Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF

N° 1202

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2009 (n° 1127)

TOME III

DÉFENSE

PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES

FORCES TERRESTRES

PAR M. Jean-Louis BERNARD,

Député.

——

Voir le numéro : 1198 (annexe n° 11)

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I. —  UNE ARMÉE AU CœUR DE LA RÉFORME 7

A. UN NOUVEAU CADRE OPÉRATIONNEL 7

B. DE NOUVELLES STRUCTURES 7

II. —  DES CRÉDITS EN LÉGÈRE HAUSSE 9

A. L’ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS 9

B. LES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT 10

1. Un décalage récurrent entre les AE et les CP 10

2. Les munitions et l’équipement individuel du soldat 11

III. —  LES PERSONNELS 13

A. DES EFFECTIFS EN BAISSE 13

B. L’ÉVOLUTION DES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE PERSONNELS 14

C. LES RÉSERVES 15

D.  LA RECONVERSION 16

IV. —  UNE DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS TOUJOURS INSATISFAISANTE 17

A. UNE FRAGILE DISPONIBILITÉ OPÉRATIONNELLE DES ÉQUIPEMENTS 17

B. DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES POUR L’AÉROMOBILITÉ 17

1. Le 5e régiment d’hélicoptères de combat de Pau 18

2. Le détachement ALAT des opérations spéciales 18

3. La difficile fidélisation des personnels 19

4. Les équipements 20

C. LES AUTRES ÉQUIPEMENTS 21

D. LE CONCEPT D’ADAPTATION RÉACTIVE 22

V. —  UN NIVEAU ÉLEVÉ D’ENGAGEMENT DES FORCES TERRESTRES 23

A. L’ENTRAÎNEMENT 23

B. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 23

1. L’Afghanistan 24

2. Le Kosovo 24

a) Situation générale du Kosovo en 2008 24

b) Les forces déployées 25

c) Visite des forces françaises 26

d) Entretiens avec les responsables politiques kosovars 28

C. LES OPÉRATIONS INTÉRIEURES 28

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

I. —  AUDITION DU GÉNÉRAL ELRICK IRASTORZA, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE L’ARMÉE DE TERRE 31

II. —  EXAMEN DES CRÉDITS 47

ANNEXE : LISTE DES DÉPLACEMENTS 49

A. DÉPLACEMENT AU KOSOVO DU 24 AU 26 JUIN 2008 49

1. État-major de la KFOR (forces de l’OTAN déployées au Kosovo). 49

2. Task Force Nord 49

3. Autorités politiques du Kosovo 49

4. Ambassade de France 49

B. DÉPLACEMENT À PAU LE 3 OCTOBRE 2008 49

INTRODUCTION

L’année 2008 a été une année particulièrement difficile pour l’armée de terre avec le dramatique accident de Carcassonne au début de l’été et la tragique embuscade de la vallée d’Uzbeen au mois d’août. La mort de dix soldats en opération extérieure a rappelé à l’ensemble de nos concitoyens que même si les forces interviennent principalement dans le cadre d’opérations de maintien de la paix ou de sécurité civile, elles sont aussi engagées dans des zones de combat intense, avec de véritables opérations de guerre.

Les militaires déployés en opérations bénéficient des meilleurs équipements disponibles. Bien évidemment, il est toujours possible de les améliorer, mais les armées savent que les arbitrages interviennent dans un contexte budgétaire et financier contraint et que tout ne peut pas être immédiatement corrigé. L’armée de terre a d’ailleurs développé le concept d’adaptation réactive pour ajuster, dans les meilleurs délais, les équipements aux besoins des unités engagées.

L’exercice budgétaire 2009 apparaît singulier dans la mesure où il intervient en même temps qu’une réforme d’ampleur du ministère de la défense. Tous les services vont participer aux économies, mais compte tenu du nombre de ses personnels et du nombre de ses implantations, l’armée de terre contribuera de manière très importante aux efforts. Outre les territoires, cette restructuration va demander de déployer de très importants dispositifs d’accompagnement des personnels.

L’adoption prochaine d’une nouvelle loi de programmation militaire devrait donner plus de visibilité de moyen et de long terme aux armées. Le Livre blanc a d’ailleurs insisté sur la nécessité d’un effort en faveur des matériels de l’armée de terre, vieillissants et en limite de capacités.

Même si les grandes orientations du budget 2009 de l’armée de terre semblent satisfaisantes, leur réalisation dépend des conditions de fin d’exécution 2008 et des ressources exceptionnelles. Ces deux éléments devront faire l’objet d’une attention particulière au cours de l’exécution.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2008, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 43 réponses étaient parvenues, soit un taux de 100 %.

I. —  UNE ARMÉE AU CœUR DE LA RÉFORME

A. UN NOUVEAU CADRE OPÉRATIONNEL

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale modifie significativement le contrat opérationnel de l’armée de terre qui devra désormais :

— participer à la protection du territoire national en renfort des dispositifs de sécurité publique et de sécurité civile, avec des moyens pouvant impliquer jusqu’à 10 000 hommes en quelques jours ;

— dans le cadre d’un engagement majeur international, déployer 30 000 hommes en six mois, sur un théâtre distant de 7 000 à 8 000 kilomètres de la métropole, pour une durée d’un an sans renouvellement ;

— maintenir une capacité permanente d’action et de réaction autonome permettant d’intervenir avec 5 000 hommes dans un délai réduit ;

— maintenir un dispositif de prévention hors du territoire métropolitain, regroupé sur la façade africaine et sur le golfe arabo-persique ;

— maintenir une présence de souveraineté dans les territoires et collectivités d’Outre-mer en se concentrant sur la Guyane, la Réunion et la Nouvelle Calédonie.

Pour assurer ces nouvelles missions, le Livre blanc recommande d’importants efforts de modernisation portant « en priorité sur la protection des forces, la numérisation de l’espace opérationnel, le rétablissement de la capacité aéromobile, et sur l’acquisition de capacités de frappe dans la profondeur ». À terme, les forces terrestres ne devraient compter que 131 000 personnels dont 88 000 hommes pour les forces opérationnelles. L’armée de terre comptant actuellement 144 500 militaires et civils, la réduction de format correspond à une baisse globale de plus de 10 % des effectifs.

B. DE NOUVELLES STRUCTURES

Pour remplir cet objectif, l’armée de terre s’est engagée dès 2009 dans une réorganisation profonde de ses structures, d’une part pour gagner en capacités opérationnelles, et d’autre part, pour réaliser des économies sur les crédits de rémunération et de fonctionnement permettant de financer les investissements programmés. Pour ce faire, quatre des 13 régiments d’artillerie seront dissous ainsi que trois des 11 régiments du génie. Par ailleurs, le commandement de la force d’action terrestre (CFAT) et le commandement de la force logistique terrestre (CFLT) seront fusionnés au sein du commandement des forces terrestres (CFT). Seuls deux des quatre états-majors de force seront préservés ; trois états-majors de brigades d’appui spécialisé et un état-major de brigade logistique seront supprimés. Au-delà de ces fermetures ou dissolutions, de très nombreuses unités de l’armée de terre seront déplacées, ce qui conduira à abandonner une trentaine de garnisons en métropole. Deux exemples peuvent être retenus pour illustrer l’importance de l’effort pour les forces terrestres : le régiment de Bitche et celui de Dieuze.

— La ville de Bitche accueille le 57e régiment d’artillerie qui comprend à ce jour près de 1 300 civils et militaires, la population de la ville ne dépassant pas 6 000 habitants. La réorganisation de la composante artillerie imposant de dissoudre ce régiment est lourde de conséquences pour la commune qui voit disparaître près d’un quart de ses habitants et avec elle son dynamisme économique et l’essentiel de ses ressources, qu’il s’agisse des impôts locaux ou des dotations qui sont établis en fonction de la population.

— Le 13e régiment de dragons parachutistes (RDP) de Dieuze souffre aujourd’hui d’un éloignement excessif par rapport à la brigade des forces spéciales à laquelle il est rattaché. La brigade et les autres unités spéciales sont en effet implantées soit à Pau pour l’état-major de la brigade et le détachement ALAT des opérations spéciales, soit à Bayonne pour le 1er régiment parachutiste d’infanterie de marine. Le regroupement des unités de la brigade dans une même zone géographique apparaît donc nécessaire sinon indispensable pour faciliter l’entraînement et pour limiter les dépenses de transport.

Dans les deux cas, la réorganisation impose de redéployer sur le territoire les personnels, donc de mettre en place un service d’accompagnement à la mobilité très important, et de s’assurer de l’avenir des emprises. Les infrastructures libérées doivent être valorisées au mieux et les structures des unités d’accueil doivent être en mesure de faire face à l’afflux des personnels. Pour mener à bien ces opérations, un effort initial d’investissement apparaît inévitable. Aussi convient-il d’être très vigilant sur l’exécution budgétaire pour l’année 2008 et sur les conditions d’entrée dans la nouvelle loi de programmation militaire, c’est-à-dire les crédits prévus pour 2009 ; ces deux éléments conditionnant la réussite de la réforme.

II. —  DES CRÉDITS EN LÉGÈRE HAUSSE

Les crédits de l’armée de terre sont principalement répartis dans deux programmes de la mission « Défense » : l’essentiel des dépenses de personnel et de fonctionnement relève de l’action n° 2 « Préparation des forces terrestres » du programme 178 « Préparation et emploi des forces » tandis que la majorité des programmes d’armement relève du programme 146 « Équipement des forces ». L’armée de terre bénéficie également de lignes budgétaires ouvertes au sein du programme 212 « Soutien de la politique de défense » au titre de ses infrastructures et des restructurations, pour un montant total inférieur à 500 millions d’euros. La nomenclature budgétaire modernisée en 2007 n’est pas modifiée en 2008, permettant de suivre avec plus de précision l’évolution des crédits.

A. L’ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS

Le tableau suivant synthétise l’évolution des crédits ouverts pour l’armée de terre au sein du programme 178.

Crédits des forces terrestres (programme 178)

(en millions d’euros)

Titre

AE

CP

LFI 2008

PLF 2009

Évolution

LFI 2008

PLF 2009

Évolution

Titre 2

7 399,14

7 500,27

1,37 %

7 399,14

7 500,27

1,37 %

hors pensions

4 826,00

4 798,00

- 0,58 %

4 826,00

4 798,00

- 0,58 %

pensions

2 575,00

2 702,00

4,93 %

2 575,00

2 702,00

4,93 %

Titre 3

1 588,92

1 654,29

4,11 %

1 554,89

1 544,02

- 0,70 %

Titre 5

148,40

160,08

7,87 %

195,27

153,58

- 21,35 %

Titre 6

0,98

2,37

141,84 %

0,98

2,37

141,84 %

Sous-total

9 137,44

9 317,01

1,97 %

9 150,28

9 200,24

0,55 %

Source : projet annuel de performances et ministère de la défense.

Le budget de l’armée de terre apparaît donc stabilisé en 2009, voire en légère augmentation. Cette hausse doit néanmoins être appréhendée avec prudence : les crédits de rémunération diminuent de près de 0,6 %, même si les crédits de titre 2 augmentent du fait d’un effort de presque 5 % pour les pensions. De même, les dépenses d’investissement passent de 148,4 millions d’euros à 160,1 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) mais de 195,3 millions d’euros à 153,6 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Enfin, il convient de noter que l’impact des restructurations, et notamment des regroupements d’unités au sein des bases de défense, est anticipé puisque le titre 3 (fonctionnement) est réduit de presque 10 millions d’euros.

En ce qui concerne le titre 2, les économies programmées permettent de financer, d’une part, des mesures nouvelles de revalorisation de la condition militaire et, d’autre part, les mesures d’accompagnement social des restructurations. Le tableau ci-après présente l’évolution du titre 2 en 2009.

évolution des crédits de rémunération (hors pensions) en 2009

(en millions d’euros)

Économies

Mesures nouvelles

Mesures d’ajustement

- 1,4

Mesures catégorielles

33

Réduction des effectifs

- 65,5

Mesures d’accompagnement social des restructurations

39

Mesures de transfert

- 32,6

Total

- 99,5

Total

72

Source : ministère de la défense.

L’évolution de ces sommes doit être suivie avec beaucoup d’attention : l’armée de terre réalise en effet un effort de 28 millions d’euros, hors pensions, qui apparaît d’autant plus significatif qu’elle souffre, depuis la mise en place de la nomenclature budgétaire par programme, d’une sous-estimation récurrente de ses besoins en matière de rémunération, à hauteur de 80 millions d’euros chaque année. Par ailleurs, le glissement vieillesse technicité (GVT) contraint également le budget puisqu’il augmente de 50 millions d’euros (72 millions d’euros avec les pensions) les crédits de titre 2.

B. LES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT

1. Un décalage récurrent entre les AE et les CP

Les tableaux ci-après récapitulent l’évolution des crédits d’équipement pour les forces terrestres depuis 2006.

