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N° 281

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2007.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2008 (n° 189),

TOME III

IMMIGRATION, ASILE et INTÉGRATION

PAR M. Éric DIARD,

Député.

Voir le numéro : 276 (annexe 24).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les réponses devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2007, pour le présent projet de loi.

À cette date, le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement avait transmis 84 % des réponses. Ce pourcentage a été porté à 90 % avant l’examen des crédits en Commission.

INTRODUCTION 5

I. - LE MINISTÈRE DE L’IMMIGRATION, DE L’INTÉGRATION, DE L’IDENTITÉ NATIONALE ET DU CODÉVELOPPEMENT : UNE CRÉATION DANS L’ESPRIT DE LA LOLF 6

A. LES OBJECTIFS DU MINISTÈRE : LA QUASI-CONCORDANCE ENTRE MISSIONS POLITIQUES ET MISSION BUDGÉTAIRE 6

1. Maîtriser les flux migratoires 7

a) Une pression migratoire aux frontières qui reste forte… 7

b) … mais qui se trouve jugulée par des contrôles de plus en plus efficaces 10

c) La mise en place de partenariats avec les pays source d’immigration 12

2. Favoriser l’intégration des populations immigrées 13

a) Les succès du contrat d’accueil et d’intégration 13

b) L’intégration et l’insertion professionnelle 15

3. Encourager le codéveloppement 17

a) Les actions de codéveloppement entreprises 17

b) Les aides au retour 18

4. Promouvoir l’identité nationale 20

B. UNE CRÉATION MINISTÉRIELLE QUI CONSTITUE UN VÉRITABLE DÉFI ADMINISTRATIF 21

1. Les moyens administratifs dévolus au ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement 22

2. Un rôle de coordination et de pilotage à conforter à l’avenir 23

II. - DES CRÉDITS POUR 2008 GLOBALEMENT À LA HAUTEUR DES ENJEUX 25

A. LE PROGRAMME « IMMIGRATION ET ASILE » 26

1. La garantie de l’exercice du droit d’asile, enveloppe prépondérante du programme 26

a) Les moyens des instances d’instruction et de décision sur les demandes d’asile 27

b) Les crédits destinés à la prise en charge sociale des demandeurs d’asile 29

c) Les dotations en faveur de l’accueil et de l’accompagnement des demandeurs d’asile 31

2. Les crédits de la police des étrangers sont également une priorité 32

a) Les dépenses liées au fonctionnement des centres de rétention administrative et à l’accompagnement social des étrangers en attente d’éloignement 32

b) Les dotations concernant l’éloignement des étrangers : une priorité maintenue à la lutte contre l’immigration irrégulière 34

3. Des actions plus secondaires, portant sur des dépenses de fonctionnement 36

a) La circulation des étrangers 36

b) Le soutien 36

B. LE PROGRAMME « INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE » 38

1. Les actions les plus importantes sur le plan budgétaire 38

a) L’accueil des étrangers primo-arrivants 39

b) L’intégration et la lutte contre les discriminations 41

2. Des actions financièrement moins significatives mais essentielles dans leur principe 43

a) L’aide au retour et à la réinsertion 43

b) La naturalisation et l’accès à la nationalité 44

3. Les crédits destinés au soutien 45

C. LE PROGRAMME « CODÉVELOPPEMENT » 45

1. Un programme spécifique mais pas sans lien avec la mission « Immigration, asile et intégration » 46

2. Des crédits qui traduisent un intérêt croissant des pouvoirs publics 47

EXAMEN EN COMMISSION 51

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 65

SIGLES ET ABRÉVIATIONS 67

MESDAMES, MESSIEURS,

La création d’une mission « Immigration, asile et intégration » est sans conteste l’une des innovations les plus importantes du projet de loi de finances pour 2008. Traduction budgétaire de la mise sur pied d’un ministère à part entière en charge de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, cette mesure constitue l’un des aboutissements de la promesse du Président de la République, au cours de la campagne électorale du printemps 2007.

Partant du constat que la France a trop longtemps manqué d’une véritable vision en matière de régulation des flux migratoires et d’intégration des populations immigrées – le discours politique ayant oscillé entre la thématique d’une immigration zéro et celle tout aussi préjudiciable d’une immigration subie appelant des régularisations massives –, le chef de l’État s’est engagé à changer cet état des choses en nommant un ministre chargé de mettre en œuvre une immigration choisie et concertée tout en veillant aux bonnes conditions de l’accueil et de l’intégration des étrangers. Déjà en germe dans les lois du 26 novembre 2003 (1) et du 24 juillet 2006 (2), le volontarisme politique de Nicolas Sarkozy en la matière a donc pris une dimension nouvelle à travers l’élévation des questions d’immigration, d’intégration et de codéveloppement au rang des principales priorités gouvernementales.

Mais l’institution de ce nouveau ministère ne pouvait avoir de réelle signification qu’avec la dévolution d’un budget propre, regroupant l’essentiel des moyens financiers concourant à la politique de la France en matière d’immigration, d’asile et d’intégration. Le projet de loi de finances pour 2008 répond justement à cette exigence.

D’un point de vue méthodologique, l’examen des crédits en cause n’est pas aisé car il n’existe pas de nomenclature référente dans les lois de finances initiales antérieures. Il serait néanmoins erroné de considérer que le Parlement ne dispose d’aucun point de repère, dans la mesure où le contenu des deux programmes rattachés à la mission « Immigration, asile et intégration » était disséminé jusqu’alors au sein des missions « Action extérieure de l’État », « Sécurité », « Solidarité et intégration » ou encore « Administration générale et territoriale de l’État ». Qu’importe d’ailleurs les comparaisons ; la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 ayant réorganisé la nomenclature budgétaire de l’État autour de ses grands objectifs politiques, il est permis d’estimer que la mise sur pied d’une mission « Immigration, asile et intégration » fait parfaitement écho à l’ambition initiale du Parlement lorsqu’il a élaboré la LOLF.

Dotée par le projet de loi de finances pour 2008 de quelque 618,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 609,6 millions d’euros en crédits de paiement, la mission « Immigration, asile et intégration » comporte deux programmes dédiés, l’un, à l’immigration et l’asile (programme n° 303), l’autre, à l’intégration et l’accès à la nationalité française (programme n° 104). Le codéveloppement, autre champ d’action important du ministère, fait l’objet d’un programme spécifique au sein de la mission « Aide publique au développement » (programme n° 301) ; son pilotage sera toutefois exercé par le principal responsable administratif du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.

Au total, les dispositions du projet de loi de finances pour 2008 relatives à la mission « Immigration, asile et intégration » offrent un double motif de satisfaction : d’une part, elles concrétisent une vision politique au service de la régulation des flux migratoires et de l’harmonieuse coexistence entre nos concitoyens et les populations étrangères vivant sur le sol français ; d’autre part, elles s’inscrivent pleinement dans l’esprit de la LOLF et démontrent, en cela, que la modernisation budgétaire initiée par le Parlement a véritablement pris corps au sein du pouvoir exécutif.

I. - LE MINISTÈRE DE L’IMMIGRATION, DE L’INTÉGRATION, DE L’IDENTITÉ NATIONALE ET DU CODÉVELOPPEMENT : UNE CRÉATION DANS L’ESPRIT DE LA LOLF

La nomination au Gouvernement de M. Brice Hortefeux, par décret du 18 mai 2007, a d’abord concrétisé un projet politique, exposé lors de la campagne présidentielle et sur lequel les Français ont donné leur assentiment. Cependant, en érigeant à un niveau de politique publique une préoccupation pour laquelle l’État ne dispose pas d’une administration régalienne spécifique, le Président de la République a fait prévaloir la finalité poursuivie sur les structures administratives existantes. Or telle est justement la logique sous-jacente de la LOLF, de sorte que la création du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement s’inscrit pleinement dans l’esprit de cette dernière.

A. LES OBJECTIFS DU MINISTÈRE : LA QUASI-CONCORDANCE ENTRE MISSIONS POLITIQUES ET MISSION BUDGÉTAIRE

Dans une communication devant le conseil des ministres, le 6 juin 2007, le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement a identifié les quatre grandes missions qui lui incombent : la maîtrise des flux migratoires, l’intégration des populations immigrées, le codéveloppement et la promotion de l’identité nationale.

Ces quatre objectifs politiques majeurs correspondent partiellement à la nomenclature de la mission « Immigration, intégration et asile », puisque cette dernière ne regroupe en fait, au sein de deux programmes, que les actions relatives à l’immigration et à l’asile, d’une part, et celles relatives à l’intégration et à l’accès à la nationalité française, d’autre part. Cette concordance entre missions politiques et mission budgétaire du ministère n’est pas totale pour des raisons essentiellement pratiques : tout d’abord, il n’existe pas à proprement parler de crédits destinés à mettre en valeur l’identité nationale ; ensuite, on ne peut nier le lien entre les moyens financiers relatifs au codéveloppement et les crédits de l’État destinés à l’aide au développement des pays les plus pauvres. Quoi qu’il en soit, cette concordance reste très significative.

1. Maîtriser les flux migratoires

Nul ne peut contester que la question de l’immigration constitue l’une des préoccupations majeures de nos concitoyens depuis plus de vingt-cinq ans. Elle a même acquis une dimension européenne et communautaire.

La maîtrise des flux migratoires se veut un concept réaliste. En effet, tout comme il est illusoire de prôner une immigration nulle, qui nie les intérêts économiques, culturels ou diplomatiques de notre pays, il est irresponsable de suggérer une régularisation de tous les immigrés clandestins vivant en France, dont le seul effet consiste à créer un appel à l’immigration irrégulière ou non voulue, comme la France a pu le constater à la fin des années 1990 de même que l’Espagne, plus récemment. La voie médiane de l’immigration choisie et concertée, c’est-à-dire d’une immigration maîtrisée, est la plus pertinente : non seulement elle permet de répondre aux besoins de notre pays, mais de surcroît elle favorise l’acceptation sociale de l’immigration, ce qui signifie, à terme, une intégration plus facile.

a) Une pression migratoire aux frontières qui reste forte…

Sous certaines réserves méthodologiques, trois éléments mettent en exergue la persistance de la pression migratoire qui s’exerce à nos frontières : l’évolution de la délivrance de visas, celle des titres de séjour accordés à des étrangers ainsi que les entrées et séjours irréguliers sur le territoire national.

Pour ce qui concerne les visas, il convient de rappeler que, par principe, tous les étrangers effectuant un séjour en France sont soumis à l’obligation d’en disposer sauf lorsqu’ils sont ressortissants d’États membres de l’Union européenne ou d’États ayant conclu avec la France un accord de circulation portant suppression de cette formalité. Entre 2002 et 2006, la demande de visas est passée de 3 044 004 à 2 411 370. Cette diminution sensible, de l’ordre de 20,8 %, s’explique principalement par la mise en place, à l’échelle de l’espace Schengen, du paiement des frais de dossiers, au 1er janvier 2003, et de l’assurance médicale obligatoire, au 1er janvier 2004, ce qui a eu un impact financier dissuasif sur les demandeurs potentiels. De fait, même si les chiffres évoquent une stabilisation des demandes aux alentours de 2,3 millions, ils ne sauraient déboucher sur la conclusion que la France a perdu de son attrait pour les populations étrangères. Pour s’en convaincre, il suffit de préciser que le nombre de visas effectivement délivrés est passé de 2 036 282 à 2 053 378 entre 2002 et 2006 (soit une hausse légère de 0,8 %). De même, certains pays frontaliers de la France – à l’instar du Royaume-Uni, où la demande de visas a progressé de 31,3 % sur la même période – ont connu une évolution différente, ce qui montre que la pression migratoire à destination de l’Europe demeure importante.

S’agissant des titres de séjour, on recense actuellement plus de 2 millions de détenteurs ressortissants de pays tiers de l’Union européenne (3). Leur nombre est passé de 2 154 726 au 31 décembre 2003 à 2 208 472 au 31 décembre 2005, soit une augmentation de 2,5 %. En termes de flux, le nombre de délivrances annuelles de titres de premier séjour à des ressortissants de pays tiers de l’Union européenne s’est stabilisé entre 180 000 et 192 000 depuis 2002, après avoir nettement augmenté les années précédentes. Les motifs familiaux (mariage, regroupement) représentent la majorité des cas, alors que les raisons économiques (en diminution de 9,3 % depuis 2004) restent paradoxalement marginales.

ÉVOLUTION DES DÉLIVRANCES DE TITRES DE PREMIER SÉJOUR
À DES RESSORTISSANTS DE PAYS TIERS DEPUIS 2002

Motifs

2002

2003

2004

2005

2006

Familial

75 649

93 605

96 608

94 690

98 780

Étudiants

54 936

52 317

52 964

48 892

47 155

Réfugiés

9 050

11 429

13 656

15 184

10 214

Économique

20 956

12 457

13 255

13 645

13 471

Divers

20 487

21 017

23 895

22 518

21 855

TOTAL

181 078

190 825

200 378

194 929

191 475

Source : ministère de l’immigration, de l’intégration, du codéveloppement et de l’identité nationale.

Au-delà de variations annuelles plus ou moins significatives du fait de biais statistiques importants liés aux incertitudes concernant le suivi des bénéficiaires (difficultés de retranscription des départs du territoire national ou des décès, notamment), les chiffres concernant les titres de séjour illustrent eux aussi la persistance d’une forte demande de séjour en France de la part de populations étrangères.

Dernier révélateur du phénomène, mais non le moindre, l’immigration irrégulière constitue un indicateur précieux et parlant. Ne pouvant faire l’objet d’une véritable évaluation scientifique, elle est néanmoins appréciée à travers plusieurs données collectées par les services spécialisés. Les premières concernent les entrées irrégulières et portent sur le suivi des placements en zone d’attente, des refoulements directs à la frontière et des demandes d’asiles à la frontière. En l’espèce, même si l’on observe depuis quelques mois un relatif tassement des refoulements à la frontière, les données chiffrées révèlent une certaine constance de la pression des flux migratoires à destination de notre pays, notamment si l’on en juge la reprise des demandes d’asile à la frontière depuis 2006 et l’accroissement sensible des refoulements sur les quatre dernières années.

ÉVOLUTION DE LA PRESSION MIGRATOIRE IRRÉGULIÈRE AUX FRONTIÈRES FRANÇAISES

 

2003

2004

2005

2006

Évolution 2003/2006

Placements en zone d’attente

17 073

17 098

16 157

15 876

- 7 %

Refoulements à la frontière

32 223

33 232

35 921

34 127

+ 6 %

Demandes d’asile à la frontière

5 912

2 513

2 672

2 984

- 49,5 %

Source : Direction centrale de la police aux frontières.

Les secondes données concernent le séjour irrégulier sur le territoire, aspect plus difficile à quantifier. Sont ainsi plus particulièrement pris en considération, les nombres d’infractions à la législation sur les étrangers, de placements en centres de rétention administrative ou encore d’arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière non exécutés. Ces chiffres ne correspondent pas en soi au nombre estimé d’immigrés clandestins ou en situation irrégulière en France. Tout en reflétant une efficacité et une implication accrues des services de l’État dans la lutte contre l’immigration illégale – phénomène qui se trouve ainsi arithmétiquement augmenté –, ils donnent malgré tout une idée assez pertinente sur les tendances de la pression migratoire vis-à-vis du territoire national.

ÉVOLUTION DES PRINCIPAUX INDICATEURS UTILISÉS POUR APPRÉCIER
LE NOMBRE D’ÉTRANGERS SÉJOURNANT IRRÉGULIÈREMENT EN FRANCE

 

2003

2004

2005

2006

Évolution 2003/2006

Infractions à la législation

66 062

70 529

89 938

98 686

+ 49,4 %

Placements en rétention

28 155

30 043

29 257

32 817

+ 16,5 %

Arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière non exécutés

39 665

51 501

46 698

47 993

+ 20,2 %

Source : Direction centrale de la police aux frontières.

Au total, il apparaît assez clairement que notre pays doit faire face, aujourd’hui plus que jamais, à des mouvements migratoires importants. Cela est particulièrement vrai pour la métropole et pour certains départements ou collectivités d’outre-mer, parmi lesquels Mayotte, la Guadeloupe et la Guyane. Cette situation semble devoir perdurer car, selon les estimations du World population Forum, organisme dépendant de l’organisation des Nations Unies, l’Europe devrait accueillir quelque 805 000 à 808 000 immigrés chaque année sur la période 2010-2050. Par voie de conséquence, il est heureux que la France soit dotée d’un ministère affichant l’ambition de maîtriser les flux migratoires que nous aurons à connaître ces prochaines années.

b) … mais qui se trouve jugulée par des contrôles de plus en plus efficaces

Depuis 2002, un effort considérable de remise en ordre des procédures d’examen des demandes d’asile, à travers leur centralisation auprès de l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui est ainsi devenu le guichet unique en la matière, et de lutte contre l’immigration irrégulière et le travail clandestin, via la fixation d’objectifs chiffrés et la création d’une police de l’immigration, a été entrepris. Cette action a porté ses fruits tant au niveau des conditions d’octroi de l’asile, des visas ou des titres de séjour, qu’à celui du contrôle des entrées et du séjour d’étrangers sur le territoire national.

La réforme des procédures d’examen des demandes d’asile est une des initiatives qui a donné les résultats les plus rapides et spectaculaires. C’est l’honneur de notre pays d’avoir su dresser un bilan objectif des difficultés et des retards rencontrés par les demandeurs avant 2002 pour en tirer les conséquences. La loi du 10 décembre 2003 (4), instaurant une procédure administrative unique, conjuguée au renforcement des moyens humains de l’OFPRA et de la commission de recours des réfugiés (CRR) ainsi qu’à l’augmentation de 4 000 places, entre 2004 et 2006, dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), a permis de résorber progressivement les stocks de demandes en souffrance (le nombre de premières demandes étant passé de 51 087 en 2002 à 26 269 en 2006, soit un niveau inférieur à celui de 2001) tout en réduisant les délais d’examen des dossiers (passés de plus de 30 mois avant 2003 à moins de 14 mois au 30 juin 2006). Autre critère révélateur, le nombre de recours enregistrés par la CRR a baissé de 22 % en 2005, puis de 24 % en 2006.

En matière de contrôle des entrées sur le territoire national, l’expérimentation des visas biométriques – c’est-à-dire l’intégration d’une photographie d’identité et des empreintes digitales du demandeur dans la vignette – pour faire échec à l’attitude des étrangers qui se maintiennent irrégulièrement en France au-delà de la durée de validité de leur visa et pour déterminer la nationalité de ceux qui se trouvent interpellés en situation irrégulière s’est révélée probante, justifiant ainsi son extension progressive : cinq consulats seulement étaient concernés en 2005 (5) et vingt postes consulaires supplémentaires en ont bénéficié en 2006 (6). Une généralisation progressive, dans le cadre du système d’information visa européen (VIS), est attendue à partir de 2008. Afin de s’y préparer, la France s’est engagée dans des coopérations avec les sept autres pays européens qui procèdent également à la délivrance de visas biométriques (l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, le Portugal, le Luxembourg et le Royaume-Uni).

Parallèlement, les contrôles aux frontières se sont intensifiés. À titre d’illustration, à Roissy, où la moitié des refus d’amission sur le séjour ont été prononcés et où 80 % des 16 157 placements métropolitains en zone d’attente ont été effectués en 2005, 14 924 vols sensibles ont fait l’objet de vérifications poussées, donnant lieu à l’identification de 8 154 étrangers en situation irrégulière. Les contrôles ont également été multipliés dans les trains, en partenariat avec les polices italienne et espagnole ; c’est ainsi que 2 040 personnes ont été interpellées grâce à la coopération ferroviaire franco-italienne en 2005.

