Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF

N° 281

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2007.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2008 (n° 189),

TOME VI

OUTRE-MER

PAR M. Didier QUENTIN,

Député.

Voir le numéro : 276 (annexe 27).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses aux questionnaires budgétaires devaient parvenir au rapporteur au plus tard le 10 octobre 2007 pour le présent projet de loi.

À cette date, 75,6 % des réponses étaient parvenues au rapporteur, proportion en hausse par rapport aux deux années précédentes (42 % puis 60,4 % des réponses transmises dans les délais requis). Ces progrès permettent d’espérer que les prescriptions de la loi organique seront pleinement respectées l’an prochain.

INTRODUCTION 7

I.  UN BUDGET CONSOLIDÉ POUR SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT DE L’OUTRE-MER 9

A. UN EFFORT ACCRU DE RATIONALISATION DES STRUCTURES ADMINISTRATIVES 10

B. LA PRIORITÉ ACCORDÉE À L’EMPLOI ET À L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE 12

1. Un soutien maintenu en dépit d’un changement de périmètre budgétaire 12

2. La croissance des dépenses fiscales en faveur de l’outre-mer 13

3. L’amélioration de la situation économique de l’outre-mer 15

C. L’AUGMENTATION DES CRÉDITS DESTINÉS AU LOGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT LOCAL 17

1. Des moyens accrus pour aider les collectivités à poursuivre leur développement économique 18

a) Les dotations de l’État aux collectivités ultramarines 18

b) Le financement de la continuité territoriale 19

c) Les crédits destinés à l’aménagement du territoire 21

2. Les conditions de logement outre-mer : un défi mieux relevé à l’avenir 22

II.  LA POURSUITE DES EFFORTS ENTREPRIS POUR FAIRE RESPECTER LE DROIT OUTRE-MER 24

A. LES SUCCÈS ENREGISTRÉS DANS LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE 24

1. Les résultats encourageants obtenus en 2006 24

2. Le renforcement des moyens disponibles 25

3. L’adaptation du droit aux spécificités ultramarines 27

4. Le développement de l’action diplomatique 27

B. DES FORCES DE L’ORDRE MOBILISÉES FACE À LA DÉLINQUANCE 28

1. L’évolution générale de la délinquance 28

2. Le renforcement progressif des forces de l’ordre 30

3. Le dynamisme du trafic de stupéfiants 33

4. Une vigilance maintenue face au blanchiment d’argent 35

C. UNE JUSTICE DONT LES MOYENS DOIVENT ENCORE ÊTRE DÉVELOPPÉS 36

1. Des juridictions renforcées et mobilisées 36

2. Des prisons trop souvent surpeuplées 38

D. UN CONTRÔLE DE LÉGALITÉ MIEUX PARTAGÉ 40

III.  LA MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE L’OUTRE-MER 42

A. L’ÉVOLUTION DES RÈGLES ÉLECTORALES 42

1. Les modifications résultant de la loi organique du 21 février 2007 pour les collectivités d’outre-mer (COM) 42

a) Saint-Barthélemy et Saint-Martin 42

b) Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon 43

c) La Polynésie française 43

2. Les nouvelles règles introduites par la loi du 21 février 2007 pour les élections européennes outre-mer 44

3. La consolidation du statut constitutionnel dérogatoire de la Nouvelle-Calédonie 45

B. LES NOUVEAUX POUVOIRS NORMATIFS DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D’OUTRE-MER (DOM-ROM) 47

1. Une révolution constitutionnelle enfin mise en œuvre 47

2. Les étapes conduisant à des dérogations législatives décidées localement 48

3. Les nécessaires garanties politiques et juridiques apportées par le Parlement 50

a) Les garanties juridiques 50

b) Les garanties politiques 50

C. LA RÉNOVATION STATUTAIRE DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER (COM) ET DES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES 51

1. Les nouveaux statuts de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon 52

a) Le nouveau statut de Mayotte 52

b) Le nouveau statut de Saint-Pierre-et-Miquelon 53

2. La création de deux nouvelles COM : Saint-Barthélemy et Saint-Martin 54

a) Le respect des règles constitutionnelles applicables à cette réforme statutaire 54

b) Les caractéristiques des nouveaux statuts 55

c) Les éventuelles incidences communautaires de ce changement 56

3. Une modernisation encore inachevée : les institutions des îles Wallis et Futuna 56

4. Les changements apportés au statut des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et de l’île de Clipperton 59

a) L’extension du territoire des TAAF 59

b) Les changements affectant les institutions des TAAF 60

c) Le nouveau régime législatif des TAAF 60

d) L’adoption d’un statut pour l’île de Clipperton 61

EXAMEN EN COMMISSION 63

MESDAMES, MESSIEURS,

Trop souvent ignoré ou présenté comme une charge héritée du passé, l’outre-mer constitue au contraire une chance et un atout pour la France. Sa beauté naturelle, sa richesse écologique, le sens de l’accueil et de l’hospitalité de ses populations offrent bien sûr des opportunités économiques et touristiques exceptionnelles. Mais surtout, nos territoires ultramarins permettent à notre pays de rayonner dans le monde et expriment, mieux que d’autres espaces, la capacité de notre nation à mettre sa diversité humaine au service d’un avenir commun. L’aspiration au développement et à la prospérité économique de nos concitoyens d’outre-mer ne peut être satisfaite sans soutien financier, parce qu’il faut compenser les handicaps géographiques, prendre en compte les réalités démographiques, sociales et culturelles, corriger les déséquilibres territoriaux, ou encore surmonter les fragilités économiques. Le budget de l’outre-mer témoignera à nouveau, l’an prochain, de cette indispensable solidarité nationale.

En 2008, près de 1,73 milliard d’euros pourra être dépensé dans le cadre de la mission outre-mer, qui ne comporte plus que deux programmes contre trois précédemment – les changements de périmètre budgétaire compliquant toute comparaison avec l’enveloppe globale des 1,96 milliard d’euros de crédits de paiement prévus l’année précédente. En réalité, le budget de l’outre-mer est globalement reconduit et permettra même, grâce à un effort de rationalisation administrative, d’engager des sommes plus importantes pour financer les priorités gouvernementales. Comme en 2007, près de 60 % des crédits de la mission seront ainsi consacrés à la politique de l’emploi. Cet effort doit être poursuivi car, s’il a baissé de presque 23 % en cinq ans, le taux de chômage des départements d’outre-mer (DOM) reste plus du double de celui de la métropole, situation qui n’est pas acceptable. Par ailleurs, l’augmentation de 13,8 % et de 10 % des crédits respectivement destinés au logement social et à l’aménagement du territoire témoigne de la détermination du Gouvernement à soutenir un développement équilibré des espaces ultramarins.

L’effort des services de l’État pour faire respecter la loi dans les collectivités ultramarines porte ses fruits. La mobilisation des forces de l’ordre, le renforcement de leurs moyens et l’adaptation de notre arsenal législatif ont permis en 2006 d’enregistrer d’excellents résultats dans la lutte contre l’immigration clandestine, puisque les éloignements ont progressé de 35 % dans les DOM et de 73 % à Mayotte. Cette activité accrue a mécaniquement conduit à une légère hausse des statistiques générales de la délinquance outre-mer, qui reflète mal le véritable recul de l’insécurité : en réalité, grâce à une hausse des effectifs de policiers et de gendarmes, la délinquance de voie publique et les violences aux personnes y ont respectivement baissé de 11,7 % et de 3,6 %. Seules l’augmentation importante des infractions à la législation sur les stupéfiants et l’aggravation de la surpopulation carcérale conduisent à nuancer un bilan largement positif s’agissant du respect de l’État de droit outre-mer.

Enfin, l’examen du budget de l’outre-mer doit être l’occasion, pour la commission des Lois, de revenir sur les nombreuses évolutions qui affectent actuellement les institutions de l’outre-mer. Il convient en effet de rappeler que le Parlement a adopté, au cours de l’année écoulée, d’importants projets conférant de nouveaux pouvoirs normatifs aux départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM), rénovant les statuts de Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, ou encore des Terres australes et antarctiques françaises, et créant ceux de deux nouvelles collectivités d’outre-mer (COM), Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Ces nombreux changements, qu’il convient à présent de mettre en œuvre, se sont également accompagnés d’une modernisation de nombreuses règles électorales dans les COM. Enfin, la Constitution a été révisée pour clarifier durablement les règles applicables à la définition du corps électoral pour les élections provinciales et au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, la préservation de la paix civile demeurant primordiale.

I.  UN BUDGET CONSOLIDÉ POUR SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT DE L’OUTRE-MER

Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit de consacrer 1,73 milliard d’euros à la mission « outre-mer », dont le périmètre et la présentation budgétaire ont été modifiés dans un souci de simplification. L’examen de ces crédits montre ainsi que le ministère de l’outre-mer poursuit et amplifie l’effort de rationalisation des structures administratives engagé au cours des dernières années. Cette démarche rigoureuse ne remet nullement en cause le financement des dispositifs de soutien à l’emploi et à l’activité économique – pour lesquels près de 60 % des crédits de la mission seront encore engagés cette année. Elle s’accompagne, au surplus, d’une augmentation des crédits destinés au logement social, mais aussi à l’aménagement et à la continuité du territoire.

Il convient toutefois de rappeler que l’effort budgétaire de l’État en faveur de l’outre-mer ne se limite pas aux crédits de la seule mission outre-mer. Ainsi, l’ensemble des crédits de paiement engagés par l’État pour l’outre-mer devrait atteindre 12,84 milliards d’euros en 2008 (1), contre 12,63 milliards d’euros l’année précédente (2), ce qui représente une progression de 1,7 %. Bien que le Gouvernement s’efforce d’aider toutes les collectivités à rattraper le niveau de développement de la métropole, l’effort de l’État par habitant est mécaniquement plus important dans les collectivités présentant une faible population et des contraintes géographiques exceptionnelles, telles que Saint-Pierre-et-Miquelon ou les îles Wallis et Futuna (voir tableau ci-après).

EFFORT DE L’ÉTAT DANS LES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES (3)

Collectivité

Effort de l’État
en 2007

(en millions d’euros)

Effort de l’État
en 2008

(en millions d’euros)

Effort de l’État par habitant en 2008
(en euros)

PIB par habitant (4)
(en euros)

Guadeloupe (5)

2 265

2 300

4 762

15 202

Martinique

1 754

1 702

4 255

17 858

Guyane

1 169

1 137

5 629

10 926

La Réunion

3 898

3 892

4 957

15 270

Saint-Pierre-et-Miquelon

61

54

8 816

26 286

Mayotte

402

397

2 079

3 194

Polynésie française

1 374

1 369

5 269

16 124

Nouvelle-Calédonie

1 161

1 136

4 803

19 829

Wallis et Futuna

95

128

8 565

n.d.

Sources : Document de politique transversale du projet de loi de finances pour 2008 et ministère de l’outre-mer

A. UN EFFORT ACCRU DE RATIONALISATION DES STRUCTURES ADMINISTRATIVES

La politique gouvernementale de maîtrise de la dépense publique a vocation à s’appliquer outre-mer comme en métropole. Elle ne doit pas remettre en cause les instruments qui permettent de soutenir efficacement le développement de l’outre-mer, mais impose de dégager des économies en réorganisant l’administration et en la dotant de meilleurs outils de gestion.

Pour ce faire, le ministère chargé de l’outre-mer effectue déjà des efforts, afin de contrôler l’évolution de sa masse salariale. Ainsi, le nombre d’agents qu’il emploie est passé de 4 901 personnes en 2006 à 4 895 personnes en 2007, grâce à la suppression de six emplois (deux en administration centrale et quatre dans les hauts-commissariats des collectivités de l’océan Pacifique). Ces suppressions, qui ont concerné le programme « intégration et valorisation de l’outre-mer » (voir infra), contribuent à l’effort national de réduction des effectifs et au respect d’une règle de non-renouvellement d’un départ à la retraite sur deux.

Par ailleurs, la gestion des crédits de la mission « outre-mer » a progressé en rigueur : au 31 décembre 2006, 98,3 % des crédits de paiement de la mission avaient été consommés (chiffre équivalent à celui du 31 décembre 2005, mais supérieur au taux de consommation de 88,6 % enregistré le 31 décembre 2004), ce qui signifie que les besoins réels avaient bien été anticipés. La volonté exprimée par le Parlement, lors du vote de la loi de finances initiale, a été mieux respectée, car les mesures de régulation budgétaire intervenues pendant l’année 2006 sont restées limitées : 2,8 millions d’euros destinés à l’aménagement du territoire ont été annulés et 13,4 millions d’euros ont été reportés sur l’année 2007, tandis que 30 millions d’euros supplémentaires ont été ouverts au titre de la lutte contre le virus chikungunya à La Réunion. En outre, les crédits du programme « emploi outre-mer » ont été réorientés vers le soutien à l’emploi des jeunes et au secteur marchand, tandis que les charges impayées ont été progressivement résorbées.

La même volonté de rationalisation conduit aujourd’hui à simplifier la répartition des crédits au sein de la mission « outre-mer » : alors que celle-ci comptait encore trois programmes distincts dans la loi de finances pour 2007, elle n’en compte plus que deux dans le projet de loi de finances pour 2008 :

—  le programme « emploi outre-mer », qui finance divers dispositifs de soutien à l’emploi outre-mer (telles que les exonérations de cotisations patronales propres aux DOM, les aides à la formation professionnelle ou le service militaire adapté) ;

—  le programme « conditions de vie outre-mer », qui finance le développement économique, social et culturel des collectivités ultramarines, afin de rapprocher leur situation de celle de la métropole.

L’ancien programme « intégration et valorisation de l’outre-mer », qui regroupait les crédits finançant certaines dotations aux collectivités territoriales, la coopération régionale ou le fonctionnement des administrations centrale et déconcentrées (6), est donc supprimé. Les crédits correspondants sont désormais inscrits dans la mission « administration générale et territoriale de l’État » (7) et directement gérés par le ministère chargé de l’Intérieur – comme l’étaient déjà les crédits destinés aux préfectures des DOM-ROM. Ce rapprochement est cohérent pour des crédits qui partagent la même finalité et s’inscrit bien, à cet égard, dans l’esprit de la loi organique n° 2001-192 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il devrait permettre une meilleure mutualisation des moyens des différentes administrations au sein d’une enveloppe budgétaire commune.

Par ailleurs, la gestion de certains dispositifs de soutien à l’emploi et à la formation professionnelle dans les DOM-ROM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, est désormais confiée au ministère de l’économie et des finances plutôt qu’au ministère chargé de l’outre-mer. Ces aides qui, dans le précédent budget, relevaient de l’action « mesures d’insertion et aides directes à l’emploi » au sein du programme « emploi outre-mer », seront financées en 2008 par 158 millions d’euros en crédits de paiement. Là encore, le regroupement proposé permettra à une même autorité de disposer d’une vue globale et de l’ensemble des moyens pour conduire, outre-mer comme en métropole, une politique de l’emploi plus efficace.

Cette simplification budgétaire devrait s’accompagner d’une meilleure organisation administrative, permettant de mieux intégrer les préoccupations de l’outre-mer à la prise de décision politique au niveau national.

Le choix de rattacher directement l’outre-mer au ministère chargé de l’intérieur témoigne de la volonté de réaffirmer, sur le plan administratif, l’unité nationale et de sensibiliser à la prise en compte des enjeux ultramarins un plus grand nombre de responsables politiques et de fonctionnaires de l’État – la prise en compte des spécificités de chaque collectivité restant assurée au sein du secrétariat d’État à l’outre-mer. Par ailleurs, un conseil interministériel pour l’outre-mer, présidé par le Président de la République, devrait être prochainement créé afin d’améliorer, en liaison avec les autorités préfectorales, le pilotage des politiques publiques et la gestion des crédits destinés à l’outre-mer. Cette vigilance renforcée pour utiliser plus efficacement les deniers publics est bien en phase avec les conclusions de divers audits de modernisation publiées au cours du premier semestre de l’année 2007, s’agissant notamment de la politique du logement social outre-mer.

B. LA PRIORITÉ ACCORDÉE À L’EMPLOI ET À L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

1. Un soutien maintenu en dépit d’un changement de périmètre budgétaire

L’outre-mer français est confronté à des fragilités économiques particulières, du fait de ses contraintes géographiques (telles que l’éloignement de la métropole, l’insularité ou un relatif isolement), de son dynamisme démographique, des difficultés de formation, de la prédominance de l’emploi public et des services, ainsi que de l’étroitesse du marché intérieur. Ces handicaps justifient pleinement la mise en place de dispositifs économiques dérogatoires, destinés à soutenir l’activité et l’emploi dans ces collectivités. De telles aides ne doivent pas consister uniquement en des transferts financiers passifs au titre de la solidarité nationale, mais doivent avoir pour effet de dynamiser réellement les investissements, la production et les échanges, c’est-à-dire l’économie marchande.

Cette approche économique explique que 1,01 milliard d’euros, soit 58,3 % de l’ensemble des crédits de paiement de la mission outre-mer, soit affecté aux politiques de l’emploi. L’enveloppe est certes inférieure à celle qui était inscrite dans le précédent budget (1,15 milliard d’euros), mais il convient de souligner que cette différence résulte d’un changement de périmètre budgétaire : le ministère de l’économie et des finances sera chargé, en 2008, de gérer 158 millions d’euros d’aides à l’emploi, crédits qui étaient auparavant inscrits dans la mission « outre-mer ».

L’effort public engagé pour aider les ultramarins à retrouver le chemin de l’emploi sera en réalité accru : 867 millions d’euros pourront être dépensés en 2008 pour y réduire le coût du travail, contre 834,9 millions d’euros en 2007, ce qui représente une progression de 3,8 % de ces crédits. Il convient de rappeler que ces mesures, prévues par la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, ont été approuvées à nouveau par la Commission européenne le 18 juillet 2007. Elles consistent, pour l’État, à assurer aux organismes de sécurité sociale la compensation des pertes de recettes qu’entraînent les exonérations de cotisations patronales (8), dont bénéficient les entreprises employant moins de onze salariés dans les départements d’outre-mer (DOM) et à Saint-Pierre-et-Miquelon. À la fin du premier trimestre 2007, ce dispositif concernait 28 449 entreprises et 167 512 salariés, soit environ 23 % de la population active des DOM, ce qui est considérable.

Bien que les mesures d’aide à l’emploi ne relèvent plus, en 2008, de la mission « outre-mer », l’examen de ce budget doit, bien entendu, être l’occasion d’évoquer leur évolution. Elles ont été opportunément recentrées sur le secteur marchand : alors que 42 % des 29 305 nouveaux contrats signés en 2006 concernaient le secteur marchand, cette proportion atteint 50,5 % des 28 353 contrats supplémentaires dont l’ouverture est prévue en 2007 (pour un coût de 182,4 millions d’euros).

Cette évolution profite au congé solidarité, mais aussi au contrat d’accès à l’emploi dans les DOM (CAE-DOM), aide favorisant les petites entreprises qui embauchent des titulaires du RMI ou des jeunes adultes ayant bénéficié d’un contrat emploi-jeune. Votre rapporteur se félicite que le nombre de bénéficiaires du CAE-DOM, principale aide à l’emploi en secteur marchand, ait augmenté de 9 % en 2006. Cette progression se confirmera sans doute pour l’année 2007, grâce à l’ouverture de 3 795 nouveaux contrats, pour un coût de 17,3 millions d’euros. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2008 maintient à un niveau presque constant (111 millions d’euros, contre 114 millions d’euros l’année précédente) les crédits de paiement qui pourront être consacrés au service militaire adapté (SMA), dispositif qui consiste à offrir chaque année une formation professionnelle à 2 900 volontaires âgés de 18 à 26 ans – formation qui se conclut par une insertion professionnelle pour 75 % d’entre eux.

2. La croissance des dépenses fiscales en faveur de l’outre-mer

Plus largement, les dépenses fiscales engagées par la Nation au profit de l’outre-mer, dans les conditions définies par la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, tendent globalement à augmenter. En 2006, ces dépenses se sont élevées :

* s’agissant de la fiscalité indirecte :

—  à 1,01 milliard d’euros pour le régime de TVA propre aux DOM (9), contre 930 millions d’euros en 2005 ;

—  à 120 millions d’euros pour l’exclusion des DOM du champ d’application de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), contre 130 millions d’euros en 2005 ;

* s’agissant de la fiscalité directe :

—  à 250 millions d’euros pour les réductions de cotisations à la charge des contribuables dans les DOM, contre 230 millions d’euros en 2005 ;

—  à 200 millions d’euros pour la réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements locatifs et de la réhabilitation de logements situés outre-mer, contre 170 millions d’euros en 2005 ;

—  à 450 millions d’euros pour la réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements productifs outre-mer, contre 340 millions d’euros en 2005 ;

—  à 140 millions d’euros pour la déduction de l’impôt sur les sociétés des investissements productifs outre-mer, contre 170 millions d’euros en 2005.

Dans les DOM, le montant des investissements agréés pour bénéficier des mesures de défiscalisation prévues par la loi de programme pour 2003 s’est élevé à 489,5 millions d’euros en 2006, ce qui représente une progression de 73 % par rapport à l’année précédente (282,9 millions d’euros en 2005) et permet de dépasser le bon chiffre de 464 millions d’euros atteint en 2004. Ces avantages fiscaux devaient permettre en 2006 de créer directement 727 emplois (10) dans les DOM – dont plus de la moitié à La Réunion, comme en 2005 –, contre 511,5 l’année précédente (voir tableau ci-après). La concentration des créations d’emplois dans les secteurs des transports (33,8 % des créations) et de l’industrie (27,8 % des créations) s’est encore accentuée en 2006 (11).

IMPACT DES MESURES DE DÉFISCALISATION DES INVESTISSEMENTS
DANS LES DOM

DOM concernés

Montant des investissements agréés
(en millions d’euros)

Variation par rapport à 2005

Prévision d’emplois directement
créés en 2006

Variation par rapport à 2005

Guadeloupe

118,2

+ 87,4 %

89

+ 23,6 %

Martinique

122,3

+ 58,5 %

151

+ 29,6 %

Guyane

61,8

+ 213,1 %

107

+ 98,1 %

La Réunion

187,2

+ 52,2 %

380

+ 41,3 %

Total DOM

489,5

+ 73 %

727

+ 41 %

Par ailleurs, les investissements aidés ont augmenté dans les secteurs de l’hôtellerie et surtout des télécommunications (le montant des investissements y est passé de 16 à 79 millions d’euros en deux ans), mais ont diminué dans les secteurs de la pêche et des énergies renouvelables. Votre rapporteur regrette particulièrement cette dernière diminution, alors même que ce secteur innovant dispose bien souvent d’un fort potentiel de croissance outre-mer, pour des raisons géographiques.

La commission nationale d’évaluation de la loi de programme pour l’outre-mer, composée de 22 parlementaires et de 6 représentants de l’État, a été installée par le ministre de l’outre-mer le 5 juillet 2006 et a remis au Premier ministre, au mois de décembre 2006, un rapport d’étape estimant trop précoce une véritable évaluation de l’impact des mesures de défiscalisation. Ce rapport a néanmoins préconisé de clarifier les modalités et de réduire les délais d’instruction des dossiers de défiscalisation. Ces objectifs ont été partiellement atteints, puisque les deux instructions fiscales manquantes ont été publiées le 30 janvier 2007 et que la liste des pièces à fournir en annexe aux instructions fiscales a été publiée le 9 mars 2007 et complétée le 11 juin 2007.

La prochaine loi de programme pour l’outre-mer prévoit de rénover les règles de défiscalisation en mettant en place des « zones franches globales d’activité », comprenant des exonérations dont l’importance variera selon les collectivités et les secteurs d’activité. Elle devrait toutefois conforter la démarche d’évaluation qui avait débuté, en créant une commission nationale d’évaluation des politiques de l’État, qui sera placée auprès du ministre chargé de l’outre-mer et offrira un cadre consolidé aux travaux engagés en 2006.

3. L’amélioration de la situation économique de l’outre-mer

S’il est difficile de savoir précisément dans quelle mesure les dispositions incitatives de la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 sont liées à l’amélioration de la situation économique des espaces ultramarins, il est indéniable que d’importants progrès ont été obtenus dans ce domaine, notamment dans le secteur marchand. Les emplois créés dans les DOM sont désormais plus nombreux : les effectifs salariés y ont augmenté de 5,9 % en 2006 (contre 1,5 % en métropole). L’économie de la plupart des collectivités ultramarines s’est caractérisée par une hausse des activités (nettement perceptible en Guadeloupe, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie), en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics et celui du tourisme, tandis que la pêche et l’agriculture rencontrent des difficultés. Certes, l’épidémie de virus chikungunya a entraîné une forte baisse du nombre de touristes à La Réunion et à Mayotte (respectivement de 31,8 % et de 19,7 %), mais l’importance des investissements publics a permis de préserver la croissance économique de ces collectivités.

