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N° 1203

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2009 (n° 1127),

TOME VI

OUTRE-MER

PAR M. Didier QUENTIN,

Député.

Voir le numéro : 1198 (annexe 30).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses aux questionnaires budgétaires devaient parvenir au rapporteur au plus tard le 10 octobre 2008 pour le présent projet de loi de finances.

Or, à cette date, seulement 73,3 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur, proportion en légère baisse par rapport à l’année dernière (où 75,6 % des réponses avaient été transmises dans les délais requis). La réorganisation de l’administration en charge de l’outre-mer explique sans doute en partie cette diminution mais votre rapporteur espère une nette amélioration de ce taux l’an prochain, afin que les prescriptions de la loi organique soient enfin pleinement respectées.

Par ailleurs, votre rapporteur juge préoccupante la publication extrêmement tardive du document de politique transversale qui présente la synthèse de l’effort budgétaire de l’État en faveur de l’outre-mer et constitue donc une source cruciale d’informations pour les parlementaires.

INTRODUCTION 7

I. UN BUDGET À LA HAUTEUR D’UNE AMBITION NOUVELLE POUR L’OUTRE-MER 9

A. LA HAUSSE IMPORTANTE DES CRÉDITS CONSACRÉS À L’OUTRE-MER EN 2009 9

1. Les crédits de la mission outre-mer connaissent une hausse de 9,2 % sur un an 9

2. Les crédits de la mission outre-mer ne représentent qu’une faible part de l’effort global de l’État au profit des collectivités ultramarines 12

a) L’effort budgétaire global de l’État en faveur de l’outre-mer représente 16,7 milliards d’euros en 2009 12

b) Le financement des priorités gouvernementales 15

B. LA POURSUITE DE L’EFFORT DE RATIONALISATION DES STRUCTURES ADMINISTRATIVES 19

1. La réorganisation administrative amorcée l’an dernier se poursuit 19

a) La création d’un conseil interministériel pour l’outre-mer 19

b) La création de la Délégation générale à l’outre-mer, dite « DéGéOM » 19

2. L’application de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) aux politiques menées en faveur de l’outre-mer 20

C. LA PRIORITÉ ACCORDÉE À L’EMPLOI ET À L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE 22

1. Des moyens accrus pour aider les collectivités à poursuivre leur développement économique 23

a) Les dotations de l’État aux collectivités ultramarines 23

b) Le financement de la continuité territoriale 25

c) La création envisagée de zones franches globales d’activités dans les DOM 26

2. Une politique active en matière d’emploi et de logement 26

a) L’emploi reste au cœur des préoccupations des pouvoirs publics 27

b) Une politique de développement de l’offre de logement 28

II. LA POURSUITE DES EFFORTS ENGAGÉS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE MAINTIEN DE L’ORDRE PUBLIC OUTRE-MER 31

A. LA LUTTE DÉTERMINÉE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE 31

1. Une politique volontariste de lutte contre l’immigration clandestine 32

2. L’adaptation du droit des étrangers aux spécificités ultramarines 34

a) Les règles spécifiques applicables dans les DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin 35

b) Le cas particulier de Mayotte et les difficultés liées à l’établissement d’un état civil fiable 36

3. L’action diplomatique 38

a) Les accords de réadmission 38

b) La coopération policière et douanière 38

B. UNE POLITIQUE SOUTENUE DE LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE 39

1. L’évolution générale de la délinquance 39

a) L’évolution de la délinquance dans les départements d’outre-mer 41

b) L’évolution de la délinquance dans les collectivités d’outre-mer 41

2. L’organisation des forces de l’ordre 43

a) L’organisation des effectifs de police et de gendarmerie 43

b) La montée en puissance des groupements d’intervention régionaux (GIR) 45

3. De quelques aspects particuliers de la délinquance outre-mer 46

a) Le dynamisme du trafic de stupéfiants dans la zone Caraïbes 46

b) Une vigilance maintenue face au blanchiment d’argent à Saint-Martin 48

c) L’intensification de la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane 49

C. LES EFFETS DE LA REFORME DE LA CARTE MILITAIRE OUTRE-MER 50

1. La réforme de la carte militaire outre-mer à l’horizon 2011 50

a) Six unités seront supprimées à l’horizon 2011 50

b) Des mesures d’accompagnement territorial ont été proposées par le ministère de la Défense 52

2. Les effets induits par la réforme en matière de sécurité sont multiples 52

D. UNE JUSTICE DONT LES MOYENS DOIVENT ENCORE ÊTRE DÉVELOPPÉS 54

1. La justice judiciaire manque encore de moyens 54

a) Des programmes immobiliers pour faire face à l’exiguïté et à la vétusté de certains locaux 54

b) La réforme de la carte judiciaire affecte la Guadeloupe et la Martinique 55

2. La situation toujours préoccupante des établissements pénitentiaires, malgré des efforts importants 56

III. LA POURSUITE DE LA MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE L’OUTRE-MER 59

A. LA POURSUITE DE LA MODERNISATION STATUTAIRE DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER 60

1. Une modernisation parachevée : les statuts de Saint-Barthélemy, Saint-Martin ainsi que de Clipperton 60

a) Le statut de Saint-Barthélemy et Saint-Martin 60

b) Le statut de l’île de Clipperton 62

2. Un processus de modernisation en cours : vers la départementalisation de Mayotte ? 62

a) La rénovation du statut de Mayotte en 2007 l’a rapproché du droit commun des DOM 62

b) Pour autant, la voie pourrait encore être longue avant la pleine transformation de Mayotte en DOM 64

3. Un statut qui reste à moderniser : les institutions des îles Wallis et Futuna 66

B. LA LOI CONSTITUTIONNELLE DU 23 JUILLET 2008 A UTILEMENT COMPLÉTÉ LES RÈGLES RÉGISSANT L’ADAPTATION DES NORMES DANS LES DOM ET LES COM 68

1. L’introduction de la possibilité pour le pouvoir réglementaire d’habiliter les départements et régions d’outre-mer à modifier des dispositions de nature réglementaire 68

2. L’habilitation permanente du Gouvernement à adapter, par voie d’ordonnances, pour les COM et la Nouvelle-Calédonie, des dispositions législatives en vigueur en métropole 70

C. L’ÉVOLUTION DE RÈGLES ÉLECTORALES APPLICABLES AUX DOM ET COM 72

1. Le régime électoral de la Polynésie française a de nouveau été réformé en décembre 2007 73

2. Les implications outre-mer des dispositions du projet de loi organique et le projet de loi ordinaire portant application de l’article 25 de la Constitution 74

EXAMEN EN COMMISSION 79

MESDAMES, MESSIEURS,

L’outre-mer constitue une chance et un atout pour la France. La beauté naturelle et la richesse écologique de ses territoires, le sens de l’accueil et de l’hospitalité de ses populations participent du rayonnement de la France dans le monde. D’ailleurs notre pays, qui assure la Présidence de l’Union européenne pour quelques mois encore, a pris des initiatives pour promouvoir les territoires ultramarins d’Europe – qui font, rappelons-le, de l’Union la première zone maritime du monde – et a notamment constitué un groupe de travail chargé d’élaborer une politique de continuité territoriale avec les « régions ultrapériphériques » de l’Union, propre à faire baisser les tarifs des transports de passagers comme de marchandises entre la métropole et les territoires ultramarins. De fait, le développement économique de l’outre-mer ne peut se passer d’un soutien financier pour compenser les handicaps géographiques, prendre en compte les réalités démographiques, sociales et culturelles, corriger les déséquilibres territoriaux, ou encore surmonter les fragilités économiques dont pâtissent ces collectivités.

La solidarité nationale doit compenser tous ces déséquilibres, et ce malgré un contexte budgétaire délicat. C’est pourquoi, prenant la totale mesure de ces enjeux, le Gouvernement a engagé un vaste programme de modernisation des conditions de l’exercice de la mission de l’État outre-mer, au service d’une plus grande efficacité de l’action publique :

—  modernisation des institutions de l’outre-mer, engagée depuis plusieurs années et qui s’est poursuivie avec la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, notamment ;

—  modernisation des structures administratives, avec la création de la « DéGéOM », Délégation générale à l’outre-mer, réelle administration de mission en charge de la coordination et du pilotage des politiques publiques menées outre-mer ;

—  modernisation de l’accompagnement économique par l’Etat des territoires ultramarins, avec la présentation du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, déposé au Sénat le 28 juillet dernier (1).

Ce projet de loi, qualifié par le Gouvernement de texte « fondateur et porteur d’une nouvelle vision pour l’outre-mer », met en œuvre les engagements du Président de la République pour l’outre-mer, améliorant certains des dispositifs prévus par la loi de programme n°2003-660 du 21 juillet 2003, dite « loi Girardin ». Il se fonde sur une logique de développement économique endogène et de valorisation des atouts de chaque territoire, en rupture avec la logique, qui a prévalu jusque-là, du seul recours à la dépense publique. Ce texte est important, à l’image des attentes des populations ultramarines pour faire diminuer le chômage, accroître les constructions de logements sociaux et soutenir le développement économique. Et pourtant, l’examen parlementaire de ce projet de loi très attendu va semble-t-il être repoussé à l’année prochaine, ce que votre rapporteur regrette, même si le présent projet de loi de finances permet d’ores et déjà de financer, par anticipation, certaines des dispositions qu’il contient.

En 2009, la mission « outre-mer », dont les crédits ne représentent qu’une faible part de l’effort global de l’État au profit des collectivités ultramarines, sera dotée de 1,879 milliard d’euros en crédits de paiement, soit un accroissement de plus de 9 % sur un an. Dans un contexte particulièrement contraignant pour les finances publiques, une telle évolution doit être tout particulièrement saluée et considérée comme une preuve supplémentaire de l’engagement du Gouvernement en faveur des collectivités ultramarines. Comme les années précédentes, priorité a été donnée à la politique de l’emploi, qui représente plus de 60 % des crédits de la mission. De fait, l’effort en la matière doit être poursuivi car, s’il a baissé de presque 23 % en cinq ans, le taux de chômage des départements d’outre-mer (DOM) reste malheureusement encore plus du double de celui de la métropole, situation qui n’est pas acceptable. Par ailleurs, l’importance des crédits respectivement destinés au logement social et à l’aménagement du territoire témoigne de la détermination du Gouvernement à soutenir un développement équilibré des espaces ultramarins.

L’examen des crédits de la mission outre-mer est l’occasion pour votre rapporteur pour avis de faire le point sur le respect de l’état de droit outre-mer. Il apparaît que la progression qui y est constatée des faits de délinquance doit être vue non pas comme un accroissement de la délinquance mais bien plutôt comme le résultat d’une action toujours renforcée des services de police et de gendarmerie. L’immigration est mieux maîtrisée, grâce à des instruments juridiques adaptés et à de nouveaux moyens de détection. Parallèlement, la lutte contre les trafics s’est intensifiée. S’agissant de la justice, dont les moyens méritent encore d’être renforcés outre-mer, votre rapporteur se félicite que les engagements pris en faveur de l’ouverture d’un nouveau centre de détention à la Réunion aient été tenus dans les délais prévus.

Enfin, l’examen du budget de la mission « outre-mer » fournit à votre rapporteur pour avis l’occasion de dresser le bilan des évolutions institutionnelles intervenues en 2007 et 2008 et d’étudier les perspectives d’évolution à moyen terme. Votre rapporteur s’est ainsi intéressé, dans le prolongement de la mission dont il avait été le rapporteur en 2005, à la question de la possible transformation de Mayotte en DOM et du référendum qui devrait être organisé sur l’archipel en mars prochain.

I. UN BUDGET À LA HAUTEUR D’UNE AMBITION NOUVELLE POUR L’OUTRE-MER

« À partir de 2009, le contenu de la mission outre-mer traduit un changement de modèle de la politique gouvernementale en faveur de l’outre-mer. Au système reposant uniquement ou principalement sur la demande, est substituée une logique de développement endogène, fondée sur l’excellence des secteurs marchands les plus dynamiques, et sur la capacité d’une présence économique et commerciale plus affirmée dans leur développement régional ». C’est ainsi qu’est présentée, dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2009, la nouvelle logique ambitieuse qui fonde la politique gouvernementale outre-mer.

Le projet de budget pour 2009, qui se place au service de cette ambition nouvelle, intègre par anticipation le financement de certaines des mesures du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer dont l’examen en première lecture par le Sénat, initialement prévu cet automne, devrait semble-t-il être repoussé à 2009.

A. LA HAUSSE IMPORTANTE DES CRÉDITS CONSACRÉS À L’OUTRE-MER EN 2009

1. Les crédits de la mission outre-mer connaissent une hausse de 9,2 % sur un an

Pour 2009, la mission « outre-mer » est dotée de 1,879 milliard d’euros en crédits de paiement, contre 1,73 milliard d’euros votés en loi de finances initiale pour 2008, ce qui représente une hausse de 9,2 % sur un an, nettement plus importante que la moyenne des dépenses budgétaires de l’État (qui croît de 2 %). La hausse atteint même 12,6 % en autorisations d’engagement (qui passent en un an de 1,75 à 1,97 milliard d’euros).

Cette progression très importante est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans un contexte budgétaire difficile. La crise financière et le ralentissement économique qui s’ensuit ont contraint le Gouvernement de revoir ses prévisions de croissance à la baisse et de présenter un budget qualifié par M. Éric Woerth, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique de budget « de vigilance et d’avenir ». Dans ce contexte, l’État doit impérativement maîtriser ses dépenses, d’autant que la charge de la dette s’accroît brutalement sous l’effet de la remontée des taux d’intérêt (2).

La progression des crédits de la mission outre-mer a d’ailleurs été revue à la baisse par rapport aux annonces du mois de juillet dernier qui faisaient état d’une hausse de 13,9 % en 2009, ce qui aurait permis d’atteindre un budget de 2 milliards d’euros en crédits de paiement dès 2010. Compte tenu du contexte global dans lequel s’inscrit ce budget, cette moindre progression, pour regrettable qu’elle soit, n’en est pas moins justifiée, au même titre que les efforts réalisés par les autres missions inscrites dans le présent projet de loi de finances.

Ce dernier est pour la première fois accompagné d’un projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009-2011. L’article 34 de la Constitution, modifié par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, prévoit en effet désormais que « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation (…) ». Le Gouvernement s’est ainsi engagé dans une démarche pluriannuelle, condition indispensable à la mise en œuvre de réformes structurelles et au financement des priorités de l’action de l’État dans un contexte budgétaire difficile. Dans le cadre de cette programmation pluriannuelle, le montant des crédits alloués à l’outre-mer en 2011 devrait s’élever à 1,93 milliard d’euros en crédits de paiement.

La mission outre-mer comprend, comme l’an dernier, deux programmes (3) :

—  le programme « emploi outre-mer », qui finance divers dispositifs de soutien à l’emploi outre-mer (telles que les exonérations de cotisations patronales propres aux DOM, les aides à la formation professionnelle ou le service militaire adapté, notamment) ;

—  et le programme « conditions de vie outre-mer », qui finance le développement économique, social et culturel des collectivités ultramarines, afin de rapprocher leur situation de celle de la métropole.

Il est à noter cependant que le périmètre de ces deux programmes a été modifié par rapport à celui qui prévalait dans le projet de loi de finances pour 2008 :

—  les dotations obligatoires versées aux collectivités d’outre-mer (Nouvelle-Calédonie et Polynésie française principalement) sont transférées vers d’autres programmes du ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, pour un montant que 100,4 millions d’euros ;

—  en sens inverse, les crédits consacrés par les autres départements ministériels au financement des contrats de développement des COM (collectivités du Pacifique, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) sont cette année rattachés au programme « conditions de vie outre-mer », pour respectivement 30,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 23,2 millions d’euros en crédits de paiement, dans le but de permettre aux représentants de l’État de piloter les financements contractualisés de l’État de manière plus souple et plus réactive face aux priorités locales.

D’une manière générale, ces évolutions traduisent le recentrage des missions du Secrétariat d’État à l’outre-mer sur la coordination et le pilotage des politiques publiques. Il s’agit aussi de permettre une meilleure articulation des crédits alloués par le budget de l’État avec ceux provenant des fonds européens, et, au total, de rendre l’action de l’État outre-mer plus lisible. Ces évolutions s’inscrivent donc bien à ce titre dans l’esprit de la loi organique n° 2001-192 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Pour autant, votre rapporteur ne peut que regretter l’absence de stabilisation de la maquette budgétaire, qui avait déjà évolué l’an dernier, ce qui nuit à l’analyse comparée des crédits d’une année sur l’autre, même s’il reconnaît que des efforts ont été faits dans la présentation des documents budgétaires pour compenser cette perte de lisibilité.

Le tableau ci-après présente les crédits de la mission outre-mer et des deux programmes qui la composent, en autorisations d’engagement et crédits de paiement, pour les années 2008 à 2011 :

CRÉDITS DE LA MISSION OUTRE-MER 2008-2011

Mission / Programmes

Loi de finances initiale pour 2008 (en millions d’euros)

PLF 2009
(en millions d’euros)

PLF 2010
(en millions d’euros)

PLF 2011
(en millions d’euros)

Mission Outre-mer

Autorisations d’engagement……

Crédits de paiement…………

1 653

1 619

1 970

1 879

2 001

1 927

1 998

1 933

Programme « Emploi outre-mer »

Autorisations d’engagement……

Crédits de paiement………..

991

998

1 192

1 192

1 242

1 242

1 281

1 281

Programme « Conditions de vie outre-mer »

Autorisations d’engagement…….

Crédits de paiement………….

662

622

778

688

759

685

717

653

Source : Projet annuel de performances Outre-mer

NB : Les chiffres de la loi de finances pour 2008 ont été retraités pour permettre les comparaisons malgré l’évolution du périmètre des programmes.

La répartition par programme, ferme pour le PLF pour 2009, est indicative pour les années 2010 et 2011. Les plafonds par mission sont fermes.

2. Les crédits de la mission outre-mer ne représentent qu’une faible part de l’effort global de l’État au profit des collectivités ultramarines

a) L’effort budgétaire global de l’État en faveur de l’outre-mer représente 16,7 milliards d’euros en 2009

Les crédits strictement gérés par le Secrétariat d’État à l’outre-mer ne représentent qu’une petite partie – de l’ordre de 11 % – de l’effort global de l’État au profit des départements et collectivités d’outre-mer. Il convient en effet de distinguer quatre cercles de dépenses publiques à destination de l’outre-mer :

—  La mission « outre-mer » proprement dite, dont les crédits relèvent directement du Secrétariat d’État à l’outre-mer et qui est dotée de 1,879 milliard d’euros de crédits de paiement en 2009 ;

—  Les crédits consacrés par l’État à la politique transversale de l’outre-mer (51 programmes regroupés au sein du document de politique transversale, annexé au projet de loi de finances), qui représenteront en 2009 8,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement ;

—  Les crédits consacrés par l’État à l’outre-mer, tous programmes budgétaires confondus, qui comprennent les prélèvements sur recettes et qui s’élèveront pour 2009 à 13,4 milliards d’euros ;

—  À ce dernier cercle, il convient d’ajouter le coût des exonérations fiscales en faveur de l’outre-mer (dépenses fiscales) pour obtenir l’effort budgétaire global de l’État à destination de l’outre-mer, qui s’élèvera en 2009 à 16,7 milliards d’euros.

Les dépenses fiscales engagées par la Nation au profit de l’outre-mer, dans les conditions aujourd’hui définies par la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, dite « loi Girardin », tendent globalement à augmenter. Au total, elles devraient s’élever à 3,3 milliards d’euros en 2009, soit une progression de 11,8 % sur un an. Le tableau ci-après dresse la liste des dépenses fiscales rattachées à la mission outre-mer dont le coût prévisionnel pour 2008 excède 100 millions d’euros.

PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES À LA MISSION OUTRE-MER

Dépense fiscale

Objectif poursuivi

Charge pour l’État
en 2008

(en millions d’euros)

Abaissement à 8,5 % du taux normal de TVA et à 2,1 % du taux réduit dans les DOM hors Guyane (4)

Compenser le fait qu’une part non négligeable des finances publiques locales est tributaire de l’octroi de mer et favoriser la consommation de produits locaux

1 070

TVA non perçue récupérable (5)

Compenser les surcoûts de transport et sur-stockage dus à l’étroitesse des marchés domiens

200

Exclusion des DOM du champ d’application de la TIPP, remplacée par la taxe spéciale de consommation dont le taux est fixé par délibération des conseils régionaux

Donner aux collectivités locales des moyens supplémentaires pour assurer leur développement économique par une recette fiscale spécifique

130

Réduction d’impôt à raison des investissements productifs réalisés outre-mer

Compenser la faiblesse relative du rendement des investissements productifs réalisés outre-mer du fait de l’étroitesse du marché et des aléas climatiques

550

Déduction de la base imposable à l’IS des investissements productifs réalisés outre-mer et des souscriptions en capital

180

Abattement de 30 ou 40 % (6) du montant résultant du barème pour le paiement de l’impôt sur le revenu par les personnes physiques domiciliées dans les DOM

Compenser l’éloignement et la cherté du prix des produits de première consommation dans les COM

270

Réduction d’impôt au titre de l’investissement locatif, de l’accession à la propriété et de la rénovation immobilière

Favoriser l’offre de logement outre-mer, structurellement insuffisante, en drainant de l’épargne privée dédiée

230

Au total, bien que le Gouvernement s’efforce d’aider toutes les collectivités à rattraper le niveau de développement de la métropole, l’effort de l’État par habitant est mécaniquement plus important dans les collectivités présentant une faible population et des contraintes géographiques exceptionnelles, telles que Saint-Pierre-et-Miquelon ou les îles Wallis et Futuna (cf. tableau ci-après).

