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N° 1199

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2009 (n° 1127)

TOME VIII

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE

Par M. Olivier JARDÉ,

Député.

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Voir le numéro : 1198 (annexe n° 34).

INTRODUCTION 5

I.- UNE DYNAMIQUE PRÉSERVÉE GRACE À LA MONTÉE EN CHARGE DE L’OUTIL FISCAL 7

A. UN ACCROISSEMENT SUBSTANTIEL DES MOYENS DE LA RECHERCHE PUBLIQUE 8

B. UNE IMPORTANTE MONTÉE EN CHARGE DE L’OUTIL FISCAL 10

II.- LA VALORISATION DE LA RECHERCHE : UNE ACTIVITÉ STRATÉGIQUE, CONFIÉE À DES SERVICES DÉMUNIS 13

A. À L’INTERFACE DE DEUX MONDES, UNE ACTIVITÉ AU CœUR DE LA DYNAMIQUE DE L’INNOVATION 14

1. Un processus itératif long, en lien étroit avec la sphère économique 15

2. Une activité qui ne progresse plus 18

3. Des indicateurs incomplets 21

B. DES SERVICES EN MANQUE DE MOYENS, PENALISÉS PAR LEUR TAILLE 22

1. Une mise en place récente 22

2. Une absence manifeste de taille critique 25

3. Des compétences difficiles à attirer 27

C.  DES HANDICAPS STRUCTURELS, ACCENTUÉS PAR UNE ABSENCE DE CULTURE DE L’INNOVATION 28

1. La copropriété des brevets, source d’inefficacité 28

2. Une « culture de la valorisation » à encourager 30

3. La faute aux entreprises ? 31

D. MUTUALISER LES SERVICES POUR CRÉER UNE VÉRITABLE DYNAMIQUE EN FAVEUR DE LA VALORISATION 32

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

Article 35 État B 37

Article additionnel après l’article 46 Extension du bénéfice du doublement crédit impôt recherche aux travaux confiés aux dispositifs de mutualisation de la recherche et de l’enseignement supérieur 38

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 39

INTRODUCTION

Le présent rapport pour avis porte sur les programmes recherche des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), les programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante » faisant l’objet d’un rapport pour avis présenté par Mme Valérie Rosso-Debord.

Maintenant la dynamique amorcée l’année dernière (+ 879 millions d’euros), les crédits de la recherche augmentent cette année de 863 millions d’euros pour s’établir à 10  063 millions d’euros au total. Cette augmentation correspond à l’engagement fort des pouvoirs publics en faveur de l’innovation et la volonté du président de la République d’augmenter de 4 milliards d’euros sur cinq ans les moyens dédiés à la recherche et à l’innovation. Cet effort doit permettre d’atteindre d’ici 2012 des objectifs ambitieux : porter l’effort de recherche à 3 % de notre PIB (2,18 % en 2007) et faire progresser l’excellence scientifique de notre système de recherche.

Cette année encore, le budget de la recherche sera analysé par pas moins de six rapporteurs à l’Assemblée nationale : les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, MM. Daniel Garrigue et Alain Claeys, pour les politiques de recherche et la recherche dans le domaine des développements durables et les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques, MM. Pierre Lasbordes, Daniel Paul et Michel Lejeune, pour les grands organismes de recherche, la recherche industrielle et la recherche dans les domaines du développement durable.

Aussi, après avoir présenté les principales orientations du budget de la recherche pour 2009, le rapporteur pour avis s’est attaché, comme il est d’usage dans les avis budgétaires de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à examiner un aspect de la politique publique dont ce budget est l’illustration. Son choix s’est porté cette année sur les services de valorisation de la recherche, services qui jouent un rôle de « passeur » entre la recherche académique et le tissu économique et sont cœur de la dynamique de l’innovation.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Le rapporteur pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 15 septembre 2008. À cette date, 17 % des réponses lui étaient parvenues.

À la date butoir, le taux de réponses était de 91 %.

I.- UNE DYNAMIQUE PRÉSERVÉE GRÂCE À LA MONTÉE
EN CHARGE DE L’OUTIL FISCAL

Les moyens budgétaires alloués à la recherche (programmes 172, 187, 193, 188, 189, 190 et programme 192 hors écoles) croissent de 243 millions d’euros en autorisations d’engagement. Compte tenu de la progression de la dépense liée au crédit d’impôt recherche (620 millions d’euros), les moyens supplémentaires alloués à la recherche atteignent 863 millions d’euros pour 2009.

Présentation des crédits recherche de la mission par programme

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2008

Demandées pour 2009

Ouverts en LFI pour 2008

Demandés pour 2009

172 / Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

4 982 496 835

5 087 890 107

4 982 496 835

5 055 890 107

187 / Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 216 843 527

1 221 892 824

1 216 843 527

1 221 892 824

193 / Recherche spatiale

1 277 749 726

1 285 247 629

1 277 749 726

1 285 247 629

189 / Recherche dans le domaine des risques et des pollutions

279 739 068

297 964 068

279 739 068

297 964 068

188 / Recherche dans le domaine de l’énergie

668 314 416

667 923 889

668 314 416

667 923 889

192 / Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

881 294 429

1 005 193 525

756 444 429

874 593 525

190 / Recherche dans le domaine des transports, de l’équipement et de l’habitat

413 357 413

410 030 000

376 118 413

352 530 000

191 / Recherche duale (civile et militaire)

200 000 000

200 000 000

200 000 000

200 000 000

186 / Recherche culturelle et culture scientifique

159 744 726

161 157 874

157 194 726

158 607 874

142 / Enseignement supérieur et recherche agricoles

278 530 744

294 412 743

281 970 744

297 852 744

Total des crédits recherche

10 270 851 721

10 631 712 659

10 196 871 884

10 392 502 660

Source : projet annuel de performance du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

A. UN ACCROISSEMENT SUBSTANTIEL DES MOYENS DE LA RECHERCHE PUBLIQUE

Les moyens dédiés à la recherche publique augmentent en 2009 de 365 millions d’euros : 243 millions d’euros de moyens supplémentaires et 122,5 millions d’euros qui sont dégagés sur la recherche privée.

Compte tenu de l’augmentation du dispositif d’aides fiscales à la recherche privée par la montée encharge du crédit d’impôt recherche (CIR), un certain nombre d’aides budgétaires à la recherche privée sont en effet réduites, dégageant ainsi 122,5 millions d’euros de marges de manœuvre, réutilisées pour la recherche publique.

 Tout en contribuant à l’effort global de maîtrise des dépenses publiques et de réduction des plafonds d’emploi, le secteur de la recherche est, en raison de son caractère prioritaire, exonéré de l’application de la règle du non-renouvellement d’un emploi sur deux. Seulement 450 équivalents temps plein (ETP) sont ainsi supprimés, ce qui génère une économie de 8,5 millions d’euros, sans que cela ne handicape le potentiel de recherche de long terme :

– 267 emplois de post-doctorants supprimés, compensée par la montée en puissance des financements de post-doctorants de l’Agence nationale pour la recherche (ANR) ;

– suppression de 218 emplois statutaires dans les établissements ;

– création de 35 emplois à l’Institut national de la recherche en informatique et en automatique (INRIA), concrétisant dans un contexte général de réduction des effectifs la priorité donnée à la recherche en sciences et technologies de l’information et de la communication.

Par ailleurs, l’ouverture d’un chantier sur l’attractivité des carrières, parallèlement à la réflexion menée dans le secteur de l’enseignement supérieur, se traduit par une enveloppe catégorielle de 13 millions d’euros au bénéfice des chercheurs et personnels administratifs des organismes de recherche relevant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR).

Au total, les moyens affectés à la rémunération des personnels des organismes de recherche relevant du MESR croissent de 180 millions d’euros en 2009, dont 152 millions d’euros au titre de l’évolution du taux du compte d’affectation spéciale (CAS) pensions et 12 millions d’euros au titre de l’évolution 2009 du point fonction publique.

 Les organismes de recherche relevant du ministère bénéficient d’une enveloppe de 17,5 millions d’euros qui vient abonder leurs crédits de fonctionnement et d’investissement.

L’augmentation des moyens du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) permet d’accompagner les réformes en cours. Un an après avoir établi un bilan critique de l’émiettement des structures de recherche dans le domaine biomédical, le rapporteur pour avis se réjouit des progrès considérables accomplis depuis pour fédérer les équipes dans ce domaine. La réorganisation de l’INSERM en huit instituts thématiques nationaux, destinés à coordonner l’effort de recherche de l'ensemble des opérateurs institutionnels intervenant dans leur champ de compétences, a permis un rapprochement fonctionnel avec les équipes du département des sciences du vivant du CNRS et contribue à donner une plus grande lisibilité de notre recherche biomédicale. En outre, le rapporteur pour avis tient à souligner que, contrairement à ses craintes, la coordination du plan Alzheimer (8,9 millions d’euros pour la tranche 2009), lancé l’an dernier, n’a pas été confiée à une agence thématique spécialement créée à cet effet mais confiée à l’un de ces huit instituts nationaux.

Moyens des laboratoires (hors TGIR et hors dépenses de personnel)

(en millions d’euros)

 

Évolution 2009

CNRS

+4

INSERM

+6

INRIA

+3,5

INRA*

+1,5

CIRAD*

+0,5

IPEV*

+0,4

Pasteur Paris

+1,6

TOTAL

+17,5

* INRA : Institut national de la recherche agronomique ; CIRAD : Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement ; IPEV : Institut national Paul-Émile Victor

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

● La montée en puissance du financement sur projets, qui favorise l’excellence scientifique et fédère le tissu de la recherche autour de grandes thématiques nationales, piloté par l’Agence nationale de la recherche (ANR), se poursuit en 2009. Conformément aux attentes d’une grande partie de la communauté scientifique, la nouveauté est l’augmentation de 25 % des programmes « blancs », programmes sans thématique imposée laissant toute liberté à la créativité des chercheurs. Ils représenteront désormais 35 % des financements de l’ANR, contre 28 % aujourd’hui. Par ailleurs, les programmes partenariaux favorisant les collaborations public/privé sont réorientés à hauteur de 45 millions d’euros vers des programmes finançant strictement des organismes publics de recherche et plusieurs autres dispositifs sont transférés vers le budget du MESR : mutualisation de la valorisation entre les établissements d’enseignement supérieur et les organismes de recherche (- 4,2 millions d’euros), dépenses d’accompagnement des projets de créations d’entreprises par le biais de 30 incubateurs dédiés ( - 7,4 millions d’euros). Ces transferts permettent à l’ANR de se recentre sur son cœur de métier, les appels à projets thématiques.