La concentration de l’effort public sur le secteur de l’emploi apparaît judicieuse, compte tenu de la persistance d’un niveau élevé de chômage dans les DOM et à Mayotte – le taux de chômage est plus de deux fois supérieur à celui de la métropole. Dans ce domaine, les diverses mesures de soutien à l’activité et à l’emploi mises en place depuis 2002 ont déjà produit des résultats incontestables : entre le mois de juin 2002 et le mois de juin 2007, le taux de chômage moyen a été ramené de 25,4 % à 19,6 % de la population active dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le bilan le plus encourageant concerne La Réunion, puisque le chômage y est passé de 28,1 % à 19 % de la population active, soit une baisse de près d’un tiers, entre juin 2002 et décembre 2006. Le bilan est en revanche moins positif à la Martinique et, surtout, en Guadeloupe, où le taux de chômage a légèrement progressé au cours de cette même période et s’élevait encore à 24 % de la population active en décembre 2006 (voir tableau ci-après).

Dans le cas particulier de Mayotte, l’amélioration relative de la situation de l’emploi n’a pas remis en cause deux fortes spécificités locales : l’importance du chômage de longue durée – 76 % des chômeurs mahorais le sont depuis plus d’un an (contre 30 % en métropole) –, ainsi que les difficultés des femmes à trouver un emploi – deux chômeurs sur trois sont des femmes alors que ces dernières ne représentent d’un tiers de la population active mahoraise.

TAUX DE CHÔMAGE DANS LES DOM, À SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON ET À MAYOTTE

Collectivité

Juin 2002

Décembre 2004

Décembre 2005

Décembre 2006

Guadeloupe

23,8 %

24,4 %

24,5 %

24 %

Martinique

23,8 %

23,7 %

23,1 %

21,8 %

Guyane

20,4 %

20,1 %

20,1 %

18,3 %

La Réunion

28,1 %

22,2 %

21 %

19 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

6,9 %

8,8 %

7,9 %

7,8 %

Mayotte

31,4 %

29,4 %

29 %

25,6 %

Total DOM + Saint-Pierre-et-Miquelon

25,4 %

22,8 %

22,2 %

20,8 %

Par ailleurs, bien qu’elles soient incomplètes, les données fiscales communiquées à votre rapporteur semblent témoigner, par l’augmentation du rendement des prélèvements obligatoires, d’un réel dynamisme économique ou de l’enrichissement d’une partie de la population ultramarine. Ainsi, dans les collectivités d’outre-mer (COM), le produit de la fiscalité (dans laquelle les impôts indirects sont, en règle générale, majoritaires) et des taxes parafiscales tend à augmenter en 2006. Cette hausse atteint 3 % en Polynésie française, 5,1 % dans les îles Wallis et Futuna et, pour la seule fiscalité indirecte, 6,6 % à Mayotte (12). Par ailleurs, dans les DOM, le nombre de déclarations déposées en vue d’acquitter l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui avait déjà progressé de 27,3 % en 2005, a encore augmenté de 21,7 % en 2006, année au cours de laquelle 2 494 contribuables ont été concernés.

Enfin, la politique visant à stimuler l’activité économique outre-mer permet d’y réduire l’importance des phénomènes d’exclusion sociale. Ainsi, le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI) dans les DOM, qui s’était stabilisé en 2005 après plusieurs années d’augmentation, a commencé à diminuer en 2006, passant de 155 055 à 154 177 personnes (13). Ces dernières perçoivent une allocation moyenne de 400 euros (contre 384 euros en métropole) et représentent 8,4 % de la population des DOM (contre 1,8 % en métropole).

C. L’AUGMENTATION DES CRÉDITS DESTINÉS AU LOGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT LOCAL

La gestion plus rigoureuse des crédits destinés au fonctionnement du ministère de l’outre-mer devrait permettre de renforcer en 2008 le financement du logement social, mais aussi de l’aménagement et du développement des espaces ultramarins.

1. Des moyens accrus pour aider les collectivités à poursuivre leur développement économique

a) Les dotations de l’État aux collectivités ultramarines

Le développement des économies ultramarines ne peut être durablement obtenu que s’il résulte d’une dynamique propre à chaque collectivité, lui permettant de valoriser ses atouts géographiques et humains. La recherche d’efficacité commande donc à l’État d’orienter une part croissante de ses soutiens financiers vers les collectivités elles-mêmes, à charge pour ces dernières, au vu de leur connaissance précise des réalités locales, de financer les investissements les plus prometteurs pour l’avenir.

Le ministère de l’outre-mer est chargé de la gestion d’une partie des dotations versées par l’État aux collectivités ultramarines. La légère progression des crédits qu’il leur versera à ce titre s’inscrit donc dans cette logique d’efficacité économique : le ministère de l’outre-mer leur consacrera 315,9 millions d’euros de crédits de paiement en 2008, contre 312,4 millions d’euros l’année précédente. Selon les informations transmises à votre rapporteur, l’enveloppe consacrée à la dotation globale de fonctionnement (DGF) devrait progresser de 2,1 % en 2008, tandis que les crédits destinés à la dotation globale d’équipement (DGE) et à la dotation d’équipement scolaire devraient augmenter de 2,6 % par rapport à 2007.

Il convient de rappeler que la DGF versée aux collectivités ultramarines a déjà progressé sensiblement en 2006 et 2007, les règles de calcul de cette dotation étant, depuis 2005, plus favorables outre-mer qu’en métropole. D’une manière globale, la DGE a quelque peu diminué et la dotation générale de décentralisation (DGD) légèrement augmenté en 2007, même si l’évolution de ces deux dotations apparaît plus contrastée selon les catégories de collectivités territoriales concernées (voir tableau ci-après).

ÉVOLUTION DES PRINCIPALES DOTATIONS DE L’ÉTAT
AUX COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES
(EN MILLIONS D’EUROS)

Dotation

2005

2006

2007

Évolution
2006-2007

DGF (14) des communes d’outre-mer

545,2

564,4

584,3

+ 3,5 %

DGF des départements d’outre-mer

655,6

674,4

696,7

+ 3,3 %

DGF des régions d’outre-mer

58,4

61,1

64   

+ 4,7 %

DGF de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

23   

24,1

25,3

+ 5 %   

DGE (15) des communes d’outre-mer

16,6

17,4

17,8

+ 2,3 %

DGE des départements d’outre-mer

16   

13,1

9,4

- 28,2 %

DGE de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

1,9

0,9

2,9

+ 222,2 %

DGD (16) des départements d’outre-mer

37,9

38,6

25,2

- 34,7 %

DGD des régions d’outre-mer

1   

19,9

34,7

+ 74,4 %

Par ailleurs, le versement des dotations aux collectivités territoriales tend à s’accélérer dans les COM : alors qu’en 2006, ces collectivités devaient attendre en moyenne 101 jours pour que le montant de ces dotations leur soit notifié, ce délai devrait être ramené à 41 jours en 2007, ce qui constitue un progrès considérable pour la gestion des finances locales.

b) Le financement de la continuité territoriale

Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit également que 54,2 millions d’euros en crédits de paiement seront affectés à la continuité territoriale, contre 54 millions d’euros en 2007.

Cette politique vise à faciliter la desserte aérienne et maritime interne à certaines collectivités archipélagiques (telles que Saint-Pierre-et-Miquelon ou les îles Wallis et Futuna) et, surtout, à favoriser le désenclavement des collectivités ultramarines par rapport à la métropole. En effet, l’exiguïté de ces collectivités, leur faible population et leur isolement géographique ne permettent pas aux compagnies aériennes de proposer, par le simple jeu des règles du marché, des tarifs accessibles à leur population pour les liaisons avec la métropole. Or, cette mobilité géographique est une expression concrète de la volonté des Français de métropole et d’outre-mer de vivre ensemble. Il s’agit donc d’une politique essentielle, à laquelle les populations d’outre-mer sont d’ailleurs très attachées.

Le passeport mobilité, mis en place en 2002 et régi par un décret de 2004 (17), est l’un des deux principaux instruments de cette politique. Cette aide permet ainsi de financer les voyages en métropole des étudiants de moins de 26 ans et des jeunes qui veulent y suivre une formation professionnelle. En 2006, les crédits consacrés au passeport mobilité ont atteint 19,5 millions d’euros et ont bénéficié à 15 341 étudiants et 6 767 jeunes en formation.

La pérennité de ce dispositif pour les années à venir impliquera toutefois qu’il soit réformé pour en maîtriser le coût et mieux contrôler les règles d’éligibilité. En effet, du fait de l’évolution du prix du pétrole et de l’augmentation du nombre de demandes en provenance de Mayotte, le coût moyen du passeport mobilité dont ont bénéficié les étudiants ultramarins est passé de 951 euros en 2005 à 1 117 euros en 2006 et devrait atteindre 1 173 euros en 2007.

Par ailleurs, les ROM, les COM et la Nouvelle-Calédonie perçoivent, en vertu de l’article 60 de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, une dotation de continuité territoriale qui leur permet de réduire le coût, pour leur population, des liaisons aériennes avec la métropole. Les règles d’utilisation de cette dotation ont été adaptées par la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer et permettent désormais au DOM de se substituer à la ROM, lorsque celle-ci ne s’est pas engagée dans le dispositif, mais aussi, sous certaines conditions, d’aider les non résidents.

L’évolution de cette dotation est positive pour l’année 2007, puisque les crédits inscrits à ce titre pour les collectivités progressent de 27,3 % et s’élèvent à 32,6 millions d’euros (dont 2 millions d’euros pour la Guyane, qui ne participait pas au dispositif auparavant), contre 25,6 millions d’euros en 2006 et 22 millions d’euros en 2005 (voir tableau ci-après). Les élus de l’outre-mer appellent toutefois l’État à rapprocher l’effort accompli pour la continuité territoriale outre-mer de celui, beaucoup plus important, qui est engagé au profit d’une collectivité métropolitaine telle que la Corse.

ÉVOLUTION DE LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE DE 2005 À 2007

Collectivité

Dotation versée en 2005
(en milliers d’euros)

Dotation versée
en 2006

(en milliers d’euros)

Dotation inscrite
en 2007 
(18)
(en milliers d’euros)

Guadeloupe

6 064

6 057

6 224

Martinique

4 816

3 371

5 172

Guyane

0

0

2 026

La Réunion

1 423

5 893

8 602

Mayotte

1 619

1 665

1 740

Saint-Pierre-et-Miquelon

124

122

120

Wallis et Futuna

291

280

299

Nouvelle-Calédonie

3 494

3 952

4 112

Polynésie française

4 204

4 147

4 332

Total outre-mer

22 034

25 598

32 628

c) Les crédits destinés à l’aménagement du territoire

Les crédits de paiement finançant les politiques d’aménagement du territoire mises en œuvre outre-mer atteindront 110 millions d’euros en 2008, contre 100 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2007. La progression des soutiens que l’État prévoit d’accorder atteint 12,6 % pour les autorisations d’engagement, qui devraient passer de 119 millions d’euros en 2007 à 134 millions d’euros en 2008.

Ces politiques, qui jouent un rôle déterminant pour encourager les investissements en matière d’infrastructures, de développement durable et de recherche scientifique, sont largement soumises aux orientations arrêtées par voie de convention entre l’État et les collectivités. Or, de nouveaux documents contractuels ont été signés par l’État et les collectivités ultramarines en 2007 :

—  dans les DOM-ROM, de nouveaux contrats de projets doivent succéder, pour la période 2007-2013, aux contrats de plan État-région (CPER) qui couvraient la période 2000-2006. Ces nouveaux documents ont été signés entre les mois de février et d’août 2007 (19) et visent, conformément au comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT) du 6 mars 2006, à concentrer les aides publiques sur les projets d’aménagement les plus favorables à l’attractivité des territoires. L’aménagement du territoire des DOM-ROM devrait ainsi bénéficier, au cours de cette période, d’un soutien public qui s’élève au total à 1,48 milliard d’euros, dont 47,6 % seront versés par l’État (20;

—  dans certaines COM et en Nouvelle-Calédonie, de nouveaux contrats de développement ont été conclus pour fixer les futures orientations de la politique d’aménagement du territoire, selon des modalités qui varient en fonction des particularités statutaires des différentes collectivités. Ainsi, le contrat conclu le 8 juin 2007 entre l’État et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon prévoit 43,1 millions d’euros de soutiens publics pour la période 2007-2013, contre 30,7 millions d’euros dans le précédent contrat de plan. La politique d’aménagement du territoire des îles Wallis et Futuna est désormais déterminée, pour la période 2007-2011, par un contrat de développement signé le 20 février 2007, qui prévoit 41,9 millions d’euros de soutien publics, ce qui est là aussi supérieur aux 39,4 millions d’euros inscrits dans le précédent contrat de développement. Enfin, en Nouvelle-Calédonie, la participation de l’État aux contrats de développement couvrant la période 2006-2010 est fixée à 393,4 millions d’euros, contre 376,7 millions d’euros dans la précédente génération de contrats de développement.

Il convient toutefois de rappeler qu’au-delà de ces politiques contractuelles, une partie des crédits destinés à l’aménagement du territoire outre-mer peut être engagée par l’État pour financer des projets économiques plus ponctuels, subventionner certains projets écologiques ou de recherche, ou encore soutenir le développement ou la mise en place d’infrastructures dans certaines collectivités ultramarines (21).

2. Les conditions de logement outre-mer : un défi mieux relevé à l’avenir

Les élus ultramarins dénoncent à juste titre la persistance outre-mer de conditions de logement trop souvent dégradées. Il convient de rappeler qu’entre 1998 et 2003, le nombre de logements insalubres, s’il a légèrement reculé en Martinique et à La Réunion (respectivement de 9,1 % et de 3,7 %), a légèrement progressé en Guadeloupe (de 5 %) et, surtout, a augmenté de 42,2 % à Mayotte et de 30 % en Guyane – où la Cour des Comptes estime aujourd’hui (22) que 69 000 logements sont insalubres.

Certes, ces résultats insuffisants trouvent en partie leur origine dans l’importante proportion de la population au chômage ou bénéficiant de faibles revenus, ainsi que dans le dynamisme démographique de l’outre-mer – dont la croissance démographique est en moyenne quatre fois plus élevée que celle de la métropole et dont 43 % de la population est âgée de moins de 20 ans. Ces réalités sociologiques expliquent l’existence de besoins croissants en matière de logement, mais ne justifient en rien la situation actuelle. Ce constat appelle au contraire une plus grande mobilisation de l’État pour rattraper le retard pris, depuis longtemps, dans la construction et la rénovation de logements sociaux.

Comme l’a souligné M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, lors de son audition par la Commission le 23 octobre dernier (23), le Gouvernement est conscient de la gravité de ce problème, qui a été vivement soulignée par les députés ultramarins lors de cette réunion. L’État va donc engager de nouveaux efforts pour tenter de le résoudre – ce qui nécessitera une action durable. Ainsi, après avoir augmenté de 3 % dans la loi de finances pour 2007, les crédits de paiement destinés au logement social progresseront plus fortement en 2008, passant de 175,7 à 200 millions d’euros, ce qui représente une hausse de 13,8 %. Par ailleurs, l’extension en 2007 (24) du plan de cohésion sociale (25) aux DOM-ROM devrait conduire à construire, améliorer ou réhabiliter 12 500 logements sociaux par an (26) dans ces collectivités au cours de la période 2007-2009, ce qui est considérable.

Votre rapporteur regrette toutefois que les indicateurs relatifs à la politique transversale du logement outre-mer ne comportent presque aucune information – les données étant présentées comme « non disponibles » dans le document de politique transversale (DPT) relatif à l’outre-mer. Cette situation n’est pas acceptable, car elle ne permet pas d’analyser correctement les résultats obtenus dans ce domaine outre-mer. Elle devra impérativement être corrigée pour le prochain budget, afin que le Parlement dispose enfin, sur cette question, de l’ensemble des moyens requis pour exercer sa fonction de contrôle de la bonne utilisation des deniers publics.

II.  LA POURSUITE DES EFFORTS ENTREPRIS
POUR FAIRE RESPECTER LE DROIT OUTRE-MER

Le respect des règles de droit s’impose pour l’État comme pour les citoyens, en tout point du territoire de la République, aussi éloigné qu’il soit du siège du Gouvernement. Cet impératif constitue assurément un défi pour nos espaces ultramarins, confrontés à des contraintes régionales particulières, notamment en matière d’immigration irrégulière ou de trafic de stupéfiants. Aussi le Gouvernement y engage-t-il, le plus souvent avec succès, des moyens croissants pour lutter contre l’ensemble des formes de délinquance et pour permettre à la justice d’assurer plus sereinement ses missions.

A. LES SUCCÈS ENREGISTRÉS DANS LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

Si l’immigration clandestine demeure massive dans certains territoires ultramarins, les pouvoirs publics se sont réellement donné les moyens de faire face à cette situation, en renforçant la présence des forces de l’ordre et en les dotant de nouveaux matériels, mais aussi en adaptant certaines règles de droit commun aux difficultés constatées sur place et en tentant de conclure des accords de coopération avec les États voisins de ces collectivités.

1. Les résultats encourageants obtenus en 2006

L’immigration clandestine constitue une réalité sociale majeure dans certaines collectivités ultramarines, parce qu’elle y a pris des proportions inconnues en métropole. Bien qu’elle soit par nature difficile à quantifier, la population des étrangers en situation irrégulière est estimée à 50 000 personnes (soit presque 30 % de la population) à Mayotte, 40 000 personnes (soit 25 % de la population) en Guyane et à 10 000 personnes en Guadeloupe. Ces immigrés clandestins, attirés par le niveau de vie des ultramarins français, vivent en règle générale dans un habitat très précaire, voire insalubre (bidonvilles à Mayotte, par exemple), alimentent sur place une économie souterraine, ainsi que certaines formes de délinquance, ce qui provoque de nombreuses tensions sociales dans ces collectivités.

Le Gouvernement a mis en œuvre ces dernières années une action vigoureuse pour combattre l’immigration irrégulière outre-mer et a rencontré dans cette lutte d’incontestables succès. Ainsi, le nombre d’immigrés clandestins qui ont été effectivement éloignés, après être passé de 6 909 en 2004 à 7 854 en 2005 (soit une hausse de 13,7 %), a poursuivi et même accéléré son augmentation : ce chiffre atteint 10 605 personnes en 2006, soit une hausse de 35 % par rapport à l’année précédente (voir tableau ci-après).

ÉVOLUTION DES ÉLOIGNEMENTS D’ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE OUTRE-MER DE 2004 À 2006

Collectivité

Éloignements exécutés en 2004

Éloignements exécutés en 2005

Éloignements
exécutés en 2006

Variation 2005-2006 du nombre d’éloignements

Guadeloupe

1 083

1 253

1 964

+ 56,7 %

Martinique

466

603

432

- 28,4 %

Guyane

5 318

5 942

8 145

+ 37,1 %

Réunion

42

56

64

+ 14,3 %

Total DOM

6 909

7 854

10 605

+ 35 %

Mayotte

8 599

7 655

13 253

+ 73,1 %

Nouvelle-Calédonie

n.d.

10

8

- 20 %

Polynésie française

n.d.

13

19

+ 46,2 %

Saint-Martin (27)

n.d.

234

289

+ 23,5 %

Les collectivités les plus affectées par l’immigration irrégulière sont précisément celles dans lesquelles la progression des éloignements est la plus sensible en 2006. Celle-ci atteint en effet 37,1 % en Guyane (soit 8 145 éloignements exécutés, contre 5 942 l’année précédente), 56,7 % en Guadeloupe (soit 1 964 éloignements, contre 1 253) et, surtout, 73,1 % à Mayotte. Dans cette dernière collectivité, le nombre d’éloignements, après avoir baissé de 11 % en 2005 du fait de la suppression temporaire des reconduites par voie maritime, est ainsi passé de 7 655 à 13 253 personnes, ce qui constitue un résultat exceptionnel à l’échelle nationale : 27,8 % des 47 716 éloignements exécutés en France en 2006.

2. Le renforcement des moyens disponibles

L’évolution très favorable du nombre d’immigrés clandestins reconduits dans leur pays d’origine en 2006 est le fruit d’un effort portant sur les moyens humains et matériels des forces de l’ordre.

Ainsi, 83 fonctionnaires supplémentaires ont rejoint la police aux frontières (PAF), dont les effectifs approchent 1 000 agents au 1er janvier 2007, ce qui représente une hausse de près de 9 % en un an. Ces renforts ont principalement été affectés en Guyane et aux Antilles – où Saint-Martin bénéficiera en outre d’un nouveau local de rétention administrative et, à compter du 1er janvier 2008, d’un redéploiement des effectifs de la PAF de Saint-Barthélemy. L’augmentation des moyens en personnels est particulièrement nette à Mayotte, où les effectifs de la PAF, après avoir augmenté de 23,9 % au cours de l’année 2005, ont bondi de 56,8 % l’année suivante, pour atteindre 138 personnes au 1er janvier 2007. Dans le même temps, les effectifs de la gendarmerie territoriale de Mayotte, stables à 107 personnes au 1er janvier 2006, ont été portés à 121 personnes un an plus tard (soit une hausse de 13,1 %).

La mobilisation des pouvoirs publics a également concerné les moyens matériels à la disposition des forces de l’ordre engagées dans la lutte contre l’immigration irrégulière. Celles-ci devraient ainsi disposer de centres de rétention administrative plus adaptés, ce qui facilitera une gestion plus efficace et plus humaine des éloignements : l’agrandissement et la réhabilitation des centres de Guadeloupe et de Guyane sont engagés, tandis que la construction d’un nouveau centre est étudiée à Mayotte.

À Mayotte, les outils dont disposent les policiers et les gendarmes pour intercepter les flux migratoires entrant sur le territoire français par voie maritime s’améliorent considérablement. Même si les passeurs venus de l’île comorienne d’Anjouan s’efforcent de contourner cette surveillance, les deux radars implantés au Nord et à l’Ouest de la Grande Terre en novembre 2005 et avril 2006 permettent de localiser de nombreuses embarcations. Ce dispositif devrait être complété vers la fin du premier semestre 2008 par l’implantation d’un troisième radar de surveillance maritime couvrant la partie Est de l’île. S’il se réjouit de ces initiatives, votre rapporteur tient à souligner l’intérêt de développer également l’utilisation de radars mobiles, permettant de surprendre les manœuvres de contournement des passeurs, bien informés de la localisation des radars fixes.

Cette technologie moderne ne peut produire tous ses effets que si les forces de l’ordre disposent d’un nombre suffisant de vedettes pour intercepter les embarcations repérées. Pour ce faire, la PAF de Mayotte a reçu deux nouvelles vedettes en 2005 et au début de l’année 2007, auxquelles devraient s’ajouter deux nouvelles vedettes semi-rigides d’interception à la fin de l’année 2007. La même logique a conduit à doter de deux nouvelles vedettes la gendarmerie maritime et la gendarmerie territoriale de l’archipel, respectivement à la fin du premier semestre de l’année 2005 et à la fin du premier semestre de l’année 2007.

L’action combinée de ces différents moyens a permis d’enregistrer à Mayotte des résultats très encourageants en 2006 et 2007. Ainsi, le nombre d’embarcations interceptées est passé de 59 en 2005 à 100 en 2006 (dont 76 avec l’assistance technique des radars) et 89 pour le seul 1er semestre de l’année 2007. De même, le nombre de passeurs arrêtés est passé de 64 en 2005 à 140 en 2006 (2 229 clandestins ont été interpellés à cette occasion) et 127 pour les six premiers mois de l’année 2007 (2 249 clandestins interpellés).

3. L’adaptation du droit aux spécificités ultramarines

Les progrès enregistrés dans la maîtrise des flux migratoires outre-mer ont également été facilités par la récente mise en place d’un arsenal juridique spécifique dans les collectivités confrontées à une importante immigration clandestine.

Ainsi, le volet ultramarin de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a adapté le droit commun aux contraintes migratoires particulières existant dans certaines collectivités. Les principales mesures retenues dans ce cadre – souvent à titre provisoire – sont les suivantes :

—  en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte, les forces de l’ordre peuvent désormais, le long des côtes et des axes routiers fréquentés par les immigrés clandestins, procéder à des vérifications d’identité et à la visite sommaire des véhicules, dont le fonctionnement peut être neutralisé en cas d’infraction avérée à la police des étrangers – en Guyane, les pirogues utilisées pour le transport d’immigrés clandestins dans la forêt amazonienne peuvent être détruites ;

—  en Guadeloupe, le dépôt par l’étranger d’un recours en annulation contre une mesure d’éloignement n’en suspend plus de plein droit l’exécution, comme c’était déjà le cas en Guyane, à Saint-Martin et à Mayotte ;

—  à Mayotte, les conditions d’enregistrement des mariages et des reconnaissances de paternité ont été revues pour lutter contre les nombreuses fraudes affectant l’état civil, tandis que la répression du travail dissimulé a été facilitée par l’allègement des conditions de contrôle de l’activité des employés de maison et l’alourdissement des amendes administratives encourues par les employeurs fautifs. Dans cette dernière collectivité, pour faciliter l’identification des étrangers en situation irrégulière, le contrôle des titres d’identité et de séjour a été renforcé pour les transports non urbains et le relevé des empreintes digitales des étrangers non admis autorisé. Pour la même raison, le délai de placement en rétention administrative des étrangers en situation irrégulière a été doublé.

Par ailleurs, les dispositions du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, adopté le 22 octobre 2007 par le Parlement et bientôt promulgué, ont été rendues expressément applicables à l’ensemble de l’outre-mer, sous réserve des adaptations auxquelles le Gouvernement a été autorisé à procéder par ordonnances dans les COM et en Nouvelle-Calédonie.

