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N° 280

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2007.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2008 (n° 189)

TOME VII

DÉFENSE

ÉQUIPEMENT DES FORCES

PAR M. François CORNUT-GENTILLE,

Député.

——

Voir le numéro : 276 (annexe n° 9)

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : UN BUDGET DE TRANSITION QUI DEMEURE DANS LA CONTINUITÉ DES EFFORTS NÉCESSAIRES 7

I. - UNE NOUVELLE NOMENCLATURE 7

II. - LES PRINCIPAUX PROGRAMMES D’ÉQUIPEMENT 13

A. LA DISSUASION 13

1. Nécessité de la dissuasion 13

2. Moyens de la dissuasion 13

a) Les crédits 13

b) Les équipements 15

B. LES FRÉGATES MULTIMISSIONS (FREMM) 16

C. LE RAFALE 17

D. LE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE DES MATÉRIELS (MCO) 18

DEUXIÈME PARTIE : UNE PHASE DE RÉFLEXION QUI LAISSE EN SUSPENS DES INCERTITUDES 25

I. - LA FIN D’UNE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE QUI APPELLE UN BILAN 25

1. Des inquiétudes demeurent 26

a) L’A400M 26

b) Les drones 26

c) L’espace 28

2. La conduite des programmes d’armement : poursuivre la réforme des structures 29

3. Perspectives de l’interarmisation 31

a) La coopération internationale 31

b) L’interarmisation française 33

II. - LA REFLEXION EN COURS 37

CONCLUSION 39

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

I. —  AUDITION DE M. HERVÉ MORIN, MINISTRE DE LA DÉFENSE 41

II. —  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-LOUIS GEORGELIN, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES 55

III. —  AUDITION DE M. FRANÇOIS LUREAU, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT 65

IV. —  EXAMEN DES CRÉDITS 73

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 75

INTRODUCTION

Le projet de loi de finances pour 2008, qualifié de budget de transition, s’inscrit dans la continuité de l’exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008, premier exercice du genre à tenir ses promesses. Avec 9,8 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 10,4 milliards d’euros de crédits de paiement (CP), les crédits du programme 146 « Équipement des forces » permettent la poursuite des efforts engagés.

La fin d’une loi de programmation appelle un bilan, celui-ci peut être réalisé en termes quantitatifs, en mesurant les commandes passées et les livraisons effectuées, il peut aussi l’être en termes qualitatifs, en examinant les conditions dans lesquelles ont été conduits les programmes d’équipement. Mettant en jeu de nombreux acteurs, la conduite des programmes aura parfois été source de retards et de surcoûts. Au cours de l’exécution de la présente LPM, les décrets des 19 et 21 mai 2005 sont venus opportunément réformer les structures, plaçant le chef d’état-major des armées en position centrale, tout en l’érigeant coresponsable du programme 146 avec le délégué général pour l’armement (DGA). De son côté, la DGA a poursuivi l’effort de réforme dans lequel elle était engagée ; cet effort reste à poursuivre et le rôle de la délégation à préciser.

Par ailleurs, la nomenclature du programme 146 a été refondue, privilégiant de façon heureuse, la logique interarmées, les actions du programme reprenant la structure des systèmes de forces, au détriment de la logique d’états-majors disjoints, qui retenait une structure par armée.

De fait, la plupart des actions conduites par nos forces dans le cadre d’OPEX le sont en coopération. L’interarmisation concerne donc la défense française sur deux plans : interne et externe. Elle doit être poursuivie et approfondie.

Sur le premier plan, comme sur celui de la coopération, elle intéresse aussi la conception des programmes d’équipement. L’interarmisation doit être l’occasion d’une intégration au sein des contrats opérationnels comme au sein des actions interarmées, afin de permettre une interopérabilité maximum.

Enfin, au seuil d’une prochaine LPM, un vaste mouvement de réflexion est en cours avec la revue des programmes d’équipement, la commission sur le Livre blanc et la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Dans un contexte qui s’annonce contraint, un équilibre devra être trouvé entre les exigences du choix français de disposer d’une armée complète et celles de la maîtrise de la dette publique.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2007, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 38 réponses étaient parvenues, soit un taux de 71 %.

PREMIÈRE PARTIE : UN BUDGET DE TRANSITION QUI DEMEURE DANS LA CONTINUITÉ DES EFFORTS NÉCESSAIRES

I. - UNE NOUVELLE NOMENCLATURE

Les projets de lois de finances pour 2006 et 2007 furent présentés avec une répartition en quatre actions de composantes (interarmées, terrestre, maritime et aérienne) avec une cinquième relative à la préparation et à la conduite des opérations d’armement. À compter de 2008, la nomenclature du programme est structurée selon une logique de capacités sur la base du référentiel des systèmes de forces. Cette refonte veut mettre en avant le caractère interarmées des capacités à acquérir pour conduire des opérations elles-mêmes interarmées et accroître la lisibilité des documents budgétaires en regroupant sur une même sous-action les crédits des opérations d’armement mises en œuvre par plusieurs composantes (Rafale, NH90, FSAF…). Dans ce nouveau schéma, les cinq premières actions correspondent aux cinq systèmes de forces. Une sixième action décrit la préparation et la conduite des opérations d’armement, une septième permet d’isoler les parts étrangères et programmes civils. D’après les renseignements fournis, la sous-action relative aux opérations d’investissements civils a été créée de façon transitoire dans l’attente de la possibilité technique d’ordonnancer ces crédits sans transfert entre programmes. Au demeurant, une estimation de l’évolution des crédits selon une répartition par titres demeure pertinente, elle figure dans le tableau ci-après.

Évolution des crédits du programme 146 par titre et par catégorie

(en millions d’euros)

Titres/Catégories

LFI 2007

PLF 2008

Évolution en %

LFI 2007

PLF 2008

Évolution en %

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

Titre 2 : Dépenses de personnel

877,07

892,87

+ 1,8 %

877,07

892,87

+ 1,8 %

Catégorie 21 : Rémunération d’activité

599,43

582,14

- 2,9 %

599,43

582,14

- 2,9 %

Catégorie 22 : Cotisations et contributions sociales

276,8

305,21

+ 10,3 %

276,8

305,21

+ 10,3 %

Catégorie 23 : Prestations sociales et allocations diverses

0,84

5,52

+ 557,1 %

0,84

5,52

+ 557,1 %

Titre 3 : Dépenses de fonctionnement

1 620,17

510,02

- 68,5 %

787,22

744,53

- 5,4 %

Catégorie 31 : Dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel.

1 620,17

510,02

- 68,5 %

787,22

744,53

- 5,4 %

Titre 5 : Dépenses d’investissement

7 676,93

8 451,46

+ 10,1 %

8 740,88

8 783,25

+ 0,5 %

Catégorie 51 : Dépenses pour immobilisations corporelles de l’État.

7 676,93

8 451,46

+ 10,1 %

8 740,88

8 783,25

+ 0,5 %

Titre 6 : Dépenses d’intervention

0

1,5

 

0

1,5

 

Catégorie 64 : transferts aux autres collectivités

0

1,5

 

0

1,5

 

Totaux

10 174,17

9 855,85

- 3,1 %

10 405,17

10 422,15

+ 0,2 %

Source : documents budgétaires.

En ce qui concerne le titre 3 hors LPM, le besoin d’AE est très inférieur à celui de l’année 2007 (qui comprenait notamment le financement du centre de préparation des équipages (CPE) pour les hélicoptères de l’EALAT de Dax). Les CP ont fait l’objet de mesures d’économies d’un montant de 13 millions d’euros.

Pour l’agrégat LPM, les CP sont stables en valeur et en recul de 1,3 % en volume. Le programme 146 est moins affecté que les autres programmes par la baisse des crédits LPM (- 7,4 % en volume sur la totalité de l’agrégat). Les AE poursuivent leur baisse dans la perspective d’un rééquilibrage à terme entre les AE et les CP. En tout état de cause, les dépenses prévues en 2008 seront inférieures aux ressources disponibles.

Dans le cadre de la nomenclature nouvelle, les actions de système de forces sont décomposées en capacités maîtresses. Chacune d’elles est décrite par une ou plusieurs sous-actions relative à une opération d’armement ainsi que par une sous-action regroupant le reste des crédits de la capacité maîtresse. Au sein du système de forces « dissuasion », une sous-action particulière regroupe les crédits affectés à la simulation du fonctionnement des armes nucléaires.

Évolution des crédits du programme 146

(en millions d’euros)

Action

LFI 2007[1]

PLF
2008

Évolution en %

LFI 2007[2]

PLF
2008

Évolution en %

AE

CP

06 Dissuasion

2 891,2

1 814,2

- 37,3 %

2 776,2

2 893,4

+ 4,2 %

07 Commandement et maîtrise de l’information

1 521,1

671,6

- 55,8 %

1 431,4

1 323,6

- 7,5 %

08 Projection – mobilité – soutien

1 057,8

800,6

- 24,3 %

864,8

881,7

+ 2,0 %

09 Engagement et combat

2 923,0

5 167,4

+ 76,8 %

3 399,5

3 415,2

+ 0,5 %

10 Protection et sauvegarde

567,3

297,7

- 47,5 %

774,5

723,9

- 6,5 %

11 Préparation et conduite des opérations d’armement

1 213,7

1 104,4

- 9,0 %

1 158,7

1 184,4

+ 2,2 %

12 Part étrangère et programmes civils

0,0

0,0

-

0,0

0,0

-

Totaux

10 174,2

9 855,9

- 3,1 %

10 405,2

10 422,2

+ 0,2 %

[1] dont 1 484,20 M€ prévus au titre de transfert au CEA.

[2] dont 1 195,40 M€ prévus au titre de transfert au CEA.

Source : documents budgétaires.

Les principales dotations du PLF 2008 pour les grands programmes d’équipement sont les suivantes :

- Action 6 : Dissuasion

La diminution des crédits s’explique par le paiement, en 2007, d’une tranche fonctionnelle pluriannuelle de maintien en condition opérationnelle du missile M51. Les principales dotations concernent le programme SNLE-NG : 109 millions d’euros en AE, 347 millions d’euros en CP.

- Action 7 : Commandement et maîtrise de l’information

La diminution des AE concerne principalement le programme Syracuse III. Pour les paiements, les principaux postes sont le Système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) et Syracuse III.

- Action 8 : Projection-Mobilité-Soutien

Les principaux programmes sont le NH90 (617 millions d’euros en AE et 191 millions d’euros en CP), l’A400M (461 millions d’euros en CP) et le porteur polyvalent terrestre (PPT, 110 millions d’euros en AE).

- Action 9 : Engagement-Combat

3 000 millions d’euros en AE, en provision sont prévus pour la construction d’un deuxième porte-avions. Les autres grands programmes sont le Rafale (793 millions d’euros en AE, 1 266 millions d’euros en CP), le SNA Barracuda (254 millions d’euros en AE et 330 millions d’euros en CP) et le VBCI (330 millions d’euros en AE et 263 millions d’euros en CP).

- Action 10 : Protection-Sauvegarde

Les principaux programmes sont la frégate de défense aérienne Horizon (4 millions d’euros en AE et 133 millions d’euros en CP) et la famille de systèmes sol-air futurs (FSAF, 33 millions d’euros en AE et 248 millions d’euros en CP).

- Action 11 : Préparation et conduite des opérations d’armement

Cette action regroupe notamment des dépenses d’infrastructure faites par la DGA. Elle inclut aussi les dépenses de fonctionnement du programme de la délégation qui comprend : la Section technique de l’armée de terre (STAT), le Centre d’expérimentation pratique de l’aéronautique navale (CEPA) et le Centre d’expérimentation aérienne militaire (CEAM).

Le tableau ci-après retrace l’ensemble des commandes et livraisons d’équipements prévues pour 2008.

Commandes et livraisons prévues en 2008

Principales commandes prévues en 2008 :

Engagement combat

- 2e porte-avions (1)

- 5 045 systèmes du combattant futur FELIN

- 4 automoteurs à roues de 155 mm / 52 cal (CAESAR)

- 8 avions Rafale (6 Air et 2 Marine)

- Développement et réalisation d’un premier lot de futures torpilles lourdes (FTL)

- 36 chars AMX 10 RC rénovés

-116 véhicules blindés de combat de l’infanterie (VBCI)

Projection-Mobilité-Soutien

- 22 hélicoptères NH 90

- 100 Porteurs Polyvalents Terrestres (PPT)

- 4 rénovations d’hélicoptères COUGAR

Commandement et maîtrise de l’information

- 501 postes radio de 4e génération (PR4G-VS4IP)

- 68 stations SYRACUSE III

- Début de réalisation du SCCOA étape 4 (Système de commandement et de contrôle des opérations aériennes)

- 31 systèmes d’information régimentaire (SIR)

Principales livraisons prévues en 2008 :

Engagement combat

- 16 automoteur à roues de 155 mm / 52 cal (CAESAR)

- 14 avions Rafale (7 Air et 7 Marine)

- 8 avions Super Étendard modernisés standard 5

- 240 armements air-sol modulaires (AASM)

- 358 systèmes du combattant futur FELIN

- 6 hélicoptères Tigre

- 57 chars AMX 10 RC rénovés

- 75 torpilles MU 90

- 41 VBCI

Projection-Mobilité-Soutien

- 150 petits véhicules protégés (PVP)

Protection-Sauvegarde

- 2 systèmes air-sol moyenne portée terrestre (SAMP/T) et 66 missiles Aster 30

- 1 Frégate de défense aérienne HORIZON et son système d'armes PAAMS

- 70 missiles air-air d’interdiction, de combat et d’autodéfense (MICA)

Commandement et maîtrise de l’information

- 1 550 postes radio de 4e génération (PR4G-VS4IP)

- 80 stations SYRACUSE III

- 147 systèmes d’information régimentaires de l’armée de terre (SIR)

- 25 drones de reconnaissance au contact (DRAC)

- 64 système d'information et de commandement de la marine (SIC21)

Source : DGA.

II. - LES PRINCIPAUX PROGRAMMES D’ÉQUIPEMENT

A. LA DISSUASION

1. Nécessité de la dissuasion

La dissuasion nucléaire demeure une composante fondamentale du système de défense français. Le Livre blanc sur la défense de 1994 relevait que le choix fait par la France en 1959 en faveur de la stratégie nucléaire reposait sur la double exigence de protéger nos intérêts vitaux contre les menaces de pays plus puissants et le souci d’assurer en toutes circonstances notre indépendance et notre liberté. En 2003, le rapport annexé à la loi de programmation militaire prenait, à son tour, acte de l’évolution des menaces susceptibles de peser sur la France et considérait qu’il était impérieux de : « préserver notre autonomie de décision et d’action afin de conserver la liberté de choisir de nous engager ou non dans des opérations avec nos partenaires ou alliés, ainsi que la capacité d’agir seuls lorsque cela est nécessaire ; le maintien de cette autonomie suppose que nous disposions des moyens de dissuader tout adversaire de s’en prendre à nos intérêts vitaux, de savoir et de décider en temps opportun, et de disposer des moyens d’agir dans un cadre national ». De son côté, lors de sa visite sur la base de l’Île Longue, le 13 juillet 2007, le Président de la République a réaffirmé la nécessité de la capacité comme de l’indépendance de la France dans le domaine stratégique.

Le Livre blanc de 1994 a marqué une évolution doctrinale française dans ce domaine en considérant que la dissuasion ne devait plus seulement constituer la réponse du plus faible au plus fort mais encore « permettre de faire face, notamment, aux menaces que pourraient faire peser sur nos intérêts vitaux des puissances régionales dotées d’armes de destruction massive du fait de la prolifération balistique et du développement de nouvelles armes, nucléaires, biologiques ou chimiques ».

L’objet de la dissuasion réside dans la volonté et la capacité de faire redouter à un adversaire, quels que soient ses moyens, des dommages inacceptables, hors de proportion avec les enjeux du conflit, s’il s’en prenait à nos intérêts vitaux. Dans le cadre de sa doctrine de non-emploi et de stricte suffisance, la France doit donc disposer, aujourd’hui comme demain, d’un arsenal basé sur la double composante : missiles balistiques emportés par des sous-marins nucléaires et missiles aérobies emportés par des aéronefs.

2. Moyens de la dissuasion

a) Les crédits

La loi de programmation militaire 2003-2008 permet, dans sa bonne exécution, la modernisation de notre arsenal. La permanence à la mer est assurée avec quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), l’emport des missiles aérobies, par une flottille d’avions de combat à capacité nucléaire. Dans le domaine de la dissuasion, la France est le seul pays de l’Union européenne à disposer d’une autonomie totale.

Cette année encore, les crédits de la dissuasion sont au rendez-vous, ils représentent 18,4 % des crédits du programme 146. Le projet de loi de finances pour 2008 consacre 2 286 millions d’euros en autorisations d’engagement (- 32 %) et 3 367 millions d’euros en crédits de paiement (+ 3 %) à l’effort de dissuasion. Il peut être rappelé que la loi de programmation militaire 2003-2008 prévoit une dotation de 2 825 millions d’euros par an en moyenne.

Évolution des crédits de la dissuasion

(en millions d’euros)

Programme

AE 2006

CP 2006

AE 2007

CP 2007

AE 2008

CP 2008

Environnement et prospective

49,2

43,6

58,3

40,1

95,96

63,11

Préparation et emploi des forces

317,4

370,3

248,6

327,4

322,41

300,94

Soutien de la politique de défense

79,3

56,3

61,2

82,0

48,96

62,84

Équipement des forces

3.167,0

2.851,7

2.995,5

2.820,1

1.819,1

2.941,1

Total

3.612,9

3.322,0

3.363,6

3.269,5

2.286,4

3.367,9

Source : documents budgétaires.

La baisse significative du montant des AE s’explique par l’arrivée à maturité de certains programmes (SNLE-NG) ou par des reports de notification de commande (rénovation des ravitailleurs C 135).

Les crédits transférés dans ce cadre par le ministère au CEA sont destinés à la Direction des applications militaires (DAM). Pour 2008, la part revenant à la dissuasion s’élève à 1 201 millions d’euros en AE et 1 223 millions d’euros en CP. Elle représente 55 % des autorisations d’engagement et 37 % des crédits de paiement consacrés par le ministère à la dissuasion.

Échéancier des engagements et des paiements associés pour l’agrégat LPM

(en millions d’euros)

 

Reste à payer 2006

Engagements 2007

Total

Action 6

4 805,63

3 028,27

7 833,90

Source : documents budgétaires.

En ce qui concerne les moyens alloués au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), ils font l’objet d’une délégation de crédits qui intervient selon une décision du Premier ministre fixant les modalités de réalisation des armements nucléaires et des activités connexes par le ministre de la défense et le CEA. Ce protocole est renouvelé et mis à jour tous les cinq ans. Le dernier a été signé le 8 mars 2004. La procédure appliquée jusqu’en 2006 consistait en un transfert d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement du ministère de la défense vers le CEA, elle a été abandonnée au profit d’un paiement direct. Aussi, les engagements antérieurs à 2006 réalisés au CEA ne figurent pas dans les outils comptables. À partir de 2007, la modification de la procédure permet d’amorcer une régularisation progressive de cette situation. À cet effet, les engagements pour 2007 intègrent 73 millions d’euros du reste à payer CEA au 31 décembre 2006.

b) Les équipements

La Force océanique stratégique (FOST) constitue la principale composante des forces nucléaires stratégiques, la permanence d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) à la mer, de deux si nécessaire, garantit la capacité à disposer à tout moment d’une frappe nucléaire de riposte. Quatre de ces navires sont actionnés à partir de la base de l’île Longue, un de type M 4, l’Inflexible, trois de nouvelle génération (SNLE-NG), le Triomphant, le Téméraire et le Vigilant, respectivement mis en service en 1997, 1999 et 2004. La construction du dernier sous-marin inscrit au programme est en cours. Le Terrible doit être admis au service actif en 2010, il est conçu pour être équipé du missile M 51. Les crédits attribués à ce programme dans le PLF pour 2008 s’élèvent à 109,2 millions d’euros en AE et 346,8 millions d’euros en CP.

