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N° 1199

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2009 (n° 1127)

TOME IV

CULTURE

Par M. Marcel ROGEMONT,

Député.

___

Voir le numéro : 1198 (annexe n° 8).

INTRODUCTION 5

I.- LE BUDGET DE LA CULTURE EN 2009 : DES CRÉDITS INSUFFISANTS POUR FAIRE FACE AUX MISSIONS 7

A. LES PATRIMOINES : UN BUDGET SINISTRÉ 8

B. LA CRÉATION : UN SURSAUT SALUTAIRE MAIS INSUFFISANT APRÈS DES ANNÉES DE STAGNATION 13

C. LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : LE PARENT PAUVRE DU MINISTÈRE 15

II.- OBLIGATION DE RÉSULTATS OU OBLIGATION DE MOYENS POUR LES STRUCTURES SUBVENTIONNÉES DE SPECTACLE VIVANT ? 17

A. LE BUDGET DU SPECTACLE VIVANT : UN TROMPE L’œIL 18

1. Le programme « Création » : un budget en dents de scie en fonction des rapports de force du moment 18

2. Le programme « Transmission des savoirs » : des baisses inquiétantes 22

3. Les effets dévastateurs de la révision générale des politiques publiques (RGPP) appliquée au ministère de la culture 24

B. CONTRACTUALISATION ET CONTRÔLES DE L’UTILISATION DES SUBVENTIONS : DES OUTILS DÉJÀ TRÈS DÉVELOPPÉS 25

1. Le développement rapide de la contractualisation 25

2. Les indicateurs de performance : un outil adapté au spectacle vivant ? 30

C. ÉCHEC DE LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE OU CARENCES D’UNE POLITIQUE CULTURELLE SANS PILOTE ? 32

1. La démocratisation culturelle : un échec ? 33

2. Les carences d’une politique sans pilote : quelles perspectives pour le spectacle vivant ? 37

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 39

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 61

Article additionnel après l’article 59 Rapport au Parlement sur l’incidence de l’application de l’article L. 441-6 du code du commerce au secteur de livre 61

ANNEXES 63

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 63

ANNEXE 2 : DESCRIPTIF DES DIFFÉRENTS TYPES DE CONTRATS 67

ANNEXE 3 : LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES (RGPP) AU MINISTÈRE DE LA CULTURE 71

ANNEXE 4 : ÉVOLUTION DE LA DÉCENTRALISATION CULTURELLE 73

INTRODUCTION

En application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le ministère de la culture a adopté depuis quatre ans une nouvelle présentation de ses crédits qui doit permettre de mieux appréhender son action et les politiques qu’il mène. Le périmètre de la mission « Culture » est très voisin de l’ancien budget puisque seuls les crédits de recherche et de diffusion de la culture scientifique sont rattachés à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».

Dans le secteur du cinéma, on notera cette année un changement notable. Avant 2009, les taxes sur les entrées en salles de cinéma, sur les services de télévision et sur la vidéo et la vidéo à la demande (VOD), alimentaient un compte d’affectation spéciale et étaient rattachées aux programmes 711 « Industries cinématographiques » et 712 « Industries audiovisuelles » de la mission « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ». Le projet de loi de finances pour 2009 prévoit leur affectation directe au Centre national de la cinématographie (CNC). Cette affectation directe sera sans aucun doute gage de plus d’efficacité. Mais le rapporteur pour avis regrette que, par la même occasion, le Parlement ne dispose donc plus d’aucun moyen de contrôle sur l’utilisation du produit de cette taxe par le CNC.

C’est pour cette raison qu’il a proposé un amendement en première partie du projet de loi de finances pour 2009 qui vise à remédier à ce « dégât collatéral » d’une réforme qui n’est pas critiquable sur le fond, en prévoyant que le CNC devra établir chaque année un rapport au Parlement pour rendre compte du rendement et de l’emploi prévisionnels des taxes, prélèvements et autres produits qui lui sont affectés. Ce rapport devra être adressé en même temps que le projet de loi de finances.

Les programmes de la mission ne subissent quant à eux pas de changements de périmètre. Le programme « Patrimoines » regroupe huit actions assurées par chacune des directions sectorielles concernées et une action transversale consacrée aux acquisitions. Le programme « Création » rassemble quatre actions couvrant les crédits destinés au soutien de la création et de la diffusion et le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » permet de mieux coordonner les politiques transversales dans le domaine des enseignements supérieurs, de l’éducation artistique ou de l’action internationale. Il comporte quant à lui six actions.

Après avoir rapidement analysé le contenu du budget de la culture pour 2009, le rapporteur pour avis s’attachera à étudier un secteur de l’action culturelle, comme il est désormais de tradition dans le cadre des avis budgétaires de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Son choix s’est porté cette année sur le sens de l’« obligation de résultats » pour les structures subventionnées du spectacle vivant, telle qu’énoncée par M. Nicolas Sarkozy, président de la République, dans la lettre de mission qu’il a adressé le 1er août 2007 à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre 2008 la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 89 % des réponses étaient parvenues au rapporteur pour avis.

I.- LE BUDGET DE LA CULTURE EN 2009 :
DES CRÉDITS INSUFFISANTS POUR FAIRE FACE AUX MISSIONS

Hors ressource extrabudgétaire, la mission « Culture » sera dotée en 2009 de 2 841,4 millions d’euros en autorisations d’engagement (- 1,24 % par rapport à 2008) et de 2 780,9 millions d’euros en crédits de paiement (+ 0,80 % par rapport à 2008). À ces crédits, s’ajoute une ressource extrabudgétaire tirée des recettes de cessions d’immeubles de l’État, qui viendront abonder le budget de la mission « Culture » à hauteur de 35 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cette ressource transite par le compte d’affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

En prenant en compte cette ressource, le budget baisse encore de 0,02 % en autorisations d’engagement et augmente de 2,07 % en crédits de paiement, soit en deçà du niveau de l’inflation. Le rapporteur s’interroge sur cette tradition que devient l’affectation ponctuelle de ressources extrabudgétaires, par essence non pérennes, au ministère de la culture et de la communication. Il conviendrait plutôt de réfléchir à une dotation pérenne, comme celle qui avait été envisagée en 2007 avec l’affectation d’une partie des droits de mutation, annoncée comme pérenne puis abandonnée dès 2008…

Par ailleurs, le rapporteur espère que le gel préventif inscrit au projet de loi de finances de 5 %, contre 6 % en 2008, ne touchera finalement pas le ministère. Dans le cas contraire, cela impacterait dangereusement la plupart des actions des programmes du ministère. Enfin, le rapporteur s’inquiète de la programmation pluriannuelle prévue pour la mission « Culture », et plus particulièrement pour le programme « Création ». Après l’insuffisance des crédits de cette année, il est prévu une baisse de 2,22 % de ses crédits de paiement en 2010, puis encore de 1,05 % en 2011…

Évolution du budget de la mission culture 2009
(à périmètre constant – ressource extrabudgétaire incluse)

(en millions d’euros)

 

LFI 2008

PLF 2009

Variation %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoines *

Ressource extra budgétaire

1 106,44

975,37

899,14

20

974,09

20

- 18,73

- 16,93

- 0,13

+ 1,92

Création *

Ressource extra budgétaire

737,96

740,67

889,70

15

747,38

15

+ 20,56

+ 22,59

+ 0,91

+ 2,93

Transmission des savoirs *

460,17

470,28

453,22

460,07

- 1,51

- 2,17

Dépenses de personnel

572,46

572,46

599,36

599,36

+ 4,70

+ 4,70

Total hors ressource extra budgétaire

2 877,03

2 758,77

2 841,41

2 780,89

- 1,24

+ 0,80

Total avec ressource extra budgétaire

2 877,03

2 758,77

2 876,41

2 815,89

- 0,02

+ 2,07


*
Hors dépenses de personnel

Source : ministère de la culture et de la communication

Rappelons enfin que les crédits du programme « Recherche culturelle et culture scientifique », rattachés à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », seront de 162,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 159,6 millions d’euros en crédits de paiement (+ 1,5 % par rapport à 2008).

Le rapporteur pour avis regrette vivement que le dossier de presse du ministère soit aussi peu lisible et laisse à penser que les crédits augmentent dans des proportions qui nous éloignent de la réalité. Ainsi, s’il est important que le Parlement soit convenablement informé du montant des fonds de concours versés par les autres collectivités, il est intolérable qu’ils soient intégrés aux crédits de l’État pour gonfler artificiellement les budgets alloués aux différentes actions !

Selon le ministère de la culture, en 2009, les crédits de paiement supplémentaires seront majoritairement affectés dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), dont les opérations constituent « une priorité du ministère, notamment en matière de préservation des monuments historiques et de soutien au spectacle vivant ». Par conséquent, la répartition des crédits évoluera en faveur des DRAC, dont la part au sein des crédits de la mission progressera légèrement (près de 34 % des crédits en 2009, y compris la ressource extrabudgétaire, contre 33,4 % en 2008). Pour autant, le rapporteur tient à souligner que cette réorientation, si elle est souhaitable, ne doit pas se faire au détriment d’opérateurs dont les crédits stagnent, voire régressent, depuis de trop nombreuses années. Le rapporteur reviendra sur ce point dans la deuxième partie de son avis.

Par ailleurs, cette réorientation est paradoxale à l’heure où une des mesures (n° 306) prévue par la révision générale des politiques publiques (RGPP) pour le ministère de la culture vise à renforcer la « polyvalence des conseillers » des directions régionales des affaires culturelles. Le ministère, dans la réponse envoyée au rapporteur, entend cette réforme comme « une organisation plus adaptée au contexte d’aujourd’hui et par une évolution du mode de recrutement des conseillers qui favorise, non pas la polyvalence, mais bien une spécialisation sur plusieurs secteurs culturels et non plus sur un seul ». Ne conviendrait-il pas au contraire de développer les effectifs en DRAC et donc leur spécialisation par secteur pour permettre un traitement efficace et rapide des demandes de subventions…

A. LES PATRIMOINES : UN BUDGET SINISTRÉ

La dotation globale annoncée est de 1 129,53 millions d’euros en crédits de paiement (hors ressource extra budgétaire) et de 1 149,53 millions d’euros en incluant cette ressource de 20 millions d’euros, soit une quasi-stagnation par rapport à l’année dernière (+ 0,15 % sans la ressource extra budgétaire et + 1,93 % en l’incluant).

Mais la baisse la plus inquiétante se situe au niveau des autorisations d’engagement, puisque certaines actions subissent des baisses supérieures à 10 % ! Globalement, les autorisations d’engagement du programme accusent une baisse de 18,73 % hors dépenses de personnel et ressource extrabudgétaire et encore de 14,64 % en les incluant… Le ministère explique ce différentiel entre autorisations d’engagement et crédits de paiement par l’effort « particulier » fourni cette année « en faveur de l’apurement des restes à payer ». On peut aussi estimer que l’insuffisance des crédits de paiement votés ces dernières années va conduire à réduire, voire stopper, tout nouvel engagement l’an prochain…

Répartition prévisionnelle des crédits du programme « Patrimoines »

 

LFI 2008

PLF 2009

Variation %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoine monumental et archéologie

Ressource extra budgétaire

352,99

311,91

261,95

20

309,21

20

- 25,79

- 18,55

+ 2,42

+ 5,55

Architecture

23,10

23,55

21,85

22,30

- 5,41

- 5,31

Musées

388,47

344,30

335,76

340,18

- 13,57

- 1,20

Archives et célébrations nationales

91,57

41,80

29,33

49,17

- 67,97

+ 17,63

Patrimoine écrit et documentaire

207,96

209,46

207,39

208,77

- 0,27

- 0,33

Patrimoine cinématographique

21,45

23,45

20,87

22,47

- 2,70

- 4,18

Patrimoine linguistique

2,28

2,28

2,50

2,50

+ 9,65

+ 9,65

Acquisition et enrichissement des collections publiques

18,62

18,62

19,49

19,49

+ 4,67

+ 4,67

Total hors dépenses de personnel

1 106,44

975,37

899,14

974,09

- 18,73

- 0,13

Dépenses de personnel

152,42

152,42

155,44

155,44

+ 1,98

+ 1,98

Total

1 258,86

1 127,79

1 054,58

1 129,53

- 16,23

+ 0,15

Total avec ressource extra budgétaire

1 258,86

1 127,79

1 074,58

1 149,53

- 14,64

+ 1,93

Source : ministère de la culture et de la communication

– Concernant le patrimoine monumental, lors de l’inauguration de la Cité de l’architecture et du patrimoine en septembre 2007, le Président de la République avait déclaré : « la sauvegarde du patrimoine suppose […] des moyens importants et un effort constant. Je souhaite la rétablir comme un objectif important de notre politique culturelle ». 400 millions d’euros devaient être consacrés annuellement au patrimoine monumental. On en est très loin…

Répartition des crédits en faveur du patrimoine monumental et archéologique (2006-2009)

 

LFI 2006

LFI 2007

LFI 2008

PLF 2009

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoine monumental et archéologique*

284,329

259,663

403,89

412,4

374,56

333,48

305,42

352,68

Dont dépenses de personnel

17,709

17,709

27,28

27,28

21,57

21,57

23,47

23,47

Dont titre 3 (entretien sur les monuments appartenant à l’État)

+ crédits extrabudgétaires


29,735

-


29,681

-


58,55

70


63,05

140


131,19


139,49


66,66

20


81,2

20

Dont titre 5 (investissement monuments État ou maîtrise d’ouvrage État)

113,358

88,065

82,17

79,87

50

44,55

87,06

83,95

Dont titre 6 (intervention sur monuments n’appartenant pas à l’État)

123,525

124,206

165,9

102,21

171,8

127,86

108,22

144,06

* Dépenses de personnels et ressources extrabudgétaires incluses

Source : ministère de la culture et de la communication

Selon les informations communiquées par le ministère, « Pour 2009, les crédits réservés aux monuments historiques s’élèvent à 235,15 millions d’euros en autorisations d’engagement et 283,08 millions d’euros en crédits de paiement tant pour les grands opérateurs que pour les directions régionales des affaires culturelles (…). Compte tenu des importants chantiers sur les monuments État lancés en 2007 et de la baisse des crédits en 2008, dix directions régionales n’ont engagé aucune opération nouvelle sur les monuments État (1) Il convient de noter que plus de 350 chantiers sur des monuments État ou non État [sont] reportés à 2009, la situation étant particulièrement critique en Ile-de-France, Languedoc-Roussillon, Pays-de-la-Loire, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes ».

Dans ce cadre, la baisse drastique des autorisations d’engagement (- 25,79 % pour les crédits budgétaires et - 18,55 % si l’on prend en compte la ressource extra budgétaire) est un signal extrêmement négatif pour ce secteur déjà dangereusement fragilisé par la politique hasardeuse d’à-coups budgétaires de ce gouvernement comme du précédent. Et ce n’est pas la mise en concurrence des architectes en chef des monuments historiques qui améliorera l’efficacité de la politique de restauration.

Par ailleurs, selon les informations communiquées par le ministère de la culture, la ressource extra budgétaire de 20 millions d’euros viendra compléter la dotation d’investissement du Centre des monuments nationaux et servira donc exclusivement à la restauration des monuments historiques appartenant à l’État.

Le rapporteur s’étonne que la parole présidentielle soit aussi peu suivie d’effets, d’autant que les rapports alarmants se sont multipliés au cours des dernières années. Le rapport de notre collègue Christian Kert (2) tirait la sonnette d’alarme il y a tout juste deux ans. L’année dernière, notre collègue Patrick Bloche s’alarmait déjà de la situation et proposait lui aussi des pistes pour sortir rapidement de l’impasse (3) Plus récemment, le rapport commandé par le ministère de la culture et de la communication sur l’état du patrimoine monumental (4) dressait un constat accablant. Ainsi, la proportion de monuments considérés comme défectueux (c’est-à-dire en mauvais état ou en péril) est passée entre 2003 et 2007 de 32 % à 41 %… Le 8 octobre dernier, devant le Conseil économique et social, M. Jean-Jacques Aillagon présentait lui aussi un rapport critique sur la politique du patrimoine, évoquant une « situation globalement alarmante », de monuments « en péril sanitaire » ou de risque d’une « politique du patrimoine à deux vitesses ». On ne peut que s’inquiéter de ces constats et partager les préconisations des différents rapporteurs, qui vont globalement toutes dans le même sens, tout en déplorant que, cette année encore, ils n’aient pas été entendus.

Dans ce contexte, il est heureux que le ministère ait obtenu le maintien du régime fiscal propre aux monuments historiques et l’absence de tout plafonnement de ce dispositif. Toute autre décision aurait été incohérente à l’heure où les crédits budgétaires sont en berne. Si les propriétaires privés se passent parfois de la subvention dont ils devraient pourtant bénéficier de la part de l’État, c’est bien parce que les dispositions fiscales actuelles allègent le poids financier des travaux qu’ils réalisent et qui sont souvent longs et très coûteux.

Par ailleurs, le décret n° 2008-195 du 27 février 2008 permet enfin l’extension des dispositions fiscales applicables au mécénat aux dons en faveur des monuments historiques privés. Une instruction fiscale n° 133 du 31 décembre 2007 en a même anticipé l’application pour que la mesure soit effective au titre de l’exercice 2007. Cette disposition, réclamée de longue date, était prévue par l’article 10 de la loi de finances pour 2007, mais n’était toujours pas mise en œuvre lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008, ce qu’avait à juste titre déploré notre collègue Patrick Bloche, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Culture » au nom de notre commission.

Pour autant, cette mesure est actuellement plafonnée et uniquement utilisable par les monuments qui réalisent moins de 60 000 euros de recettes commerciales annuelles, ce qui en réduit considérablement le champ d’application, au détriment de la plupart des grands monuments privés emblématiques du patrimoine national. Le rapporteur pour avis plaide pour la suppression de ce plafond, afin que cette mesure puisse pleinement s’appliquer, notamment aux monuments qui pourraient le mieux en bénéficier.

L’archéologie préventive

Le budget 2008 de l’INRAP s’élève à 137 millions d’euros. Les recettes sont majoritairement constituées par le chiffre d’affaires issu de l’activité de fouilles (82,3 millions d’euros), la redevance d’archéologie préventive (43,5 millions d’euros) et une subvention pour charge de service public versée par le ministère de la culture et de la communication (8,8 millions d’euros). Le plafond d’emplois de l’établissement s’établit à 1 953 équivalents temps plein, dont 1 753 personnels en CDI et 200 personnels en CDD, en augmentation par rapport à 2007 de 20 000 jours/hommes.

En 2009, le budget sera maintenu au même niveau, notamment grâce à la consolidation de la redevance d’archéologie préventive. Mais si la redevance d’archéologie préventive est stabilisée, elle l’est à un niveau qui ne permet pas à l’INRAP d’assurer pleinement sa mission de recherche, mission qui légitime son action sur le terrain. Cette année marquera par ailleurs l’entrée en vigueur du contrat de performance de l’établissement, actuellement en cours d’élaboration.

Le rapporteur attire l’attention sur les difficultés rencontrées par l’INRAP pour assumer ses missions. Il rappelle que les prescriptions des fouilles sont de la seule responsabilité de l’État, qu’il y aurait avantage à disposer d’une appréhension plus homogène des prescriptions d’une région à l’autre. Par ailleurs, si l’INRAP doit probablement mieux répartir ses effectifs sur le territoire en fonction des prescriptions, il est patent que l’INRAP ne dispose toujours pas des moyens humains suffisants pour faire face à l’ensemble de ses missions. Il ne faudrait pas que cette carence, fort préjudiciable pour les collectivités, contribue à alimenter l’idée qu’il y aurait un marché concurrentiel en matière d’archéologie préventive. Ce n’est toujours pas le cas.

– S’agissant des musées, les crédits de paiement sont en baisse de plus de 4 millions d’euros (- 1,20 %) alors que les autorisations d’engagement sont en berne, à - 13,57 %… Selon le ministère, il s’agirait de « résorber le décalage autorisations d’engagements/crédits de paiement devenu problématique en termes de soutenabilité financière », manière détournée d’avouer que le niveau insuffisant des crédits de paiement depuis quelques années obère le financement des engagements pris… Dans ce cadre, le projet d’aménagement des espaces inoccupés du Palais de Tokyo, annoncé en grandes pompes l’an passé, risque de prendre du retard puisque le ministère a indiqué qu’il ne consacrerait en 2009 et 2010 qu’un million d’euros aux études et à la préfiguration, l’engagement des « travaux lourds d’aménagement » étant repoussé à 2011. Selon les propres termes de la ministre, « la période qui s’ouvre sera mise à profit pour mobiliser les financements publics et privés nécessaires ». C’est dire très clairement qu’elle n’en dispose pas pour le moment…

Le point sur la gratuité dans les musées

Du 1er janvier au 30 juin 2008, 14 musées et monuments nationaux dépendant des ministères de la culture et de la communication, de la défense et de l’enseignement ont expérimenté la gratuité d’accès à leurs collections permanentes. Quatre établissements parisiens (Louvre, Orsay, Quai Branly et Centre Pompidou) ont par ailleurs ouvert leurs portes gratuitement aux jeunes de 18 à 25 ans un soir par semaine.

S’agissant de l’expérimentation de gratuité totale, trois principaux constats s’imposent :

a) Le volume de la fréquentation : en moyenne, son augmentation sur les six mois d’expérimentation est de 52 %. On constate un pic en février (+ 73 %) et une relative stabilisation en mai et juin autour de + 40 %. L’accroissement du public se stabilise en fin d’expérimentation.

b) Le taux moyen d’augmentation revêt d’importantes disparités selon les sites de l’expérimentation, allant de 21 % pour le musée Guimet à 133 % pour le Palais Jacques Coeur à Bourges et 138 % pour le musée de la Marine de Toulon. La fréquentation a cru plus fortement dans les établissements à faible fréquentation que dans les établissements dont la fréquentation est supérieure à 100 000 visiteurs par an.

c) La gratuité ne modifie guère les habitudes de visites saisonnières. Qu’il soit gratuit ou payant, le musée est par exemple plus fréquenté au mois de février qu’au mois d’avril.