L’action répressive contre les séjours irréguliers s’est aussi traduite par le démantèlement de véritables filières criminelles exploitant la misère de personnes souhaitant immigrer à tout prix en France. En 2006, 112 filières nationales et internationales de ce type ont ainsi été mises hors d’état de fonctionner. Le tableau ci-après reflète de manière plus générale l’évolution des résultats de l’ensemble des services impliqués dans la lutte contre l’aide à l’entrée irrégulière, la circulation et le séjour irrégulier des étrangers en France métropolitaine : il en ressort que l’efficacité de l’action des services en charge du contrôle des entrées sur le territoire national s’est nettement améliorée au cours des dernières années.

NOMBRE D’INFRACTIONS EN MATIÈRE D’AIDE AU SÉJOUR ET DE SÉJOUR IRRÉGULIERS
EN FRANCE ENREGISTRÉS PAR LES SERVICES DE POLICE COMPÉTENTS

 

2003

2004

2005

2006

Évolution 2005/2006

Nombre d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière en métropole

45 500

44 545

63 681

67 130

+ 5,4 %

Nombre d’aidants interpellés

1 256

1 719

2 290

2 920

+ 27,5 %

Source : Direction centrale de la police aux frontières.

Les progrès enregistrés ont également été sensibles en matière d’éloignements du territoire national des étrangers en situation irrégulière. Entre 2001 et 2006, ceux-ci sont passés (en métropole) de 9 227 à 23 831. Le taux d’exécution des mesures d’éloignement administratives ou judiciaires a ainsi atteint 29,45 % en 2006, alors qu’il n’était que de 21 % en 2004.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’ÉLOIGNEMENTS DES ÉTRANGERS DEPUIS 2001

Il faut voir dans ces résultats, une conséquence de la responsabilisation accrue des services compétents ainsi que des préfectures, qui se sont vus assigner des objectifs annuels chiffrés et personnalisés en la matière.

Enfin, dernier indicateur de la recrudescence et de l’efficacité des actions des services spécialisés contre les flux migratoires irréguliers ou illicites, le nombre de faits constatés d’emploi d’étrangers sans titre valable a lui aussi augmenté. Il a crû de 1 005, en 2003, à 1 634, en 2005, impliquant quelque 1 074 salariés étrangers en situation irrégulière. Cette mobilisation ne faiblit pas puisque, au premier semestre de 2007, quelque 30 000 contrôles avaient permis d’interpeller près de 900 employeurs et plus de 1 000 salariés étrangers en situation irrégulière au titre du séjour.

On ne peut que se réjouir de tels résultats car ce volet important de la maîtrise de l’immigration peut avoir des répercussions non négligeables sur l’intégration des étrangers en situation régulière, en empêchant qu’ils soient privés d’emploi par les immigrants en situation irrégulière.

c) La mise en place de partenariats avec les pays source d’immigration

La maîtrise des flux migratoires ne peut être atteinte par la France sans une coopération des pays subissant une forte émigration à destination de notre pays. Si, au lendemain de la décolonisation, quinze accords bilatéraux relatifs aux conditions de circulation et d’établissement des personnes ont été conclus avec des pays africains, aucun de ces accords n’a pris en compte le lien entre développement économique de ces pays d’origine et l’émigration de leurs populations.

La mondialisation des échanges et des migrations a rendu d’autant plus nécessaire une rupture avec cette logique. La France ne s’est pourtant engagée que récemment dans une démarche concertée avec les pays d’origine, à l’initiative de M. Nicolas Sarkozy, qui fut le premier à négocier et signer un accord de gestion concertée des flux migratoires avec le Sénégal, le 23 septembre 2006. Le 5 juillet 2007, un nouvel accord de ce type, comportant cette fois-ci un volet codéveloppement, a été conclu avec le Gabon, tandis que deux autres sont en cours de négociation avec le Bénin et le Congo-Brazzaville.

Par le biais de ces accords, les pays d’origine s’engagent à aider la France à lutter contre l’immigration illégale en échange d’une facilitation de l’accueil d’un certain nombre de leurs ressortissants et de la formation de leurs élites dans des domaines où celles-ci pourront mettre leurs connaissances au service de leur pays. Notre pays renoue ainsi avec sa tradition d’accueil des élites des pays du Sud, fondée sur le dialogue et l’intérêt mutuel.

Devant la conférence des ambassadeurs, le 29 août 2007, le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement a indiqué sa volonté de multiplier ces conventions bilatérales. Au total, une vingtaine de pays devrait être concernée d’ici la fin de 2009. La représentation nationale ne peut que soutenir cette ambition, respectueuse tout à la fois des besoins des pays d’origine et des aspirations de leurs populations à un avenir meilleur.

2. Favoriser l’intégration des populations immigrées

L’intégration des populations étrangères s’établissant sur le territoire national est un objectif essentiel, qui a fait l’objet d’une attention particulière ces dernières années. En effet, une immigration socialement acceptée est indissociable d’une capacité d’intégration suffisante.

Pour être réellement efficace, une politique d’intégration doit, d’une part, imposer un parcours d’intégration à toutes les personnes étrangères qui s’installent durablement sur notre territoire (c’est l’objet notamment du contrat d’accueil et d’intégration – CAI) et, d’autre part, conditionner résolument intégration effective et installation durable sur le territoire.

a) Les succès du contrat d’accueil et d’intégration

Le CAI constitue la première étape du parcours d’intégration des étrangers obtenant pour la première fois un titre de séjour les autorisant à s’installer durablement en France (c’est-à-dire exclusion faite des étudiants, des salariés en mission au sein d’un groupe ou d’une entreprise et des travailleurs saisonniers). C’est la loi du 18 janvier 2005 (7), qui a fixé ses bases juridiques et décidé sa généralisation à l’ensemble du territoire national, effective depuis septembre 2006. La loi du 27 juillet 2006, mentionnée précédemment, a rendu obligatoire sa signature pour tout étranger primo-arrivant en France âgé d’au moins 16 ans.

Signé pour une durée d’un an renouvelable, le CAI est présenté au migrant et chaque bénéficiaire fait systématiquement l’objet d’une évaluation linguistique pour déterminer s’il est capable de s’exprimer et de comprendre correctement le français ou non. Au titre de ses obligations, le migrant doit suivre une formation civique (une journée au chef-lieu de département, durant laquelle sont présentés les principes de la République française en fonction d’un programme défini par le Haut conseil à l’intégration), ainsi qu’une session d’information sur la vie en France (présentation pratique et concrète des démarches utiles en matière de logement, de santé, d’emploi et de scolarité) et, éventuellement, au terme de l’évaluation préalable, une formation linguistique (de 200 à 500 heures) ou, le cas échéant, un bilan de compétences professionnelles. L’État s’engage pour sa part à dispenser ces formations et prestations gratuitement.

En Europe, l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas ont créé des programmes relativement similaires, comprenant notamment une formation linguistique et une initiation à la société du pays d’accueil obligatoires :

– ainsi, en Allemagne, les étrangers primo-arrivants ont droit à des cours d’intégration d’une durée de 630 heures, portant sur l’apprentissage de l’allemand et l’instruction civique, l’histoire et la civilisation allemandes. Le suivi de ces cours est obligatoire pour les étrangers qui ne sont pas en mesure de se faire comprendre par oral de façon simple en allemand, ainsi que pour certains étrangers déjà installés en Allemagne et percevant certaines prestations sociales. Le non-respect de cette obligation peut être sanctionné, un test étant organisé à l’issue du cycle de formation aux frais de l’État fédéral ;

– de même, au Danemark, les étrangers arrivant pour la première fois sur le sol national sont obligés de suivre un « programme d’introduction », d’une durée maximale de trois ans, comprenant des cours de danois, ainsi qu’une formation au marché du travail et une formation professionnelle. Le contenu de ce programme est individualisé, dans le cadre d’un contrat conclu entre le migrant et la collectivité locale concernée ;

– enfin, aux Pays-Bas, un programme d’intégration obligatoire a été mis en place. Ce programme est établi après une enquête d’intégration individuelle évaluant les besoins en formation de l’étranger. Il peut comprendre une formation linguistique, des cours d’initiation à la société néerlandaise et des cours d’orientation professionnelle et il s’accompagne d’un encadrement social individuel. Un test est organisé à la fin de la formation et une déclaration attestant du niveau atteint ainsi qu’un certificat sont délivrés. La formation, généralement de 600 heures, est financée par les communes.

Entre le 1er juillet 2003 et le 31 décembre 2006, quelque 222 180 CAI ont été signés. Jeunes, puisque la moyenne d’âge des signataires était de 31,5 ans en 2005, les signataires avancent pour leur grande majorité des motifs d’ordre familial à l’appui de leurs démarches : en 2005, 55,7 % d’entre eux étaient des membres de famille de Français, 11,7 % bénéficiaient du regroupement familial et 13,5 % étaient titulaires d’une carte vie privée et familiale.

Les bilans disponibles, qui portent davantage sur la phase volontaire et expérimentale du dispositif que sur sa généralisation et son imposition depuis 2006 (Cf tableau ci-après), montrent que les signataires se sont très majoritairement prêtés aux prescriptions qui leur étaient adressées. Ce faisant, le CAI a apporté la preuve de son utilité pour la sensibilisation et l’orientation des étrangers arrivant pour la première fois en France et désireux de s’y établir durablement.

BILAN AU 31 MAI 2006 DU CAI ET DES PRESTATIONS LIÉES

 

2003 (1)

2004 (2)

2005 (3)

2006 (4)

Nombre de personnes auditées

9 220

41 616

71 747

99 597

Nombre de signataires de CAI

8 027

37 613

66 450

95 693

Taux de signature du CAI (en %)

87,1 %

90,4 %

92,6 %

96,1 %

Nombre de personnes inscrites en formation civique

8 010

37 264

65 292

94 190

Nombre de formations linguistiques prescrites

2 726

11 318

16 653

23 972

Taux de prestations linguistiques prescrites (en %)

34,0 %

30,0 %

25,1 %

25,1 %

Nombre d’inscriptions aux journées d’information « Vivre en France »

1 426

8 119

12 464

20 793

Taux de bénéficiaires de la journée d’information « Vivre en France » (en %)

17,8 %

21,6 %

18,8 %

21,7 %

Nombre de bénéficiaires du suivi social

498

2 971

5 361

10 126

Taux de signataires à qui a été prescrit un suivi social (en %)

6,2 %

7,9 %

8,1 %

10,6 %

Source : Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations.

(1) Pendant 6 mois, de juillet à décembre, dans 12 départements.

(2) Dans 26 départements, au 31 décembre.

(3)Dans 61 départements, au 31 décembre.

(4)Dans 95 départements, au 31 décembre (seuls la Haute Corse et les DOM étant exclus).

Depuis le début de l’année 2007, les primo-arrivants tenus de suivre une formation doivent désormais, à l’issue de cette dernière, se présenter à un examen leur permettant d’obtenir le diplôme initial de langue française (DILF). Fin juillet, 541 personnes s’étaient ainsi présentées aux épreuves, soit 6,1 % des bénéficiaires d’une prescription de formation linguistique au cours du premier semestre ; 98 d’entre elles ont obtenu le DILF, soit un taux de réussite plus qu’encourageant de 92,1 %.

Tous ces succès justifient qu’une dimension nouvelle soit conférée en 2008 au CAI, à travers un volet famille pour les parents d’enfants bénéficiaires du regroupement familial. Aux termes de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, définitivement adoptée par le Parlement le 23 octobre dernier, ces parents devront s’engager contractuellement auprès de l’État et suivre une formation sur leurs droits et leurs devoirs en France ; faute de respect de leurs engagements, un suivi renforcé, allant si besoin jusqu’à la mise sous tutelle des allocations familiales, pourra leur être imposé.

b) L’intégration et l’insertion professionnelle

Au-delà des actions d’acculturation, le parcours d’intégration des étrangers s’installant en France repose sur des initiatives concrètes en matière de logement ou d’insertion professionnelle et sociale. Si les grandes orientations restent définies à l’échelon national par le comité interministériel de contrôle de l’immigration, leur mise en œuvre dépend de l’implication des acteurs locaux (administrations déconcentrées mais également collectivités locales), notamment dans le cadre des programmes régionaux d’intégration des populations immigrées (PRIPI).

La loi du 31 mars 2006 (8) a créé l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE), en lui attribuant les missions de l’ancien fonds d’action et de soutien à l’intégration et à la lutte contre les discriminations (FASILD), créé en 1958, en matière d’intégration et de lutte contre les discriminations. Innovation de taille, l’ACSE s’est vue attribuer une partie des attributions de la délégation interministérielle à la ville (DIV), notamment les interventions menées en direction des habitants des quartiers prioritaires. L’ACSE affiche trois priorités, qui esquissent ce que devrait être son action : en premier lieu, faciliter l’accès aux services publics et aux dispositifs de droit commun ; en deuxième lieu, conduire des actions spécifiques destinées à rétablir l’égalité des chances ; en troisième et dernier lieu, mener des programmes de prévention et de lutte contre les discriminations en direction des acteurs publics et privés.

Naturellement, l’accès à l’emploi et la formation professionnelle demeurent une pierre angulaire de l’intégration des étrangers en France. On rappellera à cet égard que ceux-ci représentent, depuis 2002, environ 11,5 % des demandeurs d’emploi dans notre pays, soit une proportion supérieure à ce qu’ils représentent dans la population active. Autrement dit, victimes d’un taux de chômage plus élevé que la moyenne nationale, les immigrés éprouvent davantage de difficultés à s’insérer.

Pourtant, ils bénéficient, de plein droit et à égalité de traitement avec les Français, des dispositifs nationaux en faveur de l’emploi. C’est ainsi qu’ils représentent environ 10 % des bénéficiaires des stages de formation et, s’agissant des jeunes, 7,7 % des signataires de contrats d’insertion dans la vie sociale (CIVIS). Leur présence est cependant plus faible dans les processus de formation qualifiante dans le secteur marchand, puisqu’ils ne sont que 2 % des bénéficiaires de contrats d’apprentissage et 3,7 % des bénéficiaires des contrats de professionnalisation ; dans le secteur non marchand, il en va différemment dans la mesure où ils constituent respectivement 8,4 % et 8,7 % des bénéficiaires de contrats d’accompagnement dans l’emploi et de contrats d’avenir.

On ne peut évidemment se satisfaire de ces résultats, pas plus que l’on ne saurait se contenter d’initiatives trop sporadiques en faveur de la diversité dans le recrutement des entreprises, telles la signature, le 3 février 2005, par le syndicat des entreprises de travail temporaire d’un accord-cadre pour la prévention des discriminations ou celle, en juin 2006, de la charte de la diversité par plus de 560 entreprises. Pour cette même raison, on ne peut que se réjouir des ambitions affichées par le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Le pilotage par le même ministère de la politique d’intégration et de celle de l’immigration est de nature à améliorer l’efficacité de l’ensemble des initiatives publiques en ces domaines, et ainsi d’en optimiser les coûts.

3. Encourager le codéveloppement

Le codéveloppement se définit officiellement comme « toute action d’aide au développement à laquelle participent des migrants vivant en France (ou leurs enfants dans le cadre des projets de jeunes issus de l’immigration), quelles que soient la nature et les modalités de cette contribution » (9). De fait, le codéveloppement ne se limite pas à la réinsertion économique d’immigrants retournant dans leur pays d’origine ; il vise également à fixer des populations étrangères dans leur pays en favorisant des débouchés économiques locaux, grâce à l’implication financière et personnelle d’immigrés durablement installés en France. Pour animer les initiatives, un ambassadeur se trouve spécialement chargé de ces questions depuis 2003.

Aujourd’hui, aucune politique migratoire moderne ne peut se concevoir sans codéveloppement, ce qui justifie le rattachement de cette préoccupation aux missions du nouveau ministère de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale.

a) Les actions de codéveloppement entreprises

Les actions de codéveloppement peuvent prendre des formes diverses :

– certaines visent à promouvoir l’investissement productif dans des pays peu développés, de manière à inciter les populations locales à rester sur place plutôt que de chercher à émigrer pour des motifs économiques. Les initiatives menées en la matière consistent le plus souvent à accompagner des migrants qui ont un projet porteur de créations d’emplois dans leur pays d’origine ou à faciliter l’accès au crédit des très petites entreprises ou des petites et moyennes entreprises locales. À cet effet, le législateur français a créé un cadre fiscal incitatif à travers le compte épargne codéveloppement, issu de la loi du 24 juillet 2006 et, plus récemment, le livret d’épargne codéveloppement, dans la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, tout juste définitivement adoptée par le Parlement. Destinés aux ressortissants étrangers des pays en voie de développement résidant en France, ces mécanismes leur permettent de contribuer au financement d’investissements productifs tout en ouvrant droit à des déductions fiscales avantageuses (25 % du revenu net, dans la limite de 20 000 euros, pour le compte d’épargne codéveloppement). Ce faisant, une partie des flux financiers informels qui transitent de la France vers les pays en voie de développement, de l’ordre de 2,5 milliards d’euros, devrait se trouver davantage orientée vers la création de richesses et d’emplois, et non vers la consommation ;

– d’autres prévoient de former en France des élites appelées par la suite à appliquer leurs enseignements dans leur pays. C’est ainsi que 9 000 bourses ont été attribuées en faveur d’étudiants africains en 2005. Dans le même ordre d’idées, des échanges universitaires (« Inter pares ») ont été mis en place ;

– enfin, les derniers consistent à faciliter la réinstallation de migrants dans leur pays d’origine, dans le cadre d’un projet économique. Initiées dans le milieu des années 1990, ces actions ont été améliorées en 2003 : elles comportent le plus souvent une aide à la réinsertion, sous la forme d’une subvention de démarrage comprise entre 4 000 et 7 000 euros, versée non directement à l’intéressé et gérée par un opérateur local, sélectionné par appel d’offres de l’ambassade de France, qui paie les fournisseurs. Une information et une aide à la formalisation ainsi qu’à la réalisation du projet sont également prodiguées à l’intéressé.

Des programmes de codéveloppement sont menés depuis 1996 au Mali et, plus récemment, au Maroc et au Sénégal. En 2006, des projets ont été initiés aux Comores, dans plusieurs pays d’Afrique (Bénin, Cameroun, Cap-Vert, Madagascar, Mauritanie et Éthiopie), ainsi qu’à Vanuatu et à Haïti. En outre, des actions de mobilisation des diasporas scientifiques, techniques et économiques ont été engagées en Algérie, au Maroc, en Tunisie, au Liban, au Vietnam, au Cambodge et au Laos.

Le comité interministériel pour la coopération internationale et le développement a décidé, lors de sa réunion du 19 juin 2006, de porter à 22 millions d’euros sur la période 2006-2008 le montant des crédits affectés à ces actions. Un tiers de ces sommes doit être consacré à des actions de réinsertion.

b) Les aides au retour

Les incitations financières au retour volontaire d’étrangers en situation irrégulière et destinataires d’une invitation à quitter le territoire français ne constituent pas à proprement parler des actions de codéveloppement, mais elles y contribuent dans une certaine mesure en donnant aux intéressés les moyens financiers de prendre un nouveau départ dans leur pays d’origine.

Tel est en tout cas l’esprit de l’aide publique à la réinsertion, instaurée par décret en 1984 (10). Mise en œuvre par l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) – elle-même issue du regroupement, en 2005, de l’office des migrations internationales et du service social d’accompagnement des émigrants –, cette aide permet aux chômeurs étrangers indemnisés depuis plus de trois mois par le régime d’assurance chômage ou licenciés pour des motifs économiques, de bénéficier d’une aide financière à leur réinsertion professionnelle dans leur pays d’origine d’un montant de 3 050 euros, ainsi que d’allocations chômage ou d’une participation de leur ancien employeur. Le dispositif vise clairement à permettre la reprise d’une activité économique dans le pays d’émigration. Il reste que, si ce programme a permis le départ de 30 936 étrangers avant 1991, les candidats n’ont cessé de diminuer depuis, le total des dossiers déposés chaque année dans ce cadre n’excédant pas huit depuis 2001.