EFFORT DE L’ÉTAT DANS LES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES (7)

Collectivité

Effort de l’État
en 2008

(en millions d’euros)

Effort de l’État
en 2009

(en millions d’euros)

Effort de l’État par habitant en 2009
(en euros)

PIB par habitant (8)
(en euros)

Guadeloupe (9)

2 360

2 464

5 468

17 221

Martinique

1 744

1 846

4 600

19 111

Guyane

1 103

1 095

5 239

12 965

La Réunion

3 921

4 052

5 110

16 244

Saint-Pierre-et-Miquelon

50

49

8 000

26 073

Mayotte

655

635

3 405

3 960

Polynésie française

1 383

1 380

5 316

17 071

Nouvelle-Calédonie

1 202

1 098

4 568

22 735

Wallis et Futuna

99

93

6 225

n.d. (10)

Sources : Document de politique transversale du projet de loi de finances pour 2009 et Secrétariat d’État à l’outre-mer

Votre rapporteur tient à rappeler que les collectivités ultramarines, bénéficient en outre, à des titres différents, d’aides européennes :

—  Les DOM, qui font partie du territoire de l’UE au titre des « régions ultrapériphériques », sont éligibles aux fonds structurels européens. Pour la période 2007-2013, les DOM bénéficieront ainsi notamment de 3,17 milliards d’euros au titre de l’objectif « Convergence », financé par le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds social européen (FSE), de 96 millions d’euros au titre de l’objectif « Coopération territoriale », financé par le FEDER, et de 631 millions d’euros du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), au titre de la politique de développement rural ;

—  Les COM et la Nouvelle-Calédonie, qui ne font pas partie du territoire de l’Union européenne, mais bénéficient du statut communautaire de « pays et territoires d’outre-mer », sont éligibles au Fonds européen de développement (FED), dont l’aide reste cependant largement inférieure à celles dont bénéficient les DOM : sur la période 2000-2013, une enveloppe de 286 millions d’euros devrait ainsi leur être allouée.

b) Le financement des priorités gouvernementales

Le projet de loi de finances pour 2009 assure par anticipation le financement de certaines des mesures contenues dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.

—  La création d’un fonds exceptionnel d’investissement

Les crédits de la mission outre-mer intègrent la création, qui figure à l’article 16 du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, d’un « fonds exceptionnel d’investissement ». Ce fonds, doté de 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 16 millions d’euros en crédits de paiement, permettra, par contractualisation avec les collectivités territoriales, de contribuer au financement d’investissements publics structurels (renforcement des réseaux routiers, notamment), indispensables au développement de l’outre-mer.

La situation économique et sociale de l’outre-mer, globalement dégradée par rapport à celle de la métropole justifie la mise en place d’un tel fonds pour soutenir le développement de l’activité. Votre rapporteur pour avis salue la création de ce fonds qu’il conviendra sans doute à l’avenir d’abonder de façon plus significative.

—  L’ « aide au fret »

Le projet de loi de finances pour 2009 intègre également par anticipation le dispositif dit de l’« aide au fret », prévu par le projet de loi (article 10). Destinée aux entreprises des DOM et de Saint-Pierre-et-Miquelon, cette aide doit permettre d’abaisser le coût du fret des matières premières ou des produits lorsque ces derniers entrent dans un cycle de production situé dans ces collectivités.

Les entreprises des DOM souffrent en effet régulièrement de surcoûts en matière de fret, en raison de leur situation géographique (marquée par un grand
isolement et un éloignement de la métropole) et de l’organisation des transports. La Commission européenne a créé au bénéfice des « régions ultrapériphériques » de l’Europe, dont font partie les DOM, une allocation européenne de compensation des surcoûts, qui permet de financer le surcoût d’acheminement à hauteur de 50 % 
(11). Le projet de loi prévoit que la part résiduelle du surcoût devra être prise en charge pour tout ou partie par l’État, étant noté que le dispositif est étendu à Saint-Pierre-et-Miquelon. La mission outre-mer intègre cette aide à hauteur de 27 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

—  La réforme des exonérations de cotisations patronales

Le projet de loi de finances pour 2009 comprend deux articles rattachés à la mission Outre-mer : outre l’article 64, qui prévoit pour Mayotte une dotation exceptionnelle liée à la réforme de l’état civil dans les communes et une dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires (cf. II A. 2. b)), l’article 65, reprenant une dispositif contenu dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, introduit une réforme des exonérations de cotisations patronales en faveur de l’outre-mer. L’objet de cette réforme est double. Il s’agit de :

—  concentrer les exonérations de charges patronales sur les salaires sur lesquels leur impact est le plus fort (salaires inférieurs à 1,4 fois le SMIC ou 1,6 fois dans les secteurs économiques jugés prioritaires pour le développement économique outre-mer) et de subordonner leur mise en œuvre au respect par les entreprises des règles qui s’imposent à elles (paiement effectif de leurs cotisations ; absence d’infraction en matière de travail illégal), dans le but de rendre l’intervention publique plus efficiente,

—  tout en maintenant un dispositif différencié de celui applicable en métropole, compte tenu des handicaps structurels des départements et collectivités d’outre-mer.

La réforme sera applicable dans les DOM et à Saint-Martin. La collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui n’est pas concernée par cette modification, continuera quant à elle d’appliquer le régime issu de la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003.

Au total, cette réforme, dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er avril 2009, doit permettre une économie pour le budget de l’État évaluée à 104 millions d’euros dès 2009, puis à 138 millions par an en année pleine.

En vertu de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l’État est tenu de compenser aux organismes de sécurité sociale les sommes correspondant aux exonérations de charges. Or, les montants inscrits depuis 2005 à la mission outre-mer ne permettent pas de couvrir le montant total de ces exonérations, faisant croître chaque année un peu plus le montant des impayés, au point d’atteindre 355 millions d’euros en 2008.

La rationalisation du dispositif opérée par l’article 65 du projet de loi de finances, conjuguée à un effort volontariste du Gouvernement, qui y consacre une part très importante de l’accroissement des crédits alloués à la mission, doivent permettre de réduire très significativement ce retard de paiement l’an prochain.

Votre rapporteur pour avis, tout en étant très favorable à un dispositif qui permet à l’État de rembourser plus rapidement sa dette aux organismes de sécurité sociale, regrette que le calendrier parlementaire n’ait pas permis un examen plus précoce du projet pour le développement économique de l’outre-mer, conduisant le Gouvernement à inscrire dans le PLF certaines des dispositions du projet, au risque d’une perte de cohérence d’ensemble. Il fait aussi remarquer que si le projet de loi n’était pas adopté avant le 1er avril 2009, certaines des dispositions contenues dans le PLF deviendraient caduques. Au nom de votre commission des Lois, particulièrement soucieuse de la qualité de la norme votée par le Parlement, votre rapporteur a donc invité le Gouvernement à revoir la rédaction de l’article 65 du présent projet de loi de finances.

—  Le plafonnement des « niches fiscales »

Dans les DOM et les COM, la petite taille des marchés et les aléas climatiques renchérissent le coût du capital et réduisent la rentabilité attendue de l’investissement productif. L’outre-mer bénéficie donc depuis 1952 d’un régime d’aide fiscale à l’investissement. L’actuel dispositif résulte de la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 qui prévoit pour les contribuables une défiscalisation des investissements réalisés jusqu’au 31 décembre 2017 dans les DOM, les COM et en Nouvelle-Calédonie (12). Les investissements réalisés dans des secteurs éligibles au dispositif ouvrent droit à une réduction d’impôt en principe égale à 50 % de leur montant, diminué des éventuelles subventions publiques dont ils bénéficient. À l’heure actuelle, la réduction d’impôt est imputable sans limitation sur l’impôt dû par le contribuable au titre de l’année de réalisation de l’investissement et si le montant de la réduction excède le montant dû, l’excédent constitue une créance sur l’État, reportable 5 ans. En contrepartie, les bénéficiaires de la défiscalisation sont soumis à des obligations de conservation de l’investissement.

Si ce dispositif a assurément contribué au bon niveau d’investissement qui existe outre-mer, globalement plus dynamique qu’en métropole (entre 1993 et 2002, le taux d’investissement des DOM a été en moyenne supérieur de 6 points à celui de la métropole), il apparaît très difficile de quantifier l’effet directement produit par la défiscalisation, alors même que son coût annuel s’élève à 550 millions d’euros.

En juin dernier, le rapport d’information établi au nom de la commission des Finances de notre assemblée sur les niches fiscales (13) a dressé le bilan de l’ensemble des niches fiscales existant dans notre pays – 486 dépenses fiscales dénombrées dans le PLF pour 2008, ce qui place la France en tête des pays du G7 en la matière –, analysant leur coût et les atteintes qu’elles portent à l’équité fiscale. Les membres de la mission d’information ont unanimement plaidé pour un plafonnement de certaines de ces niches, accompagné d’un plafonnement global, afin qu’aucun contribuable ne puisse plus à l’avenir s’affranchir de sa juste contribution au financement des charges publiques.

S’agissant des dépenses fiscales qui concernent l’outre-mer, la mission a estimé en préalable « qu’il est indispensable de maintenir le volume d’aide à l’investissement dont bénéficie l’outre-mer » (14), jugement avec lequel votre rapporteur ne peut que s’accorder, tant les collectivités ultramarines ont besoin de la solidarité nationale dans leur effort de rattrapage économique. La mission a cependant estimé qu’un plafonnement de l’avantage fiscal que chaque contribuable peut tirer d’un investissement réalisé outre-mer pourrait n’avoir aucun impact sur le niveau de l’investissement à la condition que les cabinets de défiscalisation regroupent différents contribuables sur une même opération.

S’inspirant très largement des travaux de cette mission, l’article 43 du projet de loi de finances pour 2009 prévoit le plafonnement de la réduction d’impôt pour investissement productif outre-mer : il limite à compter du 1er janvier 2009 (15) le montant total des réductions d’impôt sur le revenu admis en diminution de l’impôt dû au titre d’une même année d’imposition à 15 % du revenu imposable du foyer ou, si elle est supérieure, à la somme de 40 000 euros. Le Gouvernement estime que le niveau du plafonnement ainsi fixé devrait conduire les monteurs de projets à faire participer au financement de leurs opérations davantage de contribuables disposant de revenus et d’avantages fiscaux plus faibles qu’actuellement, pour un même flux global d’investissements défiscalisés. Il s’agit ainsi d’accroître l’aide fiscale bénéficiant directement au développement économique outre-mer et d’éviter que cette aide ne bénéficie en fait davantage aux contribuables les plus fortunés et aux intermédiaires.

Cette réforme, vue par certains comme une menace sur l’économie outre-mer, a provoqué le mécontentement de nombreux chefs d’entreprises ultramarins. M. Guy Dupont, Président de la Fédération des entreprises d’outre-mer (FEDOM) a jugé que le critère des 15 % rendrait impossible la réalisation outre-mer d’investissements nécessitant des montages financiers complexes, d’autant qu’un plafonnement global des niches fiscales viendrait encore réduire la portée de celles qui sont spécifiques à l’outre-mer.

Votre rapporteur pour avis, tout en étant sensible à l’objectif de moralisation des dépenses fiscales, demeure préoccupé des éventuelles conséquences que pourrait avoir un tel dispositif sur le montant global des investissements réalisés outre-mer.

B. LA POURSUITE DE L’EFFORT DE RATIONALISATION DES STRUCTURES ADMINISTRATIVES

1. La réorganisation administrative amorcée l’an dernier se poursuit

La politique gouvernementale de maîtrise de la dépense publique s’accompagne d’une réorganisation des structures administratives en charge de l’outre-mer. Votre rapporteur pour avis se félicite du choix de rattacher directement l’outre-mer au ministère chargé de l’Intérieur, qui réaffirme, sur le plan administratif, l’unité nationale et sensibilise un plus grand nombre de responsables politiques et de fonctionnaires de l’État à la prise en compte des enjeux ultramarins.

a) La création d’un conseil interministériel pour l’outre-mer

Conformément à l’engagement pris par le Président de la République doit être prochainement créé un « conseil interministériel pour l’outre-mer », présidé à intervalles réguliers par le Président de la République, et chargé de veiller, en liaison avec les autorités préfectorales, au bon pilotage des politiques publiques outre-mer et à la bonne gestion des crédits alloués aux collectivités ultramarines.

Cette nouvelle organisation doit permettre une optimisation de la gestion des crédits alloués à l’outre-mer, tout en maintenant la nécessaire prise en compte de ses enjeux spécifiques. Les modalités d’organisation et de fonctionnement de ce conseil sont à l’étude.

b) La création de la Délégation générale à l’outre-mer, dite « DéGéOM »

En application du décret n° 2008-687 du 9 juillet 2008 portant création et organisation de la délégation générale à l’outre-mer et de l’arrêté du 9 juillet 2008 relatif à l’organisation de la délégation générale à l’outre-mer, la « DéGéOM » est entrée en activité le 1er septembre dernier : elle constitue le nouveau service d’administration centrale chargé de l’outre-mer, se substituant ainsi aux deux directions existant depuis 1979, la « direction des affaires politiques, administratives et financières de l’outre-mer », d’une part, et la « direction des affaires économiques, sociales et culturelles de l’outre-mer », d’autre part.

La création de la Délégation générale est conforme tant aux recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport public pour 2006 qu’aux orientations arrêtées par le comité de modernisation des politiques publiques le 4 avril 2008. Placée au sein du ministère de l’Intérieur, la DéGéOM n’en dispose pas moins d’une vocation de coordination interministérielle : elle est un lieu de synthèse, de conception et de coordination interministérielle, entièrement dédié aux enjeux de l’outre-mer, mais prenant appui sur les différents ministères invités à s’investir pleinement dans le développement des politiques publiques outre-mer.

Elle est également chargée de l’évaluation de la mise en ouvre des politiques publiques spécifiques à l’outre-mer, de l’analyse de leur efficience, ainsi que de la prospective : elle sera en cela un allié du Parlement dans sa fonction d’évaluation et de contrôle de l’action publique.

Dans ces domaines, la DéGéOM mobilisera ses propres moyens tout en s’appuyant sur les ressources des administrations déconcentrées ou sur des concours extérieurs. La création de la DéGéOM s’est en effet traduite par un resserrement des effectifs (142 équivalents temps plein, contre 210 au sein des deux anciennes directions (16)) au profit des catégories A et B, évolution cohérente avec les nouvelles missions qui lui sont assignées, mais qui rend aussi nécessaires les appuis exrieurs. Cette structure est ainsi désormais plus adaptée à la « fonction dadministration de mission et non de gestion » qui lui est dévolue, comme la rappelé le ministre de lIntérieur lors de son audition par votre commission des Lois.

La DéGéOM conserve néanmoins un rôle opérationnel en matière de sécurité publique et civile, le commandement du service militaire adapté (SMA) demeurant rattaché au Délégué général.

Rappelons que le SMA, qui n’existe qu’en outre-mer, permet à des jeunes en échec scolaire d’acquérir un savoir-faire professionnel avec un encadrement militaire. Le projet, initié en 1961 par Michel Debré et progressivement étendu à l’ensemble des collectivités ultramarines, rassemble aujourd’hui plus de 3 000 jeunes sur la base du volontariat. 80 % de ceux qui s’engagent dans le SMA reçoivent une formation qualifiante et réussissent aux examens de type CAP. Le SMA permet aussi d’engager des actions de développement au service des collectivités territoriales dans lesquelles les unités sont stationnées. Dans le même temps, ils représentent des moyens mobilisables dans le cadre des différents plans de secours, soit pour les territoires concernés, soit pour les pays environnants.

Au total, la réforme des structures administratives doit permettre d’améliorer les conditions d’exercice de l’action de l’État outre-mer. Votre rapporteur pour avis suivra avec attention dans les prochaines années l’effet induit par ces évolutions sur l’efficacité des politiques publiques outre-mer.

2. L’application de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) aux politiques menées en faveur de l’outre-mer

Le Conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin dernier a arrêté trois priorités de court terme s’agissant de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) outre-mer.

● La première réside dans la présentation du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer (qui devrait être inscrit à l’ordre du jour du Sénat au cours du premier trimestre 2009). Les principales dispositions de ce projet de loi sont des mesures fiscales en faveur des zones franches d’activité dans les quatre DOM (pour un coût évalué à 224 millions d’euros de dépense fiscale), une réorientation de la défiscalisation en faveur du logement social et des mesures budgétaires associées (95 millions d’euros de dépense fiscale), une réforme du dispositif d’exonérations de charges sociales spécifique aux DOM (apportant une économie de 138 millions d’euros) et une réforme des dispositifs de continuité territoriale (pour un coût total de 49 millions d’euros).

Le projet de loi recentre par ailleurs le bénéfice de la TVA non perçue récupérable sur l’aide à l’investissement, en supprimant les opérations d’achat revente de son champ. La procédure sera réservée aux seuls biens d’investissement neufs acquis, importés ou faisant l’objet d’une livraison à soi-même. Ces dispositions intéressent principalement les secteurs du tourisme et de la construction.

● La deuxième étape est constituée par l’engagement de la réforme progressive de l’indemnité temporaire de retraite (ITR) perçue par les fonctionnaires et militaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite (17), ainsi que les militaires invalides (18), qui établissent leur résidence à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna ou en Polynésie française (19). Cette indemnité bénéficie en 2008 à près de 33 000 personnes, pour un montant total de 315 millions d’euros, montant qui progresse en moyenne de 10 % par an. Selon le territoire concerné, la majoration est de 35 % (Réunion, Mayotte), 40 % (Saint-Pierre-et-Miquelon) à ou même 75 % (Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna) du principal de la pension.

L’ITR a été vivement critiquée dans de nombreux rapports, tels ceux de la Cour des comptes pour 2003 ou de l’audit de modernisation de septembre 2006, en raison de son caractère coûteux et inéquitable alors que des efforts importants sont demandés à l’ensemble des cotisants pour préserver les régimes de retraites.

Tirant les enseignements de ces rapports, l’article 63 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, en cours d’examen par notre Assemblée, prévoit une réforme progressive du régime de cette indemnité :

—  À partir du 1er janvier 2009, il réserve l’octroi de l’indemnité aux nouveaux pensionnés ayant noué un lien avec la collectivité d’outre-mer dans le cadre de leur vie professionnelle : l’éligibilité au dispositif sera désormais conditionnée à quinze années de services effectifs dans les territoires concernés ou au fait que le pensionné y trouve le centre de ses intérêts matériels et moraux, le critère de résidence effective étant bien évidemment maintenu.

Un arrêt des entrées nouvelles dans le dispositif est prévu au 1er janvier 2028. Et d’ici cette date est prévu un plafonnement de l’indemnité servie aux nouveaux bénéficiaires, fixé à 8 000 euros (20) de 2009 à 2018, plafond qui sera abaissé progressivement par la suite pour devenir nul en 2028.

—  S’agissant des pensionnés entrés dans le dispositif avant le 1er janvier 2009, ils continueront de percevoir l’indemnité temporaire dans la limite d’un plafond qui sera porté à 10 000 euros par an à la Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon et à 18 000 euros en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et à Wallis-et-Futuna au terme des dix prochaines années.

Au total, selon les calculs du Secrétariat d’État à l’outre-mer, ce sont seulement 3 000 à 4 000 retraités (les plus aisés) qui subiront une réduction de leur pension de retraite à l’horizon 2018. Votre rapporteur souhaite que la progressivité de la réforme soit mise à profit pour que s’engage une réflexion sur la mise en place d’un régime de retraite complémentaire pour les fonctionnaires servant dans les territoires d’outre-mer.

● La troisième étape concerne la réforme des congés dits « bonifiés » accordés à certains fonctionnaires en service dans les DOM et en métropole. Le système des congés bonifiés, qui consiste dans l’octroi de trente jours supplémentaires de congés tous les trente-six mois, accorde soixante-cinq jours de vacances supplémentaires tous les trois ans sur le lieu de résidence habituelle du fonctionnaire. Par manque de souplesse, il aboutit à une forte concentration des départs en congés à certaines dates et induit à une hausse importante des prix des billets d’avion, à la charge de l’État.

Une réforme de ces congés est donc à l’étude, en lien avec M. Patrick Karam, délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français de l’outre-mer, qui a été mandaté pour négocier des aménagements tarifaires avec les compagnies aériennes.

C. LA PRIORITÉ ACCORDÉE À L’EMPLOI ET À L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

L’outre-mer français est confronté à des fragilités économiques particulières, du fait de ses contraintes géographiques, de son dynamisme démographique, de la prédominance de l’emploi public et des services, ainsi que de l’étroitesse de son marché intérieur. À ces handicaps s’ajoutent une vulnérabilité particulière aux phénomènes climatiques et naturels présentant des risques pour le tissu économique et un faible taux d’ouverture sur l’extérieur, le taux d’ouverture moyen des DOM français étant de 18 % seulement (contre 27 % pour les Canaries ou 44 % pour Madère, pour citer le cas des régions ultrapériphériques ibériques). De fait, les économies ultramarines sont globalement en décalage de développement, malgré la diminution du taux de chômage constatée depuis 6 ans.

Ces handicaps justifient pleinement la mise en place de dispositifs économiques dérogatoires, destinés à soutenir l’activité et l’emploi dans ces collectivités. Il appartient en effet à la solidarité nationale de prendre en charge la correction de déséquilibres territoriaux injustes et de surmonter les fragilités économiques particulières. Pour autant, les aides de l’État ne doivent pas uniquement consister en des transferts financiers passifs, mais doivent avoir également pour effet de dynamiser réellement les investissements, la production et les échanges, c’est-à-dire l’économie marchande. Votre rapporteur pour avis soutient pleinement la logique de développement endogène qui sous-tend la politique menée par le Gouvernement.

1. Des moyens accrus pour aider les collectivités à poursuivre leur développement économique

a) Les dotations de l’État aux collectivités ultramarines

Le développement des économies ultramarines ne peut être durablement obtenu que s’il résulte d’une dynamique propre à chaque collectivité, lui permettant de valoriser ses atouts géographiques et humains. La recherche d’efficacité commande donc à l’État d’orienter une part croissante de ses soutiens financiers vers les collectivités elles-mêmes, à charge pour ces dernières, au vu de leur connaissance précise des réalités locales, de financer les investissements les plus prometteurs pour l’avenir.