Le programme missile balistique mer-sol M51 (sous-action n° 14) connaît une bonne exécution. Le M51 est un missile balistique à têtes multiples, de portée intercontinentale, il équipe les SNLE-NG. Le lancement de la définition du programme a commencé en 1992, le premier embarquement est prévu pour 2010. Les deux premiers lots ont respectivement été commandés en 2004 et 2006. Une commande d’un troisième lot est inscrite dans le PLF pour 2008. Le missile M51 existera en deux versions : le M51.1 sera équipé des têtes nucléaires TN75 actuelles ; le M51.2, à partir de 2015, emportera les têtes nucléaires TNO, qui feront l’objet de tests par simulation. Le coût total du programme est de 8 milliards d’euros dont 5 pour le développement et 3 pour la production. Les crédits attribués en PLF pour 2008 s’élèvent à 109 millions d’euros en autorisations d’engagement et 347 millions d’euros en crédits de paiement. L’ancienne nomenclature regroupait le programme « adaptation au M51 » avec le programme SNLE-NG (sous-action n° 13) ; l’opération d’adaptation des infrastructures de l’Île Longue au missile M51 qui était présentée dans la même sous action que le programme adaptation M51 est incluse dans la sous-action 14 depuis 2003. Le coût total de cette opération, dont l’achèvement est prévu pour 2010, est de 115 millions d’euros.

La sous-action N° 14 concerne aussi l’adaptation de SLNE-NG au missile M51. Le programme inclut le développement de la composante embarquée du M51 avec, notamment, le caisson d’essai de tir, le moyen d’essai immergeable Cetace, la construction puis l’exploitation des moyens d’essais y afférant, l’approvisionnement et l’installation du M51 à bord des trois premiers SNLE-NG (Le Triomphant, Le Téméraire, Le Vigilant) ainsi que la fourniture de la logistique initiale à terre. Le programme comprend également l’adaptation au missile du centre d’entraînement des forces sous-marines. 120,1 millions d’euros d’AE et 121,7 millions d’euros de CP sont inscrits pour 2008 au titre de cette sous-action.

Enfin, la sous-action n° 18 concerne la simulation rendue nécessaire par l’arrêt des essais nucléaires français. Pour 2008, 460,1 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 448,6 millions d’euros sont inscrits pour la poursuite, la mise en place et l’adaptation des outils théoriques et expérimentaux du programme de simulation qui comprend notamment la réalisation du laser mégajoule.

B. LES FRÉGATES MULTIMISSIONS (FREMM)

La construction des frégates multimissions répond au besoin de renouvellement de la flotte de surface, renouvellement permettant d’atteindre le modèle armée 2015. Dix-sept frégates d’une même série doivent être construites pour remplacer les frégates de trois séries : les 3 frégates ASM type Tourville (le Duguay-Trouin étant aujourd’hui désarmé), les 7 frégates ASM type Georges Leygues ainsi que les 17 avisos A69. La flotte de surface passera ainsi à 4 classes de frégates (Horizon, La Fayette, frégates de surveillance, FREMM), plus faciles à gérer et à entretenir. Les frégates européennes multimissions pourront intervenir dans l’ensemble des domaines de lutte, toutefois elles n’ont pas vocation à assurer la défense aérienne de la force navale qui est le domaine d’un autre programme de frégates, le programme Horizon. Elles doivent agir préférentiellement dans les domaines de l’action sous-marine (ASM), de l’action vers la terre (AVT) et de la lutte anti-navire. Deux versions seront ainsi construites :

- la version anti-sous-marine, qui sera dotée d’un système de lutte ASM optimisé avec un sonar remorqué ;

- la version action vers la terre, qui disposera d’une capacité spécifique d’appui feu naval et de mise en œuvre des commandos.

La loi de programmation militaire 2003-2008 prévoit l’acquisition de 8 frégates ASM et 9 frégates AVT. Issues d’une série de bâtiments unique, les frégates sont identiques et ne se distinguent que par les missions spécifiques qui leur seront assignées, dans le cadre respectif de l’action sous-marine et de l’action vers la terre. Elles doivent notamment embarquer l’hélicoptère NH90. Toutes mettront en œuvre le missile de croisière naval à partir d’un lanceur vertical. Le lancement du programme a été décidé le 30 avril 2002, pour une livraison du premier navire en 2011. La livraison des frégates suivantes devrait ensuite s’effectuer jusqu’en 2016 au rythme de production de 1,5 à 2 bâtiments par an. Le programme est conduit au sein de l’OCCAR en coopération avec l’Italie.

Le tableau ci-après retrace l’échéancier des commandes et des livraisons pour cet équipement.

Échéancier des commandes et des livraisons des fremm

Opération

Avant 2003

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Après 2008

Cible totale

Commandes

     

8

     

9

17

Livraisons

             

17

17

Source : documents budgétaires.

Les crédits inscrits en PLF pour 2008 au titre des FREMM s’élèvent à 53 millions d’euros d’AE et 182 millions d’euros en CP. Le coût de l’ensemble du programme est de 8 milliards d’euros.

C. LE RAFALE

Lancé à la fin des années 1980, ce programme a souffert de retards dus à des reports successifs de commande et de livraison, principalement en raison de contraintes budgétaires. La maîtrise de sa conduite a été très critiquée. De fait, par sa conception de système d’armes complet et sa polyvalence, le Rafale constituait une rupture. Il impliquait un changement du fonctionnement des bases aériennes sur les plans de la maintenance, de la mécanique et de la simulation.

La loi de programmation militaire 2003-2008 avait prévu la livraison de 58 Rafale à la marine contre 228 à l’armée de l’air.

Pour la marine, l’échéancier des livraisons était le suivant : première livraison en 2000, constitution de la première flottille au standard F1 en 2004, première qualification au standard F2 en 2006, 7 avions au standard F2 sur la période 2007/2008, 2 en 2009, 4 en 2010 et 3 en 2011. La commande de 2 appareils au standard F3 supplémentaires est prévue en 2008, ce qui constitue un rattrapage de la mise en réserve effectuée sur la commande en 2004.

Pour l’armée de l’air, le premier escadron a été constitué à Saint-Dizier en juin 2006, 7 appareils seront livrés en 2008 et 6 commandés, ce qui constitue un rattrapage de la mise en réserve effectuée sur la commande en 2004. Cette dernière livraison est indispensable à la constitution du deuxième escadron qui sera le premier à vocation stratégique.

S’agissant du potentiel de l’armée de l’air, il convient de rester vigilant, le renvoi à une date postérieure à 2008 de la troisième commande globale de Rafale et la réduction de la cadence de fabrication à 1,5 appareil par mois constitue une limite basse qui implique une contrainte sur la mise en service des avions comme sur la gestion de la fin de vie des autres flottes.

Les crédits dévolus au Rafale dans le projet de loi de finances pour 2008 s’élèvent à 1,2 milliard d’euros en autorisations de d’engagement et 1,2 milliard d’euros en crédits de paiement.

Échéancier des commandes et des livraisons du Rafale

Opération

Avant 2003

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Après 2008

Cible totale

Commandes

61

0

59

0

8

0

8

174

294

Livraisons

12

1

3

10

15

13

14

226

294

Source : document budgétaire.

D. LE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE DES MATÉRIELS (MCO)

L’exécution de la LPM 2003-2008 aura été caractérisée par une augmentation, au départ inattendue, des coûts de maintien en condition opérationnelle des matériels puisque les crédits concernés ont augmenté de 2,85 milliards d’euros en 2003 à 3,4 milliards d’euros en 2007 (2).

Il semble qu’il faille nuancer les progrès réalisés dans le domaine du taux de disponibilité des équipements. Certes, il est indéniable que, globalement, des améliorations peuvent être constatées, particulièrement en ce qui concerne les matériels utilisés en OPEX (74 % en 2002, 72 % en 2007 pour les équipements majeurs de l’armée de terre, hors aéronefs). Cependant, l’histoire enseigne qu’il convient d’étudier attentivement les bilans globalement positifs.

Ainsi, peut-on lire dans une réponse au questionnaire budgétaire les affirmations suivantes :

« Les cinq années d’application de l’actuelle loi de programmation se caractérisent par une augmentation de la disponibilité de la plupart des équipements à partir d’une situation fortement dégradée ;

- la disponibilité des matériels déployés en opérations extérieures est remarquable pour tous les types de matériels ;

- la disponibilité des moyens maritimes a constamment et régulièrement crû et rejoint l’objectif fixé dans la LPM, à l’exception du parc des SNA ;

- hors matériel en OPEX, la disponibilité des moyens aériens et terrestres s’est montrée juste suffisante pour réaliser les activités d’entraînement et de formation ».

Cela est vrai mais, au sujet du matériel déployé en OPEX par exemple, il est notoire que, bien qu’opérationnels, il s’agit souvent de matériels déjà anciens ayant fait l’objet de nombreux traitements des obsolescences. Il suffit pour s’en persuader de se reporter au tableau ci-après qui retrace l’évolution des crédits d’entretien programmé des matériels.

La progression dans la marine nationale est indéniable pour toutes les catégories d’équipements, en revanche l’adéquation des chiffres de l’année 2007 avec les objectifs de la LPM apparaît moins clairement. Le taux global pour les équipements majeurs de cette arme, hors aéronef, se hisse à 74 % pour un objectif de 75 %. La situation est plus contrastée dans le détail puisque, pour les sous-marins d’attaque, ce taux était de 45 % en 2003, 60 % en 2005 et 48 % en 2007 pour un objectif « LPM » de 65 %. De même, le taux de disponibilité des aéronefs, en croissance continue certes, passe de 54 % en 2003 à 59 % en 2007 pour un objectif « LPM » de 70 %.

Pour ce qui concerne l’armée de terre, le taux de disponibilité en OPEX (hors aéronef) est excellent. Mais il masque mal le malaise qui plane sur l’aéromobilité. Pour ces derniers matériels, l’objectif fixé par la LPM est singulièrement bas (62 %), il passe cependant de 54 % en 2003 à 59 % en 2007.

Enfin, le taux de disponibilité des matériels aériens majeurs de l’armée de l’air, qui englobe cette fois les équipements déployés en OPEX, demeure relativement éloigné de l’objectif fixé par la loi de programmation militaire (75 %). Ainsi, pour les aéronefs de combat, il passe de 65 % en 2002 à 59 % en 2007. Pour les aéronefs de transports tactique, ce taux est le même pour les années 2002 et 2007 avec un pic à 64 % en 2006.

Dans les données relatives à la disponibilité moyenne des principaux équipements, on peut aussi lire en filigrane l’évolution des livraisons des matériels commandés par les armées.

Disponibilité moyenne des principaux équipements

1.1. Armée de Terre

2003

2004

2005

2006

2007

Objectifs LPM

Matériels majeurs (hors aéronefs), y compris OPEX

74 %

73 %

73 %

72 %

72 %

75 %

Matériels en OPEX

90 %

93 %

93 %

93 %

91 %

Sup.90 %

Matériels majeurs (hors aéronefs), hors OPEX dont

74 %

70 %

72 %

71 %

70 %

75 %

Matériels « combat de contact »
(Ex.: LECLERC, AMX, VAB, ERC SAGAIE)

68 %

63 %

66 %

62 %

61 %

69 %

Matériels « appui feux et actions dans la profondeur » (Ex.: AUF1,TRF1, LRM)

60 %

58 %

54 %

61 %

60 %

68 %

Matériels « appui à la mobilité et contrôle de zone » (Ex.: moyens du Génie)

77 %

67 %

64 %

61 %

57 %

60 %

Matériels « logistique et soutien »

76 %

72 %

71 %

70 %

70 %

75 %

Aéronefs

57 %

60 %

63 %

61 %

59 %

62 %

 

1.2. Marine nationale

2003

2004

2005

2006

2007

Objectifs LPM

Matériels majeurs (hors aéronefs), dont :

57 %

66 %

71 %

75 %

74 %

75 %

Sous-marins d’attaque

45 %

48 %

60 %

55 %

48 %

65 %

Grands bâtiments amphibies

78 %

78 %

85 %

91 %

81 %

85 %

Composante frégates

65 %

74 %

73 %

74 %

74 %

75 %

Groupe de guerre anti-mines

68 %

73 %

73 %

79 %

91 %

75 %

Aéronefs

54 %

52 %

53 %

54 %

59 %

70 %

 

1.3. Armée de l’air

2003

2004

2005

2006

2007

Objectifs LPM

Matériels aériens majeurs, y compris OPEX, dont

63 %

64 %

62 %

62 %

59 %

75 %

Aéronefs de combat

65 %

67 %

61 %

55 %

52 %

75 %

Aéronefs de transport tactique

56 %

58 %

61 %

64 %

56 %

75 %

Hélicoptères

64 %

67 %

65 %

65 %

62 %

70 %

Source : documents budgétaires.

En tout état de cause, la situation est d’autant moins satisfaisante, particulièrement pour l’aéromobilité de l’armée de terre et les engins de transport tactique, que le taux de disponibilité élevé en OPEX occulte mal que le matériel projeté est, dans certains, cas proche de la fin de vie du fait des divers retards contractés dans des programmes d’équipement. Ainsi, d’une part, une des causes de la hausse des coûts de MCO réside dans les conséquences de ces retards (entretien et remise à niveau de matériels fatigués). D’autre part, les matériels les plus récents, performants et sophistiqués, nécessitent un entretien toujours plus coûteux. Il reste donc à espérer qu’à l’avenir l’arrivée de l’ensemble des nouveaux équipements résorbera les coûts de traitement des obsolescences et que l’intégration des coûts de MCO aux coûts d’acquisition n’absorbera pas le montant des économies ainsi réalisées. Enfin, comme le relève la documentation fournie, la hausse des coûts concernés s’explique aussi par l’augmentation continue des besoins liés au MCO des systèmes d’information et de communication (95 millions d’euros en 2003 et 194 en 2007).

Ce constat ne veut cependant pas nier les progrès réalisés dans le domaine du maintien en condition opérationnel des matériels qui est particulièrement visible dans la réforme en cours du soutien et de ses structures.

Des mesures globales ont été prises qui portent sur les crédits du programme 178, d’autres concernent les équipements par armées, considérées en termes de milieu d’opération.

Les mesures globales portent sur :

- le développement des communautés technico-logistiques ainsi que le recours accru à une organisation multinationale du soutien en service privilégiant l’OCCAR (3) comme maître d’ouvrage délégué et tenant compte du nombre et du poids croissants des matériels développés en coopération européenne (Tigre, NH90, A400M, FSAF/PAAMS et FREMM) ;

- le perfectionnement technique et opérationnel de la gestion des parcs ;

- des études de « juste traduction » des contrats opérationnels et de préparation opérationnelle en termes de disponibilité et volume d’activité qui permettent de définir et d’échelonner les besoins dans le temps, dans une perspective « juste assez – juste à temps ». L’assignation des directives et objectifs de gestion précis aux trois services de soutien (DCMAT (4), SSF (5), SIMMAD (6)) ;

- la mise en œuvre de contrats globaux de soutien ;

- l’organisation d’une gestion rigoureuse de la fin de vie des systèmes d’armes, en garantissant une transition optimale entre un système obsolescent et son successeur ;

- des simplifications de processus de maintenance.

Les mesures propres à chaque milieu sont notamment les suivantes :

- Pour le milieu terrestre, il s’agit de l’expérimentation d’une politique d’emploi et de gestion des parcs (PEGP) se traduisant, dès 2008, par des regroupements géographiques de parcs en fonction leur emploi (entraînement, stockage, instruction et OPEX), ou par la mise en œuvre de méthodes de stockage (à l’instar des aéronefs) permettant de geler le vieillissement des matériels temporairement inemployés. Par ailleurs, une étude préparatoire à la création d’une structure de soutien chargée du MCO de l’ensemble des matériels terrestres des armées est en cours.

- Pour le milieu naval, la SSF a été créée en 2000 et les marchés globalisés depuis 2005. La globalisation s’est accompagnée d’une ouverture à la concurrence qui tient compte des capacités du tissu industriel et des particularités des navires. Le renouvellement des premiers contrats arrivant à échéance a commencé en 2007.

- Pour le milieu aéronautique, la modernisation du MCO a commencé par la création de la SIMMAD en 2000 et s’est poursuivie par la mise en place de la mission de modernisation du MCO des matériels aéronautiques de la défense (MMAé) créée en 2005. Les premières mesures proposées ont été la création d’une cellule intégrée de coordination de la maîtrise d’œuvre des réacteurs (CICOMORE) à Bordeaux fin 2006 ainsi que la constitution d’un service industriel aéronautique (SIAé) au début de l’année 2008 qui regroupe l’ensemble des capacités et organismes dévolus au soutien industriel du ministère.

Le tableau ci-après retrace l’évolution des crédits du MCO de 2003 à 2007.

À plus long terme, le développement d’une politique de vente à l’exportation de matériels à mi-vie présenterait au moins deux avantages : un retour sur les investissements engagés pour l’acquisition des matériels (la France payant toujours au prix fort les matériels mal exportés) ; un processus de rotation des équipements permettant aux forces de bénéficier de matériels récents.

Évolution des ressources « entretien programme des matériels »

(en millions d’euros)

 

2003

2004

2005

 

2006

2007

LFI

2 686,7

2 920,2

2 737,5

P146

414,1

474,0

P152

23,3

39,6

P178

2 529,4

2 883,6

Total

2 966,8

3 397,2

LFR

162,4

0,0

393,8

 

-

-

Total

2 849,10

2 920,20

3 131,30

 

2 966,8

3 397,2

Source : documents budgétaires.

Entre 2003 et 2007 la répartition des crédits d’EPM entre programmes a évolué au profit du programme 178 « Préparation et emploi des forces » et au détriment du programme 146 « Équipement des forces ».

DEUXIÈME PARTIE : UNE PHASE DE RÉFLEXION QUI LAISSE EN SUSPENS DES INCERTITUDES

I. - LA FIN D’UNE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE QUI APPELLE UN BILAN

L’année 2008 sera la dernière de l’exécution de la loi de programmation militaire en cours. Le projet de loi de finances, au seuil d’une phase de commandes, de fabrications et de livraisons, est considéré comme de transition. Les conditions d’exécution de la LPM 2003-2008, axée sur la capacité, n’ont pas été mauvaises. Ainsi, pour la période 2003-2006, les écarts constatés entre les ressources prévues et les ressources effectivement mises à disposition s’élèvent à moins de 3 milliards d’euros soit 5 % (en incluant les prélèvements dus aux contributions au BCRD et au changement de statut de DCN). Il s’agit ainsi d’une bonne exécution de la loi de programmation militaire, qui est meilleure que les exercices précédents.

Par ailleurs, certains programmes se sont révélés plus onéreux que prévu (Rafale, FREMM), les coûts de maintien en condition opérationnelle ont largement dépassé les prévisions puisque l’on peut les estimer à 3 milliards d’euros par an pour la période. À cet égard, il faut relever que l’entretien de matériels performants et sophistiqués a un coût mais aussi que le traitement des obsolescences comme l’usure de vieux équipements, souvent liés à des retards dans la livraison de leurs remplaçants, accroît les coûts de MCO. Les programmes ont connu une augmentation de leurs besoins de paiement estimée à 3 milliards d’euros environ dont 2 venant rectifier une sous-évaluation initiale des besoins lors de la construction de la LPM. Ainsi, un manque de ressource pour les programmes d’armement, de l’ordre de 5 à 7 milliards d’euros, est constaté. Ces augmentations ont été partiellement compensées par un petit nombre d’annulations mais surtout par des reports importants au-delà de la période de programmation.

