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N
° 278

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIEME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2007

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2008 (n° 189),

TOME IV

OUTRE-MER

PAR M. Alfred Almont,

Député.

——

Voir le numéro : 276 (annexe 27)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— LA MOSAÏQUE UTRAMARINE 6

II.— UN BUDGET RELATIF 15

III.— UNE PRIORITÉ CONSTANTE : L’EMPLOI 27

IV.— AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER 36

EN GUISE DE CONCLUSION 47

V.— EXAMEN EN COMMISSION 49

VI.— RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION 73

Reliquats, plus ou moins nostalgiques, d’un Empire perdu ou élément substantiel de notre identité nationale ? L’outre-mer n’a jamais été regardé avec les mêmes yeux que les autres régions françaises. Et si certains empruntent ceux de Rodrigue pour Chimène, d’autres préfèrent ceux d’Harpagon pour Valère après la disparition de sa cassette.

Le budget de l’outre-mer ne représente cependant que 0,1 % du budget général de l’État et moins de 1 % de celui-ci si on ajoute les contributions financières des autres ministères.

Mais avant d’examiner les crédits pour 2008, leur évolution et leur signification, il nous paraît préalablement utile de savoir de quoi l’on parle et de dresser le panorama de cette France ultramarine, que l’on devrait d’ailleurs appeler plutôt ultra océanique puisque la Corse n’en fait pas partie.

I.— LA MOSAÏQUE UTRAMARINE

Panorama

On distingue les départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM) des collectivités d’outre-mer (COM) et des territoires à statut propre.

Les DOM-ROM, dont le statut est identique à celui des départements et des régions de métropole, comprennent la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion. Ils font partie de l’Union européenne, dont ils constituent les régions dites ultra-périphériques (RUP).

Les COM, régies par l’article 74 de la Constitution, comprennent Saint-Pierre et Miquelon, la Polynésie française, Wallis et Futuna, Mayotte et, depuis le 15 juillet dernier, les îles antillaises de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

La Nouvelle-Calédonie fait l’objet, à elle seule, du titre XIII de la Constitution, dispositions transitoires avant que sa population ne fixe définitivement son destin.

Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) disposent d’un statut particulier, déterminé par la loi du 6 août 1955 visée par l’article 72-3 de la Constitution. Elles se répartissent en cinq districts, chacun d’eux couvrant un ou plusieurs territoires épars.

Enfin, l’île Clipperton fait partie des propriétés domaniales de l’État français.

Les territoires ultramarins habités occupent une surface terrestre de 116 000 km² et comptent une population aujourd’hui estimée à 2 600 000 personnes, soit un peu plus que celle de la ville de Paris.

Si l’on prend en compte les territoires inhabités, la surface totale de la France d’outre-mer atteint 554 000 km², soit une superficie presque identique à celle de la métropole, la Terre Adélie comptant, il est vrai, pour les deux tiers.

L’outre-mer donne à la France le troisième domaine maritime mondial, avec 11 millions de km². Outre les intérêts économiques de la pêche et des agrégats de minerais, ces derniers étant peut-être appelés à se développer dans les décennies à venir, le domaine maritime français présente une grande valeur scientifique et géographique, comme sur le plan de la biodiversité.

TERRITOIRES HABITÉS

Nom du territoire

Chef-lieu

Population (2005)

Superficie

Localisation

Statut juridique : départements d’outre-mer et régions d’outre mer

Guadeloupe

Basse-Terre

448 713

1 703 km²

Petites Antilles

Guyane

Cayenne

195 506

86 504 km²

Amérique du Sud

Martinique

Fort-de-France

432 900

1 128 km²

Petites Antilles

Réunion

Saint-Denis

776 948

2 512 km²

Afrique (Océan Indien Ouest)

Statut juridique : collectivités d’outre-mer

Mayotte

Mamoudzou

201 234

374 km²

Afrique (Canal du Mozambique)

Polynésie française

Papeete

260 338

4 167 km²

Pacifique Sud (Polynésie)

Saint-Barthélemy

Saint-Barthélemy

6 852
(1999)

25 km²

Petites Antilles

Saint-Martin

Marigot

31 397
(2002)

53 km²

Petites Antilles

Saint-Pierre-et-Miquelon

Saint-Pierre

7 012

242 km²

Atlantique Nord (Est de Terre-Neuve-et-Labrador, Canada)

Wallis-et-Futuna

Mata-Utu

15 185

274 km²

Pacifique Sud (Polynésie)

Statut juridique : collectivité sui generis

Nouvelle-Calédonie

Nouméa

232 258

19 058 km²

Pacifique Sud (Mélanésie)

TERRITOIRES INHABITÉS

Nom du territoire

Superficie

Statut

Localisation

Clipperton

7 km²

sous l’autorité directe du gouvernement

Pacifique Nord (Ouest du Mexique)

Îles Crozet

352 km²

district des TAAF

Océan Indien (Sud)

Îles Éparses

• Bassas da India
• Europa
• Îles Glorieuses

• Juan de Nova
• Tromelin

39,4 km²

1 km²
28 km²
5 km²

4,4 km²
1 km²

district des TAAF

Afrique

Canal du Mozambique
Canal du Mozambique
Océan Indien (Est)

Canal du Mozambique
Océan Indien (Est)

Îles Kerguelen

7 215 km²

district des TAAF

Océan Indien (Sud)

Îles Saint-Paul et Amsterdam

66 km²

district des TAAF

Océan Indien (Sud)

Terre Adélie

432 000 km²

district des TAAF

Continent Antarctique

Repères historiques

À la Guadeloupe « l’île aux belles eaux », la colonisation française commença en 1635 lorsqu’en prirent possession, au nom de la Compagnie française des îles de l’Amérique, Charles de l’Olive et Jean d’Ossonville. L’autorité directe du roi de France fut instituée en 1674. Après plusieurs tentatives infructueuses, les Anglais s’emparèrent de la Guadeloupe en 1759 mais ne la conservèrent que jusqu’en 1763 : Louis XV tenait à la garder française. La Révolution puis les guerres napoléoniennes permirent aux Anglais de reprendre pied dans l’île. Mais ils durent finalement la restituer en 1816 : Louis XVIII y était aussi attaché que son grand-père. Plusieurs programmes de modernisation marquèrent le cours du XIXe siècle. Dans la première moitié du siècle suivant, la Guadeloupe fut un peu oubliée de la métropole. Ce qui ne l’empêcha pas de fournir d’importants contingents à la première guerre mondiale puis, vingt ans plus tard, de participer activement à la Résistance. Département d’outre-mer depuis le 19 mars 1946, et région depuis le 5 juillet 1972, la Guadeloupe continue de témoigner de sa fidélité à la France.

Saint-Martin constitue, depuis le 15 juin 2007, une collectivité d’outre-mer. Elle faisait, auparavant, partie intégrante du département de la Guadeloupe, tandis que la partie sud de l’île appartenait à l’une des régions des Antilles néerlandaises. Les Français s’installèrent à Saint-Martin dix ans avant de coloniser la Guadeloupe. Leur histoire se confondit par la suite. Lors du référendum du 7 décembre 2003, la majorité de la population s’est prononcée en faveur de la constitution d’une collectivité autonome, ratifiée par la loi du 21 février 2007.

Il en va de même de Saint-Barthélemy, la seule Antille dont on est absolument certain qu’elle a été découverte par Christophe Colomb en personne, et à qui elle doit son nom : Bartolomé était le frère du navigateur ; mais, à l’instar des plaisanciers, on la connaît surtout pour son diminutif : Saint-Barth. Les Français l’occupèrent en 1648. Ils en confièrent ensuite l’administration aux chevaliers de Malte, compétence insulaire obligeant sans doute… Elle connut ensuite une histoire tourmentée : redevenue colonie française en 1659, elle fut cédée, en 1784, par Louis XVI au roi de Suède, en échange d’un entrepôt à … Göteborg. Il fallut attendre 1878 pour que l’île fît retour à la France, qui l’acheta à la Suède. L’installation des Rockfeller à la fin des années 1950 enclencha la métamorphose de l’île en paradis pour milliardaires, ou rêvant de le devenir : une exception économique dans notre outre-mer.

Lors du même référendum que pour Saint-Martin, la population choisit la même formule statutaire.

L’histoire de la Martinique, qui doit elle aussi son nom à Christophe Colomb, « Martinina » c’est-à-dire « petite Martine », est presque similaire à celle de la Guadeloupe. On retrouve les mêmes rendez-vous avec la métropole : 1635, 1759, 1763, 1816, 1946, 1972… La perte de Saint-Domingue par la France transféra en faveur de la Martinique une intense activité économique autour de la canne à sucre, entraînant une prospérité, qu’attestait l’importance du trafic avec Bordeaux et Nantes, jusqu’à ce qu’en 1902, l’éruption volcanique de la Montagne Pelée interrompe un développement prometteur. Sa capitale, Saint-Pierre, fut entièrement détruite, et remplacée par Fort-de-France. Catastrophe dont l’économique de la Martinique ne s’est jamais complètement remise.

C’est à Daniel de Rivardière que l’on doit la première reconnaissance sérieuse de la Guyane en 1604. Seul territoire continental français de l’outre-mer. Mais les premières traces d’occupation humaine remontent au VIe millénaire av. J-C. La « terre qu’on ne peut nommer » aurait longtemps servi de sanctuaire. En 1624 Louis XIII envoya les premiers colons. L’un deux était le fils d’Agrippa d’Aubigné et le futur père de Mme de Maintenon. Après une période d’alternance entre colonisation française et hollandaise, la Guyane devint française en 1670. Colbert y imposa le Code noir en 1685 qui, sans supprimer juridiquement l’esclavage, le vidait en fait de son contenu en fixant les devoirs et les droits des uns et des autres. Il y lança aussi une politique ambitieuse de développement agricole dont l’impact est encore visible de nos jours. Après que Louis XV ait, ici encore, favorisé le peuplement européen, la Guyane devint sous la Révolution le lieu de déportation des prêtres réfractaires à la Constitution civile du Clergé : ce fut l’origine du bagne. L’envoi des forçats fut décidé en 1852 par Napoléon III. Après avoir connu une petite ruée vers l’or à la fin du XIXe siècle et au début du XXème, ce qui entraîna des conflits frontaliers avec les États voisins, la Guyane souffrit longtemps d’un dilemme : supprimer le bagne et se priver de son apport économique ou le maintenir et supporter la mauvaise image en résultant. Le bagne fut finalement supprimé la même année que le département fut institué, en 1946. Mais, à partir de 1969, la création du Centre spatial fit passer la Guyane dans l’ère de la technologie de pointe. Ce n’était que justice pour redorer le blason du territoire et lui assurer une contribution significative à l’économie nationale.

On ne sait pas précisément qui découvrit l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon : peut-être Jean Cabot en 1497. On sait en revanche que, dès le XVIe siècle, les deux îles servaient de base aux pêcheurs basques et bretons. La couronne de France dut cependant se séparer de Saint-Pierre et Miquelon par le traité d’Utrecht qui mettait fin à la guerre de succession d’Espagne et, surtout, assurait la domination du Royaume-Uni sur la navigation transatlantique. Là encore, Louis XV les récupéra, par le traité de Paris de 1763, année que certains historiens considèrent comme l’apogée de la France, malgré l’abandon du Canada. La Révolution et l’Empire fournirent à l’Angleterre l’occasion de reprendre l’archipel. Mais le Congrès de Vienne le rendit, définitivement, à Louis XVIII. Pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, Saint-Pierre et Miquelon connut un essor économique important grâce à la pêche à la morue. Pendant la deuxième guerre mondiale, elle fut l’une des premières terres françaises ralliées à la France libre. Territoire d’outre-mer en 1946, Saint-Pierre et Miquelon devint département en 1976 puis acquit le statut de collectivité territoriale par la loi du 11 juin 1985, enfin celui de collectivité d’outre-mer depuis la loi organique du 21 février 2007.

Mayotte ne devint française qu’en 1841, rejointe en 1886 par la Grande-Comore, Tahiti et Anjouan, pour former l’archipel français des Comores. En 1908, celui-ci fut placé sous l’administration de Madagascar. Il devint territoire d’outre-mer en 1946. Ayant, en 1958, refusé aussi bien l’indépendance que la départementalisation, lui fut appliqué un statut autonome. En 1972, l’ONU inscrivit les Comores dans sa liste de pays devant être ouverts à la décolonisation. Le référendum de 1974 déboucha sur l’indépendance de l’archipel, à l’exception de Mayotte qui, solidaire de son histoire, voulut rester française. Depuis 1995, l’ONU a renoncé à réclamer le regroupement de Mayotte avec les Comores indépendantes, admettant ainsi que le principe d’intégrité territoriale s’effaçait devant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La loi du 11 juillet 2001 prévoit l’application progressive à l’île du droit commun français. Depuis 2004, elle dispose d’un conseil général.

La Réunion, « l’île intense », fut inhabitée jusqu’en 1665. Elle est aujourd’hui, avec plus de 800 000 habitants, la plus peuplée de nos régions d’outre-mer. Les premiers Réunionnais étaient des Européens. D’abord simple escale sur la route maritime des Indes orientales, elle assista, en 1646, à un débarquement militaire français, qui en prit possession au nom du roi et l’appela l’Île Bourbon. Mais c’est encore sous Louis XV, et le long gouvernorat de Bertrand de la Bourdonnais, qu’elle connut son premier développement, administratif et économique. La Révolution la débaptisa, faisant d’elle « La Réunion », par référence à la réunion des fédérés de Marseille et des gardes nationaux parisiens pour le saccage des Tuileries, le 10 août 1792. Bonaparte apprécia le précédent et changea à son tour le nom de l’île, pour lui donner… le sien, en 1806. Du coup, l’île Bonaparte passa sous domination anglaise. Elle fut rétrocédée à la France de Louis XVIII en 1814 et dès lors ne changea plus de nation, retrouvant même son nom révolutionnaire.

Le percement du canal de Suez, en 1869, priva la Réunion de la majeure partie du trafic maritime qui assurait sa prospérité. Dès lors, l’île dut se replier sur ses propres ressources, au premier rang desquelles la culture de la canne à sucre, complétée par le tourisme. Ce qui en fait aujourd’hui la région française, métropole incluse, connaissant le taux de croissance le plus élevé : 5 % par an au cours des dix dernières années.

Avec les régions qui suivent, nous changeons d’approche : du colonialisme à visée économique et géopolitique, nous passons dans l’univers des aventuriers à la recherche de terres lointaines, moitié rêveur d’au-delà, moitié scientifiques avides de mieux connaître la planète.

Voilà pourquoi Wallis et Futuna porte le plus joli nom de la République, avec une capitale qui s’appelle Mata-Utu. Il y a cinq mille ans, des Chinois s’y installèrent et cultivèrent du riz. Jacob Lemaire, un Hollandais d’origine française, aborda son littoral en chaloupe le 22 mai 1616. Il admira le paysage et repartit. Un siècle et demi plus tard, l’explorateur Louis Antoine de Bougainville aborda à son tour, le 11 mai 1768. Il remonta une rivière qu’il appela Futuna, « l’enfant perdu du Pacifique » selon un de ses matelots engagé sur un îlot. Mais il repartit aussi, laissant cependant une petite colonie française. Les autochtones créèrent un royaume qui signa son premier protectorat avec la France en 1887. Depuis le 28 mars 2003, l’archipel constitue une collectivité d’outre-mer à statut particulier.

Les origines de la Nouvelle-Calédonie ressemblent à celles de Wallis et Futuna : même présence chinoise à la même époque. En 1774, James Cook aperçut la Grande Terre et la baptisa « New Caledonia » en l’honneur de son Écosse natale. En 1788, La Pérouse en fit le tour, avant de sombrer à Vanikoro. En 1791, Louis XVI envoya Antoine d’Entrecasteaux à la recherche de La Pérouse, qui lui aussi se contenta de faire le tour de l’île principale. C’est Dumont d’Urville qui, en 1827, mit pied à terre et dressa un relevé cartographique. Il fut suivi par des missionnaires, à partir de 1840, puis par des militaires, qui, le 24 septembre 1853 proclamèrent la Nouvelle Calédonie colonie française. Elle servit de lieu de déportation pour les Communards après 1871. Les relations avec les Kanaks furent difficiles. Ce qui n’empêcha pas ces derniers d’être les premiers, avec les marins de l’île de Sein, à répondre à l’appel du Général de Gaulle, le 18 juin 1940.

Après la guerre, la Nouvelle Calédonie vécut une période relativement forte, grâce au boom du nickel, dont elle devint le troisième producteur mondial. Pour autant l’irrédentisme kanak ne fut jamais maîtrisé, tout au plus camouflé. Il éclata dans les années 1980 et déboucha sur une insurrection culminant avec la fameuse prise d’otages d’Ouvéa en 1988.

Les négociations qui s’inscrivirent débouchèrent sur les Accords de Matignon du 26 juin 1988 prévoyant la mise en place d’un statut transitoire de dix ans suivi par un référendum d’autodétermination. L’Accord de Nouméa, du 5 mai 1998, repoussa la date du référendum entre 2014 et 2018 en échange d’une autonomie particulièrement poussée, ce qui fait de la Nouvelle Calédonie une collectivité territoriale sui generis.

La Polynésie française fut, elle aussi, occupée il y a cinq mille ans par des Chinois puis, il y a mille cinq cents ans, par des Philippins. C’est le navigateur anglais, Samuel Wallis, qui découvrit Tahiti, le 19 juin 1767. Bougainville le suivit l’année d’après et baptisa l’archipel « Nouvelle Cythère ». Mais le chapelet de 118 îles qui forme la Polynésie demeura longtemps sans gouvernement véritable : le vieux royaume n’exerçait qu’une autorité lointaine et légère sur des populations qui furent prises en mains par les missionnaires après 1815, catholiques et protestants se livrant à une concurrence acharnée. En 1843, la reine Pomaré IV demanda le protectorat de la France. En 1946, la Polynésie devint territoire d’outre-mer. Son statut actuel résulte de la loi organique du 27 février 2004 qui lui confère une large autonomie en qualité de « pays d’outre mer », qui se manifeste notamment par le fait que c’est la seule possession française à avoir son propre drapeau et non le drapeau tricolore de la République.

Les Terres australes et antarctiques françaises se composent de quatre districts insulaires du sud de l’océan indien : Kerguelen, Crozet, Saint-Paul et Amsterdam, les îles Éparses (Tromelin, Europa, Bassas da India, Glorieuses et Juan de Nova), ainsi que de la portion du continent antarctique attribuée à la France par les accords internationaux : la Terre Adélie. Aucune de ces régions n’a jamais possédé, hormis de rares et marginales tentatives de colonisation oubliées de l’histoire, de population permanente. La France y assure une présence humaine continue, notamment de scientifiques et de militaires, les personnels concernés étant relevés régulièrement. Les TAAF sont placés sous l’autorité d’un administrateur qui, depuis 2004, a le titre de préfet et dont les services sont installés à Saint-Pierre de la Réunion.

Enfin, Clipperton, la plus petite des possessions françaises outre-mer, fut découverte en 1711 par des navigateurs français. Mais elle tient son nom d’un flibustier anglais, dont la légende veut qu’il ait là caché un trésor… La France ne se chargea de l’administration de l’île qu’en 1858. En 1897, elle fut occupée par le Mexique, qui la rendit en 1931 à la faveur d’un arbitrage international. En 1944, les États-unis l’occupèrent à leur tour et la rendirent en 1945. Depuis lors, des expéditions scientifiques régulières vont à Clipperton étudier les milieux terrestre et maritime. L’île est classée comme appartenant au domaine public de l’État.