—  dans les DOM-ROM

Le tableau ci-après précise le montant des dotations versées par l’État aux DOM-ROM, distinguant les différents niveaux de collectivité (communes, départements, régions) récipiendaires respectivement d’une fraction de la dotation globale de fonctionnement (DGF), de la dotation globale d’équipement (DGE) ou de la dotation globale de décentralisation (DGC).

La DGF s’accroît de manière importante entre 2007 et 2008, notamment à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. Il convient d’ailleurs de rappeler que la DGF avait d’une manière générale progressé sensiblement en 2006 et 2007, les règles de calcul de cette dotation étant, depuis 2005, plus favorables outre-mer qu’en métropole.

ÉVOLUTION DES PRINCIPALES DOTATIONS DE L’ÉTAT
AUX COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES

(en millions d’euros)

Dotation

2005

2006

2007

2008

Évolution
2007-2008

DGF (21) des communes d’outre-mer

545,2

564,4

584,3

593,4

+ 1,56 %

DGF des départements d’outre-mer

655,6

674,4

696,7

709,9

+ 1,9 %

DGF des régions d’outre-mer

58,4

61,1

64

65,4

+ 2,34 %

DGF de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

23

24,1

25,3

26,1

+ 3,16 %

DGE (22) des communes d’outre-mer

16,6

17,4

17,8

18,2

+ 2,3 %

DGE des départements d’outre-mer

16

13,1

9,4

nd

nd

DGE de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

1,9

0,9

2,9

nd

nd

DGD (23) des départements d’outre-mer

37,9

38,6

25,2

nd

nd

DGD des régions d’outre-mer

1

19,9

34,7

nd

nd

—  dans les COM

Mayotte reçoit deux dotations, dont le versement devait prendre fin en 2008, mais qui sont prorogées jusqu’en 2011 par l’article 64 du présent projet de loi de finances. Il s’agit :

—  de la dotation exceptionnelle liée à la réforme de l’état civil, créée par l’ordonnance n°2002-1450 du 12 décembre 2002 (24), pour un montant annuel de 300 000 euros (cf. II. A. 2. b)) ;

—  et de la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires, instaurée par la même ordonnance, qui compense l’insuffisance des recettes fiscales des communes mahoraises pour permettre à ces dernières d’assumer seules le financement de leurs charges dans le domaine scolaire. Or, compte tenu de la rapide croissance de la population de Mayotte, les dépenses d’entretien et de construction des écoles à la charge des communes connaissent une augmentation significative. Le montant de cette dotation s’élèvera en 2009 à 4 582 504 millions d’euros (soit une augmentation de 3,8 % par rapport à la dotation 2008, correspondant à l’évolution prévisionnelle de la population scolaire des écoles élémentaires et pré-élémentaires dans cette collectivité).

La Polynésie française reçoit quant à elle la dotation globale de développement économique (DGDE), créée par une convention entre l’État et le territoire de Polynésie en 2002(25). La dotation inscrite au projet de loi de finances pour 2009 représente 182 millions d’euros en autorisations d’engagement et 188 millions d’euros en crédits de paiement. Prenant la suite d’un fonds créé en 1996 pour maintenir un niveau de ressources autrefois apportées par le centre d’expérimentation nucléaire, la DGDE permet de financer des aides aux entreprises, des grands travaux, mais aussi des logements sociaux. En 2008, les investissements retenus concernent d’une part la contribution du territoire à la réalisation de grands projets d’équipements publics (notamment le centre hospitalier du Taaone et la route de Taiohae-Terre déserte) mais aussi l’aide aux investissements des communes, notamment en matière de voirie.

b) Le financement de la continuité territoriale

Le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer prévoit la création d’un « fonds de continuité territoriale », finançant, sous conditions de ressources et sur la base d’un forfait, une partie du titre de transport des personnes ayant leur résidence habituelle dans les DOM, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Wallis et Futuna. L’action « continuité territoriale » du programme « conditions de vie outre-mer », anticipant l’adoption de ce projet de loi, assure le financement du fonds pour un montant de 49,1 millions d’euros.

Alors que jusqu’ici chaque DOM recevait une dotation annuelle lui permettant d’accorder à ses résidents une aide forfaitaire pour effectuer un voyage annuel aller et retour entre le département concerné et la métropole (26), le projet de loi prévoit que l’État déléguera la gestion de l’aide aux régions et collectivités dès lors que ces dernières en feront la demande et qu’elles abonderont les crédits consacrés par l’État au financement de l’aide à la continuité territoriale, dans la proportion au moins égale à la moitié de ces crédits.

Le fonds comprendra, outre les crédits de l’aide à la continuité territoriale, ceux du « passeport mobilité étudiant ».

Ce dernier dispositif consiste dans la gratuité du transport aérien vers la métropole ou vers une autre collectivité d’outre-mer pour les jeunes « domiens » de 18 à 30 ans venant suivre une formation qualifiante ou venant occuper un emploi, ainsi que dans la prise en charge d’un voyage aller-retour pour les candidats admissibles aux oraux de concours des grandes écoles, aux oraux de concours des catégories A et B des trois fonctions publiques (État, hospitalière, territoriale), et aux oraux de concours des écoles d’infirmières. Son financement est assuré à hauteur de 15,8 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances, ce qui, compte tenu de l’explosion du nombre de bénéficiaires (qui est passé d’environ 2 000 lors de sa mise en place en 2002 à plus de 20 000 en 2005) pourrait s’avérer insuffisant. Le projet de loi pour le développement économique outre-mer, qui soumet à des conditions de ressources l’accès au fonds de continuité territoriale, devrait permettre une rationalisation du dispositif actuel, sans doute trop favorable et générateur d’abus.

c) La création envisagée de zones franches globales d’activités dans les DOM

La mesure phare du projet pour le développement économique de l’outre-mer réside dans la création, conformément aux engagements du Président de la République, de « zones franches globales d’activités » dans les quatre DOM, offrant de larges exonérations fiscales aux entreprises dans le but d’accroître leur rentabilité et leurs capacités à l’exportation et donc d’accélérer le rattrapage économique des DOM par rapport à la métropole.

Les exonérations fiscales prévues concernent l’impôt sur les sociétés, la taxe professionnelle et la taxe foncière bâtie. Elles sont partielles (limitées aux entreprises éligibles de moins de deux cent cinquante salariés et moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires), plafonnées et transitoires (leur durée de validité sera de dix ans). Près de 23 000 entreprises pourraient en bénéficier (27).

Seront exonérées les entreprises exerçant leur activité dans des secteurs éligibles, à savoir les secteurs éligibles à la défiscalisation des investissements réalisés outre-mer (28) auxquels est ajouté le secteur des services aux entreprises rendus dans le domaine de la gestion (comptabilité, conseil, ingénierie et études techniques). Un taux d’exonération de 50 % s’appliquera à l’ensemble des entreprises éligibles, ce taux étant porté à 80 % dans certains cas, notamment dans les secteurs prioritaires (tourisme, énergies renouvelables, agro-nutrition pour la Réunion ; tourisme, énergies renouvelables et environnement pour la Martinique et la Guadeloupe).

La création de ces zones franches est très attendue par les entreprises domiennes. Votre rapporteur pour avis se félicite de cette initiative gouvernementale qui devrait permettre de favoriser un développement accru de l’activité économique dans les secteurs prioritaires et donc dynamiser les créations d’emplois.

2. Une politique active en matière d’emploi et de logement

Les DOM ont connu ces dernières années un rythme de croissance nettement plus rapide que la métropole, qui s’explique tant par le financement public de grands chantiers et l’essor de l’habitat, que par des facteurs plus locaux tels la hausse du cours du nickel en Nouvelle-Calédonie ou la reprise du secteur spatial en Guyane.

Pour autant, ce constat global cache des réalités contrastées : la croissance économique est très rapide à Mayotte (environ 10 % par an), importante en Guyane et en Nouvelle-Calédonie (5 à 6 %), soutenue à la Réunion (4 %), tandis que la situation est bien plus délicate dans les Antilles et en Polynésie française.

Si cette croissance globalement rapide prouve l’efficacité des politiques économiques menées depuis plusieurs années, elle n’en doit pas moins être accompagnée par des politiques actives en matière d’emploi et de logement.

a) L’emploi reste au cœur des préoccupations des pouvoirs publics

L’emploi outre-mer a globalement progressé de 2,2 % entre 2006 et 2007, passant de 316 168 à 323 145 salariés occupés. Cette progression est identique à celle de l’emploi en métropole, mais plus faible que celle qui avait été constatée entre 2005 et 2006 (+7,3 %). En outre, la situation des différentes collectivités est contrastée : alors que les Antilles et Saint-Pierre-et-Miquelon voient leurs effectifs stagner ou même diminuer légèrement, la Guyane et La Réunion enregistrent une hausse significative de leurs effectifs avec des taux d’augmentation respectivement de + 6,3 % et + 4,6 %. Le secteur tertiaire regroupe en 2007 près de 75 % de l’ensemble des salariés de ces collectivités.

Il faut dire que la persistance d’un taux de chômage élevé dans les DOM, en moyenne deux fois supérieur à celui de la métropole, conjuguée à l’importance des contrats aidés, a conduit les pouvoirs publics à prendre des mesures spécifiques visant l’abaissement du coût du travail et le soutien à l’emploi du secteur marchand, tandis que dans le même temps étaient progressivement réduites les mesures de soutien à l’emploi non marchand.

C’est l’exonération des cotisations patronales prévue par la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 qui a permis de réduire le plus significativement le coût du travail : le champ des entreprises et des secteurs exonérés est très large, si bien qu’environ les trois-quarts des entreprises au secteur concurrentiel bénéficient des exonérations prévues. Les limites d’exonération varient de 1,3 à 1,5 SMIC selon les secteurs (29).

Grâce à une croissance soutenue et aux bons résultats de cette politique d’allègement de charges, le taux de chômage dans les DOM a enregistré une forte diminution entre 2006 et 2007 (-7,3 % à la Martinique, - 7,2 % à la Réunion, - 6,7 % en Guadeloupe et - 5,5 % à la Guyane), comme l’illustre le tableau ci-après.

TAUX DE CHÔMAGE DANS LES DOM, À SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON ET À MAYOTTE

Collectivité

2003

2004

2005

2006

2007

Évolution 2006-2007

Guadeloupe

24,6 %

23,3 %

24,3 %

25,1 %

22,7 %

- 2,4 pts

Martinique

20,2 %

21,0 %

17,9 %

23,0 %

21,2 %

- 1,8 pts

Guyane

23,1 %

24,7 %

23,7 %

27,6 %

20,6 %

- 7,0 pts

La Réunion

30,8 %

32,2 %

29,5 %

27,5 %

24,2 %

- 3,3 pts

Saint-Pierre-et-Miquelon

7,9 %

8,8 %

8,4 %

8,4 %

10,0 %

1,6 pts

Mayotte (indicateur du taux de chômage) (30)

30 %

29,4 %

29 %

25,6 %

nd

nd

Métropole

8,5 %

8,9 %

8,9 %

8,8 %

8 %

- 0,8 pt

Sources : INSEE (au sens du BIT – enquêtes emploi) et, s’agissant de Mayotte, DTEFP Mayotte jusqu’en 2006, ANPE pour 2007

Cette évolution positive s’est doublée d’une baisse encourageante du nombre de chômeurs de longue durée de plus de 11 %, même si, globalement, la part des demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an dans les DOM demeure très supérieure à ce qu’elle est en métropole (42,9 % pour les DOM contre 25,9 % pour la métropole, soit 17 points d’écart).

À Mayotte, le marché de l’emploi est très difficile à appréhender : outre la délicate définition de la notion d’actifs, la quasi-absence d’indemnités de chômage biaise la notion de demandeurs d’emploi. Aussi doit-on considérer avec précaution les chiffres relatifs à l’évolution du marché du travail dans l’archipel. Fin décembre 2007, l’ANPE recensait un peu moins de 14 000 inscrits. Cependant, en l’absence de données officielles et d’estimations actualisées du nombre d’actifs à Mayotte, l’affichage d’un taux de chômage pour 2007 serait sujet à caution, c’est pourquoi le tableau ci-dessus n’est pas renseigné.

b) Une politique de développement de l’offre de logement

—  La hausse importante des crédits en faveur de l’amélioration de l’habitat

La situation de l’insalubrité des logements dans les DOM et à Mayotte est très préoccupante. On estime en effet que près de 70 000 logements, soit un quart du parc immobilier, sont insalubres. Les derniers chiffres transmis à votre rapporteur datent de 2003. Ils sont retracés dans le tableau ci-après.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE LOGEMENTS INSALUBRES

Nombre de logements insalubres

Guadeloupe

Guyane

Martinique

Réunion

Mayotte

Total

En 1998

20 000

6 000

5 500

21 400

10 041

62 941

En 2003

21 000

7 800

5 000

20 600

14 277

68 677

Évolution 1998-2003

+ 5 %

+ 30 %

- 9,10 %

- 3,74 %

+ 42,19 %

+ 9,11 %

L’insalubrité dans les DOM recouvre toutefois une réalité multiforme qui va du bidonville à l’habitat spontané et illégal, posant d’importants problèmes notamment en matière de santé publique. Toutefois, faute d’instrument statistique précis et d’observatoire spécifique, les éléments de connaissance sur la situation de l’insalubrité restent parcellaires.

Prenant toute la mesure de ce phénomène préoccupant, le projet de loi de finances pour 2009 consacre des crédits en nette augmentation en faveur de la résorption de l’habitat insalubre et de la participation à l’aménagement des quartiers, les autorisations d’engagement s’accroissant de 13,7% sur un an (passant entre 2008 et 2009 de 27,7 à 31,5 millions d’euros) et les crédits de paiement de 15,5 % (passant sur la même période de 21,3 à 24,6 millions d’euros). (31)

—  Le développement du logement social

 La population des DOM est éligible à 80 % au logement social (contre une moyenne nationale de 68 % en 2005). Cette situation résulte tant de l’importance de la croissance démographique (quatre fois supérieure à celle des départements métropolitains) que de la très forte proportion des ménages à bas salaire. Au total, on estime à 62 000 le nombre de demandeurs de logements sociaux dans les DOM. Or, la production de logements sociaux au cours des deux dernières années n’est pas à la hauteur des besoins, ainsi que l’illustre le tableau ci-après :

PRODUCTION GLOBALE DE LOGEMENTS SOCIAUX DEPUIS 2003

 

2003

2004

2005

2006

2007

Logement social (LLS et LLTS)

4 432

3 226

4 711

4 021

3 480

Source : secrétariat d’État à l’Outre-mer

La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (dite « loi DALO ») a fixé un objectif annuel de fourniture de 5 400 logements. Le projet annuel de performance annexé au présent budget prévoit quant à lui une production de 4 500 logements pour l’année 2009, estimant que l’objectif de 5 400 pourrait être tenu à l’horizon 2012.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, la ligne budgétaire unique (LBU) finance pour cette année 1 400 logements locatifs sociaux (LLS) et 1 800 logements « très sociaux » (LLTS) à hauteur de 129 millions d’euros d’autorisations d’engagement, le reste de la LBU (8,2 millions d’euros en autorisations d’engagement) complétant le financement des logements sociaux défiscalisés.

La politique du logement social outre-mer butte classiquement sur deux difficultés :

—  l’insuffisance de l’effet de levier de la défiscalisation sur les constructions neuves de logement social et à l’inverse des effets d’aubaine sur le logement libre. C’est d’ailleurs pour lutter contre cet effet pervers que, s’inspirant des conclusions de la mission d’information de la commission des Finances sur les niches fiscales (32), qui préconisait une réorientation de la défiscalisation des investissements locatifs vers le logement social, le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer crée un dispositif de défiscalisation spécifique pour le logement social, supprimant de façon progressive la défiscalisation dans les secteurs libre et intermédiaire.

—  un manque de disponibilité du foncier, cette pénurie étant largement liée à une forte croissance démographique, à l’insularité de nombreuses collectivités et aux risques naturels. Pour remédier à cette difficulté, la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer a créé les fonds régionaux d’aménagement foncier et urbain (FRAFU) spécifiques aux DOM. (33)

Votre rapporteur tient enfin à souligner l’existence d’une troisième difficulté, de nature juridique : l’indivision. Très développée traditionnellement dans les collectivités ultramarines, l’indivision engendre des vacances importantes de logements, mais aussi de foncier non bâti. Pour répondre à ces difficultés, l’article 18 du projet de loi pour le développement économique outre-mer prévoit d’ailleurs la mise en place d’un dispositif permettant la remise sur le marché locatif de logements vacants du fait de l’indivision. Il est prévu que désormais, dans un immeuble inoccupé depuis plus d’un an, si le consentement de tous les co-indivisaires ne peut être obtenu, tout indivisaire « diligent » pourra exécuter seul les travaux de réhabilitation et mettre en location le logement vacant. L’article 19 du projet de loi prévoit quant à lui la création d’un groupement d’intérêt public chargé de l’indivision, dans le but de faciliter l’établissement des titres de propriété et par voie de conséquence, la sortie de l’indivision, à l’instar du dispositif récemment créé en Corse.

II. LA POURSUITE DES EFFORTS ENGAGÉS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE MAINTIEN DE L’ORDRE PUBLIC OUTRE-MER

Le respect des règles de droit s’impose, pour l’État comme pour les citoyens, sur l’ensemble du territoire de la République sans aucune distinction, en métropole comme outre-mer. Cet impératif constitue un défi particulier pour les collectivités ultramarines compte tenu des contraintes particulières qui pèsent sur elles : éloignement de la métropole, dispersion des territoires sur la surface du globe, mais aussi pression de l’immigration irrégulière en provenance d’États voisins et dynamisme du trafic de stupéfiants.

Votre rapporteur a souhaité à l’occasion de l’examen des crédits de la mission outre-mer faire le point sur les différentes politiques mises en œuvre par le Gouvernement, compte tenu de ces contraintes, pour faire pleinement respecter l’Etat de droit outre-mer.

A. LA LUTTE DÉTERMINÉE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

L’immigration illégale constitue une réalité sociale majeure dans certaines collectivités d’outre-mer où elle a pris des proportions inconnues en métropole. Les pouvoirs publics se sont, depuis plusieurs années, donné les moyens de relever ce défi, en renforçant la présence des forces de l’ordre, en adaptant le droit des étrangers aux spécificités ultramarines et en menant une politique diplomatique volontariste avec les pays proches.

LA DÉLICATE ÉVALUATION DE L’IMMIGRATION CLANDESTINE OUTRE-MER

Quantifier précisément l’immigration clandestine serait une gageure. Tout au plus peut-on approcher le phénomène par des estimations statistiques, à partir de données relatives aux interpellations des étrangers sur le territoire national, à la scolarisation des enfants ou à l’occupation des logements, notamment.

Si dans les collectivités du Pacifique et à la Réunion, l’immigration clandestine est faible, elle est en revanche particulièrement forte à Mayotte et en Guyane :

—  À Mayotte, la population clandestine est estimée à 50 000 personnes pour une population totale de 186 000 habitants, soit près de 27 % de la population, ce qui constitue un défi considérable pour cette collectivité ;

— En Guyane, elle est estimée à 40 000 personnes pour une population totale de 205 000 habitants, soit près de 20 % de la population.

—  En Guadeloupe, selon les estimations, 10 000 personnes seraient en situation irrégulière, soit 2,5 % de la population de ce département.

—  Quant à la Martinique, la population clandestine principalement Saint-Lucienne est plus faible et plus intégrée, compte tenu de la présence de résidents Saint-Luciens de longue date.

1. Une politique volontariste de lutte contre l’immigration clandestine

La politique migratoire constitue une des priorités de la présidence française de l’Union européenne. Le pacte européen sur l’immigration et l’asile, proposé lors de la réunion des ministres chargés de la justice et des affaires intérieures, les 6 et 7 juillet derniers à Cannes, sous l’impulsion du ministre français de l’immigration, M. Brice Hortefeux, et adopté par le Conseil européen le 16 octobre dernier, poursuit cinq grands objectifs :

—  Organiser l’immigration légale et favoriser l’intégration,

—  Lutter contre l’immigration irrégulière,

—  Renforcer l’efficacité des contrôles aux frontières,

—  Bâtir une Europe de l’Asile,

—  Construire et développer les partenariats avec les pays d’origine et de transit.

S’agissant de la lutte contre l’immigration clandestine, l’objectif affirmé par le Pacte est d’assurer le retour des étrangers en situation irrégulière dans leur pays d’origine ou vers un pays de transit. Les pays de l’UE devront ainsi coordonner leurs actions et renoncer aux « régularisations générales ». Par ailleurs, des accords de réadmission seront conclus avec les pays pour lesquels c’est nécessaire.

Le Gouvernement français a engagé ces dernières années une politique volontariste pour combattre l’immigration irrégulière outre-mer (attirée par la prospérité relative de nos territoires ultramarins dans des régions du monde beaucoup moins favorisées) et a rencontré dans cette lutte d’incontestables succès : ainsi, le nombre de clandestins qui ont été effectivement éloignés des DOM, après être passé de 6 909 en 2004 à 7 854 en 2005 (soit une hausse de 13,7 %), a connu une très nette accélération en 2006, atteignant 10 605 personnes, soit une hausse de 35 %. Pour l’année 2007, le chiffre est de 11 300 éloignements, soit une hausse plus modérée de 6,6 %. À Mayotte, où il a été procédé à près de 14 000 éloignements, la progression par rapport à l’année dernière est du même ordre (+ 5,56 %).