Beaucoup de commandes et de livraisons restent à venir qui ne manqueront pas de grever les budgets. Pour l’année 2008, en termes de commandes, sont notamment attendus 8 avions Rafale, 116 VBCI et 22 NH90, aucune décision relative au deuxième porte-avions ne devant intervenir avant le mois de mars. En termes de livraison, 14 Rafale, 240 AASM, 6 hélicoptères Tigre, 41 VBCI et 25 drones de reconnaissance au contact (DRAC) notamment sont attendus.

Au-delà, dès l’année 2009, se profile une forte augmentation des besoins de paiement qui appellera des choix dans le contexte d’une politique de réduction de la dette publique.

1. Des inquiétudes demeurent

a) L’A400M

L’A400M est destiné au transport aérien de troupes et de matériels y compris en milieu hostile. Il a vocation à remplacer la flotte de transport tactique de C 160 Transall et de C 130 Hercules ainsi qu’à combler un manque persistant dans le domaine du transport aérien stratégique. Le programme est réalisé en coopération entre 6 pays : Allemagne, France, Espagne, Royaume-Uni, Turquie et Belgique (qui achète un avion au profit du Luxembourg). La gestion du programme est confiée à l’OCCAR.

La signature du contrat d’acquisition était prévue pour le mois de juin 2001 mais n’a pu avoir lieu que le 27 mai 2003 en raison de la remise en cause par l’Allemagne des accords intergouvernementaux signés (réduction de cible) et de la reprise des négociations qui en a résulté. On peut dire, qu’à ce stade, l’ensemble du programme a enregistré un retard de deux ans. La commande initiale de la France porte sur 50 appareils, la première livraison étant prévue pour 2009. Récemment, l’industriel a annoncé un retard de six mois à un an repoussant ainsi la perspective de première livraison à 2010. L’armée de l’air peut encore supporter un tel retard, notamment en prolongeant quelques C 160 entre 2009 et 2011. Au-delà, d’autres mesures devraient être prises puisque les premiers C 160 ont été retirés en 2005, le dernier devant l’être en 2015.

Une telle situation a pour conséquence des surcoûts liés au maintien en condition opérationnelle de matériels anciens et au recours à l’affrètement d’appareils. En effet, nos forces sont régulièrement conduites à louer des avions auprès de compagnies privées (Aeroflot particulièrement), ce qui pose problème en termes de souveraineté et accroît les coûts. Ainsi, ces derniers ont atteint, en 2006, un montant de 10,25 millions d’euros (passagers et fret). Il est prévu qu’ils soient abaissés en 2007 à 4,15 millions d’euros, grâce à l’entrée en service du premier A 340 au mois de juillet 2006.

b) Les drones

Les drones de renseignement se classent habituellement en « familles » en fonction de caractéristiques techniques telles que l’endurance, l’altitude et le rayon d’action :

- drones Haute Altitude Longue Endurance (HALE) (pour le niveau stratégique) ;

- drones Moyenne Altitude Longue Endurance (MALE) (pour le niveau opératif) ;

- drones tactiques (pour le PC de composante – niveau tactique) ;

- micro et mini drones (pour le renseignement de contact).

La France a renoncé à s’équiper en drones HALE en considérant que ses missions pouvaient être remplies par des drones MALE, en conjonction avec ses moyens satellitaires (HELIOS). Si cette conception n’est pas sans pertinence, il faudra veiller à ce que les besoins en moyens satellitaires soient suffisants à l’avenir.

Depuis l’arrêt de l’utilisation du Hunter en 2004 et en attendant la livraison du système intermédiaire de drones MALE (SIDM), l’armée de l’air ne possède plus de drone MALE. Les avatars du SIDM ont largement défrayé la chronique. En août 2001, la DGA a retenu l’offre de la société EADS pour cet équipement. Le contrat passé entre la DGA et EADS représente un montant total de 75 millions d’euros, dont 41 pour la tranche ferme. Ce système drones de reconnaissance devait être livré à l’armée de l’air en trois exemplaires en mai 2003. Une sous-estimation du degré de complexité d’un tel équipement a conduit le programme à connaître un retard de cinq ans. La livraison du premier système comprenant trois vecteurs et deux stations de contrôle est annoncée par l’industriel pour la fin de l’année prochaine. Ainsi, dans un domaine où elle se trouvait en pointe, la France a perdu cinq ans. Ceci est d’autant plus regrettable que la France et l’Europe sont confrontées à une suprématie américaine et, à un moindre degré, israélienne, dans le domaine des drones aériens.

Pour l’avenir, les coûts de développement rendent la coopération nécessaire. Leur maîtrise par la France ne peut se concevoir dans le long terme que dans une logique de partage. Face à ce défi, le paysage européen apparaît fragmenté. Le projet de démonstrateur technologique « EuroMale », annoncé en 2004 a vécu, abandonné à cause de difficultés de coopération rencontrées par les divers pays européens intéressés à sa réalisation. La France a cependant repris un projet « d’advanced UAV system » en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne. D’autres pays ont manifesté leur intérêt pour le projet (Italie, Pays-Bas, Turquie). Des obstacles demeurent qui sont susceptibles de compromettre le déroulement d’un tel programme : divergences des besoins opérationnels ; risques techniques, industriels et financiers.

De son côté, le programme Air ground surveillance (AGS) qui a vocation à doter le commandement militaire de l’OTAN d’une capacité de surveillance du sol, lancé en 2001 a été déclaré non viable par l’Alliance sur l’initiative de l’Allemagne. Depuis, la France envisage de limiter sa participation au seul segment sol, réutilisable dans le cadre du programme Advanced-UAV.

En revanche, l’armée de terre française dispose du drone tactique de reconnaissance au contact DRAC dont 25 modèles sont attendus pour l’année 2008.

c) L’espace

Les perspectives du domaine spatial sont contrastées avec des réussites françaises et de dimension européenne, cependant, des zones d’ombre demeurent qui concernent l’avenir.

Dans le domaine des télécommunications, la France a développé le programme Syracuse III, commencé en 2000 ; le satellite Syracuse III A a été lancé en octobre 2005 et le satellite Syracuse III B en août 2006. L’OTAN a retenu ce système pour assurer ses communications spatiales. Dans ce cadre, les programmes Syracuse II et Syracuse III ont été complétés par des coopérations avec le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne et l’Espagne dans les domaines de la location de capacités, de l’extension de couverture ou de secours mutuel en cas d’indisponibilité d’un satellite.

Cependant, le lancement d’un satellite Syracuse III C, initialement prévu a été abandonné au profit du programme Sicral 2 réalisé en coopération avec l’Italie à la moitié du coût. Par ailleurs, le Centre d’études spatiales (CNES) et l’Agence spatiale italienne étudient la possibilité de développer un satellite haut débit, ATHENA-FIDUS, susceptible de répondre aux besoins de transmission de données liés aux futures opérations centrées.

Enfin, le nombre des stations sol a été revu à la baisse, passant d’un objectif de 587 à 489 avec un étalement plus long des commandes et des livraisons. Cette mesure conduit à utiliser plus longtemps les satellites Syracuse II sans pouvoir profiter des nouvelles capacités.

Dans le domaine du renseignement optique, le système Hélios est le seul système militaire satellitaire en opération en Europe. Ce programme est mené en coopération avec la Belgique, et l’Espagne depuis 2001, avec l’Italie depuis juin 2005 (elle a rejoint le programme Hélios II comme partenaire et a, dans le même temps, signé avec la France un accord d’échange de capacités) et avec la Grèce depuis mars 2007. Les taux de participation des cinq pays France 90 %, Belgique 2,5 %, Espagne 2,5 %, Italie 2,5 % et Grèce 2,5 % se déclinent en termes financiers et en droits d’utilisation opérationnelle du système. La phase de réalisation a commencé en juillet 1998, le premier satellite a été lancé en décembre 2004, le second lancement est attendu en mars 2009.

La France a signé des accords cadre de coopération avec l’Allemagne (Accord de Schwerin en 2002) et l’Italie (Accord de Turin en janvier 2001) définissant les principes d’un échange de capacités basés sur un échange de droits de programmation entre les systèmes radar SAR Lupe et COSMO-SkyMed respectivement, et le système Hélios II. Le programme segment sol d’observation (SSO) a pour objet de concrétiser ces accords. Le programme COSMO-SkyMed comprend une constellation de quatre satellites destinés à l’observation du bassin méditerranéen, le premier satellite a été lancé en juin 2007, le dernier lancement devant intervenir en 2008.

Le programme SAR-Lupe, satellite allemand, est le premier système d’imagerie radar européen, il comprend cinq satellites dont le premier a été lancé en décembre 2006, le deuxième en juillet 2007. Un accord d’application placé sous l’accord de Schwerin a été signé le 16 août 2006, il permettra à la France de disposer d’une capacité radar THR unique en Europe dès fin 2007 par échange d’images et, à l’horizon 2009, par échange de capacités. En contrepartie, l’Allemagne aura accès au système Hélios II.

Le programme Hélios II doit prendre fin en 2015, il est donc urgent de prévoir sa succession. Le projet MUSIS a été lancé afin de répondre à ce souci. Les six pays participant au programme Hélios II ont défini le besoin opérationnel et contribuent aux études d’architecture et du segment sol. Le système doit répondre à l’ensemble des besoins de capacité d’observation optique et radar.

Dans le cadre de ce projet, la France a proposé, au cours de l’été dernier, à ses partenaires d’approfondir la coopération européenne. Il s’agit d’un saut qualitatif important puisque des domaines relevant de la souveraineté des États seraient concernés (programmation des prises de vue par exemple). Sur le plan opérationnel, les avantages seraient loin d’être négligeables. Ils porteraient sur la rationalisation de l’emploi des différents systèmes ainsi que sur l’évolution progressive des modalités de partage de l’information pour passer d’une logique restrictive d’échange de produits à une logique plus ambitieuse de partage contrôlé des capacités. Au plan politique, une telle coopération consacrerait l’émergence d’une véritable Europe de l’espace, tant militaire qu’industrielle, où le renseignement militaire aurait vocation à être partagé.

Sur le plan budgétaire, les dotations prévues par la loi de programmation ont été satisfaisantes de 2003 à 2007, pour 2008, une baisse de 16,2 % est constatée. Plus préoccupant est l’accroissement constant de la sous-consommation des crédits. Celle-ci s’explique certes en partie par les retards contractés dans la réalisation de certains programmes. Quant à la baisse de niveau enregistrée pour 2008, elle s’explique, elle aussi, partiellement par l’arrivée à échéance de la plupart des programmes en début de programmation.

Cependant, les moyens devront être au rendez-vous dès 2008 dans le domaine du renseignement optique, dans le cas contraire, une rupture de capacité risquerait de survenir dès 2015.

2. La conduite des programmes d’armement : poursuivre la réforme des structures

L’exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008 a permis à un certain nombre de programmes anciens d’aboutir (Rafale, VBCI, par exemple). Cependant, les deux programmes précités ont fait l’objet de sérieuses dérives, notamment en termes de coûts et de délais. À l’occasion du rapport fait avec M. Jean-Claude Viollet, au nom de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur les programmes d’armement : « l’exemple du véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) », le rapporteur a pu constater que, si certains dysfonctionnements pouvaient être imputables aux industriels, ils trouvaient surtout leur origine dans un défaut de coordination des trop nombreux acteurs agissant, tout au long du déroulement des programmes, au nom des armées comme au nom de l’État.

Ce défaut de coordination a produit ses effets tout au long du déroulement du programme, de sa conception à la définition et le suivi de son déroulement en passant par la commande.

La prochaine LPM, éclairée par le Livre blanc et les travaux de la révision générale des politiques publiques, doit emporter, dans sa conception, une réforme des structures. Certes, cette réforme est en marche et les dispositions des décrets des 19 et 21 mai 2005, l’ont largement amorcée, particulièrement en érigeant le chef d’état-major des armées en gouverneur unique des crédits d’équipement des forces et en l’instituant coresponsable, avec le délégué général pour l’armement, du programme 146. Il n’empêche qu’aujourd’hui encore, le dispositif de gestion des programmes doit être resserré.

Ainsi, le rapporteur a constaté, dans le cas du VBCI, que certaines dérives financières s’amorçaient en début de programme. Les leçons pouvant être tirées à ce stade sont qu’il ne faut plus lancer la réalisation d’un programme sans avoir procédé à une évaluation exhaustive de son coût complet et qu’il convient de veiller à ce que la durée du chevauchement entre les stades de réalisation et de conception demeure raisonnable, afin de permettre des économies tout en contenant le coût des remises à niveau.

Pour ce qui concerne la réforme des structures et de leur rôle, celle-ci devrait être particulièrement poursuivie au sujet du conseil des systèmes de forces et de la DGA.

Le conseil des systèmes de forces assiste le chef d’état-major des armées pour lui permettre, dans le cadre de sa mission de garant de la cohérence capacitaire des opérations d’armement, de rendre des arbitrages ou de les soumettre à la décision du ministre de la défense. Il est présidé par le chef d’état-major des armées. Les membres du CSF sont : le délégué général pour l’armement ; le secrétaire général pour l’administration (SGA) ; les chefs d’état-major d’armée ; le directeur général de la gendarmerie nationale ; le major général des armées ; le chef du contrôle général des armées peut y participer.

De son côté, le collège exécutif des systèmes de forces (CESF), piloté par l’EMA, est chargé d’instruire les arbitrages qui seront proposés en conseil des systèmes de forces (CSF) au chef d’état-major des armées en sa qualité de garant de la cohérence capacitaire des opérations d’armement. Le secrétaire permanent du CSF est membre du comité d’architecture des systèmes de forces (CASF) auquel il participe. Pour sa part, le CASF, coprésidé par des hautes autorités de l’état-major des armées (EMA) et de la délégation générale pour l’armement, est l’instance de pilotage des actions préalables au lancement des programmes d’armement. À ce titre, il propose le démarrage et la conclusion des stades de préparation des futurs programmes et autorise la publication des mises à jour du plan prospectif à 30 ans. Il assure également la cohérence capacitaire de moyen-long terme en faisant établir et en approuvant les schémas directeurs qu’elle juge nécessaires.

Dans le rapport précité sur la conduite des programmes d’équipements, le rapporteur a proposé la fusion du comité exécutif des systèmes de forces avec le comité d’architecture des systèmes de forces, dont les compétences et la composition sont proches.

Enfin, si la DGA a su se réformer et continue de le faire, il semble qu’il ne faut pas hésiter à s’interroger plus avant sur son rôle. Son champ de compétence ne laisse pas de se restreindre, en tant qu’administration technique, du fait de l’autonomisation accrue des industries de défense, l’évolution de GIAT-NEXTER et la transformation de DCN en constituant la meilleure illustration. Par ailleurs, la DGA effectue le suivi de la fabrication d’équipement au profit du ministère des armées, cette fonction pourrait être rattachée à chacun des programmes budgétaires correspondant à chacune d’entre elles.

Les effets de la réforme de la DGA tardent à porter pleinement leurs fruits et il serait opportun d’accélérer le rythme de sa réforme alors que la révision générale des politiques publiques (RGPP) est en cours et que se profile la rédaction de la prochaine loi de programmation militaire.

Le rapporteur souhaite également que le Parlement, et notamment les commissions des finances et celles en charge des questions de défense, crée une mission commune et permanente de suivi des programmes d’armement, utilisant ainsi ses pouvoirs de contrôle qui lui sont dévolus par la constitution.

3. Perspectives de l’interarmisation

a) La coopération internationale

Les forces françaises sont désormais appelées à intervenir, dans la plupart des cas, dans un cadre interallié. Aujourd’hui, c’est au quotidien qu’elles s’entraînent et interviennent dans le cadre d’opérations militaires conjointes. En termes d’équipements, cette donnée de fait a pour conséquence la nécessaire compatibilité de nos matériels comme de nos systèmes de forces avec ceux de nos partenaires. Ainsi, des travaux sont menés au sein de l’OTAN pour définir les conditions d’interopérabilité de nos forces avec celles de nos alliés, notamment américains. Le commandement pour la transformation (ACT) mis en place à Norfolk (États-Unis) œuvre à adapter les forces des membres de l’OTAN au développement de nouveaux concepts et de nouveaux équipements.

Ces compatibilité et interopérabilité techniques et fonctionnelles impliquent la bonne disponibilité de matériels adaptés et disponibles répondant aux normes OTAN, particulièrement dans les domaines du commandement et de la communication.

Sur le plan du commandement, depuis le mois de juillet 2007, la France est capable de mettre en œuvre des états-majors terre, air, mer et forces spéciales certifiés par l’OTAN et les installations du Mont Valérien permettent désormais à la France d’accueillir un état-major international de planification.

Sur le plan des systèmes d’information et de communication (SIC), notre pays tient son rang, notamment à travers le système d’information et de commandement des armées (SICA) ou le système d’information pour le commandement des forces (SICF). Par ailleurs, l’interopérabilité technique, recouvre des enjeux variés qui concernent l’industrie et les capacités à l’export tant il est vrai que l’interopérabilité, selon les standards de l’OTAN, d’un équipement ou d’un système de défense représente un atout de poids dans sa promotion à l’exportation.

Cette compatibilité ne vaut pas abandon de souveraineté. La France doit conserver son autonomie de décision et non se contenter de déléguer ce pouvoir à un allié de référence ou à une grande organisation internationale. Le maintien de cette souveraineté impose précisément de posséder des capacités importantes de commandement et de renseignement.

Dans ce contexte, le développement des programmes industriels en coopération s’impose et constitue un défi européen majeur. Aujourd’hui, la France est engagée dans un nombre non négligeable de ces programmes, au sein de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR), avec les programmes FREMM, TIGRE ou FSAF ; au sein d’agences OTAN créées pour les besoins d’un programme européen (NH90) ou de programmes intéressant l’OTAN (cas du programme défense active multicouche contre les missiles balistiques de théâtre (ALTBMD)) ; directement avec les pays concernés à travers des structures crées pour un programme donné (frégates Horizon, programme Meteor).

Outre les aspects relevant de l’interopérabilité, les avantages de la coopération dans le domaine de l’industrie de défense, particulièrement pour l’Europe, sont connus, il s’agit avant tout de structurer une Europe de la défense dont le développement pourrait être plus rapide. En ce qui concerne des domaines tels le renseignement, certains équipements liés au renseignement et la communication (drones, domaine spatial) ne peuvent plus être conçus par un seul pays, cela dans un secteur ou la concurrence est forte et les acteurs toujours plus nombreux. Sur le plan industriel, de considérables économies d’échelle restent à réaliser : l’Europe peut-elle encore se permettre de fabriquer autant d’équipements différents pour un même usage (véhicules blindés de transports de troupes) ou de conserver autant d’arsenaux ?

Une autre question est celle des limites de la coopération dans le développement des programmes d’équipement au regard de celle de la souveraineté stratégique des États concernés et de la préservation des intérêts industriels. Jusqu’où l’Europe peut-elle aller à cet égard ?