Titre 5 (investissement) - programme 178

(en millions d’euros)

 

Consommation 2006 (1)

Consommation 2007 (1)

LFI 2008

PLF 2009

Total

AE

586,8

602,0

148,4

160,1

1 497,3

CP

187,6

130,5

195,3

153,6

666,9

Différence

- 399,2

- 471,5

46,9

- 6,5

- 830,3

(1) La consommation intègre les fonds de concours et les ADP.
Source : rapports annuels de performance 2006 et 2007, loi de finances initiale pour 2008, projet de loi de finances pour 2009.

Titre 5 (investissement) - programme 146 (1)

(en millions d'euros)

Action 2
(nomenclature valable en 2006 et 2007)

Principaux programmes (2) de l'armée de terre
(nomenclature valable en 2008 et 2009)

 

Consommation 2006

Consommation 2007

Total

 

LFI 2008

PLF 2009

Total

AE

2 656,40

2 085,70

4 742,00

AE

1 396,40

2 949,70

4 346,10

CP

1 429,80

1 404,60

2 834,40

CP

1 309,00

1 486,10

2 795,10

Différence

- 1 226,60

- 681,00

- 1 907,60

Différence

- 87,40

- 1 463,60

- 1 550,90

(1) Le changement de nomenclature intervenu en 2007 ne permet pas de retracer à périmètre constant l'évolution des crédits d'équipement des forces terrestres depuis 2006.

(2) Cette liste est non exhaustive, se contentant de récapituler les crédits des principaux programmes d'armement de l'armée de terre ainsi que les crédits de soutien à l'expérimentation.

Source : rapports annuels de performance 2006 et 2007, loi de finances initiale pour 2008, projet de loi de finances pour 2009.

Pour ce qui concerne le programme 178, la comparaison entre les AE et les CP depuis 2006 laisse apparaître un décalage cumulé de plus de 830 millions. Pour le programme 146, le changement de nomenclature intervenu dans la loi de finances pour 2008 ne permet pas de suivre à périmètre constant les crédits d’équipement consacrés aux forces terrestres. Pour 2006 et 2007, les AE sont supérieures aux CP de plus de 1,9 milliard d’euros ; en 2008 et 2009, pour la plupart des grands programmes d’armement terrestres, l’écart est de plus de 1,5 milliard d’euros. Ces décalages ne sont pas inquiétants en tant que tels dans la mesure où un laps de temps parfois significatif apparaît entre la commande et la livraison. En revanche, à moyen terme, et a fortiori à long terme, les AE et les CP doivent s’équilibrer, les CP devant apparaître supérieurs aux AE en fin de programmation. Or, pour la période 2006-2008, il est frappant de constater que l’écart n’est jamais corrigé, à l’exception d’un rattrapage mineur pour les crédits du programme 178 en loi de finances pour 2008.

Ce mécanisme est préoccupant car il entretient une forme de cavalerie budgétaire consistant à faire peser sur les années suivantes l’effort décidé durant l’année. De plus, il conduit mécaniquement à un report des livraisons, faute de disposer des crédits de paiement suffisants. De plus, les industriels sont en droit de faire payer à l’État des pénalités s’il diffère trop ses paiements, augmentant d’autant le coût réel des programmes d’armement. Outre le problème de respect de l’autorisation parlementaire et celui de la lisibilité et de la transparence, ce système aggrave donc la dérive du coût des programmes.

2. Les munitions et l’équipement individuel du soldat

La réduction des crédits de fonctionnement intervenue en 2008 risquait de peser sur les munitions. Face aux besoins croissants des forces déployées en opérations extérieures, notamment en Afghanistan où les armées utilisent quotidiennement des munitions lourdes ou des missiles, le PLF 2009 consacre 61,7 millions d’euros en CP aux munitions. Cette dotation semble suffisante pour couvrir les besoins, mais elle ne permet pas d’anticiper l’évolution des stocks, ni de faire face à une brutale montée en puissance des demandes d’approvisionnement. Dans l’hypothèse où l’armée de terre serait amenée à déployer les 30 000 hommes prévus dans son contrat opérationnel, elle serait dans l’incapacité de les doter en munitions, faute de stocks suffisants. Cette difficulté est d’autant plus nette que la France fait désormais appel à des prestataires étrangers. Une réflexion pourrait utilement s’ouvrir pour évaluer le degré de dépendance de nos armées par rapport à ces industriels et pour déterminer si la préservation de l’autonomie nationale de notre défense n’impose pas de conserver un minimum de capacités de production de munitions sur le territoire national.

L’attaque d’Uzbeen du mois d’août a conduit à de nombreuses interrogations publiques sur l’équipement individuel des soldats. Les matériels fournis par l’armée de terre sont certes largement perfectibles, notamment en ce qui concerne les chaussures, mais ils répondent à des impératifs de sécurité auxquels ne sont pas forcément soumis les équipements en vente dans le commerce. Par ailleurs, un effort important d’adaptation a été fait avec, par exemple, de nouveaux gilets pare-balles. Il faut néanmoins souligner qu’ils assurent certes une meilleure protection balistique, mais qu’ils sont plus encombrants et moins couvrants que d’autres modèles.

III. —  LES PERSONNELS

A. DES EFFECTIFS EN BAISSE

L’armée de terre voit ses effectifs baisser de près de 3 000 emplois entre 2008 et 2009, les militaires perdant plus de 2 500 postes et les civils un peu moins de 500 postes. Cette diminution accentue l’évolution des années antérieures qui avait déjà consacré une baisse constante des effectifs. Le tableau ci-après synthétise cette évolution par catégorie d’emploi.

évolution des emplois par catégorie (1)

 

2006 (2)

2007 (2)

Évolution

2008 (3)

Évolution

2009 (4)

Évolution

Officiers

13 636

13 338

- 2,2 %

13 337

0,0 %

13 526

1,4 %

Sous-officiers

43 274

41 871

- 3,2 %

41 260

- 1,5 %

39 633

- 3,9 %

Militaires du rang

65 450

64 979

- 0,7 %

64 967

0,0 %

63 971

- 1,5 %

Volontaires

1 703

1 873

10,0 %

1 455

- 22,3 %

1 379

- 5,2 %

Sous-total militaires

124 063

122 061

- 1,6 %

121 019

- 0,9 %

118 509

- 2,1 %

Catégorie A

1 052

1 037

- 1,4 %

1 077

3,9 %

1 048

- 2,7 %

Catégorie B

3 146

2 863

- 9,0 %

2 714

- 5,2 %

2 748

1,3 %

Catégorie C

9 763

9 370

- 4,0 %

9 112

- 2,8 %

8 813

- 3,3 %

Ouvriers de l’État

11 344

11 031

- 2,8 %

10 527

- 4,6 %

10 338

- 1,8 %

Sous-total civils

25 305

24 301

- 4,0 %

23 430

- 3,6 %

22 947

- 2,1 %

Total action 2

149 368

146 362

- 2,0 %

144 449

- 1,3 %

141 456

- 2,1 %

(1) Ne sont comptabilisés que les emplois relevant de l’action 2 « Forces terrestres » du programme 178 « Préparation et emploi des forces »

(2) Plafond moyen d’emplois réalisés

(3) Plafond moyen d’emplois réalisés prévisionnel

(4) Plafond d’emplois autorisés

Source : ministère de la défense.

La déflation programmée est très nettement supérieure à celle des années 1990, qui découlait de la professionnalisation des armées. Pour réussir cette évolution, il importe de maintenir un recrutement dynamique et attractif, en particulier pour les militaires du rang qui constituent la base opérationnelle de l’armée de terre. Les mesures d’accompagnement sont indispensables pour atteindre l’objectif. Les reclassements dans les fonctions publiques doivent être facilités, avec des dispositifs de sélection modernisés comme l’a prévu, pour les catégories B et C, la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense. De même, le financement des pécules versés aux personnels quittant les armées pour le secteur privé doit être mieux assuré. Il convient par ailleurs de rappeler que ces pécules sont versés en deux échéances, la seconde n’intervenant qu’une fois que le militaire a retrouvé un emploi. La dégradation du contexte économique et social peut affaiblir ce dispositif, les militaires n’acceptant plus le risque de ne pas toucher la seconde partie du pécule faute d’avoir trouvé un emploi. Le rapporteur observe par ailleurs que le contenu précis des mesures d’accompagnement n’est toujours pas connu, la loi de programmation militaire devant les préciser. Il semblerait donc justifié de retarder les premières réductions jusqu’au vote de cette loi pour que tous les dispositifs d’accompagnement soient effectivement opérationnels au moment où les premiers personnels quittent les armées.

Il importe enfin de stabiliser les objectifs annuels de réduction d’effectifs pour éviter de remettre en cause le délicat équilibre prévu par le Livre blanc et la RGPP. La complexité de cette réforme ne peut supporter d’être augmentée d’un nouvel effort sur ce point.

B. L’ÉVOLUTION DES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE PERSONNELS

— Au 31 juillet 2008, l’armée de terre comprend 16 388 officiers affectés à hauteur de 48 % dans des états-majors ou des unités à caractère opérationnel. Le recrutement des officiers semble stabilisé et permet de remplir les objectifs de déflation des personnels. Toutefois, la suppression de nombreuses unités de l’armée de terre conduit nécessairement à la disparition de postes de commandement et réduit donc encore la durée des postes opérationnels tenus par les officiers. Cette évolution ne sera pas sans conséquence, à moyen et long terme, sur le recrutement et sur l’attractivité de la carrière militaire.

— L’évolution la plus significative pour les sous-officiers est sans doute liée au changement de statut des pilotes de l’aviation légère de l’armée de terre. Afin d’aligner le statut et les rémunérations des pilotes de l’ensemble des armées, l’armée de terre a décidé de faire passer ses pilotes sous-officiers à un statut d’officier sous contrat, ce qui devrait concerner 130 personnes en 2008, 240 en 2009 et 250 en 2010. Cette modification ne fera qu’accentuer le fait que 60,5 % des 2 647 officiers de l’armée de terre sont affectés dans des emplois opérationnels.

— En ce qui concerne les militaires du rang, l’armée de terre continue ses efforts pour fidéliser ses personnels en renforçant la valorisation des acquis de l’expérience ou en facilitant la reconversion professionnelle, particulièrement importante pour ces jeunes contractuels. L’accès à la carrière militaire fait également l’objet d’une attention forte, la moitié des sous-officiers étant recrutés parmi les militaires du rang et la moitié des officiers étant recrutés parmi les sous-officiers. Cette promotion interne est indispensable pour, d’une part, maintenir la cohésion des unités et, d’autre part, donner à tous les personnels des perspectives professionnelles au sein de l’armée de terre.

— L’armée de terre emploie à ce jour près de 24 500 personnels civils. En 2009, ces effectifs baisseront de 483 équivalents temps plein (ETP), l’effort se concentrant sur les catégories B et C. La mise en place des bases de défense devrait toutefois faire évoluer les missions confiées aux personnels civils, voire leur ouvrir de nouvelles possibilités de carrière ou de prise de responsabilité. Une base de défense pourrait, par exemple, être dirigée par un civil, l’ensemble des activités opérationnelles restant sous l’autorité des chefs de corps et d’unités.

C. LES RÉSERVES

L’objectif initial de 68 500 réservistes engagés dans les armées en 2008 a dû être corrigé et ramené à 63 500 contrats., la contrainte budgétaire imposant d’étaler dans le temps la réalisation du plan réserve. Par ailleurs, le secrétaire d’État à la défense chargé des Anciens combattants (1) a souligné lors de son audition devant la commission de la défense qu’il souhaite qu’à « partir de 2010, une partie des économies réalisées grâce à la révision générale des politiques publiques soient affectées à la réserve ». Dans l’attente de ces ressources complémentaires, le budget 2009 a choisi de préserver un « niveau d’activité satisfaisant », ce qui, à budget constant impose de réduire le nombre de contrats signés.

Les crédits consacrés à la réserve de l’armée de terre continuent de progresser en 2008, mais marquent un net infléchissement de la tendance : après plusieurs années de montée en puissance, avec une hausse annuelle des crédits de 15 % en 2005 et 2006, l’augmentation a été ramenée à 10 % en 2007 et à seulement 1 % en 2008. Compte tenu de l’inflation et de l’augmentation de l’indice de solde, le budget 2008 traduit en fait une baisse des crédits.

L’armée de terre s’inscrit dans le plan ministériel 2002-2012, avec des engagements à servir dans la réserve (ESR) en constante augmentation depuis 2003. En 2007, quelque 18 249 ESR ont ainsi été signés, avec une augmentation particulière pour les militaires du rang qui sont passés de 6 040 contrats en 2006 à 7 327 en 2007, soit une hausse de plus de 21 %. Cette évolution semble particulièrement pertinente et permet de rééquilibrer les structures de la réserve. Le système qui découlait de la conscription privilégiait en effet mécaniquement le recrutement d’officier, voire de sous-officier, mais restait très mesuré pour les militaires du rang. La professionnalisation a mis fin à ce système, mais ce n’est qu’à partir de 2006 que les engagements pour les militaires du rang ont dépassé ceux pour les sous-officiers. La montée en puissance des recrutements de civils se traduit également par un rajeunissement des personnels, les militaires du rang étant désormais âgés de moins de 25 ans en moyenne.

