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N° 1203

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2009 (n° 1127),

TOME II

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ET
PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

PAR Mme Michèle TABAROT,

Députée.

Voir le numéro : 1198 (annexe 28).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir à la rapporteure au plus tard le 10 octobre 2008 pour le présent projet de loi.

À cette date, l’intégralité des réponses était parvenue à votre rapporteure qui remercie les services du ministère de la Justice de leur collaboration.

INTRODUCTION 5

I. — L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 7

A. UN BUDGET EN PROGRESSION POUR LA POURSUITE DU PROGRAMME IMMOBILIER ET LA MISE EN œUVRE DE LA LOI PÉNITENTIAIRE 7

1. Des crédits en progression de 30 % en autorisations d’engagement et de 4 % en crédits de paiement par rapport à 2008 7

2. Le respect des engagements dans l’exécution de l’ambitieux programme immobilier de l’administration pénitentiaire 9

a) La poursuite de la mise en œuvre du programme de construction de 13 200 places 9

b) L’urgente nécessité de réduire le déficit de places spécialisées 10

c) Le renouvellement des marchés de gestion déléguée et la conclusion des marchés pour les nouveaux établissements 11

3. La poursuite de recrutements importants en vue de l’ouverture des nouveaux établissements 14

a) Un plafond d’autorisations d’emplois en progression 14

b) Des recrutements importants en vue des ouvertures de nouveaux établissements 15

c) La poursuite des réformes statutaires et de la mise en œuvre de mesures indemnitaires favorables 15

B. LA PRISE EN CHARGE SANITAIRE, PSYCHOLOGIQUE ET PSYCHIATRIQUE DES PERSONNES PLACÉES SOUS MAIN DE JUSTICE 23

1. L’amélioration générale de l’accès aux soins 24

2. Les insuffisances de la prise en charge psychiatrique 27

3. Les difficultés de la prévention des suicides 29

C. LES PREMIERS MOIS D’ACTIVITÉ DU CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ 33

1. Des recrutements réalisés ou en cours à hauteur des crédits ouverts 34

2. Les premiers mois d’activité du Contrôleur général 35

a) Les saisines adressées au Contrôleur Général 35

b) Les visites programmées 36

II. — LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 39

A. UN BUDGET DONNANT A LA PJJ LES MOYENS DU RECENTRAGE DE SON ACTION SUR LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS 39

1. Des crédits concentrés sur la prise en charge des mineurs délinquants 39

2. Un nombre d’ETPT en légère diminution pour une optimisation des ressources humaines de la PJJ 43

a) Le plafond d’autorisations d’emplois est en légère diminution par rapport à 2008 43

b) Un effort louable de diversification des recrutements et de promotion interne 45

c) La réorganisation fonctionnelle et territoriale de la PJJ a permis une optimisation de la gestion des ressources humaines 46

c) Des mesures statutaires et indemnitaires justifiées par l’évolution des missions et la réorganisation territoriale de la PJJ 48

B. LA PRISE EN CHARGE SANITAIRE, PSYCHOLOGIQUE ET PSYCHIATRIQUE DES MINEURS PRIS EN CHARGE PAR LA PJJ 53

1. Une connaissance insuffisamment actualisée de l’état de santé des mineurs placés sous main de justice 53

2. Une évidente insuffisance des dispositifs de prise en charge psychiatrique 55

a) L’insuffisance des structures de prise en charge psychiatrique en milieu ouvert 55

b) Une insuffisante diffusion des initiatives innovantes 57

c) De fortes attentes placées dans les CEF à prise en charge psychiatrique renforcée 58

EXAMEN EN COMMISSION 61

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 87

DÉPLACEMENTS DE LA RAPPORTEURE POUR AVIS 89

MESDAMES, MESSIEURS,

L’année 2009 constituera, à n’en pas douter, une année tournant pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse.

Mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes, ouverture de 5 130 nouvelles places de détention, renouvellement des marchés de gestion déléguée des établissements pénitentiaires, poursuite et accélération du développement des aménagements de peine, généralisation des programmes de prévention de la récidive, engagement de la future loi pénitentiaire… : l’administration pénitentiaire sera au cœur de nombreux chantiers majeurs non seulement pour l’institution mais aussi pour le renforcement de la sécurité de nos concitoyens, la lutte contre la récidive et l’action en faveur de la réinsertion.

Similairement, la protection judiciaire de la jeunesse sera confrontée à trois défis majeurs au cours de l’année à venir : la poursuite du recentrage de ses missions sur la prise en charge des mineurs délinquants, d’une part, la mise en œuvre de la réforme de son organisation territoriale, d’autre part, et la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, à la suite de la remise de ses conclusions durant le mois de novembre par la commission présidée par M. le recteur André Varinard, enfin.

Ces perspectives importantes pour chacune de ces deux institutions, dont les crédits font l’objet de deux programmes « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse » au sein de la mission « Justice », trouvent leur traduction dans les crédits demandés au titre du projet de loi de finances pour 2009.

Compte tenu des ouvertures d’établissements et des recrutements nécessaires à leur mise en service, ainsi que du renouvellement des marchés de gestion déléguée, le budget de l’administration pénitentiaire connaît à nouveau une hausse significative par rapport à 2008 : + 30 % en autorisations d’engagement et + 4 % en crédits de paiement. Les enjeux de l’amélioration simultanée des conditions de détention des personnes incarcérées et des conditions de travail et statutaires des personnels pénitentiaires, ainsi que celui de la lutte contre la récidive justifient pleinement, aux yeux de votre rapporteure, cette augmentation importante des crédits de l’administration pénitentiaire.

Le budget de la protection judiciaire de la jeunesse, bien qu’il apparaisse en baisse de 9 % en autorisations d’engagement et 2 % en crédits de paiement, constitue en réalité un budget de consolidation de l’action de l’institution en matière de prise en charge des mineurs délinquants et d’optimisation des moyens matériels et humains dédiés à cette mission. L’exercice par les conseils généraux de leur compétence pleine et entière en matière de protection administrative et judiciaire des mineurs en danger et des jeunes majeurs permet à la PJJ de recentrer son action sur son cœur de métier historique, la prise en charge des mineurs délinquants, avec en outre un tournant majeur en raison de la fixation d’objectifs très ambitieux de lutte contre la récidive des mineurs.

Compte tenu de l’importance des enjeux, non seulement pour les personnes prises en charge par l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse et ses personnels, mais aussi pour la société tout entière dont l’aspiration légitime à la sécurité reste forte, ces deux budgets apparaissent comme des signes évidents de la détermination de l’État à assumer ses responsabilités et à obtenir des résultats en matière de lutte contre la délinquance.

Poursuivant la démarche engagée dans les avis établis au nom de la commission des Lois pour les projets de loi de finances pour 2006, 2007 et 2008, votre rapporteure a souhaité étudier plus particulièrement certains thèmes.

Le premier de ces thèmes concerne la prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique des personnes placées sous main de justice. Ce thème a également été choisi par la mission d’information de votre commission sur l’exécution des décisions de justice pénale pour la deuxième phase de ses travaux. C’est pour cette raison qu’il est apparu opportun à votre rapporteure de s’intéresser plus particulièrement à l’état de santé des personnes détenues ou confiées à la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que de certaines des prises en charge qui sont mises en œuvre. L’actualité récente ayant malheureusement mis en évidence l’importance du risque suicidaire chez les personnes incarcérées et les difficultés de la mise en œuvre d’une politique de prévention du suicide, votre rapporteure a également souhaité évaluer la politique de prévention du suicide mise en œuvre par l’administration pénitentiaire.

Enfin, un an après le vote de la loi du 30 octobre 2007 ayant institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et trois mois après la nomination de M. Jean-Marie Delarue pour occuper cette fonction, votre rapporteure a souhaité examiner dans quelles conditions budgétaires et opérationnelles cette institution se mettait en place et commençait à remplir l’essentielle mission de contrôle des lieux privatifs de liberté que lui a confiée le législateur.

*

* *

I. — L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

A. UN BUDGET EN PROGRESSION POUR LA POURSUITE DU PROGRAMME IMMOBILIER ET LA MISE EN œUVRE DE LA FUTURE LOI PÉNITENTIAIRE

1. Des crédits en progression de 30 % en autorisations d’engagement et de 4 % en crédits de paiement par rapport à 2008

Les crédits de l’administration pénitentiaire pour 2009 s’élèvent à près de 4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à plus de 2,4 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une progression de 30,2 % en autorisations d’engagement et de 4 % en crédits de paiement par rapport à ceux inscrits dans la loi de finances initiale pour 2008. Cette forte hausse des AE est essentiellement due au renouvellement des marchés des établissements à gestion déléguée et à la notification des marchés pour les nouveaux établissements qui seront livrés en 2010.

Le périmètre des actions du programme « Administration pénitentiaire » est resté inchangé depuis la modification intervenue lors du PLF pour 2007. Cette stabilité de la structure du programme – combinée à la stabilité des indicateurs – constitue un élément très positif salué par votre rapporteure, puisqu’elle permet un contrôle parlementaire effectif. Les actions composant le programme « Administration pénitentiaire » sont au nombre de trois :

• l’action n° 01 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice », qui regroupe les dépenses de personnel pour la garde des détenus et les dépenses d’équipement, représente 35,88 % des autorisations d’engagement du programme, avec un montant de 1,443 milliard d’euros.

• l’action n° 02, intitulée « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice », qui regroupe les moyens nécessaires à l’accueil et à l’accompagnement des personnes détenues dans des conditions dignes et satisfaisantes (maintenance et entretien des établissements, réinsertion). Cette action représente 54,16 % des autorisations d’engagement du programme, soit 2,179 milliards d’euros.

• l’action n° 04, « Soutien et formation » vise trois axes prioritaires : la fourniture de moyens pour l’administration générale, le développement du réseau informatique et la formation du personnel. Elle représente 9,96 % des autorisations d’engagement du programme, soit 400 millions d’euros.

Les tableaux ci-après présentent la ventilation des crédits par action ainsi que leur évolution sur un an.

EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2007

Crédits consommés en 2007

Crédits votés en LFI pour 2008

Crédits demandés pour 2009

Évolution 2008-2009

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

1 878

1 944

1 938

1 443

- 25,54 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

671

554

775

2 179

+ 181,16 %

Soutien et formation (Action 04)

313

80

375

400

+ 6,67 %

Total

2 862

2 578

3 088

4 022

+ 30,25 %

En millions d’euros

EN CRÉDITS DE PAIEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2007

Crédits consommés en 2007

Crédits votés en LFI pour 2008

Crédits demandés pour 2009

Évolution 2008-2009

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

1 287

1 314

1 383

1 416

+ 2,39 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

671

535

645

684

+ 6,05 %

Soutien et formation (Action 04)

281

358

342

366

+ 7,02 %

Total

2 239

2 207

2 370

2 466

+ 4,05 %

En millions d’euros

Pour autant, votre rapporteure tient à signaler, comme elle l’a déjà fait par le passé, que les moyens nouveaux alloués à l’administration pénitentiaire ne seront pleinement efficaces que s’ils ne font pas l’objet de décisions de gel ou d’annulation de crédits comme cela a pu être le cas au cours des années passées. En 2007, le montant des crédits hors titre 2 gelés, puis annulés, s’est élevé à 66,47 millions d’euros en AE et 35,31 millions d’euros en CP. Compte tenu de la forte augmentation du nombre de journées de détention (JDD) constatée en 2007 et 2008 (1) et de l’importance des dépenses contraintes de l’administration pénitentiaire, qu’elles soient destinées aux dépenses de santé, à la subvention versée à l’École nationale de l’Administration pénitentiaire (ENAP) ou au paiement des marchés de gestion déléguée, ces gels de crédits apparaissent d’autant plus critiquables et délicats à assumer pour l’administration pénitentiaire.

2. Le respect des engagements dans l’exécution de l’ambitieux programme immobilier de l’administration pénitentiaire

a) La poursuite de la mise en œuvre du programme de construction de 13 200 places

La LOPJ de 2002 (2), prenant la suite des deux précédents grands programmes de construction d’établissements pénitentiaires décidés en 1986 par M. Albin Chalandon (construction de 13 000 places) et en 1995 par M. Pierre Méhaignerie (création de 4 000 nouvelles places en détention), a prévu la réalisation d’un grand programme de modernisation du parc immobilier affecté à l’administration pénitentiaire à travers la construction de 13 200 places nouvelles de détention, dont 1 800 correspondent à la poursuite d’opérations déjà engagées.

Ces trois programmes démontrent clairement la volonté de ces gouvernements d’agir concrètement et massivement en faveur de l’amélioration des conditions de détention grâce à d’ambitieux programmes de construction qui devraient contribuer grandement à la résolution de deux problèmes très souvent dénoncés : la vétusté du parc pénitentiaire français et la surpopulation carcérale.

Comme l’a indiqué M. Claude d’Harcourt, directeur de l’administration pénitentiaire, lors de son audition par votre rapporteure, les engagements pris par l’État en vue de doter la France d’un parc pénitentiaire lui permettant d’accueillir et d’accompagner les personnes détenues dans des conditions dignes et satisfaisantes sont tenus. En effet, les places prévues en application du programme 13 200 sont livrées dans les délais prévus et permettent de fermer les établissements les plus vétustes. Ont ainsi été livrés en 2008 les deux établissements prévus : les établissements pour mineurs (EPM) d’Orvault et de Porcheville. Doit également entrer en service en décembre 2008 le centre pénitentiaire (CP) de Mont-de-Marsan.

La poursuite du programme d’accroissement des capacités a également permis d’augmenter le nombre de places disponibles, en optimisant le parc actuel par l’agrandissement des sites pénitentiaires qui s’y prêtent. Entre 2003 et juin 2008, près de 1 600 places de détention ont pu être créées dans des établissements existants dans le cadre de ce programme, dans des délais plus brefs et à un coût moindre que ceux de la construction d’un nouvel établissement. Au total en 2008, le nombre d’ouvertures de places s’est élevé à 2 684.

2009 constituera l’année d’ouverture du plus grand nombre de places en exécution du programme 13 200, puisque 5 130 nouvelles places seront ouvertes. En effet, sept établissements nouveaux entreront en service en 2009 : les CP de Roanne, Lyon-Corbas, Nancy, Bourg-en-Bresse, Poitiers, la maison d’arrêt de Saint-Denis de la Réunion, ainsi que l’EPM de Meaux-Chauconin. À ces places doivent également être ajoutées les places du quartier courtes peines de Toulouse-Seysses dont l’ouverture est programmée en 2009. En 2009, le nombre d’ouvertures nettes de places sera, compte tenu de la fermeture de 1 646 places d’établissements vétustes et inadaptés et de la poursuite du programme d’accroissement des capacités, de 4 588 places.

En deux années, 2008 et 2009, près des deux tiers des 13 200 places prévues par la LOPJ de 2002 auront été ouvertes, attestant de la sincérité et de l’efficacité de l’engagement de l’État en faveur du renouvellement et de la modernisation du parc pénitentiaire.

En outre, les conditions d’ouverture des nouveaux établissements sont dorénavant rodées, contrairement aux ouvertures des établissements du programme 4 000 qui avaient pu donner le sentiment d’un certain flottement. En effet, les recrutements nécessaires à la mise en service de ces établissements n’avaient pas été suffisamment anticipés, nécessitant des ouvertures d’établissements à mi-capacité et une réduction des durées de formation des nouveaux élèves surveillants. Votre rapporteure se félicite du fait que les leçons des erreurs commises lors des mises en service de ces établissements aient été tirées et que les moyens budgétaires permettant le recrutement des personnels nécessaires au fonctionnement des nouveaux établissements soient effectivement inscrits dans les crédits ouverts pour le programme « Administration pénitentiaire ».

b) L’urgente nécessité de réduire le déficit de places spécialisées

Le programme de constructions de nouvelles places suit efficacement son cours, ce dont chacun pourra se féliciter. Toutefois, une réserve doit être émise concernant l’exécution du programme de construction de places spécialisées. En effet, le nombre actuel de places en centres (CSL) ou quartiers (QSL) de semi-liberté, en centre pour peines aménagées (CPA) et en quartiers courtes peines (QCP) apparaît insuffisant pour répondre aux besoins de développement des aménagements de peine et à la mise en œuvre des projets d’exécution de peine et programmes de prévention de la récidive dans les maisons d’arrêt. En 2008, l’administration pénitentiaire s’était fixé l’objectif de réserver 15 % de places spécialisées sur l’ensemble des places créées dans l’année, soit 287 places en CSL et QSL et 180 places en CPA. Or, cet objectif est très loin d’avoir été atteint puisque le taux de places spécialisées n’a représenté que 1,14 % du nombre total de places créées, soit 65 places de QSL.

Ce retard pris dans le développement des places spécialisées trouve son origine dans l’imputation principale des gels de crédits sur les plus petits programmes, constitués par ces projets de moindre ampleur que les constructions de nouveaux établissements. Cette situation s’avère cependant particulièrement regrettable, alors que la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale a, en décembre 2007, mis l’accent sur la nécessité de mieux adapter le nombre de places de semi-liberté aux besoins locaux et de développer les QCP et les CPA (3), et alors que le projet de loi pénitentiaire déposé au Sénat prévoit d’étendre les possibilités de placement en semi-liberté aux condamnés à des peines d’emprisonnement ferme d’une durée comprise entre un et deux ans (4).

En outre, votre rapporteure tient à rappeler que la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale avait préconisé de favoriser les centres de semi-liberté autonomes par rapport aux quartiers de semi-liberté situés à l’intérieur des maisons d’arrêt. Lors de son déplacement à la maison d’arrêt de Nice, votre rapporteure a pu à nouveau constater les difficultés pratiques posées par les QSL : afin de permettre aux détenus travaillant après l’horaire de retour au QSL (18 heures 30) d’accomplir leur peine sous ce régime, ceux-ci séjournent à l’extérieur de l’établissement les jours où ils travaillent et ne sont hébergés à l’établissement que lors de leurs jours de repos. Ces modalités de mise en œuvre de la semi-liberté la limitent de fait aux détenus en fin de peine, car le prononcé d’une semi-liberté ab initio dans ces conditions priverait la peine d’une large partie de son sens. Comme l’a fait remarquer Mme Sophie Bouttier-Véron, juge de l’application des peines au tribunal de grande instance de Nice, le développement de la semi-liberté avant incarcération, dans le cadre de l’article 723-15 du code de procédure pénale, supposera que davantage de places de CSL autonomes soient disponibles.

Votre rapporteure considère donc comme extrêmement urgente la réalisation effective des places spécialisées nécessaires au développement d’une politique efficace de prévention de la récidive et de développement des aménagements de peine, et estime que les retards de construction de ces places de 2008 devront être rattrapés en 2009 et l’objectif de 20 % de places spécialisées créées en 2011 atteint.

c) Le renouvellement des marchés de gestion déléguée et la conclusion des marchés pour les nouveaux établissements

L’augmentation très forte (+ 181 %) des autorisations d’engagement de l’action n° 02 (accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice) est liée au renouvellement des marchés de gestion déléguée de 27 établissements, à la passation des marchés pour les 11 établissements qui seront livrés ou mis en service en 2009 (5), et à l’extension de la gestion déléguée à 4 établissements jusqu’ici gérés en gestion publique (6). En vue de la conclusion de ces marchés, des autorisations d’engagement à hauteur de 1,7 milliard d’euros sont demandées dans le PLF pour 2009.

La loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, ensuite modifiée par la LOPJ de 2002, a permis à l’administration pénitentiaire de confier à des personnes de droit public ou de droit privé habilitées, les fonctions autres que celles de direction, de greffe et de surveillance. Ce mode de gestion mis en œuvre depuis 1990 concerne actuellement 27 établissements pénitentiaires, pour lesquels ont été déléguées, dans le cadre de marchés publics « multiservices », les fonctions d’intendance et de logistique telles que la restauration (préparation et distribution des repas ; respect de la sécurité alimentaire et de l’application des normes d’hygiène, de nettoyage et de désinfection), l’hôtellerie, la cantine (possibilité offerte aux détenus d’acheter des denrées, objets ou prestations de service sur la part disponible de leur compte nominatif), le transport (mise en place, entretien et renouvellement d’un parc de véhicules afin d’assurer des liaisons administratives et le transport des détenus, hors transport judiciaire), la maintenance (entretien des biens afin d’assurer la continuité du service), le nettoyage, ainsi que les missions travail (un travail est proposé aux détenus qui en font la demande dans les conditions prescrites par le code de procédure pénale et par le marché) et formation professionnelle (formation professionnelle dans le cadre d’un programme validé par le chef d’établissement).

Deux générations de contrats multiservices se sont succédé. La première génération de marchés, notifiée en septembre 1989, confiait le fonctionnement de 21 établissements pénitentiaires à quatre groupements d’entreprises répartis sur 4 zones. La seconde génération de contrats, notifiée en décembre 2001, a étendu le principe des marchés publics multiservices à 6 établissements supplémentaires construits dans le cadre du programme dit « 4 000 ». Cinq marchés publics multiservices (couvrant 5 zones géographiques) ayant pour objet d’assurer le fonctionnement courant des établissements pénitentiaires des programmes 13 000 et 4 000 ont été notifiés le 1er janvier 2001. Lesdits marchés ont été conclus pour une durée de 8 années.

L’ensemble de ces marchés arrivant à échéance à la fin de l’année 2009, l’administration pénitentiaire a donc décidé de les renouveler et d’étendre cette gestion déléguée à de nouveaux établissements. Compte tenu de l’enjeu budgétaire représenté par ces marchés de gestion déléguée des établissements pénitentiaires, il apparaît nécessaire de comparer les coûts respectifs de la gestion publique et de la gestion déléguée. Le tableau ci-dessous des coûts de journées de détention (JDD) permet de procéder à cette comparaison :

COÛT PAR JDD PAR TYPE D’ÉTABLISSEMENT EN 2007

 

Centre de détention

Centre pénitentiaire

Maison d’arrêt

Maison centrale

Coût moyen

Gestion publique

81,06 €

75,40 €

65,35 €

163,24 €

71,81 €

Gestion déléguée

69,81 €

68,40 €

67,56 €

-

68,49 €

Écart gestion publique/gestion déléguée

16,1 %

10,2 %

- 3,3 %

-

4,8 %


Source : Direction de l’administration pénitentiaire

À l’exception des maisons d’arrêt, dans lesquelles la gestion publique est moins coûteuse que la gestion déléguée, cette dernière est plus efficace dans les autres types d’établissements, la différence moyenne s’établissant à 4,8 %. Sur un plan budgétaire, l’extension de la gestion déléguée apparaît donc comme un choix pertinent. En outre, M. Claude d’Harcourt a indiqué à votre rapporteure que les offres transmises par les groupements ayant obtenu les marchés des EPM et le marché de la MA de Saint-Denis de la Réunion étaient extrêmement concurrentielles et permettaient d’espérer une poursuite de l’optimisation du coût de JDD, tout en maintenant à niveau constant la qualité des prestations fournies par les délégataires.

Sur le plan du fonctionnement des établissements, la prise en charge de la maintenance par les titulaires a apporté une incontestable professionnalisation de la fonction, une expertise technique et des ressources adaptées qui permettent de conserver un meilleur niveau de renouvellement des matériels et de propreté générale des bâtiments, et surtout un maintien de la valeur patrimoniale des établissements.

Par ailleurs, afin d’améliorer sa capacité de contrôle de l’exécution des marchés de gestion déléguée, l’administration pénitentiaire a mené en 2007, en collaboration avec la société Axes Management, un projet de refonte du dispositif de contrôle des prestations prévues au marché, qui a été mis en œuvre dans le courant de l’année 2008. Celui-ci vise tout particulièrement à s’assurer du respect des engagements contractuels et de la qualité des prestations réalisées, mais également de consolider les informations entre les 27 établissements.

Enfin, l’accent sur le pilotage de la gestion déléguée au sein de la Direction de l’administration pénitentiaire a encore été renforcé ; en complément de la Mission Gestion Déléguée créée en 2007, qui a en charge le suivi des marchés en cours ainsi que la mission de coordonner, suivre et organiser la planification du projet de passation des marchés de fonctionnement des futurs établissements du programme 13200, les directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP) se sont dotées en 2008 d’unités de gestion déléguée, afin notamment d’harmoniser le suivi des marchés entre les différents établissements.

Au vu de ces différentes informations, tant budgétaires qu’opérationnelles, votre rapporteure estime que la gestion déléguée constitue le mode de gestion le mieux adapté à la gestion du parc pénitentiaire et que les procédures mises en œuvre par l’administration pénitentiaire pour optimiser la conclusion et la surveillance de ces marchés sont à la hauteur de l’enjeu budgétaire et humain de la gestion quotidienne des prisons.

3. La poursuite de recrutements importants en vue de l’ouverture des nouveaux établissements

a) Un plafond d’autorisations d’emplois en progression

Le plafond d’autorisation d’emplois de l’administration pénitentiaire prévu par la loi de finances pour 2009 est de 33 020 ETPT, contre 32 126 en 2008, soit 894 ETPT supplémentaires. Ce plafond se décline de la manière suivante :

Par action

Action 01 : garde et contrôle des personnes placées sous main de justice

23 565

Action 02 : accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice

6 272

Action 03 : Soutien et formation

3 183

Total du programme

33 020

Par catégorie d’emploi

 

Plafond autorisé
pour 2008

Demandés
pour 2009

Variation 2008/2009

Magistrats

17

17

0

Personnel d’encadrement

1 327

1 324

-3

B métiers du greffe, de l’insertion et de l’éducatif

3 724

3 828

+104

B administratifs et techniques

985

991

+6

Personnels de surveillance C

23 156

23 931

+775

C administratifs et techniques

2 917

2 929

+12

Total

32 126

33 020

+894

Compte tenu des vacances de postes et des prévisions de départs, l’administration pénitentiaire devra recruter 2 843 emplois supplémentaires en 2009, selon les informations transmises à votre rapporteure.

b) Des recrutements importants en vue des ouvertures de nouveaux établissements

Les ouvertures de nouveaux établissements et les créations de places dans le cadre du programme d’accroissement des capacités ont nécessité la création de 10 000 emplois entre 2003 et 2007. En dépit des difficultés de recrutement de certaines catégories d’emplois, essentiellement celle des surveillants compte tenu de la difficulté des fonctions exercées, l’administration pénitentiaire parvient à conjuguer efficacité des recrutements et mise en œuvre de formations de qualité. En outre, l’évolution des métiers pénitentiaires, liée à la mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes et à la mise en service de nouveaux établissements, a rendu nécessaire un effort de formation très important des personnels en poste. L’administration pénitentiaire a su relever le défi de cet accroissement des besoins en formation initiale et continue, grâce à l’outil de formation adapté que constitue l’École nationale de l’Administration pénitentiaire (ENAP).