Reposant sur des objectifs similaires, le programme d’aide à la réinsertion des étrangers invités à quitter le territoire français, remonte quant à lui à la circulaire interministérielle du 14 août 1991. Lui aussi n’a cessé de décliner depuis 1997, comme l’illustre le tableau ci-après.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DES BÉNÉFICIAIRES DE LA CIRCULAIRE DU 14 AOÛT 1991, DEPUIS 1995

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Dossiers

1 367

1 404

895

782

651

555

576

656

802

582

489

NC

Nombre des intéressés

1 599

1 644

1 003

887

749

600

644

761

947

675

647

151

Source : Troisième rapport au Parlement sur les orientations de la politique de l’immigration, décembre 2006.

Peu sollicités, ces dispositifs ont donc été complétés ces dernières années.

Depuis 2003, l’ANAEM a ainsi mis en place des programmes d’aide à la réinsertion économique cofinancés pour moitié par l’Union européenne via le Fonds européen pour les réfugiés. Outre les prestations habituelles en matière d’aide au retour, ces programmes permettent un accompagnement au montage de projets d’activité économique (études de faisabilité et aide à la réalisation des projets), sur le fondement de montants variables selon les pays. Sont notamment éligibles à ce dispositif les ressortissants de la Moldavie, l’Arménie, la Géorgie, l’Ukraine, la Mauritanie, la République démocratique du Congo, la Guinée Conakry, le Cameroun et la Turquie. En 2006, 26 projets ont bénéficié d’une aide financière dans ce cadre.

Mécanisme alternatif mis en place à la suite de la réunion du comité interministériel de contrôle de l’immigration du 27 juillet 2005, l’aide au retour volontaire (ARV) s’adresse, pour sa part, à tout étranger en situation irrégulière ayant fait l’objet d’une invitation à quitter le territoire ou d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Son atout repose sur une incitation financière beaucoup plus forte que les autres types d’aide au retour, puisque le pécule versé est de 2 000 euros par adulte, de 3 500 euros pour un couple et de 1 000 euros par enfant de moins de 18 ans jusqu’au troisième et de 500 euros par enfant mineur supplémentaire. L’ANAEM prend également en charge les frais de voyage et d’acheminement des bénéficiaires. En 2006, 1 988 demandeurs d’asile déboutés, isolés et non hébergés, ont bénéficié d’une ARV moyenne de 1 960 euros et, entre le 1er janvier et le 15 juillet 2007, ils étaient au nombre de 844.

De tels chiffres soulignent la pertinence et l’utilité de l’ARV. Aussi, une circulaire interministérielle du 7 décembre 2006 (11) en a fait le dispositif d’aide au retour de droit commun pour les étrangers en situation irrégulière en France métropolitaine. Par ailleurs, une nouvelle aide au retour humanitaire est venue rationaliser les mécanismes existants jusqu’alors, dont on a vu qu’ils concernaient peu de personnes. Du point de vue financier, le coût global de ces deux types d’aides s’est élevé, en 2006, à 6,2 millions d’euros (frais de transport inclus).

ANALYSE DES 10 PRINCIPALES NATIONALITÉS CONCERNÉES PAR L’ARV (UNIQUEMENT)
ET DES COÛTS DU DISPOSITIF EN 2006

RÉPARTITION DES PRINCIPAUX BÉNÉFICIAIRES

VENTILATION DES COÛTS

Pays

Nombre de personnes effectivement reparties

Décomposition des dépenses

Montants

Bosnie-Herzégovine

323

Montant moyen par personne

1 960 €

Chine

295

Coût moyen du voyage

870 €

Algérie

183

Montant total par personne

2 830 €

Moldavie

167

Montant total (hors voyage)

3 898 750 €

Russie

108

Sri Lanka

79

Montant total (voyage inclus)

5 628 310 €

Turquie

70

Source : ANAEM.

Géorgie

70

Serbie-Monténégro

67

Mali

57

Total général

1 988

4. Promouvoir l’identité nationale

La République française s’est construite sur des valeurs d’universalité et à ce titre elle ne saurait encourager l’éclosion de communautarismes en s’effaçant derrière les spécificités des populations étrangères qu’elle accueille.

L’idée d’associer immigration, intégration et identité nationale a été interprétée par certains esprits mal intentionnés comme un retour à une conception ethnique du nationalisme alors qu’il n’en est absolument rien. En aucun cas il n’est question de revenir en arrière, mais bien plutôt d’aller de l’avant. Comme l’a souligné M. Brice Hortefeux, dans une tribune présentant les missions de son ministère, publiée le 1er juin 2007 sur le site Internet de celui-ci : « Cacher notre identité à ceux qui souhaitent s’installer en France reviendrait à nier les valeurs qui ont forgé notre histoire et à accepter l’idée que l’immigration ne soit dictée que par des considérations matérielles. La promotion de notre identité ne révèle strictement aucune hostilité à l’égard des immigrés. Elle n’entame en rien la diversité, elle donne aux étrangers un guide de valeurs républicaines à respecter » (12).

Une certaine confusion sémantique a pu voir le jour au sujet de la notion d’identité. En l’espèce, le terme ne renvoie aucunement à une quelconque uniformité et il ne se veut pas exclusif. Au contraire, l’accent est mis sur les points communs aux personnes qui manifestent leur « vouloir vivre ensemble » en France, critère si cher à l’historien et philosophe du XIXème siècle Ernest Renan pour définir une communauté nationale.

De fait, la promotion de l’identité nationale apparaît étroitement liée à l’intégration des populations étrangères vivant sur notre sol. En effet, comment concevoir que celles-ci puissent être acceptées, dans le respect de leurs différences ethniques, sociales, religieuses, par nos compatriotes dès lors qu’elles ne connaîtraient rien de l’héritage historique et culturel de notre pays ? Pour qu’une telle situation ne puisse se produire, il appartient à la France de faire connaître ses valeurs, sa culture ainsi que ses lois et, au besoin, de les enseigner aux étrangers qui le souhaitent. Telle est justement l’ambition de la promotion de l’identité nationale.

Concrètement, la première des actions en faveur de la diffusion de cette identité française repose sur l’enseignement de la langue. Il s’agit là d’une condition clé pour une intégration durable des étrangers dans la société. Nier ce constat ne saurait rendre service aux immigrants car il va de leur propre intérêt d’acquérir les moyens de vivre harmonieusement dans notre pays. La mobilisation du réseau des alliances françaises, présent dans 133 pays dans le monde, devrait permettre de satisfaire cette ambition, sous réserve d’une impulsion politique forte. On peut imaginer également, sous une forme ou une autre, une association des personnels de l’éducation nationale.

En tout état de cause, la promotion de l’identité nationale ne saurait s’apparenter à la diffusion d’un code de comportements et de valeurs à respecter. Il s’agit plutôt de porter à la connaissance des étrangers qui veulent venir s’installer sur le territoire français les éléments de base dont ils peuvent avoir besoin pour réussir leur creuset. Autrement dit, la connaissance des fondements de notre identité nationale ne sera pas un critère pour l’admission au séjour, mais plutôt un atout dans le parcours d’intégration. Ce faisant, on ne peut que se réjouir que cette dimension, trop longtemps sous-estimée par les pouvoirs publics, soit désormais prise, comme il se doit, en considération.

B. UNE CRÉATION MINISTÉRIELLE QUI CONSTITUE UN VÉRITABLE DÉFI ADMINISTRATIF

Si elle répond à un véritable objectif politique, la mise en place d’un ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement n’en relève pas moins, du point de vue organisationnel, d’un subtil mécano administratif. Certes, il ne s’est pas agi de créer une structure ex nihilo, l’État disposant d’ores et déjà de services compétents pour traiter des questions inhérentes à la réglementation de l’entrée et du séjour des étrangers ou au suivi de leur accueil et de leur intégration. Pour autant, en bouleversant certaines logiques de compétence qui ont prévalu jusqu’alors au sein d’autres ministères, cette création ministérielle a conduit à des remises en question et des compromis sur lesquels il n’est pas exclu qu’il faille un jour apporter quelques ajustements.

1. Les moyens administratifs dévolus au ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement

Le décret relatif aux attributions du ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement (13) précise que, pour l’exercice de ses attributions, il a :

– une autorité propre sur le secrétaire général du comité interministériel de contrôle de l’immigration, ainsi que sur l’ambassadeur chargé du codéveloppement ;

– une autorité conjointe avec ses homologues de l’intérieur, des affaires étrangères ou du travail sur, respectivement, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques et la direction générale de la police nationale, la direction des Français à l’étranger et des étrangers en France ainsi que la direction de la population et des migrations ;

– la possibilité de disposer de différentes administrations relevant de l’autorité d’autres ministres, telles la direction générale de la coopération internationale et du développement, la direction générale de la gendarmerie nationale, la direction générale des douanes et des droits indirects, la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal, la délégation interministérielle à la ville ou encore la délégation générale à la langue française et aux langues de France, la présente énumération n’étant pas exhaustive.

Le projet de loi de finances pour 2008 entre davantage dans le détail des moyens administratifs dévolus au ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, en indiquant le nombre d’équivalents temps plein travaillés (ETPT) budgétés sur la mission relevant de sa responsabilité. Ceux-ci s’élèveront à 609 postes, correspondant pour l’essentiel, en plus des membres du secrétariat général du comité interministériel du contrôle de l’immigration, à 120 créations de postes et au transfert d’une partie des effectifs de la direction de la population et des migrations, du service des étrangers en France, relevant jusque là de la direction des Français à l’étranger et des étrangers en France, et de la sous-direction « étrangers et circulation transfrontalière », issue de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques.

RÉPARTITION DES EMPLOIS DU MINISTÈRE DE L’IMMIGRATION, DE L’INTÉGRATION,
DE L’IDENTITÉ NATIONALE ET DU CODÉVELOPPEMENT

Origine ministérielle

Origine budgétaire
(loi de finances initiale pour 2007)

Nombre, en ETPT

Mission

Programme

Travail et solidarité
(
direction de la population et des migrations + Haut conseil à l’intégration)

Solidarité et intégration

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales (n° 124)

239

Affaires étrangères et européennes
(
service des étrangers en France)

Action extérieure de l’État

Français à l’étranger et étrangers en France (n° 151)

140

Intérieur
(
sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontalière + mission Visa)

Administration générale et territoriale de l’État

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur (n° 216)

110

Budget

NC

NC

20

Mesures nouvelles

100

Source : ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.

Le regroupement de l’ensemble des effectifs actuellement disséminés à Paris (environ 400 personnes) au sein d’un site immobilier unique est envisagé. Se pose néanmoins la question du coût de mise à disposition d’un tel immeuble. En l’état actuel des hypothèses, la vente de l’un des locaux parisiens de l’ANAEM pourrait être réalisée afin de dégager, à due concurrence de son produit, des marges de manœuvre au niveau de la subvention de 44 millions d’euros qui devrait être versée à l’agence par l’État. Ce faisant, la location d’un ensemble immobilier regroupant l’ensemble des services centraux du nouveau ministère deviendrait possible sans charge financière supplémentaire pour l’État durant les trois prochaines années au moins.

2. Un rôle de coordination et de pilotage à conforter à l’avenir

La création du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement devrait favoriser l’apparition d’une culture de travail commune aux administrations chargées de suivre et de contrôler les flux migratoires. Cette ambition n’est pas la moindre quand on sait les difficultés de coordination qui se manifestent au quotidien sur des questions aussi sensibles.

L’exemple de la politique de délivrance des visas offre une parfaite illustration des problèmes qui se posent. Nombreux sont en effet les parlementaires qui ont mis en exergue l’insuffisante coopération en la matière entre préfectures, dépendantes du ministère de l’intérieur, et consulats, relevant de l’autorité du ministère des affaires étrangères. Dans son rapport spécial sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » pour 2007, M. Jérôme Chartier ne manqua pas de déplorer cette situation en indiquant que : « Malgré la volonté affirmée des deux ministères de travailler de concert dans la lutte contre l’immigration clandestine et la détection des demandes de visas “à risque”, force est de constater que la collaboration repose surtout sur la bonne volonté des fonctionnaires de police détachés en ambassade et des services consulaires » (14). Si la faiblesse des interconnexions des systèmes d’information de ces différents services de l’État – à laquelle il devrait être remédié avec la mise en place de la base nationale des visas biométriques – est au cœur du problème, les divergences de cultures administratives n’y sont pas étrangères.

Partant de ce constat, on peut légitimement s’interroger sur la pertinence du maintien d’une tutelle partielle du ministère des affaires étrangères sur les services de délivrance des visas. Si l’imbrication des consulats dans le réseau diplomatique semble militer dans ce sens, il en va différemment d’un point de vue fonctionnel, dès lors que le Gouvernement souhaite se doter d’un pilotage plus cohérent des différents instruments de sa politique d’immigration. Le rapporteur ne peut donc que faire sienne cette conclusion du rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat sur la mission « Action extérieure de l’État », M. Adrien Gouteyron, dans un récent rapport d’information sur les services des visas : « Une clarification des tutelles reste nécessaire : la double autorité sur les visas entre ministère de l’immigration et ministère des affaires étrangères constitue un équilibre temporaire, qui ne saurait durer » (15).

Cette analyse pourrait d’ailleurs s’appliquer à d’autres partages d’autorité. Dans le cas de la police aux frontières, par exemple, qui constitue le fondement de la police de l’immigration en France, on peut se demander si le rattachement des effectifs à la mission « Sécurité » est bien le plus approprié. Certes, les synergies, en termes de gestion, avec les autres services spécialisés de la police nationale doivent pouvoir être exploitées au mieux ; cependant, il est tout aussi défendable de concevoir que la police aux frontières participe à la mise en œuvre de la mission de maîtrise de l’immigration et doit, à ce titre, relever des arbitrages du ministère désormais responsable de cette politique.

On le voit assez clairement, le périmètre de la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » ne saurait être considéré comme définitif et figé. En la matière, il ne saurait être question pour le Gouvernement de s’interdire des évolutions dans les prochaines lois de finances, à la lumière du retour d’expérience de ce premier exercice budgétaire.

II. - DES CRÉDITS POUR 2008 GLOBALEMENT À LA HAUTEUR DES ENJEUX

Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit de doter la mission « Immigration, asile et intégration » de près de 610 millions d’euros en crédits de paiement, d’un peu plus de 618 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 609 ETPT. Hors fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP), les équilibres budgétaires ne devraient donc pas évoluer notablement par rapport à 2007 puisque, comme en atteste le tableau ci-après, les autorisations d’engagement n’augmenteront que de 0,7 % tandis que les crédits de paiement diminueront de seulement 0,1 %. Ce constat illustre le souci du Gouvernement de maintenir les efforts actuels en direction de la politique d’immigration et d’intégration des étrangers vivant en France, en dépit d’un contexte budgétaire contraint.

DES CRÉDITS POUR 2008 RELATIVEMENT STABLES PAR RAPPORT À 2007

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Loi de finances initiale 2007

Projet de loi de finances 2008

FDC et ADP attendus en 2008

Loi de finances initiale 2007

Projet de loi de finances 2008

FDC et ADP attendus en 2008

Immigration et asile

414 965 996 €

422 950 535 €

3 540 000 €

411 768 423 €

414 250 535 €

3 540 000 €

Intégration et accès à la nationalité française

198 659 148 €

195 339 486 €

7 465 000 €

198 601 721 €

195 339 486 €

7 465 000 €

TOTAL

613 625 144 €

618 290 021 €

11 005 000 €

610 370 144 €

609 590 021 €

11 005 000 €

Une analyse des dépenses selon leur nature illustre d’ailleurs davantage le degré d’engagement des pouvoirs publics à mener une politique d’immigration maîtrisée et d’intégration plus efficace : si les dépenses de personnel croissent logiquement, dans le prolongement de la création de toutes pièces d’un ministère spécifique, celles de fonctionnement diminuent très sensiblement afin de dégager plus de marges de manœuvre au titre des dépenses d’intervention.

ÉVOLUTION DES DOTATIONS POUR 2008, PAR NATURE DE DÉPENSE

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Loi de finances initiale 2007

Projet de loi de finances 2008

Évolution 2008/2007

Loi de finances initiale 2007

Projet de loi de finances 2008

Évolution 2008/2007

Dépenses de personnel (titre 2)

24 045 573 €

31 523 200 €

+ 31 %

24 045 573 €

31 523 200 €

+ 31 %

Dépenses de fonctionnement (titre 3)

279 436 894 €

173 161 300 €

- 38 %

279 436 894 €

173 161 300 €

- 38 %

Dépenses d’investissement (titre 5)

5 442 105 €

13 000 000 €

+ 58 %

5 442 105 €

5 600 000 €

+ 3 %

Dépenses d’intervention (titre 6)

304 700 572 €

400 605 521 €

+ 31 %

303 445 572 €

399 305 521 €

+31,6 %

A. LE PROGRAMME « IMMIGRATION ET ASILE »

Avec près de 423 millions d’euros en autorisations d’engagement et plus de 414 millions d’euros en crédits de paiement (hors FDC et ADP), le programme « Immigration et asile » représente le cœur des dotations de la mission « Immigration, asile et intégration » (environ les deux-tiers). Un tel constat s’explique par son objet qui, même s’il peut paraître un peu disparate à la lecture des quatre actions qui le composent, correspond à deux des missions les plus fondamentales du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, à savoir : assurer l’exercice du droit d’asile et mettre en œuvre les politiques relatives à la circulation et à la police des étrangers.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR LE PROGRAMME « IMMIGRATION ET ASILE »

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Loi de finances initiale pour 2007

Projet de loi de finances pour 2008

Variation (en %)

Loi de finances initiale pour 2007

Projet de loi de finances pour 2008

Variation (en %)

Circulation des étrangers (Action 1)

148 500 €

148 500 €

148 500 €

148 500 €

Garantie de l’exercice du droit d’asile (Action 2)

317 549 647 €

304 520 000 €

- 4,1 %

316 365 402 €

304 520 000 €

- 3,7 %

Police des étrangers (Action 3)

76 751 505 €

80 465 521 €

+ 4,8 %

76 738 177 €

79 165 521 €

+ 3,2 %

Soutien (Action 4)

20 516 344 €

37 816 514 €

+ 84,3 %

18 516 344 €

30 416 514 €

+ 64,3 %

Total

414 965 996 €

422 950 535 €

+ 1,9 %

411 768 423 €

414 250 535 €

+ 0,6 %

TOTAL (FDC et ADP inclus)

418 066 404 €

426 490 535 €

+ 2,0 %

414 868 831 €

417 790 535 €

+ 0,7 %

Source : projet annuel de performances du programme n° 303.

Une comparaison des prévisions du projet de loi de finances pour 2008 avec une reconstruction artificielle du programme à partir des dotations votées en loi de finances initiale pour 2007 fait apparaître une certaine reconduction du montant global des crédits. L’essentiel des variations concerne les fonctions support, ce qui n’est guère étonnant compte tenu de la mise en place de l’administration du ministère à partir du 1er janvier 2008. On relèvera, néanmoins, la poursuite de la diminution, engagée ces dernières années, des crédits consacrés à l’exercice du droit d’asile, dans le prolongement de la baisse des demandes, ainsi qu’un effort sensible en faveur de la police des étrangers, l’un des domaines prioritaires de l’action du nouveau ministère.

