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N° 277

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2007.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2008 (n° 189)

TOME X

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

Par Mme ValÉrie BOYER,

Députée.

___

Voir le numéro : 276 (annexe n° 42).

INTRODUCTION 5

I.- LES PRINCIPALES INFLEXIONS DES CRÉDITS DE LA SOLIDARITÉ 7

A. LA MISE EN œUVRE DES ENGAGEMENTS EN MATIÈRE D’HÉBERGEMENT D’INSERTION 8

B. L’EXPÉRIMENTATION DU REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE 10

C. LA SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE : L’AJUSTEMENT DES DOTATIONS AUX DÉPENSES RÉELLES 11

1. Les actions en faveur des familles vulnérables 11

2. L’aide médicale d’État 12

II.- LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE : ÉVALUATION ET CONTRÔLE 13

A. RAPPEL DU CADRE LÉGAL ET RÉGLEMENTAIRE 13

1. L’affiliation à l’assurance maladie sur critère de résidence ou couverture médicale universelle (CMU) de base 13

2. La CMU complémentaire (CMUC) 14

3. La simplification du calcul du forfait logement proposée dans le projet de loi de finances 17

B. L’APPROCHE STATISTIQUE : EFFECTIFS, ÉTAT DE SANTÉ ET DÉPENSES 19

1. Une population bénéficiaire moins nombreuse qu’attendu 19

2. La CMU/CMUC permet-elle une amélioration de la santé de ses bénéficiaires justifiant la dépense ? 21

a) Un accès aux soins qui est amélioré par la CMUC 21

b) Mais un état de santé qui reste souvent dégradé 22

c) Un niveau de dépenses moyen plus élevé à structure de sexe et d’âge équivalente 25

d) Des situations contrastées selon les territoires 27

e) La non-application aux bénéficiaires de la CMUC de certaines mesures de responsabilisation 28

C. LE RENFORCEMENT DES DISPOSITIFS DE CONTRÔLE 29

1. Une réglementation plus stricte face à certaines dérives 29

a) Les ressortissants communautaires inactifs 29

b) La condition de résidence 31

2. Les mesures législatives destinées à faciliter le contrôle des déclarations et la répression des fraudes 31

3. Le déploiement effectif de certaines mesures de contrôle 34

a) Les échanges d’information entre administrations pour le contrôle de la condition de résidence 35

b) Les échanges d’information pour le contrôle des ressources déclarées 35

D. LA CMU ET LA REVALORISATION DU TRAVAIL 37

1. La poursuite nécessaire du lissage des effets de seuil 38

2. La CMUC, l’un des « droits connexes » du RMI qui doivent être mieux connus et répertoriés 41

TRAVAUX DE LA COMMISSION 45

I.- AUDITION DES MINISTRES 45

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 71

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 73

INTRODUCTION

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », mission interministérielle relevant de quatre départements ministériels différents, regroupe un ensemble d’interventions diverses de l’État qui ont en commun d’être orientées vers les personnes démunies, vulnérables ou plus généralement défavorisées ou discriminées.

Parmi ces interventions, il subsiste une subvention au Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie. La rapporteure pour avis a considéré qu’il serait à ce titre opportun, après sept années d’application de la loi qui a institué la couverture maladie universelle (CMU), avec ses volets de base et complémentaire (CMUC), de faire un point sur ces dispositifs : atteignent-ils leur objectif d’améliorer l’accès aux soins et en conséquence la santé de leurs bénéficiaires ? Les coûts sont-ils justifiés, la gestion est-elle correctement contrôlée ? Comment se positionnent-ils dans la constellation des prestations sous condition de ressources au regard de l’éternelle question des effets de seuil, avec les sentiments d’injustice et les effets désincitatifs au travail qui y sont habituellement associés ?

C’est au fond la triple approche qui doit guider la révision de nos politiques sociales : le renforcement des instruments d’évaluation, celui des dispositifs de contrôle et la priorité donnée au travail à travers la valorisation des revenus d’activité.

Les éléments statistiques recueillis n’apportent pas de réponses définitives aux questions, mais conduisent à des constats mitigés : la CMU et la CMUC améliorent l’accès au système médical, mais l’état de santé moyen de leurs bénéficiaires reste plus mauvais que celui de la population générale ; la dépense par bénéficiaire, à structure d’age équivalente, est logiquement plus élevée que pour l’ensemble des assurés sociaux, sans que l’on puisse être certain que l’écart constaté est pleinement justifié par l’écart d’état de santé ; l’accès des personnes à faibles revenus à l’assurance complémentaire, malgré l’existence de la CMUC, reste insuffisant, ce qui légitime un plus large déploiement de l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire (ACS) au bénéfice des personnes dont les revenus sont légèrement au-delà du plafond de ressources CMUC.

Pour ce qui est des règles appliquées et des contrôles opérés, il convient de saluer le profond changement engagé depuis moins de cinq ans : révision de réglementations telles que celles sur la condition de résidence en France ou la situation des ressortissants communautaires inactifs ; mise en place d’un arsenal législatif – en cours de déploiement effectif sur le terrain – destiné à faciliter les échanges d’informations entre administrations et à sanctionner plus efficacement les fraudes. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 comprenant des dispositions de cette nature, la rapporteure a proposé par voie d’amendements plusieurs mesures de lutte contre la fraude et les abus inspirées par les auditions qu’elle a menées pour rédiger le présent avis.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. La rapporteure pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 25 septembre 2007.

À cette date, 13 % des réponses lui étaient parvenues. À la date butoir, ce pourcentage était de 94 %.

I.- LES PRINCIPALES INFLEXIONS DES CRÉDITS DE LA SOLIDARITÉ

Parmi les trente-quatre missions du budget général de l’État, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est l’une des onze à présenter un caractère interministériel. Plusieurs membres du gouvernement sont en effet responsables de sa gestion : M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, ainsi que Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ; Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville ; enfin M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » regroupe, pour un montant total de crédits légèrement supérieur à 12 milliards d’euros, sept programmes de poids très inégal. Le mieux doté, le programme « Handicap et dépendance », qui représente plus de 67 % de l’ensemble des crédits, n’est pas commenté dans le présent rapport, car, conformément à l’habitude, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a désigné un rapporteur spécialement chargé de ce programme (Mme Bérengère Poletti).

Le tableau ci-après permet d’identifier, à l’intérieur des programmes de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », les principales interventions auxquelles ils correspondent. Le programme étant l’unité de crédits sur laquelle s’exerce l’autorisation budgétaire du Parlement, les montants inscrits dans les documents budgétaires pour les actions et les diverses interventions présentent un caractère purement indicatif.

La présentation est effectuée à périmètre constant, la structure de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » étant en 2008 assez différente de la mission « Solidarité et intégration » de la loi de finances pour 2007 dont elle prend la suite :

– d’une part, le programme « Accueil des étrangers et intégration » (qui finançait notamment l’accueil des demandeurs d’asile, la mise en œuvre du contrat d’accueil et d’intégration au bénéfice des nouveaux migrants ou encore le fonctionnement de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) disparaît, son contenu étant transféré à la nouvelle mission « Immigration, asile et intégration » ;

– d’autre part est crée un nouveau programme « Lutte contre la pauvreté : expérimentations », dont la gestion est confiée au haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté.

Les principales lignes de crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

(à périmètre constant)

Crédits de paiement en millions d’euros

Loi de fin. 2007 (1)

Projet 2008

Evolution en %

MISSION SOLIDARITE, INSERTION ET EGALITE DES CHANCES

11 675,5

12 044,8

3,2

Programme Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables, dont :

1 045,5

993

- 5

Aide sociale d’État

41,1

41,1

-

Actions en faveur des jeunes

14,6

12,5

- 13,8

Domiciliation/illettrisme/gens du voyage

3,4

3,4

-

Veille sociale

41,1

41,1

-

Hébergement d’urgence

136,5

149,4

9,5

Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

490,5

544,5

11

Allocation logement temporaire (ALT)

41

41

-

Insertion et accompagnement social

40

30

- 25

Maisons-relais et aide à la gestion locative sociale (AGLS)

27

41,9

55,1

Rapatriés

168

51

- 69,6

Programme Lutte contre la pauvreté : expérimentations, dont :

11,1

40

261,9

Expérimentation du revenu de solidarité active

 

25

 

Programme Actions en faveur des familles vulnérables, dont :

1 145,5

1 293,7

12,9

Allocation de parent isolé (API)

909,5

1 020

12,2

Tutelles et curatelles d’État

210,1

250,7

19,3

Programme Handicap et dépendance

7 986,9

8 105

1,5

Programme Protection maladie, dont :

398,1

513

28,8

Subvention au Fonds de financement de la CMU complémentaire

114,7

50

- 56,4

Aide médicale d’État

233,5

413

76,9

Subvention au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA)

50

50

-

Programme Egalité entre les hommes et les femmes

28,3

28,5

0,8

Programme Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

1 060,2

1 071,5

1,1

(1) Pour les moyens afférents aux différentes interventions à l’intérieur des programmes, les chiffres 2007 peuvent être ceux de l’annexe « projet annuel de performances » au projet de loi de finances pour 2007.

Les crédits de la solidarité augmenteront en 2008 de plus de 3 %, ce qui, dans un contexte budgétaire qui implique des choix, montre la priorité attachée par le gouvernement aux politiques de cohésion sociale. La revalorisation substantielle de plusieurs dotations rend compte d’une part du respect des engagements pris, notamment pour l’hébergement d’insertion, d’autre part de l’ajustement à la réalité des dépenses attendues de certaines lignes jusqu’à présent notoirement sous-dotées en loi de finances initiale.

A. LA MISE EN œUVRE DES ENGAGEMENTS EN MATIÈRE D’HÉBERGEMENT D’INSERTION

Si on laisse de coté les actions dédiées aux rapatriés, les moyens du programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » seront en augmentation en 2008 de plus de 7 %, en crédits de paiement, par rapport à la loi de finances initiale pour 2007. En outre, pour la première fois, des autorisations d’engagement plus élevées que les crédits de paiement – elles les excèdent de 49 millions d’euros – sont prévues, ce qui permettra, en matière d’hébergement d’urgence, d’envisager des engagements dans la durée avec les organismes concernés.

Le recul de près de 70 % de la dotation destinée aux rapatriés s’explique par l’arrivée à son terme de l’essentiel du programme exceptionnel de dépenses prévu par la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Cette loi a en particulier très fortement revalorisé l’allocation de reconnaissance aux anciens harkis et membres des forces supplétives, qui ont pu choisir entre le doublement de l’allocation viagère de reconnaissance, un versement unique en capital ou une solution mixte. Les versements en capital ayant été effectués de 2005 à 2007, ne restent à la charge de l’État que les allocations, ce qui justifie l’ajustement des crédits.

Les augmentations de moyens proposées pour 2008 sont concentrées sur trois lignes budgétaires : l’hébergement d’urgence, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et les maisons-relais. Elles traduisent les engagements du plan d’action renforcé pour les sans-abri (PARSA) de janvier 2007 touchant à la transformation de places d’hébergement d’urgence en places dites d’insertion, c’est-à-dire en CHRS et en « places de stabilisation » d’une part, à la création de places de maisons-relais d’autre part. Ces engagements ont été transcrits dans la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, qui a révisé à la hausse les programmations du plan de cohésion sociale de 2004. Il est donc prévu de :

– passer de 31 465 places fin 2006 à 36 465 places de CHRS en 2008, avec la création de 600 places nouvelles, la transformation de 4 000 places d’hébergement d’urgence en places de CHRS et de 400 autres en places de stabilisation sous statut CHRS ;

– financer 5 600 places de stabilisation par transformation de places d’urgence, 5 500 places d’urgence pérennes et, selon les besoins, environ 3 000 places autres (en hôtel notamment) ;

– financer 8 505 places en maisons-relais, contre 3 168 places existant au 31 décembre 2006, avec 2 337 créations en 2007 et 3 000 places à créer en 2008.

Même s’il ne saurait être certain que cela suffira, au regard des engagements pris et de l’expérience passée, la forte augmentation des crédits d’hébergement d’urgence, qui passeront de 136,5 millions d’euros en loi de finances pour 2007 à 149,44 millions en crédits de paiement et 198,67 millions en autorisations d’engagement en 2008, rend compte d’une volonté d’ajustement à la dépense réelle qu’il faut saluer : en 2006, en effet, 184,7 millions d’euros ont finalement été consommés sur cette ligne et en 2007 les moyens initiaux ont déjà été complétés par décret d’avance à hauteur de 70 millions d’euros.

B. L’EXPÉRIMENTATION DU REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE

La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat a créé le revenu de solidarité active (RSA), qu’elle définit ainsi : il « a pour objectif d’assurer l’augmentation des ressources d’une personne bénéficiaire d’un minimum social qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité afin d’atteindre un revenu garanti qui tient compte des revenus d’activité professionnelle et des charges de famille ».

Le RSA prend en compte les limites intrinsèques des mécanismes en vigueur d’« intéressement » des bénéficiaires de minima sociaux, c’est-à-dire de cumul entre un minimum social et le revenu d’un travail repris (afin de ne pas décourager le retour au travail) : le caractère provisoire (un an en général) du cumul autorisé par ces mécanismes ; leur limitation aux seules prises ou reprises d’emploi (les personnes bénéficiant d’un minimum social tout en poursuivant une activité réduite ou non rentable ne sont pas concernées). La loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux a déjà réformé ces mécanismes pour les rendre plus lisibles et donc plus attractifs, mais le RSA représente un concept plus ambitieux : il s’agit, à terme, d’être en mesure de garantir à chacun un revenu lui permettant de vivre dignement, revenu qui progresserait toujours quand la quotité de travail augmente et tiendrait également compte des charges de famille ; le RSA aurait vocation à se substituer – en les incorporant – à l’ensemble des minima sociaux, à la prime pour l’emploi, voire aux aides au logement, et ce pour tous ceux dont les revenus propres sont insuffisants, allocataires de minima sociaux et « travailleurs pauvres » n’y recourant pas.

Dans un premier temps, la loi du 21 août 2007 organise une expérimentation, qui sera menée sur tout ou partie du territoire de départements volontaires et limitée à trois années. Elle ne concernera également que deux catégories de personnes démunies, les bénéficiaires du RMI et de l’allocation de parent isolé (API). Le décret d’application (1) qui vient d’être publié prévoit que, s’agissant des bénéficiaires de l’API (2), le montant du revenu garanti par le RSA sera égal au montant de l’API augmenté de 70 % des revenus tirés de l’exercice d’une activité professionnelle ou du suivi d’une action de formation, ce pourcentage étant porté à 100 % (cumul intégral) pendant les trois premiers mois d’une activité prise ou reprise.

L’État financera intégralement l’expérimentation s’agissant des bénéficiaires de l’API, qui sont à sa charge, et contribuera à celle concernant le RMI, à la charge des départements ; 25 millions d’euros sont inscrits à cette fin dans le présent projet de loi de finances. Outre une enquête d’évaluation auprès de bénéficiaires et non-bénéficiaires de la mesure et un appui technique aux départements expérimentateurs, il est prévu de financer avec ce montant le RSA – ou plus exactement le surplus d’allocation dû au RSA par rapport à l’allocation de droit commun – d’environ 2 100 bénéficiaires de l’API (pour un surcoût unitaire un peu supérieur à 1 000 euros) et 20 000 du RMI (pour un surcoût unitaire d’environ 1 600 euros dont l’État prendrait la moitié en charge).

C. LA SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE : L’AJUSTEMENT DES DOTATIONS AUX DÉPENSES RÉELLES

La forte hausse de plusieurs dotations budgétaires est liée à l’évolution prévisible des besoins, mais aussi à une volonté de sincérité qui conduit à « rebaser » des dotations jusqu’à présent sous-évaluées en loi de finances initiale (et à solder les dettes dues à cette sous-évaluation chronique). Ce choix répond aussi aux recommandations des audits de modernisation rendus depuis un an par les inspections générales des finances et des affaires sociales sur l’allocation de parent isolé et l’aide médicale d’État.

1. Les actions en faveur des familles vulnérables

Les deux principales interventions financées sur le programme « Actions en faveur des familles vulnérables » sont fortement revalorisées pour 2008 :

– L’augmentation de 19 % des moyens destinés au financement des mesures de tutelles et curatelles rend compte de l’évolution très dynamique du nombre de ces mesures, telle qu’elle ressort du tableau ci-après.

Tutelles et curatelles d’État

 

2005

2006

2007 (prévisionnel)

2008 (prévisionnel)

Nombre de mesures au 31 décembre

195 269

212 371

230 826

249 989

Source : questionnaire budgétaire.

– Le montant des crédits consacrés à l’allocation de parent isolé prévu dans le présent projet de loi de finances pour 2008 s’élève à 1 020 millions d’euros, soit une augmentation de plus de 12 % par rapport à la loi de finances 2007, bien que cette prévision intègre 142,5 millions d’euros d’économies attendues grâce à l’établissement d’une subsidiarité (3) de l’API par la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007. Si, cependant, la dotation budgétaire doit être fortement revalorisée, c’est qu’elle était auparavant sous-évaluée : la dépense effective (en droits constatés) a atteint 1 069 millions d’euros en 2006. La prévision budgétaire pour 2008 repose sur un nombre moyen d’allocataires estimé à 228 000, contre 217 000 présents fin 2006, ce qui présuppose une certaine décélération du taux de croissance de ce nombre, qui dépassait 4 % par an ces dernières années, décroissance attendue notamment de l’obligation de subsidiarité mentionnée supra.

Par ailleurs, l’article 51 du présent projet de loi de finances écarte du bénéfice de l’API et de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) les ressortissants communautaires ne pouvant attester de trois mois de résidence en France, sauf lorsqu’ils y travaillent, ou après avoir travaillé sont en incapacité pour raisons médicales, suivent une formation professionnelle ou sont demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE, ou bien encore sont des ascendants, descendants ou (ex-) conjoints des personnes précitées. Cette disposition étend donc au cas de ces deux minima sociaux que sont l’API et l’AAH une règle déjà adoptée s’agissant du RMI dans le cadre de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux. Il s’agit d’une mesure d’application de la directive communautaire 2004/38 CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, laquelle autorise les États membres à certaines restrictions dans l’accès aux prestations dites « d’assistance sociale », c’est-à-dire les prestations sociales non-contributives, afin de concilier le droit de circulation et de séjour des citoyens européens et la nécessité d’éviter que cela entraîne éventuellement une « charge déraisonnable » pour certains États membres. L’enjeu financier de la mesure est évalué à 1,2 million d’euros.

2. L’aide médicale d’État

Il est proposé pour 2008 une hausse très importante (de 180 millions d’euros) de la dotation budgétaire consacrée à l’aide médicale d’État (AME), qui atteindrait 413 millions d’euros afin de se rapprocher de la dépense réelle prévisible. En effet, la dépense d’AME s’est élevée à 459 millions d’euros en 2006 (et 469 millions sur les quatre derniers trimestres connus, de juillet 2006 à juin 2007), pour un nombre de bénéficiaires de l’AME stabilisé depuis le 2ème trimestre 2006 aux alentours de 190 000.

L’ajustement de la dotation s’accompagne de mesures réglementaires ou législatives de rationalisation de la prestation afin d’en maîtriser le coût.

L’article 50 du présent projet de loi de finances prévoit de conditionner la prise en charge à 100 % des médicaments des bénéficiaires de l’AME à leur acceptation de se voir délivrer un médicament générique par le pharmacien. En cas de refus, il n’y aura aucune prise en charge. L’économie résultant de cette mesure est estimée à 5 millions d’euros.

D’autres mesures sont prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ou sont de nature réglementaire : instauration d’une participation des bénéficiaires de l’AME à leurs dépenses de soins ; extension du contrôle médical à ces personnes (article 70 du projet de loi de financement).

II.- LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE :
ÉVALUATION ET CONTRÔLE

Près de huit ans après l’entrée en vigueur de la couverture maladie universelle, la rapporteure pour avis a souhaité faire le point sur cette mesure : atteint-elle ses objectifs ? Ses coûts sont-ils justifiés ? Est-elle contrôlée ?

Après un bref rappel de ce qu’est la CMU, il est donc proposé de rapprocher les différents éléments statistiques disponibles sur ses bénéficiaires, leur état de santé, la dépense de santé qu’ils génèrent, afin de voir les enseignements qui peuvent en être tirés. La question du contrôle et de la sanction des abus est ensuite abordée, enfin celle de l’inscription du dispositif dans l’objectif national de revalorisation du travail. Cette triple approche renvoie aux trois préoccupations qui doivent guider la révision de nos politiques sociales : le renforcement des instruments d’évaluation, celui des dispositifs de contrôle et la priorité donnée au travail à travers la valorisation la plus grande des revenus d’activité.

A. RAPPEL DU CADRE LÉGAL ET RÉGLEMENTAIRE

Instaurée par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle, la CMU est entrée en vigueur en janvier 2000. Elle comporte deux volets, la CMU de base et la CMU complémentaire (CMUC). Par ailleurs, le dispositif de l’aide médicale d’État (AME) a été conservé pour prendre en charge, sous condition de ressources, les frais de santé des personnes ne remplissant pas les conditions de stabilité et de régularité de résidence qui permettent de bénéficier de la CMU.