4. Le développement de l’action diplomatique

Alors que la France a longtemps tardé à mettre en place une coopération avec les pays d’où proviennent les étrangers en situation irrégulière, de nombreux accords ont été conclus au cours des trois dernières années avec les États voisins des collectivités ultramarines les plus affectées par l’immigration clandestine.

Ainsi, des accords de réadmission ont été conclus avec le Suriname le 30 novembre 2004, avec Sainte-Lucie le 23 avril 2005, avec la Dominique le 8 février 2006 et avec l’île Maurice le 2 avril 2007 – la signature du Guyana étant également attendue pour la conclusion d’un tel accord, dont la négociation avait débuté en 2001. Des négociations sont également en cours avec la Barbade sur un accord de même nature, la France ayant fait de sa passation une condition pour accepter que les ressortissants de ce pays soient exemptés de visa de court séjour lorsqu’ils pénètrent dans la partie française de l’île de Saint-Martin.

La coopération policière progresse également, notamment avec le Brésil, ce qui est indispensable. En effet, la frontière guyanaise devra être mieux contrôlée au plus tard à la fin de l’année 2009, lorsque la rivière frontalière Oyapock pourra être franchie par un nouveau pont à Saint-Georges. S’agissant encore de la Guyane, un accord de coopération transfrontalière en matière policière, conclu avec le Suriname le 29 juin 2006, prévoit des patrouilles communes, des échanges d’information et le détachement d’un fonctionnaire dans le pays voisin. Enfin, à Saint-Martin, l’entrée en vigueur, le 1er août 2007, d’un accord passé en 1994 avec les Pays-Bas permet désormais à des policiers français et néerlandais de contrôler ensemble les aéroports de cette île binationale.

Cette évolution de notre action diplomatique est particulièrement positive, car la coopération avec les pays d’origine de l’immigration clandestine est la meilleure façon de prévenir durablement celle-ci, en perturbant l’organisation des filières en amont. Votre rapporteur estime qu’un recours accru au codéveloppement s’impose pour agir sur les causes profondes de ces flux migratoires et estime essentielles pour la France les actions visant à doter les pays sources d’un état civil plus fiable, compte tenu de l’importance de la fraude documentaire dans certaines régions du monde.

B. DES FORCES DE L’ORDRE MOBILISÉES FACE À LA DÉLINQUANCE

La réduction de l’insécurité dont pâtissent un trop grand nombre de nos compatriotes constitue une priorité gouvernementale, outre-mer comme en métropole. Les forces de l’ordre, grâce à l’augmentation de leurs effectifs et à leur forte implication, ont réussi à faire baisser les violences et la délinquance de voie publique outre-mer, mais, pour des raisons géographiques, la vigilance demeure indispensable dans certaines collectivités ultramarines face à des formes spécifiques de délinquance, telles que le trafic de stupéfiants ou la lutte contre le blanchiment d’argent.

1. L’évolution générale de la délinquance

Si le nombre de crimes et délits enregistrés outre-mer a poursuivi en 2006, avec une hausse de 2,7 %, la faible progression déjà observée les années précédentes, l’indice de criminalité (5,8 %) demeure inférieur à celui de la métropole (6,2 %) – seule la Guyane connaît un indice de criminalité nettement supérieur à la moyenne nationale, même si l’on fait abstraction de la police des étrangers. Cette légère hausse globale provient en réalité de la hausse des infractions constatées à la législation sur les étrangers (qui représentent près de 20 % de l’ensemble des infractions constatées outre-mer (28), contre 16 % en 2005 et, en métropole, seulement 2,3 % en 2006), laquelle résulte d’un renforcement de l’activité policière dans la lutte contre l’immigration clandestine.

En réalité, l’insécurité est bien en recul outre-mer, même si la situation demeure contrastée entre les différentes collectivités (voir tableau ci-après). Ainsi, la délinquance de voie publique a représenté 54 094 faits en 2006, contre 61 268 l’année précédente, soit une baisse de 11,7 %. De même, les atteintes aux biens ont baissé de 8,5 % et concernent 76 126 infractions en 2006, tandis que les atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes ont reculé de 3,6 % pour s’établir à 21 276 infractions. En outre, le taux d’élucidation de ces dernières affaires a progressé de 4,5 points et s’établit désormais à 64,1 %.

NOMBRE DE CRIMES ET DÉLITS COMMIS OUTRE-MER

Collectivité

2004

2005

2006

Évolution 2005-2006

Indice de criminalité

Guadeloupe

28 578

27 882

28 332

+ 1,6 %

6,2 %

Martinique

23 598

22 252

21 585

- 3 %

5,4 %

Guyane

20 552

23 458

24 333

+ 3,7 %

12,4 %

Réunion

34 202

34 177

31 518

- 7,8 %

4 %

Mayotte

13 058

12 911

19 090

+ 47,9 %

9,5 %

Nouvelle-Calédonie

13 274

12 657

13 221

+ 4,5 %

5,7 %

Polynésie française

9 327

10 145

9 262

- 8,7 %

3,6 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

109

82

128

+ 56,1 %

1,8 %

Wallis et Futuna

152

172

97

- 43,6 %

0,6 %

Total outre-mer

142 934

143 743

147 566

+ 2,7 %

5,8 %

Total métropole

3 825 442

3 775 838

3 725 588

- 1,3 %

6,2 %

La délinquance recule à la Martinique (- 3 %), à La Réunion (- 7,8 %), en Polynésie française (- 8,7 %) et dans les îles Wallis et Futuna (- 43,6 %). En revanche, la situation semble se dégrader légèrement en Guadeloupe (+ 1,6 %), en Guyane (+ 3,7 %) et en Nouvelle-Calédonie (+ 5,7 %), ou plus nettement à Mayotte (+ 47,9 %) et à Saint-Pierre-et-Miquelon (+ 56,1 %). Toutefois, si l’on excepte les infractions à la législation sur les étrangers, la délinquance est en baisse de 2,6 % à Mayotte et de 10,7 % en Guyane.

Une analyse plus détaillée des différents types de délinquance montre :

—  une baisse de la délinquance de voie publique, particulièrement marquée (diminution comprise entre 16 et 24 %) à La Réunion, à Mayotte et en Polynésie française, plus modérée (réduction de 9 % à 14 %) dans les départements français d’Amérique. En revanche, les faits constatés en Nouvelle-Calédonie ont augmenté de 4,2 % en 2006.

—  une réduction globale de la délinquance des mineurs. Cette baisse est sensible en Guyane (- 34 %) et en Martinique (- 9,2 %), tandis que seule la Nouvelle-Calédonie connaît, là aussi, une hausse de presque 3 % de cette forme de délinquance en 2006.

Votre rapporteur se félicite de cette évolution générale, satisfaisante dans toutes les collectivités à l’exception de la Nouvelle-Calédonie, où la délinquance devra être mieux contenue à l’avenir.

2. Le renforcement progressif des forces de l’ordre

L’amélioration de la sécurité de nos concitoyens d’outre-mer a pu être obtenue en 2006 grâce au renforcement des effectifs des forces de l’ordre. En effet, leur progression s’est poursuivie en 2006, puisqu’au 1er janvier 2007, 4 633 agents de la police nationale et 4 780 gendarmes étaient présents dans les différentes collectivités, contre respectivement 4 548 et 4 701 l’année précédente (voir tableaux ci-après).

EFFECTIFS DE LA POLICE NATIONALE OUTRE-MER

Collectivité

Effectifs au 1er janvier 2006

Effectifs au 1er janvier 2007

Évolution
2006-2007

Nombre d’habitants par policier au 1er janvier 2007 (29)

Guadeloupe

973

930

- 4,4 %

142,1

Martinique

873

863

- 1,1 %

174,2

Guyane

588

575

- 2,2 %

101,2

Réunion

1 052

1 096

+ 4,2 %

240,8

Mayotte

250

307

+ 22,8 %

147,9

Nouvelle-Calédonie

568

568

stable

160,9

Polynésie française

234

242

+ 3,4 %

115,1

Saint-Barthélemy

Voir Guadeloupe

10

n.d.

Pas de zone police

Saint-Martin

Voir Guadeloupe

32

n.d.

Pas de zone police

Saint-Pierre-et-Miquelon

9

9

stable

Pas de zone police

Wallis et Futuna

1

1

stable

Pas de zone police

Total outre-mer

4 548

4 633

+ 1,9 %

166

EFFECTIFS DE LA GENDARMERIE NATIONALE OUTRE-MER

Collectivité

Effectifs au 1er janvier 2006

Effectifs au 1er janvier 2007

Évolution
2006-2007

Nombre d’habitants par gendarme au 1er janvier 2007 (30)

Guadeloupe

855

732

- 14,4 %

372,7

Martinique

711

711

stable

349,8

Guyane

826

860

+ 4,1 %

167,2

Réunion

800

810

+ 1,2 %

642,1

Mayotte

186

196

+ 5,4 %

594,9

Nouvelle-Calédonie

700

738

+ 5,4 %

188,9

Polynésie française

577

542

- 6,1 %

421,3

Saint-Barthélemy

Voir Guadeloupe

9

n.d.

888,9

Saint-Martin

Voir Guadeloupe

121

n.d.

281

Saint-Pierre-et-Miquelon

31

31

stable

203,7

Wallis et Futuna

30

30

stable

498,1

Total outre-mer

4 716

4 780

+ 1,4 %

362,6

Les collectivités ultramarines qui ont bénéficié de la plus nette amélioration des moyens humains sont, avec une augmentation concomitante des effectifs de police et de gendarmerie, La Réunion (respectivement + 4,2 % et + 1,2 %) et, surtout, Mayotte (respectivement + 22,8 % et + 5,4 %). La Guadeloupe n’a, à l’inverse, guère été favorisée, puisque les effectifs de la police nationale y ont baissé de 4,4 % et ceux de la gendarmerie de 14,4 % en 2006.

Par ailleurs, des efforts ont été accomplis pour :

—  améliorer l’organisation des forces de l’ordre : des groupements d’intervention régionaux (GIR) non permanents ont été réactivés par l’autorité préfectorale à Mayotte et en Martinique, respectivement en février et en mai 2007 (31). Surtout, une structure permanente comprenant 11 personnes a été mise en place le 1er novembre 2006 pour le GIR de Guyane, compte tenu de l’augmentation des problèmes d’insécurité et d’immigration clandestine dans ce DOM. Cette unité, qui a déjà traité une quinzaine de dossiers, est particulièrement chargée de combattre le commerce illégal sur les sites d’orpaillage illégaux, le travail dissimulé, le trafic de produits stupéfiants, l’immigration clandestine, ainsi que les infractions relatives à l’urbanisme et aux marchés publics. Depuis le 1er janvier 2007, cette activité spécifique a abouti à la mise en examen de 33 personnes, dont 19 ont été écrouées.

—  mettre à leur disposition des locaux plus adaptés : un nouveau commissariat a déjà été créé en Guyane pour la PAF (à Saint-Georges) en septembre 2006 et la construction de nouveaux hôtels de police est programmée pour la période 2008-2010 dans les quatre DOM (des études sont notamment en cours pour reconstruire l’hôtel de police de Cayenne).

L’action des forces de l’ordre fait l’objet d’une attention toute particulière en Guyane, où le Gouvernement a engagé en 2006 un audit pour résoudre les importants problèmes de sécurité qui s’y posent. Les effectifs de la police, qui ont déjà progressé de 16,6 % entre le 1er janvier 2003 et le 1er janvier 2007 pour atteindre 575 fonctionnaires, seront encore accrus de 20 fonctionnaires avant la fin de l’année 2007. Ceux de la gendarmerie, accrus en 2006 notamment grâce au redéploiement de 31 gendarmes mobiles installés à Saint-Pierre-et-Miquelon, devraient également poursuivre leur augmentation. En outre, le protocole dit « Toucan » passé le 29 juin 2006 entre le préfet du DOM et le commandant supérieur des forces armées en Guyane permet de mieux affecter ces dernières (32) à diverses missions de sécurité, et notamment à la lutte contre l’orpaillage clandestin – le nombre d’opérations de contrôle « Anaconda » menées en forêt profonde a ainsi atteint 116 en 2006 (et 64 au premier semestre 2007), contre seulement 37 en 2003.

3. Le dynamisme du trafic de stupéfiants

Proche de la seule zone mondiale de production de cocaïne et placée sur les « routes » empruntées par les trafiquants de drogue, la zone des Caraïbes joue un rôle majeur dans le trafic international de produits stupéfiants. La France s’efforce de tenir ses collectivités à l’écart de ces circuits, en multipliant les opérations policières aux Antilles, mais aussi en Guyane. L’augmentation de 31,7 % des infractions constatées en 2006 témoigne de la vigilance des forces de l’ordre, mais aussi de la pression croissante exercée par cet environnement régional sur les départements français d’Amérique. La progression de cette délinquance est particulièrement forte en Guadeloupe (33) (+ 58,3 %) – où le nombre d’infractions dépasse désormais celui de la Martinique, traditionnellement plus élevé –, mais n’épargne ni cette dernière (+ 14,9 %), ni la Guyane (+ 16,4 %) (voir tableau ci-après).

NOMBRE D’INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES PRODUITS STUPÉFIANTS
DE 2003 À 2006 AUX ANTILLES ET EN GUYANE

Département d’outre-mer

2003

2004

2005

2006

Évolution
2005-2006

Guadeloupe

797

757

842

1 333

+ 58,3 %

Martinique

1 757

1 627

982

1 128

+ 14,9 %

Guyane

381

333

378

440

+ 16,4 %

Total DFA (34)

2 935

2 717

2 202

2 901

+ 31,7 %

Les départements français d’Amérique sont aujourd’hui la première zone française de consommation de crack : sur 454 usagers de ce dérivé de la cocaïne interpellés en 2006 en France, 165 l’ont été dans ces collectivités, soit 36,3 % du total national (contre 31 % en 2005 et 28,5 % en 2004).

S’agissant de la répression du trafic, si les saisies de cannabis sont globalement stables et celles de crack ont tendance à diminuer depuis 2004, celles de cocaïne connaissent une progression fulgurante : alors que 389 kilogrammes avaient été saisis en 2004, 2,23 et 7,53 tonnes l’ont été respectivement en 2005 et 2006 – le chiffre a donc été presque multiplié par 20 en deux ans ! Près des trois quarts des saisies de cocaïne effectuées en France en 2006 ont eu lieu dans les départements français d’Amérique (contre 41 % pour les saisies de crack et seulement 1 % pour celles de cannabis), le plus souvent à Saint-Martin ou en Martinique.

Les moyens mis en œuvre par les forces de l’ordre pour combattre ce phénomène inquiétant semblent porter leurs fruits, comme en témoigne le bilan de l’activité de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS), depuis l’ouverture de son antenne en Martinique en juin 2004 (35). Entre cette date et le 31 décembre 2006, 27 organisations criminelles ont été démantelées (dont 11 en 2006), 16 bateaux ont été arraisonnés, 334 individus placés en garde à vue (dont 118 en 2006) et 220 d’entre eux écroués, tandis que plus de 10 tonnes de cocaïne et 1,2 tonne de cannabis étaient saisies. La centralisation des informations par cette antenne de l’OCRTIS, ajoutée à une bonne coopération entre services comme entre États de la zone, a assurément facilité l’interpellation de nombreux trafiquants de drogue.

Une seconde antenne de l’OCRTIS, dépendant de celle de la Martinique, pourrait être créée à Saint-Martin en 2008, grâce au redéploiement des effectifs de l’antenne de police judiciaire de Saint-Martin et au renfort de gendarmes et de douaniers. Cette initiative paraît particulièrement opportune, compte tenu de l’efficacité avérée de ce dispositif pour recouper les renseignements sur le trafic et coordonner l’action des administrations concernées. Par ailleurs, les efforts de formation à la répression de ce trafic sont poursuivis dans le cadre du Centre interministériel de formation antidrogue (CIFAD) qui, en 2006, a organisé 42 stages de formation à Fort-de-France (contre 47 l’année précédente), au profit de près de 1 000 stagiaires – dont plus du tiers provenait des États voisins des Caraïbes ou d’Amérique du Sud.

Compte tenu du dynamisme du trafic international de cocaïne, en particulier à Saint-Martin, votre rapporteur juge indispensable de maintenir une très grande vigilance de tous les services de l’État face à cette délinquance. Les trafiquants se jouant naturellement des frontières, il convient en outre de développer davantage encore les actions de coopération policière et judiciaire avec les États de la région ainsi qu’avec l’Espagne, les Pays-Bas et les États-Unis.

4. Une vigilance maintenue face au blanchiment d’argent

Parmi les collectivités ultramarines, seule celle de Saint-Martin présente un risque particulier au regard du blanchiment d’argent, du fait de son importance touristique et de son rôle de carrefour aérien et maritime, mais surtout de sa géographie. En effet, une industrie du jeu très développée (13 casinos, plusieurs dizaines de millions de dollars de revenu annuel) et non réglementée est présente dans la partie néerlandaise de cette île des Caraïbes, permettant à une multitude de sociétés satellites d’y faire circuler, sans aucun contrôle, d’importantes liquidités en espèces.

L’élaboration de notre législation économique et commerciale, ajoutée à la vigilance de la cellule de coordination interministérielle TRACFIN, permet actuellement à la partie française de l’île de demeurer à l’écart de ces activités douteuses. Le nombre de déclarations de soupçons enregistrées par TRACFIN à Saint-Martin, après avoir augmenté jusqu’en 2005 pour atteindre 69, a d’ailleurs été ramené à 9 en 2006. Toutefois, il est plus que regrettable qu’aucune enquête sur les déclarations reçues jusqu’en 2005 n’ait abouti, du simple fait qu’elles mettaient généralement en cause des non-résidents français (ce qui limitait le champ d’investigation des services d’enquête). Il demeure malgré tout possible d’espérer que la baisse du nombre de déclarations de soupçon, loin de témoigner d’une impuissance ou d’un découragement face au blanchiment, permettra de concentrer les efforts sur quelques enquêtes portant sur les cas les plus avérés, augmentant ainsi la probabilité d’aboutir à des condamnations pénales.

La situation de l’outre-mer dans son ensemble est toutefois plus contrastée vis-à-vis des soupçons de blanchiment. En effet, si le nombre de déclarations de soupçons enregistrées par TRACFIN diminue dans les DOM – il y a été ramené de 413 en 2005 à 261 en 2006, soit une baisse de 36,8 % –, il augmente en revanche dans les collectivités ultramarines de l’océan Pacifique. Ainsi, le nombre de déclarations reçues par TRACFIN est passé, entre 2004 et 2006, de 23 à 50 en Nouvelle-Calédonie, et de 9 à 25 en Polynésie française (voir tableau ci-après).

ÉVOLUTION DES DÉCLARATIONS DE SOUPÇONS REÇUES PAR TRACFIN DE 2004 À 2006

Collectivités

2004

2005

2006

Variation
2005-2006

Guadeloupe

dont Saint-Martin

107

44

247

69

190

7

- 23,1 %

- 89,9 %

Martinique

59

75

60

- 20 %

Guyane

0

1

1

stable

La Réunion

124

90

10

- 88,9 %

Total DOM

290

413

261

- 36,8 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

3

0

0

stable

Mayotte

0

0

0

stable

Nouvelle-Calédonie

23

41

50

+ 22 %

Polynésie française

9

20

25

+ 25 %

Naturellement, il n’est pas certain que ces soupçons correspondent réellement à des activités de blanchiment, ni qu’ils aient une chance sérieuse de conduire à des condamnations. Ces déclarations expriment toutefois une bonne vigilance des pouvoirs publics face à un phénomène difficile à appréhender.

C. UNE JUSTICE DONT LES MOYENS DOIVENT ENCORE ÊTRE DÉVELOPPÉS

Les moyens dont disposent outre-mer les juridictions des ordres judiciaire et administratif ont été renforcés en 2005 et 2006, ce qui a permis d’éviter un allongement excessif de délais de traitement des affaires, en particulier en Guadeloupe. En revanche, la situation des prisons ultramarines demeure préoccupante, la surpopulation carcérale s’y étant nettement aggravée en 2007, alors qu’elle s’était légèrement améliorée l’année précédente.

1. Des juridictions renforcées et mobilisées

Si tous les postes de magistrats judiciaires vacants outre-mer n’ont pas encore été pourvus, plus de 93 % des emplois théoriques sont désormais occupés, grâce à l’affectation de magistrats supplémentaires (six en 2005, puis cinq en 2006).

Certes, dans les tribunaux de grande instance des DOM, le nombre d’affaires correctionnelles terminées a reculé de 3,3 % en 2006, passant de 13 612 à 13 158. Le nombre d’affaires civiles terminées, passé de 23 262 en 2005 à 22 293 en 2006, a également diminué de 4,2 % et demeure inférieur au nombre d’affaires enregistrées (23 386 affaires nouvelles en 2006) – favorisant ainsi l’accroissement du stock de dossiers en instance (voir tableau ci-après).

ÉVOLUTION DE L’ACTIVITÉ CIVILE DES TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE DANS LES DOM

DOM concerné

Affaires enregistrées en 2005

Affaires enregistrées en 2006

Affaires terminées
en 2005

Affaires terminées
en 2006

Variation
2005-2006 du nombre d’affaires terminées

Guadeloupe

6 218

6 330

5 727

5 976

+ 4,3 %

Martinique

5 359

4 933

4 723

4 449

- 5,6 %

Guyane

2 396

2 494

2 208

1 957

- 11,4 %

La Réunion

10 563

9 629

10 604

9 911

- 6,5 %

Total DOM

24 536

23 386

23 262

22 293

- 4,2 %

Ce constat négatif doit toutefois être nuancé :

—  au regard du dynamisme de l’activité du tribunal de grande instance de Basse-Terre (Guadeloupe), qui a augmenté pour la quatrième année consécutive le nombre d’affaires civiles terminées (+ 13,5 % en 2006) ;

—  compte tenu de la baisse de 4,7 % du nombre des affaires civiles enregistrées dans les DOM en 2006, cette diminution étant donc plus rapide encore que celle des affaires civiles terminées.

Les moyens des tribunaux administratifs se renforcent progressivement outre-mer, puisque l’effectif global des magistrats administratifs y a augmenté en 2006, pour la deuxième année consécutive. Ainsi, le tribunal administratif de Basse-Terre (Guadeloupe) bénéficie d’un magistrat administratif supplémentaire depuis 2005 (36), de même que celui de Cayenne (Guyane) depuis 2006 (37). L’augmentation apparaît justifiée au vu de l’augmentation des contentieux administratifs dans le cas de la Guyane, où le nombre de recours enregistrés a crû de près de 12 % en 2006. Ces effectifs renforcés ont été maintenus pour l’année 2007.

Grâce à ces moyens et à l’implication de ces agents publics, le nombre d’affaires terminées dans les DOM a légèrement augmenté (+ 0,9 %) en 2006 et demeure nettement supérieur au nombre d’affaires enregistrées (3 941 contre 3 562), ce qui permet de réduire le nombre de dossiers en instance, écourtant d’autant l’attente des requérants (voir tableau ci-après).

ÉVOLUTION DE L’ACTIVITÉ DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS DANS LES DOM

DOM concerné

Affaires enregistrées
en 2005

Affaires enregistrées
en 2006

Affaires terminées
en 2005

Affaires terminées
en 2006

Variation 2005-2006 du nombre d’affaires terminées

Guadeloupe

1 257

1 195

1 282

1 583

+ 23,5 %

Martinique

585

722

625

718

+ 14,9 %

Guyane

412

461

632

624

- 1,3 %

La Réunion

1 249

1 184

1 368

1 016

- 25,7 %

Total DOM

3 503

3 562

3 907

3 941

+ 0,9 %

Votre rapporteur se félicite de ces évolutions favorables et estime que la hausse de près de 80 % du nombre de recours déposés en Martinique entre 2003 et 2006, qui semble se poursuivre en 2007, devrait conduire prochainement à renforcer les effectifs du tribunal administratif de Fort-de-France, le cas échéant par redéploiement.

2. Des prisons trop souvent surpeuplées

Malgré les efforts engagés pour accroître leurs capacités d’accueil, la situation des prisons demeure préoccupante outre-mer. En effet, leur taux moyen d’occupation atteint 147,9 % au 1er juillet 2007, contre 127,9 % un an plus tôt (voir tableau ci-après). Cette aggravation de la surpopulation carcérale s’explique largement par l’augmentation sensible du nombre de détenus, puisque celui-ci est passé, sur la même période, de 3 890 à 4 379 personnes, soit une hausse de 12,6 %. Le manque de places est particulièrement marqué à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, où le taux d’occupation moyen est compris entre 170 % et 190 %, mais surtout en Polynésie française, où ce taux atteint près de 240 % !