1. La garantie de l’exercice du droit d’asile, enveloppe prépondérante du programme

L’action relative à la garantie de l’exercice du droit d’asile (action n° 2) est, du point de vue financier, la plus importante du programme 303. Dotée de 304,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et d’autant en crédits de paiement, elle représente 72 % du total des autorisations d’engagement et un peu plus encore de celui des crédits de paiement (73,5 %). La diminution constatée par rapport à 2007 s’explique par la résorption des stocks de demandes en souffrance et par la poursuite de la baisse – ou à tout le moins par la stagnation – attendue des premières demandes. Cette hypothèse apparaît légitime mais, en tout état de cause, elle reste fragile, notamment eu égard aux tendances observées ces derniers mois et à la forte fluctuation des tensions internationales.

a) Les moyens des instances d’instruction et de décision sur les demandes d’asile

L’objectif assigné par le projet annuel de performances pour 2008 à l’action n° 2 du programme « Immigration et asile » est de faire en sorte que les demandeurs d’asile aient accès à des conditions optimales de traitement de leur demande, que ce soit par l’OFPRA ou par l’actuelle CRR (appelée à prendre la dénomination de Cour nationale du droit d’asile, aux termes de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile). L’enveloppe de cette action n° 2 comporte, à cet effet, la subvention de l’État à l’OFPRA pour charges de service public. Le montant de celle-ci atteint 43 millions d’euros, soit une baisse de 5 % par rapport à l’exercice en cours.

Cette évolution s’inscrit dans le prolongement de deux constats.

Tout d’abord, l’OFPRA et l’actuelle CRR – dont les frais de fonctionnement resteront assumés par l’OFPRA jusqu’en 2009, le temps de finaliser les évolutions statutaires induites par son rattachement, en tant que Cour nationale du droit d’asile, au Conseil d’État –, ont bénéficié d’un accroissement substantiel de leurs moyens pour résorber les stocks de dossiers pendants et, comme l’illustre le tableau ci-après, la décrue étant désormais bien amorcée, il convient d’en tirer les conséquences budgétaires.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DOSSIERS EN INSTANCE
DEVANT L’OFPRA ET LA CRR DEPUIS 2004

 

2004

2005

2006

1er semestre 2007

Stocks de dossiers à résorber par l’OFPRA

11 630

11 755

8 411

7 291

Nombre de décisions de l’OFPRA

65 614

59 221

39 332

16 922

Nombre de recours enregistrés par la CRR

52 168

40 341

30 495

12 195

Ensuite, la baisse de la demande d’asile perdure depuis 2005 : elle s’est accélérée en 2006 (avec une chute de 33 %) et a continué au premier semestre de cette année, à un rythme moindre il est vrai (avec une baisse de 21 %). Le mouvement apparaît d’ailleurs relativement général puisque la France, comme les deux années précédentes, est demeurée le premier pays européen de destination des demandeurs d’asile.

CLASSEMENT DE LA FRANCE PARMI LES PAYS DE DESTINATION
DES DEMANDEURS D’ASILE, AU 31 DÉCEMBRE 2006

Pays

Demandes d’asile en 2005

Demandes d’asile en 2006

Évolution 2006/2005 (en %)

France

59 221

39 332

- 33,6 %

Allemagne

42 908

30 100

- 29,8 %

Royaume-Uni (1)

30 459

28 019

- 8,0 %

Suède

17 530

24 322

+ 38,7 %

Pays-Bas

12 347

14 465

+ 17,2 %

Autriche

22 471

13 350

- 40,6 %

Belgique

15 957

11 587

- 27,4 %

Suisse

10 061

10 537

+ 4,7 %

(1) Données sur neuf mois extrapolées à douze.

Source : OFPRA.

Les hypothèses ayant servi à bâtir la contribution de l’État au fonctionnement de l’OFPRA et de la CRR sont incontestables, mais elles portent en elles des risques bien réels en ce que la réduction des moyens de ces organismes atteint aujourd’hui une forme d’étiage. Le ralentissement de la diminution des demandes d’asile apparaît clairement – la baisse enregistrée en juillet 2007 s’établissait aux alentours de 17 % et elle n’était plus que de 14 % en septembre dernier – et il n’est pas certain que l’OFPRA ainsi que la future Cour nationale du droit d’asile disposent de ressources humaines et techniques suffisamment élastiques pour pouvoir faire face à une recrudescence soudaine des demandes d’asile – le projet de loi de finances pour 2008 a d’ailleurs été élaboré sur la base d’une diminution supplémentaire de 10 % des demandes d’asile – tout en continuant à moderniser leur fonctionnement interne, grâce à une meilleure formation des officiers de protection et à des investissements dans la numérisation des dossiers.

Pour s’en convaincre, il suffit de constater que l’OFPRA et la CRR n’ont pas réussi à tenir les objectifs fixés en loi de finances initiale pour 2007, s’agissant de la durée moyenne de traitement des dossiers (celle-ci étant plus proche des 100 jours que de la cible des 60 jours). Le critère des coûts de traitement des dossiers n’a pas, lui non plus, été respecté puisque les prévisions actualisées s’élèvent à 680 euros pour l’OFPRA et 530 euros pour la CRR, contre des prévisions initiales respectives de 600 et 430 euros.

En 2008, la subvention de l’État à l’OFPRA devrait se répartir entre 29,5 millions d’euros destinés à payer la rémunération des agents de l’office ou de la CRR (591 ETPT) et 13,5 millions d’euros de crédits de fonctionnement et d’investissement. Il est à souhaiter que ces montants ne soient pas trop affectés par la régulation budgétaire car, d’ores et déjà, la situation financière semble relativement tendue.

b) Les crédits destinés à la prise en charge sociale des demandeurs d’asile

La France, au titre de ses obligations liées à la convention de Genève du 28 juillet 1951 et au protocole de New-York du 31 janvier 1967, relatifs au statut des réfugiés, assure la prise en charge sociale des personnes qui demandent à accéder à ce statut, tout au long de l’instruction de leur dossier par l’OFPRA et la CRR. Cette prise en charge intervient sous la forme d’un hébergement accompagné en centre d’accueil pour demandeurs d’asile ou, à défaut de places disponibles en CADA, sous la forme du versement d’une allocation temporaire d’attente (ATA), dont le montant journalier est actuellement de 10,22 euros par jour, ou d’un hébergement d’urgence.

• L’hébergement des demandeurs d’asile en CADA répond mieux que d’autres modes de prise en charge aux normes minimales d’accueil prévues par la réglementation européenne. Il optimise également les coûts supportés par l’État
– le prix moyen journalier de référence d’une place d’hébergement d’urgence avoisinant 17,45 euros en 2007 –, ce qui explique que les pouvoirs publics aient récemment développé ce type d’hébergement des demandeurs d’asile. Le nombre de places en CADA a ainsi quasiment quadruplé en sept ans, passant de 5 282 début 2001 à 19 470 fin 2006. En 2007, 1 000 places nouvelles ont été créées.

Fort logiquement, la charge budgétaire d’un tel dispositif est significative. Pour 2008, l’action n° 2 prévoit de doter le fonctionnement des 271 CADA existants (auxquels il faut ajouter deux centres de transit) de 192,9 millions d’euros en crédits de paiement et en autorisations d’engagement. Compte tenu de cette charge financière, l’objectif du Gouvernement consiste à augmenter le taux d’occupation par les demandeurs attendant qu’il soit statué sur leur sort, tout en diminuant la durée moyenne des séjours par des progrès tant au niveau des délais de traitement des dossiers par l’OFPRA et la CRR, qu’au niveau des sorties de réfugiés et de déboutés. Or, si le taux d’occupation des places de CADA a effectivement progressé pour atteindre 92,6 % au 31 décembre 2005 puis 96 % au 30 juin 2007, non seulement la durée moyenne des séjours ne s’est pas réduite pour autant, comme en atteste le tableau suivant, mais de surcroît la proportion des occupants n’y ayant pas ou plus leur place (réfugiés et déboutés) reste significative (25,5 % au 31 décembre 2006, avec une hausse à 26,6 % au 31 juin 2007).

L’ÉVOLUTION DU NOMBRE D’ADMISSIONS EN CADA ET DES DÉLAIS DE SORTIE

 

Admissions

Délai de sortie

(réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire)

Délai de sortie

(déboutés)

2005

10 161

208 jours, soit 6,9 mois

174 jours, soit 5,8 mois

2006

11 810

231 jours, soit 7,7 mois

222 jours, soit 7,4 mois

Au 30 juin 2007

5 385

261 jours, soit 8,7 mois

226 jours, soit 7,5 mois

Source : direction de la population et des migrations.

Un constat s’impose : la durée moyenne de prise en charge en CADA et les délais de sortie des centres restent insatisfaisants. La durée moyenne de séjour en CADA s’établissait à 17 mois fin 2006, ce chiffre n’étant qu’en très légère baisse par rapport à celui de 2005 (17 mois et demi). Cette durée de séjour reflète naturellement celle des délais moyens d’instruction des procédures d’asile, lesquels marquent également des progrès très mesurés : 3 mois et demi pour l’OFPRA et 10 mois à la CRR en 2006, auxquels il convient d’ajouter le mois correspondant au délai de recours, soit au total 14 mois et demi d’instruction. La situation s’est même dégradée en 2007 puisqu’au premier trimestre le délai de traitement des dossiers par la CRR a atteint 11 mois et demi, portant la durée totale d’instance à 16 mois. Il semble donc impératif de tout entreprendre pour diminuer significativement les délais de traitement par la CRR, qui conditionnent en fait la durée de prise en charge en CADA et, in fine, les coûts d’accueil des demandeurs d’asile.

Pour ce qui concerne la phase de sortie des CADA, les nouvelles règles issues du décret du 23 mars 2007 (article R. 348-3 du code de l’action sociale et des familles) (16), devraient permettre de fluidifier les rotations d’occupants de places de CADA : en effet, la durée de maintien dans les centres après la notification de la décision définitive sur la demande d’asile est désormais limitée à trois mois, renouvelables une fois avec l’accord du préfet, s’agissant des réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire et à un mois s’agissant des personnes dont la demande d’asile a fait l’objet d’une décision définitive défavorable. Il reste que ces départs sont le plus souvent conditionnés par l’obtention d’un logement, aspect qui échappe dans la plupart des cas aux préfectures.

L’objectif inscrit dans le projet annuel de performances pour 2008 est de pouvoir héberger 77 % des demandeurs d’asile : 62 % en CADA et 15 % dans les dispositifs d’hébergement d’urgence. Ces derniers, qui regroupent quelque 5 659 places (1 500 gérées par la société d’économie mixte ADOMA – nouvelle appellation de la Sonacotra, à l’occasion de son cinquantième anniversaire en 2007 – au niveau national, le reste se répartissant entre chambres d’hôtels et structures collectives), bénéficieront quant à eux, en 2008, de 35,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Il s’agit là d’un palliatif nécessaire pour accueillir les demandeurs ne pouvant bénéficier immédiatement d’une place en CADA ou en procédure prioritaire.

L’expérience des exercices budgétaires passés montre que les dotations prévues pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile ont souvent été sous-évaluées. Pour mémoire, le différentiel d’exécution se chiffrait à 59,2 millions d’euros en 2006 et à 113 millions d’euros en 2005. Les premiers résultats de 2007 font apparaître un écart plus mesuré de 11,2 millions d’euros entre les prévisions et les financements nécessaires, rendant inévitables des redéploiements de crédits. Il ne serait donc pas surprenant qu’il en aille de même en 2008 mais dans une moindre mesure qu’auparavant, toutefois.

• Les demandeurs d’asile ne pouvant être hébergés en CADA alors même qu’ils ont accepté l’offre de prise en charge qui leur était faite, se voient verser une allocation – l’allocation d’insertion jusqu’en 2007, puis l’allocation temporaire d’attente – pendant toute la durée de l’instruction de leur demande (17). La baisse du nombre de demandeurs d’asile s’est directement répercutée sur les enveloppes prévues à cet effet depuis deux ans et le projet de loi de finances pour 2008 table sur un prolongement de cette tendance. En effet, les 28,04 millions d’euros de crédits de paiement et d’autorisations d’engagement inscrits à l’action n° 2 du programme 303 devraient permettre de financer les droits de quelque 5 811 nouveaux allocataires, en sus de 7 415 allocataires actuels dont les droits ne seront pas expirés. Cependant, là aussi, la réalisation de telles prévisions dépendra pour beaucoup de la réduction des délais d’instruction des demandes (de 13 à 10 mois) et de la poursuite de la diminution du volume des demandes d’asile.

c) Les dotations en faveur de l’accueil et de l’accompagnement des demandeurs d’asile

Les départements confrontés à des arrivées massives de demandeurs d’asile disposent de plates-formes d’accueil, gérées par des associations ou l’ANAEM, qui délivrent des informations et des conseils adaptés s’agissant, entre autres, des conditions d’hébergement en centre d’accueil pour demandeur d’asile ou en structure d’hébergement d’urgence, ainsi que de l’ouverture des droits à la couverture maladie universelle. Ces plates-formes d’accueil jouent également un rôle de guichet unique en matière d’enregistrement et de suivi des demandes d’hébergement en CADA, notamment en établissant le diagnostic de la situation personnelle, familiale et sociale des demandeurs, et elles apportent un accompagnement administratif et social aux demandeurs ne pouvant être accueillis en CADA.

En 2007, la direction de la population et des migrations a financé 41 structures de ce type pour un montant de 5,1 millions d’euros. Ce montant ne sera pas reconduit en 2008, puisque 4,78 millions d’euros sont inscrits pour les mêmes dépenses, en crédits de paiement comme en autorisations d’engagement, à l’action n° 2 du programme « Immigration et asile ». Cette diminution de 6,6 % s’explique, d’une part, par l’effet mécanique de la baisse attendue des demandes d’asile et, d’autre part, par un redéploiement de certaines plates-formes associatives vers celles de l’ANAEM.

À noter également que 500 000 euros, en crédits de paiement comme en autorisations d’engagement, sont aussi prévus pour financer l’activité des associations qui assurent la prise en charge médico-psychique des demandeurs d’asile victimes de tortures ainsi que le soutien social ou administratif des demandeurs hors CADA. Il s’agit là d’une dépense tout à fait justifiée, notamment au regard de la tradition de notre pays en matière d’accompagnement et de protection des étrangers persécutés en raison de leur combat pour la défense des droits de l’homme et la liberté.

2. Les crédits de la police des étrangers sont également une priorité

L’action relative à la police des étrangers (n° 3) concerne les mesures de police au sens juridique du terme, c’est-à-dire de rétention administrative et d’éloignement du territoire, et non les crédits dévolus aux services de l’État plus particulièrement impliqués dans la maîtrise des flux migratoires. Elle vise non seulement à financer le fonctionnement des centres de rétention administrative (CRA) et les éloignements d’étrangers, mais aussi l’assistance sociale et humanitaire que réalisent l’ANAEM, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales et le comité intermouvements auprès des évacués (CIMADE), dans les CRA. Dotée de 80,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 79,1 millions d’euros en crédits de paiement, elle représente 19 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement du programme 303.

a) Les dépenses liées au fonctionnement des centres de rétention administrative et à l’accompagnement social des étrangers en attente d’éloignement

• Les étrangers en attente de reconduite à la frontière ainsi que les personnes condamnées à une peine d’interdiction du territoire sont hébergés dans les centres de rétention administrative gérés par la police ou la gendarmerie ou, lorsque l’éloignement géographique ou le taux d’occupation de ces centres ne le permettent pas, dans des locaux de rétention administrative (LRA) permanents (14 114 personnes concernées en 2006 pour une durée moyenne de 43 heures et 34 minutes) ou temporaires (2 077 personnes concernées en 2006 pour une durée moyenne de 42 heures et 55 minutes). Fort logiquement, le ministère de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale sera désormais chargé de financer le fonctionnement hôtelier des CRA actuels ainsi que les créations de places, dont le nombre est passé de 943 en juin 2005 à 1663 fin juillet 2007 (l’objectif étant d’atteindre les chiffres de 1 950 fin décembre 2007 et de 2 391 en juin 2008), en corollaire de l’allongement de 12 à 32 jours de la durée de rétention administrative, par la loi du 26 novembre 2003.

Depuis 2004, plus de 6,8 millions d’euros ont été alloués à la réhabilitation de certains centres existants, à la fermeture de ceux ne correspondant plus aux normes (Nanterre et Versailles, notamment) et à l’installation d’équipements nouveaux. À la fin de l’année 2006, l’ensemble des CRA répondait aux nouvelles normes de confort et d’équipement édictées par décret, le 30 mai 2005 (18).

L’action n° 3 du programme « Immigration et asile » contient une provision de 27,6 millions d’euros en crédits de paiement et autant en autorisations d’engagement pour couvrir les frais de fonctionnement des CRA, le coût moyen quotidien d’une place se situant à 31 euros par jour. Sur cette enveloppe globale, 25 millions d’euros permettront de financer les prestations hôtelières sous-traitées depuis le début de l’année par la police et la gendarmerie. Le solde, soit plus de 2,5 millions d’euros, est destiné aux créations de places nouvelles dans les sites de Coquelles (96 places), Nanterre (30 places), Roissy (96 places), Orly (136 places) et Metz 2 (96 places).

Le taux d’occupation moyen des CRA pour l’année 2006 et le premier semestre 2007 reflète des situations très diverses, comme en atteste le tableau ci-après. De fait, seuls les centres accueillant exclusivement des étrangers de sexe masculin affichent des taux d’occupation supérieurs à 80 %. En revanche, ceux qui disposent des équipements nécessaires pour assurer l’accueil des familles enregistrent des taux d’occupation plus faibles.

ÉTAT DES CAPACITÉS DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE AU 15 JUILLET 2007

Centre de
rétention

Service
gestionnaire

Capacité

Théorique au 15 juillet 2007

Taux d'occupation théorique

année 2006

1er semestre 2007

Bobigny

sécurité publique

55

72 %

90 %

Bordeaux

sécurité publique

24

78 %

83 %

Coquelles

PAF

75

82 %

88 %

Geispolsheim

gendarmerie

36

88 %

89 %

Le Mesnil Amelot

gendarmerie

140

84 %

86 %

Lille Lesquin 1

PAF

40

87 %

18 %

Lille Lesquin 2 (4)

PAF

96

44 %

66 %

Lyon Saint-Exupéry

PAF

120

75 %

76 %

Marseille Canet

PAF

136

52 %

72 %

Nantes

sécurité publique

8

90 %

92 %

Nice Auvare

sécurité publique

40

85 %

79 %

Palaiseau

sécurité publique

40

87 %

80 %

Paris 1

préfecture de police

140

73 %

56 %

Paris 2 (1)

préfecture de police

140

77 %

91 %

Paris 3

préfecture de police

40

71 %

60 %

Plaisir (3)

sécurité publique

32

68 %

74 %

Rivesaltes

gendarmerie

22

77 %

66 %

Rouen Oissel

sécurité publique

72

64 %

42 %

Sète

PAF

28

70 %

64 %

Toulouse 1 (5)

sécurité publique

37

59 %

18 %

Toulouse Cornebarrieu (2)

PAF

126

43 %

65 %

Metz (6)

gendarmerie

30

-

-

Rennes (6)

gendarmerie

60

-

-

Nîmes (6)

sécurité publique

126

-

-

   

1 663

74 %

73 %

(1) Paris 2 (Vincennes) : ouverture le 13 juin 2006 ; (2) Toulouse Cornebarrieu : ouverture le 29 juin 2006 ; (3) Plaisir : ouverture le 9 mai 2006 ; (4) Lille Lesquin 2 : ouverture le 15 novembre 2006 ; (5) Centre ayant accueilli des retenus durant la période du 8 au 22 février 2007 et du 9 au 20 mars 2007 ; (6) Ouvertures le 18 juillet 2007 (Nîmes), le 19 juillet 2007 (Metz) et le 1er août 2007 (Rennes).

Source : ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.