Les missions confiées aux réservistes ont connu une étape symbolique très forte en 2007 avec la première projection en opérations extérieures d’une unité exclusivement composée de réservistes. Cette initiative s’est confirmée en 2008, puisque 270 réservistes ont d’ores et déjà été déployés en mission extérieure, que ce soit en OPEX ou pour des missions de courte durée dans les territoires et collectivités d’Outre-mer. Malgré cet effort, l’essentiel des réservistes reste affecté à des missions de renfort en métropole, en particulier pour les missions concourant à la sécurité du territoire national (Vigipirate, lutte contre les incendies…).

D.  LA RECONVERSION

La réduction globale des effectifs du ministère de la défense impose aux armées de développer plus encore les dispositifs actuels de mobilité et de reconversion, afin d’éviter de faire porter l’effort sur les seuls personnels opérationnels. Les jeunes engagés et volontaires constituent en effet une ressource particulièrement fragile, dans la mesure où leurs contrats sont de courte durée et à statut précaire. Il n’en reste pas moins qu’ils constituent la base de l’armée de terre et composent l’essentiel des unités projetées en opérations. Pour répartir équitablement l’effort sur l’ensemble des catégories, l’armée de terre a choisi de mettre l’accent sur l’aide à la reconversion.

Souvent recrutés avec un niveau scolaire peu élevé, les militaires du rang ont développé des compétences spécifiques qui doivent faire l’objet d’une validation des acquis de l’expérience (VAE). Le ministère de la défense accompagne tous les candidats à cette validation et prend en charge les frais à hauteur de 1 500 euros. En 2007, 165 militaires de l’armée de terre ont déposé un dossier de candidature, 51 ont reçu une validation totale et 21 une validation partielle. Pour développer ces dispositifs, deux initiatives ont été engagées en 2008 : la mise en place d’un point relais pour l’information sur la VAE par le centre interarmées de reconversion de Metz et une expérimentation de VAE dans le domaine des métiers de la sécurité au profit de 37 jeunes engagés. Le ministère de la défense prend à sa charge l’ensemble des frais de telle sorte que l’avance de fonds ne constitue pas un frein au bon déroulement de cette expérience menée dans le cadre du partenariat signé le 31 janvier 2007 avec le ministère de l’éducation nationale.

La loi du 26 mai 2008 a par ailleurs étendu le bénéfice des emplois réservés. Cette mesure devrait principalement concerner les jeunes engagés de l’armée de terre pour qui la condition de l’examen, supprimée par la loi, constituait une barrière trop importante.

IV. —  UNE DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS TOUJOURS INSATISFAISANTE

A. UNE FRAGILE DISPONIBILITÉ OPÉRATIONNELLE DES ÉQUIPEMENTS

Malgré un taux de disponibilité moyen satisfaisant approchant les 74 %, la situation des équipements de l’armée de terre reste très contrastée et se heurte à deux écueils principaux :

— l’entrée en service de nouveaux équipements particulièrement sophistiqués qui demandent la mise en place de chaînes logistiques complexes et qui sont particulièrement coûteux à entretenir ;

— l’obsolescence d’un nombre croissant d’équipements. Pour les garder en service, l’armée de terre est contrainte d’effectuer des opérations de maintenance de plus en plus lourdes et de plus en plus coûteuses.

Le tableau ci-après retrace la disponibilité technique opérationnelle des principaux matériels de l’armée de terre.

Disponibilité technique opérationnelle des principaux équipements de l’armée de terre

Catégorie

Matériel

2004

2005

2006

2007

2008 (1)

Tendance

Blindés lourds

LECLERC

54 %

45 %

42 %

37 %

33 %

î

Blindés légers

AMX 10 RC

52 %

49 %

45 %

42 %

53 %

ì

VAB

68 %

69 %

65 %

69 %

69 %

=

ALAT

GAZELLE

67 %

67 %

62 %

59 %

57 %

î

PUMA

54 %

53 %

53 %

48 %

48 %

=

COUGAR

58 %

60 %

53 %

48 %

52 %

ì

TIGRE

nc

nc

38 %

37 %

51 %

ì

(1) Pour 2008, la disponibilité est calculée sur le premier semestre.

Source : ministère de la défense.

Le PLF 2009 prévoit une augmentation des crédits dédiés au maintien en condition opérationnelle de 8 % par rapport à 2008, atteignant ainsi 2,9 milliards d’euros pour l’ensemble des armées, dont 602,5 millions d’euros en CP pour les forces terrestres. Cet effort permettra de maintenir, d’une part, un taux de disponibilité élevé pour les matériels déployés en opérations extérieures, et d’autre part, une disponibilité suffisante en métropole pour préserver un taux d’activité et un niveau d’entraînement conforme au contrat opérationnel de l’armée de terre.

B. DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES POUR L’AÉROMOBILITÉ

Après avoir attiré l’attention sur la situation délicate de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT) en 2007, le rapporteur s’est rendu au 5e régiment d’hélicoptères de combat (5RHC) de Pau et au détachement de l’aviation légère de l’armée de terre des opérations spéciales (DAOS) le 3 octobre 2008. La situation de ces deux unités traduit bien les problèmes de l’aéromobilité et montre combien les commandes programmées sont nécessaires pour maintenir les capacités opérationnelles de l’armée de terre.

1. Le 5e régiment d’hélicoptères de combat de Pau

Comptant près de 1 200 personnels, le régiment est organisé en trois bataillons depuis le 4 juillet 2008 : un bataillon d’appui aéronautique qui assure également les fonctions de soutien général, un bataillon d’hélicoptères de reconnaissance et d’assaut (première unité dotée du Tigre) et un bataillon d’hélicoptères de manœuvre et d’assaut. Cette structure traduit le caractère très opérationnel des missions confiées au régiment, la quasi-totalité de ses personnels pouvant être projetés. En effet, pour déployer un hélicoptère, il est nécessaire de projeter, outre les personnels navigants, l’ensemble des structures logistiques assurant le maintien en condition opérationnelle. Souvent amenées à intervenir les premières sur un théâtre, les forces aéromobiles doivent être en mesure d’assurer leurs missions d’appui et de reconnaissance avec une emprise logistique très restreinte, ce qui implique que les personnels de soutien soient polyvalents et habitués à travailler dans un environnement hostile. En métropole, de nombreuses tâches peuvent être assurées par des personnels civils, voire externalisées ; ces pratiques ne sont pas transposables sur un théâtre d’opérations. Le régiment est constamment impliqué dans les opérations extérieures avec une projection permanente d’environ un tiers de ses équipages.

Pour maintenir un niveau opérationnel élevé, les personnels sont soumis à un entraînement permanent. Combiné à des rotations fréquentes en opérations, il permet aux personnels de développer une expertise et des compétences très recherchées. Comme au sein de l’école franco-allemande du Luc (2), et dès 2009, le 5RHC sera doté de simulateurs permettant de former et d’entraîner les équipages sans solliciter les appareils plus que nécessaire. Cette formation ne peut toutefois équivaloir à un vol réel, aussi les heures effectuées en simulateur ne sont-elles comptabilisées que partiellement, une heure sur le simulateur CPT (3) équivalant à 20 minutes de vol. L’objectif est de maintenir un haut niveau d’entraînement des pilotes avec un minimum à 140 heures de vol par an. Compte tenu de la spécificité et de la complexité des missions, l’armée de terre considère qu’un pilote n’est opérationnel que s’il effectue au moins 160 heures de vol par an.

2. Le détachement ALAT des opérations spéciales

Formation aéromobile de la brigade des forces spéciales de l’armée de terre, le détachement ALAT des opérations spéciales (DAOS) est employé au profit du commandement des opérations spéciales et du groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Il génère « en interne des composantes spécifiques et des structures de combat pouvant être engagées en tout temps et en tout lieu et pouvant conduire une action spéciale à dominante aérocombat, tout particulièrement dans les domaines de la destruction ou du renseignement ». Il peut également mettre en œuvre des moyens d’aide au commandement ou de logistique aéromobile et spécialisée.

Les personnels du DAOS sont recrutés sur la base exclusive du volontariat parmi les personnels expérimentés et disposant de compétences élevées dans le domaine de l’aéromobilité. Compte tenu de la spécificité des missions, les militaires sont soumis à un fort niveau d’entraînement, les pilotes volant par exemple environ 200 heures par an alors que les pilotes des forces aéromobiles ne volent que 160 heures par an en moyenne.

Est rattaché au DAOS, le groupement interarmées d’hélicoptères (GIH) qui est appelé à travailler au profit de la Gendarmerie nationale et plus spécifiquement au profit du GIGN. L’armée de terre fournit quatre appareils et l’armée de l’air deux hélicoptères. Le GIH doit être en mesure de mettre à la disposition du GIGN trois hélicoptères Puma dans un délai extrêmement bref. Compte tenu de la spécificité de la structure, le GIH a développé des méthodes et des procédures communes : désormais les personnels et les équipements de l’armée de l’air et de l’armée de terre sont interchangeables. Il n’en reste pas moins que malgré cette mutualisation, le contrat opérationnel du GIH pèse sur le DAOS qui doit en assurer le soutien fonctionnel.

3. La difficile fidélisation des personnels

Comme l’ensemble des unités aéromobiles, le DAOS et le 5RHC ont des difficultés à fidéliser les personnels les plus expérimentés, qu’il s’agisse des mécaniciens chefs d’équipe ou des chefs de bord. Pour le DAOS, ces difficultés structurelles ont été aggravées par la création du GIH : pour mettre en place cette structure originale, il a fallu lui affecter les personnels les plus expérimentés alors que le détachement devait déjà faire face à une pénurie de personnels.

La concurrence du secteur privé est particulièrement forte pour ces personnels : certaines entreprises étrangères ayant acquis des hélicoptères similaires à ceux des forces françaises proposent aux militaires des conditions de reconversion particulièrement avantageuses. Le changement de statut des pilotes de l’ALAT devrait permettre de corriger la situation : actuellement, les pilotes peuvent être sous-officiers ou officiers. Or les sous-officiers ne bénéficient pas de l’ensemble des dispositions statutaires reconnues aux personnels navigants ni de perspectives de rémunération satisfaisantes. À compter de 2009, l’ALAT va faire évoluer tous ses pilotes sous-officiers vers le statut d’officier. Tous les nouveaux pilotes seront quant à eux recrutés, comme dans les autres armées, à un niveau d’officier, qu’il soit de carrière ou contractuel.

Au-delà de ces progrès, des dispositifs doivent rapidement permettre d’offrir aux mécaniciens de meilleures perspectives professionnelles de façon à préserver nos capacités de maintenance. Dans leur rapport d’information sur l’aéromobilité, MM. Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet proposent de leur attribuer « une prime de technicité » ou « d’augmenter leur obligation de lien avec le service à l’issue de leur obtention du brevet leur ouvrant les postes de très haute technicité » (4).

4. Les équipements

Le 5RHC et le DAOS sont les deux premières unités de l’armée de terre dotées du Tigre. Le 5RHC a d’ores et déjà en dotation six appareils et devrait en recevoir huit autres avant la fin de l’année 2008, la montée en puissance de la flotte se poursuivant au cours de l’année 2009. Il convient de souligner que les appareils actuellement en unité sont au format « STEP 2 », c’est-à-dire qu’ils ne sont pas dotés de tous les matériels qui équiperont le Tigre dans sa version opérationnelle. Le « standard 1 » intégrera notamment l’ensemble des dispositifs d’auto-protection, un blindage de la cabine de pilotage et sera en mesure d’apponter.

Avec l’arrivée des Tigre standard 1 au 5RHC et au DAOS, les armées seront en mesure de projeter et de relever un module Tigre, c’est-à-dire quatre appareils. À ce jour, outre les difficultés liées au format de l’appareil, la projection des Tigre se heurte à l’absence de chaîne logistique aboutie : seuls deux mécaniciens contrôleurs ont été formés. Avec un nombre aussi réduit de maintenanciers, les armées sont dans l’incapacité de relever les unités déployées. De même, le faible nombre d’appareils ne permet pas de remplacer les appareils après quatre mois d’opérations extérieures. Malgré ses capacités remarquables, jusqu’à 4 heures 30 de vol, le Tigre ne peut donc, pour le moment, remplir que des missions de courte durée.

Aujourd’hui, les unités de l’armée de terre utilisent des hélicoptères Viviane Gazelle pour assurer les missions de reconnaissance et d’appui. Ces appareils ne disposent pas des capacités du Tigre et leurs technologies ne sont pas à la hauteur des dernières avancées. Il n’en reste pas moins que leur gabarit leur assure une certaine discrétion, contrairement au Tigre. La gendarmerie nationale et les douanes ayant fait le choix de l’EC 135, il pourrait être envisagé d’équiper les forces spéciales de quelques EC 135, dans sa version militaire. Un tel achat ne poserait pas de problème d’emploi ni de logistique, les appareils des forces spéciales pouvant être rattachée à la flotte des autres services de l’État employant ce type d’appareil. Par ailleurs, l’investissement resterait limité puisqu’il ne s’agirait que de quelques unités.