Plus précisément, le taux d’occupation des établissements suivants, supérieur à 165 %, devrait être abaissé en priorité, car il semble difficile à concilier avec le respect des exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme signée à Rome le 4 novembre 1950 :

—  en Guadeloupe, maison d’arrêt de Basse-Terre (taux d’occupation de 168 %) ;

—  à La Réunion, maisons d’arrêt de Saint-Pierre (taux d’occupation de 177 %) et surtout de Saint-Denis (taux d’occupation de 216 %) ;

—  à Mayotte, maison d’arrêt de Majicavo (taux d’occupation de 172 %) ;

—  en Nouvelle-Calédonie, centre pénitentiaire de Nouméa (taux d’occupation de 189 %) ;

—  en Polynésie française, centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania (taux d’occupation de 273 %).

SITUATION DES PRISONS OUTRE-MER (AU 1ER JUILLET 2007)

Collectivité

Nombre de places opérationnelles

Nombre
de détenus

Taux d’occupation en 2007

Rappel taux d’occupation
en 2006

Guadeloupe (38)

634

782

123,3 %

117 %

Martinique

490

737

150,4 %

140,8 %

Guyane

469

733

156,3 %

139,4 %

Réunion (39)

911

1 215

133,4 %

109,1 %

Mayotte

90

155

172,2 %

148,9 %

Polynésie française (40)

164

389

237,2 %

148,2 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

8

6

75 %

50 %

Wallis et Futuna

3

0

0 %

66,7 %

Nouvelle-Calédonie

192

362

188,5

159,9 %

Total outre-mer

2 961

4 379

147,9 %

127,9 %

Pour augmenter les capacités d’accueil en milieu carcéral et remédier à la vétusté de certains établissements outre-mer, de nombreux travaux sont en cours ou encore à l’étude.

Ainsi, de nouveaux établissements devraient être construits à La Réunion et en Guadeloupe, les maisons d’arrêt de Saint-Denis et de Basse-Terre étant dans un état particulièrement préoccupant. À Saint-Denis, les travaux de construction d’un centre pénitentiaire de 574 places sur le site de Domenjod ont débuté le 10 mai 2006 et devraient être achevés au mois de juin 2008, permettant la mise en service du nouvel établissement au mois de septembre 2008. En Guadeloupe, la commune de Gourbeyre devrait accueillir, en 2011 ou 2012, un nouvel établissement de 350 places, capacité près de trois fois supérieure à celle de l’actuelle maison d’arrêt de Basse-Terre.

Par ailleurs, la construction d’un nouvel établissement comptant 200 places environ est envisagée en Martinique, bien qu’aucun site propice n’ait encore été identifié.

D’autre part, l’extension des établissements existants devrait permettre d’atténuer les problèmes de surpopulation carcérale :

—  à la Martinique, dans le centre pénitentiaire de Ducos, où 80 places supplémentaires ont été livrées le 8 juillet dernier, 100 à 150 nouvelles places devraient également être construites dans les prochaines années ;

—  en Guyane, dans le centre pénitentiaire de Remire-Montjoly, où 78 places supplémentaires seront mises en service dès le premier trimestre de l’année 2008, la création de 150 nouvelles places devrait intervenir en 2011 ou 2012 ;

—  à Mayotte, la maison d’arrêt de Majicavo, dont la capacité a augmenté de 25 places en 2005, sera transformée en centre pénitentiaire doté de 110 places supplémentaires en 2011 ou 2012 ;

—  en Polynésie française, l’extension du centre pénitentiaire de Faa’a reposera sur l’ouverture, vers la fin du premier semestre de l’année 2008, d’un centre pour peines aménagées de 32 places et, vers la fin du premier semestre de l’année 2011, sur la création de 100 places supplémentaires ;

—  en Nouvelle-Calédonie, le centre pénitentiaire de Nouméa bénéficiera, au troisième trimestre de l’année 2008, de l’achèvement de la construction d’un quartier des mineurs de 18 places, auquel s’ajoutera en 2011 un nouveau centre pour peines aménagées de 80 places.

D. UN CONTRÔLE DE LÉGALITÉ MIEUX PARTAGÉ

La réduction du nombre d’actes dont la transmission aux préfectures est obligatoire a permis d’abaisser, en 2005 comme en 2006, le nombre d’actes reçus par celles-ci en Martinique et en Guyane, facilitant d’autant le contrôle juridique des services de l’État. Ce chiffre s’est en revanche stabilisé à La Réunion et, surtout, a fortement progressé en Guadeloupe, passant de 14 030 actes en 2005 à 47 141 actes en 2006 (voir tableau ci-après) – il convient toutefois de rappeler qu’un nombre d’actes presque comparable (44 627) y avait été reçu en 2004. Il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que le nombre de lettres d’observations transmises par le préfet de Guadeloupe ait doublé en 2006 et se soit rapproché, là aussi, du niveau atteint en 2004.

ÉVOLUTION DU CONTRÔLE DE LÉGALITÉ EN 2005 ET 2006 DANS LES DOM

DOM-ROM

Actes reçus en 2005

Actes reçus en 2006

Lettres d’observations en 2005

Lettres d’observations en 2006

Recours contentieux en 2005

Recours contentieux en 2006

Guadeloupe

14 030

47 141

379

710

58

44

Martinique

18 392

16 880

116

231

4

2

Guyane

12 361

10 893

604

508

45

18

La Réunion

47 745

47 339

1 111

1 146

22

34

Total DOM-ROM

92 528

122 253

2 210

2 595

129

98

D’une manière plus générale, le nombre de lettres d’observations adressées aux collectivités par les représentants de l’État a poursuivi sa progression, passant de 2 210 lettres en 2005 à 2 595 lettres en 2006. Même s’il existe des différences entre les DOM-ROM, les irrégularités les plus fréquentes concernent, par ordre décroissant, la passation des marchés publics et des délégations de service public, le recrutement et la gestion du personnel, ainsi que le droit de l’urbanisme. À moins qu’elle ne résulte d’une aggravation des difficultés juridiques rencontrées par les collectivités pour respecter le droit, la transmission d’un plus grand nombre de lettres d’observations est a priori positive, car ce moyen d’action s’inscrit dans une logique de prévention des contentieux : en avertissant les collectivités des erreurs juridiques qu’elles pourraient avoir commises, les préfets évitent d’alourdir inutilement la charge des juridictions administratives.

Dans le même esprit, la diminution du nombre de recours contentieux aux Antilles et surtout en Guyane témoigne, en 2006 comme l’année précédente, de la mise en place de relations de coopération tout à fait constructives entre les services de l’État et ceux des collectivités territoriales. En deux ans, la baisse du nombre de recours a été particulièrement forte, puisque leur nombre a été divisé par quatre, passant de 405 en 2004 à 98 en 2006. Pour autant, il convient de rappeler que la saisine des juridictions administratives demeure bien entendu nécessaire lorsque les collectivités territoriales n’ont pas tenu compte des observations juridiques des services de l’État.

III.  LA MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE L’OUTRE-MER

La modernisation des institutions de l’outre-mer s’est assurément poursuivie en 2007, année marquée par l’adoption de plusieurs projets législatifs et constitutionnel. Diverses règles de droit électoral ont ainsi été mises à jour et, dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, durablement clarifiées, les départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM) ont été autorisés à exercer de nouveaux pouvoirs normatifs sur habilitation du Parlement, tandis que le statut de la plupart des COM a été rénové – Saint-Barthélemy et Saint-Martin passant, à cette occasion, du statut de communes d’un DOM-ROM à celui de COM, conformément au souhait de leur population.

A. L’ÉVOLUTION DES RÈGLES ÉLECTORALES

1. Les modifications résultant de la loi organique du 21 février 2007 pour les collectivités d’outre-mer (COM)

La loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (DSIOM) a rénové le droit électoral applicable dans la plupart des COM.

a) Saint-Barthélemy et Saint-Martin

Ce texte ayant institué deux nouvelles COM aux Antilles, Saint-Barthélemy et Saint-Martin (voir III C 2), il convenait de fixer la composition et les modalités d’élection de leurs assemblées délibérantes, baptisées « conseils territoriaux ».

Dans chacune de ces deux COM, les conseillers territoriaux, au nombre de 19 à Saint-Barthélemy et de 23 à Saint-Martin, sont élus pour 5 ans, dans une circonscription unique, par scrutin de liste à deux tours, les sièges étant répartis entre les listes à la représentation proportionnelle, après application d’une prime d’un tiers des sièges à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages (41). Il convient de rappeler que l’adoption d’un amendement sénatorial a ouvert l’accès au deuxième tour à l’ensemble des listes ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour, alors que le projet initial ne prévoyait la participation que des deux listes arrivées en tête au premier tour (42). Par ailleurs, dans un souci de simplicité et d’efficacité, le contentieux de ces élections a été confié en premier et dernier ressort au Conseil d’État.

Les conseils territoriaux de ces deux COM ont été officiellement mis en place le 15 juillet 2007, les élections des 1er et 8 juillet 2007 ayant donné une majorité absolue des sièges aux listes conduites par M. Bruno Magras à Saint-Barthélemy (72,2 % des voix et 16 sièges à l’issue du premier tour) et par M. Louis-Constant Fleming à Saint-Martin (49 % des voix et 16 sièges à l’issue du second tour).

En outre, conformément à la tradition établie dans toutes les autres COM en matière de représentation parlementaire minimale, un député et un sénateur seront élus dans chacune de ces deux nouvelles COM (respectivement lors du prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale et en septembre 2008).

b) Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

Le droit applicable aux élections des assemblées délibérantes diffère fortement entre Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, ce qui s’explique par les aspirations institutionnelles divergentes des citoyens de ces deux COM.

Ainsi, la perspective d’une future départementalisation du statut de Mayotte conduit à privilégier, en matière électorale, l’application de règles semblables à celles retenues pour les DOM : l’assemblée délibérante, qui conserve le nom de « conseil général », se renouvelle par moitié tous les trois ans, lors d’élections cantonales au scrutin uninominal majoritaire, qui se déroulent en même temps que les élections cantonales métropolitaines.

À Saint-Pierre-et-Miquelon en revanche, le conseil général est devenu un « conseil territorial » (43) dont les membres sont élus dans des conditions qui diffèrent sensiblement du droit commun départemental. Ainsi, les 19 conseillers territoriaux de cette COM sont élus pour cinq ans (contre six ans auparavant) (44), au scrutin de liste à deux tours, dans une circonscription unique qui, toutefois, comprend désormais deux sections communales, afin de garantir une représentation propre aux électeurs des deux communes de l’île : quinze sièges sont réservés à la commune de Saint-Pierre et quatre sièges à la commune de Miquelon-Langlade. La règle déjà en vigueur, selon laquelle les sièges sont répartis à la représentation proportionnelle, après application d’une prime de la moitié des sièges pour la liste arrivée en tête (et non du tiers comme à Saint-Barthélemy et Saint-Martin), a été maintenue, afin de préserver la stabilité politique de l’île, conformément au souhait de l’Assemblée nationale (45).

c) La Polynésie française

Alors que le projet de loi organique ne comprenait, à l’origine, aucune disposition de droit électoral intéressant les collectivités ultramarines de l’océan Pacifique, l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale a conduit à réformer le mode de scrutin applicable aux élections de l’assemblée de la Polynésie française. Ainsi, le rétablissement, dans chaque circonscription, d’un scrutin de liste à un seul tour, avec une répartition des sièges à la représentation proportionnelle, sans prime majoritaire, entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés (contre 3 % auparavant) (46), visait à favoriser le rétablissement de la stabilité politique dans cette COM.

Toutefois, ce mode de scrutin sera prochainement réexaminé, compte tenu de l’évolution récente de la situation politique en Polynésie française. En effet, les divisions apparues au sein de la mouvance autonomiste ont conduit au vote d’une nouvelle motion de censure le 31 août 2007, puis à l’élection à la présidence de la Polynésie française de l’indépendantiste Oscar Temaru le 13 septembre dernier. Le Gouvernement devrait donc prochainement proposer au Parlement un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire visant à stabiliser les institutions de la Polynésie française et à y renforcer la transparence de la vie politique, ce qui pourrait notamment conduire à l’adoption d’un nouveau mode de scrutin à deux tours et, dans la foulée, au renouvellement de l’assemblée de la Polynésie française.

2. Les nouvelles règles introduites par la loi du 21 février 2007 pour les élections européennes outre-mer

Les modifications apportées au droit électoral ultramarin au cours de l’année écoulée n’ont pas seulement concerné les COM, mais l’outre-mer dans son ensemble, puisque les modalités d’élection des députés européens dans la circonscription outre-mer ont été adaptées par l’article 8 de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant DSIOM. Ainsi, en vertu du nouvel article 3-1 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, cette circonscription unique est désormais divisée en trois sections (regroupant les diverses collectivités ultramarines situées dans chaque océan (47)), entre lesquelles les sièges demeurent répartis à la représentation proportionnelle. Ce dispositif, malgré son apparente complexité, présente l’avantage d’assurer une représentation géographique équilibrée de l’outre-mer français au Parlement européen, en évitant par exemple qu’une liste arrivée en tête ne présente que des candidats originaires d’une même collectivité ou d’un même groupe de collectivités ultramarines.

3. La consolidation du statut constitutionnel dérogatoire de la Nouvelle-Calédonie

Les modifications apportées en février 2007 au droit électoral applicable en Nouvelle-Calédonie, collectivité ultramarine régie, depuis près de dix ans (48), par les dispositions spécifiques du titre XIII de la Constitution, ont conforté sa place singulière au sein de la République française (49).

Il convient de rappeler que la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, conformément à l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 (50), a mis en place sur ce territoire des institutions originales, caractérisées par une autonomie inédite, dans l’attente d’une consultation sur « l’accession à la pleine souveraineté » (51) qui ne pourra intervenir qu’en 2014 au plus tôt. Depuis 1999, les institutions calédoniennes reposent ainsi principalement sur un « congrès », assemblée délibérante devant laquelle est responsable l’exécutif local dénommé « gouvernement », mais aussi un « sénat coutumier », un conseil économique et social, des provinces et des communes. Ce statut particulier a prévu qu’au principe de spécialité législative, traditionnel dans les anciens territoires d’outre-mer (TOM), s’ajoute la possibilité pour le congrès de Nouvelle-Calédonie d’adopter des « lois du pays » fixant des règles dérogeant au droit commun dans diverses matières législatives (52).

Surtout, comme le prévoyait l’article 77 de la Constitution, la loi organique du 19 mars 1999 a également fixé des règles locales spécifiques en matière de citoyenneté et de régime électoral. Son article 4 a ainsi institué une « citoyenneté de Nouvelle-Calédonie », qui coexiste avec la citoyenneté française et justifie symboliquement la définition d’un corps électoral spécial pour certains scrutins (53). En matière électorale, il convient en effet de distinguer :

—  les référendums nationaux ainsi que les élections présidentielles, législatives, européennes et municipales, consultations électorales pour lesquelles la liste des électeurs est établie dans les conditions de droit commun ;

—  l’élection du congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie, consultations électorales pour lesquelles les articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999 ont institué un corps électoral restreint, comprenant notamment les personnes qui réunissaient les conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998 sur l’accord de Nouméa (54), ainsi que les personnes domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de la consultation et inscrites sur un « tableau annexe » ;

—  la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, pour laquelle l’article 218 de la loi organique précitée a défini, de manière complexe, un corps électoral spécial comprenant essentiellement, outre les personnes originaires du territoire (55), les personnes résidant sur place depuis 1988 ou pouvant y « justifier d’une durée de vingt ans de domicile continu » (56).

Or, la définition du corps électoral spécialement établi pour l’élection du congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie a fait l’objet d’interprétations divergentes, qui y ont réveillé des inquiétudes que les accords dits de Matignon du 26 juin 1988, puis de Nouméa du 5 mai 1998, avaient progressivement apaisées. En effet, le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999 relative à la loi organique, que le corps électoral restreint pour ces élections devait comprendre les électeurs « domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date de leur établissement » dans cette collectivité. Or, l’esprit des accords de Nouméa était, d’après certains de leurs signataires, de mettre en place un corps électoral « figé » et non « glissant » pour cette catégorie d’électeurs : le « tableau annexe » visé aux articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999 devait, dès lors, demeurer dans son état du 8 novembre 1998, date de la consultation ayant approuvé les accords de Nouméa, plutôt que d’être actualisé pour intégrer les électeurs arrivés postérieurement en Nouvelle-Calédonie.

Le Président de la République, Jacques Chirac, s’étant personnellement engagé, lors d’un déplacement en Nouvelle-Calédonie en juillet 2003, à résoudre cette difficulté juridique, afin de préserver la stabilité politique rétablie grâce aux accords de Matignon, puis de Nouméa, il convenait de mettre explicitement le droit en accord avec cette interprétation. La loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007 a satisfait cet objectif en modifiant l’article 77 de la Constitution, qui précise désormais que le tableau annexe auquel se réfèrent l’accord de Nouméa ainsi que les articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999 est celui qui avait été « dressé à l’occasion du scrutin » tenu le 8 novembre 1998 en application de l’article 76 de la Constitution.

Sur le fond, les restrictions ainsi apportées à l’exercice du suffrage universel pour certaines consultations, dérogent incontestablement au droit commun de la République, mais la Constitution comme le statut calédonien prévoyaient déjà des dérogations de même nature. Après des débats politiques passionnés, cette nouvelle révision constitutionnelle très ciblée a donc opportunément mis fin à une période d’incertitude juridique, sans préjuger du destin de la Nouvelle-Calédonie à l’issue de la période dite de « souveraineté partagée » (57).

B. LES NOUVEAUX POUVOIRS NORMATIFS DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D’OUTRE-MER (DOM-ROM)

En vertu de l’article 1er de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant DSIOM (58), les conseils généraux et régionaux d’outre-mer disposent désormais de la possibilité, sur habilitation accordée par le Parlement, d’adopter elles-mêmes, dans des matières législatives, des dispositions dérogeant au droit commun. Il s’agit d’une innovation juridique et politique considérable, dont l’article 73 de la Constitution a arrêté le principe en 2003 et dont le législateur organique a précisé les conditions de mise en œuvre, en veillant à la constitutionnalité, à la transparence et au caractère démocratique de la procédure.

1. Une révolution constitutionnelle enfin mise en œuvre

Depuis la fondation de la Cinquième République, l’article 73 de la Constitution permettait déjà au législateur d’adapter les normes nationales à la « situation particulière » de chaque département d’outre-mer (DOM), cette adaptation devant, conformément au principe d’assimilation législative applicable à cette catégorie de collectivités, faire l’objet d’une mention expresse – ce qui signifie que le silence de la loi entraîne l’application du droit commun (59). Or, en vertu de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (60), ce même article autorise à présent le législateur national à déléguer aux départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM) la responsabilité de procéder eux-mêmes à cette adaptation des lois et règlements et, plus encore, de « fixer [eux]-mêmes les règles applicables sur leur territoire » dans certaines matières législatives (61). Si le principe d’assimilation législative demeure applicable au texte même de la loi, la possibilité de décentraliser son élaboration représente une révolution juridique et symbolique dans un État unitaire tel que la France.

Toutefois, afin de préserver la souveraineté nationale et la primauté du Parlement dans l’expression de la volonté générale, mais aussi l’indivisibilité de la République et les libertés publiques, le constituant a prévu un encadrement de ces nouveaux pouvoirs normatifs des DOM-ROM :

—  en premier lieu, toute intervention normative d’un DOM ou d’une ROM est subordonnée à l’obtention préalable d’une habilitation par la loi ;

—  en deuxième lieu, le champ de ces interventions demeure limité. Ainsi, les adaptations normatives ne sont possibles que dans les matières pour lesquelles les DOM-ROM sont compétents, tandis que la « fixation de règles » par les DOM-ROM eux-mêmes est exclue pour une série de matières législatives (essentiellement relatives à l’exercice de la souveraineté nationale, à la citoyenneté ou à la protection des libertés publiques) (62) ;

—  enfin, la finalité de ces interventions est déterminée. Le pouvoir d’adapter ou de fixer les règles ne peut être exercé que, respectivement, pour « tenir compte des spécificités » des DOM-ROM concernés ou pour respecter les « caractéristiques et contraintes particulières » de ceux-ci.

Bien que l’encadrement constitutionnel de ces nouvelles facultés en ait d’emblée dessiné les grands contours en 2003, elles n’ont pu être mises en œuvre, faute d’intervention du législateur avant 2007. L’article 73 de la Constitution renvoyait en effet à une loi organique le soin de déterminer les conditions et réserves selon lesquelles les habilitations, demandées par les DOM-ROM, pouvaient leur être accordées par la loi (63). La loi organique précitée du 21 février 2007 a opportunément comblé cette lacune, ouvrant ainsi la voie à des initiatives locales qui pourraient être nombreuses.

2. Les étapes conduisant à des dérogations législatives décidées localement

La loi organique du 21 février 2007 a précisé la procédure permettant aux conseils généraux et régionaux d’outre-mer de mettre en œuvre les nouveaux pouvoirs normatifs issus de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Les principales étapes de cette procédure sont les suivantes :

—  le DOM ou la ROM qui projette de demander au législateur une habilitation doit d’abord consulter, s’ils sont compétents, le conseil économique et social régional ou le conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement (ces organes disposant d’un délai d’un mois pour rendre leur avis) ;

—  l’organe délibérant du DOM ou de la ROM doit ensuite, par une délibération motivée, formuler précisément la demande d’habilitation (laquelle ne peut faire l’objet ni d’une consultation des électeurs, ni d’un référendum local) ;

—  cette délibération doit ensuite être publiée au Journal officiel de la République française et transmise au Premier ministre ainsi qu’au représentant de l’État ;

—  en cas de déféré préfectoral, la procédure est suspendue jusqu’à la décision du Conseil d’État, pour une durée maximale de trois mois (64) ;

—  si son ordre du jour le prévoit, le Parlement délibère sur une loi (65) accordant au conseil général ou régional d’outre-mer tout ou partie de l’habilitation demandée (66), pour une durée maximale de deux ans ;

—  si l’habilitation a été accordée, le conseil général ou régional d’outre-mer adopte à la majorité absolue de ses membres, les délibérations par lesquelles, selon le cas, soit il « adapte » des dispositions législatives ou réglementaires, soit il fixe des règles dans certaines matières législatives (ces décisions pouvant faire l’objet d’une consultation des électeurs, constituant une simple demande d’avis, mais pas d’un référendum local) ;

—  ces délibérations sont soumises aux mêmes règles que celles retenues pour les demandes d’habilitations en matière de publicité, de transmission, de contrôle de légalité et d’entrée en vigueur.

3. Les nécessaires garanties politiques et juridiques apportées par le Parlement

Le Parlement s’est efforcé, lors de l’examen de ces nouvelles dispositions organiques, d’accroître la sécurité juridique et la transparence de cette procédure très novatrice.

a) Les garanties juridiques

Sur le plan juridique, les amendements adoptés au Sénat et à l’Assemblée nationale ont assuré la constitutionnalité de la procédure, ainsi que son efficacité :

—  en prévoyant que la demande d’habilitation devra préciser, selon le cas, les « caractéristiques et contraintes particulières » ou les « spécificités locales » la justifiant ;

—  en rappelant qu’aucune demande d’habilitation ne peut porter sur certaines matières législatives, touchant essentiellement à la souveraineté, à la citoyenneté et aux libertés publiques (conformément au quatrième alinéa de l’article 73 de la Constitution, voir précédemment), ou concerner « les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti » ;

—  en confiant l’ensemble du contentieux au Conseil d’État en premier et dernier ressort, alors que le projet initial prévoyait l’intervention préalable du tribunal administratif ;

—  en précisant que les dispositions législatives ou réglementaires spéciales adoptées localement ne peuvent être modifiées ultérieurement que si la loi ou le règlement le prévoit expressément.

b) Les garanties politiques

Sur le plan politique, les modifications apportées au projet par le Parlement ont essentiellement eu pour objet de garantir sa complète information et de préserver sa prééminence en matière législative :

—  en soumettant les conseils généraux et régionaux concernés à l’obligation de préciser, dans la demande d’habilitation, la nature et la finalité des nouvelles dispositions envisagées ;

—  en assurant la transparence de la procédure grâce à la publication des demandes d’habilitation au Journal officiel de la République française ;

—  en rappelant que le Parlement demeure libre d’accorder ou non l’habilitation qui lui est demandée ;

—  en limitant à deux ans la durée maximale de l’habilitation accordée
– le Parlement ne pouvant déléguer durablement sa compétence législative à une collectivité locale, alors même qu’au niveau national la durée des habilitations de l’article 38 de la Constitution est limitée.

Ainsi clarifié, précisé et complété, l’article 1er de la loi organique du 21 février 2007 ouvre désormais la voie à une mise en œuvre ordonnée des innovations majeures de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Il revient désormais aux assemblées délibérantes des DOM-ROM de donner corps aux nouveaux pouvoirs normatifs qui leur ont été reconnus, dans le respect des institutions républicaines. Or, selon les informations transmises à votre rapporteur, aucun conseil général ou régional d’outre-mer n’a, à ce jour, demandé une habilitation pour exercer ces nouvelles facultés.

C. LA RÉNOVATION STATUTAIRE DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER (COM) ET DES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES

La loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (DSIOM) a fixé les statuts de quatre collectivités d’outre-mer (COM) : ceux de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui relevaient avant la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (67) de la catégorie des « collectivités territoriales à statut particulier » (68), mais aussi ceux de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, qui avaient jusqu’alors un statut communal au sein du département d’outre-mer (DOM) de Guadeloupe.