Originalités

La mosaïque ultramarine française présente ainsi deux types d’originalité :

– sur le plan historique, son rattachement à la métropole, plus ancien que celui de plusieurs régions de métropole (l’Alsace n’est française que depuis 1697, la Corse depuis 1768, Avignon et le Comtat Venaissin depuis 1791, Nice et la Savoie depuis 1860) ne résulte pas d’oublis de la décolonisation mais d’une identité nationale forte qui contribue à la place et à l’image de la France dans le monde ;

– de grandes disparités de toute nature, principalement sur le plan économique et social , la plupart des régions d’outre-mer souffrant de handicaps structurels que la solidarité nationale doit s’efforcer, sans relâche, de compenser, de mieux en mieux et de plus en plus : c’est le sens même de la République.

C’est pourquoi l’outre-mer dispose d’un ministère et d’un budget qui lui sont propres. Une administration spécifique fut mise en place par Richelieu et devint, en 1710, le bureau des Colonies, rattaché au ministère de la Marine jusqu’en 1894. En 1946, le ministère des Colonies devint ministère de la France d’outre-mer puis, en 1962, ministère de l’outre-mer. Naturellement, les autres ministères ont, chacun pour ce qui concerne son domaine, compétence outre-mer. A tel point qu’il est loisible de se demander si le maintien d’un département ministériel spécifique demeure justifié.

Il le demeure à nos yeux, et plus que jamais. Il est une nécessité pour les départements d’outre-mer, il en est une pour les anciens territoires d’outre-mer et pour les collectivités territoriales spécialisées, il en est enfin une pour l’outre-mer en général.

S’il est aujourd’hui vrai que le droit applicable dans les départements d’outre-mer résulte du socle commun de la législation nationale et, de plus en plus, de ce deuxième socle commun qu’est la législation européenne, il est tout aussi vrai que ceux-ci comportent des modulations ultramarines, particulièrement dans les domaines fiscaux et sociaux. Au surplus, l’explicitation et la défense de chacune des spécificités des DOM exigent que leurs dossiers soient préparés et soutenus par d’autres administrations que celles qui gèrent le droit commun national. En matière européenne aussi, l’intégration des départements d’outre-mer s’accompagne d’adaptations reconnues et organisées par les traités.

S’agissant des anciens territoires d’outre-mer et des collectivités territoriales spécialisées, leur originalité, leur rapprochement du modèle départemental, ou leur évolution récente vers des formes statutaires sur mesure, exigent, pour être convenablement pris en compte, les soins d’un organisme public de plein exercice au sein du gouvernement, seul apte à assurer le bon découpage des compétences et la gestion des responsabilités nationales en cohérence avec la gestion des affaires publiques attribuées aux organismes territoriaux.

Il a parfois été dit que l’existence d’un ministère spécialisé risquait de créer un écran rendant plus difficile la prise en charge directe par les ministères compétents de telle ou telle politique appliquée à l’outre-mer. D’où la tentation permanente de l’appareil d’État à transférer vers les ministères techniques et géographiquement transversaux des domaines de compétence relevant auparavant du ministère chargé de l’outre-mer. Il faut prendre garde à ce que la rationalisation des interventions publiques, pour souhaitable qu’elle soit, ne s’accompagne ni d’une réduction des moyens finaux au détriment de l’outre-mer ni d’une plus grande difficulté à retracer l’effort national public en sa faveur.

Le projet de budget de l’outre-mer pour 2008 ne représente qu’une petite partie de cet effort : 11,3 %. Il nous faut donc appréhender l’ensemble des moyens publics réels débouchant sur des actions politiques ultramarines.

II.— UN BUDGET RELATIF

Le montant des crédits de la « Mission » Outre-mer, selon le nouveau vocabulaire introduit par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF), s’élève, dans le projet gouvernemental, à 1 763,6 millions d’euros d’autorisations d’engagements et à 1 730 millions d’euros en crédits de paiement, soit des progressions respectives de 2 % et de 3 % par rapport au budget voté pour 2007, à périmètre constant. Celui-ci vient, en effet, d’être révisé de façon relativement sensible :

– les trois programmes inscrits l’an dernier sont désormais ramenés à deux : Conditions de vie et Emploi. A disparu celui appelé Intégration et valorisation de l’Outre-mer. Ce dernier programme consistait, pour près de 80 % de ses ressources, en dotations en faveur des collectivités territoriales, désormais retracées dans le programme relatif aux conditions de vie ;

– les transferts de crédits sont opérés en direction d’autres ministères afin d’obtenir une meilleure rationalité des interventions de l’État. C’est ainsi que 158 millions d’euros de crédits de paiement consacrés aux aides directes « à l’embauche des publics les plus éloignés de l’emploi, dans les secteurs marchand et non marchand » sont désormais inscrits au budget du ministère chargé de l’emploi, afin d’assurer une meilleure cohérence et un pilotage plus harmonieux de la politique de l’emploi.

A structure constante et compte tenu du nouveau périmètre du ministère, la comparaison des projets de loi de finances pour l’Outre-mer en 2007 et pour 2008 s’établit selon le tableau ci-dessous :

 

LFI 2007

LFI 2008

Variation
PLF 2008/
LFI 2007

Mission outre-mer

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 123 – Conditions de vie outre-mer

757 867 061

705 789 647

761 963 173

721 413 173

1 %

2 %

Action 1 – Logement

210 750 000

175 750 000

236 000 000

200 000 000

12 %

14 %

Action 2 – Aménagement du territoire

119 000 000

100 000 000

134 000 000

110 000 000

13 %

10 %

Action 3 – Continuité territoriale

57 532 437

54 032 437

54 232 603

54 232 603

- 6 %

0 %

Action 4 – Sanitaire et social

56 873 670

56 873 670

35 229 515

35 229 515

- 38 %

- 38 %

Action 5 – Culture, jeunesse et sports

3 770 000

3 770 000

3 000 000

3 000 000

- 20 %

- 20 %

Action 6 – Collectivités territoriales (ex-P160)

306 960 867

312 383 256

296 501 055

315 951 055

- 3 %

1 %

Action 7 – Insertion économique et coopération régionales (ex-P160)

2 980 087

2 980 084

3 000 000

3 000 000

1 %

1 %

Programme 138 – Emploi outre-mer (structure constante)

1 155 500 518

1 151 330 518

1 149 402 000

1 166 602 000

- 1 %

1 %

Programme 138 – Emploi outre-mer (nouveau périmètre)

963 343 704

967 955 235

1 001 702 000

1 008 662 000

4 %

4 %

Action 1 – Abaissement du coût du travail dont :

841 208 518

834 928 518

875 100 000

875 100 000

4 %

5 %

Transfert

21 118 200

14 858 175

8 100 000

8 100 000

- 62 %

- 45 %

Exonérations de charges sociales

819 484 970

819 484 970

867 000 000

867 000 000

6 %

6 %

Action 2 – Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle dont :

314 292 000

316 402 000

274 302 000

291 502 000

- 13 %

- 8 %

Transfert

171 038 614

168 517 108

139 600 000

149 840 000

- 18 %

- 11 %

SMA titre II

85 890 000

85 890 000

83 572 000

83 572 000

- 3 %

- 3 %

SMA autres titres

25 890 000

28 000 000

24 430 000

27 430 000

- 6 %

- 2 %

Ex-programme 160 – Intégration et valorisation de l’outre-mer

97 661 861

95 637 275

95 431 207

94 461 207

- 2 %

- 1 %

Actions 3 – Soutien et état-major dont :

97 661 861

95 637 275

95 431 207

94 461 207

- 2 %

- 1 %

Titre II

67 640 748

67 640 748

67 557 521

67 557 521

0 %

0 %

Autres titres

30 021 113

27 996 527

27 873 686

26 903 686

- 7 %

- 4 %

TOTAL MISSION OUTRE-MER (structure constante)

2 011 029 440

1 952 757 440

2 006 796 380

1 982 476 380

0 %

2 %

TOTAL MISSION OUTRE-MER (nouveau périmètre)

1 721 210 765

1 673 744 882

1 763 665 173

1 730 075 173

2 %

3 %

TOTAL MISSION OUTRE-MER HORS EXOS (nouveau périmètre)

901 725 795

854 259 912

896 665 173

863 075 173

- 1 %

1 %

Et pour mémoire :

 

LFI 2007

LFI 2008

Variation
PLF 2008/
LFI 2007

Programme 138 – Emploi outre-mer

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 2 hors SMA (nouveau périmètre)

32 078 734

34 580 265

26 700 000

30 660 000

- 17 %

- 11 %

Action 2 – SMA

111 780 000

113 890 000

108 002 000

111 002 000

- 3 %

- 3 %

Si on compare le projet de budget pour 2008 aux exercices budgétaires précédents, on constate que, depuis 10 ans, à structure comparable, les crédits publics à l’outre-mer ont bénéficié d’une progression régulière qui, malgré transferts et contre-transferts, a plus que doublé sur la période considérée, passant de 760 millions d’euros équivalents au montant que l’on connaît pour 2008.

Avant d’étudier les actions budgétaires spécifiquement classées comme ultramarines, il convient d’examiner celles qui relèvent des autres ministères et représentent donc 88 % de l’effort national public en faveur de l’Outre-mer.

Analysant avec soin le document de politique transversale (DPT) relatif à l’Outre-mer, le rapporteur spécial de notre Commission des finances a dressé le tableau des cinquante programmes, pas moins, du budget général contribuant au service de l’Outre-mer, regroupables en cinq grands objectifs :

1) garantir la sécurité du citoyen de l’Outre-mer ;

2) développer l’économie et l’emploi ;

3) améliorer les conditions de vie de nos concitoyens ;

4) garantir l’égalité des chances à l’ensemble de nos concitoyens, aussi éloignés soient-ils de la métropole ;

5) soutenir le développement local en collaboration avec les collectivités territoriales.

Relevons que les objectifs 2 et 3 recouvrent le même terrain que les deux programmes du ministère et que le cinquième correspond au programme supprimé que l’on a mentionné plus haut. Le tableau ci-dessous retrace l’évolution de 2007 à 2008 des crédits relevant de la politique transversale :

(en euros)

Numéro et intitulé du programme
ou de l’action

LFI 2007

LFI 2008

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

152

Gendarmerie nationale

371 952 000

349 390 000

326 285 000

352 340 000

176

Police nationale

295 181 000

295 181 000

307 756 000

307 756 000

207

Sécurité routière

1 249 000

1 249 000

1 238 000

1 238 000

161

Intervention des services opérationnels

1 795 000

1 093 000

1 696 000

1 696 000

128

Coordination des moyens de secours

4 230 000

3 308 000

3 951 000

762 000

108

Administration territoriale

74 124 000

75 465 000

133 725 000

133 365 000

181

Protection de l’environnement et prévention des risques (libellé modifié)

8 774 000

7 377 000

35 774 000

29 950 000

170

Météorologie

2 995 000

2 995 000

3 021 000

3 021 000

178

Préparation et emploi des forces

826 227 000

888 582 000

820 542 000

904 128 000

212

Soutien de la politique de la défense

57 252 000

95 632 000

73 488 000

76 318 000

167

Liens entre la nation et son armée

12 024 000

9 434 000

9 579 000

9 579 000

169

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

32 155 000

22 624 000

22 938 000

22 939 000

102

Accès et retour à l’emploi

293 245 000

293 245 000

430 775 000

441 015 000

103

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi (libellé modifié)

59 505 000

59 505 000

64 880 000

64 880 000

111

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

508 000

508 000

445 000

445 000

154

Gestion durable de l’agriculture, de la pêche et développement rural

13 926 000

3 047 000

7 829 000

7 309 000

227

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

76 535 000

72 295 000

73 550 000

69 271 000

149

Forêt

822 000

1 015 000

492 000

842 000

143

Enseignement technique agricole

50 101 000

42 361 000

50 709 000

42 571 000

206

Sécurité et qualité sanitaires de 1’alimentation

11 600 000

10 692 000

10 744 000

10 843 000

134

Développement des entreprises, des services et de l’activité touristique (libellé modifié)

407 000

565 000

370 000

394 000

225

Transports aériens

6 941 000

7 892 000

16 881 000

12 093 000

202

Rénovation urbaine

0

31 000

0

0

147

Équité sociale et territoriale et soutien

31 297 000

35 407 000

27 000 000

31 000 000

109

Aide à l’accès au logement

132 000 000

132 000 000

137 000 000

137 000 000

135

Développement et amélioration de l’offre de logement

110 000

1 315 000

110 000

110 000

157

Handicap et dépendance

26 598 000

26 512 000

26 598 000

26 598 000

204

Santé publique et prévention

14 626 000

14 187 000

14 626 000

14 187 000

228

Veille et sécurité sanitaires

11 337 000

12 935 000

11 247 000

12 845 000

171

Offre de soins et qualité du système de soins

3 012 000

6 613 000

5 932 000

5 932 000

175

Patrimoines

4 251 000

7 474 000

3 861 000

4 993 000

131

Création

5 862 000

6 177 000

5 654 000

5 543 000

224

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

8 417 000

8 607 000

7 437 000

7 486 000

140

Enseignement scolaire public du premier degré

1 078 173 000

1 078 173 000

1 081 755 000

1 081 755 000

141

Enseignement scolaire public du second degré

1 990 704 000

1 990 704 000

1 997 410 000

1 997 410 000

230

Vie de l’élève

389 566 000

389 566 000

381 388 000

381 388 000

214

Soutien de la politique de l’éducation nationale

173 269 000

175 088 000

193 016 000

184 807 0000

150

Formations supérieures et recherche universitaire

37 773 000

58 909 000

34 034 000

34 034 000

231

Vie étudiante

631 000

632 000

632 000

632 000

219

Sport

1 328 000

1 328 000

1 328 000

1 328 000

163

Jeunesse et vie associative

2 972 000

3 204 000

2 936 000

2 936 000

119

Concours financiers aux communes et groupements de communes

25 226 000

21 715 000

25 957 000

22 354 000

120

Concours financiers aux départements

77 808 000

76 857 000

79 603 000

78 685 0000

121

Concours financiers aux régions

145 368 000

143 761 000

142 994 000

147 346 000

105

Action de la France en Europe et dans le monde

31 873 367

31 873 367

30 173 541

30 173 541

112

Aménagement du territoire

2 335 000

2 452 000

1 785 000

2 427 000

203

Réseau routier national

14 133 000

19 110 000

10 000 000

10 000 000

226

Transports terrestres et maritimes

222 000

222 000

4 798 000

4 798 000

 

TOTAUX

6 410 439 367

6 488 307 367

6 623 942 541

6 718 522 541

Dépenses auxquelles s’ajoute la dépense fiscale en faveur de l’outre-mer qui progresse de 4 %, ainsi retrouvé :

Dépenses fiscales contribuant au programme Emploi outre-mer

2007

2008

Imputation sur le revenu global des déficits industriels et commerciaux non professionnels provenant de la location d’un hôtel situé dans le DOM avec travaux

3

3

Exonération, sur agrément, des bénéfices en cas de création d’activité nouvelle dans les DOM

≤ 0,5

0

Exonération des bénéfices réinvestis dans l’entreprise pour les sociétés de recherche et d’exploitation minière dans les DOM

≤ 0,5

≤ 0,5

Prise en compte réduite des résultats provenant d’exploitations dans les DOM (jusqu’en 2017)

85

90

Exonération des rémunérations versées dans le cadre des contrats aidés pour les Rmistes dans les DOM

nc

nc

Exonération de TVA de matières premières et des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion

80

80

Déductibilité de la TVA afférente à certains produits exonérés.

200

200

Total pour le programme

369

373

Dépenses fiscales contribuant au programme « Conditions de vie outre-mer »

   

Déduction des investissements productifs réalisés outre-mer

nc

nc

Réduction d’impôt au titre des investissements locatifs et de la réhabilitation de logements situés outre-mer

220

230

Réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements productifs réalisés outre-mer (avant le 31 décembre 2007)

500

550

Réduction d’impôt sur le revenu (30 % en Guadeloupe, Martinique et Réunion, et 40 % en Guyane)

250

270

Réduction de l’imposition forfaitaire au taux de 16 % des plus-values réalisées outre-mer

4

4

Déduction des investissements productifs réalisés outre-mer (jusqu’en 2017)

160

180

Réduction de 50 % des tarifs des droits d’enregistrement et de timbre en Guyane

2

2

Exonération de TVA des transports maritimes de personnes et de marchandises dans la limite de chacun des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion

nc

nc

Régime de TVA des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion

1 040

1 070

Exclusion des DOM du champ d’application de la TIPP

130

130

Total pour le programme

2 306

2 436

Total pour la mission Outre-mer

2 702

2 809

Source : projet annuel de performance

nc : non chiffrable

La France d’Outre-mer bénéficie enfin de financements provenant de l’Union européenne. L’effort public européen s’est donné pour objectif de rattraper peu à peu le retard économique de ses régions ultra-périphériques (RUP), qui comprennent, outre les quatre départements français d’Outre-mer :

– les régions autonomes portugaises des Açores et de Madère (neuf îles en tout, avec une population totale d’environ 500 000 habitants) ;

– la communauté espagnole des îles Canaries (1,6 million d’habitants).

Le 22 décembre 1989, le Conseil de l’Union européenne a adopté, pour l’ensemble de ces terres, un programme d’options spécifiques à l’éloignement à l’insularité des départements d’Outre-mer (POSEIDOM). Le traité européen reconnaît que ces régions souffrent de surcroît de plusieurs handicaps économiques, tels que la fragmentation de leurs territoires et le surcoût des liaisons internes en résultant, leur dépendance à l’égard d’un nombre restreint de produits commercialisables, qui accentue au surplus l’étroitesse des marchés locaux, d’où une conséquence globale constatée presque partout, d’un taux de chômage particulièrement élevé, c'est-à-dire sensiblement supérieur à celui observé dans les trois pays métropolitains correspondants.

Le POSEIDOM qui, depuis février 2006, tient compte de l’Organisation commune de marché (OCM) relative au sucre, a connu, pour la France, une progression certaine depuis sa mise en place, passant de 126,6 millions d’euros en 2007 à 133,5 millions d’euros pour 2008 (+ 5,5 %). Il devrait atteindre 140,3 millions en 2009 et 143,9 en 2010. Le programme comporte huit catégories de mesures, qui sont établies globalement et non déterminées par département. Elles se sont réparties en 2007 de la façon suivante :

(en millions d’euros)

Régime spécifique d’approvisionnement

20,7

Primes animales

14,1

Importation d’animaux reproducteurs

1,4

Structuration de l’élevage

18,4

Diversification des productions végétales

12,6

Canne sucre rhum

64,5

Réseaux de références

1,0

Assistance technique

0,8

TOTAL

133,5

Les quatre départements français bénéficient également des quatre fonds structurels européens : développement régional (FEDER), social (FSE), développement rural (FEADER), enfin l’Instrument financier d’orientation de la pêche (IFOP) désormais appelé le Fonds européen pour la pêche (FEP). Ces fonds sont gérés et distribués selon une programmation pluri-annuelle, qui ne permet pas de les considérer sous forme de prévision budgétaire. On ne peut qu’en dresser la situation à la dernière date connue, celle de la fin du 1er semestre 2007 :

 

FEDER

%

FEOCA O

%

FSE

%

IFOP

%

Total

%

Guadeloupe

                   

Dotation

522 254

 

140 175

 

166 855

 

4 397

 

833 683

 

Programmation

501 301

96 %

131 514

93,8 %

167 384

100,3 %

3 965

90,2 %

804 166

96,5 %

Consommation

326 055

62,4 %

87 968

62,8 %

106 028

63,5 %

2 534

57,6 %

522 587

62,7 %

Guyane

                   

Dotation

238 161

 

66 089

 

79 889

 

5 422

 

389 561

 

Programmation

234 970

98,7 %

64 140

97,1 %

81 054

101,5 %

5 276

97,3 %

385 440

98,9 %

Consommation

151 844

63,8 %

44 969

68 %

52 326

65,5 %

4 626

85,3 %

253 767

65,1 %

Martinique

                   

Dotation

473 783

 

101 792

 

121 019

 

7 196

 

703 791

 

Programmation

455 177

96,1 %

97 029

95,3 %

121 390

100,3 %

7 123

99 %

680 720

95,3 %

Consommation

256 039

54 %

69 305

68,1 %

74 919

61,9 %

4 527

62,9 %

4 527

62,9 %

Réunion

                   

Dotation

823 386

 

290 611

 

459 735

 

14 369

 

1 588 101

 

Programmation

795 895

96,70 %

297 223

102,3 %

550 665

119,8 %

14 801

103 %

1 658 586

104,4 %

Consommation

470 720

57,20 %

199 403

68,6 %

336 371

73,2 %

9 146

63,7 %

1 015 641

64 %

Source : secrétariat d’État à l’Outre-mer

Les collectivités d’Outre-mer hormis les départements bénéficient pour leur part du soutien du Fonds européen de développement, qui porte un numéro qualifiant chaque exercice. Ainsi, pour 2007, les allocations sont celles du FED 9, abondées des reliquats de versement des trois années précédentes. Le montant du FED 2008 n’est pas encore connu.