La Guadeloupe, Mayotte et la Guyane (34) représentent, à eux seuls, 95,7 % des éloignements et des infractions à la police des étrangers réalisés sur l’ensemble de l’outre-mer, ainsi que le montre le tableau ci-après :

ÉLOIGNEMENTS D’ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE OUTRE-MER DE 2004 À 2007

Collectivité

Éloignements exécutés en 2004

Éloignements exécutés en 2005

Éloignements
exécutés en 2006

Éloignements
exécutés en 2007

Variation 2006-2007 du nombre d’éloignements

(pour mémoire variation 2005-2006)

Guadeloupe

1 083

1 253

1 964

1 826

- 7,3 %
(+ 56,7 %)

Martinique

466

603

432

390

- 9,72 %
(- 28,4 %)

Guyane

5 318

5 942

8 145

9 031

+ 10,88 %
(+ 37,1 %)

Réunion

42

56

64

53

- 17,19 %
(+ 14,3 %)

Total DOM

6 909

7 854

10 605

11 300

+ 6,6 %
(+ 35 %)

Mayotte

8 599

7 655

13 253

13 990

+ 5,56 %
(+ 73,1 %)

Nouvelle-Calédonie

n.d.

10

8

17

+ 112,5 %
(- 20 %)

Polynésie française

n.d.

13

19

26

- 36,8%
(+ 46,2 %)

Saint-Martin (35)

n.d.

234

289

287

- 0,69 %
(+ 23,5 %)

La politique volontariste menée par le Gouvernement a été confortée par le renforcement des moyens, tant humains que matériels, affectés à la lutte contre l’immigration clandestine.

—  un renforcement et une réorganisation des moyens humains

Les effectifs de la police aux frontières (PAF) affectés outre-mer ont été renforcés significativement depuis 2004. Ainsi, entre 2004 et 2008, ils ont augmenté en Guadeloupe de 19,6 %, en Guyane de plus de 35% et à Mayotte de 280 % (36) !

Entre 2006 et 2008, la PAF a par ailleurs fait évoluer ses structures. Une nouvelle antenne a ainsi été créée à Saint-Georges de l’Oyapock en Guyane, en prévision de l’achèvement du pont frontière entre le Brésil et la France. Par ailleurs, le contrôle de l’immigration et des frontières de Saint-Barthélemy ayant été transféré à la Gendarmerie nationale, la PAF a pu renforcer ses effectifs à Saint-Martin, où un local de rétention administrative a été ouvert (cf. infra).

—  un renforcement des moyens matériels et opérationnels

Conformément aux engagements pris par le Gouvernement, les forces de l’ordre disposent désormais de centres de rétention administrative plus adaptés, permettant une gestion plus efficace mais aussi plus humaine des éloignements. Ainsi, en Guyane, le centre de rétention administrative, déclassé en 2007 en local de rétention, a fait l’objet de travaux qui se sont achevés au cours du premier semestre 2008. Géré par la PAF, il a une capacité de trente-huit places, qu’un projet à l’étude actuellement prévoit d’étendre.

À Saint-Martin, un local de rétention administrative a été inauguré au mois de mai 2008. Placé sous la responsabilité de la PAF, il pourra accueillir une douzaine de personnes. Les reconduites à la frontière pourront ainsi être désormais effectuées au départ de l’aéroport international de Juliana et non plus comme par le passé par l’intermédiaire du centre de rétention de la Guadeloupe.

À Mayotte, au vu des excellents résultats obtenus dans le cadre de la lutte en mer contre l’immigration irrégulière avec plus de 140 embarcations clandestines interceptées par l’ensemble des services de l’État en 2007, contre 59 en 2005 et 100 en 2006, il a été décidé un nouveau renforcement des moyens affectés à cette lutte.

A ainsi été installé en juillet 2008 un troisième radar de surveillance maritime. Couvrant la partie Est de l’île, il complète utilement les deux radars de détection et de surveillance maritime implantés entre Anjouan et Mayotte sur la partie nord-ouest de la Grande Terre en novembre 2005 et avril 2006. Couvrant désormais l’ensemble de l’île, les trois radars constituent une aide précieuse pour les services de l’État disposant de vecteurs maritimes (police aux frontières, brigade nautiques de la police et de la gendarmerie territoriale, gendarmerie maritime, douanes, marine nationale). Par ailleurs, deux vedettes supplémentaires sont venues compléter, au cours du premier semestre 2008, l’équipement de la brigade nautique de la Gendarmerie territoriale, qui disposait jusqu’ici de la vedette « le Verdon », opérationnelle depuis mi-2005 et d’une vedette semi-rigide depuis mi-2007. Rappelons que les vedettes sont particulièrement adaptées aux spécificités de la poursuite et l’interception des embarcations de migrants clandestins.

2. L’adaptation du droit des étrangers aux spécificités ultramarines

La législation relative au droit des étrangers a été adaptée pour tenir compte de la situation des collectivités ultramarines les plus exposées à l’immigration illégale. Ces adaptations, issues notamment des lois n°2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration et n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, ont sans nul doute facilité les progrès enregistrés dans la maîtrise des flux migratoires outre-mer.

a) Les règles spécifiques applicables dans les DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) s’applique par principe aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin (en vertu de l’article L. 111-2 du code), sous réserve de certaines adaptations justifiées par les caractéristiques et les contraintes particulières de ces collectivités. Les principales dérogations au droit commun portent sur :

—  la non-application de la procédure contentieuse de droit commun des mesures de reconduites à la frontière en Guyane et à Saint-Martin (article L. 514-1 (37)), ainsi qu’en Guadeloupe et à Saint-Barthélemy (article L. 514-2) ;

—  la non-application du délai d’un jour franc après notification de l’arrêté de reconduite à la frontière pour son exécution, sauf demande expresse de l’autorité consulaire, en Guyane, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin (1° de l’article L. 514-1) ;

—  le caractère non suspensif des recours contentieux contre les mesures de reconduite à la frontière (absence de sursis à exécution de l’arrêté de reconduite à la frontière en cas de saisine du tribunal administratif, sauf demande expresse du requérant) en Guyane, en Guadeloupe à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin (2° de l’article L. 514-1) ;

—  l’éloignement d’office de la Guyane des membres des navires se livrant à des activités de pêche illicite, avec leur accord, à destination du Venezuela, du Brésil, du Suriname ou du Guyana selon leur nationalité (article L. 532-1) ;

—  la visite sommaire des véhicules dans une bande frontalière ou littorale en Guyane et en Guadeloupe en vue de relever les infractions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers (article L. 611-9) ;

—  le droit de détruire les embarcations non-immatriculées transportant des étrangers en situation irrégulière en Guyane, lorsqu’il s’agit du seul moyen d’empêcher le renouvellement de ces infractions (I de l’article L. 622-10) ;

—  l’immobilisation de véhicules terrestres et d’aéronefs en Guyane et en Guadeloupe, lorsqu’il n’existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions (II de l’article L. 622-10).

En outre, en Guyane, les conducteurs de transports non urbains sont habilités à demander la production d’un titre d’identité ou de séjour lors de l’embarquement de passagers depuis une commune frontalière (en application du III de l’article 102 de la loi du 24 juillet 2006).

b) Le cas particulier de Mayotte et les difficultés liées à l’établissement d’un état civil fiable

À Mayotte, l’entrée et le séjour des étrangers sont régis, conformément à l’article 111-2 du CESEDA (38), par l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000, qui prévoit :

—  la visite sommaire des véhicules dans une bande littorale en vue de relever les infractions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers (article 10-2 (39)) ;

—  l’immobilisation de véhicules terrestres et d’aéronefs (article 29-3) ;

—  des délais de rétention et de prolongation fixés à 5, 7 et 4 jours (article 48) ;

—  des amendes administratives susceptibles d’être infligées aux entreprises de transport d’un montant supérieur au droit commun (articles 27 et 28) ;

—  la suspension du regroupement familial jusqu’en 2010 (article 59).

Par ailleurs, le délai de rétention en vue de l’établissement de l’identité d’une personne est porté à Mayotte de quatre à quarante-huit heures (article 78-3 du code de procédure pénale). Ont aussi été renforcés les moyens de la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité (articles 2499-1 à 2499-5 du code civil) et appliqué le principe de la mise à la charge du père qui reconnaît un enfant des frais de maternité (article 20 de l’ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique à Mayotte).

La mission d’information constituée en 2005 au sein de votre commission des Lois sur la situation de l’immigration à Mayotte, présidée par M. René Dosière et dont votre rapporteur pour avis était le rapporteur, avait souligné qu’il serait illusoire d’espérer une amélioration durable de la situation de l’immigration clandestine à Mayotte tant que la situation juridique des personnes sur cette île n’aurait pas été clarifiée et notamment tant que l’île ne disposerait pas d’un état civil fiable et exhaustif (40). Or cette question est loin d’être définitivement réglée, comme en témoigne la prolongation jusqu’en avril 2011 du mandat de la commission de révision de l’état civil, instituée par l’ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des noms et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte et dont le mandat qui devait s’achever en avril 2006, a été prorogé pour une durée de cinq ans par décret en 2005 (41) pour lui permettre de mener – enfin – ses travaux à bien.

La mission de la commission consiste à fixer l’identité des personnes de statut civil de droit local nés avant le 8 mars 2000 et à établir les actes d’état civil destinés à suppléer les actes manquants, perdus, inexploitables ou détruits, ainsi que les actes irréguliers et les actes devant être inscrits sur un registre d’état civil de droit commun alors qu’ils l’ont été à tort sur un registre de droit local ou inversement. Les actes ainsi établis par la commission sont ensuite transmis aux mairies qui les conservent et en délivrent des copies aux particuliers.

L’existence du statut personnel de droit local avait en effet conduit à mettre en place sur l’île deux régimes distincts d’état civil, un état civil de droit commun régi par les dispositions du code civil et un état civil de droit local, organisé par la délibération du 17 mai 1961 de l’assemblée territoriale des Comores. Depuis l’ordonnance précitée du 8 mars 2000, chaque commune dispose d’un service de l’état civil tenant deux registres distincts selon le statut des personnes.

Lors du déplacement à Mayotte effectué par la mission précitée en décembre 2005, de nombreux interlocuteurs avaient souligné l’importance de la confusion existant sur l’île dans la tenue des registres d’état civil, situation qui crée un contexte favorable à de nombreuses fraudes. Ainsi, dans les déclarations de naissances effectuées par les mères, ces dernières ne sont bien souvent désignées que par un « vocable », les employés du bureau de l’état civil devant s’efforcer de trouver eux-mêmes une identité à l’enfant (dont ils choisissent le prénom parmi les prénoms musulmans traditionnels). Les femmes présentant pour leur enfant de faux actes de reconnaissance de paternité obtiennent pourtant l’enregistrement de la filiation fictive, seuls les faux les plus évidents (une vingtaine par an environ) étant transmis par le bureau d’état civil au Procureur de la République de Mayotte. Certaines situations absurdes avaient été dénoncées, tels le cas d’un enfant plus âgé que sa mère, ou encore la présentation, lors des inscriptions scolaires, de plusieurs actes de naissance différents pour un même enfant, dont on ne connaît donc pas l’âge.

Le grand retard accumulé dans l’établissement de l’état civil à Mayotte, s’explique sans doute en partie par le manque de moyens de la commission de révision de l’état civil qui se résument à une quarantaine de rapporteurs répartis sur tout le territoire mahorais et un secrétariat assuré par le greffe du tribunal supérieur d’appel de Mayotte, qui comprend cinq agents. En outre, la commission n’est pas compétente pour réviser l’état civil des personnes dont les actes ont été établis après la publication de l’ordonnance précitée du 8 mars 2000, ce qui pourrait conduire à un dangereux vide juridique, compte tenu de la mauvaise transcription de nombreux mariages célébrés à Mayotte au cours des dernières années.

La mission d’information avait par ailleurs préconisé le versement d’une dotation exceptionnelle aux communes mahoraises pour l’achat de matériels informatiques permettant la tenue plus rigoureuse de l’état civil (micro-ordinateurs, connexions à Internet, scanner, logiciel adapté à la gestion de l’état civil…).

Rappelons que l’article 64 du présent projet de loi de finances reconduit jusqu’en 2011 le versement en faveur des communes mahoraises de la dotation exceptionnelle liée à la réforme de l’état civil, qui comprend des crédits destinés à la sécurisation et la mise aux normes des locaux, à l’achat de fournitures et à la maintenance du matériel dans le cadre des opérations d’état civil des communes pour un montant de 300 000 euros par an.

3. L’action diplomatique

Les actions internationales de la France en matière d’immigration illégale outre-mer s’articulent autour de deux axes : la conclusion, dès que cela est envisageable, d’accords de réadmission avec les États le justifiant et le développement des actions de coopération policière et douanière.

a) Les accords de réadmission

Alors que notre pays a longtemps tardé à mettre en place une coopération avec les pays d’où proviennent les étrangers en situation irrégulière, de nombreux accords ont été conclus au cours des dernières années avec les États voisins de nos collectivités ultramarines les plus affectées par l’immigration clandestine.

Un certain nombre d’accords de réadmission sont aujourd’hui en vigueur outre-mer avec le Brésil (depuis le 24 août 2001), Sainte-Lucie (depuis le 23 avril 2005), la Dominique (depuis le 23 mars 2007) ou l’île Maurice (depuis le 3 janvier 2008) (42). D’autres accords sont par ailleurs en cours de négociation. Ainsi en est-il des accords avec le Guyana (même si jusqu’ici l’absence d’accord n’avait pas empêché le bon déroulement de fréquentes reconduites vers ce pays), avec la Barbade (dont le Gouvernement examine un projet d’accord établi par notre pays) ou avec Trinité-et-Tobago (qui examine un nouveau projet d’accord transmis par la France après le refus de conclure un premier projet). S’agissant enfin de Haïti et des Comores, des consultations sont en cours avec les deux États, dans le but de conclure des accords de gestion concertée des flux migratoires, prévoyant des dispositifs de co-développement et de réadmission.

b) La coopération policière et douanière

La coopération avec le Brésil s’est intensifiée en 2008, anticipant sur l’ouverture du pont sur l’Oyapock entre le Brésil et la Guyane, prévue pour la fin 2009, et les nouveaux besoins en termes de contrôle transfrontalier qu’elle induira. Est notamment prévue la conclusion de deux accords entre les deux États, l’un portant création d’un « Bureau de contrôles nationaux juxtaposés » chargé du contrôle de la circulation des personnes et des biens à la butée du pont et l’autre portant création d’un « Centre de coopération policière »  – et éventuellement douanière – dont la vocation serait de faciliter l’échange d’informations entre les deux pays.

En outre, à l’occasion de la commission mixte transfrontalière franco-brésilienne du 12 juin 2008, les deux États ont convenu de la constitution d’un groupe de travail ad hoc sur la problématique de l’immigration.

Un accord relatif à la « coopération transfrontalière en matière policière » a été signé avec le Suriname le 29 juin 2006, qui prévoit des patrouilles communes, des échanges d’informations, ainsi que le détachement d’un fonctionnaire dans le pays voisin.

Avec les Pays-Bas, l’accord de coopération douanière à Saint-Martin, dont la signature remontait à 2002, devrait pouvoir entrer en vigueur cette année grâce au retrait de la stipulation sur le droit à l’interpellation qui, en France, souffrait d’un vice d’inconstitutionnalité. Par ailleurs, un accord de coopération policière à Saint-Martin devrait être signé très prochainement entre les deux États.

Concernant enfin le dossier de l’immigration clandestine à Mayotte, un groupe de travail de haut niveau a été constitué à l’initiative des chefs d’États français et comorien. Lors de sa première réunion tenue les 4 et 5 juin derniers, ce groupe a défini trois axes de travail : la circulation des personnes et des biens, la relance de la coopération régionale et la structuration institutionnelle de cette démarche, l’objectif étant d’aboutir prochainement à la conclusion d’un accord de gestion concertée des flux migratoires prévoyant un dispositif de co-développement.

L’intensification de notre action diplomatique doit être saluée, car la coopération avec les pays d’origine de l’immigration clandestine constitue une des clés de la réussite des politiques de lutte contre l’immigration irrégulière. Votre rapporteur pour avis se félicite de l’accent mis par le Gouvernement sur la question du co-développement, de nature à véritablement affaiblir les filières de l’immigration clandestine.

B. UNE POLITIQUE SOUTENUE DE LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE

La lutte contre la délinquance et la réduction de l’insécurité dont pâtissent un trop grand nombre de nos compatriotes constitue une des priorités du Gouvernement, en métropole comme outre-mer. La hausse du nombre des infractions constatées en 2007 par les forces de police et de gendarmerie doit être analysée comme le résultat de l’activité encore renforcée des forces de l’ordre pour lutter contre la délinquance outre-mer.

1. L’évolution générale de la délinquance

L’année 2007 est marquée par une hausse de plus de 4 % du nombre d’infractions constatées outre-mer. A contrario, la délinquance dite « de proximité » (cambriolages, vols d’automobiles, vols à la roulotte, destruction et dégradation de biens…) a baissé sur la même période de plus de 7 % en moyenne (et même de 25,68 % en Guyane).

Cette évolution traduit avant tout une très forte activité des forces de l’ordre, tout particulièrement dans la lutte contre l’immigration clandestine et le trafic de stupéfiants. Le tableau ci-dessous retrace le nombre d’infractions constatées et le taux de criminalité, qui rapporte le nombre d’infractions constatées à la population totale, depuis 2004 dans les différentes collectivités ultramarines :

NOMBRE DE CRIMES ET DÉLITS COMMIS OUTRE-MER

Collectivité

2004

2005

2006

2007

Évolution
2006-2007

(pour mémoire évolution 2005-2006)

Taux de criminalité
Pour 1000 habitants

(pour mémoire 2006)

Guadeloupe

28 578

27 882

28 332

30 162

+ 6,46%
(+ 1,6 %)

63,3
(62)

Guadeloupe (hors îles du Nord)

/

24 765

24 872

25 939

+4,29%
(+0,4%)

Martinique

23 598

22 252

21 585

21 244

-1,58 %
(- 3 %)

52,9
(54)

Guyane

20 552

23 458

24 333

24 839

+2,08%
(+ 3,7 %)

118,8
(124)

Réunion

34 202

34 177

31 518

30 914

-1,92%
(- 7,8 %)

38,9
(40)

Mayotte

13 058

12 911

19 090

22 814

+19,51%
(+ 47,9 %)

122,37
(95)

Nouvelle-Calédonie

13 274

12 657

13 221

12 581

-4,84%
(+ 4,5 %)

52,3
(57)

Polynésie française

9 327

10 145

9 262

10 791

+16,51%
(- 8,7 %)

41,5
(36)

Saint-Martin

/

2 618

3 071

3 765

+22,6%
(+17,3%)

113,5
(/)

Saint-Barthélemy

/

499

389

458

+17,74%
(-22,04%)

54,2
(/)

Saint-Pierre-et-Miquelon

100

82

128

111

-13,28%
(+ 56,1 %)

15,8
(18)

Wallis et Futuna

152

172

97

242

+149,48%
(- 43,6 %)

16,1
(6)

Total outre-mer

142 934

143 743

147 566

153 698

+4,16%
(+ 2,7 %)

59,97
(58)

Total métropole

3 825 442

3 775 838

3 725 588

3 589 293

-3,66%
(- 1,3 %)

58,3
(62)

Ces différentes données doivent être interprétées avec précaution, notamment lorsqu’il s’agit d’opérer des comparaisons avec la métropole : les taux de criminalité les plus élevés, notamment en Guyane et à Mayotte, intègrent en effet la forte activité des services dans la lutte contre l’immigration clandestine. En outre, le taux de criminalité est calculé en fonction de la population recensée, sans tenir compte, par définition, du nombre des étrangers en situation irrégulière.

Les différents DOM et COM connaissent une évolution contrastée de leur délinquance, qui présente par ailleurs des caractéristiques très différentes d’une collectivité ultramarine à l’autre.

a) L’évolution de la délinquance dans les départements d’outre-mer

—  La Guadeloupe (hors îles du Nord) enregistre en 2007 une augmentation de 4,29 % de la délinquance générale, due en grande partie à une forte activité des services de police et de gendarmerie en matière de lutte contre les stupéfiants, qui a crû de 20,68 %. Le taux de criminalité est plus élevé qu’en métropole (63,3 ‰ contre 58,3 ‰). En revanche, la délinquance de proximité est en baisse (- 0,44 %). Les mineurs représentent aujourd’hui 9,86 % du total des mis en cause en Guadeloupe. Cette proportion augmente légèrement, puisqu’elle était de 9,27 % en 2007. Elle est cependant inférieure à la moyenne des départements d’outre-mer (10,11 %) ainsi qu’à celle observée en métropole (18,04 %).

—  La Martinique enregistre quant à elle une baisse de 1,58 % des infractions constatées. Le taux de criminalité y est moins élevé qu’en métropole (52,9 ‰ contre 58,3 ‰). Dans ce département, la délinquance de proximité enregistre une baisse de 14,66 % par rapport à 2006. Sujet de préoccupation en revanche, le nombre de mineurs mis en cause dans la délinquance martiniquaise est en hausse de 17,52 % en 2007, atteignant un pic depuis 2003. La part qu’ils occupent parmi les mis en cause est de 13,56 %. Elle est inférieure à celle observée en métropole (18,04 %), mais supérieure à la moyenne des DOM.

—  La Guyane a enregistré une hausse de 2,08 % de la délinquance en 2007. Les infractions à la police des étrangers y représentent plus de 51 % des infractions constatées, contre 21 % des faits constatés en moyenne outre-mer. Hors police des étrangers, la délinquance générale est en baisse de 6,4 % entre 2006 et 2007. Le taux de criminalité, qui atteint 118,8 ‰, soit un niveau bien plus élevé qu’en métropole, doit être analysé avec précaution, car calculé sans tenir compte de la population clandestine. La part des mineurs est particulièrement faible puisqu’elle ne représente que 2,81 % du total des mis en cause, étant noté que, d’une manière générale, les infractions à la législation sur les étrangers sont classiquement majoritairement le fait de majeurs.