Dans le même temps, les forces doivent faire face à l’usure constante et manifeste des hélicoptères de manœuvre. Le DAOS parvient à maintenir ses capacités grâce à l’entrée en service de l’EC 725 (Caracal). En revanche, l’arrivée du NH 90 pour remplacer les Puma, âgés de presque 40 ans en moyenne, est plus que jamais indispensable. La loi de finances pour 2008 prévoyait la commande de 22 appareils. Or cet engagement ne devrait pas intervenir avant la fin du premier trimestre 2009, sans que ce décalage n’ait de conséquences sur la date de livraison. Outre les interrogations sur la date effective de livraison, il est regrettable que le projet de loi de finances pour 2009 ne programme aucune nouvelle acquisition, alors même que le Livre blanc fait de la projection une priorité. Les commandes doivent se poursuivre à un rythme soutenu pour permettre de remplacer au plus vite les appareils en service et pour limiter, autant que faire se peut, le déficit capacitaire mis en évidence par le rapport d’information sur l’aéromobilité (5).

C. LES AUTRES ÉQUIPEMENTS

L’armée de terre a choisi de confier à un industriel intégrateur la mise en cohérence de l’ensemble de ses moyens au travers du programme SCORPION. Cette initiative devrait permettre d’assurer l’interopérabilité des matériels, mais aussi de mieux maîtriser la chaîne logistique et d’améliorer la disponibilité opérationnelle en évitant que tous les renouvellements interviennent en même temps. La première étape commence en 2008 avec le lancement des phases préliminaires du blindé successeur du véhicule blindé de l’avant (VAB) et de l’engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC).

Les programmes précédemment engagés respectent quant à eux le calendrier prévisionnel. Le tableau suivant synthétise les principales livraisons et commandes d’équipements.

Commandes et livraisons des grands programmes d’armement de l’armée de terre

   

Avant 2003

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total jusqu’en 2008

PLF 2009

Cible

Rénovation des AMX10RC

Commandes (1)

286

0

0

0

55

55

36

432

0

517

Livraisons

0

0

3

13

15

62

57

150

55

256

VBCI

Commandes

65

0

0

0

0

117

116

298

332

630

Livraisons

0

0

0

0

0

0

41

41

96

630

LECLERC

Commandes

406

0

0

0

0

0

0

406

nc

406

Livraisons

277

23

12

37

43

14

0

406

nc

406

VAB (2)

Commandes

3 236

701

0

0

0

0

0

3 937

0

3 937

Livraisons

1 285

718

603

414

419

318

104

3 861

76

3 937

LECLERC

Commandes

406

0

0

0

0

0

0

406

nc

406

Livraisons

277

23

12

37

43

14

0

406

nc

406

(1) Les commandes concernent soit des collections de châssis soit la rénovation des tourelles.

(2) Sont comptabilisées les opérations de valorisation ou de fiabilisation du VAB.

Source : ministère de la défense.

D. LE CONCEPT D’ADAPTATION RÉACTIVE

La multiplication des opérations extérieures et la diversité des théâtres ne permettent pas d’équiper de manière uniforme l’ensemble des forces. Pour adapter le plus rapidement possible les équipements aux nouveaux besoins, les armées ont développé le « concept d’adaptation réactive ». S’appuyant sur la possibilité de procéder à des commandes urgentes avec une mise en concurrence réduite (6), en février 2008, les armées ont ainsi commandé 60 tourelleaux téléopérés, 53 cabines blindées, des protections contre les engins explosifs improvisés (IED) ; ces matériels devant être livrés à partir d’octobre 2008, soit sept mois seulement après la commande. Ce délai réduit est satisfaisant et respecte les règles des marchés publics ; il ne doit cependant pas être érigé en dogme et se voir généralisé faute de perdre sa raison d’être qui repose sur le caractère d’urgence et d’imprévisibilité du besoin.

V. —  UN NIVEAU ÉLEVÉ D’ENGAGEMENT DES FORCES TERRESTRES

A. L’ENTRAÎNEMENT

Outre la réduction de son format, l’armée de terre doit faire face à une diversification croissante de ses missions, ses personnels étant déployés tant sur des zones de combat de haute intensité que pour des missions de maintien de l’ordre ou de soutien des forces civiles de sécurité du territoire. Pour répondre à ces demandes, il importe de privilégier l’entraînement. Comme en 2008, 112 millions d’euros seront consacrés en 2009 à la formation. Cependant, la répartition va évoluer autour du principe de l’entraînement différencié : le niveau de préparation des forces dépendra de leur caractère opérationnel dans les mois à venir. Ainsi, les unités envoyées en Afghanistan vont-elles bénéficier de formations spécifiques au combat en montagne, tandis que celles déployés au Kosovo suivront un stage plus poussé sur le contrôle de foule. Ce changement se faisant à budget constant, il implique toutefois de diminuer corrélativement le niveau d’entraînement de certains régiments. Il faudra donc veiller à ce que toutes les unités préservent leur caractère opérationnel et bénéficient, à tour de rôle, de ces entraînements ciblés.

Le tragique incident intervenu à Carcassonne au début de l’été 2008 met en avant l’exigence permanente de sécurité qui doit prévaloir lors de tout exercice. Le respect de l’ensemble des procédures de délivrance et de contrôle pour les munitions est primordial, aucune unité ne pouvant s’en dispenser, aussi expérimentée et professionnelle soit-elle. Le rapporteur souhaite par ailleurs rendre hommage au général Bruno Cuche, qui, comme chef d’état-major de l’armée de terre, en a tiré tous les enseignements et en a assumé l’entière responsabilité. Il envoie en cela un signal fort à l’ensemble de la communauté militaire et plus généralement à nos concitoyens. Ce problème rappelle que, plus que jamais, le métier des armes demande rigueur et discipline, engagement et force, courage et détermination. Nous devons soutenir les forces opérant sur le terrain mais sans pour autant accepter que des dérives marginales puissent les exposer à des risques inutiles.

B. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

En 2008, l’armée de terre a engagé près de 22 300 personnels en opérations extérieures, les trois-quarts des effectifs restant concentrés sur les sept théâtres principaux que sont, par ordre décroissant, le Kosovo, la Côte d’Ivoire, l’Afghanistan, l’opération Épervier, l’opération EUFOR au Tchad, le Liban et l’opération en République de Centrafrique. Compte tenu de leur spécificité et du niveau d’engagement des troupes, l’Afghanistan et le Kosovo apparaissent aujourd’hui emblématiques des problématiques d’ensemble des opérations extérieures.

1. L’Afghanistan

La mort de dix militaires au mois d’août 2008 a mis sur le devant de la scène médiatique les unités déployées en Afghanistan, que ce soit au sein de la force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) ou de l’opération Enduring Freedom. Lors des auditions menées par la commission de la défense nationale, des interrogations sont apparues sur les moyens attribués aux forces engagées dans la région Est du pays. Deux éléments semblent concentrer les critiques : les moyens aériens et l’équipement individuel. Dans son rapport sur le budget pour 2008, le rapporteur avait pointé du doigt la situation critique de l’aéromobilité de l’armée de terre : le non-remplacement des Puma pèse sur les capacités opérationnelles, d’autant que les premiers NH 90 ne seront pas livrés avant 2011, si tous les engagements sont bien confirmés. De même, dès 2007, il soulignait que « les militaires français aujourd’hui engagés en Afghanistan ne sont pas suffisamment dotés de munitions pour pouvoir être engagés dans des zones de conflit de plus haute intensité » (7).

L’armée de terre a d’ores et déjà souscrit des engagements en urgence, dérogeant aux procédures habituelles d’appel d’offre ou de mise en concurrence. Il faut que ces améliorations s’inscrivent dans la durée, les crédits ouverts en 2009 devant permettre de doter les forces des moyens adaptés à leurs missions.

2. Le Kosovo

Le rapporteur s’est rendu du 24 au 26 juin 2008 auprès des forces déployées au Kosovo. Il a pu mesurer la nécessité du maintien d’un nombre aussi important de militaires dans cette zone compte tenu de la complexité des opérations menées sur ce théâtre. Le calme apparent ne doit en effet pas induire en erreur, n’importe quel incident pouvant dégénérer très rapidement.

a) Situation générale du Kosovo en 2008

L’année 2008 constitue un tournant pour le Kosovo : déclaration d’indépendance, proclamation de la Constitution, reconfiguration de la mission des Nations Unies (MINUK), déploiement de la mission de l’Union européenne (EULEX)… Les efforts de la KFOR et de la MINUK ont permis d’éviter le conflit interethnique, mais les tensions restent très vives, l’absence de gouvernement en Serbie accentuant encore les incertitudes. Partant de là, il semble inenvisageable de réduire, même marginalement, le volume des forces déployées. Le retrait immédiat des troupes pourrait n’avoir aucun effet immédiat mais il exposerait le pays à une escalade de violence sans limite au moindre incident.

La crise économique durable au Kosovo pèse lourdement sur toutes les catégories de population et le système éducatif ne permet aucune amélioration à moyen terme. Le niveau de vie est très bas, un instituteur gagnant environ 110 euros par mois, un pompiste 130 euros et un employé de casse automobile 150 euros. Le chef du principal hôpital de Pristina touche quant à lui moins de 450 euros par mois. Dans ce contexte, l’aide internationale est importante, l’Union européenne a ainsi investi 1 milliard d’euros via l’agence européenne de reconstruction. La diaspora occupe également une place décisive, fournissant l’essentiel des moyens de subsistance.

b) Les forces déployées

Les forces déployées au Kosovo relèvent de trois commandements distincts : celui de l’Organisation des Nations unies, celui de l’Union européenne et celui de l’OTAN.

La mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo, créée en juin 1999 par la résolution 1244 du Conseil de sécurité vise à établir une présence administrative internationale civile au Kosovo, dans le cadre de laquelle « la population de cette région dévastée par la guerre pourrait jouir d’une autonomie substantielle » (8). Malgré la reconfiguration de la MINUK qui prend notamment en compte le déploiement progressif de la mission conduite par l’Union européenne au Kosovo, le secrétaire général de l’ONU a considéré le 20 septembre 2008 que la MINUK « conservera les fonctions clefs qui lui ont été conférées par la résolution 1244 » (9). La mission EULEX devait en effet succéder à la MINUK, mais les tensions liées à la proclamation d’indépendance du pays ont empêché un transfert complet des compétences.

Parallèlement à ces opérations dites « d’État de droit », depuis mars 1999, l’OTAN a déployé une force de maintien de la paix, la KFOR dont le commandement est alternativement exercé par un officier général français, italien et allemand. Lors de son déplacement, le rapporteur a rencontré le Général Xavier Bout de Marnhac, alors commandant de la KFOR, ainsi que plusieurs des soixante militaires français intégrés à l’état-major de la KFOR ou placés sous le commandement du représentant français auprès de la KFOR.

Malgré sa mission militaire première, la KFOR assume des missions éminemment politiques, en assurant la stabilité du pays mais aussi en veillant à maintenir avec tous les interlocuteurs, nationaux et internationaux, un niveau satisfaisant de dialogue. En ce qui concerne les actions civilo-militaires, elle bénéficie d’une image plutôt positive au sein de la population, son impartialité étant appréciée et reconnue. Il est à noter que la radio de la KFOR est la première radio en albanais et la deuxième en serbe. Les hôpitaux (français, allemand et américain) apportent également un soutien non négligeable à la population. Les États-Unis ont par ailleurs développé une aide vétérinaire importante.

Les entretiens conduits avec les différents militaires servant au sein de l’état-major de la KFOR font ressortir les importantes disparités de fonctionnement entre les armées engagées au Kosovo. En ce qui concerne la France, les principales difficultés semblent liées à la faiblesse des moyens aériens : en l’absence d’un nombre suffisant d’appareils, les rotations sont difficiles à programmer et conduisent parfois à faire cohabiter deux unités, faute de pouvoir en rapatrier une. Il est à noter que le coût de trois jours de coexistence est supérieur au prix d’un rapatriement des personnels par un vol civil.

c) Visite des forces françaises

La journée du 25 juin 2008 a été consacrée à la zone Nord du Kosovo placée sous le commandement du Général français Claude Mathey. Le rapporteur s’est tout d’abord rendu auprès du détachement de Nothing Hill situé dans la zone serbe du pays. Les unités françaises et italiennes ont alors présenté un exercice d’évacuation sanitaire : lors d’une patrouille de reconnaissance, un véhicule blindé est victime d’un engin explosif improvisé, blessant plusieurs de ses occupants. Une évacuation sanitaire doit alors être rapidement organisée et ce, en toute sécurité. Cet exercice a permis de mesurer le degré de coopération des unités françaises et italiennes déployées sur cette zone et la maîtrise par les personnels des procédures otaniennes, exclusivement en anglais.

Le rapporteur s’est ensuite rendu auprès des militaires français basés à proximité du poste frontière Gate One situé à l’extrême Nord du Kosovo. Le 17 février 2008, des manifestants serbes ont incendié ce poste, exigeant la cessation des contrôles aux frontières. Même si le poste de police est tenu par la police du Kosovo et sous contrôle de la MINUK, la KFOR reste très présente pour assurer un soutien aux unités de la MINUK et pour déployer des moyens lourds en cas d’incident grave. Il convient de souligner que les conditions de logement des militaires sont rudimentaires, les sanitaires et les douches n’ayant été installés que très récemment. Par ailleurs, malgré une apparente bonne volonté des policiers locaux, il semble impossible de mettre en place un véritable contrôle frontalier. Le trafic de carburant est d’ailleurs très développé sur cette zone et emprunte les voies d’accès ordinaires.