FINANCEMENTS DU FED

Territoires concernés

Transfert
des reliquats des
FED 6 à 8

Allocations FED 9

Total disponible

Nouvelle-Calédonie

18 874 541

19 750 000

30 348 087

Polynésie française

3 991 737

16 650 000

20 641 737

Terres australes et antarctiques françaises

-

-

-

Wallis et Futuna

4 820 600

11 500 000

16 320 600

Mayotte

9 123 172

15 200 000

24 323 172

Saint-Pierre-et-Miquelon

474 541

18 400 000

18 874 541

Source : secrétariat d’État à l’Outre-mer

On connaît en revanche la ventilation des crédits du FEDER et du FSE sur la période totale de programmation qui couvre les exercices 2007 à 2013 :

 

FEDER

%

FSE

%

Total

Guadeloupe

543

74,6 %

185

25,4 %

728

Guyane

305

75,3 %

100

24,7 %

405

Martinique

417

81,0 %

98

19,0 %

515

Réunion

1 014

66,2 %

517

33,8 %

1 531

Total

2 279

71,7 %

900

28,3 %

3 178

Les départements d’Outre-mer bénéficieront dans les mêmes conditions de :

•  631 millions d’euros du FEADER (ex FEOGA) répartis comme suit : 138 millions d’euros pour la Guadeloupe, 74 millions d’euros pour la Guyane, 100 millions d’euros pour la Martinique et 319 millions d’euros pour La Réunion.

•  34,25 millions d’euros du FEP (ex IFOP) répartis comme suit : 5,2 millions d’euros pour la Guadeloupe, 6,18 millions d’euros pour la Guyane, 6,47 millions d’euros pour la Martinique et 12,9 millions d’euros pour La Réunion.

D’autre part, les départements d’Outre-mer sont éligibles à l’objectif « coopération territoriale » composé de trois volets : transfrontalier, transnational et interrégional.

Ils bénéficieront de trois espaces de coopération : les espaces « Caraïbes » et « Océan indien » comme en 2000-2006 ainsi que d’un nouvel espace « Amazonie » qui devrait permettre à la Guyane de mieux prendre en compte ses besoins en matière de coopération transfrontalière.

Les montants affectés aux DOM au titre de ce nouvel objectif « coopération territoriale » ont été multipliés par 5 par rapport à 2000-2006 et sont donc de 96 millions d’euros, répartis comme suit :

 

Volet transfrontalier

Volet transnational

Total

Caraïbes

28 086 742 €

19 795 368 €

47 882 110 €

Amazonie

12 830 274 €

 

12 830 274 €

Océan indien

27 199 056 €

8 247 504 €

35 446 560 €

Total

68 116 072 €

28 042 872 €

96 158 944 €

Chaque DOM a entamé les négociations avec la Commission européenne sur ses différents programmes opérationnels et sur son programme de développement rural. Leur adoption devrait intervenir à la fin de cette année.

Comme on le voit, la totalité des concours publics à l’outre-mer, des ministères français hors ministère spécifique, comme des organismes européens, ne peut être aujourd’hui présentée de façon consolidée et comparable d’une année sur l’autre.

C’est pourquoi votre rapporteur recommande au Gouvernement de faire établir désormais un tableau synoptique des moyens publics destinés à l’outre-mer français intégrant à la fois l’ensemble des ministères nationaux et les différents fonds européens.

Dans le même esprit, nous souhaitons que, pour chaque département et collectivité d’outre-mer, l’effort public soit clairement identifié, tel qu’il ressort des tableaux suivants pour les ministères autres que celui en charge de l’outre-mer :



III.— UNE PRIORITÉ CONSTANTE : L’EMPLOI

Une situation particulièrement dégradée

Si les principaux indicateurs économiques relatifs à l’outre-mer font apparaître de grandes disparités entre les territoires, il est hélas une caractéristique qu’ils partagent presque équitablement, c’est un taux de chômage spécialement élevé, qui s’est avéré jusqu’ici extrêmement difficile à réduire, et qui s’établit ainsi selon les régions :

 

Taux de chômage de la dernière année connue

Évolution par rapport à l’année précédente

Guadeloupe

27,3 (06)

+ 1,3

Guyane

29,1% (06)

+ 2,6

Martinique

25,2% (06)

+ 2

Réunion

29,1% (06)

- 2,8

Mayotte

25,6% (06)

- 3,4

Nouvelle-Calédonie

16,3% (04)

nd

Polynésie française

11,7% (02)

nd

St Pierre Miquelon

9,1% (06)

+ 1,2

Wallis et Futuna

15,2% (03)

nd

Saint-Martin

26,5% (99)

nd

Saint-Barthélemy

4,3% (99)

nd

Métropole

9,5% (06)

- 0,3

Outre ce taux de chômage élevé, il faut aussi souligner celui des Rmistes qui représentent près de 20 % de la population ultramarine, contre moins de 5 % en métropole.

L’analyse de la situation économique par territoire fait apparaître à peu près partout une relative stagnation d’une relance économique qui se fait trop attendre.

A la Guadeloupe, et à la Martinique, l’embryon de croissance observé à la fin de 2006, grâce notamment à l’essor du tourisme et aux commandes enregistrées dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, se trouve compensé par la poursuite de la crise de l’économie bananière, dont les exportations reculent au rythme de 10 % par an, en raison notamment de la crise de confiance provoquée par une concurrence de plus en plus forte de grands pays qui produisent la banane dans des conditions souvent proches de l’esclavage, plus récemment par la diffusion d’informations parfois hasardeuses, et sans véritable fondement scientifique, sur les incidences réelles de l’utilisation du pesticide chlordécone depuis 1981 jusqu’à son interdiction en 1993. La production de sucre et de rhum s’en trouve également affectée.

La Réunion a récemment souffert de deux calamités naturelles : une épidémie de chikungunya et la tempête Diwa qui a provoqué de nombreux dégâts matériels. Le tourisme a été profondément affecté, avec des baisses de fréquentation parfois supérieures à 30 % dans certaines zones. L’île conserve toutefois, à la différence des autres territoires, une croissance économique relativement vigoureuse (+5 %) et un début de réduction sensible de son chômage (-2,8%).

La Guyane offre une situation économique contrastée : la bonne tenue du BTP et la sensible augmentation des exportations d’or ne peuvent effacer la diminution globale des productions traditionnelles, qui se traduit par une hausse du chômage de 2,6 %, et un tourisme qui ne parvient toujours pas à décoller malgré les attraits naturels du pays.

Mayotte enregistre une diminution encourageante de son niveau de chômage (-3,4 %) mais un certain retour de l’inflation et un déséquilibre qui s’accentue de sa balance commerciale.

La Nouvelle-Calédonie a bénéficié, elle aussi, de la bonne tenue du BTP, fortifiée en outre par l’augmentation de la valeur des exportations de nickel. En revanche, la fréquentation touristique stagne et certaines productions naturelles, telles que les crevettes et la viande, rencontrent quelques problèmes de compétitivité.

La Polynésie française semble devoir bénéficier du redressement du secteur de la pêche mais celui-ci reste à confirmer. Il en va de même du tourisme, qui progresse de façon satisfaisante.

A Saint-Pierre et Miquelon, la pêche industrielle affiche des résultats positifs, mais que ternit un certain marasme de la pêche artisanale.

Wallis et Futuna souffre toujours d’une faible croissance, d’un manque de débouchés commerciaux et d’une remontée de l’inflation qui entraînent un accroissement de l’émigration.

Au total, la comparaison entre la situation économique des territoires d’outre-mer et celle de la métropole révèle la permanence de la dépendance des îles à l’égard de la métropole. Le secteur public représente près de 40 % des emplois, auquel s’ajoute le rôle fondamental de la commande publique, moteur du secteur industriel et du tertiaire.

Les cultures traditionnelles de la banane, du sucre, du rhum et de la vanille, subissent une concurrence internationale très âpre en raison de coûts de production très élevés et de la faiblesse des volumes exportables.

L’inflation y est plus forte consécutivement au coût des importations, à l’étroitesse des marchés et aux rémunérations des fonctionnaires qui tirent les prix vers le haut.

Enfin, les territoires d’outre-mer sont faiblement ouverts sur leur environnement géographique pour des raisons à la fois culturelles (langue et attachement au mode de vie français) et économiques (logique de mono marché national, concurrence sur les secteurs clés, pauvreté des nations environnantes limitant les débouchés).

En face de ce constat toujours préoccupant, le projet de budget pour 2008 réaffirme la priorité au soutien de l’emploi, désormais clairement orienté selon deux axes : l’abaissement du coût du travail et l’amélioration des qualifications professionnelles.

L’action Abaissement du coût du travail consiste désormais exclusivement à compenser les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale. Par rapport à 2007, elle bénéficie d’un accroissement de 3 % en autorisation d’engagement (qui passent de 841 à 867 millions d’euros) et de 3,8 % en crédits de paiement (de 835 à 867 millions).

Corrélativement, disparaît du budget du ministère, pour être transféré à hauteur de 158 millions d’euros, à celui chargé de l’Emploi des aides directes à la création d’emplois et à la dynamisation de l’embauche : primes générales et géographiques à la création d’emplois et mesures de soutien à la restructuration des entreprises en difficulté.

Ce transfert, regroupant l’ensemble des dispositifs d’aide directe à l’emploi auprès du ministère qui en est chargé, nous paraît de nature à améliorer l’efficacité et la cohérence des interventions de l’État ainsi qu’à générer des économies d’échelle par la réduction d’une partie des dépenses administratives et des frais logistiques qui leur sont afférents.

La réduction du coût du travail est, on le sait, au cœur de la méthode définie par le président de la République pour relancer l’emploi en France, améliorer le pouvoir d’achat et, tablant sur la combinaison de ces deux orientations, trouver le point de croissance qui manque à l’économie nationale. Cette direction s’adapte particulièrement bien à la situation de l’emploi outre-mer dans la mesure où nos productions ultramarines souffrent le plus souvent, on l’a dit, d’un handicap de compétitivité dû au coût de la main-d’œuvre. Les productions concurrentes des pays voisins indépendants, au PIB par tête sensiblement plus bas et au pouvoir d’achat plus faible, incorporant au surplus peu de valeur ajoutée, profitent ainsi d’un avantage économique substantiel, auquel la France ne peut répondre qu’en réduisant le coût du travail outre-mer. C’est pourquoi, cette action incorpore ici, en plus de l’effet économique escompté, un des éléments clés de la solidarité entre la métropole et l’outre-mer.

Le système d’exonération, fixé par la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003, mais lui-même héritier de la loi d’orientation précédente du 13 décembre 2000, ne s’applique qu’aux départements d’outre-mer et à Saint-Pierre et Miquelon. La question de son extension aux autres terres d’outre-mer se pose donc tout naturellement et devra être abordée dans le cadre de la préparation et de la discussion de la prochaine loi de programme, dont le Parlement devrait avoir à connaître du projet dans les premiers mois de 2008. De même devront être réexaminés les plafonds du dispositif en vigueur, qui vont de 30 à 50 % du montant du SMIC majoré. Il conviendra de rediscuter aussi bien de ces taux que de leur assiette. Enfin, la limitation actuelle aux entreprises de moins de onze salariés, aux entreprises du BTP de moins de 51 salariés (et dont on a vu dans le rapide tableau ci-dessus l’effet particulièrement bénéfique dans des régions encore en quête de grands équipements structurants) et aux entreprises de transport aérien, maritime et fluvial, devra aussi être revue, aussi bien au niveau des seuils d’emplois retenus qu’à celui des secteurs d’activité bénéficiaires. Comme l’a, en effet, excellemment exposé le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, lors de son audition conjointe, le 23 octobre dernier, par nos commissions des lois et des affaires économiques, le développement de l’outre-mer ne doit pas être seulement recherché dans la compensation de handicaps structurels établis et prouvés de longue date, mais encore, et peut-être davantage encore, dans la dynamisation de filières porteuses. La porte en a déjà été ouverte pour les entreprises des secteurs « exposés », car subissant de plein fouet les contraintes dues à l’éloignement de la métropole comme des grands marchés, ainsi qu’à la concurrence internationale dans les conditions de moindre coût de main-d’œuvre que nous venons d’évoquer : l’agriculture et la pêche principalement.

A ce titre, il serait extrêmement précieux de disposer d’une vision claire des distorsions de concurrence entre zones de productions ultramarines françaises et zones étrangères qui en constituent les principales compétitrices. Quelle est en effet la réalité palpable et, du coup, compensable, des écarts pensant sur le coût humain de la production et de la commercialisation des produits concernés ? Le secrétariat d’État à l’outre-mer pourrait être utilement inspiré de diligenter une enquête à ce sujet, à moins que notre commission des affaires économiques s’empare du sujet dans le cadre d’une mission d’information.

Dernier secteur à bénéficier d’un allègement social, et du plus substantiel, celui de la restauration et de l’hôtellerie, eu égard aux atouts touristiques des régions considérées.

Tels qu’ils se présentent aujourd’hui, les dispositifs d’allègement des charges sociales ont déjà fait l’objet de plusieurs travaux d’évaluation destinés à apprécier leur pertinence et à mesurer leurs performances :

– l’incidence sur les effectifs employés, sans être spectaculaire, est néanmoins certaine : sur la période 2002-2005, la progression globale des emplois dans les secteurs particulièrement soutenus, est de 17 %, contre 14 % pour l’ensemble de l’économie ultramarine ; reste naturellement à en établir le rapport coût/avantage total, seul outil capable d’aider à la décision de maintenir en l’état, de renforcer ou de refondre les mécanismes en vigueur ;

– en revanche, beaucoup plus net s’avère l’impact sur les effectifs des petites entreprises, économiquement plus sensibles à l’augmentation ou à la diminution des charges de personnel : en cinq ans, celles-ci (moins de onze salariés) ont accru leurs effectifs de 22,5 % (le chiffre équivalent en métropole est de seulement 1,5 %). Encore convient-il ici de veiller aux conséquences des effets de seuil qui, basculant brutalement une entreprise donnée d’une catégorie dans une autre, lui font perdre, ou du moins réduisent, des avantages consubstantiels à son expansion.

Une fois de plus, à défaut d’une fois pour toutes, apprenons à considérer que les complexes dispositifs de niche, pour utiles qu’ils puissent être comme accompagnement momentané, ne sauraient présenter les mêmes vertus que celles d’un environnement global favorable à l’entreprise, orienté vers la confiance en celui qui crée plutôt que vers la méfiance à l’égard de celui qui profite, syndrome dont nos administrations, malgré l’indiscutable modernisation de leur état d’esprit, ne se sont pas encore totalement débarrassées.

Le tableau ci-dessous permet d’offrir au lecteur de ce rapport une vision complète des résultats comparés, entre l’outre-mer, et la métropole, des progressions d’effectifs salariés entre 2002 et 2005 dans les entreprises bénéficiant des mêmes allègements de charges sociales patronales :

Secteurs d’activité

Outre-mer

Métropole

Agriculture

0,88

0,92

Pêche, aquaculture

1,91

1,88

Industrie extractive

1,12

0,92

Industrie manufacturière

1,08

0,92

Presse

1,11

1,00

Énergie renouvelable

1,00

0,95

BTP moins de 50

1,33

1,10

BTP plus de 50

1,01

1,12

Hôtellerie restauration

0,92

1,12

Hôtellerie restauration non classée

1,26

1,12

Tourisme

1,04

1,10

TIC

1,25

1,09

Production audiovisuelle

1,03

1,15

Transport aérien non régulier

1,43

1,13

Transport aérien régulier

1,32

1,01

Transports autres

0,97

1,20

Ce qui frappe au premier abord, au-delà de la comparaison des chiffres un à un, c’est évidemment la faiblesse moyenne de la progression de l’emploi, qu’il se situe en métropole ou outre-mer, qu’il relève ou non d’un secteur aidé, exception faite, peut-être, du transport aérien et, surtout, de la pêche. Entre le taux le plus bas, celui de l’agriculture, et le plus élevé, celui du BTP, l’écart n’est que de 0,4 point. Soit en termes macro-économiques et sur le long terme : quasiment rien.

Faut-il en conclure que nos méthodes de soutien à l’emploi, trop chiches, trop complexes, ne récoltent que ce que récolte un semeur trop économe de sa semence ? Ou bien que l’on s’est trompé sur la nature des terrains ?

Il nous paraît donc aujourd’hui nécessaire, bien au-delà de la modeste comptabilité budgétaire du projet de loi de finances pour 2008, de nous interroger sur l’ensemble des tenants et aboutissants de l’emploi outre-mer. L’organisation d’une grande conférence nationale sur le sujet fournirait probablement l’occasion de considérer le problème dans sa dimension réelle et d’esquisser, à tout le moins, des grandes pistes pour l’avenir. Cette approche doit, elle-même, se coordonner avec la préparation de la prochaine loi de programme et avec la mise en place des futures zones franches globales d’activité. Une remise à plat complète des dispositifs, préférable à un répétitif replâtrage, ne nous semble pas à exclure.

D’autant moins que, comme l’observe le rapporteur de la commission des finances, le dispositif d’allègement de charges sociales souffre régulièrement, et de puis plusieurs années, d’une sous-budgétisation presque chronique. L’obligation légale, pour l’État, de compenser aux comptes des organismes de sécurité sociale, les sommes dont, malgré leur autonomie financière, ils se trouvent amputés du fait de sa politique sociale en faveur de l’emploi, laisse la pénible impression qu’au cours des dernières années celui-ci a eu tendance à se faire tirer l’oreille pour s’acquitter financièrement de son devoir, ce que démontre le tableau ci-dessous :

ÉVOLUTION DE LA DETTE DE L’ÉTAT ENVERS LES ORGANISMES SOCIAUX
AU TITRE DES EXONÉRATIONS POUR L’OUTRE-MER

(en millions d’euros)

 

2005

2006

2007

2008

ACOSS

838,75

901

936

964

CCMSA

28,53

35

40

45

ENIM

6,76

10,3

10,4

13

CPS

4,7

4,6

5

5

RSI

55,75

97,6

102,9

102,9

Une fois encore, l’ensemble de ces éléments milite pour la reconsidération d’un système qui, légitime sur le principe et théoriquement porteur, devrait produire des effets plus sensibles que ceux constatés au cours de ces dernières années.