—  La Réunion a enregistré une baisse de 1,92 % de sa délinquance générale, ce qui établit sont taux de criminalité à un niveau bien plus faible qu’en métropole (38,9 ‰). Dans le même mouvement, la délinquance de proximité a enregistré une baisse de 10,15 % en 2007. En revanche, même si la part des mineurs dans le total des mis en cause diminue, passant de 20,72 % en 2006 à 19,08 % en 2007, ce taux reste supérieur à celui enregistré en métropole (18,04 %).

b) L’évolution de la délinquance dans les collectivités d’outre-mer

—  À Mayotte, les crimes et délits constatés par les services de police et de gendarmerie ont augmenté de 19,51 % sur un an, après une spectaculaire hausse de 47,86 % en 2006. Ces chiffres s’expliquent principalement par une activité soutenue des forces de l’ordre en matière d’immigration clandestine. Les infractions à la police des étrangers représentent en effet 72,46 % du total des infractions. Sujet de préoccupation, la délinquance de proximité a enregistré une augmentation de 21,38 % et revient à son niveau de 2005. Les mineurs, dont la part est réduite du fait de l’importance relative des infractions à la législation sur les étrangers, représentent 11,32 % du total des personnes mises en cause.

—  Avec un peu plus de 12 500 crimes et délits constatés par l’ensemble des services de police et de gendarmerie, la Nouvelle-Calédonie a enregistré une diminution de 4,84 % de la criminalité et de la délinquance sur un an. Le taux de criminalité de cette collectivité s’établit à 52,3 ‰, soit un niveau inférieur à celui de la métropole. La part des mineurs est en revanche la plus élevée de l’outre-mer : ils représentent 26,63 % du total des mis en cause en 2007.

—  La Polynésie française, qui a enregistré une augmentation de 16,51 % de la délinquance en 2007, notamment expliquée par une hausse de la délinquance de proximité, n’en conserve pas moins un taux de criminalité de 41,5 ‰, très inférieur à celui de la métropole. La part des mineurs reste relativement stable, représentant 16,30 % du total des mis en cause en 2007, contre 17,22 % en 2006.

—  S’agissant de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, les comparaisons ne peuvent remonter qu’à 2005 puisque jusqu’à cette date, les chiffres les concernant étaient compris dans les statistiques de la Guadeloupe « continentale ». La délinquance générale à Saint-Martin a augmenté de 22,6 % entre 2006 et 2007. Le taux de criminalité y est particulièrement élevé (113,5 ‰) ; la délinquance de proximité est en hausse de 27,23 % sur un an tandis que la part des mineurs reste faible, ceux-ci ne représentant que 10,87 % des mis en cause.

À Saint-Barthélemy, la délinquance générale a augmenté de 17,74 % entre 2006 et 2007. Cependant, le taux de criminalité y est très faible (54,2 ‰). La délinquance des mineurs est peu importante (12,75 % des mis en cause, soit 13 mineurs).

—  Avec un taux de criminalité de 15,8 infractions pour 1000 habitants, Saint-Pierre-et-Miquelon enregistre le plus faible taux de l’outre-mer. 111 crimes et délits ont été constatés par les services de gendarmerie, contre 128 faits en 2006, soit une diminution de 13,28 %. Seulement 22 faits de voie publique ont été constatés en 2007 (contre 24 en 2006).

—  Sur les Iles Wallis et Futuna, 242 crimes et délits ont été enregistrés, soit une augmentation de 149,48 % par rapport à 2006. La seule délinquance de proximité a connu une augmentation de 109 % sur un an. Pour autant, le taux de criminalité reste faible, s’établissant à 16,1 ‰.

2. L’organisation des forces de l’ordre

a) L’organisation des effectifs de police et de gendarmerie

Si la police nationale est présente dans les DOM et les COM (à l’exception de Saint-Barthélemy), toutes les directions ne sont pas partout représentées : il n’existe ainsi pas de force de sécurité publique à Wallis et Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou dans les îles du Nord de la Guadeloupe. La mission de la police aux frontières à Saint-Barthélemy a été confiée au début de cette année à la gendarmerie et les effectifs de police concernés ont été redéployés à Saint-Martin.

La gendarmerie nationale est présente dans tous les DOM et les COM, le commandement de la Nouvelle-Calédonie étant compétent pour les îles Wallis et Futuna. Au total, le dispositif composé de 156 brigades territoriales est renforcé par 16 escadrons de gendarmerie mobile, déplacés pour une durée moyenne de trois mois.

Les effectifs de police et de gendarmerie présents dans chaque DOM et COM sont présentés dans les tableaux ci-après :

EFFECTIFS DE LA POLICE NATIONALE OUTRE-MER

Collectivité

Effectifs au 1er janvier 2006

Effectifs au 1er janvier 2007

Effectifs au 1er janvier 2008

Évolution
2007-2008

Guadeloupe (avec les îles du Nord)

973

930

1 022

+ 9,9%

Martinique

873

863

837

- 3 %

Guyane

588

575

663

+ 15 %

Réunion

1 052

1 096

1 056

- 3,6 %

Mayotte

250

307

302

- 1,6 %

Nouvelle-Calédonie

568

568

556

- 2,1 %

Polynésie française

234

242

259

+ 7%

Saint-Pierre-et-Miquelon

9

9

9

Stable

Wallis et Futuna

1

1

1

Stable

Total outre-mer

4 548

4 633

4 705

+ 1,9 %

EFFECTIFS DE LA GENDARMERIE NATIONALE OUTRE-MER
(hors gendarmerie mobile)

Collectivité

Effectifs au 1er janvier 2006

Effectifs au 1er janvier 2007

Effectifs au 1er janvier 2008

Évolution
2006-2008

Guadeloupe

685

692

682

- 0,4 %

Martinique

626

626

620

- 0,9 %

Guyane

445

479

469

+ 5,3 %

La Réunion

725

735

736

+ 1,24 %

Mayotte

111

121

122

+ 9,9 %

Nouvelle-Calédonie

409

447

467

+ 14,1 %

Polynésie française

427

392

391

- 8,4 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

31

31

28

- 9,6 %

Wallis et Futuna (43)

15

15

16

+ 6,6 %

Total outre-mer

3 474

3 538

3 531

+ 1,6 %

EFFECTIF DES FORCES MOBILES
(Gendarmes Mobiles)

Collectivité

Nombre d’escadrons de gendarmerie mobile – 1er semestre 2008

Guadeloupe (avec les îles du Nord)

2

Martinique

1

Guyane

5

La Réunion

1

Mayotte

1

Nouvelle-Calédonie (44)

4

Polynésie française

2

Saint-Pierre-et-Miquelon

/

Wallis et Futuna

/

RÉPARTITION DES FORCES DE L’ORDRE EN 2007

Collectivité

Répartition des forces de l’ordre en % de la population couverte

Nombre d’habitants par policier
ou par gendarme 

Police nationale

Gendarmerie nationale

Par policier(45)

Par gendarme(46)
(hors Gendarmerie mobile)

Guadeloupe

30 %

70 %

139

446

Martinique

33,91 %

66,09 %

157

415

Guyane

31,11 %

68,89 %

152

239

Réunion

32,14 %

67,86 %

218

699

Mayotte

28,44 %

71,56 %

166

1094

Nouvelle-Calédonie

34,93%

65,07 %

135

304

Polynésie française

10,02 %

89,98 %

99

597

Saint-Barthélemy

Pas de zone police

100 %

/

903

Saint-Martin

Pas de zone police

100 %

/

421

Saint-Pierre-et-Miquelon

Pas de zone police

100 %

/

226

Wallis et Futuna

Pas de zone police

1

/

1 012

b) La montée en puissance des groupements d’intervention régionaux (GIR)

En vertu d’une circulaire de 2002, il revient aux préfets territorialement compétents de décider de la mise en œuvre de groupements d’intervention régionaux (GIR) dans les départements d’outre-mer. Le dispositif retenu initialement par la plupart des préfets, à l’exception notable de la Guyane, a été de créer des GIR dotés d’unités d’organisation et de commandement (UOC) non permanentes, activées au gré des besoins des services pour des enquêtes particulières.

Depuis le début de l’année 2008, les UOC des GIR de la Guadeloupe et de La Réunion sont devenues permanentes, dans le but d’accroître leur efficacité : le GIR de la Guadeloupe est désormais composé d’une UOC de 12 personnes, qui travaille à l’heure actuelle sur quatre commissions rogatoires et quatre opérations administratives. À La Réunion, l’UOC permanente encore en phase de création, comprendra à terme 9 personnes.

Ces deux GIR permanents ont pu se fonder sur l’exemple du GIR guyanais où une UOC permanente de 11 personnes a été mise en place dès novembre 2006, afin notamment de lutter plus efficacement contre l’orpaillage clandestin, mais aussi contre le travail dissimulé, le trafic de produits stupéfiants, l’immigration clandestine, et les infractions relatives à l’urbanisme et aux marchés publics. En 2007, il a participé à 6 opérations visant le trafic de drogues, l’immigration irrégulière et le travail dissimulé. Ces affaires ont permis l’interpellation de 64 personnes, dont 19 ont été incarcérées. Elles ont également permis notamment la saisie de 5 kg de résine de cannabis, 19 kilos de tabac, 5 véhicules et 3 avions.

Des GIR non permanents ont par ailleurs été réactivés par l’autorité préfectorale à Mayotte et en Martinique, respectivement en février et en mai 2007 (47).

3. De quelques aspects particuliers de la délinquance outre-mer

a) Le dynamisme du trafic de stupéfiants dans la zone Caraïbes

La proximité de la seule zone de production mondiale de cocaïne fait de la zone des Caraïbes un point de passage des trafiquants de drogue. Les interceptions de navires, les saisies de produits stupéfiants et le démantèlement des filières confirment l’importance du rôle joué par cette zone dans le trafic international de stupéfiants.

Si la France s’efforce de tenir ses collectivités des Antilles et de Guyane à l’écart de ces circuits, ces collectivités doivent faire face à deux réseaux distincts de trafiquants :

–  un trafic local et régional portant sur des stupéfiants essentiellement importés des îles voisines (herbe, résine de cannabis et crack). Les îles de la Dominique et de Sainte-Lucie sont les deux sources principales de trafics pour la Guadeloupe et la Martinique. Le Suriname et, dans une moindre mesure le Guyana et le Brésil, sont les principaux pays sources des stupéfiants importés en Guyane.

—  un trafic international qui se manifeste essentiellement par la circulation, par voies maritimes et aériennes, d’importantes quantités de cocaïne destinées aux marchés de la drogue métropolitain et européen.

Pour faire face à ces défis, la France s’est dotée d’un dispositif structuré autour d’une véritable « plate-forme anti-drogue » au sommet duquel un comité, mis en place par la circulaire interministérielle du 5 mai 1997, coordonne, sous l’autorité conjointe du Préfet de la Martinique, Préfet de zone, et du Procureur général près la Cour d’appel, les actions de lutte contre le trafic de stupéfiants, notamment par voie maritime. L’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) a mis en place, au plus près des zones de production et de transit, des officiers de liaison spécialisés « drogue » placés auprès des attachés de sécurité intérieure basés en Colombie, au Venezuela, à Porto Rico, au Brésil, ainsi qu’à Miami et Key-West aux États-Unis. Depuis juin 2004, cet office interministériel a installé une antenne à Fort-de-France, dans les locaux de la Marine nationale. Elle regroupe 18 policiers, 6 gendarmes, 2 douaniers et 2 officiers de marine. Deux officiers de liaison américains et espagnols sont en outre mis à la disposition de ce service opérationnel. Un projet de création d’une seconde antenne localisée à Saint-Martin est par ailleurs à l’étude.

Ce dispositif est complété par les trois antennes opérationnelles de la direction interrégionale de Police Judiciaire de Fort-de-France, Saint-Martin et Cayenne, ainsi que par les antennes de la direction des Douanes. Les services locaux de la police et de la gendarmerie nationales, et notamment les GIR, participent également pleinement à cette lutte contre les trafics.

L’augmentation de près de 30 % des infractions constatées en 2007 par rapport à 2006 témoigne tout autant de l’implication des forces de l’ordre dans la lutte contre les trafics que de la pression grandissante qu’exercent les trafiquants dans la région des Caraïbes (48). La progression de cette délinquance est très forte en Martinique, qui redevient le DOM où le nombre d’infractions est le plus élevé après la forte progression l’année passée des infractions commises en Guadeloupe, ainsi que le montre le tableau ci-après :

NOMBRE D’INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES PRODUITS STUPÉFIANTS
DE 2003 À 2006 AUX ANTILLES ET EN GUYANE

Département d’outre-mer

2003

2004

2005

2006

2007

Évolution
2006-2007

(pour mémoire évolution 2005-2006)

Guadeloupe

797

757

842

1 333

1 553

+16,50 %
(+ 58,3 %)

Martinique

1 757

1 627

982

1 128

1 602

+42,02 %
(+ 14,9 %)

Guyane

381

333

378

440

601

+36,59 %
(+ 16,4 %)

Total DFA (49)

2 935

2 717

2 202

2 901

3 756

+29,47 %
(+ 31,7 %)

Les départements français d’Amérique, notamment la Guyane, sont la première zone française de consommation de crack, représentant en moyenne le tiers des consommateurs interpellés dans notre pays.

La quantité de cocaïne saisie par les services des douanes a augmenté de 392 % entre 2004 et 2007, confirmant le rôle majeur de la zone caraïbe comme point de passage vers l’Europe. Les saisies de cannabis réalisées par les douanes ont quant à elles augmenté de plus de 125 % entre 2003 et 2007.

Au total en 2007, l’antenne Caraïbes de l’OCRTIS a placé 114 individus en garde à vue dans le cadre d’enquêtes relatives aux trafics de stupéfiants, dont 84 ont été mis en examen parmi lesquels 70 ont été écroués. Par ailleurs, 8 bateaux ont été arraisonnés, tandis que 2,7 tonnes de cocaïne et 320 kg d’herbe de cannabis ont été saisis. À ces chiffres s’ajoutent ceux des services des douanes, qui ont respectivement saisi sur la même période plus de 350 kg de cocaïne et 1,7 tonne de cannabis.

b) Une vigilance maintenue face au blanchiment d’argent à Saint-Martin

Dans l’ensemble des DOM, les organismes financiers sont soumis à l’obligation de vigilance et au système de la déclaration d’opérations suspectes auprès de TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Clandestins).

Malgré la situation géopolitique des départements et collectivités d’outre-mer, il apparaît que seule la collectivité de Saint-Martin présente un risque particulier au regard du blanchiment d’argent. Ce particularisme s’explique par l’importance touristique de l’île (50), par son rôle de carrefour aérien et maritime, mais surtout par sa géographie. En effet, une industrie du jeu très développée (13 casinos représentant plusieurs dizaines de millions de dollars de revenu annuel) et non réglementée (absence de contrôle d’identité, de droit d’entrée…) est présente dans la partie néerlandaise de cette île des Caraïbes (Sint-Marteen), permettant à une multitude de sociétés satellites d’y faire circuler, sans aucun contrôle, d’importantes liquidités en espèces. Des sociétés offshore créées dans la partie néerlandaise sont titulaires de comptes en devises, y compris dans la partie française de l’île. Saint-Martin offre également des opportunités de placement et d’intégration des sommes blanchies par l’achat de biens immobiliers.

La législation française dissuade très largement les candidats au blanchiment dans la partie française de l’île, ce qui n’empêche pas TRACFIN, compte tenu de la perméabilité de la frontière entre les deux parties de l’île, de maintenir une grande vigilance, attachant une grande importance à la sensibilisation de ses correspondants locaux anti-blanchiment auxquels elle fournit des connaissances techniques nécessaires à l’établissement, le cas échéant, de déclarations de soupçon. Selon les éléments d’information dont dispose votre rapporteur, 500 déclarations de soupçon ont été transmises à TRACFIN en Guadeloupe depuis 2004, dont seulement 20 pour Saint-Martin.

c) L’intensification de la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane

Depuis plusieurs années, le Gouvernement a mis en œuvre une politique de coopération interministérielle accrue dans la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane. Les actions répressives menées grâce au renforcement des moyens humains et logistiques ont permis la destruction de véritables villages clandestins, mais aussi la saisie de divers matériels utiles à l’extraction aurifère (carburant, pompes ou matériel de chantier, notamment) et un accroissement des reconduites à la frontière des étrangers en situation irrégulière interpellés sur les sites.

Afin d’optimiser l’emploi des forces armées en Guyane, le protocole « Toucan », signé le 29 juin 2006 par le préfet du département et le commandant supérieur des forces armées, vise à renforcer le rôle des 2 000 militaires présents (hors gendarmerie) dans le cadre de missions diverses, notamment de lutte contre l’immigration et l’orpaillage clandestins. Ainsi, le nombre d’opérations de contrôle en forêt profonde pour lutter contre l’orpaillage clandestin dites « opérations anaconda » n’a cessé d’augmenter, passant de 37 en 2003 à 113 en 2007. Pour l’année 2007, les opérations anaconda ont permis la saisie ou la destruction de matériels estimés à 23 millions d’euros. À la suite de ces opérations, 691 étrangers en situation irrégulière ont par ailleurs été reconduits à la frontière.

Conformément à l’engagement pris par le Président de la République au début de cette année, aux opérations anaconda ont succédé les opérations dites « harpie », qui ont bénéficié de renforts militaires supplémentaires et permis, en quatre mois, un résultat supérieur à celui des opérations anaconda . Ainsi, les opérations harpie menées de mars à juin 2008 ont permis la saisie de 19 kg d’or et 211 kg de mercure. Le montant des saisies et des destructions est estimé à plus de 28 millions d’euros. Par ailleurs, 666 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière à la suite de ces opérations.

Pour autant, si l’adaptation de certaines dispositions juridiques a permis d’accentuer l’efficacité de ces dispositifs opérationnels déployés sur le terrain (51), il apparaît que l’arsenal répressif actuel ne dissuade pas assez les orpailleurs clandestins. Constitués en véritables bandes organisées qui acheminent des pays voisins du matériel d’extraction et de production de la main-d’œuvre clandestine et la logistique nécessaire à la survie de villages entiers (vivres, armes et carburants, pour l’essentiel), ces groupes ne sont aujourd’hui passibles que de contraventions douanières ou d’une faible peine d’emprisonnement prévue par le code des mines, alors même que leur activité illicite génère des dommages considérables pour l’environnement guyanais.

Prenant la mesure de ces difficultés, l’article 29 du projet de loi pour le développement économique outre-mer comprend des dispositions renforçant la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane. Il complète le dispositif existant :

—  d’une part, en réprimant plus sévèrement le délit d’extraction aurifère illégale prévu à l’article 141 du code des mines lorsque les faits s’accompagnent d’atteintes graves à l’environnement matérialisées par la pollution des eaux (principalement par le recours au mercure), la pollution atmosphérique, la production de déchets ou la déforestation ;

—  d’autre part, en permettant aux enquêteurs de recourir aux techniques d’investigations propres à lutter contre la criminalité organisée (surveillance, infiltration, régimes dérogatoires de garde à vue et de perquisition, écoutes téléphoniques, etc.).

Tenant compte du contexte local et des conséquences économiques lourdes qui en découlent, les contraventions à l’exportation d’or natif, caractérisée par l’absence de déclaration aux douanes ou par la dissimulation frauduleuse de la marchandise, ainsi que la détention ou le transport sans justificatif d’or natif, seront en outre érigées en délits douaniers lorsqu’elles sont commises en Guyane.

C. LES EFFETS DE LA RÉFORME DE LA CARTE MILITAIRE OUTRE-MER

1. La réforme de la carte militaire outre-mer à l’horizon 2011

a) Six unités seront supprimées à l’horizon 2011

Les territoires ultramarins sont touchés de plein fouet par la réorganisation des forces armées décidée par le Président de la République à l’issue de la remise du livre Blanc sur la Défense et la Sécurité.

Cette réorganisation d’ensemble, qui s’échelonnera de 2010 à 2012 pour l’adaptation des capacités opérationnelles, et de 2010 à 2014 pour celle des structures de soutien, se traduira outre-mer par :

—  un fort resserrement de la composante terrestre – avec la dissolution de deux régiments et d’un bataillon d’Infanterie de marine en Polynésie, en Martinique et en Guadeloupe ;

—  l’abandon des capacités hélicoptères dans trois sites avec la fermeture des bases aériennes de Martinique, de Polynésie et de La Réunion ;

—  une réduction globale de 40 % des effectifs militaires des trois armées outre-mer (passage de 10 000 à 6 000 ETPT).

Au total, ce sont six unités qui seront fermées à l’horizon 2011 : le 41ème Bataillon d’infanterie de marine en Guadeloupe (Baie Mahaut), le 33ème Régiment d’Infanterie de marine en Martinique (Fort-de-France), la Base aérienne 365 en Martinique (Le Lamentin), la Base aérienne 181 à La Réunion (Sainte Clotilde), le Régiment d’infanterie de marine du Pacifique en Polynésie (à Arue et Taravao) et la Base aérienne 190 en Polynésie (à Faa’a). En contrepartie, les bases de défense seront mises en service à partir de 2012.

Lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie à la mi-septembre 2008, le ministre de la Défense a ainsi annoncé la création d’une base de défense par océan : la Nouvelle-Calédonie va ainsi devenir le pôle régional de l’armée française dans le Pacifique, tout comme la Guyane, les Antilles, la Zone sud de l’Océan indien et la Polynésie dans leurs zones respectives. Pour la Nouvelle-Calédonie, il a indiqué que la base de défense créée « serait la base à partir de laquelle un certain nombre d’éléments ou de moyens seraient déployés pour l’ensemble de la zone Pacifique et notamment de la Polynésie ». Il a précisé que la Nouvelle-Calédonie regrouperait « l’ensemble des services qui seront désormais interarmées et qui seront chargés d’apporter le soutien à toutes les unités dans un environnement géographique donné » pour l’ensemble de la zone.

Dans ce cadre, la Nouvelle-Calédonie ne devrait connaître qu’une réduction de l’ordre de 10 à 15 % de ses effectifs militaires, actuellement de 3 100, contrairement à la Polynésie française où la réduction sera au moins de 40 %, ce choix s’expliquant d’un point de vue stratégique par la position de la Nouvelle-Calédonie à proximité de la grande puissance régionale qu’est l’Australie.