L’ENAP, devenue établissement public administratif depuis 2000, ce qui lui permet de disposer de l’autonomie nécessaire à une adaptation constante de sa pédagogie aux évolutions des métiers pénitentiaires ainsi qu’à une gestion efficace, a porté sa capacité d’accueil, depuis janvier 2005, de 820 à 1 200 places, avec notamment la construction d’un nouvel amphithéâtre, de salles de cours supplémentaires, d’une extension de la zone administrative, de bâtiments d’hébergement, d’un bâtiment réservé aux enseignements par simulation et d’une nouvelle zone réservée aux enseignements sportifs.

Les effectifs globaux en formation initiale sont passés de 3 055 en 1999 à 3 499 en 2007. Les effectifs de stagiaires au titre de la formation continue ont aussi augmenté de manière conséquente : de 550 en 1999, ils sont passés à 3 187 en 2007. En 2008, l’école devrait avoir assuré la formation initiale et la formation d’adaptation de plus de 6 900 agents, dont 3 600 élèves en formation initiale. En 2009, le nombre d’élèves en formation initiale devrait s’élever à 4 297, pour permettre la mise en service complète et dans des conditions satisfaisantes des nouveaux établissements qui ouvriront au cours de l’année.

c) La poursuite des réformes statutaires et de la mise en œuvre de mesures indemnitaires favorables

Compte tenu de l’évolution des métiers pénitentiaires, plusieurs réformes statutaires et indemnitaires importantes ont été mises en œuvre ou poursuivies en 2008.

• Réformes statutaires

—  Compte tenu des évolutions importantes du métier de surveillant, les épreuves du concours ont été adaptées afin de permettre de recruter des personnels correspondant davantage aux besoins de l’administration pénitentiaire. Ainsi, le concours comporte désormais une seule épreuve d’admissibilité, au lieu de deux antérieurement, et deux épreuves d’admission. L’épreuve d’admissibilité se décompose en 3  parties : une série de questions à choix multiple, des questions à réponse courte ainsi que la rédaction d’un compte rendu établi à partir d’un ou plusieurs documents relatifs à un événement ou un incident susceptible de survenir dans un établissement pénitentiaire. La composition sur un sujet d’actualité ou un thème général a été supprimée. Les épreuves d’admission sont constituées d’une épreuve orale au choix et d’épreuves sportives. Le premier recrutement sur la base de ces nouvelles modalités a eu lieu début 2008.

Le recrutement des surveillants demeure pourtant assez difficile, même si les campagnes de communication récentes et des efforts de pédagogie sur les métiers pénitentiaires en direction des candidats admissibles permettent certains progrès. En effet, si le nombre de candidatures reste élevé, d’une part le nombre de candidats « utiles » demeure assez faible, et, d’autre part, la déperdition entre le nombre de reçus et le nombre de ceux qui entrent en formation à l’ENAP reste, comme les années précédentes, importante (autour de 10 %). Cette déperdition est en partie liée à l’image de l’administration pénitentiaire dans l’opinion publique ainsi qu’au manque d’attractivité des métiers pénitentiaires et à leur pénibilité supérieure à celle d’autres métiers d’autorité et de contrainte (police, gendarmerie). Dès lors que les candidats connaissent mieux l’institution pénitentiaire, la déperdition par démission est beaucoup plus réduite compte tenu d’avantages statutaires non négligeables. En revanche, les départs sont souvent liés à la réussite à d’autres concours, notamment internes à l’administration pénitentiaire.

Afin de susciter un plus grand nombre de candidatures aux concours de surveillants, l’administration pénitentiaire a poursuivi en 2008 des campagnes de communication relatives aux métiers pénitentiaires dans des médias de presse, dans les rubriques emplois des journaux et dans l’audiovisuel. En outre, des représentants des directions régionales participent à divers salons et forums pour l’emploi.

—  La réforme statutaire du corps d’encadrement et d’application et du corps de commandement des personnels de surveillance, entrée en vigueur le 16 avril 2006, prévoit une montée en charge progressive des dispositifs d’avancement et de qualification des agents avec un terme fixé en 2010. Cette réforme se poursuit selon un rythme qui doit lui permettre d’atteindre l’objectif fixé dans le délai prévu.

La ventilation des personnels à la date du 1er juillet 2008 est la suivante :

CORPS DE COMMANDEMENT

Effectifs réels au 01/07/08

Taux réel

Taux cible à l’échéance 2010

Commandants pénitentiaires

97

10 %

20 %

Capitaines pénitentiaires

338

36 %

30 %

Lieutenants pénitentiaires

512

54 %

50 %

Total

947

   

CORPS D’ENCADREMENT ET D’APPLICATION

Effectifs réels au 01/07/08

Taux réel

Taux cible à l’échéance 2010

Majors

309

1 %

3 %

Premiers surveillants

1 991

9 %

13 %

Brigadiers

2 955

13 %

17 %

Surveillants

17 445

76,85 %

67 %

Total

22 700

   

Source : Direction de l’administration pénitentiaire

—  La réforme statutaire des personnels de direction des services pénitentiaires est entrée en vigueur le 1er juin 2007 et connaît actuellement une montée en charge progressive. Le nombre de directeurs des services pénitentiaires (DSP) s’élève à 371 ; celui des DSP hors classe s’élève à 132.

À la suite de cette réforme, il est apparu nécessaire de mettre en adéquation les épreuves des deux concours avec les besoins de l’administration pénitentiaire et le nouveau positionnement issu de la réforme et de les mettre en cohérence avec les autres corps de même niveau exerçant au sein de la fonction publique de l’État :

▪  Pour le concours externe, le nombre des épreuves tant pour l’admissibilité que pour l’admission est désormais de 6 épreuves obligatoires (3 épreuves écrites d’admissibilité et 3 épreuves orales d’admission).

▪  Pour le concours interne, le nombre d’épreuves obligatoires pour l’admissibilité et pour l’admission est passé à 4 épreuves.

De plus, pour une adéquation optimale avec les nouvelles missions dévolues dorénavant aux membres du corps des directeurs des services pénitentiaires, amenés à évoluer et à agir dans un cadre plus interministériel du fait de leur nouveau positionnement, le concours comprend désormais non seulement des épreuves classiques pour les concours de catégorie A (note de synthèse, dissertation de culture générale, entretien avec un jury), mais également des épreuves plus techniques consistant pour les deux concours en une épreuve de questions à réponse courte portant sur l’ensemble des trois matières suivantes : droit public, droit pénal et finances publiques. Le concours interne comporte en outre une interrogation orale portant au choix du candidat sur le droit et les institutions pénitentiaires, le droit civil ou la sociologie des organisations et la gestion des ressources humaines.

Il convient également de préciser que pour le concours interne, l’entretien avec le jury peut être remplacé au choix du candidat par une épreuve de reconnaissance des acquis et de l’expérience professionnelle dès lors que celui-ci dispose d’une expérience professionnelle minimale de trois ans.

Le premier recrutement sur la base de ces nouvelles modalités a eu lieu en avril 2008.

—  Les modalités de recrutement aux concours de conseillers d’insertion et de probation (CIP) et de chefs des services d’insertion et de probation de l’administration pénitentiaire (CSIP) ont également connu certaines adaptations pour tenir compte, ici encore, de l’évolution des besoins et de la mise en œuvre des programmes de prévention de la récidive.

Afin de rendre plus cohérentes les conditions de recrutement des CIP et des CSIP, avec, d’une part, des concours de même niveau que ceux d’autres administrations et, d’autre part, des principes de recrutements édictés par la fonction publique, il a été procédé aux ajustements suivants :

▪  Pour le recrutement des conseillers d’insertion et de probation, les concours externe et interne sont distincts. Le concours externe comporte deux épreuves d’admissibilité : une composition sur un sujet d’ordre général et une note de synthèse. Le concours interne comporte une épreuve unique d’admissibilité consistant en une note administrative. L’épreuve orale d’admission consiste au choix du candidat en un entretien avec le jury ou en une épreuve de reconnaissance des acquis et de l’expérience professionnelle.

▪  Pour le recrutement des chefs des services d’insertion et de probation, une phase d’admissibilité et une phase d’admission ont été mises en place.

Le premier recrutement sur la base de ces nouvelles modalités a eu lieu en février 2008.

—  Pour faire suite au malaise exprimé par les SPIP au début de l’année 2008, Mme la Garde des Sceaux a confié à Madame Charlotte Trabut, inspectrice des services judiciaires, une mission destinée à formuler des propositions d’évolutions statutaires pour ces personnels. Remis au mois d’août 2008 au directeur de l’administration pénitentiaire, le rapport de la mission d’expertise et de proposition a été diffusé en septembre 2008 aux DISP et aux SPIP. L’analyse des difficultés exprimées a conduit à conclure que dans la mesure où la prévention de la récidive devenait un objectif majeur donné à l’administration pénitentiaire, il apparaissait nécessaire de consolider la structure des SPIP et de garantir à leurs personnels des conditions de travail en rapport avec les exigences de l’administration et de l’institution judiciaire à leur égard.

Suite à cette analyse, cinq groupes de travail pluridisciplinaires ont été mis en place : moyens de fonctionnement/budget (groupe 1), métiers, statuts et formation (groupes 2 et 3), conditions de travail et management des SPIP (groupe 4) et préparation à la mise en œuvre de la loi pénitentiaire (groupe 5). Certains de ces groupes ont déjà remis leurs propositions, l’ensemble des propositions devant être formulées avant la fin de l’année 2008.

Les premières propositions issues de ces groupes de travail s’articulent autour de deux axes principaux : d’une part, un recentrage des CIP sur leur cœur de métier, à savoir la prévention de la récidive par un travail sur le passage à l’acte et la préparation des aménagements de peine ; d’autre part, un renforcement des effectifs des SPIP par des surveillants effectuant des missions de contrôle, ainsi que par des psychologues et des assistants de service social, afin de décharger les CIP des missions d’assistant de service social et des activités socio-culturelles.

En outre, le projet de réforme pourrait également comporter les dispositions statutaires suivantes :

▪  Le statut d’emploi des directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation (DSPIP) serait revalorisé. Le nouveau statut serait organisé en adoptant les principes de l’arbitrage interministériel du 12 octobre 2006. La durée de carrière serait allongée dans la mesure où l’échelonnement indiciaire est linéaire jusqu’à l’INM 821 (contre 783 actuellement) et contingenté pour l’accès aux 3 chevrons de la HEA (échelon inexistant actuellement).

▪  Les fonctionnaires de catégorie A ayant accompli 13 ans de services dans un corps ou cadre d’emploi de ce niveau, dont 4 ans au moins dans un grade d’avancement, pourraient faire l’objet d’une nomination dans le statut d’emploi. La nomination et le retrait de la nomination échapperaient à l’examen de la commission administrative paritaire.

▪  Des échelons provisoires d’une durée de 3 ans chacun seraient créés, afin de permettre de lisser l’impact financier de la réforme sur la base des effectifs actuels. La mise en œuvre de cette réforme entraînerait une augmentation maximale des charges de 361 000 euros le 1er janvier 2009 et de 248 000 euros le 1er janvier 2012.

▪  Cette réforme statutaire s’accompagnerait d’un volet indemnitaire qui aboutirait à la suppression de l’indemnité de responsabilité et étendrait le régime de l’indemnité de fonctions et d’objectifs à ce statut d’emploi (7).

Votre rapporteure sera extrêmement attentive à la préparation et à la mise en œuvre de cette réforme, qui devra permettre de renforcer la capacité des SPIP à assumer leur mission de prévention de la récidive tout en rendant plus juste et plus compréhensible le statut et le régime indemnitaire de leurs personnels.

• Réformes indemnitaires

La suppression progressive de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) s’est poursuivie, pour permettre son remplacement par des indemnités moins complexes, tenant mieux compte des sujétions réelles et de la réalisation des objectifs assignés.

—  La refonte du régime indemnitaire des directeurs des services pénitentiaires a pour objectif de développer la prise de responsabilité et de prendre en compte des sujétions particulières liées à chaque emploi. Par ailleurs, elle rend ce régime modulable selon la manière de servir et conduit à la suppression du versement de la nouvelle bonification indiciaire, remplacée par l’indemnité de fonction et d’objectif (IFO) des services pénitentiaires. Les crédits budgétaires affectés au versement de la NBI ont fait l’objet d’un redéploiement vers l’IFO.

L’indemnité de responsabilité applicable jusqu’en 2007 présentait une certaine rigidité dans ses marges de variation et ne permettait pas de prendre en compte l’ensemble des contraintes, des sujétions spécifiques, mais aussi le niveau des responsabilités exercées par chacun des directeurs des services pénitentiaires.

La création de l’indemnité de fonctions et d’objectifs (IFO) a répondu à plusieurs objectifs de gestion des ressources humaines et de simplification administrative. En premier lieu, cette nouvelle indemnité correspond au passage d’une logique statutaire dans le versement du régime indemnitaire à une logique reposant sur les fonctions, les responsabilités et sur la manière de servir des fonctionnaires d’encadrement supérieur de l’administration. En second lieu, les changements d’affectation et les mutations impliquaient la notification de multiples arrêtés ministériels d’attribution, de suppression ou de modification de la NBI et généraient une charge importante de travail pour les services des traitements ainsi que pour les services du Trésor.

Le nouveau dispositif indemnitaire, rendu plus simple et plus juste, repose sur l’architecture suivante :

▪  Un montant annuel de référence, affecté d’un coefficient de 0 à 8, a été créé. Ce coefficient est limité de 0 à 4 pour les fonctionnaires bénéficiant d’un logement par concession publique. En fonction des critères du niveau de responsabilité, des contraintes liées au poste, de la taille de l’établissement, de la nature spécifique de la structure, un montant annuel de référence est fixé, induisant ainsi un niveau de régime indemnitaire différencié.

▪  Le versement de l’IFO est subordonné à l’exercice effectif des fonctions. Ainsi, les élèves et les stagiaires ne la percevront que pendant les périodes de stage pratique en établissements pénitentiaires.

Ce dispositif de réforme a été étendu aux membres du corps de commandement du personnel de surveillance qui exercent les fonctions de chef d’établissement pénitentiaire ou d’adjoint.

Le montant des dotations budgétaires affectées à l’indemnité de responsabilité et à la NBI s’élevait à 1 744 054 euros chaque année pour le corps de directeur des services pénitentiaires, hors hausse générale de la valeur de point d’indice. La réforme s’est inscrite pleinement dans cette enveloppe financière et ne s’est pas traduite par un accroissement des charges, les majorations individuelles étant compensées par les minorations individuelles.

Le montant de la dotation budgétaire affectée à l’indemnité de responsabilité pour les personnels du corps de commandement exerçant les fonctions de chef d’établissement pénitentiaire ou d’adjoint s’élève à 408 100 euros. La NBI ne leur a jamais été versée.

—  Le régime indemnitaire des personnels de surveillance et d’encadrement de l’administration pénitentiaire repose essentiellement sur la prime de sujétions spéciales dont le taux varie de 20 à 24 % du traitement indiciaire brut, selon le corps d’appartenance des fonctionnaires. À cette indemnité s’ajoute l’indemnité pour charges pénitentiaires qui concerne tous les personnels à l’exception des directeurs des services pénitentiaires et des personnels d’insertion et de probation. Enfin, la NBI était également versée en complément de ce régime indemnitaire dans le cadre de l’exercice de fonctions déterminées et du contingentement budgétaire du nombre d’emplois éligibles.

La réforme engagée a conduit à redéployer les crédits budgétaires affectés au versement de la NBI vers l’indemnité pour charges pénitentiaires (ICP), dont les modalités de calcul et d’attribution ont été révisées. L’ICP est une composante du régime indemnitaire des personnels de l’administration pénitentiaire à l’exception des directeurs des services pénitentiaires et des personnels d’insertion et de probation qui disposent d’un mécanisme différencié. Afin de simplifier les opérations de gestions et de liquidations des traitements par les services déconcentrés de l’État, la prime de chaussures a été intégrée dans le coefficient de base. L’ICP est désormais régie par les principes suivants :

▪  L’ICP est le support indemnitaire unique des personnels (hors prime de sujétions spéciales) comprenant l’indemnité de référence annuelle d’un montant de 750 euros, la part modulable complémentaire annuelle de 54,50 euros ainsi que la prime de chaussures d’un montant de 33 euros, soit un total global de 837,50 euros par an.

▪  La liste des emplois donnant lieu à une ICP majorée a été fixée par arrêté du 17 décembre 2007. Les montants indemnitaires correspondant à l’ancienne NBI sont revalorisés de 6 % pour l’ensemble des personnels et de 10 % pour les premiers surveillants responsables de l’encadrement en détention. De plus, le nombre des fonctions ouvrant droit à cette majoration a été étendu pour tenir compte de l’ouverture des établissements et des refontes d’organigrammes.

▪  Un coefficient de modulation a été mis en place, permettant de faire varier de 1 à 8 le montant de référence annuel, ce qui permet de disposer d’une marge de manœuvre en fin de gestion.

▪  La possibilité supplémentaire de majoration de l’ICP a été introduite afin de prendre en compte d’autres sujétions particulières et géographiques.

Avant cette réforme, l’indemnité pour charges pénitentiaires représentait une dépense de 21 557 382 euros. La réforme indemnitaire s’est traduite par un redéploiement de l’ensemble des crédits affectés à l’indemnité de chaussures et de petit équipement vers l’indemnité pour charges pénitentiaires, soit 876 765 euros supplémentaires. Le montant total de l’ICP après redéploiement s’élève désormais à 22 434 417 euros.

—  Enfin, le régime indemnitaire lié au travail de nuit et des dimanches et jours féries des personnels de surveillance a été repensé et revalorisé, grâce à la création d’une indemnité de surveillance de nuit et d’une indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés.

Le décret portant attribution d’une indemnité de surveillance de nuit et création d’une indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés, publié le 19 juillet 2008, est entré en vigueur le 1er août.

▪  Les personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire peuvent percevoir l’indemnité de surveillance de nuit dès lors qu’ils exercent leurs fonctions entre 21 heures et 6 heures et pendant une durée au moins égale à six heures consécutives. Ces conditions sont strictement cumulatives.

Cette indemnité est versée, à titre principal, aux membres des corps de commandement et d’encadrement et d’application du personnel de surveillance de l’administration pénitentiaire et, à titre subsidiaire et exceptionnel, aux secrétaires administratifs, adjoints administratifs, techniciens et adjoints techniques ainsi qu’aux conseillers d’insertion et de probation qui seraient amenés à effectuer une période de service dans les mêmes conditions que les personnels de surveillance précités.

Le montant de l’indemnité de surveillance de nuit est fixé pour 2008 à 17 euros par nuit et par agent. Cette revalorisation conduit à l’abrogation à compter du 1er août 2008 des anciens taux fixés à 11,44 euros pour les nuits de semaine et à 15,25 euros quand la nuit précédait ou suivait un dimanche ou un jour férié.

▪  Les personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire peuvent percevoir une indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés dès lors qu’ils accomplissent au moins six heures de travail consécutif et qu’ils assurent au sein des équipes de jour leur service le dimanche ou les jours fériés. Ici encore, ces conditions sont strictement cumulatives. Cette indemnité est versée aux mêmes catégories de personnels que celles bénéficiant de l’indemnité de surveillance de nuit.

Le montant de l’indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés est fixé pour 2008 à 23 euros dès lors que les agents effectuent au moins six heures consécutives de service et jusqu’à huit heures de service effectif. De plus, pour les agents exerçant leurs fonctions au-delà de huit heures un dimanche ou un jour férié, l’indemnité forfaitaire est majorée de 2,64 euros par heure au-delà de la huitième heure.

B. LA PRISE EN CHARGE SANITAIRE, PSYCHOLOGIQUE ET PSYCHIATRIQUE DES PERSONNES PLACÉES SOUS MAIN DE JUSTICE

Dans son avis budgétaire sur les crédits de l’administration pénitentiaire pour 2007, votre rapporteure s’était déjà interrogée sur les conditions de prise en charge médicale des personnes détenues (8). Si des progrès dans l’organisation des soins avaient pu être constatés, il n’en demeure pas moins que la situation de santé des personnes détenues reste un sujet de préoccupation. La commission des Lois a d’ailleurs décidé de faire porter la suite des travaux de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale, créée en juillet 2007 pour toute la durée de la législature, sur ce thème de la prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique des personnes placées sous main de justice. Cependant, alors que cette mission commence ses travaux, il est d’ores et déjà possible de procéder à plusieurs constats sur l’évolution récente de cette prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique.

La loi du 18 janvier 1994 et le décret du 27 octobre 1994 (9), dont l’application est précisée par la circulaire interministérielle du 8 décembre 1994 modifiée par les circulaires du 17 février 1998 et du 10 janvier 2005 (guide méthodologique), constituent les textes essentiels de la réforme de la santé en milieu pénitentiaire. Les dispositifs d’accès aux soins mis en place progressivement depuis 1994 ont pour ambition d’intégrer les personnes détenues dans le système général de santé, d’une part en leur accordant, ainsi qu’à leurs ayants droit, une couverture sociale, d’autre part en leur permettant d’accéder à des soins comparables à ceux dispensés en milieu libre, au travers du service public hospitalier. Le constat fait par votre rapporteure est celui d’une amélioration générale de l’accès aux soins des personnes détenues, même si des nuances doivent être apportées sur un point particulier, celui de la prise en charge psychiatrique. En outre, votre rapporteure a souhaité apporter un éclairage sur les difficultés de la prévention des suicides.

1. L’amélioration générale de l’accès aux soins

Depuis le 1er janvier 1994, toute personne détenue est obligatoirement affiliée à l’assurance maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale, à compter de la date de son incarcération. L’État doit acquitter les cotisations sociales correspondantes et financer également la part qui n’est pas prise en charge par l’assurance maladie : le ticket modérateur pour les soins lors des consultations et des hospitalisations et le forfait journalier lors des hospitalisations. Lors de sa visite à la maison d’arrêt de Nice, M. Thierry Guilbert, directeur de l’établissement, a souligné l’augmentation de la part des dépenses de l’établissement consacrées à la prise en charge du ticket modérateur, traduisant le coût financier pour les établissements de cette prise en charge compte tenu de la forte augmentation du nombre d’actes.

Le service public hospitalier assure désormais les soins dispensés aux personnes détenues dans tous les établissements pénitentiaires. Une unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), qui est une unité fonctionnelle d’un service hospitalier, est implantée dans chaque établissement pénitentiaire. Les soins, tant somatiques que psychiatriques, sont prodigués par des équipes pluridisciplinaires de l’hôpital. Au plan local, cette organisation est formalisée au travers d’un protocole, signé par le directeur de l’établissement pénitentiaire et le directeur de l’hôpital, sous l’égide des autorités régionales sanitaires (agence régionale de l’hospitalisation) et pénitentiaires (direction interrégionale des services pénitentiaires).

En matière de soins psychiatriques, 26 établissements pénitentiaires disposent de services médico-psychologiques régionaux (SMPR), offrant des soins renforcés et ayant une vocation régionale. Les autres établissements bénéficient de l’intervention des secteurs de psychiatrie définis dans les protocoles (10).

En ce qui concerne les hospitalisations, les hospitalisations d’urgence et de courte durée sont réalisées dans l’établissement public de santé signataire du protocole avec l’établissement pénitentiaire au sein de chambres sécurisées. Un programme de mise aux normes ou de création de 234 chambres sécurisées est en cours de réalisation sur les années 2007 à 2010 (76 chambres ont été réalisées). Quant aux hospitalisations programmées, l’arrêté du 24 août 2000 relatif à la création des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) destinées à l’accueil des personnes incarcérées a prévu de créer 181 lits d’hospitalisation répartis dans huit UHSI implantés dans des centres hospitaliers universitaires. La mise en service des UHSI a commencé en 2004 et se poursuivra jusqu’en 2009. Actuellement, les UHSI de Nancy, Lille, Lyon, Bordeaux, Toulouse et Marseille (partiellement) sont en service. L’UHSI du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière ouvrira fin 2008 ; celle de Rennes doit ouvrir à la fin de l’année 2009. Ainsi, l’ensemble des 181 lits des UHSI sera ouvert à la fin de l’année 2009.

En 2007, la commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) avait relevé dans son rapport annuel que le système de soins en milieu carcéral comportait encore des défaillances, s’agissant notamment de la permanence des soins (du fait de l’absence d’assistance médicale la nuit et les fins de semaine), des escortes pour les consultations à l’extérieur, du suivi de l’état de santé des personnes (les délais d’attente pour les soins spécialisés ou les hospitalisations), du respect du secret médical et de la confidentialité durant l’examen médical. Sur ces différents points, l’administration pénitentiaire a pris des mesures tendant à résoudre certains des problèmes mis en évidence par le rapport de la CNDS, tout en faisant valoir que les contraintes de la sécurité des établissements ne permettent pas de mettre en œuvre certaines des préconisations de la CNDS.

Sur la question de la permanence des soins, compte tenu du fait que les UCSA ne disposent pas de personnel médical permanent sur place, sauf dans les établissements pénitentiaires très importants, l’accès aux soins d’urgence pendant la nuit en l’absence d’une équipe médicale se fait par le recours au centre 15 dans la majorité des établissements pénitentiaires. Dans certains grands établissements, il est fait appel au système de garde de l’établissement de santé de proximité. Concernant l’accès des surveillants aux cellules la nuit en cas d’urgence, les personnels de surveillance en service de nuit ne disposent pas, pour des raisons de sécurité, des clefs de cellule, celles-ci étant sous la responsabilité exclusive des premiers surveillants. Cette règle ne pose pas de difficulté particulière dans les établissements où un premier surveillant est présent 24 heures sur 24 à l’intérieur de la structure. Un accès à la cellule est possible en cas d’urgence dans un délai rapide. Dans les 63 établissements dépourvus de gradé la nuit (maison d’arrêt à petit effectif), des notes de service ont défini une procédure permettant aux agents de faire face aux situations d’urgence. Ils peuvent ainsi, selon des conditions et des modalités définies, accéder à la cellule en cas d’urgence.