 Les très grandes infrastructures de recherche (TGIR) bénéficient d’un abondement de dotation de 8 millions d’euros. Cette progression permet notamment de financer la montée en puissance du Grand équipement national de calcul intensif (GENCI) pour 6 millions d’euros. Les principaux organismes contributeurs aux TGIR sont le CNRS (130 millions d’euros, + 0,5 %), le CEA (Commissariat à l’énergie atomique, 63 millions d’euros, + 1,8 %) et l’IFREMER (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, 42 millions d’euros).

Par ailleurs, le respect des engagements internationaux de la France est assuré puisque 21,4 millions d’euros y sont consacrés en 2009, dont 13 millions d’euros au titre de la contribution au projet ITER-France et 3,8 millions d’euros au titre de la contribution française au CERN (organisation européenne pour la recherche nucléaire).

● Enfin, le projet de loi de finances pour 2009 intègre une enveloppe de crédits supplémentaires au titre du Grenelle de l’environnement (+ 79 millions d’euros), qui se répartit comme suit :

– 38 millions d’euros en autorisations d’engagement au titre du MESR, dont 35 millions d’euros viendront abonder un fonds démonstrateur porté par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), et 3 millions d’euros viendront soutenir des projets de recherche innovants dans les établissements ;

– 31 millions d’euros en autorisations d’engagement au titre du ministère de l’écologie, de l’environnement, du développement et de l’aménagement du territoire, destinés à financer divers projets de recherche pilotés par la direction générale de l’aviation civile (20 millions d’euros) et par les établissements ;

– 10 millions d’euros en autorisation d’engagement au titre du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi (appel à projets « Ecotechs »).

B. UNE IMPORTANTE MONTÉE EN CHARGE DE L’OUTIL FISCAL

Créé en 1983, le crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR) permet aux entreprises qui effectuent des dépenses de recherche et développement (R & D) de constituer une créance fiscale imputable sur l’impôt sur les sociétés.

La réforme engagée par la loi de finances pour 2008 simplifie et augmente fortement le CIR, qui devient ainsi plus lisible et plus attractif (prise en compte de l’intégralité de la dépense de R&D et augmentation des taux du crédit d’impôt).

Les effets de cette réforme, perceptibles à partir de 2009, sont de deux ordres :

– un effet d’addition fondé sur l’hypothèse que les entreprises réinvestissent en dépenses de R&D le surcroît de créance fiscale qu’elles imputent sur l’impôt ou qui leur est restitué ;

– un effet progressif d’entrée dans le dispositif de nouvelles entreprises issues du vivier de celles qui ont une activité (continue ou discontinue) de R & D mais n’étaient pas bénéficiaires du CIR avant 2008. Ainsi, on estime que les PME bénéficieront de 35 % du CIR après réforme.

Ces deux effets, conjugués, vont se traduire par une progression de la créance fiscale, qui passe de 3,5 milliards d’euros en 2008 à 3,92 milliards d’euros en 2009, induisant elle-même une augmentation de la dépense fiscale, qui devrait atteindre 2 010 millions d’euros en 2009, soit une progression de 620 millions d’euros.

Cette progression sans précédent du soutien apporté à la recherche privée par le biais de l’instrument fiscal permet, comme cela a été évoqué, un redéploiement d’une partie des moyens budgétaires affectés à la recherche privée, devenus redondants :

– les programmes partenariaux de l’ANR sont réorientés à hauteur de 45 millions d’euros vers des programmes finançant strictement des organismes de recherche publics ;

– la recherche aéronautique (programme 190), largement partenariale, subit une économie globale de 6 millions d’euros ;

– enfin, les modalités d’intervention du ministère de l’économie dans son activité de soutien à la recherche industrielle sont révisées pour générer une économie nette de 71 millions d’euros.

II.- LA VALORISATION DE LA RECHERCHE :
UNE ACTIVITÉ STRATÉGIQUE, CONFIÉE À DES SERVICES DÉMUNIS

« Des labos aux marchés : en finir avec le gâchis français » : le titre alarmiste de cette étude d’un think-tank français résume bien le sentiment qui se dégage de la lecture de plusieurs rapports récents qui ont mis au jour les faiblesses de l’organisation et du pilotage de la valorisation de notre recherche publique (1).

Qu’est-ce que la valorisation de la recherche ?

Dans son acception la plus large, on peut la définir comme le transfert des résultats obtenus par la recherche publique à la société. Il s’agit de trouver des applications concrètes aux travaux de la recherche académique afin de faire bénéficier l’ensemble de la société des avancées de la science. Il est en effet naturel que les citoyens puissent profiter des résultats des recherches qu’ils financent par leurs contributions : la recherche dans le domaine médicale, par exemple, n’a de sens que dans la mesure où elle participe à l’amélioration de la santé publique et se traduit par la mise au point de nouvelles thérapies. En outre, le transfert de produits ou de procédés innovants aux entreprises est un facteur de la compétitivité de celles-ci.

Aussi, dans un contexte économique où la capacité d’innovation est une des principales clés de la compétitivité d’une nation, on comprend aisément que la valorisation est le meilleur moyen pour l’économie française de soutenir son rang dans la compétition économique mondiale.

Pour cela, elle doit être en mesure d’exploiter pleinement les connaissances issues de ses laboratoires publics afin de les transmettre à la sphère économique et sociale. Or si ce transfert de technologies fait clairement partie des objectifs prioritaires de la recherche publique, celle-ci ne semble pas s’être encore dotée d’une stratégie à la mesure des défis à relever.

Beaucoup d’initiatives ont pourtant été prises au cours de la décennie passée en faveur de l’innovation et du transfert de technologie, avec des résultats contrastés. La loi relative à l’innovation et à la recherche du 12 juillet 1999 a notamment permis aux établissements d’enseignement supérieur et aux organismes de recherche de se doter de services adaptés aux activités de valorisation. Le plan Innovation, lancé en 2003 par Mme Claudie Haigneré, alors ministre de la recherche, a amélioré les nombreux outils destinés à renforcer l’articulation recherche-innovation en entreprise. La loi de programme pour la recherche du 12 avril 2006 a introduit dans le paysage français la recherche sur projets et de nombreuses structures de coopération et de mutualisation, favorables au rapprochement entre les laboratoires publics et les entreprises. Plus récemment encore, la labellisation des structures de transfert de technologie a été réformé et le crédit d’impôt recherche modifié pour favoriser l’emploi des chercheurs en entreprise.

Il n’en demeure pas moins que la valorisation des résultats de la recherche ne progresse pas depuis quelques années car elle ne semble pas avoir encore pleinement trouvée sa place au sein de l’organisation de notre système publique de recherche. À deux ans de l’échéance de la stratégie de Lisbonne (qui consiste, est-il besoin de le rappeler, à faire de l’Europe « l’économie fondée sur le savoir la plus compétitive du monde »), le rapporteur pour avis a souhaité se pencher sur ces services de valorisation qui peuvent apporter une dynamique décisive en faveur de l’innovation.

Code de la recherche

Art. L. 111-1. – La politique de la recherche et du développement technologique vise à l'accroissement des connaissances, à la valorisation des résultats de la recherche, à la diffusion de l'information scientifique et à la promotion du français comme langue scientifique.

Art. L. 112-2. – La recherche publique a pour objectifs :

a) Le développement et le progrès de la recherche dans tous les domaines de la connaissance ;

b) La valorisation des résultats de la recherche ;

c) Le partage et la diffusion des connaissances scientifiques ;

c bis) Le développement d'une capacité d'expertise ;

d) La formation à la recherche et par la recherche.

A. À L’INTERFACE DE DEUX MONDES, UNE ACTIVITÉ AU CœUR DE LA DYNAMIQUE DE L’INNOVATION

La valorisation s’inscrit dans une chaîne qui va de la production de connaissances à la transmission à la sphère économique et sociale. Il ne s’agit cependant pas seulement d’un processus linéaire qui consiste à trouver des débouchés à la production scientifique dans le monde économique. La recherche doit également être capable de prendre en compte les attentes de ses partenaires dans ses programmes de recherche. La valorisation consiste donc à gommer la ligne de partage, souvent établie par les entreprises et les chercheurs eux-mêmes, entre la recherche fondamentale, noble et désintéressée, et la recherche appliquée, lucrative et soumise à des contraintes de court terme afin de les inscrire dans un processus itératif de long terme. La réussite de la chaîne de valorisation dépend en fait de la qualité du dialogue instauré entre les laboratoires et les entreprises afin que leurs échanges ne se résument pas à « la confrontation de deux mondes » selon l’expression de M. Pierre Joly, président de la Fondation pour la recherche médicale (FRM) (2).

1. Un processus itératif long, en lien étroit avec la sphère économique

Une valorisation efficace suppose, en premier lieu, un système de recherche capable, en amont, de produire des connaissances de qualité. Il s’agit de l’évidence même : le monde de la recherche scientifique retient souvent le paradigme selon lequel « la bonne recherche fait la bonne valorisation ». Ce sont les avancées scientifiques majeures qui entraînent les innovations technologiques décisives.

