Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF

N° 1202

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2009 (n° 1127)

TOME VI

DÉFENSE

ÉQUIPEMENT DES FORCES

PAR M. François CORNUT-GENTILLE,

Député.

——

Voir le numéro : 1198 (annexe n° 10)

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : RETOUR SUR LES ÉVÉNEMENTS MARQUANTS DE 2008 POUR COMPRENDRE LES ENJEUX DES ÉQUIPEMENTS MILITAIRES 9

I. —  L’ADÉQUATION DES ÉQUIPEMENTS AUX BESOINS OPÉRATIONNELS : UNE ADAPTATION PERMANENTE À ENCADRER 12

A. LE COMBATTANT N’ÉTANT PAS MAÎTRE DE SON ÉQUIPEMENT, LE RETEX ET LA VALIDATION OPÉRATIONNELLE EN SONT PLUS CRUCIAUX 13

B. L’ADAPTATION RÉACTIVE, UNE PROCÉDURE DÉROGATOIRE POUR RÉPONDRE À UN BESOIN OPÉRATIONNEL URGENT 14

C. UNE PROCÉDURE DÉROGATOIRE QUI SOULÈVE DES INTERROGATIONS SUR LA GOUVERNANCE DU PROGRAMME 146 19

II. —  LE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE, FACTEUR DÉCISIF DE LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS EN OPÉRATION 22

A. UNE CHARGE FINANCIÈRE INCONTOURNABLE 22

B. UNE IMPORTANCE STRATÉGIQUE IDENTIFIÉE MAIS INSUFFISAMMENT RECONNUE 24

DEUXIÈME PARTIE : UN NOUVEAU CONTEXTE STRATÉGIQUE ET ORGANIQUE POUR LES PROGRAMMES D’ARMEMENT 29

I. —  UN NOUVEAU CADRE STRATÉGIQUE 29

A. LE COMITÉ MINISTÉRIEL D’INVESTISSEMENT 30

B. LA PRIORITÉ DONNÉE AU CADRE EUROPÉEN 32

1. Les programmes en coopération 33

2. Des supports institutionnels perfectibles 35

II. —  L’IMPACT DE LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES SUR LES PROGRAMMES D’ÉQUIPEMENT 36

A. UNE ÉQUATION BUDGÉTAIRE FRAGILISÉE PAR LA CRISE FINANCIÈRE 37

B. LA RÉFORME DE LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE POUR L’ARMEMENT 38

C. LA RÉFORME DES ARMÉES 39

III. —  UN NOUVEAU CADRE PLURIANNUEL 41

A. UN CADRE BUDGÉTAIRE TOUJOURS INSATISFAISANT 41

B. UNE NOUVELLE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES 42

C. LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE À VENIR 43

TROISIÈME PARTIE : L’ÉVOLUTION CONTRASTÉE DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT EN 2009 45

I. —  DES CRÉDITS EN AUGMENTATION MALGRÉ UN DÉCALAGE CROISSANT ENTRE LES AE ET LES CP 45

A. L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT 45

B. UN DÉCALAGE CROISSANT ENTRE LES AE ET LES CP 45

C. LES CRÉDITS DÉDIÉS AU MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE 47

II. —  LES GRANDS PROGRAMMES D’ARMEMENT 49

A. LES COMMANDES ET LIVRAISONS PRÉVUES EN 2009 49

B. LA DISSUASION 49

1. Des crédits en hausse 49

2. Les ravitailleurs en vol, un support indissociable de la composante aérienne en difficulté 50

C. LES ÉQUIPEMENTS DE L’ARMÉE DE TERRE 51

D. LES ÉQUIPEMENTS DE L’ARMÉE DE L’AIR 53

E. LES ÉQUIPEMENTS DE LA MARINE NATIONALE 54

F. L’ENJEU DES EXPORTATIONS 56

TRAVAUX DE LA COMMISSION 59

I. —  AUDITION DE M. HERVÉ MORIN, MINISTRE DE LA DÉFENSE 59

II. —  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-LOUIS GEORGELIN, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES 75

III. —  AUDITION DE M. LAURENT COLLET-BILLON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT 89

IV. —  EXAMEN DES CRÉDITS 105

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 107

INTRODUCTION

Le bilan de l’année 2008 du ministère de la défense est particulièrement chargé. En termes d’activité, la présence des militaires français s’est accrue et intensifiée sur plusieurs théâtres d’opération majeurs. La France doit déplorer la perte de plusieurs de ses hommes, tombés au combat. L’opinion publique a pris brutalement conscience des dangers auxquels de jeunes Français s’exposent, parfois à plusieurs milliers de kilomètres de la métropole, pour mener à bien leur mission.

Dans le même temps, plusieurs exercices de cadrage et de planification ont été menés : le Livre blanc, la revue générale des politiques publiques et, tout récemment, la loi de programmation militaire pour la période 2009-2014.

Ces faits et actes ont un impact direct sur le fonctionnement du ministère de la défense ainsi que sur sa gestion, notamment pour les équipements des forces. C’est pourquoi ce rapport y consacre de longs développements.

Les conflits de haute intensité dans lesquels la France est engagée ont accru le recours à la procédure dérogatoire d’acquisition pour urgence opérationnelle (près de 100 millions d’euros en 2008). Cette procédure, révélatrice des besoins des forces et des éventuelles inadéquations des équipements commandés aux réalités du terrain, doit faire l’objet d’un débat et d’une mise en perspective au sein du Parlement. De même, les procédures de validation opérationnelles, indispensables pour la sécurité des personnels, doivent être améliorées pour garantir à la fois la rigueur de l’évaluation mais aussi une plus grande réactivité lorsque le besoin de l’équipement se fait pressant dans le cadre d’opérations majeures. Sur ces deux procédures, l’objectif n’est pas de s’engager à faire une évaluation tardive d’équipements commandés il y plusieurs années mais d’appeler à une plus grande adaptabilité et à une plus grande réactivité imposées par la nature imprévisible des menaces auxquelles la France doit faire face.

2009 sera la première annuité de la nouvelle loi de programmation militaire, dont la date tardive de dépôt à l’Assemblée nationale n’a pas permis d’intégrer les principaux éléments dans ce rapport. Cet exercice budgétaire dépend également de la bonne mise en oeuvre des premières mesures de la révision générale des politiques publiques et du nouveau Livre blanc. Mais le nouvel environnement économique et financier ne sera pas sans conséquence sur l’équilibre général de la réforme, et donc sur les ressources budgétaires mises à disposition du ministère de la défense pour équiper les forces, alors que les besoins opérationnels sont croissants.

C’est donc dans ce contexte très particulier que ce rapport analyse les crédits 2009 pour l’équipement des forces du ministère de la défense s’élevant, en autorisations d’engagement, à 20,9 milliards d’euros et, en crédits de paiement, à 12,2 milliards d’euros.

La question du financement des opérations extérieures demeure centrale : les crédits d’équipement sont traditionnellement ponctionnés pour couvrir le surcoût des interventions des armées françaises hors de nos frontières. Si cette situation perdure alors que le surcoût pour 2008 est estimé à 900 millions d’euros, c’est l’ensemble de l’architecture budgétaire des crédits d’équipement et donc la pertinence de ce rapport qui seraient remis en question.

Ce problème de la budgétisation des OPEX n’est pas récent. Une prise de conscience a permis d’en améliorer la prise en compte dans la loi de finances initiale mais de façon encore trop partielle. Cette avancée correspondait à une exigence de sincérité budgétaire qui subsiste plus que jamais aujourd’hui. Mais bien plus qu’un simple souci budgétaire, elle doit permettre d’indiquer sans ambiguïté la détermination de la France à mener les opérations à haute intensité dans lesquelles elle est engagée et la priorité absolue donnée aux équipements dans ce contexte.

Principales recommandations du rapporteur

§ Renforcer le contrôle du Parlement dans le recours à la procédure dérogatoire d’acquisition pour urgence opérationnelle, notamment dans le cadre d’une évaluation de l’adéquation des programmes engagés aux réalités du terrain.

§ Moderniser les procédures de validation opérationnelle pour garantir à la fois la rigueur de leur évaluation mais aussi leur plus grande réactivité lorsque le besoin de l’équipement se fait pressant dans le cadre d’opérations majeures.

§ Intégrer l’impact de la crise économique et financière sur l’équilibre général de la réforme du ministère de la défense, et donc sur les ressources budgétaires mises à sa disposition pour équiper les forces

§ Clarifier le financement des OPEX pour préserver les crédits d’équipement traditionnellement ponctionnés

§ Moderniser la gestion des ressources humaines dans l’ensemble du ministère, notamment en ce qui concerne le MCO pour ne pas perdre en termes de compétences.

§ Repenser la gouvernance du programme 146, sans craindre de remettre en question le copilotage actuel.

§ Mieux identifier les responsabilités respectives de l’Agence européenne de défense, de l’OCCAR et des États dans la mise en œuvre des programmes d’équipement en coopération.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2008, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 39 réponses étaient parvenues, soit un taux de 100 %.

PREMIÈRE PARTIE : RETOUR SUR LES ÉVÉNEMENTS MARQUANTS DE 2008 POUR COMPRENDRE LES ENJEUX DES ÉQUIPEMENTS MILITAIRES

Plusieurs opérations des forces armées françaises ont marqué l’année 2008. Certaines d’entre elles ont attiré plus particulièrement l’attention des médias et de l’opinion publique, notamment la libération des otages du voilier Le Ponant au large de la Somalie et l’embuscade du 18 août 2008 dans la vallée d’Uzbeen en Afghanistan. Les conditions d’engagement des forces sur ces deux théâtres ont donné lieu à de vifs débats, notamment en ce qui concerne les équipements.

Il n’appartient pas au rapporteur de formuler un quelconque jugement sur les options retenues pour l’engagement de nos troupes, notamment en ce qui concerne le recours ou non à tel ou tel équipement ; elles relèvent de la seule compétence, et donc de la seule responsabilité, du chef d’état-major des armées et du pouvoir exécutif.

En revanche, il lui apparaît indispensable et légitime de cerner l’ensemble des problématiques en lien avec le programme 146 « Équipement des forces », sur lequel porte le présent avis. Le rapporteur souhaite également souligner que de nombreuses opérations, tout aussi périlleuses et engageant pour certaines des moyens matériels considérables en Afghanistan, au Tchad ou ailleurs, n’ont pas donné lieu à une couverture médiatique similaire. Ce traitement différencié des opérations militaires françaises doit nous inciter à relativiser certains faits pour éviter une vision tronquée de la réalité de nos armées.

Rappel des faits

En avril dernier, au large de la Somalie, le voilier de croisière Le Ponant et ses trente occupants tombent aux mains de pirates. Ils sont libérés le 11 avril 2008, grâce à l’intervention conjointe des commandos de la marine française et du groupement d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN). Cinq mois plus tard, le 15 septembre, les mêmes commandos de marine libèrent un couple de Français dont le voilier, le Carré d’As, avait également été détourné.

Le 18 août 2008, en Afghanistan, en mission de reconnaissance dans la vallée d’Uzbeen, à une cinquantaine de kilomètres de Kaboul, une section du 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (8e RPIMa) est prise sous le feu d’insurgés. Une section d’appui du régiment de marche du Tchad (RMT) est également prise pour cible. Après de longs et denses combats, les forces françaises déplorent la perte de dix hommes (1).

Issue heureuse dans un cas, bilan dramatique dans l’autre, ces opérations particulièrement dangereuses et délicates ont fait l’objet de polémiques autour des équipements employés. Pour ce qui concerne la libération du Ponant, certains dysfonctionnements techniques ont été constatés sur plusieurs navires et moyens aéronavals : un chaland de débarquement LCVP (2) a coulé ; un avion de patrouille maritime a eu une panne de moteur l’obligeant à quitter prématurément la zone de surveillance ; les frégates déployées sur zone ont toutes connu des avaries altérant leur efficience lors de l’opération.

La polémique a été plus vive au sujet de l’embuscade afghane. De nombreux témoignages et commentaires ont souligné l’inadaptation ou l’absence de certains équipements sur le terrain, mettant l’accent sur le fait que les soldats déployés achètent des équipements complémentaires sur leurs fonds propres. Outre les questions relatives à l’équipement du fantassin, un large débat s’est ouvert sur l’absence des hélicoptères Tigre ou la protection du tireur sur le véhicule de l’avant blindé (VAB).

Sans prétendre répondre à l’ensemble des questions, ni clore le débat, le rapporteur souhaite tirer de premiers enseignements de ces dramatiques événements afin d’améliorer la gouvernance et l’efficacité du programme 146.

Les principaux matériels déployés en opérations intérieures et extérieures

● Les opérations extérieures

À ce jour, les armées françaises engagent quelque 12 500 personnels en opérations extérieures. Cinq opérations concentrent plus de 90 % des efforts avec 3 300 militaires en Afghanistan, 3 000 au Tchad, 2 000 en Côte-d’Ivoire ou au Kosovo et 1 600 au Liban. La répartition des équipements n’est pas exactement similaire à celle des effectifs, la nature des théâtres justifiant que les forces disposent de matériels spécifiques. En Afghanistan, le relief et l’intensité des combats imposent par exemple de disposer de véhicules blindés mais aussi de moyens aériens conséquents. À l’inverse, des moyens plus légers, comme les véhicules de liaison tous terrains, sont prioritairement affectés au Tchad ou en Côte-d’Ivoire, où le terrain ne nécessite pas forcément de recourir à l’hélicoptère. De même, les véhicules blindés sont principalement utilisés là où les combats sont, effectivement ou potentiellement, plus intenses. Le tableau suivant récapitule les principaux matériels de l’armée de terre déployés en opérations extérieures en 2008.

Principaux matériels de l’armée de terre déployés en opérations extérieures en 2008

Centrafrique

Kosovo

Afghanistan

Tchad (1)

Côte-d’Ivoire

Liban

TOTAL

VLTT (2)

13

253

41

209

198

117

831

VBL (3)

56

153

36

45

290

Sagaie (4)

12

12

24

Véhicules de combat (type AMX)

17

51

68

VAB (5)

5

71

323

40

77

65

581

Camionnette

11

72

33

50

126

17

309

Camion

6

131

39

220

129

161

686

Hélicoptère lourd

3

8

9

20

Hélicoptère léger

2

4

9

15

Engins du génie

2

11

19

13

14

13

72

Armes antichar

7

26

32

17

21

14

117

Canon 20 mm

18

6

6

16

43

89

Mortiers (120 ou 81) 120

4

2

8

10

4

28

Groupe électrogène

1

75

36

27

71

68

278

TOTAL

49

737

690

616

718

598

3 408

(1) Opérations Épervier et EUFOR.

(2) Véhicule de liaison tous terrains.

(3) Véhicule blindé léger.

(4) Engin de reconnaissance à canon de 90 mm.

(5) Véhicule de l’avant blindé.

Source : ministère de la défense.

● Les opérations intérieures

Les forces armées sont également appelées à intervenir sur le territoire national en appui des forces de protection et de sécurité. Trois opérations intérieures illustrent bien cet engagement : le plan Vigipirate, la lutte contre les incendies de forêt et la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane. Dans le cadre du plan Vigipirate, plus de 1 000 militaires sont engagés en permanence dans le dispositif, tant en métropole que dans les territoires et collectivités d’Outre-mer. En 2008, l’opération Héphaïstos de lutte contre les incendies de forêt a mobilisé 300 militaires, 140 véhicules et trois hélicoptères. Pour les hélicoptères, le programme prévoit que l’armée de terre met, chaque année, à la disposition des pompiers une capacité de vol de 270 heures du 2 juin au 10 septembre. L’opération Harpie de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane repose très largement sur des moyens militaires. Depuis février 2008, les appareils des armées ont volé 600 heures et transporté, par hélicoptères et CASA (3), 2 400 passagers et 280 tonnes de fret et, en pirogue, 4 700 personnes et 450 tonnes de fret.

Il convient également de souligner que les équipements des armées mobilisent une part conséquente de leurs moyens dans le cadre de la posture permanente de sûreté. L’escadron d’hélicoptères 3/67 « Parisis » assure par exemple la surveillance et la protection de l’espace aérien de l’Île-de-France contre toute intrusion d’appareils évoluant à faible ou moyenne vitesse. De même, le groupement interarmées d’hélicoptères (GIH) prend à sa charge la projection des unités du GIGN. Il dispose pour cela de six hélicoptères, quatre de l’armée de terre et deux de l’armée de l’air. Ces deux unités doivent maintenir une disponibilité opérationnelle élevée de leurs appareils qui peuvent être engagés à tout instant.

I. —  L’ADÉQUATION DES ÉQUIPEMENTS AUX BESOINS OPÉRATIONNELS : UNE ADAPTATION PERMANENTE À ENCADRER

Plusieurs observateurs présents en Afghanistan ont constaté que les fantassins français avaient acquis sur leurs fonds propres des équipements complétant leur dotation officielle (bouchons d’oreilles, chasubles britanniques, porte-chargeurs américains). De même, au cours des différentes missions menées par les forces françaises, la faiblesse de la position du tireur des véhicules de l’avant blindés a été identifiée. Enfin, en l’absence de validation opérationnelle, les hélicoptères Tigre n’ont pas été déployés en Afghanistan, suscitant de vives critiques, notamment au sein de la commission de la défense.

Ces faits, sans lien entre eux, posent cependant la question de l’adéquation entre les équipements dont nos armées sont dotées et les besoins en opérations. Les programmes d’équipement obéissent à un cycle pluriannuel très long, peu compatible avec l’urgence opérationnelle qui exige une réponse rapide pour la sécurité des hommes et la réussite de la mission.

A. LE COMBATTANT N’ÉTANT PAS MAÎTRE DE SON ÉQUIPEMENT, LE RETEX ET LA VALIDATION OPÉRATIONNELLE EN SONT PLUS CRUCIAUX

Confronté à un environnement imprévu, à des difficultés non anticipées, le combattant peut être fortement tenté d’adapter les qualités et l’usage de son équipement au théâtre d’opération. Dans une situation de crise aiguë, le fait de ne pouvoir modifier cet armement fragilise psychologiquement le combattant et donc l’expose encore plus à la menace.

Interrogé le 10 septembre 2008 par la commission sur ce point, le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, a précisé qu’« il s’agit d’une faute de commandement : un chef militaire n’a pas le droit de laisser un soldat qui est sous ses ordres acheter un équipement au prétexte qu’il le trouve meilleur que celui que lui procure la République. Le commandement doit imposer aux soldats le port de l’uniforme, au sens large, ce qui inclut l’équipement : il s’agit d’une des bases de la discipline. Aussi ai-je demandé au chef d’état-major de l’armée de terre de faire cesser ces achats à titre privé. S’il existe un équipement jugé intéressant, le commandement doit en tenir compte. ».

La personnalisation des équipements n’est pas sans conséquence pour le commandement : pour définir une stratégie, une tactique, pour donner des ordres, le commandement doit savoir ce dont il dispose en termes de capacité militaire. Si ces capacités sont modifiées par chaque combattant, le commandement risque d’opérer des choix théoriquement logiques mais inapplicables en pratique. Cet aspect est d’autant plus crucial que la majeure partie des opérations est réalisée dans le cadre de coalition. L’interopérabilité des forces et de leur matériel exige une stabilité. Or, si des unités décident de modifier unilatéralement leur équipement, elles mettent en péril la cohérence de la coalition. Enfin, un usage dévoyé de l’armement peut exposer son utilisateur à un risque plus élevé que celui auquel il est confronté.

De tels agissements doivent inciter à améliorer le retour d’expérience (Retex) en ce qui concerne les équipements. Si le Retex est une tradition en matière tactique, il se révèle plus difficile à imposer pour les équipements. L’amélioration du dialogue entre les armées, la délégation générale pour l’armement (DGA) et l’industriel doit notamment porter sur ce point. Faut-il pour autant une présence permanente d’ingénieurs de l’armement sur les théâtres d’opérations pour assurer ce Retex ?

De même, la procédure de validation opérationnelle des équipements avant leur projection sur un théâtre extérieur doit être améliorée. Le débat ouvert durant l’été 2008 a mis l’accent sur l’impossible déploiement de certains équipements, faute de validation opérationnelle, l’exemple le plus significatif étant probablement l’hélicoptère Tigre. Depuis 2005, 15 hélicoptères Tigre HAP (4) ont été livrés à la France. Sa validation opérationnelle, préalable indispensable à toute projection sur un théâtre d’opération, est en cours.

Lors du point de presse du ministère de la défense du 4 septembre 2008, il a été souligné que « le Tigre est un hélicoptère extrêmement compliqué, sophistiqué, c’est un véritable système d’armes à lui seul, ce n’est pas simplement un engin qui vole. Et donc son efficacité dépend évidemment de la façon dont il est servi. Donc l’engager nécessite qu’il soit validé opérationnellement […]. Et si on veut faire par exemple avec l’hélicoptère Tigre du tir au voisinage des troupes amies, donc ça nécessite extrêmement de précision, de connaissances des systèmes d’armes à l’intérieur, il faut pouvoir les avoir validées dans les camps, avoir tiré avant, et c’est ce qui est en train de se faire avec le Tigre ».

Le rapporteur souligne cependant que les délais entre la première livraison et la validation définitive apparaissent particulièrement longs : si cette durée exceptionnelle est due uniquement aux procédures de validation, leur réforme s’impose manifestement.

Si la question a été soulevée pour le Tigre, elle l’a été également pour le FELIN et le véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI). Le 24 juillet 2008, un mois avant l’embuscade en Afghanistan, le général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre, déclarait devant la presse : « si le besoin opérationnel est justifié, nous engagerons des VBCI dès lors que la mise en service opérationnelle aura été prononcée. Il ne s’agit pas de projeter des VBCI, il s’agit de projeter des unités d’infanterie aptes à servir et à combattre en VBCI, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Ils peuvent être tous sortis d’usine, si les gens qui les ont ne savent pas s’en servir ou n’ont pas acquis tous les automatismes qui vont bien, on prend quand même un risque.»

La décision de projeter un équipement en Afghanistan incombe au chef d’état-major des armées qui prend en compte les aspects techniques, tactiques et de sécurité des hommes. Or, la complexité croissante des équipements, des systèmes d’armes, ainsi que des sous-systèmes, tend à allonger les délais de validation. Dans certains cas, dont celui du FELIN à la veille de sa livraison aux forces, des débats continuent au sein des armées et du ministère de la défense sur la pertinence de l’équipement, en l’espèce sur son poids pour le fantassin, au regard de son usage en mission. N’aurait-on pas pu se poser la question plus tôt ?

B. L’ADAPTATION RÉACTIVE, UNE PROCÉDURE DÉROGATOIRE POUR RÉPONDRE À UN BESOIN OPÉRATIONNEL URGENT

Les matériels déployés souffrent parfois d’insuffisances conséquentes qui imposent de les moderniser, faute de disposer d’équipements plus adaptés. Comme l’a souligné le général Benoît Puga, alors sous-chef « opérations » à l’état-major des armées, lors d’un point presse le 28 août 2008, « l’équipement donné aux soldats dans les armées françaises, doit être valable pour faire la guerre en Afghanistan, en même temps qu’en Côte-d’Ivoire, au Tchad, au Liban. Ce qui signifie qu’il faut trouver un point commun à l’ensemble de ces matériels pour être capables de faire, dans l’urgence, face à l’ensemble des situations, et en même temps, essayer de s’adapter au mieux à la réalité du combat. »

Il n’y aura jamais d’équipement totalement adapté à tous les théâtres d’opérations sur lequel évoluent les forces. Un ajustement est toujours nécessaire. Si on peut beaucoup anticiper lors de la conception des programmes, on ne peut pas tout prévoir de leur utilisation, surtout lorsque les délais entre la conception et la mise en service des équipements les plus importants sont d’une dizaine d’années. De même, la menace à laquelle les forces armées doivent répondre évolue dans son mode opératoire, imposant en cela un ajustement permanent des équipements. C’est le cas notamment des engins explosifs improvisés (IED) aux mains des insurgés afghans et dont le montage technique évolue en fonction des dispositifs de protection adoptés par la coalition.

Les forces armées se trouvent parfois dans l’obligation de trouver des procédures dérogatoires d’équipement des forces pour adapter leurs matériels aux réalités du théâtre opérationnel. C’est le concept d’adaptation réactive qui a donné lieu à la création de la procédure dite d’acquisition pour urgence opérationnelle définie par le décret n° 2004-16 du 7 janvier 2004 pris en application de l’article 4 du code des marchés publics et concernant certains marchés publics passés pour les besoins de la défense. L’article 1er de ce décret autorise les armées à déroger aux règles ordinaires de commande et de passation des programmes d’armement établies par le code des marchés publics lorsque les marchés sont « passés pour les besoins exclusifs de la défense et mettent en cause les intérêts essentiels de l’État ». Sont principalement visés les marchés de fournitures et de services associés aux opérations en cours ainsi que « les marchés de travaux directement liés à la réalisation, l’emploi, le maintien en condition opérationnelle et l’évaluation des armes, munitions et matériels de guerre ».

Cette procédure, simplifiée mais juridiquement encadrée, permet donc d’acheter de petits équipements, de modifier à la marge des matériels existants, mais aussi de procéder à de plus lourds investissements lorsque les matériels en cours de développement ne sont pas encore entrés en service et qu’il existe des équipements immédiatement disponibles sur le marché de l’armement. Même si cette démarche permet de réduire le délai de conception et de livraison, elle peut générer des surcoûts par rapport à une procédure normale, la marge de négociation étant très faible compte tenu de l’urgence.

Avant même l’embuscade du 18 août 2008, est apparue la nécessité de renforcer la protection du tireur des véhicules de l’avant blindés par l’ajout d’un tourelleau au véhicule. Le 28 mai 2008, devant la commission, le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, déclarait que « dans l’attente de la livraison du VBCI, il a été décidé de renforcer les VAB en les dotant de tourelleaux télé-opérés dotés de mitrailleuses de 12,7 mm, lesquels devraient être mis en service en Afghanistan dans l’année ». Sans vouloir revenir sur les aléas du programme VBCI qui ont fait l’objet d’un rapport spécifique de la mission d’évaluation et de contrôle durant la précédente législature (5), l’exemple du tourelleau du VAB illustre bien les surcoûts engendrés par tout retard dans la mise en œuvre et la livraison des nouveaux équipements.

Une utilisation efficace et mesurée

À ce jour, environ 100 millions d’euros ont été engagés dans le cadre de la procédure d’urgence. Ce montant peut apparaître élevé mais il doit être comparé aux 700 millions d’euros que l’armée britannique dépense chaque année selon une méthode similaire. Ainsi, en avril 2008, au titre de l’urgence opérationnelle, l’état-major des armées a demandé à la DGA d’acquérir en « urgent opérations » des équipements pour soutenir les forces terrestres déployées en Afghanistan, principalement des protections supplémentaires pour les troupes au sol. La commande portait sur :

— 60 tourelleaux télé-opérés intégrés aux VAB ;

— 31 cabines blindées pour les camions militaires (GBC 180) ainsi que 22 camions modifiés ;

— 250 kits d’installation de brouilleurs, dix brouilleurs de forte puissance, 105 brouilleurs de moyenne puissance, 20 brouilleurs de faible puissance et 32 ensembles « leurres infrarouge et leurres massiques » ;

— cinq engins de protection américains de type Buffalo ;

— 50 postes radio américains (PRC 117) et 29 VRC 103 améliorant l’interopérabilité des troupes au sol avec les alliés.

Le 6 août 2008, selon la même procédure, l’état-major passait commande pour :

— la protection de 150 kits de protection pour des véhicules de transport logistique ;

— l’amélioration de la protection pour 50 véhicules blindés légers (VBL) contre les engins explosifs improvisés (IED) ;

— l’amélioration de la protection de 12 BV 206 (véhicule blindé à chenilles) ;

— l’amélioration de la protection du tireur sur 69 véhicules blindés ;

— l’achat de 4 000 obus de mortier éclairants pour l’amélioration de la capacité de combat de nuit ;

— l’acquisition de 20 lance-grenades automatiques et 20 000 grenades.

Pour ces deux commandes, les matériels seront livrés à la fin de l’année 2008 ou au début de l’année 2009.

L’acquisition de drones ou l’amélioration du soutien en OPEX des drones existants et en cours de livraison (SIDM) est en cours d’examen par l’état-major des armées.

La procédure d’acquisition pour urgence opérationnelle a toutefois ses limites.