Il s’est ensuite rendu à Dog 31, deuxième poste frontière incendié en février 2008. Le commandant des forces danoises qui tiennent ce poste a insisté sur l’impuissance des unités de la KFOR à limiter le trafic. Il a souhaité que le déploiement d’EULEX permette de lutter plus efficacement contre ces dérives, soulignant cependant que les mouvements en provenance de la Serbie sont très difficiles à contrôler, ne serait-ce que parce que les populations limitrophes vivent dans une relation de dépendance financière et économique vis-à-vis de ce pays. Il s’est également félicité de la qualité de la coopération avec les forces armées françaises, relevant notamment l’importance de l’expertise de la gendarmerie lors des incidents de février et de mars. Les armées danoises ne disposent en effet pas d’expérience de contrôle de foule.

À l’issue, le député a été reçu par le bataillon français installé à proximité de Mitrovica. Le Colonel Alexandre d’Andoque de Sériège, commandant le régiment, a présenté l’organisation des forces françaises. Il est notamment revenu sur les incidents du 17 mars 2008. Après avoir mis en demeure des indépendantistes serbes de quitter les locaux du tribunal de Mitrovica, la MINUK a dû mettre en place une opération d’évacuation des occupants illégaux, les forces françaises de la KFOR intervenant en couverture des personnels de la MINUK. La situation a très rapidement dégénéré, les forces étant prises à parti par des manifestants de plus en plus nombreux et de plus en plus hostiles. En l’espace de quelques heures, plusieurs milliers de manifestants très organisés ont harcelé les unités déployées, allant jusqu’à utiliser des grenades offensives et des fusils d’assaut. Les unités ont réagi avec sang-froid et professionnalisme, limitant ainsi l’escalade de violence. 48 blessés sont toutefois à déplorer pour la seule matinée du 17 mars ainsi qu’un policier ukrainien tué.

Avant de se rendre sur les lieux de ces affrontements, a été organisée une visite des locaux des unités chargées de la surveillance du pont de Mitrovica partageant la zone serbe (au Nord) de la zone albanaise (au Sud). Une fois encore, les conditions d’hébergement apparaissent pour le moins sommaires et les conditions de service difficiles.

Le rapporteur a ensuite visité le site de Plana qui comprend :

— le détachement aérien français, notamment armé de trois hélicoptères Puma dont un consacré à l’évacuation sanitaire ;

— la base des drones déployés, qui ont montré leur efficacité lors des mouvements de foule ;

— l’hôpital militaire.

Il est à noter que les médecins déployés travaillent également au profit des populations locales, même s’ils sont en nombre insuffisant pour répondre à toutes les sollicitations.

De retour au quartier général du bataillon français, il a assisté à un exercice de contrôle de foule et à un entraînement anti-émeute. Les unités de l’armée de terre déployées au Kosovo sont en effet amenées à exercer des missions de maintien de l’ordre, mais elles n’ont pas toutes bénéficié de la formation initiale délivrée au centre de formation de la Gendarmerie nationale à Saint-Astier. Les gendarmes engagés en OPEX assurent donc cette formation sur le terrain.

Le rapporteur s’est enfin rendu dans l’enclave serbe de Priluzje, située au Sud de la zone de la Task Force Nord. Il y a rencontré des militaires chargés des missions de liaison avec la population et les autorités locales. Ce travail quotidien contribue largement à installer dans la durée un climat de dialogue et de confiance, indispensable à une amélioration de la situation politique et économique. Les échanges permettent également de résoudre très en amont de possibles crises et limitent les affrontements interethniques.

d) Entretiens avec les responsables politiques kosovars

Le rapporteur s’est successivement entretenu avec M. Fatmir Sejdiu, président du Kosovo, M. Jakup Krasniqi, président de l’Assemblée de la République du Kosovo, M. Sabri Hamiti, président de la commission des affaires étrangères du Parlement de la République du Kosovo, M. Rrustem Mustafa, président de la commission de la défense du Parlement de la République du Kosovo et M. Ramë Manaj, vice-premier ministre. L’ensemble de ses interlocuteurs ont souligné l’importance de la présence française au Kosovo, la sécurisation des personnes et des biens étant un préalable indispensable à tout développement économique et politique. Malgré une montée en puissance des forces de sécurité locales, les autorités kosovares ne sont pas en mesure d’assurer le bon fonctionnement d’un État de droit. Des avancées significatives ont été toutefois enregistrées, avec par exemple, entre avril et juin 2008, le vote de 41 lois qui mettent en application le plan Ahtisaari (10). La faiblesse des institutions, la permanence de tensions entre clans et la crise économique profonde ne permettent cependant pas d’envisager une issue à court ou moyen terme ni un éventuel retrait des forces internationales.

C. LES OPÉRATIONS INTÉRIEURES

Comme en 2007, les militaires de l’armée de terre sont intervenus sur le territoire national, essentiellement pour renforcer des plans de protection du territoire comme Vigipirate ou Héphaïstos (campagne de lutte contre les incendies). Lors de son discours du 11 février 2008 à Camopi, le Président de la République a souhaité « porter un coup sévère » à l’orpaillage illégal et aux différentes formes de délinquance qu’il engendre en Guyane. Dans le cadre de l’opération « HARPIE », l’armée de terre a mobilisé 800 personnels. Du 1er mars au 30 juin 2008, en appui de la gendarmerie, ils ont mené des actions consistant à perturber les déplacements en forêt et sur les fleuves et à établir deux postes de contrôles routiers. Cette mobilisation représente un effort de 6,1 millions d’euros pour la seule armée de terre. Le tableau suivant récapitule les effectifs engagés et les crédits correspondant aux principales opérations intérieures (OPINT) menées en 2007 et 2008.

Opérations intérieures réalisées par l’armée de terre

MISSIONS

2007

2008 (1er semestre)

Effectifs

Montant

Effectifs

Montant

VIGIPIRATE

7 464

13 716 747 €

3 438

4 541 234 €

HEPHAISTOS (lutte contre les feux de forêts)

474

320 976 €

évaluation en cours

14 JUILLET

3 955

2 171 005 €

évaluation en cours

HARPIE (lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane)

néant

800

6 100 000 €

TOTAL

11 893

16 208 728 €

4 238

10 641 234 €

Source : ministère de la défense.

L’identification d’une ligne budgétaire consacrée aux OPINT constitue une avancée significative, mais la dotation initiale de 360 000 euros pour le titre 2 ne couvre que très partiellement les dépenses réelles, le surcoût étant financé par l’« Activité des forces » du budget opérationnel de l’armée de terre du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. —  AUDITION DU GÉNÉRAL ELRICK IRASTORZA, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE L’ARMÉE DE TERRE

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Elrick Irastorza, chef d’état–major de l’armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2009 (n° 1127), au cours de sa réunion du mercredi 15 octobre 2008.

M. le président Guy Teissier. Nous entendons aujourd’hui le général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre.

Mon général, c’est la première fois que nous vous accueillons. Vous allez nous présenter les crédits qui seront dévolus l’année prochaine à l’armée de terre. Nous savons le budget contraint, mais nous connaissons aussi les besoins et les carences observés, par exemple en matière d’aéromobilité – même s’il m’a été récemment confirmé que les Tigre seraient opérationnels pour le premier trimestre de l’année prochaine. Vous nous expliquerez comment vous comptez faire face à ces difficultés.

Vous avez été commandant de la force Licorne en Côte-d’Ivoire et vous êtes donc particulièrement au fait de la situation de nos opérations extérieures. Vous pourrez, sur les OPEX, nous donner le point de vue de l’armée de terre, qui est bien évidemment l’armée la plus concernée. Pouvez-vous nous indiquer si nos forces doivent rester en si grand nombre en Côte-d’Ivoire, au Liban mais aussi au Tchad ou en Bosnie, où nous avons encore quelques centaines d’hommes ? Je m’interroge, je l’avoue, sur une éventuelle révision du champ de nos interventions.

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. Je vous remercie de l’opportunité que la commission de la défense offre chaque automne au chef d’état-major de l’armée de terre de pouvoir vous faire un point de situation. Je vais vous donner mes éléments d’appréciation sur le projet de loi de finances 2009, que j’estime globalement satisfaisant.

Depuis cette rentrée 2008, l’armée de terre s’est engagée dans une réorganisation de grande ampleur, qui était devenue indispensable à moins de vouloir faire perdurer, au prix d’un « inexorable déclassement militaire », des dysfonctionnements clairement identifiés. L’enjeu de cette réforme consiste, à enveloppe budgétaire durablement périmétrée au plus juste, à retrouver des marges de manœuvre pour financer et soutenir nos équipements et pour améliorer la condition militaire de nos hommes.

Cette manœuvre doit être perçue comme le prolongement de la professionnalisation engagée en 1996. Rappeler quelques caractéristiques de celle-ci ne peut que faciliter la compréhension des problématiques auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.

Ce fut d’abord une vaste manœuvre de personnel puisque, avec un peu plus de 230 000 militaires, l’armée de terre pesait à l’époque ce que pèsent aujourd’hui les trois armées. Mais la déflation de l’encadrement qui aurait dû s’ensuivre fut incomplète faute d’un dispositif d’accompagnement suffisamment robuste. Notre taux d’encadrement est donc passé de 32 % à 48 %, ce qui nous permettait, globalement, de rallier les normes de la plupart des armées occidentales équivalentes ; cependant, le pyramidage était imparfait.

Ce fut ensuite une réorganisation territoriale d’ampleur. Toutefois, une orientation très simple avait alors présidé à la conduite de cette opération : maintenir, dans une logique d’aménagement du territoire, un maillage géographique important en dé-densifiant un certain nombre de garnisons voire de régiments. Mais le passage par ces quelques dysfonctionnements était sans doute inévitable pour faire accepter, puis conduire et in fine réussir la professionnalisation.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, j’aimerais souligner quelques ordres de grandeur qui permettent de mieux mettre en perspective la nécessité des réformes engagées. Notre masse salariale, pensions comprises, s’élève à 7,5 milliards d’euros, soit 81 % du budget opérationnel de programme (BOP) de l’armée de terre. Avec 800 millions d’euros, dont 23 millions d’euros de ressources exceptionnelles, enveloppe que j’estime au demeurant suffisante, le fonctionnement courant et les activités représentent un peu plus de 10 % de cette masse, tandis que l’entraînement, c'est-à-dire notre cœur de métier, ne représente, lui, que 75 millions d’euros, soit 1 % de cette masse salariale, ce qui constitue en revanche un plancher.

Une fois payés les salaires, le principal poste de dépense du BOP Terre est l’entretien programmé des matériels avec 604 millions d’euros, soit 340 millions d’euros pour l’entretien programmé des matériels (EPM) terrestres et 264 millions d’euros pour l’entretien programmé des hélicoptères, ce qui marque bien l’effort soutenu consenti depuis quelques années dans ce domaine. Mais avec sept régiments sur 99, les quatre régiments de chars Leclerc et les trois régiments d’hélicoptères de combat, qui consomment à eux seuls 60 % de ces crédits, l’inflation des coûts devient de plus en plus préoccupante.

Ces quelques chiffres vous montrent que nous n’avons pas de marges de manœuvre, sauf à ne plus s’entraîner, et que les réformes sont nécessaires pour nous redonner un peu de souplesse. C’est ce que je souhaite à présent mettre en évidence en revenant sur les éléments de contexte et en abordant successivement la réorganisation, la « manœuvre » des ressources humaines, les équipements et la préparation opérationnelle de l’armée de terre.

L’été a été difficile. Le drame de Carcassonne a mis en lumière un certain nombre de dysfonctionnements dans la gestion des munitions et de manquements impardonnables aux règles les plus élémentaires de sécurité. L’armée de terre assume collectivement ses responsabilités et en tirera toutes les conséquences, notamment en matière de contrôle des munitions, mais il est impératif que les officiers puissent disposer des prérogatives légales leur permettant de prévenir ce type de dysfonctionnement.

L’annonce des restructurations a ensuite déchaîné passions et rancœurs dans la population et chez certains élus, mais aussi chez certains de nos militaires tout autant attachés à leur ville de garnison qu’à leur régiment.

La mort de nos dix camarades dans la vallée d’Uzbeen a rappelé à nos concitoyens, et parfois dans nos propres rangs, que, derrière les vocables toujours trompeurs et galvaudés d’opérations d’aide au retour à la paix, de stabilisation ou de normalisation, se cachaient de véritables opérations de guerre avec tout ce que cela comporte, et surtout qu’une fois choisi ce métier, on ne choisit plus ses missions. Mais elle a aussi rappelé que toute opération militaire comporte un volet médiatique qui va bien au-delà de la simple relation des faits et devient partie intégrante du conflit, fût-ce au prix de dommages collatéraux pour nos familles et nos soldats en opérations ou en cycle de préparation opérationnelle.