En outre, l’excellence scientifique d’un établissement constitue un facteur déterminant pour la valorisation de sa recherche, à la fois pour attirer des entreprises partenaires de travaux de recherche et pour conclure des contrats de licence permettant le transfert de technologie. Les représentants des entreprises entendues par le rapporteur pour avis sur ce point ont bien souligné que c’était avant tout la qualité scientifique d’un établissement, mesurée le plus souvent par ses publications, qui motivait leur démarche de conclure des contrats avec lui.

S’il est difficile, en l’absence d’indicateurs pertinents, d’établir un lien entre la qualité de la recherche et l’intensité de la valorisation, le « rapport Guillaume » précité a montré une corrélation assez nette entre le montant des contrats financés par des entreprises et le montant des contrats de recherche financés par les pouvoirs publics (contrats européens, appels à projets de l’Agence nationale de la recherche, ANR), indicateur de la qualité de la recherche. Cette corrélation entre excellence scientifique et intensité de la valorisation permet de répondre aux craintes d’une recherche publique dépendante des intérêts des entreprises, « pilotée par l’aval ».

La détection puis la sélection des projets innovants constituent réellement la première étape de la chaîne de valorisation. Cette étape est naturellement décisive car les choix opérés à ce stade conditionnent la réussite ou non du transfert de ces projets à la sphère économique.

Cela implique que les équipes de valorisation soient capables d’identifier très tôt les projets potentiellement « valorisables » en ayant tissé des liens étroits avec les différents laboratoires de recherche mais en ayant également une bonne connaissance du tissu économique et des besoins des entreprises.

Comme le président du Pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) UniverSud Paris, M. Xavier Chapuisat, l’a souligné devant le rapporteur pour avis, le premier stade d’une politique de valorisation est de détecter des idées dans les laboratoires de recherche mais aussi dans les entreprises, qui veulent innover pour garder ou créer des marchés, ou qui se heurtent à des verrous dans le développement de leurs produits ou services. Ces besoins d’innovation peuvent ainsi occasionner des projets de recherche. Dans cette perspective, les équipes de valorisation doivent être en mesure de se comporter en « réservoirs d’idées » afin d’assurer l’information croisée entre les laboratoires de recherche et les entreprises.

La phase de maturation du projet doit permettre, après avoir réglé les questions de propriété intellectuelle, de trouver une application exploitable à une idée intéressante, soit par la cession de licences à une entreprise partenaire, soit par la création d’une entreprise.

C’est souvent à ce stade que nombre de projets sont abandonnés car cette phase nécessite les investissements les plus lourds, en termes financiers, mais surtout humains.

Le passage d’une idée scientifique intéressante à la preuve de concept prend un temps variable, généralement un an, s’il faut apporter la preuve sous la forme d’une maquette de démonstration pour un produit industriel manufacturé.

Cette étape nécessite une importante capacité d’expertises des équipes pour confirmer la fiabilité des aspects techniques du projet et déterminer s’il peut en sortir un objet « utile » du point de vue économique, en approfondissant les aspects « business » du projet : crédibilité du prémodèle économique, existence d’un marché ou estimation de la probabilité de son émergence. Cette étape fait appel à des expertises très variées : ingénierie, intelligence économique…

Enfin, en aval, la valorisation n’a de sens que si les connaissances irriguent largement le tissu économique grâce à un réseau de diffusion technologique dense et des entreprises en mesure de s’approprier ces innovations.

Les structures de transfert et de diffusion technologique

Il existe environ 200 structures de transfert et de diffusion technologiques. Parmi celles-ci, on distingue :

– les centres régionaux d'innovation et de transfert de technologies (CRITT), qui peuvent aussi être appelés pôles ou agences, sont de deux ordres (même si certaines structures assurent les deux missions) : les centres prestataires, qui effectuent des missions de prestations technologiques en réponse aux demandes de prestations sur mesure émanant des PME ; les structures interfaces, structures légères qui sont chargées de prospecter les PME, afin de les sensibiliser à l'innovation et de les aider à formaliser leurs problèmes technologiques.

– les plates-formes technologiques (PFT), situées dans des établissements d'enseignement professionnels ou de technologie.

Selon les années, entre 130 et 140 d'entre elles sont financées via des crédits déconcentrés par les délégués régionaux à la recherche et à la technologie (DRRT). Depuis 2007, ces financements sont réservés aux structures ayant reçu un label garantissant le respect d'un cahier des charges rédigé en collaboration avec l'AFNOR.

La cellule de diffusion technologique (CDT)

La CDT doit assurer une mission d'intérêt général en assistant directement les entreprises, et plus particulièrement les PME, dans la définition de leurs besoins, en participant au développement de leurs activités par le biais de l'innovation et de la technologie, et en s'appuyant sur des réseaux de compétences. Ne disposant pas de moyens analytiques et technologiques, la CDT a essentiellement des activités de diagnostic et de conseil en développement technologique, basées sur les besoins spécifiques des entreprises. Il existe actuellement 18 structures labellisées CDT.

Le centre de ressources technologiques (CRT)

Comme la cellule de diffusion technologique, le CRT assure une mission d'intérêt général en assistant directement les entreprises et plus particulièrement les PME, dans la définition de leurs besoins, en participant au développement de leurs activités par le biais de l'innovation et de la technologie, et en s’appuyant sur des réseaux de compétences. Mais la mission essentielle du CRT est l'exécution de prestations technologiques. Il dispose de moyens technologiques et analytiques propres et propose une gamme de prestations sur catalogue et sur mesure, lesquelles font l'objet de devis et facturation aux entreprises. Il existe actuellement 62 structures labellisées CRT.

La plate-forme technologique (PFT)

La PFT a pour mission d'organiser sur un territoire, de préférence celui d'une ville moyenne, le soutien apporté à la modernisation des entreprises par les établissements d'enseignement : les lycées d'enseignement général et technologique, les lycées professionnels, les établissements d'enseignement supérieur et les structures publiques ou privées disposant de plateaux techniques identifiés autour d'une thématique commune. Outre l'objectif de mutualiser leurs compétences et ressources pour le développement économique local, la PFT a également un objectif pédagogique : l'exécution de prestations pour les entreprises est l'occasion pour l'élève de mettre en œuvre ses acquis, d'appréhender l'entreprise et de faciliter son insertion. Elle est, pour le lycée, l’opportunité de valoriser la voie technologique et professionnelle et le cas échéant, d'adapter sa formation. Elle permet à l'enseignant de générer une source d'innovation pédagogique. Il existe actuellement
83 PFT homologuées.

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

2. Une activité qui ne progresse plus

La valorisation tirant profit des échanges entre les laboratoires de recherche et les entreprises, il est indispensable de s’appuyer sur des indicateurs nombreux pour disposer d’une vision d’ensemble de cette activité. Il n’existe en effet pas à ce jour, et il ne saurait exister, de mesure générale de la valorisation avec un indice unique. On ne peut donc s’appuyer que sur un faisceau d’indices et les indicateurs disponibles invitent au même constat, relayé par de nombreux rapports : celui d’une stagnation de cette activité depuis plusieurs années.

Le premier indicateur à prendre en compte est l’intensité de la recherche contractuelle et de la recherche partenariale, qui constituent les relations les plus classiques et les plus simples à évaluer entre les laboratoires publics et le secteur privé. La recherche contractuelle, à l’initiative du partenaire privé donneur d’ordre, est historiquement présente dans les sciences pour l’ingénieur, sur des contrats de durée et d’ampleur très variables. Elle est, depuis 2006, identifiée, encouragée et structurée par la labellisation Carnot. La recherche partenariale relève d’une initiative conjointe des laboratoires et des entreprises et est souvent soutenue par des financements publics, régionaux, nationaux ou européens ; elle représente fréquemment des programmes ambitieux, sur plusieurs années et peut aller jusqu’à la création d’un laboratoire commun. Identifiée, encouragée et structurée au niveau national par les anciens réseaux de recherche et d’innovation technologiques, les appels à projets partenariaux de l’Agence nationale de la recherche (ANR), les pôles de compétitivité ou le segment Innovation stratégique industrielle d’Oséo.

Lors de son entretien avec le rapporteur pour avis, la directrice générale de l’ANR, Mme Jacqueline Lecourtier, a souligné que la démarche projet initiée par l’ANR modifiait progressivement la manière de travailler des équipes de recherche en les mettant, dès le départ, dans la perspective de la valorisation.

Les instituts Carnot

À l’image des Fraunhoffer allemands, le dispositif Carnot vise à reconnaître la capacité de structures de recherche à collaborer efficacement avec des entreprises. L’objectif est d’accorder des moyens financiers pour soutenir et pérenniser compétences scientifiques et technologiques et pour développer et professionnaliser les équipes partenariales.

Deux appels à candidatures ont été ouverts, en 2006 et 2007, afin de sélectionner les instituts Carnot. À ce jour, le label a été attribué à 33 structures représentant environ 12 000 chercheurs et un volume de recherche partenariale de 187 millions d’euros, pour une durée de quatre ans. Les structures labellisées Carnot reçoivent de l’ANR un abondement financier calculé en fonction du volume réalisé des contrats des contrats de recherche partenariale. Un budget de 56,6 millions d’euros a été consacré, en 2007, aux 33 instituts Carnot.

Or comme le souligne le « rapport Guillaume » sur la valorisation de la recherche, « le volume des contrats n’a pas connu d’augmentation depuis 1992 et tend même à diminuer en valeur réelle. Certains établissements concentrent la plupart des contrats de recherche : 69 % des contrats avec les entreprises reviennent ainsi au CEA et aux grandes écoles alors que le CNRS et les universités n’engendrent que 24 % des contrats. Cette concentration est encore plus marquée au niveau des laboratoires : les trois quarts de l’activité de recherche contractuelle est le fait de moins de 3 % des laboratoires étudiés. »

Montant des contrats de recherche avec les entreprises de 1999 à 2004

(en millions d’euros)

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

CNRS

28 809

21 0552

25 108

27 042

24 653

25 952

INRA

13 194

5 727

6 007

6 455

8 028

6 625

INRIA

7 684

4 762

3 818

3 637

4 192

3 874

INSERM

8 288

8 463

9 422

8 466

6 976

8 563

Total EPST

68 245

45 413

49 657

49 301

48 918

49 611

Total enseignement supérieur

119 261

107 479

140 699

132 853

122 036

123 865

Source : rapport sur la valorisation de la recherche de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.