Sur le plan opérationnel, elle ne permet pas de disposer immédiatement des équipements, même si elle réduit significativement les délais. Sa mise en œuvre exige toujours une mise en concurrence pour éviter tout favoritisme industriel. De même, l’industrie n’est pas nécessairement en mesure de faire face à une production en urgence. Comme le relevait, à propos de l’Afghanistan, le général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre, le 24 juillet 2008, il est possible de traiter assez vite « un certain nombre de lacunes […] en mettant en œuvre des procédures à partir du moment où est décidée l’urgence opérationnelle. Après, une fois que ce travail administratif est fait, reste la capacité industrielle. Si vous voulez 80 tourelleaux télé-opérés, personne n’est capable de vous les trouver en 48 heures ».

La délégation générale pour l’armement a notifié le 30 avril 2008 à Renault Trucks Defense (RTD) une lettre de commande pour le développement et l’intégration de 60 tourelleaux télé-opérés sur des véhicules de l’avant blindé de l’armée de terre. Les 20 premiers VAB équipés sont attendus avant la fin de l’année 2008 et les 40 suivants au début 2009. Cette lettre de commande s’élève à 20 millions d’euros et s’inscrit dans le cadre d’un marché global notifié à Renault Trucks pour plus de 500 tourelleaux. La société norvégienne Kongsberg a remporté le marché pour la fourniture de ces tourelleaux, suite à un appel d’offres international pour lequel la DGA a veillé à ce que les critères de maturité du matériel et de rapidité de livraison soient privilégiés.

Pour raccourcir encore les délais, le Conseil d’État étudie actuellement la possibilité de s’exonérer de cette mise en concurrence en cas d’urgence « extrême ». Cette option soulève cependant une importante question de compatibilité avec le droit européen.

Le Livre blanc propose, quant à lui, plusieurs pistes pour rendre les capacités d’acquisition plus réactives. Il recommande :

« — une adaptation de l’expression du besoin opérationnel davantage fondée sur le processus de « retour d’expérience » ;

— une élaboration plus rapide des concepts et des doctrines d’emploi, tirant parti des possibilités offertes par la simulation et l’expérimentation ;

— des expérimentations technologiques ciblées, visant à évaluer l’adaptation au besoin des produits ou des technologies disponibles « sur étagères » ;

— une approche par étapes, fournissant très rapidement une première capacité opérationnelle et remettant à des étapes ultérieures d’éventuels perfectionnements du système requis au vu du retour d’expérience ».

Sur le plan technique, l’acquisition d’urgence ne doit pas faire oublier l’impératif de formation des personnels et la nécessité de pouvoir assurer le maintien en condition opérationnelle. À quoi bon acheter un nouveau matériel sur étagère si, à la première panne, les armées se trouvent dans l’incapacité de le remettre en état ?

Plus généralement, elle doit inciter à une amélioration de l’expression du besoin par les forces armées lors de la définition d’un programme d’équipement, expression du besoin qui s’apparente trop souvent à une expression de la solution, pourtant de la compétence de la DGA. Elle amène également l’ensemble des autorités intéressées à s’interroger sur les conséquences opérationnelles de tout retard (budgétaire, industriel et autres) dans les programmes d’équipement.

Sur le plan juridique, il importe de justifier systématiquement du caractère d’urgence afin d’éviter sa généralisation par souci de facilité. L’urgence opérationnelle ne doit pas être mise en avant pour corriger une mauvaise anticipation ou un mauvais développement de l’équipement, mais doit correspondre à un strict besoin opérationnel auquel les matériels en présence ne peuvent apporter de réponse compte tenu des nouvelles réalités tactiques du théâtre d’opération.

C. UNE PROCÉDURE DÉROGATOIRE QUI SOULÈVE DES INTERROGATIONS SUR LA GOUVERNANCE DU PROGRAMME 146

Sur le plan budgétaire, les opérations extérieures vont occuper une part croissante dans l’activité des forces. Il est fort probable que le recours à la procédure va connaître une évolution similaire. Ceci va avoir des conséquences directes sur la gouvernance du programme 146. Le 2 juin 2008, devant la 122e promotion du centre supérieur d’enseignement de la marine, le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Bruno Cuche, affirmait vouloir, « amplifier le processus d’adaptation réactive », appelant à une accélération de l’acquisition des équipements en fonction de l’urgence opérationnelle et donc à une augmentation des moyens budgétaires alloués. Le 24 juillet 2008, son successeur, le général Elrick Irastorza, s’est inscrit dans la même ligne : « dans les pratiques héritées des situations antérieures, on inscrivait les programmes d’armement dans des durées lourdes, des durées très longues, en essayant de trouver tout de suite la bonne solution. Je pense qu’aujourd’hui, il faut qu’on parte résolument sur des séries beaucoup plus courtes qui permettent une véritable adaptation réactive ».

Actuellement, le programme 146 est placé sous la responsabilité conjointe du CEMA et du DGA, alors que la procédure d’acquisition pour urgence opérationnelle donne la primauté au CEMA. Va-t-on dès lors vers une scission du programme 146 entre les équipements majeurs cogérés comme actuellement par le CEMA et le DGA et des équipements de moindre importance mais à l’adaptabilité opérationnelle plus forte dont la responsabilité de gestion incomberait au CEMA ?

Une telle évolution enlèverait de la visibilité sur la conduite des programmes d’armement et sur la responsabilité des acteurs. Aussi, votre rapporteur souhaite qu’à l’instar des mesures de régulation budgétaire, la commission de la défense soit systématiquement, et dans les plus brefs délais, informée de tout recours à la procédure d’acquisition pour urgence opérationnelle afin d’en évaluer la pertinence et de renforcer le contrôle parlementaire sur les programmes d’équipement.

L’exemple allemand est éclairant sur ce point. Le ministère allemand de la défense est tenu de présenter à la commission de la défense du Bundestag, pour délibération et indépendamment de la loi de finances, tout programme d’acquisition revêtant une importance particulière du point de vue de la sécurité ou de la politique militaire, ainsi que toute acquisition atteignant ou dépassant une enveloppe financière de 25 millions d’euros. Le Parlement applique le principe selon lequel de tels programmes d’acquisition ne sont pas réalisés sans l’accord de la commission de la défense, même s’ils sont prévus en loi de finances.

Au-delà de l’information du Parlement, le recours croissant à la procédure d’acquisition pour urgence opérationnelle amène à se poser de nouveau la question de la pertinence et donc du maintien du co-pilotage du programme « Équipement des forces », effectif depuis le 1er janvier 2006. Ceci a certes fait évoluer le mode de relation entre DGA et états-majors, dans le sens d’une intégration accrue entre les acteurs, en particulier dans le cadre de l’équipe de programme intégrée réunissant des architectes de système de force (DGA) et des officiers de cohérence opérationnelle (OCO).

Mais, selon les termes de l’article 1er du décret du 21 mai 2005 fixant les attributions des chefs d’état-major, le chef d’état-major des armées est responsable, « en liaison avec le délégué général pour l’armement et le secrétaire général pour l’administration », de l’élaboration des travaux de planification et de programmation.

Le Livre blanc propose une refonte de la conduite des programmes. « Dans la nouvelle organisation du ministère de la Défense, un programme sera conçu, préparé et réalisé par une même équipe dédiée, placée sous la responsabilité d’un directeur de programme désigné pour toute la durée du programme. L’équipe de programme associera systématiquement un officier responsable de l’évaluation du besoin opérationnel (EMA), un ingénieur responsable de l’expertise technique, industrielle et économique (DGA) et un expert budgétaire et financier (SGA). [...] L’équipe de programme sera placée pendant les phases de définition et de conception des systèmes d’armes sous l’autorité du chef d’état-major des armées. [...] Pour la négociation du contrat, l’équipe de programme passera sous l’autorité du directeur général de l’armement. [...] Au terme de cette phase intermédiaire, la décision de lancement de la réalisation du programme sera prise par le ministre, sur proposition du directeur général de l’armement, après avis du chef d’état-major des armées. Pendant la phase de réalisation, l’équipe de programme restera placée sous l’autorité du directeur général de l’armement. Durant cette phase, le chef d’état-major des armées sera associé à toutes les évolutions, qu’elles concernent le devis, les aspects techniques ou le calendrier, de nature à affecter la satisfaction du besoin opérationnel. Pendant la phase d’utilisation, c’est-à-dire après la mise en service de l’équipement dans les armées, cette équipe repassera sous l’autorité du chef d’état-major des armées ».

Ne faut-il pas, dans le cadre de la réforme engagée à la suite du Livre blanc et de la revue générale des politiques publiques, aller vers une responsabilité pleine et entière, en matière d’équipements, du chef d’état-major des armées ou du major général des armées ?

De vifs débats ont déjà eu lieu autour de cette question. Dans un rapport d’information consacré à la mise en œuvre de la LOLF au sein du ministère de la défense en 2003 (6), le rapporteur s’interrogeait déjà sur le positionnement de la DGA. Il relevait que « la loi organique n  2001-692 soulève des interrogations importantes sur les attributions respectives des principaux responsables militaires et administratifs du ministère. Le chef d’état-major des armées assiste le ministre dans ses attributions relatives à l’emploi des forces et à leur organisation générale, le délégué général pour l’armement exerce une compétence étendue pour l’équipement des forces, en conduisant les travaux de prospective technique et en exerçant le suivi des programmes d’armement. Le secrétaire général pour l’administration, quant à lui, est en charge des questions administratives, financières et juridiques.

Les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances sont de nature à modifier cette triarchie, dans la mesure où elles peuvent conduire à une remise à plat, à tout le moins un ajustement, de l’organisation générale du ministère de la défense. Il semble en effet plus cohérent que l’autorité du chef d’état-major des armées soit renforcée sur l’ensemble des opérations qui participent de la mission de défendre la Nation. Dans ce cas, les responsabilités du délégué général pour l’armement et du secrétaire général pour l’administration pourraient être considérées davantage comme un concours à l’action des armées que comme une partie intégrante de l’exercice de leur mission.

Cette appréciation est sans doute plus pertinente pour la DGA que pour le secrétariat général pour l’administration, puisque ce dernier est également en charge des missions auparavant dévolues à la délégation à la mémoire et à l’information historique des anciens combattants. En outre, la tendance à une mutualisation et à une rationalisation accrues des activités de soutien (ce qui pourrait inclure les dépenses d’informatique non opérationnelles et la gestion du patrimoine immobilier des armées) ne peut que renforcer le rôle et les justifications d’un programme recouvrant les attributions du secrétariat général pour l’administration (SGA).

Pour ce qui concerne la DGA, créée au moment de la constitution de la force de dissuasion nucléaire, il pourrait en aller autrement. Il s’agit en effet d’une administration technique, dont le champ de compétence n’a cessé de se rétrécir avec l’autonomisation accrue des industries de défense, dont la dernière étape en date remonte à la transformation de l’ancienne direction des constructions navales (DCN) en société de droit privé à capitaux publics. En outre, la DGA assure le suivi de la fabrication d’équipements pour le compte des armées et cette fonction pourrait être rattachée à des programmes budgétaires correspondant à chacune d’entre elles. A contrario, la DGA constitue un organisme transversal pour la conduite technologique des investissements d’armement et un creuset interarmées en matière de ressources humaines et de métiers. Ses missions de conception des équipements, grâce aux centres d’essais, et de préparation des capacités technologiques justifient sa pérennité ».

Le co-pilotage du programme 146 demeure aujourd’hui une entorse aux principes guidant la nouvelle architecture budgétaire de l’État qui identifie un responsable par programme. Aucune disposition de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ne prévoit que les programmes et les missions budgétaires, telles qu’initialement définies, restent intangibles. La modernisation en cours des structures du ministère de la défense s’accommode difficilement d’un immobilisme de l’organisation budgétaire et appelle à une nouvelle réflexion, tant sur le périmètre que sur l’identité des responsables des programmes.

II. —  LE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE, FACTEUR DÉCISIF DE LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS EN OPÉRATION

Les difficultés techniques rencontrées par les navires français au cours de l’opération du Ponant soulignent l’urgence de renouveler la flotte et la difficulté d’assurer le maintien en condition opérationnelle (MCO) sur des matériels vieillissants. C’est toute la problématique du MCO, et pas uniquement naval, qui est au cœur des incidents au large de la Somalie. Or, comme le souligne le Livre blanc, « le MCO conditionne directement la disponibilité et l’engagement des forces. Son efficacité doit être considérablement renforcée et modernisée ».

A. UNE CHARGE FINANCIÈRE INCONTOURNABLE

Pour la sécurité des personnels et la réussite des missions, les armées privilégient la maintenance des matériels déployés en opérations extérieures qui bénéficient d’une disponibilité technique opérationnelle en 2008 et 2009 supérieure à 90 % pour les matériels terrestres et à 80 % pour les matériels aériens. Cette stabilité apparente masque toutefois des réalités plus contrastées qui résultent d’une part, de l’entrée en service progressive de parcs de haute technologie, dont la maîtrise industrielle et le maintien en condition opérationnelle se heurtent à des difficultés d’ordre technique et financier, et d’autre part, du maintien en service de parcs moins sophistiqués dont les obsolescences nombreuses nécessitent des opérations de soutien technique de plus en plus coûteuses.

Le tableau suivant présente le coût de MCO des principaux matériels projetés.

Coût moyen de MCO des matériels projetés

(en euros)

Par heure de vol

Gazelle

800

Puma

3 200

Cougar

6 000

Caracal

6 000

Par an

VBL

8 000

VAB

16 000

AMX 10 RC

156 000

Source : ministère de la défense.

L’évolution du coût horaire d’utilisation apparaît préoccupante dans la mesure où il est en constante augmentation. Le coût global pour l’entretien programmé du matériel est évalué à 3,8 milliards d’euros en 2009, soit plus de 402 millions d’euros de plus qu’en 2008. L’entrée en service de nouveaux équipements à haute valeur ajoutée technologique aggrave cette situation, l’heure de vol du Tigre coûtant environ dix fois plus que l’heure de vol de la Gazelle.

Le vieillissement généralisé des équipements contribue également à la charge financière. La durée de vie d’un navire avoisine les 30 ans, l’âge moyen de la flotte française étant de 22 ans. Cette situation entraîne une croissance exponentielle des obsolescences techniques et technologiques, sans avoir pour autant l’assurance que le maître d’œuvre industriel ait conservé les compétences à ses yeux obsolètes, mais pourtant indispensables pour assurer l’entretien et la réparation d’équipements vieux d’un quart de siècle. Sur le plan budgétaire, plus les équipements des armées, et pas uniquement ceux de la marine, vieillissent, plus le poids du MCO tend à croître.

La voie de la mutualisation européenne du MCO est étudiée pour les nouveaux équipements, afin d’en réduire la charge financière. C’est notamment l’option envisagée pour le futur avion de transport A400M. Toutefois, les « revendications nationales » exprimées lors du choix des sites de production des équipements réalisés en coopération se retrouvent également pour le MCO, considéré comme crucial pour conserver une autonomie opérationnelle. L’agence européenne de défense et l’OCCAR seraient d’utiles leviers pour mettre en place le MCO européen.

La position quasi monopolistique des industriels (à l’instar de DCNS qui représente 95 % du MCO naval) est un facteur inflationniste. Certes, le maintien des compétences techniques et technologiques a un coût pour l’industriel, lorsque celui-ci consent à les conserver. Mais cela ne saurait expliquer la totalité des surcoûts constatés. La généralisation des contrats globaux doit permettre la maîtrise des prix, tout en assurant la préservation des compétences. L’extension de cette globalité au contrat export doit être également encouragée, dans un souci d’économie. Les industriels, et peut-être dans une certaine mesure la DGA, doivent se convaincre de l’importance du MCO dans l’acquisition par les armées de leurs équipements.

Par ailleurs, les mesures de régulation budgétaire ne sont pas sans conséquence sur le MCO et la disponibilité des matériels. Des reports ou gels de crédits peuvent avoir des conséquences néfastes à moyen terme : le report de la livraison de nouveaux équipements oblige à maintenir en activité des matériels, pour certains à bout de souffle ; la diminution des crédits est une incitation à ne pas respecter le calendrier initial de révision des matériels, au risque de devoir opérer de plus lourdes réparations ultérieurement. De même, l’immobilisation de matériel pour économiser sur le MCO s’avère dans certains cas une fausse bonne idée : pour un navire à quai ou en haute mer, la salinité de l’eau de mer demeure, ainsi que la corrosion qu’elle fait subir.

Malgré son importance stratégique, le MCO souffre d’une faible lisibilité budgétaire. Partagé entre les programmes « Équipement des forces » et « Préparation et emploi des forces », son estimation par équipement, de sa mise en service à son démantèlement, est difficile. Faut-il l’identifier dans un programme spécifique pour mieux en apprécier le poids et ainsi en contrôler l’efficience ? La création de structures intégrées (SSF, SIMMAD et prochainement SIMMTer) plaide en ce sens. L’intégration du volet MCO dans les contrats d’acquisition incite en revanche à basculer l’ensemble de la maintenance sur le programme « Équipement des forces ».

Il est regrettable que les indicateurs de performance du programme 146 n’intègrent pas cet élément et se focalisent exclusivement sur la réalisation des programmes. La réussite d’une opération d’armement doit en effet être principalement appréciée au regard d’un critère opérationnel et non en fonction d’un critère essentiellement juridique assis sur le respect, ou non, d’obligations contractuelles.

B. UNE IMPORTANCE STRATÉGIQUE IDENTIFIÉE MAIS INSUFFISAMMENT RECONNUE

Dès 2002, le rapport d’information de M. Gilbert Meyer consacré à l’entretien des matériels des armées (7), soulignait l’enjeu stratégique du MCO et prônait un renforcement des crédits budgétaires ainsi qu’une réforme du processus industriel.

Six ans plus tard, le Livre blanc reprend à son compte ce constat et appelle à un nouveau partenariat avec les industriels pour lesquels le MCO ne constitue pas jusqu’à présent une priorité. Cette réaffirmation de l’importance du MCO et de la nécessité de moderniser le processus industriel est le symptôme de difficultés persistantes malgré la priorité politique affirmée en 2002.

Un objectif de 100 % de disponibilité est une figure de l’esprit. Mais la volonté de la France de participer à d’importantes opérations extérieures en coalition impose de disposer d’un taux de disponibilité des matériels suffisamment élevé pour pouvoir tenir la comparaison avec nos principaux alliés. Il en va de la crédibilité de notre outil de défense.

Les armées ont considérablement amélioré leur gestion du MCO grâce aux structures intégrées (SSF, SIMMAD) et à des stratégies d’acquisition englobant le MCO. Ces efforts ont permis de réaliser de réelles économies tout en améliorant la disponibilité des matériels.

Comme le souligne le Livre blanc, la « réalisation en régie interne au sein de l’État des opérations industrielles de maintien en condition opérationnelle doit être strictement limitée à ce qui ne pourrait être satisfait avec une sûreté et une réactivité suffisantes par un acteur industriel ». Les structures de soutien déjà existantes ayant fait la preuve de leur pertinence et de leur efficacité en répondant au mieux aux besoins opérationnels exprimés par les états-majors, le concept de service de soutien n’est pas remis en cause et sera étendu à tous les milieux.

Il recommande que les « structures intégrées de soutien (SSF (8)pour le matériel naval et SIMMAD (9) pour le matériel aéronautique) [restent] rattachées aux armées dans la phase qui s’ouvre. Elles devront travailler avec la direction générale de l’armement de manière plus intégrée, tout au long de la vie des programmes ». Conformément à ces objectifs, l’état-major des armées a donc articulé la réorganisation générale des soutiens autour des axes suivants :

— poursuite de l’interarmisation des services de soutien en charge de la maîtrise d’ouvrage déléguée du MCO ou de l’exécution du soutien industriel avec l’extension de ces services aux matériels de l’armée de terre ;

— redéfinition du partage des opérations de maintenance entre un soutien opérationnel, au sein des forces, et un soutien industriel, éventuellement externalisé ;

— redéploiement en conséquence des effectifs de la maintenance, avec recentrage sur les capacités opérationnelles ;

— réduction concomitante de 20 % des effectifs de la maintenance, soit environ 11 000 personnes, essentiellement au sein des milieux terrestre et aérien ;

— extension progressive du rôle des équipes de programme intégrées sur l’ensemble du cycle de vie des programmes, avec prise en compte du stade d’utilisation et du démantèlement, favorisant le rapprochement fonctionnel entre services de soutien et DGA.

L’état-major reprend ainsi à son compte la logique du Livre blanc qui estime que « cette intégration accrue permettra un renforcement des capacités de négociation avec les entreprises, une utilisation optimisée des ressources humaines spécifiques en matière d’achat et d’expertise technique et une plus grande maîtrise du coût global de possession ».

La gestion des ressources humaines : un enjeu majeur pour le MCO et la réforme du ministère de la défense

Compte tenu de la haute technicité de leur métier, les personnels en charge du MCO constituent une richesse pour le ministère de la défense mais représentent également un enjeu en termes de recrutement et de fidélisation. Comme les industries civiles, les armées peinent à recruter des techniciens devenus rares sur le marché du travail. Une fois recrutés, ces personnels continuent à subir la forte attractivité de l’industrie notamment en ce qui concerne la rémunération et les perspectives de carrière. Si, dans le cadre de la RGPP, des mesures d’incitation au départ volontaire sont clairement définies, il est difficile de trouver des dispositions pour inciter au maintien des personnels occupant des fonctions stratégiques, principalement dans le MCO. Pour autant, certains métiers sont devenus particulièrement critiques pour les armées, à l’image des techniciens aéronautiques de l’armée de l’air ou des spécialistes de propulsion vapeur pour la marine.

La gestion des carrières devient un enjeu crucial pour l’ensemble du ministère de la défense dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme issue de la RGPP et du Livre blanc. La baisse ciblée de 54 000 personnels pour l’ensemble du ministère est ambitieuse dans son volume et dans ses délais. Elle ne doit pas inciter les responsables à aller au plus facile quantitativement.

Une véritable réflexion autour de la gestion des ressources humaines au sein du ministère s’impose, des écoles aux états-majors. Elle doit aboutir à une gestion par métier, et non par statut ou par corps. Le rapporteur appelle ici à une véritable prise de conscience.

*

En conclusion de cette mise en perspectives des événements de l’année 2008, le rapporteur souhaite rappeler les propos du général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, auditionné conjointement par les commissions de la défense et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, sur la situation en Afghanistan, le 10 septembre 2008 : « d’une manière générale, on fait la guerre avec les moyens dont on dispose au moment où elle nous surprend. L’état de préparation d’un pays qui doit faire face à des opérations militaires résulte de décisions prises antérieurement. […] Il est évident que l’armée française se déploie en Afghanistan avec les moyens que les budgets et les lois de programmation successives lui ont accordés. Je ne souhaite pas polémiquer sur ce sujet, mais certains programmes ne bénéficient pas des mêmes soutiens que d’autres, plus emblématiques, et que ce sont eux qui sont les premiers amputés. C’est ainsi que le VBCI (véhicule blindé de combat d’infanterie) a environ cinq ans de retard. Ces retards sont liés à l’ensemble du processus de décision – je n’accuse naturellement personne. Quoi qu’il en soit, la qualité d’une unité tient autant à son commandement, à son entraînement et à son leadership qu’à ses équipements. Chacun sait qu’au combat, la force morale et la détermination des personnes sont un élément important du succès. ».

DEUXIÈME PARTIE : UN NOUVEAU CONTEXTE STRATÉGIQUE ET ORGANIQUE POUR LES PROGRAMMES D’ARMEMENT

I. —  UN NOUVEAU CADRE STRATÉGIQUE

Face au bouleversement de l’environnement international et des données stratégiques, et alors que nos armées achèvent leur professionnalisation, le Président de la République a choisi d’engager « une réflexion approfondie sur notre politique générale de défense ». Pour cela, il a constitué une commission chargée d’élaborer un Livre blanc portant sur « les domaines de la défense et de la sécurité [et devant…] couvrir une perspective d’une quinzaine d’années, tout en ayant vocation à être actualisé régulièrement » (10).

Rendu public au printemps 2008, le Livre blanc procède à un important travail d’identification des nouvelles menaces pour notre défense et notre sécurité. Après avoir analysé l’état de nos forces, il recommande de moderniser nos structures, tant sur le plan fonctionnel qu’opérationnel. Il propose de regrouper les fonctions stratégiques autour de cinq grands thèmes : connaissance et anticipation, prévention, dissuasion, protection et intervention. « La combinaison de ces différentes fonctions doit permettre d’assurer la sécurité nationale, leur agencement [devant] rester souple ».

Il relève par ailleurs que le déploiement de forces sur des théâtres pèse fortement sur les capacités opérationnelles françaises. L’effort financier pour les opérations extérieures réduit significativement les marges de manœuvre du ministère et conduit à réduire les crédits d’équipement, qui deviennent une véritable variable d’ajustement. Afin de rationaliser, mais aussi de renforcer le sens de nos engagements, le Livre blanc estime que l’engagement de nos forces à l’étranger devrait respecter sept principes directeurs :

— le caractère grave et sérieux de la menace contre la sécurité nationale ou la paix et la sécurité internationale ;

— l’examen, préalable à l’usage de la force armée, des autres mesures possibles, sans préjudice de l’urgence tenant à la légitime défense ou à la responsabilité de protéger ;

— le respect de la légalité internationale ;

— l’appréciation souveraine de l’autorité politique française, liberté d’action, et capacité d’évaluer la situation en permanence ;

— la légitimité démocratique, impliquant la transparence des objectifs poursuivis et le soutien de la collectivité nationale, exprimé notamment par ses représentants au Parlement ;

— la capacité d’engagement français d’un niveau suffisant, maîtrise nationale de l’emploi de nos forces et stratégie politique visant le règlement durable de la crise ;

— la définition de l’engagement dans l’espace et dans le temps, avec une évaluation précise du coût.

A. LE COMITÉ MINISTÉRIEL D’INVESTISSEMENT

En ce qui concerne les programmes d’armement, le Livre blanc constate que leur déroulement « fait apparaître, dans plusieurs cas, des insuffisances graves, qui se sont traduites par des dérives de coûts, de délais et parfois de performances ». Pour corriger ces dysfonctionnements, il apparaît nécessaire qu’un programme soit conçu, préparé et réalisé, « par une même équipe dédiée, placée sous la responsabilité d’un directeur de programme désigné pour toute la durée du programme. L’équipe de programme associera systématiquement un officier responsable de l’évaluation du besoin opérationnel, un ingénieur responsable de l’expertise technique, industrielle et économique et un expert budgétaire et financier. Des dispositions spécifiques seront maintenues pour les programmes d’armes nucléaires, eu égard au rôle particulier du commissariat à l’énergie atomique dans ce domaine ».

Si, dans le Livre blanc, le partage des compétences entre le chef d’état-major des armées et le délégué général est confirmé, le ministre dispose pour arbitrer en dernier ressort d’une nouvelle structure : « à chaque phase majeure, le ministre prendra la décision au vu [des] propositions et des consultations menées dans le cadre du comité ministériel d’investissement ».

Devant la dérive récurrente des grands programmes d’armement, le ministre de la défense a souhaité renforcer la cohérence des procédures en s’appuyant sur un organe de coordination des actions qui sont aujourd’hui placées sous la double autorité du chef d’état-major des armées et du délégué général pour l’armement.

La création du comité ministériel d’investissement (CMI) répond à ces préoccupations. Présidé par le ministre, le CMI est appelé à devenir un cadre d’échanges avec chacun de ses grands subordonnés afin d’éclairer sa prise de décision sur les investissements de défense. Couvrant un champ plus large que les opérations d’armement, le CMI doit jouer un rôle équivalent pour les autres investissements du ministère, qu’il s’agisse des infrastructures qui relèvent du programme 212, des études amont rattachées au programme 144 ou des crédits affectés au maintien en condition opérationnelle figurant dans le programme 178. Outre la vision d’ensemble, le CMI constitue également un cadre d’examen périodique de l’économie d’ensemble des investissements dans leur déroulement pluriannuel, permettant d’adapter le schéma initial à l’évolution de besoins. Il reprend en cela la logique d’actualisation du référentiel de la programmation militaire.

La création du CMI s’accompagne d’un renforcement des compétences financières du ministère, ne serait-ce qu’en ce qui concerne l’estimation initiale du coût des programmes ou de l’évaluation de leur risque. L’état-major des armées et la délégation générale pour l’armement participeront activement à ce comité. Son champ de compétence et son mode de fonctionnement devront néanmoins faire l’objet d’ajustements et de précisions, une seule réunion « expérimentale » s’étant pour le moment tenue en juin 2008.