Ces constats confirment le sentiment du rapporteur : la politique tarifaire constitue un instrument utile mais non suffisant du développement et de la diversification des publics. Par ailleurs, cette gratuité va le plus souvent de pair avec un renchérissement des tarifs des expositions. Ainsi, les orientations déterminées dans la loi « musées de France », qui place sur un pied d’égalité, s’agissant de l’accueil du public, la politique tarifaire et l’existence d’un service des publics à disposition de tout musée de France, sont confortées. La ministre de la culture devrait indiquer très prochainement les conclusions tirées de cette expérimentation et les mesures de gratuité ciblées ou généralisées qu’elle souhaite proposer au Premier ministre et qui pourraient être mises en œuvre en 2009. Dans ce cadre, le rapporteur s’inquiète qu’en 2009, pas plus qu’en 2008, le budget ne prévoit de compenser ces potentielles pertes de recettes. Le rapporteur souhaiterait sur ce point que soit menée une évaluation précise du coût de ces mesures en 2008 et 2009 et que le Parlement puisse rapidement en disposer.

S’agissant du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM) de Marseille, après maintes tergiversations, le rapport de M. Stéphane Martin sur les évolutions scientifiques et programmatiques du projet n’a fait que confirmer l’orientation initiale. Plus que la volonté du ministère de voir aboutir le projet, le choix de Marseille comme capitale européenne de la culture en 2013 a sans doute largement contribué à accélérer la prise de décision puisque la ministre a indiqué lors de sa conférence de presse que « les conditions d’un lancement effectif de l’opération avant la fin de l’année 2008 sont toutes réunies ».

Enfin, il convient de souligner que les crédits alloués aux musées cette année devront contribuer au lancement de campagnes de diagnostic systématique et d’études pour l’accessibilité des visiteurs handicapés.

– Les crédits consacrés aux archives sont en baisse de près de 68 % en autorisations d’engagement. Les crédits de paiement progressent quant à eux de plus de 17 %. Cette baisse importante des autorisations d’engagement concomitante à une importante hausse des crédits de paiement s’explique principalement par l’évolution des crédits liés au centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, la priorité sur cette action ayant été donnée à la poursuite de ce chantier.

Les crédits s’élèvent à 13,41 millions d’euros en autorisations d’engagement et 34,10 millions d’euros en crédits de paiement, alors que les autorisations d’engagement 2008 s’élevaient à 72,26 millions d’euros.

Par ailleurs, l’action « Archives » est également concernée par la progression des crédits de paiement en DRAC consacrés à l’apurement des restes à payer. Ainsi, les crédits d’investissement déconcentrés pour les opérations de construction et de rénovation des centres d’archives ayant été engagées antérieurement à 2009 progressent de 22 % en crédits de paiement. Ils s’élevaient à 4,90 millions d’euros en 2008 et s’élèvent à 6 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2009.

– L’effort en matière de patrimoine écrit et documentaire entrepris l’an passé n’est pas renouvelé cette année, les crédits étant en stagnation.

– La hausse de 9,65 % des crédits en faveur du patrimoine linguistique (220 000 euros de crédits supplémentaires) est optique puisqu’elle est due à un transfert de crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » du ministère des affaires étrangères, au titre de la contribution française au Centre de Graz (Autriche) sur les langues étrangères.

B. LA CRÉATION : UN SURSAUT SALUTAIRE MAIS INSUFFISANT APRÈS DES ANNÉES DE STAGNATION

Le programme « Création » représente 948,24 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 19,14 % par rapport à 2008) et 805,92 millions d’euros en crédits de paiement (+ 0,79 %). Si on inclut les 15 millions d’euros de ressource extra budgétaire affectés à l’action « Spectacle vivant », la hausse est de 21,02 % pour les autorisations d’engagement et de 2,66 % pour les crédits de paiement. Hors dépenses de personnel, 85,6 % du programme sont consacrés au spectacle vivant, 1,8 % au livre et à la lecture, 7,2 % aux arts plastiques et 5,4 % au soutien aux industries culturelles.

Crédits du programme « Création »

 

LFI 2008

PLF 2009

Variation %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Spectacle vivant

Ressource extra budgétaire

638,07

640,86

778,01

15

640,11

15

+ 21,93

- 0,12

Arts plastiques

54,54

53,66

58,88

53,66

+ 7,96

0

Livre et lecture

13,08

13,88

12,60

13,40

- 3,67

- 3,46

Industries culturelles

32,26

32,26

40,21

40,21

+ 24,64

+ 24,64

Total hors dépenses de personnel

737,96

740,67

889,70

747,38

+ 20,56

+ 0,91

Dépenses de personnel

58,94

58,94

58,54

58,54

- 0,68

- 0,68

Total

795,90

799,61

948,24

805,92

+ 19,14

+ 0,79

Total avec ressource extra budgétaire

795,90

799,61

963,24

820,92

+ 21,02

+ 2,66

Source : ministère de la culture et de la communication

– Le budget du spectacle vivant est en hausse de plus de 20 % en autorisations d’engagement. Selon les informations communiquées par le ministère, cette forte augmentation s’explique par l’inscription des autorisations d’engagement nécessaires au lancement de la construction de la Philharmonie de Paris, dans l’hypothèse d’une procédure de partenariat public-privé (à hauteur de 140 millions d’euros). Il s’agit donc d’une hausse purement optique, destinée à ce seul établissement. Les crédits de paiement ne sont par contre pas à la hauteur, puisqu’ils seraient en baisse sans les 15 millions d’euros de ressource extra budgétaire. Ainsi, hors projet de la Philharmonie, le budget du spectacle vivant est purement et simplement en stagnation.

Dans un cadre budgétaire aussi contraint, le rapporteur s’interroge sur la pertinence d’un tel investissement, privilégiant encore une fois un équipement parisien, alors même que la salle Pleyel a été restaurée à grands frais il y a peu de temps et que les budgets des institutions en région sont de plus en plus contraints. Il convient de rappeler qu’au stade du rendu du concours, toutes dépenses confondues, le coût de la Philharmonie de Paris avait été estimé à 203 millions d’euros (valeur 2006) ; 16,3 millions d’euros ont déjà été financés sur la période 2006-2008 par l’État et la ville de Paris. Les financements sont répartis à parité entre l’État et la ville de Paris, avec un apport de la région de 10 %.

Les subventions aux opérateurs, dont le total s’élève à 276,4 millions d’euros, sont en réalité reconduites au niveau de 2008, mais uniquement grâce au financement extrabudgétaire mentionné plus haut. Le rapporteur dénonce cet effort important demandé aux établissements publics du spectacle vivant, alors même que les coûts de fonctionnement mécaniquement croissants de telles structures obèrent, à budget constant, les capacités financières dédiées à la création. Parallèlement, selon les informations fournies au rapporteur par le ministère, les crédits de fonctionnement en région augmenteront globalement de 10 millions d’euros, soit 276,1 millions d’euros au total en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement (+ 3,8 % par rapport à 2008). La moitié de ces crédits supplémentaires seront consacrés à l’accompagnement des réformes qui découleront des « Entretiens de Valois ».

– Les crédits alloués aux arts plastiques sont eux aussi en hausse de près de 8 % en autorisations d’engagement mais, là encore, les crédits de paiement stagnent. C’est principalement le financement du Centre national des arts plastiques (CNAP) qui est renforcé − 10,5 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement −, pour permettre l’organisation de deux grandes manifestations d’ampleur internationale au Grand-Palais : la seconde édition de « la Force de l’art » au printemps et la troisième édition de « Monumenta » consacrée à Christian Boltanski, à l’automne. La hausse des crédits de paiement destinés au CNAP est donc compensée par des baisses sur d’autres lignes, notamment les crédits d’investissement, du fait de la non-reconduction des dépenses liées aux études de projet pour l’Ile Seguin et le Palais de Tokyo.

– Le budget du livre et de la lecture est quant à lui en forte baisse, de plus de 3 %, certaines subventions versées en 2008 par la direction du livre et de la lecture relevant en effet davantage du soutien à l’industrie culturelle du livre. Elles sont donc transférées vers cette action.

– La hausse de près de 25 % des crédits alloués aux industries culturelles est principalement liée au financement de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), dont la création est prévue par le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, et qui devra participer à la lutte contre le piratage par un dispositif à la fois pédagogique, préventif puis répressif, exclusivement sur saisine des ayants droit dont les œuvres auront été piratées.

C. LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : LE PARENT PAUVRE DU MINISTÈRE

Crédits du programme
« Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »

 

LFI 2008

PLF 2009

Variation %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Enseignement supérieur et insertion professionnelle

213,58

218,34

215,88

218,92

+ 1,08

+ 0,27

Éducation artistique et culturelle

31,49

31,49

32,26

32,26

+ 2,44

+ 2,44

Enseignement spécialisé

30,66

32,20

29,46

29,46

- 3,91

- 8,51

Action en faveur de l’accès à la culture

58,47

59,26

53,53

54,30

- 8,45

- 8,37

Action culturelle internationale

17,68

17,68

16,68

16,68

- 5,66

- 5,66

Fonctions de soutien

108,28

111,30

105,40

108,45

- 2,66

- 2,56

Total hors dépenses de personnel

460,17

470,28

453,22

460,07

- 1,51

- 2,17

Dépenses de personnel

361,10

361,10

385,37

385,37

+ 6,72

+ 6,72

Source : ministère de la culture et de la communication

Hors dépenses de personnel, ce programme sera doté de 453,22 millions d’euros en autorisations d’engagement (- 1,51 % par rapport à 2008) et 460,07 millions d’euros en crédits de paiement (- 2,17 %). Cette baisse de crédits déjà particulièrement maltraités en 2008 est inquiétante et en totale contradiction avec l’objectif de démocratisation culturelle affiché par le Gouvernement.

Selon les informations communiquées par le ministère, la baisse des crédits de ce programme « résulte exclusivement de modifications de périmètre entre 2008 et 2009 : l’action « Enseignements spécialisés » comportait en 2008 des crédits de paiement correspondant à des fins d’opérations d’investissement ; ces crédits ne se retrouvent donc pas en 2009 ; de même, la maîtrise d’ouvrage sur les opérations de rénovation des écoles d’architecture est partagée entre les DRAC et l’Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels (EMOC) ». Mais ce changement de périmètre n’explique en aucun cas les baisses sur les autres actions du programme…

– L’action en faveur de l’accès à la culture subit cette année encore une baisse importante de 8,37 % en crédits de paiement. Ce sont plus particulièrement les crédits destinés à rééquilibrer l’action du ministère en faveur des territoires culturellement moins favorisés qui sont touchés par cette baisse, mais également les actions en faveur des personnes handicapées, des associations d’éducation populaire et des associations de lutte contre l’exclusion.

– La baisse des aides aux établissements d’enseignement spécialisé de la musique, de la danse et du théâtre, qui relèvent des collectivités territoriales, (− 8,51 % pour les crédits de paiement en 2009) semble liée à la fin d’opérations d’investissement programmées au cours des années précédentes.

– Les crédits budgétaires consacrés à l’action culturelle internationale subissent eux aussi une baisse d’un million d’euros (- 5,66 %), à l’heure même où le ministère des affaires étrangères se désengage lui aussi de cette politique.

– L’éducation artistique et culturelle, une des deux actions du programme en hausse, devrait bénéficier de 32,26 millions d’euros en crédits de paiement soit une augmentation de 2,44 % des crédits. Le rapporteur reviendra sur cet aspect trop souvent négligé de la politique culturelle. En effet, on ne peut à la fois critiquer l’absence de démocratisation culturelle, comme l’a fait le Président de la République dans sa lettre à Mme Albanel, et couper les moyens alloués à cet objectif ! Cette attitude pour le moins ambiguë a des limites et le rapporteur tient à la dénoncer. C’est l’objet de la deuxième partie de cet avis.

II.- OBLIGATION DE RÉSULTATS OU OBLIGATION DE MOYENS POUR LES STRUCTURES SUBVENTIONNÉES DE SPECTACLE VIVANT ?

Dans un article publié dans Le Monde du 24 septembre 2007, Mme Christine Albanel indiquait qu’elle était décidée à faire bouger le spectacle vivant public : ses théâtres, ses 1 200 compagnies subventionnées, ses 70 scènes nationales pluridisciplinaires (théâtre, danse, musique, cirque). Ces déclarations faisaient suite à la lettre de mission sur la culture que lui avait envoyé M. Nicolas Sarkozy. À la rentrée 2007, cette « feuille de route » avait suscité beaucoup d’inquiétude, et notamment la mention qu’il fallait imposer des « obligations de résultats » aux structures subventionnées.

Le Président de la République estimait en effet que la démocratisation culturelle, c’est avant tout « veiller à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant aux attentes du public », souhaitant que chaque lieu subventionné « rende compte de son action et de la popularité de ses interventions ». Paradoxalement, cette obligation de résultats imposée aux structures oblige d’ailleurs à s’interroger : est-ce à l’État de subventionner ce qui a du succès ? Est-ce le rôle de l’État de favoriser « une offre répondant aux attentes du public » ? Dans ce cadre, le chef de l’État demandait à Mme Albanel d’empêcher « la reconduction automatique des aides et des subventions ». La ministre devait engager à partir du mois d’octobre une concertation avec les acteurs du spectacle vivant. C’est finalement le 11 février 2008 que furent lancés les entretiens de Valois, destinés à débattre des rôles respectifs de l’État et des collectivités dans le financement de la création et à intensifier le contrôle de l’État et des collectivités locales sur les scènes subventionnées en développant les « contrats d’objectifs ».

En effet, actuellement, à peine un tiers des scènes nationales, la moitié des centres chorégraphiques et un seul théâtre national, celui de Strasbourg, en ont signé. Mais la contractualisation peut également prendre des intitulés variés : contrat de décentralisation pour les centres dramatiques nationaux, convention pour les centres chorégraphiques nationaux, les orchestres et les opéras. Le contrôle de l’État sur les structures subventionnées de spectacle vivant peut donc prendre de multiples formes, comme le rapporteur a pu le constater dans les réponses qui lui ont été adressées par le ministère et lors des déplacements qu’il a effectués en région. Parallèlement, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, les opérateurs du ministère doivent satisfaire un certain nombre d’indicateurs de performances que l’on pourrait quasiment comparer à des obligations de résultats : évolution de la fréquentation, part du public scolaire dans la fréquentation, part des structures bénéficiant d’une subvention de fonctionnement ayant signé une convention avec l’État, etc. Ils doivent, à terme, toutes signer des contrats de performances.

Pour tenter d’éclairer le débat, le rapporteur pour avis a donc tenu à réaliser un état des lieux des budgets alloués aux structures subventionnées de spectacle vivant (institutions et compagnies) ; une évaluation des crédits prévus dans la loi de finances pour 2009 pour le secteur et de leur adéquation avec les besoins exprimés ; un état des lieux comparatif des dispositifs de contractualisation et du soutien aux structures subventionnées de spectacle vivant (institutions et compagnies) ; un bilan de la mise en œuvre des indicateurs de performance de la LOLF.

Pour ce faire, il a rencontré une vingtaine d’acteurs du secteur à Paris et s’est rendu en régions, à Strasbourg et à Rennes, pour se rendre compte sur le terrain les modalités de mise en œuvre de la lettre de mission adressée à Mme Albanel. Enfin, il s’est rendu à Londres et à Stockholm pour évaluer si les réflexions menées par nos partenaires européens pouvaient éclairer la nôtre. Paradoxalement, la France d’André Malraux et de Jack Lang reste un modèle pour ces deux pays qui ont pourtant une conception différente de la nôtre en ce domaine, privilégiant l’artistique sur le culturel.

A. LE BUDGET DU SPECTACLE VIVANT : UN TROMPE L’œIL

Depuis de nombreuses années, les crédits alloués aux structures de spectacle vivant, qu’elles soient établissements publics sous la tutelle du ministère de la culture ou institutions et compagnies subventionnées à Paris et en région, augmentent peu et irrégulièrement. Les hausses ponctuelles constatées sont souvent liées à des crises majeures du secteur : celle de l’intermittence en 2005, puis la mise en sommeil des entretiens de Valois depuis la fin de cet été.

1. Le programme « Création » : un budget en dents de scie en fonction des rapports de force du moment

Le rapporteur déplore vivement de ne pas pouvoir disposer de données chiffrées fiables sur une longue période lui permettant d’avoir une vision claire de l’évolution des crédits. Il avait en effet demandé un tableau comparatif de l’évolution des dépenses en faveur du spectacle vivant (institutions culturelles subventionnées et subventions aux compagnies) faisant apparaître la répartition entre Paris et la province, de 1998 à 2008. Il lui a été répondu qu’une « enquête approfondie est actuellement menée par la DMDTS pour permettre de renseigner la totalité de la période 1998-2008 », les chiffres étant uniquement disponibles à partir de 2002.

Le tableau ci-dessous montre une hausse globale de 14,08 %, plus forte pour les crédits centraux (+ 14,99 %) que pour les crédits déconcentrés (+ 13,07 %). Malgré tout les discours du ministère depuis des années tentant de démontrer un rééquilibrage des crédits entre Paris et la province, la réalité des chiffres est toute autre… Par ailleurs, entre 2004 et 2008, la tendance s’accélère puisque la hausse n’est plus que de 6,9 %, dont + 8,29 % pour les crédits centraux mais seulement + 5,42 % pour les crédits déconcentrés.

Crédits de fonctionnement du ministère de la culture pour le spectacle vivant

(en millions d’euros courants)

   

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

1

Total crédits déconcentrés

288,24

287,08

309,16

315,20

322,51

333,84

325,93

2

Total crédits centraux

321,56

345,69

341,46

346,11

343,02

362,82

369,76

3

Total général (1+2)

609,80

632,77

650,62

661,31

665,53

696,66

695,69

 

Taux de déconcentration (1/3) en %

47,27 %

45,37 %

47,52 %

47,66 %

48,46 %

47,92 %

46,85 %

Source : ministère de la culture et de la communication

Ces chiffres doivent par ailleurs être rapportés au nombre de structures subventionnées. Si le ministère répertorie exhaustivement le nombre de destinataires de subventions sur crédits centraux et fait remonter des DRAC l’information sur 95 % du montant des subventions versées sur crédits déconcentrés, il ne lui est pas possible d’estimer le nombre de destinataires des 5 % restants. À l’heure du numérique, il conviendrait que le ministère dispose enfin de logiciels de contrôle de gestion dignes de ce nom. Malgré tout, sur la période considérée, le montant total des structures financées est stable entre 2002 et 2005 sur une moyenne de 2 720 structures. Mais l’année 2006 a enregistré une forte progression à 2 870 structures subventionnées.

Au niveau régional, la répartition est la suivante entre 2004 et 2008. On observe ainsi une augmentation globale de 6,53 % en Alsace. En euros constants, on peut donc considérer que les dotations ont stagné.

Évolution de la dotation
« Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant »
du programme 131 « Création » entre 2004 et 2008 en Alsace

Titre 6-fonctionnement

En euros

2004

2005

2006

2007

2008

Théâtre

3 551 162,00

3 739 223,00

3 737 742,00

3 795 563,00

3 679 670,00

Musique - Danse

8 517 284,00

9 299 330,00

9 354 120,00

9 325 878,00

9 176 447,00

Total

12 068 446,00

13 038 553,00

13 091 862,00

13 121 441,00

12 856 117,00

Source : DRAC Alsace

Parallèlement, depuis plusieurs années, les établissements publics nationaux voient également leurs budgets quasiment stagner en valeur constante. Ces établissements sont de deux ordres : d’une part les grands établissements publics tels que l’Opéra, la Comédie Française, les théâtres nationaux, la Cité de la Musique, appelés « opérateurs » au sens de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), d’autre part « les autres opérateurs » tels que l’Orchestre de Paris, le Centre national de la danse, la Salle Pleyel, l’Opéra Comique ou l’ensemble Intercontemporain. Après des années difficiles, en 2009, ils connaîtront une hausse très limitée, voire une stagnation de leurs crédits de fonctionnement. L’argument avancé est qu’il faut réaliser des efforts au profit d’un « rééquilibrage en faveur des territoires », rééquilibrage attendu depuis des années sans succès. Le rapporteur estime qu’il s’agit simplement, encore une fois, d’opposer les uns aux autres.

Cette tendance à la stagnation, voire à la baisse en euros constants, s’observe d’ailleurs sur une plus longue période, comme le montre le tableau ci-dessous. Entre 2005 et 2008, alors que l’inflation sur la période était de 1,8 % en 2005, 1,6 % en 2006, 1,5 % en 2007 et sera sans doute de plus de 3 % en 2008, les moyens de la Comédie Française ou du Théâtre national de Strasbourg n’ont été revalorisés que de 5,8 % et ceux de la Cité de la Musique de 4,3 %. Le rapporteur estime qu’il serait utile que la représentation nationale dispose d’une information plus claire sur l’évolution des budgets en euros constants.