Il convient de rappeler que les COM sont régies par l’article 74 de la Constitution, lequel prévoit que leur « statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante » de chaque collectivité concernée. Les projets de statuts ont effectivement été approuvés :

—  par la délibération du 31 juillet 2003 du conseil municipal de Saint-Martin ;

—  par la délibération du 8 août 2003 du conseil municipal de Saint-Barthélemy ;

—  par les délibérations des 23 février et 15 mars 2006 du conseil général de Mayotte ;

—  par la délibération du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon du 6 octobre 2006.

1. Les nouveaux statuts de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

La rénovation des statuts de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon répondait d’abord à une exigence constitutionnelle. En effet, le rattachement de ces collectivités à la catégorie des COM issue de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a aussitôt rendu obsolètes leurs statuts, car la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte et la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon n’ont qu’un caractère ordinaire, et non le caractère organique exigé par le nouvel article 74 de la Constitution. Conformément à ce dernier, la loi organique du 21 février 2007 portant DSIOM a dressé la liste des compétences de ces COM, tout en définissant les « conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ». Elle a également modernisé ces statuts en les rapprochant du droit commun de la démocratie locale, tout en en codifiant les dispositions au sein d’une nouvelle sixième partie du code général des collectivités territoriales (CGCT), afin de faciliter l’accès au droit.

a) Le nouveau statut de Mayotte

La loi organique du 21 février 2007 portant DSIOM a d’abord modifié, à compter du 1er janvier 2008, le régime législatif applicable à Mayotte. Elle a ainsi substitué au principe de spécialité législative, assorti d’exceptions (69), le principe d’assimilation législative, lui aussi assorti d’exceptions (70), afin de préparer une éventuelle départementalisation du statut de l’archipel. Toutefois, en matière fiscale et douanière, l’application du droit commun a été reportée de 2007 à 2013, compte tenu notamment des difficultés locales liées au cadastre. Par ailleurs, le conseil général de Mayotte bénéficie des mêmes possibilités d’adaptation des lois et règlements que les assemblées délibérantes des DOM-ROM.

S’agissant de l’avenir institutionnel de l’archipel, la loi prévoit que le conseil général de Mayotte pourra demander la transformation du statut de la COM en DOM-ROM dès la première réunion suivant son renouvellement en 2008, et non en 2011 comme le prévoyait initialement le projet de loi. Il convient de rappeler qu’une telle perspective conduirait, en vertu du principe d’assimilation législative attaché aux DOM-ROM en vertu de l’article 73 de la Constitution, à rendre applicable à Mayotte l’ensemble du droit commun, sauf dispositions contraires dans les lois et règlements. La loi a par ailleurs rappelé que l’archipel fait partie du territoire national et que Mayotte ne pourrait accéder à l’indépendance sans le consentement de sa population – le Conseil constitutionnel ayant en revanche censuré comme « empiét[ant] sur les pouvoirs du constituant » la disposition, introduite par un amendement gouvernemental, qui entendait subordonner une éventuelle accession à l’indépendance à une révision préalable de la Constitution (71).

Les compétences reconnues à la collectivité départementale de Mayotte sont alignées sur celles dont disposent les DOM-ROM – à l’exception de celles qui concernent les établissements scolaires, les routes nationales et la lutte contre les maladies vectorielles, seul l’État étant à même de surmonter les difficultés particulières de Mayotte dans ces domaines.

Par ailleurs, les règles applicables à la collectivité départementale de Mayotte s’agissant du fonctionnement du conseil général, du contrôle de légalité ou de la procédure budgétaire sont étroitement inspirées de celles qui sont applicables aux départements et aux régions. L’Assemblée nationale a toutefois décidé de renforcer les règles de transparence applicables aux activités financières de cette COM.

Enfin, la loi organique a étendu à cette COM les innovations rendues possibles par l’article 72-1 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (72), s’agissant de l’exercice de la démocratie directe au niveau local. Ont ainsi été reconnus :

—  le droit de pétition, 5 % des électeurs inscrits pouvant adresser une pétition au président de l’organe délibérant pour demander que ce dernier examine une question entrant dans ses compétences (73;

—  la possibilité d’organiser des référendums locaux, lesquels sont décisionnels, lorsque plus de la moitié des électeurs inscrits y ont participé ;

—  ainsi que celle de procéder à des consultations des électeurs, l’organe délibérant pouvant être saisi dans ce cadre par un dixième au moins des électeurs inscrits (74).

b) Le nouveau statut de Saint-Pierre-et-Miquelon

S’agissant du régime législatif applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, l’assimilation législative assortie d’exceptions, qui résultait déjà de la loi du 11 juin 1985, a été confirmée par la loi organique du 21 février 2007 portant DSIOM. À compter du 1er janvier 2008, les matières dans lesquelles, par exception, le principe de spécialité législative est applicable sont celles qui, pour toute COM, relèvent de la loi organique en vertu de l’article 74 de la Constitution (voir précédemment), mais aussi celles qui entrent dans les compétences propres de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette dernière dispose d’un pouvoir normatif plus étendu en matière fiscale et douanière, ainsi que d’exploitation des ressources naturelles, mais aussi en matière d’urbanisme, de construction et de logement. Comme pour Mayotte, le Sénat a souhaité que le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficie des mêmes possibilités d’adaptation des lois et règlements que les assemblées délibérantes des DOM-ROM.

Dans le même temps, les compétences respectives de la COM et des communes de l’archipel ont été clarifiées à l’initiative du Sénat, afin de mieux associer l’échelon communal aux politiques conduites par le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon en matière de fiscalité et d’urbanisme.

Par ailleurs, la COM de Saint-Pierre-et-Miquelon dispose désormais de compétences semblables à celles des DOM-ROM, à l’exception de celles qui concernent les établissements scolaires et les bibliothèques, les routes nationales et la police de la circulation, ainsi que la lutte contre les maladies vectorielles et les services d’incendie et de secours. Il est probable que l’attribution des compétences des DOM-ROM, en matière de coopération décentralisée et de relations extérieures, facilitera la bonne intégration de l’archipel dans l’économie régionale.

Enfin, comme pour Mayotte, le nouveau statut de cette COM y rend explicitement applicable l’essentiel du droit commun départemental s’agissant du fonctionnement du « conseil territorial » (cette dénomination étant substituée à celle de « conseil général » pour éviter toute confusion avec les DOM (75)), du contrôle de légalité et de la procédure budgétaire. Là encore par analogie avec le choix effectué pour Mayotte, la loi organique précise les conditions permettant de mettre en œuvre à Saint-Pierre-et-Miquelon les nouveaux droits locaux reconnus depuis le 28 mars 2003 par l’article 72-1 de la Constitution en matière de démocratie directe (droit de pétition et possibilité d’organiser des référendums locaux ou des consultations des électeurs).

2. La création de deux nouvelles COM : Saint-Barthélemy et Saint-Martin

a) Le respect des règles constitutionnelles applicables à cette réforme statutaire

La loi organique n° 2007-223 et la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (DSIOM) a prévu la transformation des communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, constituant jusque-là une partie du département et de la région d’outre-mer (DOM-ROM) de Guadeloupe régie par l’article 73 de la Constitution, en collectivités d’outre-mer (COM) soumises à son article 74. Le premier alinéa de l’article 72-4 de la Constitution prévoit en effet, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, qu’un tel « changement de régime est décidé par une loi organique ».

Les populations de ces deux îles, situées à 250 kilomètres de l’île guadeloupéenne elle-même, demandaient depuis longtemps une autonomie politique accrue, prenant mieux en compte leurs spécificités historiques, économiques, sociales et culturelles (76). Conformément à la procédure prévue par l’article 72-4 de la Constitution pour tout basculement « de l’un vers l’autre des régimes prévus par les articles 73 et 74 », le « consentement des électeurs de [ ] la partie de collectivité intéressée [avait] été préalablement recueilli », lors du référendum organisé le 7 décembre 2003 (77).

b) Les caractéristiques des nouveaux statuts

Dans chacune des deux îles, la nouvelle COM exerce les compétences dévolues aux communes par les lois et règlements, mais aussi celles dont disposaient le département et la région d’outre-mer de Guadeloupe. Ces compétences sont complétées par un pouvoir d’adaptation des normes nationales – comparable à celui reconnu aux COM de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon –, ainsi que du droit de « fixer les règles applicables » dans un nombre limité de matières (essentiellement la fiscalité, les transports, le droit domanial, le tourisme, l’accès au travail des étrangers et, pour Saint-Barthélemy, l’environnement, l’énergie, l’urbanisme et le logement) (78). Ces matières font partie, au même titre que celles qui relèvent de la loi organique en application de l’article 74 de la Constitution, de celles pour lesquelles les lois et règlements ne sont applicables que s’ils le prévoient expressément : comme pour Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, le législateur organique a donc opté pour l’application du principe d’assimilation législative dans le cas général, assortie d’exceptions pour un nombre limité de matières.

Comme à Saint-Pierre-et-Miquelon, chacune de ces COM sera dirigée par un conseil territorial, un organe exécutif collégial dénommé « conseil exécutif », ainsi qu’un président – ce dernier étant responsable devant le conseil territorial. Si l’on excepte ces traits particuliers, le fonctionnement institutionnel de ces COM est étroitement inspiré de celui des DOM. Par ailleurs, là encore par analogie avec Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, la loi organique a précisé les conditions de mise en œuvre, à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, du droit de pétition, des référendums locaux et consultations des électeurs prévus à l’article 72-1 de la Constitution.

c) Les éventuelles incidences communautaires de ce changement

Une réflexion interministérielle a été menée sur les éventuelles conséquences de ce changement statutaire de droit interne sur le statut communautaire de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. En effet, le premier alinéa du paragraphe 2 de l’article 299 du traité instituant la Communauté européenne reconnaît aux « départements français d’outre-mer » la qualité de « régions ultrapériphériques » (RUP), ouvrant droit à une éligibilité renforcée aux aides communautaires. Sans modification du traité, l’abandon du statut interne de DOM pourrait donc conduire à la perte du statut communautaire de RUP, tandis que l’accès à celui des « pays et territoires d’outre-mer » (PTOM) associé à la Communauté européenne, dont bénéficient les autres COM, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises, ne serait pas pour autant garanti (79).

Dans la perspective d’une révision de ce traité sur ce point, le Gouvernement a engagé une consultation des conseils territoriaux de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, dès leur installation le 15 juillet 2007, ce qui a permis d’éclairer les négociations avec la Commission européenne et les autres États membres. Tout risque de remise en cause du statut communautaire de RUP est désormais écarté pour ces deux nouvelles COM, puisque le point 293 de l’article 2 du nouveau traité européen (traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne), signé à Lisbonne le 18 octobre et non encore ratifié par la France, les ajoute expressément à l’énumération des RUP de l’Union européenne (80).

3. Une modernisation encore inachevée : les institutions des îles Wallis et Futuna

La loi organique n° 2007-223 et la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (DSIOM) n’ont affecté que marginalement le statut des îles Wallis et Futuna.

Celui-ci demeure fixé par la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer (TOM). Ce statut est le plus ancien parmi les collectivités de l’océan Pacifique, puisque les statuts de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie ont été définis par des lois organiques datant respectivement de 2004 (81) et 1999 (82). Il a fait l’objet d’adaptations techniques ponctuelles en matière indemnitaire, domaniale et foncière en 1978 (83), en matière budgétaire et comptable en 1995 (84), ainsi qu’en matière électorale en 1998 et 2000 (85).

Ce statut prévoit bien l’application du principe de spécialité législative dans les îles Wallis et Futuna, puisque la loi du 29 juillet 1961 précise que sont localement applicables les lois et règlements relatifs à la souveraineté nationale (86) ainsi que ceux qui y ont été « déclarés expressément applicables » (article 4). En vertu de cette loi, l’État a conservé des compétences étendues dans les îles Wallis et Futuna, pour les matières régaliennes (ordre public, respect des lois et règlements, relations extérieures, monnaie, douanes, organisation de la justice), mais aussi en matière d’enseignement, de gestion de l’état civil et de contrôle administratif et financier (article 7). Surtout, le représentant de l’État, qui prend dans cette COM le nom d’« administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna », est chargé d’un important pouvoir réglementaire pour exercer sa « compétence de chef du territoire » et exécuter, après consultation d’un conseil territorial (87), les délibérations de l’assemblée territoriale – assurant l’exécutif de la collectivité, il est notamment ordonnateur de son budget et la représente en justice comme dans tous les actes de la vie civile (article 9). De telles compétences vont au-delà de celles dont jouit l’autorité préfectorale dans les collectivités territoriales de droit commun depuis déjà 25 ans.

Ce statut apparaît aujourd’hui inadapté à l’évolution du droit de l’outre-mer, comme en témoigne l’intitulé même de la loi du 29 juillet 1961, qui fait référence (de même que ses articles 1er et 4) à la notion de « territoire d’outre-mer » (TOM), alors que cette catégorie de collectivités territoriales a disparu depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (88) : en vertu de l’article 72-3 de la Constitution, les îles Wallis et Futuna, ne relevant pas de la catégorie des départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM) régie par son article 73, constituent une collectivité d’outre-mer (COM) soumise à son article 74.

Il résulte des termes mêmes de cet article que son statut doit être « défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante », alors qu’il résulte actuellement d’une simple loi ordinaire. Cette dernière renvoie en outre à des décrets ou arrêtés antérieurs à 1958 (89), notamment pour les attributions de l’autorité préfectorale ou la détermination des compétences et règles de fonctionnement de l’assemblée territoriale, ce qui n’est plus adéquat aujourd’hui. Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 74 de la Constitution, la loi organique doit notamment fixer les compétences de la COM, mais aussi les « règles d’organisation et de fonctionnement [de ses] institutions », ainsi que les pouvoirs consultatifs dont disposent ces dernières (s’agissant des normes de droit interne comme des engagements internationaux les concernant spécialement).

Par ailleurs, le mode de scrutin actuellement en vigueur pour les élections à l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna n’est pas pleinement satisfaisant (90). En effet, le choix d’une répartition des sièges à la proportionnelle, en appliquant dans les cinq circonscriptions électorales la règle de la plus forte moyenne, sans qu’un minimum de voix soit requis pour accéder à la répartition des sièges, favorise la constitution de listes familiales ou claniques.

En l’absence de consultation préalable de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna, la loi organique précitée du 21 février 2007 n’a pas procédé à la « refonte » globale de ce statut, qui aurait permis de le mettre en conformité avec la Constitution. Elle y a seulement inséré un article 4-1 précisant la date d’entrée en vigueur des lois et règlements dans cette COM : par analogie avec le choix effectué dans cette loi organique pour les autres collectivités de l’océan Pacifique, il est désormais prévu que ces textes y sont applicables, à compter de la date qu’ils fixent ou, à défaut, le dixième jour suivant leur publication au Journal officiel de la République française (91).

Par ailleurs, la loi ordinaire précitée du 21 février 2007 a confié à l’État la charge de l’hygiène et de la santé publique dans les îles Wallis et Futuna : ce choix, également effectué pour les autres COM, apparaît légitime, compte tenu du caractère imprévisible et de l’éventuelle gravité de certaines épidémies outre-mer. Elle a également toiletté certaines formulations devenues inopérantes, qui avaient trait aux compétences du haut-commissaire de la République dans l’océan Pacifique (remplacé par l’administrateur supérieur du territoire et, le cas échéant, par les services de l’État en Nouvelle-Calédonie), ainsi qu’aux modalités de délégation du pouvoir d’ordonnateur des dépenses de la collectivité dont dispose l’autorité préfectorale.

Il demeure souhaitable de procéder à l’avenir, dans une loi organique, à une modernisation globale de ce statut, qui permettrait de le mettre en conformité avec la Constitution, mais aussi d’en combler les lacunes et d’en clarifier de nombreuses dispositions vieillissantes. Cet objectif pourrait certainement être atteint sans remettre en cause les grands équilibres institutionnels et politiques résultant de la loi du 29 juillet 1961, qu’il s’agisse de la répartition des compétences ou de la place du droit coutumier dans cette COM.

4. Les changements apportés au statut des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et de l’île de Clipperton

L’article 14 de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer a procédé à la modernisation, longtemps différée, du statut des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), fixé par la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 conférant l’autonomie administrative et financière aux TAAF. Il convient de rappeler que, contrairement à celui des COM, le statut de ce territoire ne relève pas de la loi organique, l’article 72-3 de la Constitution précisant, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (92), que « la loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière » de ce territoire.

Les TAAF, dépourvues de population permanente et placées sous l’administration directe de l’État, constituent encore une catégorie sui generis de collectivités territoriales, ce qui explique que leur statut continue de les qualifier de « territoire d’outre-mer » (93), alors même que cette dénomination ne figure plus dans la Constitution : comme la Nouvelle-Calédonie, elle ne relève ni de la catégorie des DOM-ROM régis par l’article 73 de la Constitution, ni de celle des COM régies par son article 74.

Pour autant, la loi du 21 février 2007 a entraîné des changements substantiels pour le territoire et les institutions des TAAF.

a) L’extension du territoire des TAAF

Sur le plan territorial d’abord, les îles Eparses de l’océan Indien (94) ont été rattachées aux TAAF, qui comprenaient jusque-là uniquement l’île Saint-Paul, l’île Amsterdam, l’archipel Crozet, l’archipel Kerguelen et la terre Adélie (article 1er de la loi du 6 août 1955).

L’impact administratif de ce rattachement est limité, l’administrateur supérieur des TAAF étant déjà chargé d’administrer ces territoires, en vertu d’un arrêté ministériel du 3 janvier 2005 (95). Il en résulte, en revanche, une clarification de leur régime législatif, jusque-là incertain : l’application du principe de spécialité législative permettra, comme pour le reste des TAAF, de mieux prendre en compte les contraintes climatiques, les ressources naturelles (96), l’intérêt scientifique et l’environnement singulier de ces îles situées au large de Madagascar.

b) Les changements affectant les institutions des TAAF

Sur le plan institutionnel, la loi dote désormais explicitement les TAAF de la personnalité morale leur permettant juridiquement d’agir en justice et surtout de disposer d’un budget propre, conformément à l’autonomie administrative et financière qui leur était déjà accordée (article 1er de la loi du 6 août 1955).

Il convient également de signaler l’abrogation des dispositions de la loi du 6 août 1955 précisant la composition, l’organisation, le fonctionnement et les attributions du conseil consultatif des TAAF, instance chargée d’assister l’administrateur supérieur des TAAF et comptant actuellement sept membres nommés par différents ministères. La détermination de ces règles est explicitement renvoyée à un décret, en raison de leur caractère réglementaire.

En outre, les missions du représentant de l’État dans les TAAF, préfet conservant son titre antérieur d’« administrateur supérieur du territoire », sont clarifiées, la rédaction des dispositions correspondantes étant étroitement inspirée du statut de la Polynésie française (97) : ce préfet dispose désormais d’attributions analogues à celles du haut-commissaire en Polynésie française en matière réglementaire, de défense, d’ordre et de libertés publiques, de direction des services déconcentrés de l’État et de contrôle sur les établissements recevant des financements de l’État.

c) Le nouveau régime législatif des TAAF

La loi détermine dorénavant le régime législatif des TAAF, en retenant la spécialité législative assortie d’exceptions : le droit commun demeure applicable dans les matières liées à l’exercice de la souveraineté nationale (par exemple en matière de défense, de diplomatie, de nationalité, de monnaie ou de pouvoirs publics constitutionnels), mais aussi en matière de droit civil, de droit pénal, de droit commercial et financier, de droit administratif et de recherche (article 1er-1 de la loi du 6 août 1955). Par ailleurs, les modalités d’entrée en vigueur des lois et règlements dans les TAAF sont simplifiées : le rapprochement avec les règles de droit commun issues de la réforme intervenue dans ce domaine en 2004 (98) permettront de décharger l’administrateur supérieur du territoire des lourdes obligations de promulgation et d’affichage qui avaient été instituées par décret en 1956 (99) (article 1er-2).

d) L’adoption d’un statut pour l’île de Clipperton

Enfin, la loi du 6 août 1955 a été complétée par un nouveau titre fixant le statut de l’île de Clipperton. En effet, cette petite île de l’océan Pacifique située au large des côtes mexicaines, dépourvue de population permanente et comportant seulement une station météorologique, était jusqu’alors régie par le décret du 12 juin 1936 portant rattachement de l’île de Clipperton au Gouvernement des établissements français de l’Océanie, dont l’intitulé comme les dispositions étaient obsolètes. Le nouveau statut, clair et concis, prévoit que ce territoire est administré par le ministre chargé de l’outre-mer, lequel peut déléguer au représentant de l’État l’exercice de ses attributions administratives, conformément à la pratique actuelle (100). Par ailleurs, il précise que l’ensemble des lois et règlements y sont « applicables de plein droit » (article 9 de la loi du 6 août 1955), alors qu’auparavant le principe d’assimilation législative n’était pas explicitement établi.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 23 octobre 2007, la Commission a procédé à l’audition conjointe avec la commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire de M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, sur le projet de loi de finances pour 2008.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, a accueilli M. Christian Estrosi en soulignant que la commission des affaires économiques est passionnée par les problèmes de l’outre-mer, qu’ils concernent l’agriculture, les transports, l’aménagement du territoire ou le tourisme. Il a évoqué deux points particuliers : d’une part la qualité et la densité des services publics, notamment l’éducation et la justice, dont le niveau doit être similaire à celui de la métropole ; d’autre part l’environnement, notamment la question des pesticides maintenant interdits.

La mission d’information, que le président Ollier avait lancée et dont le rapport a été publié en juin 2005, avait procédé à l’audition de 163 personnes. Il a été décidé, avec le représentant du groupe socialiste, qu’il fallait confirmer ce résultat. D’où la création d’un comité de suite présidé par M. Jacques Le Guen, qui procédera à un certain nombre d’auditions et présentera ses conclusions dans un délai d’un mois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, de la législation et de l’administration générale de la République, a exprimé sa satisfaction d’entendre pour la première fois M. Estrosi dans ses fonctions de secrétaire d’État à l’outre-mer.

La commission sera particulièrement attentive à deux sujets : d’une part l’évolution statutaire des collectivités - la départementalisation de Mayotte et les nouvelles collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy- ; d’autre part la lutte contre l’immigration clandestine avec le renforcement des contrôles et de la coopération avec les États voisins : les Comores pour Mayotte, le Surinam et le Guyana pour la Guyane.

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État à l’outre-mer, a remercié les présidents Ollier et Warsmann de l’accueillir à l’occasion de cette audition, qui permettra de présenter aux commissions les grandes lignes du budget 2008, sa nouvelle architecture et les priorités auxquelles il répond.

C’est le premier budget de l’outre-mer de cette législature. C’est aussi un moment révélateur des priorités du Président de la République et du Gouvernement qui les met en œuvre, avec Mme Alliot-Marie, pour ce qui concerne l’Outre-mer.

Ce budget manifeste l’attachement de la France aux départements et collectivités d’Outre-mer, malgré un contexte particulièrement contraignant pour le budget de l’État.

Pour 2008, les crédits directement gérés par le secrétariat d’État à l’outre-mer s’élèvent à 1,76 milliard d’euros en autorisation d’engagement et 1,73 milliard d’euros en crédits de paiement. Cela ne représente qu’une petite partie de l’effort global de l’État au bénéfice des départements et collectivités d’outre-mer, qui s’élève à 15,3 milliards d’euros.

La stricte comparaison des crédits de la mission Outre-mer avec ceux de l’année précédente ne présente aucune pertinence. La lecture ne peut se faire qu’au regard des transferts de crédits d’anciens programmes au ministère de l’économie des finances et de l’emploi et vers d’autres programmes du ministère de l’intérieur, de l’outre mer et des collectivités territoriales. Ainsi une centaine de millions d’euros de crédits correspondant à des dépenses de personnel et de fonctionnement vont-ils être transférés sur des programmes relevant de la mission « administration générale et territoriale de l’État ». De même, passent sous la gestion du ministère de l’économie, des finances et de l’emploi 158 millions d’euros consacrés aux dispositifs de soutien à l’emploi et à la formation dans les DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon.

Cette nouvelle organisation, qui exprime l’unité du territoire de la République et de son administration, répond avant tout au souci de simplifier et d’améliorer l’efficacité de l’action du Gouvernement. Les enjeux et les spécificités de l’outre-mer pourront être mieux pris en compte et leur gestion optimisée. Ces adaptations devraient également permettre de réaliser des économies, qui seront réaffectées au développement de l’outre-mer.

Par conséquent, si il y a une baisse « optique » des crédits de la mission, ils sont en réalité en augmentation de 2 % en autorisations d’engagement et de 3 % en crédits de paiement à périmètre constant.

Le nouveau périmètre s’articule désormais autour de deux programmes, au lieu des trois de l’année précédente : l’emploi et les conditions de vie.

Toujours dans le but d’améliorer la gestion des crédits mais aussi d’optimiser leur utilisation, un conseil pour l’outre-mer va être mis en place prochainement. Il sera placé sous l’autorité du Président de la République et coordonnera l’action de l’État en faveur de l’outre-mer.