Cette innovation n’est pas sans rappeler celle du conseil des systèmes de force, concomitante à la mise en place de la LOLF. Ces structures collectives partent du même constat : la difficulté de dialogue entre les états-majors et la délégation générale pour l’armement. Cette situation perdure depuis plusieurs décennies. Incompréhensible pour les non-initiés, elle ne peut être plus longtemps tolérée lorsque sont en jeu plusieurs dizaines de millions d’euros. Cette nouvelle réponse collective suffira-t-elle à dépasser les clivages et rivalités ? Dans la négative, il conviendra d’opter pour une réponse plus précise en désignant une entité et une seule comme responsable de la gouvernance des programmes.

Pour une nouvelle stratégie industrielle de défense

Le Livre blanc fait le constat, partagé unanimement, qu’aucune « nation en Europe - pas même la France, ni le Royaume-Uni – n’a plus la capacité d’assumer seule le poids d’une industrie de défense répondant à l’ensemble des besoins de ses forces ».

Dès lors, la stratégie d’acquisition d’armement de la France doit s’organiser autour de trois niveaux :

1 — les équipements nécessaires aux domaines de souveraineté pour lesquels la France ne peut envisager un partage ou une mutualisation ;

2 — les équipements partagés à l’échelle européenne sur une base de réciprocité, de sécurité des approvisionnements et sur un équilibre global ;

3 — les équipements acquis sur le marché mondial car ne posant pas de risques en terme de sécurité d’approvisionnement.

Le Livre blanc n’apporte pas une définition plus précise des différents équipements visés, notamment dans les catégories 1 et 3. Cette incertitude donne une faculté d’adaptation en fonction de l’évolution de l’environnement géopolitique. Mais elle laisse également la porte ouverte à des initiatives dispersées de la part des industriels en termes de restructurations.

S’inscrivant pleinement dans la ligne définie par le Livre blanc, le rapporteur souhaite que la mise en œuvre de ces recommandations sur l’industrie d’armement incite l’ensemble des acteurs publics et privés à redéfinir notre stratégie industrielle de défense.

Les restructurations menées depuis les années 1990, notamment dans les domaines naval et terrestre, ne doivent pas être vaines. Elles doivent être confortées pour permettre l’émergence de champions européens, s’appuyant sur un réseau de petites et moyennes entreprises performantes, capables de rivaliser avec les concurrents américains et asiatiques.

Il appartient à l’État de jouer un rôle moteur et de ne pas laisser au seul secteur privé le soin de définir le futur paysage industriel de défense en Europe.

B. LA PRIORITÉ DONNÉE AU CADRE EUROPÉEN

La présidence française de l’Union européenne souhaite « donner un nouvel élan à l’Europe de la défense et de la sécurité » en développant et renforçant la politique européenne de sécurité et de défense, « dotée de moyens crédibles, afin de conforter le rôle de l’Union européenne comme acteur global en matière de gestion des crises et de répondre ainsi aux attentes de nos citoyens et de la communauté internationale » (11). Le Livre blanc ne manque pas d’insister sur l’importance de cette politique.

En ce qui concerne les programmes d’armement, il est proposé de « lancer une série de nouveaux projets capacitaires structurants […] pour répondre aux besoins opérationnels » et, « pour assurer l’avenir de l’industrie d’armement européenne », de promouvoir, « le rapprochement des politiques nationales de recherche et technologie militaires et la recherche de programmes stratégiques élaborés en commun ».

1. Les programmes en coopération

Les tableaux suivants récapitulent les principaux programmes d’armement menés dans le cadre de coopérations européennes, qu’ils soient ou non conduits par l’OCCAR.

Programmes d’armement conduits dans le cadre d’une coopération européenne
Gérés par l’OCCAR

Programmes

Pays participants

Industriels participants

A400M

France, Allemagne, Espagne, Belgique, Luxembourg, Royaume-Uni, Turquie

Airbus Military Sociedad Limitada (AMSL)

Moteur réalisé par le consortium EPI

Radar de contrebatterie COBRA

France, Allemagne, Royaume-Uni

Consortium Euro-Art

Famille de systèmes sol-air futurs (FSAF)

France et Italie

GIE Eurosam (MBDA, Thales)

Frégates multimissions FREMM

France et Italie

Groupement industriel Armaris-Orrizonte

Hélicoptère TIGRE

France, Allemagne, Espagne

Eurocopter Tiger Gmbh, maître d’œuvre

Motorisation : consortium MTRI

Source : ministère de la défense.

Programmes d’armement conduits dans le cadre d’une coopération européenne
Hors OCCAR

Programmes

Pays participants

Industriels participants

Frégates antiaériennes Horizon

France et Italie

Consortium Horizon SAS

HELIOS III

France, Belgique, Espagne, Italie, Grèce

Maîtrise d’ouvrage déléguée au CNES pour la composante spatiale

Satellite :

Maître d’œuvre : EADS-ASTRIUM

Optique Haute résolution : Thales Alenia Space

Segment Sol :

CNES – EADS-ASTRIUM

Missile de croisière anti-infrastructure (SCALP-EG / Storm Shadow)

France, Royaume-Uni, Italie

MBDA

Missile METEOR

France, Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suède

MBDA

Hélicoptère NH90 (1)

France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Belgique

Maîtrise d’œuvre : NHI

EADS Fr (Eurocopter) – EADS De – Agusta (Finmeccanica) – Stork – Fokker

Ogma (en tant que sous traitant de EADS/Eurocopter et Agusta)

Système d’armes PAAMS

France, Italie, Royaume-Uni

Europaams qui rassemble le GIE Eurosam (MBDA Italia, MBDA-Fr et Thales) et UKAMS (filiale de MBDA UK)

Démonstrateur de drone de combat UCAV – NEURON

France, Italie, Suisse, Suède, Grèce, Espagne

Thales, Alenia Aeronautica, Ruag, SAAB Aerosyst, HAI, EADS Casa

Dassault Aviation maître d’œuvre principal

Système de drone MALE «advanced UAV»

France, Allemagne, Espagne

Thales, MBDA, EADS Socata, EADS De, EADS Casa, INDRA

Torpilles MU 90

France et Italie

Eurotorp (regroupement de Wass, DCNS et Thales Underwater Systems)

LRU (Lance-Roquettes Unitaire)

France, États-Unis, Allemagne, Italie, Royaume-Uni

LMMFC (Lockheed Martin) et MBDA pour la roquette – Thales & EADS Fr (consultation nationale en cours) – EADS Ge & KMW (analyse coopération avec Allemagne et Italie) pour le lanceur – LMMFC (USA) – EADS De, DIEHL & KMW – Thales Italie – LMMFC

Système de distribution d’informations multifonctions (MIDS)

France, Allemagne, Espagne, États-Unis, Italie

Thales Com (2)

EADS

INDRA

DLS VIASAT

SELEX

(1) Le programme NH90 est géré au sein de l’Agence de l’OTAN NAHEMO qui regroupe l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal. Le NH90 a également été commandé par la Norvège (14 unités), la Suède (18), la Finlande (20), la Nouvelle-Zélande (9), l’Australie (46), l’Espagne (45), la Grèce (20) et le Sultanat d’Oman (20).

(2) Ces sociétés forment un groupement ad hoc dénommé « EUROMIDS » pour constituer une capacité de production de ces terminaux. La société DLS (Data Link Solution) est un groupement des industriels BAé et Rockwell pour la réalisation des terminaux MIDS.

Source : ministère de la défense.

2. Des supports institutionnels perfectibles

— La carte politique des organismes contribuant à l’émergence de l’Europe de la défense est à géométrie variable, à l’image de la disparité des budgets de défense des États membres de l’Union européenne.

L’agence européenne de défense (AED), organe d’impulsion politique et de préparation de l’avenir, rassemble 26 des 27 États membres de l’Union européenne. Conformément à l’article 6 du protocole sur la position du Danemark annexé au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, le Danemark ne participe pas à l’élaboration et à la mise en œuvre des décisions et actions de l’Union européenne qui ont des implications en matière de défense. Cette absence pourrait s’avérer extrêmement dommageable dans les années à venir, lorsque la région arctique va devenir un enjeu géopolitique majeur, comme le laissent supposer les ambitions russes, canadiennes, américaines sur cette zone.

L’organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR) est une organisation internationale qui gère des programmes d’armement que lui confient des États. Elle compte six membres : la France, la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni. Mais d’autres États peuvent s’associer à des programmes spécifiques. Les Pays-Bas, membres de l’AED mais non de l’OCCAR, sont associés avec l’Allemagne dans le programme BOXER, véhicule blindé multi-missions. La Turquie, non membre de l’OCCAR, ni de l’AED, ni de l’Union européenne, participe activement au programme A400M. De même, certains États membres de l’OCCAR peuvent ne pas être partie d’un programme géré par l’OCCAR. La frégate multi-missions (FREMM) n’a pour États partenaires que la France et l’Italie.

L’Europe de la défense, sur le plan des équipements, est une Europe à la carte car elle est au cœur de la souveraineté. Sa construction se heurte aux réticences des États à partager un domaine par essence national. Mais elle est une nécessité et il convient de soutenir tous les efforts renforçant la coopération entre les États.

— Les projets menés actuellement par l’agence européenne de défense sont presque exclusivement des projets de recherche et technologie, comme le programme de radio logicielle ESSOR, lancé en 2006 sous le pilotage de la France pour un montant d’environ 100 millions d’euros ; les programmes d’investissement communs « Protection des forces » et « Concepts innovants et technologies émergentes » ou un programme concernant la technologie permettant d’assurer la fonction de détection et d’évitement afin d’insérer les drones dans le trafic aérien.

Il est prévu que des phases de futurs programmes européens d’armement soient placées sous son égide. Elles constitueront le lien entre les besoins capacitaires et les décisions à prendre par les pays membres, portant sur leur participation aux programmes en coopération correspondants.

Dans les projets en devenir, la France souhaiterait confier la phase de préparation à l’AED d’un futur programme de système de lutte contre les mines navales ou de futurs programmes contribuant aux capacités de surveillance maritime.

Il est également envisagé de charger l’AED des activités préliminaires visant à harmoniser les besoins en matière d’hélicoptère de transport lourd. L’agence sera en outre amenée à jouer un rôle dans le cadre du programme de futur système d’observation satellitaire MUSIS pour certains volets des travaux de la partie commune du programme.

— Dans sa gestion des programmes, l’OCCAR a substitué au principe du juste retour par programme celui de juste retour global qui tend à assurer une répartition équilibrée pluriannuelle et multiprogrammes. En termes de fonctionnement, c’est une avancée majeure, insuffisamment soulignée, qui permet d’envisager une plus forte intégration à l’avenir.

Pour renforcer l’Europe de l’armement, le rapprochement organique de l’OCCAR et de l’AED doit être envisagé. Cela pose le problème de la participation d’État non membre de l’Union, aujourd’hui la Turquie mais peut-être demain l’Afrique du Sud ou le Maroc, à des programmes d’armement. À ce stade, et dans le cadre de ce rapport, il n’appartient pas au rapporteur d’aller plus en avant sur cette question.

— La France participe au financement du fonctionnement à hauteur de 1,7 million d’euros pour l’OCCAR et à hauteur de près de 4,7 millions d’euros pour l’AED. Les crédits sont versés pour l’OCCAR au titre des crédits de fonctionnement de la DGA (sous-action 89 de l’action 8 du programme 146) ; ceux versés à l’AED figurent en revanche dans l’action « Prospective des systèmes de forces » du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». Il est regrettable que ces dotations peu importantes sur le plan financier, mais décisives sur le plan symbolique, ne soient pas mieux mises en valeur dans le projet de loi de finances, à moins qu’elles ne soient considérées comme insuffisantes au vu de la volonté française de construire une véritable Europe de la défense.

II. —  L’IMPACT DE LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES SUR LES PROGRAMMES D’ÉQUIPEMENT

Le Gouvernement s’est engagé dans un travail d’évaluation de l’ensemble des politiques publiques au travers de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Pour le ministère de la défense, la mission d’audit a été placée sous la responsabilité du préfet François Lépine et du contrôleur général des armées Dominique Conort entourés d’une équipe de hauts fonctionnaires appuyée par des consultants extérieurs. La mission a reçu deux objectifs principaux : la réduction des effectifs et la maximisation des capacités du ministère de la défense afin de mieux répartir les efforts entre les services opérationnels et le soutien.

Venant utilement compléter les orientations du Livre blanc, la RGPP vise à améliorer les structures existantes afin de dégager des crédits permettant d’abonder dans les prochaines années les crédits d’équipement de la défense.

Les conclusions de cet audit combinées aux recommandations du Livre blanc ont conduit le ministère de la défense à modifier significativement ses structures de conduite et de suivi des programmes d’armement. La réforme amorcée de la délégation générale pour l’armement s’est intégrée à cette modernisation d’ensemble, tout comme l’évolution des structures centrales de l’état-major des armées.

A. UNE ÉQUATION BUDGÉTAIRE FRAGILISÉE PAR LA CRISE FINANCIÈRE

Le Livre blanc opère un certain nombre d’arbitrages et établit une liste des programmes prioritaires. L’enveloppe globale consacrée à la défense entre 2009 et 2020 a été fixée par le Président de la République à 377 milliards d’euros. Compte tenu des objectifs fixés par le Livre blanc, les crédits d’équipement actuellement ouverts tous les ans ne suffiront pas à financer l’ensemble des opérations. C’est pourquoi le Président de la République a décidé que toutes les économies réalisées par le ministère de la défense sur les crédits de rémunération ou de fonctionnement seront réinvesties au profit des crédits d’équipement.

Le nouveau contexte économique de l’automne modifie l’équilibre financier de la réforme, notamment en ce qui concerne la décrue de la masse salariale et les revenus des cessions immobilières.

Ces difficultés ne doivent pas amener à conclure prématurément à son échec. Le ministère de la défense a démontré, dans un passé récent, sa forte capacité à se remettre en question et à se réformer. Les personnels civils et militaires ont conscience de la nécessité d’évoluer pour assurer des moyens opérationnels à la hauteur des ambitions internationales de la France. Leur adhésion aux objectifs du Livre blanc est forte.

En revanche, leur adhésion à la réforme pourrait être fragilisée si les efforts consentis ne procurent pas les bénéfices budgétaires annoncés. C’est pourquoi la diminution des ressources, du fait de la seule détérioration de l’environnement économique, oblige à amender la réforme, non dans ses objectifs, mais dans ses modalités de mise en œuvre, notamment en termes de calendrier et de pilotage.

B. LA RÉFORME DE LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE POUR L’ARMEMENT

S’inscrivant dans la démarche de révision générale des politiques publiques engagée par le ministère de la défense, la réforme de la DGA s’articule autour de quatre volets : le regroupement de ses activités d’expertise et d’essais autour de grands pôles, l’évolution du service de la qualité, la refonte du soutien en région parisienne et la rationalisation des services de ressources humaines.

— La DGA va poursuivre le regroupement géographique de ses activités d’expertise technique et d’essais autour de quatre pôles : un pôle terrestre à Bourges, un pôle naval à Toulon, un pôle aéronautique réparti sur plusieurs sites (Istres, Cazaux, Saclay, Toulouse, Biscarosse, St Jean d’Illac et Toulon-île du Levant) et un pôle électronique à Bruz, près de Rennes. Dans les domaines terrestre et aéronautique, comme cela est déjà fait dans le domaine naval, la DGA et les armées développeront les synergies entre leurs centres respectifs d’essais et d’expérimentation. Les vingt implantations principales vont être ramenées à 14 grâce à des transferts ou des fermetures. Par ailleurs, certains sites changeront d’autorité de tutelle, comme par exemple le centre d’études de Gramat qui sera transféré à la direction des applications militaires du commissariat à l’énergie atomique. Ces modifications s’intégreront, autant que possible, à la réorganisation des fonctions de soutien du ministère de la défense, notamment au travers des futures bases de défense. Le service de la qualité, chargé de l’assurance qualité dans l’industrie de défense, va également être réformé pour que ses implantations prennent territorialement mieux en compte l’activité industrielle.

L’amélioration de la mutualisation des fonctions de soutien devrait permettre de développer des synergies au niveau de l’échelon central. Les services des ressources humaines seront fortement impactés par ces regroupements, les quatre centres de gestion de paie en province étant par exemple rassemblés en un centre de paie unique dans l’attente de la mise en service de l’opérateur national de paie.

La DGA participe enfin activement à la mise en place des nouvelles structures du ministère (CMI, comité exécutif ministériel…) et renforce pour cela ses compétences financières. Elle s’assure désormais que chaque opération est suivie par une même équipe durant toute la durée de vie des matériels, renforçant ainsi la continuité dans le pilotage et l’adaptation des programmes.

— Le Livre blanc souligne l’importance du développement des capacités techniques, considérant qu’un « saut qualitatif et quantitatif est d’autant plus nécessaire que nous devons conserver un bon niveau pour dialoguer avec les quelques pays qui sont nos interlocuteurs majeurs, présents et à venir, dans le domaine du renseignement ». Depuis 2005, la DGA s’est dotée d’une direction chargée de mettre en œuvre la « stratégie du ministère en matière de compétences techniques ». À ce jour, la fonction technique emploie plus de 5 500 personnels dont 2 400 ingénieurs, et représente 2,5 milliards d’euros de moyens techniques, une production d’essais de 500 millions d’euros et une production d’expertise en hausse qui atteint déjà 2,7 millions d’heures. Ces capacités seront préservées, la baisse des effectifs se concentrant sur les personnels de soutien en préservant le cœur de métier. Les regroupements prévus permettront de promouvoir d’importantes synergies de recherche, mais aussi de valoriser les carrières au sein de la délégation et de faciliter le recrutement.

Une attention particulière est portée à la recherche, qui détermine l’avenir de la compétence technique avec un budget annuel d’environ 100 millions d’euros. La mission pour la recherche et l’innovation scientifique veille par ailleurs à la lisibilité et à la cohérence des actions de la DGA au sein de la communauté scientifique et industrielle. Cette politique permet de maintenir un haut niveau de formation par la recherche avec la publication de plus de 130 nouvelles thèses chaque année, un volant de près de 400 thèses en cours et une vingtaine de stages de recherche en France ou à l’étranger.

Ces améliorations sont positives et doivent être généralisées à l’ensemble des activités de la délégation. Or, il semble que certains domaines puissent être nettement rationalisés comme par exemple les centres d’essais pour lesquels le rapporteur a demandé des précisions à la délégation générale pour l’armement. Malheureusement la DGA n’a pas été en mesure de fournir ces éléments avant la publication du présent avis. Il importera donc d’examiner plus en détail cet enjeu lors du débat budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2010 ou dans le cadre de la mission de suivi de la réforme du ministère de la défense menée par le rapporteur.

C. LA RÉFORME DES ARMÉES

La professionnalisation engagée en 1996 avait demandé aux armées d’importants efforts d’adaptation et avait justifié que certains dysfonctionnements opérationnels ou territoriaux subsistent. Le Livre blanc constate l’achèvement de cette étape et incite les armées à en tirer toutes les conséquences. « L’accent sur les missions opérationnelles et sur les sujétions qui en découlent devra guider, avant toute autre considération, l’adaptation des structures et des moyens de notre défense sur tout le territoire et à l’étranger ». Outre la réorganisation du pilotage des programmes d’armement, les armées doivent rationaliser leurs implantations pour gagner en efficacité sur les fonctions de soutien. Conformément aux recommandations de la RGPP, la responsabilité du soutien va désormais échapper aux états-majors pour être confiée à une direction interarmées placée sous l’autorité du chef d’état-major des armées.

L’identification de la chaîne de responsabilité en ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle (MCO) est aujourd’hui difficile dans la mesure où il relève aussi bien de la DGA, de l’état-major que des armées. Un équilibre semble toutefois avoir été trouvé depuis plusieurs années, avec une différenciation des types de MCO : la DGA supervise le MCO initial, c’est-à-dire à la sortie de la production, et s’assure de l’efficacité de la nouvelle chaîne logistique. Les armées sont ensuite responsables du MCO de leurs équipements, sous l’autorité de l’état-major qui fixe les grandes lignes de la politique d’emploi et de gestion des parcs. La création de la nouvelle direction du soutien ne devrait pas avoir d’impact direct sur cette organisation, mais il conviendrait peut-être de préciser dans quelle mesure ce nouveau service interviendra pour la maintenance des équipements. Par ailleurs, la multitude des acteurs reste un facteur de confusion pour le MCO. Un regroupement sur le modèle de la direction du soutien aurait pu par exemple être envisagé, même s’il ne constituerait nullement une panacée, il permettrait au moins de gagner en lisibilité.

Le soutien des systèmes d’armes se caractérise aujourd’hui par son budget, trois milliards d’euros par an, et par la haute technicité des prestations industrielles nécessaires à la satisfaction des exigences de disponibilité des forces. Pour répondre à ces impératifs, comme le recommande le Livre blanc, il est primordial de moderniser le MCO en établissant notamment une « nouvelle relation entre l’État et les entreprises » grâce à des modes de contractualisation rénovés, comme des marchés de service avec une obligation de résultats et des niveaux d’intéressement réellement incitatifs. Il est également recommandé de développer une « plus grande cohérence, au sein du ministère de la défense, entre le processus d’acquisition et le processus de soutien en service des équipements », ce qui implique en particulier de mieux intégrer le travail des services de soutien et de la DGA pour maîtriser le coût global des programmes. L’État doit pour cela disposer de plus grandes capacités de négociation et les ressources humaines spécifiques doivent être optimisées. Il convient également de prendre en compte la gestion de fin de vie des matériels. La DGA mettra tout en œuvre pour que ces « cycles de vie » soient progressivement mis en place en débutant par un premier ensemble de programmes d’armement emblématiques.

Conjointement au renforcement du rôle de l’État comme maître d’ouvrage, il est également nécessaire d’optimiser les maîtrises d’œuvre étatiques. C’est l’enjeu principal des chantiers ouverts par la révision générale des politiques publiques en ce qui concerne le MCO aéronautique et le MCO terrestre, prévoyant une rationalisation des établissements des armées, avec une diminution d’effectifs de l’ordre de 5 000 personnes dans chacun des secteurs.

Cette optimisation, fondée sur une répartition des activités de MCO entre le niveau de soutien opérationnel (NSO) et le niveau de soutien industriel (NSI), doit être recherchée avec pragmatisme. Elle doit éviter deux écueils : l’atrophie du NSO qui serait préjudiciable à l’efficacité opérationnelle des forces et l’atrophie du NSI qui compromettrait toute optimisation économique. Pour ce qui concerne plus particulièrement le NSI, la DGA considère que la création du SIAé constitue une avancée significative. Dans le domaine terrestre, la décision ministérielle de créer un service de la maintenance industrielle des matériels terrestres (SMITer) a été prise, mais ses modalités de mise en œuvre restent à préciser. Pour que cette structure contribue efficacement à la rationalisation du MCO terrestre, la DGA considère qu’elle devrait être construite sur le modèle du SIAé.

III. —  UN NOUVEAU CADRE PLURIANNUEL

A. UN CADRE BUDGÉTAIRE TOUJOURS INSATISFAISANT

Les crédits d’équipement du ministère de la défense sont pour l’essentiel concentrés dans le programme 146 « Équipement des forces », même si d’autres programmes contribuent à financer les dépenses d’investissement. La part relative du programme 146 s’accroît encore en 2009 atteignant 92,2 % des crédits de paiement de titre 5 (investissement). Le tableau ci-après synthétise la répartition des crédits d’équipement au sein de la mission « Défense ».

Répartition des crédits de titre 5 au sein de la mission «Défense»

Programme

LFI 2008

PLF 2009

en % du total

en % du total

AE

CP

AE

CP

144 : Environnement et prospective de la politique de défense

1,2 %

1,2 %

1,1 %

1,6 %

178 : Préparation et emploi des forces

3,7 %

5,0 %

2,3 %

4,6 %

212 : Soutien de la politique de défense

10,3 %

10,2 %

5,9 %

1,6 %

146 : Équipement des forces

84,9 %

83,6 %

90,7 %

92,2 %

Total (en milliards d’euros)

9,96

10,50

20,20

10,26

Source : PAP 2009.

La nomenclature qui découle de la LOLF a autorisé la généralisation des autorisations d’engagement, ce qui n’a pas significativement bouleversé l’organisation budgétaire des programmes d’armement déjà soumis aux autorisations de programme. Ce changement a toutefois permis de gagner en lisibilité en rationalisant une mécanique budgétaire devenue illisible. L’apparition d’indicateurs de performance pouvait par ailleurs apparaître comme un nouvel élément de transparence, permettant au Parlement de mieux suivre la réalisation effective des opérations. Or, les indicateurs mis en place restent très limités et souvent très abscons. En englobant les performances dans des taux moyens, les indicateurs banalisent les difficultés d’un programme particulier alors qu’ils devraient au contraire les mettre en valeur.

Même si la répartition par action reste indicative au sein d’un programme, son responsable pouvant réaffecter les crédits en exécution sous réserve du respect du principe de fongibilité asymétrique, il n’en reste pas moins qu’elle constitue un outil indispensable pour suivre l’évolution des crédits des grandes opérations.

La nomenclature budgétaire avait été profondément bouleversée en 2007 : à la présentation par armée avait été préférée une présentation par action stratégique. Ce changement de nomenclature peut certes répondre à des impératifs de cohérence, mais il met fin à une répartition par armée et surtout rend beaucoup plus difficile le suivi de long terme des crédits.

Le projet de loi de finances pour 2009 entérine cette modification en maintenant la répartition des crédits selon les sept actions suivantes : commandement et maîtrise de l’information, projection-mobilité-soutien, engagement et combat, protection et sauvegarde, préparation et conduite des opérations d’armement et parts étrangères et programmes civils. Le Livre blanc recommande de faire encore évoluer cette répartition, considérant que cinq grandes actions stratégiques se dégagent : connaître et anticiper ; prévenir ; dissuader ; protéger ; intervenir. La prochaine loi de programmation militaire devant sans doute s’appuyer sur ce découpage, il semblerait pertinent d’arrêter de manière définitive l’organisation du programme 146 pour éviter des ajustements annuels qui empêchent tout suivi de l’évolution des crédits par les rapporteurs.

B. UNE NOUVELLE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

Le projet de loi de finances pour 2009 s’accompagne d’un projet de loi de programmation des finances publiques pour la période allant de 2009 à 2011. La révision constitutionnelle de juillet 2008 a en effet consacré ce nouveau type de loi appelée à définir « les orientations pluriannuelles des finances publiques ». Ce projet de loi permet au Gouvernement de fixer la stratégie nationale de finances publiques et donne ainsi plus de visibilité aux partenaires de l’État, et notamment aux industriels et entrepreneurs. Les engagements globaux sont déclinés pour chaque mission. Pour la défense, la loi de programmation tire les leçons du Livre blanc et de la RGPP, consacrant l’affectation des économies réalisées au financement de programmes d’investissement, ainsi qu’à l’amélioration de la condition du personnel. L’ensemble des moyens de la défense progressera au rythme de l’inflation jusqu’en 2012, ce qui représente un effort cumulé de 3,4 milliards d’euros nécessitant de mobiliser, au-delà des crédits budgétaires, des ressources exceptionnelles. Le développement de financements innovants devrait également permettre de dégager de nouvelles marges de manœuvre. Le tableau suivant détaille l’évolution des crédits de la défense pour la période.

Évolution des crédits de la mission défense de 2009 à 2011 (1)

(en milliards d’euros)

(1) La répartition par programme est indicative pour 2010 et 2011. Les plafonds pour la mission sont fermes.

Source : PAP 2009.

Cette orientation budgétaire convient parfaitement à la problématique des programmes d’armement dont la dimension pluriannuelle est établie. En programmant des crédits sur plusieurs années, la loi de programmation apporte quelques assurances non seulement aux forces mais aussi aux industriels quant à la volonté de l’État de se doter des moyens financiers nécessaires pour atteindre ses objectifs.

Toutefois, cette loi de programmation peut toujours souffrir de corrections dans sa déclinaison annuelle et dans sa mise en œuvre. Elle n’interdit pas les mesures de régulation budgétaire, ni les redéploiements soit en raison d’un changement de l’environnement économique et financier, soit à la suite de revirements politiques. Si elle constitue une avancée dans la lisibilité de la politique de dépenses publiques, elle n’est pas en elle-même un engagement ferme et définitif.

C. LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE À VENIR

Le caractère pluriannuel des programmes d’armement a également justifié l’adoption de lois de programmation militaire. L’actuelle loi de programmation venant à échéance à la fin de l’année 2008, le Gouvernement s’est engagé à déposer prochainement un nouveau projet de loi de programmation militaire. Lors de son audition par la commission de la défense, le ministre a souligné que le projet de loi de finances pour 2009 « correspond à la première année de l’exécution de la loi de programmation militaire ».