Lorsque l’on sait que les frais de personnel représentent de 60 à plus de 100 % de la subvention versée, soit de 50 à % du budget de telles structures et qu’ils augmentent de 4 à 12 % chaque année, on comprend mieux que les marges de manœuvre artistiques se réduisent, au détriment de la qualité de la programmation. En effet, même en ne prenant que le « théâtre en ordre de marche » (TOM), la subvention ne couvre pas tout à fait la totalité des dépenses. Ce sont donc les recettes propres des structures (principalement les recettes de billetterie) qui font le complément pour couvrir le reste des charges et payer les dépenses artistiques. Les tableaux ci-dessous soulignent cette évolution inquiétante pour le Théâtre de la Colline et la Comédie Française

Évolution du budget du Théâtre national de la Colline

 

2005

2006

2007

 

Montant en €

% des dépenses / subvention

Montant en €

Évolution 2006/2005 en %

% des dépenses / subvention

Montant en €

Évolution 2007/2006 en %

% des dépenses / subvention

Total salaires

4 992 971

60,81 %

5 219 092

4,53 %

60,52 %

5 603 006

7,36 %

64,95 %

Total fonctionnement

1 826 456

22,24 %

1 869 156

2,34 %

21,67 %

1 963 449

5,04 %

22,76 %

Total charges artistiques

3 213 019

39,13 %

2 892 413

- 9,98 %

33,54 %

2 761 495

- 4,53 %

32,01 %

Total général

10 032 446

122,18 %

9 980 661

- 0,52 %

115,73 %

10 327 950

3,48 %

119,72 %

Subvention

8 211 408

 

8 623 773

5,02 %

 

8 626 557

0,03 %

 

Source : Théâtre national de la Colline

Évolution du budget de la Comédie française

 

2005

2006

2007

 

Montant en €

% des dépenses / subvention

Montant en €

Évolution 2006/2005 en %

% des dépenses / subvention

Montant en €

Évolution 2007/2006 en %

% des dépenses / subvention

Total salaires

21 143 265

92,1 %

23 733 606

12,3 %

101,3 %

24 010 243

1,2 %

99,33 %

Total fonctionnement

8 364 898

36,4 %

7 213 753

- 13,8 %

30,8 %

7 852 337

8,9 %

32,48 %

Total général

29 508 163

128,5 %

30 947 359

4,9 %

132,1 %

31 862 580

3 %

131,81 %

Subvention

22 957 214

 

23 423 986

2 %

 

24 172 292

3,2 %

 

Source : Comédie française

De même, à l’Odéon l’an prochain, en raison de la réduction des marges artistiques, il sera impossible d’accueillir des troupes européennes, en raison des coûts trop importants de ce type d’opération. C’est pourtant le cœur même de la mission de ce théâtre !

Programme Création : évolution de la subvention de fonctionnement (crédits de paiement) des établissements publics du ministère

Établissement

LFI 2005

LFI 2006

LFI 2007

LFI 2008

PLF 2009

Comédie Française

23 439 315

23 914 909

24 664 086

24 801 107

25 901 107

Théâtre de Chaillot

12 216 727

12 414 401

12 839 682

12 942 644

13 942 644

Théâtre de l’Odéon

9 867 431

11 161 549

11 697 522

11 795 431

12 165 431

Théâtre de la Colline

8 185 351

8 507 891

8 897 617

8 957 971

9 407 971

Théâtre de Strasbourg

8 887 792

9 038 483

9 317 974

9 405 997

9 734 868

Opéra de Paris (dont école de danse de Nanterre)

99 024 902

102 227 186

104 256 402

105 509 171

106 775 281

Centre national de la danse

7 428 693

7 661 462

7 777 452

7 836 764

8 186 764

Cite de la Musique

23 290 045

23 597 038

24 119 085

24 294 556

25 130 138

Salle Pleyel

0

2 300 000

5 000 000

4 988 337

5 009 879

Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette

21 343 181

21 887 714

22 054 714

22 136 899

22 494 845

Opéra Comique

6 066 573

7 553 331

8 912 445

9 251 262

10 600 000

Orchestre de Paris

8 390 000

8 390 000

8 740 000

8 771 400

9 171 400

Ensemble InterContemporain

3 538 255

3 538 255

3 788 255

3 819 672

3 819 672

Source : ministère de la culture et de la communication

La maîtrise de la dotation de fonctionnement des établissements publics nationaux doit permettre un redéploiement pour les crédits déconcentrés, et donc les subventions aux réseaux d’institutions culturelles et aux compagnies. En fait, seuls 5 millions d’euros seront distribués aux directions régionales des affaires culturelles, le reste de la somme constituant « le fonds d’accompagnement des réformes » qui sera mis en œuvre à l’issue des entretiens de Valois.

La répartition détaillée de cette somme fait en réalité apparaître quelques hausses, mais également des baisses inquiétantes, notamment s’agissant des subventions allouées aux compagnies, en forte baisse, avec 2,39 millions d’euros en moins qu’en 2008. Or ce réseau participe activement au dynamisme culturel de notre territoire et le priver d’une ressource essentielle à sa survie peut tout simplement conduire à des disparitions. Par ailleurs, la baisse du niveau moyen de la subvention allouée à chaque compagnie n’est guère encourageante puisqu’en plus de réduire le nombre de compagnies subventionnées, le ministère diminue également le montant moyen des subventions.

Crédits de fonctionnement déconcentrés et alloués aux structures de spectacle vivant

Typologie des bénéficiaires

Montant des crédits

En millions d’euros

Évolution 2008/2009

En millions d’euros

Nombre de bénéficiaires

Évolution 2008/2009

Coût moyen unitaire

En euros

Évolution 2008/2009

Équipes artistiques (compagnies)

45,40

- 2,39

1 205

- 30

37 681

- 1 021

Centres dramatiques nationaux et régionaux

57,87

+ 1,57

40

0

1 446 875

+ 39 449

Centres chorégraphiques nationaux

14,37

+ 1,67

19

0

756 421

+ 88 035

Opéras en régions

27,28

+ 2,19

13

+ 1

2 098 308

+ 6 751

Orchestres permanents

22,17

- 0,53

24

+ 2

923 667

- 108 097

Scènes nationales

50,63

+ 0,63

70

0

723 300

+ 9 052

Centres de création musicale

2,99

+ 0,1

10

+ 2

298 600

- 63 881

Scènes conventionnées

10,06

+ 0,07

91

- 4

110 582

+ 5 324

Salles de musiques actuelles (SMAC)

9,00

+ 0,8

136

+ 4

66 162

+ 4 044

Autres lieux de création et de diffusion

22,76

+ 2,66

167

0

136 299

+ 15 946

Festivals

8,57

- 1,43

280

0

30 618

- 5 014

Fonds de soutien à la création et à la diffusion

5,00

 

ns

 

ns

 

Total général

276,11

         

Source : ministère de la culture et de la communication

2. Le programme « Transmission des savoirs » : des baisses inquiétantes

« Il serait fallacieux d’isoler le bilan éventuel des politiques culturelles. La démocratisation de la société est un tout. La culture ne peut en compenser seule le poids. La réussite des politiques éducatives, sociales ou économiques a un retentissement direct sur celle des politiques culturelles. Les faire travailler ensemble plus activement et continûment permettrait d’obtenir de bien meilleurs résultats pour chacune d’entre elles. Un principe régulièrement oublié ces dernières décennies, mais c’est certain : il y a un problème d’inégalité en matière culturelle qui doit être repris à de multiples endroits : au niveau de l’éducation (y compris tout au long de la vie), des populations en difficulté, des territoires mal desservis culturellement » (5). Le rapporteur partage très largement ce constat de M. Jean-Pierre Saez et c’est ce qui l’a amené non pas uniquement à analyser l’évolution des subventions aux structures, mais également celles allouées à l’action culturelle et à l’éducation artistique, tout aussi fondamentales en termes de démocratisation culturelle. Les marges de manœuvre artistiques des structures étant de plus en plus réduites, c’est par le biais de ce programme que les actions en faveur de la démocratisation culturelle peuvent surtout se développer. Pourtant, dans une de ses réponses au questionnaire du rapporteur, le ministère ne semble pas partager ce point de vue puisqu’il indique que, « parmi les missions de service public qui justifient l’octroi de subventions à des organismes ou équipes de spectacle vivant figure la responsabilité sociale de l’organisme envers la population qui n’a pas pour habitude de fréquenter les salles de spectacle, afin de favoriser leur accès aux œuvres de spectacle vivant ». Va-t-on vers une réduction drastique, voire une suppression des crédits d’action culturelle alloués aux structures subventionnées ? Comment peut-on envisager une telle éventualité, si ce n’est au détriment de la marge de manœuvre artistique, aujourd’hui déjà réduite ? Le rapporteur estime qu’il s’agit sans aucun doute d’une des missions fondamentales des structures subventionnées, mais qu’elles ne pourront la réaliser si elles ne disposent plus d’aucun crédit pour la création. Qu’auront-elles demain à présenter à ces publics si elles doivent ponctionner leurs budgets de fonctionnement pour l’action culturelle ? Des spectacles au rabais ?

En effet, l’action du programme « Transmission des savoirs » en faveur de l’accès à la culture subit cette année encore une baisse importante de 8,37 % en crédits de paiement. Ce sont donc les crédits destinés à rééquilibrer l’action du ministère en faveur des territoires culturellement moins favorisés qui sont touchés par cette baisse, mais également les actions en faveur des personnes handicapées, des associations d’éducation populaire et des associations de lutte contre l’exclusion. Or il faut rappeler que les crédits consacrés à cette action ont subi ces dernières années des baisses astronomiques, y compris en 2008, où la baisse des crédits a été de plus de 15 %. La ministre parle pourtant de « consolidation » des crédits dans son dossier de presse : cela signifie-t-il seulement le maintien d’une situation désastreuse, au lieu de son accentuation ? Faudrait-il en plus s’en réjouir?

Certes, les crédits alloués à l’éducation artistique sont, cette année encore, en hausse. Mais la baisse avait été tellement dramatique en 2004 et 2005 qu’il reste du chemin à parcourir avant de revenir aux niveaux atteints avant 2004. La plus grosse difficulté sur ce dossier vient d’ailleurs du ministère de l’éducation nationale. Le rapporteur y reviendra ultérieurement. Par ailleurs, en régions, le constat est encore plus alarmant. Ainsi, en Alsace, comme le montre le tableau ci-dessous, les crédits alloués à l’accès à la culture ont baissé de 27,52 % entre 2004 et 2008… Même les crédits alloués à l’éducation artistique ont baissé durant cette période de 1,25 %.

Évolution de deux actions du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » entre 2004 et 2008 en Alsace

Titre 6 - fonctionnement - en euros

Actions

2004

2005

2006

2007

2008

2) Soutien à l’éducation artistique et culturelle

1 172 082,95

1 103 021,50

1 176 713,50

1 162 706,00

1 157 408,00

4) Accès à la culture

558 194,00

643 452,00

622 762,88

569 589,00

404 581,00

Source : DRAC Alsace

Rappelons pour finir que la potentielle mise en réserve de 5 % du budget du ministère de la culture serait une véritable catastrophe pour l’ensemble des programmes du ministère, mais plus encore pour ces actions. Le rapporteur souhaite vivement que, cette année encore, en raison de la faiblesse de ces moyens en comparaison d’autres ministères mieux dotés, le ministère de la culture soit épargné par ce gel.

3. Les effets dévastateurs de la révision générale des politiques publiques (RGPP) appliquée au ministère de la culture

Plusieurs mesures prévues par la RGPP risquent de nuire gravement au bon fonctionnement des structures subventionnées de spectacle vivant les plus fragiles, notamment en province.

a) Le développement des ressources propres des établissements publics n’est-il pas en contradiction avec l’objectif de démocratisation culturelle ?

Une mesure prévoit en effet que « le développement des ressources propres des établissements publics et la maîtrise de leurs coûts seront recherchés, afin d’alléger la part des subventions de l’État dans leur budget. »

Un projet de plan d’action doit être présenté fin octobre 2008 sur la base d’un groupe de travail constitué de représentants d’établissements publics et de la tutelle. Le rapporteur souhaiterait vivement en avoir communication. Comment les établissements de spectacle vivant pourront-ils s’insérer dans ce dispositif, étant donné leurs faibles marges de manœuvre ? Comment cette mesure s’articulera-t-elle avec une quelconque obligation de résultats de ces structures ? Comment notamment satisfaire un public plus nombreux si le développement du mécénat contraint les établissements à privatiser de plus en plus de représentations ? Comment satisfaire un public plus populaire si le développement des ressources propres signifie, comme au Royaume-Uni, une augmentation du prix des places ?

b) L’évolution des « modalités d’intervention de l’État en faveur du spectacle vivant » : quelles conclusions pour les entretiens de Valois ?

Le Gouvernement estime que « la redéfinition des modalités d’intervention de l’État en faveur du spectacle vivant [doit être] recherchée en concertation avec les collectivités territoriales qui assurent aujourd’hui une part prépondérante du financement des structures en région ». Certes… Tout le monde s’accorde sur le constat et les « Entretiens de Valois », instance commune de réflexion sur le spectacle vivant rassemblant l’État, les collectivités territoriales et les professionnels du secteur, doivent servir de base aux décisions qui seront arrêtées avant la fin de l’année, et qui devront répondre à quatre problématiques : mieux répartir les interventions de l’État en fonction des disciplines et du maillage territorial, en coordination avec les collectivités ; créer au niveau régional une structure de concertation qui harmonisera les politiques culturelles de chaque collectivité publique ; développer les outils de structuration et de professionnalisation des entreprises culturelles, permettant de stabiliser l’emploi ;  inscrire cette politique dans un cadre communautaire et international, un chantier que la ministre abordera dans le cadre de la PFUE.

Si le but de ces entretiens est de mieux cerner le rôle de l’État dans la politique culturelle de notre pays, de renforcer son rôle d’arbitre et de régulateur, de permettre aux structures et compagnies de disposer d’une visibilité sur leurs moyens sur la durée et de réfléchir à une répartition équilibrée des institutions sur le territoire, alors le rapporteur attend avec impatience la mise en œuvre des conclusions de cette concertation.

Mais si l’idée sous-jacente est de faire contribuer davantage les collectivités territoriales au financement des structures, alors qu’elles représentent déjà souvent plus des trois quarts des financements, si le but est que les collectivités prennent en charge à l’avenir le « théâtre en ordre de marche » (TOM), laissant à l’État le financement de la marge artistique, si l’objectif est de réduire drastiquement le réseau en région et ses moyens d’action et de création, si l’objectif, pour résumer, est d’organiser le désengagement de l’État sur les prochaines années, il y a de fortes chances que les discussions ne puissent aboutir et que la situation se crispe dangereusement. Il serait dommage que notre pays revive en 2009 la crise difficilement surmontée en 2003.

B. CONTRACTUALISATION ET CONTRÔLES DE L’UTILISATION DES SUBVENTIONS : DES OUTILS DÉJÀ TRÈS DÉVELOPPÉS

Le rapporteur a tenu à annexer à son rapport une liste, non exhaustive, des différents types de contrats que peuvent signer les structures subventionnées de spectacle vivant. On verra que la liste est longue, les obligations des structures précisément listées et régulièrement contrôlées. Le Président de la République a fait l’impasse sur ces données lorsqu’il a rédigé la lettre de mission de Mme Albanel, mais le rapporteur peut en attester suite aux déplacements effectués et aux auditions réalisées : de nombreuses structures ont signé un contrat et, même si ce n’est pas le cas, toutes ont déjà des comptes à rendre sur les résultats très précis qu’elles doivent obtenir. Les services de l’État en région et les inspections du ministère s’y attellent avec rigueur et régularité.

1. Le développement rapide de la contractualisation

a) État des lieux de la contractualisation

Selon les informations fournies par le ministère de la culture, actuellement, 269 structures subventionnées sur 477 disposent d’un contrat, soit 56 % des structures de spectacle vivant subventionnées.

Ce constat appelle plusieurs remarques : en premier lieu, il s’agit d’un taux relativement honorable quand on sait qu’un conseiller travaillant en DRAC doit parfois suivre de très nombreuses structures, notamment dans le domaine du théâtre ou de la danse… Par ailleurs, les contrats signés doivent être régulièrement contrôlés pour que le respect des obligations qu’il contient soit effectivement vérifié. Or le principe du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux s’applique également au ministère de la culture et, face aux effectifs dérisoires des DRAC, on peut s’interroger sur la pertinence de multiplier ce type de contractualisation en l’absence de réels contrôleurs…

Les différents types de contrats des structures subventionnées

Type de contrat

Durée

Type de structure

Nombre de structures

Nombre de contrats signés en 2007

Contrat de décentralisation dramatique

3

Centres dramatiques

39

39

Convention pluriannuelle d’objectifs ou contrats d’objectifs

3

Centres chorégraphiques nationaux

19

9

3

Centres nationaux de création musicale

7

5
1 en cours

5

Opéras nationaux de région

5

5

3

Orchestres permanents

24

12

3

Scènes nationales

70

18

3

Scènes de musiques actuelles et autres lieux de diffusion de musiques actuelles

140

70

3

Scènes conventionnées

140

81

3

CEFEDEM

11

11

3 ou 4

CFMI

9

9

Contrat de performance

3

Établissements publics 131 et 224 / Opérateurs (Orchestre Paris, EIC)

13

5 signés
4 en cours
(début 2008)

Total

   

477

269 soit 56 %

Source : ministère de la culture et de la communication

D’autre part, selon le ministère, les documents contractuels étaient et sont encore, dans beaucoup de lieux, très généraux. Ils doivent donc « devenir beaucoup plus précis quant aux objectifs fixés, notamment en matière de fréquentation, de publics ciblés, d’action culturelle, afin de responsabiliser sans détour le directeur ou la directrice, dans le cadre de son projet artistique ». Mais les contrats transmis au rapporteur contiennent déjà ce type d’obligations. À ces objectifs doivent correspondre des indicateurs, qui font l’objet d’une analyse annuelle par les différentes collectivités qui subventionnent l’organisme, pour réaction en cas de respect insuffisant et non justifié des objectifs. Ainsi, par exemple, la convention signée avec l’Opéra national du Rhin de Strasbourg indique que « l’Opéra national du Rhin développe une politique en faveur du renouvellement des publics et de l’éducation artistique, notamment dans le cadre du développement d’un service éducatif et par des actions concernant prioritairement : le développement de la sensibilisation du public jeune aux activités lyriques et chorégraphiques ; le public scolaire et universitaire (accès des classes à l’Opéra, travaux pratiques sur les thèmes lyriques et chorégraphiques, réalisation d’outils et de supports pédagogiques pour les enseignants ; conventionnement d’établissements scolaires et universitaires ; matinées scolaires ; (…)). L’Opéra met en œuvre une action d’observation détaillée des données relatives aux publics, notamment par le suivi d’indicateurs de référence (fréquentation, abonnements, billetterie…) ou la réalisation d’enquêtes ciblées. Ces données constituent un élément d’analyse pour l’évaluation ». On le voit, les objectifs sont relativement clairs et sont doublés d’indicateurs qui servent à valider le résultat ou l’absence de résultat de la structure.

b) De nouvelles modalités de contractualisation pour les opérateurs du ministère

Une des mesures de la RGPP consiste à prévoir la généralisation des contrats pluriannuels de performance des opérateurs du ministère, couplée à des lettres de mission à leurs dirigeants, afin de les « responsabiliser ». Le rapporteur s’interroge sur l’utilisation du terme de « responsabilisation » pour des directeurs de structures aussi imposantes. Est-ce à supposer qu’ils n’étaient ni responsables, ni responsabilisés par le passé ? C’est faire fi des données évoquées précédemment tout en étant profondément infantilisant pour les responsables en question. Où serait par exemple leur intérêt à se produire devant une salle vide ? La généralisation de ces contrats est en cours : sur un total de treize opérateurs dans le secteur du spectacle vivant, neuf contrats ont été signés ou sont en cours de signature. Par ailleurs, tout responsable nouvellement nommé reçoit maintenant une lettre de mission, démarche sans doute inspirée des pays nordiques puisque le rapporteur a pu constater qu’elle était généralisée en Suède.

c) Un contrôle strict et clairement encadré de l’utilisation des fonds

Comme l’indique le ministère dans une réponse aux questions du rapporteur, « les contrats liant le ministère et, le cas échéant, les autres collectivités cofinançant une structure de spectacle portent des outils de contrôle de la réalisation des objectifs, et des modalités de suites à ce contrôle diversifiées selon les types d’établissement ». Le non-versement de la totalité de la subvention constitue une sanction parmi d’autres. Pour mémoire, au titre du droit commun des subventions (décret-loi du 30 octobre 1935 relatif au contrôle des associations, œuvres et entreprises privées subventionnées), il doit y avoir restitution, totale ou partielle, de la subvention, notamment si les conditions d’octroi sont non remplies lors du versement ; l’affectation a été modifiée sans autorisation ; les subventions n’ont pas été utilisées (pour les subventions affectées).

 Les contrats d’objectifs des scènes nationales

La circulaire du 30 avril 1997 relative à ces contrats comporte un chapitre « Évaluation et renouvellement du contrat » qui prévoit une évaluation des résultats pour chacun des objectifs visés au cours du premier trimestre de la dernière saison de validité du contrat. À l’issue de cette évaluation, a lieu une réunion de l’ensemble des partenaires publics, à l’invitation du président de l’association de gestion, au plus tard le 30 novembre précédent le terme de validité du contrat. Au cours de cette réunion, les représentants de l’État et des collectivités partenaires s’entendent sur la pertinence d’un renouvellement du directeur et donc de la signature d’un nouveau contrat d’objectif. En cas de refus de confier la préparation d’un nouveau contrat au directeur en poste, le président de l’association de gestion l’en informe immédiatement avant d’engager une procédure de licenciement et d’ouvrir un appel à candidature.

 Le contrôle des centres dramatiques

Même si les centres dramatiques nationaux (CDN) sont des SARL, ce qui ne suppose pas d’organe de surveillance partagé avec les tutelles, l’article 25 de l’arrêté du 23 février 1995 fixant le contrat type de décentralisation dramatique prévoit qu’un comité de suivi réunissant les représentants de l’État et des collectivités territoriales partenaires est organisé au moins une fois par an pour chaque centre dramatique afin d’assurer le contrôle de son fonctionnement (exécution du budget, gestion du personnel, projets artistiques, respect des obligations figurant dans le contrat de décentralisation dramatique, etc.). Par ailleurs, une commission de suivi spécifique, composée de représentants de l’État et de partenaires sociaux, se réunit pour veiller à la bonne exécution de l’accord du 26 mai 2003 relatif au volume d’emploi des artistes interprètes dans les CDN.