Le constat serait certainement moins sévère si on prenait en compte des données plus récentes qui intégreraient la montée en charge des dispositifs mis en places depuis cette date : pôles de compétitivité et instituts Carnot, par exemple. Il n’en demeure pas moins que la tendance générale est à une stagnation depuis quelques années. Cela est regrettable car, comme cela a été évoqué plus haut, il s’agit d’occasions pour les établissements publics d’intégrer les attentes des entreprises dans leur stratégie d’établissement afin d’irriguer la chaîne de valorisation dans son ensemble.

Le transfert de technologie à l’initiative de l’établissement public, qui valorise ainsi la propriété intellectuelle engendrée par ses recherches est également aisément identifiable. La propriété intellectuelle est formalisée à l’origine par un brevet, un logiciel, un certificat d’obtention végétale, une marque ou un savoir faire. Elle est ensuite validée afin de la rendre exploitable dans la sphère économique, puis transférée vers une entreprise par un contrat de licence ou par la création d’une start-up.

La constat établi par le « rapport Guillaume » est également sévère : « La situation n’est pas plus satisfaisante en matière de valorisation de la propriété intellectuelle, malgré l’augmentation des dépôts de brevets sur les dix dernières années. En effet, cet effort de protection de valorisation de la propriété intellectuelle ne s’est pas accompagné d’une amélioration comparable de la valorisation proprement dite, qui se traduit par la conclusion de licences d’exploitation avec des entreprises. Ainsi, les revenus de propriété intellectuelle sont en baisse sur les dernières années, autour de 1 % de la dépense de recherche, phénomène révélateur d’une stagnation du transfert de technologie de la recherche publique vers le tissu socio-économique. Ces revenus sont également très concentrés : le CNRS, le CEA et l’Institut Pasteur représentent près de 90 % des revenus nationaux. »

Nombre de brevets prioritaires déposés par les organismes publics de recherche
et les établissements d’enseignement supérieur

Organismes publics

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

CNRS

161

109

231

245

264

176

154

187

INRA*

27

34

22

21

20

19

21

21

INSERM

76

72

76

78

97

85

73

119

CEA

210

222

257

292

311

344

355

431

CNES

17

14

20

14

12

9

13

9

IFREMER

8

2

3

4

6

5

7

5

Enseignement supérieur

180

230

245

255

280

395

-

-

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Redevances de propriété intellectuelle perçues par les organismes publics de recherche et les établissements d’enseignement supérieur

 

Redevances perçues sur licences (millions d’euros)

Redevances totales de PI (1)

Organismes publics

2004

2005

2006

2007

2006

2007

CNRS

49,00

53,35

59,80

58,20

59,80

58,20

INRA

1,90

2,50

2,27

2,95

6,89

7,25

INSERM

12,57

13,33

5,2

5.3

5,2

5,3

CEA

25,00

31,11

33,50

23,80

33,50

23,80

CNES

0,22

0,38

0,30

0,98

0.30

0.98

IFREMER

0,40

0,42

0,44

0,53

0,44

0,53

Enseignement supérieur

-

8,15

-

-

-

-

(1) Comprend les brevets, logiciels, certificats d’obtention végétale et marques

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Enfin, la mobilité des chercheurs entre les secteurs publics et privés est un excellent vecteur de transmission des connaissances et de savoir-faire entre les deus secteurs. « Les jeunes docteurs demeurent faiblement employés par le secteur privé et la mobilité des chercheurs publics vers les entreprises, malgré les mesures dérogatoires prévues au statut général des fonctionnaires, reste symbolique : depuis 1997, elle ne concerne annuellement que 0,2 % des effectifs des chercheurs et enseignants-chercheurs. » : là aussi, les conclusions du « rapport Guillaume » sont sans appel.

3. Des indicateurs incomplets

Pour nombreux qu’ils soient, les indicateurs rendent de manière imparfaite la réalité du processus de valorisation.

L’augmentation sensible du nombre de dépôts de brevets ces dernières années, tout d’abord, si elle illustre un réel effort de protection de la propriété intellectuelle ces dernières années, en dit peut-être finalement plus sur la propension nouvelle à déposer des brevets que sur l’activité inventive. Par ailleurs, ces statistiques ne disent rien non plus sur l’intérêt réel des inventions.

Par ailleurs, les revenus des brevets étant versés pendant vingt ans, la mesure des revenus de propriété intellectuelle est peu réactive aux flux de revenus nouveaux. En outre, si les revenus de propriété intellectuelle viennent abonder heureusement les moyens de la recherche publique, il ne faut pas perdre de vue que la fonction de celle-ci est d’investir pour le bien être de la société dans son ensemble. Il ne saurait donc être question pour elle d’attendre un « retour sur investissement » de la gestion de son portefeuille de brevets.

Le projet annuel de performances pour 2008 du programme 172 a substitué à l’indicateur : « Part des opérateurs du programme dans les brevets déposés », l’indicateur : « Nombre de brevets déposés par dizaine de millions d’euros dépensés ». Il s’agit là d’une initiative salutaire car l’on passe d’un indicateur strictement quantitatif à un indicateur de qualité. Le rapporteur pour avis attend désormais avec impatience le renseignement de cet indicateur dans le PAP 2010, puisque cela n’a pu être fait cette année.

Enfin, les indicateurs retenus ne prennent pas en compte les autres formes d’interaction entre la recherche publique et la société. Il existe en effet d’autres moyens pour valoriser les résultats de la recherche, même si cette valorisation ne donne pas toujours lieu à flux financier, les logiciels libres en étant une illustration caractéristique. La mission de valorisation confiée aux établissements publics de recherche consiste en premier lieu à assurer un retour vers la société de l’investissement qu’elle a consenti dans la recherche. Le retour se fait par l’exploitation économique des résultats, mais aussi par le développement de la société sous tous ses angles, y compris du bien-être de tous les citoyens. Or cela est difficilement quantifiable.

Les indicateurs de performance du ministère de l’enseignement supérieur
et de la recherche

L’objectif 3 du programme 172, Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, est intitulé : « Contribuer à l’amélioration de la compétitivité de l’économie nationale par la valorisation des résultats de la recherche et le soutien à l’innovation dans les entreprises ». Les indicateurs retenus sont les suivants :

– efficience de la valorisation : nombre de brevets déposés par dizaine de millions d’euros dépensés ;

– part des ressources apportées aux opérateurs par des redevances sur titre de propriété intellectuelle ;

– part des contrats de recherche passés avec des entreprises dans les ressources des opérateurs ;

– effet de levier des moyens incitatifs publics mobilisés en faveur de la création d’entreprises ;

– dépenses de R & D privée supplémentaires par euro de crédit d’impôt recherche.

B. DES SERVICES EN MANQUE DE MOYENS, PENALISÉS PAR LEUR TAILLE

Tout d’abord, le rapporteur pour avis tient à souligner, qu’en l’absence de systèmes d’information prenant en compte cette activité, il ne lui a pas toujours été aisé de recueillir des éléments précis sur les services de valorisation. Cela témoigne peut-être de la place qu’ils occupent dans notre système public de recherche. Cette absence de visibilité se décline au niveau de beaucoup d’établissements d’enseignement supérieur où il est très rare que la valorisation constitue à elle seule une direction ou que son responsable participe au conseil d’administration de l’établissement.

Au regard de la variété des compétences requises pour une activité de valorisation efficace, le rapporteur pour avis a été surpris par l’absence de moyens affectés à ces activités. Ce constat ne vaut pas pour quelques organismes publics de recherche qui, à l’instar du CEA, de l’INRA ou de l’INSERM, sont engagés de longue date dans le transfert de technologie.

1. Une mise en place récente

L’organisation de la valorisation dans les établissements d’enseignement supérieur est globalement récente : un rapport d’information du Sénat relevait que, sur 75 universités étudiées, seules une quinzaine avaient développé un service de valorisation ou mis en place une cellule de valorisation avant 1999 (3). Alors que la valorisation est une mission des universités depuis les années quatre-vingt, il a fallu une forte impulsion des pouvoirs publics au cours de la décennie passée pour que les services se structurent.

La loi sur l’innovation de 1999 a ainsi permis aux établissements et aux organismes de créer en leur sein des services d’activités industrielles et commerciales (SAIC).

Ces services permettent de regrouper toutes les activités relevant de la valorisation qui étaient jusqu’alors souvent éclatées entre les différents services de l’établissement. Ils ont le statut d’un service de l’établissement, dotés d’un budget annexe et d’une comptabilité annexe, ainsi que de la capacité de recruter des personnels contractuels de droit public, ce qui constitue autant de souplesses destinées à faciliter leur gestion.

L’autre outil juridique à disposition des établissements d’enseignement supérieur et des organismes de recherche a été créé par la loi de programme sur la recherche du 12 avril 2006.

Désormais, est offerte la possibilité de conclure des conventions avec des entreprises ou des personnes physiques.

Ces conventions avec des entités extérieures sont conclues pour une durée limitée et doivent être approuvées par leur autorité de tutelle. Il s’agissait là en fait se sécuriser les dispositifs existants, nombre d’organismes ayant déjà recours à des associations ou à des sociétés filiales, dans des conditions parfois opaques, ce qui avait été fortement critiqué par la Cour des comptes. (4)

On constate que ces structures dédiées à la valorisation, en particulier les entités privées, sont plus particulièrement utilisées par les établissements pour lesquels la valorisation représente une activité importante.