Au-delà des éléments de cadrage présentés dans les documents annexes au projet de loi de finances, il est regrettable que le Parlement ait à se prononcer sur la déclinaison financière de choix non encore arrêtés et sans disposer du détail de la nouvelle programmation, ni même de son économie d’ensemble. La cohérence de la démarche semble difficile à saisir, d’autant que la prochaine LPM pourrait parfaitement infirmer certains choix de la loi de programmation des finances publiques.

Principe fondamental des finances publiques, la sincérité budgétaire s’impose à tous. Elle est un pilier de la séparation des pouvoirs et du contrat démocratique. La complexité du monde et la difficulté à établir en conséquence un projet de loi de finances stable mettent à mal le respect de ce principe cardinal.

Aussi, dans un souci de pragmatisme, le rapporteur souhaite-t-il qu’à l’occasion des prochaines lois de règlement, un rapport spécifique sur l’exécution des crédits d’équipement des forces soit systématiquement présenté au nom de la commission afin d’éclairer la représentation nationale, et par son intermédiaire, les citoyens sur la véritable dépense en matière de crédits d’équipement.

Une telle démarche permettra de corriger la difficulté conjoncturelle rencontrée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, en l’absence d’éléments précis de la loi de programmation militaire.

TROISIÈME PARTIE : L’ÉVOLUTION CONTRASTÉE DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT EN 2009

I. —  DES CRÉDITS EN AUGMENTATION MALGRÉ UN DÉCALAGE CROISSANT ENTRE LES AE ET LES CP

A. L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT

En 2009, les crédits du programme 146 sont marqués par une forte hausse des autorisations d’engagement, qui passent de 10,7 milliards d’euros à près de 21 milliards d’euros, soit une hausse de 94,5 %. Cette augmentation brutale se justifie par la passation d’importantes commandes globales, comme celle de 60 Rafale. Le ministère doit donc pouvoir engager des crédits conséquents dès 2009, même si les paiements seront beaucoup plus espacés dans le temps. Les crédits de paiement progressent, quant à eux, de 7,7 % passant de 11,3 milliards d’euros à 12,2 milliards d’euros. Le tableau ci-après récapitule l’évolution des crédits du programme par action.

Évolution des crédits du programme 146

(en millions d’euros)

 

AE

CP

LFI 2008

PLF 2009

Évolution

LFI 2008

PLF 2009

Évolution

Action 6

Dissuasion

1 814,2

2 917,6

60,8 %

2 893,4

3 297,0

14,0 %

Action 7

Commandement et maîtrise de l’information

671,6

2 087,3

210,8 %

1 323,6

882,8

- 33,3 %

Action 8

Projection – mobilité – soutien

800,6

1 335,0

66,7 %

881,7

900,2

2,1 %

Action 9

Engagement et combat

5 167,4

11 918,3

130,6 %

3 415,2

4 100,7

20,1 %

Action 10

Protection et sauvegarde

297,7

474,1

59,3 %

723,9

867,8

19,9 %

Action 11

Préparation et conduite des opérations d’armement

2 019,0

2 219,5

9,9 %

2 099,0

2 166,0

3,2 %

Total programme

10 770,4

20 951,7

94,5 %

11 336,7

12 214,5

7,7 %

Source : PAP 2009.

B. UN DÉCALAGE CROISSANT ENTRE LES AE ET LES CP

L’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances empêche de comparer à périmètre constant les crédits d’équipement depuis 2003, date d’entrée en vigueur de l’actuelle loi de programmation militaire. Toutefois, il est possible de suivre l’évolution des dépenses de titre 5, c’est-à-dire les crédits d’investissement du ministère de la défense. Même si les sommes figurent principalement dans le programme 146, il convient de prendre également en compte les crédits de titre 5 du programme 178 qui intègre une partie des financements de programmes arrêtés par la LPM.

Le tableau suivant présente l’évolution depuis 2006 des AE et des CP de titre 5 des programmes 146 et 178.

Évolution des dépenses de titre 5 du ministère de la défense
(programmes 146 et 178)

(en milliards d’euros)

Source : rapports annuels de performance 2006 et 2007, loi de finances initiale pour 2008 et PAP 2009.

Il peut sembler justifié qu’un écart apparaisse entre les AE et les CP en début de programmation, les engagements précédant toujours les paiements. En revanche, cette différence doit progressivement se résorber sauf à être reportée sur les années à venir la charge des engagements passés. Le tableau montre bien que, à l’exception de l’année 2008, l’écart entre les AE et les CP s’aggrave constamment, entretenant ainsi un phénomène préoccupant de cavalerie budgétaire. En excluant les éventuels reports des années antérieures, l’exercice 2008 laisse donc apparaître un besoin de financement de plus de 18 milliards d’euros, soit l’équivalent des crédits de deux années ordinaires. Ce phénomène est accéléré par le projet de loi de finances pour 2009 où les AE sont très nettement supérieures aux CP.

Cette mécanique est inquiétante tant sur un plan financier qu’opérationnel. Faute de crédits disponibles, certains programmes ne pourront pas être payés lors de leur livraison et empêcheront ainsi les armées de se doter de matériels souvent attendus. Par ailleurs, pour éviter pareils dysfonctionnements, la tentation peut être grande de décaler dans le temps des opérations. Dès lors, les partenaires de l’État seraient en droit d’appliquer les clauses de pénalités, augmentant d’autant le coût réel des programmes. La programmation trisannuelle des finances publiques pourrait apporter des éléments de réponse, mais, comme le montre le tableau ci-après, force est de constater que l’écart, même s’il se résorbe partiellement, n’est jamais totalement rattrapé d’ici à 2011. En outre, cette programmation n’intègre pas les engagements antérieurs à 2009 qu’il faudra pourtant honorer dans les années à venir.

Évolution des crédits du programme 146 « Équipement des forces »

(en milliards d’euros)

 

PLF 2009

2010

2011

AE

20,95

10,75

11,10

CP

12,21

12,01

11,83

Écart cumulé

- 8,74

- 7,47

- 6,74

Source : PAP 2009.

C. LES CRÉDITS DÉDIÉS AU MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE

Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements militaires conditionne directement la capacité des armées à honorer leur contrat opérationnel. Plusieurs structures sont en charge des opérations de maintenance, assurant des fonctions de maîtrise d’ouvrage ou de maîtrise d’œuvre.

En tant que maître d’ouvrage, la DGA contribue à la performance du MCO en préparant, lors des stades de conception et de réalisation des programmes d’armement, le soutien des systèmes d’armes correspondants, en évaluant leur coût global, dont les coûts de MCO, et en contractualisant les premières années de MCO (MCO initial). De plus, des personnels de la DGA sont employés dans les structures de soutien chargées, au sein et sous la responsabilité des armées, d’assurer la maîtrise d’ouvrage du MCO des systèmes en service. À ce jour, 120 personnes de la DGA travaillent au sein de la SIMMAD, 180 personnes au SSF et 10 personnes à la direction centrale du matériel de l’armée de terre (DCMAT).

Les réformes engagées dans les années 2000 ont conduit à la création de services de soutien : la SIMMAD pour le milieu aéronautique et le SSF pour le milieu naval. Ces structures ont amélioré la complémentarité existant entre la DGA et les armées en s’appuyant sur une logique de contractualisation entre l’État maître d’ouvrage et des maîtres d’œuvre industriels. Cette politique responsabilise les partenaires étatiques désormais partie prenante d’opérations complexes soumises à des contraintes budgétaires fortes. En 2007, les efforts du SSF ont permis d’améliorer la disponibilité technique de la flotte. En revanche, la disponibilité des aéronefs n’a pas sensiblement évolué depuis la création de la SIMMAD en 2001, malgré une hausse constante des crédits de MCO.

Le tableau ci-après détaille l’évolution des crédits de MCO depuis 2006.

Évolution des crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels
du ministère de défense

(en millions d’euros)

 

LFI 2006

LFI 2007

LFI 2008

PLF 2009

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Total titre 3

2 987,2

2 872,0

2 624,3

2 841,2

2 744,0

2 815,0

3 583,0

3 031,4

dont armée de l’air

879,8

1 028,2

1 037,0

1 167,5

1 033,1

1 123,0

1 579,3

1 203,0

dont armée de terre

672,1

563,0

516,0

551,0

630,1

571,6

697,6

614,5

dont marine nationale

1 120,8

967,6

1 057,2

1 110,3

1 078,3

1 117,4

1 304,5

1 209,1

Source : ministère de la défense.

L’armée de l’air et la marine nationale concentrent l’essentiel des budgets, leurs matériels étant par essence plus coûteux à entretenir. L’indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER) du Charles-de-Gaulle a par exemple coûté près de 300 millions d’euros. De même, en 2009, la force océanique stratégique prévoit d’engager 293 millions d’euros d’AE pour assurer le MCO de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. De manière plus globale, comme le montre le graphique ci-après, l’ensemble des armées font face depuis plusieurs années à une augmentation des crédits de MCO.

Évolution des CP consacrés à l’entretien programmé des matériels

(en milliards d’euros)

Source : ministère de la défense.

Cette progression n’est préoccupante que dans la mesure où ces crédits évoluent au sein d’une enveloppe contrainte : ils risquent donc de peser sur d’autres types de dépenses. Pour autant, il est primordial de conserver un financement suffisant pour le MCO, sauf à voir se détériorer immédiatement les capacités opérationnelles et à prendre le risque d’obérer durablement la disponibilité des équipements.

II. —  LES GRANDS PROGRAMMES D’ARMEMENT

A. LES COMMANDES ET LIVRAISONS PRÉVUES EN 2009

En 2009, le ministère de la défense devrait commander un nombre important de matériels, intégrant en cela les recommandations du Livre blanc et anticipant les dispositions de la nouvelle loi de programmation militaire.

Plusieurs équipements feront l’objet d’une commande globale, comme les 60 Rafale ou les 16 454 équipements FELIN. Cette procédure de globalisation permet en effet de réduire le coût global de l’opération en donnant à l’industriel plus de visibilité. Les contrats devraient également intégrer des clauses relatives à l’entretien programmé des matériels.

Le domaine naval bénéficiera d’engagements forts avec la commande d’un deuxième sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda et trois frégates FREMM dont deux à vocation de défense aérienne.

La composante terrestre bénéficiera quant à elle de la commande de 53 véhicules à haute mobilité, de 332 VBCI, de 50 véhicules de transport logistique et de 232 petits véhicules protégés. La commande de 22 NH90 (version terrestre) n’entre pas strictement dans le budget 2009 puisqu’elle aurait dû intervenir en 2008.

L’année 2009 devrait également voir plusieurs équipements entrer en service dans les forces, consacrant l’achèvement de la programmation entamée en 2003. Seront ainsi livrés deux aéronefs spécialisés dans le recueil du renseignement électromagnétique, huit Tigre, 75 torpilles MU 90, 96 VBCI, 14 Rafale, 34 canons Caesar, la deuxième frégate antiaérienne HORIZON, ainsi que plusieurs équipements d’information et de communication particulièrement utiles en opérations.

B. LA DISSUASION

1. Des crédits en hausse

Les crédits de l’action 6 « Dissuasion » du programme 146 augmentent en 2009, passant de 2,89 milliards d’euros à 3,3 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 14 %. Le tableau suivant retrace cette évolution.

Évolution des crédits de l’action 6 « Dissuasion » du programme 146

(en milliards d’euros)

 

LFI 2008

PLF 2009

Évolution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Titre 3

0,23

0,35

0,27

0,52

19,2 %

47,2 %

Titre 5

1,59

2,54

2,65

2,78

66,8 %

9,3 %

Total

1,81

2,89

2,92

3,30

60,8 %

14,0 %

Source : PAP 2009.

Ces crédits permettront de mener à bien le programme M 51 dont la première version entrera en service en 2010. Missile à têtes multiples, à capacité intercontinentale, il dispose d’une meilleure portée que son prédécesseur et bénéficiera, dans sa version 2, d’une meilleure aptitude à pénétrer les défenses adverses grâce à la furtivité des têtes et aux nouvelles aides à la pénétration associées. Les paiements s’échelonneront sur plusieurs années, le cumul des CP à partir de 2009 atteignant 732,64 millions d’euros pour le seul missile.

2. Les ravitailleurs en vol, un support indissociable de la composante aérienne en difficulté

Pour être crédible, la dissuasion nucléaire française doit respecter quelques principes fondamentaux dont celui de sa permanence. Que vaudrait en effet cette dissuasion si la France ne pouvait disposer de ses composantes océanique et aérienne que par intermittence ?

Cette exigence explique la présence permanente dans les océans d’au moins un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE). En ce qui concerne la composante aérienne, la permanence suppose de déployer, outre les avions porteurs de missiles, des avions ravitailleurs en vol. Or les ravitailleurs actuellement en service se caractérisent par un niveau avancé d’obsolescence. La commande de MRTT (Multi-Role Transport Tanker – avion multirôle de transport et de ravitaillement en vol) redonnerait de la souplesse aux forces aériennes stratégiques. Aussi importe-t-il d’engager le plus rapidement possible ce programme, car, comme l’ont souligné MM. Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet dans leur rapport sur la situation de l’aéromobilité des forces armées (12), le remplacement en 2011 des trois ravitailleurs KC135 « impose une prise de décision dès 2008 ». Pourtant le projet de loi de finances pour 2009 n’intègre aucun élément sur le MRTT. Il importe donc de veiller à ce qu’une décision soit prise le plus rapidement possible pour ne pas risquer de remettre en cause la dimension aérienne de la dissuasion française.

C. LES ÉQUIPEMENTS DE L’ARMÉE DE TERRE

L’état-major de l’armée de terre considère avoir perdu une capacité de paiement de l’ordre d’une annuité entre 2003 et 2007. La situation est encore plus dégradée pour les commandes qui accusent un décalage de l’ordre de deux annuités. Malgré une volonté forte du Livre blanc de faire un effort en faveur des équipements terrestres, il ne sera pas possible de rattraper le retard accumulé. Le tableau suivant établit l’état de réalisation des principaux programmes de l’armée de terre par rapport aux objectifs fixés par la loi de programmation militaire de 2003.

État de réalisation des principaux programmes de l’armée de terre

Programme

Commandes
Livraisons

Inscrit en LPM

Prévision ou réalisé

Différence

Hélicoptère NH90

Commandes

34

34

Cible atteinte

Char LECLERC

Livraisons

117

117

Cible atteinte

Dépanneur XL

Livraisons

15

15

Cible atteinte

Valorisation VAB

Commandes

668

668

Cible atteinte

Livraisons

1 202

1 202

Cible atteinte

COBRA

Livraisons

10

10

Cible atteinte

MARTHA (1) étape 1

Livraisons

17

17

Cible atteinte

SDTI

Livraisons

18

18

Cible atteinte

En retard ou cible réduite

TIGRE

Commandes

0

0

0 %

Livraisons

37

21

57 %

Rénovation Cougar

Commandes

24

6

25 %

Livraisons

17

0

0 %

VBCI

Commandes

333

233

70 %

Livraisons

272

41

15 %

Rénovation AMX10 RC

Commandes

80

80

100 %

Livraisons

256

150

59 %

VHM

Commandes

157

0

0 %

Livraisons

157

0

0 %

FELIN

Commandes

24 012

6 134

25 %

Livraisons

14 002

358

3 %

VBL

Commandes

298

298

100 %

Livraisons

500

378

76 %

SPRAT (2)

Commandes

18

10

56 %

Livraisons

10

0

0 %

MARTHA (1) étape 2

Commandes

56

87

+ 31 soit 155 %

Livraisons

60

17

28 %

(1) Le système de maillage des radars tactiques pour la lutte contre les hélicoptères et les aéronefs à voilure fixe (MARTHA) a pour objectif de coordonner les actions des intervenants de l’armée de terre dans la 3e dimension. Son rôle est d’accroître l’efficacité de l’artillerie sol-air (coordination des feux). Relié à des organismes Air, MARTHA effectue cette coordination en temps réel.

(2) Système de pose rapide de travures.

Source : ministère de la défense.

En outre, certains programmes ont dû être définitivement abandonnés, tels que la valorisation du ROLAND (13), le missile à fibre optique, le drone multi-charges multi-missions et la rénovation de 45 hélicoptères PUMA.

Le Livre blanc souligne l’urgence de procéder à de nouveaux investissements au profit de l’armée de terre et notamment au profit de l’aéromobilité. À ce titre, et alors que les membres de la commission de la défense ont régulièrement alerté le ministère sur cet impératif, le rapporteur ne peut que constater qu’aucune commande d’hélicoptères de manœuvre n’est prévue en 2009. La commande de 22 NH90 présentée ne correspond en effet qu’à un report de la commande qui aurait dû intervenir en 2008. Alors que l’aéromobilité conditionne de plus en plus nos déploiements en opérations extérieures, il est très surprenant que ces matériels ne bénéficient pas d’un meilleur traitement budgétaire en 2009. La loi de programmation militaire mettra peut-être l’accent sur ce thème, mais, en tout état de cause, la hausse conséquente des AE en 2009 devrait également profiter à l’aéromobilité terrestre.

D. LES ÉQUIPEMENTS DE L’ARMÉE DE L’AIR

Les priorités fixées à l’armée de l’air dans le cadre de la LPM 2003-2008 ont été globalement atteintes mais l’évolution des crédits dévolus aux principaux programmes d’équipement a généré des retards et des étalements qui ont fait peser des contraintes fortes, notamment sur le maintien en condition de certaines flottes anciennes.

Le programme désormais emblématique de l’A400M constitue aujourd’hui le souci principal. Les retards répétés dus à des difficultés technologiques, mais aussi à une organisation industrielle inappropriée, font de l’avion de transport un cas d’école de ce qu’il ne faudra plus faire. D’aucuns pourraient en sourire si cela ne compromettait pas à court terme la capacité de projection des armées et ne portait pas atteinte à la crédibilité de l’Europe à mener à son terme un programme majeur d’équipement en coopération.

Les principaux arbitrages étant intervenus avant 2003, l’actuelle LPM s’est plus apparentée à une loi de production pour l’armée de l’air.

Pour autant, les arbitrages financiers rendus ont imposé des tensions fortes sur les principaux programmes suivants : 

— Seuls 40 Rafale air ont été livrés au lieu des 57 appareils prévus pour la période. Outre ce retard, la cadence de livraison a été ramenée à 1,5 avion par mois, ce qui pose des problèmes importants sur la mise en œuvre du Rafale et sur la gestion de fin de vie des autres flottes. La prochaine LPM ne semble malheureusement pas corriger ces dysfonctionnements, remettant en cause la montée en puissance des unités dotées du Rafale et retardant les effets bénéfiques d’une flotte homogène et moderne. De surcroît, la commande de missiles MICA, qui contribuent largement aux capacités du Rafale, a été diminuée de 300 missiles et 200 missiles de moins que prévu ont été livrés.

— La modernisation de la composante aéroportée de la dissuasion a été décalée de 18 mois.

— La modernisation de la capacité de renseignement tactique a été ralentie, seule une nacelle « Reco NG » a été livrée alors que neuf étaient prévues dans la LPM.

— Pas de capacité de surveillance stratégique : absence de commande de drone MALE (intervenant à moyenne altitude avec une longue endurance) alors que la LPM 2003-2008 prévoyait la livraison de 12 drones à partir de 2009. L’actuel projet de LPM programme la livraison de trois systèmes à partir de 2017, soit un retard d’au moins huit ans.

— Deux programmes décisifs sur le plan stratégique, l’alerte avancée et le développement du brouilleur offensif, n’ont par ailleurs bénéficié d’aucun engagement dans la précédente LPM et ne devraient pas figurer dans le nouveau texte.

— Malgré un besoin de plus en plus marqué, la mobilité intra-théâtre reste difficile, les objectifs de 2003 ayant été réduits, avec deux CN 235 en moins sur la période.

Pour répondre au nouveau contrat opérationnel découlant des recommandations du Livre blanc, l’armée de l’air organise sa réforme autour de deux axes majeurs : la modernisation des moyens et l’adéquation des équipements aux besoins, avec une recherche constante du meilleur rapport entre le coût et l’efficacité. La prochaine LPM pourrait utilement mettre l’accent sur :

— le rétablissement de la capacité de transport avec notamment l’A400M, mais plus fondamentalement, le MRTT qui doit impérativement faire l’objet d’un arbitrage rapide ;

— le maintien de la crédibilité de la composante aéroportée de la dissuasion, la décision sur le MRTT conditionnant, là encore, les capacités opérationnelles ;

— la polyvalence et l’adaptabilité des systèmes de combat qui doivent tout autant assurer la protection du territoire que participer à des opérations extérieures dans le cadre d’une coalition ;

— la maîtrise de l’information en temps réel au niveau du théâtre.

Les équipements doivent également conserver une forte capacité à répondre à de nouveaux besoins opérationnels exprimés par les forces en fonction des opérations qu’elles sont amenées à remplir. Même si l’anticipation doit être la plus poussée possible, il serait illusoire de répondre dès aujourd’hui à l’intégralité des besoins. Le caractère polyvalent des équipements doit donc être développé de façon à pouvoir faire face, dans un premier temps, à toutes les missions, puis, dans un second temps, recourir au concept d’adaptation réactive, mettant en adéquation les moyens et les ambitions.

E. LES ÉQUIPEMENTS DE LA MARINE NATIONALE

L’exécution de la présente LPM a amené des modifications sur les cibles ou sur le rythme de déroulement des programmes d’armement de la marine nationale. Les changements les plus importants portent sur les opérations suivantes :

— l’abandon des frégates HORIZON n° 3 et 4, ce qui équivaut à une réduction de moitié de la cible de ce programme. Cette mesure devrait toutefois être atténuée par la décision de développer un nouveau type de frégates multi-missions dédiées à la défense aérienne (FREDA). Deux exemplaires devraient être commandés en 2009 ;

— le report de la commande du deuxième porte-avions initialement prévue en 2005, le Président de la République ayant choisi de reporter sa décision à 2011 ;

— pour compenser la hausse des coûts de développement de traitement d’obsolescences, la cible du programme RAFALE a été réduite en 2006 de deux avions pour la marine, passant ainsi de 60 à 58 avions.

Les modifications portant sur le rythme de déroulement des programmes concernent :

— le programme de sous-marins BARRACUDA pour lesquels les commandes des deux premiers sous-marins ont été décalées d’un an, avec de surcroît, un report de quatre ans pour les livraisons. Le premier bâtiment sera livré en 2016 et non en 2012 comme initialement prévu ;

— les missiles de croisière navals (MDCN) dont la commande prévue en 2006 a été réduite de 250 à 50 missiles. La commande ultérieure de 100 missiles est actuellement prévue en 2010. Le calendrier de livraison a, quant à lui, été décalé de deux ans, à partir de 2013 ;

— le programme de torpilles MU 90 a rencontré des difficultés techniques qui ont provoqué des retards dans les livraisons. Mais indépendamment de ces difficultés, la commande des 150 dernières torpilles, prévue en 2006, a été repoussée de trois ans ;

— le programme de torpilles FTL, désormais dénommé ARTEMIS, qui prévoyait une première commande de 105 torpilles en 2004, a été modifié en 2008 pour intégrer le développement du système et six torpilles de combat. La commande d’un deuxième lot de torpilles est prévue en 2011 ;

— la deuxième commande de bombes propulsées AAMS, prévue en 2007, a été reportée de deux ans ;

— l’opération de renouvellement de la batellerie des bâtiments amphibie, prévue de façon concomitante avec l’entrée en service des bâtiments de projection et de commandement (BPC), a été repoussée de six ans.

Indépendamment de ces aménagements, strictement liés aux contraintes budgétaires, plusieurs grands programmes ont rencontré des difficultés techniques qui ont provoqué des décalages dans les livraisons. Les BPC ont par exemple accusé un an de retard et la livraison des frégates HORIZON devrait être retardée de trois ans. La situation du programme NH90, dans sa version NFH (marine), est particulièrement préoccupante. Ces hélicoptères doivent en effet remplacer les Super Frelon qui assurent aujourd’hui les missions de secours en mer. Après 40 années de service, il est urgent de doter la marine d’appareils modernes, fiables, disponibles et répondant à l’ensemble des normes de sécurité.

Par ailleurs, une réflexion pourrait utilement s’engager en ce qui concerne les moyens de la marine nationale affectés à des missions de surveillance ou de protection qui représentent près de 30 % de l’ensemble de ses opérations. Alors que le Livre blanc consacre le lien entre la défense et la sécurité nationale, il peut apparaître surprenant que cette spécificité de la marine nationale ne soit pas mieux prise en considération. Toutefois, il ne faudrait pas que cela conduise à réduire la flotte ou à créer une deuxième structure chargée des missions non militaires. En revanche, une meilleure prise en compte budgétaire et financière pourrait améliorer l’évaluation, mais aussi faciliter la gestion, de ces opérations.

F. L’ENJEU DES EXPORTATIONS

Le développement et la production de matériels militaires constituent un véritable défi industriel : l’aléa budgétaire, le faible volume des commandes nationales, la nécessité d’adapter en permanence les matériels aux conditions opérationnelles font de l’industrie de défense une industrie à laquelle les règles économiques communes ne s’appliquent que difficilement.

L’existence de programmes en coopération garantit à l’industriel un panel élargi d’acheteurs. Mais ce procédé n’est pas sans risque, comme le démontre le programme A400M. Il convient donc de trouver d’autres débouchés par le biais de l’exportation.

Comme le souligne le Livre blanc de la défense, soucieux de dynamiser les exportations, « les exportations permettent d’allonger les séries et de réduire, ou à tout le moins de limiter, le coût unitaire des matériels limités par l’État. Elles rendent les entreprises moins dépendantes du marché national, tout en contribuant au maintien de leurs compétences ».

La France dispose d’une puissante industrie de défense, la hissant dans le quinté de tête des pays exportateurs. Mais cette position est chaque jour menacée.

Les commandes d’armes françaises en 2007 se sont élevées à 5,66 milliards d’euros, en léger recul par rapport à 2006. Ce chiffre est particulièrement inquiétant car dans le même temps les budgets de défense à l’échelle mondiale n’ont cessé de croître.

En 2008, le Gouvernement s’est donné pour objectif 6 milliards d’euros de commandes, avec, comme cible pour 2010, 7 milliards d’euros et 13 % du marché mondial. Mais cela suppose que les armées françaises disposent de leurs nouveaux équipements. Difficile en effet d’imaginer qu’un État acquière pour ses propres forces des matériels alors que l’État français rechigne à en équiper ses propres armées. Il était totalement illusoire de croire en l’exportabilité de l’avion de chasse Rafale avant même sa mise en service au sein de l’armée de l’air française et son usage sur des théâtres d’opérations. Il en est de même pour la frégate FREMM dont la marine attend la première livraison avec une certaine impatience. On ne peut vouloir une industrie de défense puissante sur le marché mondial et retarder dans le même temps ses propres acquisitions. C’est une question de cohérence.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. —  AUDITION DE M. HERVÉ MORIN, MINISTRE DE LA DÉFENSE

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2009 (n° 1127) au cours de sa réunion du mardi 7 octobre 2008.

M. le président Guy Teissier. Je remercie M. le ministre de la défense d’avoir bien voulu venir présenter à notre commission les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2009 et de la loi de programmation de finances publiques. Il est certain que les décisions que nous allons prendre vont grandement engager nos débats sur le futur projet de loi de programmation militaire. Nous devrons veiller à une bonne articulation entre les différents textes, sachant également que le budget de la défense met en œuvre les conclusions du Livre blanc et de la révision générale des politiques publiques – RGPP.

Vous nous détaillerez notamment, monsieur le ministre, la nature des ressources exceptionnelles que vous escomptez en 2009.

Je souhaiterais également que vous nous apportiez des précisions sur l’équipement de nos troupes en Afghanistan. Comment les mesures d’urgence seront-elles financées ?

Les effectifs du ministère connaîtront en 2009 une baisse d’environ 8 250 emplois. Quelles sont les mesures d’accompagnement prévues pour ces restructurations ? Qu’envisage-t-on pour améliorer la condition des personnels civils et militaires ?

La dotation des OPEX en 2008 a été fixée à 460 millions d’euros. Or, compte tenu de nos engagements sur le terrain, elle devrait plutôt approcher les 850 millions d’euros. Comment assurera-t-on la couverture de ces besoins, sachant que les crédits sont maintenus à 510 millions d’euros en 2009 ?