En matière de suivi et de continuité des soins, ceux-ci sont assurés durant l’incarcération par l’UCSA et le centre hospitalier de proximité, voire l’unité hospitalière sécurisée interrégionale. À la sortie, la personne libérée bénéficie d’une ordonnance prescrivant les produits pharmaceutiques nécessaires, accompagnée d’une lettre au médecin traitant. Elle est informée des centres de soins proches de son domicile.

Sur la question de l’utilisation des moyens de contrainte lors de consultations médicales, la CNDS a recommandé une stricte application de la circulaire du 18 novembre 2004 relative à l’organisation des escortes pénitentiaires des personnes détenues lors d’une consultation médicale mettant en place trois niveaux de surveillance selon la dangerosité du détenu et les risques d’évasion, en précisant les différents moyens de contrainte à utiliser. À la suite d’erreurs d’appréciation sur la dangerosité supposée des personnes détenues, une note en date du 24 septembre 2007 de la direction de l’administration pénitentiaire a rappelé les termes de la circulaire précitée en insistant sur l’obligation de faire une appréciation individualisée des moyens de contrainte évaluée selon « la dangerosité, la situation pénale, la personnalité, l’âge et l’état de santé de la personne détenue ».

Enfin, en matière de respect du secret médical et de la confidentialité des consultations, la CNDS a estimé que la surveillance constante d’une personne détenue pendant une consultation médicale remettait en cause la confidentialité de l’examen. La circulaire du 18 novembre 2004 précitée distingue trois niveaux de surveillance durant les consultations. Selon les informations recueillies par votre rapporteure, cette circulaire fait l’objet de rappels réguliers, notamment lors des réunions des directeurs interrégionaux des services pénitentiaires.

Compte tenu de la mise en place depuis 1994 d’un schéma cohérent de soins pour les personnes détenues, de l’ouverture des UHSI et des évolutions récentes ayant fait suite au rapport de la CNDS, votre rapporteure estime donc que les mesures mises en œuvre pour permettre l’accès aux soins des personnes détenues peuvent être considérées comme satisfaisantes. Cette qualité globale du système d’accès aux soins ne doit cependant pas faire oublier que l’état de santé des personnes détenues est généralement moins bon que celui de la population générale, et que les soins apportés en détention ne peuvent à eux seuls restaurer des états de santé parfois très fragilisés.

Lors de la visite de votre rapporteure à la MA de Nice, le docteur Catherine Vincent, médecin-chef de l’UCSA, a indiqué que l’état de santé des détenus lui apparaissait de plus en plus dégradé, avec des troubles souvent liés à l’alcool ou à la toxicomanie. Elle a indiqué que les effectifs de l’UCSA étaient satisfaisants, et que la couverture médicale en soins pour les détenus était de qualité : les 3 ETPT pénitentiaires affectés à cette mission permettent que toutes les extractions nécessaires aient lieu dans des délais très raisonnables ; de plus, de nombreux spécialistes (dentiste, gynécologue, ophtalmologiste…) interviennent en détention.

En outre, le docteur Catherine Vincent a souligné que la difficulté à Nice résidait moins dans la mise en place de traitements pendant la détention que dans leur poursuite après la sortie du détenu. Même si l’UCSA et le SMPR, via une « unité pour sortants », s’efforcent de préparer la sortie sur le plan de la continuité des soins, en faisant en sorte que le détenu soit libéré avec son dossier médical ainsi que des adresses de médecins ou d’un service à consulter, voire des rendez-vous dans son centre médico-psychologique (CMP) de rattachement, elle a souligné que les ex-détenus délaissaient très souvent leurs soins une fois à l’extérieur.

Surtout, cette amélioration générale de l’accès aux soins ne doit pas non plus masquer les difficultés particulières dans deux domaines : les soins psychiatriques et la prévention des suicides.

2. Les insuffisances de la prise en charge psychiatrique

Conformément aux règles d’organisation des soins en détention décrits précédemment, les soins psychiatriques aux personnes détenues relèvent du ministère chargé de la santé. Les personnes détenues souffrant de troubles mentaux sont prises en charge, pour les soins ambulatoires, soit par le secteur psychiatrique hospitalier dont dépend l’UCSA de l’établissement pénitentiaire soit par le service médico-psychologique régional (SMPR) spécialisé dans la psychiatrie et ayant une vocation de coordonnateur au sein de la région pénitentiaire. 26 SMPR sont situés dans l’enceinte d’établissements pénitentiaires.

Pour les soins en hospitalisation complète, ils sont assurés par le SMPR dans des lits d’hospitalisation au sein de l’établissement pénitentiaire lorsque les soins sont accomplis avec le consentement du malade. S’agissant des soins sans le consentement du malade en hospitalisation d’office, ils ont également lieu en milieu hospitalier, soit au sein du secteur psychiatrique habilité de l’hôpital de rattachement, soit en unité pour malades difficiles (UMD).

Même si ce dispositif a considérablement amélioré la prise en compte des pathologies et troubles mentaux, il se révèle encore nettement insuffisant du fait de l’ampleur des besoins en prison. Les difficultés sont nombreuses :

▪ Les capacités des SMPR pour accueillir les patients en hospitalisation complète sont insuffisantes, du fait du défaut de présence sanitaire ainsi que des difficultés d’accès aux établissements pénitentiaires durant la nuit.

▪ Les réticences des établissements de santé à recevoir des personnes détenues en hospitalisation d’office en l’absence de garde statique par les forces de l’ordre compliquent l’organisation d’hospitalisations psychiatriques qui seraient pourtant nécessaires.

▪ Les personnes détenues nécessitant des soins psychiatriques en hospitalisation complète, mais ne remplissant pas les critères d’une hospitalisation d’office, ne peuvent pas faire l’objet d’une hospitalisation à la demande d’un tiers.

▪ Les moyens alloués à la psychiatrie en détention sont globalement très insuffisants. Le nombre des psychiatres intervenant en établissement pénitentiaire est d’environ 200 ETPT, ce qui ne permet pas de répondre aux besoins de la population pénale.

▪ Enfin, d’une façon générale, l’évolution des méthodes en psychiatrie a consacré les services ouverts au détriment des services fermés, rendant plus difficile l’accueil des personnes détenues au regard de la sécurité et des risques d’évasion notamment. Cette évolution conduit souvent à des séjours plus courts et à un confinement de fait en chambre d’isolement, ce qui n’est pas sans affecter la qualité des soins.

Deux études (11) montrent l’évolution préoccupante de la santé mentale des personnes détenues et l’urgence d’améliorer la prise en charge psychiatrique. Ces études ont en effet établi que 14,8 % des personnes détenues déclarent avoir un traitement en cours par médicaments psychotropes. Parmi ces personnes, 4,5 % d’entre elles ont recours à des neuroleptiques contre 3,5 % en 1997 et 5,5 % consomment des antidépresseurs (4 % en 1997). La proportion d’entrants déclarant être suivis régulièrement par un psychiatre, un psychologue ou un infirmier psychiatrique s’établit à 9,1 % en 2003 contre 8,8 % en 1997. Par ailleurs, la proportion d’entrants déclarant avoir fait une tentative de suicide dans les 12 mois précédant leur incarcération atteint 5,9 % en 2003 – soit 1 entrant sur 17 – tandis que cette proportion dans la population générale des hommes de 15 à 44 ans est de 1 sur 375.

Par ailleurs, 28 % des détenus déclarent avoir subi des maltraitances de nature physique, psychologique ou sexuelle. 16 % ont été hospitalisés pour raisons psychiatriques avant leur incarcération. 3,8 % des détenus souffrent d’une schizophrénie nécessitant un traitement, soit environ 4 fois plus que dans la population générale. 17,9 % présentent un état dépressif majeur, soit 4 à 5 fois le taux en population générale et 12 % souffrent d’anxiété généralisée.

Votre rapporteure regrette que le suivi de l’évolution de l’état de santé mentale des personnes placées sous main de justice ne soit pas plus régulier, afin de pouvoir mieux comprendre une évolution que l’on peut empiriquement qualifier d’inquiétante.

Le plan « Santé mentale 2005-2008 » prend en compte la spécificité du milieu pénitentiaire et tend à permettre une amélioration de la prise en charge psychiatrique en détention. En amont d’éventuelles situations de crise, il prévoit de développer et de renforcer la compétence des différents professionnels afin de leur permettre le repérage, au plus tôt, des troubles psychiques des personnes détenues. Il tend également à renforcer la prise en charge psychiatrique en permettant une présence accrue de psychologues dans les équipes psychiatriques intervenant auprès des patients détenus dans le cadre général fixé par les orientations du plan psychiatrie et santé mentale. Des mesures concrètes devraient être prises en ce sens par le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports. Votre rapporteure se montrera très attentive à la mise en œuvre effective et rapide de ces mesures.

Au-delà, les ministres chargés de la santé et de la justice sont convenus d’améliorer les conditions d’hospitalisation à plein temps des patients détenus dans des unités d’hospitalisation spécialement aménagées (UHSA) au sein des hôpitaux. La programmation prévoit deux tranches : une première jusqu’en 2011 de 440 lits répartis sur 9 sites et la seconde à partir de 2010-2011, de 265 lits sur 6 sites. La première ouvrira à Lyon en 2009 et comprendra 60 places.

Sur un plan budgétaire, le coût de construction des UHSA sera supporté par les établissements de santé, les crédits étant versés par le ministère de la santé. La direction de l’administration pénitentiaire prendra à sa charge le coût de la sécurisation de ces structures, selon une répartition déterminée entre la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins et la direction de l’administration pénitentiaire.

L’ouverture prochaine des UHSA, ainsi que les mesures qui seront prises en application du plan « Santé mentale 2005-2008 », devraient contribuer à une amélioration de la prise en charge psychiatrique des personnes détenues. Dans le cadre de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale, votre rapporteure approfondira les difficultés de la prise en charge psychiatrique des personnes placées sous main de justice, et formulera des propositions concrètes pour poursuivre l’amélioration récemment engagée.

3. Les difficultés de la prévention des suicides

Plusieurs suicides ou tentatives de suicides survenus récemment dans des établissements pénitentiaires français ont mis en lumière la difficulté pour l’administration pénitentiaire de prévenir le suicide des détenus. Les politiques volontaristes et innovantes mises en œuvre depuis la fin des années 1990 ont permis d’inverser la tendance haussière quasi ininterrompue de 1990 à 2002. Alors que le taux de suicide pour 10 000 détenus avait atteint 24,4 en 1996, la mobilisation de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire avait permis de ramener ce taux à 15,2 en 2007, comme le montre le tableau ci-après :

Année

Nombre

Population carcérale
moyenne

Taux de suicidité
pour 10 000 détenus

1988

77

50 407

15,3

1989

62

47 232

13,1

1990

59

47 978

12,3

1991

67

50 783

13,2

1992

95

51 828

18,3

1993

101

52 288

19,3

1994

101

55 418

18,2

1995

107

55 988

19,1

1996

138

56 522

24,4

1997

125

56 008

22,3

1998

118

55 366

21,3

1999

125

55 247

22,6

2000

120

50 626

23,7

2001

104

48 318

21,5

2002

122

53 503

22,8

2003

120

58 574

20,5

2004

115

60 901

18,9

2005

122

59 791

20,4

2006

93

59 940

15,5

2007

96

63 268

15,2

Source : Direction de l’administration pénitentiaire

Dans son rapport remis en décembre 2003 (12), le professeur Jean-Louis Terra avait fixé un objectif de réduction du nombre de suicides de 20 % en 5 ans à compter de 2002. Cet objectif avait été atteint en 2007, puisque 96 suicides ont été comptabilisés au cours de cette année, soit une diminution de 21,31 % par rapport à 2002.

Toutefois, cette tendance générale à la baisse n’exclut pas, malheureusement, le risque de « vagues » de suicides causées au moins pour partie par l’exposition médiatique donnée à ces événements dramatiques. Selon les informations recueillies par votre rapporteure auprès de M. Claude d’Harcourt, le nombre de suicides en 2008 sera selon toute vraisemblance plus élevé qu’en 2007, en dépit de la poursuite de la politique de prévention poursuivie depuis plusieurs années, plusieurs « vagues » successives ayant limité les effets de cette politique de prévention.

Tout d’abord, afin d’affiner les statistiques disponibles sur le nombre de suicides et de tentatives de suicides, une procédure plus systématique de remontée des informations relatives aux incidents survenus dans les établissements pénitentiaires a été mise en place depuis le 1er janvier 2007 : des tableaux de bords électroniques sont désormais transmis mensuellement par chaque établissement à sa direction interrégionale de rattachement, qui les transmet à la Direction de l’administration pénitentiaire, alors qu’auparavant les remontées étaient effectuées sous format papier lorsque l’événement se produisait. Ces nouvelles modalités plus complètes de transmission des informations ont permis de dénombrer 1 417 tentatives de suicide pour l’année 2007, cette donnée étant toutefois à relativiser car il est difficile d’établir la part d’actes simulés visant à attirer l’attention de l’administration pénitentiaire.

Dès 1997, un plan d’action comportant des mesures d’application immédiate et un programme expérimental avait été lancé. Ce plan d’action, repris par la circulaire de 29 mai 1998 relative à la prévention du suicide dans les établissements pénitentiaires, mettait l’accent sur la nécessité de porter une attention particulière à l’accueil des personnes écrouées, l’importance du repérage précoce du risque suicidaire, les précautions à prendre lors des placements au quartier disciplinaire, l’intérêt de favoriser des échanges pluridisciplinaires, l’accueil des familles après un suicide et l’accompagnement nécessaire des personnels après un suicide.

Lors de sa visite à la MA de Nice, votre rapporteure a pu juger de la qualité du travail accompli par les personnels pénitentiaires pour prévenir les suicides en détention et de leur très grande implication sur ce sujet. Ainsi, une commission « prévention suicide » se réunit de façon hebdomadaire et examine la situation d’une soixantaine de détenus pouvant présenter un risque suicidaire, en distinguant trois catégories : les arrivants, les détenus ayant un risque suicidaire avéré et ceux présentant un comportement pouvant laisser supposer un risque suicidaire. Des échanges informels réguliers ont également lieu entre le SMPR et les chefs de détention pour signaler les difficultés de détenus. Compte tenu de la régularité de ces commissions et de la qualité des échanges informels, des progrès importants ont pu être réalisés sur la prévention des suicides. Toutefois, le docteur Yves Simchowicz, psychiatre du SMPR de Nice, a souligné la difficulté pratique des diagnostics de risque suicidaire, compte tenu du recours fréquent au chantage au suicide, notamment pour obtenir des changements d’affectation ou éviter des sanctions disciplinaires.

Par ailleurs, les affectations en cellule tiennent compte de ce risque suicidaire, les personnels pénitentiaires responsables de ces affectations s’efforçant de placer les détenus présentant un risque suicidaire avec un codétenu apte à assurer une certaine surveillance. Sur ce point, les personnels de la MA de Nice ont indiqué à votre rapporteure que la séparation des prévenus et des condamnés, qui se met progressivement en place dans toutes les MA, posait certaines difficultés pratiques pour les affectations en cellule des détenus, puisqu’elle réduit le « champ des possibles », tant sur le plan des espaces disponibles que sur celui du nombre de détenus susceptibles d’être placés dans la même cellule. Cette séparation des prévenus et des condamnés constitue évidemment une avancée très positive que votre rapporteure salue, notamment parce qu’elle permet de développer l’accès au téléphone pour les condamnés exécutant leur peine en MA ou attendant d’être affectés en établissement pour peines, et ainsi de préserver le maintien des liens familiaux. Il n’en demeure pas moins qu’elle crée de nouvelles contraintes susceptibles d’affecter l’efficacité de la prévention des suicides.

Tout en veillant au respect des mesures précitées, la direction de l’administration pénitentiaire a développé, en 2000 et 2001, de nouvelles actions destinées à parfaire le dispositif existant, en cohérence avec la « stratégie nationale d’actions face au suicide pour 2000-2005 » lancée le 19 septembre 2000 par le ministère de la santé. Entre autres mesures, une commission de suivi des cas individuels de suicide a été instituée depuis janvier 2001 à la direction de l’administration pénitentiaire. Cette instance a été confortée par la circulaire interministérielle du 26 avril 2002 sur la prévention des suicides en établissements pénitentiaires qui lui fixe un triple objectif : veiller au recensement exhaustif des décès par suicide, contrôler l’application des dispositions édictées en matière de prévention du suicide en repérant d’éventuels dysfonctionnements, et rechercher de nouveaux axes d’amélioration.

La circulaire interministérielle du 26 avril 2002 précitée a complété celle du 29 mai 1998 et réaffirmé le bien fondé des actions engagées en matière de repérage du risque suicidaire, de soutien aux personnes présentant ce risque et aux co-détenus et d’accompagnement des familles. Elle a en outre introduit un axe complémentaire : celui de la formation des personnels sur le suicide en détention.

Le 23 janvier 2003, le garde des Sceaux et le ministre de la santé avaient conjointement missionné le Professeur Jean-Louis Terra afin de conduire une évaluation des actions mises en oeuvre tant sur les plans quantitatif que qualitatif, dans le but de dégager des propositions destinées à compléter et à affiner le dispositif préexistant. À la suite des recommandations du Professeur Terra, un certain nombre d’orientations de travail ont été énoncées par les ministres de la justice et de la santé, définissant un programme de prévention du suicide des personnes détenues décliné en trois volets :

—  la formation des personnels pénitentiaires au repérage de la crise suicidaire en formation initiale et en formation continue ;

—  l’élaboration au plan local de procédures de détection de la crise suicidaire et le déploiement de plans de prévention ;

—  la réduction dans la conception des nouveaux établissements des moyens d’accès au suicide (par exemple en supprimant les « potences » soutenant les téléviseurs).

La formation a ainsi pu être notablement renforcée en matière de prévention du suicide, tant au niveau de la formation initiale et continue du personnel pénitentiaire que dans le cadre de formations pluridisciplinaires avec le personnel de santé au niveau régional. En juillet 2005, une note aux directeurs régionaux des services pénitentiaires a rappelé les axes de travail définis à la suite des conclusions du rapport rendu par le Professeur Terra.

En mai 2007, un nouvel outil d’évaluation du risque suicidaire des personnes détenues pour les arrivants en détention a été diffusé aux directeurs interrégionaux des services pénitentiaires. En novembre 2007, afin d’aider les professionnels dans leur action et d’améliorer la formation au repérage du risque suicidaire, le directeur de l’administration pénitentiaire a confié au Professeur Terra la mission de réaliser un film de fiction d’une vingtaine de minutes illustrant les étapes de la prévention du suicide au sein des établissements pénitentiaires, à partir de l’évaluation du potentiel suicidaire des arrivants. Ce film est un outil pédagogique supplémentaire visant à former ou à compléter les connaissances et les pratiques professionnelles acquises par les personnels pénitentiaires en poste ou en formation à l’ENAP, en matière de prévention du suicide. Le film est disponible depuis la fin du mois de septembre 2008.

Enfin, l’actualisation de la circulaire du 26 avril 2002 réalisée en partie par la refonte de l’outil d’évaluation du potentiel suicidaire en mai 2007, est poursuivie depuis le second semestre 2008, avec notamment l’élaboration d’un protocole de suivi des détenus mineurs en matière d’évaluation du risque suicidaire et des comportements à risques. Ce travail se fait naturellement en lien avec la définition de la nouvelle stratégie nationale de prévention du suicide lancée le 30 juin dernier par l’installation par Mme la ministre de la santé du comité de pilotage présidé par M. David Le Breton, qui doit rendre ses conclusions en décembre 2008.

Votre rapporteure tient donc à souligner l’importance et la qualité des efforts déjà entrepris par l’administration pénitentiaire en matière de prévention des suicides, tout en estimant indispensable la poursuite et l’approfondissement de cette politique.

C. LES PREMIERS MOIS D’ACTIVITÉ DU CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a été institué par la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007. Les conditions, notamment matérielles de son intervention, ont été précisées par le décret n° 2008-246 du 12 mars 2008 relatif au Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le premier Contrôleur général, M. Jean-Marie Delarue, a été nommé le 11 juin dernier, après que les commissions des Lois de l’Assemblée nationale et du Sénat eurent émis un avis favorable à sa nomination.

En application de l’article 1er de la loi du 30 octobre 2007, « le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante, est chargé, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou juridictionnelles, de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux ». Sa compétence s’étend sur les 195 établissements pénitentiaires français relevant de l’administration pénitentiaire ainsi que sur les 28 centres éducatifs fermés relevant – directement ou indirectement – de la protection judiciaire de la jeunesse, dont les crédits pour 2009 font l’objet du présent avis. Mais la compétence du Contrôleur général s’étend aussi sur près de 5 400 autres lieux de détention, parmi lesquels une centaine de zones d’attente, une centaine de locaux de rétention administrative, 25 centres de rétention administrative, 4 000 locaux de garde à vue et 1 000 établissements ou secteurs hospitaliers psychiatriques.

C’est en raison de cette grande variété des lieux pouvant faire l’objet d’un contrôle du Contrôleur général, ainsi que de sa qualité d’autorité indépendante, que les crédits de cette institution sont rattachés à la mission « Direction de l’action du Gouvernement » au sein du programme « Coordination du travail gouvernemental » (13). Cependant, bien que les crédits du Contrôleur général ne soient pas, fort logiquement, rattachés à la mission « Justice », votre rapporteure a souhaité entendre M. Jean-Marie Delarue afin de dresser un bilan des premiers mois de fonctionnement de cette nouvelle et très attendue institution, dont les compétences l’amèneront à visiter fréquemment des lieux de privation de liberté relevant de l’administration pénitentiaire ou de la protection judiciaire de la jeunesse.

Les crédits ouverts pour le Contrôleur général en LFI pour 2008, année de mise en route de l’institution qui ne l’aura vu fonctionner que durant le second semestre, s’élevaient à 2,5 millions d’euros tant en AE qu’en CP. Les crédits demandés pour 2009, qui sera la première année pleine du Contrôleur général, s’élèvent en AE et en CP à 3,2 millions d’euros. Ces crédits doivent permettre au Contrôleur général de réaliser les recrutements nécessaires à son action et d’exercer la mission que lui a confiée la loi du 30 octobre 2007.

1. Des recrutements réalisés ou en cours à hauteur des crédits ouverts

La loi du 30 octobre 2007 offre au Contrôleur Général la possibilité de recruter des contrôleurs exerçant leurs fonctions de façon continue ou intermittente.

Par décision du 2 septembre 2008, le Contrôleur Général a nommé 12 contrôleurs à temps plein au titre de l’article 2 du décret du 12 mars 2008 précité. Néanmoins, l’un des contrôleurs n’occupera ses fonctions que de façon intermittente jusqu’au mois de mai 2009, date de sa mise en retraite. À compter de cette date, il exercera ses fonctions de façon continue. Par ailleurs, trois collaborateurs ont été nommés pour assurer les fonctions de directeur des services, de directeur financier et de secrétaire. Deux recrutements supplémentaires sont en cours : une assistante qui prendra ses fonctions à compter du 16 octobre et un secrétaire général dont la procédure de détachement est en cours.

Ces postes ont été ou seront prochainement pourvus, selon une orientation résolument pluridisciplinaire et en privilégiant les expériences d’inspection et de connaissance de la détention, de la rétention ou de l’hospitalisation psychiatrique. Ont ainsi été recrutés deux médecins, deux magistrats, un commissaire de police, un officier de gendarmerie, deux personnels des services pénitentiaires, un directeur de services d’insertion et de probation, deux membres d’associations et un directeur d’établissement hospitalier à la retraite.

S’agissant des recrutements de contrôleurs « intermittents », 9 contrôleurs ont été nommés par décision en date du 2 septembre 2008 au titre de l’article 3 du décret du 12 mars 2008 précité. Le recrutement d’un dixième contrôleur exerçant des fonctions de médecin est en cours afin de permettre la mise en place d’une quatrième équipe de contrôle.

Le plafond d’emplois du contrôle général fixé dans la LFI pour 2008 à 18 ETPT et à 10 emplois intermittents sera donc atteint à la fin de l’année 2008, signe que l’action du Contrôleur général va pouvoir prendre son plein essor en 2009. Votre rapporteure tient à souligner la diligence et le professionnalisme avec lesquels cette autorité s’est installée et a commencé son action, quelques semaines seulement après sa nomination.

2. Les premiers mois d’activité du Contrôleur général

a) Les saisines adressées au Contrôleur Général

Depuis sa nomination le 13 juin 2008, le Contrôleur Général a été saisi 70 fois, le plus souvent par des personnes privées de liberté ou leur avocat (52 saisines). Il a également reçu 8 saisines de membres de la famille de personnes privées de liberté, 5 saisines de particuliers, 4 saisines d’associations et une saisine d’un parlementaire.

Le Contrôleur général a, par ailleurs, saisi d’initiative les autorités publiques à trois reprises afin d’obtenir un rapport circonstancié, à l’occasion de l’incendie du centre de rétention administrative de Vincennes le 22 juin 2008, de la prise d’otages à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis le 1er septembre 2008 et du meurtre d’un détenu survenu le 10 septembre 2008 à la maison d’arrêt de Rouen.

Les suites apportées par le Contrôleur général à ces saisines ont été les suivantes :

—  Dans 26 cas, le Contrôleur général a indiqué à la personne à l’origine de sa saisine que les informations portées à sa connaissance seraient prises en considération lors des visites menées au sein de l’établissement dans lequel elles sont détenues ou retenues ainsi qu’au sein des établissements de même nature ;

—  Dans 12 cas, le Contrôleur général a adressé des courriers d’incompétence motivés le plus souvent par le fait qu’il ne lui appartient pas se prononcer sur le bien-fondé d’une décision judiciaire ou d’intervenir dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours ;

—  8 saisines ont été classées sans suite parce que le motif de saisine était indéterminé.