À l’inverse, beaucoup d’universités n’usent pas de ces possibilités nouvelles et se satisfont d’un service interne, de type « service », « département » ou « bureau », ce qui témoigne souvent de la faiblesse ou d’une absence politique de valorisation.

En effet, le département ou service interne étant a priori la structure la plus standard, seuls les établissements possédant une longue expérience et une stratégie de valorisation précise peuvent être à même d’opter pour une structure plus spécifique et mieux adaptée à leurs besoins.

Type d’organisation des activités de valorisation choisie par les organismes publics
et les établissements d’enseignement supérieur

Organismes publics

 

Enseignement supérieur

 

CEMAGREF

Service interne

Aix-Marseille 2

Filiale

CNRS

Service interne et filiale

Bordeaux 1

Association de gestion

INRA

Service interne et deux filiales

Lille 1

SAIC

INRIA

Service interne et filiale

Lyon 1

Filiale

INSERM

Filiale

Paris 5 (Descartes)

SAIC

IRD

Service interne

Paris 6 (Pierre et Marie Curie)

SAIC

CEA

Service interne et filiale

Paris 7 (Diderot)

Service interne

   

Paris 11

SAIC

   

Rennes 1

SAIC

   

Strasbourg 1

SAIC

   

INP Grenoble

Filiale 

   

INP Lorraine

Service interne

   

INP Toulouse

SAIC

   

UT Belfort-Montbéliard

Service interne

 

 

UT Troyes

Service interne

   

Ecole Centrale de Lyon

Filiale

   

Ecole Centrale de Paris

Filiale

   

Ecoles des Mines

Association

   

Groupe des Ecoles de Télécom (GET)

Service interne

   

INSA Lyon

Filiale

   

INSA Rennes

Service interne

   

INSA Toulouse

SAIC

   

Supélec

Service interne

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

L’une des caractéristiques les plus frappantes est toutefois l’absence de règle générale liée au statut, à la taille ou à la nature de l’activité : le choix de la structure résulte beaucoup plus de l’histoire de l’établissement que de critères visibles de l’extérieur de cet établissement. La diversité va jusque dans les moindres détails : pour un même choix de structure support, les missions confiées par l’établissement à (aux) structure(s) de valorisation utilisée(s) diffèrent d’un cas à l’autre. Une des rares règles observables est la dévolution de la gestion de la recherche contractuelle à la structure privée lorsqu’elle existe ou a été créée par un établissement d’enseignement supérieur (université ou école) mais cette règle ne s’applique pas aux organismes de recherche (seul l’INSERM confie la gestion de sa recherche contractuelle à sa filiale).

2. Une absence manifeste de taille critique

Selon les données disponibles (5), le nombre de personnes travaillant dans le service de valorisation d’un établissement d’enseignement supérieur s’établit à 5,5 équivalents temps plein (ETP). Ces données varient considérablement d’un établissement à l’autre, les établissements scientifiques emploient ainsi en moyenne 12,4 ETP et les universités de sciences humaines et sociales, droit et économie s’établissent à 1,7 ETP seulement. Au total, le ministère estime à 450 ETP le personnel de valorisation exerçant dans les 82 établissements d’enseignement supérieur questionnés. Ce chiffre est à rapporter aux 57 000 enseignants-chercheurs en fonction dans l’enseignement supérieur. Le service Diderot Valorisation, par exemple, comprend 7 personnes pour les 125 laboratoires de recherche et les 2 700 chercheurs de l’université.

On comprend aisément que, dans ces conditions, il est difficile pour les équipes de valorisation de disposer de l’ensemble des compétences scientifiques, juridiques, en ingénierie ou en études de marchés que nécessite une politique de valorisation de qualité : tisser un lien étroit avec les laboratoires de recherche de leurs établissements afin de précéder et susciter l’activité de valorisation, prospecter auprès des entreprises pour identifier leurs besoins ou encore accompagner la maturation des projets innovants.

Nombre de personnels de valorisation (Equivalent temps plein)

 

Nombre de personnels valorisation (Etablissement)

Nombre de personnels valorisation
(Filiale)

Nombre (ETP) de personnels valorisation
(Total)

Organismes de recherche

     

CEMAGREF

3,5

0

3,5

CNRS

135

44

179

INRA

24,5

23,5

48

INRIA

29

0

29

INSERM

6

70

76

CEA

100

10

110

CNES

4.5

0

4.5

Enseignement supérieur

350

100

450

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Ce qui est toutefois notable, c’est que le nombre de personnels est croissant au cours de la dernière décennie de manière quasi systématique, avec une croissance supérieure à la progression des effectifs de la recherche publique dans son ensemble. Dans cette croissance, la part la plus intéressante sur le plan fonctionnel est celle des effectifs consacrés à la gestion de la propriété intellectuelle.

La gestion de la propriété intellectuelle est une activité qui nécessite effectivement d’importants moyens, tant financiers, pour supporter les coûts de dépôt, d’extension et d’entretien des brevets, qu’humains, les compétences requises étant très pointues. Parce qu’un retour financier peut être long, les dépenses de brevet s’analysent avant tout comme des coûts, souvent difficiles à supporter pour de petites structures. Si la signature du Protocole de Londres devrait permettre de faire baisser sensiblement ces coûts, la mise en place d’un brevet communautaire serait plus à même de faire bénéficier aux inventeurs de l’effet de taille du marché européen. En outre, un portefeuille de brevets doit atteindre une certaine taille dans la mesure où seule une faible proportion des brevets pourront être à l’origine d’un transfert de technologie effectif.

Le « rapport Guillaume » précité relevait qu’en deçà « d’une centaine de familles de brevets, il apparaît difficilement concevable d’envisager une stratégie de valorisation élaborée » Ce constat est relayé par la Cour des comptes (6), selon laquelle « la gestion d’un portefeuille de brevets suppose une taille critique qui n’est pas toujours atteinte », aussi bien pour disposer d’une visibilité suffisante auprès des entreprises que pour veiller activement au respect de la propriété. Or la plupart des services de valorisation ne disposent pas de tels portefeuilles : le stock moyen de brevets prioritaires s’élève à moins de vingt.

Le brevet : une protection complexe et coûteuse

Le brevet confère à son titulaire le droit exclusif d'autoriser l'utilisation d'une invention à des fins commerciales pour une durée de 20 ans. Il peut ainsi déboucher sur des contrats de cessions ou de licences. En Europe, le brevet doit être déposé avant toute publication scientifique pour être valide.

La procédure de dépôt des brevets est lourde et coûteuse. Une déclaration d'invention enregistrée au sein des établissements établit d'abord la nature de l'invention et l'identité de ses inventeurs. Un brevet prioritaire est ensuite déposé pour un coût d'environ 5.000 euros, la procédure requérant environ deux mois auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) et de l'Office européen des brevets (OEB) et environ deux semaines auprès des instances américaines. Le déposant dispose alors d'un an pour décider d'étendre le brevet au niveau international et utiliser le traité de Washington de 1970 qui permet pour environ 5.000 euros d’obtenir une protection internationale pendant 30 mois. C'est à l'issue de cette période qu'est choisie la liste des pays dans lesquels le brevet sera effectivement étendu et que l'essentiel des coûts sont exposés. Une invention qui est portée jusqu’à ce stade représente un coût qui peut être estimé entre 50.000 euros et 100.000 euros.

Source : rapport d’information n°392 du Sénat

3. Des compétences difficiles à attirer

Lorsque les organismes de recherche, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, puis les établissements d’enseignement supérieur, il y une dizaine d’années, ont commencé à s’impliquer dans la valorisation de la recherche, la population des personnes exerçant cette activité était largement constituée de chercheurs et d’enseignants-chercheurs qui trouvaient là l’opportunité d’une « deuxième carrière » associant leur métier premier centré sur la recherche à une ouverture vers d’autres horizons. Si cette aspiration au changement pouvait être naturelle chez un certain nombre de chercheurs s’impliquant dans cette nouvelle activité, elle pouvait créer des difficultés puisqu’elle coupait le lien avec les équipes de recherche, les chercheurs et enseignants-chercheurs en fin de carrière se trouvant en effet souvent marginalisés.

L’évolution dans le positionnement stratégique de la valorisation de la recherche, d’abord dans les organismes, puis dans les universités a assez nettement renouvelé le personnel des équipes de valorisation, au point d’aboutir aujourd’hui à une situation inverse : c’est désormais la jeunesse des équipes qui pose problème.

Si l’on rencontre encore des chercheurs et enseignants-chercheurs qui viennent chercher là une « deuxième carrière », ils sont dorénavant minoritaires, effaçant ainsi les difficultés évoquées précédemment. De fait, leur présence redevient même un atout, dans la mesure où ils apportent à l’équipe de valorisation la connaissance intime de la recherche, de la relation du chercheur à la recherche et, bien souvent, la connaissance du domaine technologique considéré.

La catégorie de personnels impliqués dans la valorisation, qui devient aujourd’hui majoritaire, est constituée de personnes qui sont recrutées spécifiquement pour cette mission : les structures de valorisation des universités recensés dans l’enquête BETA du réseau Curie emploient à 40 % des fonctionnaires et à 60 % des contractuels, cette catégorie ayant fortement augmenté ces dernières années. Ce sont très généralement des personnes de niveau master ou doctorat, qui ont parfois eu une expérience de recherche en laboratoire public, mais d’une manière générale une expérience en entreprise (dans des activités de recherche ou non). Cette formation initiale, souvent de nature scientifique, d’un secteur assez large, est parfois complétée par une formation initiale ou continue en management de l’innovation, voire en propriété intellectuelle.