Cela me ramène à une de mes interrogations : ne faut-il pas hiérarchiser notre présence sur les nombreux terrains d’opération où nous sommes engagés ? C’est en effet une source de tension dans l’armée de terre, qui est très sollicitée. Les effectifs sont mobilisés pour des durées de six mois. À la fin de l’année, les chasseurs alpins partiront en Afghanistan relever le 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine. Tout cela est long et exigeant. Nous avons des économies à faire et nous devons mieux répartir la charge entre les différents régiments ou bataillons de l’armée de terre.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Je suis heureux de retrouver votre commission pour présenter un budget qui est bon, et même très bon. Ce budget est absolument conforme aux engagements pris depuis un an : réorganisation du ministère, restructuration de nos implantations, réflexions sur la mutualisation, l’interarmisation et la répartition des ressources entre soutien et forces opérationnelles, les moyens humains étant aujourd’hui consacrés pour plus de 60 % au soutien et près de 40 % aux forces opérationnelles. Nos efforts sont payés de retour puisque le projet de budget nous permettra tout à la fois de réaliser des progrès importants dans l’équipement des forces et d’améliorer la condition du personnel.

Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » vous ont été présentés la semaine dernière par M. Jean-Marie Bockel. Je vous rappelle également que je ne présenterai pas les crédits de la gendarmerie. C’est le ministère de l’intérieur qui les gérera désormais intégralement dans le cadre de la mission « Sécurité ».

Quelques mots sur le contexte dans lequel ce budget, qui correspond à la première année de l’exécution de la loi de programmation militaire, a été préparé.

Dès mon arrivée au ministère en mai 2007, mon attention a été appelée sur le caractère insoluble de l’équation financière de la période 2009-2011 et en particulier de celle de l’année 2009 pour laquelle nous aurions dû assurer, si nous en étions restés au référentiel de fin 2006-début 2007, une dépense de 34,7 milliards d’euros, soit un saut de plus de 4 milliards.

Les prévisions tablaient, pour les dépenses d’équipement, sur une augmentation de 6 milliards d’euros en moyenne annuelle pour la période d’exécution de la loi de programmation 2009-2014. Ce n’était ni réaliste ni compatible avec l’état de nos finances publiques et nos engagements européens. Nous avons beaucoup travaillé sur cette « bosse » financière dans le cadre de la RGPP, de la revue des programmes d’armement et du Livre blanc.

Ce dernier, en définissant les moyens, les formats et les contrats opérationnels des armées, a reconfiguré nos besoins et les a hiérarchisés sur une période de douze à quinze ans. Il prévoit ainsi 377 milliards d’euros pour la période 2009-2020 tout en fixant un rythme d’accroissement des ressources de 0 % en volume jusqu’à 2011, puis de 1 % en volume à partir de 2012. Il acte en outre le financement des besoins au-delà des crédits budgétaires par des ressources exceptionnelles. Entre 2009 et 2011, la résorption de la « bosse » résiduelle représentera environ 1,7 milliard d’euros.

La réforme du ministère porte principalement sur notre dispositif d’administration et de soutien. Elle permettra d’importantes réductions d’effectifs – 54 000 au total d’ici à 2015 –qui nous donneront des marges de manœuvre supplémentaires pour financer la condition des personnels et l’équipement des forces. Ces efforts ont porté leurs fruits puisque nous serons en mesure de vous présenter dans quelques semaines un référentiel de programmation robuste. Ce référentiel présente des choix clairs, décline les priorités définies dans le cadre du Livre blanc et prévoit les financements associés.

Pour la première fois, le projet de loi de finances s’inscrit dans le cadre de la programmation de l’ensemble des dépenses de l’État sur trois ans. Il fixe donc des enveloppes pour la première moitié (2009-2011) de la loi de programmation militaire, qui portera sur la période 2009-2014.

Le projet de loi de programmation et son rapport annexé devraient être déposés sur le bureau de votre assemblée au mois de novembre afin que vous puissiez les examiner en première lecture avant Noël. L’idée est de parvenir à une adoption définitive à la fin du mois de janvier 2009. Il est important de tenir ce calendrier car le projet comporte l’ensemble des mesures de restructuration du ministère ainsi que les dispositions d’accompagnement social.

Conformément à la démarche globale que je viens de retracer, ce budget triennal respecte les engagements pris. Malgré l’état de ses finances publiques et la crise financière que nous traversons, la France ne baisse pas la garde en matière de défense. La capacité d’adaptation et de réforme dont notre ministère fait preuve permet d’optimiser les ressources budgétaires qui lui sont accordées.

La défense constitue une réelle priorité du budget de l’État. Conformément à la trajectoire financière définie par le Livre blanc, les ressources de la mission « Défense » hors pensions – étant entendu que les pensions progressent de 350 millions d’euros cette année – connaîtront une progression égale à celle de l’inflation dans la période 2009-2011. Nous tiendrons donc l’objectif du « zéro volume ». Cette trajectoire est dérogatoire à la norme appliquée aux autres ministères : compte tenu de la progression de la charge de la dette et des pensions, c’est plutôt le maintien en valeur qui est pour eux la référence voire, pour certains d’entre eux, une baisse des crédits.

L’objectif d’une croissance zéro des ressources en volume implique trois hausses successives de 500 à 600 millions d’euros en 2009, 2010 et 2011 afin de tenir compte de l’inflation. En 2009, le financement de cet accroissement sera assuré par des ressources exceptionnelles, consolidées les deux années suivantes. En 2010 et 2011, le financement sera assuré par des crédits budgétaires.

Au-delà de cette trajectoire, il nous faudra financer le pic de besoins supplémentaires –la fameuse « bosse » – pour passer de 31 milliards à 32 milliards. Comme pour les 600 millions dont je viens de parler, ce milliard supplémentaire proviendra de ressources exceptionnelles.

Les ressources totales de la mission « Défense » hors pensions augmenteront donc de 5,4 % en 2009, pour atteindre un peu plus de 32 milliards contre 30,4 milliards en 2008, à structure de budget comparable.

Les recettes exceptionnelles proviendront des cessions d’actifs immobiliers issues des redéploiements territoriaux et du regroupement des implantations de l’administration centrale sur un site unique à Balard, ainsi que des cessions de fréquences résultant du réaménagement du spectre électromagnétique au titre du dividende numérique. En effet, le passage de la télédiffusion du mode analogique au mode numérique entraînera une opération importante de réattribution des fréquences au profit notamment de la téléphonie mobile. La défense sera partie prenante et retirera des recettes des fréquences qu’elle sera amenée à céder.

Deux comptes d’affectation spéciale seront sollicités, l’un, existant, relatif aux cessions immobilières, qui recevra des produits de cessions immobilières de la défense à hauteur d’un milliard d’euros, l’autre, dont la création est prévue au projet de loi de finances pour 2009, relatif à la valorisation de la ressource spectrale à hauteur de 600 millions d’euros. Ces recettes sont sûres, plus même que le reste du budget puisque les crédits figurant dans un compte d’affectation spéciale sont reportables d’une année sur l’autre sans qu’il y ait possibilité de régulation budgétaire.

La crise n’aura pas d’incidence sur les revenus tirés de l’immobilier puisque le ministère de la défense obtiendra le milliard d’euros dès l’année 2009 : c’est une société immobilière dépendant de l’État et appuyée sur un opérateur du secteur public qui réalisera ensuite le portage des immeubles et les revendra au fur et à mesure, aux meilleures conditions du marché.

Deuxième caractéristique de ce budget : la maîtrise de la masse salariale. Pour la première fois dans l’histoire récente du ministère, celle-ci ne progressera pas en 2009. Elle diminuera même légèrement pour s’établir à 11,7 milliards d’euros contre presque 11,8 milliards d’euros en 2008, tout en permettant un effort exceptionnel en faveur de la condition des personnels civils et militaires.

8 390 emplois seront supprimés dans le périmètre du ministère, dont 8 000 pour la mission « Défense ». Compte tenu de la création de 140 emplois dans les services de renseignement, le solde net sera de 8 250 suppressions d’emplois.

Ces économies nous permettent de financer la revalorisation de la condition du personnel à hauteur de 89 millions d’euros, dont 74 millions pour les militaires et 15 millions pour les civils, au-delà des mesures générales applicables à l’ensemble de la fonction publique. En 2008, l’effort a porté sur l’ensemble des militaires du rang et sur les sergents en début de carrière, conformément au plan d’amélioration de la condition militaire arrêté par mon prédécesseur en février 2007. En 2009, l’essentiel de l’effort sera dirigé vers les sous-officiers et une partie des officiers. Je précise que les textes relatifs à la réforme des statuts particuliers des militaires ont été publiés.

Nous financerons aussi le plan d’accompagnement social des réformes à hauteur de 140 millions en 2009. Ce plan repose sur des aides au départ – pécules pour les militaires –, à la reconversion ou à la mobilité. L’effort portera principalement sur le soutien, mais aussi, accessoirement, sur l’opérationnel lorsqu’il s’agira d’accompagner la dissolution de certaines unités de blindés, d’artillerie ou de transmission, conséquence directe de la chute du mur de Berlin. Les restructurations ne toucheront pas les forces engagées sur les théâtres d’opérations extérieures.

Le processus de baisse de la masse salariale s’amplifiera dans les années à venir compte tenu des prévisions de réduction d’effectifs. Au terme de la loi de programmation, en 2014, la masse salariale du ministère sera inférieure à celle de 2008, et ce malgré le plan d’amélioration de la condition militaire et le GVT – glissement vieillesse technicité. Nous disposerons ainsi de marges de manœuvre importantes pour l’équipement des forces.

L’effort d’équipement est en effet la troisième grande caractéristique de ce budget. Nous savons tous que notre armée a besoin de renouveler la quasi-totalité de ses matériels et doit lancer de nouveaux programmes identifiés par le Livre blanc comme des priorités, par exemple en matière d’observation et de renseignement.

En 2009, cet effort atteindra 17 milliards d’euros contre 15,4 milliards en 2008, soit un bond de plus de 10 %. En outre, nous disposerons d’autorisations d’engagement pour passer 10,2 milliards d’euros de nouvelles commandes globales – 60 Rafale, 3 frégates multimissions (FREMM) et 332 véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) – liées à la renégociation des contrats avec les industriels.

Au-delà de ces programmes structurants, nous passerons commande en 2009 de 150 missiles de croisière navals, de 22 hélicoptères NH90 en version terrestre et de 232 petits véhicules protégés. La priorité accordée à la fonction connaissance et anticipation et à l’espace sera concrétisée dès 2009 avec le lancement de la phase de conception du programme européen MUSIS, qui succédera à Hélios. J’espère que nous pourrons signer les lettres d’intention lors du conseil des ministres de la défense européen en novembre prochain, en confiant notamment à l’agence européenne de défense – AED – l’ensemble du segment sol. Je précise que la Pologne s’apprête à rejoindre les six pays participant à ce programme.

J’en viens aux livraisons prévues pour 2009 : il s’agit notamment de 8 hélicoptères Tigre, 14 avions Rafale, 96 VBCI, 34 canons automoteurs Caesar, la deuxième frégate antiaérienne Horizon et 128 missiles antiaériens ASTER 15 et 30 liés au programme SAMP/T – système sol-air moyenne portée/terrestre.

Les dotations destinées au maintien en condition opérationnelle – MCO – hors dissuasion augmenteront de 8 %, pour atteindre 2,9 milliards. En dépit de l’effort consenti, nous connaissons toujours des difficultés liées à l’usure des matériels et à leur emploi intensif. Nous avons déjà réformé le service de soutien à la flotte et ceux chargés du MCO aéronautique. Nous allons maintenant le faire pour l’armée de terre en créant une structure intégrée de MCO du matériel terrestre – SIMMT –, qui assumera la maîtrise d’ouvrage déléguée et un service de maintenance industrielle terrestre – SMITER –, qui rassemblera l’ensemble des moyens industriels étatiques.

Il convient aussi de souligner la consolidation de notre effort de recherche. Les études amont progressent de 2,5 % par rapport à 2008, avec une dotation de 661 millions d’euros. Dans un périmètre plus large, les études de défense, qui comprennent les subventions aux écoles et organismes de recherche, verront leur budget s’accroître de 7 % pour atteindre 1,570 milliard d’euros.

J’en viens enfin aux OPEX, pour lesquelles nous faisons un effort supplémentaire : 510 millions d’euros de provision de financement sont prévus pour 2009 contre 460 millions en 2008. Les dépenses en 2008 devraient être plus proches de 800 millions d’euros que du milliard.

Conformément au vœu formulé par le président Teissier, j’ai engagé un premier travail de réflexion et de hiérarchisation des OPEX pour présenter au Président de la République, le moment venu, un certain nombre d’éléments. Ainsi, lors de la réunion informelle des ministres de la défense de l’Union européenne qui s’est tenue la semaine dernière, j’ai quasiment obtenu que nous arrêtions l’opération Althea en Bosnie. Il reste 2 500 à 3 000 hommes sur place mais les forces ont rempli la totalité de leur mission militaire. De même, faut-il maintenir au même niveau notre engagement en Côte-d’Ivoire ? Quelles seront les conséquences du transfert à l’ONU de l’opération EUFOR au Tchad ? Il nous faut veiller à réduire autant que possible les dépenses dans les années futures.

Un dernier élément figurera dans la loi de programmation militaire : j’ai obtenu la mise en place d’un mécanisme de financement assuré par la réserve interministérielle, ce qui mettra fin au financement des OPEX par le seul budget de la défense.

S’agissant des mesures d’urgence en Afghanistan, nous n’avons rien engagé avant le vote du Parlement, conformément à la lettre et à l’esprit de la Constitution. L’état-major des armées m’avait indiqué que l’acheminement de l’ensemble des éléments prendrait six semaines. Les hélicoptères sont déjà sur place, les drones en cours d’acheminement, et tout sera opérationnel à partir du 15 octobre.

M. le président Guy Teissier. Je vous remercie pour cet exposé très détaillé.

Je remarque que l’on commande des canons Caesar alors que l’on dissout certains régiments d’artillerie. Certes, cet équipement est le nec plus ultra en matière d’artillerie…

M. le ministre. Il se vend très bien.

M. le président Guy Teissier. Il est assurément préférable d’être acheteur de ses propres productions pour mieux les exporter, mais on n’a plus tiré un coup de canon de 155 depuis les combats du mont Igman en Bosnie. C’est la même chose pour la torpille MU 90. S’agit-il vraiment d’une priorité ?

M. le ministre. C’est une question que vous pourrez poser au chef d’état-major des armées. Ce qui est certain, c’est que nous avons vendu ces canons à l’Arabie saoudite, à la Thaïlande, et que nous menons des discussions approfondies avec plusieurs pays – Malaisie, Australie, pays du Golfe.

Pour le reste, le contrat a été signé en 2004 et nous l’honorons.

M. le président Guy Teissier. C’était hors loi de programmation...

M. le ministre. Certes, mais il faut savoir que, lors de la revue générale des programmes, les niveaux de dédit que nous avons constatés sur certains contrats étaient tels que la résiliation revenait à payer 70 à 80 % de la commande sans rien obtenir ! Je ne dis pas que ce soit le cas pour cet équipement mais cela explique que nous ayons parfois été obligés d’aller jusqu’au bout de la démarche.

M. Bernard Deflesselles. Vous avez parlé d’un bon, d’un très bon budget, monsieur le ministre. Je ne puis qu’abonder dans ce sens, en ajoutant que vous devez être un bon, très bon ministre de la défense pour arriver à ce résultat dans un tel contexte de crise internationale, d’orthodoxie budgétaire au plan national et de restructuration de nos forces.

En vous fondant sur les 377 milliards d’euros prévus par Livre blanc d’ici à 2020 et en respectant le cadre du budget triennal 2009-2011, vous présentez un budget de 32 milliards en 2009, ce qui représente une augmentation considérable. Seuls le département de la justice et celui de l’enseignement supérieur et de la recherche connaissent une aussi forte augmentation. Le pari est donc tenu, n’en déplaise aux Cassandre qui annonçaient l’abandon de nos armées corps et biens du fait des difficultés budgétaires.

Pourriez-vous préciser le périmètre des ressources immobilières et hertziennes que vous avez évoquées ? En quoi ces ressources sont-elles pérennes ?

En matière d’équipement, nous passons de 15,4 à 17 milliards d’euros. Vous avez détaillé les livraisons prévues en 2009 : pourriez-vous nous indiquer quelles seront les commandes ?

Enfin, nous voulons bien croire à une discussion du projet de loi de programmation avant Noël mais, étant donné le calendrier parlementaire, il vous faudra mettre toute votre influence dans la balance pour y parvenir.

M. le ministre. Parmi les commandes prévues en 2009 figurent 150 missiles de croisière navals, 3 FREMM, dont deux de défense aérienne – FREDA –, un deuxième sous-marin nucléaire d’attaque – SNA – Barracuda, 60 Rafale, 1000 missiles ASM. Quant au projet de commande de 16 000 équipements Félin, il fera l’objet d’un examen approfondi car il est inutile de disposer d’équipements de haute technologie si l’on est incapable d’en assurer le MCO. Je veux observer comment cela fonctionne sur un théâtre d’opération exigeant, comme c’est le cas en l’Afghanistan, avant de prendre la décision.

Il faut ajouter à ces commandes 53 véhicules à haute mobilité et 332 VBCI, la rénovation à mi-vie des avions AWACS, 60 stations de communication par satellite Syracuse 3 et 501 postes radio de quatrième génération – PR4G . À cela s’ajoutent, au titre des équipements de projection mobilité et soutien, 22 hélicoptères NH90 en version terrestre, 5 hélicoptères Cougar, 50 véhicules de transport logistique PPT, 232 petits véhicules et enfin, pour la protection des troupes déployées, un système de détection d’agents biologiques.

Concernant l’immobilier, la ressource s’élève à un milliard sur l’année. A priori, c’est un opérateur du secteur public qui assurera l’opération et assumera le risque. Nous vendrons l’ensemble des implantations à Paris à l’exception des Invalides bien sûr, de l’École militaire, de l’hôtel de Brienne – le ministre le quittera mais l’État conservera ce lieu chargé d’histoire -, de celui de la Marine, dont nous conserverons l’abusus et dont nous vendrons l’usufruit, ce qui permettra à l’État de conserver son patrimoine tout en le valorisant dans les meilleures conditions, et du site de Saint-Augustin. Seront vendus : la caserne de Reuilly, la caserne Lourcine, les sites de Saint-Thomas d’Aquin, de Bellechasse, de Gley, de la Tour-Maubourg, de la Pépinière, une partie d’un immeuble à Montparnasse et, bien entendu, l’îlot Saint-Germain – qui sera probablement cédé en deux parties en 2010 et 2011.

La construction du nouveau site à Balard prendra sans doute la forme d’un partenariat public-privé. Nous avons déjà réalisé l’étude de faisabilité et l’équipe est constituée.

En province, le Président de la République souhaite donner la priorité aux collectivités les plus touchées par les restructurations et privilégier dans ce cas, après une analyse effectuée par l’administration de l’aménagement du territoire, des cessions à très bon marché, voire à un euro symbolique.

M. le président Guy Teissier. En quelque sorte, les opérations de portage s’apparentent au recours à un marchand de biens.

M. le ministre. Mais il n’y a pas de risque : les sommes sont acquises.

M. Bernard Cazeneuve. Je souhaiterais poser différentes questions. Tout d’abord, qu’est-ce que cette « réserve budgétaire interministérielle » qui servirait désormais à financer une partie des OPEX ? Où se niche-t-elle dans la nomenclature budgétaire et par qui est-elle alimentée ?

Ce budget est le premier à être élaboré après le Livre blanc, la RGPP et la revue des programmes. Après quelques mois, quelle évaluation faites-vous des économies annuelles que le ministère pourrait tirer de la réduction des effectifs ? C’est la seule source de financement possible, en raison de la « bosse », pour se doter des équipements nécessaires au nouveau modèle d’armée que vous préconisez.

Avez-vous envisagé de retarder certains programmes ? Un premier Barracuda a été commandé en décembre 2006. Le deuxième devrait l’être en décembre 2008. Le rythme initialement prévu d’une commande tous les deux ans sera-t-il conservé ? Il faut savoir que tout programme que l’on étale est un programme qui coûte plus cher.

Enfin, il faudra retrancher du montant des économies que vous avez mentionnées au moins deux éléments : le coût des mesures sociales d’accompagnement, que vous évaluez à 140 millions d’euros – est-ce à dire, d’ailleurs, que celles-ci ont fait l’objet d’un arbitrage de Matignon et qu’un bleu fixe leur répartition ? –, et le coût des mesures d’aménagement du territoire, même s’il n’est pas imputé sur votre budget. En est-on toujours, après inventaire, aux 360 millions évoqués par le ministère au moment de l’annonce de la réforme, ou a-t-on réévalué ce chiffre ?

M. le ministre. La réserve interministérielle est la réserve de précaution prévue dans le cadre de la LOLF.

L’économie nette, intégrant les coûts d’infrastructure et les coûts sociaux, est évaluée à 3 milliards d’euros pour la période 2009-2014. L’économie nette cumulée sur la masse salariale est de 3,1 milliards d’euros sur six ans, sans prendre en compte le tendanciel, à savoir le GVT et les revalorisations générales. Les suppressions d’effectifs généreront 700 millions d’économies de fonctionnement cumulées sur six ans.

Pour ce qui est des infrastructures, le mouvement des unités coûtera 1,2 milliard d’euros sur six ans et pourrait rapporter 600 millions en produit de cession, net de dépollution, soit un coût consolidé de 600 millions d’euros. Le fonds de restructuration de la défense – FRED – bénéficiera quant à lui de 215 millions d’euros, auxquels il faudra ajouter les crédits accordés à mon collègue Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire.

Il y a une commande de Barracuda en 2008. Le délai prévu pour la livraison du premier SNA est toujours le même. Il n’y a guère de marges de manoeuvre sur ce programme car les SNA de type Rubis arrivent en fin de vie et nous avons absolument besoin de ces sous-marins : c’est une des priorités définies par le Livre blanc.

Enfin, les mesures sociales ont été « bleuies » par Matignon. Les décrets sont prêts. J’attends que la loi de programmation soit votée pour les adapter à d’éventuels amendements.

M. Damien Meslot. Vous nous avez parlé d’un budget exceptionnel, monsieur le ministre, et nous en acceptons l’augure. Je m’inquiète toutefois du nombre croissant d’opérations extérieures où nos troupes sont engagées. Votre estimation des coûts est inférieure à celle du président Teissier, que je pense pour ma part plus plausible. Le format de nos armées tel qu’il résultera de l’indispensable réforme en cours nous permettra-t-il d’être présents sur autant de théâtres d’opérations ? Ne serait-il pas plus judicieux de choisir un nombre restreint d’opérations pour éviter la surchauffe ?

Les ministres de la défense ont toujours présenté de beaux budgets au Parlement. Mais, de reports en retards, on s’est trouvé souvent désappointé lorsqu’il s’est agi d’en contrôler l’application. S’agissant plus particulièrement des 22 hélicoptères NH90, le délégué général pour l’armement nous a indiqué de façon un peu vague que le report de la commande, pour ce programme, n’entraînerait pas de report des livraisons. Je voterai ce budget. Je voudrais néanmoins être sûr de sa bonne application.

M. le ministre. Je crois avoir déjà répondu sur les OPEX. Mais nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle crise qui nous obligerait à intervenir.

Les 22 NH90 doivent être commandés avant la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Vous comprendrez cependant que nous menions des discussions serrées avec les industriels : nous ne sommes pas là pour leur faire des cadeaux !

M. Damien Meslot. Nos troupes ont besoin de ces équipements.

M. le ministre. M. Collet-Billon vous a dit la vérité. Les premiers NH90 arriveront en 2011 quoi qu’il arrive. L’industriel est très exigeant car c’est un programme qui rencontre un grand succès à travers le monde. Ses carnets de commande sont remplis. Il est de notre devoir de discuter pour défendre les intérêts du contribuable.

Enfin, grâce aux nouveaux pouvoirs constitutionnels du Parlement à partir du 1er mars 2009, vous serez en mesure de m’aider pour assurer la bonne exécution du budget.

M. Philippe Folliot. Peut-être n’avez-vous pas assez insisté sur les efforts en matière de revalorisation de la condition militaire, monsieur le ministre. L’attente est très forte sur le terrain, dans un contexte général qui met en exergue la question du pouvoir d’achat. Le plan est pluriannuel. Nous sommes rassurés pour 2009 mais quelles sont les perspectives pour les années suivantes ?

Par ailleurs, quels sont les moyens consentis pour la promotion de l’égalité des chances ?

Qu’en est-il de la réserve opérationnelle ?

M. Jean Michel. Nous sommes habitués à ces réjouissances annuelles autour d’un « très bon budget ». Mais l’exécution des budgets précédents, et singulièrement celle du budget 2008, conditionne l’ensemble : tout dépend d’où nous partons. Nous risquons, à cet égard, de connaître une mauvaise fin d’année.

Votre graphique fait apparaître la fameuse « bosse budgétaire » héritée de la ministre précédente. Cette bosse correspond pourtant à ce qui était prévu pour répondre aux besoins justifiés de la nation en matière de défense. Je rappelle que le budget de la défense a pu atteindre par le passé 4 % du PIB.

Il me semble difficile de parler de la « pérennité » d’une ressource tirée de la vente d’immeubles. Que je sache, on ne peut vendre qu’une fois ! Les difficultés sont donc devant nous. Les 1,7 milliard d’euros supplémentaires nous laissent loin de l’objectif de 2 % du PIB fixé urbi et orbi par le Livre blanc, qui cite en exemple la politique britannique. Sauf erreur de ma part, vous en êtes à 1,7 %.

Il est enfin étonnant d’appliquer une loi de programmation militaire avant qu’elle ne soit connue et votée.

Pour toutes ces raisons, je reste sceptique. Il faut partir des besoins de la nation et du rôle que veut jouer la France dans le monde, et non réduire les objectifs pour se réjouir ensuite de les atteindre.

M. le ministre. Le plan d’amélioration de la condition militaire s’achèvera en 2011. L’essentiel de l’effort budgétaire porte sur 2009 et 2010 et se traduira, comme je l’ai dit, par des améliorations substantielles de revenus.

Pour ce qui est de l’égalité des chances, nous avons scolarisé cette année dans les lycées militaires 180 jeunes issus de milieux défavorisés. Nous avons mis en place des tutorats et nous payons l’intégralité de leurs frais de scolarité. En outre, les jeunes bacheliers peuvent bénéficier d’une année de « classe tampon » avant d’entrer en classe préparatoire. Notre objectif est de scolariser environ 800 élèves d’ici à trois ans.

S’agissant de la réserve opérationnelle, la durée moyenne d’activité s’élève actuellement à 23 jours. Il est vrai que nous pourrions faire plus si nous disposions de plus de moyens, mais la dotation pour 2009 est maintenue à 92 millions d’euros.

Je veux bien que l’on s’invente des contrats opérationnels, monsieur Michel, mais l’objectif figurant dans l’ancien Livre blanc d’une force projetable de 50 000 n’a jamais été mis en œuvre depuis 1945. Le nouveau Livre blanc prévoit tout de même une capacité de projection de 30 000 hommes sur un théâtre majeur, plus 5 000 sur un théâtre secondaire et 10 000 au titre de la défense du territoire, auxquels il faut ajouter une force aérienne de combat de 70 avions projetables. Cela est déjà très conséquent.

Il est vrai que la « bosse » existe encore et qu’il nous faut la financer. C’est l’objet du milliard d’euros de recettes exceptionnelles.

Le budget britannique de la défense dépasse 2 % du PIB mais il comprend les pensions. En France, les pensions représentent 7 milliards d’euros – 350 millions de plus cette année. Si l’on fait le total, la différence budgétaire en matière d’équipement entre la France et le Royaume-Uni est très faible. Ce sont les chiffres de l’OTAN !

M. Michel Voisin. Il y a douze ans, la loi de professionnalisation avait mis en place des mesures d’accompagnement de la baisse des effectifs. Qu’en est-il dans le budget pour 2009 ? Ces mesures seront-elles, le cas échéant, soumises au Parlement ?

Les centres EPIDe – établissement public d’insertion de la défense – présentaient des perspectives intéressantes. Ils semblent confrontés aujourd’hui à des difficultés. Comment voyez-vous leur avenir ?

Mme Patricia Adam. La diminution des effectifs recommandée par le Livre blanc devait permettre un renforcement des crédits d’investissement. Or je constate que les économies iront vers une redistribution en fonctionnement : amélioration de la condition militaire et réalisation des prochaines opérations immobilières. Quand les affectera-t-on à l’équipement des forces ?