Des épisodes récents ont montré les réticences de pays, ou d’états-majors, à aller trop loin dans le partage de technologies sensibles. Cela a été particulièrement constaté dans les domaines de la communication et du renseignement à l’occasion de coopérations concernant les drones et les moyens satellitaires. Dans le cadre du projet MUSIS, programme de satellites d’observation de troisième génération destiné à succéder au système Hélios II et mené avec les mêmes partenaires, la France souhaite construire « l’Europe de la confiance ». Il s’agit d’engager les pays partie au projet vers davantage de mise en commun des ressources, aussi bien dans le domaine d’acquisition de capacité que de son emploi. L’évolution du programme MUSIS devra donc être suivie avec attention puisque ce projet est susceptible de donner la mesure de ce que chacun des partenaires est prêt à mettre en commun dans un domaine de technologies sensibles.

b) L’interarmisation française

Le mouvement d’interarmisation de la défense française a commencé dès les années soixante lorsque le souci de rationalisation de l’outil de défense a conduit à l’unification des différents ministères (terre, air, marine) sous la houlette du ministère de la défense. Ainsi, l’article 16 de l’ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959, portant organisation générale de la défense dispose : « Le ministre chargé des armées est responsable sous l’autorité du Premier ministre de l’exécution de la politique militaire et en particulier de l’organisation, de la gestion, de la mise en condition d’emploi et de la mobilisation de l’ensemble des forces ainsi que de l’infrastructure militaire qui leur est nécessaire. Il assiste le Premier ministre en ce qui concerne leur mise en œuvre. Il a autorité sur l’ensemble des forces et services des armées et est responsable de leur sécurité ».

Lors de ce regroupement, les états-majors existant au sein de chacun des ministères ont perduré. Un organe de coordination, l’état-major des armées (EMA) a été créé, sans pour autant que ses prérogatives surpassent celles des divers états-majors dans le domaine de la préparation opérationnelle des forces. Au début des années soixante, le ministère de la défense a été restructuré en trois pôles, chacun placé sous l’autorité d’un subordonné du ministre. Ainsi, les articles 4 et 5 du décret n° 62-811 du 18 juillet 1962, fixant les attributions du ministre des armées, disposent respectivement :

« Article 4 :

Dans l’exercice de ses attributions, le ministre des armées est assisté :

1° En matière d’étude de plans et de directives intéressant l’organisation générale et la mise en œuvre des forces armées, par un chef d’état-major des armées ;

2° En matière d’étude, de recherche et de fabrication d’armement, par un délégué général pour l’armement ;

3° En matière administrative, domaniale, financière et sociale, par un secrétaire général pour l’administration.

Le chef d’état-major des armées, le délégué général pour l’armement et le secrétaire général pour l’administration sont nommés, sur proposition du ministre chargé des armées, par décrets en conseil des ministres.

Article 5 :

Le ministre des armées dispose de l’état-major de l’armée de terre, de l’état-major de la marine, de l’état-major de l’armée de l’air, de l’état-major des forces terrestres stationnées outre-mer ainsi que des inspections générales.

Le ministre des armées préside le comité des chefs d’état-major, dont les attributions, la composition et le fonctionnement sont déterminés par décret ».

Cette nouvelle organisation a limité le cloisonnement entre armées au profit d’une organisation plus fonctionnelle, elle préfigure l’avènement des prérogatives de l’état-major des armées.

Par la suite, l’article 1er du décret n° 83-138 du 8 février 1982, fixant les attributions des chefs d’état-major disposait : « Les chefs d’état-major de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air assistent le ministre dans ses attributions relatives à la préparation de chacune des armées.

Le chef d’état-major des armées a autorité sur les chefs d’état-major de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air lorsque des fonctions opérationnelles leurs sont confiées ainsi que pour la coordination des travaux relatifs, soit à ses propres attributions, soit aux aspects interarmées de la préparation des forces.

Le chef d’état-major des armées assure la coordination de la satisfaction des besoins des forces en ce qui concerne le soutien incombant aux services interarmées ».

À ce stade, les chefs d’état-major conservent encore une large autonomie pour l’organisation et la répartition de chacune des armées. Par ailleurs, demeure posée la question des attributions respectives de l’EMA, du secrétariat général pour l’administration et de la délégation générale pour l’armement (DGA).

La mise en application, à partir de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2006, de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001, relative aux lois de finances (LOLF), la publication des décrets des 19 et 21 mai 2005, respectivement relatifs aux attributions du ministre de la défense et aux attributions des chefs d’état-major ainsi que de l’arrêté du 3 juin 2005 portant organisation de l’état-major des armées constituent, à ce jour, la dernière étape du renforcement du rôle central de l’état-major des armées. Certes, cette dernière réforme, relativement récente, n’a pas encore produit tous ses effets mais il est cependant possible de l’évaluer en partie dès à présent.

L’adaptation aux structures nouvelles de la LOLF, qui substitue une logique de performance à une logique de moyens, a conduit le ministère à se réformer plus avant dans une recherche de cohésion et de cohérence des armées. Cette démarche relève désormais de la responsabilité du chef d’état-major des armées. À cette fin, l’EMA est devenu une structure véritablement interarmées agissant, de surcroît, à l’échelon interministériel.

En termes de structures, les textes réglementaires publiés en 2005 définissent une nouvelle répartition des responsabilités et des rôles entre les trois subordonnés qui assistent le ministre au titre de leurs compétences respectives : le délégué général pour l’armement, le secrétaire général pour l’administration (SGA), le directeur aux affaires stratégiques (DAS). Le CEMA exerce désormais une autorité permanente dans tous les domaines sur les états-majors : définition du format, préparation du budget, relations militaires internationales, préparation des forces, planification et programmation des opérations d’armement. Il est responsable du programme 178 « Préparation et emploi des forces » et coresponsable du programme 146 « Équipement des forces », avec le DGA. Cette situation de coresponsabilité, particulièrement en ce qui concerne le programme 146, n’est cependant pas satisfaisante car contraire à l’esprit de la LOLF. Une clarification à moyen terme sera donc nécessaire.

Une trentaine de postes d’officiers d’état-major a été transférée vers l’EMA afin de roder les nouvelles procédures de fonctionnement. Ainsi, à la différence du Royaume-Uni, où les états-majors de chaque armée comptent cinquante à soixante officiers, les états-majors français conservent des effectifs de 500 à 700 officiers. Si ces effectifs demeurent lourds, c’est que, à ce stade, le CEMA agit en arbitre et en coordonnateur.

En ce qui concerne l’efficacité de cette nouvelle structure au regard des choix budgétaires dans le domaine des équipements, la situation est devenue plus saine. Le budget est préparé par les armées sous l’autorité du CEMA qui donne au ministre les priorités à retenir. Si les armées continuent de définir les spécifications des matériels dont elles ont besoin, leurs états-majors ne sont plus gouverneurs de crédits. Le DGA assure la gestion et la conduite des programmes, une interface a été créée entre ce dernier et les armées avec le collège des officiers de cohérence de programme.

Le rôle du DGA est renforcé dans la maîtrise d’ouvrage des opérations d’armement avec le renforcement des compétences de la DGA en matière d’expertise technique, une meilleure préparation du lancement des stades de réalisation des programmes, et un travail approfondi de réduction des risques (7). Celui du CEMA est renforcé en matière de cohérence capacitaire ; par ailleurs, le conseil des systèmes de forces, organisme collégial, présidé par le CEMA, auquel participent le DGA, le SGA, éventuellement le contrôleur général des armées (CGA) et les chefs d’état-major, l’assiste dans l’exercice de cette responsabilité. Ces dispositions garantissent une meilleure adéquation de la politique d’équipement aux capacités militaires des forces armées.

Enfin, le passage de quatre gouverneurs de crédits à un seul est favorable à une meilleure gestion, il a plusieurs conséquences significatives :

- moins d’intermédiaires entre l’évaluation du besoin financier issu des contrats notifiés à l’industrie pour concevoir et réaliser les équipements et l’allocation des ressources par le ministère ;

- un dialogue de gestion direct entre, d’un côté, l’EMA responsable des capacités militaires et, de l’autre, la DGA gestionnaire des crédits et responsable de la conception et de la réalisation des systèmes constituant ces capacités ;

- moins de risque de distorsion dans les prévisions lors des analyses de scénarios capacitaires alternatifs ou d’ajustement du besoin opérationnel ;

- une meilleure maîtrise de la cohérence financière pour les agrégats complexes d’équipements ou de capacités.

L’interarmisation de l’outil de défense français a accompli des progrès considérables. Cependant, le mouvement doit être approfondi car des interrogations demeurent au sujet du rôle respectif de chacun des intervenants. Il faut donc encore poursuivre la réflexion sur le format des états-majors et la fonction véritable de la DGA et du conseil des systèmes de forces.

II. - LA REFLEXION EN COURS

L’aspect transitionnel du présent projet de loi de finances ne suffit pas à expliquer le flou relatif à l’avenir du budget de la défense qui caractérise la période actuelle. Trois organismes conduisent des travaux : la commission sur le Livre blanc de la défense ; la revue des programmes et la Révision générale des politiques publiques (RGPP), leurs conclusions seront déterminantes, à long terme mais aussi à moyen terme, puisqu’elles conditionneront la prochaine loi de programmation militaire.

La commission sur le Livre blanc de la défense travaille sur les thèmes suivants :

- l’analyse prospective de notre sécurité et de l’environnement international ;

- la définition d’une stratégie globale de défense et de sécurité nationale ;

- la redéfinition des capacités nécessaires pour atteindre ces objectifs et remplir ces missions ;

- les restructurations et les réformes indispensables permettant de retrouver la cohérence nécessaire entre les besoins, les financements et le cadre général de nos finances publiques ;

- une réforme en profondeur du ministère de la défense et de l’État pour les adapter à l’ensemble de ces objectifs.

La commission comporte 35 membres dont, pour la première fois, quatre parlementaires parmi lesquels les présidents des commissions chargées des affaires de défense des deux assemblées. Le champ de sa réflexion est vaste et innovant puisqu’il englobe les questions de défense et de sécurité, désormais indissociables.

Installée par le Président de la République le 23 août dernier, elle lui présentera, à la fin de l’année, un rapport d’étape, puis en mars 2008, lui présentera le Livre blanc pour approbation.

D’après les renseignements fournis au rapporteur, la revue des programmes de 1998 « a eu pour objectif d’examiner et de décider de certains aménagements, décalages ou abandons de programmes d’armement. À partir de 1999, les annuités LPM (1997-2002) ont été celles établies à l’issue cette revue ». Il s’agit d’un travail réalisé au sein du ministère dont les principales décisions ont, à l’époque, porté sur l’abandon de sept programmes d’armement, des aménagements (par exemple la convergence du quatrième SNLE avec le programme M51), des décalages de programmes et des réductions de cibles. Cet exercice a conduit « à diminuer d’environ 3 milliards d’euros le niveau de ressources de la loi de programmation ».

Il a été indiqué au rapporteur que la revue des programmes aujourd’hui en cours consiste, sur la base d’hypothèses fondées par les états-majors, à échafauder des scenarii prenant notamment en comptes les contextes capacitaire et économique. Un document de synthèse devrait être produit à la fin du mois de novembre prochain qui alimentera la réflexion du Président de la République en amont des décisions qu’il aura à prendre à la lumière des conclusions du Livre blanc.

D’après les documents fournis par le service de presse du Premier ministre, la Révision générale des politiques publiques « a pour ambition de remettre à plat l’ensemble des missions de l’État, sans tabou ni a priori, pour adapter les administrations aux besoins des citoyens. La révision vise à identifier les réformes qui permettront de réduire les dépenses de l’État, tout en en améliorant l’efficacité des politiques publiques. Les économies qui pourront être dégagées grâce aux réorganisations et à la diminution des effectifs permettront de financer le renforcement de certaines politiques et les grandes priorités du gouvernement ». Les équipes mises en place dès le mois de juillet 2007 doivent présenter à deux reprises les résultats de leurs travaux à un Comité de suivi placé sous l’autorité du secrétaire général de la Présidence de la République et du directeur du cabinet du Premier ministre. Ce comité comprend le ministre du budget, le secrétaire d’État à la prospective et à l’évaluation des politiques publiques, les rapporteurs du budget à l’Assemblée nationale et au Sénat, des personnalités qualifiées et les ou les ministres concernés par le thème étudié.

Après un premier examen a mis parcours, un second est prévu entre les mois de janvier et mai 2008, il devra permettre de présenter les scenarii retenus et de préparer les travaux du Conseil de modernisation des politiques publiques. C’est ce Conseil, regroupant l’ensemble des ministres sous la direction du Président de la République, qui déterminera les scenarii définitifs de réorganisation.

Enfin, le projet de loi de programmation militaire devrait être présenté au Parlement au printemps prochain.

Le rapporteur tient à souligner que le ministère de la défense a connu en dix ans de nombreuses réformes structurelles (professionnalisation, réforme des structures dans le cadre de la LOLF) dont l’ampleur et l’impact ont rarement été égalés dans d’autres ministères civils. Le ministère de la défense comme le monde militaire ne sont pas réticents à toute évolution. Cependant les débats, toujours prolifiques, autour des économies budgétaires à mener ne doivent pas occulter la mission première des armées : la défense des intérêts et des ressortissants français, dans et hors de notre territoire.

CONCLUSION

Le périmètre de la LPM 2003-2008 a été respecté pour la première fois depuis l’institution de cet exercice. Certes, le projet de loi de finances pour 2008 ne peut être qu’un budget de transition et l’avenir de bien des programmes mis en chantier par la présente LPM demeure incertain en termes de commandes comme de livraisons.

Le rapporteur a perçu que l’ensemble des réflexions en cours laisse perplexe le monde militaire, voire industriel, particulièrement certains états-majors dont la réalisation du contrat opérationnel dans des conditions acceptables, est liée à la bonne disponibilité des équipements indispensables.

Le prochain Livre blanc, dont les conclusions ne manqueront pas d’être influencées par les orientations résultant de la revue des programmes, définira ou réaffirmera les orientations stratégiques et capacitaires de notre défense.

Dans le contexte d’un budget constant mais contraint, la réalisation du format « armée 2015 », pourra-t-elle être poursuivie ou sa remise en question est-elle en germe dès le terme de la loi de programmation militaire ?

La question est légitime car dans la perspective du maintien des objectifs comme dans celui de leur réduction, la marge de manœuvre est étroite. La mission de défense du territoire national ne relève pas des phénomènes de mode et ne peut pas être remise en question, la projection de forces sur des théâtres d’opérations extérieurs demeurera le quotidien de bien de nos forces. Dans ces conditions, particulièrement au regard de l’évolution du contexte international, la dissuasion doit être maintenue dans toutes ses composantes.

En termes d’équipements, les programmes les plus lourds concernent les frégates multimissions (avec huit commandes fermes à ce jour), les avions Rafale et le deuxième porte-avions. Faudra-t-il favoriser l’un au détriment de l’autre ? La réponse n’est pas encore connue.

En revanche, des rationalisations et des réformes, dont certaines sont déjà en cours, doivent êtres poursuivies qui seront source d’économie d’échelle. La chaîne de réalisation d’un programme, de la conception à la commande, doit encore être épurée. Á cet égard, la réforme d’un organe tel la DGA doit encore être approfondie et son rôle faire l’objet d’une réflexion.

Enfin, des programmes en cours ou à venir ne peuvent plus être conçus en dehors d’une coopération, européenne : si l’Europe de la défense ne veut pas être une incantation, elle doit savoir mettre en commun un minimum d’équipements et de savoirs.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. —  AUDITION DE M. HERVÉ MORIN, MINISTRE DE LA DÉFENSE

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189) au cours de sa réunion du mercredi 3 octobre 2007..

Le président Guy Teissier a souligné que l’examen du budget 2008 s’inscrit dans un contexte particulier de réflexion globale sur la défense menée par l’équipe de travail du Livre blanc. Ces travaux aboutiront à un nouveau projet de loi de programmation militaire (LPM) au printemps 2008.

Par ailleurs, la réforme des institutions devrait conférer des pouvoirs accrus au Parlement. Les opérations extérieures (OPEX) font l’objet d’une inscription de crédits conséquente, avec 360 millions d’euros, ce qui améliore l’information du Parlement ainsi que sa capacité de contrôle. Nul doute cependant qu’il faudra aller plus loin ; un groupe de travail au sein de la commission sera constitué sur ce sujet.

S’agissant des dépenses d’équipement, il s’est interrogé sur les programmes qui pourront être financés et livrés en 2008. Il s’est félicité par ailleurs des efforts qui seront faits en 2008 pour améliorer la condition des personnels civils et militaires.

M. Hervé Morin a rappelé que le contexte budgétaire est exigeant, avec pour objectifs le retour à l’équilibre en 2012, voire en 2010 si la croissance le permet, et de ramener l’endettement public en dessous de 60 % du PIB. Les moyens du ministère de la défense, c’est-à-dire l’effort de défense du pays, seront cependant maintenus, comme le Président de la République s’y était engagé lors de la campagne électorale. Le budget atteindra 48,065 milliards d’euros, soit une stabilité globale en valeur – si l’on négligeait l’impact de la hausse des pensions, il serait même possible de le présenter en augmentation.

Ce projet de budget s’inscrit dans la continuité de l’exercice précédent et de la LPM adoptée en 2003. C’est un budget de transition qui assure la dernière annuité de la LPM, ce qui n’empêche que l’effort de réflexion en cours sur la transformation et la modernisation de l’outil de défense est indispensable et même salutaire. Le président de la commission de la défense et un membre éminent de l’opposition sont d’ailleurs associés à l’élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Il s’agit d’un travail sans tabou ni préjugé, que le Président de la République a voulu le plus ouvert possible, ce qui se traduit notamment par l’organisation d’auditions publiques.

La revue des programmes d’armement, menée sous l’autorité du ministre de la défense, reconsidère systématiquement l’opportunité des calendriers des programmes en cours ou à lancer, en vue notamment de réduire la fameuse « bosse » budgétaire annoncée pour les exercices 2009 et 2010.

Quant à la révision générale des politiques publiques (RGPP), exercice commun à tous les ministères mais qui avait été engagé par le ministère de la défense avant même la décision du Premier ministre, elle doit permettre de dégager des marges de manœuvre au profit des unités opérationnelles.

Il a précisé que cet exercice sera achevé en début d’année 2008, tandis que l’essentiel de la revue des programmes d’armement sera terminé dès la fin de l’année 2007. Le Livre blanc sera, quant à lui, rendu public en mars 2008. La synthèse de ces trois exercices permettra de soumettre au Parlement un projet de loi de programmation militaire au printemps prochain.

Le premier trait caractéristique du projet de loi de finances pour 2008, commun à toutes les administrations de l’État, est une réduction d’effectifs : la moitié des départs à la retraite ne seront pas remplacés, ce qui représente un effort de 6 037 emplois, soit 3 037 équivalents temps plein travaillé, répartis de manière équilibrée entre personnel civil et personnel militaire – 621 pour la première catégorie et 2 416 pour la seconde. Ces réductions d’effectifs porteront uniquement sur les fonctions de soutien et d’administration : les chefs d’état-major ont pour consigne de ne pas toucher aux forces opérationnelles.

Cela suppose des rationalisations, qui seront assurées dans le cadre de la RGPP, et un renforcement de l’interarmisation afin d’améliorer le ratio entre back-office et frontline, qui s’établit aujourd’hui à 62/38. Cette réduction d’effectifs permettra de revaloriser considérablement la condition du personnel, avec une somme exceptionnelle de 102 millions d’euros de mesures catégorielles. Un effort sera consenti au profit des militaires du rang et des jeunes sous-officiers, ce qui correspond à la mise en œuvre de la première étape des recommandations émises en janvier par le Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) : dès 2008, les parcours indiciaires des caporaux, des caporaux-chefs ainsi que des gendarmes et des sergents seront à parité avec ceux des autres personnels en tenue. Pour les autres sous-officiers et les officiers, il faut commencer par modifier les statuts particuliers, ce qui requiert une procédure interministérielle pouvant aboutir à une deuxième tranche d’amélioration de la condition du personnel, présentée dans le budget 2009.