Les services de valorisation des universités rencontrent aujourd’hui de grandes difficultés à recruter et fidéliser leur personnel et subissent tous un turnover assez élevé. Plusieurs facteurs expliquent assez facilement cette situation. Les expertises recherchées sont souvent très pointues et le nombre de candidats potentiels très restreint. Les salaires sont généralement peu ou pas attractifs pour les meilleurs éléments au regard de leurs compétences et de la charge de travail associée. Enfin, les perspectives d’évolution de carrière sont restreintes, compte tenu de la taille des services de valorisation. Ceux-ci subissent ainsi la concurrence très forte des cabinets de conseil, des structures d’animation de pôles de compétitivité ou des incubateurs. M. Xavier Chapuisat a aussi exposé au rapporteur pour avis les difficultés qu’il rencontre pour recruter un manager-prospecter de haut niveau (cadre supérieur avec un expérience d’au moins dix ans) pour animer le service de valorisation de son PRES. En définitive, c’est bien l’effet de taille qui semble être le facteur déterminant : les organismes de recherche aux structures de valorisation importantes ne semblent rencontrer aucune difficulté de recrutement.

Ces difficultés de recrutement sont particulièrement pénalisantes car elles empêchent les services de valorisation de se développer dans des conditions optimales en mettant en place une stratégie de long terme. En outre, au-delà des retards engendrés par le délai de recrutement, les procédures de recrutement ont par essence un coût qui handicape des dispositifs aux ressources déjà faibles.

C.  DES HANDICAPS STRUCTURELS, ACCENTUÉS PAR UNE ABSENCE DE CULTURE DE L’INNOVATION

1. La copropriété des brevets, source d’inefficacité

La segmentation de notre système de recherche entre établissements d’enseignement supérieur et organismes de recherche et son émiettement ne facilitent pas la gestion de la propriété des brevets. Les partenariats généralisés entre établissements d’enseignement supérieur et organismes de recherche, par le biais de unités mixtes de recherche (UMR), font en effet de la copropriété des brevets la norme puisque, pour 2005, 288 des 352 brevets déposés par les établissements d’enseignement supérieur, soit plus de 81 %, le sont en copropriété avec d’autres établissements publics.

Or ce régime de copropriété crée de nombreux obstacles pour la valorisation. Qu’il s’agisse de gérer ces brevets avec une entreprise copropriétaire, de les exploiter avec une start-up, une PME française ou un grand groupe souvent international, la copropriété public/public rend les négociations avec les entreprises ou les créateurs d’entreprise longues et délicates.

De nombreuses négociations ne peuvent pas se conclure, l’entreprise ou le créateur n’acceptant pas de traiter avec plusieurs personnes publiques aux positions parfois contradictoires. Les représentants des entreprises rencontrés par le rapporteur pour avis ont insisté sur l’importance que représentait à leurs yeux d’avoir un interlocuteur unique dans la conduite des négociations. Dans ces cas, la découverte ou l’invention ne sont pas exploitées, et l’investissement de la société dans le projet de recherche en grande partie perdu. Dans d’autres cas, ces négociations sont si longues que la « fenêtre de commercialisation » est dépassée, l’intérêt du transfert de connaissance s’en trouve restreint, pour l’entreprise, mais aussi pour le laboratoire et, au-delà, pour la société qui bénéficiera alors moins de son investissement initial. Pour régler cette question d’interlocuteurs multiples, beaucoup d’établissements ont confié des mandats de gestion à l’un de leurs représentants. Or ainsi que le soulignait le « rapport d’Aubert » (7), « lorsque le mandat de gestion est prévu par les règlements de copropriété, il reste généralement limité aux opérations de valorisation les moins importantes et la signature de tous les copropriétaires reste souvent nécessaire. »

Si la solution de maintien d’une copropriété avec mandat unique complet irait dans le bon sens, il paraît préférable de choisir, chaque fois que possible, un titulaire unique de propriété des résultats de la recherche. Il serait naturel que, par défaut, cette charge revienne à l’établissement qui accueille le laboratoire dans ses locaux. Cela suppose que les organismes de recherche, parfois très attachés à la conservation de leur « patrimoine » intellectuel, acceptent de s’en défaire dans certains cas afin que les universités prennent le relais. Ce dispositif serait cohérent avec la volonté du Gouvernement de faire des universités les « véritables opérateurs de la recherche publique », dotés de stratégies d’établissement propres. Il suppose de la part des universités, historiquement peu engagées dans les activités de valorisation, la volonté de se doter de compétences en matière de gestion de propriété intellectuelle, actuellement détenues par les organismes publics.

Dans cette perspective, le Bayh Dole Act américain pourrait être une source d’inspiration. Adopté au tout début des années 1980, ce texte important, à l’origine de l’appropriation par les universités de recherche américaine de la mission de transfert de connaissances, a inspiré, à plusieurs reprises, des tentatives de réforme, jamais abouties.

Le principal mérite de cette loi a été de transférer la propriété intellectuelle des résultats des travaux de recherche financés sur fonds fédéraux de l’administration américaine aux opérateurs de recherche, c’est-à-dire principalement aux universités. Jusqu’alors, à l’exception de quelques-unes, très engagées de longue date dans le transfert de connaissances, et qui avaient pu obtenir des facilités de négociation de la part des agences fédérales, la plupart des universités devaient soumettre leurs accords de valorisation à ces agences perdant ainsi un temps précieux et, trop souvent, leur crédibilité même vis-à-vis de leurs partenaires industriels.

Bien que le système américain ne repose pas sur un partenariat généralisé et organisé entre agences nationales et universités comparable au nôtre, le blocage venait de la revendication des agences sur la propriété des résultats des travaux de recherche qu’elles avaient financés. En aliénant les droits des agences et en les transférant aux seuls opérateurs (le plus souvent uniques et les plus proches des chercheurs), le Bayh Dole Act a considérablement fluidifié les relations entre recherche publique et entreprises. Le transposer au cas français suppose une adaptation de notre droit de la propriété intellectuelle, qui attribue actuellement à l’établissement qui emploie l’inventeur la propriété de ses inventions.

2. Une « culture de la valorisation » à encourager

Si la publication est un élément fondamental dans la carrière des chercheurs, elle peut entrer en opposition avec les politiques de valorisation dans la mesure où une fois la publication réalisée, les travaux concernées par celle-ci ne peuvent faire l’objet d’une protection particulière. Comme le suggérait au rapporteur pour avis M. Jean-François Dhainaut, président de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), les services de valorisation devraient pouvoir être en mesure de jouer un rôle de « filtre » avant publication afin d’orienter au mieux les équipes de recherche vers la voie la plus appropriée.

Pour inciter les chercheurs à choisir de valoriser leurs travaux, plusieurs dispositifs d’intéressement financier ont été mis en place.

Tout d’abord, la prime au dépôt de brevet, instaurée en 2005 permet de rétribuer le chercheur ou les chercheurs inventeurs, lors du dépôt de la demande de brevet par l’établissement (20 % de la prime), puis lors de la signature d’un contrat d’exploitation dudit brevet par un tiers (contrat de licence par exemple), pour le reste du montant. Le montant total, de 3 000 euros, est partagé entre les inventeurs lorsque plusieurs chercheurs sont déclarés inventeurs au dépôt de la demande de brevet.

Par ailleurs, une rémunération supplémentaire est versée aux inventeurs fonctionnaires ou agents publics, majoritaires dans le système de recherche publique. Après prélèvement sur les revenus d’exploitation de l’invention des frais directs liés à ladite invention, 50 % de la somme restante est versée aux inventeurs, dans la limite d’un plafond situé à environ 65 000 euros annuels. Au-delà de ce plafond, le taux de rémunération des inventeurs est fixé à 25 %. Ces dispositions placent les chercheurs publics français parmi les plus favorisés au niveau mondial, en matière d’intéressement aux revenus tirés de leurs inventions.

S’il est difficile de dresser aujourd’hui un bilan critique de ces dispositifs, il est important de les compléter par la prise en compte des brevets déposés dans la formation et la valorisation de la carrière des chercheurs afin que la « culture de la valorisation » ne reste pas un vain mot. Un dépôt de brevet nécessite aujourd’hui un important travail de formalisation, puis une implication du chercheur dans la maturation technologique qui lui donne souvent l’impression d’un « parcours du combattant ». Aussi, la somme de ce travail justifierait que le dépôt de brevet soit valorisé en plus de la notion de publication. L’enquête BETA du réseau Curie précité relevait comme les trois principaux obstacles au développement des activités de valorisation le manque de reconnaissance des activités de valorisation dans les carrières des chercheurs, la culture des chercheurs en matière de valorisation et la mission perçue comme secondaire par rapport à l’enseignement ou la recherche.

Au niveau des établissements d’enseignement supérieur, le classement de Shanghai, qui attribue une part importante aux publications dans ses critères de notation, est toujours un point de référence pour chercheurs et étudiants. Si incontestablement, la publication pousse nos chercheurs vers l’excellence scientifique, elle ne peut pourtant pas demeurer le seul critère d’évaluation de la qualité d’un établissement. Si l’AERES a pour mission de prendre en compte les activités de valorisation des établissements qu’elle évalue, il reste encore à mettre en place des indicateurs pertinents de cette activité. Comme le soulignait le sénateur Joël Bourdin (8), la recherche ne peut être jugée uniquement à l’aune du nombre de publication et de citations, mais aussi au regard de la performance des établissements en termes de brevets et d’activités contractuelles. À ce titre, la volonté exprimée par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche d’aboutir à un classement européen des universités devrait permettre de progresser dans cette direction et d’intégrer ces critères. Si le rapporteur pour avis a bien conscience de la difficulté de l’exercice, il n’en demeure pas moins persuadé de sa nécessité, au moment où l’Europe a pour ambition d’achever l’espace européen de recherche et de donner un second souffle à sa stratégie de Lisbonne.