Enfin, l’article 44 de l’arrêté du 23 février 1995 fixant le contrat type de décentralisation dramatique dispose que « neuf mois au moins avant l’expiration du présent contrat, le directeur et le ministre chargé de la culture ou son représentant auront un entretien qui permettra de faire le point sur l’exécution dudit contrat et chacune des deux parties devra faire connaître à l’autre ses intentions en ce qui concerne le renouvellement dudit contrat ». La décision du ministre chargé de la culture relative au renouvellement ou non du contrat est prise, après consultation des collectivités territoriales concernées, sur la base du rapport d’inspection du centre dramatique réalisé par le service de l’inspection et de l’évaluation de la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles. Ce rapport d’inspection permet d’évaluer le respect ou non des obligations inscrites dans le contrat de décentralisation. Il traite des questions relatives à l’activité et à la fréquentation aussi bien que des aspects financiers.

 Les conventions pluriannuelles d’objectifs des centres chorégraphiques nationaux

Les structures doivent présenter un bilan d’activité à leur conseil d’administration, généralement assez complet et précis, et, à l’approche du terme d’une période de convention, le ministère sollicite un bilan qu’il évalue contradictoirement. Les rapports d’inspection que les DRAC sollicitent périodiquement permettent de compléter l’appréciation qualitative du travail réalisée par la structure. Lorsque les partenaires publics sont largement, voire tous, insatisfaits, le directeur en est informé et cela peut se traduire par un non-renouvellement de la convention et donc un départ du directeur et le renouvellement de l’équipe.

Le ministère rappelle, dans une de ses réponses au rapporteur, qu’« un projet artistique nécessite une inscription dans la durée pour porter ses fruits, notamment dans le travail sur un territoire régional, et la production de spectacles reste par nature une activité de prototypes ». C’est pour cette raison que les partenaires publics accordent généralement au directeur une période supplémentaire de trois ans pour tenter d’atteindre les objectifs.

Ce cas de figure est celui du Centre chorégraphique national de Rennes dont la directrice – une figure reconnue de la danse française – vient de partir à la mi-2008 à la suite de résultats insuffisants, qu’elle n’était pas parvenue à redresser significativement depuis l’inspection qui les avait relevés trois ans auparavant. Un autre cas de figure peut se présenter où, en raison de résultats moindres que ceux attendus, les partenaires publics peuvent décider de réduire leur aide et formuler des attentes de relance de l’activité sur une nouvelle période conventionnelle ? Ce fut le cas récemment pour le Centre chorégraphique national de La Rochelle.

d) Le ministère n’empêche-t-il pas déjà la reconduction automatique des subventions ?

Le ministère le souligne dans les réponses adressées au rapporteur, il « ne verse aucune subvention dont la reconduction serait automatique, l’attribution des subventions répondant à des critères précis. Ces critères, quantitatifs et qualitatifs, sont liés aux contrats d’objectifs, ou conventions, liant la structure à ses financeurs. Les contrôles sont annuels (exemple : exécution du budget, gestion du personnel, etc.) et périodiques (évaluation triennale d’un contrat d’objectifs, par exemple) ». Là encore, le Président de la République semble faire fi de la pratique déjà en cours depuis de nombreuses années au ministère de la culture, et confirmée au rapporteur lors de ses déplacements en région : l’évaluation des structures est permanente et les subventions sont clairement versées en fonction de résultats obtenus et validés par les différents financeurs. Les diminutions ou les suppressions de subventions existent donc déjà, mais la pratique en est clairement encadrée et non le fait de l’arbitraire d’une personne seule qui déciderait sans concertation. Par ailleurs, rappelle le ministère, « empêcher la reconduction automatique des aides et subventions dans le spectacle vivant est une exigence qui se pose de façon différente selon qu’il s’agit des subventions pluriannuelles, versées à des établissements ou équipes indépendantes conventionnées (ce qui représente 80 % du budget du spectacle vivant du ministère) ou des subventions versées ponctuellement à tel ou tel artiste ou compagnie, au titre de l’aide au projet ou à la commande publique ».

 Les subventions pluriannuelles de fonctionnement

Dans la mesure où l’activité de spectacle vivant des scènes publiques est largement subventionnée (70 à 80 % de leurs ressources pour la plus grande partie) pour répondre aux missions qui leur sont confiées, les directeurs de ces lieux ou de ces équipes artistiques indépendantes ont besoin que les collectivités publiques s’engagent financièrement sur plusieurs années, en particulier pour pouvoir préparer leur programmation, organiser des résidences artistiques, etc. Ce besoin d’une vision à moyen terme avec des moyens financiers stables n’empêche pas le ministère d’être vigilant pour éviter l’automatisme d’un subventionnement qui ne se justifierait plus, sur le plan artistique comme sur le plan de l’action vis-à-vis des publics et du territoire.

 Les subventions ponctuelles

En ce qui concerne les aides spécifiques et ponctuelles pour le soutien à la commande publique (aux compositeurs, auteurs et chorégraphes) et le soutien à des projets de production artistique spécifiques, un indicateur a été mis en place depuis quelques années pour mesurer le renouvellement des bénéficiaires. Il montre qu’en 2006, 42,8 % des bénéficiaires de ce type d’aides en bénéficiaient pour la première fois. Il y a donc bien dans ce cas également non-reconduction automatique de la subvention puisque, par principe, c’est une subvention de projet. Cette distinction existe d’ailleurs également au Royaume-Uni puisque l’Arts Council verse deux types de subventions : des subventions régulières et pluriannuelles à des structures et des subventions sur projets.

Paradoxalement, dans les deux pays européens visités par le rapporteur, on note une confiance bien plus grande dans le travail des structures subventionnées et une relation « contractuelle » bien plus apaisée. Les subventions versées font, comme en France, l’objet d’évaluations régulières, et le dialogue est permanent entre la structure et les financeurs. En fin d’année, les structures font, le plus souvent elles-mêmes, un bilan de leur action, puis s’engage un dialogue contradictoire et constructif sur les améliorations envisageables. Le conventionnement est paradoxalement peu développé, mais le dialogue semble plus régulier et plus serein. L’intervention unilatérale de la puissance publique n’est qu’un dernier recours, lorsque l’on considère que la structure a échoué.

2. Les indicateurs de performance : un outil adapté au spectacle vivant ?

Le ministère lui-même le reconnaît, « l’appréciation de ce travail mené par les réseaux et les équipes subventionnées est complexe, tant les actions sont diverses et touchent des publics variés par leur nombre et leur profil. Mais elle doit être rendue possible par la définition d’objectifs spécifiques, dans les contrats et conventions signés avec l’État ». En effet, une éventuelle non-reconduction des aides suppose une évaluation objective des résultats, basée sur des données quantitatives, mais surtout qualitatives, évaluation toujours malaisée dans le spectacle vivant. Au Royaume-Uni, 194 structures et organisations culturelles ont été privées de fonds au cours des dernières années sur cette base d’évaluations principalement quantitatives, dans un contexte budgétaire très tendu, alors que le ministère de la culture, par le biais de l’Arts Council, avait repris entièrement la main sur l’évaluation des structures. Suite au scandale provoqué par ces décisions unilatérales, on est revenu depuis deux ans vers des relations plus apaisées et vers une évaluation de la « qualité artistique » du projet, dont quelques « indicateurs de performance » ne suffisent pas à rendre compte. Cette nouvelle orientation a été confortée par le rapport rendu en janvier 2008 par Sir Brian Mc Master, Soutenir l’excellence dans les arts, incitant les pouvoirs publics à développer l’autoévaluation au sein des structures subventionnées, mais également l’évaluation, qualitative, par les pairs (peer review), sur le modèle de ce qui est réalisé depuis quelques années aux Pays-Bas. Pour éviter toute collusion d’intérêts, les pairs ne sont d’ailleurs pas uniquement des artistes du pays, mais un panel d’artistes européens de renommée internationale.

Dans ce domaine, le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou la Suède ont donc intégrés que les indicateurs de performance, par essence purement quantitatifs, ne sont pas adaptés au secteur du spectacle vivant. En France, il conviendrait de mieux reconnaître le rôle des comités d’experts dans l’évaluation. D’ailleurs, le ministère reconnaît que les indicateurs actuels ne répondent que « partiellement » à la question de l’évaluation du succès de la démocratisation culturelle. Trois exemples suffisent à le comprendre.

a) L’indicateur de la part des publics en sortie scolaire dans la fréquentation payante des lieux de spectacle

Cet indicateur de performance traduit en quelque sorte l’idée qu’il est nécessaire que chaque établissement scolaire établisse des liens avec un établissement culturel, mais, hors les spectacles scolaires, il ne permet par exemple pas de mesurer les autres actions des lieux de spectacle en direction des scolaires: interventions en milieu scolaire, ateliers, visites, conférences, pratiques amateurs collectives, etc. Par ailleurs, une structure qui accueillerait cent élèves au cours d’une représentation dans l’année satisferait mieux l’indicateur qu’une structure qui n’en accueillerait que dix, cinq à six fois dans l’année, en faisant l’effort de développer un véritable projet pédagogique autour de ce petit groupe. Or, en termes de résultats, quelle sera l’action la plus efficace ? Sans aucun doute la deuxième… Ces exemples de « contre-performances » pourraient être multipliés.

b) L’objectif de faire venir à la culture des publics qui en sont aujourd’hui éloignés

Même le ministère de la culture admet que « les résultats dans ce domaine ne peuvent qu’émaner de données quantitatives sur le profil des publics. Force est de constater qu’elles manquent aujourd’hui dans les indicateurs ». La complexité de la définition d’un tel indicateur est très clairement exposée : « la définition des publics considérés comme « éloignés » présente des difficultés dans le cadre d’un indicateur national des documents LOLF. Les enquêtes nationales sur les pratiques culturelles dégagent plusieurs pistes : les catégories professionnelles les moins présentes dans les lieux de spectacles : employés, ouvriers, agriculteurs, retraités, etc., avec toutefois des variations selon les catégories de spectacles et donc de lieux ; l’âge (par exemple, certains types de spectacles, donc de lieux, souffrent d’une sous-représentation des jeunes) ; l’implantation géographique (Paris, grande agglomération, zone rurale, etc.), importante en termes de sociologie et d’aménagement du territoire ». Il est clair que l’extraction de ce type de données serait particulièrement intéressante car elle n’existe pas et l’on ne peut donc préjuger de l’échec, ou non, de la démocratisation, puisque les statistiques disponibles ne sont que déclaratives. Le rapporteur reviendra ultérieurement sur ce point.

Un exemple concret permet de démontrer le biais introduit par un indicateur demandé aux DRAC sur ce thème. Il s’agit de l’indicateur mesurant la « part des crédits d’éducation artistique et culturelle dirigés vers les territoires prioritaires par rapport à la part des élèves scolarisés dans ces territoires ». Cet indicateur est quasiment impossible à renseigner par les DRAC. En effet, les DRAC allouent des subventions à des structures culturelles pour le financement de l’ensemble de leurs projets : les crédits ne sont pas attribués à des territoires directement. Certaines DRAC ayant fait part de leurs difficultés, l’administration centrale aurait répondu qu’en raison de ce biais, il convenait de considérer comme crédits dirigés vers les territoires prioritaires les crédits alloués aux structures dont le siège est situé en territoire prioritaire ! Il serait tout de même fâcheux que, demain, des structures et compagnies doivent déménager pour obtenir des subventions du ministère de la culture…

c) Un indicateur de la popularité des spectacles ?

Toute la question est clairement de savoir si l’offre de spectacle vivant public est là pour répondre aux attentes du public, en proposant des spectacles populaires auprès des publics… Le rapporteur s’inscrit en faux contre cette vision de la politique culturelle. Le ministère de la culture ne semble pas loin de partager son point de vue puisqu’il indique dans ses réponses que « cette obligation de résultat rejoint la catégorie LOLF des indicateurs de « satisfaction des publics », a priori peu adaptée au spectacle vivant. Celui-ci n’est pas un service qui répond à une demande (à la différence d’un service social ou médical) mais un service qui propose, et doit donc entraîner une « satisfaction » du public face à la proposition. Celle-ci est d’autant plus difficile à mesurer dans le cas du spectacle que celui-ci est multiple et changeant, ce qui est moins vrai des lieux patrimoniaux ».

Il convient malgré tout de rappeler la satisfaction du public est parfois l’objet d’enquêtes sur site menées par chaque établissement mais le seul indicateur existant est celui lié à l’évolution de la fréquentation payante dans les lieux de spectacles. Peut-on pour autant dire que la chute de cet indicateur en valeur absolue signifie nécessairement une désaffection du public ? Ne peut-on pas penser que la création de spectacles plus « difficiles » d’accès, plus complexes, mais donnant également plus à réfléchir, peut être à l’origine d’une certaine baisse de la fréquentation ? La prise de risque dans la création n’est-elle pas le propre des structures publiques de spectacle vivant ?

C. ÉCHEC DE LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE OU CARENCES D’UNE POLITIQUE CULTURELLE SANS PILOTE ?

La lecture de la lettre de mission doit en effet conduire tout citoyen éclairé à s’interroger : doit-on considérer que cette lettre constitue la base d’une nouvelle politique culturelle ? Si la réponse est affirmative, on peut s’inquiéter car c’est l’objet même de la culture qui est remis en cause. Comme l’ont indiqué l’ensemble des interlocuteurs rencontrés par le rapporteur à Paris, comme en région, la culture, ce n’est pas répondre aux attentes du public. C’est au contraire les bousculer, en prendre le contre-pied, pour étonner, donner à réfléchir, donner à voir le monde différemment. Comme le rappelait M. Ismaïl Safwan, directeur artistique de la Compagnie Flash Marionnettes à Strasbourg, l’obligation de résultats pour un artiste est avant tout artistique : c’est l’obligation de lutter contre la « massification de l’imaginaire » ! Il donnait sur ce point précis un exemple touchant : celui du « syndrome de la baleine ». Lorsque sa compagnie a présenté la pièce Pinocchio, de nombreux enfants ont assisté aux représentations. Dans le livre de Collodi, Pinocchio est englouti par un requin. Mais les enfants, voyant le requin sur scène, se mettent en général tous à hurler : « Mais non, c’est une baleine ! ». Le film d’animation de Walt Disney est passé par là, alors que le livre original a été lu par bien peu…

Le rapporteur estime que, si, demain, la mission du ministère de la culture est de veiller à ce que « les aides publiques à la création favorisent une offre répondant aux attentes du public », le soutien à la création perdra une part de sa raison d’être, celle de lutter contre la « normalisation » des consciences.

1. La démocratisation culturelle : un échec ?

Comme le rappelle Jean-Pierre Saez (6) « le thème de l’échec de la démocratisation culturelle est l’objet d’un débat déjà ancien au sein même du monde culturel, une question rarement abordée avec sérénité. Le paradoxe des statistiques culturelles, c’est qu’elles délivrent des vérités implacables et a priori justes, mais aussi incomplètes et trompeuses. Le problème n’est pas de croire ou de ne pas croire aux chiffres, mais de bien interpréter ce qu’ils révèlent, et de comprendre ce qu’ils ne disent pas. Pour ne rien dire de la difficulté à traduire des réalités sensibles en données arithmétiques. (…) Encore faudrait-il dire la valeur de chaque point gagné dans les différents secteurs de la culture ». En effet, la démocratisation de la culture est un objectif à atteindre, et non une donnée intangible. L’action du ministère consiste bien, depuis des années, à tendre vers cet objectif, à développer des actions de plus en plus diverses pour sensibiliser de nouvelles populations et à imaginer de nouveaux modes d’intégration de la culture dans la vie de nos concitoyens, par exemple par le biais de résidences d’artistes, de festivals, de journées festives, etc. Le rapporteur estime qu’on ne peut partir du postulat que la démocratisation culturelle est un échec : les chiffres sont en effet têtus. Aujourd’hui, bien plus que dans les années 70, la population peut avoir accès à des formes variés de culture et de pratiques artistiques. Le seul véritable échec à dénoncer, n’est-ce pas l’absence de vision politique de ce que doit être une politique culturelle aujourd’hui ? Ne devrait-on pas plutôt dire que c’est la faiblesse des moyens alloués à cette action depuis de nombreuses années et l’absence de cohérence interministérielle de cette politique qui ne lui permettent pas de donner sa pleine mesure ?

a) Des statistiques nationales à interpréter avec prudence

Certes, selon les études publiées par le département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la culture, la pratique d’activités culturelles a peu évolué entre 1973 et 2003, date de la dernière étude. Mais il a malgré tout évolué positivement. Ainsi, la part de la population s’étant rendu au moins une fois au théâtre au cours des douze derniers mois était de 12 % en 1973, 14 % en 1988, 15 % en 1997 et 16 % en 2003. Il y a donc une certaine progression, notamment en valeur absolue puisque la population française a cru fortement entre 1973 et 2003. Le ministère reconnaît par ailleurs que « cet indicateur capte très mal la très forte diversification de l’offre qu’ont manifestée les arts de la scène (multiplication des festivals, succès du théâtre de rue, des spectacles de cirque…) et qu’il ne prend pas non plus en compte les effets de fréquence qui se sont fortement modifiés au cours des dernières décennies avec une progression globale du nombre d’abonnés mais un volume par abonnement en baisse » (7).

Globalement, l’évolution de la fréquentation du spectacle vivant est positive, puisqu’à l’exception de l’opéra dont la fréquentation reste stable, toutes les disciplines relevant du spectacle subventionné ont enregistré une progression (entre 1 et 7 points entre 1973 et 1997) au sein de la population française de 15 ans et plus. C’est le concert (tous genres de musique confondus, hors opéra) qui reste la première sortie au spectacle des Français (un sur quatre) devant le théâtre (un sur six) et la danse (un sur huit). Près d’un Français sur dix a assisté en 2003 à au moins un spectacle de cirque, un sur vingt-cinq à un spectacle de rue dans le cadre d’un festival. Ce maintien des pratiques artistiques, alors que les sollicitations multimédia se sont multipliées et qu’elles sont extrêmement consommatrices de temps, est plutôt rassurant.

Pour autant, la catégorie socioprofessionnelle qui fréquente le plus le spectacle vivant, toutes disciplines confondues, reste celle des cadres et professions intellectuelles supérieures. Elle enregistre toujours le plus fort taux de sortie au spectacle, et avec des écarts très importants par rapport à la catégorie socioprofessionnelle la moins impliquée – celle des ouvriers, agriculteurs et inactifs autres que les retraités. Pour autant, l’écart tend à se resserrer sur certaines disciplines : ainsi, en 1973, 8 % de « bas diplômes » contre 38 % de « hauts diplômes » (8) allaient au théâtre au moins une fois par an. En 2003, ils étaient 10 % contre 30 %. Pour la danse, on est passé de 4 % de « bas diplômes » et 14 % de « hauts diplômes » en 1973, à respectivement 6 % et 13 %.

Par ailleurs, ces chiffres doivent être analysés avec précaution puisqu’ils sont basés sur des données déclaratives, réalisées par sondage, et non des statistiques fiables émanant de l’ensemble des structures subventionnées par le ministère. C’est toute la difficulté de ce type d’exercice : comment peut-on parler d’échec de la démocratisation culturelle quand on ne dispose que de données parcellaires d’évaluation, de sondages, et non de statistiques fiables ? Le rapporteur plaide ardemment pour la mise en place d’un observatoire des pratiques culturelles rattaché au ministère de la culture, qui serait chargé d’élaborer des outils statistiques en lien avec les structures subventionnées, de recueillir l’ensemble des données existantes et de les analyser objectivement.

Par ailleurs, le ministère le reconnaît, « les données de la fréquentation des divers scènes et festivals subventionnés montrent que les salles sont remplies en moyenne à 75 % et que ce public d’environ 6,5 millions de spectateurs ne diminue pas, les chiffres de la saison 2006/2007 montrant au contraire une augmentation de 3 % par rapport à la saison précédente ». En province, les taux de remplissage de certaines structures avoisinent parfois les 80, voire 90 %.

On ne peut donc pas dire que la politique menée est un échec d’autant plus qu’étant donné la croissance du nombre de structures sur le territoire et donc du nombre de représentations annuelles, il est fort peu probable que ce soient aujourd’hui toujours les mêmes personnes qui fréquentent ces lieux. Personne, pas même la ministre qui l’a encore répété récemment, ne nie que les progrès de la décentralisation culturelle ont contribué à irriguer l’ensemble du territoire en structures qui rapprochent l’art et la culture des populations, notamment dans les régions. Les cartes jointes en annexe (9) le montrent très clairement. L’élargissement des publics, même s’il se reflète difficilement dans les chiffres disponibles, est une réalité. Le tableau ci-dessous donne une idée de la fréquentation des lieux subventionnés par le ministère, hors festivals.

Fréquentation des lieux de spectacle vivant subventionnés
par le ministère de la culture en 2005-2006

 

Nombre de représentations

Fréquentation payante

Fréquentation totale

Total établissements publics

2 283

1 602 511

1 871 227

Comédie Française (trois salles)

577

274 460

296 588

Odéon

247

71 235

81 422

Chaillot

380

118 462

145 661

Colline

304

61 401

84 167

Théâtre national de Strasbourg

170

46 654

54 055

Opéra de Paris

454

749 236

778 907

Opéra Comique

151

111 879

124 559

Cité de la musique

nr

100 413

116 269

EPPGHV

nr

59 081

178 029

Centre national de la danse

nr

9 690

11 570

Total principaux réseaux déconcentrés

6 483

2 927 119

4 008 771

Centres dramatiques (39)

5 279

1 082 569

1 263 659

Théâtres lyriques (12)

1 204

nr

863 671

Scènes nationales (70)

nr

1 844 550

1 881 441

Total lieux subventionnés par le ministère de la culture

8 766

4 529 630

5 879 998

Source : ministère de la culture et de la communication

b) Des études spécifiques et sociologiques encourageantes

 L’importance de la pratique amateure

M. Jean-Pierre Saez le rappelait devant le rapporteur, « confrontées à une participation des habitants à la vie culturelle plus différenciée, plus intense, les politiques culturelles doivent mieux situer leur action entre deux écueils : celui d’une vision légitimiste abstraite de la culture, celui d’un relativisme culturel absolu. À cet égard, il faut noter le succès grandissant des pratiques artistiques en amateur, le plus souvent minorées dans les politiques culturelles. Les trop rares études qualitatives concernant les comportements culturels au niveau territorial rendent compte de réussites que les enquêtes nationales à la plus large focale ne sauraient appréhender » (10). Le rapporteur partage ce point de vue et deux études permettent plus particulièrement d’appréhender ce relatif succès de la démocratisation culturelle.