Outre cette volonté d’efficacité, les objectifs que s’est fixés le Gouvernement et particulièrement le Secrétariat d’État à l’outre-mer, dans le projet de loi de finances pour 2008, reprennent clairement les engagements du Président de la République : soutenir le développement de l’économie et de l’emploi ; soutenir le développement local en partenariat avec les collectivités territoriales d’outre-mer ; garantir la sécurité et l’égalité des chances des citoyens outre-mer.

Les économies ultramarines sont globalement en décalage de développement, même si une baisse du taux de chômage a été enregistrée depuis cinq ans. L’écart avec la moyenne nationale est toujours trop élevé ; 19,6 % de la population active des DOM contre 8,4 % de celle de la métropole en juin 2007.

La première priorité du budget est donc naturellement l’emploi. En témoigne l’importance des crédits qui sont consacrés à sa promotion : ils sont de 1,008 milliard d’euros, répartis entre les 867 millions pour les exonérations de charges sociales contre 819 en 2007, soit une augmentation de 6 % par rapport au précédent exercice, 30 millions d’aides directes et 110 millions pour le service militaire adapté.

Si les politiques publiques d’accompagnement de l’emploi restent indispensables pour préserver la cohésion sociale, elles ne peuvent pas être la seule réponse. L’enjeu fondamental est de donner à ces économies une forme d’autonomie, une plus grande capacité de développement par elles-mêmes.

Le problème ne se pose plus seulement en termes de « rattrapage » par rapport au modèle métropolitain ou européen. S’il constitue une exigence, le rattrapage ne doit pas faire oublier la dynamique et les défis supplémentaires. Chaque économie doit trouver sa voie et s’intégrer davantage dans son environnement régional.

Il convient, par conséquent, de concentrer les efforts dans deux grandes directions : lever au maximum les contraintes qui pèsent sur la création de richesses, et structurer les filières porteuses. Cela se traduit de plusieurs façons.

La création dans les quatre DOM de zones franches globales d’activités doit permettre de favoriser l’émergence d’économies compétitives et rendre ainsi plus performants les dispositifs visant à adapter les créations d’emplois dans le secteur marchand. Il faut agir ici sur plusieurs leviers, dont celui de la fiscalité des entreprises en l’adaptant au contexte local : des mesures fiscales touchant à l’impôt sur les bénéfices, la taxe professionnelle et la taxe foncière sont prévues. Prenant effet en 2009, elles concerneront les activités économiques au titre de 2008.

Dans la même logique, la mise en place de pôles de compétitivité devrait permettre de redonner confiance aux acteurs économiques mais aussi de valoriser le potentiel en matière de recherche, qui est fort en outre-mer. Sa situation géographique et l’ensemble de ses atouts, la richesse de ses terres, de ses eaux, de sa biodiversité, le prédisposent à devenir un laboratoire grandeur réelle et une vitrine avancée de la France dans le domaine technologique.

Ce sont de nouveaux métiers, donc de nouveaux emplois, de nouvelles entreprises qui vont être créés. Ce sont aussi de nouvelles filières de formations qui seront proposées aux jeunes.

Ces pôles sont également une concrétisation de rengagement de l’outre-mer pour la protection de l’environnement. Le développement de nouvelles technologies de production d’énergies renouvelables, les solutions innovantes en matière de santé et de biotechnologies sont de vrais enjeux pour ces territoires. Ils sont d’ailleurs déjà très en avance sur la métropole, sur certains sujets : ainsi à La Réunion, 36 % de l’énergie provient de modes renouvelables.

Ces solutions ont en outre vocation à s’exporter dans le monde entier. Ainsi, après QUALITROPIC, labellisé pôle de compétitivité en 2005 et qui concernait la filière agroalimentaire, ce sont les créations récentes des pôles « Santé tropicale » en Guyane, sur les nouveaux risques infectieux et les maladies émergentes, de « SYNERGILE» en Guadeloupe et très prochainement « TEMERGIE » à La Réunion, sur les énergies renouvelables, qui témoignent de cet engagement.

Le champ est vaste : de la gestion des risques naturels à l’utilisation de la mer à des fins énergétiques ou de bio produits. En redynamisant la recherche, ces pôles deviendront une des clés d’un nouveau développement économique.

Cependant le développement de l’emploi et la lutte contre le chômage passent également par le maintien d’un contexte social favorable. Il faut pour cela tenir compte de l’environnement spécifique de l’outre-mer qui subit notamment une forte pression démographique. La question cruciale est celle de l’amélioration des conditions de logement. L’État va donc intensifier ses efforts pour favoriser l’accès au logement social.

Seront poursuivies les actions mises en œuvre à la suite de la première conférence nationale sur le logement outre-mer, qui s’est tenue le 27 février 2007, en orientant la défiscalisation vers le logement social. La loi de programme en préparation comportera un volet consacré à cet effort. En outre, les crédits de la mission Outre-mer affectés au logement social passent cette année de 175,7 millions à 200 millions d’Euros. Ce qui constitue une hausse significative de 14 %. Après l’effort exceptionnel accompli en 2007 pour solder les dettes importantes accumulées sur la « LBU », ce nouvel effort en loi de finances témoigne de l’attention portée à ce sujet essentiel pour l’égalité des chances de nos concitoyens.

Le développement de l’outre-mer passe aussi par l’accompagnement de l’exercice des responsabilités locales. C’est tout le sens des projets de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles pour l’outre-mer déjà votés ou en cours de préparation.

Cette priorité se concrétise par le renforcement des engagements de l’État en faveur des collectivités locales d’outre-mer. À ce titre, les dotations gérées directement par le secrétariat d’État connaîtront l’année prochaine une légère progression et atteindront 316 millions d’euros en crédits de paiement.

Le projet de budget pour 2008 prévoit en outre une augmentation de 10 % au titre des engagements contractuels de l’État. Ces crédits atteignent 110 millions d’euros en crédits de paiement dont 28 millions d’euros s’inscrivant dans le contrat de projet pour la Polynésie française.

Enfin, l’amélioration de la sécurité demeure un axe fort de l’engagement du Président de la République, en outre-mer comme sur l’ensemble de notre territoire, car elle est une des conditions majeures du développement économique.

Les résultats observés en matière de lutte contre la délinquance sont encourageants et l’effort de l’État sera poursuivi.

La hausse générale des chiffres est liée à une forte augmentation de l’activité des services : elle a augmenté de 4,59 % pour l’ensemble de l’outre-mer. La délinquance de voie publique est en baisse de 5,09 % avec des résultats très bons en Guyane (- 25,62 %), à la Martinique (- 16,28 %), en Nouvelle Calédonie (- 8,1 %) ou à La Réunion (- 5,78 %).

Depuis 2002, une politique résolue a été menée pour lutter contre l’immigration irrégulière. Les résultats sont excellents. Le problème reste fort en Guyane et à Mayotte mais il est désormais moindre en Martinique et en Guadeloupe, preuve que dans ce domaine aussi la volonté politique peut-être efficace.

La baisse du nombre des reconduites hors du territoire français en Martinique et en Guadeloupe s’explique par le fait qu’une partie de l’immigration clandestine arrivait par la Dominique, qui ne réclamait pas de visa à l’immigration aux ressortissants d’Haïti. Le ministre de l’intérieur de l’époque obtint de la Dominique qu’elle exige un tel visa. Depuis, les Haïtiens ne viennent plus à la Dominique, pour gagner ensuite la Martinique et la Guadeloupe par les voies navigables.

À Mayotte, la situation était difficile. La fédération des Comores avait décidé un blocus contre l’île d’Anjouan, ce qui aboutit à interdire, pendant trois semaines, toute liaison maritime et aéroportée. D’où l’importance de la pression migratoire à Mayotte, où le préfet n’avait plus la possibilité d’organiser les reconduites. Depuis que les liaisons ont été rétablies, les chiffres de reconduites de l’année dernière ont quasiment été rattrapés ; ils seront même sans doute dépassés cette année.

Reste le problème de la Guyane. L’orpaillage clandestin n’a cessé de se développer. Il se trouve que la Guyane est le seul territoire d’outre-mer en situation continentale, avec deux frontières, celles de l’Oyapok et du Maroni entre le Brésil d’un côté et le Surinam de l’autre. L’immigration clandestine qui passe par la voie fluviale est très difficile à contenir. La France est en train de mettre en place avec le Brésil et le Surinam des brigades communes qui commencent à porter leurs fruits. D’ici à la fin de l’année, le niveau des reconduites à la frontière devrait être beaucoup plus acceptable. Sans compter le chantier de construction du pont de Saint-Georges de l’Oyapok, pour lequel les crédits ont été débloqués ; cette voie de circulation permettra de contrôler plus efficacement les déplacements entre le Brésil et la Guyane.

Dans le domaine de la sécurité civile, la politique d’amélioration de la prévention des risques se poursuit également. Le secrétariat d’État à l’outre-mer y travaille, en étroite collaboration avec les directions du ministère de l’intérieur ainsi qu’avec les collectivités territoriales qui ont un rôle à jouer sur ce plan.

Le fonds de secours de l’outre-mer reste l’outil privilégié d’aide aux victimes de catastrophes naturelles.

En 2007, 36,6 millions d’euros ont été délégués par le Secrétariat d’État à ce titre, dont 17,6 millions en faveur des sinistrés du cyclone Gamede à La Réunion et 5,8 aux entreprises victimes du chikungunya à La Réunion et à Mayotte. L’aide aux sinistrés de DEAN à la Martinique et en Guadeloupe sera progressivement versée d’ici à la fin de l’année. Les dégâts viennent d’être évalués par les experts à 558 millions d’euros.

Il convient de saluer les représentants de la Martinique et de la Guadeloupe et, à travers eux, les collectivités territoriales qui ont contribué, avec l’État, à un important travail de solidarité. Jamais la commission spécialisée ne s’était réunie aussi vite pour procéder à la déclaration de l’état de catastrophe naturelle. Toutes les communes de la Martinique ont été retenues à ce titre. Deux – Baillif et Deshaies – ne l’ont pas été à la Guadeloupe, parce que des mouvements de terrain ont obligé à reporter l’examen des dossiers, mais l’avis favorable ne saurait tarder. Il convient également de saluer les collectivités, les particuliers et les organisations de métropole qui ont témoigné de leur solidarité à l’égard de la Martinique et de la Guadeloupe.

Enfin, le développement économique de l’outre-mer passe par la réduction de la fracture numérique. Les technologies de l’information et de la communication sont essentielles pour développer l’attrait et la compétitivité des territoires. La loi de programme en préparation comportera un volet consacré à cet effort, notamment afin de faciliter le déploiement des câbles sous-marins et donner ainsi une qualité de service et une concurrence tarifaire équivalentes à celles de la métropole. Le câble arrive à la Guadeloupe et va arriver à la Martinique ; cela permettra l’ouverture à la concurrence, la baisse des tarifs et une meilleure qualité de service. Le câble sera ensuite acheminé en Guyane.

En matière de téléphonie portable, les habitants d’outre-mer qui se rendaient en métropole étaient soumis à une double tarification : la tarification normale, plus la tarification de réception ; il en était de même pour les habitants de métropole qui se rendaient en outre-mer. La France a obtenu à Bruxelles une baisse de 40 à 50 %, valable de l’outre-mer en métropole, de métropole en outre-mer, mais aussi de tous les pays de l’Union européenne vers l’outre-mer et vice-versa.

La mise en place des deux collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, depuis le 15 juillet dernier, se déroule comme prévu. De nombreux échanges ont lieu avec les présidents. Les textes d’application de la loi organique sont pris ou interviendront très vite. La loi de finances pour 2008 sera amendée pour prévoir les modalités transitoires de compensation des transferts de compétences. La commission d’évaluation se réunira dès la parution du décret l’instituant.

La question de la position de ces deux collectivités a été également réglée au regard de l’Union européenne. Tant qu’elles dépendaient du territoire de la Guadeloupe, elles bénéficiaient, notamment en matière d’aménagement du territoire, des fonds européens. En quittant leur statut antérieur, n’allaient-elles pas perdre ce bénéfice, notamment pour la période 2007-2013 ? La France est en train de faire en sorte qu’elles deviennent des régions ultrapériphériques, dans le cadre du traité simplifié.

S’agissant de la départementalisation de Mayotte, le Président de la République s’est engagé à consulter les électeurs mahorais si le conseil général le demande après son renouvellement de mars 2008. Si ces électeurs approuvent cette évolution, le Parlement sera appelé à l’entériner dans le cadre de la loi organique. L’évolution vers le département devra alors être adaptée et progressive. En effet, la situation de la société mahoraise et des collectivités nécessite l’adoption d’une démarche spécifique, en concertation avec les élus de Mayotte.

M. Alfred Almont, rapporteur pour avis de la commission des questions économiques, a remercié l’ensemble des collègues présents, notamment ceux des régions d’outre-mer avec lesquels il entretient des relations étroites de travail et d’amitié.

Quelles réflexions tirer de l’examen du projet de budget pour l’outre-mer, dont les régions se considèrent, non comme les morceaux d’un tout, mais comme des entités qui aspirent à davantage de responsabilité et de considération ?

Ce projet de budget reflète une certaine continuité. Il s’inscrit, à l’évidence, dans la perspective de la nouvelle loi de programme pour l’outre-mer qui est appelée, grâce aux dérogations qui sont attendues, à répondre aux vrais besoins du développement économique et social des régions concernées.

Il s’élève à 1,7 milliard d’euros, ce qui correspond à une baisse apparente de 11,7 %. Elle s’explique par la modification du périmètre de la mission désormais structurée autour de deux programmes, du fait du transfert vers le ministère de l’intérieur et le ministère des finances de certains dispositifs spécifiques – dépenses de personnels et de fonctionnement –, et par une mutualisation de certains moyens.

Les deux programmes qui restent : « conditions de vie outre-mer » et « emploi outre-mer » bénéficient d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement en hausse. Les principales orientations pour 2008 devront permettre de promouvoir l’habitat social, qui constitue l’un des enjeux principaux du développement des régions ultramarines. Les entreprises spécialisées ne demandent qu’à travailler. Les matériaux d’industries locales ne demandent qu’à servir. Les besoins sont de plus en plus importants.

Ces orientations sont appelées à promouvoir le développement des collectivités locales au moyen de dotations mieux adaptées, et d’outils contractuels comme les contrats de projet État régions ou les conventions de développement. Elles sont de nature à encourager la création d’emploi, grâce à des dispositifs spécifiques d’exonération de charges sociales, et grâce à des mesures de soutien à la desserte aérienne et maritime.

Si ce budget s’élève à 1,7 milliard d’euros, l’effort total de l’État en faveur de l’outre-mer atteint 15,3 milliards d’euros, soit neuf fois plus. C’est notamment le résultat des transferts et imputations sur d’autres budgets, notamment l’intérieur et les finances. Il serait toutefois intéressant de connaître, non seulement le montant des crédits ainsi transférés, mais plus encore la ventilation complète de l’ensemble des crédits affectés à l’outre-mer.

M. le rapporteur pour avis proposera, dans un souci de clarté, à la commission d’adopter deux recommandations à l’adresse du Gouvernement, visant à permettre, dans le document budgétaire annuel de la mission : d’une part, une lecture plus précise de la répartition des crédits selon chaque collectivité destinataire, d’autre part, une présentation budgétaire retraçant les crédits affectés à l’outre-mer dans chacun des autres ministères, ainsi que les crédits relevant des fonds européens.

À partir du 1er janvier 2008, les aides directes à l’embauche des publics les plus éloignés de l’emploi seront prises en charge par le ministère de l’emploi. Cela semble justifier la diminution en 2008, par rapport à 2007, de l’action « Mesures d’insertion et aide directe à l’emploi », qui passent de 316,4 millions à 141,6 millions. Le solde, 174, 8 millions, devrait se retrouver au ministère chargé de l’Emploi ; or le montant transféré ne serait que de 158 millions. Qu’en est-il donc précisément ?

La présentation des dépenses fiscales, conséquence de la LOLF, constitue un indicateur précieux. S’agissant de l’outre-mer, un tableau analogue retraçant les dépenses sociales, d’allégement et d’exonération des charges patronales sur le travail serait tout aussi précieux. Celles-ci font l’objet d’une compensation en faveur des caisses de sécurité sociale, qui s’impute directement dans le budget d’outre-mer. Il en va différemment de la dépense fiscale, qui ne donne pas lieu à compensation. Il serait pourtant utile de présenter sur le même plan les deux sortes de dépenses, afin de mieux faire apparaître la réalité du coût de la mission outre-mer.

Le ministère a confié à un cabinet spécialisé une étude visant à évaluer le dispositif spécifique d’exonération des charges pour l’outre-mer. Où en sont ses travaux ?

L’aide à la structuration du dialogue social relève d’une excellente initiative, en raison de la dureté de certains conflits sociaux outre-mer. Il serait utile d’avoir certaines précisions sur la méthode, ses modalités et ses objectifs.

Les crédits d’aide au logement social bénéficient d’une progression sensible, de 14 %. On a reproché à l’État d’avoir accumulé, au cours des dernières années, des arriérés de paiement aux organismes sociaux locaux. Pour quelle part le rattrapage de ces arriérés rentre-t-il en compte dans cette progression de crédits ?

Il serait nécessaire d’afficher le montant de l’aide par collectivité. À titre d’exemple, en Martinique, les besoins sont évalués à 1 500 maisons par an et à 500 logements évolutifs sociaux (LES), soit, en termes financiers, à 60 millions d’autorisations d’engagement et 50 millions de crédits de paiement. À cet égard, le temps paraît venu de réviser le plan de prévention des risques, pour tenter d’accroître les capacités foncières.

Un rapport d’information a été remis à l’Assemblée sur l’utilisation des pesticides organochlorés utilisés en Martinique et en Guadeloupe entre 1983 et 1993, notamment le chlordécone. Ce que les populations ont entendu ici et là, qui a été relayé par la presse et les médias, a provoqué une vive inquiétude et suscité des débats passionnés.

La commission des affaires économiques a décidé d’assurer un suivi de la mise en place des préconisations du rapport d’information. Il serait bon de connaître où en sont les travaux du secrétariat d’État chargé de l’Outre-mer sur ce douloureux et vital sujet. Des mesures très énergiques s’imposent, tant en matière d’indemnisation que de dépollution des sols.

Enfin, les futures zones globales d’activité ont été réaffirmées comme prioritaires. Le Gouvernement a souhaité qu’on les mette en place le plus rapidement possible. Peut-on avoir des précisions sur le calendrier prévu et sur la procédure ? La date d’effet annoncée, le 1er janvier 2008, sera-t-elle assurée ?

Il faut enfin évoquer le passeport mobilité, car le décret du 10 février 2004 mériterait d’être modifié pour corriger les dérives observées dans la gestion du dispositif de continuité territoriale.

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois, a indiqué que le budget alloué à la mission « outre-mer » pour 2008 était marqué par une stabilité générale, même si les modifications de périmètre budgétaire en compliquent l’analyse et si l’évolution des crédits est variable selon les politiques financées. Les crédits de paiement de la mission s’élèvent à 1,73 milliard d’euros, dont 1,01 milliard d’euros au titre du programme « emploi outre-mer » et 721 millions d’euros au titre du programme « conditions de vie outre-mer ». Il convient toutefois de rappeler que le ministère de l’outre-mer ne gère que 11,3 % des 15,3 milliards d’euros qui financent l’ensemble des politiques dont bénéficie l’outre-mer.

Près de 60 % des crédits de la mission « outre-mer » seront donc à nouveau consacrés l’an prochain à la promotion de l’emploi, qui demeure ainsi la priorité du ministère chargé de l’outre-mer. La lutte contre le chômage a déjà porté ses fruits outre-mer, puisque, sous la précédente législature, le taux de chômage a été ramené, en moyenne, de 25,4 % à 19,6 % de la population active dans les DOM. Toutefois, ce taux reste encore plus du double de la moyenne nationale ; la mise en place en 2008 de zones franches globales d’activité et de « pôles d’excellence » permettra certainement d’accélérer le retour vers l’emploi de nos compatriotes d’outre-mer. Il semble d’ailleurs que les collectivités ultramarines auraient un intérêt économique évident à adopter une stratégie globale pour devenir le « fer de lance » des technologies innovantes pour le développement durable (en matière d’énergie, de transports, d’agriculture ou de gestion des risques naturels et des déchets).

Ce budget reflète également la seconde grande priorité du Gouvernement pour l’outre-mer : l’amélioration des conditions de logement, puisque les crédits consacrés au logement social progressent de 13,8 % par rapport à l’année précédente.

Par ailleurs, les crédits de paiement destinés à l’aménagement du territoire augmentent de 10 % pour atteindre 110 millions d’euros, tandis que ceux qui financent la continuité territoriale demeurent stables à 54,2 millions d’euros. Enfin, les dotations aux collectivités ultramarines gérées par le ministère de l’outre-mer seront maintenues à 314 millions d’euros. Serait-il possible d’avoir des précisions sur le versement de l’aide aux sinistrés du cyclone Gamede à La Réunion et de l’ouragan Dean aux Antilles ?

S’agissant des questions relevant plus directement des compétences de la commission des Lois, il convient de souligner les excellents résultats enregistrés outre-mer dans la lutte contre l’immigration clandestine. En 2006, pour les seuls départements d’outre-mer, 10 605 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits vers leur pays d’origine, ce qui représente une augmentation de plus de 50 % en deux ans. Des progrès spectaculaires ont été faits dans les collectivités ultramarines les plus affectés par ce phénomène : par rapport à l’année précédente, le nombre d’éloignements est en hausse de 37 % en Guyane, de 57 % en Guadeloupe et, surtout, de 73 % à Mayotte.

Cette réussite incontestable est le fruit d’une volonté politique affirmée, qui s’est concrétisée par le renforcement des moyens humains et matériels de la police aux frontières (PAF), mais aussi par la mise en œuvre des mesures innovantes prévues dans le volet ultramarin de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration. Comme en métropole, les immigrés légaux seront d’autant mieux acceptés et intégrés dans ces collectivités que l’immigration clandestine y sera réduite.

La délinquance générale a connu outre-mer une légère augmentation de 2,7 % en 2006, mais celle-ci s’explique largement par l’augmentation du nombre d’infractions à la police des étrangers – ces infractions représentent outre-mer une proportion de la délinquance presque neuf fois plus élevée qu’en métropole. En réalité, la délinquance de voie publique et les violences aux personnes ont respectivement baissé de 11,7 % et de 3,6 % en 2006, confirmant la tendance de l’année précédente. Les effectifs de la police et de la gendarmerie nationale ont été globalement accrus, et l’indice de criminalité demeure inférieur à celui de la métropole. Ces résultats mériteraient d’être mieux connus du grand public. On peut toutefois s’interroger sur l’accélération du trafic de drogue dans les départements français d’Amérique : le nombre d’infractions à la législation sur les produits stupéfiants a augmenté de presque 32 % en 2006. Elles demeurent toutefois un peu moins nombreuses qu’en 2003.

Même si la gestion des prisons relève du ministère de la justice, je remarque également que la surpopulation carcérale s’aggrave outre-mer, puisqu’en juillet, le taux d’occupation moyen des établissements s’élevait à 148 %, contre 128 % un an plus tôt. Il convient de remédier au plus vite à la situation dans les collectivités du Pacifique, avec des taux d’occupation supérieurs à 188 % en Nouvelle-Calédonie et à 237 % en Polynésie française. En outre, pourriez-vous nous indiquer la date de mise en service du nouveau centre pénitentiaire en construction dans le quartier de Domenjaud à Saint-Denis de La Réunion, l’actuelle prison de la rue Juliette Dodu étant particulièrement insalubre, et pour tout dire indigne de la République ?

S’agissant des évolutions qui affectent les institutions de l’outre-mer, une rénovation statutaire majeure a été conduite avec les lois organique et ordinaire du 21 février dernier. Ces lois ont créé deux nouvelles collectivités d’outre-mer (COM), Saint-Barthélemy et Saint-Martin, et mis à jour les statuts de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, pour tenir compte de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Elles ont aussi doté les conseils régionaux et généraux d’outre-mer de pouvoirs normatifs renforcés, tout en offrant aux électeurs des COM de nouveaux instruments de démocratie directe. Il convient, à présent, de mettre en œuvre tous ces changements législatifs. Où en est l’application de cette loi, s’agissant notamment de la parution des décrets d’application ? Quel est le calendrier a été retenu par le Gouvernement pour préparer la départementalisation du statut de Mayotte, comme le souhaitent sa population et ses élus ? Enfin, certains conseils généraux ou régionaux d’outre-mer ont-ils, depuis huit mois, demandé à être habilités par la loi à adapter localement les lois et règlements ?

Cette vaste entreprise de rénovation statutaire, qui n’a pas encore permis de moderniser le statut, pourtant dépassé, de Wallis et Futuna, devrait être à présent poursuivie avec un projet de loi organique et un projet de loi visant à stabiliser les institutions de la Polynésie française.