Le plan d’amélioration de la condition militaire (PACM) bénéficie de 25 millions d’euros, ce qui permettra d’atteindre précisément les objectifs fixés en 2002 pour la revalorisation du taux non logé de l’indemnité pour charges militaires. La dernière tranche du fonds de consolidation de la professionnalisation est achevée, avec 4 millions d’euros.

Enfin, pour la gendarmerie un certain nombre de mesures catégorielles sont prises dans le cadre du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) et concernent 500 postes d’officiers et 550 postes de sous-officiers supérieurs.

Les mesures en faveur du personnel civil atteindront 16 millions d’euros, montant jamais atteint depuis dix ans. Le ministère de la défense a donc fait beaucoup mieux que prévu, grâce à un arbitrage personnel du Premier ministre : alors que seulement la moitié des gains consécutifs aux suppressions d’emplois devait être récupérée, plus du double l’a finalement été. Au demeurant, le ministère de la défense restera probablement le premier recruteur du pays, avec un peu plus de 30 000 embauches de militaires et un peu plus de 2 000 embauches de civils.

Abordant les dépenses d’équipement, le ministre a précisé qu’elles sont pratiquement conformes à la programmation 2003-2008. Les crédits de paiement atteignent 15,9 milliards d’euros, soit une progression de 0,8 % des crédits de la LPM stricto sensu. Celle-ci prévoyait une actualisation de 0,8 % en volume ; compte tenu de l’inflation, il manque donc 250 millions d’euros pour respecter intégralement la programmation. Cette somme doit toutefois être mise en regard de la décision du Président de la République de lever la réserve de 1,15 milliard d’euros sur le budget 2007 et de la décision du Premier ministre d’ouvrir des crédits supplémentaires dans le collectif budgétaire de 2007 pour les frégates multimissions (FREMM), à hauteur des « treize dix-neuvièmes », c’est-à-dire pour un montant attendu de 338 millions d’euros.

Les autorisations d’engagement ont été fixées à 15 milliards d’euros, contre 15,6 milliards en 2007. Sur ce total, un montant conditionnel de 3 milliards d’euros a été prévu et correspond notamment à une provision pour la commande du deuxième porte-avions (PA2), étant entendu que le programme ne sera éventuellement lancé qu’au vu des conclusions de la commission du Livre blanc et des arbitrages du Président de la République. L’article 8 de la loi organique relative aux lois de finances impose en effet d’engager la totalité des crédits d’un ensemble cohérent. Plus généralement, les autorisations d’engagement pourront être revues et corrigées en fonction des conclusions de la commission du Livre blanc et du projet de LPM.

Il a annoncé les principales livraisons prévues pour 2008 : 14 Rafale, 6 Tigre, 240 armements air-sol modulaires, 57 chars AMX 10 RC rénovés, 358 équipements de fantassin FELIN et une frégate Horizon.

Les principales commandes porteront sur huit Rafale, 36 AMX 10 RC rénovés, 116 véhicules blindés de combat d’infanterie, 5 000 équipements FELIN et 22 hélicoptères NH 90, qui viendront compléter les douze appareils dont la commande est prévue dans le budget 2007 – ces trente-quatre appareils en version terrestre doivent être livrés pour la fin de 2011. Les difficultés rencontrées sur le radar de la version marine du NH 90 conduisent à prévoir le retrait des Super Frelon en 2011 au plus tôt.

Dans le domaine du maintien en condition opérationnelle (MCO), doté de 3,3 milliards d’euros, il faudra poursuivre les efforts de rationalisation en cours, afin de rompre avec la culture héritée du passé et de mener à bien l’interarmisation. La nouvelle politique d’emploi et de gestion des parcs de l’armée de terre se met en place. La consolidation des nouveaux modes de contractualisation du MCO naval fonctionne très bien. La création du service industriel de l’aéronautique (SIAé) est prévue dès ce budget et constitue une étape importante. D’autres devront être franchies.

Enfin, l’enveloppe des crédits d’études amont est identique à celle de 2007, avec 700 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Pour la gendarmerie, l’effort d’équipement est lié à la mise en œuvre à la fois de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) et de la LPM. Au total, la gendarmerie disposera de 448 millions d’euros de crédits d’équipement, montant inférieur à celui de 2007 mais voisin de celui des années 2003 à 2005. Les perspectives en matière d’équipement devront s’inscrire dans le cadre de la future LOPSI que le Président de la République a demandé au ministre de l’intérieur de préparer. Il conviendra à cette occasion de clarifier nettement ce qui relève de la LPM de ce qui relève d’un autre support de programmation en matière de sécurité intérieure. Au sein de la mission « Sécurité », une lettre plafond unique couvrira la police et la gendarmerie, même si cette dernière conservera évidemment son statut militaire. S’agissant du fonctionnement, l’effort d’économie qui est demandé à la mission « Défense » est d’une cinquantaine de millions d’euros sur un total de 3,1 milliards d’euros, ce qui représente une diminution de 1,6 %. Ces économies porteront uniquement sur des fonctions de soutien et ne remettront donc pas en cause l’activité générale de forces.

La gendarmerie, confrontée à des tensions sur ses loyers, bénéficiera d’une progression de 30 millions d’euros de ses dotations de fonctionnement, pour atteindre 911 millions, soit une progression de 3,4 %, sensiblement supérieure à l’inflation.

Abordant les OPEX, le ministre a indiqué que le présent budget inscrit leur financement à un niveau proche des deux tiers des surcoûts moyens des trois dernières années. Le Premier ministre a d’ores et déjà décidé que les surcoûts enregistrés en 2007 seront intégralement compensés en collectif budgétaire et que la défense disposera d’une autorisation supplémentaire de consommation des reports de crédits de 265 millions d’euros.

Il a ensuite présenté les priorités du ministère de la défense pour les prochaines années.

Un plan pour l’égalité de chances a été lancé au Prytanée militaire de la Flèche, afin de permettre à des jeunes de condition modeste d’accéder aux plus belles écoles militaires. Le tutorat sera développé : des jeunes officiers sortant de ces grandes écoles aideront les lycéens à intégrer les classes préparatoires. De plus, des classes tampon de remise à niveau seront créées dans les lycées militaires. Il ne s’agit nullement de discrimination positive car tous les jeunes de condition modeste sont concernés, sans distinction d’origines. Le recrutement des lycées sera modifié : la proportion des enfants de militaires restera stable, autour de 70 %, mais les enfants d’agents civils du ministère de la défense – souvent de catégorie B ou C – bénéficieront de 20 % des places, 10 % étant désormais ouverts au reste de la population. Les préparations militaires seront développées avec l’ouverture de 15 000 places pour une durée de deux à quatre semaines. Enfin, les agents du ministère qui le souhaitent retrouveront la possibilité de préparer et de passer le baccalauréat dans les lycées militaires, ce qui n’était plus possible depuis la suppression de l’école de Strasbourg, en 1983.

Le deuxième chantier concerne les exportations d’armement. L’industrie française perd des parts de marché depuis quelques années, dans un contexte dynamique de réarmement général. Le ministère de la défense a demandé l’élaboration d’un plan stratégique de soutien aux exportations. Le Premier ministre vient d’installer, le 1er octobre, la commission interministérielle pour le soutien aux exportations de sécurité (CIEDES). La délégation générale pour l’armement (DGA) renforcera les dispositifs spécifiques de soutien aux PME-PMI et améliorera le système des avances remboursables et des aides à la promotion. Cinq points méritent des efforts : la réduction des délais d’instruction des dossiers ; l’adaptation des procédures selon les pays destinataires ; l’allégement des contrôles s’appliquant à des matériels dont l’exportation n’est que la conséquence d’autorisations déjà accordées ; la révision des nomenclatures ; la possibilité de rendre très rapidement des arbitrages définitifs sur le financement de contrats.

Pour ce qui concerne les PME-PMI, une vingtaine de chefs d’entreprise ont été reçus et trois groupes de travail mixtes entreprises–DGA ont été mis sur pied, chargés respectivement de l’accès direct aux marchés publics, de l’accès aux programmes d’études amont (PEA) et de l’amélioration des relations entre les PME et les grands donneurs d’ordre, notamment en termes de délais de paiement.

Enfin, le plan d’action en faveur de la promotion du développement durable dans tous les secteurs d’activité de la défense sera présenté en novembre. Sans toucher aux impératifs opérationnels, le ministère a un grand rôle à jouer, compte tenu du nombre important de ses implantations, de son parc immobilier considérable et du volume de ses commandes publiques ; un régiment de l’armée de terre et une base aérienne pourront être sélectionnés afin de servir de modèle pour nos armées dans ce domaine.

Il a conclu en évoquant la réflexion en cours sur les propositions que la France pourrait avancer dans le cadre de la présidence de l’Union européenne. Depuis l’accord de Saint-Malo, la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) a certes progressé mais pas à la hauteur des ambitions. L’Europe ne doit pas être simplement une puissance économique mais aussi une puissance politique, capable de porter ses valeurs et de défendre ses intérêts dans l’ensemble du monde.

Le président Guy Teissier a appelé l’attention du ministre sur les petits programmes de cohérence opérationnelle, qui permettent aux grands équipements de fonctionner. Sur les 404 millions d’euros prévus dans la LPM pour l’armée de terre, seuls 52 millions ont été à ce jour dépensés. Cela concerne notamment les munitions, qu’elles soient de combat ou d’entraînement.

Il a par ailleurs souhaité évoquer la situation des OPEX. L’Union européenne a décidé d’envoyer très prochainement des troupes à l’est du Tchad, où la situation et le nombre des déplacés sont préoccupants et créent des déséquilibres très graves. Dans quelles conditions les troupes françaises seront-elles déployées ? Quelles missions leur seront dévolues ? Les moyens de l’opération Épervier seront-ils mobilisés ? Quelles sont les difficultés rencontrées pour obtenir les effectifs nécessaires auprès de nos partenaires européens ? Cette opération aura sans doute une influence négative sur les capacités opérationnelles de l’armée de terre, déjà assez malmenée. En outre, le surcoût sera forcément important, alors que les crédits de fonctionnement de l’armée de terre accusent un recul. Elle devra donc accomplir de nouveaux sacrifices, qui toucheront l’entraînement et risquent de remettre en question le respect de l’objectif de 100 jours d’entraînement par an, essentiel pour l’efficacité et la sécurité de nos troupes déployées à l’extérieur.

Le ministre a confirmé l’importance majeure des programmes de cohérence opérationnelle, qui conditionnent la vie quotidienne des militaires dans leur activité opérationnelle. La revue des programmes d’armement se penche sur l’intégralité de la nomenclature des programmes, y compris les centaines de petits programmes de cohérence opérationnelle. Il n’est pas question de doter les armées de magnifiques matériels qu’elles seraient dans l’incapacité de faire fonctionner faute de ces équipements d’accompagnement, au risque de surcroît de devoir réaliser des programmes coûteux dans l’urgence en fonction des besoins opérationnels.

Lors de la réunion des ministres de la défense de l’Union européenne de ce week-end, la France s’est efforcée de convaincre un certain nombre de ses partenaires de participer à l’opération envisagée au Tchad et en république Centrafricaine. La France et le Royaume-Uni ont présenté la résolution 1778 au nom de l’Union européenne devant le Conseil de sécurité des Nations unies et elle a été adoptée à l’unanimité. La communauté internationale a donc confié à l’Europe une mission majeure qui requiert de 3 000 à 4 000 hommes sur le terrain. Des hésitations ou des atermoiements sur la constitution de la force constitueraient un message d’impuissance terrible en direction de la communauté internationale. Les Français devraient être environ 1 500, les Suédois 150, les Irlandais 300 à 400, les Roumains 50, les Polonais 300, les Allemands et les Italiens mettraient quelques officiers à disposition, tandis que les Espagnols fourniraient deux avions de transport Casa et les Roumains des hélicoptères. Les pays baltes sont également intéressés par cette mission de la PESD. Le commandement pourrait être confié à l’Irlande. Pour 2008, il est prévu quatre-vingt-seize jours d’ activité par homme, 160 heures de vol par pilote d’hélicoptère, comme les années antérieures et le budget d d’entraînement de l’armée de terre sera en hausse de 0,8 % et non en baisse.

M. François Lamy a estimé qu’un meilleur contrôle parlementaire peut également renforcer l’action de l’exécutif. Tous les effectifs énumérés par le ministre à propos de l’intervention au Tchad étaient annoncés dans Le Monde la semaine dernière. Il est même arrivé que Paris Match publie le récit de l’activité des membres des forces spéciales en Afghanistan alors que la commission s’entendait dire qu’aucun militaire français ne combattait sur le terrain dans ce pays.

Le projet de budget 2008 de la défense est-il sincère ? Ne sera-t-il pas revu à la baisse en cours d’exécution ?

M. Bernard Cazeneuve a relevé les particularités de l’élaboration du projet de budget 2008 : la revue des programmes n’est pas achevée ; le projet de budget n’en est pas la déclinaison ; aucun de ces deux exercices n’est en cohérence avec les orientations d’un Livre blanc dont la rédaction est en cours.

Dans La Tribune du 14 septembre 2007, le ministre de la défense a évoqué la « bosse » budgétaire : entre les engagements pris et les capacités de financement mobilisées, il manque 5 à 6 milliards d’euros par an pour tenir la future LPM, ce qui signifie qu’une hausse de 30 % par an du titre 5 serait nécessaire. Or celui-ci, dans le projet de budget 2008, ne progresse que de 0,8 %. Il manque donc 29 %. Quels programmes sont menacés ? Qu’en est-il du Rafale ? Au cours de la législature précédente, des programmes marine ont été lancés alors qu’ils ne figuraient pas dans la LPM, d’autres ont été engagés alors qu’ils étaient simplement profilés dans la LPM, d’autres encore, qui étaient initialement certains, ont été annoncés en fin de LPM, comme celui du Barracuda. Quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne ces programmes ? Quels arbitrages se profilent ?

Le ministre a assuré que le projet de budget est sincère, sincérité qui conduit à reconnaître, sans dissimulation derrière les habituelles mesures de périmètre, un manque de 250 millions d’euros pour respecter pleinement la LPM. Des arbitrages qui n’étaient pas gagnés d’avance ont tout de même permis de lever la mise en réserve de 1,15 milliard d’euros et de financer la totalité des OPEX ainsi que treize dix-neuvièmes des FREMM. Il n’empêche que des mesures de régulation budgétaire interviendront probablement, comme chaque année.

Le budget 2008 est un budget de conclusion et de transition : il a été conçu sous l’empire de la précédente LPM tout en anticipant les réorientations qui interviendront à partir de 2009.

La bosse n’apparaît qu’à partir de 2009 puisque les besoins de paiement établis par la version actualisée du référentiel (VAR) s’établiront à 19,1 milliards d’euros en 2009, à 21,4 milliards d’euros en 2010, à 22,2 milliards d’euros en 2011 et à 23 milliards d’euros en 2012. La moyenne annuelle se situera donc autour de 40 % d’augmentation sur toute la durée de la future LPM. Si la France connaît une croissance exceptionnelle, ce que chacun souhaite, elle pourra affecter des excédents budgétaires à sa défense. La défense a un prix mais, pour conserver son rang sur la scène internationale, un pays doit pouvoir s’appuyer sur une armée crédible.

La revue des programmes d’armement recherche cependant les économies potentielles, notamment en raisonnant davantage en interarmées. Les besoins en moyens aériens de l’aéronavale et de l’armée de l’air sont similaires car elles sont appelées à mener les mêmes opérations. De même, les flottes d’hélicoptères de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la marine doivent pouvoir être utilisées de façon plus coordonnée et l’état-major des armées conduit une réflexion sur la mutualisation des flottes. Certains programmes subiront des coupes, d’autres seront lancés en fonction des besoins opérationnels et des conclusions du Livre blanc, mais, à ce stade de l’exercice, il est impossible de le savoir avec précision. En tout état de cause, les allégations récemment publiées sur un arbitrage définitif concernant le nombre de FREMM sont absolument dénuées de tout fondement.

M. Yves Fromion a fait valoir que, même si des lacunes demeurent, la majorité, après cinq ans, peut faire état d’un bilan des plus honorables : la réputation et la crédibilité de l’instrument de défense français ont été rétablies et sont incontestables.

Dans les documents budgétaires, il apparaît que les crédits de recherche, qui ont très nettement augmenté depuis cinq ans, ne sont pas en recul ni en stagnation mais que leur progression ralentit, alors que l’objectif fixé était de tendre vers un milliard d’euros. Or, il est regrettable qu’un discours sur la trop grande sophistication de nos matériels se développe. La maîtrise des hautes technologies est vitale pour nos industries de défense et pour les forces armées, dans un souci d’interopérabilité avec nos partenaires et, plus généralement, de crédibilité de la dissuasion.

M. Christian Ménard a fait part du mécontentement croissant des gendarmes qui jugent que leur situation est désavantageuse : ils sont moins rémunérés que les policiers, pour des horaires supérieurs.

Le ministre a expliqué que la première tranche de mesures catégorielles en faveur des gendarmes s’applique aux catégories dont les statuts particuliers ne requièrent pas de modification. Mais l’ensemble des propositions contenues dans les conclusions du rapport du HCECM ont été retenues, ce qui représente quelque 45 millions d’euros pour les militaires et gendarmes jusqu’au grade de sergent. Cela permettra d’arriver à une parité globale entre gendarmerie et police. Le ministère de la défense se refuse néanmoins à prendre d’autres mesures particulières pour la gendarmerie afin de ne pas créer de fracture au sein des armées et de ne pas remettre en cause son statut militaire. A moins que la République française ne considère un jour qu’elle n’a plus besoin de deux forces de sécurité intérieure, ce qui serait une erreur. L’effort engagé est important et il faut aussi tenir compte du PAGRE. Quant aux rapports sur l’état du moral de la gendarmerie, ils varient beaucoup d’un département à l’autre.

Le total des crédits de l’agrégat recherche et développement s’élèveront à 3,62 milliards d’euros contre 3,45 milliards en 2007, mais il est vrai que les études amont subiront une légère baisse des crédits. Il faut pourtant leur attribuer un maximum de moyens pour maintenir les compétences, le savoir-faire et l’avance technologique de la France. Il est d’ailleurs possible d’envisager un investissement plus important dans ces recherches, quitte à ne pas retenir les spécifications les plus pointues et les plus coûteuses lors du lancement des programmes. Dans le cycle des discussions entre la DGA, les états-majors et les industriels, il serait souhaitable d’examiner si certaines spécifications sont vraiment nécessaires, de façon à parvenir à des cibles satisfaisantes, permettant d’équiper convenablement et rapidement les forces tout en maintenant les compétences des équipes de chercheurs : l’enjeu est de concevoir des armements parfaitement opérationnels mais sans atteindre le niveau extrême de la sophistication technologique, qui coûte parfois à lui seul 25 à 30 % du programme.

M. Gilbert Le Bris a demandé des précisions sur le programme Rafale, les différentes récentes annonces ayant quelque peu obscurci les perspectives, ainsi que sur l’A400M et les drones, les efforts réalisés pour ces derniers n’étant pas au niveau des besoins.

Mme Françoise Olivier-Coupeau s’est interrogée sur l’annonce par le journal Ouest France du 1er septembre de l’abandon de la deuxième tranche de FREMM.

Le ministre a répété que cette information, tirée d’un blog, est erronée.