Selon les informations communiquées par le ministère, en 2003, la pratique d’un instrument de musique concernait 9 % des Français de plus de quinze ans (soit 4 millions de personnes), alors que la Fédération française de football, qui est la plus importante fédération sportive en France, compte seulement un peu plus de 2,2 millions de licenciés (11). La pratique de la danse, y compris le hip-hop et les danses folkloriques (hors sorties en discothèques et soirées dansantes) touche 5 % de Français de plus de quinze ans (près de 2,5 millions). La pratique du chant touche 3 % des Français de plus de quinze ans, soit près d’un million et demi de praticiens, et celle du théâtre en amateur un Français sur cent. Parallèlement, en 2001, 28 % des jeunes Français de 6 à 14 ans pratiquaient une activité artistique en amateur hors du cadre scolaire. Le premier choix se portait sur la musique (12 % des 6 à 14 ans), suivie par la danse (8 %), tandis que le théâtre concernait 4 % d’entre eux. Pour reprendre la comparaison avec le sport, selon le ministère de la jeunesse et des sports, en 2002, 30 % des jeunes de 12 à 17 ans pratiquaient des compétitions sportives et 33 % avaient une licence sportive. Ils étaient 51 % à pratiquer en club.

 Une étude sociologique intéressante sur Avignon : de l’importance de structures solidement et durablement implantées sur le territoire

Une étude publiée en juin 2008 (12), que M. Emmanuel Ethis a présentée au rapporteur, réalisée sur la base de quinze ans d’enquête par trois générations de sociologues, a permis de mieux comprendre l’évolution des publics, notamment locaux, du Festival d’Avignon. Il convient de rappeler que le projet du Festival d’Avignon s’est d’ailleurs bâti en affichant un objectif clair de démocratisation culturelle : attirer des spectateurs écartés jusque-là du théâtre, afin de leur donner le goût du spectacle vivant et d’éveiller leur curiosité. Jean Vilar ne disait-il pas qu’« un art collectif comme celui du théâtre ne peut témoigner valablement dans l’unique Paris », qu’il fallait « réunir, dans les travées de la communion dramatique, le petit boutiquier et le haut magistrat, l’ouvrier et l’agent de change, le facteur des pauvres et le professeur agrégé ». L’étude de M. Ethis montre très clairement que la présence du festival a profondément transformé le regard que la population locale, voire régionale, porte sur la culture et l’art. On peut clairement dire que les habitants de la région se sont approprié l’outil et sont devenus un « public participant ». Plus largement, M. Ethis a indiqué que l’on peut même dire que le festival a transformé les pratiques culturelles de la population. Ainsi, la population avignonnaise est la plus cinéphile de France et la plus grosse consommatrice de livres par habitant en France. Il y a clairement un lien entre le festival et les autres pratiques artistiques et culturelles de la population locale, ces dernières étant bien plus valorisées que dans d’autres régions françaises du fait de la présence du festival. Le festival a permis d’abattre de nombreuses barrières socio-géographico-économiques, entre les différentes classes sociales et entre les habitants urbains et ruraux de la région.

Ainsi, on peut dire que, si elle est insérée dans la durée et de manière visible et forte dans un territoire, une structure de spectacle vivant est à même de changer les pratiques des habitants qui l’entourent et participe à la construction identitaire des individus. Il serait utile que d’autres études localisées de ce type soient réalisées par le ministère de la culture, afin que les pouvoirs publics aient une idée plus claire de l’impact de la présence de ses structures sur les pratiques socioculturelles des habitants.

2. Les carences d’une politique sans pilote : quelles perspectives pour le spectacle vivant ?

On peut s’interroger avec inquiétude. En effet, tout laisse à penser que ce qui manque principalement à la politique culturelle de notre pays, c’est un pilote avec des ambitions claires, affichées et défendues. Aujourd’hui, on a plutôt l’impression que le ministère est devenu gestionnaire parcimonieux de deniers publics qu’il réussit péniblement à obtenir chaque année, non plus en justifiant la politique culturelle par son importance pour la construction intellectuelle et politique de nos concitoyens, mais par son apport à notre économie ! Un exemple caricatural de cette position délicate est fourni par une des réponses au questionnaire adressé par le rapporteur au ministère : « si l’innovation, la recherche d’approches artistiques nouvelles, pluridisciplinaires, etc. sont soutenues par les aides du ministère, tant au profit de structures de spectacles vivants pérennes qu’au profit de projets ponctuels, c’est toujours dans le but de permettre et développer la fréquentation de ces spectacles ». Si c’est la seule ambition du ministère, elle est bien mince car quelle structure aurait intérêt à de se produire devant un public inexistant ?

En conclusion, le rapporteur pour avis tient à souligner que la démocratisation culturelle ne pourra progresser sans le soutien du ministère de l’éducation nationale. Un rapport d’information de notre commission publié en 2005 soulignait déjà clairement les difficultés d’une politique interministérielle dont on n’a parfois peine à déterminer le pilote (13). Le rapporteur pour avis confirme que la situation ne s’est pas améliorée.

Il a posé deux questions au cabinet du ministre de l’éducation nationale. La première concernait l’évolution du nombre de professeurs mis à disposition des structures de spectacle vivant au cours des dernières années, de nombreuses structures s’étaient en effet émues de la disparition de ces postes. Le ministère a été incapable de répondre. La deuxième question concernait l’évolution des crédits spécifiquement destinés aux différents dispositifs de l’éducation artistique par année scolaire (classes à projets, ateliers artistiques, projets d’action éducative, etc.) ; sur ce point également, aucune réponse. La seule réponse budgétaire fournit, et que le rapporteur pouvait trouver sans difficulté en lisant le document budgétaire du ministère, était la suivante : « les crédits globaux consacrés à l’éducation artistique et culturelle en 2008 s’élèvent à 1 892 millions d’euros et 2 047,6 millions d’euros en 2009 en coût complet ». Les informations fournies par le rapport précité sont les seules existantes et l’évolution des crédits constatés n’était, en 2005, pas vraiment favorable au ministère de l’Education nationale.

Financements par type de dispositif

Année scolaire

2002-2003

2003-2004

2004-2005

Variation 2002-2005

Classes à projet artistique et culturel

4 114 124,67

2 416 071,07

2 314 842,02

- 43,73 %

Ateliers artistiques

11 089 579,90

8 676 767,82

7 929 288,29

- 28,5 %

Projets d’action éducative

1 506 584,90

1 073 826,50

1 041 113,00

- 30,9 %

Jumelages

119 037,80

112 680,54

142 447,34

- 19,67 %

Services éducatifs

2 985 146,29

2 754353,84

3 104 809,54

- 4,01 %

Autres dispositifs : contrats de plan, contrats locaux, etc.

4 206 771,65

1 928 962,68

2 123 468,57

- 49,52 %

TOTAL

24 021 245,21

16 962 662,45

16 655 968,76

- 30,66 %

Source : Rapport d’information n° 2424 de Mme Muriel Marland-Militello

Le rapporteur pour avis considère que cette absence de vision claire sur un projet pourtant considéré comme prioritaire par le président de la République est très inquiétante.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2009 de la mission « Culture », au cours de la séance du lundi 27 octobre 2008 à 17 heures.

M. le président Didier Migaud. M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission des affaires culturelles, et moi-même sommes heureux de vous accueillir, madame la ministre de la culture et de la communication, afin de vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Culture » dans le cadre du PLF pour 2009. Vous connaissez par ailleurs fort bien cette procédure de commission élargie qui permet un échange direct et vivant entre nous.

Les rapporteurs des deux Commissions ont mis à la disposition de nos collègues leur projet de rapport présentant l’analyse des crédits demandés et de la politique envisagée jusqu’en 2011 : M. Richard Dell’Agnola est rapporteur spécial de la commission des finances pour les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », M. Nicolas Perruchot est rapporteur spécial de la commission des finances pour le programme « Patrimoines », et M. Marcel Rogemont rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

J’ajoute que l’organisation de la journée n’a pas été simple puisque se déroule en ce moment même en séance publique la suite de la discussion du PLF pour 2009 et, notamment, le débat autour de l’article 33 qui concerne la contribution de la France au budget des Communautés européennes. Certains d’entre nous devrons donc rejoindre l’hémicycle pour le vote.

M. le président Pierre Méhaignerie. J’avais quant à moi demandé à la Conférence des présidents que cette commission élargie, qui concerne un budget important, ait lieu en milieu de semaine et non un lundi.

L’État, en matière budgétaire, doit évidemment faire des choix, même si l’on a parfois l’impression que ce sont les pressions corporatistes les plus fortes qui s’imposent. En l’occurrence, il relève d’autant plus de notre responsabilité de déterminer des priorités que l’État s’apprête à dépenser 550 milliards dans le cadre du PLFSS, ce qui nous placera devant la Suède l’année prochaine en matière de dépenses sociales.

M. Richard Dell’Agnola, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Nous sommes en effet à la croisée des chemins car, si ce budget se caractérise par une grande stabilité sur le plan comptable, il s’inscrit également dans le cadre de réformes importantes – spectacles du vivant, marché de l’art, secteur du livre – qui affectent aussi la structure de votre ministère.

Quelles sont les premières propositions issues des Entretiens de Valois engagés au printemps de 2008 ?

Qu’en est-il du projet de Philharmonie de Paris ? Pourquoi avoir choisi comme mode de financement un partenariat public-privé (PPP) ?

De plus, la Cour des comptes a relevé dans son rapport thématique présenté en décembre 2007 que la politique des grands chantiers culturels était fréquemment à l’origine de dépassements et de surcoûts liés à une insuffisante capacité du ministère à mettre au point des outils d’arbitrage, de suivi et de bilan. Elle a ainsi noté que ses préconisations n’avaient pas été appliquées s’agissant en particulier de la création d’un comité de pilotage des investissements. Quelles décisions avez-vous prises à ce sujet ?

Qu’adviendra-t-il de la salle Pleyel ? Restera-t-elle un établissement public ou peut-elle être privatisée ?

Qu’en est-il de la suppression de la Caisse de congés spectacles – 16 millions d’indemnités impayées – préconisée par la Cour des comptes à l’issue de son référé sur le régime d’indemnisation des congés des salariés du spectacle ? La Cour des comptes a en effet relevé des défauts structurels importants du régime « congés spectacles » et vous aviez, je crois, décidé, madame la ministre, de créer une mission d’inspection générale à ce propos. Ses conclusions pourraient-elles être transmises au Parlement ?

Dans un contexte de diminution des subventions et de vieillissement des équipements des établissements publics ou privés participant au service public de la culture, sera-t-il désormais possible de recourir davantage à une politique de mécénat ? Est-il envisagé de poursuivre l’adaptation de la législation dans ce domaine, en particulier pour les investissements réalisés par les théâtres ou les centres dramatiques organisés sous la forme juridique de la société, qui ne peuvent y recourir aujourd’hui ?

Le plan en faveur du marché de l’art est quant à lui bien accueilli par les différents acteurs, mais il doit comporter des éléments décisifs et ne pas se contenter de demi-mesures.

En particulier, les modalités du droit de suite seront-elles revues ? Les professionnels critiquent vivement son organisation actuelle, dont ils considèrent qu’elle pénalise le marché de l’art français en laissant perdurer une distorsion de concurrence au bénéfice du marché britannique. Des pistes existent-elles qui permettraient de fluidifier ce marché et de l’étendre ?

Pourriez-vous aussi faire le point sur l’affectation d’une ressource extrabudgétaire aux investissements des entreprises de spectacle vivant ?

Je m’inquiète par ailleurs de la contribution du ministère de la culture à la politique de la ville ou plus exactement de ce qui apparaît comme un désengagement. Quels moyens financiers le ministère y consacrera-t-il, et selon quelles modalités d’intervention ?

Quel est enfin l’état d’avancement du plan relatif à l’éducation artistique et culturelle ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Sur la forme, il est quelque peu frustrant de ne pouvoir présenter le rapport que l’on a préparé et de devoir s’en tenir à quelques questions mais, comme mes collègues, je me plierai à cette règle.

Sur le fond, force est de constater que le budget de la culture se contracte au point que l’on doit constater ce que le ministre du budget qualifie de « croissance négative ».

Dans ce contexte, j’aborderai en premier lieu la question du patrimoine monumental pour vous demander, madame la ministre, quand les mesures fiscales et budgétaires recommandées dans leurs rapports respectifs par nos collègues Christian Kert en 2006 et Patrick Bloche en 2007 ainsi que par M. Aillagon il y a quelques semaines seulement seront enfin mises en œuvre. Tous ont appelé l’attention sur la gravité de la situation. Or M. Sarkozy avait promis que 400 millions seraient alloués chaque année au patrimoine monumental, mais je n’ai trouvé trace de tels crédits ; au contraire, les autorisations d’engagement diminuent de 18 % pour s’établir à un niveau historiquement faible. Nous attendions une autre réponse du Gouvernement à un problème dont l’acuité a plusieurs fois été mise en évidence.

Ma deuxième question porte sur l’Institut national de recherches archéologiques préventives. De nombreux pays européens nous envient cet organisme, qui connaît pourtant des difficultés patentes. Une réflexion est d’autant plus nécessaire à son sujet que, lors de l’examen par le Sénat du projet de loi de mobilisation pour le logement, un amendement pour le moins curieux a été adopté : il prévoit que « si dans les six mois qui suivent l’arrêté d’autorisation de fouilles sur des terrains destinés à la construction de logements sociaux aucune opération de fouilles n’a été engagée, l’autorité administrative prononce le retrait de l’autorisation ». Je rappelle à ce sujet que les prescriptions de fouilles sont de la seule autorité de l’État et que, de plus, l’INRAP ne peut agir que dans la mesure de ses moyens. La question de ses effectifs se pose donc : l’Institut a-t-il les moyens suffisants pour faire face à l’ensemble de ses missions ?

Le Président de la République vous a chargée, madame la ministre, d’« éviter la reconduction automatique des aides » et de faire en sorte que « les aides à la création favorisent une offre répondant aux attentes du public », tout en imposant une « obligation de résultat » aux structures du spectacle vivant. J’aimerais connaître les conclusions des Entretiens de Valois à ce sujet, car ces orientations ont suscité de grandes craintes. Comme le président de notre commission l’a rappelé, il faudra faire des choix. S’ils consistent à faire contribuer davantage encore les collectivités territoriales au financement de ces structures – un financement auquel elles contribuent déjà très largement –, si l’objectif visé est de réduire le réseau en régions et d’organiser le désengagement de l’État, un grave problème se posera. L’inquiétude est à la mesure des attentes, madame la ministre. Quelles sont vos propositions ?

Dans un autre domaine, notre collègue Muriel Marland-Militello a souligné dans son rapport la nécessité d’efforts soutenus en faveur de l’éducation artistique, notant que les crédits de l’éducation nationale qui lui sont consacrés ont diminué de plus de 30 % entre 2002 et 2005. Les relations entre votre ministère et celui de l’éducation nationale permettront-elles l’application réelle d’une politique d’éducation artistique ? En particulier, avez-vous une idée de l’évolution du nombre de professeurs mis à la disposition des institutions de spectacle vivant ?

Sur un autre plan, comment comptez-vous développer les ressources propres des établissements publics de spectacle vivant, ainsi que le prévoit la RGPP ? Cette mesure s’articulera-t-elle avec une obligation de résultats, en fonction d’objectifs précis ? Outre que la conjoncture n’est pas favorable au mécénat, comment satisfaire un public plus nombreux si le développement du mécénat conduit les établissements à privatiser de plus en plus de représentations ? Et comment démocratiser l’accès aux spectacles vivants si le développement des ressources propres par le mécénat conduit à l’augmentation du prix des places, comme cela a été le cas au Royaume-Uni ?

Enfin, quel est l’état d’avancement de la réflexion du ministère sur la création d’un observatoire des pratiques culturelles, à l’instar de ce qui a été fait pour le cinéma ? Comment peut-on parler d’« échec » de la démocratisation culturelle quand on ne dispose que de données parcellaires ?

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour le programme « Patrimoines ». Les autorisations d’engagement du programme « Patrimoines », au très vaste champ, sont en légère baisse : ils s’établissent à 1,054 milliard contre 1,258 milliard en 2008. À 1,129 milliard en 2009 contre 1,127 milliard en 2008, les crédits de paiement sont stables. Alors que je vous interrogeais le 19 juin dernier, madame la ministre, sur l’exécution des crédits alloués en 2007 et sur le rapport annuel de performance, vous m’aviez dit vouloir l’améliorer. J’ai effectivement constaté une amélioration, mais elle n’est pas encore satisfaisante en tous points. Qu’en est-il ?

Je souhaite revenir sur les monuments historiques. Les autorisations d’engagement – « Patrimoine monumental et archéologique » – de l’action 1 baissent en effet de 24 %, passant de 374,56 millions à 285,42 millions.

Cette forte baisse des autorisations d’engagement aura nécessairement un impact sur les crédits déconcentrés. Comment s’explique cette évolution de votre budget, madame la ministre ? J’aimerais par ailleurs savoir si les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) devront arrêter ou reporter certains chantiers.

Les inquiétudes sont en effet nombreuses : on dit que près de 350 chantiers portant sur des monuments appartenant à l’État devraient être reportés en 2009. La situation semble particulièrement critique en Île-de-France, dans le Languedoc-Roussillon, dans les Pays de la Loire, en Midi-Pyrénées, et surtout dans la région Rhône-Alpes, où j’entends dire que l’on s’approche de la catastrophe.

J’espère naturellement que vous pourrez nous rassurer, madame la ministre. Toutefois, il faut être bien conscient que les crédits sont moins élevés que l’année dernière, alors même qu’il faudra résorber plus de 400 millions d’euros de restes à payer, ce qui posera des difficultés particulières compte tenu de la situation budgétaire actuelle.

Sur tous ces sujets d’inquiétude, quelles réponses pouvez-vous apporter aux entreprises qui participent depuis des années aux chantiers de restauration en employant à ce titre des milliers de personnes ? Ces acteurs ont besoin de visibilité pour continuer à nous faire bénéficier de leur savoir-faire dans de bonnes conditions.

Je rappelle également que les monuments historiques avaient bénéficié en 2007 de contributions exceptionnelles, notamment grâce au versement d’une partie de la taxe sur les droits de mutation, à hauteur de 70 millions. Ces crédits avaient ensuite été intégrés dans le budget du ministère en 2008. Sachant que l’on attend à nouveau des ressources extrabudgétaires d’environ 20 millions d’euros en 2009, j’aimerais savoir si ce type de ressources a vocation à être pérennisé, et cela dans quelles proportions.

J’en viens au projet de création d’un musée du Louvre à Abu Dhabi. Pouvez-nous dire où en est ce projet « phare », qui témoigne de la vitalité et du rayonnement international des institutions muséales françaises ?

Le 6 mars 2007 était signé un accord intergouvernemental destiné à formaliser la coopération entre la France et les Émirats arabes unis : en contrepartie d’une rémunération de 400 millions d’euros, qui permettra de financer des projets scientifiques, culturels ou pédagogiques, le nouveau musée pourra utiliser le nom du Louvre pendant une durée de trente ans. Tout au long de cette période, l’ensemble des musées français participant au projet devraient bénéficier au total de 1 milliard d’euros.

Une Agence internationale des Musées de France, nommée « France Museum », a été créée l’année dernière afin de porter le projet pour le compte des musées français. Douze établissements publics culturels sont associés au capital de cette institution, au sein de laquelle le Louvre occupe naturellement une place particulière.

Je crois savoir que vous avez remis un avant-projet culturel et scientifique à nos partenaires des Émirats arabes unis à l’occasion du déplacement que vous avez effectué en janvier dernier. Pouvez-vous nous dire où en est maintenant ce dossier ? J’aimerais également savoir si d’autres projets sont envisagés. Il avait notamment été question d’exporter le savoir-faire du Centre Pompidou en Chine.

Je souhaiterais que vous nous indiquiez également où en est le projet de Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM), qui a fait l’objet d’un rapport remis par M. Stéphane Martin. Ce nouveau musée ouvrira-t-il en 2013, année où Marseille sera capitale européenne de la culture ?

J’aimerais par ailleurs savoir ce que vous pensez, en votre qualité de ministre de la culture, de l’implantation croissante des éoliennes au cœur de notre patrimoine rural. Chacun sait que les communes et les structures intercommunales sont de plus en plus fréquemment sollicitées par un lobby que je ne nommerai pas.

Sans préjuger de l’utilité écologique des éoliennes, il me semble que nous devrions adopter des initiatives afin d’éviter la défiguration de nos paysages. Nous devons davantage et surtout mieux encadrer ce phénomène. Quelles préconisations pouvez-vous faire à ce sujet, madame la ministre ?

La réforme de l’aide à la réhabilitation des secteurs sauvegardés, dite « loi Malraux », est une autre source d’inquiétude récurrente. Le plafonnement global ou individuel des niches fiscales est certes une des clefs du problème, mais j’aimerais savoir ce que vous pensez plus globalement de la réforme de la loi Malraux. Quel bénéfice en tirerons-nous ?

J’aimerais par ailleurs vous interroger à nouveau sur la gouvernance des musées de France. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, il est en effet apparu nécessaire de revoir le positionnement de la Direction des musées de France (DMF), de la Réunion des musées nationaux (RMN) et des établissements publics muséaux. Je vous ai déjà interrogée à ce sujet il y a quelques mois, mais j’aimerais savoir s’il y a eu des évolutions.