1. L’affiliation à l’assurance maladie sur critère de résidence ou couverture médicale universelle (CMU) de base

La CMU de base ouvre un droit à affiliation au régime général de l’assurance maladie à toute personne résidant en France de façon stable et dont le séjour est régulier, si elle n’a pas de droits ouverts à un autre titre à un régime d’assurance maladie (à titre professionnel, d’allocataire ou d’ayant droit d’un assuré). Cette affiliation n’est pas nécessairement gratuite, la CMU prenant la suite des mécanismes d’aide médicale mais aussi d’assurance volontaire : les personnes dont le revenu fiscal annuel est supérieur à un seuil doivent acquitter une cotisation annuelle. Le plafond annuel de ressources (revenu fiscal) donnant droit à une couverture gratuite est pour la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008 fixé à 8 644 euros par foyer ; les revenus dépassant ce plafond sont assujettis à une cotisation de 8 %. Outre les personnes dont le revenu est inférieur au plafond, les bénéficiaires du RMI et les bénéficiaires de la CMUC sont exemptés de droit de cotisation.

2. La CMU complémentaire (CMUC)

La CMUC a pour objet de fournir une couverture complémentaire gratuite à toute personne résidant en France de manière stable et régulière, sous condition de ressource fixée par décret. Elle remplace l’aide médicale dispensée par les conseils généraux dans le cadre de l’aide sociale décentralisée. Les personnes qui bénéficiaient en 1999 de l’aide médicale, y compris les titulaires du RMI, ont été transférées automatiquement à la CMUC au 1er janvier 2000.

La CMUC garantit la dispense d’avance de frais (« tiers payant ») et prend en charge :

– le ticket modérateur sur les différentes prestations, dans la limite donc des « tarifs de responsabilité » de la sécurité sociale, ainsi que le forfait journalier à l’hôpital ;

– dans certaines conditions et limites, les frais supplémentaires de soins et prothèses dentaires, d’optique et de prothèses auditives.

Le plafond de ressources mensuel ouvrant droit à la CMUC s’élève en 2007 à 606 euros en métropole pour une personne seule. Il est majoré de 50 % pour les foyers comptant deux personnes (cela donne donc 909 euros), puis de 30 % pour les troisième et quatrième membres du foyer, enfin de 40 % par personne supplémentaire à partir de la cinquième). Tous ces plafonds sont majorés de 10,8 % dans les départements d’outre-mer.

Le dispositif CMUC repose sur la liberté de choix de l’assureur : le demandeur choisit si les prestations seront gérées par la caisse d’assurance maladie dont il relève pour ses prestations de base ou un organisme complémentaire (OC) ayant indiqué vouloir assurer cette gestion. Le choix d’un OC permet à la personne de bénéficier, à la sortie du dispositif, d’une protection complémentaire auprès de cet organisme pendant un an à un tarif privilégié (« contrat de sortie »).

Cette option laissée entre la gestion par le régime de base et celle par un organisme complémentaire rend compte de l’équilibre qu’il fallait trouver, dès lors que l’on institutionnalisait et inscrivait dans la loi un principe d’accès à la complémentaire tendant à l’universalité, entre une logique de simplicité – impliquant la gestion possible des prestations de base et complémentaires d’un même dispositif légal par le même organisme – et le respect du caractère ouvert, concurrentiel, de l’offre de couverture complémentaire.

En pratique, la gestion par les régimes de base reste très fortement majoritaire, avec environ 87 % des affiliés, comme on peut le constater sur le tableau ci-après. En outre, le nombre d’organismes complémentaires déclarant gérer des bénéficiaires de la CMUC est en recul constant d’après les statistiques du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie : 252 en 2006 contre 374 en 2004 et 612 en 2002. Enfin, les bénéficiaires gérés par des OC sont concentrés sur un nombre restreint d’organismes : en 2006, les 50 premiers OC gestionnaires avaient en charge 83 % des bénéficiaires gérés par un OC.

Nombre de bénéficiaires moyen déclaré en gestion
(ayant fait l’objet d’un paiement par le fonds CMUC)

 

2005

Évolution 2005/2004

2006

Evolution 2006/2005

2007 (prévision)

Evolution 2007/2006

CNAMTS (y compris SLM)

3 903 687

1,89 %

3 958 324

1,40 %

3 878 000

- 2,03 %

CCMSA

131 313

- 0,40 %

132 297

0,75 %

132 000

- 0,22 %

RSI

116 640

11,46 %

136 515

17,04 %

138 000

1,09 %

Autres régimes

9 417

3,32 %

9 455

0,40 %

9 500

0,48 %

Sous-total : organismes de base de sécurité sociale

4 161 058

2,06 %

4 236 591

1,82 %

4 157 500

- 1,87 %

Organismes complémentaires

591 355

- 3,29 %

625 807

5,83 %

630 000

0,67 %

TOTAL

4 752 413

1,37 %

4 862 398

2,31 %

4 787 500

- 1,54 %

Source : direction de la sécurité sociale à partir de données du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie.

CNAMTS : Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés

SLM : sections locales mutualistes (étudiants)

CCMSA : Caisse centrale de la mutualité sociale agricole

RSI : régime social des indépendants

Faisant intervenir de multiples acteurs, le dispositif CMUC doit être géré par un organisme spécifique, le Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (dit « fonds CMUC »). Ce fonds tire ses ressources :

– d’une contribution de 2,5 % sur les primes des contrats de couverture maladie complémentaire (il s’agit de la mise en œuvre d’une solidarité entre la masse des bénéficiaires d’une couverture complémentaire et les personnes démunies qui y accèdent grâce à la CMUC) ;

– de taxes ou fractions de taxes sur les alcools à plus de 25° et les tabacs ;

– de subventions de l’État imputées sur le programme « Protection maladie » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Le montant de la subvention de l’État devrait continuer à diminuer en 2008, compte tenu des perspectives d’équilibre du fonds présentées sur le tableau ci-après.

Equilibre du Fonds de financement de la protection complémentaire
de la couverture universelle du risque maladie (hors ACS)

(en millions d’euros)

 

Exécution 2006

Prévision actualisée 2007

Prévision 2008

Subvention de l’État

346

115

50

Contribution des organismes complémentaires (montant brut)

650

693

742

Cotisation spéciale sur les boissons alcooliques

404

415

421

Fraction de droits sur les tabacs

217

408

397

Total des recettes

1 617

1 631

1 610

Dépenses

1 648

1 639

1 629

Source : documents budgétaires (bleus).

En dehors de dépenses de gestion très limitées (le fonds ne dispose en équivalents temps plein que de 9,1 emplois) et de la mise en œuvre du dispositif d’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire santé (ACS), sur lequel on reviendra, ces moyens sont consacrés exclusivement au versement d’un montant forfaitaire par bénéficiaire aux organismes gestionnaires de la CMUC (les organismes complémentaires assujettis à la contribution sur les primes déduisent ce forfait de leur contribution lorsqu’ils gèrent des bénéficiaires de la CMUC). Ce forfait, fixé à 304,50 euros en 2005, s’élève à 340 euros depuis 2006. On peut comparer ce montant aux coûts moyens par bénéficiaire (en remboursements) relevés chez les différents gestionnaires la CMUC.

Coûts moyens unitaires de la CMUC chez les différents gestionnaires

(en euros)

 

2005 (réalisation)

2006 (estimation d’après les provisions des organismes)

Régime général (CNAMTS)

329,7

347,8

Régime social des indépendants (RSI)

300,9

304,1

Régime agricole (CCMSA)

286,4

305,2

Organismes complémentaires

300,5

313,4

Source : Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, « Les dépenses de CMU-C des régimes obligatoires : le coût unitaire par bénéficiaire de la CMU-C pour 2005 et 2006 » et « Les coûts moyens de la CMU-C en 2005 et 2006 dans les organismes complémentaires ».

3. La simplification du calcul du forfait logement proposée dans le projet de loi de finances

Le présent projet de loi de finances comprend à son article 49 une mesure concernant la réglementation en matière de CMUC. Il s’agit d’une mesure de simplification aux enjeux limités, qui dispose qu’à l’occasion d’une première demande comme d’une demande de renouvellement, les aides personnelles au logement doivent être prises en compte dans les ressources des demandeurs de la CMUC à concurrence d’un forfait déterminé en pourcentage du RMI.

La loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 avait déjà prévu un alignement strict du calcul du forfait logement CMUC sur les règles applicables en matière de RMI, mais pour les seules premières demandes et non pour celles de renouvellement. Ces dernières restaient régies, s’agissant du forfait logement, par une disposition réglementaire (4) qui déterminait déjà le forfait en fonction du montant du RMI, mais avec des règles (définition des personnes composant le foyer) et des taux légèrement différents pour les foyers comprenant plusieurs membres (voir tableau ci-dessous).

Modalités de détermination des forfaits de ressources au titre du bénéfice d’aides
au logement dans le droit en vigueur

 

Pour le bénéfice du RMI et donc les premières demandes
de CMUC

Pour un renouvellement de CMUC

Pour une personne isolée

12 % du montant mensuel du RMI d’une personne isolée

Pour un foyer de deux personnes

16 % du montant mensuel du RMI pour deux personnes, sauf si le deuxième membre du foyer n’est pas pris en compte au titre de l’aide au logement : le taux est alors de 12 %

14 % du montant mensuel du RMI pour deux personnes

Pour un foyer de trois personnes et plus

16,5 % du montant mensuel du RMI pour trois personnes, mais si un seul des autres membres du foyer est pris en compte au titre de l'aide au logement, 16 %, et si aucun ne l’est, 12 %.

14 % du montant mensuel du RMI pour trois personnes

Le projet de loi de finances propose donc d’unifier les règles en vigueur pour les premières demandes et les renouvellements. Le décret d’application devrait reprendre les taux en vigueur (en pourcentage du RMI) pour le forfait logement du RMI et de l’API. L’économie résultant de la mesure est estimée à 14 millions d’euros.

Au-delà de cette disposition technique, on pourrait s’interroger sur la légitimité de certains principes qui régissent la réglementation actuelle pour l’évaluation forfaitaire de certaines ressources en vue du bénéfice de différentes prestations (RMI, CMUC, API…). Cette réglementation repose sur les principes suivants (5) :

– Le fait de disposer à titre gratuit d’un logement, soit que l’on en soit propriétaire, soit que l’on soit logé par un tiers, est considéré comme un avantage en nature chiffré forfaitairement à un niveau modeste (pour le bénéfice du RMI, de l’API et de la CMUC – cf. article 49 du projet de loi de finances commenté supra –, le forfait mensuel représente actuellement 52,90 euros pour une personne isolée, 105,81 euros pour un couple et 130,94 euros pour une foyer plus nombreux) quand bien même le logement dont on est propriétaire aurait une grande valeur. De même, les aides au logement, dans le cas de personnes qui sont locataires, sont prises en compte forfaitairement dans des conditions très voisines (donc cumulées avec les minima sociaux sous réserve de la déduction du forfait).

– Les revenus fictifs des éléments patrimoniaux autres que la résidence principale qui ne sont pas exploités ou placés sont réputés représenter 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et 3 % de leur valeur vénale dans les autres cas.

Ces règles peuvent conduire à des situations à l’équité discutable. On peut prendre l’hypothèse d’un couple dépourvu de tout revenu, mais propriétaire d’une part de son logement qui, vaudrait-il même un million d’euros, sera pris en compte sur une base forfaitaire de 105,81 euros par mois, d’autre part d’un compte bancaire de 150 000 euros produisant un revenu fictif évalué à 3 % de ce montant, soit 375 euros par mois (4 500 euros par an). Le revenu garanti par le RMI à un foyer de deux personnes représentant actuellement 661,29 euros par mois, ce couple peut percevoir une allocation mensuelle de RMI égale à ce montant diminué de 375 euros et 105,81 euros, soit 180,48 euros, et bénéficier en outre des droits connexes attachés au RMI : exonération de taxe d’habitation et de redevance audiovisuelle, CMUC, tarification sociale téléphone, prime de Noël... Le système social doit-il prendre en considération les choix patrimoniaux en permettant aux demandeurs d’aide sociale de conserver, quelle que soit sa valeur, un bien immobilier au motif qu’ils y logent ? Doit-il plus généralement accorder des allocations à des personnes qui disposent encore d’un patrimoine significatif ? Ces questions méritent d’être posées, surtout dès lors que la récupération sur succession ou en cas de retour à meilleure fortune n’est possible que pour certaines prestations et pose de toute façon de grosses difficultés de mise en œuvre.

B. L’APPROCHE STATISTIQUE : EFFECTIFS, ÉTAT DE SANTÉ ET DÉPENSES

1. Une population bénéficiaire moins nombreuse qu’attendu

S’agissant des effectifs de bénéficiaires, il convient de distinguer clairement la CMU de base et la CMU complémentaire : les effectifs de la première sont nettement moins nombreux, mais augmentent régulièrement – ils sont passés de 1 million en 2000 à 1,73 million fin 2006 –, tandis que ceux de la seconde apparaissent assez stables – ils oscillent depuis 2000 un peu en deçà de 5 millions.

Les deux populations ne se recouvrent que partiellement, puisque seuls deux tiers des bénéficiaires de la CMU de base le sont également de la complémentaire (et un quart des bénéficiaires de la CMUC le sont de la CMU de base), ce qui est normal puisque l’affiliation sur critère de résidence n’est pas soumise à condition de ressources (il y a seulement une cotisation à payer au dessus d’un seuil), à la différence de la CMUC, tandis que cette dernière est ouverte à de nombreuses personnes qui, malgré leurs faibles revenus, sont susceptibles d’être déjà affiliées à la sécurité sociale de base en raison notamment de leur activité professionnelle.

La population bénéficiant de la CMUC – plus étudiée, car c’est sur la CMUC que se concentrent les enjeux et les débats – se caractérise d’abord par sa jeunesse : en 2004, on relevait ainsi 44 % de bénéficiaires âgés de moins de vingt ans, contre 25 % parmi les assurés du régime général, et seulement 4 % de bénéficiaires âgés de plus de soixante ans (étant rappelé que le plafond de ressources pour l’accès au dispositif est inférieur au minimum vieillesse) (6).

Autre caractéristique, l’éloignement de l’emploi, mis en lumière dans une enquête de 2004 (7) : parmi les bénéficiaires d’âge actif, à peine un quart déclaraient occuper un emploi en 2003, 39 % se déclaraient inactifs et 37 % chômeurs ; plus de 40 % appartenaient en outre à un ménage dont au moins une personne bénéficiait également du RMI.

L’effectif des bénéficiaires de la CMUC reste inférieur à une « cible » de personnes dont le revenu est inférieur au plafond de ressources que l’on estime à environ 6 millions de personnes. L’enquête précitée confirme qu’effectivement la CMUC n’a sans doute pas atteint intégralement sa cible en procédant à une comparaison de la structure socioprofessionnelle des bénéficiaires à celle des ménages dont les revenus sont inférieurs au plafond de ressources pris en compte pour son attribution, soit 562 euros par mois et par unité de consommation au moment de l’enquête en 2003. À cette date, outre que les bénéficiaires de la CMU étaient plus jeunes que la population cible, ils étaient d’origine sociale plus modeste, avec une part de bénéficiaires de la CMU vivant dans un ménage dont la personne de référence était un employé ou un ouvrier de 67 % contre 43 % dans la population cible ; a contrario, les personnes vivant dans un ménage d’agriculteur (1 % des bénéficiaires) ou d’artisan ou de commerçant (4 % des bénéficiaires) étaient sous-représentées parmi les bénéficiaires de la CMU, alors qu’elles constituaient respectivement 7 % et 8 % de la population cible. L’étude concluait : « L’ensemble de ces différences laisse supposer qu’une partie des personnes susceptibles d’être couvertes par la CMU complémentaire ne font toujours pas valoir leurs droits, soit parce qu’elles ne les connaissent pas, soit parce qu’elles sont couvertes par ailleurs par une autre assurance complémentaire, éventuellement liée à un contrat de travail, soit encore parce que la nécessité d’un recours aux soins ne leur apparaît pas dans un avenir proche et ne justifie pas à leurs yeux d’entreprendre cette démarche (…) ».

Dans le cadre d’une autre enquête plus récente (8), il a été demandé à des bénéficiaires et ex-bénéficiaires de minima sociaux (RMI, API et ASS-allocation de solidarité spécifique) s’ils recouraient à la CMUC et, pour ceux qui n’y recouraient pas, le motif de cette situation.  Il apparaît que 89 % des allocataires du RMI et 81 % de ceux de l’API, mais seulement 33 % de ceux de l’ASS, bénéficiaient de la CMUC en 2006. Quant aux motifs de non-recours, sont d’abord mis en avant le fait de disposer déjà d’une mutuelle (33 % des réponses) et celui de disposer de revenus au dessus du plafond (38 %), devant la complexité des démarches (4 %), l’inutilité de la CMUC compte tenu d’une couverture à 100 % acquise par ailleurs du fait d’une affection de longue durée-ALD (4 %) ou son inutilité compte tenu d’une bonne santé (3 %).

Le fait que tous les allocataires du RMI ne bénéficient pas de la CMUC constitue une autre illustration de son déploiement incomplet, cette population bénéficiant en principe de droit de la CMUC. Il apparaît qu’une partie des allocataires du RMI n’adhère pas en pratique à celle-ci car les intéressés ne renvoient pas le formulaire de choix de l’organisme complémentaire gestionnaire qu’ils reçoivent lorsque le RMI leur est attribué. Ce constat amène certains à s’interroger sur l’opportunité d’une affiliation automatique à la CMUC (qui serait gérée par le régime général) des allocataires qui n’auraient pas exprimé leur choix d’organisme de rattachement au terme d’un certain délai. Il convient cependant d’observer que si 9 % des allocataires du RMI non bénéficiaires de la CMUC interrogés dans l’enquête précitée invoquaient pour expliquer cette situation la complexité des démarches et 17 % le seul fait de ne pas avoir fait la demande (motif factuel qui semble recouvrir une ignorance de ce que peut apporter la CMUC), 35 % motivaient leur non-affiliation à la CMUC par le bénéfice d’une autre mutuelle. Dans ce dernier cas de figure, la non-affiliation apparaît comme un choix délibéré. C’est donc plutôt sur le principe même de l’accès de droit des allocataires du RMI à la CMUC qu’il faudrait peut-être revenir.

2. La CMU/CMUC permet-elle une amélioration de la santé de ses bénéficiaires justifiant la dépense ?

La CMU et la CMUC répondent-elles à leur objectif, c’est-à-dire favoriser un meilleur accès des plus démunis aux soins et une amélioration de leur état de santé ? Les dépenses plus élevées consenties, avec une prise en charge intégrale par la collectivité, sont-elles justifiées par les résultats ?

Les éléments disponibles ne paraissent pas apporter de réponse concluante à ces questions, car ils font surtout apparaître un état de santé des bénéficiaires de la CMUC moins bon que pour la moyenne des assurés sociaux, ce qui peut expliquer un niveau moyen de dépense de santé par bénéficiaire élevé et montre en même temps les limites d’un dispositif qui, de fait, ne suffit pas en lui-même à assurer l’égalité devant la santé.

Il apparaît en tout état de cause difficile d’évaluer si le niveau de dépense constaté pour les bénéficiaires de la CMUC est justifié par leur état de santé ou recouvre certaines dérives. Dans cette incertitude, il est au minimum nécessaire que les dispositions de droit commun applicables en matière de parcours de soins s’appliquent aux bénéficiaires de la CMUC.

a) Un accès aux soins qui est amélioré par la CMUC

Les retours dont on dispose établissent que la présence de la CMUC entraîne une diminution du niveau de renoncement aux soins : dans une enquête réalisée en 2003 (9), il apparaissait que si 43 % des ménages bénéficiaires de la CMUC depuis moins d’un an déclaraient avoir renoncé à des soins, pour des raisons financières, dans l’année précédente, ce taux de renoncement sur les douze derniers mois n’était que de 22 % pour les ménages affiliés à la CMUC depuis au moins un an. Il apparaissait également que, parmi les affiliés depuis moins d’un an qui avaient précédemment renoncé à des soins, 71 % avaient engagé des soins depuis leur affiliation, en particulier en matière de soins dentaires (61 %), de prothèses dentaires (49 %) et d’optique (61 %).

Reste la question de la possibilité d’accès des bénéficiaires aux soins, en d’autres termes, des refus de soins. Le rapport rendu en 2006 par M. Jean-François Chadelat, directeur général du fonds CMUC (10), faisait le point des différentes estimations issues d’enquêtes auprès des bénéficiaires ou de « testing » (par prises de rendez-vous factices) auprès des professionnels : il en ressortait qu’environ 15 % des bénéficiaires semblaient s’être heurtés à un refus et que de même environ 15 % des professionnels de santé refusaient par principe les personnes titulaires de la CMUC, ce taux pouvant s’élever à 30/40 % pour les dentistes ou, dans certaines zones, les spécialistes. Depuis lors, des mesures correctrices ont été engagées : information des bénéficiaires sur leurs droits par un document ad hoc, instauration d’un suivi par les caisses d’assurance maladie de la distribution statistique des 5 % de professionnels recevant le moins de bénéficiaires, ouverture d’une faculté de saisine des conseils de l’ordre par les caisses et par les associations de défense.

Il convient enfin d’observer que, de manière générale, l’accès aux soins, du moins aux soins libéraux, des personnes à faibles revenus reste inférieur à celui de la moyenne de la population : une très récente étude de l’INSEE (11) sur les 7 millions de personnes qui vivent avec moins de 60 % du revenu médian (soit moins de 817 euros mensuels par unité de consommation) fait apparaître que 21 % de ceux d’entre eux qui ont moins de cinquante ans déclarent ne pas avoir consulté de médecin généraliste l’année précédant l’enquête, contre 17 % du reste de la population. Cet écart est encore plus grand s’agissant de la consultation de spécialistes : 53 % contre 40 %. En revanche, l’hospitalisation est un peu plus fréquente que la moyenne chez ces personnes pauvres.

b) Mais un état de santé qui reste souvent dégradé

L’état de santé des bénéficiaires de la CMU apparaît plus dégradé que la moyenne.