—  23 saisines ont donné lieu à une enquête individuelle auprès du chef d’établissement, du directeur régional des services d’insertion et de probation ou de l’administration centrale afin qu’ils puissent faire valoir leur point de vue sur la situation décrite par la personne privée de liberté. 8 réponses ont été apportées à bref délai par les autorités interrogées, tandis que deux auteurs de saisine ont informé le Contrôleur général que leur situation était réglée. À l’issue de cet échange contradictoire, 11 dossiers ont été classés sur la foi des documents produits par les autorités concernées. Actuellement, un seul dossier donne encore lieu à des investigations complémentaires.

Comme l’a fait remarquer M. Jean-Marie Delarue lors de son audition par votre rapporteure, l’absence de localisation définitive des bureaux du Contrôleur général ne lui a sans doute pas permis de connaître le démarrage d’activité que l’on aurait pu attendre : d’une part, il est impossible de mettre en place un dispositif de communication à destination de la population concernée, d’autre part, plusieurs courriers semblent avoir été adressés via une autre institution et n’être jamais parvenus jusqu’au Contrôleur général. En conséquence, votre rapporteure insiste sur l’urgence à ce que des locaux définitifs soient affectés au Contrôleur Général et qu’un site Internet soit développé dans les meilleurs délais, afin de faciliter les saisines.

b) Les visites programmées

Lors de son audition devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale le 4 juin 2008, M. Jean-Marie Delarue avait indiqué se fixer un objectif de 150 visites annuelles. Cependant, il a indiqué à votre rapporteure s’interroger sur la question de savoir si cet objectif initial n’avait pas été trop ambitieux, compte tenu de la nécessité de consacrer plusieurs jours à la préparation de chaque visite, à la visite elle-même et aux suites à lui donner. En outre, les moyens budgétaires prévus pour ces visites à hauteur de 530 000 euros dans le PLF pour 2009 lui semblent insuffisants pour diligenter des visites sur l’ensemble du territoire et notamment dans les départements et collectivités d’outre-mer.

La première visite du Contrôleur général a eu lieu le 8 juillet 2008. Les contrôleurs ayant été nommés le 2 septembre 2008, les visites suivantes ont débuté à compter du 15 septembre après une phase préparatoire au cours de laquelle une méthodologie de contrôle et des règles de déontologie ont été définies. Trois équipes de quatre contrôleurs sont mobilisées par quinzaine. Durant cette période, elles effectuent trois visites dans des établissements différents par leur taille et leur nature (maison d’arrêt, centre hospitalier spécialisé, centre de rétention pour étrangers…). À la fin du mois d’octobre 2008, 20 visites auront été effectuées dans toutes les catégories d’établissements relevant du champ d’application de la loi du 30 octobre 2008, à l’exception des locaux de douane et des centres éducatifs fermés, dont les adresses ont été fournies plus tardivement.

M. Jean-Marie Delarue a indiqué à votre rapporteure que ces premières visites avaient porté sur toutes les catégories d’établissements, de préférence dans des établissements « qui ne font pas parler d’eux » et répartis sur toutes les zones du territoire national, avec l’objectif de sensibiliser toutes les administrations et tous les responsables d’établissements concernés à l’éventualité permanente d’un contrôle. Les visites ont jusqu’ici été réalisées après information préalable des responsables d’établissements, avec le souci de faire connaître les fonctions exercées par le Contrôleur général et de permettre des premières visites immédiatement efficaces, mais le Contrôleur général a indiqué ne pas exclure au cas par cas des visites inopinées.

La méthodologie que le Contrôleur général et ses équipes ont décidé de mettre en place prévoit que chaque visite donne lieu à la rédaction d’un prérapport factuel adressé au responsable de l’établissement visité dans les semaines suivant la visite. Celui-ci est invité à formuler ses observations sur les faits observés dans l’établissement dont il assume la direction. Après réception et prise en compte éventuelle de ces observations, un rapport est adressé au ministre de tutelle. À l’issue de ces échanges, des recommandations de caractère général sont formulées. Le Contrôleur général a fait savoir à votre rapporteure qu’il utiliserait la possibilité ouverte par la loi du 30 octobre 2007 de rendre ses observations publiques lorsqu’un blocage ou une difficulté particuliers le justifieraient.

En conclusion, les premiers mois d’activité du Contrôleur général sont jugés encourageants par votre rapporteure, qui souhaite toutefois que des moyens budgétaires à la hauteur de l’importance et de l’ampleur de la tâche confiée à ce Contrôleur général puissent être prévus pour 2009 et les années suivantes.

II. — LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du ministère de la Justice concourt à la préparation – par ses missions d’investigation et de permanence auprès des tribunaux pour enfants – et à l’exécution des décisions prises par les juridictions pour mineurs, au pénal comme au civil. Ces décisions, qui sont mises en œuvre par le secteur public et le secteur associatif habilité, soit en milieu ouvert, soit dans des structures d’hébergement, concernent des mineurs délinquants (dont les crédits figurent à l’action 01 du programme « Protection judiciaire de la jeunesse »), des mineurs en danger et des jeunes majeurs (dont les crédits sont regroupés dans l’action 02 de ce programme).

Le projet de budget pour 2009 du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » est marqué par le début de mise en œuvre du projet stratégique national de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), dont la principale caractéristique est le recentrage de l’action de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants.

A. UN BUDGET DONNANT A LA PJJ LES MOYENS DU RECENTRAGE DE SON ACTION SUR LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

1. Des crédits concentrés sur la prise en charge des mineurs délinquants

La progression de la délinquance des mineurs et, surtout, de la part des mineurs dans le nombre total de faits délictueux ou correctionnels commis en France, a rendu nécessaire une action vigoureuse et déterminée de l’État afin de répondre à cette évolution préoccupante. Ainsi, en 2007, 213 000 mineurs ont été mis en cause par les services de police ou de gendarmerie pour des infractions, représentant 18 % des 1,2 million de personnes identifiées comme auteurs présumés d’infractions. Parmi ces 213 000 auteurs présumés, 53 000 n’ont pas été poursuivis, en raison de preuves insuffisantes ou d’un classement sans suite. Parmi les 160 000 mineurs restants, la moitié a fait l’objet de procédures alternatives aux poursuites (rappels à la loi, médiation ou réparation pénale…), tandis que l’autre moitié a fait l’objet de poursuites. Parmi ces 79 000 mineurs poursuivis, 69 000 mineurs ont fait l’objet d’une mesure de milieu ouvert, 4 500 d’une mesure de placement en dehors de leur famille, 2 000 d’une décision de placement dans un centre éducatif renforcé (CER) ou fermé (CEF). 3 500 mineurs, enfin, ont été incarcérés en 2007.

Ces chiffres attestent de l’importance du phénomène de la délinquance des mineurs et de la nécessité d’y apporter une réponse rapide, efficace et coordonnée. Or, pendant longtemps, la prise en charge des mineurs délinquants a pâti de la dispersion des moyens de la PJJ entre les mineurs délinquants et les mineurs en danger, ainsi que de la confusion des genres et du mélange des populations dans des mêmes lieux d’hébergement. Comme l’a fait remarquer M. Philippe-Pierre Cabourdin, directeur de la PJJ, lors de son audition par votre rapporteure, un mineur délinquant est certes un mineur en danger, mais à la différence d’un mineur n’ayant pas commis d’acte de délinquance et dont la situation personnelle et familiale justifie la mise en œuvre d’une mesure de protection, il a franchi la limite des règles de la vie en société par l’acte délictueux ou criminel qu’il a commis. Votre rapporteure, qui depuis plusieurs années appelle de ses vœux la séparation des profils au sein des établissements de la PJJ, partage pleinement cette analyse. Dès lors, la loi du 5 mars 2007 précitée a rétabli la logique en confiant la responsabilité principale des mesures de protection, qu’elles soient administratives ou judiciaires, au conseil général, permettant à la PJJ de se concentrer sur son cœur de métier en tant qu’institution de l’État : la prise en charge des mineurs délinquants.

La ventilation des crédits détaillés dans les tableaux ci-dessous illustre ce recentrage de l’action de la protection judiciaire de la jeunesse sur la prise en charge des mineurs délinquants.

EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2007

Crédits consommés en 2007

Crédits votés en LFI pour 2008

Crédits demandés pour 2009

Évolution 2008-2009

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants (Action 01)

403

369

432

490

+ 13,43 %

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs (Action 02)

277

217

256

146

- 42,97 %

Soutien (Action 03)

104

157

143

109

- 23,78 %

Formation (Centre national de formation et d’études, devenu École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse en 2008) (Action 04)

32

28

33

39

+ 18,18 %

Total

816

771

864

784

- 9,26 %

En millions d’euros

EN CRÉDITS DE PAIEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2007

Crédits consommés en 2007

Crédits votés en LFI pour 2008

Crédits demandés pour 2009

Évolution 2008-2009

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants (Action 01)

389

358

417

490

+ 17,51 %

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs (Action 02)

264

210

244

146

- 40,16 %

Soutien (Action 03)

101

154

103

111

+ 7,77 %

Formation (Centre national de formation et d’études, devenu École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse en 2008) (Action 04)

41

43

40

39

- 2,50 %

Total

795

765

804

786

- 2,24 %

En millions d’euros

Si les crédits de l’ensemble du programme sont en baisse de 9,26 % en AE et de 2,24 % en CP, les crédits consacrés à l’action n° 01 correspondant à la prise en charge des mineurs délinquants sont quant à eux en hausse de 13,43 % en AE et de 17,51 % en CP. La part des crédits consacrés à la prise en charge des mineurs délinquants, qui était de 50 % en 2008, passe à 62,5 % en 2009, tandis que la part des crédits affectés aux mineurs en danger et aux jeunes majeurs passe de 29,7 % à 18,6 %.

Lors de son audition par votre rapporteure, Mme Catherine Sultan, présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille a fait part de son inquiétude sur cette évolution des missions de la PJJ et de ses craintes que, à terme, la PJJ n’effectue plus aucune prise en charge de mesures civiles. Elle a indiqué qu’elle estimait nécessaire que 10 à 15 % de l’activité des services de la PJJ soient consacrés à des mesures civiles, notamment afin de permettre la poursuite dans un cadre civil et par une même équipe du suivi d’un jeune commencé dans le cadre pénal. Votre rapporteure partage cette préoccupation et estime que la PJJ doit pouvoir continuer à prendre en charge un certain nombre de mesures civiles, lorsque des circonstances particulières le justifient. Elle constate d’ailleurs que tel est le cas de l’orientation retenue par la PJJ, qui consiste en un recentrage des missions sur les mesures pénales et non en une concentration exclusive des moyens sur ces mesures.

Ces crédits permettront le financement des quatre priorités de la PJJ pour 2008, définies lors des deuxième et troisième conseils de modernisation des politiques publiques :

—  La conception de normes et de cadres d’organisation de la justice des mineurs qui conjuguent la contrainte judiciaire et l’objectif d’insertion sociale.

Le rôle et l’efficacité de la DPJJ dans la rédaction des textes concernant les mineurs et le fonctionnement général de la justice des mineurs seront accrus, par la création au sein de la DPJJ d’une cellule spécialisée dans l’élaboration des textes. Ce renforcement de la capacité normative de la PJJ apparaît essentiel alors que la rédaction de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante devrait faire l’objet à partir de 2009 d’une révision complète, à la suite des travaux de la commission présidée par M. le recteur André Varinard.

—  L’objectif de garantir à l’autorité judiciaire, directement ou par le secteur associatif habilité, une aide aux décisions qui soit à la mesure des responsabilités en jeu et des délais requis.

Cette action portera aussi bien sur la connaissance de la personnalité et de l’environnement du mineur que sur la proposition de mesures adaptées à chaque jeune et à chaque stade de son parcours en fonction de toutes les possibilités disponibles.

—  L’amélioration de la qualité de la prise en charge des mineurs sous main de justice dans les services et établissements de l’État.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a conforté le président du conseil général dans son rôle de prévention primaire et administrative de la délinquance, en en faisant le pivot de la politique de protection de l’enfance sur le département. En contrepoint de cette évolution, le secteur public de la PJJ va désormais concentrer son action sur les mineurs délinquants, conformément à sa vocation historique. À cette fin, la PJJ a entrepris dès 2008 de donner la priorité à la prise en charge des mineurs au pénal par les services publics de la PJJ. Par ailleurs, les services de la PJJ font actuellement l’objet d’une réorganisation, par la mise en œuvre du décret de structuration juridique des services du 6 novembre 2007. En outre, les modalités de prise en charge des mineurs seront rénovées et les délais de prise en charge réduits.

—  La mise en place d’audits de l’action de la PJJ, afin de garantir à l’autorité judiciaire la qualité de l’aide aux décisions et de la prise en charge dans les services publics ou associatifs habilités par la DPJJ.

Dans le secteur associatif, l’objectif poursuivi sera de passer dans un premier temps à un contrôle tous les 5 ans, c’est-à-dire un par période d’habilitation. Un contrôle conjoint sera systématiquement proposé aux conseils généraux lorsque le service concerné aura la double habilitation. Dans les services publics de la DPJJ, la démarche de contrôle et d’évaluation sera également systématisée. À compter de 2009, des auditeurs seront chargés sur l’ensemble du territoire national de réaliser des audits pour chaque établissement et service, contrôlés au moins une fois sur une période d’habilitation, ou au minimum tous les 5 ans, afin de mieux gérer ou d’anticiper les situations de crise et d’optimiser les moyens mis en œuvre. Les auditeurs auront également pour mission d’identifier et de capitaliser les bonnes pratiques, ainsi que de diffuser l’information entre les structures éducatives. Enfin, ils devront fournir une information actualisée et accessible aux magistrats sur le projet pédagogique de chaque établissement et service, sur le profil des jeunes pouvant y être accueillis, ainsi que sur les capacités et les disponibilités de prise en charge.

À terme, la PJJ va redéployer une centaine de ses cadres dans les fonctions d’audit. Pour garantir une mise en fonction efficace, la DPJJ a prévu une « formation/action » aux techniques communes à la pratique de l’audit d’une durée de cinq mois pour une quarantaine d’auditeurs. Cette « formation/action » qui sera reconduite en 2009, a pour objectif de permettre aux auditeurs de mettre en pratique la démarche d’audit, de capitaliser sur l’expérience de la pratique professionnelle et de créer une dynamique de réseau lorsqu’ils seront sur le terrain en situation réelle.

Votre rapporteure ne peut que se féliciter du développement d’une force d’audit, qui permettra non seulement de garantir que les prises en charge de la PJJ sont conformes à ses missions, mais aussi de diffuser les bonnes pratiques. À de nombreuses reprises, votre rapporteure a en effet déploré que des initiatives locales dont l’expérience de terrain a montré la pertinence et l’efficacité ne soient pas évaluées de façon systématique en vue de permettre leur extension à d’autres structures. Ainsi, lors de sa visite de la consultation familiale de la PJJ de Paris, elle a constaté avec un certain étonnement que les méthodes d’intervention de cette structure, qui existe pourtant depuis près de trente ans, n’aient pas été évaluées et développées dans d’autres régions (14).

2. Un nombre d’ETPT en légère diminution pour une optimisation des ressources humaines de la PJJ

a) Le plafond d’autorisations d’emplois est en légère diminution par rapport à 2008

Le plafond d’autorisation d’emplois pour le programme PJJ en 2009 s’élève à 8 951 ETPT, contre 9 027 en 2008. Le tableau ci-après décrit l’évolution de la répartition par action de ce plafond global.

Action

Plafond d’ETPT ouverts en LFI pour 2008

Plafond d’ETPT demandé pour 2009

Évolution 2008/2009

Action 01 : Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants

4 774

5 592

+ 17,13 %

Action 02 : Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs

2 051

1 060

- 48,32 %

Action 03 : Soutien

1 623

1 636

+ 0,80 %

Action 04 : Formation

579

663

+14,51 %

TOTAL

9 027

8 951

- 0,84 %

Cette évolution des effectifs par action est la traduction fidèle des orientations prises par la PJJ dans le cadre du recentrage de son action sur la prise en charge des mineurs délinquants. Ainsi, le nombre d’ETPT consacré à l’action n° 01 croît de 17,13 %, tandis que l’action n° 02 décroît de 48,32 %, essentiellement du fait de la diminution, déjà engagée depuis plusieurs années, de l’activité consacrée à la protection des jeunes majeurs. Les dépenses consacrées à ce volet des mesures civiles sont en effet passées de 100 millions d’euros en 2005 à 50 millions en 2008 et à 10 millions en 2009.

Lors de son audition par votre rapporteure, Mme Catherine Sultan a indiqué craindre des baisses significatives d’effectifs de la PJJ consécutives au recentrage de ses missions sur les mesures pénales. Au contraire, votre rapporteure constate et se félicite que les effectifs de la PJJ restent, dans un contexte budgétaire pourtant difficile, globalement stables, avec une diminution limitée à 76 ETPT. Surtout, cette diminution des effectifs résulte essentiellement des gains de productivité administrative permis par la réorganisation territoriale de la PJJ, les effectifs des personnels de l’insertion et de l’éducation progressant de 291 ETPT.

En effet, la répartition des emplois par corps montre une nette augmentation de la part de la catégorie « B : métiers du greffe, de l’insertion et de l’éducatif ». Cette évolution, amorcée depuis 2006, tend à faire de la catégorie des éducateurs, dont la fonction constitue le cœur de métier de la PJJ, la catégorie la plus représentée au sein de la PJJ, et même très nettement désormais. Cette évolution apparaît logique, le nombre des éducateurs augmentant directement avec l’activité de celle-ci : en 2006, la part de cette catégorie d’emplois représentait 43,5 % de l’ensemble des personnels, elle en représentera près de la moitié, soit 49,4 %, en 2009.

Corps

ETPT en 2008

ETPT en 2009

Évolution 2008/2009

Magistrats

10

14

+ 4

Personnel d’encadrement (15)

2 435

2 444

+ 9

Personnels du greffe, de l’insertion et de l’éducatif (16)

4 136

4 426

+ 291

Personnels administratifs et techniques (B)

382

382

0

Personnels administratifs et techniques (C) (17)

2 064

1 685

- 380

TOTAL

9 027

8 951

- 76

Enfin, cette évolution des effectifs montre également l’accent mis sur le contrôle de la qualité des prestations des établissements et services de la PJJ qui sera effectif à compter de 2009, ainsi que l’effort consenti pour la formation. L’action n° 03 « soutien » connaît une légère augmentation, les emplois gagnés grâce à la réorganisation territoriale des directions régionales de la PJJ (18) ayant été réaffectés sur les missions d’audit que la PJJ va engager à compter de 2009. Enfin, les ETPT affectés à l’École nationale de la PJJ, qui a remplacé l’ancien Centre national de formation des éducateurs de Vaucresson et a ouvert ses portes à Roubaix en septembre 2008, sont en progression de 14,51 %, traduisant l’importance accordée par la PJJ à la formation de ses personnels et l’augmentation des effectifs des promotions.

b) Un effort louable de diversification des recrutements et de promotion interne

Votre rapporteure tient à saluer les efforts accomplis par la protection judiciaire de la jeunesse pour diversifier ses recrutements et pour mettre en place une politique efficace et valorisante de promotion interne.

Sur le plan de la diversification des profils recrutés, les concours sur titres et de « 3ème voie » ont permis de réels progrès. En effet, le profil des candidats issus des concours sur épreuves évolue peu d’une année sur l’autre, comme le révèle le tableau ci-après. Depuis plusieurs années, la majorité des directeurs ont suivi un cursus juridique et les éducateurs reçus, pour la plupart, une formation juridique ou en sciences de l’éducation. Plus récemment, on a toutefois pu constater une augmentation du nombre de candidats admis diplômés de filières littéraires et sportives.

FILIÈRES D’ÉTUDES DES LAURÉATS DES CONCOURS EXTERNES
AU TITRE DES ANNÉES 2006, 2007 ET 2008

Filières

2006

2007

2008

Directeurs

Éducateurs

Directeurs

Éducateurs

Directeurs

Éducateurs

Juridique

82 %

24 %

70 %

25 %

80 %

24 %

Éducative

 

26 %

 

25 %

 

13 %

Sportive

 

20 %

 

11 %

 

22 %

Littéraire

 

8 %

 

14 %

 

14 %

Source : Direction de la protection judiciaire de la jeunesse

Afin de sensibiliser le public le plus large possible au métier d’éducateur, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a entrepris un important travail de renouvellement de ses supports publicitaires. En 2009, elle disposera de stands dans les forums métiers ou les salons professionnels afin de se faire mieux connaître des étudiants et futurs professionnels qui se destinent aux carrières médico-sociales et éducatives. L’effort de publicité et de prospection déjà entrepris doit être accentué, notamment en direction des filières de formation STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) et poursuivi auprès des écoles de formation au travail social et plus largement dans le champ du travail social. Une nouvelle campagne de publicité accompagnera les concours ouverts au titre de l’année 2009.

La diversification des profils recherchée pour les recrutements des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse passe également par une diversification des profils sociaux. C’est pour cette raison que, à la demande de Mme la Garde des Sceaux, l’ENPJJ a mis en place depuis la rentrée 2008 une classe préparatoire intégrée chargée de préparer aux épreuves du prochain concours d’éducateur externe, prévu en mars 2009, 25 jeunes de milieux socialement ou géographiquement défavorisés remplissant les conditions pour s’inscrire.

Votre rapporteure tient également à souligner les importants efforts de promotion interne accomplis par la PJJ, qui, au même titre que la diversification des recrutements, permettront une meilleure adéquation des personnels aux besoins de l’institution. Ainsi, en 2008, l’inscription sur liste d’aptitude, dans la proportion de 20 % des nominations et détachements intervenus pendant l’année, a accru le nombre d’agents intégrant le corps des éducateurs. En application de ces nouvelles dispositions, 32 agents techniques d’éducation et adjoints techniques ont intégré le corps des éducateurs. Par ailleurs, un décret du 30 avril 2007 (19) a également prévu la possibilité d’organiser des recrutements, via un examen professionnel, pour les agents de catégorie C de la filière éducative ou technique. En 2008, 107 agents sur 137 inscrits ont été reçus. Après un bilan professionnel réalisé par l’ENPJJ, ils suivront une formation adaptée d’un an. Au terme de celle-ci ils seront évalués en vue de leur titularisation. Ces modalités de recrutement seront reconduites jusqu’à l’extinction du corps des adjoints techniques d’éducation prévue en 2011.

Ces efforts de diversification et de promotion interne sont salués par votre rapporteure comme un gage d’ouverture de la PJJ sur la société et de mise en œuvre de la rénovation de ses méthodes.

c) La réorganisation fonctionnelle et territoriale de la PJJ a permis une optimisation de la gestion des ressources humaines

Les réformes entreprises par la PJJ en vue de réformer et de rendre plus efficace son organisation fonctionnelle et territoriale ont permis une incontestable optimisation de la gestion des ressources humaines, qui avait été très critiquée par la Cour des comptes dans son rapport public annuel pour 2003.

S’agissant de son organisation territoriale, la PJJ a accentué sa démarche de mutualisation des moyens du secteur public au niveau interdépartemental. Il existe aujourd’hui dix directions interdépartementales (Corse-du-Sud et Haute-Corse ; Cher et Indre ; Haute-Vienne et Creuse ; Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes ; Dordogne et Lot-et-Garonne ; Lozère et Gard, Lot et Aveyron ; Landes et Pyrénées-Atlantiques, Indre-et-Loire et Loir-et-Cher, Haute-Garonne et Ariège). D’autres projets d’interdépartementalité sont également en cours d’étude.

En 2007, une rationalisation de l’organisation des directions régionales de la PJJ a été décidée. Cette évolution a été formalisée par le conseil de modernisation des politiques publiques de décembre 2007. Cette réforme qui retient 9 régions dont les périmètres sont communs avec ceux des directions interrégionales de l’administration pénitentiaire, va conduire à la création en janvier 2009 d’interrégions de taille significative. Cette réforme de grande ampleur permettra une meilleure allocation des ressources en gestion : dès 2009, la PJJ comptera 9 BOP au lieu de 15, qui disposeront d’un volume suffisant pour faciliter la fongibilité et l’exercice de la responsabilité introduits par la LOLF. Cette mise en place des directions interrégionales permettra également la mise en œuvre effective des audits de tous les services et établissements exécutant des mesures de protection judiciaire de la jeunesse, qui constitue l’une des priorités de la politique de la PJJ pour 2009.

Pour répondre à la recommandation de réduire l’émiettement excessif des établissements publics, de préciser leurs missions et leur statut juridique afin que les juges puissent être en mesure de tenir compte, dans une même région, des charges respectives du secteur public ou du secteur privé pour déterminer le service auquel doit être confié un mineur, la PJJ a adopté plusieurs instruments tendant à rationaliser l’organisation et le fonctionnement des structures d’hébergement ou de placement. Ainsi, le décret n° 2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse et de sa circulaire d’application a permis de cadrer les règles de création et d’organisation de ces structures pour une meilleure adaptation aux besoins territoriaux de la justice des mineurs. Un référentiel des métiers et des compétences a également été publié en 2008, avec l’objectif de mieux encadrer l’action des personnels éducatifs de la PJJ. Enfin, ont été rédigés des cahiers des charges ou notes d’orientation pour chaque type de structure ou de prise en charge (placement collectif, activités d’insertion…) afin de permettre aux magistrats prescripteurs des mesures de connaître précisément l’objet et le fonctionnement des différentes structures ou mesures.

Enfin, l’administration centrale a également fait l’objet d’une réorganisation. En 2006, deux arrêtés de réorganisation des services centraux de la DPJJ publiés au Journal officiel du 10 août 2006 ont redistribué l’organisation interne de la DPJJ par la création d’un bureau de chargé des relations entre l’ensemble des acteurs de la PJJ et unifié les structures de gestion financière des deux secteurs publics et associatifs. Deux directions de projet sont en cours de création pour accompagner, d’une part, la mise en œuvre du nouveau plan stratégique national de la direction et, d’autre part, la réforme de l’organisation territoriale et la clarification de la répartition des compétences entre les échelons régionaux et départementaux, notamment en matière d’habilitation du secteur associatif.