Le tableau ci-après présente l’évolution du dispositif des forces armées outre-mer.

ÉVOLUTION DU DISPOSITIF DES FORCES ARMÉES OUTRE-MER

Domaines

Guyane

Antilles

Zone sud de l’océan Indien

Nouvelle-Calédonie

Polynésie

Commandement

état-major interarmées  Renforcé

état-major interarmées  Allégé

état-major interarmées 

état-major interarmées 

état-major interarmées  Allégé

Soutien interarmées
(ouverture à partir de 2012)

Base de défense

Base de défense

Base de défense

Base de défense

Base de défense

Unités maintenues

2 régiments,

1 base aérienne renforcée
1 base navale

1 base navale

1 régiment, 1 détachement air, 1 base navale à La Réunion
1 élément base navale
à Mayotte

1 régiment
1 base aérienne
1 base navale

1 base navale
1 détachement air

Unités dissoutes ou transférées
(échéance 2011)

 

1 régiment
1 bataillon
1 base aérienne

1 base aérienne

Base aéronavale transférée à l’armée de l’air

1 régiment
1 base aérienne

Effectifs actuels

1 900

1 690

2 000

1 850

1 550

Effectifs futurs

2 050

750
(650 Martinique,
100 Guadeloupe)

1 720
(1 400 à La Réunion,
320 à Mayotte)

1 600

850

b) Des mesures d’accompagnement territorial ont été proposées par le ministère de la Défense

La première étape du dispositif d’accompagnement territorial du redéploiement des armées repose sur la réalisation par des cabinets d’audit indépendants de diagnostics par territoire afin notamment de mesurer l’impact socio-économique réel de ce redéploiement et les axes de développement à privilégier.

Sur la base de ces audits pourront être conclus des contrats de redynamisation de site de Défense (CRSD), d’une durée de trois à cinq ans, pour les sites affectés par une perte nette de plus de 200 emplois directs et qui connaissent une grande fragilité économique et démographique. Par ailleurs des plans locaux de redynamisation (PLR) seront prévus pour les sites ne bénéficiant pas d’un CSRD mais subissant néanmoins un impact significatif avec une perte nette d’au moins 50 emplois directs.

Une enveloppe spécifique de 20 millions d’euros – dont le fonds de restructuration de la défense (FRED) et le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) serviront de supports budgétaires –, devrait permettre la mise en place de deux contrats de redynamisation en Martinique et en Polynésie, et de plans locaux dans les autres territoires.

Des dispositifs d’accompagnement de la mobilité professionnelle et/ou géographique du personnel civil et militaire concerné par les restructurations seront mis en œuvre par le ministère de la défense. Un dispositif d’accompagnement des départs des agents en fin de carrière est également prévu.

2. Les effets induits par la réforme en matière de sécurité sont multiples

La fermeture de six unités aura indéniablement des conséquences économiques lourdes pour les collectivités touchées, notamment en matière d’emplois, conséquences qui devront être pleinement anticipées et accompagnées par les pouvoirs publics. Votre rapporteur pour avis souhaite évoquer les effets potentiellement négatifs que ces départs pourraient induire en matière de sécurité : sécurité nationale, sécurité intérieure et sécurité civile.

Il faut avoir en mémoire les nombreuses interventions de l’armée en cas de crises dans les DOM et les COM. Les seules années 2005-2008 ont été marquées par un certain nombre de crises, liées à des catastrophes naturelles (Cyclones Gamede à la Réunion et Dean à la Martinique en 2007, tempête tropicale Fame à Mayotte en 2008) ou à de graves problèmes sanitaires (crise du Chikungunya à la Réunion et à Mayotte, de la Dengue en Guadeloupe et en Martinique), sans compter les menaces pour la sécurité (orpaillage clandestin dans la forêt guyanaise, pêche illégale, trafics de stupéfiants en mer des Caraïbes, protection du centre de Kourou) qui ont toutes appelé, sous des formes variables, l’intervention des forces armées en renfort des forces de l’ordre et des services de sécurité civile.

Votre rapporteur reste préoccupé par la concomitance du départ de certaines unités de l’armée avec la montée de certaines menaces : dans le contexte de la virulence des trafics de drogue aux Antilles, mais aussi de la pression forte de l’immigration illégale dans un certain nombre de territoires ultramarins, le départ des troupes pourrait donner un signal très négatif de désengagement de l’État.

En matière de sécurité civile, on sait que les DOM et les COM doivent faire face à des enjeux exceptionnels, liés à la fois à leur éloignement de la métropole (qui atteint jusqu’à 18 000 km, ce qui rend plus difficile une projection rapide de renforts, tant humains que matériels, et implique donc une amélioration de leur capacité propre de gestion de crise) et aux risques naturels auxquels ils sont confrontés, encore accrus par une démographie de plus en plus concentrée dans les zones urbaines. Ainsi, en cas de nécessité, l’envoi de renforts à Futuna, qui ne compte aucun pompier, ou à Wallis qui en compte 18, depuis la Nouvelle-Calédonie demande trois jours et demi de mer… Jusqu’à présent, les forces armées participaient fréquemment à des missions de sécurité civile. Avec la réduction de leurs effectifs, la substitution de leurs moyens, notamment aériens, par des moyens civils, doit être envisagée. C’est la continuité du service public outre-mer qui est en jeu.

Les actions menées par la direction de la sécurité civile du ministère de l’Intérieur, qui ont particulièrement fait porter leurs efforts sur les collectivités ultramarines depuis plusieurs années (52) doivent impérativement se poursuivre, voire s’amplifier pour tenir compte du retrait de certaines forces armées et de leurs moyens de ces territoires. En effet, si la probabilité d’actions hostiles est faible, les risques d’ordre naturels demeurent prégnants et nécessitent donc de poursuivre l’adaptation et la montée en puissance des moyens susceptibles d’y faire face, en particulier les moyens aériens.

Dans ce contexte, votre rapporteur pour avis sera particulièrement attentif aux résultats de l’exercice sismique de grande ampleur, dénommé « Richter », qui doit être organisé en novembre prochain aux Antilles. Dans la perspective de l’organisation de cet exercice ont en effet été engagés d’importants travaux de réaménagement des structures chargées de la gestion de crise et du déclenchement de la projection des moyens nationaux.

Interrogé par votre rapporteur pour avis sur les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour compenser les effets de la réforme de la carte militaire outre-mer, le ministre de l’Intérieur a indiqué avec force qu’« il n’est pas question de laisser les collectivités ultramarines sans une garantie totale en matière de sécurité et de sécurité civile » (53), précisant que le Gouvernement s’engageait à un principe de « tuilage » des forces chargées de la sécurité des territoires d’ici au départ des militaires. Est ainsi prévu l’achat de deux hélicoptères polyvalents de moyens tonnages « EC 145 » et d’un hélicoptère lourd Eurocopter « EC 225 » de la catégorie des Superpumas, dont le déploiement est prévu d’ici 2011 à la Martinique et à la Réunion.

Votre rapporteur pour avis a été rassuré par les propos très fermes tenus par le ministre de l’Intérieur, mais restera vigilant sur l’effort budgétaire consenti au cours des prochains exercices pour donner les moyens nécessaires à ce tuilage des forces sur le terrain.

D. UNE JUSTICE DONT LES MOYENS DOIVENT ENCORE ÊTRE DÉVELOPPÉS

1. La justice judiciaire manque encore de moyens

La continuité de la République exige que la justice soit rendue de la même manière sur tout le territoire français, en métropole comme outre-mer. Il est cependant nécessaire de compenser les difficultés particulières des collectivités ultramarines, notamment pas des efforts budgétaires soutenus en matière immobilière. Votre rapporteur s’est par ailleurs penché sur la question de l’application de la réforme de la carte judiciaire outre-mer.

a) Des programmes immobiliers pour faire face à l’exiguïté et à la vétusté de certains locaux

Des projets immobiliers récents ont eu pour objectif d’améliorer le fonctionnement outre-mer du service public de la Justice.

Ainsi, pour faire face à l’exiguïté de certains locaux a été décidé le relogement de certaines juridictions : à Basse-Terre, certains services ont été relogés provisoirement dans des locaux loués, tandis qu’à Pointe-à-Pitre, il a été décidé de reloger le tribunal pour enfants et le conseil des prud’hommes dans l’ancienne caserne de gendarmerie qui accueille déjà les services de l’instruction et du juge des libertés et de la détention depuis juin 2006.

La vétusté de certains locaux a également conduit à des travaux de maintenance ou de modernisation des équipements. Ainsi en est-il du palais de justice de Saint-Laurent du Maroni ou des bâtiments du ressort de la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion. Le palais de justice de Mamoudzou, presque totalement sinistré par le cyclone Ernest le 20 janvier 2005, a fait l’objet de travaux de sécurisation dans l’attente de la construction d’un nouveau bâtiment sur un terrain situé à proximité et qui appartient déjà au ministère de la justice.

Des efforts importants devront encore être consentis dans les années à venir, tant l’état de délabrement de certains bâtiments est peu compatible avec l’exercice serein de la Justice de la République. Votre rapporteur sera très attentif aux progrès qui devront être rapidement réalisés en la matière.

b) La réforme de la carte judiciaire affecte la Guadeloupe et la Martinique

La loi n°2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a prévu que, d’ici au 1er janvier 2010, date à laquelle la collégialité de l’instruction sera la règle, doivent être créés des pôles de l’instruction. C’est le décret du 16 janvier 2008 modifiant le code de procédure pénale et relatif aux pôles de l’instruction qui a prévu la création de 91 pôles de l’instruction. S’agissant de l’outre-mer, ce sont sept pôles qui sont créés. Seul celui de Pointe-à-Pitre regroupe le ressort de deux TGI, s’étendant à celui de Basse-Terre :

DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

SIÈGE

RESSORT
s’étendant aux limites territoriales des
tribunaux de grande instance de :

Cour d’appel de Basse-Terre

Pointe-à-Pitre.

Basse-Terre, Pointe-à-Pitre.

Cour d’appel de Fort-de-France

Fort-de-France.

Fort-de-France.

Cayenne.

Cayenne.

Cour d’appel de Saint-Denis

Saint-Denis.

Saint-Denis.

Saint-Pierre.

Saint-Pierre.

COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER

SIÈGE

RESSORT
s’étendant aux limites territoriales des
tribunaux de grande instance de :

Cour d’appel de Nouméa

Nouméa.

Nouméa.

Cour d’appel de Papeete

Papeete.

Papeete.

De même, la réforme de la carte judiciaire, marquée par des regroupements de juridictions sur tout le territoire, a relativement peu touché l’outre-mer. Ainsi, le décret n° 2008-145 du 15 février 2008 modifiant le siège et le ressort des tribunaux d’instance, des juridictions de proximité et des tribunaux de grande instance n’a d’incidences qu’en Guadeloupe et en Martinique :

—  S’agissant de la cour d’appel de Basse-Terre en Guadeloupe, le tribunal d’instance de Marie-Galante et le greffe détaché du Moule sont supprimés et rattachés au tribunal d’instance de Pointe-à-Pitre. Ces mesures prendront effet le 1er janvier 2010.

—  S’agissant de la cour d’appel de Fort-de-France en Martinique, le décret précité supprime, dès son entrée en vigueur, le greffe détaché de la Trinité qui n’avait plus d’activité depuis plusieurs années. Il prévoit également le regroupement, au 1er janvier 2010, du tribunal d’instance du Lamentin avec celui de Fort-de-France.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, les 11 fonctionnaires qui sont concernés par ces mesures (4 en Guadeloupe et 7 en Martinique) bénéficieront de mesures d’accompagnement social au titre desquelles notamment le versement de la prime de restructuration de service instituée par le décret n° 2008-366 du 17 avril 2008.

2. La situation toujours préoccupante des établissements pénitentiaires, malgré des efforts importants

Malgré les efforts engagés pour accroître leurs capacités d’accueil, la situation des prisons demeure particulièrement préoccupante outre-mer. En effet, leur taux moyen d’occupation atteint près de 150 %, contre 127,9 % au 1er juillet 2006 et 147,9 % au 1er juillet 2007.

Le manque de places est particulièrement marqué dans trois maisons d’arrêt, à Basse-Terre en Guadeloupe (où le taux d’occupation atteint 180,1 %), Majicavo à Mayotte (dont le taux d’occupation est de 235,6 %) et à Saint-Denis de la Réunion (avec un taux d’occupation de 251,2 %), ainsi qu’au centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania en Polynésie française (où le taux d’occupation atteint 285,1 %).

taux d’occupation des établissements pénitentiaires outre-mer
(au 1er juin 2008)

Collectivité

Etablissement

Nombre de
places
opérationnelles

Nombre
de
détenus

Taux d’occupation

Guadeloupe

Maison d’arrêt de Basse-Terre

130

235

180,8 %

Centre pénitentiaire de Baie Mahault

504

570

113 %

Martinique

Centre pénitentiaire de Ducos

570

819

143,6 %

Guyane

Centre pénitentiaire de Remire Montjoly

469

745

158,8 %

Réunion

Centre pénitentiaire du Port

667

747

119,9 %

Maison d’arrêt de Saint-Pierre

121

147

121,5 %

Maison d’arrêt de Saint-Denis

123

309

251,2 %

Mayotte

Maison d’arrêt de
Majicavo

90

200

235,6 %

Polynésie française

Centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania.

135

385

285,1 %

Maison d’arrêt de Taiohae

5

3

60 %

Maison d’arrêt d’Uturoa

20

16

80 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

Maison d’arrêt

(54)

2

25 %

Wallis et Futuna

Maison d’arrêt de
Mata-Utu

(55)

0

/

Nouvelle-Calédonie

Centre pénitentiaire de Nouméa

192

362

188,5 %

Total
outre-mer

3 037

4 540

149,5 %

● Pour augmenter les capacités d’accueil en milieu carcéral et remédier à la vétusté de certains établissements outre-mer, des projets de construction de nouveaux établissements sont en cours ou encore à l’étude :

—  À Saint-Denis de la Réunion, les travaux de construction d’un centre pénitentiaire de 600 places sur le site de Domenjod qui avaient débuté le 10 mai 2006 sont désormais achevés et l’établissement a été livré le 15 octobre dernier pour une mise en service avant la fin de l’année. Les engagements pris l’an dernier par Madame le Garde des Sceaux ont donc été tenus, ce dont votre rapporteur pour avis se félicite.

Cet établissement relève du programme de construction de la loi d’orientation de 2002 (qui a prévu la construction de 1 600 places de détention outre-mer sur un total de 13 200 places). La réalisation de ce bâtiment permettra la fermeture de la maison d’arrêt « Juliette Dodu » à Saint-Denis, mais également le désengorgement de la maison d’arrêt de Saint-Pierre et du centre pénitentiaire du Port.

Les 600 places de l’établissement seront réparties en un quartier homme, un quartier femme (de 30 places), un quartier mineurs et de jeunes majeurs (de 40 places), un quartier arrivants et un centre de semi-liberté.

—  En Guadeloupe, est envisagée la construction à l’horizon 2011 d’une nouvelle maison d’arrêt, d’une capacité de 418 places, sur un terrain de la commune de Gourbeyre au lieudit du plateau des Palmistes, en remplacement de la maison d’arrêt de Basse-Terre. Des études complémentaires sont en cours pour préciser la faisabilité du projet et en mesurer l’impact financier.

—  Par ailleurs, la construction d’un nouvel établissement comptant 200 places environ a été envisagée en Martinique, bien qu’aucun site n’ait encore été identifié. Le problème de la localisation des nouveaux établissements pénitentiaires est une question récurrente sur laquelle achoppent encore de nombreux projets, outre-mer comme en métropole, rendant nécessaire un travail de pédagogie envers la population locale et les élus.

● Par ailleurs, l’extension de certains établissements existants devrait permettre d’atténuer les problèmes de surpopulation carcérale :

—  à la Martinique, dans le centre pénitentiaire de Ducos, seul établissement pénitentiaire du département dont le taux d’occupation atteint, malgré les 80 places supplémentaires livrées en juillet 2007, plus de 140 %, il est envisagé la construction de 100 à 150 nouvelles places d’ici 2011 ;

—  en Guyane, dans le centre pénitentiaire de Remire-Montjoly, où 78 places supplémentaires devraient être mises en service à la fin de l’année 2008, la création de 60 nouvelles places est à l’étude ;

—  à Mayotte, la maison d’arrêt de Majicavo, dont la capacité a augmenté de 25 places en 2005, devrait être transformée en centre pénitentiaire doté de 110 places supplémentaires en 2011 ou 2012 ;

—  en Polynésie française, l’extension du centre pénitentiaire de Faa’a reposera sur l’ouverture, à la fin de l’année 2008, d’un centre pour peines aménagées de 32 places et, d’ici 2011-2012, sur la création de 150 places supplémentaires ;

—  en Nouvelle-Calédonie, le centre pénitentiaire de Nouméa bénéficiera, au troisième trimestre de l’année 2008, de l’achèvement de la construction d’un quartier des mineurs de 18 places, auquel s’ajoutera un nouveau centre pour peines aménagées (CPA) de 80 places à l’horizon 2011.

III. LA POURSUITE DE LA MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE L’OUTRE-MER

Le début de l’année 2007 avait été marqué par des évolutions importantes des institutions de l’outre-mer :

—  rénovation du droit électoral applicable dans les COM par les lois organiques (n°2007-223) et ordinaire (n°2007-224) du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer ;

—  consolidation du statut constitutionnel dérogatoire de la Nouvelle-Calédonie par la loi constitutionnelle du 23 février 2007 ;

—  octroi par la loi organique du 21 février 2007 précitée de nouveaux pouvoirs normatifs aux départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM) (56;

—  rénovation statutaire de quatre COM : Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ces deux dernières collectivités passant, à cette occasion, du statut de communes d’un DOM-ROM à celui de COM, conformément au souhait de leur population. (57)

Dans la continuité de ces évolutions, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a consacré dans notre Loi Fondamentale les nouveaux statuts de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ainsi que de Clipperton. Elle a par ailleurs modifié les articles 73 et 74-1 de la Constitution, pour respectivement permettre au pouvoir réglementaire d’habiliter les DOM-ROM à modifier des dispositions de nature réglementaire et étendre le champ des ordonnances que peut prendre le Gouvernement pour procéder aux adaptations dans les COM et en Nouvelle-Calédonie des dispositions législatives en vigueur en métropole.

Le Gouvernement a en outre déposé un projet de loi organique (n° 1110) portant application de l’article 25 de la Constitution et un projet de loi (n° 1111) relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés, textes en cours d’examen par notre Assemblée, qui prévoient de modifier les circonscriptions électorales pour l’élection des députés, notamment dans les DOM et les COM.

Le régime électoral de la Polynésie française a par ailleurs été de nouveau réformé par la loi organique n°2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique.

A. LA POURSUITE DE LA MODERNISATION STATUTAIRE DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER

La loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 a consacré au sein de l’article 72-3 de la Constitution, d’une part les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin (58), tirant ainsi la conséquence de l’accès de ces deux îles au statut de COM par la loi organique du 21 février 2007, et d’autre part Clipperton (59) au titre des territoires dont la loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière.

D’autres évolutions statutaires de collectivités ultramarines sont à prévoir dans les années qui viennent : dans le cadre de la transformation envisagée de Mayotte de COM en DOM, un référendum devrait être organisé l’an prochain. Par ailleurs, le statut de Wallis et Futuna pourrait également être revu.

1. Une modernisation parachevée : les statuts de Saint-Barthélemy, Saint-Martin ainsi que de Clipperton

a) Le statut de Saint-Barthélemy et Saint-Martin

L’ajout à l’article 72-3 de la Constitution – qui énumère la liste des collectivités et territoires d’outre-mer – de Saint-Barthélemy et Saint-Martin est la conséquence directe du vote de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, qui a notamment fixé le statut de ces deux nouvelles collectivités d’outre-mer (60).

Rappelons que cette transformation avait été rendue possible par l’approbation des projets de statuts, respectivement par la délibération du 31 juillet 2003 du conseil municipal de Saint-Martin et par celle du 8 août 2003 du conseil municipal de Saint-Barthélemy (61). En outre, conformément à la procédure prévue à l’article 72-4 de la Constitution pour tout basculement « de l’un vers l’autre des régimes prévus par les articles 73 et 74 », le « consentement des électeurs de […] la partie de collectivité intéressée [avait] été préalablement recueilli », lors du référendum organisé le 7 décembre 2003 (62).

Les populations de ces deux îles, situées à 250 kilomètres de l’île de la Guadeloupe, demandaient depuis longtemps une autonomie politique accrue, prenant mieux en compte leurs spécificités historiques, économiques, sociales et culturelles. Rappelons que la commune de Saint-Martin, située sur une île binationale, souffre d’un retard d’investissements publics compte tenu de son dynamisme démographique – sa population a quadruplé en vingt ans –, ainsi que d’une immigration mal contrôlée, tandis que la commune de Saint-Barthélemy présente des spécificités fiscales en vertu du traité franco-suédois du 10 août 1877 portant rétrocession à la France de Saint-Barthélemy. Par ailleurs, les deux îles bénéficient d’un environnement exceptionnel qu’il convient de préserver.

Désormais, chaque nouvelle COM exerce les compétences dévolues aux communes par les lois et règlements, mais aussi celles dont disposaient le département et la région d’outre-mer de Guadeloupe. Ces compétences sont complétées par un pouvoir d’adaptation des normes nationales – comparable à celui reconnu aux COM de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon –, ainsi que du droit de « fixer les règles applicables » dans un nombre limité de matières, essentiellement la fiscalité, les transports, le droit domanial, le tourisme, l’accès au travail des étrangers et, pour Saint-Barthélemy, l’environnement, l’énergie, l’urbanisme et le logement(63). Ces matières font partie, au même titre que celles qui relèvent de la loi organique en application de l’article 74 de la Constitution, de celles pour lesquelles les lois et règlements ne sont applicables que s’ils le prévoient expressément : comme pour Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, le législateur organique a donc opté pour l’application du principe d’assimilation législative dans le cas général, assortie d’exceptions pour un nombre limité de matières.