Cette situation est d’abord perçue par les bénéficiaires. D’après une étude citée dans l’enquête précitée, en 2002, 17 % des bénéficiaires de la CMUC s’estimaient en mauvaise ou très mauvaise santé contre 6 % des non-bénéficiaires (12). De manière plus générale, les personnes démunies et plus particulièrement les bénéficiaires de minima sociaux se déclarent souvent en mauvaise ou très mauvaise santé : c’est le cas de 8 % des personnes vivant avec moins de 60 % du revenu médian (13) et de 17 % des hommes et 14 % des femmes allocataires du RMI (14), contre 3 % à 4 % de la population générale.

Tout récemment, la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a publié (15) une analyse détaillée sur les affections de longue durée (ALD) des bénéficiaires de la CMUC. En préalable, il convient d’observer que cette étude neutralise les effets de structure d’âge et de sexe, étant rappelé que la population de la CMUC est en moyenne plus féminisée et surtout nettement plus jeune que la population générale, ainsi qu’on l’a indiqué. Un tel écart de structure d’âge a naturellement une incidence considérable sur les niveaux de dépenses moyens que l’on peut attendre dans les deux populations, l’âge étant un des déterminants les plus forts des pathologies et des dépenses de santé. À âge et sexe égal, les constats sont les suivants :

– Fin 2005, les personnes en CMUC étaient 1,77 fois plus souvent en ALD que les autres bénéficiaires du régime général : 10 % environ des premières étaient en ALD, contre 5,7 % d’une population d’assurés « lambda » dont la structure d’âge serait la même.

Les graphiques ci-après présentent par affection de longue durée, puis parmi les tumeurs malignes, par principales localisations, le rapport de prévalence entre les bénéficiaires de la CMUC et la population générale (les non- bénéficiaires assurés du régime général), c’est-à-dire le rapport entre la fréquence de ces maladies dans les deux populations (au niveau 1, la fréquence est la même).

Rapport de la prévalence des ALD
parmi la population bénéficiaire de la CMUC/non bénéficiaire
au 31/12/2005

Rapport de la prévalence des principales tumeurs malignes
parmi la population bénéficiaire de la CMUC/non bénéficiaire
au 31/12/2005

Source des graphiques : élaborés à partir des données présentées dans Points de repère n° 8, août 2007, CNAMTS.

Les bénéficiaires de la CMUC souffrent donc plus de pathologies graves que la moyenne des assurés sociaux. L’analyse des pathologies particulièrement surreprésentées montre l’incidence de la précarité – la pathologie la plus surreprésentée étant la tuberculose – mais aussi le poids de facteurs comportementaux souvent associés à la pauvreté (alcool, tabac, toxicomanie, tendance à l’obésité) – avec par exemple la surreprésentation des cirrhoses, du SIDA, des cancers du système respiratoire et des voies aéro-digestives supérieures ou du diabète. Le lien de causalité peut aussi être inverse, un mauvais état de santé étant un facteur de précarité : à cet égard la surreprésentation des maladies psychiatriques est significative. Quant au cas particulier des maladies de l’hémoglobine, il s’explique selon les auteurs de l’étude par la fréquence dans les populations d’origine africaine, présentes notamment dans les départements d’outre-mer où l’accès à la CMU est très large, d’une maladie génétique, la drépanocytose.

– En 2004, 2,5 % des personnes en ALD bénéficiant de la CMUC sont décédées, contre 1,8 % pour les personnes en ALD n’en bénéficiant pas, soit un rapport de mortalité de 1,37. Les pathologies en cause, qu’elles soient plus graves ou moins bien soignées, conduisent donc plus souvent à un décès. Les auteurs de l’étude, se livrant à une analyse de ce rapport de mortalité par maladie, observent que la surmortalité des bénéficiaires de la CMUC est particulièrement élevée (supérieure à 2) pour certains cancers comme ceux des testicules, des reins ou de la peau, dont par ailleurs la prévalence est en revanche plus faible dans cette population (voir graphique supra), ce qui suggère un dépistage souvent tardif (la maladie est moins dépistée, mais à un stade plus grave).

Cette analyse est confirmée par les données recueillies par l’INSEE dans son enquête précitée sur les personnes vivant avec moins de 60 % du revenu médian, qui met en lumière un accès moindre aux mesures de dépistage : par exemple, 34 % des femmes de plus de quarante ans qui appartiennent à ces ménages modestes n’ont jamais réalisé de mammographie, contre 19 % des autres femmes, et 12 % des femmes à faibles revenus entre vingt et soixante-dix ans n’ont jamais réalisé de frottis gynécologique, contre 6 % dans le reste de la population.

c) Un niveau de dépenses moyen plus élevé à structure de sexe et d’âge équivalente

Si l’on neutralise les effets de structure d’âge et de sexe évoqués supra, le niveau de dépense moyen par bénéficiaire de la CMUC apparaît plus élevé que pour les assurés non-bénéficiaires.

La question du niveau comparé de dépense de santé entre bénéficiaires et non-bénéficiaires de la CMUC constitue une préoccupation de l’administration, puisqu’y est consacré l’un des indicateurs afférents à la CMU présentés au titre du suivi des performances au sens de la loi organique relative aux lois de finances. Trois séries sont suivies : l’écart de dépense totale moyenne entre bénéficiaires de la CMUC et bénéficiaires des autres régimes à âge et sexe équivalent, mesuré uniquement sur la population hors affections de longue durée (ALD) ; toujours hors ALD, l’écart au niveau des seuls soins de ville, plus faible, ce qui fait apparaître la concentration des dépenses de CMU sur l’hôpital ; l’évolution d’une année sur l’autre de la part complémentaire de la dépense des bénéficiaires de la CMUC.

Indicateurs de performance afférents à la dépense de CMU
dans le projet de loi de finances pour 2008

En %

2005
Réalisation

2006
Réalisation

2007
Prévision initiale

2007
Prévision actualisée

2008
Prévision

2008
Cible

Ecart sur la dépense totale hors ALD (affections de longue durée)

35

 

32

63

60

60

Ecart sur la dépense en soins de ville hors ALD

21

   

27

25

25

Evolution de la part complémentaire moyenne de la dépense d’un bénéficiaire de la CMUC

4,12

5,14

 

5

5

5

Comme le montre l’ampleur de la révision opérée pour 2007 entre la prévision initiale et la prévision actualisée, ces chiffres apparaissent encore assez incertains. Au-delà, il reste à savoir ce qui « justifie » que l’écart de dépense moyenne considéré comme la « cible » soit de 60 % (hors ALD) : cet écart correspond-t-il à des éléments établis d’analyse comparative de l’état de santé des populations en cause ?

Les analyses conduites par la CNAMTS donnent des résultats sensiblement similaires : après neutralisation des effets de structure d’âge et de sexe, une consommation médicale moyenne des personnes en CMUC près du double (écart de 92 %) de celle des non-bénéficiaires, l’écart tenant principalement à la dépense hospitalière et aux ALD. Hors ALD, l’écart n’est plus que de 60 % et pour les seuls soins de ville de l’ordre de 30 %.

Dépenses moyennes de soins de santé en 2005 à âge et sexe égal

(hors consultations externes- base de remboursement/part obligatoire)

(en euros)

Y compris personnes en affection de longue durée (ALD)

 

Assurés non CMUC

Bénéficiaires de la CMUC

Ecart

Soins de ville

691,8

904,2

+ 31 %

Hôpital

627

1 634,4

+ 161 %

Ensemble

1 318,8

2 538,6

+ 92 %

Hors ALD

Soins de ville

489,6

633,4

+ 29 %

Hôpital

333,8

685,6

+ 105 %

Ensemble

823,4

1 319

+ 60 %

Source : CNAMTS.

L’assurance maladie a pu se livrer à des analyses plus fines portant sur les dépenses afférentes aux différentes ALD, qui font apparaître par patient un niveau nettement plus élevé de dépenses remboursables pour les personnes en CMUC, écart concentré à peu près exclusivement sur les dépenses d’hôpital. L’écart atteint 90 % pour les affections psychiatriques. Le niveau de dépense pour les bénéficiaires de la CMU ne s’explique dont pas uniquement par la fréquence plus grande de certaines pathologies graves et des ALD en général dans cette population : il y a apparemment aussi un accès plus massif ou plus durable à l’hôpital, ce qui peut se comprendre pour des personnes démunies, parfois sans domicile.

Pour les assurés hors ALD, l’analyse par pathologie ou famille de pathologies n’est possible, indirectement, que pour les prescriptions de médicaments. On constate là un niveau moyen de dépenses remboursables nettement plus élevé pour les bénéficiaires de la CMUC pour quelques familles de médicaments, principalement ceux prescrits en psychiatrie et les antidiabétiques. Or diabètes et affections psychiatriques sont surreprésentés, on l’a vu, parmi les bénéficiaires de la CMUC en ALD : le niveau de dépense élevé des bénéficiaires non ALD s’explique sans doute en partie par une fréquence élevée de ces pathologies aussi chez les bénéficiaires non ALD.

Ces différents éléments laissent à penser que le niveau de dépenses de santé des bénéficiaires de la CMUC, qui apparaît très élevé par rapport à la moyenne une fois les effets de structure d’âge neutralisés, est largement expliqué par la fréquence de certaines pathologies graves parmi eux. L’écart constaté pour les soins de ville hors ALD, proche de 30 %, mériterait toutefois des investigations plus approfondies.

d) Des situations contrastées selon les territoires

Le fonds CMUC a une autre approche de la dépense par bénéficiaire. Outre qu’elle ne concerne naturellement, au regard de sa mission, que la dépense complémentaire, cette approche n’est pas centrée sur la comparaison bénéficiaires/non-bénéficiaires, mais sur la détection d’anomalies dans le niveau moyen de dépense par bénéficiaire soit selon les organismes assureurs, soit selon la nature des dépenses, soit selon les territoires.

À cet égard, il ressort des statistiques du fonds de très grands écarts de niveau moyen de dépense complémentaire entre les départements. Ainsi le coût unitaire moyen par bénéficiaire géré par le régime général, qui s’élevait en 2005 à 333 euros pour le France entière, atteignait-il 735 euros en Lozère et excédait-il 400 euros dans plusieurs autres départements : la Corrèze, le Gers, le Cantal, les Alpes-maritimes, les Bouches-du-Rhône et la Corse-du-sud.

Le fonds souligne que l’interprétation à faire de ces données doit prendre en considération les effectifs de bénéficiaires de la CMUC et que les comparaisons sont surtout pertinentes pour des départements de taille comparable dont les effectifs sont suffisants pour lisser les effets dus à une cohorte particulière de malades. Il observe qu’« à ce titre, les dépenses des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône ou de l’Hérault sont particulièrement importantes. La part des médicaments est notamment forte dans ces départements. Dans d’autres cas, les montants élevés sont manifestement dus à des publics particuliers, avec une présence notable de personnes âgées ou vivant en établissement de moyen ou long séjour (Cantal, Corrèze, Gers, Corse-du-Sud). La part de l’hôpital est alors prépondérante. Le cas le plus extrême est celui de la Lozère, qui a un très faible nombre de bénéficiaires, vivant pour une large part en établissement (75 % de la dépense concerne les hospitalisations) » (16).

e) La non-application aux bénéficiaires de la CMUC de certaines mesures de responsabilisation

Le niveau moyen élevé de dépense de santé des bénéficiaires de la CMU est justifié par les problèmes de santé particulièrement graves qu’ils rencontrent. Il n’empêche que ce constat ne rend que plus légitime que soient appliqués aux bénéficiaires de la CMUC les dispositifs de responsabilisation prévus pour l’ensemble de la population, du moins quand ces dispositifs n’entraînent pas obligatoirement un reste à charge pour les personnes dès lors qu’elles respectent certaines règles.

Dans le cadre de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006, il a ainsi été décidé d’appliquer à la prise en charge prévue dans le cadre de la CMU complémentaire la même règle qu’aux autres régimes complémentaires, c’est-à-dire l’interdiction (sauf à perdre tous les avantages fiscaux et sociaux afférents à ces régimes) de prendre en charge les majorations de tarif pour non-respect du parcours de soins (passage obligé par le médecin traitant). De même, la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 a aligné sur le droit commun la CMUC en matière d’obligation de prise en charge limitée au coût du médicament générique en cas de refus de substitution.

Or il apparaît que près de deux ans après avoir été adoptée par le Parlement, la mise à la charge des assurés de la majoration pour non-respect du parcours de soins n’est pas entrée en vigueur pour les bénéficiaires de la CMUC : le décret d’application n’a pas été publié. Quant à la mesure concernant les médicaments génériques, elle ne semble pas encore appliquée sur tout le territoire.

L’absence de parution du décret relatif au parcours de soins des bénéficiaires de la CMUC s’expliquerait, selon la réponse fournie au questionnaire de la rapporteure pour avis, par d’importantes difficultés techniques de mise en œuvre : les bénéficiaires de la CMUC sont dispensés par la loi (17) de toute avance de frais, les professionnel de santé étant directement remboursés par les organismes gestionnaires de la CMUC ; dans ces conditions, en l’absence de tout remboursement à l’assuré, il n’est pas possible de récupérer les sommes qu’il devrait sur d’autres prestations. La seule option serait d’engager des actions en récupération, coûteuses. D’autres voies seraient envisagées, selon cette réponse, pour responsabiliser les bénéficiaires de la CMUC. Une idée parfois avancée est celle du cautionnement : une participation annuelle forfaitaire aux frais d’un montant modeste leur serait demandée, sur laquelle seraient prélevés les éventuelles majorations pour non-respect du parcours de soins, refus de génériques ou autres dépassements, le solde étant ensuite restitué.

D’autres sources évoquent d’autres raisons de ne pas appliquer aux bénéficiaires de la CMUC la majoration : la précarité d’une population plus instable, moins informée des règles et moins susceptible de percevoir les avantages de la démarche du parcours de soins ; la nécessité de favoriser son accès aux soins – ce qui est l’objet premier de l’institution de la CMU/CMUC – en évitant toute mesure décourageante, mais en donnant la priorité aux actions d’information et de sensibilisation…

À l’initiative de la rapporteure pour avis, l’Assemblée nationale a adopté, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, un amendement affirmant explicitement l’obligation de désigner un médecin traitant pour bénéficier de la CMUC, un délai de six mois étant laissé aux bénéficiaires actuels pour ce faire. Au-delà, on pourrait également s’interroger sur la mise en place de dispositifs, voire de lieux, spécifiques de prise en charge de la santé d’au moins une partie, la plus marginalisée, des bénéficiaires de la CMU/CMUC.

C. LE RENFORCEMENT DES DISPOSITIFS DE CONTRÔLE

Plusieurs dispositions législatives et réglementaires récentes visent à encadrer certains usages abusifs des fonds sociaux ou à faciliter l’exercice de contrôles sur leurs bénéficiaires. Ces mesures peuvent avoir une portée très générale (les prestations de sécurité sociale) ou viser plus particulièrement certaines prestations, notamment celles qui sont non contributives comme la CMU/CMUC. De même, certaines problématiques du contrôle, comme celle du contrôle des ressources déclarées, sont plus spécifiques à certaines prestations, en l’espèce celles qui sont accordées sous condition de ressources comme la CMU/CMUC.

1. Une réglementation plus stricte face à certaines dérives

a) Les ressortissants communautaires inactifs

Les conditions d’accès des ressortissants communautaires aux prestations sociales non contributives ont été récemment modifiées en application d’une directive communautaire, la directive 2004/38 CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Ce texte vise à concilier plusieurs principes et préoccupations plus ou moins contradictoires, comme le rappellent les considérants généraux de son introduction : le « droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (…) » des citoyens communautaires, mais aussi la nécessité « d’éviter que les personnes exerçant leur droit au séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » des États. En conséquence, la directive autorise les États membres à restreindre le droit de séjour pour les ressortissants communautaires faisant appel à leur système d’assistance sociale (c’est-à-dire aux prestations de solidarité, comme les minima sociaux, par opposition aux prestations contributives), sous réserve d’un traitement individualisé des cas et d’une protection totale de certaines catégories : travailleurs et demandeurs d’emploi.

La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a transposé la plus grande part de cette directive. Son article 23 définit le « droit au séjour » des ressortissants communautaires (ainsi que suisses et de l’Espace économique européen), notamment en précisant que ce droit, pour une durée supérieure à trois mois, est subordonné à diverses conditions alternatives : exercer une activité professionnelle ; ou être en formation ; ou disposer de « ressources suffisantes » ainsi que d’une assurance maladie ; ou être un parent proche de personnes répondant aux conditions précédentes.

Sur un point, toutefois, la directive n’avait pas été transposée par la loi du 24 juillet 2006. Bien que, de manière générale, droit au séjour et droit à bénéficier dans le pays d’accueil de toutes les prestations sociales qui y sont en vigueur soient liés dans le texte communautaire (solution logique au regard du principe d’égalité de traitement), il prévoit une exception : le séjour ne doit pas être refusé aux ressortissants communautaires se rendant dans un autre État membre pour y chercher un emploi, mais celui-ci n’est pas tenu de leur ouvrir droit à ses prestations d’assistance sociale tant qu’ils ne travaillent pas (mais recherchent activement un emploi ce qui leur donne droit au séjour). L’article 63 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a pris en compte cette exception concernant les ressortissants communautaires « entrés en France pour y chercher un emploi et qui s’y maintiennent à ce titre » (il s’agit de personnes qui n’ont pas ou très marginalement travaillé en France, pas des ressortissants communautaires durablement insérés dans l’emploi dans notre pays et qui connaissant ensuite une période de chômage), en les écartant du RMI, de l’allocation de parent isolé (API) et du droit de bénéficier de l’assurance maladie sur critère de résidence, donc de la CMU, tandis que l’article 51 du présent projet de loi de finances étend cette mesure au cas de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

En application de ces dispositions, qui ont fait l’objet d’une lettre ministérielle du 20 juillet 2007, un ressortissant communautaire inactif a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s’il dispose d’une assurance maladie et de ressources suffisantes. Il ne peut plus prétendre au bénéfice de la CMU de base et de la CMUC mais peut entrer dans le champ de l’aide médicale d’État sous condition de ressources. Des instructions ont été diffusées en ce sens le 2 août 2007 par la Caisse nationale d’assurance maladie ; 30 000 ressortissants britanniques, notamment, seraient concernés, et des protestations se sont élevées. Même si des aménagements sont apportés, il apparaît légitime que cette réglementation conforme au droit communautaire soit appliquée, car elle apporte une réponse tant au risque d’un « tourisme » intracommunautaire de recherche des régimes sociaux les plus favorables qu’à la difficulté pratique du contrôle transnational des ressources déclarées (ou plutôt de l’absence de ressources déclarée) par les intéressés pour bénéficier des prestations en cause.

b) La condition de résidence

Le décret n° 2007-354 du 14 mars 2007 relatif aux modalités d’application de la condition de résidence pour le bénéfice de certaines prestations a unifié et précisé la condition de résidence sur le sol français exigée pour l’accès à diverses prestations sociales, dont la CMU : « Sont considérées comme résidant en France les personnes qui ont sur le territoire métropolitain ou dans un département d’outre-mer leur foyer ou le lieu de leur séjour principal », étant « réputées avoir en France le lieu de leur séjour principal les personnes qui y séjournent pendant plus de six mois au cours de l’année civile de versement des prestations ». Ce critère des « six mois et un jour » pendant l’année civile est également celui de l’administration fiscale, ce qui a pour effet de faciliter les contrôles croisés : les résidents « fiscaux » et « sociaux » devront en principe être les mêmes, sous réserve de l’application des règles relatives aux ayants-droit et à la conservation temporaire des droits sociaux après une période d’affiliation.

2. Les mesures législatives destinées à faciliter le contrôle des déclarations et la répression des fraudes

La fin de la XIIe législature a vu l’adoption d’un arsenal législatif important visant à faciliter le contrôle du bon usage des fonds de la sécurité sociale et à sanctionner les fraudes, notamment dans le cadre des lois n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006, n° 2006-339 du 23 mars 2006 pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux et n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007. Ces lois ont posé quelques principes essentiels en matière de contrôle, ont développé les possibilités de croisement de fichiers et ont introduit de nouveaux mécanismes de sanction des abus.

S’agissant des principes, on relève notamment :

– l’affirmation d’une obligation pour les directeurs des organismes de sécurité sociale de réaliser les contrôles et enquêtes nécessaires en cas de suspicion de fraude, d’en informer la tutelle, de porter plainte si le dossier le justifie (article L. 114-9 du code de la sécurité sociale inséré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006) ;

– concomitamment, l’obligation d’un suivi de la lutte contre la fraude par les caisses nationales ;

– la production obligatoire de pièces justificatives pour l’accès à toute prestation de sécurité sociale (article L. 161-1-4 du code précité inséré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006).