En quoi consiste une revue de programmes ? Il s’agit de prendre chaque programme et de faire le point sur les dépenses déjà engagées, celles à venir, la cible, le début des commandes, le début des livraisons et les clauses de dédit. Ensuite, à partir d’hypothèses de réductions de volume ou de cadencement, on évalue les économies qui pourraient être accomplies. Ce travail en quelque sorte radiographique permettra ultérieurement les arbitrages en conseil de défense, en fonction des priorités fixées dans le Livre blanc.

Les commandes et les livraisons de Rafale sont parfaitement conformes aux prévisions de la LPM.

L’A400M subit quelques difficultés de mise au point et M. Louis Gallois espère que le retard sera inférieur à un an.

M. Michel Voisin a observé que les crédits consacrés à la défense représentent presque 1,7 % du PIB alors qu’un taux de 2 % serait nécessaire. Qu’attend le Gouvernement pour prendre cette décision ? Il faut tenir un discours de vérité et éviter de recourir aux artifices utilisés par tous les gouvernements depuis vingt ans.

Le ministre a suggéré que les parlementaires inscrivent cette mesure – qui coûterait 6 milliards d’euros, c’est-à-dire l’équivalent du budget de la justice – dans la LPM ou en discutent avec le Président de la République et le Premier ministre.

M. Jean-Claude Viollet a craint que la revue de programme en cours, le budget 2008 et les décisions qui interviendront dans les prochains mois n’anticipent sur la réflexion stratégique du Livre blanc. Au-delà des quatre sièges concédés aux parlementaires dans la commission du Livre blanc, comment les commissions de la défense de l’Assemblée nationale et du Sénat peuvent-elles être associées à ce travail fondamental, qui se traduira par une nouvelle programmation ? Le cœur de la réflexion doit être le Livre blanc et la revue de programmes ne doit servir qu’à éclairer cet exercice.

Pour le Rafale, les prévisions sont tenues, prétend le Gouvernement. Mais la commande de huit exemplaires constitue la simple correction de l’accord dit « feuille de route » d’octobre 2006. Combien de Rafale seront commandés en 2009 ? L’affichage de la quatrième commande de soixante appareils sera stratégique, à double titre : parce qu’elle sera globale et parce qu’elle marquera le passage au standard F3.

Les 3 milliards d’euros du PA2 correspondent-ils à des autorisations d’engagement ou à une provision d’autorisations d’engagement ?

Des quotidiens régionaux ont aussi évoqué des fermetures de bases et des dissolutions de régiments. Il s’agit d’un véritable sujet de réflexion dans le cadre du Livre blanc et de la future LPM. Mais il est nécessaire de rappeler qu’aucune décision n’est prise et que la représentation nationale doit pouvoir se prononcer, y compris sur les conséquences territoriales de telles mesures.

Le ministre a acquiescé : le Livre blanc sera le point de départ de la réflexion ; la revue de programmes n’engage, quant à elle, aucune décision.

Les commandes de Rafale correspondent effectivement à un rattrapage, ce qui n’est déjà pas si mal.

Des dispositifs complémentaires d’accompagnement social devront être mis en œuvre parallèlement aux réorganisations territoriales. Les militaires et les états-majors souhaitent voir leur ministère se réorganiser, se rationaliser et s’interarmiser. En revanche, ils n’accepteront pas que les mesures de réorganisation territoriale soient menées dans le seul souci d’aménagement du territoire et non pas en fonction de l’impératif opérationnel, car cela reviendrait à sacrifier l’efficacité des armées pour des considérations politiques.

Le projet de budget contient bien 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement au titre du PA2 mais on peut parler de provision dans la mesure où la décision de construire ce bâtiment n’a pas encore été prise.

Le président Guy Teissier a observé que les parlementaires seront associés pour la première fois à l’élaboration d’un Livre blanc, ce qui constitue une véritable avancée. Plusieurs chantiers s’annoncent : l’examen du budget et la LPM. Compte tenu de la complexité des travaux de rédaction du Livre blanc, les membres de la commission de la défense ne pourront pas le suivre au même rythme mais des réunions pourront être organisées au sein de la commission, à partir de fin novembre, sur différents thèmes, permettant ainsi aux députés membres de la commission du Livre blanc d’être les porte-parole de leurs collègues.

M. Michel Sainte-Marie a évoqué les difficultés du programme spatial Galileo, qui sont certes d’ordre financier mais tiennent également à la concurrence du programme chinois Compass, qui utilise la même bande de fréquence que le signal de précision PRS, ce qui est lourd de conséquences pour les applications de sécurité militaire. Quelle est l’analyse du Gouvernement sur ce dossier ?

Le programme MUSIS (Multinational Spacebased Imaging System) en cours d’élaboration doit assurer la succession d’Helios II à l’horizon 2015. Or, les crédits prévus pour l’espace diminueront sensiblement en 2008. La France ne risque-t-elle pas de perdre temporairement des capacités en matière de renseignement image satellitaire lorsque Hélios II arrivera en fin de vie ?

Le ministre a rappelé que la proposition française consistait à consacrer une partie des crédits de la politique agricole commune à un grand programme d’équipement de haute technologie, Galileo, et a regretté que les Allemands, pourtant critiques sur la PAC, s’opposent à ce financement. Au demeurant, Galileo est un programme civil, même si son effet sur les capacités militaires est indéniable.

Le programme MUSIS sera lancé à temps pour assurer la succession d’Hélios. La France souhaiterait la mise en œuvre d’un grand programme spatial européen et, lors de la présidence française de l’Union, elle proposera un rapprochement des politiques spatiales nationales.

Le président Guy Teissier a souligné l’importance de ce domaine pour l’indépendance de la France : si la France abandonne ses savoir-faire, elle souffrira d’un déficit capacitaire aux alentours de 2015.

M. Michel Grall a noté que le ministère de la défense passe les deux tiers des marchés publics de l’État. La France a besoin de ses grands groupes internationaux mais aussi d’un tissu de PME diversifiées et indépendantes. Le ministère prévoit-il de développer des mesures de soutien aux PME ?

Le ministre a indiqué que sa rencontre avec une vingtaine de dirigeants de PME représentatives lui a permis de mieux comprendre leurs difficultés et leurs attentes. Trois sujets sont apparus prioritaires : les délais de paiement des grands donneurs d’ordres ; l’accès aux études amont, notamment aux PEA, pour lequel la DGA ne joue pas toujours le jeu ; l’accès direct à la commande publique, sans être obligé d’intervenir comme sous-traitant d’un grand donneur d’ordres. Trois groupes de travail ont donc été créés et rendront leurs conclusions en fin d’année.

M. Alain Rousset a demandé si le ministère, dans le cadre de sa revue de programmes, déterminera une liste des technologies critiques dont la France souhaite conserver la maîtrise, notamment dans les domaines de la propulsion, des systèmes embarqués ou des matériaux. Cela fournirait un éclairage à quinze ou vingt ans sur les stratégies de capacités de la défense nationale. Un véritable problème de stratégie industrielle et technologique se pose dans ce domaine, alors même que des pays comme l’Italie et l’Espagne mènent une politique très volontariste pour acquérir des savoirs de pointe.

La France est en train de perdre sa compétence sur les matériaux composites, au bénéfice de l’Espagne, et un risque similaire pèse sur la propulsion nucléaire, le spatial et bien d’autres domaines ayant des retombées civiles. Cela tient aux modalités de la commande publique mais aussi à la structuration de l’appareil industriel : les PME françaises ne possèdent pas la taille critique nécessaire pour faire face à la commande des donneurs d’ordres. La PME moyenne, avec ses trente-cinq ou ses cinquante-cinq salariés, est incapable d’accéder à la commande publique, de supporter des tensions de paiement ou de livraisons de pièce et surtout de faire face au partage des risques. Il est urgent que la DGA fasse des efforts en la matière et que le processus de restructuration de l’industrie civile et militaire française s’accélère, ce qui renvoie à la faiblesse du dispositif étatique d’appui aux fonds propres. Ensuite, les régions assureront le relais pour tisser les liens nécessaires avec les PME.

Un programme militaire ne peut plus être conçu sans une réflexion sur sa déconstruction, sans une intégration de la dimension du développement durable. Ainsi, on ne sait pas désintégrer les matériaux composites : après avoir été utilisés deux ou trois fois, ils s’empilent sur un site du nord de la France. Un effort de recherche s’impose donc.

Plus généralement, une réflexion doit être menée au sujet de l’industrie duale, comme cela se fait aux Etats-Unis. Désormais, c’est davantage le secteur civil qui tire le secteur militaire.

Le ministre a indiqué qu’un des groupes de travail de la commission du Livre blanc travaille sur les technologies et les compétences stratégiques. La taille des lots des appels d’offres peut aussi conduire à évincer des entreprises ; il suffirait de constituer des « briques » plus réduites pour que des PME puissent faire acte de candidature, mais cela suppose un changement de culture de la DGA et des grands donneurs d’ordres.

M. Francis Hillmeyer s’est enquis de l’état d’avancement de l’interarmisation du soutien logistique, à l’instar de ce qui a été réalisé en Grande-Bretagne ou en Allemagne.

Le ministre a répondu que ce travail est en cours et que certains résultats ont déjà été obtenus, comme en témoigne la création du SIAé. C’est l’un des secteurs clés ou l’interarmisation et les économies sont possibles sans affecter la capacité opérationnelle des armées.

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II. —  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-LOUIS GEORGELIN, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189) a cours de sa réunion du mardi 9 octobre 2007.

Après avoir rappelé que c’était la deuxième fois que le général Georgelin venait dans ses fonctions de chef d’état-major des armées devant la commission pour la présentation du budget, le Président Guy Teissier lui a demandé de bien vouloir faire le point sur la situation des troupes françaises envoyées à l’étranger et a souhaité obtenir des précisions sur la mise en place de la force européenne au Tchad.

Le général Jean-Louis Georgelin a souligné en préambule le contexte particulier dans lequel cette audition s’inscrit.

Elle est d’abord la première de la nouvelle législature et représente ainsi l’occasion d’un nouvel élan dans les relations entre les responsables militaires et la commission de la défense. Évoquant son audition par le comité de modernisation et de rééquilibrage des institutions, il a indiqué y avoir souligné l’importance du soutien de l’opinion publique aux opérations militaires ainsi que le rôle majeur du Parlement pour le renforcer.

Par ailleurs, cette audition intervient dans un contexte d’intense débat institutionnel et démocratique où la défense fait l’objet de réflexions approfondies, notamment à travers la commission du Livre blanc mais aussi de la Révision générale des politiques publiques (RGPP).

Enfin, le projet de loi de finances est le dernier de la loi de programmation en cours, il est donc utile d’en faire un bilan et de tirer des leçons pour l’avenir.

Il a abordé en premier lieu la loi de programmation qui s’achève en souhaitant qu’elle soit replacée dans une perspective historique.

Si l’on considère l’histoire de l’investissement militaire depuis 1945, on peut constater que celui-ci obéit à des cycles d’une quinzaine d’années, alternant des périodes d’investissement et des périodes de consommation du capital. Pendant la période 1945-1960, la France a reconstruit son outil conventionnel dans le contexte de la guerre froide naissante.

De 1960 à 1975, la croissance économique a été privilégiée au détriment des crédits militaires ; dans le même temps, le financement de la force de dissuasion créait un effet de ciseau, amputant par là le financement de l’outil militaire conventionnel. C’est à cette période qu’apparurent les premières lois-programmes, strictement limitées aux équipements nécessaires à la dissuasion. La période 1975-1990 correspond à un nouvel effort de « recapitalisation » de l’outil militaire. La période 1990-2005, quant à elle, est marquée par un nouvel effet de ciseau : la volonté de toucher les « dividendes de la paix » associée à un engagement significatif dans les opérations extérieures ont consommé le capital militaire accumulé précédemment.

De ce point de vue, l’exécution exemplaire de la programmation 2003-2008 n’a pas suffi à stopper la dégradation de l’effort de défense nationale.

Trois conclusions peuvent être tirées de cette mise en perspective historique : la construction d’un outil de défense s’inscrit dans un temps long et conditionne l’avenir ; l’investissement de défense obéit à des cycles et nous entrons aujourd’hui dans une période de reconstitution du capital ; les LPM ont été d’autant plus efficaces qu’elles ont intégré l’ensemble des composantes d’une capacité militaire, équipement, effectifs, entraînement.

Dressant le bilan de cette loi de programmation militaire, le général Georgelin a constaté qu’au début des années 1990, une direction stratégique principale s’imposait, celle des frontières de l’Est, direction à laquelle s’est progressivement ajoutée celle de l’action extérieure. On peut aujourd’hui parler de « triangle stratégique », correspondant à trois grandes orientations. En premier lieu, nos forces armées nous permettent en permanence de faire face à une brusque aggravation de la situation internationale. Si le Président de la République estime nos intérêts vitaux menacés, il dispose des moyens de la dissuasion. D’autres circonstances pourraient nous conduire à participer à un conflit majeur dans le cadre de l’Alliance atlantique. Aux termes de la loi de programmation qui s’achève, les armées doivent être capables d’engager une force de 50 000 hommes, un groupe aéronaval et son accompagnement et 100 avions de combat. La seule existence de cette capacité est un atout et constitue un témoignage concret de la volonté nationale. En second lieu, il faut assurer la sécurité de nos concitoyens et la protection de nos intérêts contre les menaces et les risques immédiats. Enfin, troisième orientation stratégique, la France apporte sa contribution à la sécurité collective. Dans ce cadre, elle est aujourd’hui engagée dans cinq opérations majeures au Tchad, au Kosovo, au Liban, en RCI et en Afghanistan. Près de 11 000 hommes sont déployés en opérations (sur un total de 33 000 hors du territoire métropolitain).

Les trois pointes de ce triangle se renforcent mutuellement : la crédibilité de chacune est nécessaire aux deux autres, ce dont l’interdépendance fréquemment soulignée des aspects intérieur et extérieur de la sécurité rend compte.

Souhaitant tirer les enseignements de la période écoulée, il a tout d’abord souligné la dimension morale des opérations extérieures. Le soutien de l’opinion publique est un facteur plus important que jamais. Au niveau du commandement, la nécessité de donner des règles d’engagement robustes et claires est désormais admise par tous. Les jeunes français qui rejoignent les rangs des armées et prennent, très tôt, de lourdes responsabilités en donnent le témoignage.

Quant aux opérations multinationales, la nécessité, d’une part, d’une conduite stratégique et, d’autre part, d’une coordination locale des différentes organisations internationales a pris valeur de principe.

Abordant les lacunes des équipements, il a fait valoir qu’au-delà du vieillissement de nos matériels, ce sont nos carences en transport stratégique, en aéromobilité ainsi que les progrès à réaliser en matière de frappes de précision, de renseignement et de protection du combattant qui doivent retenir l’attention.

Quant aux leçons à tirer pour l’avenir, la première réside dans la nécessité incontournable d’une loi de programmation militaire ; l’effort de défense s’inscrit dans la durée et une LPM constitue un élément primordial de référence qui traduit dans les chiffres l’ambition nationale de défense.

Par ailleurs, il faut souligner le double rôle qu’a joué le modèle 2015. Il a fixé un objectif de long terme à atteindre pour la force militaire globale et il a défini la part relative de chaque capacité, donnant ainsi un point de convergence pour assurer la cohérence de notre effort de défense. Mais désormais, ce modèle fait référence à une échéance trop proche ; il doit être remplacé par un mode de description moins rigide articulé autour des effets que nous souhaitons réaliser au plan stratégique, c’est-à-dire autour des aptitudes des armées.

Le général Georgelin a indiqué que le projet de loi de finances propose un budget stable en valeur à 48 065 milliards d’euros, construit pour permettre d’attendre et de prendre en compte les orientations attendues des différents travaux en cours comme le Livre blanc.

Il a précisé que la réduction des effectifs en application de la règle commune se traduira par la suppression de 6 037 postes (dont 4 795 militaires) et portera sur les fonctions d’administration et de soutien, s’effectuant dans le cadre de réorganisations déjà amorcées.

Après avoir observé que l’effort entrepris au profit de la revalorisation de la condition militaire serait poursuivi avec 102 millions d’euros de mesures catégorielles attendues par les personnels, il a évoqué le financement des OPEX maintenu à 375 millions d’euros. Les armées réaliseront de nouvelles économies en fonctionnement, mais la tension qui pèse sur la vie quotidienne des unités comme sur leur entraînement est un problème dont il faut avoir conscience. Un effort dans ce domaine est indispensable à l’avenir, probablement en trouvant des sources d’économie dans les réorganisations. Il a également noté, comme le ministre, dans le domaine des équipements, une progression des crédits de paiement légèrement inférieure aux prévisions de la loi. Compte tenu des décisions du Président de la République de lever la réserve de 1,15 milliard d’euros en 2007 et du Premier ministre concernant l’ouverture des crédits FREMM en LFR (338 millions d’euros), l’équilibre du budget reposera sur l’ouverture de la totalité des reports de crédits 2007 en 2008.

Ce dernier budget de la LPM se devait de respecter deux conditions : garder ouvertes toutes les options envisageables à l’issue des travaux en cours ; permettre aux armées de fonctionner et remplir leurs missions. Ces deux conditions étant remplies, le prochain budget saura traduire les orientations nouvelles de la défense.

Il a conclu en considérant que les armées demeurent un atout essentiel pour le pays qu’il convient de se réapproprier et de repenser et a affirmé que ce rôle revient à la commission du Livre blanc, au Parlement comme à chacun d’entre nous.

Le président Guy Teissier a tout d’abord relevé que le général Georgelin avait évoqué la présence de 33 000 hommes en OPEX et outre-mer, dont 11 000 pour les seules OPEX. Dans la perspective d’une nouvelle intervention au Tchad, reste-t-il une marge de manœuvre pour l’armée de terre, sachant que la présence de 11 000 hommes en OPEX nécessite la mobilisation de 30 000 personnes sur l’année ?

Il a ensuite souhaité obtenir des précisions sur la situation des troupes françaises en Côte-d’Ivoire et au Liban ainsi que sur la future opération européenne au Tchad, dans laquelle la France serait partie prenante à hauteur d’environ 1 500 hommes. Pour avoir été en mission dans cette zone il y a trois ans, il a pu évaluer les conséquences dramatiques de la sédentarisation de nomades aux confins du Tchad et du Soudan et la précarité de leur situation. Quelles seront donc les missions de cette force européenne, qui ne sera pas autorisée à pénétrer en territoire soudanais alors même qu’il n’existe pas de force africaine susceptible de protéger les populations déplacées et de les ramener au Darfour ?

En réponse, le général Jean-Louis Georgelin a donné les indications suivantes :

– En ce qui concerne la capacité globale de présence des armées françaises sur les théâtres extérieurs, le contrat opérationnel de l’armée de terre prévoit le déploiement, soit de 20 000 hommes de façon renouvelable, soit de 50 000 hommes en une seule fois. Il faut être capable de répondre à cette obligation : c’est la mission du chef d’état-major des armées. Aujourd’hui, même lorsque notre engagement atteint 14 000 ou 15 000 hommes, notre pays dispose encore d’une marge de manœuvre suffisante pour une opération nécessitant 4 000 ou 5 000 personnes supplémentaires. Il existe néanmoins des spécialités pour lesquelles la situation est plus tendue que d’autres, comme le renseignement ou les systèmes d’information et de commandement (SIC), et notre capacité d’action se heurte parfois à des lacunes en matière de moyens de projection et de mobilité.

– En Côte-d’Ivoire, les accords de paix de Ouagadougou ont changé la donne dans la région. La situation semble apaisée et nos forces présentes sur place ne constatent plus d’incidents depuis déjà quelques temps. La mission des forces françaises dans la zone est double : il s’agit de soutenir l’ONUCI et d’assurer la sécurité de nos ressortissants. Pour cela, les 2 400 hommes actuellement présents suffisent. La tenue d’élections, à laquelle le Président Gbagbo semble récemment s’être engagé auprès du Président Sarkozy, sera un facteur important dans notre évaluation de la situation comme de notre présence sur place.