Ce budget me semble beaucoup plus réaliste que les précédents et je vous en félicite. Cela dit, quels moyens aurons-nous pour assurer le suivi de l’exécution budgétaire programme par programme ? Et qu’en est-il des commandes et des livraisons qui n’ont pas été réalisées au titre du budget 2008 ?

M. le ministre. Ce sont les ministères de l’économie et de la ville qui financent les centres EPIDe. Ces établissements rendent en effet un immense service mais je refuse que le ministère de la défense, qui a déjà donné des biens immobiliers, soit encore mis à contribution. Le plan de développement repose sur des redéploiements. L’idée est de fermer les établissements qui fonctionnement le moins bien pour en ouvrir d’autres.

Les effectifs seront réduits de 8 250 l’année prochaine. Les mesures d’accompagnement social sont prêtes. Le Parlement en sera saisi puisqu’elles figurent dans le projet de loi de programmation militaire.

Les économies de masse salariale permettent de financer l’investissement, madame Adam. Si nous ne les avions pas réalisées, les crédits d’équipement s’en seraient trouvés réduits d’autant. La masse salariale s’élève à 11,7 milliards d’euros. Si elle continuait d’augmenter de 3 % par an, ce serait 300 millions de moins pour l’investissement.

Pour ce qui est du suivi de l’exécution, je considère que le Parlement est un soutien dans les combats que je mène et je n’ai pas de problème pour qu’il suive cette exécution programme par programme.

La principale commande qui n’a pas été passée est celle du second porte-avions. Pour ce qui est du NH90, c’est une simple question de discussion avec l’industriel.

M. Jean-Claude Viollet. Le projet de loi de programmation militaire, dites-vous, sera transmis à l’Assemblée avant la discussion budgétaire. C’est une bonne chose car il nous faut travailler ces deux textes de façon cohérente. Nous avons cependant besoin de connaître l’existant de façon plus précise afin de faire les bons choix dans la durée.

Plusieurs sujets sont ainsi en suspens : tout d’abord, comment maintenir une compétence technologique en matière d’avions de combat ?

En matière d’aéromobilité, le retard pris par l’A400M ne doit pas faire oublier que c’est un avion extraordinaire qui répondra aux très nombreuses exigences que l’on a posées. Ne conviendrait-il pas de trouver des solutions d’attente permettant à nos forces de remplir le contrat opérationnel fret ? Quant au choix des ravitailleurs, qui devait intervenir à la mi-2008, il n’a pas été fait. Si l’on ne résout pas ce problème, c’est la projection de nos forces et la dissuasion qui risquent de se trouver remises en cause.

Il faudrait également remettre en perspective les projets en matière de drones. Si les projets de drones de combat comme Neuron visent plutôt à maintenir notre capacité en avions de combat, j’ai cru comprendre que vous aviez signé avec vos collègues européens une déclaration d’intérêt pour le programme de drones de renseignement Advanced UAV. Avoir de l’intérêt pour ce programme est une chose, mais quelles seront les solutions d’attente ?

Qu’en est-il enfin de la flotte de l’escadron de transport, d’entraînement et de calibration – ETEC – et de l’escadron Estérel ? Il semblerait que l’on ait programmé des acquisitions. J’aimerais que cela soit replacé dans le cadre du débat budgétaire et des priorités qui s’imposent.

M. Jean-Claude Beaulieu. L’importance du service de santé des armées, tant sur le plan international – auprès de populations souvent dans le besoin – que sur le plan national, dans le cadre du service public de santé et de l’enseignement, n’est plus à démontrer. Comment envisagez-vous l’avenir des hôpitaux d’instruction des armées ? Prévoit-on, dans l’enseignement notamment, des redistributions et des partenariats avec les centres hospitaliers universitaires ?

En ce qui concerne les OPEX, j’ai constaté sur le terrain le déficit en matière d’aéromobilité. Le remplacement des Puma et des Transall demandera du temps. Ne pourrait-on envisager une solution intermédiaire – location, achat sur étagère – pour assurer un service essentiel ?

M. Christophe Guilloteau. Est-il prévu de revoir à la baisse les OPEX du Tchad et du Liban ? Dans ce dernier pays, la présence des chars Leclerc est-elle bien nécessaire ? Qu’en est-il enfin de l’envoi de drones en Afghanistan ?

M. Jean-Jacques Candelier. Nos troupes sont présentes en Afghanistan depuis 2001. Combien cela nous coûte-t-il et combien cela nous coûtera-t-il ?

Le projet de loi de finances prévoit une contribution à l’OTAN à hauteur de 115 millions d’euros. Comment voyez-vous l’évolution de cette dépense ?

M. Philippe Vitel. Existe-t-il des projets en matière de logement des militaires et de structures d’accueil de la petite enfance ?

M. le ministre. Le maintien des compétences industrielles m’a beaucoup occupé dans la préparation du projet de loi de programmation militaire. Nous maintiendrons les bureaux d’études permettant à la France de réaliser la prochaine génération d’avions de combat. Si nous abandonnons cette compétence, l’Europe n’aura plus d’autre possibilité que d’acheter américain. J’ai demandé à la DGA et aux industriels d’engager des discussions, avec les Britanniques pour Dassault, avec les Italiens pour Thalès, afin d’explorer les possibilités de mutualisation. En tout état de cause, nous tiendrons cette priorité indispensable pour l’indépendance du pays et le maintien de ce joyau industriel qu’est l’industrie d’armement française, même si cela se fait au détriment d’autres équipements.

Le projet de loi de programmation prévoit la commande de ravitailleurs A330 MRTT. Si nous avons pris du retard, c’est que nous hésitons sur la forme de l’achat. Nous analysons notamment la possibilité de réaliser l’opération en partenariat public-privé.

Au sujet des drones, il ne faut pas surestimer la portée de la lettre d’intention signée avec mes collègues européens. Tout cela réclame un examen minutieux, d’autant que se pose également la question du drone armé. La loi de programmation posera le principe du maintien des bureaux d’études. Dans quelle direction s’engager ensuite ? Faut-il réfléchir à un avion de cinquième génération, ou au contraire à un avion sans pilote ?

Pour l’ETEC, nous avons commandé 2 Falcon et un A330 en 2008. Le projet de loi de finances prévoit 95 millions d’euros en 2009. Sur les trois premières années de la loi de programmation, les crédits devraient s’élever à 280 millions d’euros. Il faut savoir que les Falcon actuels – qui ont trente-cinq et quarante ans d’existence – sont à bout de souffle. Notre flotte gouvernementale est largement inférieure à celle des autres pays occidentaux. L’A319 dont nous disposons n’a pas d’allonge. Il sera revendu, si bien que son remplacement ne coûtera pas très cher.

S’agissant du service de santé des armées, nous gardons tous les hôpitaux d’instruction et nous adaptons les formations aux nouveaux cursus universitaires.

Au Tchad, la responsabilité des opérations sera transférée à l’ONU à partir de mars 2009. Pour l’instant, celle-ci estime qu’il faut 6 000 hommes alors que nous en avons 3 000. Nous avons demandé des explications sur ce doublement. Toujours est-il que la plupart des pays parties prenantes ont indiqué qu’ils étaient prêts à poursuivre l’opération.

L’état-major de l’armée de terre affirme que la puissance de feu des chars Leclerc au Liban nous permet d’être respectés.

Mme Patricia Adam. À condition qu’ils ne tirent pas !

M. le ministre. Nos armes ne servent pratiquement jamais – Dieu merci !

Les drones sont en cours d’acheminement vers l’Afghanistan. Il y aura des DRAC – drones de reconnaissance au contact –, des SDTI – systèmes de drones tactiques intérimaires –, et des SIDM – systèmes intérimaires de drones MALE – dès qu’ils seront en service. Nous pourrons ainsi tester l’ensemble de ces appareils.

Cela étant, lors de l’accrochage de la semaine dernière avec les talibans, nous disposions de toutes les technologies – drones Predator, notamment, c’est-à-dire ce qui se fait de mieux – et nous n’avons pourtant rien vu.

Les opérations en Afghanistan ont coûté 99 millions d’euros en 2004, 122 millions d’euros en 2006, 170 millions d’euros en 2007 et la prévision est de 236 millions d’euros pour 2008.

Pour ce qui est de l’OTAN, rien n’est prévu puisque rien n’est décidé.

Nous faisons un gros effort en matière de logement. Nous allons lancer des programmes immobiliers à partir de crédits budgétaires et aussi par l’intervention de l’établissement public gérant les fonds de prévoyance militaire assez bien doté et que le ministère du budget nous reprochait de ne pas utiliser.

La construction de logements du ministère augmentera ainsi de 15 à 17 % dans les prochaines années. Nous veillons à l’adaptation de ces logements aux nouvelles conditions familiales et nous ouvrons leur accès aux nouvelles formes d’union – PACS, etc.

M. le président Guy Teissier. Merci pour ces réponses très précises, monsieur le ministre.

——fpfp——

II. —  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-LOUIS GEORGELIN, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2009 (n° 1202) a cours de sa réunion du mercredi 8 octobre 2008.

M. le président Guy Teissier. Je suis heureux d’accueillir le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2009 et des différents programmes dont il a la charge.

Je souhaiterais que vous fassiez le point sur les équipements commandés en urgence pour nos soldats en Afghanistan ; je pense notamment aux tourelleaux télé-opérés, aux hélicoptères et aux drones. L’équipement FELIN, qui devrait être testé sur place, sera-t-il utile à nos troupes ?

En ce qui concerne les opérations extérieures (OPEX), j’avais cru comprendre, lors de votre audition sur ce sujet au printemps dernier, que leur coût serait nettement supérieur à la dotation initiale de la loi de finances pour 2008 fixée à 460 millions d’euros. J’estime pour ma part que nous approcherons du milliard d’euros tandis que le ministre parle de 830 millions d’euros. Quel est votre point de vue sur le financement des OPEX, dont je ne voudrais pas qu’il pèse sur les équipements ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Monsieur le président, messieurs les députés, le projet de loi de finances pour 2009 s’inscrit dans un cadre particulier.

C’est la première traduction financière des décisions qui découlent des conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et des travaux liés à la révision générale des politiques publiques (RGPP). Sa présentation marque le lancement d’une réforme qui, vous le savez, sera complexe et nécessitera un effort d’adaptation considérable de la part de nos armées.

Il représente ensuite la première étape d’une nouvelle programmation des dépenses de l’État sur trois ans et marque l’entrée en loi de programmation militaire (LPM). Il nous engage dans un processus de douze années, pour lequel le Président de la République a retenu une trajectoire financière de 377 milliards d’euros.

Pour les armées, il se traduit également, en termes d’investissements, par l’entrée dans un cycle de renouvellement de nos équipements majeurs.

Enfin, il intervient dans un contexte économique marqué, sur le plan international par une importante crise financière et, sur le plan national, par la nécessité d’alléger le déséquilibre de nos finances publiques.

Dans ces circonstances, je suis conscient que le projet de loi de finances est la traduction aussi juste que possible de l’effort financier que notre pays peut aujourd’hui consentir en matière de défense. Tel qu’il se présente, il nous permet d’engager le mouvement de réforme qui débouchera à l’horizon 2020.

Premier des militaires, responsable devant le Président de la République de l’efficacité opérationnelle de notre outil de défense, j’assume la mise en œuvre de ces réformes. Sous l’autorité du ministre, je les conduirai avec loyauté et détermination, avec pour unique ambition de garantir à notre pays de disposer de forces armées capables de relever les défis qui ne manqueront pas de se présenter à nous.

Nous avons devant nous un exercice d’une extrême complexité. C’est pourquoi il me semble essentiel de bien identifier les risques auxquels nous sommes confrontés. À cet égard, mon principal souci est de disposer dans la durée des ressources financières et humaines qui nous permettront de conduire à son terme l’exercice délicat dans lequel nous sommes engagés.

Avant de répondre à vos questions, je veux tout d’abord replacer le projet de budget dans l’environnement dans lequel nous allons conduire nos réformes. Je m’attacherai ensuite à en distinguer les lignes de force et je soulignerai enfin quels sont les risques auxquels nous devons être particulièrement attentifs.

Il me semble tout d’abord nécessaire de porter un regard lucide sur les conditions dans lesquelles s’engage une réforme qui marquera un véritable tournant pour les armées. Il n’est pas exagéré de dire que nous allons conduire cette transformation majeure de notre outil de défense au moment même où l’ensemble des paramètres qui contribuent à définir cet outil sont en pleine évolution.

D’un point de vue stratégique, l’instabilité du contexte international a parfaitement été mise en avant dans le Livre blanc. J’ajoute simplement que les événements survenus en Géorgie illustrent la fragilité de la situation internationale.

D’un point de vue opérationnel, nous sommes confrontés à une véritable transformation du cadre de nos engagements. Nos opérations se caractérisent aujourd’hui par leur durée, leur durcissement, leur diversification et leur dispersion géographique.

Parmi ces quatre facteurs, c’est très clairement la notion de durcissement qui est au centre de mes préoccupations. Comme nous l’ont rappelé les événements récents, nous avons désormais affaire à des adversaires plus durs, plus déterminés, qui se sont adaptés à nos méthodes de combat et qui disposent de moyens susceptibles de contrer notre supériorité technologique.

Ce constat nous renvoie à la réalité des opérations de guerre. Il nous impose de rompre avec cette forme d’inhibition qui a marqué certains de nos engagements durant la décennie qui a suivi la première guerre du Golfe.

Nous devons reprendre nos réflexes de combat, adapter nos conditions d’entraînement et développer les équipements nous permettant de faire face aux menaces auxquelles nous sommes confrontés.

Cette adaptation opérationnelle sera conduite au moment où nos armées sont engagées dans une réforme structurelle sans précédent : la déflation d’effectifs que nous allons mener au cours des sept prochaines années est sans commune mesure avec celle accomplie au lendemain de la professionnalisation. À l’époque, la réduction du format des armées a essentiellement reposé sur la suspension du service national. Ce resserrement n’a alors affecté que 18 000 cadres. Aujourd’hui, la réforme concerne exclusivement du personnel de carrière ou du personnel civil et militaire sous contrat. C’est ce qui la rend particulièrement délicate, notamment dans un contexte économique qui pourrait se révéler peu favorable.

À cette déflation, il convient d’ajouter les tensions que ne manqueront pas d’entraîner la mise en œuvre de la nouvelle carte des implantations militaires, ainsi que la transformation de l’organisation de nos soutiens et de notre administration générale. Il s’agit pour nous d’un facteur supplémentaire de complexité, même si nous savons que de la bonne exécution de cette réforme dépend la réalisation des marges de manœuvre financières qui nous sont indispensables.

Enfin, comme je vous l’avais signalé l’année dernière lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2008, nous sommes entrés dans un cycle de « recapitalisation » de notre outil de défense. Cela signifie qu’au cours des prochaines années, nous devrons procéder au renouvellement de nos matériels majeurs. C’est un facteur qui pèsera sur les modalités de construction de nos budgets dans les années à venir.

Je précise par ailleurs que ces évolutions interviennent au moment où le ministère de la défense modifie lui-même ses pratiques de gouvernance.

Ces considérations appellent à mon sens trois remarques.

Au cours de cette période qui sera particulièrement complexe, nous devons impérativement veiller à maintenir au plus haut niveau opérationnel l’efficacité de notre outil militaire. C’est la raison d’être de notre ministère et cela demande, comme toujours, de la constance dans l’effort.

Ensuite, la manœuvre dans laquelle nous sommes engagés nécessitera de la part des militaires un effort d’adaptation qui s’ajoute aux contraintes inhérentes à leur métier. C’est pourquoi il me semble nécessaire de prendre en compte le besoin légitime de reconnaissance exprimé par les hommes et les femmes qui servent dans nos rangs.

Enfin, la réforme ne peut réussir que si le chef d’état-major des armées dispose des moyens lui permettant d’exercer pleinement ses responsabilités. Dans cette période de transition, les armées auront besoin de se retourner vers le chef qui maintiendra le cap et donnera du sens à leurs engagements.

J’en viens maintenant aux principales caractéristiques du projet de loi de finances.

Les ressources qui nous sont attribuées correspondent à ce que nous avions souhaité pour engager le processus de réforme des armées et du ministère. Conformément aux décisions arrêtées dans le Livre blanc, le projet de loi de finances pour 2009 participe au renforcement de notre stratégie militaire fondée sur la dissuasion, l’autonomie d’appréciation de situation et le choix de rester une puissance militaire complète. Nul ne peut nier que dans les circonstances actuelles, il marque un effort significatif de notre pays à l’égard de sa défense : le budget de la mission défense, hors pensions, est en augmentation de plus de 5 % puisqu’il est porté à 32 milliards d’euros. L’effort de défense est maintenu à 2,3 % du produit intérieur brut.

Le fait que ce niveau de ressource soit atteint grâce à la mobilisation de recettes exceptionnelles, à hauteur de 1,637 milliard d’euros, doit toutefois faire l’objet d’une attention particulière. Ces recettes conditionnent notamment l’effort qui sera consenti au titre des équipements.

Je retiens quatre traits dominants de ce PLF.

Premièrement, il marque l’entrée dans un cycle qui donne une forte priorité à l’équipement de nos forces. Les dépenses d’équipement augmentent ainsi de 10 %, passant de 15,4 à 17 milliards d’euros. Elles permettront de réaliser ou d’engager des commandes portant sur des équipements majeurs qui entreront en service dans les forces au cours de la prochaine décennie tels que : le Rafale, le Tigre, le VBCI, le FELIN, les FREMM, les frégates Horizon, les Baraccuda, mais aussi l’A400M.

Cet effort sur le long terme est complété par la mise en place de procédures accélérées d’acquisition de matériel, destinées à répondre aux besoins urgents des forces engagées dans des opérations de combat sur les théâtres d’opérations extérieures.

C’est dans ce cadre que seront livrés, dès le premier semestre 2009 : 60 tourelleaux télé-opérés pour véhicules de l’avant blindés (VAB) permettant de déclencher un appui feu depuis l’intérieur du véhicule ; 50 cabines blindées pour les camions de transport, afin de renforcer la protection des convois logistiques ainsi que 135 brouilleurs et 250 kits d’intégration, destinés à la lutte contre les engins explosifs improvisés (IED).

Deuxièmement, ce projet de loi de finances traduit la priorité accordée à la préparation opérationnelle des forces. Les crédits prévus pour financer l’entraînement et l’entretien programmé des matériels permettront de maintenir à un niveau satisfaisant le volume des activités nécessaires à la préparation opérationnelle de nos forces. Les objectifs annuels resteront ainsi cohérents avec les standards de l’OTAN.

Nous allons toutefois privilégier une logique d’entraînement différencié. Les unités désignées pour s’engager en opérations extérieures bénéficieront ainsi d’un effort supplémentaire destiné à compléter leur préparation de base.

Nous devons également rester attentifs à l’évolution du prix des carburants. La dotation dans le projet de budget des carburants opérationnels est de 456 millions d’euros, en augmentation de près de 30 %. Elle permet la couverture des objectifs d’activité sur la base d’un baril à 75 dollars. Si le coût moyen du baril se stabilise à 85 dollars, le surcoût annuel serait de l’ordre de 90 millions d’euros. Dans cette perspective, il serait souhaitable de disposer d’un complément de ressources en gestion qui, comme pour les surcoûts OPEX, ne devrait pas être financé à partir des crédits dévolus aux équipements.

Troisième point : le PLF pour 2009 augmente de 50 millions d’euros la provision OPEX, afin d’être en ligne avec l’évolution récente de ces surcoûts. Avec 510 millions d’euros, la dotation prévue pour 2009 représente 60 % du surcoût pour 2008, actuellement estimé à 833 millions d’euros.

Ces surcoûts pourraient toutefois se maintenir durablement à un niveau élevé. Nous observons en effet que les dépenses augmentent avec le degré de violence et l’intensité des opérations, ce qui est la caractéristique de nos engagements actuels.

Enfin, le PLF doit permettre la mise en œuvre d’un plan d’accompagnement des restructurations et la poursuite de l’effort d’amélioration de la condition du personnel grâce à la diminution de la masse salariale qui résulte de la suppression nette de 8 250 emplois.

Pour conclure, je soulignerai les points qui me préoccupent particulièrement.

Le contexte économique difficile que nous traversons risque de peser sur l’exécution budgétaire 2008. Or, le solde de gestion 2008 représente le point d’entrée du budget 2009, première annuité de la future LPM. Dès lors, seule une exécution budgétaire en 2008 équilibrée peut garantir durablement la cohérence de la programmation, et partant, l’atteinte des objectifs du Livre blanc.

Les risques pesant sur les ressources et leur emploi dépassent 2 milliards d’euros. Le ministère attend notamment le remboursement des surcoûts OPEX, du carburant et de l’accord FREMM à l’occasion du collectif budgétaire de fin d’année.

Deux points méritent un suivi spécifique. Le premier concerne la cadence effective de l’obtention des ressources exceptionnelles qui est un enjeu essentiel du financement de la réforme. Pour 2009, ces ressources, qui s’élèvent à 1,637 milliard d’euros, proviennent pour l’essentiel de cessions immobilières et de fréquences. Le respect de leur montant, ainsi que l’échéancier de mise à disposition seront des facteurs décisifs de succès.

Le second point d’attention a trait aux ressources humaines. Il s’agit d’un facteur essentiel qui garantit la cohérence globale de notre processus de transformation. Le budget 2009 prévoit la suppression nette de 8 250 emplois. Ces suppressions de postes conditionnent les marges financières indispensables à la conduite des réformes.

Pour ne pas remettre en cause notre capacité opérationnelle, il convient d’abord de garantir que cette réduction d’emplois sera répartie sur l’ensemble de la pyramide des grades, ce qui implique que les mesures d’accompagnement et que les mécanismes liés au reclassement dans la fonction publique fonctionnent convenablement. Ensuite, il faut également maintenir au niveau programmé notre flux de recrutement qui est indispensable pour conserver une armée jeune, capable de remplir son contrat opérationnel dans un contexte marqué par un engagement physique de plus en plus exigeant.

Le plan d’accompagnement des restructurations constitue la clé de voûte des réformes ; son succès dépend de la réussite de la transformation dans laquelle nous sommes engagés.

M. le président Guy Teissier. S’agissant de l’Afghanistan, les forces spéciales et les matériels comme les Gazelle, les drones, les soixante tourelleaux télé-opérés, sont-ils arrivés sur le théâtre ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Les renforts annoncés par le Premier ministre lors du débat parlementaire du 22 septembre, et dont l’envoi a été approuvé par le Parlement, sont arrivés sur le théâtre, qu’il s’agisse des hélicoptères Caracal et Gazelle et de la centaine d’hommes nécessaires à leur mise en place. Pour ce qui concerne les drones, seuls les SDTI ont été déployés. Les SIDM dont le déploiement était initialement prévu en mars 2009 devraient être opérationnels au mois de décembre 2008.

Ce résultat n’est pas exclusif de la poursuite du plan engagé pour améliorer la protection de nos troupes. Sont progressivement mis en place les tourelleaux télé-opérés des VAB, les dispositifs anti-IED, les nouveaux types de gilets pare-balles et l’équipement FELIN, après expérimentation.

L’équipement FELIN va être prochainement testé sur le terrain. Je connais vos réticences sur ce programme, monsieur le Président, et nous serons extrêmement attentifs aux premiers retours d’expérience pour vérifier son utilité et son efficacité.

Pour autant, le volume des équipements doit être examiné dans le cadre global de la coalition et non dans un cadre strictement national. L’équilibre des moyens s’effectue à ce niveau même si le bataillon français sera le premier bénéficiaire de ces renforts.

J’observe d’ailleurs que les troupes françaises, quotidiennement au contact des forces rebelles, bénéficient du soutien des moyens de la coalition.

M. le président Guy Teissier. Nous sommes tout à fait conscients que les équipements se mutualisent, mais ces équipements envoyés en renfort sont véritablement indispensables pour nos forces.

S’agissant des revenus exceptionnels, j’ai noté une certaine circonspection de votre part.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Ce point doit être suivi avec attention. En effet, les cessions immobilières et de fréquences permettront de maintenir le budget de la défense à une évolution en zéro volume (600 millions d’euros) et devraient permettre de financer les besoins supplémentaires, relatifs aux opérations d’armement, à hauteur d’un milliard d’euros . La réalisation de ces opérations conditionne le succès de la réforme. 

M. le président Guy Teissier. La présentation du montage apparaît théoriquement satisfaisante. Nous espérons qu’il en sera autant de son exécution.

Le ministère bénéficie d’un régime dérogatoire au code des marchés publics pour l’acquisition de matériels militaires, notamment en termes de simplification de la procédure et de réactivité. Pourriez-vous dresser un bilan du recours à ce type de procédures ? Pourraient-elles être utilisées pour compenser un nouveau retard du programme A400M ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Nous avons utilisé la procédure des crash program essentiellement pour la lutte contre les IED, pour les hélicoptères Caracal, pour les brouilleurs mis en place en quatre tranches depuis deux ans, pour les Buffalo, véhicules blindés américains de transport de troupes, pour les tourelleaux ou encore pour les kits de renforcement de nos véhicules de transport courant.

S’agissant de l’A400M, le programme accuse actuellement douze mois de retard. La difficulté tient à la mise au point du moteur qui dépend non pas d’EADS mais d’un motoriste qui réunit lui-même plusieurs industriels. Ce programme constitue un souci majeur car il est un élément essentiel de notre transport stratégique, à un moment où notre flotte de C130 et de C160 s’essouffle. Le maintien en condition opérationnelle des Transall est particulièrement lourd et coûteux. Des solutions de substitution devront être trouvées pour maintenir nos capacités.

Les accords SALIS permettent de recourir à des prestataires extérieurs à qui nous achetons des heures de vol. Ils ne suffisent cependant pas pour faire face à l’ensemble de nos besoins.

M.  Bernard Cazeneuve. Si la provision OPEX pour 2009 ne représente que 60 % du montant 2008, comment sera financé le solde si le surcoût ne baisse pas ? Se fera-t-il encore au détriment des crédits d’équipement ? Pour faire face à ce besoin, le ministre a évoqué hier le recours à la réserve interministérielle que nous n’avons pas réussi à situer précisément dans la nomenclature budgétaire. Pourriez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

Le modèle global établi par le Livre blanc et la RGPP suppose que les économies réalisées sur les crédits de personnel et de fonctionnement permettent de financer les équipements. Ces besoins apparaissent d’autant plus indispensables que les commandes prévues en 2009 ne semblent pas diminuer. Pour financer ces programmes, quel montant attendez-vous, pour les deux ou trois prochaines années, des économies de fonctionnement induites par la mise en œuvre de la RGPP ? Sachant que le ministère de la défense devra financer les mesures sociales consécutives à la suppression de 54 000 postes, les mesures d’aménagement du territoire à hauteur de 60 millions d’euros et les investissements sur certains sites afin de rationaliser les implantations, le niveau des économies escomptées permettra-t-il d’assurer le financement des équipements programmés ?

S’agissant du coût des programmes et des négociations avec les industriels, une méthodologie de révision des coûts a-t-elle été élaborée ? Des étalements ont-ils été prévus et, dans l’affirmative, pour quels programmes ?

Enfin, qu’en est-il du calendrier de la loi de programmation militaire ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Les opérations extérieures, jusqu’en 2003, étaient financées pour l’essentiel de leur surcoût par des gels et annulations sur le titre V. Les décisions prises à l’occasion de l’élaboration de la précédente loi de programmation militaire visaient à financer les OPEX, comme c’est le cas au Royaume-Uni, par un abondement extérieur au budget du ministère de la défense. Après arbitrage, il a été finalement décidé de prévoir un financement partiel des OPEX, la dotation devant progressivement augmenter chaque année. C’est ainsi que nous sommes parvenus à atteindre 460 millions d’euros en 2008, ce qui correspond à 60 % du surcoût moyen des OPEX. Le montage retenu consiste donc à isoler une ligne pour les OPEX au sein du budget de la défense.

L’intervention en Afghanistan devrait engendrer entre 230 et 250 millions d’euros de surcoûts, en particulier du fait de l’utilisation de munitions très coûteuses.

Pour bâtir l’équilibre général de la loi de programmation militaire, nous avons retenu un surcoût moyen pour les OPEX entre 460 et 510 millions d’euros.