Pour ce qui est des échanges d’informations entre organismes, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 a unifié et élargi des dispositions préexistantes afin :

– d’associer les caisses assurant le service des congés payés (secteur du bâtiment) et l’assurance chômage aux échanges permis entre caisses de sécurité sociale (article L. 114-12 du code précité) ;

– d’inclure tous les régimes et toutes les branches dans le dispositif d’échanges entre les organismes de sécurité sociale et l’administration fiscale et de moderniser les circuits de transmission (article L. 114-14 du code précité), en prévoyant en outre, spécifiquement, la faculté pour les organismes gestionnaires de la CMU de solliciter le fisc pour le contrôle des déclarations de ressources (modification de l’article L. 380-2 du code précité) ;

– d’imposer aux agents habilités à lutter contre le travail illégal le signalement systématique, aux organismes attributaires de prestations sociales sous conditions de ressources ou d’activité, de l’exercice intentionnel d’une activité dissimulée par un salarié (article L. 114-15 du code précité). Il est à noter, sur ce dernier point, que l’exigence de démontrer l’intention du salarié de violer la loi réduit de beaucoup la portée de la mesure. C’est pourquoi la rapporteure pour avis a présenté lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 un amendement, que l’Assemblée nationale a adopté, supprimant cette condition.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a pour sa part prévu la mise en place d’un répertoire national, reposant sur un identifiant unique, commun aux organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, aux caisses de congés payés et à l’assurance chômage, répertoire auquel auraient également accès les URSSAF et les collectivités locales pour l’attribution des prestations d’aide sociale (article L. 114-12-1 du code précité).

Enfin, pour ce qui est de la lutte contre les abus, les lois précitées ont en particulier :

– établi pour les manquements dont le caractère frauduleux au sens du code pénal est difficile à démontrer (inobservation de règles, déclarations inexactes, incomplètes ou omises) un régime de sanctions financières non pénales (amendes administratives), d’abord en matière d’assurance maladie (loi du 13 août 2004), puis pour les autres branches (loi de financement de la sécurité sociale pour 2006) et pour les prestations d’assurance chômage et les principaux minima sociaux (loi du 23 mars 2006) ;

– autorisé les organismes de sécurité sociale à refuser la CMUC lorsqu’ils constatent une disproportion marquée entre les ressources déclarées et le train de vie du demandeur (article L. 861-2-1 du code de la sécurité sociale inséré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007).

Cet arsenal législatif devrait être complété dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, le projet comprenant un ensemble de mesures importantes, notamment :

– à l’article 67, l’ouverture d’une faculté, pour les organismes gestionnaires de diverses prestations sous conditions de ressources, prestations familiales, aides au logement et allocation aux adultes handicapés, d’accéder directement aux fichiers du fisc pour l’appréciation des ressources des demandeurs (et non pas seulement, comme le prévoit le droit en vigueur, dans le cadre d’opérations de contrôle) ;

– à l’article 68, l’instauration d’une assiette forfaitaire de redressement des employeurs en cas de travail dissimulé représentant six mois de SMIC par salarié et l’organisation d’un recouvrement systématique des redressements pour travail illégal par les URSSAF sur la base des procès-verbaux que les agents de contrôle devront leur transmettre obligatoirement ;

– à l’article 69, l’habilitation des agents de contrôle des organismes de sécurité sociale à accéder, comme le peuvent déjà ceux du fisc, aux informations détenues par les banques, les fournisseurs d’énergie et les opérateurs téléphoniques.

Ces mesures ont été complétées par plusieurs amendements parlementaires adoptés lors de l’examen de ce projet par l’Assemblée nationale : celle-ci a décidé qu’en cas de fraude supérieure à un seuil fixé à deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale, les organismes de sécurité sociale devront prendre une décision administrative de suppression des aides au logement ; elle a rendu obligatoire la fourniture d’une copie du bail pour l’accès aux aides au logement et d’une attestation d’inscription dans un établissement d’enseignement supérieur pour les étudiants demandant ces aides.

La mise en œuvre effective de cet ensemble de mesures exige assurément certains délais, pour produire les textes réglementaires nécessaires, mais surtout pour mettre en place sur le terrain les éléments d’organisation et les applications informatiques qui s’imposent.

À titre d’exemple, s’agissant du dispositif permettant la prise en compte des éléments de train de vie, il a été indiqué que le décret d’application était en cours de finalisation.

Pour ce qui est des pénalités administratives instituées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 et la loi pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, le décret d’application concernant les prestations relevant de caisses de sécurité sociale a été publié en décembre 2006 et les organismes nationaux ont diffusé des instructions aux organismes locaux dans le courant du premier trimestre 2007. Ces instructions ont été intégrées dans les systèmes d’information en mai 2007 pour permettre un traitement automatisé des pénalités. Les conseils d’administration des caisses locales ont ensuite dû nommer les membres de la commission statuant sur les pénalités. Ces commissions n’ont pu être installées qu'à compter de juillet 2007 et, comme la procédure de sanction comporte des délais de trois à quatre mois au moins avant toute décision définitive, sous réserve des voies de recours, les premières pénalités devraient être prononcées en ce dernier trimestre 2007 pour la majorité des organismes.

S’agissant enfin du répertoire national commun (article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale), les travaux de mise en œuvre doivent prendre appui sur un comité des maîtrises d’ouvrage des différents organismes concernés, constitué en septembre 2007. Ces travaux doivent conduire à la rédaction d’un cahier des charges de réalisation du répertoire et de définir ses modalités de financement. Le décret prévu par l’article législatif sera rédigé parallèlement, puis soumis aux consultations officielles nécessaires, dont la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et le Conseil d’État, avec pour objectif affiché une publication au cours du premier semestre 2008.

3. Le déploiement effectif de certaines mesures de contrôle

Sur tous les points précités, il est donc encore impossible d’évaluer l’application des mesures voulues par le législateur.

Sur d’autres, on observe cependant déjà des évolutions prometteuses en ce qu’elles rendent compte d’une nouvelle attitude des organismes de sécurité sociale – au moins s’agissant de la branche maladie – et des administrations en général par rapport à la question du contrôle. Le directeur général de la CNAMTS, entendu par la rapporteure pour avis, a ainsi indiqué avoir fixé à son réseau un objectif de 112 millions d’euros de prestations récupérées ou de dépenses évitées grâce à la lutte contre les fraudes. Tant au niveau de la CNAMTS que de la direction de la sécurité sociale, des responsables « fraudes », directement rattachés à la direction centrale, ont été désignés. Par ailleurs, un Comité national de lutte contre la fraude en matière de protection sociale a été institué en 2006 (décret n° 2006-1296 du 23 octobre 2006), avec pour mission de coordonner les politiques en la matière, de centraliser les informations et les analyses, de sensibiliser les organismes, de « faire toutes propositions de nature à prévoir ou détecter les cas de fraude ». Présidé par M. Bernard Cieutat et animé par la direction de la sécurité sociale, le comité a tenu des réunions bimensuelles jusqu’à présent mais n’a pas encore déployé son programme de travail.

Enfin, des opérations innovantes de contrôle, souvent encore expérimentales, ont été entamées, en particulier des croisements de fichiers sur les lieux de résidence et les ressources déclarés.

a) Les échanges d’information entre administrations pour le contrôle de la condition de résidence

Le décret précité n° 2007-354 du 14 mars 2007 a d’une part instauré une obligation pour les assurés sociaux de déclarer les changements de situation familiale ou de lieu de résidence ayant une incidence sur le respect de la condition de résidence, d’autre part enjoint les caisses de sécurité sociale d’organiser un contrôle de l’effectivité de la résidence en France dans différents cas de figure (liquidation de la cotisation annuelle en cas d’affiliation au régime général sur critère de résidence, c’est-à-dire dans le cadre de la CMU ; calcul annuel des ressources à ce titre ; changement d’organisme de rattachement : déclaration d’un ayant droit ou de son retrait ; demande de CMU complémentaire) et en tout état de cause au moins une fois par an. Une circulaire ministérielle et un arrêté fixant, à titre indicatif, la liste des pièces justificatives sont actuellement en cours de finalisation.

Concernant l’effectivité du contrôle, une enquête téléphonique a été réalisée par les services de la CNAMTS auprès de 16 caisses, dont 15 ont déclaré réaliser un contrôle de la résidence lors de l’ouverture et le renouvellement des droits à la CMU de base et à la CMU complémentaire.

Par ailleurs, conformément à l’article L. 114-14 du code de la sécurité sociale inséré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, une expérimentation de croisement de fichiers a été engagée entre la CNAMTS et la direction générale des impôts (DGI) en vue de mettre en place un dispositif de contrôle régulier de la condition de résidence des assurés du régime général. La DGI tient en effet un fichier des non-résidents fiscaux (contribuables ayant déclaré ne plus être résidents en France) et, comme il a été indiqué, le critère de résidence est désormais identique pour le fisc et la sécurité sociale. L’expérience porte sur une liste de 150 personnes ayant déclaré au fisc avoir quitté le territoire au cours de l’année 2005. Elle a permis de constater que 85 % de ces personnes étaient toujours affiliées au régime général. La généralisation du dispositif devrait faire l’objet d’une décision fin 2007, au vu du résultat de l’analyse des dossiers de personnes ainsi recensées notamment au regard des raisons du maintien de leur affiliation (qui peut être régulière s’il s’agit de la conservation temporaire de droits).

b) Les échanges d’information pour le contrôle des ressources déclarées

Les caisses de sécurité sociale étant dépourvues de compétences et de moyens humains en matière de contrôle des revenus, il est naturel qu’elles s’appuient de plus en plus sur les services fiscaux, dont c’est le cœur de métier.

Une expérimentation de croisement de données entre plusieurs caisses primaires d’assurance maladie (Corrèze, Gironde, Haute-Savoie, Val-de-Marne) et le fisc (DGI) a été menée en 2006 et début 2007, après déclaration auprès de la CNIL, en vue d’un contrôle régulier des ressources des bénéficiaires de la CMU de base et de la CMUC. Le rapprochement des données n’a été effectif qu’à hauteur de 43 % et une expertise complémentaire est à mener préalablement à la généralisation souhaitée du dispositif. L’un des obstacles principaux limitant la portée de l’expérimentation tient au fait que les périodes de référence pour la déclaration des revenus sont différentes en matière fiscale et de CMUC : dans le premier cas, c’est l’année civile, dans le second, les douze mois précédant la demande (article R. 861-8 du code de la sécurité sociale). Cette dernière disposition, destinée à faciliter l’accès rapide à la CMUC des personnes connaissant un accident de la vie, pourrait sans doute être réformée, l’année civile devenant alors la référence tandis qu’un accès provisoire resterait autorisé sur une base dérogatoire.

Existant depuis plus longtemps, les échanges entre caisses d’assurance maladie et d’allocations familiales, les premières accédant à la base « CAFPRO », permettent de vérifier les déclarations des assurés quant aux prestations familiales qu’ils perçoivent. L’interrogation de la base CAFPRO serait systématique d’après ce qui a été indiqué à la rapporteure pour avis, étant précisé que cette interrogation n’est fructueuse que si la caisse d’assurance maladie connaît le numéro d’allocataire de l’intéressé (et si le demandeur bénéficie d’une prestation recensée dans la base).

D’après les informations collectées par la CNAMTS sur un panel de caisses primaires (Caen, Cholet, Saint-Brieuc, Evry, Lens, Vannes), le taux de contrôle des primo-demandes et demandes de renouvellement serait de 100 %, et le taux d’anomalies détectées à cette occasion de 16,45 %, ce qui est tout de même significatif !

Outre la question des périodes de référence pour la déclaration des ressources, les responsables de la CNAMTS mettent en avant un autre obstacle réglementaire au développement du contrôle des ressources : la faculté, pour les demandeurs de la CMUC ne pouvant produire les éléments d’appréciation relatifs aux revenus de leur foyer, d’attester sur l’honneur qu’ils sont inférieurs au plafond de ressources (article R. 861-16 du code de la sécurité sociale). Un telle disposition constitue une mesure de simplification et est sans doute utile pour faciliter l’accès rapide aux soins dans des conditions d’urgence ; toutefois, l’interrogation sur un aménagement de cette règle (comme d’ailleurs des règles similaires qui existent pour d’autres prestations) est d’autant plus fondée qu’elle apparaît en contradiction avec l’article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, selon lequel les organismes de sécurité sociale sont tenus pour le service de toute prestation de demander des pièces justificatives, « notamment la production d’avis d’imposition ou de déclarations déposées auprès des administrations fiscales », les seules dérogations de principe prévues à cette obligation étant les « cas de force majeure » et les situations où les organismes sont en mesure d’effectuer des contrôles par d’autres moyens, notamment en accédant aux fichiers d’autres administrations. Une circulaire est en préparation pour préciser aux caisses de sécurité sociale les règles applicables en matière de pièces justificatives.

D. LA CMU ET LA REVALORISATION DU TRAVAIL

Le développement de l’activité et la valorisation du travail constituent les meilleurs facteurs d’essor du pouvoir d’achat et de réduction de la pauvreté. Cette conviction inspire la politique du gouvernement et a en particulier guidé l’élaboration de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, centrée sur l’amélioration de la rémunération de tout travail supplémentaire, avec naturellement l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires, mais aussi le lancement de l’expérimentation du revenu de solidarité active (RSA).

En tant qu’avantage accordé sous condition de ressources, la CMUC suscite depuis ses débuts des interrogations sur les effets de seuil constatés au niveau du plafond des ressources prises en compte, interrogations en termes d’équité comme en termes d’incitation à rechercher une augmentation des revenus par le travail. Outre que la CMUC représente en elle-même un avantage important (rappelons que le forfait annuel est de 340 euros par bénéficiaire), l’effet de seuil au niveau du plafond de ressources est renforcé par le fait que d’autres prestations sous condition de ressources prennent en compte les mêmes éléments de ressources, voire le même plafond. Il s’agit :

– de la réduction de tarif sur les transports urbains de voyageurs (plafond de ressources aligné sur celui de la CMU complémentaire), prévue à l’article 123 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;

– de la tarification spéciale de l’électricité comme produit de première nécessité (plafond de ressources différent de celui de la CMU complémentaire), prévue à l’article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

– du tarif spécial de solidarité pour la fourniture de gaz naturel, prévu à l’article 14 de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 pour les bénéficiaires de la tarification spéciale de l’électricité.

Afin de lisser l’effet de seuil inhérent à la CMUC, une aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire a été mise en place par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie pour les personnes dont les ressources sont légèrement supérieures au plafond de ressources donnant droit à la CMUC, mais cette mesure n’a jusqu’à présent rencontré qu’un succès limité. Dans son allocution du 18 septembre dernier devant les membres de l’Association des journalistes de l’information sociale, le Président de la République a souhaité que l’aide à l’assurance complémentaire devienne « beaucoup plus généreuse, beaucoup plus étendue ».

Par ailleurs, la CMUC peut aussi être critiquée pour ses effets de désincitation à l’activité, de « trappe d’inactivité », en ce qu’elle constitue un « droit connexe » afférent au bénéfice du RMI. Les avantages sociaux qui ne sont pas accordés exclusivement sous condition de ressources, mais aussi aux personnes bénéficiant déjà d’une autre prestation, par exemple un minimum social, sont en effet susceptibles de contribuer tout particulièrement à décourager le retour à l’activité (ou l’augmentation de celle-ci) dans la mesure où leur existence accroît considérablement les risques de perte de pouvoir d’achat, de fait, en cas de perte du « statut », par exemple de bénéficiaire du RMI, qu’ils accompagnent.

1. La poursuite nécessaire du lissage des effets de seuil

L’aide au paiement d’une couverture complémentaire santé (ACS) est l’instrument qui a été imaginé en 2004 pour lisser les effets injustes liés à l’attribution de la CMUC gratuite sous un plafond de ressources alors que les personnes dont les ressources excèdent même de manière minime ce plafond ne bénéficieraient d’aucun avantage.

L’ACS a déjà été substantiellement améliorée depuis lors :

– Son montant annuel a été fortement revalorisé en 2006. Il s’élève à 100 euros par personne âgée de moins de 25 ans, 200 euros par personne âgée de 25 à 59 ans, 400 euros par personne à partir de 60 ans. La revalorisation de 2006 couvrirait, selon les estimations administratives, la moitié du montant moyen de prime à verser pour l’accès à une assurance complémentaire (du choix des bénéficiaires).

– Le plafond de ressources y donnant droit a été relevé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Il est à présent fixé à 20 % au-dessus du plafond de la CMU complémentaire, soit actuellement en France métropolitaine un revenu annuel de 8 727 euros pour une personne isolée et 13 090 euros pour un couple.

– Diverses mesures de communication ont été engagées : diffusion de brochures et affichage dans les caisses de sécurité sociale ; mission donnée aux caisses d’allocations familiales d’orienter les bénéficiaires potentiels vers les caisses d’assurance maladie ; action de ciblage et d’information personnalisée des bénéficiaires d’une aide personnelle au logement et du minimum vieillesse ; action d’information ciblée vers les étudiants dans les CROUS...

– Les démarches ont été facilitées avec l’élaboration d’un nouveau formulaire, distinct du formulaire actuel de demande conjointe de CMU complémentaire et d’aide à la complémentaire santé.

La diffusion de l’ACS reste pourtant très en deçà des prévisions : alors que la Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie évalue à 2,2 millions le nombre de bénéficiaires potentiels, au 31 mai 2007, seules 275 000 personnes avaient selon le fonds CMUC effectivement utilisé leur attestation ouvrant droit au bénéfice de l’ACS auprès d’un organisme complémentaire, ce qui correspondrait à environ 12 % de la population cible.

Cette lente montée en charge du dispositif s’expliquerait par plusieurs facteurs, en particulier :

– le coût du contrat restant à la charge du bénéficiaire après déduction de l’aide ;

– le manque d’information claire et accessible ;

– la complexité du dispositif ;

– l’accompagnement insuffisant des bénéficiaires potentiels.

Les éléments dont on dispose mettent surtout en lumière le faible nombre de demandes déposées auprès des caisses d’assurance maladie pour obtenir une attestation ouvrant droit au bénéfice de l’ACS, de l’ordre de 400 000 en 2006. Il semble d’ailleurs que les titulaires de l’attestation soient majoritairement des demandeurs de la CMU complémentaire qui se voient refuser cette prestation. En d’autres termes, cela signifie que très peu de bénéficiaires potentiels de l’ACS sont venus spécifiquement demander cette aide. Cela tend à montrer que les problèmes d’information et d’accompagnement sont sans doute en très grande partie responsables de la diffusion limitée de l’ACS. Or, l’accès des personnes aux revenus modestes à l’assurance complémentaire (CMUC comprise) reste très en deçà de la moyenne : selon l’INSEE, 22 % de personnes vivant avec moins de 817 euros par mois (et par unité de consommation), ce qui correspond à un seuil un peu supérieur au plafond actuel de l’ACS, n’en ont pas, contre 7 % seulement du reste de la population.

Dans ce contexte plusieurs types de mesures correctrices sont envisageables.

– D’abord, des mesures de simplification.

L’une semble déjà acquise : un « chèque santé » devrait être prochainement joint à l’attestation de droit à l’aide délivrée par les caisses d’assurances maladie pour que les bénéficiaires visualisent immédiatement le montant de l’aide qui leur est consentie. Afin de faciliter la situation des détenteurs d’attestations à la recherche d’un contrat, le fonds CMUC (18) propose en outre qu’ « à côté de leurs contrats traditionnels, les organismes fassent une offre sur un contrat standard, dans le cadre du dispositif ACS, qui pourrait être calé par exemple sur le contrat de sortie CMU. Le prix de ce contrat serait libre dans la limite d’un plafond. Le bénéficiaire aurait ainsi à sa disposition un outil supplémentaire pour lui permettre de faire jouer la concurrence entre cette catégorie de contrats au sein d’organismes complémentaires différents et avec les autres contrats au sein d’un même organisme complémentaire. Les caisses d’assurance maladie seraient chargées d’informer le bénéficiaire sur cette mesure ». Enfin, dans le même ordre de simplification, la Fédération nationale de la mutualité française suggère de remplacer par un accès hors condition de ressources à l’ACS pendant un an les « contrats de sortie » que les organismes complémentaires doivent proposer aux personnes qu’ils gèrent en CMUC quand elles cessent de remplir la condition de ressources de ce dispositif.

– Ensuite, une amplification des actions d’information des bénéficiaires potentiels.

Comme on l’a dit, des actions plus ciblées des caisses de sécurité sociale sur les bénéficiaires de prestations sous condition de ressources ont été engagées ou sont prévues ; le développement de ce genre de campagnes menées par les réseaux de caisses de sécurité sociale implique un renforcement de la coordination entre caisses, entre régimes. D’autres opérations pourraient être envisagées : mise en place d’un site internet dédié à l’ACS ; information systématique sur l’ACS sur les relevés de remboursement envoyés par les caisses aux assurés…

– Enfin, un relèvement du plafond de ressources ouvrant droit à l’aide et/ou des montants de l’aide.

Selon des personnes entendues par la rapporteure pour avis, on pourrait envisager de relever le plafond de ressources pour l’ACS jusqu’à un montant excédant d’environ 40 % le plafond d’accès à la CMUC. Pour ce qui est des montants d’aide, au regard des niveaux déjà atteints (si on les compare au forfait CMUC de 340 euros), il convient d’agir avec prudence ; le relèvement devrait sans doute prioritairement concerner les foyers qui doivent faire aujourd’hui le plus d’effort pour acquérir une complémentaire par rapport à l’ensemble de leurs ressources, donc plutôt les personnes plus âgées, dont le taux d’effort (soit le montant du coût du contrat restant à la charge de l’assuré, après déduction de l’ACS, par rapport au montant total de ses ressources) est sensiblement supérieur à celui des autres catégories de bénéficiaires de l’ACS. Le taux d’effort moyen des plus de 50 ans approche en effet 5 %, contre 3,8 % en moyenne générale. Les étudiants constituent une autre catégorie qui exprime des revendications spécifiques dans ce domaine. Plus généralement, dans son rapport de juillet 2007, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie estime qu’en cas d’augmentation des cotisations des complémentaires au cours des prochaines années, ce qui est assez probable, les pouvoirs publics pourraient se fixer comme objectif de fixer l’ACS à 60 % de la cotisation pour un contrat d’entrée de gamme.