D’autre part, pourriez-vous dresser un premier bilan de l’expérimentation de la gratuité dans les musées ? Chacun sait que cette mesure avait suscité un vaste débat.

En dernier lieu, je rappelle que le Président de la République avait demandé, à l’occasion lors du dernier Salon de l’agriculture, que la gastronomie française soit inscrite au patrimoine mondial de l’humanité. Un groupe de travail, auquel je participe, a certes été constitué, mais j’observe que rien ne figure dans le PLF à ce titre, et que la présentation du budget du patrimoine ne fait pas davantage mention de ce projet.

Je souhaiterais savoir ce que vous pensez de l’initiative du Président de la République, et quelle action le ministère de la culture envisage de mener. Il me semble en effet que le dossier doit être déposé au cours du premier trimestre 2009.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. J’aimerais ajouter une question : comment la ministre entend-elle réagir aux décisions de gel des crédits ? Dans des secteurs comme le spectacle vivant, où plus de 80 % des crédits correspondent à des dépenses de personnel, cela posera en effet des difficultés extrêmes.

M. le président Pierre Méhaignerie. Dans le contexte budgétaire actuel, il me semble nécessaire de relativiser les critiques.

Pour avoir visité bon nombre d’institutions culturelles, il me semble que nous n’avons pas à rougir de la comparaison avec nos voisins européens, qu’il s’agisse des cinémas, des musées, des bibliothèques ou des grandes institutions parisiennes. Ne faisons pas preuve d’un pessimisme excessif !

L’action culturelle est essentielle. J’en suis si convaincu que 21 % du budget de fonctionnement de ma communauté d’agglomération y est consacré. Nous ne recevons pas d’aide de la part de l’État, mais nous n’en souffrons pas trop. Il faut être conscient que nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins, et que l’État ne peut pas tout faire.

Le volet du patrimoine est en revanche très inquiétant, avec une baisse de 18 % des autorisations d’engagement. Où trouver d’autres ressources : dans des privatisations ?

Pour ce qui est du spectacle vivant, de grandes inquiétudes se sont fait jour et je rappelle que le SYNDEAC, le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, est le lieu d’un corporatisme puissant. Il ne faut pas avoir peur de dire que les grandes institutions doivent, comme tout le monde, améliorer leur degré d’autofinancement et leur productivité. C’est le seul moyen de pouvoir aider aussi les petites compagnies.

En ce qui concerne la prescription des fouilles, je rappelle que la loi est loin de la rendre systématiquement obligatoire. De la même manière, si d’importants efforts sont à faire en matière de qualité architecturale, cela ne passe pas forcément par l’obligation de l’intervention d’un architecte en dessous de 180 mètres carrés.

Enfin, je n’arrive pas à comprendre la raison de l’attaque portée contre les compagnies d’amateurs, et des contraintes qui entravent leur développement. Il est urgent de répondre aux inquiétudes de toutes ces institutions qui ne demandent rien à l’État, mais qui n’ont pas envie d’être bientôt régies par le code du travail.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Ainsi que l’a souligné le président Méhaignerie, la situation n’est pas si mauvaise : quand je m’observe, je me désole, mais quand je me compare, je me console !

Il est clair qu’il faut faire des choix, et c’est l’optique de ce budget.

M. Dell’Agnola m’a interrogée sur les Entretiens de Valois, ce processus absolument inédit qui a permis de faire dialoguer tous les acteurs du secteur : organisations professionnelles, salariés et collectivités territoriales. Six groupes de travail se sont réunis pendant des mois, et continuent maintenant de façon plus réduite. Le SYNAVI, le Syndicat national des arts vivants, qui s’était retiré durant la première phase, envisage maintenant de revenir et les organisations qui entendaient protester contre le gel des crédits ont toutefois continué à travailler avec les autres. La participation est donc forte. Le premier objectif est de nouer un partenariat différent en créant des instances régionales où État, collectivités locales et professionnels pourraient envisager leurs modalités d’intervention ensemble. Il ne s’agit naturellement pas pour l’État de se désengager, les crédits du spectacle vivant en attestent – y compris une ressource extrabudgétaire de 15 millions –, mais de clarifier les missions et de permettre à chacun de s’engager mieux.

Les Entretiens de Valois ont également pour but d’améliorer la visibilité des politiques publiques et de revenir au système des labels. On s’est souvent éloigné des missions qui avaient été définies à l’origine – les scènes nationales étant supposées faire d’abord de la diffusion, par exemple, et les centres chorégraphiques nationaux de la production. L’un des objectifs des entretiens est d’y revenir. Un autre est que l’intervention de l’État soit centrée sur des projets pertinents de service public.

Il faut par ailleurs en finir avec la reconduction automatique, en respectant, par exemple, la disposition selon laquelle les directeurs de Centres dramatiques nationaux ne peuvent pas accomplir plus de trois mandats – certains restent en fonction vingt ans !

Il importe aussi de parvenir à une meilleure connaissance du spectacle vivant en améliorant la collecte d’information, aujourd’hui faite par différents organismes sans regroupement. Une plateforme d’observation doit être mise en place à cet effet, et nous sommes en train de définir une batterie de dix indicateurs communs à l’ensemble du secteur.

Enfin, il convient d’ouvrir nos politiques à une dimension européenne.

Les groupes doivent continuer à travailler jusqu’à fin novembre. Nous aurons la synthèse finale et des pistes de réforme vers la mi-décembre.

M. Dell’Agnola m’a également interrogée sur la Philharmonie de Paris, projet auquel participent l’État, la ville et la région Île-de-France. Les crédits pour 2009 se montent à 140 millions en autorisations d’engagement, soit la somme nécessaire au lancement du dialogue compétitif début 2009. Le problème reste de savoir s’il s’agira d’un partenariat public-privé classique, le partenaire privé ayant la maîtrise de l’ouvrage, ou d’un processus alternatif distinguant le financement de la réalisation et de l’exploitation, la maîtrise de l’ouvrage étant conservée par l’association de préfiguration. Par ailleurs, c’est le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » qui financera notamment la fin des études de maîtrise d’œuvre. La part de l’État dans le financement des travaux de terrassement, soit 6,75 millions, a été dégagée sur l’exercice 2008.

La procédure du partenariat public-privé peut, certes, soulever des interrogations, mais elle est un moyen d’étaler la charge financière et de responsabiliser l’opérateur privé, notamment en matière de respect des délais ou de qualité du bâtiment dont il aura à assurer l’entretien.

Il est clair que, dès lors que la Philharmonie sera ouverte, la salle Pleyel devra changer de programmation. Une des pistes envisagées est que la Cité de la musique, qui a loué la salle pour cinquante ans, fasse jouer la clause d’option de rachat prévue dans le contrat de bail et devienne propriétaire de Pleyel, peut-être par un emprunt qu’elle rembourserait grâce au produit de la location de la salle.

En ce qui concerne le rapport de la Cour des comptes sur les grands travaux, le comité de pilotage et de suivi des investissements n’a pas pu encore être mis en place car nous travaillons d’arrache-pied, dans le cadre de la RGPP, à la réforme de l’ensemble du ministère et les fonctions de suivi étaient éparpillées entre de nombreux organes. Le comité sera mis en place probablement au sein du secrétariat général.

M. Richard Dell’Agnola, rapporteur spécial. Ne conviendrait-il pas que les employeurs paient directement les intermittents du spectacle plutôt que de passer par la Caisse des congés spectacles, qui se montre défaillante ?

Mme la ministre. Les problèmes sont en effet nombreux : taux élevé de prestations jamais versées aux bénéficiaires – pour certains étrangers –, fichiers non mis à jour, taux de cotisation pour les congés payés non conformes au droit applicable.

M. Richard Dell’Agnola, rapporteur spécial. Outre le fait qu’elle ne paie pas ce qu’elle doit, cette caisse semble avoir accumulé un patrimoine.

Mme la ministre. Elle est même logée dans un bel hôtel particulier. Avec le ministre de tutelle, Xavier Bertrand, nous avons confié une mission à l’inspection générale des affaires sociales et à l’inspection générale des affaires culturelles, dont les conclusions nous permettront de prendre une décision la concernant. Nous devons nous assurer que les droits sociaux des salariés seront respectés et que la simplification administrative, attendue par les employeurs et les salariés, aura bien lieu. Il nous faudra rationaliser le paysage des institutions sociales, nous mettre en conformité avec la réglementation européenne et, enfin, prendre en compte la situation des quatre-vingts salariés de la Caisse.

Vous m’avez interrogée sur le mécénat en faveur du spectacle vivant : la loi prévoit que les structures bénéficiaires de dons doivent faire l’objet d’une gestion désintéressée, ce qui exclut de fait les centres dramatiques nationaux – CDN –, certaines scènes nationales et certaines compagnies. Nous avons conduit une réflexion à ce sujet avec l’association nationale des CDN, parallèlement aux Entretiens de Valois. Doit-on faire évoluer les statuts actuels ? Il convient d’être prudent et de ne pas risquer de remettre en cause un certain nombre d’avantages, tenant à la souplesse de ces statuts ou à l’existence de mandats précis.

Nous visons une ressource extra-budgétaire pour le patrimoine, afin d’être à la hauteur des besoins.

Une ressource extra-budgétaire pour le spectacle vivant provient cette année des ressources non affectées du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Par ailleurs, nous voulons créer un fonds d’aide à la diffusion du spectacle vivant, qui se verrait affecter une contribution à la billetterie, comme c’est le cas pour le théâtre privé.

Le plan de renouveau pour le marché de l’art sera mis en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2008 et comprend un prêt sans intérêts en faveur des particuliers, sur le modèle anglais Own Art, plafonné à 4 000 euros.

M. Richard Dell’Agnola, rapporteur spécial. Est-ce assez audacieux ?

Mme la ministre. En ces temps de crise, élever ce plafond ne me semble pas prioritaire. L’idée est d’aider à l’achat d’œuvres de jeunes artistes, coûtant quelques milliers d’euros. Il est également prévu d’étendre aux particuliers l’avantage fiscal pour les expositions d’art contemporain. Celui-ci sera rendu plus intéressant pour les très petites entreprises et les entreprises individuelles, puisque le plafond de la déduction sera porté de 0,5 % à 1 % du chiffre d’affaires.

Un crédit d’impôt dit de « prospection commerciale » permettra de tenir compte de la spécificité des dépenses engagées par les professionnels pour se projeter à l’étranger.

Enfin, des mesures de simplification concernant les ventes aux enchères, de manière que les professionnels français jouissent des mêmes avantages que leurs homologues étrangers, pourraient être reprises dans le cadre de la proposition de loi déposée par MM. Marini et Gaillard.

Le Président de la République a demandé à la Commission européenne un rapport sur le droit de suite, l’objectif étant d’obtenir une application uniforme de ce droit dans l’ensemble des États membres.

M. Richard Dell’Agnola, rapporteur spécial. En effet, la distorsion conduit aujourd’hui les vendeurs français à conduire leurs transactions en dehors du territoire, ce qui fait perdre des parts de marché.

Madame la ministre, seriez-vous favorable à ce que s’applique le système britannique – dans lequel le droit de suite ne s’applique qu’aux œuvres d’artistes vivants – plutôt que le système français ?

Mme la ministre. Sauf pour les très grandes successions, il existe un consensus sur le système anglais.

Les crédits de la politique de la ville n’ont pas baissé : à partir de 2005, ces 9,9 millions ont été transférés à la délégation interministérielle de la ville. Le ministère a préféré mettre l’accent sur ses propres actions : 4,6 millions sont inscrits au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » et 7,7 millions au programme « Accès à la culture ». Il faut y ajouter les crédits des programmes « Création » et « Patrimoines », dédiés aux actions de diffusion, et les crédits utilisés par les établissements publics pour leurs opérations en zones sensibles – 7 millions. Enfin, 1 million, dans le cadre d’un appel à projet national, sera consacré à des actions innovantes et exemplaires.

S’agissant de l’éducation artistique, les DRAC sont les partenaires naturelles des autorités de l’éducation nationale pour la mise en place de l’enseignement de l’histoire des arts en primaire. Nous cherchons pas ailleurs à fédérer les institutions culturelles locales autour de cet enjeu par la conclusion de conventions rectorat-DRAC-collectivités locales. Beaucoup de projets, tant en Picardie que dans les Pays de la Loire, en PACA ou en Rhône-Alpes ont d’ores et déjà été mis sur pied, qui vont au-delà des simples sorties des élèves au spectacle et privilégient une approche globale.

Nous travaillons aussi sur les résidences d’artistes. Nous avons en outre doublé le nombre des élèves bénéficiaires des opérations « École, collège et lycée au cinéma » en le portant à 2,5 millions.

Je m’inscris en faux contre l’idée de croissance négative avancée par M. Rogemont au sujet des crédits du patrimoine. Ces crédits sont en augmentation. Les 231 millions d’euros de la loi de 2006 ont été accrus par la dotation issue des privatisations et par des ressources spéciales dégagées en fin d’année. Si 2007 a été une année particulièrement positive, c’est parce que nous avons bénéficié de deux fois 70 millions d’euros, les droits de mutation ayant été versés au titre de l’exercice en cours et au titre de l’année précédente. De ce point de vue, on est revenu à la normale en 2008, mais les crédits sont toujours en augmentation : 285 millions d’euros, auxquels se sont ajoutés les fonds de concours, qui ont porté le total à 303 millions.

En 2009, la ressource extrabudgétaire de 20 millions fait que les crédits s’élèvent à 305 millions d’euros, et il faut y ajouter encore une fois les fonds de concours.

M. le président Pierre Méhaignerie. Précisons qu’il s’agit de crédits de paiement.

Mme la ministre. Je conviens que nous n’atteignons pas les 450 millions d’euros. Le Président de la République et le Premier ministre ont décidé qu’une ressource extrabudgétaire comprise entre 50 et 100 millions d’euros compléterait les crédits de 2010. Nous travaillons sur plusieurs pistes. Il y a celle des paris en ligne, mais ce n’est pas la seule.

La baisse des autorisations d’engagement a été soulignée à juste titre. Nous avons choisi de terminer les chantiers déjà engagés et de couvrir les dépenses en cours afin de résorber l’écart entre autorisations d’engagement et crédits de paiement. Ce n’est qu’après cette résorption que nous augmenterons à nouveau les autorisations d’engagement pour atteindre les taux d’engagement nécessaires à une politique du patrimoine à la mesure de l’état sanitaire de nos monuments historiques.

Aucun chantier consacré aux monuments historiques n’a été réellement arrêté, monsieur Perruchot. Les programmations de chantiers ont pris en compte la programmation de chaque DRAC, mais on sait bien que rien n’est pire que l’arrêt et le redémarrage d’un chantier. Pouvoir enfin disposer de ressources pérennes dynamiques, ce serait se donner les moyens d’appliquer une politique constante.

M. René Couanau. Il n’y a peut-être pas d’arrêt de chantier, mais certaines opérations programmées ne sont pas lancées. Or près de la moitié du patrimoine se trouve dans des communes de moins de 2 000 habitants, qui ne peuvent évidemment pas faire face.

Mme la ministre. Je souhaite affecter aux monuments historiques n’appartenant pas à l’État la part la plus importante de la ressource extrabudgétaire de 20 millions car, en 2006 et 2007, l’effort a plutôt porté sur le patrimoine de l’État.

M. le président Pierre Méhaignerie. Avez-vous bon espoir de trouver des sources de financement extérieures au budget ?

Mme la ministre. Oui, puisque c’est une décision du Président de la République et du Premier ministre.

Nous travaillons avec la Française des jeux sur la piste des paris en ligne.

M. le président Pierre Méhaignerie. Sans menacer le sport ?

Mme la ministre. Non. Mais le sport ne doit pas non plus être le seul bénéficiaire.

M. le président Pierre Méhaignerie. Cela annonce un arbitrage délicat !

Mme Françoise de Panafieu. La majeure partie de notre patrimoine appartient soit à des communes de moins de 2 000 habitants, soit à des propriétaires privés – pour un peu moins de 35 %. Les travaux d’entretien sont prioritaires. Faute de les réaliser, on en arrive à l’étape extrêmement coûteuse du sauvetage.

Mme la ministre. C’est en effet une priorité. Un des indicateurs portera d’ailleurs sur la qualité de l’entretien du patrimoine.

Il faut aussi prendre en compte les mesures fiscales. Le fait de maintenir les avantages consentis aux propriétaires privés et de ne pas les considérer comme une niche fiscale est un élément important. De plus, l’article 10 de la LFI pour 2007 a rendu éligibles au mécénat les monuments historiques de cette catégorie. L’instruction fiscale et le décret nécessaire à la mise ne œuvre de cette mesure sont publiés. On en attend beaucoup. J’ai toutefois un doute sur le plafond de 60 000 euros de ressources car c’est une façon de pénaliser les monuments les plus dynamiques.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Il y a plus qu’un doute : cela réduit considérablement la portée de la mesure.

Mme la ministre. J’en viens à l’INRAP, dont les effectifs ont été accrus pour en améliorer le fonctionnement. On a procédé à la transformation en CDI de 388 CDD. Au 1er janvier 2008, 200 équivalents temps plein ont été créés.

Nous fixons à cet établissement des priorités d’intervention claires, en concertation avec les services de l’État et les aménageurs. Nous essayons aussi de mieux maîtriser les prescriptions d’archéologie préventive. Ainsi, 6,7 % des dossiers d’aménagement instruits par les DRAC ont fait l’objet d’une prescription de diagnostic, contre presque 15 % en 2002, alors même que le nombre de dossiers soumis à l’instruction a pratiquement doublé entre 2002 et 2007. Les prescriptions de fouilles restent stables : elles ont concerné en 2007 1,5 % des dossiers d’aménagement instruits par les DRAC.

Nous explorons aussi les possibilités d’élargir la réalisation de fouilles en accordant des agréments à de nouveaux opérateurs et, en matière de diagnostic, aux collectivités.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il y a très peu de nouveaux opérateurs.

Mme la ministre. Ils sont actuellement soixante-cinq et le Conseil national de la recherche archéologique en a agréé dix de plus, ce qui porte leur nombre à soixante-quinze.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial. On les voit peu sur le terrain !

Mme la ministre. Nous travaillons aussi, pour les grands chantiers, à l’idée de contrat d’opération afin de faire face à des opérations lourdes et circonscrites dans le temps.

Pour ce qui est de l’évolution des crédits, sur laquelle vous m’avez interrogée, monsieur Rougemont, nous ne disposons des chiffres qu’à partir de la mise en œuvre de la LOLF. L’évolution a été de 1,3 % entre 2006 et 2007, de 6,2 % entre 2007 et 2008. Nous en sommes à 31 792 000 euros en crédits de paiement. Le PLF pour 2009 prévoit, après transfert, une augmentation de 2,5 %, soit 32 265 253 euros. Cette augmentation passe à 3,8 % si l’on ajoute le contrat de développement en Nouvelle-Calédonie.

En ce qui concerne le nombre de professeurs mis à disposition des institutions du spectacle vivant, nous n’avons les chiffres que pour les institutions suivies directement par l’administration centrale : nous sommes passés de 4,33 à 3 ETP. Nous vous fournirons ultérieurement les chiffres des DRAC et des rectorats.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. C’est l’essentiel de l’effectif.

Mme la ministre. S’agissant des demandes que nous avons formulées à l’égard des institutions du spectacle vivant, nous sommes tout de même loin de la sorte de privatisation que certains ont dénoncée ! Ce n’est pas une mauvaise chose que les établissements disposant de jauges très importantes et d’espaces privatisables puissent accueillir des opérations privées qui leur fournissent des ressources, mais cela reste marginal. Les tarifs des institutions du spectacle demeurent très raisonnables : généralement autour de 10 ou 15 euros, très loin des tarifs pratiqués par le théâtre privé, que nous aidons par ailleurs.

Tout le monde peut constater que l’obligation de résultat que nous avions mise en exergue n’a en aucun cas été une exigence de « faire de l’audimat », comme on l’avait annoncé de façon dramatique. Ce que nous souhaitons, c’est que les institutions aient du succès, rencontrent le public, présentent des programmations variées. Le taux moyen de fréquentation est actuellement de 74 %, mais il cache de fortes disparités. Voilà pourquoi nous voulons disposer d’éléments d’observation beaucoup plus précis, y compris sur la composition des publics. Les grandes enquêtes par sondage, dont celle sur les pratiques culturelles actuellement en cours d’exploitation, apportent des informations d’autant plus intéressantes qu’elles sont menées à peu près de la même façon dans tous les pays d’Europe.

M. Christian Kert. Il faut absolument éviter de retomber dans la situation que nous avons connue il y trois ans et qui avait conduit le Premier ministre de l’époque à débloquer deux fois 70 millions d’euros pour venir au secours du patrimoine : des chantiers étaient alors à l’arrêt, ce qui mettait en grande difficulté beaucoup de métiers d’art et d’entreprises dédiés à la restauration.

En 2009, on doit examiner de nouveau les annexes 8 et 10 de l’assurance chômage, qui concernent les intermittents du spectacle. Où en est-on de ce dossier ?

Lors de notre visite, la semaine dernière, à la FIAC, on nous a fait valoir le dynamisme des artistes et des galeries d’art contemporain en France, mais on a aussi exprimé des craintes quant à la perte d’influence de la place de Paris au profit de Londres et de New York. Outre l’aspect fiscal, c’est peut-être une image de la vie culturelle contemporaine de notre pays qu’il faut réviser.

M. Michel Françaix. Peut-on se contenter que de 10 à 15 % des habitants de notre pays fréquentent les lieux de culture et que l’on abandonne les 85 % restants au petit écran ? Force est de constater que nous stagnons dans la conquête de nouveaux publics. Les gens vont peut-être plus souvent au théâtre, mais ce sont les mêmes.