Complémentaire de la première, l’action Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle se voit, selon la logique indiquée plus haut, amputée au profit du ministère chargé de l’Emploi des crédits correspondants aux contrats aidés à destination des personnes les plus éloignées du marché du travail, ce qui recouvre outre le congé de solidarité, qui constituait une mesure non renouvelable, les dispositifs suivants : l’allocation de retour à l’activité (ARA), les stages de formation et d’insertion professionnelle (SFIP), la prise en charge des jeunes stagiaires en développement (JSD) et divers types de contrats de travail spécifique, tels que le contrat d’accès à l’emploi, le soutien à l’emploi des jeunes diplômés, les contrats emploi-solidarité, le contrat d’insertion par l’activité, le contrat-emploi-jeune… dont il faut bien se demander si l’accumulation, réalisée par strates successives plutôt que par stratégie à moyen terme, répond bien aux besoins économiques et sociaux particuliers et spécifiques à la relance de l’activité outre-mer. Ici aussi, bilan et évaluation mériteraient d’être inscrits à un prochain ordre du jour de la politique de l’emploi.

Ne restent donc inscrits au budget de l’outre-mer stricto sensu que :

– les primes à la création d’emplois à Wallis et Futuna ;

– le service militaire adapté (SMA) ;

– des subventions de l’État à divers organismes, au premier rang desquels figure l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer (ANT).

Institué en 1961 pour les seules Antilles et Guyane, le SMA fut peu à peu élargi aux autres terres d’outre-mer. Son objectif est d’offrir aux jeunes ultra-marins des deux sexes âgés de 18 à 26 ans, une formation professionnelle dans le cadre de l’Armée français, laquelle dispose des moyens de proposer un certain nombre de métiers ultérieurement exploitables dans la vie civile. Trois mille volontaires en bénéficiant aujourd’hui, répartis entre 37 filières professionnelles qui vont de l’apiculture à la tôlerie automobile pour un coût unitaire de 38 000 euros.

Le taux d’insertion professionnelle des volontaires en fin de contrat peut être considéré comme satisfaisant mais aussi comme perfectible : il avoisine les 75 % en moyenne sur les trois dernières années, avec un objectif de 80 % à horizon 2011, à rapprocher d’un taux de chômage qui avoisine souvent les 50 % pour les ultramarins de moins de vingt-cinq ans.

La traduction budgétaire du SMA est particulièrement difficile à appréhender à la lecture des documents présentés au Parlement : son coût n’est pas identifié en tant que tel dans le « bleu outre-mer » et ne peut être comparé à celui de l’année précédente. Notre commission des finances a cependant réussi à établir à 111 millions d’euros le coût global du SMA prévu pour 2008 : les dépenses de personnel atteignant 83,57 millions d’euros, soit une diminution de 3 % par rapport à 2007 ; les crédits de fonctionnement courant, à hauteur de 19,43 millions d’euros, diminuent pour leur part de 2 % ; enfin les dépenses d’investissement, fort modestes (8 millions d’euros) sont quasiment stationnaires. Leur totalité est affectée au simple maintien du stock des équipements existants, y compris leur mise aux normes lorsque celle-ci est nécessaire.

Enfin, l’Etat verse une subvention pour charges de service public, de 8,27 millions d’euros, elle aussi quasiment stationnaire par rapport à 2007, à l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer (ANT). Celle-ci gère désormais ce qui demeure de la compétence propre du ministère de l’outre-mer, après le transfert que l’on a vu au profit du ministère en charge de l’Emploi, soit :

– la formation professionnelle en mobilité ;

– les mesures propres aux collectivités du Pacifique.

L’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle au titre de la mobilité comprend deux dispositifs :

– le projet initiative jeunes (PIJ) vise à aider les jeunes de moins de trente ans à réaliser un projet professionnel grâce à une formation qualifiante suivie hors de leur territoire d’origine. Il comporte lui-même deux volets :

•  le PIJ-création d’entreprise qui s’adresse aux jeunes de moins de trente ans ou aux bénéficiaires d’un contrat emploi-jeune arrivés au terme de leur contrat, en vue de les aider à réaliser un projet de création d’entreprise. Il permet l’attribution d’une aide financière versée sous forme de capital ;

•  le PIJ-mobilité qui a pour objectif d’aider les jeunes des départements d’outre-mer, de Saint-Pierre et Miquelon et de Mayotte âgés de 18 à 30 ans, ou ayant terminé un contrat « nouveaux services, emplois jeunes » depuis moins de trois mois, à réaliser un projet professionnel en suivant un cursus de formation qualifiante, grâce à une aide de l’État ;

– la formation individualisée en mobilité (FIM) permet aux mêmes jeunes de moins de trente ans de participer à des actions de formation en métropole afin de suppléer l’absence de formations similaires outre-mer.

Le montant total des deux dispositifs s’élève pour 2008 à 14,34 millions d’euros de crédits de paiement, soit une simple mise à niveau par rapport à 2007.

Les mesures spécifiques aux collectivités du Pacifique n’entrent pas dans le cadre de l’ANT et relèvent de dispositifs plus ciblés : chantiers de développement local (CDL) pour Wallis et Futuna (1 million d’euros en 2008) dans le cadre du contrat de projet État-région couvrant la période 2007-2011 ; programmes de formation de cadres en métropole, pour ces mêmes îles Wallis et Futuna, ainsi que pour la Nouvelle-Calédonie (6,6 millions d’euros en 2008).

Dernier dispositif du programme de soutien de l’emploi outre-mer, l’aide à la structuration du dialogue social, dotée de 200 000 euros, consiste à apporter aux partenaires sociaux d’outre-mer des outils de dialogue afin d’améliorer la pratique de la négociation collective et, ainsi, de mieux prévenir des conflits sociaux durs toujours coûteux, et bien souvent évitables.

Le Centre d’études de l’Emploi, établissement public placé sous la double tutelle du ministère chargé de la Recherche, s’est vu confier récemment par le Secrétariat d’État à l’outre-mer une étude économétrique visant à évaluer l’incidence de la politique de l’emploi outre-mer au titre des allègements de charges patronales. Ses résultats devraient être connus dans le courant de l’année 2008 et servir ainsi d’élément de réflexion à une éventuelle réorientation de l’action considérée.

IV.— AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER

La suppression du programme Intégration et valorisation de l’outre-mer qui figurait au budget de 2007 a pour effet d’élargir le champ de celui du nouveau programme Conditions de vie outre-mer, mieux intégré comme on l’a déjà dit, et dont la simplicité de l’intitulé est un gage incontestable. Quatre des six actions identifiées relèvent, par elles-mêmes, de la notion de conditions de vie : le logement, l’aménagement du territoire, la continuité territoriale, l’action sanitaire et sociale, l’action culture, jeunesse et sports. Les deux autres constituant plutôt des moyens de satisfaire les quatre premières.

Leur répartition en 2007 et pour 2008 s’établit ainsi :

(en milliers d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

2007

2008

Variation (en %)

2007

2008

Variation (en %)

Logement

210 750

236 000

12

175 750

200 000

13,8

Aménagement du territoire

119 000

134 000

12,6

100 000

110 000

10

Continuité territoriale

57 532

54 232

-5,7

54 032

54 233

0,4

Sanitaire et social

56 874

35 229

-38

56 874

35 229

-38

Culture, jeunesse et sports

3 770

3 000

-20,4

3 770

3 000

-20

Collectivités territoriales

306 959

296 501

-3,4

312 390

315 951

1,1

Insertion économique et coopération régionales

2 980

3 000

0,7

2 980

3 000

0,72

Totaux

757 866

761 963

0,5

705 796

721 413

2,2

En 1997, un transfert en direction du ministère de l’outre-mer a confié à celui-ci la politique du logement, endémiquement dégradée depuis de très nombreuses années. Offrir à chacun un habitat décent constitue un objectif évident de l’action des pouvoirs publics, en métropole comme en outre-mer. L’insuffisance du logement social, en fait l’inexistence de celui-ci à l’époque, est dénoncée dès 1830 dans le célèbre rapport du docteur Villermé stigmatisant les conditions honteuses de l’habitat des catégories de population les moins modestes et ne mentionnant l’outre-mer que d’une phrase : « et dans nos possessions lointaines, la situation est encore bien pire ». Pourtant, les premières lois sur le logement social, notamment en 1894 la création des habitations à bon marché (HBM), puis des sociétés de crédits immobiliers en 1908, la loi Loucheur de 1928 oublièrent l’outre-mer. Après 1918 et après 1945, il s’agissait surtout de reconstruire et l’outre-mer n’avait pas connu les dévastations dues aux deux guerres mondiales. Enfin, lorsque l’abbé Pierre prenait la tête de la croisade des sans-logis c’était au moment du terrible hiver de 1956. Or, la métropole en est persuadée depuis toujours, le froid épargne l’outre-mer.

La prise de conscience de la nécessité d’une politique vigoureuse de soutien au logement social outre-mer fut donc tardive et rendue plus difficile par le retard accumulé. Depuis dix ans, les moyens courent après les besoins et ne parviennent pas à les rattraper. Ce serait déjà un progrès qu’ils ne se laissent pas distancer et le budget pour 2008 fournit à cet égard quelques signes encourageants.

En avril 2006, un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances, du Conseil général des ponts et chaussées et de l’Inspection générale de l’administration a examiné en profondeur la problématique du logement social outre-mer.

La mission a d’abord pu mesurer l’importance des besoins en logements aidés et intermédiaires qui restent à satisfaire dans les DOM et à Mayotte. Elle a constaté que les efforts financiers consentis ont abouti à la fois à un accroissement du parc de 15 % depuis 1999 et, sauf en Guyane et à Mayotte, à une sensible amélioration de ses éléments de confort, à l’exclusion de l’assainissement. Cependant, la production globale de logements stagne depuis 2000 autour de 20 000 logements autorisés par an et, surtout, la part, dans ce total, des logements locatifs sociaux autorisés a décru de près de 30 % en 2000 à environ 15 % en 2005.

La mission a identifié les principaux facteurs explicatifs de cette situation préoccupante :

– la faible disponibilité en foncier aménagé à prix abordable, du fait des carences de l’action publique en matière de planification de l’espace et de maîtrise foncière, conjuguée à la hausse des coûts de construction ;

– le concours limité, voire insuffisant, de certains opérateurs fonciers et de logement social à la production de nouveaux logements sociaux ;

– les freins au montage financier des opérations résultant à la fois de l’incohérence des arbitrages budgétaires (ligne budgétaire unique – LBU), des interventions limitées de financeurs tels que l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH), le « 1 % » logement et, dans une moindre mesure, de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ;

– les impacts négatifs des mécanismes de défiscalisation sur la production de logement social, malgré un coût pour l’État équivalent à celui de son aide budgétaire à la pierre sur le logement social ;

– la faible implication de la plupart des collectivités territoriales dans l’aménagement et les politiques de l’habitat, tant en ce qui concerne l’animation que leur financement.

Ayant dressé ce constat, la mission a estimé, selon nous à juste titre, que l’État ne devait pas se tromper de rôle, que le sien n’est pas demeurer le premier bailleur social outre-mer au travers de ses sociétés immobilières (SIDOM) mais de piloter une politique adaptée aux réalités locales :

– en créant une Agence de l’habitat outre-mer qui concentrerait et sécuriserait les moyens financiers dégagés, superviserait et coordonnerait la politique de l’habitat dans un cadre contractuel partout où cela est possible ;

– en utilisant tous les leviers possibles pour mobiliser la ressource foncière, « depuis la planification de l’espace jusqu’à la viabilisation des terrains constructibles en passant par les mécanismes de maîtrise foncière » ;

– en optimisant les moyens de financement disponibles, ce qui implique notamment de rechercher des financements complémentaires à l’image de ceux mis en œuvre en métropole, et de revoir de fond en comble les dispositifs de défiscalisation ;

– en dynamisant les opérateurs existants dans le cadre de perspectives pluri-annuelles et en favorisant l’arrivée de nouveaux acteurs sur des produits spécifiques ;

– en s’inscrivant enfin dans une stratégie de développement durable, tenant mieux compte qu’aujourd’hui des contraintes géo-climatiques, des risques qui leur sont liés, et des modes de vie des populations concernées.

De surcroît, l’État avait accumulé une dette importante à l’égard des opérateurs locaux du logement social. Elle a été apurée, au 31 décembre 2006, pour un montant de 56 millions d’euros, conformément à l’engagement pris en février 2007 lors de la conférence nationale du logement outre-mer. Naturellement, le propre de ce type de dette est de se reconstituer au cours de l’exercice suivant.

Pour 2008, les crédits du logement social outre-mer connaissent une progression sensible, de 14 %, passant de 175,75 millions d’euros à 200 millions d’euros en crédits de paiement. Ils se répartissent essentiellement entre :

– les contributions complémentaires aux financements de la Caisse des dépôts et consignations, sous forme de subvention directement versées aux opérateurs, pour 94,12 millions d’euros ;

– les mécanismes d’accession à la propriété, pour 51,37 millions d’euros ;

– les aides à l’amélioration de l’habitat privé, pour 28,47 millions d’euros ;

– la résorption de l’habitat insalubre, particulièrement problématique à Mayotte, pour 17 millions d’euros ;

– la participation à l’aménagement des quartiers, pour 4,24 millions d’euros.

Des dépenses fiscales complètent le financement du logement outre-mer. La principale mesure consiste en une réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements locatifs et de la réhabilitation de logements situés dans les DOM, à Saint-Pierre et Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Prévue par l’article 199 undecies A du code général des impôts, cette réduction a un coût évalué à 230 millions d’euros pour 2008.

La politique du logement ne prend véritablement son sens que si elle est maîtrisée dans le cadre d’une politique plus globale, qui est celui de la ville et de l’aménagement harmonieux du territoire ; il sera d’ailleurs rappelé plus loin la nécessité de trouver, à travers une révision du Plan de prévention des risques (PPR), la possibilité d’étendre les capacités foncières.

Le secrétariat d’État à l’outre-mer observe que la situation des villes et des territoires se démarque sensiblement de celle de la métropole, pour les raisons ci-dessous exposées :

– l’importance de la croissance démographique provoque un développement rapide et souvent incontrôlé de l’urbanisation. La ville se construit tous les jours. La politique de la ville, conçue en métropole comme une politique de revalorisation des quartiers d’habitat social, vise dans les DOM des quartiers anciens et d’habitat précaire. Il convient de mettre en œuvre des politiques urbaines volontaristes capables de produire un habitat décent adapté à la demande sociale tant dans le parc existant que dans les nouveaux quartiers d’habitat ;

– la forte diffusion dans l’espace des situations de pauvreté économique et sociale qui nécessite de ne pas restreindre la politique de la ville aux seules « villes capitales » de l’outre-mer ;

– un habitat encore marqué par un nombre important de logements insalubres ;

– une croissance économique qui ne suffit pas à résorber un chômage endémique (supérieur à la métropole), chez les jeunes notamment ;

– l’importance de la consommation et du trafic de drogue (crack essentiellement), à des niveaux identiques à ceux de l’Île de France.

Au regard de ces contraintes, les actions prises en matière de politique de la ville relèvent essentiellement d’une part du programme national de rénovation urbaine (PNRU), cofinancé par l’ANRU et le Secrétariat d’État à l’outre-mer, et d’autre part des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) qui succèdent aux contrats de ville à compter du 1er janvier 2007 pour une durée de trois ans renouvelable. La loi du 31 mars 2006 a créé l’Agence pour la cohésion sociale et d’égalité des chances (ACSE) en précisant que cette dernière devra prendre en compte les spécificités des DOM.

Il existe désormais dans ceux-ci sept zones franches urbaines (ZFU) qui permettent de bénéficier sur des territoires strictement délimités d’exonérations fiscales et de charges sociales. La loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006 a permis la création en 2007 d’une nouvelle ZFU à la Réunion et d’étendre cinq autres ZFU déjà existantes (aux Antilles et en Guyane).

Pour les secteurs sensibles localisés hors des zonages de la politique de la ville, des crédits de la Délégation interministérielle à la ville (DIV) peuvent être utilisés pour des actions ponctuelles de prévention ou de maîtrise d’œuvre sociale (MOUS).

Le montant global de l’enveloppe CUCS pour l’ensemble de l’outre-mer s’élève à 28 761 000 euros en 2008.

Par département, la répartition est la suivante :

 

Nombre de CUCS

En euros

Guadeloupe

8

9 617 971

Martinique

2

5 428 790

Guyane

5

4 866 578

Réunion

15

7 089 329

Sur ces enveloppes de crédits « ville », 10 à 15 % sont à disposition des préfets pour des actions de prévention, d’animation et de maîtrise d’œuvre sociale et urbaine (MOUS) dans des sites hors CUCS mais nécessitant des interventions relevant d’actions ponctuelles du même type.

Dans le cadre du programme national de rénovation urbaine, trois dossiers ont été conventionnés à ce jour : St Benoît de la Réunion, Fort de France en Martinique, Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Ces trois dossiers représentent un coût total de 506 millions d’euros.

D’autres dossiers ont été présentés en comité d’engagement à l’ANRU (St Pierre, Cayenne, Kourou, le Port, les Abymes) et seront prochainement conventionnés. Enfin, d’autres dossiers sont en cours d’élaboration ou de finalisation (Matoury, Pointe-à-Pitre Lauricisque, Mamoudzou, St André, Fort de France).

Dans les collectivités d’outre-mer du Pacifique, les compétences liées à la mise en œuvre de la politique de la ville sont du ressort de la collectivité territoriale (Polynésie, Wallis et Futuna) ou des provinces (Nouvelle-Calédonie). L’État participe cependant à leur financement dans ces territoires, au travers des contrats de plan et de développement notamment, compte tenu de l’ampleur des besoins et de l’insuffisance des moyens locaux.

En revanche, à Mayotte ces matières sont de la compétence de l’État en vertu de la loi 2001-616 du 11 juillet 2001. A noter que la loi Engagement national pour le logement (dit loi ENL) n° 2006-812 du 13 juillet 2006 consacre l’éligibilité de Mayotte à l’ANRU. Un projet de rénovation urbaine est en cours d’élaboration à Mamoudzou.

L’action Aménagement du territoire fournit pour sa part un cadre budgétaire à l’exécution des contrats de plan, consistant à contribuer au financement des infrastructures des collectivités territoriales, équipements publics destinés à améliorer les conditions de vie quotidienne de nos concitoyens. Sa dotation progresse de 10 %, atteignant 110 millions pour 2008.

Les contrats de projets État-régions 2007-2013, mobiliseront 703,48 millions d’euros au total, dont 268 millions d’euros à la charge du programme Conditions de vie outre-mer. Pour 2008, sont prévus 34,58 millions d’AE, répartis ainsi : 8,85 millions d’euros pour la Guadeloupe, 6,32 millions d’euros pour la Guyane, 7 millions d’euros pour la Martinique et 12,36 millions d’euros pour la Réunion.

32,22 millions d’euros sont par ailleurs mobilisés au titre des contrats entre l’État et la Nouvelle-Calédonie, ainsi que 28 millions (en autorisations d’engagements) pour le contrat à venir avec la Polynésie française et couvrant la période 2008-2012.

