leur permettant d'augmenter leurs opportunités d'affaires et de croissance.

2 () Les 4, 5 et 11 septembre 2007