Le livre est la première industrie culturelle en France. Or sa place dans les médias est de plus en plus réduite. Que faire pour améliorer la chaîne du livre, du libraire à l’auteur, de l’auteur à l’éditeur et de l’éditeur au bibliothécaire ?

Par ailleurs, la culture de la gratuité tue-t-elle la culture et la culture humaniste ne s’estomperait-elle pas au profit d’une culture commerciale ? Êtes-vous d’accord avec Antoine Vitez, selon lequel la politique culturelle consiste à être élitaire pour tous ?

Enfin, ce budget ne ressemble-t-il pas à un kit de survie ?

Mme la ministre. S’agissant des intermittents, les annexes 8 et 10 seront maintenues. Outre que nous travaillons en ce moment avec l’ensemble des partenaires sur les périmètres des CDD d’usage, nous pensons à l’instauration de passerelles entre les annexes 4, 8 et 10, en particulier en ce qui concerne les techniciens. Je ne crois pas que le système soit « menacé », même si chacun comprendra qu’il est nécessaire de toujours plus professionnaliser les artistes – la signature de conventions collectives va d’ailleurs dans ce sens. De nombreuses actions sont aussi menées dans le domaine de la reconversion ou de la formation des artistes.

En ce qui concerne l’art contemporain, les personnes que j’ai rencontrées le premier jour de la FIAC étaient ravies, les galeristes étrangers ayant même l’impression que Paris était à nouveau au centre de la création artistique. L’État, de plus, accompagne les investissements en région : outre que nous sommes en train de créer des fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) de deuxième génération en Bretagne ou dans la région Centre, par exemple, nous nous efforçons de susciter des conditions favorables au développement de la création. Le projet du Palais de Tokyo est, de ce point de vue, particulièrement utile : 1 million d’euros sera investi dans les deux prochaines années, nous créerons un organisme associé au Centre Pompidou et nous pourrons ainsi réaliser des expositions de préfiguration.

Nous voulons, bien entendu, que les lieux culturels soient encore plus fréquentés – à ce propos, je note que 65 % des Français ont été au cinéma au cours de la dernière année. Nous menons également des actions en faveur de l’accès à la culture et du développement de l’éducation artistique.

Si, en matière culturelle, une gratuité totale me semble mauvaise, je crois en revanche beaucoup aux rendez-vous de gratuité, notamment pour les jeunes. J’attends, sur ce plan-là, un certain nombre d’arbitrages ministériels.

Le politique du livre, qui est essentielle, est quant à elle reconduite. J’ai demandé en particulier aux grands opérateurs publics, largement dotés, de faire un effort. Nous développons par ailleurs un « plan livre » avec un label donnant droit à des aides particulières du Centre national du Livre (CNL) pour les librairies de référence. Nous avons également créé un fonds de transmission des librairies et doublé les aides aux libraires. Enfin, j’ai confié à M. Hervé Gaymard une mission dans le cadre du conseil du livre afin de prendre en compte les problèmes liés à la numérisation : si je souhaite que le prix du livre reste unique, nous devons néanmoins examiner la déclinaison de cette notion dans le nouveau contexte que nous connaissons.

Je dispose de beaucoup plus que d’un kit de survie, Monsieur Françaix !

Mme Muriel Marland-Militello. Comment combler le grave retard que la France accuse en matière d’informatisation et de numérisation des collections des musées ?

Par ailleurs, je note le déséquilibre qui affecte, d’une part, les arts plastiques, la lecture, le livre et l’industrie culturelle et, d’autre part, le spectacle vivant : ce dernier, avec 640,11 millions, dispose de 80 % du programme « Création ». Les économies qui seront réalisées, madame la ministre, grâce à la restructuration des services et des directions, mais également dans le cadre des contrats de performance, permettront-elles de mieux doter les arts plastiques ? À Paris, les récentes expositions témoignent, s’il en était besoin, de l’immense impact économique de l’art, ce qui n’est pas forcément le cas du spectacle vivant. Le Gouvernement devrait donc se montrer plus reconnaissant envers ceux qui promeuvent la création contemporaine.

Pour quelle raison, en outre, avez-vous baissé la dotation « Livre et lecture » ?

Le Palais de Tokyo doit rester selon moi un lieu d’expérimentation pour la création innovante et il faut prendre garde à la tentation bien française de vouloir tout institutionnaliser : les FRAC, à l’origine, ne devaient pas être des lieux muséaux, mais des centres de soutien à la jeune création et à l’externalisation des œuvres. Les investissements de l’État serviront-ils donc la création et l’achat d’œuvres innovantes ?

Enfin, le ministère de la culture doit être responsable de la programmation de l’histoire des arts en faisant en sorte que ses propres personnels puissent proposer un enseignement digne de ce nom.

Mme Françoise de Panafieu. Vous avez parlé de la FIAC. Cela a effectivement été un grand succès. Ce succès est dû au fait que les galeristes n’ont pas tous été français ; les galeries étrangères ont été très présentes, venant de New York, de Londres ou de Berlin. Des transactions fortes ont été conclues et c’est un public très cosmopolite qui s’est rendu à cette manifestation.

Il y a plusieurs manières d’accueillir le public et de susciter sa curiosité. Je regrette que les très grandes villes, comme Paris, n’organisent plus ces manifestations qui attiraient le grand public, qui faisaient par exemple sortir la sculpture des musées, comme l’exposition « les Champs de la sculpture » sur les Champs-Élysées ou celle d’Ousmane Sow sur la passerelle des Beaux-Arts. Cela a permis à tout un public de s’initier à cet art. Il faut faire sortir les œuvres des musées et les présenter à un public content de les découvrir.

Vous avez évoqué le Palais de Tokyo lors de la conférence de presse du 26 septembre, pendant laquelle vous avez présenté votre budget. Pouvez nous apporter des précisions sur le montage financier du projet, sa programmation architecturale, son statut juridique, le calendrier de ce grand projet national ?

Depuis quelques années, les médias se font régulièrement l’écho des questions de vols d’objets d’art. Ces vols d’objets d’art culturels et religieux sont commis par des bandes organisées. La police et la justice françaises sont mobilisées. Les objets sont écoulés chez nos voisins : une politique est-elle mise en place pour remédier à ces vols ?

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre, concernant l’archéologie préventive, je suis moins optimiste que vous.

Il y a des éléments positifs : ainsi, les fouilles réalisées sur le chantier de l’autoroute A19 ont permis de faire de grandes découvertes relatives à l’Âge du Bronze. Mais il y a aussi des points très négatifs. Je suis le témoin de l’inquiétude des élus. Le rapporteur spécial a fait un excellent rapport sur le sujet. Les difficultés concernent la fréquence des fouilles, leur importance, une conception trop large de leur ampleur, leur prix, qui dépasse parfois les possibilités des collectivités locales. L’archéologie préventive a aussi des conséquences en matière d’aménagement du territoire : l’aménagement de zones économiques, la construction de collèges même peuvent être très gênée. Par ailleurs, il n’y a pas d’exonération pour l’aménagement des aires d’accueil des gens du voyage : les communes sont contraintes à la fois de créer de telles zones, et de payer pour les fouilles archéologiques qu’impose leur création.

Je suis d’accord avec les pistes formulées par M. Nicolas Perruchot. Envisagez-vous de revisiter la loi de 2003 relative à l’archéologie préventive ? À cet égard, l’attente des collectivités locales est grande.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Les deux commissions souhaitent aborder ce sujet : le bilan de la loi et des critères des fouilles, et notamment la systématisation des fouilles dans tous les secteurs. Les textes imposent-ils effectivement l’ampleur et la diversité des fouilles qui sont faites aujourd’hui ? Il faut faire aussi la part des souscriptions de fouilles qui ne sont pas de la responsabilité de l’INRAP, que l’on critique beaucoup. Mais le prescripteur, c’est l’État, et pas l’INRAP ! Il n’est pas normal, lorsque l’argent est disponible, qu’on lui compte ses moyens !

Mme Marie-Christine Dalloz. L’INRAP dispose aujourd’hui de 1 953 emplois équivalent temps plein. Il y a eu des améliorations. Cependant, aujourd’hui, tous les grands chantiers mobilisent des fouilles. En 2009, il y aura un contrat de performance de l’INRAP. Mais il faudrait aussi prendre en compte les départements qui ont mis en place un service propre d’archéologie préventive, en parallèle à l’INRAP. C’est le cas dans le Jura, par exemple, et cela n’est pas neutre en termes d’emploi.

Je voudrais aussi aborder la question des schémas départementaux d’enseignement artistique. Il serait important d’évaluer ce qui s’est passé dans les départements depuis la décentralisation des crédits affectés à ce secteur. Il y a une implication forte des départements en ce domaine, et on ne parle pas assez de ce qui se fait sur les territoires.

Je suis par ailleurs inquiète des choix qui seront faits par des DRAC dans le domaine des fondations artistiques. Les projets sont nombreux. Il faudrait peut-être élaborer des critères sur les choix des investissements à venir.

M. Richard Dell’Agnola, rapporteur spécial. Je voudrais insister sur un amendement présenté par le rapporteur pour avis, et adopté par la commission, sur la nécessité de créer un rapport annuel sur l’activité, les produits, les recettes, les taxes que percevra le Centre national du cinéma. Le cinéma est en effet un élément fort de la politique culturelle.

Mme la ministre. Il y a en effet une disparité très grande entre le budget consacré au spectacle vivant et celui consacré aux arts plastiques : le budget consacré au spectacle vivant est de 640 millions d’euros, auxquels s’ajoutent les 15 millions d’euros que j’ai évoqués. Mais le spectacle vivant, c’est aussi de l’emploi et du développement économique.

Avec une dotation de 54 millions d’euros, et 59 millions d’euros d’autorisations d’engagement, les arts plastiques représentent quelque chose qui n’est pas de même nature. Il faut cependant créer des conditions de développement du marché de la place de Paris, créer des lieux d’exposition et d’événements.

Depuis des années, la France n’a pas travaillé pour ses artistes, au contraire des pays étrangers. Des événements comme La Force de l’Art, Monumenta, doivent être l’occasion d’y remédier. La moitié des artistes qui sont exposés lors de ces événements doivent être Français : ce sont des moments de focalisation sur ces artistes.

Parallèlement, l’État investit pour créer les FRAC de la seconde génération – institutions innovantes dont la vocation est non de devenir des musées, mais de prendre des risques et de constituer des collections.

S’agissant du livre, les crédits sont reconduits en raison de l’effort demandé à la BNF, à l’instar des grands établissements publics. Par ailleurs, l’accent est mis sur l’édition et sur tout ce qui peut créer les conditions du développement de l’industrie culturelle. L’objectif est également de préserver notre réseau de librairies, dont le rôle est à mes yeux crucial. Elles ne doivent pas connaître le sort tragique des disquaires, dont le nombre est devenu dérisoire en France.

En ce qui concerne le Palais de Tokyo – et je réponds également à Mme de Panafieu –, je le répète, il faut conforter le site de création contemporaine et, peut-être, réfléchir à la façon d’accroître son autonomie. Le Centre Pompidou est affectataire de l’ensemble du site, ce qui n’est pas absurde : la présence dans ce lieu d’un opérateur puissant comme celui-ci est pertinente. Mais il serait dommageable que le futur Palais de Tokyo ne soit qu’une annexe, un département du Musée d’art moderne. D’où l’idée d’un organisme associé, suffisamment indépendant, doté d’un conseil d’administration réunissant toutes les sensibilités. J’ai demandé, dans ce but, que soient mis à l’étude un statut juridique et un programme financier. Nous consacrerons à ce projet 1 million d’euros dans les deux prochaines années. Par la suite, des expositions de préfiguration seront organisées, avant la fermeture pour travaux de la deuxième partie du Palais.

C’est vrai, il faut montrer les œuvres à l’extérieur. J’y suis favorable, car de telles expériences sont toujours très intéressantes. Claude Goasguen m’a justement demandé l’autorisation de présenter des sculptures au Trocadéro. C’est une très bonne idée que d’aller ainsi à la rencontre des visiteurs.

Mme Marland-Militello a également évoqué le dossier de la numérisation de nos musées. Le processus est en cours : un fonds déconcentré d’appel à projets pour la numérisation a été constitué, doté de 3 millions d’euros.

En ce qui concerne l’INRAP, son problème, depuis le début, est de ne pas réellement disposer de fonds propres, car le produit de la taxe qui lui a été affectée s’est avéré moins important que prévu : 69,1 millions d’euros – et sans doute l’équivalent en 2008 – contre 80 millions attendus. Nous essayons d’améliorer le recouvrement de la taxe et d’en augmenter le produit.

L’INRAP souffre aussi d’une contradiction entre les exigences scientifiques, qui demeurent importantes au vu des découvertes qui sont faites, et le développement économique lié aux grands chantiers. Il est exact que ce sont les DRAC, et non l’INRAP, qui instruisent les dossiers. Or, je le rappelle, seuls 6,7 % de ceux-ci font l’objet d’une prescription de diagnostic. Au total, 1,5 % des dossiers d’aménagement soumis à l’instruction des DRAC donnent lieu à des fouilles. Bien sûr, pour les personnes concernées, cela peut faire beaucoup.

M. le président Pierre Méhaignerie. Le problème ne se pose pas dans le cas d’un lot au sein d’un lotissement, par exemple, mais pour les grandes opérations de développement, qui peuvent être bloquées longtemps.

Mme la ministre. D’où l’intérêt d’une procédure spécifique à ce type d’opérations. Les contrats d’opérations que j’évoque permettraient d’envoyer du personnel sans mobiliser des fonctionnaires sur une très longue période. Le problème est que les besoins et les localisations ne sont pas les mêmes. L’INRAP est confronté en permanence à la quadrature du cercle. On ne trouvera jamais la solution idéale, mais on peut essayer d’améliorer son fonctionnement. Je rappelle que quarante-neuf départements et communes disposent aujourd’hui de services d’archéologie préventive opérationnels. La situation s’améliore donc.

Quant à l’exonération des aires des gens du voyage, il faut que j’étudie la question, car je ne m’attendais pas à une telle demande, je l’avoue.

M. le président Pierre Méhaignerie. On peut l’associer à la disposition concernant le logement locatif social.

Mme la ministre. J’en viens au sujet préoccupant du trafic des œuvres d’art.

Les voleurs ont longtemps pu penser que l’on ne risquait presque rien à voler des objets dans les églises. C’est pourquoi la loi sur les archives a prévu une aggravation des sanctions. Par ailleurs, j’ai fait figurer ce sujet au programme de la présidence française de l’Union européenne. Le problème a notamment été évoqué lors du Conseil des ministres européens de la culture, qui s’est tenu en juillet à Versailles. C’était également le thème principal d’un colloque européen réunissant les directeurs des plus grands musées – que j’ai d’ailleurs reçus ensuite. Enfin, il sera traité lors d’une réunion des ministres européens de l’intérieur et de la justice, vers le 25 novembre. En France, toutes sortes de mesures de prévention ont été prises, comme l’établissement de liens entre les églises et les commissariats. Mais il est essentiel d’établir des bases de données communes pour démanteler les réseaux internationaux et, surtout, d’harmoniser les législations. Certains pays, en effet, ne connaissent même pas le délit de recel, ce qui limite les possibilités de poursuites.

En ce qui concerne le CNC, l’amendement prévoyant l’élaboration d’un rapport a été adopté en première partie du projet de loi de finances avec un avis favorable du Gouvernement. Le Centre va se voir directement affecter certaines taxes, comme il était souhaitable. Il est donc normal qu’il rende des comptes.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Permettez-moi de dire que j’ai visité la FIAC, bien que je ne sois pas Parisien. Je l’ai vue aux Tuileries, place de la Sorbonne, au 104 et dans un grand nombre d’endroits. Il est bon que les non-Parisiens puissent ainsi entrer en contact avec l’art contemporain…

Mme Françoise de Panafieu. Et même les étrangers, figurez-vous !

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Le président Méhaignerie a tout à l’heure rappelé la nécessité de faire des choix. Je suis d’accord avec lui, et c’est pourquoi je reviens sur le dossier de la Philharmonie qui, compte tenu des contraintes pesant sur votre budget, pose question. Il s’agit en effet d’un investissement lourd, dont on ne peut attendre qu’une faible plus-value – j’ai même compris, à vous entendre, que le projet pourrait créer plus de problèmes qu’il n’en réglerait. Sur ce sujet, donc, pourquoi ne pas faire un choix ?

Mme la ministre. La Philharmonie est un très bel équipement, dont la France ne dispose pas. C’est un exemple de projet associant la ville, l’État et la région. Il y a donc là quelque chose de très intéressant. Je vous ai dit quel était l’état de la réflexion et des travaux sur ce point. Maintenant, il est exact que nous traversons une période de crise. Nous pourrions donc être amenés à réexaminer l’ensemble des projets en cours.

En ce qui concerne les amateurs, monsieur le président Méhaignerie, j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire : je ne pense pas qu’une loi soit la meilleure réponse à apporter.

M. le président Pierre Méhaignerie. Ni nécessairement un décret.

Mme la ministre. En effet. Le risque est de figer certaines actions, notamment celles engagées par les collectivités – nous avons tous en tête l’exemple du Puy-du-Fou –, voire de faire obstacle à ces actions. D’un autre côté, il arrive fréquemment que l’URSSAF intervienne et impose des requalifications. L’idée serait donc – même s’il faut rester prudent – de mettre en œuvre une charte.

M. le président Pierre Méhaignerie. Faut-il une loi ou un décret pour répondre à dix cas particuliers ? J’ai vu, à Nantes, 7 500 personnes, toutes sensibilités confondues, défiler pour exprimer leur inquiétude. De fait, l’idée, initialement envisagée, d’inscrire un statut des amateurs dans le code du travail – incluant notamment une obligation de déclaration – a de quoi faire peur !

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Le problème est que l’on risque en permanence de subir une requalification.

M. le président Pierre Méhaignerie. C’est très rare.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Peut-être, mais pour les personnes concernées, le redressement est significatif.

Mme la ministre. M. Perruchot m’a posé une question sur les éoliennes. Nous sommes tous très mobilisés en faveur du développement durable : ainsi, les services départementaux de l’architecture et du patrimoine travaillent sur les enjeux de l’insertion des panneaux solaires dans les espaces protégés. De même, j’ai demandé aux préfets, par voie de circulaire, de porter une attention particulière à la question des éoliennes. Les SDAP devront être associés le plus possible en amont à la procédure de création d’une zone de développement éolien, zone qui devra se situer au-delà d’un certain cercle de sensibilité autour des monuments historiques. Les éoliennes étant des équipements lourds et agressifs, un tel cercle, dans les paysages plats et vides, pourrait atteindre plusieurs kilomètres de diamètre.

En ce qui concerne le MUCEM, Stéphane Martin a rendu cet été un rapport contenant plusieurs propositions que je trouve intéressantes. Il suggère ainsi que le Fort Saint-Jean puisse être utilisé par des opérateurs privés, ce qui apporterait des ressources susceptibles de contribuer à l’équilibre du projet. Il préconise également l’engagement des deux chantiers architecturaux, le bâtiment de Rudy Ricciotti, qui recueillerait l’ensemble du MUCEM, et le Centre de conservation de Corinne Vezzoni à la Belle de Mai, qui servirait de réserve pour les différentes collections issues du Musée des arts et traditions populaires, du musée de la Porte Dorée et du Musée de l’Homme. Le choix de Marseille comme capitale européenne de la culture a conduit à décider ce double engagement. Autre proposition : une programmation culturelle ouverte, avec un principe d’exposition semi-permanente.

Une enveloppe de 5 millions d’euros sera engagée avant la fin de l’année 2008 au titre de la maîtrise d’œuvre. Le dossier de consultation sera lancé dans les meilleurs délais. Le projet a donc démarré, et le choix de Marseille comme capitale européenne de la culture accroît encore son intérêt.

Le dossier d’Abu Dhabi avance. La première version du projet scientifique a été validée en avril 2008 par la partie émirienne, et la deuxième version, affinée, doit être livrée en décembre.

Le concours de sélection du muséographe s’achève, et la commission des attributions se tiendra à la fin de l’année. L’ouverture du musée universel Louvre-Abu Dhabi est prévue fin 2014, mais une accélération est possible car l’impatience de nos partenaires émiratis est patente.

M. le président Didier Migaud. Madame la ministre, je vous remercie. Je remercie également les rapporteurs pour leur suivi minutieux, tout au long de l’année, des crédits du ministère.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

A l’issue de l’audition de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine pour avis, sur le rapport de M. Marcel Rogemont, les crédits de la mission « Culture », au cours de sa séance du lundi 27 octobre 2008.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président)

Article additionnel après l’article 59

Rapport au Parlement sur l’incidence de l’application de l’article L. 441-6
du code du commerce au secteur de livre

La Commission examine un amendement de M. Hervé Gaymard prévoyant que le Gouvernement devra présenter au Parlement, au plus tard le 31 janvier 2009, un rapport sur l’incidence de l’application des nouveaux délais de paiement aux fournisseurs pour les opérations d’achat, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon de livres et, le cas échéant, les mesures de soutien ou les mesures dérogatoires qu’il compte mettre en œuvre pour ces opérations.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Je rappelle que l’article 21 de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, qui modifie l’article L. 441-6 du code du commerce, plafonne à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours calendaires le délai maximal de paiement entre les entreprises. Ce plafonnement, qui doit prendre effet à compter du 1er janvier 2009, est particulièrement inadapté pour le commerce et la diffusion du livre.

Le premier circuit de diffusion du livre, à savoir la librairie, est ainsi essentiellement composé de PME, alors que leurs principaux fournisseurs – les groupes d’édition ou leurs filiales – sont pour la majorité d’entre eux de taille nettement plus importante. Les librairies sont des entreprises de petite taille et le commerce de la librairie se caractérise aujourd’hui par des délais de paiement d’une centaine de jours en moyenne, ce qui permet aux libraires de présenter au public l’ensemble de la production éditoriale sur le temps long qui est celui du livre : les livres parus depuis plus d’un an représentent 83 % des titres vendus en libraire et plus de la moitié de leur chiffre d’affaires. L’application de l’article 21 de la loi du 4 août 2008, qui modifie l’article L. 441-6 du code du commerce, fragiliserait durement le secteur : difficile survie, voire disparition, de nombreuses librairies, remise en cause des fondements de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre. Ce secteur bénéficiant d’un statut dérogatoire, il faut envisager une dérogation s’agissant des délais de paiement.