• L’action relative à la police des étrangers du programme 303 comporte également des crédits destinés à des dépenses d’intervention de nature sanitaire et sociale dans les CRA, à hauteur de 13,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 11,9 millions d’euros en crédits de paiement. Le décret précité du 30 mai 2005 dispose en effet que les personnes placées en CRA bénéficient sur place de prestations d’information, de soutien et d’aide pour préparer les conditions matérielles de leur départ (prestations de l’ANAEM), d’une couverture sanitaire gratuite (délivrée par le service public hospitalier), et d’une information destinée à leur permettre d’exercer plus facilement leurs droits (délivrée actuellement par l’association CIMADE, dans le cadre d’une convention passée avec l’État).

Au titre de la prise en charge sanitaire, plus de 8 millions d’euros sont inscrits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (dont 240 000 euros pour les interventions dans la zone d’attente des personnes en instance à l’aéroport de Roissy, qui ont atteint 7 400 consultations en 2006). Pour ce qui concerne l’accompagnement social, 5,1 millions d’euros sont prévus en autorisations d’engagement et 3,8 millions d’euros en crédits de paiement, afin de couvrir les coûts salariaux ainsi que les frais de fonctionnement et de déplacement des quelque 82 intervenants sociaux (en ETPT) de l’association CIMADE appelés à intervenir sur l’ensemble des CRA en 2008 (soit une vingtaine de plus qu’en 2007).

b) Les dotations concernant l’éloignement des étrangers : une priorité maintenue à la lutte contre l’immigration irrégulière

Si les crédits dévolus au fonctionnement et à la masse salariale des services de l’État chargés de lutter contre l’immigration clandestine ou irrégulière (la direction centrale de la police aux frontières, notamment) ne figurent pas au programme 303, celui-ci comporte néanmoins des dotations en rapport direct avec l’activité de ces mêmes services. En effet, 39,6 millions d’euros sont inscrits au projet de loi de finances pour 2008, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, pour financer notamment les frais de transport liés à l’éloignement des étrangers faisant l’objet d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, d’un arrêté ministériel d’expulsion ou d’une interdiction du territoire.

Selon le projet annuel de performances pour 2008, ce montant doit permettre de tendre vers un nombre de 26 000 reconduites à la frontière effectives l’an prochain (hors outre-mer), pour un coût moyen de 1 523 euros par reconduite. Deux indicateurs, relatifs au coût moyen d’une reconduite à la frontière et au nombre de mesures de reconduite effectives à la frontière, devraient permettre d’apprécier à l’avenir la pertinence de ces perspectives. Il est d’ores et déjà permis de s’interroger sur le coût moyen avancé s’agissant des reconduites à la frontière des étrangers en situation irrégulière, tant celui-ci dépend de l’éloignement des pays d’origine (lequel influe sur le prix du billet d’avion ou de bateau) et des variations annuelles touchant les zones d’émigration irrégulière vers la France. Les services spécialisés situent d’ailleurs le coût unitaire moyen d’un éloignement plus près de 2 000 euros que de 1 600 euros, les mesures effectuées au premier semestre 2007 atteignant même 2 450 euros, du fait notamment de la recrudescence des éloignements de Chinois (en hausse de 5,33 %). En outre, les estimations varient selon que l’on inclut ou non dans ce coût une partie des charges liées à la rétention.

S’agissant des reconduites effectives à la frontière, il convient également de rester vigilant dans la mesure où la progression de ces quatre dernières années, détaillée précédemment dans le présent avis budgétaire, semble marquer le pas, selon les statistiques du premier semestre 2007. En effet, au 1er juillet dernier, seules 9 838 des 49 763 mesures d’éloignement prononcées avaient été exécutées, soit un taux de 19,7 % (19). Il convient toutefois de relativiser ce constat par deux facteurs :

– tout d’abord, cette diminution semble s’infléchir au troisième trimestre 2007 et la baisse apparaît générale en Europe depuis le début de l’année (- 32,5 % en Allemagne sur les huit premiers mois ; - 12 % en Espagne ; - 34,5 % au Royaume-Uni ; - 42,8 % en Italie ; - 42 % aux Pays-Bas) ;

– ensuite, d’un point de vue méthodologique, les ressortissants de la Bulgarie et de la Roumanie, qui représentaient quelque 15 % du nombre des personnes effectivement éloignées ces deux dernières années, ne relèvent plus de ces mesures depuis l’entrée de leurs pays dans l’Union européenne au 1er janvier 2007, de sorte que, à public « cible » constant, l’évolution des reconduites ne peut être considérée à la baisse.

La proportion des éloignements non réalisés demeure néanmoins majoritaire. Les raisons des échecs sont imputables aux annulations de procédures par la justice (39 % en 2006 et 34 % au premier semestre 2007) et, il est vrai dans une moindre mesure depuis quelques années, à la non délivrance de laissez-passer consulaires (22 % des causes d’échec en 2006 et au premier semestre 2007). Pour y remédier, l’accent devrait être mis, à l’avenir, sur la sensibilisation des personnels de police à un meilleur respect des procédures. De même, l’État devrait être plus systématiquement représenté lors les audiences du juge des libertés et de la détention, des expérimentations intéressantes à ce sujet ayant eu d’ores et déjà lieu. Enfin, le dialogue noué ces dernières années avec les services consulaires continuera à rester étroit, afin d’améliorer encore le taux de délivrance des laissez-passer, qui a cru de 31,26 % en 2003 à 43,89 % en 2006.

Ces exigences vont de pair avec le maintien de perspectives ambitieuses tant en termes de reconduites effectives à la frontière (26 000 en 2008), qu’en termes d’interpellations d’étrangers en infraction à la législation les concernant (100 000 en 2008, dont plus de 3 000 personnes pour travail dissimulé) ainsi que d’aidants, au sens de l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (4 500 en 2008). En effet, l’effectivité des éloignements participe non seulement à la motivation des services de l’État concernés pour l’accomplissement de leurs missions, mais également à la dissuasion des comportements illégaux des étrangers désireux d’émigrer vers notre pays. En cela, le taux des reconduites effectives à la frontière constitue un véritable indicateur de performance, dont on peut regretter qu’il n’ait pas été retenu dans le projet annuel de performances pour 2008.

3. Des actions plus secondaires, portant sur des dépenses de fonctionnement

Au regard de l’enveloppe globale du programme, deux actions apparaissent, en raison de leurs montants, relativement moins significatives. La raison tient notamment au fait qu’elles portent sur des dépenses de fonctionnement, certes nécessaires mais par définition secondaires. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si elles ne se voient concernées que par un seul des quatre objectifs du programme 303, lequel consiste à améliorer l’efficacité du traitement des recours hiérarchiques visant des décisions de refus d’autorisation de travail, mission jusque-là accomplie par l’actuelle direction de la population et des migrations.

a) La circulation des étrangers

L’action relative à la circulation des étrangers (n° 1) du programme « Immigration et asile » regroupe en fait les crédits de fonctionnement de l’actuelle sous-direction de la circulation des étrangers, implantée à Nantes, qui est en charge des questions relatives aux visas ordinaires. Compte tenu du rattachement des 99 ETPT de ce service à l’administration centrale du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, à compter 1er janvier 2008, il est parfaitement logique que les crédits afférents à l’exercice de leur travail (148 500 euros, soit une enveloppe négligeable au regard des quelque 414 millions d’euros de crédits de paiement prévus pour l’ensemble du programme) se trouvent désormais inclus au sein de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Il est permis de se demander, vu la faiblesse du montant prévu pour cette action, d’une part, et son objet, d’autre part, s’il n’aurait pas été préférable de la rattacher à son homologue concernant les fonctions support du programme « Immigration et asile », laquelle regroupe les moyens destinés au fonctionnement des services du ministère concernés par le programme 303. Le rapporteur estime, pour sa part, que l’action n° 1 manque de taille critique et que l’individualisation des crédits qui y sont inscrits ne se justifie peut-être pas.

b) Le soutien

L’action relative au soutien (n° 4) du programme « Immigration et asile » concerne, comme son intitulé le laisse deviner, les dépenses de personnel et de fonctionnement des services concernés par le programme. Dotée de 37,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 30,4 millions d’euros en crédits de paiement, elle apparaît moins insignifiante que l’action n° 1, puisqu’elle regroupe 8,9 % des autorisations d’engagement et 7,3 % des crédits de paiement du programme 303.

Ces sommes devraient permettre, entre autres, de rémunérer les 370 ETPT relevant directement du programme « Immigration et asile » – soit 149 ETPT issus du ministère des affaires étrangères et européennes, 101 ETPT issus du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et 120 créations de postes destinées aux services du cabinet du ministre et au secrétariat général – et de les doter en moyens bureautiques et techniques nécessaires à la mise en place effective du ministère.

Sont en effet prévus quelque 18,3 millions d’euros au titre des rémunérations et 6,4 millions d’euros au titre des dépenses de fonctionnement, lesquelles devraient se répartir entre des frais d’études pour améliorer la connaissance de notre pays sur les populations et les migrations et, pour l’essentiel, des dépenses de fonctionnement courant (5,95 millions d’euros).

Le solde de l’enveloppe, de l’ordre de 5,6 millions d’euros s’agissant des crédits de paiement (mais de 13 millions d’euros en autorisations d’engagement), servira aux dépenses d’investissement concernant, plus particulièrement, la refonte de l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF), créée le 29 mars 1993. En l’espèce, le projet GRÉGOIRE vise à unifier les informations collectées dans une base de données à vocation interministérielle intégrant, à terme, les données biométriques afférentes aux titres de séjour ; sa mise en place, à l’échelle nationale, est prévue en 2009. À noter que si les financements prévus permettront de couvrir l’assistance de maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre des matériels de ce système, il n’en ira pas de même pour la production du titre de séjour biométrique, exigible par l’Union européenne à partir de 2010. Parallèlement, 10 nouvelles bornes de la base de données européennes de reconnaissance des empreintes digitales (EURODAC) seront financées, portant leur nombre total à 49 sur le territoire national.

Sur cette question des systèmes d’information, cruciale pour disposer d’une analyse d’ensemble des mouvements migratoires réguliers vers et dans notre pays, on peut regretter que les crédits afférents au système d’information Réseau mondial des visas relèvent, pour leur part, du programme « Français à l’étranger et étrangers en France » de la mission « Action extérieure de l’État ». Leur rattachement au programme 303 de la mission « Immigration, asile, intégration » procède pourtant d’une logique incontestable, dont il serait opportun que le Gouvernement tienne compte lors de l’élaboration des prochains projets de loi de finances.

B. LE PROGRAMME « INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE »

Sous une dénomination nouvelle, le programme 104 de la mission « Immigration, asile et intégration » reprend certains attributs budgétaires du programme « Accueil des étrangers et intégration » qui, dans la loi de finances initiale pour 2007, se trouve rattaché à la mission « Solidarité et intégration ». Il a néanmoins une portée plus réduite en ce qu’il se limite, dans la version du projet de loi de finances pour 2008, aux crédits des politiques sociales en faveur des migrants et des personnes étrangères issues de l’immigration, alors que le programme 104 ayant cours jusque-là avait un objet plus général et concernait également la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ainsi que la prise en charge des demandeurs d’asile.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR LE PROGRAMME
« INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE »

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Loi de finances initiale pour 2007

Projet de loi de finances pour 2008

Variation (en %)

Loi de finances initiale pour 2007

Projet de loi de finances pour 2008

Variation (en %)

Accueil des étrangers primo-arrivants (Action 11)

46 608 685 €

44 608 685 €

- 4,3 %

46 608 685 €

44 608 685 €

- 4,3 %

Intégration et lutte contre les discriminations (Action 12)

137 509 014 €

132 874 000 €

- 3,4 %

137 451 587 €

132 874 000 €

- 3,3 %

Aide au retour et à la réinsertion (Action 13)

3 000 000 €

Mesure nouvelle

3 000 000 €

Mesure nouvelle

Naturalisation et accès à la nationalité (Action 14)

1 468 000 €

1 468 000 €

1 468 000 €

1 468 000 €

Soutien (Action 15)

13 073 449 €

13 388 801 €

+ 2,4 %

13 073 449 €

13 388 801 €

+ 2,4 %

Total

198 659 148 €

195 339 486 €

- 1,7 %

198 601 721 €

195 339 486 €

- 1,6 %

TOTAL (FDC et ADP inclus)

200 187 434 €

202 804 486 €

+ 1,3 %

200 130 007 €

202 804 486 €

+ 1,3 %

Source : projet annuel de performances du programme n° 104.

À périmètre constant, les crédits inscrits en faveur du programme 104 (dans ses nouveaux contours) devraient peu évoluer. Hors fonds de concours et attributions de produits, ils diminueront légèrement (de l’ordre de 1,6 %) mais, compte tenu des FDC et des ADP attendus, les montants finalement disponibles excéderont de 1,3 % ceux de l’exercice actuel.

1. Les actions les plus importantes sur le plan budgétaire

Les principales dépenses inscrites au programme 104 concernent l’accueil des étrangers primo-arrivants (22,8 % des crédits de paiement et des autorisations d’engagement) et leur intégration (les deux-tiers de l’enveloppe prévue). De fait, il s’agit des deux axes politiques majeurs du programme « Intégration et accès à la nationalité française ».

a) L’accueil des étrangers primo-arrivants

Comme le souligne le projet annuel de performances pour 2008, la réussite de l’accueil des étrangers en France dès leur installation est une condition primordiale pour leur bonne intégration. Cette mission échoit, pour l’essentiel, à l’ANAEM, qui supervise notamment la mise en œuvre du CAI et est appelée, compte tenu des évolutions législatives récemment adoptées, à jouer un rôle encore accru.

Pour donner un aperçu de l’ampleur de la tâche accomplie, il suffit de préciser que 99 597 étrangers ont été accueillis par l’agence en 2006, 96,1 % d’entre eux ayant signé un CAI, et que sur le seul premier semestre 2007, ils ont été 62 266 ressortissants de plus de 150 nationalités, avec un taux de signature du CAI de 99,42 %. Dans le même temps, l’ANAEM a procédé à quelque 200 000 visites médicales, en année pleine, d’étrangers admis au séjour pour une durée supérieure à trois mois et elle a traité un nombre important de dossiers d’entrée sur le territoire national s’agissant des travailleurs salariés (38 229 – soit + 7 % – en 2006, ce chiffre augmentant même de 25,7 % pour le seul premier semestre 2007), des entrées pour motifs familiaux (environ 100 000) et des étudiants (47 000).

Corrélativement à cette implication de plus en plus grande dans la conduite des politiques d’intégration des étrangers, le budget de l’agence a connu une forte évolution. Jusqu’en 2005, les dépenses étaient autofinancées par les recettes tirées de l’activité réalisée mais, depuis 2006, une part croissante des ressources de l’agence (23 millions d’euros en 2006, 49,6 millions d’euros en 2007) provient d’une subvention d’exploitation versée par l’État et inscrite, désormais, à l’action n° 11 du programme 104. Ainsi, en 2008, l’ANAEM bénéficiera d’une subvention de 44,6 millions d’euros en crédits de paiement et en autorisations d’engagement. Au sein de cette enveloppe, quelque 18,9 millions d’euros permettront de couvrir des charges de fonctionnement, et notamment de rémunérer environ 420 ETPT (436 effectifs budgétaires) sur les 920 de l’agence.

EFFECTIFS BUDGÉTAIRES DE L’ANAEM RÉMUNÉRÉS SUR SUBVENTION DE L’ÉTAT

Effectifs issus du SSAE

Suivi du CAI

Médiateurs dans les CRA

Total

383

37

16

436 (soit 420 ETPT)

Le solde, soit 25,6 millions d’euros, conjugué aux fonds de roulement de l’agence (supérieur à 17 millions d’euros), aux fonds de concours issus du Fonds européen d’intégration (5,98 millions d’euros au titre du programme d’accueil 2008, versés pour moitié en 2008 et pour moitié en 2009 ou 2010), et aux ressources propres de l’agence (environ 48 millions d’euros) devrait permettre à l’ANAEM d’assurer :

– la poursuite de l’accueil des étrangers et des formations prévues dans le cadre du CAI actuel ;

– la mise en place, dans les pays d’origine, de l’évaluation du niveau de connaissance de la langue française et des valeurs de la République (sur la base d’une hypothèse de 56 000 étrangers concernés, dont 70 % seront testés par des personnels de l’agence) ;

– la formation gratuite (d’une durée moyenne de 140 heures) des étrangers ne connaissant pas suffisamment le français ni les principes de la République (sur la base d’une hypothèse de 19 000 étrangers concernés) ;

– la formation aux droits et devoirs parentaux induite par l’entrée en vigueur du CAI familial (sur la base d’une hypothèse de 5 000 parents concernés).

Les nouvelles mesures découlant de l’entrée en vigueur de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’asile et à l’intégration, devraient engendrer une dépense globale annuelle de 17,5 millions d’euros. Cependant, dans la mesure où elles reviennent à transférer des prestations offertes aux étrangers, du territoire national (dans le cadre du CAI) vers les pays d’origine, le surcoût net attendu avoisinera seulement 2,8 millions d’euros. Ce montant sera d’ailleurs couvert par une augmentation de 30 à 45 euros de la taxe sur les attestations d’accueil, prévue à l’article 45 du projet de loi de finances, dont il est escompté 3,6 millions d’euros de recettes.

Il est encore trop tôt pour juger de l’adéquation de la subvention de l’État aux nouvelles missions qui ont été confiées à l’ANAEM, notamment en raison des incertitudes qui entourent les ajustements qui devront intervenir dans le réseau de l’agence à l’étranger ainsi que l’intensification éventuelle du recours à des prestataires extérieurs conventionnés. Pour ce qui concerne les points d’accueil de l’agence, certaines estimations internes font part de 19 effectifs rendus nécessaires pour la seule mise en place des évaluations linguistiques dans les pays d’origine mais il est difficile de les certifier avant même l’achèvement de la première année d’application du nouveau dispositif. Il conviendra toutefois de rester vigilant sur cette question car, faute de donner à l’ANAEM tous les moyens de mise en œuvre de la politique ambitieuse qui lui est assignée, les résultats ne seront pas à la hauteur des attentes et, in fine, le coût financier supporté par notre pays pourrait excéder les économies réalisées à court terme.

S’agissant de la prise en charge des identifications par empreintes génétiques éventuellement pratiquées pour permettre un regroupement familial, aucune enveloppe spécifique n’est prévue dans le projet de loi de finances pour 2008. Cependant, le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement estime que leur nombre devrait osciller entre 1 000 et 1 500 l’an prochain, pour un coût unitaire compris entre 80 et 150 euros. La dépense totale, qui ne devrait ainsi pas excéder 200 000 euros, serait en outre imputée, en gestion, pour moitié sur les crédits rattachés au programme « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice », et pour moitié sur ceux du programme « Intégration et accès à la nationalité française » de la mission « Immigration, asile et intégration ».

b) L’intégration et la lutte contre les discriminations

L’enveloppe de l’action n° 12 est financièrement la plus conséquente du programme « Intégration et accès à la nationalité française », puisqu’elle regroupe 68 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de ce dernier. De manière assez paradoxale, alors même que ce volume de crédits est destiné à des actions aussi fondamentales que l’accès des réfugiés à l’emploi et au logement ou bien la prévention des discriminations à l’encontre des populations d’origine étrangère dans leur accès à l’emploi, aucun objectif ni indicateur de performances ne s’y trouve associé. Si la multiplicité des dépenses couvertes par cette action rend difficile la fixation d’objectifs cohérents et globaux, il n’en demeure pas moins que l’importance des crédits en jeu rend nécessaire la mise en place d’instruments de mesure de la performance de leur usage par le Parlement.