Ces différentes mesures attestent de l’important effort de modernisation accompli par la PJJ en quelques années, que votre rapporteure tient à souligner.

c) Des mesures statutaires et indemnitaires justifiées par l’évolution des missions et la réorganisation territoriale de la PJJ

Plusieurs réformes statutaires et indemnitaires ont été menées au cours de l’année 2008 ou sont en cours, avec pour finalité d’accompagner et de faciliter la mise en œuvre des nouvelles orientations et de la nouvelle organisation de la PJJ.

—  En 2008, des réformes importantes accomplies

▪ Réforme du statut des agents techniques d’éducation (ATE)

Un plan d’intégration sur quatre ans des agents techniques d’éducation dans le corps des éducateurs a été initié en 2007. Compte tenu de la nature de leurs fonctions auprès des jeunes pris en charge (assurer la surveillance de nuit, la continuité de l’action éducative et la sécurité dans les hébergements), l’administration a souhaité valoriser leur situation statutaire en leur offrant la possibilité d’accéder à un corps relevant de la catégorie B.

Cette intégration a été facilitée notamment par l’augmentation substantielle de la promotion interne prévue par les accords de la fonction publique dits « Jacob » signés en janvier 2006. Le taux maximal réservé à la promotion interne dans le corps des éducateurs passe de 1/12ème des nominations par concours et détachements dans le corps à 40 %. En s’appuyant sur l’augmentation significative du taux de promotion interne par la voie de la liste d’aptitude des ATE dans le corps des éducateurs, l’objectif poursuivi est d’éteindre le corps des ATE d’ici 2010.

À titre transitoire, pour les années 2008 à 2010, il est prévu de réduire la durée de services publics exigée de 10 à 7 ans. De plus, il est désormais proposé aux ATE d’accéder également au corps des éducateurs par la voie de l’examen professionnel leur permettant ainsi de bénéficier plus rapidement de cette intégration. Ainsi, au mois de juin 2008, 186 agents sur un effectif réel de 330 ATE en janvier 2007 ont pu accéder au corps des éducateurs, 113 par la voie de la liste d’aptitude et 73 par la voie de l’examen professionnel. Ces agents, actuellement en formation, ont vocation à être titularisés à l’issue de leur période de stage.

▪ Extension de la prime d’encadrement éducatif de nuit à tous les agents assurant la prise en charge éducative de nuit et revalorisation des montants réglementaires

Dans le cadre de l’intégration progressive des agents techniques d’éducation (ATE) dans le corps des éducateurs et de l’extinction du corps des ATE à l’horizon 2010-2011, l’extension de la prise en charge éducative de nuit au corps des éducateurs nécessite de réviser le dispositif indemnitaire spécifique existant.

À compter du second semestre 2008, la généralisation de la participation des éducateurs PJJ à la prise en charge éducative pendant la nuit s’accompagne d’une revalorisation de 30 % des montants versés au titre de cette sujétion. Ces montants sont respectivement de 15 euros par nuit pour le montant de base (prise en charge éducative entre 21 heures et 6 heures pendant au moins six heures consécutives) et de 20 euros par nuit pour le montant majoré (nuit qui précède ou qui suit un dimanche ou jour férié). En 2008, le coût de la mesure est estimé à 200 000 euros.

▪ Revalorisation indemnitaire en faveur des personnels exerçant leurs fonctions en unité éducative d’hébergement collectif (UEHC) d’un établissement de placement éducatif (EPE)

Cette mesure vise à harmoniser les montants indemnitaires perçus au titre de la fonction hébergement et à accompagner sur le plan indemnitaire la mise en œuvre progressive des dispositions du décret n° 2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse prévoyant notamment la transformation des foyers d’action éducative (FAE) et des centres de placement immédiat (CPI) en unités éducatives d’hébergement collectif (UEHC).

Les personnels titulaires et non titulaires concernés par cette revalorisation sont ceux exerçant leurs fonctions en UEHC, à l’exception des personnels administratifs et des agents assurant une fonction administrative, qui étaient antérieurement en fonction en FAE et exclus à ce titre du bénéfice de la prime d’encadrement éducatif renforcé prévue par le décret n° 96-956 du 30 octobre 1996.

De manière à harmoniser les montants indemnitaires perçus au titre de la fonction hébergement, les personnels des FAE ayant fait l’objet d’une transformation en UEHC verront le montant indemnitaire versé revalorisé, au titre de l’indemnité de risques et de sujétions spéciales prévu par le décret n° 2006-1335 du 3 novembre 2006. Pour les agents techniques d’éducation et les adjoints techniques, les montants à verser correspondent aux maximums indemnitaires respectifs autorisés compte tenu des plafonds définis par les textes indemnitaires actuels.

À compter du 1er janvier 2008 pour les EPE existants, et progressivement, au fur et à mesure de leur création pour les autres, les montants indemnitaires des agents actuellement affectés en FAE seront alignés sur ceux dont bénéficient aujourd’hui les agents exerçant leurs fonctions en CPI ou en centre éducatif renforcé (CER). En effet, ces différentes structures ont vocation, conformément au décret du 6 novembre 2007 précité, à disparaître au profit des EPE. Le régime indemnitaire des agents affectés en centre éducatif fermé demeurera inchangé.

La mise en œuvre de cette mesure est subordonnée à la validation formelle par le directeur régional du projet de service déposé en vue de la création de l’EPE. La dépense de la mise en œuvre progressive de ce dispositif a été évaluée à 400 000 euros pour l’année 2008.

▪ Revalorisation indemnitaire en faveur des personnels de la PJJ exerçant leurs fonctions en service éducatif d’établissement pénitentiaire pour mineurs

Le régime indemnitaire des personnels affectés en service éducatif auprès des établissements pénitentiaires pour mineurs a été revalorisé depuis le 1er janvier 2008. Cette revalorisation est opérée en recourant à l’augmentation des montants versés au titre de l’indemnité de risques et de sujétions spéciales prévue par le décret n° 2006-1335 du 3 novembre 2006.

Les corps visés par cette revalorisation sont les chefs de service éducatif (+ 690 euros/an), les éducateurs (+ 567 euros/an), les professeurs techniques (+ 770 euros/an), les psychologues (+ 770 euros/an) et les adjoints administratifs (+ 475 euros/an), qu’ils soient titulaires, non titulaires et stagiaires. Le coût en 2008 est estimé à 100 000 euros.

▪ Reconduction en 2008 de l’ajustement indemnitaire en faveur de la filière de direction

L’ajustement indemnitaire au titre de 2007 en faveur de la filière de direction a été reconduit en 2008. Ce dispositif s’articule autour de 3 taux indemnitaires distincts pour chaque catégorie de bénéficiaires : un taux de base correspondant au montant actuel indemnitaire versé au titre de l’indemnité de direction ou de l’indemnité de responsabilité administrative et 2 taux supplémentaires. L’amplitude annuelle entre le taux n° 1 et le taux n° 3 varie, selon la catégorie de bénéficiaires, entre 750 euros et 1 700 euros.

La modulation opérée au titre de l’année 2008 combine la manière de servir ainsi que les contraintes et les sujétions particulières auxquelles l’agent a pu être confronté durant l’année. En 2007, seules les contraintes et les sujétions particulières avaient été prises en compte pour la détermination du taux indemnitaire.

▪ Accompagnement social des agents faisant l’objet de la délocalisation de l’ENPJJ

Cette mesure a pour objet d’assurer l’accompagnement social des personnels mutés ou déplacés d’office à l’occasion de la délocalisation de l’ENPJJ à Roubaix et de promouvoir la décision de délocalisation d’un service. Le coût estimé par agent est de 15 000 euros, le coût global de 600 000 euros.

—  En 2009, des réformes importantes à venir

▪ Réforme indemnitaire et statutaire de la filière de direction

Sur un plan indemnitaire, le projet vise à refondre et simplifier le dispositif indemnitaire en vigueur pour la filière de direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Dans le même temps, il prévoit une revalorisation des montants versés actuels d’environ 30 %. Le montant de l’indemnité de fonctions et d’objectifs comprendrait deux parts cumulables. La première, modulable de 100 à 300 %, prendrait en compte les responsabilités, le niveau d’expertise et les sujétions spéciales liées aux fonctions exercées. La seconde, modulable de 0 à 300 %, tiendrait compte de l’atteinte des objectifs déterminés dans le cadre de l’entretien professionnel.

Dans le but de simplifier et de clarifier l’architecture indemnitaire, le projet prévoit de rendre exclusif l’indemnité de fonctions et d’objectifs du bénéfice des autres indemnités spécifiques perçues jusqu’alors par la filière de direction. L’objectif poursuivi est de prendre en compte l’extension des missions des directeurs de la PJJ, à savoir la mise en œuvre de l’interrégionalité, l’ouverture des EPM et la création de la fonction d’auditeur. Le coût de la mesure est estimé à 400 000 euros au titre de l’année 2009.

Sur un plan statutaire, la DPJJ souhaite renforcer la professionnalisation de son encadrement à un moment où elle connaît une évolution forte de ses missions, tant au regard des nouvelles formes de prises en charge des mineurs délinquants qu’au regard de la réorganisation de sa carte territoriale. Ce projet de réforme statutaire comporte deux volets. D’une part, il prévoit une refonte de l’organisation des statuts d’emplois, par une redéfinition du cadre réglementaire relatif aux statuts d’emploi des directeurs territoriaux et des directeurs fonctionnels de la protection judiciaire de la jeunesse. Il poursuit l’objectif de simplifier la classification actuelle des statuts d’emploi relevant du décret n° 2005-533 du 24 mai 2005 en l’adaptant notamment aux évolutions de l’organisation territoriale des services déconcentrés de la protection judiciaire de la jeunesse. Le second projet en cours vise à modifier le décret n° 2005-532 du 24 mai 2005 portant statut particulier du corps des directeurs des services de la PJJ.

D’autre part, est envisagée une réforme du statut des directeurs des services de la PJJ. Cette réforme prendrait en compte l’augmentation du niveau des responsabilités exercées par les directeurs des services et préciserait que le corps des directeurs des services de la protection judiciaire de la jeunesse constitue un corps chargé de l’encadrement supérieur des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Par ailleurs, la réforme ajouterait aux missions actuellement exercées par ce corps les fonctions de contrôle, d’audit et d’évaluation de l’ensemble des services et établissements des secteurs public et associatif. En troisième lieu, le niveau du diplôme requis pour le concours externe serait rehaussé, passant de la licence au master 1, soit quatre années d’études supérieures après le baccalauréat au lieu de trois actuellement. Enfin, afin de prendre en compte l’élévation du niveau de recrutement concernant la filière de direction des directeurs des services de la PJJ et de la complexification de leurs missions, les bornes indiciaires du corps seraient relevées.

▪ Réforme statuaire du corps des professeurs techniques

En 2004, une réflexion avait été engagée sur l’éventuelle fusion des corps de professeurs techniques de la PJJ et de professeurs de lycée professionnel (PLP) de l’éducation nationale, avec maintien d’effectifs propres au ministère de la justice. Cette solution aurait permis de faire bénéficier les agents de la protection judiciaire de la jeunesse de meilleures conditions de promotion et de plus grandes possibilités de mobilité fonctionnelle et géographique. Les organisations syndicales n’étaient pas favorables à cette fusion au motif que la spécificité des missions dévolues au corps des professeurs techniques, tendant principalement à favoriser l’insertion sociale en s’appuyant sur la transmission de savoirs, aurait constitué un obstacle à un tel rapprochement.

Le dossier a fait l’objet d’une relance auprès du ministère de l’éducation nationale au cours du premier semestre 2008. À l’issue des échanges sur ce projet, la DPJJ et le ministère de l’éducation nationale se sont accordés pour promouvoir, dans un premier temps, une mobilité réciproque entre leurs services principalement par la voie du détachement. Dans le courant du second semestre 2008, un groupe de travail associant les représentants du corps aura à définir, à partir du référentiel métier et compétences, le cadre d’évolution des missions et les conditions d’emploi des professeurs techniques dans le champ de l’insertion à la PJJ.

▪ Accompagnement social des agents dont les services font l’objet d’une restructuration

Il est prévu d’indemniser les agents mutés ou déplacés d’office, au 1er janvier 2009, à l’occasion de la suppression de leur direction régionale d’affectation et du rattachement de celle-ci à une direction interrégionale. Cette mesure vise à garantir de bonnes conditions de mise en œuvre de l’interrégionalité et à mettre en œuvre un accompagnement social des personnels. Son coût total est estimé à 600 000 euros, soit un montant maximal par agent de 15 000 euros.

B. LA PRISE EN CHARGE SANITAIRE, PSYCHOLOGIQUE ET PSYCHIATRIQUE DES MINEURS PRIS EN CHARGE PAR LA PJJ

Comme pour les majeurs placés sous main de justice, et particulièrement chez les personnes détenues (20), la santé des mineurs pris en charge par la PJJ – et plus particulièrement celle des mineurs délinquants – constitue un sujet de préoccupation. En effet, nombreux sont les professionnels, magistrats de la jeunesse ou fonctionnaires de l’administration pénitentiaire ou de la PJJ, qui signalent une dégradation de l’état de santé, et plus particulièrement de l’état psychique, des mineurs pris en charge par la justice des mineurs. Pourtant, la connaissance de l’état de santé des jeunes pris en charge par la PJJ s’avère insatisfaisante, car actualisée trop irrégulièrement. Cette connaissance insuffisante de l’état de santé des mineurs ne doit cependant pas occulter le fait que les dispositifs de prise en charge psychiatrique adaptés des mineurs placés sous main de justice sont notoirement insuffisants.

1. Une connaissance insuffisamment actualisée de l’état de santé des mineurs placés sous main de justice

En dépit de l’importance du sujet, votre rapporteure ne peut que déplorer l’insuffisance des données actualisées sur l’état de santé des mineurs faisant l’objet d’une mesure judiciaire. Les seules études récentes sur le sujet datent de 1998 et 2005 et avaient été réalisées par l’INSERM à la demande de la DPJJ (21). La dernière étude, en date de 2005, avait pourtant mis en évidence certaines données dont il aurait été souhaitable de pouvoir suivre annuellement l’évolution.

Ainsi, cette étude a tout d’abord mis en évidence que les troubles de santé somatique (problèmes de vue, d’audition, asthme, allergies) étaient loin d’être rares parmi les jeunes pris en charge par la PJJ. On notait surtout l’importance des accidents récents et de toutes formes de plaintes somatiques. 7 % avaient des problèmes d’audition, 18 % des problèmes d’asthme, 20 % des problèmes de vue et 23 % des problèmes d’allergies. Par ailleurs, 60 % avaient eu un accident durant les 12 derniers mois (dont la plupart ont gardé des cicatrices) et les plaintes somatiques étaient nombreuses, comme la fatigue (65 % se disaient souvent fatigués), les dorsalgies (38 %), les troubles du sommeil (35 % avaient souvent des réveils nocturnes ou des cauchemars, et ce malgré un temps de sommeil de 8 heures en moyenne), les céphalées (20 %).

Les cicatrices corporelles de toutes sortes (volontaires ou non) étaient fréquentes parmi ces jeunes. Ainsi 61 % des garçons et 45 % des filles avaient des cicatrices d’accidents, tandis que 24 % des filles et 10 % des garçons avaient des tatouages. 30 % des garçons et 61 % avaient souvent des problèmes de sommeil, dont les conséquences sont sérieuses au niveau social (vie en dehors de la famille, déscolarisation, absentéisme scolaire…) et comportemental (tentatives de suicide, fugues, accidents multiples, conduites violentes…).

Malgré un taux relativement faible de jeunes dépressifs, les idées de suicide et surtout les antécédents de tentative de suicide étaient fréquents, surtout parmi les filles. Si 8 % des garçons et 30 % des filles atteignaient un score élevé sur l’échelle de Kandel qui permet de mesurer l’humeur dépressive, 6 % des garçons et 20 % des filles avaient souvent des idées suicidaires durant les 12 derniers mois, et 9 % des garçons et 44 % des filles déclaraient avoir déjà fait une tentative de suicide durant la vie…

En matière d’usage de substances psychoactives, les jeunes pris en charge par la PJJ se révélaient de grands consommateurs, en priorité du tabac et du cannabis, mais aussi de l’alcool et toutes les autres drogues illicites. Par ordre d’importance des substances, on constatait que 60 % étaient des consommateurs quotidiens de tabac, 30 % étaient des consommateurs réguliers de cannabis (10 fois ou plus au cours du dernier mois) et 14 % étaient des consommateurs réguliers d’alcool (10 fois ou plus au cours du dernier mois). Le cannabis devançait donc nettement l’alcool. L’âge de la première cigarette était en moyenne de 12,7 ans, l’âge de la première consommation de cannabis de 14 ans et l’âge de la première ivresse de 14,4 ans. Parmi les drogues illicites autres que le cannabis, l’ecstasy venait en tête (16 % en avaient déjà pris), suivi des amphétamines, mais la cocaïne et l’héroïne occupaient une place importante (respectivement 11 % et 5 % en avaient déjà pris). Comparés aux scolaires du même âge non pris en charge par la PJJ, les scolaires pris en charge par la PJJ consommaient moins régulièrement de l’alcool, mais nettement plus régulièrement d’autres substances, comme le tabac (quotidien), le cannabis (10 fois ou plus au cours du dernier mois) et les autres drogues illicites (10 fois ou plus au cours de la vie).

Enfin, les jeunes pris en charge par la PJJ – les filles davantage que les garçons – avaient été victimes de coups, de violences verbales et surtout de violences sexuelles. Ainsi, 34 % des garçons et 52 % des filles avaient été victimes de coups durant les 12 derniers mois, tandis que 6 % des garçons et 41 % des filles avaient subi des violences sexuelles. Comparés aux jeunes scolaires du même âge, les scolaires pris en charge par la PJJ étaient nettement plus victimes de violences sexuelles, 5 fois plus pour les filles et 2 fois plus pour les garçons.

Lors de son audition par votre rapporteure, M. Philippe-Pierre Cabourdin a indiqué qu’une nouvelle étude épidémiologique serait mise en œuvre à compter de 2009. Même si votre rapporteure se réjouit que cette étude qui permettra d’actualiser les données de 2005 soit initiée, elle estime cependant que le véritable besoin serait celui d’une actualisation annuelle de ces données épidémiologiques, ce qui permettrait une mesure de l’évolution de la santé des jeunes pris en charge ainsi qu’une évaluation de l’efficacité de l’action menée en faveur de la santé de ces jeunes dans le cadre de leur prise en charge par la PJJ.

2. Une évidente insuffisance des dispositifs de prise en charge psychiatrique

a) L’insuffisance des structures de prise en charge psychiatrique en milieu ouvert

Si l’état de santé somatique des mineurs pris en charge par la PJJ est préoccupant, leur état psychique l’est peut-être davantage encore. Comme indiqué précédemment, en 2005, 8 % des garçons et 30 % des filles présentaient un état dépressif, 6 % des garçons et 20 % des filles avaient souvent des idées suicidaires, et 9 % des garçons et 44 % des filles déclaraient avoir déjà fait une tentative de suicide durant leur vie. Or, il va de soi qu’un rétablissement psychique de ces jeunes constitue une condition nécessaire de leur remise sur les rails de la vie en société.

Pourtant, l’adéquation des structures de prise en charge psychiatrique des mineurs confiés à la PJJ pour l’exécution d’une mesure de milieu ouvert s’avère notoirement insuffisante par rapport aux besoins. Ainsi, il n’existe sur l’ensemble du territoire national que deux structures spécialisées dans la prise en charge psychiatrique des jeunes confiés à la PJJ : l’établissement de placement éducatif et de traitement des crises (EPETC) de Suresnes, dans les Hauts-de-Seine, et la structure interdisciplinaire pour adolescents difficiles (SIPAD) de Nice, dans les Alpes-Maritimes.

Votre rapporteure, après avoir visité la SIPAD, ne peut que saluer la qualité du travail accompli au sein de cette structure et le dévouement des personnels tant médicaux qu’éducatifs qui y exercent. Créée en 2001, la SIPAD constitue un service du pôle « psychiatrie légale » du Centre hospitalier Sainte-Marie de Nice. Elle a pour vocation de permettre la prise en charge, dans un cadre principalement médical (puisqu’il s’agit d’une hospitalisation psychiatrique) mais également pluridisciplinaire, en association avec la PJJ, l’éducation nationale et les services sociaux du conseil général des Alpes-Maritimes, d’adolescents dits « difficiles ». La caractéristique commune de ces adolescents est de présenter des troubles du comportement ou psychiatriques ou une souffrance psychique, et d’avoir mis en échec les autres structures d’accueil dans lesquelles ils ont été accueillis antérieurement. Même si cette interdisciplinarité ne va pas sans poser certaines difficultés de communication entre deux univers, psychiatrique et éducatif, qui se sont longtemps ignorés, elle constitue une chance pour le jeune accueilli dont la situation peut être envisagée globalement, afin de définir les voies les plus adaptées pour lui proposer une prise en charge médicale adaptée et lui permettre de quitter la délinquance et le rejet des règles de vie en société dans lesquels il s’est ancré.

L’équipe de la SIPAD est composée d’un psychiatre, d’un cadre de santé, d’un psychologue, d’une assistante sociale, d’une secrétaire, de 16 infirmiers, de deux éducateurs de la PJJ, de deux éducateurs spécialisés du conseil général et d’un éducateur sportif. La SIPAD dispose de 12 lits, destinés à accueillir des adolescents (garçons et filles) de 14 à 18 ans (avec toutefois des possibilités de dérogations pour accueillir des mineurs plus jeunes ou de jeunes majeurs), dans un but d’évaluation et d’orientation. Les mineurs accueillis à la SIPAD peuvent être placés soit à la suite d’une demande des parents, soit dans le cadre d’une mesure de protection civile, soit en exécution d’une mesure pénale.

L’admission des mineurs est généralement proposée par les services d’urgence des hôpitaux généraux, ou parfois par des médecins de ville, après examen médical du jeune. L’admission est acceptée par le médecin responsable de l’unité après un examen des dossiers par une commission pluridisciplinaire, qui se prononce en fonction de la situation du jeune mais aussi de l’occupation et des profils déjà présents au sein de la SIPAD au moment de la demande. La sortie est envisagée dès le moment de l’admission, les parents du jeune ou l’établissement d’accueil « habituel » du jeune s’engageant à l’accueillir à nouveau si le bilan d’orientation le propose.

À son arrivée, le mineur fait l’objet d’une évaluation médicale, paramédicale (par les infirmiers), sociale (par les éducateurs de la PJJ), éducationnelle (par les éducateurs spécialisés), ainsi que sur les plans psychomoteur, psychologique et scolaire. L’évaluation inclut des activités à l’extérieur, sportives notamment, destinées à apprécier le comportement du mineur en milieu libre. Toutes ces évaluations font ensuite l’objet d’une synthèse et d’une réunion associant l’ensemble des intervenants. Cette synthèse proposera alors soit un retour dans le lieu d’origine (le cas échéant avec des recommandations particulières de suivi), soit une réorientation, soit une prise en charge pour des soins au sein de la SIPAD pour une durée pouvant aller jusqu’à six mois.

Cette structure joue un rôle extrêmement positif, reconnu par de nombreux professionnels de l’enfance intervenant dans les Alpes-Maritimes, en termes d’aide à la décision des magistrats sur le lieu d’accueil adapté pour le mineur. Au plan local, la SIPAD répond à un réel besoin d’une structure interdisciplinaire d’orientation et de prise en charge de mineurs pour lesquels la plupart des prises en charge ont échoué. Votre rapporteure ne peut que regretter qu’il n’existe pas, en France, d’autres structures de prise en charge psychiatrique interdisciplinaire des mineurs, en dehors de la SIPAD et de l’EPETC de Suresnes.

Cependant, la SIPAD connaît depuis le 1er octobre 2008 une interruption de fonctionnement en raison de la vacance du poste de médecin responsable de la structure. Les difficultés de recrutement d’un pédo-psychiatre (ou de 2 mi-temps) sont importantes, compte tenu de l’insuffisance du nombre de praticiens et de la difficulté du poste. Votre rapporteure souhaite que cette situation délicate puisse trouver une solution dans les meilleurs délais, afin de ne pas compromettre l’avenir de cette structure qui répond à un réel besoin d’évaluation et de traitement d’adolescents difficiles.

Lors de son audition par votre rapporteure, Mme Catherine Sultan a indiqué que, compte tenu de l’augmentation de la part des mineurs dont les difficultés se situent à la frontière de l’éducation à la vie en société et de problèmes psychologiques ou psychiatriques pouvant nécessiter des soins, le nombre de structures interdisciplinaires permettant de combiner les deux approches d’éducation et de soins apparaissait très nettement insuffisant.

En conclusion, votre rapporteure estime qu’un programme de création de structures interdisciplinaires spécialisées dans la prise en charge psychiatrique en milieu ouvert des mineurs doit être mis en œuvre de façon urgente, en réalisant une évaluation et en s’inspirant, le cas échéant, des méthodes mises en œuvre au sein de l’EPETC ou de la SIPAD.

b) Une insuffisante diffusion des initiatives innovantes

Votre rapporteure, après avoir visité la consultation familiale de la PJJ de Paris, ne peut que déplorer l’insuffisante diffusion des initiatives innovantes qui pourraient permettre une meilleure prise en charge psychologique ou psychiatrique des mineurs confiés à la PJJ.

Créée en 1979 à titre expérimental par initiative conjointe de la PJJ et du CNRS, la consultation familiale de la PJJ est aujourd’hui une unité éducative de milieu ouvert (UEMO). Elle reçoit, à la demande du juge des enfants, les mineurs délinquants et leur famille, afin de mettre en place une thérapie familiale. Le but de l’équipe de la consultation familiale, composée d’un chef de service éducatif fonctionnel, d’une secrétaire, de deux éducateurs, de deux psychologues et de deux psychiatres vacataires, tous formés à la thérapie familiale, est non seulement d’apporter un éclairage sur la situation familiale du mineur au magistrat à l’origine de la mesure, mais aussi de permettre au mineur et à sa famille de comprendre l’origine du dysfonctionnement familial, afin de rééquilibrer la situation à l’origine du ou des actes délinquants.