2. La CMUC, l’un des « droits connexes » du RMI qui doivent être mieux connus et répertoriés

La question des « droits connexes » liés au statut de bénéficiaire des différents minima sociaux a émergé récemment dans le débat public.

Dans un premier temps, en effet, les pouvoirs publics, confrontés au constat de l’augmentation régulière du nombre de bénéficiaires des minima sociaux, en particulier du RMI, se sont efforcés d’instaurer une incitation financière au retour à l’emploi pour ces personnes, étant rappelé que, s’agissant de prestations différentielles comme le RMI ou l’allocation de parent isolé (API), l’augmentation des ressources propres des allocataires est en principe annulée par construction par la diminution à due concurrence de l’allocation. C’est pourquoi, à partir de 1998, ont été mises en place des mesures dites d’intéressement permettant le cumul temporaire du revenu d’un travail repris et de tout ou partie d’un minimum social. La loi du 23 mars 2006 pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux a réformé ces mesures, en instaurant des primes forfaitaires, pour les rendre plus lisibles et plus incitatives, sans toutefois revenir sur leurs deux limites intrinsèques :

– le caractère provisoire (un an en général) du cumul allocation/revenu d’activité autorisé ;

– la limitation aux seules prises ou reprises d’emploi (les personnes bénéficiant d’un minimum social tout en poursuivant une activité réduite ou non rentable ne sont pas concernées).

Par ailleurs, était instituée en 2001 (loi n° 2001-458 du 30 mai 2001), puis considérablement augmentée à partir de 2006, la prime pour l’emploi, qui a pour objet de soutenir le pouvoir d’achat et d’encourager les travailleurs aux revenus faibles. Adossée à l’impôt sur le revenu, elle prend la forme d’un crédit d’impôt pouvant conduire à un impôt négatif, donc à un versement net, pour les contribuables déclarant des revenus d’activité compris entre un plancher et un plafond. Ce mécanisme, bien qu’amélioré, reste complexe et le montant distribué par contribuable reste assez modeste.

L’instauration du RSA par la loi du 21 août 2007, d’abord sous une forme expérimentale au bénéfice des allocataires du RMI et de l’API, a pour objet de dépasser les limites des dispositifs existants en visant une valorisation, dans la durée (trois ans), de tout travail et surtout de toute augmentation de la quotité de travail et donc du revenu d’activité. A cette fin, le concept de RSA tel qu’il a été développé par M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, prévoit l’intégration des différents mécanismes nationaux de redistribution financière (minima sociaux, prime pour l’emploi, éventuellement aides au logement).

Cependant, même un tel dispositif ne répond pas nécessairement à la problématique des droits connexes. La notion de droits connexes recouvre en fait deux questions différentes :

– Au plan national, au montant des allocations versées au titre des différents minima sociaux, s’ajoutent des avantages financiers implicites, mais évaluables, constitués par les exonérations de divers prélèvements – par exemple de contribution aux dépenses de santé avec la CMU – afférentes à ces minima sociaux.

– Au plan local, il apparaît que le statut de bénéficiaire de telle ou telle prestation permet souvent d’accéder à divers avantages attribués par les collectivités locales, la référence à ce statut étant plus aisée, pour la gestion au quotidien, qu’une condition de ressources dont l’attestation demande plus de justificatifs. Il est clair pourtant que ce type de critères statutaires est susceptible de créer des injustices aux dépens des « travailleurs pauvres » non allocataires et peut désinciter fortement le retour à l’emploi. Ce constat illustre l’utilité qu’aura la mise en place, prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (voir supra) d’un répertoire national des bénéficiaires de prestations accessible aux collectivités locales, si ce répertoire permet à ces dernières d’accéder à des éléments de contrôle des revenus des demandeurs : comme les services sociaux des communes et des départements n’ont ni vocation ni moyens pour contrôler les revenus qu’on leur déclare, l’accès de ces services aux éléments collectés au plan national est un préalable nécessaire au remplacement systématique, dans les aides locales, du critère statutaire par un pur critère de ressources.

Mme Valérie Létard, lorsqu’elle était sénatrice, a grandement contribué à dégager la problématique des droits connexes, qui a fait l’objet d’un rapport d’information, puis est devenue le cœur de la proposition de loi « portant réforme des minima sociaux » adoptée par le Sénat en janvier 2007 (19).

S’agissant des droits connexes nationaux, le tableau ci-après, extrait de ses travaux, en présente la liste, la CMUC ne constituant, on le voit, que l’une des nombreuses exonérations, réductions et dispenses de participation financière liées au bénéfice des minima sociaux. L’existence de ces avantages automatiques non seulement accroît considérablement les effets de seuil et de trappe à inactivité liés à un retour à l’emploi entraînant la sortie d’un minimum social, mais semble aussi amener des abus également « automatiques » causés par l’insuffisante coordination entre administrations : il semble ainsi qu’alors que la CMUC est proposée par les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) dès qu’elles sont informées du dépôt d’une demande de RMI à la caisse d’allocations familiales, ensuite, il n’existe pas d’information systématique des CPAM si finalement le RMI demandé n’est pas accordé ; la CMUC peut donc être attribuée à des personnes (de bonne foi) qui cependant ne bénéficieront pas du RMI…

Les droits connexes nationaux liés au statut de bénéficiaire d’un minimum social

Minimum social

Droits connexes liés au statut

RMI

Allocation logement à taux plein automatique, suspension des dettes fiscales, exonération automatique de taxe d’habitation, exonération de redevance audiovisuelle, exonération d’impôt sur le revenu, exonération de CSG-CRDS, exonération de cotisation couverture maladie universelle (CMU), accès automatique (et gratuit) à son complément (CMUC), tarification sociale téléphone, prime de Noël

Allocation aux adultes handicapés (AAH)

Majoration pour vie autonome, exonération de redevance audiovisuelle, exonération d’impôt sur le revenu, exonération de CSG-CRDS, tarification sociale téléphone

Allocation de solidarité spécifique (ASS)

Prime de Noël, exonération de CRDS, tarification sociale téléphone

API

Allocation logement à taux plein automatique, exonération d’impôt sur le revenu, exonération de CSG-CRDS, suspension des dettes fiscales

Allocation d’insertion

Prime de Noël, exonération d’impôt sur le revenu, exonération de CRDS

Minimum vieillesse

Exonération de redevance audiovisuelle, exonération d’impôt sur le revenu, exonération de CSG-CRDS

Minimum invalidité

Exonération de redevance audiovisuelle, exonération d’impôt sur le revenu, exonération de CSG-CRDS

Allocation équivalent retraite (AER)

Prime de Noël, exonération de CRDS

Allocation veuvage

Exonération de CSG-CRDS, exonération d’impôt sur le revenu

Sources : Sénat, rapport d’information sur les minima sociaux n° 334, session ordinaire 2004-2005, et rapport sur la proposition de loi portant réforme des minima sociaux, n° 158, session ordinaire 2006-2007, par Mme Valérie Létard.

Pour ce qui est des avantages sociaux accordés au niveau local, notamment par les collectivités, il apparaît beaucoup plus difficile de les décrire et de les mesurer. Quelques études de cas tendent à montrer leur grande diversité, leur générosité très variable et leurs effets potentiellement considérables de désincitation au travail.

Ainsi l’INSEE a-t-il publié en 2002 (20) les résultats d’une enquête menée dans dix villes ou parties de villes (arrondissements parisiens) :

– Dans ces dix localités, les auteurs ont relevé 250 dispositifs d’aide sociale locale (aides des centres communaux d’action sociale, des départements et aides extralégales des caisses d’allocations familiales), dont 110 à prendre en compte dans leur analyse (divers dispositifs, notamment catégoriels ont été écartés), représentant 600 barèmes différents selon les configurations familiales.

– Imaginant des cas-types, l’étude observe que ces transferts sociaux locaux, très inégaux selon les villes et généralement plus ciblés sur les familles, peuvent représenter l’équivalent de 6 % à 62 % du montant des transferts sociaux nationaux selon la commune et le type de ménage.

– L’étude propose une mesure de la « durée de réservation », c’est-à-dire du nombre d’heures hebdomadaires rémunérées au SMIC qu’un ménage inactif devrait travailler pour conserver son revenu après transferts compte tenu de la dégressivité des transferts sociaux. Sur la base des seuls transferts sociaux nationaux, cette durée ressort dans l’étude à environ 15 heures pour une personne isolée et 26 heures pour des foyers comportant un ou plusieurs enfants. Mais si l’on y ajoute les transferts locaux moyens dans les dix communes analysées, on atteint 25 heures pour un célibataire, 30 pour un couple sans enfant et plus de 40 pour les foyers, monoparentaux ou non, comportant un ou plusieurs enfants. En d’autres termes, pour un couple avec enfant(s), il ne serait en général pas « rentable » qu’un seul de ses membres reprenne un emploi à temps plein au SMIC… Même si ce type d’analyse peut faire l’objet de contestations méthodologiques, notamment parce qu’elles reposent sur des cas-types où l’on suppose un cumul de toutes les aides possibles, elles tendent tout de même à montrer à quel point il est essentiel d’intégrer les dispositifs locaux dans la réforme des minima sociaux et de les faire évoluer, a minima, vers une prise en compte des ressources des personnes plutôt que de leur statut d’allocataire de telle ou telle prestation, afin de ne pas encourager l’assistanat et d’assurer l’équité pour les travailleurs pauvres.

Une enquête qualitative plus récente (21) porte sur les aides des départements. Menée en 2004 dans quatre départements présentant une diversité en termes de nombre d’habitants, sur le plan sociodémographique et en matière d’action sociale, elle met en exergue le fait que les disparités concernant tant le nombre de bénéficiaires que le volume des dépenses des départements consacrées à l’action sociale obligatoire s’observent de façon encore plus marquée en ce qui concerne l’action sociale non obligatoire des départements.

Le législateur a souhaité que le problème des dispositifs locaux et extralégaux soit pris en compte dans l’expérimentation du RSA en disposant que ce dernier « peut tenir compte des prestations et aides locales ou extralégales à caractère individuel recensées par chaque département et, dans la mesure du possible, de l’ensemble des droits et aides qui sont accordés aux bénéficiaires du revenu de solidarité active ». Encore la mise en œuvre de cette mesure implique-t-elle justement que les aides locales et extralégales soient « recensées ». Le préalable est donc sans doute la mise en place, peut-être d’abord dans les zones d’expérimentation du RSA mais avec une vocation à la généralisation, d’une obligation des collectivités locales de tenir un répertoire des aides qu’elles accordent à chacun de leurs administrés.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DES MINISTRES

Au cours de sa séance du mardi 6 novembre 2007, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité, et M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, sur les crédits pour 2008 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan  – Avec M. Pierre Méhaignerie, nous avons le plaisir d’accueillir une importante délégation gouvernementale – M. Bertrand, Mme Bachelot, Mme Boutin, Mme Létard, M. Hirsch – dans le cadre de l’examen de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », mission importante tant sur le plan budgétaire que sur le plan politique.

M. Bertrand m’a prévenu de son départ probable vers 18 heures.

Comme convenu dans le cadre de ces commissions élargies, nous entendrons tout d’abord les observations et les réflexions des rapporteurs spéciaux et pour avis. Les ministres répondront ensuite aux questions qui les concernent avant que nous entendions les orateurs des différents groupes et les questions des parlementaires. Le rapporteur spécial est M. Jean-Marie Binetruy et les deux rapporteurs spéciaux sont Mme Valérie Boyer pour la solidarité, l’insertion et l’égalité des chances et Mme Bérangère Poletti pour le handicap et la dépendance.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial de la commission des finances – Je salue le travail de mon prédécesseur, Mme des Esgaulx, qui m’a permis, à travers son excellent rapport de l’an dernier, de prendre contact avec une mission qui ne m’était pas familière. Je remercie également M. le président et M. le rapporteur général de la commission des finances pour leur confiance ainsi que les administrateurs et, en particulier, Mme Christelle Thomas.

Cette mission comporte sept programmes : le programme 177, prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables ; le programme 106, action en faveur des familles vulnérables ; le programme 157, handicap et dépendance – qui représente, avec plus de 8 milliards, les deux tiers du budget de la mission ; le programme 183, protection et maladie, qui recouvre trois actions – CMUC, AME et fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante – ; le programme 137, égalité entre les hommes et les femmes ; le programme support 124, conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales, qui regroupe les dépenses de personnels et de fonctionnement de quatre missions – solidarité, insertion et égalité des chances, mission santé, mission veille et sécurité sanitaire, mission sécurité sanitaire ; il regroupe aussi les dépenses des services déconcentrés de l’administration sanitaire et sociale amenés à appliquer la mission Immigration, asile et intégration ; le nouveau programme 304, enfin : lutte contre la pauvreté.

Cette mission connaît une évolution intéressante sous l’effet conjugué de mesures législatives ou gouvernementales récentes - loi travail, emploi et pouvoir d’achat du 21 août 2007, loi du 5 mars 2007, loi de cohésion sociale, loi sur l’égalité des chances - et d’une nouvelle définition du périmètre des compétences ministérielles dans le Gouvernement. Par ailleurs, le budget de cette mission doit être exécuté par trois ministres, deux secrétaires d’État et un haut-commissaire, ce qui doit être un record. Les crédits sur lesquels la représentation nationale devra se prononcer – plus de 12 milliards – ne représentent qu’une partie de l’effort de la nation pour la solidarité puisqu’il faudrait y ajouter les exonérations fiscales ainsi que les efforts des associations et le financement des collectivités. Lors des auditions, j’ai essayé d’obtenir, sans succès, le montant global de cet effort pour chacune de ces missions. Sans doute serait-il aujourd’hui intéressant d’en donner au moins une évaluation.

Quatre réflexions me viennent à l’esprit : la complexité des dispositifs, la multitude d’intervenants, la difficile conciliation de la solidarité et de l’équilibre budgétaire, la difficulté des indicateurs à renseigner et donc, la difficile appréciation des objectifs.

Madame Létard, l’application de la loi du 11 février 2005 s’accompagne de la montée en charge de la prestation de compensation du handicap. Quelles sont les garanties d’un passage correct en PCH, sans rupture de charges pour les personnes handicapées ?

Les personnes handicapées en recherche d’emploi sont proportionnellement deux à trois plus nombreuses que les autres et elles mettent quatre fois plus de temps pour trouver un emploi. Un rapport d’audit de modernisation relatif à l’allocation d’adulte handicapé publié en 2006 avait fait état de l’absence de stratégie d’insertion dans l’emploi des personnes handicapées. Quelles sont les mesures prises ou envisagées pour répondre à ces obstacles ?

Le défenseur des enfants joue un rôle important. Sa présence est assurée par des correspondants territoriaux qui exercent leur activité à titre bénévole et ne bénéficient que d’une indemnité forfaitaire destinée à compenser les frais qu’ils engagent pour assurer leur mission. Ne peut-on leur accorder une exonération de charge et d’impôt sur le revenu au titre des indemnités perçues ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Oui, avec un support législatif.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial – L’apurement de la dette de l’État envers la sécurité sociale, pour un montant de 5 milliards, Madame la Ministre de la Santé, est un point capital du PLF 2008. Sur ce total 920 millions concernent la dette au titre de l’AME pour 2006. Dans le prolongement de cet effort inédit, 180 millions de dotations supplémentaires sont prévus, ce qui laisse espérer qu’aucune dette nouvelle n’apparaîtra en 2008. Pour autant, cela ne règle pas la dette de 250 millions au titre de l’exercice de 2007. Le Gouvernement prendra-t-il des mesures en ce sens ?

Les 413 millions prévus pour l’AME reposent sur une hypothèse d’économies qui passeraient par l’extension du contrôle médical aux bénéficiaires de l’AME, par la prise en charge limitée des médicaments princeps quand un générique existe, et par l’instauration d’un ticket modérateur. Un rapport d’audit ayant émis des réserves sur le ticket modérateur, je souhaiterais savoir ce qu’entend faire le Gouvernement.

Monsieur le Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, le PLF pour 2008, conformément à la loi TEPA, prévoit une dotation de 25 millions au titre de l’expérimentation du RSA. Le choix des départements candidats pour la seconde vague devait être finalisé au 1er novembre. Je souhaiterais savoir quel est l’état d’avancement du dispositif. Enfin, le Président de la République vous a confié l’organisation d’un Grenelle de l’insertion : quels en sont les axes prioritaires et le calendrier ?

Madame la ministre du logement et de la ville, 2008 consacre l’entrée en vigueur du droit au logement opposable. Le plan d’action renforcé en faveur des sans abris sera poursuivi. Mais je me fais le relais des inquiétudes d’associations, qui considèrent que vos engagements en faveur notamment des moyens budgétaires, ne sont pas respectés. Je veux aussi souligner les difficultés spécifiques que rencontrent les maisons relais créées avant 2007, en raison d’un financement insuffisant. Quels sont les efforts fournis par le Gouvernement sur ce point et est-il envisageable de stimuler le financement privé en matière d’hébergement ?

Mme Valérie Boyer, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles pour la solidarité, l’insertion et l’égalité des chances – J’ai centré mon rapport sur la CMU, et plus spécifiquement sur les mesures de contrôle et de lutte contre les fraudes. Le PLFSS, amendé, comprend de telles mesures : nous avons notamment acté le principe de l’inscription obligatoire des bénéficiaires de la CMUC dans les parcours de soins. Mais il reste encore à faire et je suis convaincue que notre assemblée devrait être associée en amont à l’élaboration du plan de lutte contre les fraudes, confié à Eric Woerth.

Le lien entre la CMUC et le RMI donne lieu à des abus évidents. Les CPAM, dès qu’elles sont informées du dépôt d’une demande de RMI, proposent la CMUC. Mais l’information en retour, si le RMI n’est pas accordé, n’est pas établie. La CMUC peut donc être attribuée à des personnes non allocataires du RMI, et par ailleurs de bonne foi. Qu’entendez-vous faire pour y remédier ?

D’autres mesures pourraient être prises pour faciliter l’établissement et le contrôle des déclarations de ressources pour l’accès à la CMU. Les caisses des regimes de base maladie qui gèrent l’essentiel de la CMUC pourraient bénéficier, comme les CAF, d’un accès direct aux fichiers du fisc. Il conviendrait de retenir, comme période de référence, l’année civile et non les douze derniers mois. Il faudrait aussi procéder à la révision des dispositions réglementaires permettant d’obtenir la CMUC sur déclaration sur l’honneur. Mais nous pourrions aller plus loin encore, obligeant les organismes de sécurité sociale à demander des pièces justificatives, sauf en cas de force majeure.

Qu’envisage le Gouvernement pour rendre plus accessible l’ACS, l’aide à la complémentaire santé ?

La question des effets de seuil et des trappes à inactivité n’est pas résolue, même si elle est mieux connue, notamment grâce aux travaux menés par Mme Létard. Les dispositifs locaux d’aide sociale sont divers – on en a dénombré 250 différents dans dix localités – et de générosité très variable, puisqu’ils peuvent majorer les transferts nationaux de 6 à plus de 60 %. Ne conviendrait-il pas de répertorier ces aides ?

Une réflexion est à mener sur les conditions de prise en compte du patrimoine, et en particulier du logement, pour l’évaluation des ressources. Le système du forfait logement peut en effet conduire à des situations abusives. Enfin, Marseille fait partie des zones d’expérimentation du RSA et je souhaiterais en savoir davantage sur ce dispositif.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles pour la handicap et la dépendance – Les crédits handicap et dépendance sont pour l’essentiel dévolus aux versement de l’AAH pour 5,7 milliards et à l’incitation à l’insertion professionnelle des handicapés dans une entreprise ou une société de services d’aides par le travail pour 2,7 millards, le financement de l’action de compensation du handicap empruntant essentiellement les canaux de la CNSA et des compléments départementaux.

La revalorisation de l’AAH sera cette année de 1,1 %. Je souhaite savoir comment le Gouvernement entend parvenir à l’engagement présidentiel d’une augmentation de 25% des ressources.

Mon propos, cette année, porte sur la maladie d’Alzheimer, dont la France est, semble-t-il, le seul pays à avoir pris la mesure. Les deux derniers plans de 2001 et 2003 n’ont pas suffisamment pris en compte la détresse des aidants, souvent touchés par la dépression. Comment le Gouvernement entend-il permettre un diagnostic plus rapide de la maladie et un accompagnement immédiat du malade et de ses proches ? Des actions d’information et de formation des aidants seront-elles mises en place ? Quelles sont les propositions du Gouvernement pour améliorer la prise en charge à domicile ? Y aura-t-il un fléchage des crédits, issus notamment des franchises, destinés aux structures d’accueil ? Actuellement, deux tiers, voire trois quarts des lits des EPAHD sont occupés par des personnes atteintes de dégénérescence cérébrale. Quels sont donc les efforts que l’État consentira afin de permettre une meilleure formation des personnels et un environnement adapté à ces pathologies ?

Les experts contestent l’efficacité des quatre molécules utilisées actuellement. L’espoir se fonde donc sur la recherche. Sans progrès concernant le traitement et la prévention de la maladie d’Alzheimer, 1,3 millions de personnes seront atteintes en 2020. Quels sont les projets du Gouvernement en la matière ? Ne faut-il pas un effort européen ?

Enfin, cette maladie repose la question de la création d’un cinquième risque. Où en est la réflexion du Gouvernement dans ce domaine ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Monsieur Binetruy, Je suis favorable à la mesure concernant les correspondants du défenseur des enfants. Peu coûteuse, elle pourrait être instituée grâce à une proposition ou un projet de loi.