• Le principal bénéficiaire des montants prévus à l’action relative à l’intégration et à la lutte contre les discriminations est l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, qui a succédé au fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations à la suite de l’adoption de la loi du 31 mars 2006, précédemment mentionnée. Compte tenu de la grande variété des missions de l’ACSE, qui concernent aussi bien la politique de la ville que la lutte contre l’illettrisme, l’organisation du service civil volontaire et l’intégration ainsi que la lutte contre les discriminations touchant les étrangers régulièrement installés dans notre pays, les moyens dévolus à cette agence sont en fait principalement imputés au programme 147 de la mission « Ville et logement ». Ne sont inscrits à l’action n° 12 du programme 104, qu’une part minoritaire de crédits de fonctionnement (7 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) ainsi que les dépenses d’intervention destinées notamment à la mise en place de partenariats locaux en faveur de l’intégration des immigrés, à la transformation des foyers de travailleurs immigrants et à la délivrance d’un enseignement linguistique aux migrants non primo-arrivants (98,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement). Dans tous les cas, l’agence ne réalise pas par elle-même ces prestations ; elle délègue le plus souvent à des organismes divers (associatifs, entre autres), par convention. À titre d’illustration, 4 803 structures de ce type ont ainsi été subventionnées en 2006.

La remarque du rapporteur sur l’absence d’objectifs de performance et d’indicateurs associés vaut particulièrement pour l’activité de l’ACSE. Les raisons qui justifiaient un tel silence en 2007, du fait de l’installation de l’agence, n’ont désormais plus cours.

Surtout, il semble nécessaire de se pencher plus avant sur l’articulation entre le travail de l’ANAEM s’agissant de la formation linguistique des primo-arrivants dans le cadre du CAI et celui de l’ACSE qui, s’il ne concerne pas tout à fait le même public puisqu’il s’adresse aux migrants installés en France depuis longtemps et ne maîtrisant pas notre langue, n’est pas sans rapport toutefois. En 2007, l’ACSE devrait dépenser 19 millions d’euros pour la formation linguistique des publics ne relevant pas du CAI (19 000 stagiaires et 100 000 bénéficiaires d’ateliers de socialisation par la langue de quelques heures), alors que l’ANAEM sera confrontée à une charge financière d’une cinquantaine de millions d’euros pour la formation aux rudiments de notre langue des signataires de CAI (vraisemblablement plus de 100 000). Cette dualité organisationnelle interpelle à plus d’un titre, à tel point qu’il est permis de s’interroger sur l’utilité d’un transfert à une seule de ces agences de la totalité des formations linguistiques de migrants, dans un souci de rationalisation des coûts. Il apparaît en tout cas souhaitable que la revue générale des politiques publiques se penche plus avant, en 2008, sur cette question. À court terme, la mise en place d’une politique de marchés de prestations linguistiques commune aux deux agences, avec un cahier des charges défini conjointement, semble à tout le moins indispensable.

Il convient enfin de souligner, au titre des heureuses initiatives du projet de loi de finances pour 2008, que la subvention de 3 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement à la cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI), établissement public administratif créé par le décret du 16 novembre 2006 (20) afin de contribuer à l’évolution des représentations sur l’immigration, ne transitera plus sur les fonds dévolus à l’ACSE, mais sera individualisée. Il faut y voir une clarification utile, qui donnera davantage d’assise au responsable de programme vis-à-vis de la CNHI. Ce montant ne représentera pas la totalité des ressources de l’établissement, puisque s’y ajouteront les recettes des visites ainsi que d’autres subventions émanant de la délégation interministérielle à la ville et du ministère de la culture.

• L’action n° 12 financera également d’autres dépenses, moindres dans leur montant mais dont la portée, en termes d’intégration, sera malgré tout importante. C’est ainsi que 12,3 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement sont prévus pour les 28 centres provisoires d’hébergement des réfugiés (CPH). D’une capacité de 1 083 places, ils accueillent principalement les réfugiés en graves difficultés d’insertion et nécessitant une prise en charge totale, au moins transitoirement.

De même, quelque 4,3 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement visent à rémunérer les migrants demandeurs d’emploi qui suivent les stages de formation linguistique organisés et financés par l’ANAEM et l’ACSE. Alors que ce montant était de 8 millions d’euros en 2007, il a été sensiblement réduit à des fins de régulation budgétaire et de gestion, puis reconduit pour 2008 à un niveau inférieur de 46 % à ce qui était prévu l’an passé. Au final, ce ne sont plus 23 000 mais environ 12 500 mois-stagiaires qui se trouveront budgétés.

Enfin, une enveloppe de près de 7,3 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement est destinée à financer des aides d’urgence aux réfugiés et des subventions à une quarantaine d’organismes intervenant en faveur de la promotion sociale et professionnelle des immigrants. On relèvera, en l’espèce, que le succès d’un appel à projets lancé auprès des directions régionales des affaires sanitaires et sociales en faveur du logement et de l’emploi des réfugiés – 70 propositions reçues cette année – a conduit le Gouvernement à amplifier de 2 millions d’euros, par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2007, le financement prévu pour cette initiative.

Toutes ces dépenses poursuivent un objectif important, partagé d’ailleurs par l’Union européenne. Au titre du Fonds européen pour les réfugiés, un financement communautaire d’1,9 million d’euros viendra ainsi compléter les ressources dégagées par l’État en vue de faciliter l’intégration des réfugiés.

2. Des actions financièrement moins significatives mais essentielles dans leur principe

Rapportés au montant global du programme 104, les crédits inscrits aux actions n°s 13 et 14 revêtent un caractère symbolique. Pour autant, l’objet qu’ils poursuivent a un intérêt bien réel, puisqu’il s’agit, ni plus ni moins, que d’offrir une aide à la réinsertion dans leur pays d’origine des migrants dont la pension ne permet pas de subvenir à leurs besoins en France, d’une part, et à permettre le bon fonctionnement du service chargé d’instruire les demandes de naturalisation et d’accès à la citoyenneté, situé à Rezé, d’autre part.

a) L’aide au retour et à la réinsertion

L’aide au retour et à la réinsertion dont le financement est prévu à l’action n° 13 du programme « Intégration et accès à la nationalité française » n’est ni l’ARV, ni l’aide au retour humanitaire dont il a été question précédemment (dont le financement est inscrit à l’action n° 2 du programme « Codéveloppement »). Il s’agit en fait de l’aide à la réinsertion familiale et sociale (ARFS) des anciens migrants dans leur pays, créée par la loi du 5 mars 2007 (21).

Cette aide est destinée aux retraités non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, âgés d’au moins 65 ans, dont le niveau de ressources contributives est très faible (moins de 650 euros par mois) et qui justifient d’une résidence régulière et ininterrompue en France (dans un foyer de travailleurs migrants ou dans un logement à usage locatif) pendant les 15 ans précédant leur demande d’ARFS. Dès lors qu’ils s’engageront à retourner durablement dans leur pays d’origine afin d’y retrouver leurs proches et d’y bénéficier d’un coût de la vie moins élevé qu’en France, ils pourront bénéficier de versements mensuels de l’ordre de 190 euros, en complément de leur retraite.

Le projet de loi de finances pour 2008 table sur un nombre de 1 300 bénéficiaires. À vrai dire, de telles estimations apparaissent difficiles à apprécier, compte tenu du caractère innovant de la mesure et du fait qu’il s’agira de sa première année de mise en œuvre.

Du point de vue de la nomenclature budgétaire, il est également permis de s’interroger sur la pertinence du rattachement de cette action au programme 104. Certes, sa vocation sociale la distingue des autres aides au retour volontaire, qui figurent dans les enveloppes du programme 301, relatif au codéveloppement. Il n’empêche que la lisibilité globale des dispositifs d’aide au retour aurait gagné à ce que l’ensemble des prestations soit regroupé au sein d’un même programme, d’autant que, d’une certaine manière, l’ARFS contribuera elle aussi au codéveloppement des pays d’origine, en permettant des dépenses et des actes de consommation bénéfiques à leur économie.

b) La naturalisation et l’accès à la nationalité

La question de la naturalisation et de l’accès à la nationalité est essentielle, car elle constitue l’aboutissement d’un parcours d’intégration réussi. Le législateur l’a explicitement reconnu lors du vote de la loi précitée du 24 juillet 2006, qui a institué une cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française se déroulant dans chaque département, six mois après l’acquisition de la nationalité (article 21-8 du code civil). Il est certainement trop tôt pour dresser un bilan suffisamment objectif de la mise en place de cette mesure mais, sur la base d’une enquête statistique réalisée auprès de 66 préfectures, il est possible d’indiquer que 77 % des préfectures ayant répondu ont organisé ce type de cérémonies sur une périodicité variable (hebdomadaire pour deux, mensuelle pour 13, trimestrielle pour 17, semestrielle pour 16 et annuelle pour trois). Dans 46 % des cas, des difficultés d’organisation ont été soulignées. Néanmoins, la généralisation de ces pratiques apparaît en bonne voie, ce dont il faut se féliciter tant cette démarche revêt un caractère symbolique fort pour les naturalisés parfaitement intégrés.

D’un point de vue budgétaire, les dotations de l’action n° 14, relatives à la naturalisation et à l’accès à la nationalité se montent à 1,47 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Elles doivent principalement permettre de couvrir les dépenses de personnel de la sous-direction des naturalisations, composée de 157 agents répartis dans six bureaux. Ce service a pour mission d’instruire les demandes de naturalisation des étrangers installés durablement en France par décision de l’autorité publique (87 878 naturalisations et réintégrations par décret en 2006 et 30 177 au premier semestre 2007), ainsi que les demandes d’enregistrement des déclarations de nationalité à raison du mariage avec un conjoint français (29 276 en 2006 et 19247 au premier semestre 2007).

Tendanciellement, le nombre de naturalisations a cru depuis 2002, en passant de 90 432 à cette date à 117 154 en 2006. Cette évolution s’explique par la résorption du stock de dossiers en souffrance. À cet effet, l’État consent des investissements dans des applications informatiques modernes et interministérielles. Le système numérisé de gestion des demandes de naturalisation PRENAT (« préfectures/naturalisations »), est ainsi en cours de généralisation dans les préfectures (seulement 14 d’entre elles n’étant pas équipées à ce jour), afin d’améliorer, d’accélérer et de fiabiliser les échanges de données entre services. En 2008, un système identique de gestion des déclarations de nationalité après mariage auprès des tribunaux d’instance (TRINAT pour « tribunaux/naturalisations ») devrait voir le jour, grâce aux crédits inscrits à l’action n° 14.

Fin 2007, il est probable que le volume des naturalisations se stabilise quelque peu, du fait du doublement de la durée de communauté de vie désormais exigée depuis le mariage (article 21-2 du code civil).

3. Les crédits destinés au soutien

À l'instar du choix qui a été effectué au programme 303, les crédits nécessaires aux fonctions support du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, ont été regroupés, pour ce qui concerne le programme 104, au sein d’une action spécifique. De manière plus générale, le montant des dotations en faveur du soutien est en effet apparu trop faible pour pouvoir faire l’objet d’un programme à part au sein de la mission « Immigration, asile et intégration ».

S’agissant du programme « Intégration et accès à la nationalité française », les crédits inscrits ont pour principal objet de permettre la rémunération des 239 ETPT transférés depuis le programme 124 de la mission « Solidarité et intégration » (c’est-à-dire des 231 ETPT de la direction de la population et des migrations et des 8 ETPT du Haut conseil à l’intégration) ainsi que le paiement des prestations sociales y afférant. Si des dépenses de fonctionnement sont prévues, leur enveloppe de 230 000 euros en crédits de paiement et en autorisations d’engagement apparaît relativement négligeable au regard des quelque 13,1 millions d’euros de crédits de paiement et d’autorisations d’engagement inscrits au titre des rémunérations.

C. LE PROGRAMME « CODÉVELOPPEMENT »

Bien que le programme « Codéveloppement » ne relève pas de la mission « Immigration, asile et intégration », un examen – même rapide – s’impose tant il lui est lié dans son exécution. Il convient d’ailleurs de souligner que le responsable identifié pour sa mise en œuvre sera le futur secrétaire général du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, et non un haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères.

Au demeurant, d’un point de vue quantitatif, les enveloppes en cause (60 millions d’euros d’autorisations d’engagement et un peu moins de la moitié, soit 29 millions d’euros, en crédits de paiement) ne sont pas négligeables, comme en atteste le tableau ci-après.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR LE PROGRAMME « CODÉVELOPPEMENT »

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Loi de finances initiale pour 2007

Projet de loi de finances pour 2008

Variation (en %)

Loi de finances initiale pour 2007

Projet de loi de finances pour 2008

Variation (en %)

Aides multilatérales en faveur du codéveloppement (Action 1)

10 000 000 €

Mesure nouvelle

3 000 000 €

Mesure nouvelle

Aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d’origine (Action 2)

5 000 000 €

5 000 000 €

5 000 000 €

5 000 000 €

Autres actions bilatérales de codéveloppement (Action 3)

13 500 000 €

45 000 000 €

+ 233 %

9 500 000 €

21 000 000 €

+ 121 %

Total

18 500 000 €

60 000 000 €

+ 224 %

14 500 000 €

29 000 000 €

+ 100 %

TOTAL (FDC et ADP inclus)

18 715 306 €

60 250 000 €

+ 222 %

14 715 306 €

29 250 000 €

+ 98,8 %

Source : projet annuel de performances du programme n° 301.

1. Un programme spécifique mais pas sans lien avec la mission « Immigration, asile et intégration »

L’intitulé du programme « Codéveloppement » justifie qu’il relève de l’enveloppe budgétaire destinée à l’aide publique au développement, mais un examen attentif de ses finalités et de son contenu pourrait tout autant militer en faveur de son rattachement à la mission « Immigration, asile et intégration ». En effet, à y regarder de près, ce programme 301 poursuit des buts qui entrent au moins autant, sinon davantage, dans la politique de maîtrise et d’accompagnement des flux migratoires que dans le soutien de l’État au développement d’États moins développés.

Ce constat transparaît tout particulièrement à travers les deux objectifs qui sont assignés au programme « Codéveloppement » par le projet annuel de performances pour 2008, à savoir : promouvoir les actions de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement, d’une part, et contribuer au développement des projets individuels ou collectifs portés par les migrants dans leurs pays d’origine, d’autre part. Il est encore plus prégnant au regard du poids budgétaire respectif des actions qui composent la ventilation du programme : les crédits concernant les aides multilatérales en faveur du codéveloppement (action n° 1) ne représentent en effet que 16,7 % du total des autorisations d’engagement inscrites et 10,3 % seulement des crédits de paiement, alors que les actions bilatérales de codéveloppement, qui visent à encourager une migration temporaire et à inciter au retour des étrangers qualifiés dans leur pays d’origine (à l’action n° 3) ainsi que les aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d’origine (à l’action n° 2), dont l’objet relève indéniablement du champ des compétences du ministère en charge de l’immigration, représentent respectivement 75 % et 8,3 % des autorisations d’engagement ainsi que 72,4 % et 17,2 % des crédits de paiement du programme.

D’une certaine manière, le rattachement du programme « Codéveloppement » à la mission budgétaire « Aide publique au développement » présente le risque de faire apparaître l’une des innovations les plus notables de l’architecture budgétaire pour 2008 comme un démembrement des mécanismes traditionnels de coopération de notre pays alors que, justement, la création d’un programme spécifiquement dévolu au codéveloppement procède d’une logique et d’une vision totalement nouvelles. Pour éviter ce type de confusions et, de manière plus générale, pour donner davantage de cohérence à la présentation des crédits qui concourent à la mise en œuvre de la politique d’immigration de la France, il n’apparaît pas illégitime de réfléchir à l’éventualité d’un rattachement ultérieur de ce programme, dont il n’est pas question de remettre en cause l’individualisation, à la mission « Immigration, asile et intégration ».

Il faut bien reconnaître cependant que, d’un strict point de vue budgétaire, le non rattachement du programme 301 à la mission « Immigration, asile et intégration », ne pose pas de réelle difficulté. En effet, le pilotage de ce programme relèvera très clairement du futur secrétaire général du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, également responsable au surplus des deux programmes 303 et 104. Ce faisant, les inévitables arbitrages qui émailleront l’exécution de l’exercice 2008 resteront du seul ressort du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, plus à même que le ministère des affaires étrangères et européennes de faire des choix en la matière.

2. Des crédits qui traduisent un intérêt croissant des pouvoirs publics

L’évolution, à structure constante, des crédits du programme « Codéveloppement » (+ 224 % des autorisations d’engagement et + 100 % des crédits de paiement, de 2007 à 2008) illustre l’importance que lui accordent les plus hautes autorités de l’État, particulièrement sensibilisées à cette priorité politique.

L’enveloppe destinée à l’action relative aux aides multilatérales en faveur du codéveloppement, dotée de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3 millions d’euros en crédits de paiement, constitue une innovation totale par rapport à l’exercice budgétaire en cours. Grâce à ces crédits, un fonds fiduciaire enregistré dans une banque multilatérale de développement, pourra être alimenté par la France en vue d’appuyer des initiatives de codéveloppement dans une trentaine de pays francophones (22), dans les domaines de la santé, de l’enseignement supérieur ou de l’économie productive. L’utilisation de ces sommes d’argent restera contrôlée par la direction générale du Trésor et de la politique économique.

Pour leur part, les dotations concernant les aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d’origine (l’aide au retour volontaire – ARV –, ainsi que l’aide au projet individuel), qui s’élèvent à 5 millions d’euros d’autorisations d’engagement et à autant en crédits de paiement, sont reconduites à leur niveau de 2007. Mis à la disposition de l’ANAEM, ces fonds visent non pas à financer le voyage de retour des populations concernées vers leur État d’origine, mais bien à les aider à élaborer et à mettre en œuvre un projet de réinstallation durable dans le pays dont ils sont natifs, si possible en favorisant l’essaimage d’une activité économique susceptible de fixer sur place d’autres personnes légitimement désireuses d’améliorer leurs conditions de vie et candidates potentielles à l’émigration. L’objectif défendu par le projet de loi de finances pour 2008 est le financement, dans une vingtaine de pays francophones, de 700 dossiers individuels, pour un montant maximum de 7 150 euros, et d’une trentaine de projets collectifs, d’un montant n’excédant pas 37 500 euros (montants extrapolés de l’expérience réussie jusqu’alors au Mali et au Sénégal). En 2010, un millier de dossiers individuels et une centaine de dossiers collectifs pourraient se trouver concernés, ce qui traduit une véritable ambition pour la poursuite de ces projets.

Il convient de souligner, s’agissant des aides au retour, que la France bénéficiera en la matière d’une contribution de 4,9 millions d’euros en 2008, au titre du Fonds européen pour le retour (23), prévu par le programme-cadre de solidarité et de gestion des flux migratoires.

Les autres actions bilatérales de codéveloppement bénéficient, pour ce qui les concerne, du montant le plus significatif de crédits inscrits dans le programme « Codéveloppement », avec 45 millions d’euros en autorisations d’engagement et 21 millions d’euros en crédits de paiement. Ces sommes ont pour vocation à permettre de poursuivre et d’étendre les activités du Fonds de solidarité prioritaire dans une petite vingtaine de pays et, surtout, à accompagner la mise en place des accords de gestion concertée des flux migratoires, dont le projet annuel de performances indique que six devraient être signés en 2008, avec Haïti, Madagascar, le Mali, la République démocratique du Congo, le Cameroun et le Togo, en plus de ceux déjà conclus ou en voie de l’être avec le Sénégal, le Gabon, le Congo-Brazzaville et le Bénin.