Après réception de l’ordonnance du juge, l’équipe invite par courrier le ou les représentants légaux du mineur à prendre contact téléphoniquement avec la structure. Un premier entretien téléphonique permet de définir le périmètre familial ; la famille est comprise au sens large : parents, frères et sœurs, mais aussi grands-parents, beaux-parents, ou toute autre personne vivant sous le même toit que le mineur faisant l’objet de la mesure, comme les membres de la fratrie par alliance. Ce contact téléphonique permet de convenir d’un premier rendez-vous. Les rendez-vous seront ensuite espacés volontairement d’environ trois semaines, délai visant à permettre aux membres de la famille, mais aussi à l’équipe, de s’approprier ce qui a été dit pendant l’entretien, tout en étant suffisamment court pour que la famille reste mobilisée.

Les entretiens, d’une durée d’une heure et demie, se déroulent systématiquement dans les locaux de la consultation, dans le 10ème arrondissement parisien. Menés par un des membres de l’équipe, ils se déroulent dans une pièce spécialement dédiée, et sont, après autorisation de la famille, enregistrés sous format vidéo. Un autre membre de l’équipe, qui ne se trouve pas dans la pièce où se déroule l’entretien, suit l’entretien par retransmission vidéo et fait fonction d’observateur. La fonction de l’enregistrement est de permettre au binôme observateur/meneur d’entretien, de retravailler les entretiens entre les différentes séances et d’affiner la thérapie au fil du temps.

Les entretiens visent tout d’abord à repérer avec la famille son organisation relationnelle et sa problématique. Une fois ce diagnostic accompli, il s’agit d’évaluer les ressources et la capacité de changement du système familial ; à ce titre, l’équipe de la consultation met en place une collaboration avec l’ensemble des acteurs institutionnels travaillant autour du mineur (éducateur, médecin traitant éventuel, etc.) afin d’éviter les phénomènes de compétition entre les différents intervenants, préjudiciables au mineur.

À l’issue du dernier entretien, un rapport, dont le contenu est présenté au mineur et à sa famille, est transmis au magistrat ; celui-ci rend compte des entretiens et propose des orientations pour la suite. Si la capacité de prise en charge théorique de la structure est de 80 mesures, le nombre de mesures en 2007 s’est élevé à 260, concernant 209 jeunes pour 142 familles. Il s’agit principalement de mesures d’IOE (investigation et d’orientation éducative, 204 dont 13 au pénal). Les mesures d’AEMO (assistance éducative en milieu ouvert) se sont élevées à 56. La proportion des mesures prises au titre de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, qui représentait 10 % de l’activité en 2007, a naturellement vocation à s’accroître dans les années avenir, en cohérence avec le recentrage des missions de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants. Le nombre des mesures pénales a d’ailleurs déjà augmenté de 10 % entre 2006 et 2007.

Votre rapporteure estime indispensable que, dans le cadre des futures missions d’audit qui se développeront à partir de 2009, l’efficacité de telles méthodes innovantes puisse être évaluée et leur extension envisagée si les audits démontrent leur pertinence.

c) De fortes attentes placées dans les CEF à prise en charge psychiatrique renforcée

Les cinq premières années de fonctionnement des centres éducatifs fermés ont révélé que l’état de santé psychique des jeunes qui y étaient placés était souvent altéré, comme en témoigne la fréquence des phases dépressives, des troubles du sommeil, des tentatives de suicide, des scarifications et autres conduites à risques. Dans certains cas, ces troubles se structurent en pathologies avérées relevant des classifications psychiatriques. Dans d’autres, les plus fréquents, les troubles sont moins profonds et relèvent à la fois du comportement, de conduites délinquantes et de difficultés psychiques, mais ne relèvent pas à proprement parler de pathologies psychiatriques structurées. Cette conjonction se manifeste par des comportements perturbateurs, des violences, des dégradations, des brutalités qui s’accompagnent souvent de grandes difficultés à établir des relations avec autrui. De telles difficultés, qui imposent une prise en charge éducative renforcée sous intervention judiciaire, exigent également un accompagnement médico-psychologique et le développement d’un réel partenariat avec les secteurs pédo-psychiatriques. Plus de la moitié des jeunes qui arrivent en CEF font d’ailleurs l’objet d’une injonction de soins.

La nécessaire complémentarité entre ces deux approches, éducative et psychologique, et les difficultés rencontrées pour les mettre en place conjointement dans le cadre d’un placement en CEF ont conduit le ministère de la justice à débuter en 2008 une expérimentation de CEF renforcés en moyens de santé mentale. L’objectif de cette expérimentation, actuellement menée dans 5 CEF (22), est de tester l’idée qu’un renforcement des équipes des CEF en personnel de santé mentale (psychiatre, psychologues, infirmiers) est susceptible d’améliorer la prise en compte des dimensions psychiatriques ou psychopathologiques des troubles comportementaux des mineurs accueillis dans le centre en améliorant, d’une part, la contenance globale de la structure concernant la dimension psychopathologique de ces troubles en situation d’éducation contrainte et, d’autre part, la capacité de l’équipe à accompagner vers des soins psychiatriques et psychothérapiques adaptés ceux de ces jeunes pour lesquels ils seraient indiqués.

C’est la raison pour laquelle ce dispositif comporte un volet interne permettant le renforcement direct de l’équipe du CEF et un volet externe s’adressant aux services des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile qui sont les partenaires nécessaires de l’expérience ; ce dispositif se fonde donc sur la mise en place et le maintien de liens étroits avec les services de santé mentale de proximité.

L’équipe thérapeutique traditionnelle des CEF est composée d’un psychologue et d’un infirmier. La prise en charge renforcée dans les 5 CEF concernés par l’expérimentation consiste dans le recrutement de praticiens supplémentaires, dans une limite maximale de 5 ETPT pour chacune des structures, soit un psychiatre, un psychologue et trois infirmiers. Le budget alloué à cette expérimentation pour l’année 2008 a été évalué à 2 millions d’euros, soit 0,4 million d’euros par CEF.

Cette expérimentation est évaluée en comparant le fonctionnement de chacun des 5 CEF concernés avant et après l’entrée dans l’expérimentation, à partir d’une grille permettant de relever les différences entre les deux périodes concernant le personnel de la structure, l’activité de l’établissement, le nombre d’incidents et les marqueurs de tension, l’effet de ces tensions sur le personnel de la structure, et enfin le niveau des articulations entre le CEF et le dispositif psychiatrique.

Au stade actuel, l’évaluation menée en permanence ne peut encore apporter de réponse nette concernant l’utilité de ce renforcement, le commencement concret de l’expérimentation étant trop récent. Toutefois, l’évolution la plus marquante semble être le renforcement des liens de collaboration entre les CEF et les secteurs de psychiatrie, l’entrée dans l’expérimentation venant toujours marquer une amélioration nette de ces liens, et une modification réciproque des pratiques. Pour quelques CEF, l’entrée dans l’expérimentation a été le véritable déclencheur de liens qui avaient été jusque-là moins investis (notamment à La Jubaudière ou à Liévin). Dans d’autres, elle est venue renforcer des liens établis antérieurement (par exemple à Moissannes). Dans plusieurs cas, on constate en tout cas une modification nette du point de vue des psychiatres et équipes psychiatriques impliqués concernant les CEF en général et leur CEF partenaire en particulier.

La prolongation de l’évaluation devra permettre de mieux répondre aux questions restant en suspens. Selon les informations recueillies par votre rapporteure, les premières conclusions seront présentées en janvier 2009. Naturellement, la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale se penchera avec la plus grande attention sur le fonctionnement et l’efficacité de ces CEF renforcés en moyens de santé mentale, sur lesquels reposent de fortes attentes en termes d’amélioration de la prise en charge psychiatrique des mineurs.

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EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 28 octobre 2008, la Commission a procédé, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 117 du Règlement, à l’audition de Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur les crédits de la mission « Justice » pour 2009.

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M. le président Didier Migaud. Madame la garde des sceaux, Guy Geoffroy, vice-président de la Commission des lois, qui représente Jean-Luc Warsmann, retenu aujourd’hui auprès du Président de la République en déplacement dans son département, et moi-même sommes heureux de vous accueillir.

Nous sommes réunis en formation de « commission élargie » afin de vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Justice » dans le projet de loi de finances pour 2009. Comme vous le savez, cette procédure nous permet de privilégier le dialogue entre le Gouvernement et les députés et, pour cela, de donner toute la place, non pas aux exposés, mais aux échanges de questions et de réponses.

Les projets de rapports de nos trois rapporteurs sont sur les tables : celui de M. René Couanau, rapporteur spécial de la Commission des finances et ceux de Mme Michèle Tabarot, et M. Jean-Paul Garraud, rapporteurs pour avis de la Commission des lois, respectivement pour le programme « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse » et pour le programme « Justice et accès au droit ». Après les réponses que Mme la ministre aura apportées à chacun des rapporteurs, les députés qui le souhaitent poseront à leur tour leurs questions, en commençant comme à l’accoutumée par les responsables des groupes politiques.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la ministre, les membres de la Commission des lois ont le plaisir de vous retrouver dans le cadre de cette commission élargie. Je vous prie d’excuser l’absence du président Warsmann, retenu dans son département à l’occasion de la visite du Président de la République.

Le budget que vous allez nous présenter est en augmentation de 2,6 % en crédits de paiement, soit davantage que le budget général de la nation, signe de la priorité que constitue la mission dont vous assumez la charge. Dans le contexte financier que nous connaissons, il convient de maîtriser les coûts tout en menant les réformes qui s’imposent pour améliorer le fonctionnement de votre département ministériel. Votre ministère s’est engagé dans une politique particulièrement hardie de modernisation de son organisation et de ses méthodes de travail ; c’est dans ce cadre que s’inscrivent par exemple la réforme de la carte judiciaire que vous avez menée, celle de la dématérialisation des procédures ou, demain, celle de notre système pénitentiaire.

De même, des réflexions sont en cours sous la direction de spécialistes reconnus : sur la répartition des contentieux, sous la direction du recteur Guinchard, sur la refonte de l’ordonnance de 1945 concernant la justice des mineurs, sous la direction du recteur Varinard, et sur la réforme des professions du droit, sous la direction de maître Darrois. Elles tendent toutes à rationaliser notre droit et à l’adapter aux exigences contemporaines ; je ne doute pas que vous répondrez aux interrogations qu’elles peuvent soulever.

M. René Couanau, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan. Madame la ministre, le budget que vous nous présentez est caractérisé par la cohérence, l’équilibre et la constance.

C’est un budget de cohérence : nous y retrouvons la traduction financière des grands objectifs que vous avez fixés. C’est un budget d’équilibre : contrairement à ce qu’on entend dire, il ne privilégie pas tel secteur au détriment de tel autre. C’est un budget de constance : on ne peut pas dire que vous procédiez par à-coups ou que vous n’affichiez pas vos intentions.

[…]

S’agissant de l’administration pénitentiaire, le projet de loi de finances anticipe le projet de loi pénitentiaire dont nous appelons la présentation de nos vœux. Ainsi, dans un contexte de rigueur, des créations d’emplois sont prévues, avec un plafond autorisé de 33 020 ETPT, contre 32 126 en 2008. Cette progression très satisfaisante reflète la priorité donnée à la justice. Cependant, des observations contenues dans plusieurs rapports mettent notamment l’accent sur les difficultés de recrutement de personnel pénitentiaire. Le très attendu projet de loi pénitentiaire devrait contribuer à apaiser un certain malaise. Je rappelle que le nombre de personnes écrouées a augmenté de près de 15 000 en flux depuis dix ans, passant de quelque 76 000 à 90 000, le chiffre permanent s’établissant à 64 000 détenus en 2008.

Même si elle se heurte à des difficultés d’accompagnement, la politique d’aménagement de peine est conduite résolument. Au 1er juillet 2008, 6 236 personnes en bénéficiaient, soit 12 % des condamnés ; la progression, déjà très forte, devrait encore s’amplifier. S’agissant des conditions d’incarcération, sept établissements seront ouverts en 2009 et 5 130 places créées. L’objectif étant, madame la ministre, de disposer de 63 000 places d’incarcération modernes, dans le respect du principe « un homme, une place », et compte tenu de l’augmentation du nombre de personnes susceptibles d’accomplir une peine, combien d’autres places devront être créées ? Quels programmes de rénovation devront être entrepris après 2009 ? Quels sont les objectifs d’aménagements de peine, et à quel rythme ?

Le budget de la protection judiciaire de la jeunesse ne progresse pas, mais ses crédits sont recentrés sur sa mission prioritaire, la prise en charge des mineurs confiés au pénal. Le redéploiement des personnels induit par cette évolution demandera d’importants efforts de formation. Je rappelle que 90 000 mineurs environ sont pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse ; les derniers chiffres relatifs à la récidive sont très encourageants. Quelque vingt opérations de réhabilitation immobilière sont engagées ou programmées en 2009, les services centraux de la PJJ ont été restructurés, une réorganisation territoriale est engagée et la nouvelle école nationale de Roubaix a ouvert récemment. Au-delà, vous avez souhaité, madame la garde des sceaux, une réforme d’ensemble de la justice pénale des mineurs. Pourriez-vous nous indiquer quels en seraient les axes et l’impact financier ?

Mme Michèle Tabarot, rapporteure pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse. Les crédits de l’administration pénitentiaire progressent de 30,2 % en autorisations d’engagement et de 4 % en crédits de paiement. Ainsi pourra-t-on procéder aux recrutements rendus nécessaires par l’ouverture des nouveaux établissements et renouveler les marchés de gestion déléguée. Je salue le respect de engagements de l’État relatifs à la construction des nouveaux établissements ; il en résultera, en 2009, la création de 5 130 nouvelles places de détention et la fermeture de places vétustes. Toutefois, madame la ministre, les personnels des SPIP ont exprimé un certain malaise et fait valoir des revendications relatives à leur statut et à l’évolution de leurs missions ; quelles réponses le ministère entend-il leur apporter ? Par ailleurs, la prise en charge psychiatrique de la population carcérale est à ce jour très insuffisante ; quelles mesures la Chancellerie met-elle en œuvre pour l’améliorer ? D’autre part, l’examen des crédits du ministère de la justice se fait alors qu’une vague inquiétante de suicides a endeuillé les prisons. La politique de prévention des suicides menée par l’administration pénitentiaire a donné d’assez bons résultats entre 2000 et 2007, mais quelles nouvelles mesures seront prises pour l’améliorer encore ?

J’en viens à protection judiciaire de la jeunesse, dont l’action – conséquence de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance – est recentrée sur sa mission première.  Cette évolution aura nécessairement des effets sur l’affectation des effectifs. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet ?

Enfin, le nombre de structures capables d’assurer la prise en charge psychologique et psychiatrique interdisciplinaire des mineurs est notoirement insuffisant puisque, outre la SIPAD de Nice, que j’ai visitée, il n’en existe qu’une autre en France, celle de Suresnes. D’autres seront-elles créées ?

[…]

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Je vous remercie pour ces questions pertinentes et précises, qui sont une nouvelle illustration de la nécessité de réformer la justice. En effet, comme le montrent les débats budgétaires des législatures précédentes, ce sont les mêmes questions qui reviennent depuis des années.

Il est vrai qu’il est très compliqué de réformer la justice, qui est un secteur sensible, d’autant que le ministère regroupe plusieurs administrations extrêmement différentes, avec des statuts tout aussi divers. Les missions du ministère sont également différentes, certaines étant garanties constitutionnellement. L’organisation même de la magistrature obéit à des principes constitutionnels, tels que celui de la distinction entre le parquet et le siège, qui génère des statuts différents. Les magistrats du siège sont eux-mêmes répartis en juges d’instruction, juges d’application des peines, juges pour enfants. Toutes ces missions différentes ne peuvent pas faire l’objet d’une réforme globale.

L’administration pénitentiaire relève elle aussi du ministère de la justice, comme on a trop tendance à l’oublier. Pendant longtemps, le débat sur la pénitentiaire a porté sur le nombre de constructions de places de prison et on a fait l’économie d’une interrogation sur la mission de cette administration. Finalement, la prison n’étant qu’un moyen de son accomplissement. La question de la surpopulation carcérale n’est du reste pas nouvelle. De 1987 à 2002, peu de places ont été construites, l’opinion publique et les parlementaires n’ayant pas toujours souhaité suivre les programmes de construction de places proposés. De ce fait, le problème de surpopulation des prisons dépasse largement les frontières partisanes.

[…]

La mise en œuvre de la justice des mineurs se heurte à des problèmes spécifiques notamment celui de l’articulation entre civil et pénal – il n’y a pas de parcours global du mineur –, problèmes dus au fait que la mission de la protection judiciaire de la jeunesse est trop large. Les travaux de la commission sur la réforme de l’ordonnance de 1945 permettront de faire avancer cette question en contribuant à une vision globale de la justice des mineurs. Il vaut mieux, à mon sens, concentrer, et le plus en amont possible, les moyens au bénéfice du traitement pénal de ces mineurs déstructurés que sont les mineurs délinquants – pour autant, cela n’exclut pas le civil –, plutôt que de les disséminer sur l’ensemble des jeunes délinquants. Mais cela suppose qu’on assigne une mission claire à la PJJ.

La justice étant là pour assurer la sécurité des Français – je rappelle qu’un tiers des 3,5 millions de décisions de justice rendues sont de nature pénale –, notre réforme de la justice doit permettre une politique pénale claire et réellement appliquée : une politique pénale efficace ne saurait se limiter à de l’incantation. Tel est l’objectif des peines planchers : aujourd’hui 14 000 décisions ont été prononcées sur le fondement de la loi du 10 avril 2007 sur la récidive, les peines minimales représentant 50 % du total et l’application de la loi étant de 100 % dans certains tribunaux.

Cette lutte contre la récidive, qui doit également présider à la politique pénitentiaire, a donné des résultats probants en termes de baisse de la délinquance, puisque la délinquance générale a baissé de 4 %, la délinquance sur la voie publique de 8 % et, ce qui n’était pas arrivé depuis 1995, les atteintes aux personnes de 1 % – et depuis mars 2008, cela continue de diminuer. De nombreuses études faisant état d’un taux d’exécution trop faible des courtes peines, on a souhaité une politique pénitentiaire plus ferme, afin que la détention soit mise à profit pour lutter contre la récidive.

On ne peut pas m’accuser de vider les prisons alors que nous avons supprimé les outils tels que les grâces collectives, la réduction automatique des peines ou les lois d’amnistie, qui ont été utilisés pendant des années dans ce but. Le meilleur moyen de lutter contre la récidive réside dans l’aménagement des peines. Cela exige plus d’éducation, plus de formation, mais aussi une plus grande responsabilisation des détenus. Nous avons, par le biais d’expérimentations, anticipé plusieurs des mesures qui figurent dans la loi pénitentiaire, mais inutile de dire que nous avons besoin de ce texte.

La formation professionnelle est un outil de réinsertion majeur, bien adapté à la population carcérale, notamment celle condamnée à de courtes peines. J’invite donc les régions, presque toutes dirigées par la gauche, à ne surtout pas en faire un enjeu politicien. La formation professionnelle est aujourd’hui accessible à tous, sauf aux détenus, ce qui est tout de même fort dommage. L’anticiper en détention favorise pourtant toutes les mesures d’aménagement de peines. Je considère personnellement la libération conditionnelle comme l’un des meilleurs outils de réinsertion et de lutte contre la récidive : les récidives sont extrêmement rares chez les détenus qui ont bénéficié d’une libération conditionnelle, et si d’aventure cela se produit, le retour en prison du condamné est automatique, ce qui est extrêmement dissuasif. Hélas, seules quatre régions, volontaires, expérimentent aujourd’hui – avec succès – la réinsertion des détenus par le biais de la formation professionnelle. Je ne suis pas pour ma part, favorable à l’idée d’un RMI pour les détenus, que d’aucuns ont pu évoquer, l’activité, qu’il s’agisse d’un travail ou d’une formation, me paraissant un meilleur outil de réinsertion. Le nombre des libérations conditionnelles, qui a stagné pendant cinq ans, a augmenté de 10 % depuis un an, ce qui représente une progression considérable vu les contraintes, largement imputable à la réinsertion par la formation professionnelle.

M. René Couanau, rapporteur spécial. Si vous me permettez de vous interrompre, madame la garde des sceaux, je voudrais souligner à quel point, en prison, on se trouve hors du monde – ce qui est normal – mais aussi hors du monde social – ce qui ne l’est pas. On compte trop sur l’administration pénitentiaire pour s’occuper de tout. Je suis frappé par l’absence dans les maisons d’arrêt comme dans les centres pénitentiaires des services dits courants comme ceux de la formation professionnelle, de l’aide sociale et de l’accompagnement social, lesquels devraient être assurés dans le cadre des politiques générales des collectivités. Un partenariat avec les régions s’agissant de la formation professionnelle, avec les départements et les communes s’agissant de l’accompagnement social, est absolument indispensable.

Mme la garde des sceaux. Pour l’avoir constaté lors de mes nombreux déplacements sur le terrain, je sais que malheureusement la formation professionnelle et l’accompagnement social ne sont pas encore « entrés » en prison. On ne peut toutefois pas blâmer les collectivités. En effet, les détenus ne sont pas ou très peu responsabilisés, et, sur ce point, la future loi pénitentiaire apportera des améliorations, en permettant par exemple qu’ils puissent élire domicile dans leur établissement pénitentiaire. Aujourd’hui, ils doivent passer par une association, qui doit elle-même trouver une personne acceptant de les domicilier pour la moindre démarche administrative. Toute la chaîne se trouve ainsi rallongée du fait de cette simple impossibilité d’élire domicile dans un établissement pénitentiaire. Une fois cet obstacle levé, les détenus pourront écrire eux-mêmes au conseil général, à un service d’aide sociale, s’inscrire à l’ANPE ou dans une mission locale, recevoir directement un courrier. Aujourd’hui, les courriers arrivent souvent trop tard, la date des rendez-vous étant parfois dépassée ou si proche que les magistrats n’ont pas en mains tous les éléments nécessaires pour en juger du bien-fondé et accorder aux détenus la permission de sortie qui leur serait nécessaire pour les honorer. La possibilité pour les détenus d’élire domicile dans leur centre de détention sera un facteur de responsabilisation. L’ANPE et les missions locales ont certes mis en place des « points emploi » dans les prisons -on en compte une soixantaine à ce jour. Mais les entreprises d’insertion, qui seraient pourtant particulièrement bien adaptées au public concerné, n’ont pas accès aux prisons. La future loi pénitentiaire le permettra : nous avons, à titre expérimental, signé diverses conventions avec le MEDEF, de façon que des PME puissent offrir des formations ou des emplois à des détenus. Il faut faire de même avec les entreprises d’insertion et les régies de quartier, qui ont une grande expérience de l’accompagnement social.

Notre seul objectif est de lutter contre la récidive, en responsabilisant davantage les détenus et en les aidant à se réinsérer. Mais il faut savoir que l’aménagement des peines n’est pas une idée populaire dans l’opinion publique, qui, plusieurs études l’ont montré, préférerait que l’éducation, la formation et l’emploi bénéficient en priorité à d’autres qu’aux détenus. C’est d’ailleurs bien pourquoi toute polémique sur ces sujets est irresponsable. Nous ne pouvons laisser s’enfoncer davantage une population carcérale, déjà de plus en plus déstructurée à son arrivée en prison. Il nous faut sans cesse expliquer, de la manière la plus pédagogique possible, et j’ai besoin de la représentation nationale sur ce point, qu’éduquer, former, donner un emploi aux personnes détenues contribue largement à la lutte contre la récidive.

De 2002 à 2007, on dénombrait 2 000 aménagements de peine par an – y compris les grâces collectives et les réductions automatiques de peine. Du 1er juillet 2007 au 1er juillet 2008, on en a dénombré 7 000, alors même que la politique pénale est plus ferme, les condamnations à de la prison ferme plus lourdes et d’une manière générale, les peines mieux exécutées.

J’ai institué des conférences régionales d’aménagement des peines, au cours desquelles tous les acteurs concernés se mettent autour de la table, seul moyen, à mes yeux, d’augmenter le nombre d’aménagements de peine. Il faut ici rappeler que cet aménagement n’est ni une mesure administrative ni une instruction : c’est un magistrat du siège qui en décide. Lorsqu’on y met les moyens nécessaires et qu’on en a la volonté politique, on obtient des résultats. J’ai donc bien l’intention de poursuivre dans cette voie, et c’est pourquoi je continuerai à me rendre régulièrement dans les établissements pénitentiaires. En effet, tout n’est pas question seulement de moyens. Il faut sans cesse réaffirmer la volonté, de façon que jamais l’effort ne se relâche.

Il est une autre forme d’aménagement des peines tout à fait intéressante, le port d’un bracelet électronique. En effet, certaines personnes se trouvent condamnées à de la prison ferme, pour une courte période, simplement parce qu’on n’a pas de garantie absolue sur leur adresse, notamment quand elles disent résider dans leur famille ou être provisoirement hébergées le temps de trouver un appartement. Dans ces cas, le bracelet électronique offre une solution alternative intéressante : c’est ce que j’appelle la « prison hors les murs ». Nous aurons 13 200 places de prison de plus d’ici à 2012, mais à cette date, il y aura 12 000 places de « prison hors les murs », avec les bracelets électroniques. Nous ne construisons pas des prisons pour le plaisir de construire des prisons : nous voulons que les personnes condamnées exécutent leurs peines mais avec des moyens modernes, en prison lorsque cela est nécessaire, dans le cadre d’une peine aménagée lorsque cela est possible, la panoplie étant ici très vaste – semi-liberté, libération conditionnelle, chantiers extérieurs, permissions de sortie, unités de vie familiale qui permettent de maintenir les liens familiaux, bracelets électroniques… Ceux-ci vont être plus largement utilisés grâce au décret que j’ai pris en ce sens en août 2007.

M. le président Didier Migaud. Combien en compte-t-on en service aujourd’hui ?

Mme la garde des sceaux. Leur nombre a doublé en un an. En termes de stock, on en compte 3 000, en termes de flux moyen, 6 000. Et il y en aura 2 500 de plus par an d’ici à 2012, pour atteindre à cette date-là le nombre de 12 000. La future loi pénitentiaire nous permettra de généraliser l’expérimentation conduite aujourd’hui auprès de la cour d’appel de Douai, où tous les détenus auxquels il ne reste plus que quatre mois de prison à effectuer sortent sous bracelet électronique, le juge d’application des peines restant bien entendu maître de la décision.