Comme à Saint-Pierre-et-Miquelon, chacune de ces COM sera désormais dirigée par un conseil territorial, un organe exécutif collégial dénommé « conseil exécutif », ainsi qu’un président – ce dernier étant responsable devant le conseil territorial. Par ailleurs, là encore par analogie avec Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, la loi organique a précisé les conditions de mise en œuvre, à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, du droit de pétition, des référendums locaux et consultations des électeurs prévus à l’article 72-1 de la Constitution.

b) Le statut de l’île de Clipperton

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a en outre consacré l’île de Clipperton, dont le statut a été modifié par la loi n°2007-224 du 21 février 2007.

Cette loi a en effet complété la loi n°55-1052 du 6 août 1955 conférant l’autonomie administrative et financière aux TAAF par un nouveau titre fixant le statut de l’île de Clipperton. Jusqu’alors, cette petite île de l’océan Pacifique située au large des côtes mexicaines, dépourvue de population permanente et comportant seulement une station météorologique (64), était régie par un décret du 12 juin 1936 (65) portant rattachement de l’île de Clipperton au Gouvernement des établissements français de l’Océanie, dont l’intitulé comme les dispositions étaient devenus obsolètes.

Le nouveau statut, clair et concis, prévoit que ce territoire est administré par le ministre chargé de l’outre-mer, lequel peut déléguer au représentant de l’État l’exercice de ses attributions administratives, conformément à la pratique actuelle (66). Par ailleurs, il précise que l’ensemble des lois et règlements y sont « applicables de plein droit » (article 9 de la loi du 6 août 1955), alors qu’auparavant le principe d’assimilation législative n’était pas explicitement établi.

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a consacré Clipperton, au sein du troisième alinéa de l’article 72-3 de la Constitution, au titre des territoires dont la loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière, tout comme les TAAF. Il était en effet légitime de mentionner cette île dans la Constitution, afin de n’omettre aucun territoire ultramarin.

2. Un processus de modernisation en cours : vers la départementalisation de Mayotte ?

Outre la description des évolutions statutaires intervenues récemment, votre rapporteur s’intéresse bien évidemment aux modifications à venir, au premier rang desquelles la possible transformation de Mayotte en DOM.

a) La rénovation du statut de Mayotte en 2007 l’a rapproché du droit commun des DOM

La rénovation du statut de Mayotte, opérée par la loi organique du
21 février 2007, avait été rendue nécessaire par son rattachement à la catégorie des COM, issue de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, cette révision ayant aussitôt rendu obsolète le statut de l’archipel fondé sur une loi simple ordinaire
– la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte – contrairement aux dispositions de l’article 74 de la Constitution, qui exigent une loi de nature organique.

La loi organique du 21 février 2007 a modernisé le statut de Mayotte en le rapprochant du droit commun de la démocratie locale, tout en en codifiant les dispositions au sein d’une nouvelle sixième partie du code général des collectivités territoriales, afin de faciliter l’accès au droit.

Elle a dressé la liste des compétences de la collectivité de Mayotte, tout en définissant les « conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ». Le régime législatif applicable à Mayotte, à compter du 1er janvier 2008, repose non plus sur le principe de spécialité législative, assorti d’exceptions (67), mais sur le principe d’assimilation législative, également assorti d’exceptions (68). Par ailleurs, le conseil général de Mayotte bénéficie des mêmes possibilités d’adaptation des lois et règlements que les assemblées délibérantes des DOM-ROM.

Les compétences reconnues à la collectivité départementale de Mayotte sont alignées sur celles dont disposent les DOM-ROM – à l’exception de celles qui concernent les établissements scolaires, les routes nationales et la lutte contre les maladies vectorielles, seul l’État étant à même de surmonter les difficultés particulières de Mayotte dans ces domaines.

Par ailleurs, les règles applicables à la collectivité départementale de Mayotte s’agissant du fonctionnement du conseil général, du contrôle de légalité ou de la procédure budgétaire sont étroitement inspirées de celles qui sont applicables aux départements et aux régions. L’Assemblée nationale a toutefois décidé de renforcer les règles de transparence applicables aux activités financières de cette COM.

Enfin, la loi organique a étendu à cette COM les innovations rendues possibles par l’article 72-1 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (69), s’agissant de l’exercice de la démocratie directe au niveau local. Ont ainsi été reconnus :

—  le droit de pétition, 5 % des électeurs inscrits pouvant adresser une pétition au président de l’organe délibérant pour demander que ce dernier examine une question entrant dans ses compétences (70;

—  la possibilité d’organiser des référendums locaux, lesquels sont décisionnels, lorsque plus de la moitié des électeurs inscrits y ont participé ;

—  ainsi que celle de procéder à des consultations des électeurs, l’organe délibérant pouvant être saisi dans ce cadre par un dixième au moins des électeurs inscrits (71).

S’agissant de l’avenir institutionnel de l’archipel, la loi organique du 21 février 2007 avait prévu que le conseil général de Mayotte pourrait demander la transformation du statut de la COM en DOM-ROM dès la première réunion suivant son renouvellement en 2008, et non en 2011 comme le prévoyait initialement le projet de loi (72). Elle avait en outre précisé que Mayotte ne pourrait accéder à l’indépendance sans le consentement de sa population – le Conseil constitutionnel ayant en revanche censuré comme « empiét[ant] sur les pouvoirs du constituant » la disposition, introduite par un amendement gouvernemental, qui entendait subordonner une éventuelle accession à l’indépendance à une révision préalable de la Constitution (73).

b) Pour autant, la voie pourrait encore être longue avant la pleine transformation de Mayotte en DOM

En application de la loi du 21 février 2007, le Conseil général de Mayotte, a adopté, le 18 avril dernier, une résolution portant sur la transformation de Mayotte en département et région d’outre-mer. Le Président de la République s’est engagé à ce que les électeurs mahorais soient consultés sur cette évolution statutaire dans les douze mois suivant l’adoption de la résolution. Respectant cet engagement, le Gouvernement a annoncé que le référendum auprès de la population mahoraise aurait lieu en mars 2009.

La transformation de Mayotte en département et région d’outre-mer, régi par l’article 73 de la Constitution, impliquerait le passage à un régime d’identité législative pour l’ensemble des lois et règlements applicables en métropole, y compris dans les matières qui en étaient jusque là exclues, à savoir la protection sociale, la fiscalité, l’urbanisme et le logement, le droit du travail, l’immigration et les finances communales. Rappelons en effet que si le principe d’assimilation législative, avec exceptions, a été retenu en 2007, l’application du droit commun a été reportée de 2007 à 2013 en matière fiscale et douanière, compte tenu notamment des difficultés locales liées au cadastre.

En 2006, la mission d’information de votre commission des Lois sur la situation de l’immigration à Mayotte, présidée par M. René Dosière et dont votre rapporteur pour avis était le rapporteur avait souligné les difficultés qui restaient à surmonter sur la voie de la départementalisation de Mayotte(74).

La mission avait constaté sur place l’adhésion unanime des élus et de la population au projet de transformer, à terme, Mayotte en DOM, le débat portant seulement sur le calendrier de ce processus. La mission avait regretté que les principaux responsables politiques de l’île ne s’efforcent pas d’expliquer davantage à la population les conséquences de cette démarche, qui impliquera notamment la soumission de principe au droit commun et non plus au droit coranique.

La très grande majorité de la population de Mayotte reste en effet encore soumise à un statut personnel de droit local, inspiré du droit coranique, qui régit l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, ainsi que les successions et libéralités. Rappelons que jusqu’en 2000, c’étaient encore les cadis qui tenaient les registres de l’état civil mahorais…

Au cours des dernières années, le législateur a tenté de moderniser ce droit pour interdire certaines discriminations successorales – les discriminations successorales entre enfants légitimes et naturels ou en raison du sexe des enfants sont ainsi désormais interdites –, ainsi que pour relever l’âge minimum du mariage et supprimer progressivement, pour l’avenir, la polygamie et la répudiation unilatérale. L’article 68 de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer a ainsi reconnu des droits égaux aux époux pour les « personnes accédant à l’âge requis pour se marier au 1er janvier 2005 », cette même loi a également érodé les compétences de la justice cadiale en prévoyant que « les personnes relevant du statut civil de droit local peuvent soumettre au droit civil commun tout rapport juridique relevant du statut civil de droit local ».

Le principe même de l’existence d’un tel statut personnel, pour ceux des Mahorais qui souhaiteraient le conserver, ne peut pas être contesté dans le cadre constitutionnel actuel. En effet, l’article 75 de la Constitution, qui est applicable dans un DOM comme dans une COM précise que « les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun (...) conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé ».

Pour autant, ce principe ne permet nullement de justifier l’actuelle désorganisation de l’état civil mahorais, résultant de certaines pratiques cadiales ou des règles particulières appliquées aux personnes relevant du droit local.

La mission avait donc appelé de ses vœux, dans la perspective de la future départementalisation du statut de cette collectivité, une clarification juridique qui « pourrait, à terme, être obtenue grâce à l’extinction progressive du statut personnel de droit local, au moins en matière d’état et de capacité des personnes. »

Votre rapporteur ne peut que réitérer ce souhait. Il ne s’agit à l’évidence pas de supprimer d’un coup à Mayotte tout statut personnel de droit local mais bien d’encourager avec vigueur les Mahorais à renoncer individuellement à celui-ci. Il semble que la mentalité des plus jeunes générations, plus instruites et plus critiques envers les règles coutumières ou religieuses rende une telle évolution possible à terme.

Lors de son audition par votre commission des Lois, le 21 octobre dernier, le ministre de l’Intérieur a rappelé que si la consultation référendaire devait être organisée en mars prochain, le processus conduisant à la départementalisation de l’île serait encore long. Une telle transformation implique en effet « des obligations réciproques » : si l’État s’engage au versement de certaines prestations sociales, telles le RMI, la collectivité mahoraise devra en retour se soumettre à l’obligation fiscale. Ces évolutions supposent la stabilisation préalable de l’état civil en Mayotte, qui reste encore bien trop lacunaire, la ministre indiquant que seulement la moitié de la population est à ce jour couverte par un état civil fiable.

3. Un statut qui reste à moderniser : les institutions des îles Wallis et Futuna

Le statut des îles Wallis et Futuna n’a été que très partiellement affecté par les lois organiques (n° 2007-223) et ordinaire (n° 2007-224) du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.

En vertu de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961, les îles Wallis et Futuna ont le statut de territoire d’outre-mer (TOM). Ce statut, qui a certes fait l’objet d’adaptations techniques ponctuelles en matière indemnitaire, domaniale et foncière en 1978 (75), en matière budgétaire et comptable en 1995 (76), ainsi qu’en matière électorale en 1998 et 2000 (77, est le plus ancien parmi les collectivités de l’océan Pacifique, les statuts de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie ayant été définis par des lois organiques datant respectivement de 2004 (78) et 1999 (79).

Ce statut prévoit l’application du principe de spécialité législative dans les îles Wallis et Futuna, la loi du 29 juillet 1961 précisant que sont localement applicables les lois et règlements relatifs à la souveraineté nationale (80) ainsi que ceux qui y ont été « déclarés expressément applicables ». En vertu de cette loi, l’État a conservé des compétences étendues pour les matières régaliennes (ordre public, respect des lois et règlements, relations extérieures, monnaie, douanes, organisation de la justice), mais aussi en matière d’enseignement, de gestion de l’état civil et de contrôle administratif et financier. Surtout, le représentant de l’État, qui prend dans cette COM le nom d’« administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna », est chargé d’un important pouvoir réglementaire pour exercer sa « compétence de chef du territoire » et exécuter, après consultation d’un conseil territorial (81), les délibérations de l’assemblée territoriale – assurant l’exécutif de la collectivité, il est notamment ordonnateur de son budget et la représente en justice comme dans tous les actes de la vie civile. De telles compétences vont ainsi bien au-delà de celles dont jouit l’autorité préfectorale dans les collectivités territoriales de droit commun depuis déjà vingt-cinq ans.

L’intitulé même de la loi de 1961, qui fait à la notion de « territoire d’outre-mer », symbolise l’inadaptation de ce statut, la catégorie des TOM ayant disparu depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (82) : en vertu de l’article 72-3 de la Constitution, les îles Wallis et Futuna, ne relevant pas de la catégorie des départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM) régie par son article 73, constituent une collectivité d’outre-mer (COM) soumise à son article 74. Dès lors, son statut doit être « défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante », qui doit notamment fixer les compétences de la COM, mais aussi les « règles d’organisation et de fonctionnement [de ses] institutions », ainsi que les pouvoirs consultatifs dont disposent ces dernières.

En l’absence de consultation préalable de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna, la loi organique du 21 février 2007 n’a pas procédé à une refonte de ce statut, qui aurait pourtant permis de le mettre en conformité avec la Constitution. Elle y a seulement inséré un article 4-1 précisant la date d’entrée en vigueur des lois et règlements dans cette COM : par analogie avec le choix effectué dans cette loi organique pour les autres collectivités de l’océan Pacifique, il est désormais prévu que ces textes y sont applicables, à compter de la date qu’ils fixent ou, à défaut, le dixième jour suivant leur publication au Journal officiel de la République française (83).

Votre rapporteur juge souhaitable de procéder à l’avenir, dans une loi organique, à une modernisation globale de ce statut, qui permettrait de le mettre en conformité avec la Constitution, mais aussi d’en combler les lacunes et d’en clarifier de nombreuses dispositions vieillissantes. Cet objectif pourrait certainement être atteint sans remettre en cause les grands équilibres institutionnels et politiques résultant de la loi du 29 juillet 1961, qu’il s’agisse de la répartition des compétences ou de la place du droit coutumier dans cette COM.

B. LA LOI CONSTITUTIONNELLE DU 23 JUILLET 2008 A UTILEMENT COMPLÉTÉ LES RÈGLES RÉGISSANT L’ADAPTATION DES NORMES DANS LES DOM ET LES COM

1. L’introduction de la possibilité pour le pouvoir réglementaire d’habiliter les départements et régions d’outre-mer à modifier des dispositions de nature réglementaire

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et la loi organique du
21 février 2007 rendaient d’ores et déjà possible une habilitation législative des DOM-ROM pour adapter des dispositions législatives dans certains domaines.

Depuis la fondation de la Cinquième République, l’article 73 de la Constitution permettait au législateur d’adapter les normes nationales à la « situation particulière » de chaque DOM, cette adaptation devant, conformément au principe d’assimilation législative applicable à cette catégorie de collectivités, faire l’objet d’une mention expresse – ce qui signifie que le silence de la loi entraîne l’application du droit commun (84).

Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (85), ce même article autorisait le législateur national à déléguer aux DOM-ROM la responsabilité de procéder eux-mêmes à cette adaptation des lois et règlements et, plus encore, de « fixer [eux]-mêmes les règles applicables sur leur territoire » dans certaines matières législatives (86). Si le principe d’assimilation législative demeure depuis lors applicable au texte même de la loi, la possibilité de décentraliser son élaboration représente une révolution juridique et symbolique dans un État unitaire tel que la France.

Au total, la révision constitutionnelle de 2003 permet :

—  une décentralisation du pouvoir d’adaptation, dans les matières où s’exercent les compétences de la collectivité territoriale, si le législateur a habilité la collectivité (deuxième alinéa de l’article 73) ;

—  et un transfert du pouvoir normatif, par habilitation législative, dans un nombre limité de matières (troisième alinéa de l’article 73).

Toutefois, afin de préserver la souveraineté nationale et la primauté du Parlement dans l’expression de la volonté générale, mais aussi l’indivisibilité de la République et les libertés publiques, le Constituant a prévu un encadrement de ces nouveaux pouvoirs normatifs des DOM-ROM :

—  en premier lieu, toute intervention normative d’un DOM ou d’une ROM est subordonnée à l’obtention préalable d’une habilitation par la loi ;

—  en deuxième lieu, le champ de ces interventions demeure limité. Ainsi, les adaptations normatives ne sont possibles que dans les matières pour lesquelles les DOM-ROM sont compétents, tandis que la « fixation de règles » par les DOM-ROM eux-mêmes est exclue pour une série de matières législatives (essentiellement relatives à l’exercice de la souveraineté nationale, à la citoyenneté ou à la protection des libertés publiques) (87) ;

—  enfin, la finalité de ces interventions est déterminée. Le pouvoir d’adapter ou de fixer les règles ne peut être exercé que, respectivement, pour « tenir compte des spécificités » des DOM-ROM concernés ou pour respecter les « caractéristiques et contraintes particulières » de ceux-ci.

En outre, l’habilitation à légiférer comme celle à adapter doivent toutes deux résulter d’une demande de la collectivité concernée et respecter les conditions et réserves prévues par une loi organique.

Pour autant, l’article 73 de la Constitution renvoyant à une loi organique le soin de déterminer les conditions et réserves selon lesquelles les habilitations, demandées par les DOM-ROM, pouvaient leur être accordées par la loi (88), cette innovation constitutionnelle ne trouva pas à s’appliquer avant le vote de la loi organique du 21 février 2007.

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a étendu ce pouvoir d’habilitation pour permettre aux assemblées délibérantes des DOM-ROM d’être également habilitées par le pouvoir réglementaire à modifier des dispositions de nature réglementaire.

Cette nouvelle modification de l’article 73 de la Constitution a été introduite au Sénat (89), s’inspirant de ce qui est prévu à l’article 72 de la Constitution pour l’expérimentation ouverte aux collectivités de droit commun.

La procédure suivie est similaire à celle de l’habilitation législative et, de la même manière que l’habilitation législative pourra faire l’objet d’un contrôle par le Conseil constitutionnel, l’habilitation réglementaire pourra être contrôlée par le juge administratif. En outre, le juge administratif sera toujours le juge des dispositions adoptées sur le fondement d’une habilitation, qu’elle soit législative ou réglementaire, par l’assemblée délibérante d’un département ou d’une région d’outre-mer.

2. L’habilitation permanente du Gouvernement à adapter, par voie d’ordonnances, pour les COM et la Nouvelle-Calédonie, des dispositions législatives en vigueur en métropole

L’article 74-1 de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003, a instauré une habilitation constitutionnelle permanente, au bénéfice du Gouvernement, pour étendre par voie d’ordonnances et avec les adaptations nécessaires, dans les matières qui demeurent de la compétence de l’État, les dispositions législatives en vigueur en métropole, aux collectivités d’outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, après avoir recueilli l’avis des assemblées délibérantes des collectivités concernées.

L’objectif recherché est d’accélérer l’actualisation du droit applicable dans ces collectivités par rapport à celui applicable en métropole, en évitant l’étape de l’habilitation législative spécifique.

Les ordonnances prises sur le fondement de l’article 74-1 doivent être ratifiées dans un délai de dix-huit mois, qui a jusqu’à présent toujours été respecté. L’encadré ci-après dresse la liste des ordonnances prises sur le fondement de cet article :


ORDONNANCES PRISES SUR LE FONDEMENT
DE L’ARTICLE 74-1 DE LA CONSTITUTION

—  Ordonnance n° 2005-704 du 24 juin 2005 portant adaptation des règles relatives aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie (ratifiée par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration) ;

—  Ordonnance n° 2005-1263 du 7 septembre 2005 relative à l’extension à Mayotte, aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie de la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales (ratifiée par la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer) ;

—  Ordonnance n° 2006-60 du 19 janvier 2006 portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna (ratifiée par la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social) ;

—  Ordonnance n° 2006-482 du 26 avril 2006 portant adaptation en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie de l’article 1609 quatervicies du code général des impôts (ratifiée par la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 précitée) ;

—  Ordonnance n° 2006-639 du 1er juin 2006 portant extension et adaptation outre-mer de dispositions réformant le statut des avocats, des notaires, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des administrateurs judiciaires (ratifiée par la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 précitée) ;

—  Ordonnance n° 2006-1588 du 13 décembre 2006 relative au régime de prévention, de réparation et de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles à Mayotte (ratifiée par la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 précitée) ;

—  Ordonnance n° 2007-235 du 22 février 2007 étendant et adaptant à Saint-Pierre-et-Miquelon le régime des prestations familiales et le dispositif de retraite anticipée des assurés ayant commencé à travailler jeunes et ayant eu une longue carrière (ratifiée par la loi n° 2008-490 du 26 mai 2008 ratifiant l’ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d’instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna) ;

—  Ordonnance n° 2007-392 du 22 mars 2007 portant extension et adaptation en Polynésie française de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et extension et adaptation de l’aide juridictionnelle en matière pénale à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie (ratifiée par la loi n° 2008-490 du 26 mai 2008 précitée) ;

—  Ordonnance n° 2007-1134 du 25 juillet 2007 portant extension et adaptation à la Nouvelle-Calédonie de diverses dispositions relatives aux communes et aux sociétés d’économie mixte locales ;

—  Ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 portant extension des première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics (modifiée mais non ratifiée par la loi n° 2007-1720 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française) ;

—  Ordonnance n° 2008-527 du 5 juin 2008 relative à la mise en œuvre en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction du 3 mars 1973.

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié l’article 74-1 de la Constitution pour permettre au Gouvernement de bénéficier d’une habilitation permanente à prendre des ordonnances pour adapter dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie les dispositions législatives en vigueur en métropole, dans les matières qui demeurent de la compétence de l’État, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu le recours à cette procédure.

Il sera ainsi désormais possible pour les ordonnances prises sur le fondement de l’article 74-1 non plus seulement d’étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, mais également d’adapter les dispositions de nature législative en vigueur dans la collectivité concernée.

Cette modification doit permettre de simplifier le droit applicable à l’outre-mer, qui se caractérise encore trop souvent par un retard dans l’application des textes récents et par la survivance de dispositifs anciens.