3. La faute aux entreprises ?

Le premier vecteur de valorisation de la recherche consiste pour les entreprises à employer des chercheurs issus des laboratoires publics ou de l’université qui apportent avec eux les savoir-faire et compétences acquises au préalable. Or il apparaît que l’emploi des chercheurs par les entreprises demeure très insuffisant, la part des docteurs étant marginale. Ainsi que le soulignait le rapport du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (9), le principal obstacle au recrutement de docteurs dans le milieu industriel est d’ordre culturel : « de façon caricaturale, la recherche fondamentale forme, aux yeux de certains industriels, forme des théoriciens inaptes à comprendre les contraintes industrielles : notions de cahier des charges, d’obligation de résultat, de calendrier contraignant, de coût… Parallèlement, il peut régner dans certains laboratoires académiques une certaine forme d’élitisme qui s’exprime par l’idée : " les meilleurs resteront dans la recherche, les moins bons iront dans l’industrie " ».

Cette logique est bien évidement dommageable pour les docteurs car elle pousse les acteurs industriels vers les grandes écoles. Lorsqu’ils recrutent une personne issue d’une école d’ingénieurs, ils pensent connaître le « produit » qui a été sélectionné en amont par le concours d’entrée et a effectué en cours d’études des stages en entreprise. Ils identifient davantage sa formation et son niveau de connaissance, ses compétences et comment l’intégrer dans leur grille salariale.

À l’inverse, les employeurs estiment manquer de visibilité quant à la formation des docteurs formés à l’université. Cette absence de reconnaissance du titre de docteur dans le monde économique est bien une particularité française. Alors que le doctorat permet d’accéder aux principales fonctions d’encadrement à l’étranger, le titre d’ingénieur demeure en France la voie quasi exclusive d’accès aux plus hauts postes dans le secteur industriel, y compris dans les fonctions de recherche.

Cette absence de docteurs en entreprises, regrettée par tous les interlocuteurs du rapporteur avis, outre qu’elle prive les entreprises de compétences précieuses, explique peut-être ce peu d’appétence de nombre d’entreprises françaises pour la technologie. De fait, le faible niveau de la R & D des entreprises françaises, malgré les nombreuses incitations fiscales, est préoccupante pour la valorisation car la production de connaissances ne peut engendrer une augmentation de l’innovation, de la croissance et de l’emploi que si les entreprises sont capables d’exploiter les inventions issues de la recherche publique. Comment expliquer cette faiblesse de la R & D en France, et plus généralement en Europe ? Plusieurs études (10) avancent l’importance de la structure sectorielle des économies (l’informatique ou les biotechnologies sont des activités intensives en R & D), l’intensité de la concurrence et le renouvellement de la population des entreprises (la moitié de la R & D des entreprises aux États-Unis en 2005 était le fait d’entreprises qui n’existaient pas 25 ans auparavant). Voilà autant d’éléments qui ne sauraient trouver de réponse que grâce à des stratégies coordonnées au niveau européen.

D. MUTUALISER LES SERVICES POUR CRÉER UNE VÉRITABLE DYNAMIQUE EN FAVEUR DE LA VALORISATION

Le rapporteur pour avis a acquis la conviction que les services de valorisation devaient bénéficier aujourd’hui d’un engagement fort des pouvoirs publics en leur faveur afin de les inscrire définitivement dans le paysage de la recherche publique.

Les multiples initiatives prises en faveur de l’innovation depuis une décennie ont mis à disposition un grand nombre d’outils qu’il s’agit désormais de fédérer par une stratégie coordonnée au niveau national. Pour cela, l’Etat doit être capable de mobiliser d’importants moyens pour amorcer une véritable dynamique en faveur de la valorisation.

Dans un premier temps, il est indispensable de régler la question des droits de propriété intellectuelle afin d’aller vers un propriétaire unique, capable d’élaborer une véritable stratégie de gestion de portefeuille.

Dans un second temps, lutter contre l’émiettement des services de valorisation par la mise en place de services mutualisés à la taille critique suffisante est fondamental pour amorcer une dynamique.

Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a été à l’initiative d’un intéressant appel à projets pour la mutualisation des dispositifs de transfert de technologie, financé par l’ANR. Cet appel à projets avait rencontré un vif succès (27 réponses déposées) et le comité de sélection avait retenu 14 projets, pour leur faire bénéficier d’un soutien global de 12,4 millions d’euros sur trois ans. Les dispositifs représentaient un total de 100 équivalents temps plein et concernaient 47 000 chercheurs venant de 45 universités et d’environ 40 grandes écoles.

Deux ans après le lancement des 14 dispositifs, la direction générale de la recherche et de l’innovation du ministère a conduit, en décembre 2007, un travail d’évaluation, en collaboration avec le cabinet CM International. L’objectif était de mesurer le degré de mutualisation effectivement atteint entre les partenaires et l’analyse des conditions de pérennisation des dispositifs. Les résultats présentés par CM International sont plutôt encourageants :

« La dotation initiale de l’ANR (4,5 millions d’euros en 2006 et 4 millions en 2007) a eu un important effet de levier puisque elle a contribué à mobiliser, sur la seule année 2007, 4,7 millions d’euros des autres acteurs de l’innovation et 4,5 millions d’euros des établissements membres soit un budget consolidé de 13,4 millions d’euros ».

« Les premiers résultats concrets peuvent être observés : 628 projets innovants ont été détectés, 285 projets ont été accompagnés en maturation, donnant lieu à 44 transferts (à la date d’observation).

« Un réel mouvement de mutualisation a été engagé avec la fusion de cinq structures de valorisation et deux en cours, la mise en place d’outils mutualisés et la structuration des activités de valorisation allant de la mise en place, pour certains dispositifs, d’une politique commune de gestion de la propriété intellectuelle.

« Les dispositifs sont majoritairement insérés dans les processus de professionnalisation de la valorisation à travers l’acquisition de compétences pointues, la mise en place de processus qualité ou d’évaluation, le développement d’outils de professionnalisation de la maturation.

« Ils sont ainsi en voie de prouver la pertinence de cette logique de mutualisation afin de créer à proximité des chercheurs des services régionaux de valorisation compétents et d’une organisation professionnelle ».

Le rapport de CM International a conclu à la nécessité de « généraliser cette expérimentation à l’ensemble du territoire et d’amplifier les financements en les adaptant aux stades de développement de chacun, avec une dotation annuelle pour 2009 de 20 millions d’euros finançant le développement des 14 dispositifs existants et le lancement de 10 nouveaux dispositifs. »

Etendre le dispositif à l’ensemble du territoire devrait en effet permettre l’émergence d’offices mutualisés d’une taille critique suffisante à l’accomplissement de l’ensemble de leurs missions. Le niveau naturel de mutualisation devrait être celui des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, au nombre de neuf actuellement, et donc l’activité rayonne à l’échelle d’une région. La mise en place au niveau régional de services à la taille critique suffisante pour réunir des compétences pointues en grand nombre, indispensables pour les activités de gestion, de consolidation et de défense d’un ensemble cohérent de titres de propriété intellectuelle, n’excluraient pas la présence d’équipes au niveau de chaque établissement, au plus près des équipes de recherche.

En tout état de cause, cette mutualisation doit procéder à une véritable fusion des services existants et ne pas contribuer à instaurer un échelon administratif supplémentaire. Par ailleurs, après la phase d’amorçage, le dispositif doit pouvoir s’accompagner de financements pérennes. Le rapport Attali sur la libération de la croissance française suggérait ainsi d’imposer aux établissements d’enseignement supérieur et organismes de recherche de consacrer à la valorisation de la recherche 10 % de leur budget récurrent.

Pour conclure, le rapporteur pour avis souhaite insister sur le fait que c’est en dotant la recherche publique de services de valorisation professionnalisés, d’une envergure suffisante et bénéficiant d’une réelle visibilité que la société dans son ensemble pourra pleinement tirer profit de l’ambitieux programme de rationalisation de notre système d’enseignement supérieur et de recherche entrepris par le gouvernement.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine pour avis, sur le rapport de M. Olivier Jardé, les crédits pour 2009 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (programmes de la recherche) au cours de sa séance du 28 octobre 2008.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)

Un débat suit l’exposé du rapporteur.

M. le président Pierre Méhaignerie. Cette « culture de la valorisation » est effectivement indispensable. Comme le montre le présent avis, le Centre national pour la recherche scientifique (CNRS) et les universités n’engendrent que 24 % des contrats de recherche. À l’évidence, il convient de renforcer les formes de partenariat entre secteur public et secteur privé. On peut déplorer que les contraintes idéologiques soient parfois trop fortes.

M. Bernard Perrut. Ce budget pour 2009 nous satisfait. Quelques observations doivent cependant être faites.

D’une part, s’agissant du crédit impôt recherche, la réforme de 2008 a indéniablement favorisé la politique de soutien à la recherche en général et à la recherche dans le domaine aéronautique en particulier. La recherche dans le secteur privé bénéficie ainsi d’un accompagnement sans précédent. Dans le même temps, dans cette période économiquement difficile, comment ne pas craindre ne serait-ce qu’une stagnation de cet effort, stagnation qui porterait atteinte aux politiques de recherche menées par les entreprises ?

D’autre part, de nombreux chercheurs français partent aujourd’hui à l’étranger. De quelle manière favoriser leur retour en France, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé ? La ministre en charge de la recherche a évoqué récemment les programmes mis en œuvre par l’Agence nationale de la recherche (ANR), notamment en faveur du développement des post-doctorats : en pratique, quels moyens y seront-ils affectés ? De manière plus générale, comment resserrer les liens entre universités et organismes de recherche ?

Mme Cécile Gallez. Quels sont les moyens affectés aujourd’hui à la recherche médicale pour la lutte contre le cancer, le sida ou la maladie d’Alzheimer ?