– Au Liban, 1 600 soldats sont actuellement présents dans le cadre de la FINUL 2 et une frégate porte-hélicoptère est maintenue en permanence au large des côtes libanaises. La FINUL a réussi à s’imposer et à être prise au sérieux tant par Israël que par le Hezbollah ainsi que par l’armée libanaise. Sa présence a eu un effet de dissuasion et de stabilisation indéniable, même si rien n’est, bien évidemment, réglé. Le développement de l’armée libanaise est en progrès mais celle-ci, sous l’effet des difficultés propres à la société libanaise, est encore loin d’avoir atteint ses objectifs en termes de capacité opérationnelle. Le Hezbollah étant, de fait, présent partout, la situation peut rapidement se détériorer.

– S’agissant du Tchad et du Darfour, la communauté internationale est déjà présente sur place à travers le déploiement de l’AMIS, la force de l’Union africaine et projette d’envoyer en 2008 une force hybride (comprenant un détachement ONU et un détachement de l’Union africaine) destinée à protéger et à accompagner le déplacement des camps de réfugiés. Il faut noter que le Soudan a refusé le déploiement d’une force classique de l’ONU sur son territoire. Dans l’attente de ce déploiement, le Président de la République a proposé à l’ONU l’envoi d’une force européenne pour sécuriser le sud-est du Tchad et assurer la sécurité des camps et des voies de communication permettant leur ravitaillement. Nos partenaires européens étaient plutôt réticents à l’idée de participer à une opération en Afrique dans une ancienne zone d’influence française mais l’ONU a finalement adopté, il y a trois semaines, une résolution actant le principe de l’envoi d’une force européenne dans l’attente du déploiement, dans un an, de la force onusienne. La constitution de la force européenne est donc en cours. L’objectif est de réunir 3 000 hommes et la France devrait y participer à hauteur de 1 400 hommes environ. Des contributions sont actuellement proposées par la Pologne, la Belgique, l’Irlande et la Suède. Le commandement sur le terrain sera assuré par la France alors que le commandement opérationnel sera conduit, depuis le quartier général installé au Mont Valérien, a priori par un général irlandais dont la désignation officielle par l’UE devrait intervenir la semaine prochaine. Le déploiement de la force devrait pouvoir se dérouler d’ici à la fin de l’année.

Évoquant les tensions citées par le chef d’état-major en ce qui concerne la réalisation de notre contrat opérationnel en matière de projection de forces, M. Jean-Claude Viollet a souhaité obtenir des comparaisons internationales sur le ratio actuel entre les forces projetées et le total des forces.

Il a ensuite posé deux questions sur :

– les perspectives de réorganisation de l’armée de terre, qui pourrait passer d’un modèle de réservoir de forces à un dispositif basé sur des unités types,

– la situation et les missions de nos troupes en Afghanistan ainsi que l’existence éventuelle d’une formation française en réserve stratégique.

En ce qui concerne la situation en Afghanistan, le général Jean-Louis Georgelin a tout d’abord estimé que la direction stratégique des opérations et la coordination sur le terrain des différents acteurs impliqués dans la stabilisation du pays restaient encore à structurer afin de gagner en efficacité. Sur le volet plus spécifiquement militaire, on peut constater que la sécurité est très variable selon les régions. Cela étant, l’Afghanistan n’est pas un pays centralisé et aucun pouvoir n’a jamais pu exercer son autorité sur l’ensemble du territoire. Ceci donne toute la mesure du défi que doit relever l’OTAN dans ce pays.

La force française est actuellement composée de 1 100 personnes stationnées au centre du pays ; elle assure le commandement dans la région de Kaboul en alternance avec les Turcs et les Italiens. Sa mission est d’assurer la sécurité générale de la zone ainsi que d’appuyer l’armée nationale afghane lorsque celle-ci le souhaite. Dans la conduite des opérations de contrôle de zone, le plus grand danger vient des actes terroristes et notamment des engins IED placés au passage des véhicules et des convois, qui provoquent de fortes pertes. La présence des Talibans est plus forte dans le sud du pays, où les troupes britanniques, américaines, canadiennes et hollandaises mènent des opérations plus structurées allant jusqu’à l’affrontement direct.

Les Mirage de l’armée française ont été récemment déplacés de Douchanbé à Kandahar, dans le sud de l’Afghanistan, non pas pour répondre à un souhait de l’OTAN mais bien pour réaliser des économies de personnels (50 personnes de moins sont nécessaires), de potentiel aéronautique ainsi que de carburant et de ravitailleurs. Ils interviennent sur ordre du commandement de la coalition, sur tout le territoire afghan.

La présence de l’OTAN en Afghanistan pourra prendre fin quand les Afghans seront en mesure de prendre eux-mêmes en charge leur sécurité. Pour cela, les programmes de formation et d’instruction (OMLT) menés à tous les niveaux de l’armée nationale afghane sont essentiels. Ce sont dans les actions d’accompagnement des forces afghanes en opération que nos soldats sont les plus exposés mais celles-ci sont indispensables pour que l’armée afghane, qui a été une grande armée, retrouve ses capacités.

En ce qui concerne enfin l’existence d’une formation en réserve stratégique, la France s’est en effet engagée, auprès de l’OTAN, à tenir en réserve un bataillon pour un renfort éventuel au Kosovo ou en Afghanistan.

Il a précisé, que si, à l’occasion des évènements d’août 2006, la France n’était pas favorable à l’engagement de son bataillon de réserve si l’OTAN l’avait demandé, cette position avait évolué et que nous avions indiqué que nous engagerions à l’avenir ce bataillon mais seulement dans les cas pour lesquels il a été prévu : il peut être employé pour rétablir une situation ponctuelle ou dégradée, à l’issue d’une offensive majeure des talibans par exemple mais en aucun cas pour combler une déficience opérationnelle. Dans une contrée où le gouvernement local peine à asseoir son autorité, la situation afghane demeure contrastée. Aujourd’hui, la France n’engage plus de forces spéciales sur ce théâtre d’opérations, à l’exception de quelques effectifs formant des forces spéciales afghanes au sein de la Commando School.

Après avoir rappelé que le taux de front office de l’armée française s’établit à 60 %, les 40 % restant représentant le back office, le général Georgelin a souligné la complexité de cette question. En effet, la capacité d’une armée à s’engager dépend de la qualité de son back office qui englobe la bonne administration, l’efficacité du soutien industriel et le potentiel de formation.

Le potentiel de préparation de l’armée française supporte sans complexe la comparaison avec celui des Britanniques ou des Américains. Les critiques portant sur l’absence de réforme depuis la fin de la guerre froide ou le caractère pléthorique des effectifs des états-majors mériteraient souvent d’être affinées. Certes, des efforts restent à faire et la défense contribue d’ailleurs à la suppression de 22 000 postes inscrite dans le projet de loi de finances pour 2008 à hauteur de 6 000 emplois. Elle procède à cette réduction en restructurant les fonctions de soutien.

Après avoir considéré que la France affiche de grandes ambitions internationales et entend mener la construction de l’Europe de la défense, le général Georgelin a rappelé que la question était celle de l’adaptation de notre effort de défense à nos ambitions. L’un des enjeux de la prochaine LPM sera de déterminer le format de l’outil militaire souhaité. Le budget français de la défense se situe aujourd’hui 10 milliards d’euros en deçà de celui des Britanniques et à 6 milliards au-dessus de celui des Allemands. Sur l’écart avec le Royaume-Uni, 8 milliards correspondent à des crédits de fonctionnement. Ces chiffres signifient qu’avec un coût annuel moyen de 74 000 euros par militaire contre 152 000 euros par soldat britannique, l’armée française s’avère « bon marché ». Ils montrent également que l’externalisation est particulièrement onéreuse et qu’un engagement plus résolu dans cette voie aurait une traduction budgétaire conséquente. Enfin, il a relevé que les efforts d’investissement de la France et du Royaume-Uni sont comparables.

M. Bernard Cazeneuve a rappelé que lors de son audition par la commission, le ministre de la défense avait fait état du décalage existant entre les programmes engagés et les capacités de financement actuelles puis avait évoqué la bosse financière à venir. On imagine cependant mal que ces programmes aient pu être lancés, dans un contexte budgétaire contraint, sans justification opérationnelle impérieuse. La revue des programmes conduira sans doute à des arbitrages Quels programmes pourraient donc être étalés ou reportés, voire remis en cause en toute rationalité opérationnelle ?

Le général Jean-Louis Georgelin a rappelé que les choix dépendront des options retenues dans le Livre blanc en cours d’élaboration. La bosse financière résulte de facteurs multiples, combinés et difficiles à pondérer. Parmi les causes historiques et financières, il a relevé la nécessité actuelle de renouveler simultanément les équipements de la marine, de l’aviation de combat et de l’armée de terre. En ce qui concerne les avions de combat, si le premier vol du Rafale est intervenu en 1986, des considérations budgétaires ont conduit à différer sans cesse le programme. Des difficultés de même nature sont survenues pour l’A400M, qui se sont ajoutées au manque de disponibilité de l’industriel choisi, engagé par ailleurs sur des programmes civils importants. S’agissant de l’armée de terre, le VBCI et l’hélicoptère de manœuvre sont, avec le système FELIN qui assure la sécurité des troupes, les équipements majeurs indispensables à la projection en OPEX. Ces différents programmes ont été reportés mais il n’est aujourd’hui plus envisageable de les différer encore.

Les causes peuvent également être industrielles, des problématiques industrielles prenant parfois l’avantage sur des considérations opérationnelles. La liberté de choix au sujet d’un programme est quelquefois très relative et ce ne sont pas toujours les programmes les plus efficaces ou les industriels les plus disponibles qui sont retenus.

Les considérations budgétaires sont également à prendre en compte. Depuis cinq ans, le budget de la défense a été respecté, au contraire de ce qu’on a pu par exemple constater lors de l’exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002 puisque ont alors manqué 13 milliards d’euros. Cette accumulation de retards et de blocages a pesé sur la « bosse » annoncée pour la prochaine loi de programmation. La loi de finances pour 2009 résultera ainsi de choix d’autant plus difficiles que la prochaine LPM sera une loi de livraisons. La décision ultime ne revient pas au chef d’état-major des armées : c’est au ministre qu’il appartient de faire les propositions nécessaires au Président de la République en fonction des options retenues par le Livre blanc.

M. Yves Fromion a salué le rappel du chef d’état-major des armées à la dimension humaine de la chose militaire. Vouloir réaliser de prétendues économies en jouant sur tel ou tel format pour privilégier tel ou tel équipement serait contre-productif. Il ne faut, en effet, pas perdre de vue la condition des militaires en opération. Il ne peut s’agir de comparer la situation de la fonction militaire avec celle d’autres personnels en tenue chargés de missions de sécurité. Évoquant le renseignement militaire, il a jugé les acquis de la présente LPM quelque peu décevants. Si les programmes Hélios et Minrem se sont bien déroulés, les programmes de drones ainsi que de remplacement du Sarrigue sont en panne. L’importance du renseignement militaire ne peut être ignorée alors que la France est à la tête du programme ECAP à Bruxelles.

Le général Jean-Louis Georgelin a considéré que bien des critiques relatives au renseignement français ne sont pas toujours justifiées. Certes, des crédits manquent et les successeurs de certains satellites ne sont pas programmés, tant il est vrai que tous les programmes souhaitables ne peuvent être réalisés. Cependant, les services de renseignement français sont de qualité et disposent de moyens non négligeables. La DRM fournit d’excellents services et notre pays ne manque pas d’imagerie satellitaire. Notre réseau de renseignement militaire est au premier plan en Europe ; par ailleurs, les perspectives de la Direction centrale du renseignement intérieur, sont prometteuses. Aujourd’hui, dans le domaine des satellites militaires, la France fournit, à elle seule, 50 % de l’effort de financement européen ; l’avenir de l’écoute et de l’observation satellitaire ne peut être qu’européen et doit être le fruit d’une politique commune volontaire dans laquelle chacun devra pouvoir conserver son indépendance. En ce qui concerne les programmes de drones, leurs démarrages ont été difficiles et il est vrai qu’ils ont été relativement délaissés au profit d’équipements plus conventionnels.

M. François Lamy s’est interrogé sur les conséquences d’une éventuelle réintégration de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN. Estimant qu’une réflexion ouverte doit être menée à ce sujet, il a souhaité connaître les avantages ou les inconvénients d’une telle décision.

Le général Jean-Louis Georgelin a remarqué que le contenu même du commandement intégré a fortement changé depuis la mise en place de l’alliance atlantique. Avec l’effondrement du bloc soviétique, les forces initialement maintenues en position d’alerte permanente pour réagir à toute agression ont pu être libérées et le commandement intégré a pu se réduire à un état-major intégré planifiant les différentes opérations.

Lors de son discours aux ambassadeurs du 27 août dernier, le Président de la République a marqué sa volonté de poursuivre les efforts pour la construction d’une politique européenne de défense et a appelé dans le même temps à une rénovation des structures de l’OTAN au sein desquelles la France aurait toute sa place, mais sans se prononcer sur un éventuel retour au sein du commandement intégré. Un équilibre permanent doit être recherché entre ces deux organisations, un rapprochement des structures de l’OTAN ne devant pas compromettre la difficile mise en place de la politique européenne de défense.

Il n’en reste pas moins que le niveau d’engagement dans les opérations et la contribution financière de la France à l’OTAN ne semblent pas justifier son exclusion des instances dirigeantes. Même si la France prend à sa charge 13 % des dépenses de l’OTAN et que 3 200 des 11 000 soldats français déployés en opérations extérieures sont placés sous commandement OTAN, elle n’est pas représentée au sein de toutes les structures de l’état-major intégré. Il apparaît donc utile de clarifier la position française au sein de l’OTAN pour lui donner cohérence et efficacité.

Le président Guy Teissier a souhaité que le rôle de l’OTAN soit précisé pour tenir compte des évolutions géopolitiques.

——fpfp——

III. —  AUDITION DE M. FRANÇOIS LUREAU, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. François Lureau, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189) au cours de sa réunion du mercredi 24 octobre 2007.

M. François Lureau a rappelé qu’il est coresponsable du programme 146 « Équipement des forces » et que la DGA est impliquée dans 3 des 5 actions du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». Présentant un rapide bilan de l’exécution du programme 146 pour l’année 2007, il a rappelé que l’objectif d’engagement initial pour cette année était de 10,1 milliards d’euros, dont 1,6 milliard d’euros de versement au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Du fait de l’actualisation annuelle de la programmation et d’une baisse des objectifs d’engagement dans l’attente des perspectives de la prochaine LPM, le programme 146 a fait l’objet d’une révision à 7,8 milliards d’euros. Au demeurant, les principales commandes ont été honorées. De son côté, l’objectif de paiement s’élève à 10,9 milliards d’euros avec une norme de dépense prévue de 8,2 milliards d’euros. Cependant, la norme de paiement, à un niveau qui pourrait être de l’ordre de 9,4 milliards d’euros (dont environ 1,2 milliard d’euros de versement au CEA), sera susceptible d’empêcher la consommation totale du montant prévu. Le report de charge du programme, qui s’élève à 1,5 milliard d’euros, devrait être cohérent avec les reports de crédits, d’un montant équivalent. Cela ne manquera pas néanmoins d’entraîner une limitation des paiements aux mois de novembre et décembre ; dans ces conditions, la DGA s’efforcera, comme les années précédentes, de régler prioritairement les factures dues aux PME et PMI afin de ne pas les pénaliser. Par ailleurs, cette situation implique le versement d’intérêts moratoires dont le montant pourrait être réduit si les reports de crédits ouverts en loi de règlement s’avèrent disponibles dès le mois de janvier 2008.

Évoquant les indicateurs de performance, le délégué général a considéré que l’indicateur de maîtrise des délais connaît une évolution annuelle satisfaisante avec une moyenne de retard inférieure à deux mois et demi de la part des industriels. Pour sa part, la maîtrise des coûts donne toute satisfaction pour la deuxième année consécutive, ces bons résultats étant notamment dus au recours aux contrats globaux qui donnent une bonne visibilité aux industriels. Enfin, la maîtrise du niveau des intérêts moratoires, qui dépend principalement de la bonne mise à disposition des crédits, a permis de contenir le montant acquitté en septembre 2007 à 14,7 millions d’euros, soit le ratio de 0,23 % % fixé par le projet annuel de performances. Le ratio à la fin 2007 devrait être inférieur à 0,23 %, la majeure partie des intérêts moratoires, liée aux conditions de fin de la gestion précédente et de reprise de gestion, étant réglée dans le courant du 1er semestre.

Le délégué général a indiqué que le budget pour 2008, de transition, se situe dans la continuité de ses prédécesseurs mais présente le programme 146 dans une nouvelle nomenclature, fondée sur la logique des systèmes de forces. Les montants inscrits pour les autorisations d’engagement (AE) s’élèvent à 8,9 milliards d’euros auxquels devrait s’ajouter un report de 2,9 milliards d’euros. Parmi les principales commandes attendues pour 2008, peuvent être mentionnés, outre la provision pour le deuxième porte-avions, 8 avions Rafale, 5 045 systèmes FELIN, 116 VBCI, 22 NH 90. Les ressources en crédits de paiement (CP) s’élèvent à 9,4 milliards d’euros auxquels devrait s’ajouter un report de 1,5 milliard d’euros. La stabilité du coût de l’activité de la DGA, piloté au sein d’un budget opérationnel de programme (BOP), témoigne de l’effort réalisé en gain de productivité, puisque les crédits gérés par la DGA sont passés de 8 à 10 milliards d’euros sur cette LPM, tout en intégrant les charges liées au regroupement des entités parisiennes.

Abordant le programme 144, le délégué général a rappelé que la part du budget de ce programme gérée par la DGA (soit 80 %) est constituée, à plus de 95 %, des crédits destinés aux études amont et aux subventions aux industriels et opérateurs de l’État. Avec un effort de 3,5 milliards d’euros, la France se place en deuxième position des pays membres de l’Union européenne, après le Royaume-Uni qui consacre 3,9 milliards d’euros à la recherche et au développement. Le niveau de commandes à l’industrie dépasse 700 millions d’euros depuis 2006, pour répondre aux ambitions affichées par la loi de programmation militaire. Cet effort qui se concrétise par un soutien accru à l’innovation et au renforcement de la recherche militaire et duale, sera légèrement réduit en 2008, avec un niveau d’engagement de 690 millions d’euros. Parmi les divers domaines couverts par la recherche peuvent être cités la science du vivant (soutien médical, protection radio-biologique des forces), les technologies de l’information et de la communication (démonstrateur ELINT, étude ESSOR sur la radiologicielle...) et les technologies spatiales (évolution du missile stratégique M 51). Le résultat de cet effort de recherche se quantifie grâce « taux de progression des capacités technologiques », un indicateur du plan annuel de performance du programme 144. De 47 % en 2006, ce taux devrait atteindre 52 % en 2007, avec un objectif de 58 % pour 2008.