Après cette période difficile, les temps ne sont plus aux doutes et aux atermoiements, mais à l’action, et tous les officiers en situation de commandement, des généraux aux chefs de corps, ont reçu leur feuille de route pour la conduite du changement.

La nouvelle organisation retenue n’a qu’une ambition : donner à l’armée de terre les moyens humains et techniques d’emporter la décision là où elle sera engagée, le plus souvent en coalition, européenne notamment.

Conformément aux directives du Livre blanc, les forces terrestres potentiellement projetables représenteront environ 88 000 hommes, forces qui seront organisées en huit brigades interarmes (deux de décision, quatre multi-rôles et deux d’engagement d’urgence), soutenues par trois brigades spécialisées dans le renseignement, le soutien logistique, les transmissions et l’appui au commandement. Il convient d’y ajouter les forces spéciales et les unités d’hélicoptères, qui feront l’objet d’un rattachement particulier au commandement des forces terrestres.

L’armée de terre s’est engagée dans un plan de restructuration ambitieux qui poursuit trois objectifs : améliorer le caractère opérationnel de l’outil de défense en regroupant notamment les unités qui doivent s’entraîner ensemble, c’est-à-dire les brigades de renseignement ainsi que les forces spéciales ; rationaliser, notamment par la mise en place de bases de défense, un déploiement aujourd’hui très dispersé ; optimiser les soutiens courants par leur mutualisation. Cette réorganisation se traduira à l’horizon 2012 par la dissolution de 18 régiments, l’abandon de 30 garnisons et la réorganisation fonctionnelle de la totalité des formations restantes, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Cette démarche de restructurations est ambitieuse mais nécessaire pour réduire nos frais de fonctionnement courant. Nous aurons besoin d’utiliser toutes les ressources disponibles pour mener à bien nos réformes. Je relève que les coûts liés aux restructurations tout comme l’application de politiques gouvernementales jugées prioritaires, comme le plan égalité des chances ou le plan développement durable, seront en principe couverts par l'apport de ressources exceptionnelles : 23 millions pour le BOP 178 et plus de 63 % de la ressource accordée du programme 212 « Soutien de la politique de défense ». C’est bien cet apport qui permettra à l'armée de terre de conduire le changement.

La manœuvre RH impactera pratiquement toutes les formations de l’armée de terre, concernera directement près de 50 000 personnels militaires et civils, soit par des départs de l’institution, soit par des mutations, et touchera 15 000 conjoints et 28 000 enfants. L’armée de terre perdra par an environ 3 600 personnes (2 800 militaires et 800 civils). En fin de cycle, ses effectifs s’élèveront à 121 000 hommes, soit une réduction de 24 450 militaires et civils. À ces effectifs il convient d’ajouter les militaires en kaki servant hors de l’armée de terre.

Pour mener à bien cette déflation nous disposons de trois leviers : les non-recrutements, les non-renouvellements de contrat et les départs volontaires et naturels. Je privilégie bien évidemment les deux derniers en espérant que, dans une conjoncture difficile, le nombre de départs sera conforme à nos prévisions grâce à la mise en place de mesures d’incitation et d’accompagnement. À cet égard, je souligne que le dispositif des pécules me semble pour partie lié au vote de la loi de programmation militaire, alors qu’il nous faudrait le mettre en œuvre dès le début de 2009 pour en tirer d’emblée un maximum d’effet pour ce qui est de la masse salariale. Enfin, il est bien évident que si les mécanismes d’intégration dans les fonctions publiques de notre personnel souhaitant y poursuivre leur vie professionnelle ne fonctionnent pas bien, nous aurons du mal à tenir nos objectifs.

L’impératif de jeunesse est un principe-clé dans une armée professionnelle composée à 72 % de contractuels à carrières courtes, voire très courtes. Pour maintenir une moyenne d’âge des militaires compatible avec la disponibilité opérationnelle que nous attendons tous, nous devons en permanence régénérer nos effectifs et donc recruter. C’est l’une de mes préoccupations majeures : si nous limitons voire stoppons nos flux d’entrée, notre système vieillira et s’effondrera sur lui-même faute de combattants jeunes.

En ce qui concerne le financement de la masse salariale, j’estime que nous aurons très probablement un déficit de fin de gestion en 2009 du fait d’un sous-soclage structurel lors de l’entrée en LOLF, que j’évalue aujourd’hui à près de 60 millions d’euros, et d’une divergence d’appréciation qui reste à évaluer sur le glissement vieillesse technicité. Si tel devait être le cas, il est impératif que ce problème ne trouve pas sa solution dans une augmentation brutale d’une déflation déjà bien délicate à mettre en œuvre sans trop porter atteinte aux capacités opérationnelles de l’armée de terre ou à son moral. Il me parait donc souhaitable que le tempo de la déflation soit sanctuarisé en effectifs dans la prochaine loi de programmation militaire.

J’en viens maintenant aux équipements. Le projet de loi de finances est très encourageant pour les livraisons et les commandes d’équipements majeurs. L’année 2009 sera marquée par trois commandes majeures – deux en fait, car l’une d’entre elles constitue le report d’une année précédente : 332 véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), 16 000 équipements FELIN et 22 hélicoptères NH90, ce qui explique l’augmentation substantielle de notre enveloppe en autorisations d’engagement. Je souligne également les commandes de 50 drones tactiques supplémentaires, de 53 véhicules haute mobilité, des 50 premiers porteurs polyvalents terrestres (PPT), de 232 petits véhicules protégés et du premier lance-roquette unitaire (LRU). Il est clair que ces commandes viennent compenser les choix opérés au cours de la loi de programmation militaire précédente. J’en déduis que, conformément aux orientations du Livre blanc, nous bénéficions d’un effort significatif qui devrait nous permettre de poursuivre la régénération de nos principales capacités de combat.

Je souligne également que nous allons prendre livraison d’équipements bien adaptés à nos engagements actuels. Ils nous permettront de combattre avec la puissance de feu et la précision requises, tout en garantissant un maximum de protection à nos soldats : 96 VBCI, 2 749 FELIN, 34 canons CAESAR et 8 hélicoptères Tigre seront ainsi mis en service dans les forces en 2009.

Je ne veux pas oublier les systèmes d’information et de communication (SIC) dont la livraison nous permettra de poursuivre la numérisation de l’espace de bataille. Nous recevrons 56 systèmes d’information régimentaires (SIR) et 1 600 postes de radio de quatrième génération (PR4G), qui sont désormais indispensables à la mise en convergence sur le terrain de nos capacités interarmes, interarmées et interalliées. J’estime, par ailleurs, que pour mieux contrer les dernières technologies de téléphonie civile, conservées par nécessité sur la plupart de nos théâtres dans le cadre du règlement global des crises, il conviendrait de donner une impulsion plus soutenue à la guerre électronique de contact.

Les programmes à effets majeurs devraient donc être au rendez-vous, mais il est essentiel que les petites opérations de cohérence, par essence plus morcelées, ne s’en trouvent ni écrasées ni évincées pour autant.

L’augmentation de 8 % du budget de l’entretien programmé des matériels devrait nous permettre, avec 604 millions d’euros, de conserver une disponibilité technique des matériels en opérations supérieure à 90 %, et suffisante en métropole pour préserver un niveau d’entraînement compatible avec le respect de nos contrats opérationnels. La création à l’été prochain, pour un fonctionnement nominal au 1er janvier 2010, des nouvelles structures de maîtrise d’ouvrage déléguée, la structure interarmées de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (la SIMMT), c’est-à-dire le pendant terrestre de la SIMMAD et de maîtrise d’œuvre, le service de la maintenance industriel terrestre (SMITER), le pendant du SIAé, et le commandement de la maintenance terrestre (COMMT), rattaché au commandement des forces terrestres, nous permettra d’amorcer une rationalisation en profondeur de nos structures de maintenance. La poursuite de la montée en puissance de la politique d’emploi et de gestion des parcs (PEGP) devrait nous permettre de contenir les coûts croissants du maintien en condition opérationnelle (MCO) en limitant au plus juste le volume et le rythme d’emploi des parcs utilisés à l’entraînement.

Les crédits d’entretien programmé des personnels, soit 135 millions d’euros, doivent prendre en compte les besoins croissants de nos hommes sur les théâtres, notamment dans le domaine de la protection par des améliorations ciblées. Mais, en raison d’une enveloppe constante, je suis contraint de conduire une politique de différenciation des paquetages – par théâtre ou par type de formation – et de renoncement à certains effets d’uniforme.

L’engagement opérationnel et la préparation de cet engagement opérationnel sont notre seule raison d’être. Avec 10 250 hommes en opérations, 4 250 en missions de présence et de souveraineté de courte durée, 5 750 en alerte Guépard en permanence et environ un millier déployés sur le territoire national dans le cadre de Vigipirate, l’armée de terre est clairement une armée d’emploi et surtout une armée employée, qui fournit 80 % des effectifs engagés en opérations. Nos hommes combattent au quotidien en Afghanistan, avec plus de 40 accrochages depuis le début du mois d’août. L’abondement supplémentaire du budget opérationnel de programme consacré aux opérations extérieures (BOP OPEX) de 50 millions d’euros permettra d’alléger une contrainte du préfinancement qui pèse lourdement sur la gestion en fin d’exercice.

Le rythme de renouvellement de notre personnel et la complexité de nos engagements, quelle qu’en soit l’intensité, nous imposent un effort incompressible de formation initiale puis d’entraînement. Nos bataillons sont bien entraînés et sont dotés des meilleurs équipements dont nous disposons. Grâce à la procédure de l’adaptation réactive mise au point en 2007, nous avons pu consacrer depuis début 2008 près de 116 millions d’euros supplémentaires à la protection et à la puissance de feu de nos hommes en Afghanistan. Cet effort sera poursuivi en 2009 mais, à ressources financières constantes, il est bien évident que l’effort ne profitera qu’à ceux qui en ont un besoin impératif ; il est impossible de faire autrement.

Je relève que, pour le projet de loi de finances 2009, l’augmentation de plus de 4,5 millions d’euros des ressources en carburant opérationnel devrait nous permettre de maintenir à un niveau seuil les ressources consacrées à la formation et à l’entraînement des forces, soit 73 millions d’euros, hors carburant, et de poursuivre cette politique de différenciation ciblée. De la même façon qu’il n’y aura plus d’égalité devant le paquetage, il n’y aura plus d’égalité devant la formation opérationnelle avant l’engagement : tout est lié au niveau de la crise dans laquelle les forces sont engagées. Je reste vigilant sur les ressources consacrées à la préparation opérationnelle, qui ne peuvent plus servir de variable d’ajustement compte tenu du niveau plancher atteint, et je propose qu’elles soient sanctuarisées dans la future loi de programmation militaire.

En conclusion, je veux vous rappeler que la fin de gestion 2008 conditionnera inévitablement le bon démarrage de l’année 2009 et surtout les réformes qu’il faut mettre en œuvre sans tarder. Tout dépendra donc des arbitrages qui seront rendus concernant la levée des réserves législatives et le remboursement des dépenses engagées pour la conduite des opérations extérieures.

L’armée de terre, je le réaffirme, s’inscrit résolument dans une démarche de réforme active, consciente qu’elle doit participer à l’effort de l’État de réduction de la dette. Simultanément, nos hommes doivent pouvoir bénéficier de ce qu’il y a de mieux lorsqu’ils vont remplir, au péril de leur vie, les missions qui leur sont confiées. En soulignant l’effort à faire au profit des forces terrestres au cours de la prochaine LPM, le Livre blanc ne dit rien d’autre.

Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre aux questions que vous voudrez bien me poser, en espérant que la crise épargnera notre pays.

M. le président Guy Teissier. Je vous remercie, mon général, de cet exposé très complet.

Les crash programs, ou programmes d’équipement d’urgence, ont permis à nos armées, notamment en Afghanistan, d’obtenir très rapidement les équipements dont elles avaient besoin. Toutefois, nous nous interrogeons sur le fait que l’armée de terre a probablement éprouvé en amont des difficultés pour évaluer précisément ses besoins pour le combat à haute intensité. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements ?

Ensuite, à la suite du constat fait par le haut comité d’évaluation de la condition militaire, selon lesquels les rémunérations des officiers n’étaient pas au niveau adéquat par rapport aux responsabilités qu’ils exerçaient, une revalorisation a été décidée à partir de 2009. Quelles sont les catégories d’officiers concernées ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. Lorsque nous nous engageons sur une crise, quelle que soit son intensité et la façon dont elle est dénommée, il y a toujours le risque de véritables actions de guerre. Il est donc très difficile d’anticiper ce qui va se passer. Les missions sont évaluées par l’état-major des armées. Je prépare les moyens qui me sont demandés, notamment en termes d’entraînement sur les matériels, compte tenu du niveau d’engagement tel que nous le pressentons.

Pour ce qui concerne l’engagement en Afghanistan, nos bataillons ont d’abord été déployés dans la région de Kaboul, dans la plaine de Chamali où les combats étaient d’intensité toute relative. Pour ce qui concerne la vallée de la Kapisa, nous avons, après avoir analysé les risques, équipé le bataillon engagé avec ce que nous avions de mieux. Cela dit, il faut trier les demandes ; si nous les satisfaisons toutes, nous courons le risque d’assister à une explosion des demandes.