M. le rapporteur pour avis. S’agissant de la lutte contre la maladie d’Alzheimer, ces moyens s’élèvent à 8,9 millions d’euros. Il est en revanche plus difficile de chiffrer précisément les moyens alloués à la lutte contre le sida ou le cancer, les moyens étant répartis entre plusieurs dispositifs.

M. le président Pierre Méhaignerie. De même, il serait intéressant de connaître le montant des crédits alloués en faveur de la recherche pour la mise au point d’un cœur artificiel, par exemple pour ce qui concerne les travaux menés par le professeur Carpentier.

M. le rapporteur pour avis. En l’espèce, il s’agit d’un partenariat liant universités, organismes de recherche et entreprises privées.

S’agissant de l’évolution des dépenses de recherche des entreprises, celles-ci sont naturellement liées à la conjoncture : la diminution des investissements des entreprises se traduit souvent par une baisse des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt recherche.

Pour ce qui est des départs des chercheurs français pour l’étranger, on peut d’abord y voir un témoignage positif de la qualité de leur formation. En outre, une expérience internationale peut être une bonne chose : certains internes en médecine, formés aujourd’hui au seul plan régional, auraient ainsi tout à y gagner. Mais il est vrai que si ces départs ne sont pas temporaires, cela pose des difficultés. Il nous faut donc nous interroger sur la question des rémunérations des chercheurs en France ainsi que sur celle de la valeur des laboratoires et des conditions de travail. Il est peut-être possible d’accepter de gagner moins si les conditions de travail sont favorables, comme l’atteste l’exemple récent d’un de mes collaborateurs revenu d’Angleterre.

M. Benoist Apparu. De fait, les départs à l’étranger ne sont pas forcément dramatiques, bien au contraire. Mais il faut mener une réflexion en termes de solde également : qu’en est-il de la capacité française à attirer des chercheurs étrangers ?

M. le rapporteur pour avis. Les départs pour l’étranger correspondent à une tendance assez récente mais nous manquons d’éléments pour mesurer précisément ce solde.

Pour ce qui concerne les liens entre les universités et les centres de recherche, j’ai toujours été un défenseur du développement de la recherche à l’université et de la promotion d’une coopération intense entre les deux types d’établissements.

M. Régis Juanico. Dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2009 sont prévus plus de 600 millions d’euros au titre du crédit d’impôt recherche. Outre le fait que ce montant peut être considéré comme gonflant artificiellement les crédits budgétaires et qu’il est constitutif d’une niche fiscale, il serait important d’évaluer l’impact de ce dispositif. A-t-il été efficace pour l’année 2008 ? Les prévisions établies il y a un an se sont-elles révélées fondées ? La Cour des comptes a en effet récemment émis des réserves sur l’efficacité du crédit d’impôt recherche.

M. André Vézinet. En tant qu’ancien directeur d’un organisme de recherche, j’ai connu une première vague de départs des chercheurs français pour l’étranger, notamment les États-Unis, mais ces séjours ne duraient jamais plus d’une ou deux années. Il en va différemment aujourd’hui, la France laissant partir des prix Nobel. En outre, il faut être réaliste : les retours sont parfois liés à une expiration de la durée de validité des visas.

M. le rapporteur pour avis. Il est difficile d’évaluer précisément l’impact du crédit d’impôt recherche sur les dépenses de recherche des entreprises : le rapport annuel au Parlement effectué sur ce point par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche vous apportera néanmoins un certain nombre d’éléments. Par ailleurs, je partage votre sentiment sur la nécessité d’effectuer une étude sur le solde des départs des chercheurs français à l’étranger et des arrivées des chercheurs étrangers en France. Il me semble, cependant, que contrairement à la situation qui prévalait il y a quinze ans, de plus en plus de chercheurs étrangers viennent en France.

M. le président Pierre Méhaignerie. Qu’est-il ressorti de l’entretien du rapporteur avec le président du collectif « Sauvons la recherche » ?

Par ailleurs, la multiplicité des structures de diffusion nuit à la valorisation de la recherche. Dans le Bade-Wurtemberg, il existe une seule structure de valorisation ; l’entreprise qui souhaite déposer des brevets n’a donc qu’à se tourner vers cet interlocuteur unique. À l’inverse, dans ma propre région, une entreprise est perdue dans l’océan des structures qu’elle doit approcher pour valoriser les résultats de sa politique de recherche.

M. le rapporteur pour avis. Il faut plus de mutualisation et plus de structuration des organes de valorisation de la recherche même si cela ne doit pas nécessairement aller jusqu’à prévoir un numéro de téléphone unique. Quant au collectif « Sauvons la recherche », son point de vue sur les questions de valorisation n’est pas si éloigné du mien.

Article 35

État B

La Commission est saisie d’un amendement du rapporteur pour avis, tendant à transférer à l’action n° 1 du programme 172 dix millions d’euros de crédits afin d’étendre, à l’ensemble du territoire, le dispositif de l’appel à projets de mutualisation des offices de transfert de technologie lancé en 2005 par l’Agence nationale de la recherche.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à lutter contre l’émiettement des structures de valorisation en encourageant leur mutualisation à l’échelle du territoire.

M. le président Pierre Méhaignerie. Entre les chambres de commerce et d’industrie et les structures régionales, on reste dans un dispositif trop éclaté.

M. Benoist Apparu. Je ne suis pas convaincu par l’opportunité de cet amendement. Il est certain que notre dispositif de valorisation de la recherche souffre d’un empilement, d’un éclatement, voire d’un océan des structures. Cependant, je ne suis pas sûr que le transfert proposé de dix millions d’euros soit efficace : le dispositif existant nécessite d’abord d’être réorganisé. De plus, ces crédits sont retirés du programme de recherche dans le domaine des transports, de l’équipement et de l’habitat. Or ils sont destinés à mettre en œuvre des mesures issues du Grenelle de l’environnement. Enfin, je crois savoir que le Gouvernement n’est pas excessivement favorable à l’adoption de cet amendement.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est avant tout un amendement d’appel.

La Commission rejette cet amendement.

Article additionnel après l’article 46

Extension du bénéfice du doublement crédit impôt recherche aux travaux confiés aux dispositifs de mutualisation de la recherche
et de l’enseignement supérieur

La Commission est saisie d’un amendement du rapporteur pour avis tendant à modifier le code général des impôts, afin que les entreprises qui confient leurs travaux de recherche aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) et aux réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) puissent bénéficier de la prise en compte pour le double de leur montant des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt recherche.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement va permettre de regrouper les activités de recherche contractuelle au niveau des structures mutualisées mises en place par la loi de programme sur la recherche de 2006.

La Commission adopte cet amendement.

*

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2009 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (programmes de la recherche).

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Service de valorisation de l’école des Mines de Paris – ARMINES – M. Pascal Iris, directeur, président-directeur général de TRANSVALOR

Ø Les entreprises du médicament (LEEM) – M. Christian Lajoux, président, M. Bernard Lemoine, vice président, M. Claude Bougé, directeur général-adjoint, Mme Catherine Lassale, directrice des affaires scientifiques, pharmaceutiques et médicales, et Mme Aline Bessis, directrice en charge des affaires publiques

Ø Agence nationale pour la recherche (ANR) – Mme Jacqueline Lecourtier, directrice générale, et M. Ludovic Valardier, responsable du département partenariat et compétitivité

Ø Service de valorisation de l’Université Paris VII Diderot – Mme Laurence Le Texier, directrice de Diderot Valorisation

Ø Institut national de la recherche agronomique (INRA) – M. Philippe Lenée, directeur d’INRA Transfert, et M. Gérard Jacquin, directeur de la valorisation de l’INRA

Ø UnivSud Paris – M. Xavier Chapuisat, président, et Mme Claudine Laurent, coordinatrice de la recherche

Ø Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) – M. Jean-François Dhainaut, président

Ø Sauvons la recherche – M. Bertrand Monthubert, président, Mme Isabelle This Saint Jean, vice-présidente, et M. Henri Audier

Ø Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) – M. Thierry Damerval, directeur-général adjoint, et M. Victor Demaria-Pesce, chargé des relations avec les Parlements français et européens

© Assemblée nationale

1 () Recherche et innovation en France : surmonter nos handicaps au service de la croissance, rapport d'information n°392 de MM. Joseph Kergueris et Claude Saunier, fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, juin 2008 ; Des labos aux marchés : en finir avec le gâchis français, note de l’Institut Montaigne, juin 2007 ; Rapport n°2006-M-016-01 sur la valorisation de la recherche de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, sous la supervision d’Henri Guillaume, janvier 2007 ; rapport d’information du Sénat fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes de la Nation sur la valorisation de la recherche dans les universités, par M. Philippe Adnot, 10 mai 2006.

2 () Cité dans le rapport d’information n° 1998 de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales présenté par M. Jean-Pierre Door, décembre 2004.

3 () Rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes de la Nation sur la valorisation de la recherche dans les universités, par M. Philippe Adnot, 10 mai 2006.

4 () Rapport sur « La valorisation de la recherche dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) », 1997.

5 () Les activités de recherche contractuelle et de transfert de technologie dans les établissements français d’enseignement supérieur, rapport établi par le bureau d’économie théorique appliquée (BETA) en coordination avec la CPU, le CDEFI et le Réseau Curie, janvier 2008.

6 () Cour des comptes, rapport public thématique intitulé « La gestion de la recherche publique dans les sciences du vivant » de mars 2007.

7 () Vers un partenariat renouvelé entre organismes de recherche, universités et grandes écoles, 14 avril 2008.

8 () Rapport d’information n°442 au nom de la délégation du Sénat pour la planification sur le défi des classements dans l’enseignement supérieur, 2 juillet 2008.

9 () Rapport relatif au statut et aux conditions de travail des jeunes chercheurs et des jeunes enseignants-chercheurs, 30 septembre 2007.

10 () Recherche et entreprenariat : repenser l’innovation en Europe, conférence présidence française de l’Union européenne, Toulouse, 7-9 juillet 2008.