La commission adopte l’amendement à l’unanimité.

*

Contrairement aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2009 de la mission « Culture ».

ANNEXES

ANNEXE 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

●  À Paris

Ø Table ronde « syndicats et associations professionnels » :

– Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (FESAC) – M. Jacques Peskine, président de l’USPA

– Association des Centres chorégraphiques nationaux M. Jean-Luc Urrea, directeur délégué du CCN de Montpellier, et M. Antoine Monologlou, directeur adjoint de l’ACCN de Rillieux-la-Pape

– Syndicat national des Arts vivants (SYNAVI) – M. Claude Bernhardt, président et M. Jacques Frot, délégué régional SYNAVI Ile-de-France

– Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC) – M. François Le Pillouër, président, M.  Eric de Dadelsen, vice-président, et Mme Irène Basilis, secrétaire nationale

– Chambre professionnelle des directeurs d’opéra (CPDO) – M. Pierre Médecin, président

– Syndicat national des scènes publiques (SNSP) – Mme Monica Guillouet-Gelys, trésorière et membre du Bureau du SNSP

– Syndicat National des Orchestres et des Théâtres Lyriques (SYNOLYR) –Mme Catherine Delcroix, présidente

Ø Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) – M. Jacques Fansten, président, M. Pascal Rogard, directeur général, et M. Guillaume Prieur, directeur des relations institutionnelles

Ø Table ronde « institutions du spectacle vivant – compagnies » :

– MC2 Grenoble – M. Michel Orier, directeur

– Théâtre de l’Odéon – M. Pierre-Yves Lenoir, administrateur

– Association de Représentation des Établissements Nationaux Entrepreneurs de Spectacles (ARENES) – M.  Alain Herzog, président et administrateur du Théâtre national de la Colline

– Opéra national de Paris – M. Gérard Mortier, directeur, et M. Roland Sparfel, directeur administratif et financier

– Comédie Française – Mme Muriel Mayette, administrateur général et M. Jérôme Lamy, directeur général

Ø Table ronde « institutionnels » :

– Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles du ministère de la culture et de la communication – M. Georges-François Hirsch, directeur, et M. Christopher Miles, secrétaire général

– Centre national de la danse – Mme Monique Barbaroux, directrice générale et M. Gaël Rias, secrétaire général

– Centre national du théâtre – M. Jacques Baillon, directeur

Ø Table ronde « experts » :

– M. Emmanuel Ethis, universitaire, président de l’université d’Avignon et des Pays de Vaucluse

– M. Jean-Pierre Saez, directeur de l’Observatoire des politiques culturelles

– M. Emmanuel Wallon, professeur de sociologie politique, Université Paris X-Nanterre

Ø Ministère de la culture – Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) – M. Philippe Chantepie, chef du département, et M. Olivier Donnat, chargé d’études

●  Déplacement du 15 septembre 2008 à Strasbourg

Ø Direction régionale des affaires culturelles – M. Raymond Theiller, secrétaire général, Mme Anne Mistler, directrice adjointe, et MM. Bastien Colas, Michel Giès et Jean-Yves Bainier, conseillers spectacle vivant

Ø Table ronde « directeurs de structures théâtrales » :

– M. Patrice Barret, administrateur du Théâtre national de Strasbourg

– M. Joël Gunzberger, directeur de La Filature – scène nationale

– M. Grégoire Callies, directeur du Théâtre Jeune Public – centre dramatique national d’Alsace

– M. Philippe Schlienger, directeur du Centre de rencontre, d’échange et d’animation (CREA) de Kingersheim

– Mme Florence Mulot, administratrice de l’Atelier du Rhin – centre dramatique régional d’Alsace

– M. Luc Amoros, directeur artistique de la Compagnie Amoros et Augustin

– M. Ismaïl Safwan, directeur artistique de la Compagnie Flash Marionnettes

Ø M. Daniel Payot, adjoint au maire de Strasbourg chargé de la culture

Ø Table ronde « directeurs de structures musicales » :

– M. Nicholas Snowman, directeur général de l’Opéra national du Rhin

– M. Lucien Collinet, administrateur de l’Opéra national du Rhin

– M. Patrick Minard, directeur général de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg

– M. Daniel Klajner, directeur musical et artistique de l’Orchestre symphonique de Mulhouse

– M. Jean-Dominique Marco, directeur général du festival Musica

– M. Thierry Danet, président de La Laiterie – Artefact PRL

– M. Alain Py, directeur de Pôle sud

– M. Jean-Philippe Wurtz, directeur artistique de l’ensemble Linea

– M. Jean-Paul Bernard, directeur artistique des Percussions de Strasbourg

– M. Philippe Ochem, directeur du Jazz d’or Festival

– M. Olivier Dieterlen, directeur du Noumatrouff

●  Déplacement le 19 septembre 2008 à Rennes

Ø Direction régionale des affaires culturelles – M. Le Corre, directeur régional, MM. Guinement et Lecoq, adjoints, Mme Laval, contrôleur de gestion, M. Baudet, conseiller théâtre et spectacles

Ø Table ronde « représentants d’institutions et de compagnies » :

– M. François Le Pillouer, directeur du Théâtre national de Bretagne

– M. Jacques Blanc, directeur du Quartz à Brest

– M Claude Morizur, co-directeur du Fourneau à Brest

– Mme Michèle Bosseur, directrice du Fourneau à Brest

– M Alex Broutard, directeur de la Passerelle à Saint Brieuc

– M Éric Vigner, directeur du CDDB Théâtre, centre dramatique national de Lorient

– M Philippe Le Gal, directeur du Carré Magique à Lannion

– Mme Madeleine Louarn, directrice de la Compagnie de théâtre L’entresort à Morlaix

– M. René Peilloux, directeur du Théâtre de pays de Morlaix

– M. Loïc Touze, directeur de la compagnie chorégraphique ORO de Rennes

●  Déplacement les 1er et 2 octobre 2008 à Londres

Ø Royal Opera House – Mme Ruth Jarratt, director of Policy Development

Ø Arts Council – Mme Isobel Hawson, Senior Strategy Officer au département théâtre

Ø Mme Rose Fenton, fondatrice du London International Festival of Theatre (LIFT) et productrice de théâtre indépendante

Ø Barbican Centre – M. Sandeep Dwesar, directeur financier

Ø Institut français – Mme Laurence Auer, directrice et conseillère culturelle, et Mme Caroline Ferreira, attachée culturelle

●  Déplacement le 3 octobre 2008 à Stockholm

Ø M. Joël de Zorzi, ambassadeur de France en Suède

Ø M. Guillaume Kasperski, adjoint au conseiller culturel de l’ambassade

Ø Mme Eva Bergquist, directrice de la division de la culture, ministère de la culture

Ø M. Mikael Schultz, direction pour la coordination internationale, ministère de la culture

Ø Mme Maria Bratt, directrice administrative et directrice adjointe de l’Opéra de Stockholm

Ø M. Marc Ribaut, directeur de ballet à l’Opéra de Stockholm

Ø M. Stafan Rydén, directeur adjoint du Dramaten, théâtre national d’art dramatique

Ø M. Olle Jansson, directeur de Teaterhögskolan

ANNEXE 2

DESCRIPTIF DES DIFFÉRENTS TYPES DE CONTRATS

1. Contrats de décentralisation dramatique (centres dramatiques)

Ils sont régis par le décret n°72-904 du 2 octobre 1972 relatif aux contrats de décentralisation dramatique et l’arrêté du 23 février 1995 fixant le contrat-type de décentralisation dramatique. Une réforme de ce type de contrat est en cours pour l’adapter aux contraintes en matière de déconcentration et mieux cerner les indicateurs d’objectifs en matière d’emplois artistiques. Le contrat de décentralisation pour les centres dramatiques est d’une durée de trois ans, renouvelable (la présence d’un même directeur à la tête d’un centre dramatique étant toutefois limitée à neuf ans). Il vaut cahier des charges et fixe un certain nombre d’objectifs, voire d’obligations, dans les domaines suivants :

Les principaux objectifs du contrat

• La création

:

Production ou coproduction majoritaire de deux spectacles au moins par an.

• Le soutien aux artistes interprètes

:

Si possible embauche de comédiens sur une durée de six mois minimum ; un tiers de la masse salariale doit leur être affectée.

• Une action régionale

:

Le nombre de représentations minimum des productions du centre dans la zone d’implantation est fixé au moment de la signature du contrat (en général à 240 sur la durée du contrat).

• Une fonction d’accueil

:

Au moins cinq spectacles par saison produits par des compagnies ou des scènes nationales.

• Une action en matière d’initiation au théâtre

:

Milieu scolaire et universitaire, amateurs.

• Une attention à l’emploi

:

Encouragement à constituer une équipe artistique, technique et administrative permanente.

• Des principes de gestion

:

Des charges administratives et techniques ne dépassant pas 50 % du budget ; un taux de recettes propres d’au moins 20 % ; le respect des obligations législatives, réglementaires et conventionnelles pour la gestion de l’entreprise et de son personnel.

2. Conventions pluriannuelles d’objectifs

a) Centres chorégraphiques nationaux

La convention pluriannuelle d’objectifs entre le CCN et les partenaires publics dure trois ans sauf exception. Elle vaut cahier des charges et fixe un certain nombre d’objectifs :

Les principaux objectifs de la convention

• Production de spectacles et diffusion

:

Au moins deux nouveaux spectacles par période de trois ans

• Nombre de représentations dans la région

:

A négocier en fonction des infrastructures de diffusion

• Soutien aux compagnies indépendantes

:

Procédure spécifique de  « l’accueil studio » (aide au montage voire diffusion), coproduction de compagnies voire diffusion

• Mise en œuvre d’activités de sensibilisation en milieu scolaire et à l’attention des formateurs

:

En concertation avec les établissements publics d’enseignement du territoire régional.

• Mise en œuvre de programmes de formation destinés aux danseurs amateurs et professionnels.

:

En concertation avec les établissements publics d’enseignement du territoire régional.

• Lieu ressources pour la danse

 

Ouvert aux professionnels de la danse et au public.

b) Centres nationaux de création musicale

La convention pluriannuelle d’objectifs entre le CNCM et les partenaires publics dure trois ans sauf exception. Elle vaut cahier des charges et fixe un certain nombre d’objectifs :

Les principaux objectifs de la convention

• Soutien à la création

:

Résidences de compositeurs de longue durée : quatre par an en moyenne

Accueils de courte durée : assistance à création et à la production d’oeuvres

Commandes

Mise à disposition d’une assistance technico-musicale

• Production de spectacles et diffusion

:

Concerts en saison

Répétitions publiques, concerts-rencontres, petites formes

Festival (à l’exception d’un centre)

• Sensibilisation et pédagogie

:

En concertation avec les établissements publics d’enseignement général et spécialisé du territoire régional.

• Recherche

:

Développements d’outils d’aide à la création et à la diffusion dans le cadre des résidences de compositeurs

c) Opéras nationaux de région

Dans un souci d’aménagement culturel du territoire, le ministère de la culture et de la communication a lancé, depuis 1996, une politique de reconnaissance de certains opéras de région. Cette démarche a pour objet de consacrer ou promouvoir des pôles lyriques de référence, comme l’illustrent les contrats passés avec l’opéra de Lyon (en 1996), l’opéra du Rhin (en 1997), le Grand Théâtre de Bordeaux (en 2001), l’opéra de Montpellier (en 2002), l’opéra de Nancy et de Lorraine (en 2006).

Le label « opéra national » place l’établissement dans l’obligation de respecter un cahier des charges comprenant plusieurs volets : le directeur, dans le cadre du projet artistique qu’il définit, se doit de proposer une programmation couvrant l’ensemble du répertoire, depuis la période baroque jusqu’à la création contemporaine ; il lui est par ailleurs demandé, de porter une attention particulière à l’insertion professionnelle de jeunes artistes, de développer des activités de diffusion en région, de mettre en œuvre des actions de sensibilisation visant à la découverte de l’opéra par des publics nouveaux. Les conventions des « opéras nationaux de région », conclues pour une période de cinq ans, fixent un certain nombre d’objectifs dans les domaines suivants :

Les principaux objectifs de la convention

• Objectif artistique

 

Exigence de qualité ; nombre minimum de nouvelles créations contemporaines.

• Objectif professionnel

 

Entretien de masses artistiques permanentes, insertion de jeunes professionnels

• Objectif territorial

 

Rayonnement régional ; minimum de représentations hors siège

• Objectif social

 

Sensibilisation de nouveaux publics. Opérations d’action culturelle

d) Orchestres permanents

Les missions confiées par l’État se traduisent au travers de deux principes de conventionnement. Soit par une convention financière annuelle liant simplement l’État et l’orchestre permanent, soit par une convention pluriannuelle, précisant la nature des missions prioritaires en termes, notamment, d’obligations artistiques, professionnelles, territoriales et sociales, établie entre l’État, une ou des collectivités territoriales et l’orchestre permanent.

e) Scènes nationales

La mise en place d’un contrat d’objectifs pour chaque scène nationale demeure un objectif prioritaire. Tout contrat d’objectifs s’organise en quatre chapitres : l’activité artistique de l’établissement, son rapport au public, l’inscription de l’établissement dans son environnement et son organisation fonctionnelle. Le contrat d’objectifs fait l’objet d’un suivi conjoint de la DRAC et de la DMDTS.

Les scènes nationales reçoivent de l’État une subvention annuelle de fonctionnement sous réserve de l’inscription des crédits correspondants dans la Loi de finances ou dans les budgets des collectivités territoriales. Le suivi et les évaluations partielles réalisées à la fin de chaque saison sont assurés par le conseil d’administration et par la DRAC. Lors de la dernière année du contrat d’objectifs, le service de l’inspection et de l’évaluation de la DMDTS, en liaison avec la DRAC, évalue le résultat et l’atteinte ou non des objectifs visés.

Les principaux objectifs du contrat

• Diffusion

:

Diffusion pluridisciplinaire du spectacle vivant, exigeante, témoin des démarches et recherches d’aujourd’hui, ouverte au cinéma et aux arts plastiques.

• Création

:

Résidences de création, coproduction, accompagnement dans la durée d’un artiste, permanence artistique.

• Action culturelle

:

Sensibilisation, élargissement des publics, partenariats avec l’Education nationale, les structures socio-éducatives, les associations, etc.

f) Scènes conventionnées

Le soutien apporté par le ministère de la culture et le conventionnement afférant concernent dans tous les cas un programme d’actions précis. Il ne constitue donc pas une aide au fonctionnement de la structure mais un soutien à des activités identifiées, sur une base triennale.

Les scènes éligibles sont financées sur la base d’un programme d’actions particulier, formalisé par une convention identifiant clairement le ou les objets artistiques et culturels qui en font l’objet.

La convention ne peut être conclue pour une durée excédant trois ans. Elle comporte un rappel de l’ensemble des activités de l’établissement ainsi que la mention d’une série d’objectifs évaluables relatifs aux objets du conventionnement.

Les conventions sont signées entre l’État et la scène concernée, et sont contresignées par les collectivités qui assurent le fonctionnement général et sont garantes du projet global de la structure. La convention est liée au projet du directeur du lieu ; elle devient donc caduque à son départ. Son suivi est assuré par la DRAC, et son évaluation s’effectue en lien avec la DMDTS.

La répartition des scènes selon l’objet de leur convention est la suivante :

− 28 pour la danse seule ou liée à d’autres disciplines (théâtre, musique, arts du cirque) ;

− 46 pour le théâtre seul ou en compagnie d’autres disciplines (musique, danse, cirque, chanson, arts du paysage) ;

− 19 pour la musique au sens générique ou décliné en chanson, jazz, musique ancienne ou contemporaine, lyrique, voix, seule ou liée à une autre discipline (danse, théâtre arts croisés) ;

− 9 pour les écritures contemporaines ;

− 15 pour le jeune public parmi lesquelles un est plus particulièrement dédiée au théâtre, un au théâtre et à la chanson, un à la danse et un au jazz.

g) Scènes de musiques actuelles

La circulaire de 1998 précise que c’est la contractualisation avec l’État (sous la forme d’une convention pluriannuelle adaptée à la singularité de chaque projet) qui vaut reconnaissance de la structure en tant que « scène de musiques actuelles ». Les DRAC sont seules compétentes pour inscrire un projet dans le périmètre du dispositif SMAC après avis préalable de l’inspection. Elles doivent travailler en relation étroite avec les collectivités territoriales qui sont généralement co-signataires de la convention.

ANNEXE 3

LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES (RGPP)
AU MINISTÈRE DE LA CULTURE
(14)

Mesures du 12 décembre 2007

27

Réorganisation de l’administration centrale autour des principales missions, ce qui conduira à réduire le nombre de directions d’administration centrale de 10 à 4 ou 5.

28

Regroupement des 7 corps d’inspection du ministère.

29

Réforme de l’audiovisuel public extérieur pour créer des synergies entre les opérateurs et améliorer leur visibilité.

30

Fin de la gestion directe de musée par la Direction des musées de France. Selon les cas, ces musées seront transférés à des collectivités locales, regroupés avec des établissements publics existants, érigés en établissements publics autonomes ou confiés à la Réunion des musées nationaux.

31

Modernisation de la gestion de la Réunion des musées nationaux (RMN) par filialisation de certaines de ses activités commerciales et rapprochement avec le Centre des monuments nationaux.

32

Généralisation des contrats pluriannuels de performance et des lettres de missions aux dirigeants des opérateurs.

33

Rénovation du statut du CNC avec création d’un conseil d’administration.

34

Regroupement du Palais de la découverte et de la Cité des Sciences et de l’Industrie en un seul opérateur, présent sur deux sites.

35

Transférer la propriété ou la gestion de certains sites patrimoniaux aux collectivités territoriales sur une base volontaire.

 

Mesures du 11 juin 2008

300

L’efficacité de la politique de restauration des monuments historiques sera renforcée, notamment par la mise en concurrence des architectes en chefs des monuments nationaux.

301

Le développement des ressources propres des établissements publics et la maîtrise de leurs coûts seront recherchés, d’alléger la part des subventions de l’État dans leur budget.

302

La politique de l’archéologie préventive sera rendue plus performante. Le rendement de la redevance de l’archéologie préventive sera amélioré. Le développement d’une offre concurrentielle permettra de démultiplier les capacités d’intervention en matière de fouilles. Les modes de recrutement au sein l’INRAP, opérateur de l’État, seront modernisés. Enfin, la possibilité juridique d’une filialisation des activités de fouille sera examinée.

303

En matière de maîtrise d’ouvrage, le ministère de la Culture et de la Communication devra renforcer sa capacité de pilotage des grands projets. Un rapprochement entre le service national des travaux (SNT) et l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels (EMOC) sera recherché.

304

La redéfinition des modalités d’intervention de l’État en faveur du spectacle vivant sera recherchée en concertation avec les collectivités territoriales qui assurent aujourd’hui une part prépondérante du financement des structures en région. Lancés le 11 février 2006, les « Entretiens de Valois », instance commune de réflexion sur le spectacle vivant rassemblant l’État, les collectivités territoriales et les professionnels du secteur, serviront de base aux décisions qui seront arrêtées avant la fin de l’année.

305

Une rationalisation des écoles du ministère sera engagée pour permettre la constitution des pôles d’excellence, dans le cadre de la réforme du LMD, assurant la meilleure insertion professionnelle des élèves.

306

Le fonctionnement des directions régionales des affaires culturelles sera amélioré : leurs priorités seront mieux définies, leurs crédits seront moins fléchés par le niveau national, certaines de leurs procédures seront allégées et la polyvalence des conseillers sera renforcée. La gestion de leurs crédits sera mieux évaluée.

ANNEXE 4

ÉVOLUTION DE LA DÉCENTRALISATION CULTURELLE

Les établissements de décentralisation dramatique
et les centres dramatiques en 1976 et 1995

Les centres dramatiques nationaux et les scènes nationales en 2006

Les orchestres permanents

2006

Les scènes des musiques actuelles en 1996 et 2006


© Assemblée nationale

1 () Alsace, Auvergne, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Limousin, Basse Normandie, Haute-Normandie, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes et Provence-Alpes-Côte d’Azur.

2 () Rapport d’information n° 3530 sur la conservation et l’entretien du patrimoine monumental, 19 décembre 2006.

3 () Avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances pour 2008, Tome III, Culture, 11 octobre 2007.

4 () Rapport sur l’état du parc monumental français, ministère de la culture et de la communication, décembre 2007.

5 () Revue de l’Observatoire des politiques culturelles, n° 32, septembre 2007.

6 () Revue de l’Observatoire des politiques culturelles, n° 32, septembre 2007.

7 () Culture prospective, Approche générationnelle des pratiques culturelles et médiatiques, 2007-3, juin 2007.

8 () Terminologie utilisée par l’étude du DEPS précitée.

9 () Cf. annexe 4.

10 () Jean-Pierre Saez, Revue de l’Observatoire des politiques culturelles, n° 32, septembre 2007.

11 () La fédération française de tennis compte un peu moins d’un million de licenciés, celle de judo environ 500 000.

12 () Emmanuel Ethis, Jean-Louis Fabiani, Damien Malinas, Avignon ou le public participant : une sociologie du spectateur réinventé, Champ Théâtral, L’entretemps éditions, 9 juin 2008.

13 () Rapport d’information n° 2424 de Mme Muriel Marland-Militello sur la politique des pouvoirs publics dans le domaine de l’éducation et de la formation artistiques, 29 juin 2005.

14 () L’ensemble de ces mesures devraient être opérationnelles entre octobre 2008 et décembre 2009.