Le ministère du budget souhaite augmenter encore la budgétisation initiale afin d’éviter de recourir à la réserve interministérielle pour financer le solde. Cette évolution s’inscrit dans l’enveloppe globale de 377 milliards d’euros fixée par le Président de la République. Or cette trajectoire financière repose sur des hypothèses qui restent à confirmer. La question du financement des OPEX doit donc faire l’objet de beaucoup d’attention car elle peut conduire à la fragiliser cet ensemble.

Pour ce qui concerne le financement des OPEX en 2008, la provision n’est que de 460 millions d’euros pour un surcoût estimé aujourd’hui à 833 millions d’euros hors gendarmerie. Logiquement, un abondement devrait donc avoir lieu par financement interministériel, d’autant que des recours à des financements interministériels d’opportunité sont fréquents dans la mécanique budgétaire.

M.  Bernard Cazeneuve. La cohérence du système suppose que l’on n’assure pas le financement des OPEX sur les crédits d’équipement, sinon c’est tout le dispositif financier établi par le Livre blanc et la RGPP qui serait ébranlé.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Les décisions prises pour le financement des OPEX devraient permettre au ministère de la défense de ne pas puiser sur ses fonds propres puisque le complément devrait être apporté par des financements extérieurs. Le Parlement a probablement un rôle à jouer dans ce domaine.

M.  Bernard Cazeneuve. Connaît-on le montant de la dotation de la réserve interministérielle ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. En 2009, la dotation OPEX est portée à 510 millions d’euros. Pour la porter à 570 millions d’euros en exécution, 30 millions d’euros seront prélevés sur « l’équilibre général » et 30 millions d’euros proviendront d’un financement interministériel.

Parmi les réflexions en cours, certaines portent sur l’examen des opérations actuelles, de manière à réduire le surcoût total. Des critères ont été mis en avant par le Livre blanc pour caractériser une opération extérieure comme le caractère grave de la situation, l’absence d’autres mesures possibles, la légalité internationale, l’appréciation souveraine, la légitimité démocratique… Ils devraient permettre de limiter la dispersion de nos OPEX.

Dans la situation actuelle, il semble illusoire de réduire notre présence de 3 000 hommes en Afghanistan ; on peut en revanche s’interroger sur les conditions de la prolongation de l’opération en Côte-d’Ivoire après les élections présidentielles. Le même type de raisonnement pourrait s’appliquer au Liban, au Kosovo ou à l’opération EUFOR au Tchad. L’impact financier devrait d’ailleurs être mieux intégré au processus de décision.

Une nouvelle opération est néanmoins toujours possible. La question est de savoir si la France souhaite participer à ces opérations et les assumer.

L’équilibre général de la loi de programmation a été établi de telle sorte qu’à l’intérieur de l’enveloppe de 377 milliards d’euros, les mesures nécessaires au maintien de l’entraînement, à l’amélioration de la condition militaire et à la recapitalisation de notre outil de défense soient garanties notamment par la suppression de 54 000 postes. Le succès de cette opération est une condition clé du succès de réforme. Les réductions d’effectifs déboucheront en 2009 sur 147 millions d’euros d’économies.

M. le général de brigade Jean-Robert Morizot. Le produit attendu de la déflation d’effectifs est progressif : sur les trois prochaines années, le solde devrait être d’environ 980 millions d’euros. Par ailleurs toutes les mesures d’accompagnement sont effectivement intégrées dans le modèle financier.

M. Bernard Cazeneuve. La réduction des effectifs permettra de réaliser 147 millions d’euros d’économies en 2009. Or le ministre a annoncé un plan d’accompagnement de la réforme de 140 millions d’euros en 2009. Le bénéfice net de la déflation n’est-il donc que de 7 millions d’euros l’année prochaine ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Le financement de l’ensemble des mesures liées à la programmation militaire, y compris les mesures d’accompagnement, est inclus dans les 377 milliards d’euros. Les 147 millions d’euros d’économies réalisées en 2009 vont servir à financer des mesures de restructuration, mais elles sont comprises dans les 377 milliards d’euros.

M. Bernard Cazeneuve. Dans le cadre de la mission d’information qui nous a été confiée, à François Cornut-Gentille et à moi-même, nous essayons de reconstituer le raisonnement financier de manière à éprouver la fiabilité du modèle.

À cet égard, le montant des économies ne peut qu’être le solde entre, d’une part, les économies dues aux départs de personnels et à la rationalisation des implantations et, d’autre part, le coût des mesures d’accompagnement sociales ou territoriales.

M. Philippe Folliot. Tous les ans, la déflation d’effectifs est à peu près équivalente. La première année le solde peut n’être que de 7 millions d’euros, mais les gains se cumulent les années suivantes.

M.  Bernard Cazeneuve. Les objectifs ne peuvent cependant être atteints qu’avec une nouvelle réduction des effectifs. Je crois qu’il y a encore beaucoup d’imprécision en la matière. J’en veux pour preuve les questionnaires adressés au ministère de la défense qui nous ont été retournés : ils donnent des niveaux d’effectifs supprimés par ville et par site qui sont très en deçà de ceux annoncés localement par les représentants des armées. À Cherbourg, les restructurations annoncées font état de 86 postes supprimés tandis que les autorités locales annoncent 242 départs.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Les différences sont sans doute liées à la coexistence de plusieurs travaux. Les recommandations de la RGPP étaient particulièrement volontaristes.

M. Bernard Cazeneuve. Le ministère de la défense ne fait sans doute part que des effectifs qu’il sera sûr de supprimer, ce qui pourrait expliquer cet écart. Il n’en reste pas moins que plus que le nombre, il faut surveiller la nature des emplois supprimés. Par exemple, le Livre blanc prévoit une diminution de 11 % des effectifs de la marine nationale, soit, au prorata, 75 postes à supprimer pour Cherbourg. Mais rien n’indique sur quels postes l’effort portera.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Nous sommes actuellement en train de décliner concrètement l’objectif de réduction de 54 000 emplois, ce qui n’est pas sans poser d’importantes difficultés.

M. Philippe Folliot. La problématique du surcoût des OPEX est complexe et mérite toute notre attention. Je regrette qu’aucune réponse ne m’ait été apportée sur ce point dans le cadre des questionnaires budgétaires annuels.

M. Philippe Folliot. Vous avez évoqué la logique d’entraînement différencié. Est-elle valable pour toutes les OPEX qui sont pourtant de natures très différentes ? Débouchera-t-elle sur une logique d’équipement différencié ?

Dans de nombreuses OPEX, le travail des militaires déployés ne s’apparente-t-il pas plus à du travail de gendarme mobile qu’à celui d’un combattant dans des opérations de guerre comme en Afghanistan ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. L’armée française est de taille modeste, ce qui interdit de spécialiser des régiments, certains faisant des OPEX dures et d’autres assurant des missions qui peuvent vous paraître proches de celles de la gendarmerie mobile.

Nous avons en fait deux problèmes à régler.

De manière à réaliser des économies d’échelle, notamment dans le domaine du maintien en condition opérationnelle, il nous faut atteindre le plus rapidement possible le nouveau format de nos armées de telle sorte que les équipements excédentaires par rapport à ce qui est souhaité dans le Livre blanc soient retirés du service, ce qui générera des économies importantes. Pendant une période donnée, il nous faudra ainsi gérer un volume excédentaire de spécialistes par rapport aux capacités militaires réelles. Ce sera par exemple le cas des pilotes dans l’armée de l’air.

Le deuxième problème tient au fait que nous devons, par rapport à certaines situations particulières comme en Afghanistan, développer un système de préparation spécifique. C’est ce que nos avons fait pour le 8e RPIMa et pour le 27e BCA. Mais, à terme, c’est l’ensemble des unités qui seront concernées par ce type de formation. Compte tenu de nos moyens, on ne peut pas pour autant se permettre de spécialiser les unités par théâtre.

J’ai d’ailleurs demandé que l’on augmente la durée des séjours de certaines opérations extérieures. Les personnels doivent pouvoir s’habituer au terrain et au tissu humain. En contrepartie, la période de présence en métropole avant un nouvel engagement en opérations devra être également allongée. Dans l’armée de terre, ce nouveau schéma perturbe l’équilibre actuel des projections organisé autour de cycles de quatre mois.

L’exercice est donc très complexe car nous devons à la fois mener la réforme et continuer d’assurer nos missions. J’ajoute que les négociations avec les industriels sont très importantes pour éviter tout nouveau dérapage financier. Jamais depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les armées n’ont eu à gérer en même temps autant de facteurs.

M. Christian Ménard, président. Je ne doute pas, mon général, que vous pourrez apporter des réponses plus complètes aux rapporteurs de la mission d’information sur la réorganisation du ministère lors d’une audition ultérieure.

M. Bernard Cazeneuve. Nous ne manquerons d’interroger précisément l’état-major sur tous ces éléments.

M. Jean-Claude Viollet. Outre l’A400M, nous devons faire face à deux problèmes majeurs sur les équipements. Il semble impossible d’attendre la livraison du premier NH90 en 2011 compte tenu du déficit capacitaire en ce qui concerne les hélicoptères. Le maintien en service des Puma, Superpuma et Cougar est aujourd’hui de plus en plus difficile.

La question se pose de la même manière pour les ravitailleurs. Alors que nos équipements sont obsolètes, aucune décision n’a été prise pour le MRTT (multi-role transport tanker). Avec la probable révision des C135, nous risquons de remettre en cause les capacités de nos forces aériennes stratégiques. A-t-on tranché entre une acquisition ou un partenariat pour le MRTT ?

Par ailleurs le rattachement de la Gendarmerie au ministère de l’intérieur ne risque-t-il pas de remettre en cause sa doctrine d’emploi ? On annonce la fermeture d’un certain nombre d’écoles, la suppression de certains escadrons de gendarmerie mobile et la modification du nombre de brigades. Comment l’état-major des armées perçoit-il la réforme et quel sera l’impact de cette dernière sur l’efficacité globale de notre défense ? La Gendarmerie participe en effet à la défense et à la sécurité du territoire national.

M. le contre-amiral Jean-Marc Brûlez. Nous favorisons l’utilisation du potentiel des ravitailleurs Boeing C135 actuels en les faisant bénéficier de toutes les rénovations requises pour maintenir, et si possible augmenter leur disponibilité opérationelle.

Par ailleurs, nous travaillons sur le programme MRTT qui pourrait conduire à l’acquisition, sous une forme ou sous une autre, de quatorze avions de type A330. Deux options sont envisagées : l’acquisition patrimoniale, ou la prestation de service. Cette dernière option a été choisie par les Britanniques et nous suivons de près cette expérimentation car leur contrat, très cher et négocié pendant une période extrêmement longue (7 ans), présente par exemple des difficultés en matière de mise à disposition des appareils.

Pour être engagés en opérations, les appareils utilisés en temps normal par le prestataire doivent être rappelés par les armées. Or le délai du rappel est une clause majeure du contrat qui influence directement et fortement le prix de la prestation annuelle. Nous étudions donc le bon niveau des clauses de rappel et le nombre d’avions concernés ; par exemple, neuf machines dans les armées et cinq « rappelables » au profit du prestataire.

Pour qu’il s’agisse d’un partenariat rentable pour nous et pour le loueur, les avions « rappelables » ne sont pas équipés en ravitailleur. En effet, avec le coût actuel du carburant, les cinq tonnes de l’équipement militaire de ravitaillement en vol, équipement qui fait partie intégrante de l’avion, correspondent pour un transporteur commercial à environ cinquante places de passagers, soit sa marge bénéficiaire. Les avions étant des avions civils non militarisés, il faut donc, en cas de rappel, faire passer l’appareil en chantier au moment du rappel. Une fois que les avions ont été militarisés, par exemple à l’occasion d’une crise, le transporteur n’a alors plus d’intérêt économique à les récupérer.

L’ensemble de ces éléments sont examinés pour déterminer la meilleure solution financière et opérationnelle.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. S’agissant de la Gendarmerie, je ne suis pas associé à la révision du format, qui relève du ministère de l’intérieur. Je suis concerné simplement parce que la Gendarmerie gardera un statut militaire et que nous continuerons donc assurer son soutien et sa formation au travers de protocoles entre nos deux ministères.

La Gendarmerie reste indispensable dans ses fonctions prévôtales. Il importe de vérifier que ces missions seront effectivement assurées. Les discussions sur ce point sont très positives, les rapports entre les armées et la Gendarmerie s’étant considérablement améliorés ces dernières années. Chacun a mieux compris les impératifs de l’autre.

Pour autant, une force à statut militaire en-dehors du ministère de la défense reste une inconnue. Je me garderai bien de lancer un pronostic sur les évolutions à venir avec la force d’attraction que va exercer la police à statut non militaire sur les gendarmes.

——fpfp——

III. —  AUDITION DE M. LAURENT COLLET-BILLON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Laurent Collet-billon, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2009 (n° 1127) au cours de sa réunion du mercredi 1er octobre 2008.

M. le président Guy Teissier. Je souhaite la bienvenue à M. Laurent Collet-Billon, nouveau délégué général pour l’armement.

Nous attendons le nouveau projet de loi de programmation militaire mais les décisions que nous allons prendre à l’occasion du projet de loi de finances pour 2009 et les indications qui figurent dans la loi de programmation des finances publiques vont déjà nous engager grandement. Les événements tragiques survenus en Afghanistan nous rappellent, s’il en était besoin, la nécessité d’améliorer nos capacités en matière d’aéromobilité ou de renseignement. Nos interrogations, notamment au sujet des programmes des drones, demeurent ; vous nous direz donc quel est l’état des réflexions de la DGA en ce domaine.

M. Laurent Collet-Billon. L’année 2008 est marquée par de nombreux changements pour la défense, en particulier pour l’armement, avec la publication du Livre blanc, le lancement d’une importante phase de réformes suite à la révision générale des politiques publiques, la RGPP, et l’élaboration de la prochaine loi de programmation militaire (LPM).

L’impact de ces travaux sur l’équipement des forces et sur la DGA est déterminant en matière de gouvernance des programmes, d’orientations pour la recherche et technologie (R&T), les programmes et la politique industrielle et de coopération.

Je vous propose d’examiner le bilan de l’année 2008 et les perspectives pour 2009 de l’ensemble des programmes auxquels la DGA contribue, puis d’examiner les nouveaux enjeux auxquels nous sommes confrontés pour la prochaine LPM, ce qui inclut la mise en œuvre de la réforme du ministère et des restructurations à la DGA, ainsi que les progrès à accomplir dans le domaine de l’Europe de l’armement et de l’émergence d’une industrie de défense européenne.

S’agissant du programme 146 « Équipement des forces », 2008 est une année de transition : la LPM 2003-2008 continue de se dérouler, mais une inflexion est cependant nécessaire pour tenir compte des orientations du Livre blanc, d’ores et déjà arrêtées.

Les conséquences sont doubles, avec, au plan strictement financier, une certaine modération des engagements, compte tenu de la situation des finances publiques et, au cas par cas des programmes d’armement, la prise en compte des orientations du Livre blanc. Il convient toutefois de noter que le projet de loi de finances – PLF – 2008 avait déjà été construit dans cette optique d’attente. C’est pourquoi les évolutions sont au total assez limitées et circonscrites.

Dans cette transition, deux points sont marquants. Premièrement, la priorité accordée à l’équipement des forces, un des axes forts du Livre blanc, avec une progression très sensible dès 2009, puisque la ressource du programme 146 en crédits de paiement augmentera de plus d’1,5 milliard d’euros. Deuxièmement, le report à 2011 du choix relatif au PA2, le deuxième porte-avions, qui constitue, pour l’exécution budgétaire 2008, la plus marquante des décisions issues des travaux du Livre blanc, est d’ores et déjà pris en compte.

Les orientations du Livre blanc ont un impact sur les cibles et les cadences de livraison de la plupart des grands programmes. La DGA a ouvert depuis plusieurs mois des discussions avec l’industrie, dont la plupart se concrétiseront en 2009.

Comme annoncé dans le rapport annuel de performances – RAP – 2007, la nomenclature de présentation des crédits du programme 146 a été aménagée pour s’appuyer sur les systèmes de forces. Elle conserve à mon sens le niveau de détail d’informations nécessaire. Elle améliore la cohérence avec l’approche par finalités, dans l’esprit de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, car les systèmes de forces expriment et apprécient les enjeux capacitaires dans la durée. Dans ce nouveau schéma, les cinq premières actions correspondent aux cinq systèmes de forces. Une sixième action décrit la préparation et la conduite des opérations d’armement. Une septième isole les parts étrangères et les programmes civils.

L’objectif d’engagement initial était de 11,6 milliards d’euros, programme PA2 compris. La « reprévision » actuelle s’établit aux environs de 8 milliards, ce qui est cohérent avec les travaux de programmation issus du Livre blanc. L’écart porte pour l’essentiel sur le PA2 et sur la commande de 22 TTH, version transport tactique de l’hélicoptère NH90, qui sera notifiée en fin d’année 2008 ou en début d’année 2009, sans effet sur le calendrier de livraisons.

L’objectif de paiement était de 11,3 milliards d’euros. La « reprévision » actuelle s’établit aux environs de 11 milliards, du fait de la réduction des engagements.

La norme de dépense, qu’il reste à fixer, déterminera cette année encore nos conditions de fin de gestion. Le niveau exact de reports sera établi en toute fin d’exercice, en fonction des paiements des autres programmes de l’agrégat LPM. Comme nous en avons pris l’habitude, les factures des PME-PMI seront privilégiées.

Des intérêts moratoires seront forcément générés, qui ne sauraient être attribués à un défaut de gestion du programme. Ils devraient être limités, dans la mesure où les reports de crédits ouverts en loi de finances rectificative correspondant à des restrictions de crédits sur les OPEX, les opérations extérieures, et les frégates multi-missions (FREMM) sont disponibles dès le début d’année suivante.

S’agissant du système de forces Dissuasion, le renouvellement de la composante océanique, d’une part, avec le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de nouvelle génération (SNLE-NG) et le missile balistique M51, et, d’autre part, de la composante aérienne avec le missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA), se poursuivra.

Pour le système de forces Commandement et maîtrise de l’information, 36 stations utilisateurs Syracuse III ont été commandées. Par ailleurs, 55 stations utilisateurs Syracuse III seront livrées, ainsi que  de nombreux postes radio tactiques PR4G compatibles avec les normes Internet.

Pour le système de forces Projection mobilité soutien, les commandes porteront sur la deuxième tranche de rénovation des hélicoptères Cougar et sur 22 hélicoptères NH90 TTH fin 2008 ou début 2009.

En ce qui concerne le système de forces Engagement et combat, huit Rafale – six air et deux marine –, 5 045 équipements FELIN, Fantassin à équipement et liaisons intégrées, et 116 VBCI, véhicules blindés de combat d’infanterie, seront commandés. Nous aurons livré en 2008 : 148 AASM, armements air-sol modulaires, en version décamétrique, quatorze Rafale – sept air et sept marine –, 358 équipements FELIN, 41 VBCI, huit canons Caesar, six hélicoptères Tigre et 75 torpilles MU 90.

Enfin, pour le système de forces Protection et sauvegarde, la première frégate Horizon, le Forbin, a été livrée, de même que deux systèmes FSAF SAMP/T, famille de missiles sol-air futurs système sol-air moyenne portée terrestre, 116 missiles antiaériens ASTER 15 et ASTER 30 et 45 missiles d’interception, de combat et d’autodéfense MICA.

Dans le domaine de la dissuasion, les actions menées en 2008 permettent de débuter à compter de 2009 la transition de la composante aérienne vers l’ASMPA. L’ensemble des composants constituant l’ASMPA ont été qualifiés aux échéances prévues. Après la qualification du missile et des porteurs, les tirs d’évaluation technico-opérationnelle ont débuté mi-2008 et se poursuivront en 2009. Les performances constatées confirment le bon déroulement des programmes concernés.

Pour la composante sous-marine, la construction du Terrible est achevée et il a été transféré sur le dispositif de mise à l’eau en mars, en présence du Président de la République. Le cœur du réacteur a été chargé en mai et la divergence de la chaufferie nucléaire a été effectuée en septembre. Le départ à la mer a été préparé pour janvier 2009, en vue de l’admission au service actif prévue en 2010. La préparation du troisième tir du M51 se poursuit conformément au calendrier prévu ; cela permet d’être optimiste pour la tenue du grand rendez-vous de 2010.

En parallèle, les travaux conduits par le Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, dont on fêtera prochainement les cinquante ans, se poursuivent aussi conformément aux objectifs et aux rendez-vous fixés par le Président de la République.

Le bilan des indicateurs de performances du programme 146 est globalement satisfaisant, bien qu’un peu contrasté.

En matière de maîtrise des coûts, l’objectif du projet annuel de performance – PAP – 2008 du programme 146 était une variation cumulée des devis des programmes et opérations en réalisation inférieure à 2 %. Comme en 2007, l’objectif sera tenu ; le niveau atteint fin août 2008 était de 0,6 %. Au stade de réalisation, le niveau de maîtrise des devis des programmes est très satisfaisant. Ces bons résultats s’expliquent en partie par la généralisation des contrats globaux, qui accroissent la visibilité offerte à l’industrie en lui permettant de s’organiser et contribuent à la maîtrise des coûts.

S’agissant de la maîtrise des délais, l’objectif consistait en une évolution moyenne annuelle des jalons de fin des principales opérations d’armement au stade de réalisation inférieure à 1,5 mois pour le système de forces Dissuasion et inférieure à 2,5 mois pour les autres systèmes de forces. Cet objectif, qui ne prend en compte que des faits actés, donc pas encore l’impact des retards sur certaines opérations importantes comme l’A400M, devrait être globalement tenu – le niveau atteint fin août était d’un mois. Pour tenir cet objectif ambitieux, la DGA met l’accent sur la sensibilisation de l’industrie, ainsi que sur l’application stricte de pénalités. La maîtrise des délais des programmes est en amélioration régulière : plus 3,6 mois en 2005, plus 2,9 mois en 2006, plus l,5 mois en 2007.

En ce qui concerne les intérêts moratoires, les actions menées en vue de réduire sensiblement le délai global de paiement ont été poursuivies. Un service extérieur a été mis en place début 2008 à cet effet. Le bénéfice s’en est fait sentir dès cette année, alors que le report de charges, issu de la norme de dépense fixée en fin d’année 2007, s’est établi à environ 1,5 milliard d’euros. Avec un taux constaté à fin août 2008 de 0,15 %, inférieur de 0,25 point à celui d’août 2007, le ratio d’intérêts moratoires devrait être inférieur à 0,2% à la fin de 2008. Il devrait toutefois augmenter par effet mécanique en 2009, en raison des nouvelles dispositions en matière de délai global de paiement, réduit de 45 à 30  jours, et de taux d’intérêts moratoires associé.

Dans le domaine de la maîtrise du coût d’intervention de la DGA, la part des RCS reste stable en 2008. Le poste des frais de fonctionnement et investissements est en diminution.

Le PLF 2009, premier exercice budgétaire de la prochaine LPM, a été construit en prenant en compte les orientations issues du Livre blanc.

Les commandes et livraisons ainsi que les engagements et paiements prévus au titre de l’exercice 2009 traduisent les priorités du Livre blanc. Ils prennent en compte l’adaptation des rythmes de réalisation et de fabrication d’un certain nombre d’équipements, pour tenir compte à la fois des nouvelles cibles retenues et des perspectives d’exportation.

L’effort en faveur de l’équipement se traduit dans le fort accroissement des ouvertures d’autorisations d’engagement – AE – et des engagements, et dans la hausse des crédits de paiement. Sur le périmètre de la LPM actuelle, les montants sont les suivants : AE ouvertes, 19,3 milliards ; engagements prévus, 20,3 milliards ; paiements, 10,8 milliards, dont 600 millions environ de recettes extrabudgétaires. Ces niveaux sont historiquement élevés. La hausse des engagements correspond à un petit nombre de commandes globales, en cohérence avec les cibles du Livre blanc et accompagnant les renégociations de cadences et de livraisons, principalement la commande de 60 Rafale et de trois FREMM.

Au total, les ressources prévues en AE dans la LFI, la loi de finances initiale, hors titre 2, mais en incluant les transferts au CEA, s’élèvent à 19,1 milliards, plus un report escompté de 1 milliard, plus 0,4 milliard de ressources extrabudgétaires. Les ressources prévues en crédits de paiement, CP, s’élèvent à 10,3 milliards plus 0,7 milliard de ressources extrabudgétaires.

Dans le PLF 2009, le renouvellement des composantes océanique et aérienne se poursuivra pour le système de forces Dissuasion.

S’agissant du système de forces Commandement et maîtrise de l’information, les commandes seront les suivantes : rénovation à mi-vie de quatre avions AWACS, 60 stations de communication par satellite Syracuse III et 501 postes radio tactiques de quatrième génération PR4G-VS4IP. Seront en outre livrés deux aéronefs C-160 Gabriel rénovés, spécialisés dans le recueil du renseignement électromagnétique, sept pods aéroportés de reconnaissance nouvelle génération Reco-NG, 153 stations de communication par satellite Syracuse III et 1 600 PR4G-VS4IP.

Pour le système de forces Projection mobilité soutien, les commandes porteront sur la rénovation de cinq hélicoptères Cougar. 50 véhicules de transport logistique PPT, 232 petits véhicules protégés, PVP, et s’ils n’étaient pas commandés fin 2008, 22 hélicoptères NH90 TTH seront également commandés. Enfin, 132 PVP seront livrés.

Pour le système de forces Engagement et combat, 60 avions Rafale, trois FREMM dont deux à vocation de défense aérienne, le deuxième sous-marin nucléaire d’attaque – SNA – Barracuda, 150 missiles de croisière navals MdCN, 1 000 AASM, 16 454 équipements de fantassin FELIN, 53 véhicules à haute mobilité VHM et 332 VBCI seront commandés. Seront livrés quatorze Rafale, huit hélicoptères d’appui protection Tigre, 75 torpilles MU 90, 352 AASM, 96 VBCI, 44 véhicules blindés légers, VBL, 2 749 équipements de fantassin FELIN et 34 canons d’artillerie de 155 millimètres Caesar.

Pour le système de forces Protection et sauvegarde, nous commanderons un système de détection d’agents biologiques pour la protection des troupes déployées, DETECBIO. Nous livrerons la deuxième frégate Horizon, trois systèmes sol-air moyenne portée SAMP/T, 128 missiles antiaériens ASTER 15 et ASTER 30 et 30 missiles air-air MICA.

Impliquée dans trois des cinq actions du programme 144, la DGA est responsable d’un budget opérationnel représentant 80 % des crédits de ce programme hors titre 2 et constitué à plus de 95 % des crédits destinés aux études amont et aux subventions au profit des industriels et des opérateurs de l’État (ONERA, Institut de Saint-Louis et écoles sous tutelle de la DGA). L’enjeu est majeur, avec des retombées particulièrement sensibles sur les tissus industriels, dont les PME, et les laboratoires de recherche.

Le budget opérationnel de programme – BOP – DGA a été établi pour répondre aux besoins de préparation de l’avenir du ministère, tel qu’il est décrit dans le Livre blanc et qu’il sera tracé dans la LPM. La défense finance 10 % de la R&D nationale, la France étant, avec le Royaume-Uni, l’un des deux pays européens les plus actifs en la matière. À eux deux, ils représentent en effet environ les deux tiers de la R&D de défense en Europe.

L’évolution des études amont notifiées à l’industrie entre 2004 et 2009 se caractérise par une augmentation importante des crédits de paiement, qui passent de 447 à 660 millions d’euros, dont 13 millions pour les pôles de compétitivité. Les commandes à l’industrie s’établissent à un niveau moyen d’environ 700 millions d’euros par an depuis 2006.

En matière de dissuasion, les principaux axes d’effort sont le maintien de la crédibilité et le début des études technologiques pour le futur moyen océanique de dissuasion. Il convient en effet d’entamer les travaux sur la troisième génération de sous-marins dès aujourd’hui, en raison de la complexité de ce type de programme. Les Britanniques ont d’ores et déjà commencé, même s’il est vrai que leurs échéances de remplacement sont inférieures d’environ six ans aux nôtres.

En matière de connaissance et d’anticipation, il s’agit de maîtriser les technologies nécessaires pour le renseignement spatial, la surveillance du champ de bataille, l’exploitation du renseignement et le développement des technologies de radio logicielle. Cette dernière est un enjeu majeur pour le futur et nous sommes à la recherche d’une totale indépendance européenne.

S’agissant de la protection, les efforts porteront en particulier sur les technologies relatives à la surveillance des espaces nationaux, aux interceptions de cibles furtives, à la défense NRBC – nucléaire, radiologique, biologique et chimique –, au soutien santé et à la protection des systèmes informatiques. Des études seront également engagées sur l’alerte avancée afin de préparer le lancement d’un système opérationnel à l’horizon 2020.