Madame Boyer, même s’il n’est pas exempt de critiques, le forfait logement a fait des progrès. Les montants pour l’API et le RMI sont désormais unifiés. Une réforme d’ensemble aurait des conséquences importantes pour de nombreux allocataires, et il convient donc d’examiner cette question avec M. Hirsch et Mme Boutin. S’agissant des fraudes, la procédure « train de vie » permettra de sanctionner les comportements les plus abusifs – je pense notamment aux occupants de logements fastueux ou aux propriétaires de résidences secondaires. Plus généralement, nous avons réfléchi au renforcement du pouvoir de contrôle et de sanction des administrations, au croisement des fichiers et à la mise en place d’un fichier national des allocataires de la CNAF.

J’ai par ailleurs demandé au directeur général de la CNAF que les contrôles relatifs à l’allocation de parent isolé soient faits de façon inopinée et non plus en avertissant les allocataires à l’avance.

Mais il faut aller plus loin. Au-delà de la Délégation nationale de lutte contre les fraudes voulue par le Président de la République, il faut en particulier décliner le comité de lutte contre les fraudes sur tout le territoire et en faisant en sorte que les agents des caisses primaires, des caisses d’allocation familiales et des centres des impôts se parlent et travaillent ensemble. En la matière, les méthodes de travail sont le ressort essentiel d’une action efficace. Je sais qu’il y a beaucoup à faire car j’ai bien vu, lorsque j’étais ministre de la santé et que je me suis engagé dans la lutte contre la fraude, que je ne m’attaquais en fait qu’à la partie visible de l’iceberg. Pourtant, si l’on veut renforcer la confiance des citoyens dans notre modèle social, il faut faire en sorte que les fraudes reculent et que ceux qui fraudent prennent conscience que la volonté politique mais aussi les outils juridiques et informatiques font qu’il ne leur est désormais plus possible de pratiquer comme par le passé.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports En effet, Monsieur Binetruy, les crédits pour 2007 de l’aide médicale d’État étaient insuffisants, c’est pourquoi j’ai demandé une inscription complémentaire au collectif budgétaire. La réponse dépendra de l’équilibre général du budget 2007.

Vous l’avez souligné, un effort important est fait avec 920 millions remboursés à l’assurance maladie et une augmentation de 180 millions de la dotation qui nous rapproche de la réalité. En 2008, le rebasage de la dotation budgétaire s’accompagnera de mesures de rationalisation du coût de la prestation. Plusieurs mesures législatives et réglementaires renforceront le contrôle de l’efficience des dépenses. Il est en particulier prévu, dans le PLF et dans le PLFSS, d’aligner les droits et les devoirs des bénéficiaires de l’AME sur le droit commun ainsi que de mieux contrôler et gérer l’ouverture du dispositif. Dans le PLF il s’agit de ne pas prendre en charge les médicaments en cas de refus du bénéficiaire de l’AME d’accepter la substitution d’un produit générique. Dans le PLFSS, le contrôle médical est étendu aux bénéficiaires de l’AME. Des mesures de gestion sont destinées à renforcer le contrôle de l’accès au bénéfice de l’AME et la lutte contre la fraude. Il sera ainsi établi en 2008 un titre non photocopiable et comportant la photographie de chaque bénéficiaire. Nous entendons également promouvoir une harmonisation des pratiques de contrôle des caisses, notamment sur les ressources et sur les adresses. Mes services étudient actuellement une mesure réglementaire instaurant une participation des bénéficiaires à leurs dépenses de soins, sous la forme proportionnelle d’un ticket modérateur ou sous une forme forfaitaire.

Valérie Boyer m’a interrogée sur les abus en matière de couverture maladie universelle complémentaire. À ce jour aucun élément ne permet d’affirmer que la fraude atteint un niveau significatif : le nombre des bénéficiaires est largement inférieur aux prévisions et le niveau moyen des dépenses est conforme à ce que l’on pouvait attendre. Le risque de fraude est moindre parce qu’il s’agit d’une prestation en nature.

Pour autant, le Gouvernement ne saurait admettre aucune utilisation frauduleuse du dispositif. Les outils de lutte contre la fraude ont été renforcés. Une amende était prévue dès l’origine, ainsi que des échanges d’informations entre certains organismes. Ces derniers ont été élargis à l’administration fiscale et à d’autres organismes de sécurité sociale, ainsi que, dans le PLFSS 2008, aux établissements bancaires. Depuis la loi de financement de 2006, les organismes de sécurité sociale ont l’obligation de déposer plainte avec constitution de partie civile quand la fraude est supérieure à trois fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Le PLFSS 2008 étend le régime de pénalités en cas de responsabilité des assurés dans l’octroi indu de la prestation. Je vous tiendrai informés des résultats de l’expérimentation de croisement de fichiers qui est conduite actuellement.

Vous m’avez également interrogée sur la possibilité d’un alignement de la période de référence de la CMUC sur celle de l’impôt sur le revenu. Il est vrai que le décalage entre les déclarations rend difficile le contrôle des ressources. Toutefois, les échanges d’informations avec la Direction générale des impôts permettent aux caisses d’assurance maladie de déceler les incohérences. Une modification de la période de référence est à l’étude pour améliorer l’efficacité des contrôles. Toutefois, les différences entre les ressources prises en compte font que, même en harmonisant les périodes de référence, les caisses ne seraient pas en mesure de contrôler l’ensemble des ressources déclarées ou non par les bénéficiaires de la CMUC. Pour ces raisons, un peu de temps est nécessaire pour mener une étude plus approfondie.

S’agissant de la déclaration sur l’honneur, je rappelle que la disposition relative aux pièces justificatives introduite en loi de financement pour 2006 vise à donner toute latitude aux caisses pour demander l’ensemble des justificatifs nécessaires à l’examen des droits à une prestation. Cette disposition se combine avec celle préexistante qui prévoit la possibilité d’une déclaration sur l’honneur du demandeur qui ne dépasse pas le plafond de ressources lorsqu’il n’est pas susceptible de fournir les éléments justificatifs de ses revenus. Une circulaire rappellera aux caisses qu’elles doivent demander tous les justificatifs requis, mais sans refuser pour autant la fourniture exceptionnelle d’une déclaration sur l’honneur.

En ce qui concerne l’amélioration de l’aide à la complémentaire santé, je rappelle que cette aide a déjà été relevée en 2006 de 33 % pour les moins de soixante ans et de 60 % pour les soixante ans et plus. Le plafond de ressources a également été relevé en 2007. Mais tout ceci n’a pas entraîné une augmentation de l’attraction du dispositif comme certains avaient pu le penser. Selon des enquêtes, l’absence de demande d’aide tient davantage au manque d’information et à une mauvaise compréhension du système qu’à un niveau d’aide insuffisant. Des actions de communication émanant des caisses sont en cours afin de mieux informer le public susceptible d’être éligible. L’élargissement de l’accès à l’ACS paraît indispensable mais il est nécessaire préalablement d’améliorer l’information des bénéficiaires potentiels. Ce n’est qu’après avoir fait le bilan de telles actions que l’on pourra procéder à cet élargissement.

Mme Poletti m’a interrogée, concernant la maladie d’Alzheimer, sur les aidants et sur la recherche. Je ne répondrai bien évidemment que pour ce qui concerne le pôle santé. La présentation, dans quelques jours, du rapport de Joël Ménard permettra d’aller plus loin mais le Président de la République s’est déjà fait l’écho du rapport d’étape. La formation des intervenants et des aidants sera une des orientations du plan. L’amélioration importante du crédit impôt recherche profitera à l’industrie pharmaceutique qui porte les programmes sur les médicaments. J’ai également demandé qu’une part importante des programmes hospitaliers de recherche clinique soit consacrée à la maladie d’Alzheimer. Enfin, à l’occasion de la présidence française de l’Union, je présiderai le Conseil santé et je souhaite à cette occasion faire de la recherche sur cette maladie un des axes forts de notre présidence.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – Quand un hebdomadaire reconnu chiffre la fraude à 30 milliards, le moins que le Gouvernement et le Parlement puissent faire c’est de ne pas laisser l’opinion publique sans réponse. Je souhaite donc que nous nous emparions véritablement de ce sujet.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Je veux tout d’abord rappeler mon attachement à la loi sur le droit au logement opposable : j’avais déposé, comme députée, une proposition de loi à ce propos et, lorsqu’elle a été reprise par le Gouvernement, j’en ai été la rapporteure en séance publique. Je ne pensais toutefois pas alors que j’aurais moi-même à mettre en œuvre cette loi difficile. Mais ma détermination est absolue.

J’ai déjà dit à quel point il était difficile de respecter le calendrier et j’y reviendrai la semaine prochaine lors de la commission élargie consacrée plus spécifiquement au logement. Je puis toutefois vous dire dès maintenant que le calendrier est parfaitement respecté et qu’il continuera à l’être. En particulier, les commissions départementales de médiation seront effectivement instituées le 1er janvier prochain. On avait pourtant dit que ce serait impossible mais j’ai pu obtenir le budget nécessaire et même, ce qui n’est pas courant dans le contexte actuel, des créations de postes.

Un certain nombre d’associations que je respecte et avec lesquelles je travaille depuis des années pensent que seule une augmentation des crédits peut permettre d’aller de l’avant. Pour ma part, je considère que la principale difficulté tient à la construction et qu’il faut donc en premier lieu que nous disposions du foncier nécessaire. Les objectifs d’hébergement fixés par le PARSA seront atteints fin décembre, mais on peut bien sûr se demander si cela sera suffisant. En tout cas, la ministre ne demande pas de moyens supplémentaires.

Un retard a, en revanche, été pris en ce qui concerne les maisons relais qui permettent une réadaptation à la vie sociale et qui visent à faire retrouver tous les aspects de la citoyenneté à des personnes en très grande exclusion. Ce concept intéressant répond à un véritable besoin mais il demande plus de temps que les autres. Nous avons pu réaliser la moitié de ce qui avait été demandé et l’autre moitié le sera l’an prochain. Avec des crédits en augmentation de 55,2 %, nous disposons des moyens de rattraper notre retard.

La participation de l’État aux frais de fonctionnement est passée de 8 à 12 puis à 16 euros pour les nouvelles créations. Certains se demandent pourquoi on ne fait pas bénéficier tout le monde de 16 euros, c’est tout simplement parce que les maisons qui sont déjà installées n’ont pas les mêmes besoins que les nouvelles créations. Mais les préfets se verront attribués une dotation globale qu’il leur reviendra d’adapter en fonction des besoins.

S’agissant de la nécessité de mobiliser le parc privé pour répondre aux besoins d’hébergement, à l’occasion de la décentralisation du ministère à Lyon, nous avons rassemblé l’ensemble des partenaires et des accords ont déjà été signés ou sont en voie de l’être pour réserver 4 000 logements dans le parc privé et 3 000 HLM.

Nous réfléchissons à des aménagements fiscaux qui pourraient figurer dans la loi de règlement afin d’aider les associations à trouver des propriétaires qui accepteraient de sous-louer à des loyers sociaux. À coté des problèmes d’hébergement et d’hébergement d’urgence, le plus grave est certainement le manque de fluidité dans l’ensemble de la chaîne du logement.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – Je répond d’abord aux questions de M. Binetruy. S’agissant du financement du forfait d’auxiliaires de vie auquel la prestation de compensation du handicap se substitue depuis la loi de 2005, les 15 millions inscrits en loi de finances initiale pour 2008 contre 55 millions en 2007 suffiront. En effet, ces forfaits concernaient les personnes les plus handicapées et ce sont les premières qui devraient basculer vers la PCH. Il m’a interrogée ensuite sur les moyens d’accompagner vers l’emploi les personnes handicapées, qui ont un taux de chômage deux fois supérieur à la moyenne. Un premier obstacle est l’accessibilité des locaux. Nous travaillons avec l’AGEFIPH et le FIPHFP à élargir les modalités de financement de travaux d’accessibilité en les conditionnant au recrutement de personnes handicapées. Un second obstacle tient à l’accès à la formation initiale. Pour la rentrée 2008, 2 700 postes supplémentaires d’auxiliaires de vie et 1 250 nouvelles places de services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) seront créés afin de soutenir l’intégration des enfants handicapés à l’école ordinaire. Par contrat signé avec Mme Pécresse, il est prévu 1 000 inscriptions d’étudiants handicapés à l’université. S’agissant de l’accès des travailleurs handicapés à la formation professionnelle continue, nous souhaitons conclure un partenariat avec les régions, l’AFP, les organismes collecteurs, l’AGEFIPH et le FIPHFP. Enfin 1 000 places seront consacrées à des projets expérimentaux d’ESAT « hors les murs » afin de créer des passerelles entre milieu de travail adapté et milieu de travail ordinaire. S’agissant de l’insertion des bénéficiaires de l’AAH, une expérimentation a été mise en place à la suite de l’audit de modernisation mené auprès de 4 000 bénéficiaires, afin d’offrir aux personnes concernées un bilan d’employabilité et un soutien renforcé à la recherche d’emploi. Le Gouvernement souhaite approfondir cette démarche dans le cadre d’un groupe de travail spécifique mis en place au sein du comité de suivi de la réforme de la politique du handicap créé le 23 octobre dernier et dont le propositions sont attendues pour la fin du premier semestre 2008.

Mme Poletti m’a interrogée sur la revalorisation de l’AAH. Le Président de la République a pris l’engagement de le faire sur cinq ans. Mais il est nécessaire d’avoir une approche plus globale des ressources des personnes handicapées : l’AAH n’en est qu’un élément à côté des ressources d’activité et des droits connexes. Nous ferons des propositions dans le cadre du comité de suivi afin qu’une revalorisation de l’AAH ne décourage pas ceux qui peuvent reprendre un emploi. Nous voulons également mener cette réflexion avec les conseils généraux et les associations et un groupe de travail sera constitué, qui établira un bilan en 2008.

La prise en charge des personnes âgées dépendantes et des malades d’Alzheimer est le chantier prioritaire du Président de la République. Un effort important est consenti en faveur des personnes âgées dépendantes dans le PLFSS, avec la création en 2008 de 1 600 places dans les EHPAD et 3 200 places d’accueil de jour et d’hébergement. S’agissant de l’accueil de jour, il y a quelques difficultés pour créer effectivement toutes les places programmées. Nous avons pris plusieurs mesures afin de les résoudre. Une première difficulté est liée aux modalités de médicalisation et de tarification des prestations de soins dans les établissements de moins de 25 places autorisées, dont les accueils de jour autonomes. Elle a été levée par le décret du 10 février 2005 qui fournit à ces petites structures un budget prévisionnel pour les dépenses prises en charge par l’assurance maladie. D’autre part, dans les accueils de jour autonomes, le forfait soins des rémunérations des aides soignants est élargi à 70 %. Enfin, les décrets des 30 avril 2007 et 11 mai 2007 instituent un forfait transport pris en charge par l’assurance-maladie entre le domicile des patients et l’accueil de jour. Pour 2007 le montant plafond du forfait transport est fixé à 3 000 euros par place autorisée par an. Le PLFSS 2008 finance également le transport des malades atteints d’Alzheimer vers les accueils de jour.

En ce qui concerne l’hébergement temporaire, il est prévu pour la période 2008-2012 5 625 places pour un coût de 60 millions. Concernant la formation des aidants familiaux des personnes atteintes d’une maladie d’Alzheimer, des associations ont commencé à organiser des cycles de formation. Un appel à projet conjoint de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, de la délégation interministérielle à l’innovation sociale et à l’économie sociale, de la délégation interministérielle à la famille et de la direction générale de l’action sociale a été lancé en janvier 2007 pour susciter des actions de sensibilisation, de soutien et de formation pour ces aidants. D’autre part, des formations sur les principales pathologies liées à la dépendance sont organisées pour les professionnels.

S’agissant du cinquième risque, le Président de la République a fixé le 18 septembre le cadre de la réforme. La perte d’autonomie est un enjeu essentiel des années à venir ; entre 2005 et 2015 le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans passera de un à deux millions. Cette réforme crée un nouveau droit de la protection sociale et un droit universel à compensation. Elle repose sur la solidarité et la responsabilité. Les quatre objectifs sont de mieux prendre en charge la perte d’autonomie pour garantir le libre choix entre le maintien à domicile et le départ en établissement, de maîtriser le reste à charge pour les personnes âgées en maison de retraite, de nous interroger sur l’équilibre entre solidarité nationale et prévoyance individuelle et collective et d’amortir le financement de la dépendance dans la durée. Suite au rapport rendu hier par la CNSA, nous allons lancer la concertation avec tous les acteurs.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté – Le RSA entre dans sa phase opérationnelle. La loi a été promulguée il y a deux mois et demi et depuis lors, tous les textes réglementaires ont été pris et l’informatique a été mise en place dans les CAF afin de se mettre au travail. Il est en effet important que tous se mobilisent puisque nous savons qu’il va falloir modifier les règles du jeu : plus il y aura de participants, mieux ce sera. L’expérimentation a commencé dans l’Eure, dans la zone de Louviers, avec 120 passages au RSA, soit 82 reprises d’activité, 26 prolongements d’activité et plusieurs passages d’un temps partiel à un temps complet. Il s’agit donc bien d’une dynamique de retour à l’emploi et nous espérons qu’il en ira de même ailleurs.

Un certain nombre de départements commenceront l’expérimentation en novembre, d’autres en décembre et nous allons voir s’il est possible d’élargir la liste afin que d’autres commencent en janvier. L’État a pris des engagements clairs sur sa participation à hauteur de 50 % et j’ai écrit à chacun des présidents de conseil général concernés pour le lui confirmer. Cependant ce sont bien les conseils généraux qui prennent l’initiative. Sur les dix-sept départements qui avaient manifesté avant le vote de la loi leur intention de mettre en place cette expérimentation, tous l’ont confirmée et ont obtenu l’autorisation de s’y engager. D’autres pouvaient se manifester jusqu’au 31 octobre : vingt à vingt-cinq l’ont fait et quelques-uns ont demandé des possibilités de dérogation aux contrats aidés. Il y a donc plus de départements volontaires que prévu.

J’ai demandé au Premier ministre son accord pour élargir la liste des départements pouvant expérimenter et compléter les crédits de 25 millions d’euros, sur la base d’une évaluation partagée et avec une clause de revoyure. L’État prendra également en charge une partie des frais liés à l’embauche de Rmistes convaincus de l’intérêt du retour au travail et qui pourront mener une action de sensibilisation.

Nous travaillons aussi à la réforme à venir des minima sociaux. Nous avons discuté avec l’ensemble des partenaires sociaux sans exception, de la CGT au MEDEF en passant par la FNSEA. Ils sont partants pour mettre en place le RSA avec nous. C’est très important, car nous voulons apporter une réponse à ceux qui veulent reprendre le travail mais également aux employeurs qui disent que personne ne répond à leurs annonces d’offres d’emploi. Nos principes sont simples. D’abord les prestations sociales ne doivent pas être un substitut au travail, sauf quand il est impossible, mais lui apporter un complément.

Il y a là un changement fondamental par rapport à la philosophie qui sous-tendait le RMI et la prime pour l’emploi.

Par ailleurs, nous essayons de mettre de l’ordre, de la logique et de la cohérence dans les multiples prestations auxquelles personne, et je dis bien personne, ne comprend plus rien. Pour cela, nous partons du principe que les aides allouées en complément du revenu en fonction de la situation familiale et de la situation professionnelle doivent être fondues en une seule. Cela ne dispense pas du « sur mesure », car la situation n’est pas la même selon que l’on trouve un travail à sa porte ou à 40 kilomètres de chez soi, que l’on est surendetté ou qu’on ne l’est pas, que l’on doive ou non faire garder un enfant pour pouvoir accepter un emploi. Enfin, il faut toujours garder à l’esprit que les personnes en grande difficulté sont toujours confrontées à plusieurs problèmes conjugués – logement, transport, habitat…. Si les politiques publiques sont à ce point cloisonnées que l’on règle admirablement un de ces problèmes mais pas les autres, on ne parviendra à rien.

Dans certains départements, il peut s’être écoulé cinq années sans que rien n’ait été proposé à un RMiste (exclamations). Mais ces départements font partie des volontaires pour les expérimentations, car ils veulent que cela change ! Au moment de faire signer un contrat, on observe d’ailleurs qu’un déclic se produit lorsque les personnes concernées admettent, parce qu’on le leur démontre, qu’elles ne vont pas perdre au change et qu’on ne les considère pas comme des naufragés mais comme de futurs employés.

Pour progresser, nous travaillons bien sûr de conserve, car rien ne serait moins constructif que de mettre trois mois pour mettre au point un contrat d’insertion. J’ai été frappé de constater le très grand nombre de RMistes qui devraient avoir la CMU et qui ne l’ont pas (Mme Martine Billard marque son approbation). Dans l’Eure, le premier département où le dispositif est en voie d’expérimentation, ce n’est plus le cas. Pourquoi ? Parce que nous avons fait travailler ensemble CAF et CPAM, sans compter l’ANPE et d’autres acteurs.