VENTILATION DES CRÉDITS DES ACTIONS BILATÉRALES DE CODÉVELOPPEMENT NE RELEVANT PAS DES AIDES DIRECTES À LA RÉINSTALLATION DES MIGRANTS DANS LEUR PAYS D’ORIGINE

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Financement au titre des projets du Fonds de solidarité prioritaire en cours

6 000 000 €

Élargissement du champ géographique des projets du Fonds de solidarité prioritaire

3 000 000 €

3 000 000 €

Accompagnement des accords de gestion concertée des flux migratoires

42 000 000 €

12 000 000 €

TOTAL

45 000 000 €

21 000 000 €

Au total, à la lumière des montants inscrits pour 2008 dans le programme « Codéveloppement », notre pays adresse un signal fort de son engagement concret en faveur d’une nouvelle approche des problèmes migratoires. Le Parlement ne peut que souscrire à cette démarche, traduction budgétaire de la vision ambitieuse du chef de l’État à laquelle les Français ont souscrit au printemps 2007.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 16 octobre 2007, la Commission a procédé à l’audition de M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, sur le projet de loi de finances pour 2008.

Le Président Jean-Luc Warsmann a remercié M. Brice Hortefeux d’être venu présenter à la commission des lois les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » et rappelé qu’un certain nombre des membres de la commission avait passé, à l’occasion de l’examen des dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’asile et à l’intégration, en commission mixte paritaire, une matinée studieuse mais positive puisqu’elle avait débouché sur un accord.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, a rappelé qu’avait été créé, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, un ministère spécifiquement chargé des politiques d’immigration, d’intégration, de codéveloppement et d’identité nationale, cette dernière n’ayant toutefois pas lieu d’être évoquée à l’occasion de la présentation du budget dans la mesure où elle est fort peu coûteuse.

Aujourd’hui, ce ministère se dote d’un budget propre ; le 1er janvier 2008, il disposera d’une véritable administration centrale. Ceci est indispensable pour mener à bien les trois missions assignées par le Président de la République et le Premier ministre dans leur lettre de mission du 9 juillet 2007.

La première de ces missions est de mettre en place une politique d’immigration « concertée » à l’image de ce qui est fait dans les grands États occidentaux, étant observé que c’est le président du Sénégal, M. Abdoulaye Wade, qui a fait part de sa préférence pour l’expression « immigration concertée » à celle d’« immigration choisie ». Concrètement, il s’agit de rééquilibrer les flux migratoires de manière à ce que, à l’horizon 2012, 50 % de ces flux soient d’origine économique. C’est d’ailleurs un résultat qu’a déjà atteint l’Espagne, pays conduit par un gouvernement socialiste et qui n’est terre d’immigration que depuis une dizaine d’années.

La deuxième de ces missions est de renforcer les moyens techniques de lutte contre l’immigration clandestine grâce à la généralisation de la biométrie en matière de visas consulaires et à la création du titre de séjour électronique.

Enfin, la troisième de ces missions est d’amplifier la lutte contre les filières d’immigration illégale et de travail clandestin.

Le ministre a estimé que les politiques d’intégration et d’accès à la citoyenneté française feront l’objet d’efforts à la hauteur de ces ambitions. Le montant des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » en témoigne.

L’immigration choisie est indissociable d’un engagement de la communauté nationale en faveur d’une intégration réussie des immigrés légaux. C’est d’ailleurs le sens du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

Ainsi, la réforme des conditions du regroupement familial subordonnera désormais ce droit à la possession de revenus suffisants pour vivre en famille. La création d’un « contrat d’accueil et d’intégration pour la famille » permettra d’associer étroitement les parents à l’intégration de leurs enfants. Enfin, l’instauration d’un test de langue et des valeurs de la République, et si nécessaire d’une formation, permettra aux personnes désireuses de s’installer durablement en France de commencer leur intégration avant même de quitter leur pays d’origine. Une fois établis en France, les migrants seront, chaque fois qu’ils le souhaitent, accompagnés dans leur démarche d’intégration professionnelle. Il faut d’ailleurs noter que le ministre travailliste de l’immigration britannique, qui a suivi le débat en France, a l’intention de demander à Gordon Brown d’introduire une telle disposition au Royaume-Uni, afin de favoriser la maîtrise des flux migratoires dans ce pays.

L’intégration des étrangers désireux de s’installer durablement en France et au-delà de solliciter l’acquisition de la nationalité française est une priorité qui se traduira par un renforcement des actions d’intégration, de formation et de promotion sociale et professionnelle conduites par les opérateurs de l’État que sont l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) et l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE).

Le ministre a ensuite précisé que, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, qui ne concerne guère un ministère de création récente et doté d’une seule direction, il entendait proposer des modifications dans l’organisation des compétences entre ces opérateurs afin que soit proposé un parcours d’intégration cohérent aux étrangers admis au séjour mais aussi aux étudiants et aux conjoints d’étrangers. Ce parcours doit être construit depuis l’accueil sur les plates formes de l’ANAEM jusqu’à l’accès au logement et à l’emploi. C’est pourquoi il paraît souhaitable d’organiser, dans chaque département, un pôle de compétences pour l’immigration et l’intégration, qui sera la cheville ouvrière du parcours personnalisé de chaque étranger à la sortie du contrat d’accueil et d’intégration. Les opérateurs nationaux seront les garants de cette organisation.

En ce qui concerne l’émergence de cette nouvelle forme d’aide publique au développement qu’est le codéveloppement, le ministre s’est réjoui d’avoir obtenu cet été la création, au sein de la mission interministérielle « Aide publique au développement », d’un programme consacré au codéveloppement.

Cette politique de codéveloppement portera prioritairement, d’une part, sur la promotion des accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement, d’autre part, sur la contribution au développement des projets individuels ou collectifs portés par les migrants et les diasporas dans leur pays d’origine. Il faut qu’il s’agisse de projets très identifiés, très lisibles et très concrets.

La nouvelle mission « Immigration, asile et intégration » regroupe deux programmes : le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » et le programme 303 « Immigration et asile ». L’ensemble des crédits porte sur 618,3 millions d’euros en autorisation d’engagement et sur 609,6 millions d’euros en crédits de paiement. Le plafond d’emploi du ministère est fixé à 609 équivalents temps plein, ce qui en fait une sorte d’état-major, qui n’inclut pas les services d’accueil des étrangers des préfectures mais comprend en revanche les effectifs du service des étrangers en France et ceux de la sous-direction des étrangers de la direction des libertés publiques. Cette mission budgétaire est par ailleurs un exemple de mise en œuvre des grands principes de la LOLF, en particulier en ce qu’elle regroupe les moyens directement affectés aux politiques publiques conduites par le ministre et son cabinet.

La construction de la mission « Immigration, asile et intégration » s’est faite par transfert de crédits en provenance d’autres missions budgétaires relevant de plusieurs ministères pour un montant total, en autorisation d’engagement, de 613,3 millions d’euros et, en crédits de paiements, de 604,6 millions d’euros, 5 millions d’euros correspondant aux moyens de la nouvelle administration centrale.

Les crédits transférés concernent principalement quatre ministères : celui du travail pour 430 millions d’euros ; le ministère de l’intérieur pour 77 millions d’euros ; le ministère des affaires étrangères pour 64 millions d’euros ; le ministère de la défense pour 2,5 millions d’euros. En outre, le ministère de l’économie et le ministère du budget, participent à hauteur de 4 millions d’euros aux moyens de fonctionnement de l’administration centrale et du cabinet.

Cette dotation est complétée par la création de 100 emplois et le redéploiement de 509 autres en provenance des quatre ministères évoqués précédemment : 239 du ministère du travail, 110 du ministère de l’intérieur, 140 du ministère des affaires étrangères, 20 des ministères de l’économie et du budget.

Le ministre a souhaité insister sur la répartition des crédits par grandes politiques publiques. Le premier poste de dépenses, qui a trait à l’accueil et à l’hébergement des demandeurs d’asile, représente 50 % des crédits de paiement, avec 304,5 millions d’euros.

Le programme 303 « Immigration et asile » porte sur l’ensemble des dépenses de fonctionnement des CADA, qui ont bénéficié d’un effort assez important puisque l’on atteindra 20 700 places à la fin de 2007. Cela demeure insuffisant mais permet d’atteindre les objectifs lancés en 2005 au titre du plan de cohésion sociale, afin de dédier un hébergement spécifique aux demandeurs d’asile en cours de procédure.

La subvention versée à l’OFPRA par l’État est rattachée au programme 303 et à l’action 2 « Garantie du
droit d’asile
 ». Elle permettra de poursuivre en 2008 les efforts de réduction des délais d’instruction de la demande d’asile et de réduire progressivement les stocks de dossiers d’appel des décisions de l’office devant la commission de recours des réfugiés. M. Brice Hortefeux a souligné que, comme il l’a annoncé lors de la présentation du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’asile et à l’intégration, il engagera en 2009 une réforme ambitieuse de la CRR qui se traduira par l’autonomie budgétaire de la commission et par une réforme des formations de jugement.

Le second poste de dépenses concerne l’accueil, la présence et l’intégration des étrangers légaux avec 29,6 % des crédits, soit 180,5 millions d’euros. En l’espèce, le projet de budget conforte la politique engagée depuis 2003 en amplifiant le montant des subventions :

—  à l’ANAEM pour l’accueil des étrangers primo arrivants (visite médicale, bilan de compétences, contrat d’accueil et d’intégration) et pour le financement de ses nouvelles missions en matière de regroupement familial et de codéveloppement ;

—  à l’ACSE dans les domaines de l’insertion durable par l’emploi et le logement des migrants et de la lutte contre les discriminations.

Le troisième poste de dépenses concerne la lutte contre l’immigration illégale, avec 14 % des crédits de paiement et près de 85 millions d’euros. Cette dotation doit permettre d’assumer les engagements pris en matière de gestion des 2400 places en centres de rétention administrative (CRA) qui sont attendues fin 2008 en application du plan triennal lancé en 2005 par le comité interministériel de contrôle de l’immigration. À ce propos, alors qu’en France les concessions au secteur privé ne concernent guère que l’entretien courant et le ménage, on peut observer qu’au Royaume-Uni, sur les dix centres existants, sept sont totalement privés.

L’augmentation de 23 % des crédits consacrés à la prise en charge sanitaire et sociale des étrangers en CRA confirme que la France respecte intégralement ses obligations communautaires au plan humanitaire.

Dans ce budget, les dépenses d’éloignement ne concernent sur le programme 303 que les seuls frais de transport pour 39,6 millions d’euros. Les autres crédits relatifs notamment aux services de police (PAF et sécurité publique), restent imputés sur le programme 176 « Police nationale » de la mission « Sécurité ».

Le montant de 39,6 millions d’euros a été calculé pour financer 26 000 reconduites effectives, chiffre qui représente non pas un objectif fixé aux services mais une estimation budgétaire, qui sera adaptée lorsque l’on disposera des résultats de l’année 2007. En lien étroit avec le ministère de l’intérieur et le ministère de la défense, M. Brice Hortefeux s’est montré résolu à obtenir de la Commission européenne un abondement de ces dépenses par l’intervention du Fonds européen pour le retour et du Fonds européen pour les frontières extérieures, dont la dotation globale pour la France est évaluée à 13 millions d’euros.

Au sein du programme 303, le ministère disposera également des crédits de développement de deux grandes applications nationales : GREGOIRE qui prendra à la mi-2009 le relais du système d’information AGDREF, devenu obsolète, pour la gestion des dossiers individuels des ressortissants d’origine étrangère, et EURODAC – base de données européennes de reconnaissance des empreintes digitales – avec la poursuite en 2008 de l’implantation de 10 nouvelles bornes, qui s’ajouteront à la trentaine existante. L’efficacité de la politique de contrôle aux frontières et de délivrance des titres ou des visas biométriques, nécessitera de regrouper au sein de cette mission, en 2009, l’ensemble des crédits informatiques y compris ceux de l’application « Réseau mondial visa ».

Enfin, les crédits répartis sur deux actions spécifiques, créées au sein des deux programmes 104 et 303, regroupent pour 38,2 millions d’euros les dépenses de personnel et de fonctionnement du ministère. Les services actuellement implantés à Nantes – la sous-direction des naturalisations et la sous-direction de la circulation des étrangers – et leurs 256 agents sont bien entendu comptabilisés dans ce total. Au total, 42 % des personnels d’administration centrale du ministère sont déployés en province : c’est le taux le plus important au sein de l’État.

L’organisation de la future administration centrale sera resserrée, efficace et moderne. Le projet de décret d’organisation en cours d’élaboration sous l’égide de M. Patrick Stéfanini, qui sera le secrétaire général du ministère à compter du 1er janvier 2008 fera la part belle aux synergies fonctionnelles dans les domaines de l’asile, du séjour, du travail et de l’éloignement. Un service de stratégie, directement rattaché au secrétaire général, sera en charge du contrôle de gestion, c’est-à-dire du pilotage de la performance des missions du ministère, des statistiques – car il est préjudiciable de ne pouvoir disposer pour l’instant d’aucun chiffre absolument fiable et incontestable –, des études mais aussi de la stratégie d’ensemble des systèmes d’information.

Les enjeux de la politique de codéveloppement en direction des pays de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb, conduiront à doter le ministère d’un département des affaires internationales et du codéveloppement. De même, la perspective de la présidence française de l’Union Européenne au second semestre 2008 entraînera la création d’un département des affaires européennes, appelé à faire prospérer l’idée d’un pacte européen sur l’immigration, déjà accueillie très favorablement en Espagne et, de façon plus surprenante, en Grande-Bretagne.

En conclusion, le ministre a fait valoir que la tâche n’était pas facile, mais qu’il avait commencé à agir et qu’il était déterminé à réussir.

M. Éric Diard, rapporteur avis, s’est réjoui de la création de la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration », qui s’inscrit dans la suite logique de la mise en place d’un ministère de l’immigration et concorde parfaitement avec l’esprit de la LOLF, dont l’objectif est de présenter de manière plus lisible les grandes politiques de l’État et les dépenses qui leur sont associées.

Estimant que les dotations prévues pour 2008 répondent aux enjeux, il a indiqué qu’il inviterait la commission à émettre un avis favorable à leur adoption. Il a néanmoins souhaité obtenir quelques éclaircissements.

En premier lieu, les crédits destinés aux garanties de l’exercice du droit d’asile représentent près de la moitié des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration ». Quelles sont les justifications des paramètres retenus pour en définir le montant ?

En deuxième lieu, le taux des reconduites effectives à la frontière n’excède jamais 30 %, 2006 ayant été à cet égard une année record. Quelles sont les raisons de cette situation ? Comment ces chiffres ont-ils évolué au premier semestre 2007 ? Quelles actions le ministre entend-il mettre en œuvre pour améliorer l’application des décisions de justice ou des décisions administratives d’éloignement ?

Par ailleurs, certaines dispositions de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’asile et à l’intégration auront des conséquences financières dès 2008 – CAI famille, évaluation dans les pays d’origine sur les connaissances linguistiques. Quels sont les coûts attendus de ces mesures ? Ce budget permettra-t-il d’en couvrir l’intégralité ?

Enfin, le codéveloppement fait, pour la première fois, l’objet d’un programme budgétaire à part entière, mais il est rattaché à la mission « Aide publique au développement ». D’un strict point de vue budgétaire, cela ne soulève pas de difficultés car le secrétaire général du ministère en sera le responsable. Toutefois, pour une meilleure appréhension des moyens de la politique dont le ministre a la charge, n’aurait-il pas été préférable de rattacher ce programme à la mission « Immigration, asile et intégration » ?

M. Thierry Mariani a rappelé que la revue générale des politiques publiques a pour objet de rationaliser les dépenses de l’État. Est-il envisagé dans ce cadre de s’intéresser aux dispositifs actuels d’intégration des étrangers, notamment aux interférences éventuelles entre l’ANAEM et l’ACSE pour la délivrance de formations linguistiques ? Est-il prévu de revoir ce dispositif d’intégration à l’occasion de la mise en place des structures du ministère ?

Par ailleurs, le programme 303 ne prévoit pas les crédits destinés au développement de l’application « Réseau mondial visa ». Pourquoi ces crédits ne sont-ils pas rattachés à la mission « Immigration, asile et intégration », ce qui serait pourtant le plus logique ?

Enfin, dans un certain nombre de consulats, on délivre des visas à plus de 90 %. Autant il existe des endroits où il faut être ferme et vigilant, autant dans des pays comme l’Afrique du Sud et la Russie, cette formalité apparaît superflue au regard du faible risque migratoire. Les contraintes imposées, en particulier dans le cadre du passage à la biométrie, risquent de faire fuir une partie de la clientèle touristique. Ne conviendrait-il pas de revoir, dans le cadre des discussions européennes, l’obligation de visa pour certains pays ?

M. Serge Blisko a souhaité interroger plus particulièrement le ministre sur les questions relatives à l’asile, dont les crédits représentent la moitié du total des crédits d’intervention de son ministère.

Le projet de loi de finances pour 2008 repose sur la prévision d’une réduction de 10 % du nombre de demandeurs d’asile l’an prochain, avec un budget de l’OFPRA en diminution de 2 257 000 euros par rapport à la loi de finances initiales pour 2007. Mais comment peut-on être aussi précis dans un contexte géopolitique qui ne met pas un abri d’une crise qui pourrait au contraire entraîner un surcroît de demandeurs d’asile ?

Le groupe SRC restera vigilant à l’égard de l’autonomie budgétaire de la CRR à l’horizon 2009, puisque ce sujet devrait être abordé l’an prochain.

S’agissant des CADA, on comprend mal le glissement qui est prévu des plates-formes associatives vers l’ANAEM. Cette dernière est-elle appelée à gérer l’ensemble des plates-formes ? Est-on assuré que cela représentera une économie ? Ne s’agit-il pas en fait d’une forme d’ostracisme vis-à-vis d’un certain nombre d’associations qui font un excellent travail ?

Si l’on ne peut que se réjouir que l’on soit passé en quelques années de 7000 à 20 000 places dans les CADA, on sait que ces créations sont insuffisantes et que ces centres sont rapidement saturés, d’autant qu’ils sont obligés de consacrer un certain nombre de places à l’hébergement d’urgence. On a dit souvent que les demandeurs d’asile « embolisaient » les structures d’urgence et il n’est guère conforme à la convention de Genève qu’ils se retrouvent dans des centres pour SDF.

Enfin, il semble qu’il soit prévu qu’une subvention de l’ACSE de 3 millions d’euros sera destinée au financement de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Pourtant, lors du débat de 2007, Mme Béatrice Pavy, rapporteure spéciale de la commission des Finances, s’était vu promettre que l’ensemble du financement incomberait au ministère de la culture. Cela semblerait d’autant plus justifié que l’on montrerait ainsi que l’histoire de l’immigration se distingue clairement de la politique d’immigration.

Mme George Pau-Langevin s’est étonnée d’un budget en stagnation par rapport aux crédits antérieurement consacrés à l’immigration, l’asile et l’intégration des étrangers, alors que la création d’un ministère traitant de ces questions semblait montrer la volonté de leur donner une importance accrue. Sans doute le ministre expliquera-t-il que des gains de productivité et des redéploiements sont possibles mais on voit mal comment il pourrait mener une politique plus active si ses crédits stagnent.

Par ailleurs, si l’exécution des reconduites à la frontière est meilleure, l’augmentation des dépenses de personnel devrait être bien supérieure. On peut donc s’interroger sur l’effectivité de la politique qui a été annoncée.

Lors de l’examen du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, certains sénateurs avaient proposé de ramener à quinze jours la durée de la formation à la langue française. Si la commission mixte paritaire, qui vient de se réunir, est revenue à deux mois, c’est au motif que les formations devront être complètes et bien faites. Or, on ignore quels crédits sont destinés à ces actions, qui devraient concerner 19 000 personnes. Qu’adviendra-t-il en particulier de la partie qui n’est pas prise en charge par l’ANAEM ?