Abordant les exportations d’armement pour lesquelles la DGA joue un rôle de soutien, M. François Lureau a évalué les perspectives de prises de commandes pour 2007 à plus de 5 milliards d’euros soit 34 % de plus qu’en 2005 tout en demeurant très nettement inférieures à celles du début de la décennie (7 milliards d’euros). Un objectif à 8 milliards d’euros demeure crédible. Après avoir évoqué les principaux contrats signés et à venir, il est revenu sur les causes de l’échec récent de la vente d’avions Rafale au Maroc en considérant que la DGA avait tenu son rôle et que l’industriel avait, dans un premier temps, établi un contrat d’un montant trop élevé. Il a précisé qu’il n’a jamais été question d’un contrat d’État à État puisqu’un tel instrument n’existe pas en France, cette question à elle seule constituant d’ailleurs un vrai sujet de réflexion. Il a indiqué que la responsabilité d’une telle offre commerciale relève de l’industriel. L’échec de la vente met également en lumière des pesanteurs étatiques. En tout état de cause, il démontre toute l’utilité du Comité interministériel pour les exportations de défense et de sécurité (CIEDES), cité par M. Yves Fromion dans son rapport sur les exportations françaises d’armement. L’exportation d’armement française nécessite une structure interministérielle car ni la DGA ni le ministère de la défense ne maîtrisent tous les aspects du processus. La DGA a par ailleurs présenté un plan stratégique à l’exportation mais il faut rappeler que, dans ce domaine, l’État décide, sous un angle politique, de l’opportunité d’exporter certains matériels ou technologies.

Revenant sur l’échec de la vente du Rafale au Maroc, le président Guy Teissier a fait part de sa déception, considérant que l’objectif de vendre ce matériel à un pays ami était pourtant parfaitement réaliste. Il a ensuite posé trois questions au délégué général pour l’armement.

Une réserve de 3 milliards d’euros a été affectée au deuxième porte-avions ; dans la situation d’expectative actuelle, quels sont les vrais obstacles à la réalisation de ce programme ? S’agit-il d’une question de prix, d’une question politique ou de problèmes industriels ?

En ce qui concerne le programme du missile M 51, il a observé qu’à ce jour cet armement n’est pas encore service et que des travaux importants sont programmés à l’Île Longue en vue de son installation sur les sous-marins. Est-il pertinent de déjà prévoir des phases d’évolution alors que sa force de frappe sera très largement satisfaisante ?

Après avoir rappelé le montant de la dotation affectée au maintien en condition opérationnelle des équipements (3,3 milliards d’euros en 2007), il s’est interrogé, puisque la volonté politique est au rendez-vous, sur les progrès susceptibles d’être réalisés en matière de disponibilité des matériels, celle-ci étant un problème récurrent sur le terrain en raison, le plus souvent, de questions d’approvisionnement. Une rationalisation est nécessaire car l’indisponibilité des matériels a un impact indéniable sur le moral et le savoir-faire des troupes. À ce sujet, il a évoqué l’exemple récent du 2e REI, contraint d’effectuer ses manœuvres avec des camions car tous ses chars sont actuellement immobilisés pour entretien chez GIAT.

S’agissant du deuxième porte-avions, M. François Lureau a fait valoir que la décision relève du Président de la République. Actuellement, les négociations sont en phase de finalisation avec les industriels et le Président de la République n’a pas souhaité prendre de décision avant les conclusions des travaux en cours sur le Livre blanc. De son côté, le Royaume-Uni se trouve à une étape un peu plus avancée que la France puisque les contrats sont négociés. Leurs notifications sont prévues en fin d’année, à l’issue de la réorganisation des chantiers navals britanniques et de leur regroupement au sein d’une seule entité industrielle.

Concernant le missile M 51, l’effort actuel porte sur son développement. Il s’agit d’une opération considérable et technologiquement difficile et, pour l’heure, les délais sont respectés. Deux essais en vol ont déjà été effectués et deux restent à faire. Il est prévu que le M 51.1 sera installé à bord du sous-marin Le Terrible en 2010 et que le M 51.2 sera opérationnel à l’horizon 2015.

Le programme d’étude amont sur l’évolution du missile stratégique, évoqué précédemment au titre du programme 144, est d’un montant de l’ordre de 100 millions d’euros. Il vise, d’une part, à étudier à long terme des évolutions possibles pour l’après M 51.2 et d’autre part, à maintenir les compétences au sein des industries concernées par le développement des lanceurs.

Après avoir rappelé que le MCO relève du programme 178, sous la responsabilité du chef d’état-major des armées, il a souligné que la situation est plus contrastée, puisqu’elle est satisfaisante en opérations, comme il avait pu le noter lors de ses déplacements au Kosovo ou en Côte-d’Ivoire. Bien que non directement impliquée dans le MCO, la DGA peut proposer quelques pistes d’améliorations car l’ensemble du système de soutien aux armées doit être repensé dans son fonctionnement global. Le soutien opérationnel, jugé satisfaisant, doit rester très réactif et au plus près des forces. En revanche, il est nécessaire de réfléchir à la répartition des activités de soutien dit industriel, telles que rénovations ou réparations lourdes, entre sites industriels de l’État et entreprises. Ceci a déjà été réalisé en partie pour les flottes navales de la marine et l’aéronautique des armées. Ainsi, la totalité des moyens de soutien industriel aéronautique étatique sera bientôt confiée à une entité spécifique gérée par l’armée de l’air, le SIAé : c’est grâce à un dispositif industriel plus ramassé que l’on pourra gagner en efficacité.

M. Yves Fromion a déclaré ne pas partager le point de vue du délégué général sur les causes de l’échec de la vente du Rafale. Une telle vente ne saurait être considérée comme de la seule responsabilité d’un industriel. Certes, il appartient à celui-ci de fixer les prix mais l’État demeure, dans de telles affaires, l’acteur principal. L’échec qui vient de survenir doit être imputé à l’État lui-même, quand bien même il est difficile de désigner tel ou tel responsable. Lors de la vente du F16 américain au Maroc, Mme Condoleezza Rice s’est personnellement impliquée ; il en a été de même avec le Premier ministre britannique, M. Tony Blair, qui ne s’est pas encombré de détails juridico-administratifs pour vendre l’Eurofighter à l’Arabie Saoudite. Par ailleurs, évoquant la récente vente de Mirages 2000 d’occasion au Brésil, il a souhaité connaître les conditions de l’opération et s’est demandé si elle pouvait servir d’exemple pour l’avenir. Il serait souhaitable d’aboutir à une gestion financière rationnelle de nos matériels sur le long terme, en envisageant par exemple, à la moitié de leur durée de vie et à l’issue de leur emploi dans nos forces, une rétrocession à des acheteurs potentiels, ce qui éviterait par exemple à la marine d’utiliser des hélicoptères de 45 ans d’âge.

S’interrogeant sur l’avenir de NEXTER, il a appelé de ses vœux la constitution d’une sorte de MBDA de l’armement terrestre. Cette solution paraît d’autant plus envisageable qu’aucun pays européen n’est capable aujourd’hui, à lui seul, d’investir dans l’industrie d’armement terrestre.

M. François Lureau a tout d’abord précisé que s’agissant du rôle prépondérant de l’industrie dans l’exportation, il avait évoqué la responsabilité de l’industrie pour l’élaboration de l’offre, et notamment son prix. Il s’est donc dit en plein accord avec les propos de M. Fromion. Il a indiqué que les Néerlandais sont les meilleurs exportateurs de matériels d’occasion. : ils cèdent leurs matériels dans des conditions satisfaisantes et peuvent disposer en permanence de matériels raisonnablement neufs. La vente de matériels d’occasion peut être intégrée dans un plan stratégique global d’exportation. Compte tenu du marché potentiel, ce sont environ deux milliards d’euros de ventes sur 10 ans qui pourraient être ainsi réalisées, qu’il s’agisse de Mirage 2000, de Rafale ou de FREMM. Une politique définie par l’État est cependant nécessaire, qui permette de proposer les matériels comprenant les rénovations ou modifications souhaitées par le client ; cette démarche a été mise en œuvre lors de la cession de Mirage 2000 au Brésil.

Le délégué général a estimé que la société NEXTER a considérablement assaini sa structure et est aujourd’hui rentable. Elle reste cependant vulnérable car son succès repose sur deux produits seulement, au demeurant excellents : le VBCI et le canon automoteur Caesar ; cette situation étant aggravée par le fait que les commandes de l’État représentent 75 % de ses ventes. Pour se consolider, NEXTER doit s’associer à d’autres entreprises et la réunion des compétences au sein d’une structure type « MBDA » de l’armement terrestre constitue une piste envisageable. Il faudrait cependant pour cela intéresser des partenaires implantés en Europe tels que General Dynamics, BAE Systems, Krauss-Maffei et Rheinmetall, susceptibles de constituer un groupe de trois ou quatre actionnaires dont la participation serait équilibrée. Cela dépend aussi des programmes susceptibles d’être développés. Aujourd’hui, le VBCI est en concurrence avec les véhicules américains Piranha de General Dynamics et néerlando-allemand Boxer dans le cadre d’un appel d’offres britannique. Si le VBCI est retenu, d’autres opportunités d’adossement pourront apparaître. En tout état de cause, NEXTER doit se rapprocher d’un groupe lui apportant des compétences système globales, afin de pouvoir élargir son offre.

Après avoir rappelé que la commande de 8 Rafale en 2008 correspond à un rattrapage de la feuille de route, M. Jean-Claude Viollet a souligné l’importance de la quatrième commande globale à venir qui revêt un aspect stratégique pour l’industriel ainsi que pour les perspectives à l’exportation.

Le programme A400M a contracté du retard ; quel est l’état d’avancement du programme MRTT ? La modélisation de l’appareil et son financement sont-ils arrêtés ?

Les drones constituent un sujet d’inquiétude, les SIDM sont attendus sur la base de Cognac où les infrastructures sont disponibles ; 3 appareils et 2 stations sol sont prévus. Quelles seraient les conséquences de leur utilisation en opération pour pallier le retard enregistré par le programme SDM, leur format actuel paraissant insuffisant ?

Alors que le premier missile Meteor devrait être produit en 2012, aucune commande française n’a été enregistrée à ce jour ; compte tenu des enjeux industriels et stratégiques, quelles sont les perspectives pour cet équipement ?

M. François Lureau a relevé que les choix relatifs aux futures commandes seraient définis dans le cadre de la prochaine LPM et qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur ce sujet. La quatrième commande globale de Rafale est prévue pour 2009 ; le respect de cette échéance est important pour garantir la continuité de la production et la crédibilité de la France à l’exportation.

Quelques interrogations demeurent sur l’ampleur du retard du programme A400M. Malgré les compétences reconnues des intervenants, la grande complexité du développement d’un si puissant turbo-propulseur explique les difficultés. Un retard de livraison imposera le recours à des solutions palliatives telles les locations de moyens ou des mesures analogues à celles figurant dans le cadre du contrat SALIS. À la demande des nations clientes, des pressions sont exercées par l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR) sur le maître d’œuvre afin que les retards soient limités.

Environ 2,5 milliards d’euros seraient nécessaires pour financer le programme MRTT correspondant aux besoins constatés. Certes, la durée de vie des 11 ravitailleurs C-135 peut être prolongée jusqu’après l’année 2020, mais ce ne peut être le cas pour les 3 avions KC-135, en fin de vie. Deux modes d’acquisition sont à l’étude : un achat patrimonial qui représenterait un investissement initial significatif ou un achat en recourant à un contrat de partenariat, qui permettrait d’échelonner la dépense.

Les SIDM seront présents à Mont-de-Marsan à la fin de l’année 2007. Il est difficile d’apprécier dans quelle proportion leur nombre doit être augmenté dans l’attente du programme européen Advanced-UAV qui réunit l’Allemagne et l’Espagne, l’Italie rejoignant peut-être le groupe.

En ce qui concerne les missiles Meteor, seule la Grande-Bretagne a, dès le lancement du programme d’ailleurs, passé commande à ce jour. L’utilité d’équiper les avions de combat de missiles performants ne fait pas de doute ; les prix étant garantis par l’industriel jusqu’en 2010, il serait opportun de passer l’éventuelle commande avant cette date.

M. Michel Sainte-Marie s’est interrogé sur l’avenir des programmes spatiaux Musis et Galileo, ce dernier comportant une dimension militaire. Les industriels sont particulièrement inquiets dans la mesure où aucun projet défini ne semble actuellement arrêté alors que des choix stratégiques doivent être rapidement faits pour éviter toute disparition de capacités, compte tenu du délai incompressible de sept ans entre la prise de décision et la mise en service des matériels. Le mécontentement affiché de certains partenaires européens sur les retombées industrielles semble par ailleurs masquer des atermoiements et des hésitations plus profondes.

M. François Lureau a rappelé que Galileo est un système de navigation civile même s’il comporte des applications en termes de sécurité. Son développement qui devait être initialement pris en charge par des partenariats avec les industriels est finalement assuré par des financements communautaires, ce qui entraîne des difficultés de répartition des tâches entre les divers partenaires, chaque État souhaitant soutenir ses entreprises nationales. Malgré ces questions, la mise en place de ce programme a conduit l’ensemble des acteurs européens à prendre conscience de son utilité dans le domaine de la sécurité.

Le programme Musis doit remplacer, à l’horizon 2016 ou 2017, à la fois le satellite d’observation Hélios, dont la France a assuré la quasi-totalité du financement, et deux satellites radars, un allemand et un italien. À ce jour, six pays se sont déclarés intéressés et plusieurs scenarii de participation sont envisagés. La France a marqué sa préférence pour une coopération ambitieuse reposant sur une mise en commun des moyens qui porterait à la fois sur les satellites multifonctions et sur les systèmes au sol, l’ensemble étant financé en commun. Il pourrait également être envisagé de reconduire la solution actuelle, chaque pays se spécialisant sur un satellite, seuls les systèmes au sol étant mutualisés. Une étude a été commandée et les discussions actuellement engagées devraient aboutir avant la fin de l’année 2008. Pour éviter toute rupture capacitaire, une décision ferme devra être prise avant 2009, ce qui suppose notamment que ces impératifs soient financièrement pris en compte dans la prochaine loi de programmation militaire.

S’interrogeant sur l’Europe de la défense, M. Michel Grall a souhaité faire le point sur le fonctionnement de l’agence européenne de défense (AED) créée il y a trois ans.

Dans la mesure où l’équipement des forces représente la moitié des investissements de l’État, l’intérêt d’une mise en commun européen des équipements paraît indéniable. Il a donc souhaité connaître les éventuelles difficultés techniques ou juridiques qui font obstacle à cette possession commune.

M. François Lureau a jugé le bilan actuel de l’agence européenne de défense globalement satisfaisant. Elle a, en effet, permis d’établir l’ensemble des besoins capacitaires des forces à long terme, retracée dans un document, le Long Term Vision. Des efforts très significatifs ont été réalisés pour la recherche, comme par exemple le programme de protection des forces qui associe 19 pays et représente un budget de 55 millions d’euros. Par ailleurs, le code de bonne conduite mis en place par l’agence commence à produire ses effets ; il participe au nécessaire décloisonnement des marchés industriels européens et facilite les réflexions sur d’éventuels appels d’offres qui excèdent les cadres nationaux. En revanche, l’agence n’est pas pour le moment capable d’œuvrer à la mutualisation sur le développement des programmes. Une phase de préparation établissant l’organisation, les spécifications mais aussi le budget, pourrait être organisée pour chacun d’entre eux, permettant aux pays concernés de décider de leur éventuelle participation en toute connaissance de cause.

La mise en commun des moyens européens reste cependant très difficile à mettre en œuvre, elle ne peut se faire que très progressivement et avec beaucoup de pragmatisme. Le programme A400M constitue un premier champ d’expérimentation : les erreurs du programme Transall doivent être évitées et il convient d’harmoniser la gestion de configuration des avions pour maintenir une définition commune à l’ensemble des appareils. Il est également nécessaire de mutualiser le soutien et la formation des équipages et des personnels.

M. Yves Fromion a souligné l’importance d’une évolution commune des équipements développés en coopération, en particulier pour les hélicoptères NH 90. Les modernisations et les adaptations indispensables ne doivent pas conduire à ce que les modèles de chaque pays soient, in fine, totalement différents des appareils des pays partenaires.

M. François Lureau a insisté sur la nécessité de préserver la cohérence initiale entre les différentes versions nationales d’un même équipement tout en rappelant qu’il est difficile d’aller à l’encontre des armées qui souhaitent toutes préserver certaines spécificités. La France a d’ailleurs proposé à ses partenaires de mutualiser le soutien et la formation pour les NH 90 TTH, c’est-à-dire la version transport tactique. Pour sa part, l’Allemagne a d’ores et déjà fait des choix en ce qui concerne l’entretien de ces appareils, sans concertation avec ses partenaires européens. Seuls des engagements politiques forts dans le domaine de la coopération industrielle et militaire permettront de limiter ces dérives et assureront la pérennisation des investissements réalisés.

Le président Guy Teissier a rappelé que l’AED n’existait pas lors du lancement du programme NH 90 et qu’elle n’a donc pu assurer la coordination nécessaire entre les différents acteurs. À l’avenir, l’agence doit intervenir le plus en amont possible afin de rationaliser l’activité de soutien et de préserver un équilibre fonctionnel et opérationnel entre les différents pays.

M. François Lureau a précisé que le programme NH 90 est piloté par un organisme relevant de l’OTAN, la NATO Helicopter Management Agency (NAHEMA), sans lien avec l’agence européenne de défense. Il a dit partager l’analyse sur la nécessité d’une coopération et d’une harmonisation plus larges et a rappelé l’intérêt d’un pilotage par l’agence des phases de préparation des programmes, seules à même de limiter la multiplication des spécifications nationales.

——fpfp——

IV. —  EXAMEN DES CRÉDITS

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Cornut-Gentille, les crédits de la Mission « Défense » : « Équipement des forces » pour 2008, au cours de sa réunion du 30 octobre 2007.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

Le président Guy Teissier a considéré que, sur les points de préoccupation évoqués par le rapporteur, comme l’A400M et les drones, la commission devait effectivement demeurer vigilante. Il a ensuite estimé qu’une réforme de la DGA devrait nécessairement trouver sa place dans le futur Livre blanc.

M. Philippe Vitel a souhaité connaître la tendance en matière d’ouverture des marchés de MCO à la concurrence : constate-t-on des progrès ou bien une stagnation ?

Le rapporteur pour avis a estimé, au vu de ses différentes auditions, que l’ouverture à la concurrence des marchés de MCO était effectivement en progrès et constituait une préoccupation bien réelle pour les structures concernées.

Évoquant les perspectives de coopération internationale en matière de MCO, M. Alain Rousset a souhaité que la France ne soit pas trop naïve : tous nos partenaires européens font en sorte que les commandes militaires irriguent essentiellement leur tissu industriel national, comme en témoigne l’exemple de l’Espagne dans le projet de l’A400M. Il a ensuite souhaité que l’on ne fasse pas de la DGA le bouc émissaire de l’échec de la vente des Rafale au Maroc, alors que les décisions ont été prises à un niveau plus élevé et que la perte du marché résulte principalement d’un mauvais fonctionnement interministériel.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission de la défense a alors donné un avis favorable au programme « Équipement des forces ».

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La commission de la défense a ensuite donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense ».

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Général Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées

Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air

Général Bruno Cuche, chef d’état-major de l’armée de terre

Amiral Alain Oudot de Dainville chef d’état-major de la marine

M. Francois Lureau, délégué général pour l’armement

M. André Viau, directeur du cabinet civil et militaire du ministre de la défense

© Assemblée nationale

1 () La décision définitive de lancement de ce programme est attendue au mois de mars 2008.

2 () Ressources LFI + LFR

3 () Organisme conjoint de coopération en matière d’armement.

4 () Direction centrale du matériel de l’armée de terre

5 () Service de soutien de la flotte.

6 () Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense.

7 () Chaque programme d’armement donne désormais lieu à l’établissement d’un portefeuille de risques déterminant l’ensemble des risques, valorisés financièrement, susceptibles d’affecter significativement le déroulement du programme.