La continuité territoriale continue de constituer un sujet sensible. Le président de la République a récemment rappelé qu’il s’agissait d’une priorité majeure. Il faut aussi nous réjouir des propos du secrétaire d’État à l’outre-mer projetant de faire inscrire le principe « dans le marbre de la loi » [c’est-à-dire de la prochaine loi de programme] s’il ne peut être obtenu dans le cadre d’une concertation avec les compagnies aériennes. L’avion réel moyen – rappelons-le toujours – de désenclaver l’outre-mer continue de présenter des tarifs prohibitifs, plus spécialement pour certains territoires à la desserte malaisée tel Saint-Pierre et Miquelon, ou inexistante, comme à Mayotte.

Le concours de l’État au financement de la « dotation de continuité territoriale », inscrit dans le cadre de la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003, se traduit par le versement d’une dotation annuelle à chaque DOM permettant d’accorder à leurs résidents une aide forfaitaire pour effectuer un voyage annuel aller et retour entre chacun d’entre eux et la métropole. Le montant de cette dotation évolue comme la dotation globale de fonctionnement des communes. Il a été de 30 millions d’euros en 2004, 30,986 millions d’euros en 2005, 31,832 millions d’euros en 2006 et 32,6 millions d’euros en 2007. Depuis 2005, son financement est assuré sur le seul budget du ministère de l’outre-mer.

Cette dotation, destinée à favoriser le développement d’une compétence facultative des collectivités, n’a été abondée à ce jour par aucune d’entre elles (sauf 150 000 euros au départ du dispositif en Guadeloupe). La Commission européenne, de son côté, s’est montrée jusqu’à présent hostile également à tout concours financier.

Dans les DOM, ce sont les Régions qui ont en charge la définition et la gestion de ce dispositif. Seule, la Région Guyane n’a pas encore désigné les bénéficiaires et organisé la gestion de ce dispositif. Ceux mis en place dans les trois autres DOM (et leurs modifications ultérieures) ont été notifiés et agréés par les services de la Commission européenne au titre des aides d’État.

Au total, l’évolution du nombre de bénéficiaires aidés témoigne d’une montée en puissance du dispositif avec 9 443 passagers aidés en 2004, 55 478 passagers en 2005 et 63 776 en 2006.

Les chiffres de 2007 ne sont pas encore disponibles.

Pour 2008, les crédits de la continuité territoriale demeurent quasiment stables par rapport à 2007 : 52,2 millions d’euros contre 54 millions. L’essentiel des sommes va à la dotation de continuité territoriale, pour 33,3 millions. Le deuxième concours important, mis en place par l’État en 2002, est le passeport mobilité, doté de 15,8 millions d’euros.

Rappelons que ce dispositif permet :

– la gratuité du transport aérien vers la métropole ou vers une autre collectivité d’outre-mer pour les jeunes domiens de 18 à 30 ans venant suivre une formation qualifiante ou venant occuper un emploi ;

– la prise en charge d’un voyage aller-retour pour les candidats admissibles aux oraux de concours des grandes écoles, aux oraux de concours des catégories A et B des trois fonctions publiques (État, hospitalière, territoriale), et aux oraux de concours des écoles d’infirmières.

La commission des finances de l’Assemblée nationale a publié, en mars 2007, un rapport d’information sur ce dispositif : le nombre de bénéficiaires a été multiplié par 10 en cinq ans et son coût par 2,5. Ce qui démontre, à l’évidence, l’immensité du besoin virtuel d’échanges entre la métropole et ses terres lointaines. On a craint que le dispositif ne donne lieu à des abus ou ne souffre de certaines dérives. En réalité, c’est un mécanisme de solidarité nationale évidente dont il conviendra d’étudier l’extension à d’autres catégories de population dans un cadre peut-être mieux réglementé.

L’action sanitaire et sociale en faveur de l’outre-mer voit ses crédits diminuer sensiblement pour 2008 : ils passent de 56,87 millions d’euros à 35,23 millions, soit une baisse de 38 %. Celle-ci s’explique exclusivement, selon le secrétariat d’État à l’outre-mer, par la désinscription budgétaire de la part de financement qu’assurait jusqu’ici l’État français au système spécifique de protection sociale de la Polynésie française, c’est-à-dire à la Caisse de prévoyance sociale (CPS) qui couvre, depuis le 1er janvier 1995, la quasi-totalité des risques sociaux et du secteur d’activité, à l’exception des agents publics de l’État, qui relevait du régime métropolitain. La dotation de l’État au régime représentait jusqu’en 2007 environ 10 % de ses ressources.

Le changement de statut de la Polynésie, prévu par la loi organique du 27 février 2004 qui en fait un pays d’outre-mer au sein de la République française, lui confère une totale autonomie dans le domaine économique et social. Cette autonomie n’exclut évidemment les contributions de la métropole. Toutefois, celles-ci sont désormais conditionnées à une rediscussion globale, dont les résultats se traduiront dans le contrat de projets à venir.

Il nous paraît toutefois que la suppression de la dotation à la CPS dès le 1er janvier 2008 intervient de façon prématurée et qu’il conviendrait d’attendre pour cela la signature du contrat de projets et la détermination de toutes ses stipulations. Dans ces conditions, un amendement du Gouvernement consolidant jusque-là la dotation nous semblerait le bienvenu.

Pour le reste, l’action sanitaire et sociale en faveur de l’outre-mer affiche une grande stabilité en 2008. Les deux principaux postes concernent :

– le financement de l’agence de santé de Wallis et Futuna (pour 21,77 millions d’euros contre 21,56 en 2007) ;

– diverses actions de santé dans les collectivités d’outre-mer, notamment des actions d’information et de prévention (pour 9,56 millions d’euros contre 9,98) relatives au SIDA et à certaines pathologies spécifiques aux régions concernées.

L’action culture, jeunesse et sports, qui ne représente que 0,4 % du programme Conditions de vie outre-mer, subit une diminution de 20 % de ses crédits, qui passent de 3,77 à 3 millions d’euros. Ils sont affectés au financement de réalisations ayant déjà fait l’objet d’engagements de l’État, notamment :

– le fonctionnement de l’agence de développement de la culture kanak (ADCK) qui gère le Centre culturel Tjibaou pour un montant de 1,2 million d’euros ;

– des opérations culturelles hors fonds d’échanges artistiques et culturels. Il s’agit notamment d’opérations de diffusion sans résidences, par exemple des concerts (pour 535 000 euros) ;

– le fonds d’échanges artistiques et culturels pour l’outre-mer, à hauteur de 450 000 euros pour le ministère en charge de l’outre-mer, auxquels s’ajoutent 450 000 euros financés par le ministère de la Culture et de la communication ;

– le fonds de promotion des échanges à but éducatif, culturel et sportif, doté de 1,9 million d’euros, dont 20 % environ sont consacrés aux déplacements des acteurs culturels ;

– le Centre national de la cinématographie, qui aide la production des œuvres ultramarines, pour 300 000 euros ;

– divers projets présentés par les associations ultramarines culturelles de métropole, pour 200 000 euros.

L’action Collectivités territoriales, qui apparaît pour la première fois dans la nomenclature budgétaire en raison de la réduction à deux programmes que l’on a indiquée plus haut, se voit dotée d’un montant de crédits de 315,951 millions d’euros, soit 1 % de plus que le montant équivalent figurant dans la loi de finances pour 2007.

Elle poursuit deux objectifs :

– maintenir la capacité financière des collectivités d’outre-mer en vue de favoriser un égal accès de tous aux services publics et de compenser une partie des handicaps structurels de certaines collectivités ;

– fournir une aide d’urgence aux populations et aux collectivités frappées par des catastrophes ou des calamités naturelles.

Les dotations aux collectivités territoriales répondant au premier objectif se répartissent principalement entre les territoires suivants :

– pour Mayotte, une dotation pour réforme de l’état civil (300 000 euros, comme en 2007), une dotation spéciale aux équipements des établissements scolaires (4,41 millions d’euros, indexé chaque année sur le taux d’évolution de la population scolarisée), enfin une dotation dite de rattrapage et de premier équipement des communes, destinée depuis 2001 à compenser l’absence de fiscalité locale et abondée à hauteur de 9,22 millions d’euros pour 2008 ;

– en Nouvelle-Calédonie, le bénéfice de la dotation globale de fonctionnement (DGF) prévu par la loi organique du 19 mars 1999 (80,23 millions d’euros en 2008) ; de même celui de la dotation globale de compensation au titre des services publics d’établissements publics transférés, laquelle évolue au même rythme que la précédente, et s’élève à 3,59 millions d’euros pour 2008 ; une dotation globale de construction et d’équipements des collèges, également prévue par la loi organique (12,11 millions d’euros pour 2008) ; enfin une subvention de l’État à l’Agence de développement économique de la Nouvelle-Calédonie (304 000 euros) ;

– à Wallis et Futuna, l’État versera en 2008, comme chaque année depuis 1996, une subvention d’équilibre de 507 000 euros pour compenser la faiblesse des ressources publiques propres de l’archipel ;

– en Polynésie française, trois contributions de l’État sont à signaler : celle au Fonds intercommunal de péréquation, évoluant comme la DGF, et s’élevant à 8,8 millions d’euros pour 2008 ; comme en Nouvelle-Calédonie, la dotation globale de compensation au titre des services et établissements publics transférés (760 000 euros) ; enfin la perception de la dotation globale de développement économique (DGDE), instituée par une convention du 4 octobre 2002 et succédant au Fonds de reconversion de l’économie polynésienne créé, en 1996, afin de compenser le manque à gagner économique et financier résultant de l’arrêt des expériences nucléaires (188 millions d’euros pour 2008, soit une augmentation de 25 % par rapport à 2007) ;

– les TAAF bénéficieront pour leur part de deux dotations, dont une spécifique aux Îles Éparses, compensant la faiblesse de leurs ressources publiques propres (5 millions d’euros en 2008).

Les mesures d’aide d’urgence et de solidarité à la suite de calamités sont financées par un fonds de secours doté de 1,6 million d’euros en 2008, auquel s’ajoute le financement des services de sécurité et de défense civiles, à hauteur de 166 000 euros en 2008. Le secrétariat d’État à l’outre-mer fait valoir que la modestie de cette somme doit être relativisée par le fait que l’objectif poursuivi en la matière est de susciter des financements complémentaires de l’État ou des collectivités territoriales.

Enfin, l’action Insertion économique et coopération régionales, qui elle aussi apparaît pour la première fois, représente 0,4 % du montant du programme et vise à inciter les collectivités d’outre-mer à développer les échanges avec leurs voisins. Son montant total, 3 millions d’euros, est identique au montant équivalent identifiable pour 2007 :

– 1,24 million d’euros financeront des projets retenus dans les domaines du développement durable, de l’environnement et de la santé ;

– 1,5 million d’euros abonderont des programmes européens de coopération territoriale, pris en charge à 75 % par le FEDER. Ils concernent essentiellement les domaines de la santé, de l’éducation, des sports et de la culture.

EN GUISE DE CONCLUSION

Dans la mosaïque géographique, économique, culturelle, sociale et administrative, de nos régions d’outre-mer, se reflète la mosaïque des crédits budgétaires qui leur sont alloués. Il ressort de leur examen l’impression qu’ils se sont sédimentés, répondant un à un à des besoins structurels ou contingents sans qu’il soit possible, des années plus tard, de comprendre parfaitement de laquelle de ces deux logiques ils relèvent. La lecture du « bleu outre-mer » ne facilite pas leur analyse. Traduction de la LOLF, il apporte bien plus d’information que les anciennes annexes spécialisées au projet de loi de finances, mais d’une façon souvent touffue, qui ne permet ni une lecture linéaire du document ni souvent de comparaison d’un exercice à l’autre.

Les instruments d’évaluation restent souvent partiels, les indicateurs incomplets ou peu pertinents. Dans plusieurs cas, il est malaisé de faire coïncider les chiffres globaux du programme avec l’addition des actions qui le composent. Or, la présentation d’une mission ministérielle doit servir à éclairer les choix politiques, non à constituer un test de virtuosité pour technocrates avertis.

Nos difficultés ont encore été accrues par les transferts et contre transferts dont, depuis de nombreuses années, le budget de l’outre-mer semble présenter un terrain privilégié. Enfin, de nombreuses questions posées dans le cadre de la préparation des travaux parlementaires et évidemment sur les sujets plus sensibles, sont restées sans réponses. Nos commissions des finances, des lois et des affaires économiques ont pourtant fait l’effort de présenter cette année un questionnaire commun afin de faciliter le travail de l’administration exécutive. Elles n’ont guère été payées de retour.

Votre rapporteur a, en revanche, beaucoup apprécié la détermination politique du Gouvernement et, plus spécialement, du secrétaire d’État à l’outre-mer, de prendre à bras-le-corps les problèmes de celui-ci, sans interdits et sans démagogie. L’outre-mer n’est pas un boulet. L’outre-mer ne tend pas la sébile. L’outre-mer attend d’être regardé pour ce qu’il est et de pouvoir bâtir avec la métropole des relations de solidarité et de progrès. Il nous semble avoir été compris. C’est pourquoi nous regardons ce projet de budget pour 2008 comme un budget de transition, qui ne réduit pas l’effort consenti pour l’outre-mer, qui le réoriente à plusieurs reprises dans la bonne direction, mais qui mérite, pour les années ultérieures, d’être repensé à la lumière de la prochaine loi de programme dont nous débattrons en 2008, et sur les bases des recommandations au Gouvernement adoptées par votre commission des affaires économiques.

V.— EXAMEN EN COMMISSION

Le 23 octobre 2007, la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et la commission des lois constitutionnelles, de l’administration générale de la République ont, au cours d’une réunion conjointe, entendu M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’Outre-mer, sur les crédits de son ministère pour 2008.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, a accueilli M. Christian Estrosi en soulignant que la commission des affaires économiques est passionnée par les problèmes de l’outre-mer, qu’ils concernent l’agriculture, les transports, l’aménagement du territoire ou le tourisme. Il a évoqué deux points particuliers : d’une part la qualité et la densité des services publics, notamment l’éducation et la justice, dont le niveau doit être similaire à celui de la métropole ; d’autre part l’environnement, notamment la question des pesticides maintenant interdits.

La mission d’information, que le président Ollier avait lancée et dont le rapport a été publié en juin 2005, avait procédé à l’audition de 163 personnes. Il a été décidé, avec le représentant du groupe socialiste, qu’il fallait confirmer ce résultat. D’où la création d’un comité de suite présidé par M. Jacques Le Guen, qui procédera à un certain nombre d’auditions et présentera ses conclusions dans un délai d’un mois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, de la législation et de l’administration générale de la République a exprimé sa satisfaction d’entendre pour la première fois M. Estrosi dans ses fonctions de secrétaire d’État à l’outre-mer.

La commission sera particulièrement attentive à deux sujets : d’une part l’évolution statutaire des collectivités - la départementalisation de Mayotte et les nouvelles collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy- ; d’autre part la lutte contre l’immigration clandestine avec le renforcement des contrôles et de la coopération avec les États voisins : les Comores pour Mayotte, le Surinam et le Guyana pour la Guyane.

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État à l’outre-mer, a remercié les présidents Ollier et Warsmann de l’accueillir à l’occasion de cette audition, qui permettra de présenter aux commissions les grandes lignes du budget 2008, sa nouvelle architecture et les priorités auxquelles il répond.

C’est le premier budget de l’outre-mer de cette législature. C’est aussi un moment révélateur des priorités du Président de la République et du Gouvernement qui les met en œuvre, avec Mme Alliot-Marie, pour ce qui concerne l’Outre-mer.

Ce budget manifeste l’attachement de la France aux départements et collectivités d’Outre-mer, malgré un contexte particulièrement contraignant pour le budget de l’État.

Pour 2008, les crédits directement gérés par le secrétariat d’État à l’outre-mer s’élèvent à 1,76 milliard d’euros en autorisation d’engagement et 1,73 milliard d’euros en crédits de paiement. Cela ne représente qu’une petite partie de l’effort global de l’État au bénéfice des départements et collectivités d’outre-mer, qui s’élève à 15,3 milliards d’euros.

La stricte comparaison des crédits de la mission Outre-mer avec ceux de l’année précédente ne présente aucune pertinence. La lecture ne peut se faire qu’au regard des transferts de crédits d’anciens programmes au ministère de l’économie des finances et de l’emploi et vers d’autres programmes du ministère de l’intérieur, de l’outre mer et des collectivités territoriales. Ainsi une centaine de millions d’euros de crédits correspondant à des dépenses de personnel et de fonctionnement vont-ils être transférés sur des programmes relevant de la mission « administration générale et territoriale de l’État ». De même, passent sous la gestion du ministère de l’économie, des finances et de l’emploi 158 millions d’euros consacrés aux dispositifs de soutien à l’emploi et à la formation dans les DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon.

Cette nouvelle organisation, qui exprime l’unité du territoire de la République et de son administration, répond avant tout au souci de simplifier et d’améliorer l’efficacité de l’action du Gouvernement. Les enjeux et les spécificités de l’outre-mer pourront être mieux pris en compte et leur gestion optimisée. Ces adaptations devraient également permettre de réaliser des économies, qui seront réaffectées au développement de l’outre-mer.

Par conséquent, si il y a une baisse « optique » des crédits de la mission, ils sont en réalité en augmentation de 2 % en autorisations d’engagement et de 3 % en crédits de paiement à périmètre constant.

Le nouveau périmètre s’articule désormais autour de deux programmes, au lieu des trois de l’année précédente : l’emploi et les conditions de vie.

Toujours dans le but d’améliorer la gestion des crédits mais aussi d’optimiser leur utilisation, un conseil pour l’outre-mer va être mis en place prochainement. Il sera placé sous l’autorité du Président de la République et coordonnera l’action de l’État en faveur de l’outre-mer.

Outre cette volonté d’efficacité, les objectifs que s’est fixés le Gouvernement et particulièrement le Secrétariat d’État à l’outre-mer, dans le projet de loi de finances pour 2008, reprennent clairement les engagements du Président de la République : soutenir le développement de l’économie et de l’emploi ; soutenir le développement local en partenariat avec les collectivités territoriales d’outre-mer ; garantir la sécurité et l’égalité des chances des citoyens outre-mer.

Les économies ultramarines sont globalement en décalage de développement, même si une baisse du taux de chômage a été enregistrée depuis cinq ans. L’écart avec la moyenne nationale est toujours trop élevé ; 19,6 % de la population active des DOM contre 8,4 % de celle de la métropole en juin 2007.

La première priorité du budget est donc naturellement l’emploi. En témoigne l’importance des crédits qui sont consacrés à sa promotion : ils sont de 1,008 milliard d’euros, répartis entre les 867 millions pour les exonérations de charges sociales contre 819 en 2007, soit une augmentation de 6 % par rapport au précédent exercice, 30 millions d’aides directes et 110 millions pour le service militaire adapté.

Si les politiques publiques d’accompagnement de l’emploi restent indispensables pour préserver la cohésion sociale, elles ne peuvent pas être la seule réponse. L’enjeu fondamental est de donner à ces économies une forme d’autonomie, une plus grande capacité de développement par elles-mêmes.

Le problème ne se pose plus seulement en termes de « rattrapage » par rapport au modèle métropolitain ou européen. S’il constitue une exigence, le rattrapage ne doit pas faire oublier la dynamique et les défis supplémentaires. Chaque économie doit trouver sa voie et s’intégrer davantage dans son environnement régional.

Il convient, par conséquent, de concentrer les efforts dans deux grandes directions : lever au maximum les contraintes qui pèsent sur la création de richesses, et structurer les filières porteuses. Cela se traduit de plusieurs façons.