En Afghanistan, la France a 2 400 soldats, dont les deux tiers, soit 1 800 personnels, ont vocation à combattre sur le terrain. Ces derniers ont bénéficié d’une dotation complémentaire au titre de l’adaptation réactive, de 9 millions d’euros pour les petits équipements, de plus de 108 millions d’euros pour les équipements lourds, et de 900 tonnes de munitions, soit une demi-tonne de munitions par soldat engagé sur le terrain. On ne peut pas dire que nous n’avons pas pris en compte un certain nombre de données. Nous avons engagé nos soldats avec le meilleur de ce que nous avons. Bien évidemment, en fonction de la zone de combat, le matériel le mieux adapté n’est pas le même : le VBCI convient bien pour la plaine de Chamali (ou pour le Liban), mais pas pour les chemins de fond de vallée, plus faciles pour le véhicule de l’avant blindé (VAB).

J’en viens à la préparation opérationnelle des forces liée au concept d’adaptation réactive. S’agissant par exemple des tourelleaux télé-opérés, les premiers utilisateurs seront formés par l’industriel ; puis il leur appartiendra ensuite de former leurs camarades. Il en est de même pour les Buffalo. Tout en essayant de préserver l’homogénéité de nos bataillons, nous nous efforçons de former les hommes dans de bonnes conditions, de façon à ce qu’ils puissent utiliser tous les types de matériels.

Aujourd’hui, la grille indiciaire des lieutenants-colonels va de 651 à 783 ; elle va passer de 716 à 963, ce qui accroît significativement leur rémunération en fin de carrière. La grille indiciaire qui va du grade de sous-lieutenant à celui de lieutenant-colonel s’échelonne de 349 à 783 ; elle va passer de 356 à 963, soit un gain de 173 points. La grille indiciaire des colonels voit son indice plancher augmenter de 783 à 801, tandis que son indice plafond reste le même à 1058. Toutefois, on accèdera plus rapidement aux échelles lettres, donc à des rémunérations plus élevées.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis des crédits de l’armée de terre. Je vous remercie, mon général, de l’entretien que vous m’avez accordé la semaine dernière en ma qualité de rapporteur et des réponses que vous avez apportées à mes questions.

L’an dernier, j’avais émis quelques critiques sur le budget de l’armée de terre. Aujourd’hui, vous vous déclarez globalement satisfait, ce qui est intéressant.

Cette année, l’armée de terre et plus globalement l’opinion publique ont été marquées par deux éléments : les graves événements de Carcassonne et ceux d’Afghanistan. Leur traitement médiatique a sans doute été excessif, mais on ne peut faire abstraction de ce qui s’est passé.

Vous êtes très attaché à la protection de vos hommes : le calendrier de commandes et de livraisons du programme FELIN, qui permet une protection complète de nos soldats, correspond-il à vos souhaits ?

La numérisation de l’espace de bataille est-elle un avantage pour l’armée de terre ? N’est-ce pas aussi une priorité ?

La réduction du format de l’armée de terre aura des conséquences, y compris sur le moral des troupes. Quelles mesures convient-il de prendre pour éviter, sinon un démoralisation, en tout cas une démobilisation ?

Pensez-vous être en mesure d’assurer le recrutement des militaires du rang dans les années qui viennent ?

La diminution du nombre de militaires s’accompagnera inévitablement de celle du nombre de gradés. Ne convient-il pas de réviser dès maintenant le nombre d’officiers formés à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. FELIN est un système complexe, ce qui ne signifie pas compliqué. Pour son évaluation, le bon sens des soldats apporte une partie des réponses à nos interrogations. Lorsqu’on leur demande s’ils envisageraient de ne pas en être dotés, face à des adversaires qui en seraient équipés, leur réponse est négative ; c’est déjà un élément de réponse. Le fusil FAMAS FELIN est une meilleure arme que le FAMAS classique. Le système d’optique intégrée est excellent et il remplace plusieurs systèmes actuellement utilisés. Le système de protection FELIN est très couvrant, et assure, par le biais de plaques amovibles, une protection de niveau quatre sur l’avant de la cage thoracique, de niveau trois sur l’arrière, et une protection pare-éclats sur les côtés. Tout système de protection est un compromis entre la surface couverte et l’épaisseur de la protection. Le gilet pare-balles américain Paraclet, dont disposent les forces spéciales et nos bataillons en Kapisa, assure une protection de niveau quatre, mais il est moins couvrant et plus lourd que celui que nous utilisons actuellement.

S’agissant du système de liaisons intégrées de FELIN, il faut être particulièrement exigeant envers l’industriel. Il en va de même des moyens de vision nocturne. La lunette initialement proposée était tout juste équivalente à notre actuelle OB70, ce qui était inacceptable. Nous avons obtenu de l’industriel qu’il intègre un modèle plus performant.

Je regrette aussi que le programme FELIN ait suscité des doutes chez nos soldats pour des raisons d’ordre vestimentaire, tenant à la fois à la coupe des treillis ou à la qualité des chaussures fournies. De son côté, l’armée de terre a fait réaliser un treillis taillé comme elle le souhaitait et que j’appelle le treillis T3 qui n’est pas tout à fait le treillis FELIN, et que nous mettons en place en Afghanistan à la satisfaction générale. En conclusion, FELIN est un système dont l’armée de terre a besoin, et elle en conduira l’évaluation technico-opérationnelle à son terme, sans concessions, comme nous l’avons fait jusqu’à présent.

En matière de numérisation, nous sommes aujourd’hui dans une logique de moyens comptés. Il faut bien distinguer les moyens de télécommunications comme par exemple les satellites, qui seront toujours nécessaires, des moyens à terre qui permettent d’échanger à la voix, ou par transmissions de données. Cela dit, dans le cadre de la gestion globale des crises, nous sommes obligés de préserver les moyens civils de communication. Or, aujourd’hui, un téléphone portable permet à un ennemi installé dans la vallée de la Kapisa de transmettre à un camarade installé en embuscade dix kilomètres plus loin des photos d’un convoi. Les systèmes civils aux infrastructures lourdes fournissent des services d’une qualité quasiment meilleure que celle que peut fournir la numérisation à laquelle nous aspirons et qui doit relever d’un système autonome. Nous devons pouvoir fournir aux chefs sur le terrain des cartes renseignées avec la position des amis et des ennemis ou des photos en temps réel. Les forces spéciales bénéficient actuellement d’un tel dispositif, mais il sera bientôt banal de l’utiliser. Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins en ce domaine : soit nous suivons les armées qui comptent et qui développent ce type de technologie, soit nous devenons une infanterie de supplétifs. Comme nous en avons fait l’expérience en Côte-d’Ivoire, avec des moyens comptés, nous pouvons occuper plus de terrain et dans de meilleures conditions opérationnelles.

Si nous renonçons à cette technologie, nous n’aurons plus le même modèle d’armée de terre, avec les conséquences qui en découleront en matière de recrutement : nous n’attireront plus les jeunes qui sont particulièrement sensibles à la qualité de l’équipement et aux nouvelles technologies avec lesquelles ils ont grandi.

Vous dites que je suis satisfait du budget. Je lis les journaux, je connais la situation du pays : comment pourrais-je demander 100 millions supplémentaires ? Je suis responsable. Nous n’aurons pas l’armée de nos rêves mais celle de nos moyens, des moyens qui sont adaptés aux missions qu’on lui donne.

En ce qui concerne les mesures d’accompagnement, je rappelle que le pécule est versé en deux fois, deux tiers au moment du départ, puis un tiers un an plus tard au moment où l’ancien militaire retrouve un emploi. Compte tenu de la situation économique actuelle, il y a de réelles inquiétudes sur la possibilité de toucher ce dernier tiers. Le dispositif devrait être arrimé à la prochaine loi de programmation militaire, de façon à ce que, dès le début de l’année prochaine, les armées puissent disposer d’éléments tangibles pour amorcer la gestion 2009

M. le président Guy Teissier. Selon le ministre, le projet de loi de programmation militaire devrait être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale au début du moins de novembre.

M. Michel Grall. Les crédits nécessaires aux opérations extérieures (OPEX) sont aujourd’hui prélevés en partie sur les crédits d’équipement des forces. Cela peut-il perdurer ou faut-il il déjà reconsidérer une partie de notre présence militaire sur certains théâtres d’opération ?

En ce qui concerne la gestion des crises, l’approche qui est développée est une approche globale, qui combine des actions militaires, civiles, économiques et diplomatiques. Des réflexions à ce sujet sont en cours, aussi bien au sein de notre pays que dans l’OTAN. Quelle est la position de l’armée de terre sur ce thème ?

Enfin, pouvez vous nous présenter un rapide bilan des opérations d’externalisation au sein de l’armée de terre, aussi bien en France qu’en opérations extérieures ?

M. Christophe Guilloteau. Vous avez indiqué que 60 % des dépenses de maintenance de l’armée de terre étaient consacrées aux régiments de combat, notamment ceux équipés de chars Leclerc. Cette orientation est-elle justifiée ? Au Liban, on a l’impression à la fois que les déplacements des chars Leclerc sont contraints et que leur puissance de feu est surdimensionnée. Alors que le Président de la République déploie tous ses efforts pour instaurer la paix dans cette partie du monde, on le sentiment que si un de ces chars tirait un obus, il y déclencherait l’apocalypse.

Nous sommes engagés dans de nombreuses OPEX, y compris en Europe. Le rôle de la France est-il d’être le gendarme de l’Europe. Doit-on être aussi présents au Tchad ?

Enfin, vous avez dit qu’il fallait renoncer à certains effets d’uniforme. Pourriez vous préciser ce que vous entendez par là ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. Le chef d’état-major de l’armée de terre est un fournisseur de moyens entraînés et équipés pour le chef d’état-major des armées. Même si je n’ai pas à me prononcer sur l’opportunité et le nombre des opérations, j’ai demandé la suppression, le plus rapidement possible, d’un certain nombre de missions de courte durée, de souveraineté et de présence. Cela allégera les coûts et me donnera un peu de souplesse pour la planification. En fonction de l’évolution des situations, il faudra par la suite procéder à d’autres allégements. En Côte-d’Ivoire, en réduisant et en ramassant le dispositif en place, nous avons réduit la « surdispersion » caractérisée par des élongations considérables et des missions très compliquées, notamment pour les hélicoptères. Pour les autres opérations, l’évolution du dispositif dépend de l’ONU et de l’implication de l’Union européenne.

Je n’ai de cesse de dire à l’ensemble de l’armée de terre que, tout au long du processus de réduction des effectifs, j’aurai besoin de tous les personnels pour assumer le plan de charge. Certains régiments seront dissous alors même que des militaires en relevant seront en opérations extérieures. En tout cas, il faut faire baisser la pression sur les opérations pour faciliter la conduite du changement. Un régiment dont la dissolution a été prononcée restera debout jusqu’au bout.

L’approche globale requiert deux conditions : une supériorité militaire et une volonté de chacune des parties de vouloir sortir de la crise. Or, cette volonté n’est pas toujours partagée : en Afghanistan, par exemple, une partie des citoyens ne veut pas de cette globalisation, ne veut pas que les populations soient soignées, que des écoles soient construites ou que des pompes soient installées. Nous sommes donc par exemple obligés d’insérer nos actions civilo-militaires dans le cadre de nos opérations militaires.

En ce qui concerne l’externalisation, l’opération la plus emblématique est celle de Dax. Nous pensons qu’elle aura les effets attendus. Toutefois, il faut une contrepartie car l’externalisation coûte cher. Actuellement, la réduction complémentaire de 16 000 hommes prévue au titre de l’externalisation est hors du schéma de déflation. Si l’on veut avancer dans cette voie, il faut que l’externalisation soit financée prioritairement grâce aux gains de masse salariale.

Le problème de l’externalisation, c’est la rigidification des contrats. L’armée de terre a passé des contrats similaires à des contrats d’externalisation, par exemple, pour le soutien post-production du char Leclerc ou, avec Renault trucks, pour la fourniture à cinq jours de pièces de camions. Ces contrats ont un coût et, avec le temps, ils deviennent un élément fixe du budget de l’armée de terre. Arrivera le jour où il faudra les renouveler et lancer de nouveaux appels d’offre : que se passera-t-il si les entreprises qui sont capables d’assurer les services fournis jusqu’alors ne sont plus candidates ? La politique d’externalisation doit donc être conduite dans des métiers sans spécificité militaire et elle doit être menée avec une attention particulière.

Compte tenu de sa puissance de feu, le char Leclerc est une arme dissuasive au plan militaire et au plan politique. Il a aussi un coût : j’ai donc demandé que son usage soit limité au strict nécessaire ; si une patrouille peut être assurée avec un seul char, il n’est pas nécessaire d’en envoyer trois. Cette année, l’armée de terre dispose de crédits pour 14000 heures de fonctionnement moteur pour 140 chars Leclerc ; soit 100 heures par an et par char, soit dix heures par mois ou deux heures par semaine. Ce coût horaire de fonctionnement n’évoluera pas : on peut espérer disposer au mieux de 26 000 heures pour 255 chars, y compris ceux des écoles.