Le jeu des nouvelles alliances politiques n’a pas permis à l’assemblée de la Polynésie française d’approuver ces textes. Stabiliser ces institutions répond pourtant à une évidente nécessité, dont attestent régulièrement, depuis 2004, les crises politiques polynésiennes. Au-delà de la seule question du mode de scrutin pour l’élection de l’assemblée polynésienne, la mise en place de motions de défiance constructives et le renforcement des contrôles entourant les activités économiques et financières de la COM devraient favoriser la responsabilité et la transparence. Quelles observations de l’assemblée polynésienne pourraient être prises en compte par le Gouvernement ? Plus profondément, comment le Gouvernement entend-il concilier à l’avenir le rétablissement de divers contrôles et prérogatives de l’État en Polynésie française avec l’autonomie qui avait été reconnue à cette COM en 2004 ?

Enfin, en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, la Constitution a été modifiée au mois de février dernier, afin de clarifier les règles applicables pour les élections provinciales et au Congrès. Quelle est maintenant l’orientation politique retenue par le Gouvernement pour la conduite des discussions entre les signataires des accords conclus à Nouméa le 5 mai 1998 ?

M. Jean-Claude Fruteau a exprimé sa perplexité devant l’augmentation de 2 %, à périmètre constant, des crédits alloués à la mission outre-mer annoncée par le secrétaire d’État, alors que le tableau récapitulatif qui figure dans le projet de loi de finances indique, toujours à périmètre constant, une diminution des crédits de paiement de 6,84 %. Comment le secrétaire d’État justifie-t-il cet écart ?

Pour le logement social, 25 millions d’euros supplémentaires sont affectés en crédits de paiement. On peut s’en réjouir car, dans ce secteur quasiment sinistré, les besoins sont considérables. Mais la mission d’audit de 2006 sur le logement outre-mer établit le « stock de dettes » de l’État en ce domaine à 450 millions d’euros. Même si les estimations varient, il n’en reste pas moins qu’il y a une dette antérieure de l’État compte tenu de la politique des autorisations de programme et des crédits de paiement utilisée pendant de nombreuses années. Les 25 millions d’euros supplémentaires vont-ils être utilisés pour rattraper la dette de l’État ou pour engager des opérations supplémentaires ? La mission d’audit de 2006 estime à 307 millions d’euros les moyens nécessaires pour répondre aux besoins.

Le congé-solidarité semble avoir disparu du projet de loi de budget. Qu’en est-il ?

Dans l’action 7 du programme 123 « conditions de vie outre-mer », il est fait allusion à la nécessité pour les départements d’outre-mer de se préparer à l’adaptation des accords de partenariat économique que l’Union européenne s’apprête à signer avec les pays ACP. De fait, il y a un grand danger pour les économies de ces départements si la spécificité des départements d’outre-mer, et des régions ultrapériphériques notamment, n’était pas reconnue. Où en sont les négociations ? La signature des accords interviendra-t-elle avant la date du 1er janvier 2008 qui avait été annoncée ? Les départements d’outre-mer seront-ils exclus, en vertu de leur spécificité, du champ d’application des accords ? S’il en était autrement, ce serait dramatique pour les économies domiennes et les efforts réalisés par le secrétaire d’État pour l’emploi outre-mer risqueraient d’être réduits à néant.

En matière de continuité territoriale, les disparités de traitement entre différentes parties de la nation demeurent. Il n’est que de comparer les sommes affectées par l’État par tête d’habitant : 650 euros pour la Corse, contre 10 euros pour La Réunion. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour corriger ces disparités et assurer une vraie continuité territoriale, à laquelle aspirent légitimement, comme l’a reconnu lui-même le secrétaire d’État, les populations d’outre-mer ? Faut-il rappeler que le seul moyen de mobilité de ces dernières est l’avion ?

M. Serge Letchimy a repris à son compte les questions de M. Fruteau sur la continuité territoriale – 5 millions d’euros pour la Martinique, 772 millions d’euros pour la Corse – et sur le congé-solidarité. Des milliers de postes vont se libérer du fait des départs à la retraite. Si l’on supprime ce que l’on appelle les congés-solidarité, on va rencontrer des problèmes pour remplacer les fonctionnaires.

M. le rapporteur a avancé, pour l’outre-mer, un taux de chômage de 19 %. Or, pour la Martinique, il est de 25,6 % en moyenne, et celui des moins de vingt-cinq ans, aux alentours de 50 %. Dans un domaine où il faut choisir résolument la rupture, le présent budget s’inscrit malheureusement dans la continuité.

Alors que les besoins en matière de logements se montent à 1 600 par an en Martinique, il n’en est construit que 250. La dette de l’État sur l’ensemble des DOM est évaluée à 100 millions d’euros, alors que l’augmentation est de 35 millions. Le taux d’insalubrité est de l’ordre de 5 % avec beaucoup de bâtiments à démolir pour être reconstruits. De plus, le patrimoine est soumis aux risques majeurs. Les crédits sont insuffisants alors que l’enjeu est très important.

M. Serge Letchimy s’est félicité qu’aient été évoquées l’expérimentation et l’évolution statutaire dans le domaine du développement économique. Il a suggéré une piste pour concilier le Grenelle de l’environnement, c’est-à-dire la prise en compte de la biodiversité et de la richesse locale, et la recherche de solutions permettant un développement local et endogène : un lien peut-être fait entre la zone franche globale, de la future loi-programme et une dynamique de développement reconnaissant un statut écologique particulier. Si l’on veut redévelopper localement, il faut créer un cadre juridique financier, contractuel et programmatif en matière d’aménagement du territoire qui puisse permettre de tenir compte des enjeux locaux liés aux richesses et à la biodiversité. Cela aurait certainement permis d’éviter la pollution par le chlordécone et par les autres pesticides.

M. Letchimy regrette profondément que M. le président de la commission n’ait pas retenu le principe d’une commission d’enquête à ce sujet. La mission d’information qui a été mise sur pied, même si elle a fait un excellent travail, n’a pas donné les résultats escomptés et il ne voit pas ce que peut donner un comité de suivi, d’autant qu’on n’en voit pas la traduction dans le budget actuel. Un geste fort de l’État serait important pour l’ensemble des habitants de la Martinique et de la Guadeloupe. Qu’est-il prévu de faire pour dépolluer et permettre la reprise en main de l’agriculture locale ?

La situation de la Martinique et de la Guadeloupe, comme celle des autres départements d’outre-mer, exige de changer de braquet. Il faudra demeurer très attentif à la place qui sera donnée aux évolutions institutionnelles dans le cadre des débats qui vont s’ouvrir et notamment ouvrir dans le temps et l’espace l’expérimentation prévue sur deux ou trois ans par la loi organique. Pour instaurer un véritable pouvoir local dans le cadre de l’article 73, il conviendrait de faire franchir un pas à celle-ci en programmant sur la même durée – quinze ans – la zone franche globale, la loi-programme et un cadre de développement économique expérimental, de façon à pouvoir sortir du régime de l’économie d’habitation.

Mme Jeanny Marc a déclaré qu’elle se retrouvait tout à fait dans les propos tenus par les deux orateurs qui l’ont précédée. Elle a posé une question complémentaire sur les emplois aidés. Le chômage est un problème endémique en outre-mer, surtout pour la population jeune. Or les documents fournis ne donnent pas beaucoup d’informations sur le transfert de la gestion et de l’administration des emplois aidés au ministère de l’économie. Selon quelles modalités sont-ils désormais organisés ? Ils ne sont pas une panacée mais permettent un premier accès des jeunes à l’emploi.

On attend des signes forts du Gouvernement sur le dossier du chlordécone. Plus que la pollution, ce qui inquiète la population, c’est le manque de transparence et l’absence de lisibilité de la position du Gouvernement.

M. Michel Piron s’est félicité de la progression – 13,8 % – des crédits affectés au logement, mais a fait remarquer qu’on observe, depuis de nombreuses années, une sous-consommation des crédits, la production de logements ne suivant pas toujours les financements ouverts. Il a demandé au secrétaire d’État de faire le point sur l’écart éventuel pouvant exister entre les crédits ouverts et leur consommation réelle.

Il s’est également enquis de l’articulation entre le rôle des collectivités territoriales et celui de l’État.

Mme Annick Girardin a fait part de son inquiétude concernant l’objectif de décélération fixé au niveau national par Mme Christine Lagarde. La fongibilité des crédits entre les aides pour l’outre-mer et les aides nationales laisse craindre que les emplois aidés dans le programme formation outre-mer ne servent de variables d’ajustement aux objectifs nationaux. Comment l’outre-mer va-t-elle être traitée ? Elle a demandé au secrétaire d’État de veiller à ce que les aides soient pérennes et d’un niveau au moins égal à celui de 2007.

Un deuxième sujet de préoccupation concerne les finances des collectivités locales ultramarines. On constate une disparité entre les collectivités dont les charges structurelles ont été reconnues, comme la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie pour lesquelles des fonds spécifiques sont prévus, et celles pour lesquelles il n’y a pas encore de compensation par l’État, au premier rang desquelles Saint-Pierre-et-Miquelin dont le déficit, en 2006, était de plus de 7 millions d’euros et la dette de plus de 29 millions d’euros. L’enjeu est de taille. Les spécificités de ces collectivités doivent être reconnues.

Dans le cadre du PLF pour 2008, Mme Girardin déposera deux amendements. Le premier interviendra sur le dispositif de contrat de stabilité et visera à ce que l’indexation des dotations des collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon soit réalisée sur la base de l’inflation locale et non pas de l’inflation nationale. Le second tendra à la création d’un fonds spécifique, ou du moins d’une dotation complémentaire, qui prendrait en charge l’ensemble des difficultés structurelles incompressibles que connaissent Saint-Pierre-et-Miquelon et les autres territoires d’outre-mer dont la spécificité n’a pas été prise en compte.

La continuité territoriale est un sujet qui concerne tous les outre-mer. Les critères d’attribution de la dotation de continuité territoriale sont totalement en défaveur de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le billet d’avion pour cette collectivité coûte en moyenne 1 300 euros, ce qui est sans doute le prix le plus cher de tous les départements et collectivités d’outre-mer.

Elle a souhaité connaître les positions du secrétaire d’État sur toutes ces préoccupations et les moyens qui seront alloués en 2008 pour prendre en compte les difficultés et les spécificités de l’outre-mer.

M. Louis-Joseph Manscour a considéré que les moyens mis à la disposition du secrétaire d’État étaient nettement insuffisants pour satisfaire les exigences des DOM-TOM, qu’il s’agisse de la continuité territoriale, du logement, de l’emploi ou de la sécurité.

Concernant le logement, les crédits augmentent certes de 14 % mais ces crédits ont toujours été très insuffisants dans le passé. Par ailleurs, pour la seule Martinique, près de 100 millions d’euros de crédits de paiement restent en suspens. Les opérateurs sont menacés dans leur survie.

Le taux de chômage outre-mer est deux fois celui du chômage moyen en métropole. M. Manscour s’est étonné du taux moyen indiqué par le secrétaire d’État – 19 % – alors qu’il se situe, dans presque tous les départements d’outre-mer, entre 24 et 25 %.

M. Abdoulatifou Aly a demandé où en étaient les rapports entre Mayotte et l’Union européenne. Alors que le projet de Constitution qui a été rejeté prévoyait des négociations en vue de l’intégration de cette collectivité dans l’Union, le mini-traité semble ne pas parler du tout de cette question.

Mayotte est la « championne de la République » en matière de lutte contre l’immigration clandestine. Cela devrait avoir pour contrepartie une augmentation de l’emploi au niveau local. Or, jusqu’à présent, cela ne se traduit pas dans le concret. Quelles mesures le Gouvernement entend-il appliquer à Mayotte pour favoriser l’emploi ? Les mesures d’exonération sociale qui s’appliquent ailleurs outre-mer vont-elles lui être étendues ?

Cela fait au moins cinq ans qu’aucun logement n’a été réalisé à Mayotte. Comment va se traduire la relance du logement ? Va-t-on continuer avec une seule société immobilière ou va-t-il y avoir une généralisation, c’est-à-dire une liberté totale puisque la défiscalisation est présentée comme un moyen de favoriser le logement social outre-mer ?

Enfin, qu’entend faire le Gouvernement pour améliorer la continuité territoriale entre Mayotte et la métropole ?

M. Michel Vaxès a indiqué que toutes les questions qui ont été posées traduisent une préoccupation commune. Il est revenu à nouveau sur la question dramatique du logement outre-mer. Comment le secrétaire d’État compte-t-il s’y prendre pour réorienter la défiscalisation vers le logement social ? Les différents rapports qui ont été produits sur cette question montrent qu’elle n’a pas réussi à répondre aux attentes qui avaient été placées en elle. Il a également fait remarquer que cette défiscalisation représente pour l’État un effort plus important que la dépense budgétaire.

Le secrétaire d’État s’est félicité de l’intérêt porté par un certain nombre de parlementaires de métropole aux dossiers de l’outre-mer. Alors que l’outre-mer a souvent fait l’objet d’incompréhension. Ces Français du bout du monde ont le sentiment que l’esprit d’équité et de justice s’applique plus facilement à certaines grandes agglomérations de métropole qu’à certaines îles éloignées. Il a pu se rendre compte, lors de ses déplacements, qu’il y a des situations qui ne sont pas dignes de la part de l’État. L’hôpital de Futuna, par exemple, n’a même pas un appareil de radiographie en état de fonctionner. La solidarité nationale consiste à donner plus à ceux qui ont moins. Elle n’a rien à voir avec l’égalitarisme, qui consiste à donner la même chose à tout le monde. La France est ce pays à nul autre pareil qui peut revendiquer d’être une addition d’histoires et de cultures différentes, d’une immense communauté de destins. S’il manquait une seule parcelle de cette histoire, la France ne serait plus la France. De là naît cette exigence de solidarité.

Le budget pour 2008 ne va pas rattraper trente ans. Il en rêverait comme beaucoup de députés de l’outre-mer. Mais une exigence est déjà posée dans le vocabulaire, à savoir de ne pas sortir du mot « rattrapage », de le répéter en permanence et de tout faire pour que, année après année, une part du budget soit consacrée à celui-ci. Il importe également d’inventer des outils qui y contribuent. Il ne suffira pas de répondre en termes budgétaires ; il faudra également parler compétitivité et attractivité, et donc trouver de nouvelles filières économiques pour attirer de nouveaux investisseurs. C’est par l’addition de l’un et de l’autre que l’on peut se donner une chance.

Il faudra, par ailleurs, essayer de ne pas imposer une vision de Paris. C’est déjà détestable pour ceux qui vivent en Savoie ou en Bretagne. Cela l’est encore plus pour ceux qui habitent au milieu de l’Océan indien, de l’Océan Pacifique ou de la mer des Caraïbes.

La tâche est difficile mais le gouvernement promet de veiller à ce que l’État ait un autre regard de modestie et d’humilité sur l’outre-mer et d’inventer des outils qui répondent à ses besoins. Les députés des DOM-TOM sont les mieux placés pour les exprimer puisqu’ils sont au quotidien sur ces territoires et savent quelles sont les ressources humaines et les ressources naturelles. Il revient aux fonctionnaires des administrations de la métropole de se doter d’outils adaptés à ces territoires.

Les modèles dans les territoires d’outre-mer sont très différents, comme on peut s’en rendre compte dans les relations et les rapports en société, les lignes de partage et même les débats idéologiques. Les réponses ne peuvent donc par être les mêmes. Il est possible, comme cela s’est souvent manifesté, de mettre en commun les énergies, quel que soit le banc sur lequel on siège, pour aller dans le même sens et regarder dans la même direction.

Le secrétaire d’État a ensuite répondu aux questions des députés.

Il a remercié les deux rapporteurs pour le soutien qu’ils lui ont apporté sur son budget et pour les questions très pertinentes qu’ils ont posées.

M. Almont s’est félicité de l’augmentation de 2 % du budget, à périmètre constant, tandis que M. Fruteau s’est étonné que les documents budgétaires fassent apparaître une diminution des crédits de 6,84 %. Ils ont tous les deux raison. En effet, les documents budgétaires, tels qu’ils ont été imprimés, comportent une erreur fondamentale. Sur le budget du ministère de l’emploi, n’apparaissent pas les 158 millions d’euros qui ont été transférés du budget du ministère d’outre-mer vers le ministère de l’emploi. Le document budgétaire définitif avec la correction de l’erreur matérielle qui a été commise sera prochainement distribué. Le secrétaire d’État a également demandé à ce que les députés disposent d’ici à la semaine prochaine, conformément à la demande de M. Almont, d’un document précis avec la répartition ministère par ministère de tout ce qui touche à la mission outre-mer pour qu’ils puissent avoir une vision d’ensemble, avec un affichage clair des spécificités de chaque secteur.

La présentation conjointe des dépenses fiscales et des dépenses sociales d’allégement et d’exonération de charges patronales sur le travail serait une information très utile mais c’est au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) que revient la responsabilité de faire apparaître les engagements de l’État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale.

L’étude visant à évaluer, à l’aide d’un modèle économétrique, le dispositif spécifique d’exonération de charges sociales pour l’outre-mer, c’est-à-dire le nombre d’emplois créés, a été confiée au Centre d’étude de l’emploi, qui est l’organisme de référence en la matière. Un rapport d’étape vient d’être livré. Les conclusions finales seront fournies prochainement aux parlementaires.

La méthode d’aide à la restructuration du dialogue social est simple à énoncer mais difficile à mettre en œuvre. Cela consiste à faire vivre ensemble les protagonistes du dialogue, au cours de sessions d’une durée globale de plusieurs semaines, généralement organisées hors de la collectivité d’origine, autour d’exemples examinés sur le terrain – par exemple la régulation des rapports sociaux au Québec. Les participants de ces sessions doivent rendre des travaux communs à partir de leur expérience commune. On espère que les liens particuliers noués au cours de cette expérience éroderont la tentation du seul recours à la confrontation. Mais il est peut-être illusoire de penser qu’une seule session ou même une série de sessions permettra d’atteindre immédiatement un tel résultat. Les sessions doivent déboucher sur des initiatives concrètes dans le champ social.

Concernant les arriérés de paiement de l’État aux organismes sociaux locaux pour le logement, la dette antérieure a été purgée début 2007, mais le secrétaire d’État n’est pas en mesure de donner l’état pour 2007 puisqu’il n’a pas reçu toutes les factures. Toutefois, la dette antérieure a été purgée au 31 décembre 2006.

Pour la Martinique, la ligne budgétaire unique – LBU – de 2007 a permis de payer les dettes de 2006. Cela signifie qu’en 2007, on a peu construit : 250 logements LLS contre 1 500 il y a dix ans.

Pour ce qui concerne la sous-consommation des crédits, il est vrai qu’il y a eu, à un moment donné, un problème lié aux réserves foncières. Mais il s’est atténué considérablement du fait de l’élargissement des financements à d’autres produits et de la construction d’un nombre moindre de logements, compte tenu du niveau budgétaire. Il n’y a pas aujourd’hui, en Martinique, de retard et de non-consommation de fonds

On ne peut pas parler de non-consommation budgétaire. Sur le budget 2007, ont été inscrits des crédits en augmentation importante pour régler par anticipation une part de la dette de 2007. La Martinique n’a pas été en mesure en 2007 d’apporter le foncier qui aurait permis de réaliser les logements dont elle a besoin. Les cinq problèmes majeurs dans les outre-mer sont le logement, l’emploi, l’assainissement, la couverture numérique et la continuité territoriale. Ce sont les cinq volets qui seront inscrits dans la nouvelle loi de programme qui sera débattue dans l’année 2008.

Il faut inventer, avec l’ensemble des députés de l’outre-mer, des modèles adaptés à leur territoire. Il a besoin, pour ce faire, du concours de chacun, avec sa spécificité propre.

Pour la continuité territoriale, plusieurs orateurs ont fait référence à la Corse. On peut également faire un parallèle avec elle en matière de logement. Des dispositions corses ont été prises avec un établissement spécifique créé par décret au mois de mai dernier sur les problèmes d’indivision. Alors que l’outre-mer souffre d’un problème dramatique de logements insalubres, vacants ou squattés, résultant souvent de problèmes d’indivision, on ne dispose d’aucun outil juridique pour le régler. C’est pourquoi le secrétaire d’État souhaite que, dans la loi de programme, il y ait, à côté du volet des zones franches globales, et par territoire, une réponse identifiée à chacun des problèmes rencontrés : logement, emploi, assainissement, couverture numérique, continuité territoriale.

Pour le logement, devra être créé un établissement foncier adapté à la spécificité de chaque territoire pour pouvoir faire les réserves foncières nécessaires pour le logement et procéder aux adaptations nécessaires pour régler les problèmes d’indivision et de réhabilitation de logements insalubres dans le cadre de l’indivision. Cela peut se faire sous plusieurs formes et le secrétaire d’État a invité les députés d’outre-mer à inventer des modèles. Cela pourrait consister en une aide à la réhabilitation et des garanties de loyers pour les propriétaires bailleurs. Nombre de propriétaires redoutent, en effet, de mettre leurs logements sur le marché de la location par peur de ne pas pouvoir encaisser les loyers. Il faut travailler sur du donnant-donnant. Cela peut consister également à diriger vers les entreprises. La Fédération du bâtiment et des travaux publics de La Réunion, par exemple, a demandé s’il ne pouvait pas être accordé des aides spécifiques aux entreprises de plus de cinquante salariés. Le secrétaire d’État s’y est déclaré favorable dès lors que la Fédération s’engage à produire, elle-même, plus de logements sociaux par an.

À chaque territoire, on peut inventer un modèle spécifique et des solutions nouvelles.

Le complément de la LBU pour le logement social, c’est-à-dire la réforme de la défiscalisation sur le logement, sera introduite dans la loi de programme de manière à la réserver progressivement uniquement au logement social.

M. Michel Vaxès a demandé au secrétaire d’État comment il allait faire pour orienter la défiscalisation vers le logement social car, jusqu’à présent, cela n’a pas fonctionné.

Le secrétaire d’État a répondu qu’il sera précisé dans la loi de programmation que la défiscalisation profitera exclusivement au logement social, et non plus à la production de logements de luxe.

Il a été entendu récemment avec ses collègues de l’environnement, de la santé et de l’agriculture par la commission des affaires économiques du Sénat, à la suite d’une communication dénonçant la pollution des sous-sols et des productions agricoles des Antilles – La Guadeloupe et la Martinique – par le chlordécone, lequel se retrouverait également dans les aliments et est accusé de provoquer des cancers de la prostate. Alors que se déroulent les débats sur le Grenelle de l’environnement. Ces accusations étaient profondément injustes et mettaient en difficulté les Antilles. D’ailleurs l’auteur du rapport s’est contredit quelques semaines plus tard, en reconnaissant qu’elles n’étaient pas prouvées. Des épidémiologistes qui travaillent au CHU de Fort de France et de Pointe-à-Pitre et dont certaines enquêtes ont une lisibilité et une traçabilité sur près de vingt ans, n’aboutissent pas aux mêmes conclusions.

Le sujet est grave. On ne peut pas jeter à la figure d’un citoyen martiniquais ou guadeloupéen le fait qu’un tel risque pèse sur sa santé ou sur celle d’un de ses proches.

Cela étant, en 1990, des indications concernant le chlordécone ont commencé à se répandre, en 1991, des préconisations ont été prises et, en 1993, a été décrétée une interdiction définitive d’utilisation.

Écrire que tous les sols de la Martinique et de la Guadeloupe sont concernés est faux. Il y a des parcelles bien identifiées qui le sont. Des normes précises sont imposées et le chlordécone est interdit d’utilisation.

D’autres débats sont ouverts sur les pesticides mais ils le sont sur tous les territoires de France. Il y a eu l’affaire du pyralène dans le Rhône.

Le secrétaire d’État a voulu la transparence la plus totale sur ce dossier, comme peuvent en témoigner les élus martiniquais qui se réunissent régulièrement avec les services de l’État, la Direction de la répression et des fraudes, les services sanitaires et les associations, en présence de représentants de la presse. L’État n’a pas le droit de cacher quoi que ce soit.

Lorsque le secrétaire d’État s’est rendu à la Martinique et à la Guadeloupe pour un suivi des réparations entreprises à la suite du cyclone Dean, quelques jours après une nouvelle déclaration sur le chlordécone, il a souhaité que, à chaque fois qu’il entrait quelque part, la porte soit laissée grande ouverte afin que tous les médias et tous les élus puissent y avoir accès et qu’il n’y ait ainsi aucun soupçon de conversations occultes.

Les produits provenant de terres identifiées comme étant contaminées, ce qui n’est pas le cas de tout le territoire, sont soumis à des analyses. La norme de 50 microgrammes par kilogramme, qui est en train de passer à 20, doit être respectée, notamment pour les légumes racines. En ce qui concerne la banane, s’il y a des traces de chlordécone, elles se trouvent dans la peau et pas dans le fruit.

Durant les dernières années, les producteurs ont réalisé un travail qualitatif sur les produits antillais.

Le secrétaire d’État s’emploie à ce qu’on renforce d’abord les services d’analyse. Quelque 180 prélèvements pas an sont effectués. C’est insuffisant. Le secrétaire d’État a demandé qu’on multiplie par trois ou quatre le nombre de prélèvements – sur la terre comme sur les produits. Des échantillons sont répartis dans trois sachets avec des cachés. L’un est envoyé dans un laboratoire dans la Drôme, un autre est conservé par l’exploitant, le troisième est dans un coffre-fort à Paris.