La création dans les quatre DOM de zones franches globales d’activités doit permettre de favoriser l’émergence d’économies compétitives et rendre ainsi plus performants les dispositifs visant à adapter les créations d’emplois dans le secteur marchand. Il faut agir ici sur plusieurs leviers, dont celui de la fiscalité des entreprises en l’adaptant au contexte local : des mesures fiscales touchant à l’impôt sur les bénéfices, la taxe professionnelle et la taxe foncière sont prévues. Prenant effet en 2009, elles concerneront les activités économiques au titre de 2008.

Dans la même logique, la mise en place de pôles de compétitivité devrait permettre de redonner confiance aux acteurs économiques mais aussi de valoriser le potentiel en matière de recherche, qui est fort en outre-mer. Sa situation géographique et l’ensemble de ses atouts, la richesse de ses terres, de ses eaux, de sa biodiversité, le prédisposent à devenir un laboratoire grandeur réelle et une vitrine avancée de la France dans le domaine technologique.

Ce sont de nouveaux métiers, donc de nouveaux emplois, de nouvelles entreprises qui vont être créés. Ce sont aussi de nouvelles filières de formations qui seront proposées aux jeunes.

Ces pôles sont également une concrétisation de rengagement de l’outre-mer pour la protection de l’environnement. Le développement de nouvelles technologies de production d’énergies renouvelables, les solutions innovantes en matière de santé et de biotechnologies sont de vrais enjeux pour ces territoires. Ils sont d’ailleurs déjà très en avance sur la métropole, sur certains sujets : ainsi à La Réunion, 36 % de l’énergie provient de modes renouvelables.

Ces solutions ont en outre vocation à s’exporter dans le monde entier. Ainsi, après QUALITROPIC, labellisé pôle de compétitivité en 2005 et qui concernait la filière agroalimentaire, ce sont les créations récentes des pôles « Santé tropicale » en Guyane, sur les nouveaux risques infectieux et les maladies émergentes, de « SYNERGILE» en Guadeloupe et très prochainement « TEMERGIE » à La Réunion, sur les énergies renouvelables, qui témoignent de cet engagement.

Le champ est vaste : de la gestion des risques naturels à l’utilisation de la mer à des fins énergétiques ou de bio produits. En redynamisant la recherche, ces pôles deviendront une des clés d’un nouveau développement économique.

Cependant le développement de l’emploi et la lutte contre le chômage passent également par le maintien d’un contexte social favorable. Il faut pour cela tenir compte de l’environnement spécifique de l’outre-mer qui subit notamment une forte pression démographique. La question cruciale est celle de l’amélioration des conditions de logement. L’État va donc intensifier ses efforts pour favoriser l’accès au logement social.

Seront poursuivies les actions mises en œuvre à la suite de la première conférence nationale sur le logement outre-mer, qui s’est tenue le 27 février 2007, en orientant la défiscalisation vers le logement social. La loi de programme en préparation comportera un volet consacré à cet effort. En outre, les crédits de la mission Outre-mer affectés au logement social passent cette année de 175,7 millions à 200 millions d’Euros. Ce qui constitue une hausse significative de 14%. Après l’effort exceptionnel accompli en 2007 pour solder les dettes importantes accumulées sur la « LBU », ce nouvel effort en loi de finances témoigne de l’attention portée à ce sujet essentiel pour l’égalité des chances de nos concitoyens.

Le développement de l’outre-mer passe aussi par l’accompagnement de l’exercice des responsabilités locales. C’est tout le sens des projets de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles pour l’outre-mer déjà votés ou en cours de préparation.

Cette priorité se concrétise par le renforcement des engagements de l’État en faveur des collectivités locales d’outre-mer. À ce titre, les dotations gérées directement par le secrétariat d’État connaîtront l’année prochaine une légère progression et atteindront 316 millions d’euros en crédits de paiement.

Le projet de budget pour 2008 prévoit en outre une augmentation de 10 % au titre des engagements contractuels de l’État. Ces crédits atteignent 110 millions d’euros en crédits de paiement dont 28 millions d’euros s’inscrivant dans le contrat de projet pour la Polynésie française.

Enfin, l’amélioration de la sécurité demeure un axe fort de l’engagement du Président de la République, en outre-mer comme sur l’ensemble de notre territoire, car elle est une des conditions majeures du développement économique.

Les résultats observés en matière de lutte contre la délinquance sont encourageants et l’effort de l’État sera poursuivi.

La hausse générale des chiffres est liée à une forte augmentation de l’activité des services : elle a augmenté de 4,59 % pour l’ensemble de l’outre-mer. La délinquance de voie publique est en baisse de 5,09 % avec des résultats très bons en Guyane (-25,62 %), à la Martinique (-16,28 %), en Nouvelle Calédonie (-8,1 %) ou à La Réunion (-5,78 %).

Depuis 2002, une politique résolue a été menée pour lutter contre l’immigration irrégulière. Les résultats sont excellents. Le problème reste fort en Guyane et à Mayotte mais il est désormais moindre en Martinique et en Guadeloupe, preuve que dans ce domaine aussi la volonté politique peut-être efficace.

La baisse du nombre des reconduites hors du territoire français en Martinique et en Guadeloupe s’explique par le fait qu’une partie de l’immigration clandestine arrivait par la Dominique, qui ne réclamait pas de visa à l’immigration aux ressortissants d’Haïti. Le ministre de l’intérieur de l’époque obtint de la Dominique qu’elle exige un tel visa. Depuis, les Haïtiens ne viennent plus à la Dominique, pour gagner ensuite la Martinique et la Guadeloupe par les voies navigables.

À Mayotte, la situation était difficile. La fédération des Comores avait décidé un blocus contre l’île d’Anjouan, ce qui aboutit à interdire, pendant trois semaines, toute liaison maritime et aéroportée. D’où l’importance de la pression migratoire à Mayotte, où le préfet n’avait plus la possibilité d’organiser les reconduites. Depuis que les liaisons ont été rétablies, les chiffres de reconduites de l’année dernière ont quasiment été rattrapés ; ils seront même sans doute dépassés cette année.

Reste le problème de la Guyane. L’orpaillage clandestin n’a cessé de se développer. Il se trouve que la Guyane est le seul territoire d’outre-mer en situation continentale, avec deux frontières, celles de l’Oyapok et du Maroni entre le Brésil d’un côté et le Surinam de l’autre. L’immigration clandestine qui passe par la voie fluviale est très difficile à contenir. La France est en train de mettre en place avec le Brésil et le Surinam des brigades communes qui commencent à porter leurs fruits. D’ici à la fin de l’année, le niveau des reconduites à la frontière devrait être beaucoup plus acceptable. Sans compter le chantier de construction du pont de Saint-Georges de l’Oyapok, pour lequel les crédits ont été débloqués ; cette voie de circulation permettra de contrôler plus efficacement les déplacements entre le Brésil et la Guyane.

Dans le domaine de la sécurité civile, la politique d’amélioration de la prévention des risques se poursuit également. Le secrétariat d’État à l’outre-mer y travaille, en étroite collaboration avec les directions du ministère de l’intérieur ainsi qu’avec les collectivités territoriales qui ont un rôle à jouer sur ce plan.

Le fonds de secours de l’outre-mer reste l’outil privilégié d’aide aux victimes de catastrophes naturelles.

En 2007, 36,6 millions d’euros ont été délégués par le Secrétariat d’État à ce titre, dont 17,6 millions en faveur des sinistrés du cyclone Gamede à La Réunion et 5,8 aux entreprises victimes du chikungunya à La Réunion et à Mayotte. L’aide aux sinistrés de DEAN à la Martinique et en Guadeloupe sera progressivement versée d’ici à la fin de l’année. Les dégâts viennent d’être évalués par les experts à 558 millions d’euros.

Il convient de saluer les représentants de la Martinique et de la Guadeloupe et, à travers eux, les collectivités territoriales qui ont contribué, avec l’État, à un important travail de solidarité. Jamais la commission spécialisée ne s’était réunie aussi vite pour procéder à la déclaration de l’état de catastrophe naturelle. Toutes les communes de la Martinique ont été retenues à ce titre. Deux - Baillif et Deshaies - ne l’ont pas été à la Guadeloupe, parce que des mouvements de terrain ont obligé à reporter l’examen des dossiers, mais l’avis favorable ne saurait tarder. Il convient également de saluer les collectivités, les particuliers et les organisations de métropole qui ont témoigné de leur solidarité à l’égard de la Martinique et de la Guadeloupe.

Enfin, le développement économique de l’outre-mer passe par la réduction de la fracture numérique. Les technologies de l’information et de la communication sont essentielles pour développer l’attrait et la compétitivité des territoires. La loi de programme en préparation comportera un volet consacré à cet effort, notamment afin de faciliter le déploiement des câbles sous-marins et donner ainsi une qualité de service et une concurrence tarifaire équivalentes à celles de la métropole. Le câble arrive à la Guadeloupe et va arriver à la Martinique ; cela permettra l’ouverture à la concurrence, la baisse des tarifs et une meilleure qualité de service. Le câble sera ensuite acheminé en Guyane.

En matière de téléphonie portable, les habitants d’outre-mer qui se rendaient en métropole étaient soumis à une double tarification : la tarification normale, plus la tarification de réception ; il en était de même pour les habitants de métropole qui se rendaient en outre-mer. La France a obtenu à Bruxelles une baisse de 40 à 50 %, valable de l’outre-mer en métropole, de métropole en outre-mer, mais aussi de tous les pays de l’Union européenne vers l’outre-mer et vice-versa.

La mise en place des deux collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, depuis le 15 juillet dernier, se déroule comme prévu. De nombreux échanges ont lieu avec les présidents. Les textes d’application de la loi organique sont pris ou interviendront très vite. La loi de finances pour 2008 sera amendée pour prévoir les modalités transitoires de compensation des transferts de compétences. La commission d’évaluation se réunira dès la parution du décret l’instituant.

La question de la position de ces deux collectivités a été également réglée au regard de l’Union européenne. Tant qu’elles dépendaient du territoire de la Guadeloupe, elles bénéficiaient, notamment en matière d’aménagement du territoire, des fonds européens. En quittant leur statut antérieur, n’allaient-elles pas perdre ce bénéfice, notamment pour la période 2007-2013 ? La France est en train de faire en sorte qu’elles deviennent des régions ultrapériphériques, dans le cadre du traité simplifié.

S’agissant de la départementalisation de Mayotte, le Président de la République s’est engagé à consulter les électeurs mahorais si le conseil général le demande après son renouvellement de mars 2008. Si ces électeurs approuvent cette évolution, le Parlement sera appelé à l’entériner dans le cadre de la loi organique. L’évolution vers le département devra alors être adaptée et progressive. En effet, la situation de la société mahoraise et des collectivités nécessite l’adoption d’une démarche spécifique, en concertation avec les élus de Mayotte.

M. Alfred Almont, rapporteur pour avis de la commission des questions économiques, a remercié l’ensemble des collègues présents, notamment ceux des régions d’outre-mer avec lesquels il entretient des relations étroites de travail et d’amitié.

Quelles réflexions tirer de l’examen du projet de budget pour l’outre-mer, dont les régions se considèrent, non comme les morceaux d’un tout, mais comme des entités qui aspirent à davantage de responsabilité et de considération ?

Ce projet de budget reflète une certaine continuité. Il s’inscrit, à l’évidence, dans la perspective de la nouvelle loi de programme pour l’outre-mer qui est appelée, grâce aux dérogations qui sont attendues, à répondre aux vrais besoins du développement économique et social des régions concernées.

Il s’élève à 1,7 milliard d’euros, ce qui correspond à une baisse apparente de 11,7 %. Elle s’explique par la modification du périmètre de la mission désormais structurée autour de deux programmes, du fait du transfert vers le ministère de l’intérieur et le ministère des finances de certains dispositifs spécifiques - dépenses de personnels et de fonctionnement -, et par une mutualisation de certains moyens.

Les deux programmes qui restent : « conditions de vie outre-mer » et « emploi outre-mer » bénéficient d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement en hausse. Les principales orientations pour 2008 devront permettre de promouvoir l’habitat social, qui constitue l’un des enjeux principaux du développement des régions ultramarines. Les entreprises spécialisées ne demandent qu’à travailler. Les matériaux de l’industrie locale ne demandent qu’à servir. Les besoins sont de plus en plus importants.

Ces orientations sont appelées à promouvoir le développement des collectivités locales au moyen de dotations mieux adaptées, et d’outils contractuels comme les contrats de projet État régions ou les conventions de développement. Elles sont de nature à encourager la création d’emploi, grâce à des dispositifs spécifiques d’exonération de charges sociales, et grâce à des mesures de soutien à la desserte aérienne et maritime.

Si ce budget s’élève à 1,7 milliard d’euros, l’effort total de l’État en faveur de l’outre-mer atteint 15,3 milliards d’euros, soit neuf fois plus. C’est notamment le résultat des transferts et imputations sur d’autres budgets, notamment l’intérieur et les finances. Il serait toutefois intéressant de connaître, non seulement le montant des crédits ainsi transférés, mais plus encore la ventilation complète de l’ensemble des crédits affectés à l’outre-mer.

M. le rapporteur pour avis proposera, dans un souci de clarté, à la commission d’adopter deux recommandations à l’adresse du Gouvernement, visant à permettre, dans le document budgétaire annuel de la mission : d’une part, une lecture plus précise de la répartition des crédits selon chaque collectivité destinataire, d’autre part, une présentation budgétaire retraçant les crédits affectés à l’outre-mer dans chacun des autres ministères, ainsi que les crédits relevant des fonds européens.

À partir du 1er janvier 2008, les aides directes à l’embauche des publics les plus éloignés de l’emploi seront prises en charge par le ministère de l’emploi. Cela semble justifier la diminution en 2008, par rapport à 2007, de l’action « Mesures d’insertion et aide directe à l’emploi », qui passent de 316,4 millions à 141,6 millions. Le solde, 174,8 millions, devrait se retrouver au ministère chargé de l’Emploi ; or le montant transféré ne serait que de 158 millions. Qu’en est-il donc précisément ?

La présentation des dépenses fiscales, conséquence de la LOLF, constitue un indicateur précieux. S’agissant de l’outre-mer, un tableau analogue retraçant les dépenses sociales, d’allégement et d’exonération des charges patronales sur le travail serait tout aussi précieux. Celles-ci font l’objet d’une compensation en faveur des caisses de sécurité sociale, qui s’impute directement dans le budget d’outre-mer. Il en va différemment de la dépense fiscale, qui ne donne pas lieu à compensation. Il serait pourtant utile de présenter sur le même plan les deux sortes de dépenses, afin de mieux faire apparaître la réalité du coût de la mission outre-mer.

Le ministère a confié à un cabinet spécialisé une étude visant à évaluer le dispositif spécifique d’exonération des charges pour l’outre-mer. Où en sont ses travaux ?

L’aide à la structuration du dialogue social relève d’une excellente initiative, en raison de la dureté de certains conflits sociaux outre-mer. Il serait utile d’avoir certaines précisions sur la méthode, ses modalités et ses objectifs.

Les crédits d’aide au logement social bénéficient d’une progression sensible, de 14 %. On a reproché à l’État d’avoir accumulé, au cours des dernières années, des arriérés de paiement aux organismes sociaux locaux. Pour quelle part le rattrapage de ces arriérés rentre-t-il en compte dans cette progression de crédits ?

Il serait nécessaire d’afficher le montant de l’aide par collectivité. À titre d’exemple, en Martinique, les besoins sont évalués à 1 500 maisons par an et à 500 logements évolutifs sociaux (LES), soit, en termes financiers, à 70 millions d’autorisations d’engagement et 50 millions de crédits de paiement. À cet égard, le temps paraît venu de réviser le plan de prévention des risques, pour tenter d’accroître les capacités foncières.

Un rapport d’information a été remis à l’Assemblée sur l’utilisation des pesticides organochlorés utilisés en Martinique et en Guadeloupe entre 1983 et 1993, notamment le chlordécone. Ce que les populations ont entendu ici et là, qui a été relayé par la presse et les médias, a provoqué une vive inquiétude et suscité des débats passionnés.

La commission des affaires économiques a décidé d’assurer un suivi de la mise en place des préconisations du rapport d’information. Il serait bon de connaître où en sont les travaux du secrétariat d’État chargé de l’Outre-mer sur ce douloureux et vital sujet. Des mesures très énergiques s’imposent, tant en matière d’indemnisation que de dépollution des sols.

Enfin, les futures zones globales d’activité ont été réaffirmées comme prioritaires. Le Gouvernement a souhaité qu’on les mette en place le plus rapidement possible. Peut-on avoir des précisions sur le calendrier prévu et sur la procédure ? La date d’effet annoncée, le 1er janvier 2008, sera-t-elle assurée ?

Il faut enfin évoquer le passeport mobilité, car le décret du 10 février 2004 mériterait d’être modifié pour corriger les dérives observées dans la gestion du dispositif de continuité territoriale.

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois, a indiqué que le budget alloué à la mission « outre-mer » pour 2008 était marqué par une stabilité générale, même si les modifications de périmètre budgétaire en compliquent l’analyse et si l’évolution des crédits est variable selon les politiques financées. Les crédits de paiement de la mission s’élèvent à 1,73 milliard d’euros, dont 1,01 milliard d’euros au titre du programme « emploi outre-mer » et 721 millions d’euros au titre du programme « conditions de vie outre-mer ». Il convient toutefois de rappeler que le ministère de l’outre-mer ne gère que 11,3 % des 15,3 milliards d’euros qui financent l’ensemble des politiques dont bénéficie l’outre-mer.

Près de 60 % des crédits de la mission « outre-mer » seront donc à nouveau consacrés l’an prochain à la promotion de l’emploi, qui demeure ainsi la priorité du ministère chargé de l’outre-mer. La lutte contre le chômage a déjà porté ses fruits outre-mer, puisque, sous la précédente législature, le taux de chômage a été ramené, en moyenne, de 25,4 % à 19,6 % de la population active dans les DOM. Toutefois, ce taux reste encore plus du double de la moyenne nationale ; la mise en place en 2008 de zones franches globales d’activité et de « pôles d’excellence » permettra certainement d’accélérer le retour vers l’emploi de nos compatriotes d’outre-mer. Il semble d’ailleurs que les collectivités ultramarines auraient un intérêt économique évident à adopter une stratégie globale pour devenir le « fer de lance » des technologies innovantes pour le développement durable (en matière d’énergie, de transports, d’agriculture ou de gestion des risques naturels et des déchets).

Ce budget reflète également la seconde grande priorité du Gouvernement pour l’outre-mer : l’amélioration des conditions de logement, puisque les crédits consacrés au logement social progressent de 13,8 % par rapport à l’année précédente.

Par ailleurs, les crédits de paiement destinés à l’aménagement du territoire augmentent de 10 % pour atteindre 110 millions d’euros, tandis que ceux qui financent la continuité territoriale demeurent stables à 54,2 millions d’euros. Enfin, les dotations aux collectivités ultramarines gérées par le ministère de l’outre-mer seront maintenues à 314 millions d’euros. Serait-il possible d’avoir des précisions sur le versement de l’aide aux sinistrés du cyclone Gamede à La Réunion et de l’ouragan Dean aux Antilles ?

S’agissant des questions relevant plus directement des compétences de la commission des Lois, il convient de souligner les excellents résultats enregistrés outre-mer dans la lutte contre l’immigration clandestine. En 2006, pour les seuls départements d’outre-mer, 10 605 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits vers leur pays d’origine, ce qui représente une augmentation de plus de 50 % en deux ans. Des progrès spectaculaires ont été faits dans les collectivités ultramarines les plus affectés par ce phénomène : par rapport à l’année précédente, le nombre d’éloignements est en hausse de 37 % en Guyane, de 57 % en Guadeloupe et, surtout, de 73 % à Mayotte.