Les 23 et 24 novembre prochains aura lieu à Grenoble un colloque sur l’insertion qui traitera de l’expérimentation sociale. Il s’agit, chacun l’aura compris, de préparer une sorte de « Grenelle de l’insertion » pour éviter qu’en 2008, vingt ans après la création du RMI, on en soit encore à se demander où est le « I », où est l’insertion... Les questions qui se posent sont multiples. Il faut en effet définir ce qu’est être éloigné de l’emploi, à qui il faut offrir un soutien transitoire, pour qui l’on peut envisager un emploi durable, quelle est la logique des droits et des devoirs, où est le centre de gravité de l’insertion – l’État, les régions, les départements, les communes ? Il faut aussi parvenir à mesurer la performance, car il n’est plus tolérable de dénombrer quatre retours à l’emploi en tout et pour tout après qu’un département a versé une subvention de 500 000 euros pour favoriser l’insertion. Telles sont les questions qui seront abordées au cours de ce colloque. Ensuite, d’autres réunions auront lieu, où vous le souhaitez, et cette réflexion protéiforme permettra d’élaborer la réforme des minima sociaux et des contrats aidés, en s’appuyant sur une plus forte implication des employeurs.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – J’appelle les questions des représentants des groupes.

M. Guénhaël Huet – Le groupe UMP tient à souligner que ce budget est à la fois un budget de solidarité et un budget de responsabilité. L’augmentation globale des sept programmes concernés est de 3,5 %, cette hausse significative traduisant l’important effort voulu par le Gouvernement en faveur de la solidarité, de l’insertion et de l’égalité des chances. J’aimerais savoir quelle est la ventilation exacte des augmentations, notamment pour ce qui concerne la lutte contre la pauvreté. Toutefois cette implication marquée de la puissance publique suppose, en parallèle, la responsabilisation de ceux qui bénéficient de ces dispositifs, donc des contrôles suivis de sanctions en cas d’abus et de fraude. A cet égard, le croisement des fichiers est-il possible ?

J’aimerais enfin savoir comment ont été prises en comptes, lors de l’élaboration de ce budget, les conclusions des différents audits réalisés au cours des dernières années sur les minima sociaux.

M. Christophe Sirugue – Je prends la parole au nom du groupe socialiste. Mes questions porteront sur l’hébergement d’urgence, le RSA et la CMU.

S’agissant de l’hébergement d’urgence, le projet de loi de finances annonce une augmentation des crédits de 8,5%. Mais, si l’on tient compte des financements décidés en 2007 qui ont permis la mise en œuvre du PARSA ainsi que des crédits débloqués pour le volet immobilier, la réalité est plutôt une baisse de 3 % des crédits qu’une augmentation de 8,5 % ! Qu’en est-il exactement ? De même, le nombre de créations de places dans les CHRS semble moindre que prévu initialement alors que, comme nul ne l’ignore, la situation demanderait à être grandement améliorée.

De plus, les transformations de places annoncées et les places de stabilisation n’apparaissent pas davantage dans le projet qui nous est présenté. Madame le ministre a fait état des maisons relais et d’un prix de journée porté à 16 euros, mais, là encore, un rééchelonnement du budget nécessaire semble déjà programmé. Où en est-on véritablement ? S’agissant de l’hébergement d’urgence, on a le sentiment d’un sous-dimensionnement budgétaire qui appelle des précisions ; ou serait-ce que les priorités affichées ont changé ?

Pour ce qui est des outils d’insertion et des contrats aidés, d’autres questions se posent, les crédits connaissant une réduction significative. Cela signifie-t-il que le nombre des contrats aidés baissera en 2008 ? Si tel est le cas, comment les structures d’insertion pourront-elles poursuivre leurs tâches ? Incidemment, que se passera-t-il à l’Éducation nationale ?

M. Hirsch a traité du RSA et d’un prochain « Grenelle de l’insertion » mais, à la lecture du rapport Lambert, on peut s’interroger pour savoir ce qu’il en sera dans les faits.

Pour ce qui concerne la CMU, personne ne conteste la nécessité de lutter contre les abus, et chacun le fait. Cela ne justifie en rien un certain discours culpabilisateur et je me félicite que madame la ministre ait tempéré par sa réponse la curieuse question qui lui a été posée à propos des bénéficiaires de la CMU. Le groupe socialiste considère qu’une politique sociale ne peut être fondée sur la lutte contre la fraude.

Sur un autre plan, l’article 49 du projet nous inquiète, car le dispositif qu’il prévoit peut conduire à l’exclusion d’un très grand nombre de bénéficiaires de la CMU. On se rappellera pourtant les propos tenus par M. Xavier Bertrand, alors ministre délégué pour la sécurité sociale, selon lesquels la prise en compte des enfants, pour la CMU, devait être faite avec rigueur. Comment concilier ces propos avec le dispositif prévu à l’article 49, qui pourrait conduire à l’exclusion de plus de 20 000 bénéficiaires de la CMU, principalement des familles avec enfants ?

Étant donné ces multiples ambiguïtés, on ne peut que s’interroger sur la volonté réelle du Gouvernement sur tous ces sujets.

Mme Martine Billard – Les crédits pour l’accès à la protection maladie complémentaire ont baissé. Certes, toutes les personnes qui pourraient en bénéficier ne font pas les démarches nécessaires, mais prévoir d’ores et déjà une baisse, n’est-ce pas avant tout baisser les bras ? Je remercie M. le Haut-commissaire d’avoir souligné que certaines personnes, compte tenu de leurs moyens, manquent de très peu l’accès à la CMU. Ce serait-là une bataille à mener plutôt que de se focaliser sur la lutte contre la fraude.

Le décret de février 2007 réduit à un an au lieu de quatre le maintien de la couverture médicale gratuite découlant d’une activité salariée. Cette modification vise à lutter contre les personnes quittant la France et continuant de bénéficier de ces dispositifs mais, par ricochet, il s’exerce aussi contre des salariés précaires, des divorcés sans activité professionnelle ou des veuves sans retraite ou pension de réversion. Un rattrapage est-il possible pour ces catégories ?

Plutôt que de diminuer les crédits inscrits à l’action « Accès à la protection complémentaire », une meilleure gestion du forfait logement en faveur de ceux qui en ont le plus besoin serait judicieuse.

De nombreuses familles en situation régulière sont logées dans des hôtels en Île-de-France. En attendant un programme de constructions, la loi de réquisition peut-elle être utilisée ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – Une question d’actualité a été posée cet après-midi sur le pouvoir d’achat. Cette année, l’État providence français dépassera la Suède avec plus de 700 milliards de dépenses sociales. Selon une étude du CERC, la France a privilégié pendant ces vingt dernières années le salaire indirect sur le salaire direct. N’est-ce pas là une vraie question ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Il faut prendre garde aux comparaisons et, en l’occurrence, raisonner proportionnellement aux richesses des deux pays.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Je remercie M. Méhaignerie pour son intervention. Je demeure quant à moi très attachée au modèle social français.

Je note que nombre de questions ont porté sur la fraude, certains m’accusant d’être trop rigoureuse et d’autres trop laxistes. Ma position doit donc être équilibrée car je refuse angélisme et stigmatisation. Toute révélation d’une fraude, chez les familles modestes, peut avoir des effets dévastateurs et entraîner une remise en cause des indispensables mécanismes de solidarité.

Je participe à l’action interministérielle présidée par M. Woerth visant à lutter contre la fraude. Mme Boyer m’a demandé si on pouvait y associer les parlementaires mais, selon moi, la proposition de M. Méhaignerie visant à mener une réflexion à l'Assemblée nationale permettrait de maintenir une claire séparation des pouvoirs. Rien n’empêche en revanche les parlementaires de s’associer à toutes les expérimentations qui ont lieu sur le terrain.

Pour l’AME : le titre d’admission sera non photocopiable, les pratiques de contrôle des caisses seront harmonisées, les fichiers de rejet de demande seront communiqués à tous les organismes. Pour la CMU, des échanges auront lieu avec l’administration fiscale et les pénalités applicables aux assurés responsables dans l’octroi d’une prestation au bénéficiaire de la CMUC seront étendues.

Le financement par l’État du fonds CMU a baissé, mais les autres recettes ont augmenté, notamment le produit de la contribution due par les organismes de protection complémentaire sur leur chiffre d’affaires santé, la contribution sur les alcools de plus de 25° ou les droits sur le tabac.

L’article 49 concerne la simplification des règles de prise en compte des aides personnelles au logement dans les ressources des demandeurs de CMUC. Elles sont en effet prises en charge à concurrence d’un forfait déterminé mensuellement par rapport au RMI et qui varie en fonction de la composition du foyer. Ce forfait est actuellement calculé selon des règles différentes selon qu’il s’agit d’une première demande de bénéfice de la CMUC ou d’un renouvellement.

Ces règles sont toutefois d’un maniement très complexe pour les caisses d’assurance maladie complémentaire. La mesure proposée vise donc à les unifier pour tous les demandeurs en leur appliquant les pourcentages prévus dans la règlementation du RMI et en retenant une définition du foyer unique qui est celle de la réglementation de la CMUC. Cette mesure mettra fin à une différence de traitement entre les primo demandeurs et les demandeurs d’un renouvellement de droit ; elle allègera en outre la gestion des dossiers de demandes de CMUC en permettant une accélération de la procédure d’instruction.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Monsieur Sirugue, non seulement notre ambition n’a pas changé, mais elle est peut être plus forte qu’il y a six mois !

Les crédits de l’hébergement d’urgence augmentent. Notre objectif est de diminuer les places d’urgence au profit de places de stabilisation. Le PLF pour 2008 prévoit bien la réalisation de 6 000 places. Les crédits sont en outre fongibles sur l’ensemble du programme et des ajustements sont possibles. Ainsi 10 000 places d’hébergement d’urgence seront transformées en 6 000 places de stabilisation et 4 000 en CHRS. En outre, 2 500 places hivernales seront transformées en places d’hébergement à l’année. Le PLF prévoit enfin 3 000 places supplémentaires, selon les besoins, pour la période des grands froids. Les dépenses CHRS étant juridiquement obligatoires, les besoins seront financés.

Une partie des maisons relais a été financée sur la base de 8 puis 12 euros, mais cette partie est moins importante que celle reposant sur un financement de 16 euros. Il sera toujours possible de procéder à une adaptation selon les besoins locaux.

Madame Billard, je n’exclus pas la possibilité d’utiliser la réquisition, la situation du logement étant catastrophique. Néanmoins, outre que ce n’est pas facile à mettre en œuvre, il faut savoir que Mme Lienemann et M. Périssol qui, eux, l’ont utilisée, n’ont ainsi relogé que 42 personnes. La réquisition ne répond donc pas à l’ampleur des problèmes qui se posent.

En ce qui concerne l’API, la hausse correspond à 200 millions de rebudgétisation, à 40 millions de hausse et à 90 millions d’économies, liées au contrôle.

L’audit de modernisation de l’API nous a conduits à travailler sur l’amélioration des contrôles : un article du PLFSS prévoit le droit de communication et d’information aux organismes de sécurité sociale. Xavier Bertrand a par ailleurs demandé au directeur général de la CNAF de développer les contrôles inopinés sur place et sur pièces.

Toutes les recommandations de l’audit de l’AAH ont été incluses dans le plan d’action. La grande majorité a été mise en œuvre. Nous avons mené un travail commun avec la CNSA sur l’information, la formation et le cadrage des pratiques.

S’agissant du retour à l’emploi, l’insertion professionnelle est un objectif inclus dans les conventions État ANPE et État AGEFIP ; le suivi des allocataires est effectué dans chaque plan départemental pour l’insertion des travailleurs handicapés ; des indicateurs LOLF sur la sortie vers l’emploi ont été créés ; une expérimentation pour évaluer l’employabilité est menée ; les allocations AAH sont rendues éligibles à tous les contrats aidés ; un dispositif d’intéressement pérenne a été mis en place ; Enfin, l’AAH est incluse dans le dispositif général de lutte contre la fraude.

La revue générale des politiques publiques reprendra la question de la gouvernance locale et un groupe de travail travaillera sur le fonctionnement des MDPH et le statut de leurs personnels.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire Monsieur Huet, en effet, les crédits de la mission 304 augmentent de 100 % (Sourires), ils iront directement – via les conseils généraux – dans les poches des allocataires. Par amendement, et si le Premier ministre en est d’accord, nous proposerons une hausse de ces crédits.

Madame Boyer, les Bouches-du-Rhône ont mis en place un barème qui leur est propre pour l’expérimentation du RSA, le dispositif prévu variant selon que les personnes travaillent moins de 10 heures, entre 10 et 30 heures, ou entre 30 et 35 heures. Nous évaluerons ce barème et sa possible extension.

Monsieur Sirugue, vous m’avez notamment interrogé sur le calendrier des expérimentations. Nous nous sommes engagés auprès des départements et des personnes concernées sur trois ans. Pour autant, cela n’interdit pas une généralisation précoce, car, dans bien des cas, cette expérimentation créera des iniquités entre les territoires et au sein même des territoires, entre ceux qui bénéficient du RSA et les travailleurs pauvres qui n’y ont pas droit.

Qui sera le chef de file du RSA ? Je suis demandeur de rendez-vous avec le bureau de l’ADF afin que nous en parlions.

Le budget des contrats aidés, c’est vrai, diminuera en 2008.

Mme Martine Billard – On le sait !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire – Parlons sans langue de bois et rappelons-nous que si les contrats aidés sont plus nombreux en période de hausse du chômage, leur nombre a aussi tendance à augmenter en période électorale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Bapt – Il a raison, voyez 2006 !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire – Depuis vingt-cinq ans qu’ils existent, on observe des stop-and-go permanents. C’est la raison pour laquelle il faut redéfinir les contrats aidés et réfléchir à un contrat unique d’insertion, afin de repartir sur des bases nouvelles.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Cette procédure me permet, sans être membre de cette commission, de m’exprimer sur un sujet qui me tient à cœur. Tordons enfin le cou à l’idée qu’il existe d’un côté ceux qui assistent les personnes, et ceux qui les aident à s’insérer dans la vie professionnelle ! Bien avant le RSA, les conseils généraux ont mené des politiques d’insertion : ne cassez pas les outils existants, comme les contrats aidés ou les chantiers d’insertion. La suppression de l’obligation réglementaire faite il y a deux ans de consacrer une partie du RMI à l’insertion porte également un coup à ces politiques.

Aucun de nous ne se satisfait de l’assistanat : notre objectif à tous est d’amener les gens vers le travail et la dignité qu’il confère.

Mme Pascale Crozon – Très bien !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont – Les politiques d’insertion relèvent des départements ; c’est là leur mission essentielle. Pour autant, les limites du possible sont atteintes. Comme le disait le président du Sénat au congrès de l’ADF, si l’on continue ainsi, on va dans le mur ! Entre 2005 et 2006, la dépense nette d’action sociale des départements a progressé de 7 % et les marges de manœuvre continuent de s’amenuiser.

En 2001, l’APA était prise en charge à parts égales par les départements et l’État. La part des conseils généraux est aujourd’hui de 68 % ; et l’on trouve encore à les stigmatiser lorsqu’ils augmentent la fiscalité locale !

Le cinquième risque a été annoncé, notamment par le Président de la République. On parle maintenant d’une cinquième branche. La différence n’est pas uniquement sémantique ! Lorsque les personnes très dépendantes sont prises en charge en établissement, elles relèvent du sanitaire, et non plus du médico-social. Or il se trouve que, lorsqu’elles sont en EPAD, elles financent une partie de la construction de l’établissement et le personnel. Cela n’est pas normal et il faudra aller, à terme, vers une solidarité nationale.

Malgré une baisse du nombre des RMIstes, on constate que les montants des allocations augmentent, les plans moyens étant plus élevés. A cause des difficultés sociales, on constate aussi une explosion des montants de l’aide à l’enfance en danger.

Quelle ligne de partage tracez-vous donc entre la solidarité nationale et la solidarité locale ?

M. Yves Bur – La réforme de l’API est attendue depuis longtemps. Le rapport de l’IGAS a montré que 16 % des bénéficiaires déclarent ne pas vivre seuls et que 40 % reçoivent l’allocation au-delà de trois ans, grâce à l’arrivée d’un nouvel enfant. On dénombre 217 000 bénéficiaires en 2007, soit 5 % de plus qu’en 2006.

C’est l’exemple même de l’allocation qui provoque des comportements sociaux : si l’accès n’était pas aussi libre, les comportements seraient autres. Qui plus est, les efforts d’insertion vers l’emploi restent extrêmement limités. Je souhaite donc savoir si le Gouvernement a effectivement l’intention de rénover l’API, par exemple en reprenant la proposition de l’IGAS en vertu de laquelle, à défaut d’accepter l’insertion, on retournerait vers le RMI.

M. Jean-Marc Lefranc – Je souhaite interroger Mme Létard sur la situation des parents d’enfants atteints de maladie ou de handicap. Ces parents subissent en effet une triple angoisse : celle de l’évolution de la maladie ou du handicap, celle de l’insertion de leur enfant dans la société, celle de la façon dont il pourra subvenir à ses besoins après la disparition de ses parents.

Dans ce dernier cas, il existe deux possibilités de constituer un complément de ressources : la première est la rente survie par laquelle le père et la mère souscrivent à des contrats collectifs ou individuels assurant une rente à leur enfant à leur décès. Cette formule présente l’avantage de pouvoir être cumulée avec l’AAH.

La seconde solution est celle de l’épargne handicap constituée directement par la personne handicapée. Elle présente l’inconvénient d’être plafonnée à 1 830 euros par le code de la sécurité sociale alors qu’une étude portant sur 6 000 rentes montre que la rente moyenne est de 2 875 euros par an, réduite à due concurrence du montant de l’AAH. Il paraîtrait donc équitable de relever le plafond à 2 875 euros pour inciter à aller vers ce type de complément de ressources d’autant que la rente survie pénalise les fratries, les années de cotisations étant perdues en cas de décès de l’enfant handicapé avant le terme du contrat ou en cas d’interruption temporaire des versements.

Je n’ai pas déposé d’amendement à ce propos, car il s’agit d’une question réglementaire, mais je souhaite que le Gouvernement puisse prendre en compte cette demande des familles.

Mme Martine Carrillon-Couvreur – Je souhaite poser quelques questions sur le programme 157 « Handicap et dépendance ».

En ce qui concerne l’évaluation et l’orientation personnalisée des personnes handicapées qui sont intégrées à l’action 1, la question de la contribution de l’État au fonds départementaux pour la compensation n’est pas abordée alors que ce désengagement est un signal démobilisateur. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter des éclaircissement à ce propos.

La loi du 11 février 2005 a supprimé la barrière d’âge pour l’obtention de la prestation de compensation. En l’état, une fusion de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé - AEEH - et de la prestation de compensation du handicap – PCH – ne paraît pas acceptable et les associations nous ont fait part de leurs inquiétudes. L’accès d’un enfant à la PCH dépend d’un taux d’invalidité et de certains critères comme les charges effectives ou l’emploi des parents. Tout cela manque de clarté et j’aimerai que vous apportiez des précisions sur ce point.

Bien plus que d’une incitation à exercer une activité professionnelle, les personnes handicapées ont surtout besoin d’un accompagnement et d’une véritable politique de compensation du handicap leur permettant de surmonter les obstacles auxquels elles doivent faire face.

S’agissant des ESAT, on annonce la création de 2 000 places contre 3 000 en 2007 sans que l’on dispose d’un état effectif des créations. Qui plus est le coût de la place n’est pas revu et il reste trop rigide alors que les métiers évoluent et que la prise en charge s’en trouve alourdie.

La diminution des crédits destinés aux entreprises adaptées nous inquiète. Le coût moyen des subventions reste au même montant que l’année dernière. Surtout, on passe de 20 099 à 17 811 places et les crédits diminuent de 5 millions d’euros.

S’agissant enfin des ressources d’existence, le nombre des allocataires de l’AAH a tendance à diminuer tandis que le nombre des personnes de plus de soixante ans augmente. On ne peut que regretter que cela ne soit pas l’occasion de faire un effort important en faveur du montant de l’AAH.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État S’agissant du comité de suivi de la politique du handicap et de la gouvernance sur le territoire, je confirme que l’Assemblée des départements de France y sera associée, à tel point que l’on peut parler d’un co-pilotage avec l’État.

En ce qui concerne la participation de l’État au fonds de compensation, les engagements pris par l’État continueront à être tenus, mais, en 2008, cela se fera grâce à un versement par un fonds de concours, toujours à hauteur de 14 millions d’euros.

Pour ce qui est du droit d’option entre l’AEEH et la PCH, il paraît évident que l’on ne peut pas s’aligner sur la PCH des adultes dès lors qu’il s’agit d’enfants. Nous avons besoin de progresser dans l’évaluation de la PCH pour les enfants. Cette réflexion sera menée par le groupe de travail sur la compensation. Si le droit d’option est ouvert, c’est tout simplement pour que la famille et l’enfant puissent bénéficier de la prestation la plus avantageuse.

J’ai l’intention de tenir mon engagement d’une revalorisation de 2,5 % de l’AAH. Avant d’aller plus loin, il convient de s’assurer que cela ne risque pas de compromettre les ressources globales des personnes handicapées qui peuvent accéder à l’emploi. C’est bien parce que j’entends aller vers une vraie revalorisation du pouvoir d’achat de la personne handicapée que je veux m’intéresser à la question du revenu global.

S’agissant des ESAT, les 2 000 places créées cette année correspondent à la première phase d’un plan quinquennal de création. Le coût à la place de 11 698 euros est conforme au GVT. Avec les départs en retraite l’ancienneté diminue, de même que le GVT.

Les entreprises adaptées bénéficient de 244 millions d’euros au titre de l’aide au poste et de 42 millions au titre de subventions spécifiques. Même avec 19 625 postes, soit 387 de moins qu’en 2007, les crédits restent supérieurs aux postes réellement consommés. Un meilleur suivi permet de réallouer les postes non consommés aux nouvelles entreprises. En complément, 2 000 créations de places en ESAT sont prévues dont 1 000 hors les murs. C’est aussi la consommation constatée qui justifie la diminution de 5 millions d’euros des subventions spécifiques. L’objectif du plan de modernisation lancé en 2006 est d’accompagner les structures en difficulté ainsi que celles qui se développent.