Le secrétaire d’État a également demandé, avec M. Michel Barnier, à ce que soit créé un label qualité. Les producteurs qui font un travail exceptionnel pour mettre sur les étals dans les grandes surfaces ou à l’exportation des produits de grande qualité doivent être reconnus.

Le secrétaire d’État souhaite également qu’il y ait des poursuites fortes à l’égard des fautifs. Au tribunal de Pointe-à-Pitre, sur les deux dernières années, les services de la répression et des fraudes ont dénoncé et transmis huit infractions : six ont été classées sans suite, deux ont fait l’objet d’amendes de 700 euros. Il serait utile que le Parlement réfléchisse à des sanctions plus fortes quand les normes imposées par la loi ou le règlement ne sont pas respectées. C’est ainsi qu’on réussira à rassurer totalement la population.

Ce que le secrétaire d’État peut assurer, c’est que tous les produits qui sont sur les étals, en grande surface et à l’exportation sont de qualité et sont contrôlés. On n’a pas le droit de montrer du doigt la Martinique ou la Guadeloupe en parlant de contamination et de pollution.

Il faut par ailleurs mener de grandes politiques de prévention et de détection pour voir s’il y a eu des atteintes à la santé humaine. Les études épidémiologiques en cours dans les deux CHU devraient rapidement, avec l’AFSSA et l’INSERM, apporter des réponses définitives.

M. Alfred Almont, a insisté sur le fait que, compte tenu des engagements pris, des actions en cours et de la pollution qui est réelle, il s’agit, aujourd’hui, non seulement de sanctionner mais surtout d’indemniser et de dépolluer.

Le secrétaire d’État a répondu que la décontamination étant très compliquée, il est davantage question de requalification. Partout où il y a des terres de qualité, il faut produire de la qualité. Là où il y a de la contamination, comme on n’a aucune certitude de parvenir à décontaminer, on compte aider à la reconversion dans les nouvelles cultures, comme la biomasse, et les énergies renouvelables. De la même manière que La Réunion propose un grand dossier « île verte » et que M. Serge Letchimy invite à inventer de nouveaux modèles sur la base des zones franches globales et du Grenelle de l’environnement, on aura montré qu’on était capable de transformer cet inconvénient en avantage en créant une nouvelle économie et de nouvelles filières, à côté d’une production de qualité. On joue gagnant-gagnant.

S’agissant des places de détention outre-mer, il convient notamment de rappeler qu’un nouveau centre est en construction à Saint-Denis de La Réunion ; le gros œuvre est sorti de terre. D’autres projets vont se concrétiser : 32 places supplémentaires en Polynésie ; extension du centre de Remire Montjoly, en Guyane, avec 70 places supplémentaires. Pour autant, la surpopulation carcérale restera encore très forte en Guyane, en Polynésie et en Calédonie et il conviendra de réfléchir à la construction d’un établissement pénitentiaire à Saint-Martin.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, il a indiqué à M. Jean-Claude Fruteau que, conformément à l’engagement du Président de la République devant les Français, à la mission qui lui a été confiée par le Premier ministre et à ses convictions personnelles, les accords de Nouméa, tous les accords de Nouméa et rien que les accords de Nouméa devraient être respectés de A à Z.

Il avait annoncé avant son départ en Nouvelle-Calédonie qu’il réunirait, à la demande du FLNKS, le comité des signataires avant la fin de l’année. Pour donner encore plus de solennité à cette démarche, le Premier ministre a décidé que le comité se réunirait à Matignon.

On constate que, dans le respect des accords de Nouméa, des avancées significatives ont eu lieu en Nouvelle-Calédonie. Le secrétariat d’État a obtenu l’autorisation de défiscaliser 216 millions de dollars pour permettre le lancement du chantier de l’usine du Nord et Xstrata s’est engagé le 17 octobre dernier. Il convient par ailleurs de saluer le travail effectué avec Paul Néaoutyine, le président de la province du Nord, et avec M. Néko Hnepeune, le président de la province des Îles ; on arrive en effet au terme du chantier de l’usine du Sud.

Dans le cadre des accords de Nouméa, on a su réaliser un rééquilibre territorial, qui permettra de répartir richesses et créations d’emplois. S’agissant des infrastructures nécessaires à la réalisation de ces chantiers, le secrétariat d’État s’engage tant pour les voiries d’accès que pour les logements accueillant les actifs (près de 7 500 pour le chantier de l’usine du Nord).

Le secrétaire d’État a ajouté qu’il souhaitait que, dans le strict respect des accords de Nouméa, ceux qui auront à se prononcer le moment venu dans le cadre du référendum d’autodétermination fassent plutôt le choix de la Nouvelle-Calédonie dans la France.

Il a souhaité également que l’État soit totalement impartial. Dans le Pacifique, c’est le principe de l’autonomie qui prévaut au plan institutionnel. Au fur et à mesure que les élus le demanderont, des transferts de compétences leur seront accordés.

Ce statut d’autonomie a démontré son efficacité en termes de développement économique. En Nouvelle-Calédonie, on enregistre aujourd’hui le taux de croissance et le nombre de créations d’emplois parmi les plus élevés. Parallèlement à cela, l’État, dans ses compétences régaliennes, doit se montrer impartial et veiller à entretenir le dialogue social, à côté de ceux qui ont à gérer les institutions autonomes. Et lorsqu’il y a des blocages et des violences, il doit veiller à exercer ses responsabilités en matière de sécurité et de justice. Lorsque deux policiers sont blessés à Nouméa, il est normal que le secrétaire d’État demande que toutes les poursuites soient engagées contre ceux qui ont attaqué des fonctionnaires de l’État chargés de garantir la sécurité des personnes et des biens.

En ce qui concerne l’application de l’actuel statut de la Polynésie française, la situation y est instable : en trois ans, il y a eu cinq présidents et quatre motions de censure, après de nombreuses demandes de dissolution par toutes les parties concernées. Ces demandes n’ont pas abouti : il existe des institutions, et les élus qui votent une motion de censure ne font qu’utiliser les moyens mis à leur disposition par les lois de la République. Il n’y a pas à les remettre en cause.

Seulement, cette instabilité coûte très cher au développement économique. On a discuté un contrat de projet 2007-2013, de 450 millions d’euros, avec une participation de l’État de 177 millions d’euros. Or on n’arrive pas à le signer, parce que le précédent président et le président actuel, qui se relaient tous les six mois, rejettent à tour de rôle ce qui a été discuté par leur prédécesseur.

Cela a des conséquences sur l’enseignement supérieur, la recherche, l’université, les communes, les réseaux d’assainissement ou la couverture numérique, le câble numérique. Si jamais on signait ce contrat, les citoyens polynésiens recevraient Internet en haut débit fin 2009, début 2010 !

Fin juillet 2007, toutes les formations politiques polynésiennes demandaient la dissolution de l’assemblée de Polynésie française. Le 4 août dernier, le Gouvernement a répondu par une déclaration selon laquelle tout le temps nécessaire serait pris pour réfléchir à une évolution institutionnelle susceptible de garantir la stabilité sans remettre en cause l’autonomie. Tout le monde a été entendu, et chacun a donné son accord.

On a profité de cette opportunité pour rajouter des mesures de transparence financière. Dans l’avis donné par l’assemblée de Polynésie française, ces mesures de transparence financière ont recueilli une approbation unanime. Ont en revanche été contestés la date des nouvelles élections territoriales, ou encore le seuil fixé pour pouvoir fusionner au deuxième tour de scrutin. Toutefois la plupart des dispositions ont été validées.

Le Conseil d’État a apporté à ces projets de légères modifications qui ne transforment en rien le fond du dossier, tout en émettant un avis favorable la semaine dernière. Le texte de loi organique sera donc présenté devant le Conseil des ministres jeudi 25 octobre, au Sénat le 12 novembre prochain, à l’Assemblée nationale à la fin du mois de novembre, puis au Conseil constitutionnel.

Depuis le 4 août dernier, ce cheminement a été parfaitement respecté. On a pris tout le temps de dialoguer et de se concerter, et ce n’est pas fini. L’avis de chacun compte à chaque étape. Le secrétaire d’État a assuré qu’il tiendrait compte des amendements, des propositions et des contre propositions, car le débat parlementaire enrichira encore ce texte.

Chacun doit être convaincu qu’il faut conforter l’autonomie tout en assurant la stabilité nécessaire aux institutions de la Polynésie française.

Le calendrier applicable à Mayotte est le suivant : élections au mois de mars ; ensuite, si le conseil général le demande, référendum ; si le référendum confirme le souhait de départementalisation, transfert progressif des compétences.

Cette progressivité est nécessaire et il convient d’y réfléchir. En métropole, les conseils généraux financent, par exemple, la totalité des collèges ; jusqu’à présent, ceux qui sont construits à Mayotte sont financés à 100 % par l’État. Il en est de même des infrastructures ou des programmes ANRU. On ne peut donc pas transférer d’un coup toutes les compétences.

Si les Mahorais font le choix de la départementalisation au mois de mars prochain, le secrétaire d’État ouvrira un débat avec les parlementaires pour regarder comment et à quel rythme il sera possible, sur plusieurs années, d’opérer ce transfert de compétences en faveur du conseil général de Mayotte.

*

* *

Après le départ du secrétaire d’État, la Commission a procédé à l’examen pour avis des crédits de la mission « outre-mer » pour 2008.

Conformément aux conclusions de votre rapporteur pour avis, la Commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « outre-mer » pour 2008.

© Assemblée nationale

1 () 9,67 milliards d’euros pour les départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM) et 3,17 milliards d’euros pour les collectivités d’outre-mer (COM), les Terres australes et antarctiques françaises et la Nouvelle-Calédonie.

2 () 9,39 milliards d’euros pour les départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM) et 3,24 milliards d’euros pour les collectivités d’outre-mer (COM), les Terres australes et antarctiques françaises et la Nouvelle-Calédonie.

3 () En crédits de paiement. Les crédits de paiement non répartis entre collectivités et le coût de la gestion des services métropolitains ne figurent pas dans ce tableau.

4 () Chiffres fournis par le ministère de l’outre-mer (données 2001 à 2005).

5 () Saint-Barthélemy et Saint-Martin compris.

6 () Ancienne action « soutien et état-major ».

7 () Intégration au sein du programme « administration territoriale ».

8 () Ces exonérations portent sur la fraction des salaires comprise entre le SMIC et 1,3 SMIC, 1,4 SMIC ou 1,5 SMIC selon les secteurs d’activité.

9 () Taux normal de 8,5 % et taux réduit de 2,1 %.

10 () En équivalents temps plein.

11 () La plupart des autres créations d’emplois prévues concernaient, par ordre d’importance décroissante, les secteurs du bâtiment, des télécommunications et de l’hôtellerie.

12 () Le produit de la fiscalité directe à Mayotte est encore inconnu pour l’année 2006.

13 () Nombre de bénéficiaires du RMI au 31 décembre 2006.

14 () Dotation globale de fonctionnement.

15 () Dotation globale d’équipement.

16 () Dotation globale de décentralisation.

17 () Décret n° 2004-163 du 18 février 2004 relatif à l’aide dénommée passeport mobilité.

18 () En vertu d’un arrêté du 16 janvier 2007.

19 () Signature le 15 février 2007 pour La Réunion, le 3 avril 2007 pour la Martinique, le 17 avril 2007 pour la Guadeloupe et le 16 août 2007 pour la Guyane.

20 () Les crédits de l’État devraient s’élever à 703,4 millions d’euros, ceux des ROM à 473,3 millions d’euros et ceux des DOM à 300,2 millions d’euros.

21 () Crédits engagés par l’État pour financer le fonds mahorais de développement en faveur de l’économie de Mayotte ou les infrastructures nécessaires en Guyane et à Mayotte.

22 () Rapport de la Cour des Comptes sur la société immobilière de la Guyane, juin 2007.

23 () Audition conjointe de la commission des Lois et de la commission des Affaires économiques.

24 () Cette extension résulte de l’article 23 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant un droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

25 () Plan défini par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

26 () Chaque année, 1 200 de ces logements seront financés par la Caisse des dépôts et consignations.

27 () Chiffres intégrés à ceux de la Guadeloupe, Saint-Martin étant encore à l’époque une commune de ce DOM.

28 () De 2005 à 2006, cette proportion est même passée de 39 % à 47,5 % en Guyane et de 59 % à 73 % à Mayotte.

29 () En zone police.

30 () En zone gendarmerie.

31 () Il convient de rappeler qu’aucun GIR n’a été mis en place à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna, en raison de la faiblesse de la délinquance. Les GIR non permanents mis en place dans les collectivités ultramarines de l’océan Pacifique peinent à se concrétiser du fait des larges compétences détenues par les gouvernements calédonien et polynésien, tandis qu’un développement des GIR est encore à l’étude en Guadeloupe et à La Réunion.

32 () Ces forces armées comprennent actuellement environ 2 000 militaires (hors gendarmerie).

33 () La commune de Saint-Martin, n’ayant pas encore été érigée en collectivité d’outre-mer (COM) en 2006, est ici incluse dans les statistiques du DOM de Guadeloupe.

34 () Départements français d’Amérique.

35 () Cette antenne regroupe 18 policiers, 6 gendarmes, 2 douaniers et 2 officiers de marine. Elle bénéficie en outre de la mise à disposition de deux officiers de liaison américain et espagnol.

36 () De ce fait, ce tribunal administratif dispose désormais de 6 magistrats administratifs, contre 5 en 2004 (effectifs budgétaires).

37 () En conséquence, ce tribunal administratif dispose désormais de 4 magistrats administratifs, contre 3 en 2004 et 2005 (effectifs budgétaires).

38 () Maison d’arrêt de Basse-Terre et centre pénitentiaire de Baie Mahault.

39 () Maisons d’arrêt de Saint-Pierre et de Saint-Denis et centre pénitentiaire du Port.

40 () Maisons d’arrêt de Taiohae et d’Uturoa et centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania.

41 () Au premier tour de scrutin, ou à défaut, au second tour (auquel participent les deux listes arrivées en tête au premier tour).

42 () Ces règles ont été codifiées aux articles L.O. 482 à L.O. 486 du code électoral pour Saint-Barthélemy et L.O. 509 à L.O. 513 du même code pour Saint-Martin.

43 () Cette nouvelle dénomination, résultant d’un amendement sénatorial, vise à éviter toute confusion avec les conseils généraux des DOM, Saint-Pierre-et-Miquelon n’ayant pas vocation à se rapprocher de ce statut.

44 () Toutefois, l’article 20 de la loi organique précise que le conseil général élu en mars 2006 demeure en fonction jusqu’en mars 2012.

45 () L’ensemble de ces règles est codifié aux articles L.O. 537 à L.O. 541 du code électoral.

46 () Voir article 105 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

47 () La section Atlantique comprend donc la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, la section Océan Indien comprenant Mayotte et La Réunion, tandis que la section Pacifique regroupe la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna.

48 () Loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie.

49 () L’arrêt « Genelle » rendu le 13 décembre 2006 par le Conseil d’État a d’ailleurs jugé que, n’étant pas régie par les dispositions du titre XII de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie ne relevait plus de la catégorie juridique des « collectivités territoriales de la République » établie par son article 72, contrairement aux collectivités d’outre-mer (COM).

50 () Accord politique signé à Nouméa le 5 mai 1998 par le Gouvernement français et les représentant des principales forces politiques de l’île (FLNKS et RPCR).

51 () L’article 77 de la Constitution renvoyait à la loi organique le soin de préciser les modalités de consultation des populations concernées « sur l’accession à la pleine souveraineté ».

52 () Ces matières, dont l’article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 dresse la liste, concernent essentiellement le droit fiscal, le droit social, le droit civil et commercial, le droit domanial, le droit coutumier, ainsi que le droit économique applicable à l’exploitation de certaines ressources minérales.

53 () L’accord politique conclu à Nouméa le 5 mai 1998 note ainsi que, pendant la période de « souveraineté partagée » précédant la consultation finale sur un éventuel accès à l’indépendance, « la notion de citoyenneté fonde les restrictions apportées au corps électoral pour les élections aux institutions du pays et pour la consultation finale », et sert de « référence » pour les discriminations pouvant être instituées entre Français en matière d’accès à l’emploi.

54 () En vertu de l’article 76 de la Constitution, il s’agit des électeurs résidant en Nouvelle-Calédonie depuis le référendum du 6 novembre 1988.

55 () Français vivant en Nouvelle-Calédonie et nés sur place ou ayant un parent né sur place.

56 () La date retenue pour ce calcul étant celle de la consultation ou, au plus tard, le 31 décembre 2014, ce qui signifie qu’aucun Français arrivé en Nouvelle-Calédonie après 1994 ne pourra participer à cette consultation (sauf s’il relève de l’une des catégories précitées).

57 () Sur le plan politique, la mouvance indépendantiste ne sort toutefois pas renforcée des élections législatives organisées au mois de juin 2007, ses candidats ayant réuni en moyenne 39,1 % des suffrages exprimés, proportion stable depuis près de 30 ans.

58 () Article dont les dispositions ont été codifiées aux articles L.O. 3445-1 à L.O. 3445-12 (constituant le chapitre V du titre IV du livre IV de la troisième partie) du code général des collectivités territoriales (CGCT), ainsi qu’aux articles L.O. 4435-1 à L.O. 4435-12 (constituant le chapitre V du titre III du livre IV de la quatrième partie) du même code.

59 () L’article 73 de la Constitution prévoyait ainsi que « le régime législatif et l’organisation administrative des départements d’outre-mer peuvent faire l’objet de mesures d’adaptation nécessitées par leur situation particulière ».

60 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République (article 9).

61 () Cette deuxième faculté n’étant pas ouverte à La Réunion, conformément au choix exprimé à l’époque par les représentants de ce DOM au Sénat.

62 () Le quatrième alinéa de l’article 73 de la Constitution précise que « ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, la garantie des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral ». Il est également précisé au sixième alinéa de ce même article que cette forme d’habilitation ne peut être accordée « lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti ».

63 () L’article 73 de la Constitution prévoit également que la loi organique pourra préciser et compléter la liste des matières législatives pour lesquelles les DOM-ROM ne peuvent fixer eux-mêmes de règles.

64 () Alors que l’« entrée en vigueur » de la délibération demandant l’habilitation (ouvrant au législateur la possibilité d’y répondre) débute normalement dès le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française, tout recours introduit par le représentant de l’État devant le Conseil d’État, juge en premier et dernier ressort de la régularité de la procédure, en suspend provisoirement l’exécution.

65 () Dans sa décision n° 2007-547 DC du 15 février 2007, le Conseil constitutionnel s’est fondé sur l’article 73 de la Constitution (dont les deuxième et troisième alinéas prévoient que l’intervention normative des DOM-ROM nécessitent que ces collectivités y aient été préalablement « habilitées par la loi »), ainsi que sur les nouveaux articles L.O. 3445-6 et L.O. 4435-6 du CGCT (précisant que « l’habilitation est accordée par la loi »), pour juger que « le législateur organique n’a entendu autoriser que cette dernière à délivrer l’habilitation, en excluant les ordonnances prises sur le fondement de l’article 38 de la Constitution ». Cette réserve d’interprétation, qui préserve les droits du Parlement en matière législative, est conforme à l’intention du législateur organique, explicitement formulée dans les rapports parlementaires correspondants.

66 () Sauf si la demande d’habilitation est frappée de caducité (cas de la vacance de l’ensemble des sièges du conseil général ou du renouvellement de ses membres).

67 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

68 () Catégorie de collectivités ultramarines ne relevant ni de celle des départements d’outre-mer (DOM), ni de celle des territoires d’outre-mer (TOM). La catégorie des collectivités d’outre-mer (COM) a désormais remplacé celle des TOM et des collectivités territoriales à statut particulier.

69 () L’article 3 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte prévoyait l’application de plein droit à Mayotte non seulement des textes « qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinés à régir l’ensemble du territoire national », mais aussi des normes relatives au droit de la nationalité, au droit civil et au droit pénal, à la procédure administrative, au droit électoral, au droit des postes et télécommunications. Cet article étendait également, à compter du renouvellement du conseil général de Mayotte en 2007, l’assimilation législative à deux autres matières, relatives à l’organisation et à l’administration des conseils généraux, ainsi qu’aux règles applicables aux juridictions financières.

70 () Le nouvel article L.O. 6113-1 du CGCT dispose que demeurent soumises au principe de spécialité législative les matières relevant de la loi organique en vertu de l’article 74 de la Constitution (compétences et pouvoirs consultatifs de la COM, règles d’organisation et de fonctionnement de ses institutions, ou encore régime électoral de son assemblée délibérante), mais aussi le droit fiscal, le droit de l’urbanisme, de la construction et du logement, l’aménagement rural, le droit social, le droit des étrangers, ainsi que les finances communales.

71 () Décision du Conseil constitutionnel n° 2005-547 DC du 15 février 2007.

72 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République (article 6).

73 () Ce seuil est plus démocratique que celui de 10 % retenu dans la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

74 () L’organe délibérant ainsi saisi n’est toutefois tenu ni d’organiser la consultation demandée, ni d’en suivre le résultat.

75 () Dans le même esprit, par analogie avec les statuts des deux nouvelles COM de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, la commission permanente du conseil général a été remplacée par un « conseil exécutif ».

76 () Il convient de rappeler que la commune de Saint-Martin, située sur une île binationale, souffre d’un retard d’investissements publics compte tenu de son dynamisme démographique (sa population a quadruplé en vingt ans), ainsi que d’une immigration mal contrôlée, tandis que la commune de Saint-Barthélemy présente des spécificités fiscales en vertu du traité franco-suédois du 10 août 1877 portant rétrocession à la France de Saint-Barthélemy. Par ailleurs, les deux îles bénéficient d’un environnement exceptionnel qu’il convient de préserver.

77 () La mise en place d’un statut de COM avait été approuvée par 76 % des électeurs de Saint-Martin et 95 % de ceux de Saint-Barthélemy.

78 () Articles L.O. 6214-3 et L.O. 6314-3 du CGCT.

79 () En effet, le paragraphe 3 de l’article 299 du traité instituant la Communauté européenne renvoie à l’annexe II de celui-ci, qui énumère limitativement les PTOM, cette liste ne mentionnant pas Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

80 () Cette liste complétée des RUP figurera désormais à l’article 311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

81 () Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

82 () Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

83 () Loi n° 78-1018 du 18 octobre 1978 modifiant les articles 4 et 12 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer.

84 () Loi n° 95-173 du 20 février 1995 du 20 février 1995 modifiant la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 et portant dispositions diverses relatives aux territoires d’outre-mer et loi n° 95-97 du 1er février 1995 étendant dans les territoires d’outre-mer certaines dispositions du code de la route et portant dispositions diverses relatives à l’outre-mer.

85 () Ordonnance n° 98-730 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable dans territoires d’outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte, loi n° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux et ordonnance n° 2000-350 du 19 avril 2000 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable outre-mer.

86 () Sont visés les lois et décrets « applicables, en raison de leur objet, à l’ensemble du territoire national ».

87 () Aux termes de l’article 10 de la loi du 29 juillet 1961, l’administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna est assisté d’un conseil territorial qu’il préside et qui comprend les « trois chefs traditionnels » de ces îles, ainsi que trois membres qu’il nomme parmi les citoyens français jouissant de leurs droits civils et politiques.

88 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

89 () Décret n° 46-2377 du 25 octobre 1946 portant réorganisation du Conseil général de la Nouvelle Calédonie et dépendances, décret n° 57-811 du 22 juillet 1957 relatif aux attributions de l’assemblée territoriale, du conseil territorial et de l’administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, ou encore arrêté n° 1081 du 1er décembre 1944 du gouverneur de la Nouvelle-Calédonie.

90 () À l’issue des élections territoriales du 1er avril, la nouvelle assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna est présidée par M. Pesamino Taputai.

91 () Le droit commun prévoit dans un tel cas une entrée en vigueur du texte dès le lendemain de sa publication. Le délai dérogatoire ainsi institué pour les collectivités de l’océan Pacifique vise à accorder à l’administration les moyens de mieux prendre en compte l’impact de ces textes sur le droit local, celui-ci se caractérisant par sa complexité et un grand nombre de spécificités.

92 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

93 () Article 1er de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 conférant l’autonomie administrative et financière aux TAAF.

94 () Iles Bassas da India, Europa, Glorieuses, Juan da Nova et Tromelin.

95 () Cette administration relevait auparavant du ministre chargé de l’outre-mer, lequel avait délégué cette responsabilité au préfet de La Réunion.

96 () La zone économique exclusive de la France s’étend sur 640 400 kilomètres carrés autour de ces îles.

97 () Loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut de la Polynésie française (article 1er).

98 () Ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs. Il convient toutefois de remarquer l’institution d’un « délai de distance » propre aux TAAF : contrairement à la règle de droit commun, les lois et règlements ne fixant par leur date d’entrée en vigueur sont applicables à compter du dixième jour suivant leur publication (et non dès le lendemain de celle-ci).

99 () Décret n° 56-935 du 18 septembre 1956 portant organisation administrative des TAAF.

100 () Ce territoire est actuellement administré par le haut-commissaire de la République en Polynésie française, par délégation du ministre chargé de l’outre-mer.