Cette réussite incontestable est le fruit d’une volonté politique affirmée, qui s’est concrétisée par le renforcement des moyens humains et matériels de la police aux frontières (PAF), mais aussi par la mise en œuvre des mesures innovantes prévues dans le volet ultramarin de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration. Comme en métropole, les immigrés légaux seront d’autant mieux acceptés et intégrés dans ces collectivités que l’immigration clandestine y sera réduite.

La délinquance générale a connu outre-mer une légère augmentation de 2,7 % en 2006, mais celle-ci s’explique largement par l’augmentation du nombre d’infractions à la police des étrangers – ces infractions représentent outre-mer une proportion de la délinquance presque neuf fois plus élevée qu’en métropole. En réalité, la délinquance de voie publique et les violences aux personnes ont respectivement baissé de 11,7 % et de 3,6 % en 2006, confirmant la tendance de l’année précédente. Les effectifs de la police et de la gendarmerie nationale ont été globalement accrus, et l’indice de criminalité demeure inférieur à celui de la métropole. Ces résultats mériteraient d’être mieux connus du grand public. On peut toutefois s’interroger sur l’accélération du trafic de drogue dans les départements français d’Amérique : le nombre d’infractions à la législation sur les produits stupéfiants a augmenté de presque 32 % en 2006. Elles demeurent toutefois un peu moins nombreuses qu’en 2003.

Même si la gestion des prisons relève du ministère de la justice, je remarque également que la surpopulation carcérale s’aggrave outre-mer, puisqu’en juillet, le taux d’occupation moyen des établissements s’élevait à 148 %, contre 128 % un an plus tôt. Il convient de remédier au plus vite à la situation dans les collectivités du Pacifique, avec des taux d’occupation supérieurs à 188 % en Nouvelle-Calédonie et à 237 % en Polynésie française. En outre, pourriez-vous nous indiquer la date de mise en service du nouveau centre pénitentiaire en construction dans le quartier de Domenjaud à Saint-Denis de La Réunion, l’actuelle prison de la rue Juliette Dodu étant particulièrement insalubre, et pour tout dire indigne de la République ?

S’agissant des évolutions qui affectent les institutions de l’outre-mer, une rénovation statutaire majeure a été conduite avec les lois organique et ordinaire du 21 février dernier. Ces lois ont créé deux nouvelles collectivités d’outre-mer (COM), Saint-Barthélemy et Saint-Martin, et mis à jour les statuts de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, pour tenir compte de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Elles ont aussi doté les conseils régionaux et généraux d’outre-mer de pouvoirs normatifs renforcés, tout en offrant aux électeurs des COM de nouveaux instruments de démocratie directe. Il convient, à présent, de mettre en œuvre tous ces changements législatifs. Où en est l’application de cette loi, s’agissant notamment de la parution des décrets d’application ? Quel est le calendrier a été retenu par le Gouvernement pour préparer la départementalisation du statut de Mayotte, comme le souhaitent sa population et ses élus ? Enfin, certains conseils généraux ou régionaux d’outre-mer ont-ils, depuis huit mois, demandé à être habilités par la loi à adapter localement les lois et règlements ?

Cette vaste entreprise de rénovation statutaire, qui n’a pas encore permis de moderniser le statut, pourtant dépassé, de Wallis et Futuna, devrait être à présent poursuivie avec un projet de loi organique et un projet de loi visant à stabiliser les institutions de la Polynésie française.

Le jeu des nouvelles alliances politiques n’a pas permis à l’assemblée de la Polynésie française d’approuver ces textes. Stabiliser ces institutions répond pourtant à une évidente nécessité, dont attestent régulièrement, depuis 2004, les crises politiques polynésiennes. Au-delà de la seule question du mode de scrutin pour l’élection de l’assemblée polynésienne, la mise en place de motions de défiance constructives et le renforcement des contrôles entourant les activités économiques et financières de la COM devraient favoriser la responsabilité et la transparence. Quelles observations de l’assemblée polynésienne pourraient être prises en compte par le Gouvernement ? Plus profondément, comment le Gouvernement entend-il concilier à l’avenir le rétablissement de divers contrôles et prérogatives de l’État en Polynésie française avec l’autonomie qui avait été reconnue à cette COM en 2004 ?

Enfin, en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, la Constitution a été modifiée au mois de février dernier, afin de clarifier les règles applicables pour les élections provinciales et au Congrès. Quelle est maintenant l’orientation politique retenue par le Gouvernement pour la conduite des discussions entre les signataires des accords conclus à Nouméa le 5 mai 1998 ?

M. Jean-Claude Fruteau a exprimé sa perplexité devant l’augmentation de 2 %, à périmètre constant, des crédits alloués à la mission outre-mer annoncée par le secrétaire d’État, alors que le tableau récapitulatif qui figure dans le projet de loi de finances indique, toujours à périmètre constant, une diminution des crédits de paiement de 6,84 %. Comment le secrétaire d’État justifie-t-il cet écart ?

Pour le logement social, 25 millions d’euros supplémentaires sont affectés en crédits de paiement. On peut s’en réjouir car, dans ce secteur quasiment sinistré, les besoins sont considérables. Mais la mission d’audit de 2006 sur le logement outre-mer établit le « stock de dettes » de l’État en ce domaine à 450 millions d’euros. Même si les estimations varient, il n’en reste pas moins qu’il y a une dette antérieure de l’État compte tenu de la politique des autorisations de programme et des crédits de paiement utilisée pendant de nombreuses années. Les 25 millions d’euros supplémentaires vont-ils être utilisés pour rattraper la dette de l’État ou pour engager des opérations supplémentaires ? La mission d’audit de 2006 estime à 307 millions d’euros les moyens nécessaires pour répondre aux besoins.

Le congé-solidarité semble avoir disparu du projet de loi de budget. Qu’en est-il ?

Dans l’action 7 du programme 123 « conditions de vie outre-mer », il est fait allusion à la nécessité pour les départements d’outre-mer de se préparer à l’adaptation des accords de partenariat économique que l’Union européenne s’apprête à signer avec les pays ACP. De fait, il y a un grand danger pour les économies de ces départements si la spécificité des départements d’outre-mer, et des régions ultrapériphériques notamment, n’était pas reconnue. Où en sont les négociations ? La signature des accords interviendra-t-elle avant la date du 1er janvier 2008 qui avait été annoncée ? Les départements d’outre-mer seront-ils exclus, en vertu de leur spécificité, du champ d’application des accords ? S’il en était autrement, ce serait dramatique pour les économies domiennes et les efforts réalisés par le secrétaire d’État pour l’emploi outre-mer risqueraient d’être réduits à néant.

En matière de continuité territoriale, les disparités de traitement entre différentes parties de la nation demeurent. Il n’est que de comparer les sommes affectées par l’État par tête d’habitant : 650 euros pour la Corse, contre 10 euros pour La Réunion. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour corriger ces disparités et assurer une vraie continuité territoriale, à laquelle aspirent légitimement, comme l’a reconnu lui-même le secrétaire d’État, les populations d’outre-mer ? Faut-il rappeler que le seul moyen de mobilité de ces dernières est l’avion ?

M. Serge Letchimy a repris à son compte les questions de M. Fruteau sur la continuité territoriale – 5 millions d’euros pour la Martinique, 772 millions d’euros pour la Corse – et sur le congé-solidarité. Des milliers de postes vont se libérer du fait des départs à la retraite. Si l’on supprime ce que l’on appelle les congés-solidarité, on va rencontrer des problèmes pour remplacer les fonctionnaires.

M. le rapporteur a avancé, pour l’outre-mer, un taux de chômage de 19 %. Or, pour la Martinique, il est de 25,6 % en moyenne, et celui des moins de vingt-cinq ans, aux alentours de 50 %. Dans un domaine où il faut choisir résolument la rupture, le présent budget s’inscrit malheureusement dans la continuité.

Alors que les besoins en matière de logements se montent à 1 600 par an en Martinique, il n’en est construit que 250. La dette de l’État sur l’ensemble des DOM est évaluée à 100 millions d’euros, alors que l’augmentation est de 35 millions. Le taux d’insalubrité est de l’ordre de 5 % avec beaucoup de bâtiments à démolir pour être reconstruits. De plus, le patrimoine est soumis aux risques majeurs. Les crédits sont insuffisants alors que l’enjeu est très important.

M. Serge Letchimy s’est félicité qu’aient été évoquées l’expérimentation et l’évolution statutaire dans le domaine du développement économique. Il a suggéré une piste pour concilier le Grenelle de l’environnement, c’est-à-dire la prise en compte de la biodiversité et de la richesse locale, et la recherche de solutions permettant un développement local et endogène : un lien peut-être fait entre la zone franche globale, de la future loi-programme et une dynamique de développement reconnaissant un statut écologique particulier. Si l’on veut redévelopper localement, il faut créer un cadre juridique financier, contractuel et programmatif en matière d’aménagement du territoire qui puisse permettre de tenir compte des enjeux locaux liés aux richesses et à la biodiversité. Cela aurait certainement permis d’éviter la pollution par le chlordécone et par les autres pesticides.

M. Letchimy regrette profondément que M. le président de la commission n’ait pas retenu le principe d’une commission d’enquête à ce sujet. La mission d’information qui a été mise sur pied, même si elle a fait un excellent travail, n’a pas donné les résultats escomptés et il ne voit pas ce que peut donner un comité de suivi, d’autant qu’on n’en voit pas la traduction dans le budget actuel. Un geste fort de l’État serait important pour l’ensemble des habitants de la Martinique et de la Guadeloupe. Qu’est-il prévu de faire pour dépolluer et permettre la reprise en main de l’agriculture locale ?

La situation de la Martinique et de la Guadeloupe, comme celle des autres départements d’outre-mer, exige de changer de braquet. Il faudra demeurer très attentif à la place qui sera donnée aux évolutions institutionnelles dans le cadre des débats qui vont s’ouvrir et notamment ouvrir dans le temps et l’espace l’expérimentation prévue sur deux ou trois ans par la loi organique. Pour instaurer un véritable pouvoir local dans le cadre de l’article 73, il conviendrait de faire franchir un pas à celle-ci en programmant sur la même durée – quinze ans – la zone franche globale, la loi-programme et un cadre de développement économique expérimental, de façon à pouvoir sortir du régime de l’économie d’habitation.

Mme Jeanny Marc a déclaré qu’elle se retrouvait tout à fait dans les propos tenus par les deux orateurs qui l’ont précédée. Elle a posé une question complémentaire sur les emplois aidés. Le chômage est un problème endémique en outre-mer, surtout pour la population jeune. Or les documents fournis ne donnent pas beaucoup d’informations sur le transfert de la gestion et de l’administration des emplois aidés au ministère de l’économie. Selon quelles modalités sont-ils désormais organisés ? Ils ne sont pas une panacée mais permettent un premier accès des jeunes à l’emploi.

On attend des signes forts du Gouvernement sur le dossier du chlordécone. Plus que la pollution, ce qui inquiète la population, c’est le manque de transparence et l’absence de lisibilité de la position du Gouvernement.

M. Michel Piron s’est félicité de la progression – 13,8 % – des crédits affectés au logement, mais a fait remarquer qu’on observe, depuis de nombreuses années, une sous-consommation des crédits, la production de logements ne suivant pas toujours les financements ouverts. Il a demandé au secrétaire d’État de faire le point sur l’écart éventuel pouvant exister entre les crédits ouverts et leur consommation réelle.

Il s’est également enquis de l’articulation entre le rôle des collectivités territoriales et celui de l’État.

Mme Annick Girardin a fait part de son inquiétude concernant l’objectif de décélération fixé au niveau national par Mme Christine Lagarde. La fongibilité des crédits entre les aides pour l’outre-mer et les aides nationales laisse craindre que les emplois aidés dans le programme formation outre-mer ne servent de variables d’ajustement aux objectifs nationaux. Comment l’outre-mer va-t-elle être traitée ? Elle a demandé au secrétaire d’État de veiller à ce que les aides soient pérennes et d’un niveau au moins égal à celui de 2007.

Un deuxième sujet de préoccupation concerne les finances des collectivités locales ultramarines. On constate une disparité entre les collectivités dont les charges structurelles ont été reconnues, comme la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie pour lesquelles des fonds spécifiques sont prévus, et celles pour lesquelles il n’y a pas encore de compensation par l’État, au premier rang desquelles Saint-Pierre-et-Miquelin dont le déficit, en 2006, était de plus de 7 millions d’euros et la dette de plus de 29 millions d’euros. L’enjeu est de taille. Les spécificités de ces collectivités doivent être reconnues.

Dans le cadre du PLF pour 2008, Mme Girardin déposera deux amendements. Le premier interviendra sur le dispositif de contrat de stabilité et visera à ce que l’indexation des dotations des collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon soit réalisée sur la base de l’inflation locale et non pas de l’inflation nationale. Le second tendra à la création d’un fonds spécifique, ou du moins d’une dotation complémentaire, qui prendrait en charge l’ensemble des difficultés structurelles incompressibles que connaissent Saint-Pierre-et-Miquelon et les autres territoires d’outre-mer dont la spécificité n’a pas été prise en compte.

La continuité territoriale est un sujet qui concerne tous les outre-mer. Les critères d’attribution de la dotation de continuité territoriale sont totalement en défaveur de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le billet d’avion pour cette collectivité coûte en moyenne 1 300 euros, ce qui est sans doute le prix le plus cher de tous les départements et collectivités d’outre-mer.

Elle a souhaité connaître les positions du secrétaire d’État sur toutes ces préoccupations et les moyens qui seront alloués en 2008 pour prendre en compte les difficultés et les spécificités de l’outre-mer.

M. Louis-Joseph Manscour a considéré que les moyens mis à la disposition du secrétaire d’État étaient nettement insuffisants pour satisfaire les exigences des DOM-TOM, qu’il s’agisse de la continuité territoriale, du logement, de l’emploi ou de la sécurité.

Concernant le logement, les crédits augmentent certes de 14 % mais ces crédits ont toujours été très insuffisants dans le passé. Par ailleurs, pour la seule Martinique, près de 100 millions d’euros de crédits de paiement restent en suspens. Les opérateurs sont menacés dans leur survie.

Le taux de chômage outre-mer est deux fois celui du chômage moyen en métropole. M. Manscour s’est étonné du taux moyen indiqué par le secrétaire d’État – 19 % -- alors qu’il se situe, dans presque tous les départements d’outre-mer, entre 24 et 25 %.

M. Abdoulatifou Aly a demandé où en étaient les rapports entre Mayotte et l’Union européenne. Alors que le projet de Constitution qui a été rejeté prévoyait des négociations en vue de l’intégration de cette collectivité dans l’Union, le mini-traité semble ne pas parler du tout de cette question.

Mayotte est la « championne de la République » en matière de lutte contre l’immigration clandestine. Cela devrait avoir pour contrepartie une augmentation de l’emploi au niveau local. Or, jusqu’à présent, cela ne se traduit pas dans le concret. Quelles mesures le Gouvernement entend-il appliquer à Mayotte pour favoriser l’emploi ? Les mesures d’exonération sociale qui s’appliquent ailleurs outre-mer vont-elles lui être étendues ?

Cela fait au moins cinq ans qu’aucun logement n’a été réalisé à Mayotte. Comment va se traduire la relance du logement ? Va-t-on continuer avec une seule société immobilière ou va-t-il y avoir une généralisation, c’est-à-dire une liberté totale puisque la défiscalisation est présentée comme un moyen de favoriser le logement social outre-mer ?

Enfin, qu’entend faire le Gouvernement pour améliorer la continuité territoriale entre Mayotte et la métropole ?

M. Michel Vaxès a indiqué que toutes les questions qui ont été posées traduisent une préoccupation commune. Il est revenu à nouveau sur la question dramatique du logement outre-mer. Comment le secrétaire d’État compte-t-il s’y prendre pour réorienter la défiscalisation vers le logement social ? Les différents rapports qui ont été produits sur cette question montrent qu’elle n’a pas réussi à répondre aux attentes qui avaient été placées en elle. Il a également fait remarquer que cette défiscalisation représente pour l’État un effort plus important que la dépense budgétaire.

Le secrétaire d’État s’est félicité de l’intérêt porté par un certain nombre de parlementaires de métropole aux dossiers de l’outre-mer. Alors que l’outre-mer a souvent fait l’objet d’incompréhension. Ces Français du bout du monde ont le sentiment que l’esprit d’équité et de justice s’applique plus facilement à certaines grandes agglomérations de métropole qu’à certaines îles éloignées. Il a pu se rendre compte, lors de ses déplacements, qu’il y a des situations qui ne sont pas dignes de la part de l’État. L’hôpital de Futuna, par exemple, n’a même pas un appareil de radiographie en état de fonctionner. La solidarité nationale consiste à donner plus à ceux qui ont moins. Elle n’a rien à voir avec l’égalitarisme, qui consiste à donner la même chose à tout le monde. La France est ce pays à nul autre pareil qui peut revendiquer d’être une addition d’histoires et de cultures différentes, d’une immense communauté de destins. S’il manquait une seule parcelle de cette histoire, la France ne serait plus la France. De là naît cette exigence de solidarité.

Le budget pour 2008 ne va pas rattraper trente ans. Il en rêverait comme beaucoup de députés de l’outre-mer. Mais une exigence est déjà posée dans le vocabulaire, à savoir de ne pas sortir du mot « rattrapage », de le répéter en permanence et de tout faire pour que, année après année, une part du budget soit consacrée à celui-ci. Il importe également d’inventer des outils qui y contribuent. Il ne suffira pas de répondre en termes budgétaires ; il faudra également parler compétitivité et attractivité, et donc trouver de nouvelles filières économiques pour attirer de nouveaux investisseurs. C’est par l’addition de l’un et de l’autre que l’on peut se donner une chance.

Il faudra, par ailleurs, essayer de ne pas imposer une vision de Paris. C’est déjà détestable pour ceux qui vivent en Savoie ou en Bretagne. Cela l’est encore plus pour ceux qui habitent au milieu de l’Océan indien, de l’Océan Pacifique ou de la mer des Caraïbes.

La tâche est difficile mais le gouvernement promet de veiller à ce que l’État ait un autre regard de modestie et d’humilité sur l’outre-mer et d’inventer des outils qui répondent à ses besoins. Les députés des DOM-TOM sont les mieux placés pour les exprimer puisqu’ils sont au quotidien sur ces territoires et savent quelles sont les ressources humaines et les ressources naturelles. Il revient aux fonctionnaires des administrations de la métropole de se doter d’outils adaptés à ces territoires.

Les modèles dans les territoires d’outre-mer sont très différents, comme on peut s’en rendre compte dans les relations et les rapports en société, les lignes de partage et même les débats idéologiques. Les réponses ne peuvent donc par être les mêmes. Il est possible, comme cela s’est souvent manifesté, de mettre en commun les énergies, quel que soit le banc sur lequel on siège, pour aller dans le même sens et regarder dans la même direction.

Le secrétaire d’État a ensuite répondu aux questions des députés.

Il a remercié les deux rapporteurs pour le soutien qu’ils lui ont apporté sur son budget et pour les questions très pertinentes qu’ils ont posées.