La question abordée par M. Lefranc tient à cœur à toutes les familles concernées. Il faut en effet encourager et récompenser la prévoyance des personnes handicapées et des familles. Cette question pourra être traitée au sein du groupe de travail sur les ressources et sur l’emploi afin que des propositions globales puissent être faites lors de la première conférence nationale sur le handicap qui se tiendra en 2008. J’espère que le groupe de travail pourra répondre favorablement à votre demande.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire Le nombre des allocataires à l’API augmente assez naturellement car les familles monoparentales sont de plus en plus nombreuses. S’il y a en effet un problème avec cette allocation, il ne faut toutefois pas oublier que l’on parle de revenus extrêmement faibles, à tel point que ce sont parfois les travailleurs sociaux eux-mêmes qui encouragent certaines familles à poser une deuxième boite aux lettres pour toucher 440 euros de plus…

Manifestement, on ne plus en rester à ce système. C’est pourquoi j’ai tenu à ce que l’État expérimente des méthodes de retour à l’emploi non seulement pour le RMI mais aussi pour l’API, dont les bénéficiaires étaient par exemple exclus du dispositif des contrats aidés. Depuis qu’ils bénéficient du dispositif du retour à l’emploi, on sent un frémissement. C’est pour qu’il n’y est plus d’effet pervers que l’on va, dans le cadre du RSA, remplacer le RMI et l’API par un barème différent.

Madame Pérol-Dumont, je ne crois vraiment pas qu’il y ait une culture de l’assistanat dans les conseils généraux, qu’ils soient de gauche ou de droite, et encore moins chez les gens en difficulté. Si l’on a pu croire que j’avais redécouvert l’insertion, c’est que je me suis mal exprimé. Il n’est pas question de faire table rase, au contraire : rarement politique aura été autant construite à partir des expériences locales et des idées des conseils généraux. Nous essayons simplement de mener une évaluation rigoureuse pour savoir, parmi tous ces programmes différents, lesquels ont donné les meilleurs résultats et permis d’utiliser l’argent efficacement.

La question du rapport entre solidarité nationale et solidarité locale est, avec celle du rapport entre le RSA et les salaires, l’une des plus importantes que nous ayons à traiter cette année. On connaît les arguments de part et d’autre. L’État doit-il assurer la solidarité envers les territoires et les territoires assurer la solidarité envers les personnes ou l’État doit-il assurer également une solidarité envers les personnes dans le cadre de nouveaux dispositifs ? Nous aurons à débattre de cette question de fond avec les départements, laquelle rejoint d’ailleurs celle de l’éclatement des compétences.

Effectivement, si la moitié seulement des allocataires du RMI sont inscrits à l’ANPE, c’est aussi qu’on leur demande de ne pas s’y inscrire pour ne pas alourdir les statistiques. De ce fait, il n’est jamais question pour eux d’accompagnement professionnel. Cela est totalement inacceptable. De plus, les dépenses de formation sont mal réparties et profitent peu aux moins qualifiés et aux personnes les plus éloignées de l’emploi. Il y a un jeu compliqué entre l’État, l’ANPE, les régions et les départements. Il faut revoir le rôle de chacun ; redéfinir les prestations forcera à le faire.

Mme Catherine Coutelle – Je souhaite interroger M. Bertrand – ou peut-être Mme Létard – sur le sixième programme d’égalité entre les hommes et les femmes.

Notre groupe regrette qu’il n’y ait pas de ministère de l’égalité à part entière. Elle existe dans les mots, mais, pour atteindre l’égalité réelle, il reste beaucoup à faire. Je note par exemple qu’il n’y a pas de femme présidente de commission à l'Assemblée nationale. Cependant c’est sur le plan économique que la situation est la plus scandaleuse, avec la précarisation du travail féminin, le temps partiel non choisi, la difficulté d’accéder à des responsabilités et des écarts de salaire avec les hommes qui sont toujours de 15 à 25 %. Enfin, le problème des violences faites aux femmes a été rappelé récemment. Une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. Comptez-vous proposer une loi cadre à ce sujet ?

Améliorer la vie des femmes, c’est améliorer la vie de toute la société. Vous annoncez, dans ce domaine, cinq axes prioritaires, mais il me semble que le ministère se concentre sur deux axes : l’égalité professionnelle et la dignité de la femme.

S’agissant de l’égalité professionnelle, la loi relative à l’égalité salariale, votée en 2006, devrait entrer en application en 2010, mais il est difficile de dresser un bilan fin 2007. Dans les auditions conduites par la délégation aux droits des femmes, les partenaires sociaux qui devaient réaliser des diagnostics disent qu’ils sont démunis pour le faire. Il était prévu un accompagnement des PME. Demandent-elles à en bénéficier ?

L’articulation des temps de vie concerne les deux parents et pas seulement les femmes. Toutefois ce sont celles-ci qui, majoritairement, assument les tâches domestiques, l’éducation des enfants et les soins aux personnes âgées. Or nous n’avons pas su accompagner la révolution qu’ont provoquée l’entrée des femmes sur le marché du travail et une fécondité élevée. Cela est vrai pour la politique d’accueil de la petite enfance, en ce qui concerne les capacités, mais aussi les modalités d’accueil avec les horaires variables et le nombre accru de familles monoparentales. Cela est vrai également pour l’accueil des enfants de trois ans. Les collectivités locales s’inquiètent de la diminution des crédits des CAF pour les contrats locaux enfance. Quels moyens peut-on mobiliser ?

Favoriser l’emploi des femmes, leur accès à tous les métiers, une formation adaptée et l’égalité des salaires, c’est aussi mener une politique économique efficace. Quels moyens allez-vous consacrer pour assurer aux femmes une place normale sur le marché du travail ?

Il existe des bureaux du temps expérimentaux. En 2001, ils bénéficiaient des crédits de la DATAR dans le cadre du programme « Temps et Territoire » ainsi que d’aides européennes. Le financement de la DATAR a disparu. Comment favoriser une politique de l’articulation des temps de vie  et l’adaptation des services publics locaux ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ma question s’adresse à Mme la ministre du logement.

En janvier 2007, on annonçait 26 millions de crédits pour le PARSA. On n’en trouve pas trace dans le budget pour 2008. Où sont-ils ou comment va-t-on les y inscrire ?

Vous dites que la veille sociale progresse, mais les crédits sont stables pour les équipes mobiles, le 115, l’accueil de jour et le SAO, pris en charge conjointement par l’État et les départements. Comment améliorer la veille sociale dans ces conditions ?

En ce qui concerne l’ALT, on annonce 1 000 places supplémentaires au budget, mais les crédits sont stables par rapport à 2007. Comment va-t-on les créer ?

S’agissant enfin du logement d’urgence, la pérennisation pose un véritable problème, souligné par les associations. Certes, l’article 4 de la loi relative au DALO prévoit bien un maintien dans les lieux et non un retour à la rue, mais sa mise en œuvre demande des moyens importants. Selon les associations, le coût serait au moins de 13 800 euros par place alors que le PLF prévoit 11 700 euros par place. Si la différence est bien de 2 000 euros, le volume de prise en charge diminuera. Dans les centres d’hébergement, les coûts des personnels représentent 82 % des dépenses. Consacrer plus d’effectifs à la pérennisation va accroître le problème.

M. Alain Néri – Mes questions s’adressent à Mme la ministre du logement.

Vous avez proposé aux départements de contractualiser sur les PLAi afin d’en accroître le nombre. L’État accorderait 12 000 euros si le département en accorde 10 000. Vous demandez donc aux collectivités d’accompagner votre politique. Nous le faisons, car nous ne voulons pas que les places de PLAi soient détournées pour l’hébergement d’urgence. Il faudra nous préciser dans quelles conditions vous souhaitez contractualiser, en ce qui concerne notamment la possibilité de transférer le PLAi ailleurs dans le département.

Vous dites également être preneur de nos propositions pour trouver des logements. J’en ai fait lors du débat sur le DALO. Il s’agit par exemple de créer un fond national de garantie des loyers qui permettrait de remettre sur le marché des logements vacants et de supprimer la caution. D’après l’enquête que j’ai faite dans ma circonscription, plus de 300 logements y seraient disponibles.

J’en viens aux maisons de retraite.

L’APA a permis de maintenir plus de gens à domicile. Je note que le financement était d’abord assuré par l’État et par les départements, mais que la part de l’État est aujourd’hui tombée à 32 %. Avec le maintien à domicile, les personnes âgées ne rentrent plus en maison de retraite vers 75-76 ans, mais vers 85 ou 86 ans. On a donc besoin de plus de maisons de retraite médicalisées, avec un prix de journée plus élevé. Or on manque cruellement de places dans ce genre d’établissement. Par exemple dans le Puy-de-Dôme, cinq projets ont reçu l’avis favorable du CROSS mais sont en attente de financement car il n’y a pas d’ouverture de lits au programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (PRIAC). Ce sont ainsi 413 lits que nous ne pouvons pas créer dans notre département.

Par ailleurs, les personnes âgées qui entrent en maison de retraite à 85 ans ont souvent des ressources très modestes et ne peuvent pas payer le prix de journée. On se tourne alors vers les « obligés alimentaires », leurs enfants. Or ceux-ci ont 65 ans et arrivent à l’âge de la retraite ; leurs ressources diminuent, ils ne peuvent pas payer. On se tourne donc vers l’aide sociale, c’est-à-dire les contribuables du département. Vous dites qu’on va mettre en place un cinquième risque. D’accord, mais qui va le financer ? Si l’État se désengage et qu’on compte sur les conseils généraux, cela ne tiendra pas longtemps. D’autant que l’on sait bien que l’État ne paye pas ce qu’il doit. Dans le Puy-de-Dôme par exemple, il nous doit encore 9 millions au titre du RMI, soit six points de fiscalité.

M. Gérard Bapt – Monsieur Hirsch, ne jugez-vous pas contre-productif que l’on contraigne en quelque sorte les demandeurs d’emploi à demeurer deux ans au chômage avant qu’ils puissent prétendre à un contrat aidé ?

J’aimerais aussi connaître votre opinion sur l’article 49, par lequel des dizaines de milliers de foyers seront privés de l’accès direct à la CMU. Je souhaite que le Gouvernement soit sensibilisé à cette question et que l’on revienne sur cette disposition en seconde lecture.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Je vous confirme, monsieur Le Bouillonnec, que les 26 millions consacrés au PARSA figurent dans le budget. Les 27,5 millions auxquels vous avez fait allusion avaient été dégagés de manière exceptionnelle, l’année dernière, pour financer des déficits anciens.

S’agissant de la veille sociale, mille postes ont été créés l’an dernier et la même dotation sera maintenue cette année ; un autre millier de postes sera donc créé. Pour l’ALT, l’effort consenti l’an dernier est reconduit. Pour ces deux lignes, l’augmentation est bel et bien de 8,5 %, ce qui traduit la volonté déterminée du Gouvernement.

Sans doute, monsieur Néri, avez-vous fait allusion à l’aide à la pierre. Nous en reparlerons, mais je ne vois pas de difficulté particulière à une mobilité départementale. Votre proposition de fonds de garantie a été reprise, sous une autre forme, dans la loi DALO, adoptée à l’unanimité : c’est la garantie du risque locatif, que nous voulons rendre universelle. Si, par ce biais, nous parvenons, comme je l’espère, à remettre 100 000 logements sur le marché sur l’ensemble du territoire en 2008, nous aurons amorcé une fluidité bien nécessaire.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État Je souhaite rappeler à Mme Coutelle que la Conférence sur l’égalité professionnelle se réunit régulièrement. Les partenaires sociaux sont associés au sein de ses groupes de travail et les délégations parlementaires aux droits des femmes peuvent faire part de leurs propositions. La Conférence, qui rendra ses conclusions à la fin du mois, souhaite la relance des négociations sur l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations professionnelles.

Elle veut aussi ouvrir des pistes nouvelles, s’agissant notamment des modes de garde des enfants ; c’est également une des préoccupations exprimées par M. Xavier Bertrand, qui souhaite voir la branche « famille » renforcer son action en ce sens. La question du temps partiel subi est au cœur des réflexions en cours avec les branches professionnelles. Les services à la personne étant amenés à se développer toujours davantage, il convient d’améliorer les parcours professionnels en prévoyant des formations qui permettront de donner aux employés de ce secteur des perspectives d’avenir réelles. Nous travaillons à une expérimentation en ce sens dans le cadre d’un partenariat associant l’État, les régions et la CNSA. L’enjeu est d’une extrême importance, car on peut attendre des PRIAC et de la mise en œuvre de la politique en faveur des personnes handicapées la création de 400 000 emplois.

Pour lutter contre les violences conjugales, une loi cadre est-elle nécessaire ? L’Espagne s’est dotée d’un tel texte, mais elle n’en avait aucun. En France, une loi cadre serait plutôt symbolique, car les dispositions nécessaires relèvent désormais bien davantage du réglementaire que du législatif, différents textes ayant déjà été adoptés sur la question, qu’il serait utile de rassembler. Il n’empêche qu’un second plan de lutte contre les violences à l’encontre des femmes portant sur la période 2008-2010 vous sera présenté à la fin du mois, car nous avons bien l’intention de poursuivre l’effort engagé, qui suppose en particulier de s’assurer de la prise en charge correcte des victimes.

S’agissant des crédits de la CNAF, M. Xavier Bertrand vous fera des propositions relatives au droit opposable à la garde d’enfants et je ne doute pas que les choses peuvent évoluer de manière positive pour les collectivités.

M. Néri a estimé que les collectivités étaient fortement sollicitées ; je lui rappelle que le projet de budget prévoit 7 500 places nouvelles au lieu de 5 000 l’année dernière. Quant aux PRIAC, ils correspondent à l’expression des besoins locaux, dans le respect de l’équilibre territorial. Il est exact que certains territoires éprouvent des difficultés à obtenir des moyens ; c’est que, dans un premier temps, il fallait réparer les inégalités.

Nous travaillons à raccourcir les délais, car le problème est réel.

La question du reste à charge pour les familles nous tient particulièrement à cœur et le Président de la République souhaite que le sujet soit traité dans le cadre du cinquième risque. Je rappelle que, sans attendre, 250 millions de crédits d’investissement ont été débloqués, qui réduisent d’autant le reste à charge.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire S’agissant de l’article 49, je ne saurais, monsieur Bapt, vous répondre mieux que ne l’a fait Mme Bachelot.

Quant à l’exemple que vous avez cité, selon lequel il faut être demandeur d’emploi pendant deux ans avant de pouvoir bénéficier d’un contrat aidé, il administre la preuve qu’une remise à plat des règles s’impose. Nous avons quelques mois pour en discuter.

M. René Couanau – Je remercie les ministres et le haut-commissaire de s’être prêtés aussi longtemps à cet échange. Nous vous saurions gré, monsieur Hirsch, de nous tenir informés des premiers résultats des expérimentations menées dans les départements pilotes.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, Mme Valérie Létard, secrétaire d’état chargée de la solidarité, et M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis les crédits pour 2008 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », sur le rapport de Mme Valérie Boyer pour les programmes « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », « Lutte contre la pauvreté : expérimentations », « Actions en faveur des familles vulnérables », « Protection maladie », « Egalité entre les hommes et les femmes » et « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ».

Le président Pierre Méhaignerie a salué la présence en grand nombre des membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Article 49 : Modification des règles de prise en compte des aides personnelles au logement dans les ressources des demandeurs de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC)

La commission a examiné un amendement de M. Christophe Sirugue de suppression de l’article.

M. Gérard Bapt a indiqué que l’amendement est avant tout un amendement d’appel ; il est à espérer que M. Xavier Bertrand, comme en 2006, sera sensible à la problématique de l’accès des familles à la couverture maladie universelle.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission a rejeté l’amendement.

Article 50 : Conditions de prise en charge par l’Etat du coût des médicaments des bénéficiaires de l’aide médicale de l’Etat (AME)

La commission a examiné un amendement de Mme Catherine Lemorton de suppression de l’article.

M. Michel Issindou a indiqué que la mesure proposée par le gouvernement est trop sévère. Elle présente un caractère discriminatoire. Tout cela pour des effets limités, l’estimation à 5 millions d’euros des économies attendues reposant sur des données incertaines.

M. Dominique Tian s’est opposé à l’amendement en considérant que cette mesure n’a rien de discriminatoire. L’obligation de s’inscrire dans un parcours de soins et d’accepter des médicaments génériques doit en effet s’imposer à tous. La mesure proposée par le gouvernement va d’ailleurs dans le même sens que l’amendement relatif au parcours de soins des bénéficiaires de la CMUC qui a été voté à une large majorité dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission a rejeté l’amendement.

*

La commission a approuvé les conclusions de la rapporteure pour avis sur les programmes « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », « Lutte contre la pauvreté : expérimentations », « Actions en faveur des familles vulnérables », « Protection maladie », « Egalité entre les hommes et les femmes » et « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », puis a donné un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2008 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité  – M. Fabrice Heyriès, Mme Caroline Bachschmidt et Mme Anne-Gaëlle Simon, conseillers techniques du ministre

Ø Ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique –M. Pierre Pedinielli, Mme Mathilde Lignot-Leloup, conseillère en charge du pôle synthèse, comptes sociaux et comptes publics, et M. Jérôme Bascher, conseiller technique du ministre

Ø Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) –M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général, M. Christian Schoch, directeur de la réglementation, M. Fatome, directeur de cabinet, et Mme Sophie Thuot-Tavernier, chargée des relations avec le Parlement

Ø Direction générale de l’action sociale – M. Jean-Jacques Tregoat, directeur général, Mme Claire Descreux, sous-directrice, et Mme Caroline Bussière, adjointe au chef du bureau des minima sociaux

Ø Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie – M. Jean-Marie Rolland, député, président de la commission de surveillance

Ø Ministère du logement et de la ville – M. Henri Prevost, conseiller technique de la ministre

Ø Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie – M. Jean-François Chadelat, directeur général

Ø Direction de la sécurité sociale – M. Dominique Libault, directeur, M. Tassart et M. Benjamin Voisin, chargés de mission

Ø Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) – Mme Isabelle Millet-Caurier, directrice des affaires publiques, Mme Christine Meyer-Meuret, directrice des garanties mutualistes et de l’assurance santé, et M. Vincent Figureau, chargé des relations institutionnelles

Ø Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) – M. Alain Rouché, directeur santé, Mme Arielle Dallens, responsable d’études et Mme Annabelle Jacquemin-Guillaume, attachée parlementaire

Ø Comité national de lutte contre la fraude en matière de protection sociale –M. Bernard Cieutat, président, et M. Olivier Selmati, secrétaire général

Ø Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports – M. Pierre Bachelot, conseiller parlementaire, et M. Julien Nizri, conseiller budgétaire de la ministre

© Assemblée nationale

1 () Décret n° 2007-1433 du 5 octobre 2007.

2 () Pour les bénéficiaires du RMI, les modalités d’application relèvent des conseils généraux concernés.

3 () C’est-à-dire une obligation pour les demandeurs de faire valoir d’abord leurs droits aux autres prestations sociales et les créances alimentaires dont elles sont titulaires.

4 () Article R. 861-7 du code de la sécurité sociale.

5 () Cf. articles R. 262-4 et R. 262-5 du code de l’action sociale et des familles, R. 524-4 et R. 861-6 du code de la sécurité sociale.

6 () Source : « Les bénéficiaires de la CMU au 31 décembre 2005 », dans Études et résultats n° 512, août 2006, DREES.

7 () « État de santé et recours aux soins des bénéficiaires de la CMU », dans Études et résultats n° 294, mars 2004, DREES.

8 () « Les allocataires de minima sociaux : CMU, état de santé et recours aux soins », Études et résultats n° 603, octobre 2007, DREES.

9 () « État de santé et recours aux soins des bénéficiaires de la CMU », Études et résultats n° 294, mars 2004, DREES.

10 () « Rapport pour Monsieur le ministre des solidarités et de la santé : les refus de soins aux bénéficiaires de la CMU », novembre 2006.

11 () « La santé des plus pauvres », Insee Première n°1161, octobre 2007.

12 () « L’état de santé des bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire en 2002 », Questions d’économie de la santé n° 76, décembre 2003, CREDES.

13 () Éude INSEE précitée.

14 () « Les allocataires de minima sociaux : CMU, état de santé et recours aux soins », Etudes et résultats n° 603, octobre 2007, DREES.

15 () « Les affections de longue durée des bénéficiaires de la CMU complémentaire », Points de repère n° 8, août 2007, CNAMTS.

16 () Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, « Les dépenses de CMU-C des régimes obligatoires : le coût unitaire par bénéficiaire de la CMU-C pour 2005 et 2006 ».

17 () Article L. 861-3 du code de la sécurité sociale, 1er alinéa : le droit à la CMUC est ouvert « sans contrepartie contributive », 7ème alinéa : les bénéficiaires sont dispensés de l’avance de frais.

18 () Rapport du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie sur « l’évolution du prix et du contenu des contrats ayant ouvert droit à l’aide complémentaire santé » (juin 2007).

19 () Sénat, session ordinaire 2006-2007, n° 51.

20 () « Transferts sociaux locaux et retour à l’emploi », par Denis Anne et Yannick L’Horty, dans Économie et statistique n° 357-358, 2002.

21 () « L’action sociale extralégale et facultative des départements », Etudes et résultats n° 537, novembre 2006, DREES.