En matière d’intervention, il convient de poursuivre l’effort en faveur de la protection des forces, des technologies pour missiles et munitions permettant le maintien de la capacité à frapper dans la profondeur, des technologies des missiles complexes et des munitions de précision et des technologies de rupture en matière de guerre sous-marine.

En ce qui concerne la prévention, les deux axes d’effort sont : la maîtrise de l’énergie et l’écoconception.

La DGA pilote en outre le programme 191 « Recherche duale », figurant dans la mission interministérielle pour la recherche et l’enseignement supérieur, qui concerne principalement le CNES, le Centre national d’études spatiales, et le CEA. En 2009, 200 millions d’euros lui seront alloués, soit une reconduite en valeur du montant inscrit en LFI 2008. La répartition entre les bénéficiaires est inchangée : 165 millions pour le CNES, et 35 millions pour le CEA. Les principaux domaines couverts par la recherche duale sont les sciences du vivant, les technologies de l’information et de la communication, les technologies spatiales, les matériaux, les micro et nanotechnologies, l’énergie, l’environnement et le développement durable.

Dans le domaine de l’intelligence économique, nous continuons nos efforts avec le sentiment qu’il est possible d’aller plus loin. Nous manquons notamment d’un dispositif d’alerte.

Les capacités industrielles et technologiques de défense dépendent pour une large part des PME-PMI, qui ont la capacité de développer des innovations de rupture et de productivité. La DGA a réalisé un gros travail d’identification des PME stratégiques et des fournisseurs critiques participant à notre autonomie stratégique et s’assure de la pérennité de leurs savoir-faire et capacités industrielles. Elle soutient leur capacité d’innovation au travers des contrats Recherche exploratoire et innovation. Enfin, elle encourage les PME-PMI à être davantage présentes sur les marchés européens.

Le ministre de la défense a approuvé, fin 2007, un plan d’action constitué d’une vingtaine de mesures, concrètes et applicables à court terme. Celui-ci, mis en œuvre dès le début d’année 2008, vise à améliorer l’information et à réduire la complexité, à faciliter l’accès direct des PME à la commande publique, à la commande publique en sous-traitance et aux marchés export.

La politique d’autonomie compétitive du ministère passe également par la mise en œuvre attentive du contrôle des investissements étrangers. La tendance 2008 est proche de celle de 2006, semblant marquer un certain attentisme des investisseurs vis-à-vis des perspectives politiques de l’industrie de Défense à l’international. Les deux tiers des dossiers conduisent à demander des engagements aux investisseurs afin de préserver notamment la pérennité des activités, des capacités industrielles, des capacités de R&D et des savoir-faire associés.

Le soutien aux PME passe par un accompagnement du renforcement de leurs fonds propres : partenariat avec des investisseurs de confiance ; rôle particulier confié à la Financière de Brienne, qui a déjà investi à hauteur de 20 millions d’euros en fonds propres dans des entreprises de hautes technologies duales à fort potentiel de croissance et porteuses de projets ambitieux.

Les efforts pour réduire les délais de contractualisation avec les PME seront poursuivis, pour atteindre un objectif de 6 mois, dans le respect des règles européennes en matière de concurrence.

Enfin, il faut évoquer le soutien aux pôles de compétitivité, lieux privilégiés pour les programmes de recherche duale, qui facilitent la coopération autour de projets innovants sur un territoire donné. En 2008, 55 projets intéressant la Défense ont été sélectionnés et financés, avec un fonctionnement que nous jugeons satisfaisant.

En 2008, les perspectives de prises de commandes à l’exportation s’élèvent à 6 milliards d’euros. Au vu des résultats que nous connaissons déjà, qui s’établissent à 3,4 milliards d’euros, nous avons de bons espoirs de tenir cet objectif. Cela nous amènerait à un niveau supérieur à celui de notre meilleure année récente, soit 5,74 milliards obtenus en 2006. Cette reprise confirme la dynamique actuelle de la politique de soutien à l’exportation voulue par le ministre de la défense. À ce stade, on peut penser que les mauvais résultats d’une année comme 2004 – 3,4 milliards d’euros – sont derrière nous.

Les principaux contrats signés en 2008 concernent à ce jour : les ravitailleurs britanniques ; la FREMM et des véhicules tactiques au Maroc ; la première tranche des avions MRTT, multi-rôles transport tanker, en Arabie Saoudite ; les avions MRTT et les radars Cobra aux Émirats arabes unis ; les satellites d’observation au Chili ; les missiles ASTER à Singapour. Des prospects majeurs concernent à ce jour le Rafale dans plusieurs pays, ainsi que pour l’hélicoptère Tigre, la Libye ; pour l’hélicoptère SAR EC-725, la Malaisie ; pour la FREMM, l’Arabie Saoudite et la Grèce ; pour les corvettes Gowind et les armements associés, la Bulgarie ; pour les avions ravitailleurs MRTT, les États-Unis,; pour la modernisation de Mirage 2000, l’Inde.

Dans un rapport, un député ici présent avait mis en avant la nécessité que tous les ministères coordonnent leurs actions de manière simultanée autour des grands enjeux nationaux. Cela a été pris en compte par la création de la CIEDES, la Commission interministérielle pour les exportations de défense et de sécurité, annoncée en août 2007 par le Premier ministre. Présidée par le directeur de cabinet du Premier ministre, celle-ci permet à l’ensemble des services et ministères de débattre en amont des grands enjeux. Elle détermine une position commune et un plan d’action idoine. La DGA en assure le secrétariat général en la personne de son directeur du développement international. Elle est en charge de réunir les éléments nécessaires à la commission en relation avec les entreprises, ce qui permet d’assurer un lien étroit entre les enjeux industriels, économiques et politiques.

Les résultats positifs de cette organisation se faisant d’ores et déjà sentir, la compétence de la CIEDES a été élargie aux grands contrats civils, à travers un volet spécifique d’une structure renommée Commission interministérielle d’appui aux contrats internationaux, CIACI.

Il a été décidé de regrouper le contrôle et le soutien aux exportations sous la houlette de la direction du développement international afin d’apporter des réponses rapides aux entreprises, en cohérence avec la priorité des prospects sur le terrain.. Le premier objectif de cette réforme vise à synchroniser le temps de la décision politique avec celui des affaires. La dématérialisation des procédures se poursuit

La DGA participe à la mise en œuvre de la réforme de la gouvernance du ministère dans le domaine des investissements, dont la clef de voûte est la mise en place d’un comité ministériel des investissements, CMI, présidé par le ministre de la défense. Après l’annonce de sa création fin 2007 et une première réunion expérimentale en juin 2008, il est prévu une généralisation de cette phase expérimentale en 2009, une fois qu’une étude en cours en aura formalisé le fonctionnement. Le champ du CMI ne devrait pas se limiter aux seules opérations d’armement : cela permettra de disposer d’une vue d’ensemble sur le coût d’une décision. Le CMI s’accompagnera également d’une meilleure transparence vis-à-vis de Bercy.

La mise en place du CMI devrait s’accompagner du passage à un pilotage du programme 146 par le DGA et d’une révision de l’organisation finances du ministère. Il s’agit notamment de disposer d’éléments fiables et homogènes sur l’ensemble des coûts, dans un référentiel unique et partagé. Cela suppose de renforcer les compétences financières de base et de mieux définir les articulations entre les responsabilités des grands subordonnés, des chefs de programme budgétaire et de l’échelon de synthèse constitué par la direction des affaires financières.

La DGA poursuit les efforts de rationalisation de son soutien.

M. le président Guy Teissier. Je vous remercie pour cette présentation détaillée et argumentée. Les budgets font malheureusement l’objet d’encoches, d’entailles, de reports et de gels, à tel point qu’il existe un décalage entre les volontés exprimées et les réalisations constatées. Sur le terrain, cette armée idéalisée, bénéficiant de technologies de pointes développées par des ingénieurs brillants, est confrontée à de vraies difficultés. Nous l’avons vu en Afghanistan : nos camions ne sont pas blindés et les tourelleaux télé-opérés font défaut ; nous n’envoyons pas des Tigre mais de vieilles Gazelle en bout de course.

Le canon Caesar est une technologie remarquable, pur produit du génie français. Toutefois, cet équipement n’était prévu dans aucune loi de programmation. Nous avons bien compris qu’il fallait donner du souffle à Nexter mais cela se produit au moment même où des régiments d’artillerie sont dissous. De surcroît, depuis le mont Ingman, aucun coup de canon de 155 n’a plus jamais été tiré dans des conditions opérationnelles. Je n’ai rien contre cet équipement, mais était-il prioritaire ?

Vous ne nous avez pas parlé de l’A400M, qui accuse une année de retard, ce qui est très grave pour notre aéromobilité, car les Transall n’en peuvent plus. Si cet appareil n’était finalement pas fabriqué, ou s’il ne devait sortir que dans cinq ans, par quel équipement serait-il remplacé ?

Je n’ai pas non plus entendu parler du Caracal, hélicoptère qui fait merveille et dont deux exemplaires seulement – un binôme – sont en service en Afghanistan. Des commandes ont-elles été passées ?

M. Laurent Collet-Billon. L’armée de terre redemande des Caesar. Le vrai débat porte sur les équipements déjà en dotation qu’il convient d’envoyer en Afghanistan. Aujourd’hui, les sept hélicoptères Tigre, de par la volonté de l’armée de terre, sont avant tout consacrés à la formation des pilotes et des équipages. Je ne me prononcerai pas sur l’opportunité d’en envoyer à Kaboul, mais je peux vous dire que nous examinons comment organiser un soutien logistique adapté permettant de déployer ces hélicoptères si une telle décision était prise.

Nous sommes amenés à commander des matériels en urgence, dans un cadre respectant le code des marchés publics mais en utilisant toutes les opportunités offertes par le décret défense. Cette année, le montant de ces acquisitions devrait s’établir à quelque 100 millions d’euros, alors que nos camarades britanniques sont plus près de 700 millions d’euros. Il nous faut travailler à améliorer notre culture du retour d’expérience, par ailleurs très forte au Royaume-Uni.

S’agissant de l’A400M, je ne puis vous dire autre chose que ce que j’entends de la part de l’industriel. En effet, nous ne disposons pas encore d’une visibilité technique suffisante sur ce qui se passe. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à mes équipes d’examiner de près les difficultés rencontrées. Ce programme reste absolument nécessaire et nous devons rester soudés avec les autres pays partenaires du programme et l’OCCAR pour obtenir de l’industrie qu’elle le reprenne en main.

Les deux Caracal envoyés en Afghanistan fonctionnent très bien, tout comme les autres en dotation dans les forces spéciales, mais aucun n’est actuellement en commande.

M. Yves Fromion. J’espère que l’appellation « délégué général » restera en vigueur car personne n’y gagnerait si la DGA perd son rang.

Le Livre blanc évoque évidemment le caractère stratégique de la recherche mais les 660 millions d’euros annoncés sont loin de l’objectif qui serait nécessaire, soit un milliard d’euros. Disposez-vous d’informations à propos de la progression envisageable dans le cadre de la future LPM ? Dans ce domaine, quelles actions de coopération européenne seront conduites au sein de l’AED ?

Les consolidations industrielles européennes et la base industrielle et technologique de défense, la BITD, se heurtent à des difficultés alors que la question est urgente.

Les événements d’Afghanistan ont suscité des polémiques, notamment en ce qui concerne l’équipement personnel des fantassins. Serait-il possible que le matériel FELIN nous soit présenté en situation réelle, afin que nous comprenions, par exemple, comment il aurait aidé nos soldats à se tirer du guêpier d’Uzbeen ?

Vous n’avez pas parlé de la protection spatiale, domaine dans lequel nous ne pouvons pas non plus rester inactifs.

M. Bernard Cazeneuve. Dans le cadre de la mission qui nous a été confiée par la commission de la défense, François Cornut-Gentille et moi-même examinons la manière dont sont susceptibles d’évoluer l’ensemble des structures relevant du ministère de la défense. Nous sentons que l’orientation est de transformer la DGA en une direction d’administration centrale, avec la rigidité y afférent. Vous avez beaucoup insisté sur la nécessité d’améliorer la transparence des relations avec Bercy. C’est très intéressant si cela permet à la défense de mieux défendre son budget ; cela l’est beaucoup moins si cela se traduit par un renforcement de la mise sous tutelle de la défense. À cet égard, estimez-vous que la réforme entreprise va dans le bon sens ?

Le Président de la République a indiqué que les 54 000 postes appelés à disparaître et les futures économies de fonctionnement auront vocation à être intégralement réinvestis dans l’équipement des forces. Les montants de crédits de paiement que vous avez annoncés suffiront-ils pour surmonter les difficultés liées au repli budgétaire et à équiper convenablement nos forces ?

Par ailleurs, les programmes qui s’étalent ou dont la cible est réduite coûtent finalement plus cher à l’unité. Il ne faudrait pas perdre de la sorte une partie des économies réalisées en fonctionnement. Or, dans les états-majors et les établissements industriels, nous entendons des bruits selon lesquels un certain nombre de programmes seraient étalés afin de passer la bosse.

Pour ce qui concerne DCNS, nous commençons à entendre parler d’une commande de Barracuda tous les deux ans et demi ou tous les trois ans plutôt que tous les deux ans.

Nous commençons aussi à entendre parler d’un étalement du programme FREMM.

Où en sont les négociations avec les industriels et les militaires ? Pouvez-vous nous confirmer cet étalement des délais ? Vous a-t-il été demandé de travailler sur ces sujets dans le cadre de la préparation de la LPM ?

M. Laurent Collet-Billon. Nous organiserons une présentation du FELIN.

M. le président Guy Teissier. L’armée de terre est effectivement prête à organiser une présentation du programme Scorpion, qui intègre FELIN, au centre d’entraînement en zone urbaine.

M. Laurent Collet-Billon. En matière de BITD, nous accomplissons des efforts de rationalisation, mais de manière lucide et responsable. J’ai indiqué à mes homologues allemands et anglais que nous étions prêts à discuter sur deux thèmes précis : la possibilité de nouer des alliances, d’une part, dans le domaine naval avec DCNS et d’autre part, dans le domaine terrestre avec Nexter. L’Agence des participations de l’État, l’APE, sera également très attentive à tous les aspects capitalistiques.

S’agissant de la recherche, nous atteindrons probablement le milliard d’euros consacré à la R&D, mais plutôt au cours de la deuxième LPM qui s’étendra jusqu’à 2020. La première étape pourrait amener à faire des choix ayant un impact sur certains bureaux d’études. S’agissant des missiles, la préservation des activités de MBDA sera considérée en tenant compte des volets français et britannique. À la demande du ministre, nous regardons également de très près les perspectives d’activité des bureaux d’études aéronautiques et en matière d’avionique embarquée.

Exactement 55 millions d’euros d’études amont ont été investis dans le cadre des programmes initiés par l’AED. C’est un facteur de succès essentiel pour cette dernière et il est important que nous fassions cet effort pour sa pérennité. Cependant, nous attendons également que l’AED joue son rôle, c’est-à-dire qu’elle parvienne à obtenir de la part de l’Union européenne des crédits lui permettant d’alimenter des opérations de R&D intéressant les domaines de la défense et de la sécurité.

La DGA sera transformée en une direction générale. Cette transformation n’implique pas nécessairement une paupérisation. Le véritable enjeu consiste à faire de la DGA une force d’ingénierie manœuvrante au bénéfice des armées, ce qui requiert d’accroître encore nos compétences managériales et techniques en continuant de nous rapprocher des normes admises dans l’industrie.

La transparence vis-à-vis de Bercy ne doit pas être perçue comme un risque. Dans le cadre de la mise en place du CMI, la création d’un comité financier auquel participera la direction du budget a par exemple été évoquée. Notre intérêt est aussi de mettre en place des dispositifs acceptés par Bercy pour traiter toutes les urgences opérationnelles. Au Royaume-Uni, par exemple, le ministère de la Défense dispose de l’équivalent d’un compte spécial ouvert au Trésor. Si cette option devait être proposée en France, elle ne pourrait être adoptée sans l’accord du ministère des finances.

Les diminutions de cadences auront certainement un coût. Pour le Rafale, le calendrier nous amène à viser une commande en 2009. La commande des Barracuda pourrait être décalée de six mois mais il n’est pas envisagé de modifier le rythme ultérieur des commandes ; l’impact de cette mesure sur les sous-traitants est estimé à 200 emplois à Cherbourg. Pour les FREMM, nous pourrions passer à une commande d’une FREMM par an environ ; et nous avons des prospects extrêmement sérieux.

M. Michel Grall. Un rapport récent démontre qu’une partie des OPEX sont encore financées à partir du budget d’équipement des forces. Qu’en pensez-vous ?

S’agissant des sites qui vont fermer, pouvez-vous, nous informer des plans de reconversion et de reclassement des personnels ?

M. Jean-Claude Viollet. La cible de commandes du Rafale sera-t-elle atteinte avant 2025 ? Si cela n’est pas le cas, il sera difficile de maintenir le parc existant et les premiers appareils livrés seront menacés d’obsolescence.

Que pensez-vous du contrat de maintien en condition opérationnelle – MCO –, qui n’est peut-être pas encore officialisé ? Disposez-vous d’éléments de comparaison à propos de son coût, par rapport à celui de 2000 ?

La question de la commande du missile Meteor avait déjà été évoquée l’an dernier et le sera sans doute encore cette année. Cet engin assure en effet la supériorité du Rafale par rapport à ses concurrents.

Le Neuron constitue le moyen de conserver la maîtrise technologique dans le secteur des avions de combat, avec de surcroît une perspective européenne. Le premier vol doit intervenir en 2011. Il s’agit d’un véritable laboratoire pour le maintien des compétences. Quel en est l’état d’avancement ?

En matière d’aéromobilité, je ne reviens pas sur l’A400M, mais les MRTT devaient faire l’objet d’une décision mi-2008. Or nous sommes fin 2008, et je ne vois rien venir. Demain, nous serons dans l’incapacité d’assurer le fonctionnement des forces aériennes stratégiques et en rupture avec le contrat opérationnel en matière de fret. Quand interviendra la décision ? La question est-elle abordée dans la future LPM ?

Savons-nous ce que nous coûtent les crash programs ? Ne sont-ils pas la conséquence d’un déficit de programmation ? Autant ils peuvent se justifier dans certains cas, autant il est anormal que nous en soyons réduits à procéder de la sorte pour des acquisitions de blindés.

M. Damien Meslot. Je doute que les 22 hélicoptères NH90 puissent être livrés à temps. Pouvez-vous nous assurer qu’il n’y aura pas de délai supplémentaire ?

M. Laurent Collet-Billon. Pour les OPEX, en 2009, 510 millions d’euros ont été provisionnés. Je constate que, par le passé, le financement des OPEX a pesé sur le budget d’équipement. Un effort a été accompli au cours de la précédente LPM pour intégrer progressivement une part notable de leur coût en loi de finances initiale. Le général Jean-Louis Georgelin réfléchit pour sa part aux moyens de contenir leur coût en réexaminant, théâtre après théâtre, l’utilité du maintien des forces. Mais il ne m’appartient pas d’établir une hiérarchie en la matière.

S’agissant des sites qui vont fermer à la DGA, nous avons prévu de mettre sur pied un dispositif d’accompagnement professionnel des personnels. Nous créons des postes de conseillers carrière pour les aider à formuler clairement leurs projets, nous doublons le budget formation et nous proposons des contrats d’assistance pour ceux qui souhaitent créer leur entreprise. Par ailleurs, nous lancerons un marché spécifique permettant aux personnels concernés de bénéficier d’un soutien pratique dans des domaines comme le logement ou l’inscription dans les écoles. Je vous apporterai des précisions sur ces points par écrit si vous le souhaitez.

D’ici à la fin de l’année, nous commanderons les huit Rafale prévus dans la feuille de route, et une autre commande suivra. Pour la future LPM, nous travaillons sur l’hypothèse d’une diminution de cadence à onze appareils par an, ce qui correspond au plancher défini par Dassault Aviation. Nous verrons comment ajuster les quotités des uns et des autres en fonction des commandes à l’exportation. L’objectif retenu pour l’armée de l’air reste fixé à 270 appareils de combat modernes, en ligne

Le contrat de soutien du Rafale est passé par la SIMMAD, structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense, et non par la DGA. Nous avons apporté toute l’assistance possible à la SIMMAD dans la négociation. Le résultat obtenu est relativement bon. On peut noter notamment que la mise en œuvre du Rafale par les forces armées est considérablement plus simple que celle du Mirage 2000 – le nombre de mécaniciens nécessaires est réduit.

Le projet Neuron traduit notre souci de prévoir l’avenir. Nous incitons Dassault Aviation à conserver une volonté de partenariat européen. Pour ce qui est de sa poursuite, nous disposons d’un peu de temps car l’échéance contractuelle est 2011.

La décision concernant les MRTT a été repoussée à 2009 ; le ministre fera alors son choix, sachant que ce matériel est déjà en service dans certains pays, lesquels en sont très satisfaits.

Les crash programs coûtent la somme non négligeable de 50 à 100 millions d’euros par an. Il s’agit non pas tant pas d’un défaut d’anticipation mais de tenir compte de la manière extrêmement évolutive dont se déroulent les opérations. Il nous faut greffer aux procédures de développement et de fabrication des programmes d’armement une dose de réactivité. Nous essayons de contingenter les achats urgents au strict minimum. Nous avons par exemple acquis 5 Buffalo. Nous envisageons également l’achat de quelques véhicules d’ouverture de convoi, dans le souci primordial de protéger le combattant.

Sans le missile Meteor, il serait très difficile d’exporter le Rafale.

Contractuellement, nous avons jusqu’à la fin du premier trimestre 2009 pour notifier la commande des 22 NH90. Mais cette version ne présente pas les difficultés techniques de mise au point, de la version navale, et nous serons donc en mesure de respecter les délais de livraison. Nous allons créer des clubs d’utilisateurs avec d’autres États clients, comme la Finlande, de façon à partager les expériences en matière de soutien logistique et nous ferons notre possible pour mutualiser les stocks de pièces détachées.

M. le président Guy Teissier. Me confirmez-vous que les tourelleaux télé-opérés destinés aux véhicules de l’avant blindés – VAB – sont commandés ?

M. Laurent Collet-Billon. Oui. Ils devraient être livrés sous trois mois.

M. le président. Je vous remercie.

——fpfp——

IV. —  EXAMEN DES CRÉDITS

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Cornut-Gentille, les crédits de la Mission « Défense » : « Équipement des forces » pour 2009, au cours de sa réunion du 28 octobre 2008.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. le président Guy Teissier. J’ai plaisir à entendre certains propos du rapporteur, car j’ai moi-même fait des observations similaires sur les difficultés rencontrées lors de la phase de mise en service de nombreux matériels, dont nos forces ont pourtant le plus grand besoin sur le plan opérationnel. De plus, leur utilisation effective contribuerait à favoriser leur exportation. Le problème est aggravé par le fait que les premières versions livrées par les industriels ne comportent pas toujours l’ensemble des fonctionnalités souhaitées et qu’il faut attendre un niveau de développement ultérieur pour en bénéficier. L’exemple du régiment d’hélicoptères accueillant le Tigre est très parlant, puisque le matériel livré est opératoire mais pas encore opérationnel. Préoccupants au regard des sommes considérables déjà dépensées en amont pour la réalisation des matériels concernés, ces retards conduisent à utiliser en opérations des engins hors d’âge et moins adaptés, comme l’illustre le déploiement de Gazelle en Afghanistan. Enfin, on peut s’interroger sur les discours en faveur de la préférence communautaire quand les procédures d’achat en urgence débouchent presque systématiquement sur l’acquisition de matériels américains.

M. Bernard Cazeneuve. La réforme du ministère de la défense, voulue par le Président de la République et qui nous a été présentée par le ministre de la défense, repose sur l’idée selon laquelle le décalage entre les programmes d’armement déjà lancés et les capacités de financement disponibles pourra être comblé grâce aux économies de fonctionnement qui pourront en outre permettre une amélioration de la condition militaire. Le rapporteur a effectué un constat honnête mais en tire des conclusions opposées aux miennes. Il faut en effet relever un certain nombre d’ambiguïtés et de contradictions dans la présentation faite par le ministère.

Tout d’abord, 460 millions d’euros seulement sont prévus dans la loi de finances pour 2008 au titre du financement des OPEX, alors que le coût réel sera probablement de l’ordre du milliard d’euros, et la seule garantie avancée par le ministre pour le financement de la différence réside dans 30 millions d’euros prélevés sur le budget du ministère de la défense, sans que leur origine soit précisée, et sur l’utilisation pour un même montant d’une réserve interministérielle dont on ne trouve nulle trace dans les documents budgétaires. Il est malheureusement probable que les financements nécessaires seront prélevés sur l’équipement des forces, rendant ainsi caduque la réforme du ministère avant même le début de sa mise en œuvre.

Les auditions des différents responsables du ministère de la défense par la commission ont permis de chiffrer à 140 millions d’euros le coût des mesures sociales d’accompagnement des réformes. Cette somme suffira-t-elle à couvrir l’ensemble des mesures d’accompagnement et notamment à financer les mesures d’incitation au départ volontaire ?

Enfin, dans quelles conditions financières va s’effectuer la renégociation des contrats avec les industriels en vue d’étaler ou de réduire les programmes ?

L’ensemble de ses éléments montre que l’on se situe déjà hors du chemin budgétaire décrit par le projet de loi de finances.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis. S’agissant des révisions de contrat en cours de discussion par la délégation générale pour l’armement, il est prévu de compenser les révisions de prix en fonction des progrès des exportations. Telle est la stratégie retenue par le Gouvernement et il est trop tôt pour savoir si elle constitue effectivement une réponse au problème. Tout dépendra des succès rapides des prospects d’exportation.

M. le président Guy Teissier. Les perspectives en la matière sont actuellement nombreuses et permettent d’afficher des ambitions certaines, même s’il s’agit d’un domaine par nature aléatoire.

J’ai été à l’origine de la création de la ligne budgétaire consacrée aux OPEX en loi de finances initiale. Les montants concernés ont atteint un niveau respectable, mais les prévisions en la matière sont là aussi difficiles, les montants constatés dépendant du nombre de théâtres d’opérations et de l’évolution des moyens qui y sont envoyés.

M. Bernard Cazeneuve. Mes observations ne portaient pas sur l’apport incontestable d’une dotation budgétaire en faveur des OPEX en loi de finances initiale, mais bien sur les conséquences potentielles des surcoûts constatés en la matière sur l’ensemble de la réforme du ministère de la défense et sur sa cohérence.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission de la défense a alors donné un avis favorable au programme « Équipement des forces ».

*

La commission de la défense a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense ».

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

– M. le général Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées ;

– M. le général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air ;

– M. le général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre ;

– M. l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine nationale ;

– M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement.

© Assemblée nationale

1 () Deux mois plus tard, le 18 octobre 2008, dans la vallée d’Alasaï, deux compagnies du 8e RPIMa se sont heurtées à une centaine d’insurgés. Aucune perte française n’est à déplorer malgré l’intensité des combats.

2 () Landing Craft, Vehicle, Personnel.

3 () Avion de transport tactique bimoteur à ailes hautes, utilisable sur courtes pistes non préparées.

4 () Hélicoptère d’appui et de protection.

5 () Rapport d'information n° 3254 déposé le 5 juillet 2006 en application de l'article 145 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du plan en conclusion des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle sur les programmes d'armement : l'exemple du véhicule blindé de combat d'infanterie.

6 () Rapport d’information n° 957 déposé le 18 juin 2003 en application de l’article 145 du Règlement par la commission de la défense nationale et des forces armées sur la mise en œuvre, dans le secteur de la défense, de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

7 () Rapport d’information n° 328 déposé le 23 octobre 2002 en application de l’article 145 du Règlement par la commission de la défense nationale et des forces armées sur l’entretien des matériels des armées.

8 () Service de soutien de la flotte.

9 () Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense.

10 () Lettre de mission du Président de la République à Jean-Claude Mallet, président de la commission chargée de l’élaboration du Livre blanc.

11 () Programme de travail de la présidence française de l’Union européenne.

12 () Rapport d’information n° 666 de MM. Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet sur la situation de l’aéromobilité déposé le 30 janvier 2008.

13 () Le ROLAND 2 est un système d’arme sol-air courte portée destiné à assurer la défense anti-aérienne d’unités, de points ou de zones sensibles.