M. Almont s’est félicité de l’augmentation de 2 % du budget, à périmètre constant, tandis que M. Fruteau s’est étonné que les documents budgétaires fassent apparaître une diminution des crédits de 6,84 %. Ils ont tous les deux raison. En effet, les documents budgétaires, tels qu’ils ont été imprimés, comportent une erreur fondamentale. Sur le budget du ministère de l’emploi, n’apparaissent pas les 158 millions d’euros qui ont été transférés du budget du ministère d’outre-mer vers le ministère de l’emploi. Le document budgétaire définitif avec la correction de l’erreur matérielle qui a été commise sera prochainement distribué. Le secrétaire d’État a également demandé à ce que les députés disposent d’ici à la semaine prochaine, conformément à la demande de M. Almont, d’un document précis avec la répartition ministère par ministère de tout ce qui touche à la mission outre-mer pour qu’ils puissent avoir une vision d’ensemble, avec un affichage clair des spécificités de chaque secteur.

La présentation conjointe des dépenses fiscales et des dépenses sociales d’allégement et d’exonération de charges patronales sur le travail serait une information très utile mais c’est au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) que revient la responsabilité de faire apparaître les engagements de l’État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale.

L’étude visant à évaluer, à l’aide d’un modèle économétrique, le dispositif spécifique d’exonération de charges sociales pour l’outre-mer, c’est-à-dire le nombre d’emplois créés, a été confiée au Centre d’étude de l’emploi, qui est l’organisme de référence en la matière. Un rapport d’étape vient d’être livré. Les conclusions finales seront fournies prochainement aux parlementaires.

La méthode d’aide à la restructuration du dialogue social est simple à énoncer mais difficile à mettre en œuvre. Cela consiste à faire vivre ensemble les protagonistes du dialogue, au cours de sessions d’une durée globale de plusieurs semaines, généralement organisées hors de la collectivité d’origine, autour d’exemples examinés sur le terrain – par exemple la régulation des rapports sociaux au Québec. Les participants de ces sessions doivent rendre des travaux communs à partir de leur expérience commune. On espère que les liens particuliers noués au cours de cette expérience éroderont la tentation du seul recours à la confrontation. Mais il est peut-être illusoire de penser qu’une seule session ou même une série de sessions permettra d’atteindre immédiatement un tel résultat. Les sessions doivent déboucher sur des initiatives concrètes dans le champ social.

Concernant les arriérés de paiement de l’État aux organismes sociaux locaux pour le logement, la dette antérieure a été purgée début 2007, mais le secrétaire d’État n’est pas en mesure de donner l’état pour 2007 puisqu’il n’a pas reçu toutes les factures. Toutefois, la dette antérieure a été purgée au 31 décembre 2006.

Pour la Martinique, la ligne budgétaire unique – LBU – de 2007 a permis de payer les dettes de 2006. Cela signifie qu’en 2007, on a peu construit : 250 logements LLS contre 1 500 il y a dix ans.

Pour ce qui concerne la sous-consommation des crédits, il est vrai qu’il y a eu, à un moment donné, un problème lié aux réserves foncières. Mais il s’est atténué considérablement du fait de l’élargissement des financements à d’autres produits et de la construction d’un nombre moindre de logements, compte tenu du niveau budgétaire. Il n’y a pas aujourd’hui, en Martinique, de retard et de non-consommation de fonds

On ne peut pas parler de non-consommation budgétaire. Sur le budget 2007, ont été inscrits des crédits en augmentation importante pour régler par anticipation une part de la dette de 2007. La Martinique n’a pas été en mesure en 2007 d’apporter le foncier qui aurait permis de réaliser les logements dont elle a besoin. Les cinq problèmes majeurs dans les outre-mer sont le logement, l’emploi, l’assainissement, la couverture numérique et la continuité territoriale. Ce sont les cinq volets qui seront inscrits dans la nouvelle loi de programme qui sera débattue dans l’année 2008.

Il faut inventer, avec l’ensemble des députés de l’outre-mer, des modèles adaptés à leur territoire. Il a besoin, pour ce faire, du concours de chacun, avec sa spécificité propre.

Pour la continuité territoriale, plusieurs orateurs ont fait référence à la Corse. On peut également faire un parallèle avec elle en matière de logement. Des dispositions corses ont été prises avec un établissement spécifique créé par décret au mois de mai dernier sur les problèmes d’indivision. Alors que l’outre-mer souffre d’un problème dramatique de logements insalubres, vacants ou squattés, résultant souvent de problèmes d’indivision, on ne dispose d’aucun outil juridique pour le régler. C’est pourquoi le secrétaire d’État souhaite que, dans la loi de programme, il y ait, à côté du volet des zones franches globales, et par territoire, une réponse identifiée à chacun des problèmes rencontrés : logement, emploi, assainissement, couverture numérique, continuité territoriale.

Pour le logement, devra être créé un établissement foncier adapté à la spécificité de chaque territoire pour pouvoir faire les réserves foncières nécessaires pour le logement et procéder aux adaptations nécessaires pour régler les problèmes d’indivision et de réhabilitation de logements insalubres dans le cadre de l’indivision. Cela peut se faire sous plusieurs formes et le secrétaire d’État a invité les députés d’outre-mer à inventer des modèles. Cela pourrait consister en une aide à la réhabilitation et des garanties de loyers pour les propriétaires bailleurs. Nombre de propriétaires redoutent, en effet, de mettre leurs logements sur le marché de la location par peur de ne pas pouvoir encaisser les loyers. Il faut travailler sur du donnant-donnant. Cela peut consister également à diriger vers les entreprises. La Fédération du bâtiment et des travaux publics de La Réunion, par exemple, a demandé s’il ne pouvait pas être accordé des aides spécifiques aux entreprises de plus de cinquante salariés. Le secrétaire d’État s’y est déclaré favorable dès lors que la Fédération s’engage à produire, elle-même, plus de logements sociaux par an.

À chaque territoire, on peut inventer un modèle spécifique et des solutions nouvelles.

Le complément de la LBU pour le logement social, c’est-à-dire la réforme de la défiscalisation sur le logement, sera introduite dans la loi de programme de manière à la réserver progressivement uniquement au logement social.

M. Michel Vaxès a demandé au secrétaire d’État comment il allait faire pour orienter la défiscalisation vers le logement social car, jusqu’à présent, cela n’a pas fonctionné.

Le secrétaire d’État a répondu qu’il sera précisé dans la loi de programmation que la défiscalisation profitera exclusivement au logement social, et non plus à la production de logements de luxe.

Il a été entendu récemment avec ses collègues de l’environnement, de la santé et de l’agriculture par la commission des affaires économiques du Sénat, à la suite d’une communication dénonçant la pollution des sous-sols et des productions agricoles des Antilles – La Guadeloupe et la Martinique – par le chlordécone, lequel se retrouverait également dans les aliments et est accusé de provoquer des cancers de la prostate. Alors que se déroulent les débats sur le Grenelle de l’environnement. Ces accusations étaient profondément injustes et mettaient en difficulté les Antilles. D’ailleurs l’auteur du rapport s’est contredit quelques semaines plus tard, en reconnaissant qu’elles n’étaient pas prouvées. Des épidémiologistes qui travaillent au CHU de Fort de France et de Pointe-à-Pitre et dont certaines enquêtes ont une lisibilité et une traçabilité sur près de vingt ans, n’aboutissent pas aux mêmes conclusions.

Le sujet est grave. On ne peut pas jeter à la figure d’un citoyen martiniquais ou guadeloupéen le fait qu’un tel risque pèse sur sa santé ou sur celle d’un de ses proches.

Cela étant, en 1990, des indications concernant le chlordécone ont commencé à se répandre, en 1991, des préconisations ont été prises et, en 1993, a été décrétée une interdiction définitive d’utilisation.

Écrire que tous les sols de la Martinique et de la Guadeloupe sont concernés est faux. Il y a des parcelles bien identifiées qui le sont. Des normes précises sont imposées et le chlordécone est interdit d’utilisation.

D’autres débats sont ouverts sur les pesticides mais ils le sont sur tous les territoires de France. Il y a eu l’affaire du pyralène dans le Rhône.

Le secrétaire d’État a voulu la transparence la plus totale sur ce dossier, comme peuvent en témoigner les élus martiniquais qui se réunissent régulièrement avec les services de l’État, la Direction de la répression et des fraudes, les services sanitaires et les associations, en présence de représentants de la presse. L’État n’a pas le droit de cacher quoi que ce soit.

Lorsque le secrétaire d’État s’est rendu à la Martinique et à la Guadeloupe pour un suivi des réparations entreprises à la suite du cyclone Dean, quelques jours après une nouvelle déclaration sur le chlordécone, il a souhaité que, à chaque fois qu’il entrait quelque part, la porte soit laissée grande ouverte afin que tous les médias et tous les élus puissent y avoir accès et qu’il n’y ait ainsi aucun soupçon de conversations occultes.

Les produits provenant de terres identifiées comme étant contaminées, ce qui n’est pas le cas de tout le territoire, sont soumis à des analyses. La norme de 50 microgrammes par kilogramme, qui est en train de passer à 20, doit être respectée, notamment pour les légumes racines. En ce qui concerne la banane, s’il y a des traces de chlordécone, elles se trouvent dans la peau et pas dans le fruit.

Durant les dernières années, les producteurs ont réalisé un travail qualitatif sur les produits antillais.

Le secrétaire d’État s’emploie à ce qu’on renforce d’abord les services d’analyse. Quelque 180 prélèvements pas an sont effectués. C’est insuffisant. Le secrétaire d’État a demandé qu’on multiplie par trois ou quatre le nombre de prélèvements – sur la terre comme sur les produits. Des échantillons sont répartis dans trois sachets avec des cachés. L’un est envoyé dans un laboratoire dans la Drôme, un autre est conservé par l’exploitant, le troisième est dans un coffre-fort à Paris.

Le secrétaire d’État a également demandé, avec M. Michel Barnier, à ce que soit créé un label qualité. Les producteurs qui font un travail exceptionnel pour mettre sur les étals dans les grandes surfaces ou à l’exportation des produits de grande qualité doivent être reconnus.

Le secrétaire d’État souhaite également qu’il y ait des poursuites fortes à l’égard des fautifs. Au tribunal de Pointe-à-Pitre, sur les deux dernières années, les services de la répression et des fraudes ont dénoncé et transmis huit infractions : six ont été classées sans suite, deux ont fait l’objet d’amendes de 700 euros. Il serait utile que le Parlement réfléchisse à des sanctions plus fortes quand les normes imposées par la loi ou le règlement ne sont pas respectées. C’est ainsi qu’on réussira à rassurer totalement la population.

Ce que le secrétaire d’État peut assurer, c’est que tous les produits qui sont sur les étals, en grande surface et à l’exportation sont de qualité et sont contrôlés. On n’a pas le droit de montrer du doigt la Martinique ou la Guadeloupe en parlant de contamination et de pollution.

Il faut par ailleurs mener de grandes politiques de prévention et de détection pour voir s’il y a eu des atteintes à la santé humaine. Les études épidémiologiques en cours dans les deux CHU devraient rapidement, avec l’AFSSA et l’INSERM, apporter des réponses définitives.

M. Alfred Almont a insisté sur le fait que, compte tenu des engagements pris, des actions en cours et de la pollution qui est réelle, il s’agit, aujourd’hui, non seulement de prévention mais surtout d’indemnisation et de dépollution.

Le secrétaire d’État a répondu que la décontamination étant très compliquée, il est davantage question de requalification. Partout où il y a des terres de qualité, il faut produire de la qualité. Là où il y a de la contamination, comme on n’a aucune certitude de parvenir à décontaminer, on compte aider à la reconversion dans les nouvelles cultures, comme la biomasse, et les énergies renouvelables. De la même manière que La Réunion propose un grand dossier « île verte » et que M.  Serge Letchimy invite à inventer de nouveaux modèles sur la base des zones franches globales et du Grenelle de l’environnement, on aura montré qu’on était capable de transformer cet inconvénient en avantage en créant une nouvelle économie et de nouvelles filières, à côté d’une production de qualité. On joue gagnant-gagnant.

S’agissant des places de détention outre-mer, il convient notamment de rappeler qu’un nouveau centre est en construction à Saint-Denis de La Réunion ; le gros œuvre est sorti de terre. D’autres projets vont se concrétiser : 32 places supplémentaires en Polynésie ; extension du centre de Remire Montjoly, en Guyane, avec 70 places supplémentaires. Pour autant, la surpopulation carcérale restera encore très forte en Guyane, en Polynésie et en Calédonie et il conviendra de réfléchir à la construction d’un établissement pénitentiaire à Saint-Martin.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, il a indiqué à M. Jean-Claude Fruteau que, conformément à l’engagement du Président de la République devant les Français, à la mission qui lui a été confiée par le Premier ministre et à ses convictions personnelles, les accords de Nouméa, tous les accords de Nouméa et rien que les accords de Nouméa devraient être respectés de A à Z.

Il avait annoncé avant son départ en Nouvelle-Calédonie qu’il réunirait, à la demande du FLNKS, le comité des signataires avant la fin de l’année. Pour donner encore plus de solennité à cette démarche, le Premier ministre a décidé que le comité se réunirait à Matignon.

On constate que, dans le respect des accords de Nouméa, des avancées significatives ont eu lieu en Nouvelle-Calédonie. Le secrétariat d’État a obtenu l’autorisation de défiscaliser 216 millions de dollars pour permettre le lancement du chantier de l’usine du Nord et Xstrata s’est engagé le 17 octobre dernier. Il convient par ailleurs de saluer le travail effectué avec Paul Néaoutyine, le président de la province du Nord, et avec M. Néko Hnepeune, le président de la province des Îles ; on arrive en effet au terme du chantier de l’usine du Sud.

Dans le cadre des accords de Nouméa, on a su réaliser un rééquilibre territorial, qui permettra de répartir richesses et créations d’emplois. S’agissant des infrastructures nécessaires à la réalisation de ces chantiers, le secrétariat d’État s’engage tant pour les voiries d’accès que pour les logements accueillant les actifs (près de 7 500 pour le chantier de l’usine du Nord).

Le secrétaire d’État a ajouté qu’il souhaitait que, dans le strict respect des accords de Nouméa, ceux qui auront à se prononcer le moment venu dans le cadre du référendum d’autodétermination fassent plutôt le choix de la Nouvelle-Calédonie dans la France.

Il a souhaité également que l’État soit totalement impartial. Dans le Pacifique, c’est le principe de l’autonomie qui prévaut au plan institutionnel. Au fur et à mesure que les élus le demanderont, des transferts de compétences leur seront accordés.

Ce statut d’autonomie a démontré son efficacité en termes de développement économique. En Nouvelle-Calédonie, on enregistre aujourd’hui le taux de croissance et le nombre de créations d’emplois parmi les plus élevés. Parallèlement à cela, l’État, dans ses compétences régaliennes, doit se montrer impartial et veiller à entretenir le dialogue social, à côté de ceux qui ont à gérer les institutions autonomes. Et lorsqu’il y a des blocages et des violences, il doit veiller à exercer ses responsabilités en matière de sécurité et de justice. Lorsque deux policiers sont blessés à Nouméa, il est normal que le secrétaire d’État demande que toutes les poursuites soient engagées contre ceux qui ont attaqué des fonctionnaires de l’État chargés de garantir la sécurité des personnes et des biens.

En ce qui concerne l’application de l’actuel statut de la Polynésie française, la situation y est instable : en trois ans, il y a eu cinq présidents et quatre motions de censure, après de nombreuses demandes de dissolution par toutes les parties concernées. Ces demandes n’ont pas abouti : il existe des institutions, et les élus qui votent une motion de censure ne font qu’utiliser les moyens mis à leur disposition par les lois de la République. Il n’y a pas à les remettre en cause.

Seulement, cette instabilité coûte très cher au développement économique. On a discuté un contrat de projet 2007-2013, de 450 millions d’euros, avec une participation de l’État de 177 millions d’euros. Or on n’arrive pas à le signer, parce que le précédent président et le président actuel, qui se relaient tous les six mois, rejettent à tour de rôle ce qui a été discuté par leur prédécesseur.

Cela a des conséquences sur l’enseignement supérieur, la recherche, l’université, les communes, les réseaux d’assainissement ou la couverture numérique, le câble numérique. Si jamais on signait ce contrat, les citoyens polynésiens recevraient Internet en haut débit fin 2009, début 2010 !

Fin juillet 2007, toutes les formations politiques polynésiennes demandaient la dissolution de l’assemblée de Polynésie française. Le 4 août dernier, le Gouvernement a répondu par une déclaration selon laquelle tout le temps nécessaire serait pris pour réfléchir à une évolution institutionnelle susceptible de garantir la stabilité sans remettre en cause l’autonomie. Tout le monde a été entendu, et chacun a donné son accord.

On a profité de cette opportunité pour rajouter des mesures de transparence financière. Dans l’avis donné par l’assemblée de Polynésie française, ces mesures de transparence financière ont recueilli une approbation unanime. Ont en revanche été contestés la date des nouvelles élections territoriales, ou encore le seuil fixé pour pouvoir fusionner au deuxième tour de scrutin. Toutefois la plupart des dispositions ont été validées.

Le Conseil d’État a apporté à ces projets de légères modifications qui ne transforment en rien le fond du dossier, tout en émettant un avis favorable la semaine dernière. Le texte de loi organique sera donc présenté devant le Conseil des ministres jeudi 25 octobre, au Sénat le 12 novembre prochain, à l’Assemblée nationale à la fin du mois de novembre, puis au Conseil constitutionnel.

Depuis le 4 août dernier, ce cheminement a été parfaitement respecté. On a pris tout le temps de dialoguer et de se concerter, et ce n’est pas fini. L’avis de chacun compte à chaque étape. Le secrétaire d’État a assuré qu’il tiendrait compte des amendements, des propositions et des contre propositions, car le débat parlementaire enrichira encore ce texte.

Chacun doit être convaincu qu’il faut conforter l’autonomie tout en assurant la stabilité nécessaire aux institutions de la Polynésie française.

Le calendrier applicable à Mayotte est le suivant : élections au mois de mars ; ensuite, si le conseil général le demande, référendum ; si le référendum confirme le souhait de départementalisation, transfert progressif des compétences.

Cette progressivité est nécessaire et il convient d’y réfléchir. En métropole, les conseils généraux financent, par exemple, la totalité des collèges ; jusqu’à présent, ceux qui sont construits à Mayotte sont financés à 100 % par l’État. Il en est de même des infrastructures, des programmes ANRU, etc. On ne peut donc pas transférer d’un coup toutes les compétences.

Si les Mahorais font le choix de la départementalisation au mois de mars prochain, le secrétaire d’État ouvrira un débat avec les parlementaires pour regarder comment et à quel rythme il sera possible, sur plusieurs années, d’opérer ce transfert de compétences en faveur du conseil général de Mayotte.

La commission a ensuite procédé à l’examen, pour avis, des crédits de la mission Outre-mer pour 2008.

Conformément aux conclusions et aux propositions de M. Alfred Almont, rapporteur pour avis, la Commission a adopté deux recommandations puis a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Outre-mer pour 2008.

VI.— RECOMMANDATIONS ADOPTÉES
PAR LA COMMISSION

Recommandation n°1
présentée par M. Alfred Almont rapporteur pour avis.

La Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, après avoir observé que le budget de l’Outre-mer, tel que soumis à son avis, ne représente que 13,5 % de l’effort budgétaire total en faveur de l’Outre-mer, recommande au Gouvernement d’établir dorénavant chaque année, une présentation budgétaire retraçant :

– les crédits affectés par chacun des autres ministères à l’Outre-mer ;

– les crédits relevant de fonds d’intervention européens.

Recommandation n°2
présentée par M. Alfred Almont rapporteur pour avis.

La Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, considérant les difficultés économiques de l’Outre-mer et les différences de situation entre les différentes collectivités territoriales, recommande dans un souci de transparence, au Gouvernement de présenter, dans le document budgétaire annuel de la mission, la répartition des crédits pour chaque collectivité destinataire.

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