M. René Couanau, rapporteur spécial. Quand vous parlez de 12 000 places de « prison hors les murs », est-ce tous aménagements de peine compris ou seulement pour les bracelets électroniques ?

Mme la garde des sceaux. Il y aura 12 000 bracelets électroniques, auxquels s’ajouteront toutes les autres formes d’aménagement de peine. Une libération conditionnelle, une semi-liberté, une assignation à résidence n’ont pas nécessairement lieu sous bracelet.

Politique pénitentiaire, politique pénale, protection judiciaire de la jeunesse pour les mineurs, laquelle va être renforcée, à la suite du rapport qui nous sera remis d’ici la fin novembre, telle est la ligne que nous suivons.

[…]

5 130 places de prisons supplémentaires seront ouvertes en 2009 ; l’objectif des 63 000 places en 2012 sera atteint, compte tenu des 12 000 bracelets électroniques.

Par ailleurs, il y aura 170 conseillers d’insertion et de probation supplémentaires en 2009 ; nous avons répondu favorablement à la quasi-totalité de leurs demandes sur leurs missions.

Quant au recrutement de personnel pénitentiaire, il bénéficie des effets de la campagne de communication que nous avons lancée, puisque nous dénombrons cette année 24 000 candidats.

S’agissant des aménagements de peines, leur nombre va tripler ; il y aura en 2009 6 500 bracelets électroniques disponibles, contre 4 000 aujourd’hui.

S’agissant des mineurs – qui sont généralement traités, à tort, comme des primo-délinquants –, je souhaite améliorer le taux de réponse pénale de manière à atteindre l’objectif d’une réponse pour chaque infraction. Ce taux a déjà été amélioré de près de dix points en cinq ans, tandis que la population carcérale des mineurs a diminué de 3 % depuis le début de l’année. La délinquance des mineurs ne régresse pas, mais nous ne disposons pas des outils juridiques adaptés pour y faire face. L’ordonnance de 1945 n’est pas suffisante : il est impératif d’avoir un texte adapté à la situation de 2008.

Au 24 octobre 2008, on comptait 210 médecins coordonnateurs, contre 145 début 2007. Les postes ont été rendus plus attractifs, grâce à une augmentation de l’indemnité annuelle de 64 %, à hauteur de 700 euros. Par ailleurs, leurs missions ont été réorganisées : aujourd’hui le médecin coordonnateur pourra suivre 20 personnes au lieu de 15.

[…]

J’en viens au plan suicide. Je le dis de manière claire, l’aspect médiatique n’est pas en l’occurrence négligeable : il est important de parler de tout. Les Français ont besoin de savoir où sont les détenus, comment ils sont condamnés et la façon dont les peines sont exécutées en prison. C’est pourquoi je demande que les prisons soient le plus ouvertes possible à la presse. C’est d’ailleurs une discussion que j’ai eue avec les personnels de l’administration pénitentiaire : ils ne peuvent pas être dénigrés, mal aimés et, en même temps, dans l’impossibilité de montrer la réalité des choses. Cela étant, les prisons ne sont pas que des endroits d’horreur.

Certes, il y a des drames. Il y a eu en 1999 et en 2000 des pics de suicide. Pour autant, il n’est pas vrai que les pics de suicide actuels n’ont jamais été atteints. Malheureusement, on a connu pire. Toutefois, s’il ne devait y avoir qu’un seul suicide au cours de l’année, ce serait grave. Cela nous place face à nos responsabilités : c’est à chaque fois un sentiment d’échec.

Le taux de suicides a néanmoins baissé de 20 % en cinq ans. L’administration pénitentiaire est beaucoup plus formée à la prévention du suicide, tandis que la médecine entre de plus en plus dans les prisons. Il y avait en effet une vraie difficulté d’ordre culturel avec la santé en prison. Pour tout ce qui est psychiatrique notamment, les médecins disent que certains soins ne peuvent être opérants quand le malade est entravé.

Des mesures ont donc été prises. D’abord, des rondes spéciales ont été instituées pour surveiller les détenus particulièrement fragiles. Ensuite, toujours en matière de prévention du suicide, on peut emprisonner un détenu avec un autre détenu. C’est un moyen de prévenir le suicide de faire que la personne en question se sente moins seule.

J’ai inauguré hier un bâtiment à Fleury-Mérogis, où les cellules sont dotées de l’interphonie afin que le codétenu puisse appeler en cas de difficulté. L’interphonie va donc être généralisée dans les établissements pénitentiaires.

Quant aux détenus qui présentent un danger pour les autres et pour eux-mêmes, la solution est d’avoir des surveillances spéciales, des rondes adaptées. J’ai donné comme instruction qu’il y ait une surveillance toutes les deux heures, mais cette instruction peut être adaptée en fonction des détenus. À Fleury-Mérogis, c’est toutes les heures.

Pour ce qui est des derniers drames ayant frappé des mineurs, le problème n’était d’ailleurs pas lié à la surpopulation ou au fait d’avoir un codétenu.

Lors de la dernière affaire, j’ai entendu parler de chantage au suicide : parce qu’il voulait changer de cellule où il était seul, un détenu se serait finalement suicidé.

Il faut savoir qu’il y a aussi des détenus qui présentent des risques pour autrui. Tel est le cas des détenus qui en agressent d’autres sexuellement. Il peut y avoir un chantage au suicide, mais on ne peut pour autant mettre le détenu qui fait ce chantage avec ce type de détenus. Il pourra être suivi par un médecin, mais, en attendant, une surveillance spéciale doit être mise en place.

Tout n’est pas simple : tout n’est pas forcément la faute de l’administration pénitentiaire. On ne met pas par hasard un détenu tout seul dans une cellule.

Par ailleurs, certains détenus, notamment ceux emprisonnés pour des affaires de banditisme, veulent choisir les personnes avec lesquelles ils veulent partager une cellule. Pour que cela soit le cas, ils n’hésitent pas à recourir au chantage.

Tout n’est donc pas limpide. Il faut faire attention à l’interprétation que l’on peut avoir de ce type de drame.

Il est dans ces conditions important de diligenter les inspections. J’y tiens et je continuerai à le faire. Il convient également de connaître toutes les circonstances qui conduisent à des suicides. On s’est par exemple rendu compte que s’il y a des médecins dans les services médico-psychologique régionaux – SMPR –, qui interviennent dans les centres pénitentiaires, il n’y a pas de médecin référent mineurs là où existent des quartiers de mineurs. Or il peut être important de disposer d’un médecin en charge des mineurs, notamment pour la détection du risque du suicide. Aussi, j’ai pris la décision de demander que là où il y a des mineurs, il y ait un médecin référent mineurs.

Dans le cadre des dernières inspections, nous avons aussi découvert que, souvent, les SMPR ne sont pas ouverts la nuit ou bien qu’un problème de permanence s’y pose la nuit : l’administration pénitentiaire peut faire passer un mineur devant un médecin, mais ce n’est que le lendemain matin qu’il sera affecté au SMPR. C’est tout l’intérêt des inspections que de pouvoir détecter de tels dysfonctionnements.

Les médecins l’ont fait également remarquer : les procès médiatiques provoquent des suicides. Pendant le procès Fourniret, seize suicides de délinquants sexuels – des pédophiles – ont été dénombrés.

Outre le médecin référent et les rondes spéciales, il faut aussi mettre en place la grille d’évaluation de prévention du suicide pour les mineurs. Elle sera diffusée à compter du 1er novembre.

Il convient également de rappeler la décision que j’ai prise en matière de pouvoir d’affectation des directeurs d’établissement. Le débat a eu lieu à la suite du meurtre qui a eu lieu à Rouen. Selon le code de procédure pénale, la décision d’affectation revient au chef d’établissement, sauf avis contraire médical. Le chef d’établissement est donc obligé d’affecter en fonction de l’avis médical. À Rouen, l’avis médical avait conclu que le détenu en question ne devait pas rester tout seul. Bien que l’administration ait constaté que ce détenu avait agressé à plusieurs reprises des codétenus dans la cour et souligné qu’elle le considérait comme dangereux, les médecins ont estimé non seulement qu’il ne présentait pas de signe de dangerosité, mais que, de plus, ce détenu devait être placé avec un autre en raison de ses tendances suicidaires.

C’est tout le débat entre dangerosité criminologique et dangerosité psychiatrique. Une mission a donc été lancée avec des médecins et la pénitentiaire sur cet aspect de dangerosité car, si agresser régulièrement un codétenu dans une cour en lui portant des coups de stylo n’est pas de la dangerosité, il y a pour le moins un risque pour l’autre détenu.

J’ai donc précisé aux chefs d’établissement que s’il y a une dangerosité constatée, ce sont eux qui affectent.

Dans le cas de Rouen, l’expertise indiquait qu’il n’y avait pas de dangerosité criminologique bien que la personne soit détenue pour meurtre : elle avait donné vingt-neuf coups de couteau à sa victime. Elle était passée à l’acte après une pulsion, mais elle n’était pas dangereuse ! À cet égard, il faut bien savoir que l’administration pénitentiaire ne dispose pas du dossier pénal du détenu : elle ne pouvait donc savoir que le détenu en question avait tué quelqu’un de vingt-neuf coups de couteau. Elle ouvre simplement un dossier sur son comportement pendant la détention. Les médecins ont accès au dossier pénal, mais pas l’administration pénitentiaire.

On pointe parfois cette dernière du doigt, mais elle ne dispose pas non plus de toutes les informations. Elle fait ce qu’elle peut en fonction de la loi et des règlements qui s’imposent à elle.

Aujourd’hui, s’ils constatent une dangerosité, les chefs d’établissement affectent donc eux-mêmes, et ce en dépit d’un avis médical contraire.

M. Dominique Raimbourg. Le groupe socialiste ne partage malheureusement pas votre optimisme, madame la garde des sceaux. Pour nous, votre budget apparaît d’abord comme décevant, ensuite comme inquiétant et, enfin, en dépit de tout le respect que l’on doit à votre fonction, comme déraisonnable par certains aspects.

Il est décevant parce que, au-delà de l’effet d’annonce sur son augmentation, cette dernière porte avant tout sur l’administration pénitentiaire. C’est sans doute nécessaire, mais cela signifie que les autres actions de la justice ne sont pas prises en compte. J’en veux pour preuve la baisse des crédits affectés à la protection judicaire de la jeunesse. On nous dit que cette baisse résulte de la concentration de la PJJ sur sa mission, qui est la mission pénale, mais rien n’est chiffré alors que, de plus, une partie de la mission pénale est effectuée par des associations qui, elles, vont percevoir des crédits.

Le budget nous paraît ensuite inquiétant. La première raison tient au fait qu’il n’y a pas d’anticipation des différentes réformes.

[…]

Ensuite, il n’y a pas d’anticipation de la réforme du droit pénal mineur, qui est en préparation au sein de la commission Varinard alors que cette dernière pointe du doigt une difficulté importante, qui est celle de la résorption des stocks. La justice des mineurs a accumulé, de façon inégale d’ailleurs selon les tribunaux, des retards importants. La résorption du stock va nécessiter forcément des moyens, notamment en greffes. Il n’y a pas non plus d’anticipation sur les coûts qu’entraînera la réforme de la justice des mineurs pour la remettre à niveau et pour faire qu’à chaque axe corresponde une réponse – ce sur quoi tous les intervenants sont d’accord.

[…]

En dernier lieu, ce budget nous paraît par certains aspects déraisonnable, car il ne répond pas à la question de la surpopulation carcérale. Les effectifs du personnel chargé du suivi de détenus à leur sortie augmentent peu. Il est révélateur de constater que, s’il existe un indicateur de réitération pour les mineurs, il n’en existe pas pour les sortants de prison. Oubli ? Difficulté technique ? Il me semble surtout que la sortie de prison n’est pas envisagée. Il en va de même pour la récidive et pour la libération conditionnelle. Vous évoquez les aménagements de peine, mais la plupart de ceux-ci sont conçus comme devant s’appliquer avant l’incarcération et il n’y a pas de mesure des aménagements de peine à la sortie. Il existe peu d’indicateurs relatifs aux libérations conditionnelles. Selon vous, le chiffre en serait de 10 %, mais il part de très bas, ce qui signifie qu’il n’y a pas de solution pour accélérer la sortie de prison dans un sens favorable à la prévention de la récidive et à la protection des victimes – deux aspects liés. De fait, la sortie de prison sèche est grave, car elle favorise la récidive et est potentiellement porteuse de victimes à venir. Vous nous dites, madame la garde des sceaux, que vous n’avez pas de solution, mais c’est vous qui menez la politique pénale et décidez des réquisitions que vous demandez à vos parquetiers et aux procureurs. Vous savez d’ailleurs le faire pour les peines planchers – encore que le peu de poids des 14 000 peines planchers prononcées face à 500 000 peines correctionnelles puisse inviter à s’interroger sur l’utilité de ces formules.

Mme la garde des sceaux. Ce sont 14 000 récidivistes en moins !

M. Dominique Raimbourg. Comme les autres peines, la peine plancher n’a de sens que si un accompagnement est assuré à la sortie. La fermeté doit s’accompagner d’un contrôle de celui sur qui elle a pesé.

Ce budget nous semble donc, je le répète, inquiétant.

Vous invoquez à juste titre les difficultés que rencontre la gestion d’une politique pénale face à l’opinion publique. Ce n’est pourtant pas nous qui avons invoqué dans le débat, en faveur des peines plancher, le drame du viol du petit Enis. Il est difficile de lutter contre l’émotion télévisuelle, mais c’est précisément là un piège dans lequel nous devons nous garder d’entrer.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, votre budget nous paraît très insatisfaisant.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la Commission des lois. […]

Pour ce qui concerne […] la justice des mineurs, plusieurs d’entre nous ont évoqué, comme vous-même, les travaux en cours de la commission Varinard, auxquels participent très régulièrement trois parlementaires présents aujourd’hui et dont nous espérons qu’ils déboucheront sur une véritable amélioration de la prise en compte des mineurs délinquants, en termes tant de prévention que, lorsque c’est nécessaire, de sanction. Il convient aussi de garder présent à l’esprit qu’il n’y a aucune raison objective de remettre en cause les fondamentaux de l’ordonnance de 1945. Pouvez-vous nous indiquer dans quelles conditions et, le cas échéant, dans quels délais vous envisagez, après la remise des conclusions de cette commission fin novembre, de soumettre au Parlement ce qui, plus qu’un bouleversement profond, sera une actualisation, une réécriture pour plus de cohérence de l’ensemble des dispositifs hérités de l’ordonnance de 1945 – laquelle, rappelons-le, a connu, en dépit d’un certain imaginaire qui voudrait la voir gravée dans le marbre, de nombreuses modifications.

M. Patrick Braouezec. Mes commentaires sont assez proches de ceux que vient de formuler le groupe socialiste. Madame la ministre, aussi appréciable que soit l’augmentation des crédits affectés à la mission de votre ministère, ils sont encore bien en deçà de ce qu’attendent les justiciables, les personnes incarcérées et les personnels.

On mesure mal, dans le cadre de cette discussion budgétaire, l’important retard qu’accuse la France dans le domaine de la justice. Notre pays se situe en effet au 35e rang européen et est l’un des pays qui consacre à la justice la part la plus faible de son budget. L’augmentation qui nous est proposée ne permet pas de pallier ce retard, car un grand nombre des postes créés seront consacrés à l’agrandissement du parc pénitentiaire.

Cet agrandissement et les nouvelles missions prévues ne permettront pas d’améliorer l’existant, notamment les graves difficultés que connaissent aujourd’hui les personnels. Dans son premier bilan, le contrôleur général des prisons, M. Jean-Marie Delarue, nommé en juin dernier, souligne que le surpeuplement des maisons d’arrêt rend très difficiles le travail des personnels pénitentiaires et les conditions de vie des détenus. Son premier constat est sans appel : tous les services sont débordés, tout se détériore, la surpopulation ne change pas la nature des problème, mais les aggrave.

Le chantage au suicide, que vous avez évoqué à plusieurs reprises, est une vision insuffisante : avec 93 suicides depuis le début de l’année, le passage à l’acte doit aussi nous préoccuper et nous interpeller sur les conditions de détention.

Je rappelle que, dans une unité syndicale assez rare pour qu’on la souligne, les trois principales organisations de surveillants dénoncent une situation alarmante des conditions de travail, un manque de moyens humains et matériels et une incohérence de la politique pénale. Je rappelle également que, voilà moins de quinze jours, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de l’article 2 de la Convention des droits de l’homme.

[…]

Dans ce même rapport, la Cour des comptes soulignait la nécessité de compléter le projet annuel de performance par un indicateur relatif au nombre de détentions provisoires d’une certaine durée suivies d’un non-lieu. Pas plus que le projet de budget pour 2008, celui de 2009 ne suit pas cette recommandation. Pourquoi donc le ministère refuse-t-il d’intégrer cet indicateur, pourtant simple à mettre en place ?

[…]

Enfin, pour ce qui concerne le programme de protection judiciaire de la jeunesse – la PJJ –, ce projet de budget ne déroge pas à la tradition du gouvernement précédent et du premier budget que vous avez vous-même présenté, madame la garde des sceaux. Le budget de la PJJ affecté aux mesures rééducatives et aux milieux ouverts pâtit en effet de la priorité accordée aux mesures mises en œuvre en direction des mineurs délinquants, qui reçoivent 62 % de ce budget, contre 18,61 % pour les mineurs ou les jeunes majeurs en danger. L’écart ne cesse de se creuser, car ce rapport était l’an dernier de 50 % contre 30 %.

Si cet écart nous préoccupe, il ne nous étonne pas, car il est sans doute la traduction chiffrée des priorités gouvernementales. Le primat de l’éducatif sur le répressif n’existe déjà plus, ce qui confirme la commande que vous avez passée auprès de la commission Varinard pour la réforme de l’ordonnance de 1945. La circulaire d’orientation budgétaire de rentrée de l’administration centrale de la PJJ impose d’ailleurs le positionnement des services de la PJJ au pénal exclusivement, ce qui est fort préoccupant.

Ce budget, je le répète, est bien en deçà des besoins des justiciables, des personnels et des personnes condamnées à des peines de prison, et certaines de ses dispositions nous préoccupent.

Mme la garde des sceaux. Je n’ai pas dit que j’étais optimiste, mais que ce budget était en hausse. On peut toujours réclamer plus de crédits, mais il faut être responsable : plus de crédits pour quoi faire ? Nous augmentons les moyens, mais en même temps nous réformons.

Budget décevant, inquiétant, dites-vous ? Il ne fallait pas vous priver pendant quatorze ans ! Je ne veux pas polémiquer, mais je suis allée consulter les débats parlementaires…

M. Patrick Braouezec. Pendant ces quatorze ans, nous avons aussi demandé plus !

Mme la garde des sceaux. On me fait grief de beaucoup de choses, mais je n’improvise rien : quand j’établis un budget, je regarde les précédents ; quand j’élabore le projet de loi pénitentiaire, je reprends les travaux qui ont été faits précédemment, notamment par la gauche ; quand je réforme la carte judiciaire, je reprends le rapport Guigou, le rapport Nallet, le rapport Lebranchu. D’ailleurs, la plupart des tribunaux regroupés figuraient déjà dans le rapport présenté en conseil des ministres en 1999. Je rends hommage à la gauche pour le travail qu’elle a fait : elle n’est pas allée jusqu’au bout, mais il m’a servi !

Je ne réponds pas aux polémiques, ce n’est pas ma conception de la politique. Faire de la politique, c’est militer, convaincre, tenir des engagements ; ce ne sont pas les coups bas et les petites phrases. Lorsque Mme Guigou était garde des sceaux, le budget a augmenté mais, en matière de réformes, on a calé sur tout : sur la réforme de l’ordonnance de 1945, sur la réforme de la carte judiciaire, sur la réforme des tribunaux de commerce, sur la réforme du CSM… La liste est longue ! Merci donc à tous ceux qui ont travaillé et dont j’utilise le travail ; mais nous, nous allons jusqu’au bout. Et je réclame l’égalité des armes : il aurait fallu, à l’époque, formuler les mêmes commentaires qu’aujourd’hui.

[…]

Pour notre part, donc, non seulement nous programmons, mais nous finançons. Il en va de même pour le programme immobilier pénitentiaire. La réhabilitation des Baumettes était estimée à 180 millions : j’ai considéré qu’il valait mieux tout démolir puis reconstruire ; le calendrier reste le même – 2011-2013 – mais ce sera pour la construction d’une nouvelle prison. Ces travaux sont attendus depuis quinze ans.

[…]

En ce qui concerne l’administration pénitentiaire, vous m’avez interrogée sur la détention provisoire. Je veux d’abord souligner qu’elle a beaucoup diminué, notamment après l’affaire d’Outreau. Il peut être intéressant de savoir dans quelle proportion elle débouche sur une détention ferme, mais il me paraît encore plus pertinent de savoir dans combien de cas elle débouche sur une relaxe ou un acquittement. Ainsi, dans les affaires de mœurs, un placement en détention provisoire peut être nécessaire.

M. René Couanau, rapporteur spécial. Les indicateurs relatifs à cette mission manquent de clarté. Certains ne sont pas instruits, d’autres sont supprimés sans explication par le ministère du budget, d’autres encore ne sont pas très parlants… Si l’on veut renforcer l’action du ministère, il convient de revoir la définition des indicateurs.

M. le président Didier Migaud. Les rapporteurs peuvent tous faire des propositions à cette fin.

Mme la garde des sceaux. Toute proposition serait bienvenue. Ayant moi-même constaté des écarts incompréhensibles dans les indications que l’on me fournissait, ce qui les rendait inexploitables, j’ai demandé, dans le cadre de la réorganisation de la Chancellerie, la centralisation des outils statistiques. Elle permet la mise au point d’indicateurs pertinents sans qu’il soit plus besoin de submerger les juridictions de demandes fragmentées. Je puis ainsi vous dire que le taux de récidive après « sortie sèche » est de 60 %, et qu’il diminue de deux tiers environ en cas de sortie « aménagée ». Quant aux libérations conditionnelles, j’observe, sans vouloir être désagréable, qu’elles ont longtemps été bien peu nombreuses… Je souligne d’autre part que la décision dépend d’un juge. Pour autant, la Chancellerie a adopté une politique volontariste, qui s’est traduit par une augmentation de 10 % du nombre de libertés conditionnelles. Les conférences régionales d’aménagement des peines donnent l’occasion d’en débattre et d’assurer la cohérence des méthodes de travail, qui garantit elle-même la cohérence des objectifs visés. Je considère la libération conditionnelle comme le meilleur moyen de réinsertion. Encore faut-il être « conditionnable », c’est-à-dire avoir accompli la moitié de sa peine, et avoir le profil requis – certains prisonniers ne l’ont pas, tels les pédophiles qui sont dans le déni. Mieux vaudrait dans tous les cas ne pas attendre le moment où un détenu peut prétendre bénéficier d’une liberté conditionnelle pour faire procéder au renouvellement de ses droits sociaux et pour définir avec lui un projet éducatif ou de formation professionnelle. C’est l’un des enjeux du projet de loi pénitentiaire.

La révision de l’ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants devrait conduire à redéployer environ 800 emplois du civil vers le pénal ainsi que les crédits y afférents. Il en résulterait, avez-vous dit, que l’éducatif ne primerait plus. Il n’en est rien. J’ai explicitement fixé à la commission présidée par le recteur Varinard la mission de préserver la primauté de l’éducatif qui, pas davantage que les autres principes qui régissent l’ordonnance de 1945 – atténuation de la responsabilité et spécialisation des juridictions –, ne sera remis en cause. Permettez-moi cependant de vous rappeler les conclusions du rapport de M. Jean-Pierre Schosteck, selon lesquelles la réponse à une infraction commise par un mineur ne doit pas être une condamnation au civil mais une sanction pénale – rapide de surcroît, sinon le mineur sanctionné en a oublié la cause, et le jugement rendu perd toute efficacité. Je suis persuadée de la justesse de ce point de vue.

Les cartes de la protection judiciaire de la jeunesse, la carte pénitentiaire et la carte judiciaire seront harmonisées en une seule et l’on passera de manière uniforme à neuf échelons. Cette réforme nécessaire était attendue. L’affirmation selon laquelle, s’agissant des mineurs, nous aurions oublié ce qui touche à l’éducatif, est inexacte. Nous avons créé, en un an, cinq centres éducatifs fermés où des équipes pluridisciplinaires sont aussi aptes à prendre en charge sur le plan psychiatrique des mineurs qui ont commis des crimes et qui présentent souvent des troubles de la personnalité.

Le stock de mesures en attente est de 2 047, dont 979 concernent des mineurs en danger et 18 de jeunes majeurs. Le budget de la justice pour 2008 et la réorganisation des missions ont permis de réduire ce stock de 2 %, le délai moyen de traitement des affaires passant de 53 jours à 18 jours. La loi de protection de l’enfance a permis une meilleure répartition des missions de la protection judiciaire de la jeunesse et un recentrage ; il en résulte que 19 % de ce budget est consacré au civil.

Je confirme, monsieur Geoffroy, que le programme de 13 200 places de prison est financé et qu’il sera tenu. Le fait que nombre de ces créations soient prévues dans le cadre de partenariats public-privé permet de raccourcir les procédures et de respecter les délais.

Je n’ai pas parlé de « chantage au suicide » comme s’il s’agissait d’un fait général, monsieur Braouezec, mais directeurs d’établissements et membres du personnel pénitentiaire vous le confirmeront, de tels comportements ont lieu. Cela peut être, par exemple, pour partager la cellule d’un autre détenu, et il s’en produit aussi pendant les procès très médiatisés.

Quant à prétendre que les mouvements syndicaux observés ces jours-ci seraient les premiers de cette ampleur, permettez-moi un doute sérieux. En 1993, la moitié des prisons étaient bloquées, un millier de magistrats se sont rendus devant Matignon où M. Jospin a refusé de les recevoir, des codes ont été brûlés place Vendôme. En 1999, d’autres mouvements syndicaux très longs et très forts ont été observés.