On ne voit pas davantage où sont les crédits qui permettront de mener les bilans de compétences instaurés lors du débat.

On peut aussi s’interroger sur le financement des tests ADN dont on a tant parlé. S’il devait être assuré par l’augmentation des frais de timbre, serait-il bien raisonnable d’accroître à l’excès le coût de l’immigration régulière ?

Enfin, alors que chacun s’accorde à considérer que le codéveloppement et la véritable solution, comment ne pas être déçu par les crédits insignifiants affectés à cette politique, qui ne permettront d’engager aucune action véritablement importante ?

M. Philippe Goujon s’est réjoui du caractère ambitieux des objectifs que s’est fixés le gouvernement en matière d’éloignement mais a souligné que cela supposait une augmentation des capacités des centres de rétention administrative. L’ouverture d’un certain nombre de places supplémentaires est-elle prévue en 2008 ? Un nouveau plan triennal d’investissement est-il envisagé pour assurer l’hébergement de tous ceux qui sont en voie d’éloignement ?

M. Éric Ciotti a rappelé que le ministre a tracé les contours de l’administration qui sera directement rattachée à son ministère et placée sous l’autorité de Patrick Stéfanini. Mais pour garantir la pérennité de cette administration, il convient de lui trouver des locaux. Quelle sera la stratégie du ministère en la matière, en particulier afin de regrouper la Direction de la population et des migrations et l’ANAEM ?

Mme Marie-Line Reynaud a relevé qu’à la plupart des autorisations d’engagements et des crédits de paiement évoqués par le ministre correspondent des programmes européens. Comment entend-il obtenir un abondement des fonds européen pour le retour et pour les frontières extérieures ? A-t-il par ailleurs l’intention de mobiliser les autres fonds européens destinés à l’accueil, à l’hébergement et au droit d’asile ?

En réponse aux intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

—  les crédits consacrés à l’action budgétaire de garantie du droit d’asile représentent 50 % de ceux de la mission. Le montant de 304,5 millions d’euros s’inscrit dans la continuité de l’évolution des crédits qui s’établissaient en 2006, subvention OFPRA comprise, à 364,8 millions d’euros. La baisse est la conséquence de la diminution du nombre de demandes d’asile ainsi que de la réduction progressive des délais de procédure ;

—  le taux de reconduite effective à la frontière est un sujet de préoccupation. Il ne dépasse quasiment jamais 30 %, 2006 ayant en effet été une année record avec 29,5 %, contre 27 % en 2005. Il y a eu 23 831 reconduites en 2006 contre 11 692 en 2003. Il faut s’attaquer résolument aux causes de ces difficultés. Cela suppose en premier lieu d’améliorer les capacités de représentation des préfectures devant le juge des libertés et de la détention. Pendant longtemps les représentants de l’État qui en avaient la charge n’étaient pas les plus performants et les préfectures ont ainsi subi des revers procéduraux. Dans plusieurs départements, comme le Rhône, le Nord et le Puy-de-Dôme, les choses ont commencé à bouger : on fait appel à des réservistes de la police ou de la gendarmerie et on professionnalise les fonctionnaires. Il faut ensuite engager une réforme de fond afin de confier le contentieux de l’éloignement à une seule juridiction. C’est un sujet qui pourrait faire l’objet d’un assez large accord. Aujourd’hui, pour des questions de procédure, les décisions prises par les juges des libertés et de la détention viennent parfois un peu perturber les mesures d’éloignement, ce qui est source d’inefficacité. Un débat sera ouvert à ce propos, avec la création d’un groupe de travail. Enfin, le taux de délivrance des laissez-passer consulaires est parfois très insatisfaisant. Même si l’on a des relations anciennes et amicales avec certains pays, force est de constater que les choses ne fonctionnent pas, par exemple avec la Tunisie dans le département du Rhône et avec le Maroc dans le Nord et dans les Alpes-Maritimes. Il faut donc, en direction des États les moins coopératifs, une politique très claire, qui a commencé à être menée, en liaison avec le Quai d’Orsay ;

—  le coût du contrat d’accueil et d’intégration familial a été évalué à 0,5 million d’euros et celui des formations linguistiques à l’étranger à 2,8 millions. Ces sommes seront couvertes par une revalorisation de l’attestation d’accueil dont le montant est perçu par l’ANAEM, la recette supplémentaire attendue s’élevant à 3,6 millions d’euros. Par ailleurs, la subvention de l’ANAEM sera maintenue. Le bilan de compétences doit pour sa part être couvert par les ressources propres de l’ANAEM ;

—  le codéveloppement fait l’objet pour la première fois d’un programme budgétaire à part entière mais il est rattaché à la mission « Aide publique au développement ». Aurait-il été préférable de le rattacher à la mission « Immigration, asile et intégration » ? La réflexion s’était d’abord orientée en ce sens, mais, dans le cadre de la LOLF, la solution retenue a semblé plus cohérente. Le Président de la République a voulu faire du codéveloppement un axe important de la coopération internationale, il est donc logique de lier ce programme à la mission consacrée à cette politique. À l’origine, le Quai d’Orsay souhaitait que l’on institue un droit de tirage. Il aurait néanmoins été néfaste que les interlocuteurs étrangers du ministre chargé du codéveloppement aient l’impression qu’aucun crédit ne venait soutenir l’idée de codéveloppement. On est donc parvenu à une solution équilibrée, avec un budget identifié qui n’est peut-être pas très important mais qui n’est pas négligeable, auquel s’ajoute un droit de tirage, par exemple pour les opérations engagées au Gabon et au Sénégal et pour celles qui le seront prochainement au Congo et au Bénin. Cela fait de ce programme le troisième acteur de l’aide publique au développement, ce qui se traduira d’ailleurs par le partage entre les trois ministères du secrétariat permanent du comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Le programme 301 est constitué en grande partie de crédits ouverts sur le programme de la DGCID et consacrés au codéveloppement ;

—  la revue générale des politiques publiques a pour objectif de rationaliser les dépenses de l’État quand cela est possible. Elle est coordonnée par M. Claude Guéant, secrétaire général de la Présidence de la République. La deuxième phase de ses travaux concernant le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement sera consacrée au volet relatif à l’intégration de ses compétences. En réalité, la future administration centrale du ministère fait une large place à l’intégration et la citoyenneté, un service ou une sous-direction devant être consacré aux objectifs des politiques publiques, même s’il y aura forcément moins à faire dans une administration en cours de constitution ;

—  même si le Quai d’Orsay considère que cela relève pour partie des consulats, on peut en effet s’étonner que les crédits de développement de l’application « Réseau mondial visa » ne soient pas rattachés au ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement ;

—  l’idée d’un assouplissement de l’obligation de visa pour les pays où le risque migratoire est inexistant paraît bonne. Il faut en parler avec les partenaires européens de la France au sein de l’espace Schengen ;

—  la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, que le ministre a eu l’occasion de visiter avant son ouverture au public, exerce une mission essentielle pour la compréhension de ce qu’est la France du XXIe siècle. Un financement de 2,7 millions d’euros a été alloué directement par la direction de la population et des migrations dans le cadre du budget du ministère. La Cité reçoit par ailleurs des crédits en provenance de la mission « Ville et logement » et de la mission « Culture ». Son président, M. Jacques Toubon, n’a pas semblé insatisfait des dotations prévues ;

—  le nombre des demandes d’asile a diminué de 10 % en 2005, de 35 % en 2006 et de 14 % au cours des neuf premiers mois de 2007. Une hypothèse assez prudente d’une diminution de 10 % a été retenue pour 2008 et, de toute manière, les réserves de productivité de l’OFPRA lui permettraient de faire face à une diminution moindre, ses effectifs étant restés stables depuis trois ans alors que la demande a chuté de moitié ;

—  l’objectif n’est pas de supprimer les plates-formes associatives mais de mieux coordonner leurs actions avec celles des plates-formes de l’ANAEM. L’État n’a pas vocation à financer des structures privées alors que son principal opérateur est un établissement public qui peut faire le même travail à un coût moindre ;

—  la priorité est que tous les demandeurs d’asile qui le souhaitent puissent être hébergés dans des CADA. Aujourd’hui, 26 % des places sont occupées par des déboutés ou par des réfugiés. Il faut qu’elles soient libérées pour être affectées aux seuls demandeurs d’asile dont la demande est en cours d’instruction. L’objectif est de ne plus accueillir de demandeurs d’asile dans des centres d’hébergement de droit commun. À Paris, où il n’y a pas de CADA intra-muros, l’hébergement en hôtel coûte 45 millions d’euros.

M. Serge Blisko a alors précisé que la Ville de Paris souhaitait la construction d’un CADA sur son territoire.

Poursuivant ses réponses, le ministre a observé que Mme George Pau-Langevin s’était montrée particulièrement négative dans ses appréciations alors que ce budget devait être jugé à l’aune des résultats qu’il aura produits dans un an. Il a en outre déduit de ses propos qu’elle semblait considérer qu’il n’y avait pas assez de moyens pour lutter contre l’immigration clandestine.

Mme George Pau-Langevin a indiqué qu’elle avait voulu mettre en lumière le décalage entre les mesures annoncées et les moyens qui y sont effectivement consacrés.

Le ministre a souligné qu’il s’agissait de domaines dans lesquels on pouvait faire beaucoup pour peu que l’on en ait la volonté et que l’on sache mobiliser les services. Ainsi, dans la lutte contre les filières d’immigration irrégulière, le nombre des interpellations de passeurs a augmenté de 156 % entre 2002 et 2006, les résultats pour 2007 devant être communiqués dans les prochains jours.

Par ailleurs il est très difficile de savoir combien il y aura de tests ADN. Le gouvernement travailliste britannique en a réalisé 12 000. Compte tenu des particularités françaises, on en atteindra peut-être 1000 à 1500 en 2008. Il convient de souligner que de tels tests sont réalisés en Espagne, pays dirigé par le gouvernement sans doute le plus à gauche d’Europe.

Mme George Pau-Langevin a observé que, dans ce pays, on avait préalablement procédé à une très importante régularisation.

Le ministre a répondu que les membres du gouvernement espagnol récusaient l’idée de « régularisation », lui préférant, compte tenu des particularités de leur économie et de leur démographie, celle de « normalisation » qui signifie que la mesure ne concerne pas tout le monde – à la différence de ce qui a été fait en France en 1997 – mais seulement ceux qui disposent d’un contrat de travail. Cela étant, il ne faut pas jeter la pierre à ceux qui ont pensé de bonne foi, à un moment donné, que la solution était de remettre les compteurs à zéro. Simplement, il faut reconnaître que cela n’a pas fonctionné.

M. Christophe Caresche a rappelé qu’en 1997, le gouvernement d’alors avait appliqué des critères de régularisation puisque, sur 150 000 candidats, 80 000 seulement l’avaient été. Et le système mis en place avait effectivement fonctionné, puisque le précédent ministre de l’intérieur a usé et abusé des dispositions de la loi de 1998.

Le ministre a expliqué que cette régularisation n’avait pas fonctionné tout simplement parce qu’elle avait créé un appel d’air, le nombre des demandes ayant été multiplié par quatre entre 1997 et 2002.

—  S’agissant du coût des tests ADN, le ministre a rappelé que M. Robert Badinter - qui, au vu de la teneur des débats, avait fait au Sénat une intervention plutôt mesurée - avait indiqué qu’il avait découvert sur Internet qu’il était possible de réaliser de tels tests pour 80 euros. Si l’on retient plutôt un coût moyen de 150 euros, 150 000 euros seront nécessaires. Il ne s’agit donc pas d’une dépense massive et elle sera couverte en partie par les crédits des frais de justice et en partie par ceux du ministère de l’immigration ;

—  le codéveloppement, qui se voit pour la première fois doté d’un programme budgétaire, bénéficie de 60 millions d’euros en autorisation d’engagements et de 29 millions d’euros en crédits de paiement, contre 9 millions d’euros en 2007, noyés dans la mission « Action extérieure de l’État ». Sans doute pourrait-on faire encore mieux, mais le triplement des crédits méritait d’être signalé ;

—  l’exécution du plan triennal en faveur des centres de rétention administrative permettra d’atteindre fin 2008 l’objectif de 2 400 places. Il faudra attendre les conclusions de la révision générale des politiques publiques en cours pour envisager de donner une suite à ce plan ;

—  la future localisation du ministère est en cours d’analyse avec le ministère du budget. Plusieurs hypothèses d’implantation sont envisagées à Paris et en proche banlieue. Actuellement, le ministère est installé rue de Grenelle et un bâtiment voisin fait l’objet de travaux particulièrement importants. Si le coût est raisonnable, il pourrait être envisagé d’y regrouper une partie des services, à condition que Bercy, qui est toujours enclin à envoyer les autres en banlieue mais qui montre peu l’exemple, l’accepte ;

—  le Fonds européen pour les frontières extérieures est destiné à financer Frontex, mais force est de constater que le système ne fonctionne pas. Chaque État annonce qu’il affectera des moyens à ce programme, mais rien ne se concrétise dans les faits. Ainsi, l’Espagne ne peut compter que sur elle-même pour assurer la surveillance des Canaries. Pour sa part, la France a respecté son engagement en affectant un Falcon 500 de la marine nationale, mais il faudra bien un jour faire le bilan de ce programme.

Mme George Pau-Langevin a rappelé qu’en dépit de la courtoisie du ministre, le résultat de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’asile et à l’intégration, ainsi que la présentation des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » faisaient de cette journée un mauvais jour pour l’immigration.

*

* *

Après le départ du ministre, la Commission a examiné les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2008.

Sur proposition de M. Éric Diard, rapporteur pour avis, elle a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.

PERSONNES ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

• Responsables de services appelés à constituer l’administration centrale du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement :

— M. Jean-Pierre GUARDIOLA, sous-directeur des étrangers et de la circulation transfrontalière ;

— M. Patrick BUTOR, directeur de direction de la population et des migrations, en compagnie de Mme Laurence BASSANO, sous-directrice accueil et intégration ;

— M. Jean GODFROID, directeur général de l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, en compagnie de Mme Marie-Claude BLANC, directrice générale adjointe ;

— M. Guy SÉRIEYS, ambassadeur chargé du codéveloppement.

• Office français de protection des réfugiés et apatrides :

— M. Jean-François CORDET, directeur général.

• Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances :

— M. Dominique DUBOIS, directeur général, en compagnie de Mme Blanche GUILLEMOT, directrice générale adjointe.

*

Personnes entendues dans le cadre des auditions effectuées par la rapporteure spéciale de la commission des Finances

• Cabinet du ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement :

— M. Patrick STÉFANINI, conseiller auprès du ministre, futur secrétaire général du ministère ;

— M. Guillaume LARRIVÉ, directeur adjoint du cabinet ;

— M. Yves BENTOLILA, conseiller budgétaire.

• Direction des Français à l’étranger et des étrangers en France :

— M. Alain CATTA, directeur, en compagnie de Mme Odile SOUPISON, chef du service des étrangers en France.

• Direction centrale de la police aux frontières :

— M. le contrôleur général Daniel DUBOIS, sous-directeur « ressources ».

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ACSE : agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances ;

ADOMA : société d’économie mixte, issue de l’ancienne Sonacotra ;

ADP : attributions de produits ;

AGDREF : application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers ;

ANAEM : agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations ;

ARV : aide au retour volontaire ;

ARFS : aide à la réinsertion familiale et sociale ;

ATA : allocation temporaire d’attente ;

CADA : centre d’accueil pour demandeurs d’asile ;

CAI : contrat d’accueil et d’intégration ;

CIMADE : comité intermouvements auprès des évacués ;

CIVIS : contrat d’insertion dans la vie sociale ;

CNHI : cité nationale de l’histoire de l’immigration ;

CPH : centre provisoire d’hébergement des réfugiés ;

CRA : centre de rétention administrative ;

CRR : commission de recours des réfugiés (future Cour nationale du droit d’asile) ;

DILF : diplôme initial de langue française ;

DIV : délégation interministérielle à la ville ;

ETPT : équivalents temps plein travaillés ;

EURODAC : base de données européennes de reconnaissance des empreintes digitales ;

FASILD : fonds d’action et de soutien à l’intégration et à la lutte contre les discriminations ;

FDC : fonds de concours ;

GREGOIRE : projet de base de données à vocation interministérielle ;

LOLF : loi organique relative aux lois de finances (n° 2001-692, du 1er août 2001) ;

LRA : locaux de rétention administrative ;

OFPRA : office français de protection des réfugiés et apatrides ;

PRENAT : application informatique « préfectures / naturalisations » ;

PRIPI : programmes régionaux d’intégration des populations immigrées ;

SSAE : service social d’accompagnement des émigrants (absorbé par l’ANAEM) ;

TRINAT : application informatique « tribunaux / naturalisations » ;

VIS : système d’information visa européen.

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 2003-1119, relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

2 () Loi n° 2006-911, relative à l’immigration et à l’intégration.

3 () La loi du 26 novembre 2003 fait bénéficier les ressortissants des États membres de l’Union européenne d’un droit au séjour privilégié : ils peuvent séjourner et travailler en France sans solliciter de titre de séjour puisqu’ils entrent sur le territoire national sous couvert d’une simple pièce d’identité.

4 () Loi n° 2003-1176, modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile.

5 () Annaba, Bamako, Colombo, Minsk et San Francisco.

6 () Agadir, Bombay, Casablanca, Chisinau, Cotonou, Douala, Fès, Islamabad, Lagos, Le Caire, Lomé, Marrakech, Moroni, Niamey, Nouakchott, Ouagadougou, Rabat, tanger, Tbilissi et Yaoundé.

7 () Loi n° 2005-35, de programmation pour la cohésion sociale.

8 () Loi n° 2006-396, sur l’égalité des chances.

9 () Troisième rapport au Parlement sur les orientations de la politique de l’immigration, établi en application de l’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, décembre 2006, p. 98.

10 () Décret n° 84-310 du 27 avril 1984, modifié par le décret n° 87-844 du 16 octobre 1987.

11 () Circulaire DPM/ACI3/2006/522, relative au dispositif d’aide au retour pour les étrangers en situation irrégulière ou en situation de dénuement.

12 () « Immigration, identité, développement : trois missions étroitement liées », point 3, p. 2, 1er juin 2007.

13 () Décret n° 2007-999, du 31 mai 2007.

14 () Annexe n° 1 (n° 3363), faite par M. Jérôme Chartier au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, 12 octobre 2006, XIIème législature, p. 86.

15 () Rapport d’information n° 353 : « Trouver une issue au casse-tête des visas », Adrien Gouteyron, 27 juin 2007, session ordinaire 2006-2007, p. 61.

16 () Décret n° 2007-399, relatif aux centres d’accueil pour demandeurs d’asile, aux dispositions financières applicables aux établissements et services sociaux et médico-sociaux, et modifiant le code de l’action sociale et des familles.

17 () Conformément à la direction 2003/9/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, relative aux normes minimales d’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres.

18 () Décret n° 2005-617, relatif à la rétention administrative et aux zones d’attente, codifié aux chapitres Ier et III du titre V du livre V de la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile.

19 () A ce jour, une dizaine de vols groupés a pu être menée à bien par la police aux frontières cette année (sept autres l’ayant été par nos partenaires de l’Union européenne) ; à titre de comparaison, 41 avaient été effectués l’an passé.

20 () Décret n° 2006-1388, portant création de l’établissement public de la porte Dorée – cité nationale de l’histoire de l’immigration.

21 () Articles 58 et 59 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

22 () Algérie, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cap Vert, Cameroun, Comores, Congo-Brazzaville, République démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Haïti, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Nigéria, République centrafricaine, Rwanda, Sénégal, Somalie, Surinam, Tchad, Togo, Tunisie, Vietnam.

23 () Sur un montant total de 41,4 millions d’euros, répartis entre les États membres.