J’ajoute que les chars Leclerc qui sont en opérations extérieures consomment le potentiel des chars Leclerc qui restent sur le territoire national. De plus, il faut savoir que, quand on engage un matériel, celui-ci tombe en panne : statistiquement, un char Leclerc, qui est un système d’armes très complexe, tombe en panne au bout de 36 heures de fonctionnement.

M. le président Guy Teissier. Lors d’un déplacement au Liban, nous avons été surpris de voir que ces engins doivent circuler sur une piste spéciale, pour ne pas abîmer la route. Je note aussi que les chars Leclerc n’empêchent pas la violation de la souveraineté libanaise. En conséquence, si les envoyer a pu constituer un signal fort de la fermeté de la France, on peut se demander si leur maintien est encore justifié aujourd’hui.

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. La question reste de savoir si l’ambiance est au calme parce que la France est là ou si le calme justifie qu’elle puisse s’en aller. Cette appréciation relève des autorités politiques.

La politique d’emploi et de gestion des parcs, parfois décriée, permet de mettre très rapidement sous cocon un certain nombre de chars. Dans les régiments, un à deux escadrons sont conservés au titre de la préparation opérationnelle courante tandis que d’autres sont positionnés sur les camps pour l’entraînement. Mais les unités peuvent être engagées en opérations à partir des parcs d’alerte.

S’agissant des effets d’uniforme, j’ai pris, il y a deux ans, la décision d’arrêter la production des brodequins de marche à jambière attenante, les rangers. Nos forces doivent être dotées de chaussures adaptées à leurs missions. J’ai également décidé que les dotations se feraient désormais en fonction des affectations. À cette fin, le système d’achat par carte a été verrouillé. De même le remplacement du manteau et de l’imperméable par un trois-quart a été abandonné. Enfin, les militaires du rang ayant des carrières très courtes, la question de certaines tenues se pose : percevoir une tenue de sortie dont on aura l’usage une fois par an n’est peut-être pas indispensable. En revanche, les soldats sont très attentifs à être bien équipés pour partir en opération. Des économies ont été réalisées sur ce plan : le camouflage du tricot de corps coûtait par exemple 800 000 euros par an. Quant à la réalisation du treillis FELIN par un industriel étranger, elle semble rencontrer quelques difficultés. En revanche, il n’y a aucun problème pour le treillis T3 en coton qui est fabriqué par une entreprise française.

Responsable du recrutement de 2000 à 2002, je connais les difficultés et la complexité de ce métier. L’armée de terre est composée à 72 % de contractuels. Tous les militaires du rang sont contractuels. 60 % d’entre eux ont le BEP ou le CAP, 20 % n’ont aucun diplôme et 20 % ont un niveau supérieur au BEP ou au CAP. Le recrutement reste fragile et il est soumis aux aléas de la conjoncture.

Le drame de cet été en Afghanistan n’a pas influencé sensiblement le niveau de recrutement. Il semble néanmoins que certains jeunes renoncent au dernier moment à s’engager, souvent sous l’influence de leurs parents. À l’inverse, les jeunes qui s’engagent avec la volonté de partir en opérations et qui ne partent pas, le prennent mal.

La physionomie de l’armée de terre a changé, en particulier pour ce qui concerne le recrutement des officiers : elle ne dispose plus des aspirants du contingent, qui constituaient une ressource de très grande qualité. Aujourd’hui, les officiers de qualité ne peuvent être que des officiers de recrutement direct. S’agissant du recrutement semi-direct, il est de plus en plus difficile de trouver de jeunes sergents qui veulent préparer l’école militaire interarmes (EMIA) ; les effectifs de cette école ne cessent de chuter. Le volume des officiers bien formés diminue et ne peut pas être compensé par une montée en puissance des officiers contractuels, qui n’ont ni la même formation ni le même état d’esprit initial.

L’encadrement des unités de combat doit comporter au moins pour moitié des officiers de carrière. Avec 80 régiments, nous devons pouvoir disposer annuellement de 125 Saint-Cyriens, dont nous ferons, selon des règles connues, 75 à 80 colonels et 25 officiers généraux, sachant que l’armée de terre va, d’ici à 2014, réduire de 30 le nombre de ses officiers généraux.

M. Yves Fromion. Vous avez évoqué la question de l’usage par les talibans des réseaux de téléphonie mobile civils pour le combat opérationnel. Que faudrait-il faire pour lutter contre cela ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. Quand une section entre dans une vallée de type afghan, elle peut avoir le sentiment qu’elle est inhabitée. La détection d’une émission constitue alors une information précieuse. Pour cela, il faut mettre en place un système de guerre électronique de l’avant. Nous devons développer ce type de capacités, qui ne doivent pas être trop onéreuses.

M. Yves Fromion. Je partage ce point de vue. Aujourd’hui, la tendance est de considérer qu’un équipement sophistiqué est un équipement fragile. Je ne le crois pas : sophistication ne signifie pas fragilité. Dans une guerre asymétrique, la haute technologie est une nécessité pour parvenir à une parité opérationnelle sur le terrain. Nos armées doivent disposer de tels équipements, robustes et opérationnels, qui les maintiennent au niveau de nos alliés occidentaux.

M. Jean-Claude Viollet. On a souvent entendu dire que l’atteinte de l’objectif nominal repose sur la mobilisation des ressources exceptionnelles. Je trouve cela inquiétant, et cette inquiétude est, je crois, partagée par l’ensemble de la commission. Dire que le minimum sera atteint seulement si on a des ressources exceptionnelles m’inquiète, surtout quand on connaît leur origine, à savoir la réalisation d’actifs immobiliers et la vente de fréquences.

On parle de mise sous cocon des matériels. À ma connaissance, cela ne s’applique pas pour les appareils à voilure tournante. Dans le rapport d’information sur l’aéromobilité qu’Alain Marty, Michel Sordi et moi-même avons réalisé, nous avons constaté un déficit capacitaire en 2010, où seuls 20 hélicoptères de manœuvre voleront. Or le premier hélicoptère NH 90 n’arrivera qu’en 2011, avec une remontée en capacité seulement en 2018. Ce constat s’est-il amélioré ou dégradé ? Peut-on faire quelque chose en urgence pour retrouver un minimum de capacité en matière d’aéromobilité, notamment d’hélicoptères de manœuvre ? Si ce n’est pas possible, il faut en tirer les conséquences en matière opérationnelle.

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. J’ai décidé l’arrêt de vol d’un certain nombre de Gazelle, mais cela ne résout pas le problème des hélicoptères de manœuvre. La transition se fera pour partie avec les Caracal et les Cougar rénovés et nos derniers Puma, pour autant que l’on continuera à les entretenir. L’une des difficultés est la hausse prévisible des coûts de maintien en condition opérationnelle. L’effort en matière de MCO sur l’ensemble de la période devrait passer pour l’EPM terre et air de 604 millions d’euros à 658 millions d’euros en 2011 et à 678 millions d’euros en 2014. S’agissant des hélicoptères, le coût est actuellement de 220 millions par an, mais nous assistons à une véritable envolée du prix des pièces. Nous allons gérer au mieux le parc mais nous serons contraints d’arrêter un certain nombre de machines.

La question de l’entraînement des équipages d’hélicoptères est par ailleurs incontournable, notamment pour les pilotes et les équipages qui volent de nuit. J’ajoute qu’un quart des heures sur simulateur sont validées et que, inévitablement, les pilotes de Tigre effectueront une partie de leurs heures de vol sur Gazelle. Nous enverrons aussi les pilotes voler à Dax sur le potentiel du contrat qui n’aura pas été utilisé en formation, ce qui permettra de rentabiliser et d’optimiser au mieux ce contrat.

Enfin, il est vrai qu’il est préoccupant que la livraison du premier NH 90 n’intervienne qu’en 2011.

M. le président Guy Teissier. Je vous remercie, mon général, pour votre présentation.

——fpfp——

II. —  EXAMEN DES CRÉDITS

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Louis Bernard, les crédits de la Mission « Défense » : « Préparation et emploi des forces (forces terrestres) » pour 2009, au cours de sa réunion du 28 octobre 2008.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Jean-Pierre Soisson. À combien se montent les crédits destinés à l’équipement FELIN en 2009 ?

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis. Les crédits destinés au programme FELIN étaient de 83,6 millions d’euros en 2008 et atteindront 173 millions d’euros en 2009.

M. Christophe Guilloteau. Le rapporteur a-t-il une idée du surcroît de rémunération versé aux soldats qui sont envoyés en OPEX ? Par ailleurs, sait-on si les familles des militaires tombés en Afghanistan cet été ont reçu une compensation financière ?

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis. Tous les soldats envoyés en OPEX voient leur solde à peu près multipliée par deux le temps de leur présence sur le théâtre. En ce qui concerne la situation des familles des soldats morts en Afghanistan, je ne dispose d’aucun élément.

M. le président Guy Teissier. Généralement, un militaire décédé en opération est avancé dans son garde, ce qui permet à la veuve de toucher une pension de réversion améliorée.

M. Yves Fromion. Il existe également d’autres mécanismes de solidarité pour ce genre de situation, même si cela n’est pas institutionnalisé.

M. Yves Vandewalle. Un certain nombre de militaires m’ont fait part de leurs interrogations sur l’équipement FELIN : il s’agit d’un système très sophistiqué mais qui semblent souffrir de quelques déficiences pratiques, comme les chaussures, qui ne seraient pas adaptées.

M. le président Guy Teissier. Ce point précis a été évoqué par le chef d’état-major de l’armée de terre. La production des rangers a été arrêtée, mais il faut en écouler le stock. Il nous a par ailleurs assuré que les troupes en OPEX étaient équipées de chaussures de marche plus confortables et plus légères que les rangers traditionnels. L’équipement FELIN doit être testé en Afghanistan avant d’être définitivement adopté.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission de la défense a alors donné un avis favorable au programme « Préparation et emploi des forces (forces terrestres) ».

*

La commission de la défense a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense ».

ANNEXE : LISTE DES DÉPLACEMENTS

A. DÉPLACEMENT AU KOSOVO DU 24 AU 26 JUIN 2008

1. État-major de la KFOR (forces de l’OTAN déployées au Kosovo).

§ M. le général Xavier Bout de Marnhac, Commandant la KFOR ;

§ les officiers français insérés au sein de l’état-major de la KFOR ;

§ les conseillers du représentant de la France près le commandant de la KFOR.

2. Task Force Nord

§ M. le général Claude Mathey commandant la Task Force Nord de la KFOR ;

§ M. le colonel Alexandre d’Andoque de Sériège, commandant le bataillon français de la Task Force Nord.

3. Autorités politiques du Kosovo

§ M. Fatmir Sejdiu, Président du Kosovo ;

§ M. Jakup Krasniqi, Président de l’Assemblée de la République du Kosovo ;

§ M. Sabri Hamiti, Président de la commission des affaires étrangères du Parlement de la République du Kosovo

§ M. Rrustem Mustafa, Président de la commission de la défense du Parlement de la République du Kosovo ;

§ M. Ramë Manaj, Vice-Premier Ministre.

4. Ambassade de France

§ Mme Delphine Borione, Ambassadeur de France au Kosovo

B. DÉPLACEMENT À PAU LE 3 OCTOBRE 2008

§ M. le colonel Gilles Darricau, commandant le 5e régiment d’hélicoptères de combat (5e RHC)

§ M. le colonel Marc de Fritsch, commandant le détachement de l’aviation légère de l’armée de terre des opérations spéciales (DAOS)

© Assemblée nationale

1 () Audition de M. Jean-Marie Bockel devant la commission de la défense le 30 septembre 2008.

2 () Implantée sur le site de l’école d’application de l’aviation légère de l’armée de terre du Luc, l’école franco-allemande a pour mission « de former les équipages allemands et français sur le système d’armes commun Tigre ».

3 () Cockpit Procedure Trainer.

4 () Page 42 du rapport d’information n° 666 de MM. Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet déposé le 30 janvier 2008.

5 () Rapport d’information n° 666 précité.

6 () Le décret n° 2004-16 du 7 janvier 2004 pris en application de l’article 4 du code des marchés publics et concernant certains marchés publics passés pour les besoins de la défense autorise cette procédure.

7 () Avis n° 280 sur le projet de loi de finances pour 2008 - tome IV – défense - préparation et emploi des forces terrestres.

8 () Site de la MINUK : http://www.un.org/french/peace/kosovo.

9 () Site de la MINUK : http://www.un.org/french/peace/kosovo.

10 () Le 24 octobre 2005, le Conseil de sécurité des Nations Unies a désigné l’ancien président finlandais, M. Martii Ahtisaari pour mener des négociations sur le statut du Kosovo. Faute d’un accord entre les parties, M. Ahtisaari a proposé au Conseil de sécurité une solution pour le statut du Kosovo le 3 avril 2007. Même s’il n’évoquait pas explicitement l’indépendance du Kosovo, son rapport précisait que l’indépendance supervisée paraissait constituer la seule solution réaliste pour assurer la stabilité du pays et de la région.