Je ne nie pas les mouvements actuels et ne les minimise pas davantage ; j’entends, mais je constate que, pour des raisons que je préfère ne pas approfondir, on s’emballe parfois alors qu’il faut savoir garder la tête froide. Rappelez-vous, aussi, la loi sur la présomption d’innocence, qui est à l’origine d’une évasion à Montpellier : elle avait mis toutes les professions judiciaires dans la rue ! Et Mme Lebranchu se rappelle certainement cette période peu plaisante pour elle, alors garde des sceaux, où tous les barreaux étaient en grève.

S’agissant de la justice, nous avons mené huit réformes et dix textes ont été adoptés. C’est le résultat d’un travail de terrain et de rencontres régulières avec les syndicats. Je rends hommage à l’administration pénitentiaire, qui conduit sa tâche avec un sens élevé de ses responsabilités, dans des conditions rendues plus difficiles par la surpopulation carcérale et la présence de détenus de plus en plus violents.

Quant au meurtre du petit Enis, il s’explique par un vide juridique concernant les délinquants les plus dangereux. On ne peut contraindre personne à se soigner, et M. Blisko n’ignore pas que les délinquants sexuels les plus pervers refusent de se soigner en détention : que faire d’eux quand ils sortent de prison ? Il y avait là un vide juridique, et c’est en cela que la loi sur la récidive est utile : 14 000 prononcés de peines planchers, c’est quand même 14 000 récidivistes mis hors jeu, et si ces peines ont permis de sauver ne serait-ce qu’une victime, alors cette loi est utile. On reproche à la rétention de sûreté de ne concerner que 1 % des détenus : peut-être, mais il s’agit des délinquants les plus dangereux ! Il me semble que le viol ou le meurtre d’un enfant ébranle davantage les fondements de la société qu’un vol de portable, même commis en récidive ! Une telle mesure évite le risque d’une société où on se fait justice soi-même.

M. Serge Blisko. Mes questions porteront sur la situation de l’administration pénitentiaire.

Je reconnais que la progression de 4 % des crédits de paiement pour l’administration pénitentiaire représente une augmentation notable. Mais il s’agit d’un budget en demi-teinte, voire en trompe-l’œil, cette augmentation devant être totalement absorbée par l’augmentation de la population carcérale et votre objectif de construction de places supplémentaires au confort amélioré. De ce fait, chaque agent de l’administration pénitentiaire ou chaque conseiller d’insertion et de probation se retrouvera avec le même nombre de détenus en face de lui, détenus de plus en plus jeunes et dont les problèmes sanitaires, psychologiques et toxicologiques s’aggravent.

Cette situation justifie vos projets de développement des aménagements de peine, dont nous approuvons le principe. Mais ils ne peuvent pas reposer exclusivement sur le dispositif de placement sous surveillance électronique mobile, dont beaucoup d’études démontrent qu’il n’est pas toujours bien toléré : il conviendrait de développer également les travaux d’intérêt général et les placements en centres de semi-liberté, qui sont loin d’être pleins. De même, le recrutement de 170 conseillers d’insertion et de probation supplémentaires doit être apprécié au regard de l’augmentation du nombre de détenus, chaque CIP ayant de ce fait la charge de 100 à 150 détenus : on voit qu’il reste beaucoup à faire, d’autant qu’ils ont à s’occuper aussi de justiciables qui ne sont pas incarcérés, soit 240 000 personnes en tout. Il faut également tenir compte des revendications statutaires de ces CIP, qui ont donné lieu à des mouvements sociaux en juin : ils souhaitent notamment une redéfinition de leurs missions qui reconnaisse la spécificité de leur rôle.

Vous avez souhaité une implication plus forte des collectivités locales, notamment des conseils généraux, qui gèrent l’aide sociale. Mais les charges pesant sur elles doivent-elles encore s’accroître, au moment où leur budget est obéré par l’aggravation de leurs dépenses sociales obligatoires, qui sont encore appelées à augmenter à l’avenir, étant donné la situation économique ?

On ne peut que vous approuver quand vous soulignez la nécessité d’améliorer la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires. Le travail en prison est pour l’heure le parent pauvre de l’organisation pénitentiaire, comme le prouvent les faibles performances de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires. Or ce travail devrait être la règle en détention.

Il convient de souligner en la matière la responsabilité de l’État, notamment de l’éducation nationale : on ne peut que s’étonner de la très faible implication de celle-ci quand on connaît le très faible niveau scolaire des détenus. Je ne parle pas des personnels qui assurent des cours en prison, dont le dévouement est remarquable, mais du ministère lui-même, où personne n’est chargé spécifiquement de la formation en prison.

La très grande diversité des situations des établissements pour mineurs, EPM, pose aussi question, certains étant très performants quand d’autres ont du mal à démarrer. Il conviendrait de s’inspirer des exemples de réussite, en assurant une meilleure coopération entre PJJ, éducation nationale et administration pénitentiaire. Cela suppose que la PJJ aille au bout de sa révolution culturelle.

Je veux pour finir revenir au problème de la surpopulation carcérale, dont on ne peut nier, en dépit de toutes vos dénégations, qu’il est la cause du malaise des détenus et d’une grande partie des drames auxquels nous assistons actuellement. Vous avez par voie de circulaire repoussé à 2012 le respect du principe de l’encellulement individuel, en contradiction avec les règles européennes. Il est grand temps de mettre fin au scandale de nos prisons, épinglé à maintes reprises par le Conseil de l’Europe.

M. Philippe Goujon. Je tiens, pour ma part, à féliciter les rapporteurs pour leur travail et Mme la garde des sceaux pour avoir obtenu une hausse de son budget, particulièrement appréciable pour l’institution judiciaire dans le contexte budgétaire actuel. Je m’arrêterai plus particulièrement sur le budget de l’administration pénitentiaire.

La règle de l’encellulement individuel, qui a été posée par une loi de 1875, n’entrera pas encore en application cette année. Il convient cependant de souligner l’importance du programme de construction de nouvelles places que vous avez lancé et qui est sans précédent. La comparaison qu’on peut faire avec certains de vos prédécesseurs devrait d’ailleurs inviter nos collègues socialistes à plus de modestie. Reste que des difficultés importantes continuent à entraver l’application de cette règle, du fait notamment de la fermeté de la politique pénale, sur laquelle nous souhaitons d’autant moins revenir qu’elle est conforme aux souhaits des Français.

Les escortes et transfèrements de détenus sont la plupart du temps effectués aujourd’hui par la police et par la gendarmerie – problème récurrent dont on n’entend d’ailleurs plus beaucoup parler. Où en est-on à ce sujet ? La possibilité de recourir plus fréquemment à la visio-conférence, voire à la visio-audition, permettrait peut-être de limiter ces transfèrements. Où en est-on de l’installation des équipements permettant d’utiliser ces techniques ? S’est-elle heurtée à des obstacles particuliers ?

On a évoqué tout à l’heure la situation des Baumettes, qui est en effet l’un des plus gros établissements pénitentiaires de France. Où en est le projet de rénovation de la prison parisienne de la Santé ?

Les moyens accordés au contrôleur général des lieux de privation de liberté devraient être actualisés en fonction de ses besoins et de ses attentes. Envisage-t-on d’augmenter les crédits qui lui ont été alloués pour ses déplacements, quelques difficultés ayant été constatées sur ce point ? De même, le problème des locaux dont il dispose a-t-il été réglé de façon à lui permettre de remplir sa mission dans de meilleures conditions ?

Un rapport récent, dont il a été fait état dans la presse, révèle des agissements extrêmement préoccupants en matière de prosélytisme islamiste dans les prisons. Des rapports sur ce même sujet avaient d’ailleurs été remis par le passé, qui avaient déjà conduit à prendre des mesures. Où en est-on exactement aujourd’hui ?

Mme Rudzetski ayant fait savoir qu’elle cessait ses fonctions à la tête de l’association SOS Attentats, est-il prévu de mettre en place une structure pérenne pour s’occuper des victimes d’attentats terroristes, comme elle en avait exprimé le souhait ?

M. Jean-Jacques Urvoas. Je crains, Madame la garde des sceaux, de devoir formuler des critiques sur votre projet de budget et de m’exposer donc à des foudres jupitériennes… Mais ces critiques me paraissent justifiées. Ce n’est pas l’opposition française, mais le Conseil de l’Europe lui-même qui a classé la France au 35ème rang sur 43 pays membres de l’organisation en matière de budget annuel de la justice par habitant.

[…]

Vous nous avez longuement parlé dans votre propos liminaire de la loi pénitentiaire. Mais il s’agit pour l’instant un texte fantôme, ce que nous déplorons tous. Annoncé en décembre 2007, repoussé à l’automne 2008, ce projet de loi devait nous être soumis en janvier 2009,  avant qu’on évoque maintenant sa présentation en mars 2009 devant le Sénat. Quoi qu’il en soit, espérons que nous puissions l’examiner le plus rapidement possible.

Si le taux d’agressions contre les personnels pénitentiaires était en 2006 légèrement inférieur à ce qui pouvait être attendu, il a été le double en 2007 et 2008.

Dispose-t-on d’indicateurs s’agissant de la sécurité des détenus ?

Vous avez évoqué les suicides, soulignant qu’il fallait rapporter leur nombre, en augmentation, à la population carcérale, elle-même en augmentation. Mais quid du nombre de meurtres entre détenus, qui a doublé entre 2007 et 2008 ? Notre pays a le plus fort taux de mortalité carcérale en Europe, après le Luxembourg et l’Islande.

Mme la garde des sceaux. […]

M. Blisko craint que l’augmentation des crédits de l’administration pénitentiaire ne soit absorbée par celle de la population carcérale. Les créations de postes sont, heureusement, fonction du nombre de places, et non de détenus.

Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) suivent 157 000 personnes en milieu ouvert. J’ai bien entendu les revendications des conseillers de ces structures, qui souhaitent être davantage spécialisés en criminologie pour mieux remplir leurs missions que nous sommes en train de revoir, suite aux conclusions du groupe de travail sur le sujet. Il y avait 1 700 emplois de SPIP en 1997 ; il y en aura 170 de plus en 2009. De 2002 à 2007, leur nombre a été fortement accru et leur action mieux reconnue, puisqu’ils étaient auparavant mélangés avec les travailleurs sociaux et les associations. Nous poursuivons cette politique.

Les bracelets électroniques sont-ils supportables ? Le rapport Lamanda a préconisé de les miniaturiser. Il s’agit d’un nouveau dispositif, qui, pour l’instant, n’a pas provoqué d’incidents. Cela dit, il peut toujours être amélioré.

Par ailleurs, l’aménagement des peines ne se limite pas au seul bracelet électronique, qui n’est qu’un moyen parmi d’autres. Les libérations conditionnelles, les régimes de semi-liberté, les placements extérieurs et même les permissions de sortie sont eux aussi des outils d’aménagement des peines, dont la palette va encore être accrue par la loi pénitentiaire. Le bracelet électronique est cependant particulièrement important, dans la mesure où il peut se substituer à une place de prison.

Le taux d’activité en prison est actuellement de 37 %. C’est faible, mais les établissements pénitentiaires, notamment les plus anciens, ne sont guère conçus pour qu’on y travaille. Les établissements plus récents comportent d’immenses ateliers, beaucoup mieux adaptés au travail et plus sécurisants pour les personnels pénitentiaires, qui peuvent surveiller les détenus depuis des coursives. Il s’agit donc essentiellement de problèmes de conception, d’organisation et de surveillance. Les nouvelles constructions, les conventions MEDEF ainsi que le développement de la formation professionnelle et de l’éducation en prison amélioreront certainement les choses.

Contrairement à ce que vous dites, l’Éducation nationale s’implique beaucoup dans le système pénitentiaire. Partout où il y a des mineurs, il y a des professeurs. En revanche, la population carcérale n’est pas homogène, même si le niveau d’études est globalement très bas, avec de nombreux cas d’illettrisme. Faire un cours de français ou de mathématiques devant un public composé de jeunes, de moins jeunes et d’étrangers, tous de niveau très faible, ce n’est pas facile ! C’est pourquoi les établissements pénitentiaires pour mineurs sont si importants. Il ne faut pas oublier que, jusqu’à une date récente, personne ne voulait travailler avec un surveillant pénitentiaire ! Même si un drame est survenu récemment à Meyzieu, il s’agit d’un concept innovant et adapté pour les mineurs, assurant à la fois des soins, des enseignements scolaires, de la formation professionnelle et de la surveillance. Nous souhaitons en conséquence fermer une partie des quartiers de mineurs : si les moins de 16 ans ont une obligation scolaire, les 16-18 ans n’y ont aucune obligation d’activité et peuvent rester enfermés dans leur cellule toute la journée s’ils le souhaitent, ce qui n’est pas le cas dans les EPM. Avec 20 heures de cours par semaine, ceux-ci mobilisent 1 600 emplois de l’Éducation nationale, ce qui prouve bien l’implication de cette dernière.

S’agissant de la formation professionnelle, vous avez raison : compte tenu de leur niveau scolaire extrêmement bas, il est important que les détenus puissent bénéficier d’une formation professionnelle en prison, de manière non seulement à faciliter leur réinsertion, mais aussi à leur apporter une rémunération. J’en ai parlé récemment au président du conseil régional du Nord, qui m’a dit qu’il allait y réfléchir. Je ne peux pas donner d’instructions aux présidents des conseils régionaux ! Si vous vouliez bien relayer cette demande auprès de vos amis, j’en serais ravie.

Quant à la surpopulation, il suffit de regarder les statistiques : elle existe depuis 1995. Entre 1997 et 2002, on a fermé 4 % des places de prison ; et si cela était nécessaire vu leur insalubrité, dans le même temps, la délinquance augmentait. Pour remédier à cette surpopulation, nous avons deux solutions : construire de nouvelles places et aménager les peines.

En ce qui concerne les escortes, nous avons laissé les choses en l’état : le ministère de l’intérieur s’en charge, sauf à Marseille pour les escortes médicales.

Pour ce qui est de la visioconférence, nous avons pris l’engagement de réduire le nombre de transferts de 5 % en 2009 et de 5 % en 2010. Je souhaitais aller plus loin, mais nous rencontrons des difficultés en ce qui concerne la signature des actes et les dates de début des délais.

S’agissant de la prison de la Santé – qu’il faut bien sûr réhabiliter –, l’objectif est de conserver 250 places et d’en construire 1 000 en région parisienne. Nous cherchons actuellement un site. Pendant un moment, il avait été question de fermer la Santé et d’agrandir Fleury, qui compte déjà 3 500 places, mais, compte tenu du nombre de contentieux à Paris, notamment ceux liés au grand banditisme et au terrorisme, il est indispensable d’avoir une prison de proximité.

Concernant le prosélytisme en prison, j’ai signé en mars 2008 avec mon homologue britannique, Jack Straw, un programme de prévention du prosélytisme et de l’Islam radical en milieu pénitentiaire. Toutefois, il ne faut pas dissocier ce problème du libre exercice de culte. Nous travaillons donc en parallèle à faciliter l’accès au culte pour tous les détenus et à améliorer l’observation des comportements prosélytes ; nous avons également accru la coopération avec les services spécialisés de police et de gendarmerie. Le nombre d’aumôniers pour les musulmans a été accru de 66 en 2005 à 117 aujourd’hui, tandis que le budget pour les aumôniers passera de 2,1 millions d’euros en 2008 à 2,2 millions en 2009. La difficulté est d’évaluer la demande, puisqu’on ne demande pas à tout nouveau détenu, dès son arrivée, s’il souhaite pratiquer un culte.

Pour ce qui est du contrôleur général des lieux de privation des libertés, il relève du budget du Premier ministre.

[…]

M. René Couanau, rapporteur spécial. Je m’exprimerai là non pas en qualité de rapporteur spécial, mais en tant que membre de la majorité.

Je suis très frappé, madame la garde des sceaux – on vient encore de le constater –, par le décalage assez considérable qui existe entre un certain état d’esprit régnant dans les milieux de la justice et les réalités du budget. Il n’y a rien d’objectif à s’appuyer sur ce budget pour essayer de contester des évolutions dans les domaines de la justice et de la pénitentiaire alors que le budget de la justice se distingue des autres budgets de l’État par une augmentation des moyens.

Mme la garde des sceaux ne l’a pas caché, rien n’est parfait. Dans certaines maisons d’arrêt, la surpopulation continue à exister. Pour autant, on ne peut nier que les moyens mis en place permettront progressivement de résorber les difficultés.

De même, si l’effet des réformes ne peut être immédiat, nous ne pouvons nier que tous les moyens sont mis en œuvre pour que ces dernières soient poursuivies.

Vraiment, c’est un décalage complet que je ressens entre une certaine opinion et les réalités du budget que nous constatons aujourd’hui, fondé sur des réformes décidées non par la garde des sceaux, mais par la représentation nationale et appuyées par cette dernière.

J’ai souvent suffisamment manifesté mon esprit critique, y compris à l’égard du Gouvernement, pour ne pas comprendre que l’on puisse s’appuyer sur les données de ce budget pour essayer d’alimenter une sorte de malaise qui existerait à la fois dans la pénitentiaire et chez les magistrats.

Toutes les raisons existent de se satisfaire d’un budget très positif, et je tenais à le souligner aussi en tant que membre de la majorité.

Mme la garde des sceaux. […]

Pour ce qui est des agressions entre détenus, on en comptait 367 en 2007 contre 373 en 2006. C’est là tout l’objet de la mission que nous avons mise en œuvre sur l’évaluation de la dangerosité, cette dernière n’étant pas la même selon qu’elle est d’ordre criminologique ou psychiatrique. L’objectif est évidemment de diminuer le nombre des agressions entre détenus.

[…]

Quant au suicide d’un mineur, je rappelle que votre propre groupe, monsieur Urvoas, s’en est ému et qu’une mission parlementaire a été demandée à ce propos. Tous mes prédécesseurs vous le confirmeront, y compris dans vos rangs : lorsqu’un drame se produit, la garde des sceaux demande une inspection, parce qu’il faut éclairer – et ce n’est bien sûr pas elle qui procède aux convocations ou s’enquiert des modalités des faits. En engageant cette démarche, j’ai peut-être répondu à une demande du Parti socialiste, qui propose une commission d’enquête pour connaître les circonstances du suicide – et, de fait, je reçois quotidiennement des communiqués en ce sens. Vous pensez que nous sommes incapables de comprendre, mais viendra bien un jour où il faudra débattre publiquement de ces sujets : vous ne pouvez pas être d’accord en privé et soutenir publiquement une autre position.

Je demande donc quelles sont les circonstances qui ont conduit un mineur de seize ans, condamné à six mois de prison et qui n’est pas comparant le jour de l’audience, à se suicider. Tout d’abord, le jugement était-il exécutoire ? Si ce n’était pas le cas, vous ne manqueriez pas de le relever. Ensuite, comment se fait-il qu’un mineur se suicide le lendemain de son incarcération ? Que le chef de l’inspection auditionne toutes les personnes concernées par la chaîne qui a conduit un mineur à être incarcéré et à se suicider est élémentaire. Les polémiques et les petites phrases m’importent peu. Nous n’avons pas la même définition de la politique. J’ai une responsabilité, qui est la sécurité des Français. Lorsqu’un drame se produit, je dois m’en expliquer et l’éclairer pour améliorer la situation. Je ne peux pas me satisfaire de suicides de mineurs et de meurtres en prison. Il est normal que les personnes concernées soient auditionnées et qu’on sache ce qui s’est passé. Vous l’avez réclamé ; je l’ai fait. Nous vous avions peut-être réclamé beaucoup ; vous n’avez pas fait grand-chose. C’est sans doute la différence entre vous et nous.

[…]

M. le président Didier Migaud. Merci madame la ministre.

Nous en avons terminé avec cette commission élargie.

*

* *

À l’issue de l’audition de Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice, la Commission examine pour avis les crédits des programmes de la mission «Justice » : « Justice et accès au droit » (M. Jean-Paul Garraud, rapporteur), « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse » (Mme Michèle Tabarot, rapporteure).

Sur proposition de ses rapporteurs pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » pour 2009.

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE
POUR AVIS

—  M. Jean-Marie DELARUE, Contrôleur général des lieux de privation de liberté

—  M. Claude d’HARCOURT, directeur de l’administration pénitentiaire, accompagné de M. Thierry MOSIMANN, sous-directeur de l’organisation et du fonctionnement des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire

—  M. Philippe-Pierre CABOURDIN, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse, accompagné de M. Olivier PETIT, adjoint au sous-directeur du pilotage et de l’optimisation des moyens

—  Mme Catherine SULTAN, présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF)

DÉPLACEMENTS DE LA RAPPORTEURE POUR AVIS

Mercredi 9 octobre 2008

Consultation familiale de la protection judiciaire de la jeunesse de Paris

– M. Gérard Le Jan, chef de service

– Mme Nadia Choudar, éducatrice

– Mme Marianne Bille-Desogère, psychologue

– Mme Sybille Le Blanc, psychologue

– Docteur Georges Nauleau, psychiatre

– M. Ronan Kervela, responsable du dispositif de milieu ouvert, PJJ de Paris

Lundi 20 octobre 2008

Centre hospitalier Sainte-Marie de Nice – SIPAD

– Mme Chantal Philip, directrice de l’établissement

– M. Léopold Prigniel, directeur des soins

– Docteur Catherine Laffranchi, médecin chef de pôle

– Docteur Pierre Girardet, psychiatre

– M. Denis Gossa, cadre supérieur de santé

– Mme Magali Fredy, cadre de santé

– M. Gérard Lanoir, directeur départemental adjoint de la PJJ des Alpes-Maritimes

– M. Jean-Louis Ricard, responsable du dispositif hébergement à la direction départementale de la PJJ des Alpes-Maritimes

– Mme Julie Moni, éducatrice détachée de la PJJ

– Mme Delphine Berthon, éducatrice détachée de la PJJ

Maison d’arrêt de Nice

– M. Thierry Guilbert, chef d’établissement

– M. Franck Leloup, directeur-adjoint

– M. Jean-Paul Adij, chef de détention

– Mme Sophie Bouttier-Véron, juge de l’application des peines au TGI de Nice

– Mme Véronique Descos, responsable de l’antenne SPIP de Nice

– Dr Catherine Vincent, médecin-chef de l’UCSA

– Dr Yves Simchowicz, psychiatre du SMPR

– Mme Geneviève Truchi, cadre infirmier du SMPR

– M. Denis Gossa, cadre supérieur de santé du SMPR

© Assemblée nationale

1 () Le nombre de journées de détention a augmenté de 6,4 % en 2007, passant de 21,5 à 23 millions. Le nombre de JDD de 2008 devrait atteindre 24,6 millions, soit une nouvelle augmentation de 6,7 %.

2 () Loi n° 2002-1138 du 9 septembre /2002 d’orientation et de programmation pour la justice.

3 () Rapport (n° 505) de M. Etienne Blanc, au nom de la mission d’information de la commission des Lois sur l’exécution des décisions de justice pénale pour les mineurs, propositions n°s 40 et 41, pages 84 à 87.

4 () Articles 33 et 46 du projet de loi pénitentiaire (n° 495, session extraordinaire de 2007-2008)

5 () Outre les sept établissements cités plus hauts qui seront livrés et mis en service en 2009, quatre autres établissements seront livrés en 2009 pour être mis en service au début de l’année 2010. Il s’agit des CP de Rennes, Béziers, Le Mans et Le Havre.

6 () Il s’agit des CP de Laon, Châteauroux et Saint-Quentin-Fallavier et de la maison centrale d’Arles.

7 () Sur la mise en œuvre de l’indemnité de fonctions et d’objectif, voir infra, « Réformes indemnitaires ».

8 () Avis (n° 3368, tome 4) de Mme Michèle Tabarot au nom de la commission des Lois sur le PLF pour 2007, crédits de la justice – programmes Administration pénitentiaire et Protection judiciaires de la jeunesse, pages 24 et suivantes.

9 () Loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale et décret n° 94-929 du 27 octobre 1994 relatif aux soins dispensés aux détenus par les établissements de santé assurant le service public hospitalier, à la protection sociale des détenus et à la situation des personnels infirmiers des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire.

10 () Sur les soins psychiatriques, voir infra, « 2. Les insuffisances de la prise en charge psychiatrique ».

11 () Étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de la santé, dont les résultats ont été publiés en mars 2005 ; étude menée en 2003 par Cemka Eval, société privée spécialisée dans l’épidémiologie.

12 () Rapport de M. Jean-Louis Terra à M. le garde des Sceaux, ministre de la Justice, et M. le ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes Handicapées, « Prévention du suicide des personnes détenues : évaluation des actions mises en place et propositions pour développer un programme complet de prévention », décembre 2003, La documentation française.

13 () Au même titre que d’autres autorités indépendantes telles que le Médiateur de la République, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ou encore la Haute autorité de lutte contre les discriminations.

14 () Cf. infra, « b) Une insuffisante diffusion des initiatives innovantes ».

15 () Directeurs, professeurs techniques, psychologues, conseillers techniques de service social, chef de service éducatifs, médecins et psychiatres payés sur crédits de vacation.

16 () Éducateurs, assistants de service social, infirmiers.

17 () Adjoints administratifs, agents administratifs, maîtres ouvriers, ouvriers professionnels, agents techniques d’éducation.

18 () Cf. infra.

19 () Décret n° 2007-654 du 30 avril 2007 portant modification de certaines dispositions statutaires relatives à des corps de catégorie B de la fonction publique de l’État.

20 () Cf. supra, administration pénitentiaire, « B. La prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique des personnes placées sous main de justice ».

21 () - Adolescents (14-21 ans) de la protection judiciaire de la jeunesse et leur santé : enquête épidémiologique effectuée à l’initiative de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse et financée par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, INSERM, Unité 472, Marie Choquet, Sylvie Ledoux, Christine Hassler, La documentation française, 1998.

- Santé des 14-20 ans de la protection judiciaire de la jeunesse (secteur public)  sept ans après, INSERM, Unité 669, Marie Choquet, Christine Hassler, Delphine Morin, 2005.

22 () Il s’agit, d’une part, du CEF (public) de Savigny-sur-Orge (Essonne), que votre rapporteure avait visité en 2007, et, d’autre part, de 4 CEF gérés par le secteur associatif habilité : Valence (Drôme), Moissannes (Haute-Vienne), Liévin (Pas-de-Calais) et La Jubaudière (Maine-et-Loire).