C. L’ÉVOLUTION DE RÈGLES ÉLECTORALES APPLICABLES AUX DOM ET COM

Alors même que la loi organique n°2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer avait rénové le droit électoral applicable à la plupart des COM, dont la Polynésie française, l’instabilité politique régnant dans l’archipel a conduit le législateur à modifier à nouveau le régime électoral de cette COM en décembre 2007.

Par ailleurs, à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Gouvernement a présenté, en application de l’article 25 de la Constitution, un projet de loi organique et un projet de loi, dont un des objets est de prévoir une nouvelle distribution des sièges de députés entre les départements, les collectivités d’outre-mer et les futures circonscriptions d’élection des Français de l’étranger.

1. Le régime électoral de la Polynésie française a de nouveau été réformé en décembre 2007

Dans le but de favoriser le rétablissement de la stabilité politique dans cette COM, la loi organique n°2007-223 du 21 février 2007 avait réformé le mode de scrutin applicable aux élections de l’assemblée de la Polynésie française, rétablissant, dans chaque circonscription, un scrutin de liste à un seul tour, avec une répartition des sièges à la représentation proportionnelle, sans prime majoritaire, entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés (contre 3 % auparavant) (90).

Compte tenu des évolutions ultérieures de la situation politique en Polynésie française, il a été décidé de modifier à nouveau ce régime. En effet, les divisions apparues au sein de la mouvance autonomiste ont conduit au vote d’une nouvelle motion de censure le 31 août 2007, puis à l’élection à la Présidence de la Polynésie française de l’indépendantiste Oscar Temaru le 13 septembre 2007. Pour répondre à l’instabilité et conformément à ses engagements, le Gouvernement a présenté un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire visant à stabiliser les institutions de la Polynésie française et à y renforcer la transparence de la vie politique.

La loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française a modifié le mode de scrutin pour l’élection des représentants de l’Assemblée de la Polynésie française : il s’agit désormais d’un scrutin de liste à la représentation proportionnelle à deux tours. Par ailleurs, afin de favoriser la constitution de majorités politiques claires et durables au sein de l’assemblée délibérante de la COM, la responsabilité du Gouvernement polynésien pourra être mise en jeu devant l’assemblée de la Polynésie française dans des conditions moins déstabilisantes, grâce à la mise en œuvre de motions de défiance constructives.

Malgré ce nouveau texte, votre rapporteur regrette que la situation politique de la Polynésie puisse demeurer instable. Ainsi, au terme du second tour du scrutin qui s’est tenu en février 2008 (91), M. Gaston Tong Sang remportait une majorité relative proche de la majorité absolue (45,69 % des voix) et pourtant, à la suite d’un accord passé entre M. Gaston Flosse (dont la liste Tahoeraa Huiraatira avait obtenu 17,12 % des suffrages) avec M. Oscar Temaru (dont la liste a obtenu 37,16 % des voix), c’est le chef de file du Tahoerra qui a été élu président de Polynésie française par 29 voix contre 27 (92).

Le 15 avril 2008, le Gouvernement de M. Gaston Flosse a cependant été renversé grâce à une alliance entre le To Tatou Ai’a de M. Gaston Tong Sang et deux élus de la liste Union pour la Démocratie (UPLD) de M. Oscar Temaru, qui avaient été écartés des candidatures aux élections municipales par M. Gaston Flosse. M. Gaston Tong Sang est depuis lors Président de Polynésie française.

2. Les implications outre-mer des dispositions du projet de loi organique et le projet de loi ordinaire portant application de l’article 25 de la Constitution

L’article 25, alinéa premier, de la Constitution renvoie à une loi organique le soin de fixer le nombre des membres siégeant dans chaque assemblée parlementaire. Depuis la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, ce nombre est, pour ce qui concerne l’Assemblée nationale, au maximum égal à cinq cent soixante-dix-sept.

Pour l’application de cet article, le Gouvernement a déposé le 17 septembre dernier un projet de loi organique (n° 1110) portant application de l’article 25 de la Constitution, et un projet de loi (n°1111) relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés dont un des objets est de prévoir une nouvelle distribution des sièges de députés entre les départements, de métropole comme d’outre-mer, les collectivités d’outre-mer et les futures circonscriptions d’élection des Français de l’étranger. De fait, la représentation spécifique des Français de l’étranger, introduite à l’article 24 de la Constitution, combinée avec la fixation d’un nombre total maximal de 577 députés, qui est le nombre actuel de députés, impose une nouvelle distribution des sièges.

Les chiffres officiels du dernier recensement de la population des départements de métropole et d’outre-mer n’étant pas disponibles avant début de l’année 2009 (93), l’article 2 du projet de loi ordinaire (n° 1111) autorise le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnances, sous un délai d’un an, d’une part à la nouvelle délimitation des circonscriptions électorales et d’autre part à la répartition du nombre de députés à élire :

—  au titre de la représentation des Français établis hors de France ;

—  dans les départements de métropole et d’outre-mer ;

—  en Nouvelle-Calédonie et dans les collectivités d’outre-mer.

S’agissant des députés élus dans les DOM, il est prévu que les chiffres soient arrêtés au vu de l’évolution démographique de chacun, le Gouvernement prévoyant de retenir la méthode classique de répartition par tranche de population, étant précisé que sera respectée la règle traditionnelle du minimum de deux députés par département.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie et des COM, le projet de loi précise que sera respectée la règle du minimum d’un député par collectivité, retenue sous la Cinquième République pour toutes les collectivités, quelle que soit leur population.

Lors de son audition par notre commission des Lois le 1er octobre dernier, M. Alain Marleix, Secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales a déclaré, s’agissant de la délimitation des circonscriptions, que « la nouvelle répartition des sièges de députés entre les départements et les collectivités d’outre-mer (…) ne sera pas bouleversée puisque nous proposons de reprendre les critères traditionnels de notre République. C’est en particulier le cas de la règle assurant à tout département un minimum de deux députés, parce qu’elle autorise une représentation diversifiée à chaque territoire départemental et qu’elle est la plus adaptée au scrutin uninominal. »

Lors de l’examen des deux projets par votre commission des Lois le
7 octobre dernier, le rapporteur Charles de la Verpillière a invité la commission à maintenir le caractère organique des dispositions relatives au nombre de députés élus dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie et à supprimer du champ de l’habilitation la mise à jour du nombre de députés élus dans ces collectivités. Il a rappelé qu’en ce qui concerne les sénateurs, les dispositions relatives au nombre de sénateurs élus dans chacune des collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie 
(94) sont organiques et que, s’agissant des députés, les dispositions relatives au nombre de députés élus dans les COM et en Nouvelle-Calédonie sont, depuis le début de la Ve République, des dispositions de nature organique.

La Commission a donc proposé par amendement de maintenir les dispositions actuelles de notre droit, que le projet de loi organique tend à abroger :

—  l’article L.O. 393-1 du code électoral, en vertu duquel deux députés sont élus en Nouvelle-Calédonie, deux députés sont élus en Polynésie française et un député est élu dans les îles Wallis et Futuna ;

—  les articles L.O. 455 et L.O. 533 du code électoral prévoient respectivement l’élection d’un député à Mayotte et d’un député à Saint-Pierre-et-Miquelon ;

—  les articles L.O. 479 et L.O. 506, qui ne doivent entrer en vigueur qu’à compter du prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale, prévoient également l’élection d’un député à Saint-Barthélemy et d’un autre à Saint-Martin.

En revanche, notre commission des Lois a adopté un amendement du rapporteur tendant à ce qu’un seul et même député soit élu à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Rappelons que la loi organique n°2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, qui a, notamment, institué les deux nouvelles COM de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, a prévu qu’un député et un sénateur seront élus dans chacune de ces deux nouvelles COM (respectivement lors du renouvellement général de l’Assemblée nationale suivant le renouvellement général de 2007 et en septembre 2008).

À une question posée sur les intentions du Gouvernement quant à l’application de la règle d’au minimum un député par collectivité d’outre-mer dans les nouvelles collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, où il n’y a pas encore de député élu, qui sont très proches et qui comptent un nombre restreint d’habitants, M. le Secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales a indiqué : « C’est à l’initiative du Parlement que des circonscriptions ont été créées afin que les collectivités territoriales de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin disposent de sièges de députés et de sénateurs. Les sièges de sénateurs viennent d’être pourvus, ce qui est normal puisque la règle veut qu’une collectivité territoriale soit représentée par un sénateur (95). En revanche, pour l’Assemblée nationale, le critère exclusif est celui de la population. Ces circonscriptions ayant été créées mais les sièges n’ayant pas été encore pourvus en l’absence d’élections générales, le Gouvernement sera ouvert à la discussion sur l’avenir de ce dispositif lors de l’examen des textes à l’Assemblée. »

Si la règle du minimum d’un député par COM n’a jusqu’à présent jamais été formulée explicitement par le législateur, on doit en revanche considérer qu’elle a été implicitement reconnue, car toujours respectée par lui : l’ordonnance n° 59-227 du 4 février 1959 (96) avait ainsi attribué deux sièges aux Comores, un siège à la Côte française des Somalis, ainsi qu’à la Nouvelle-Calédonie et dépendances, à la Polynésie française et à Saint-Pierre-et-Miquelon. À l’occasion de l’érection des îles Wallis et Futuna en territoire d’outre-mer (97), une loi organique (98) avait porté de six à sept le nombre de députés à l’Assemblée nationale appelés à être élus dans les territoires d’outre-mer. Le Conseil constitutionnel, saisi de cette loi organique, avait considéré qu’« il y avait lieu d’organiser la représentation au Parlement (des îles Wallis et Futuna) à la suite de leur récente accession au statut de territoire d’outre-mer » (99).

Votre rapporteur souhaite que soit maintenue la volonté du législateur de 2007 tendant à ce qu’un député soit élu à Saint-Martin et un député à Saint-Barthélemy, à l’image de l’élection des sénateurs.

Votre rapporteur se fait aussi l’écho de l’attente des élus et de la population de Saint-Barthélemy, qui craignent aujourd’hui de ne jamais élire de député et d’être ainsi mis « sous la tutelle » de Saint-Martin, compte tenu de son poids démographique – plus de 30 000 habitants contre 8 000 à Saint-Barthélemy. Or, en dépit de leurs statuts et de leur proximité, les deux îles ont des projets distincts et même opposés à bien des égards. Une représentation commune ne garantirait donc aucunement à Saint-Barthélemy la réalité de son expression à l’Assemblée nationale. La population de Saint-Barthélemy est d’ailleurs équivalente à celle de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna, territoires qui élisent chacun un député.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 21 octobre 2008, la Commission a procédé à l’audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales, sur les crédits des missions « Sécurité », « Sécurité civile », « Administration générale et territoriale de l’État » et « Outre-mer » pour l’année 2009.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Madame le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, au nom de l’ensemble de mes collègues, je vous souhaite la bienvenue à la commission des Lois.

Nous allons examiner quatre missions budgétaires dont vous assumez la charge : Sécurité, Sécurité civile, Administration générale et territoriale de l’État, Outre-mer, étant rappelé que la mission Relations avec les collectivités territoriales fera l’objet d’une commission élargie, le 4 novembre.

Selon les documents de présentation des missions budgétaires, il s’agit : pour la Sécurité, de poursuivre l’amélioration de la sécurité de nos compatriotes, notamment en renforçant la mutualisation des forces de sécurité et en développant leurs moyens technologiques ; pour la Sécurité civile, de protéger les populations et d’assurer la mise en œuvre des moyens nécessaires à la gestion des crises ; pour l’Administration générale et territoriale de l’État, d’assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République et la mise en œuvre des politiques publiques au niveau local ; pour l’Outre-mer, de substituer une logique de développement endogène à un système reposant essentiellement sur le soutien de la demande.

Il appartiendra à nos quatre rapporteurs pour avis, Guy Geoffroy, Thierry Mariani, Jérôme Lambert et Didier Quentin, de vous poser les questions que ces missions appellent.

(…)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. C’est toujours avec grand plaisir que je me présente devant votre commission, avec laquelle j’ai déjà abordé de nombreux thèmes que nous retrouvons dans ce projet de budget.

Celui-ci intervient dans un contexte caractérisé par trois défis : un nouveau périmètre ministériel, une situation financière exigeante et des menaces réelles sur la sécurité.

Le nouveau périmètre de mon ministère résulte tout d’abord de l’intégration pleine et entière au 1er janvier 2009 de la gendarmerie nationale, qui était déjà placée pour emploi sous la responsabilité du ministre de l’intérieur pour toutes les opérations intérieures. Le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie fixe les modalités de cette intégration et garantit le statut militaire de la gendarmerie. Il va être examiné au Sénat en première lecture et j’espère qu’il pourra être soumis à l’Assemblée nationale avant la fin de l’année, mais ce n’est pas certain.

L’autre changement de périmètre concerne l’outre-mer, dont le rattachement au ministère date de la constitution de ce gouvernement. Une délégation générale à l’outre-mer vient d’être créée pour remplacer les deux directions antérieures, ce qui s’est traduit par une diminution des effectifs mais aussi par une amélioration de la qualification des personnels employés dans cette administration de mission.

Je ne m’étendrai pas sur le contexte financier. Chacun connaît la situation actuelle et l’engagement du Premier ministre de réduire les déficits, en vue d’en venir à bout à l’horizon 2012. Le ministère de l’intérieur ne saurait rester extérieur à cette ambitieuse démarche d’intérêt national. Encore faut-il que ses missions fondamentales ne soient pas remises en cause.

(…)

Pour mieux protéger les Français, ma première ambition est d’adapter mes services aux évolutions de la délinquance.

Il convient en particulier de moderniser les moyens mis à la disposition des policiers et des gendarmes, en développant la police technique et scientifique et en étendant la vidéoprotection : 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et 40 millions en crédits de paiement y seront consacrés.

Il faut aussi mieux protéger les policiers et les gendarmes en tirant les leçons d’événements récents. Ainsi, 11 millions seront affectés à la police et 14 millions d’euros à la gendarmerie pour équiper les forces de l’ordre en lunettes de protection, en gilets tactiques et en nouvelles tenues de maintien de l’ordre.

Mieux protéger les Français, c’est aussi les protéger face aux catastrophes naturelles ou industrielles. En ce qui concerne la sécurité civile, le système d’alerte sera rénové. D’autre part, pour tenir compte de la montée du risque NRBC – nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique –, onze chaînes de décontamination mobiles seront acquises.

Ma deuxième ambition est de rapprocher l’État du citoyen.

À cet égard, la première des actions consiste à clarifier le fonctionnement de l’État. C’est l’objet de la réforme de l’administration territoriale, qui conduira à un nouvel État territorial. Demain, les préfectures et les sous-préfectures garantiront la proximité de l’autorité de l’État. Il n’est pas question de fermer des sous-préfectures situées dans des zones fragiles. Seules pourraient être fermées des sous-préfectures situées dans de grosses agglomérations, à proximité immédiate de la préfecture et bien desservies par les moyens de transport.

En ce qui concerne le rapprochement des services, de nouveaux modes de délivrance des titres seront adoptés, notamment pour le système d’immatriculation à vie des véhicules. Les passeports puis les cartes d’identité pourront être reçus à domicile.

Ma troisième ambition, c’est la valorisation de nos territoires et de nos personnels.

Outre-mer, nous cherchons à mieux utiliser les spécificités et les atouts des territoires, notamment dans les domaines des énergies nouvelles, du développement durable, de l’agriculture. La mise en place des zones franches globales d’activités et les mesures relatives à l’aide au fret tirent les leçons de dispositifs antérieurs, qui ont insuffisamment répondu aux enjeux. Le recentrage du dispositif d’exonération des charges sociales sur les bas salaires et l’encadrement intermédiaire constitue une autre réponse ; cette réforme générera une économie annuelle évaluée à 138 millions. De plus, un fonds exceptionnel d’investissement, destiné à accompagner la construction d’équipements collectifs structurants dans les collectivités et les territoires d’outre-mer, sera doté de 40 millions en AE et de 16 millions en CP.

Le soutien aux collectivités territoriales ultramarines est un autre élément important : l’État continuera de soutenir le développement économique des territoires, à travers notamment leur capacité d’investissement, ce qui leur permettra de mieux assumer les compétences particulières qui leur ont été transférées. Ce soutien est même renforcé pour les aides à la reconversion de l’économie polynésienne, dont les crédits progressent de plus de 7 %.

Priorité est clairement donnée au logement en outre-mer. Le projet de loi de finances marque un effort significatif de consolidation des crédits consacrés aux logements sociaux, avec des AE en progression de 9,32 % et la création d’un outil inédit de défiscalisation.

S’agissant des personnels, il faut donner aux hommes et aux femmes qui sont motivés pour s’engager dans des métiers exigeants la possibilité d’aller au bout de leur vocation. C’est pourquoi je veux recentrer les policiers et les gendarmes sur leur cœur de métier. Je veux substituer à des activités répétitives des missions plus valorisantes. Je veux encourager la formation permanente des agents. Je veux mieux détecter les hauts potentiels pour offrir des carrières épanouissantes.

Les moyens concrets pour relever l’ensemble de ces défis sont financiers, humains et opérationnels.

Moyens financiers : sur la totalité des missions relevant de ma responsabilité, les crédits progressent de 2 %, mais avec des variations. Ceux de la mission Outre-mer progresseront davantage afin de rattraper des retards et de répondre au besoin en logements sociaux. (…)

Moyens humains et opérationnels, ensuite : dans ce ministère, le rôle des hommes et des femmes est essentiel. La révision générale des politiques publiques – RGPP – prévoit le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Ayant fait valoir que ce ratio ne pouvait être appliqué mécaniquement dans ce ministère régalien, j’ai obtenu sa limitation à 41 % et même à 36 % dans le domaine de la sécurité. Les rémunérations bénéficieront des économies réalisées.

L’enveloppe catégorielle nous permettra de respecter les engagements pris et d’en prendre de nouveaux. Pour la police, nous continuerons de mettre en œuvre le protocole « Corps et carrières ». L’encadrement intermédiaire sera renforcé, avec la création de 2 300 postes de brigadier, 460 postes de brigadier major et 175 postes de responsable d’unité locale de police. Pour la gendarmerie, les engagements du Plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées – PAGRE – seront respectés. Pour l’administration territoriale et centrale, le ministère disposera d’une enveloppe de mesures salariales représentant 13,8 millions d’euros et le plan de requalification sera poursuivi, avec 1 100 promotions supplémentaires.

Dans le contexte budgétaire actuel, il me revient de suivre une démarche de valorisation systématique des moyens opérationnels mis à notre disposition.

Tout d’abord, les policiers et les gendarmes seront recentrés sur leur cœur de métier. Ils seront extraits d’une série de missions comme les gardes statiques et les transfèrements de prisonniers. J’ai donné des instructions en ce sens et je demande que ces évolutions soient effectivement mises en œuvre au niveau local, où des pesanteurs et des réticences peuvent s’exprimer. De même, je veux que les missions administratives et techniques soient remplies par du personnel administratif et technique et non par du personnel en uniforme, qui ne s’est pas engagé pour gérer de l’immobilier ou pour servir d’hôtesse d’accueil. Au total, quelque 1 200 gendarmes et policiers seront ainsi remplacés en 2009.

Par ailleurs, le rapprochement entre la police et la gendarmerie favorisera les mutualisations dans de nombreux domaines : formation des plongeurs et des équipes cynophiles, perfectionnement au maintien de l’ordre ; fonctions de soutien comme les réparations automobiles ou les achats ; mise à disposition des hélicoptères de la gendarmerie et de la sécurité civile au profit de la police. Tous ces rapprochements nous permettront de renforcer l’efficacité tout en diminuant assez sensiblement les coûts.

(…)

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis pour la mission Outre-mer. J’ai trois motifs de satisfaction : la récente livraison du nouveau centre de détention de Domenjod, à Saint-Denis de la Réunion ; la montée en puissance des GIR de Guadeloupe et de la Réunion, devenus permanents cette année, comme l’était celui de la Guyane ; la reprise en main vigoureuse par le Gouvernement de la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane.

Je souhaiterais vous poser trois questions et faire une observation.

Quelles sont les conséquences de la réforme de la carte militaire outre-mer en matière de sécurité intérieure et de sécurité civile ? Dans certaines collectivités, les militaires accomplissent des missions de sécurité – maintien de l’ordre, évacuations sanitaires, etc. Le départ, à l’horizon 2011, de six unités – une en Guadeloupe, deux en Martinique, une à la Réunion et deux en Polynésie – constituera un bouleversement de très grande ampleur dans ces collectivités, désorganisant la sécurité civile et rendant plus aisés tous les trafics, notamment de stupéfiants. Comment votre ministère accompagnera-t-il ces départs et compensera-t-il leurs éventuelles conséquences néfastes en matière de sécurité ?

Pourriez-vous nous donner quelques précisions au sujet du calendrier prévisionnel du processus de départementalisation de Mayotte ? À l’occasion d’un déplacement effectué le 27 septembre dernier sur l’île, M. Yves Jégo avait indiqué que le référendum pourrait avoir lieu dès mars prochain. Pourriez-vous nous en dire plus et, au-delà, nous exposer les dispositions qui seront prises pour permettre sa transformation effective de communauté d’outre-mer en département d’outre-mer ? À quel horizon prévoit-on l’achèvement, toujours repoussé, de l’établissement d’un état civil fiable ?

La lutte contre l’immigration illégale à Mayotte avait fait l’objet, en 2006, d’une mission de notre commission, dont j’avais été le rapporteur. Je me félicite de l’installation, au début de cette année, conformément aux engagements pris par le Gouvernement, d’un troisième radar pour couvrir la partie est de l’île. Est-il envisagé de mettre parallèlement en place des radars mobiles, qui présenteraient l’intérêt fondamental de surprendre les manœuvres de contournement des passeurs venus de l’île voisine d’Anjouan à bord des tristement fameux « kwasas-kwasas », informés de la localisation des radars fixes ?

Enfin, je dois me faire l’écho de l’attente des élus et de la population de Saint-Barthélemy, qui craignent de ne jamais avoir de député. Notre commission a voté un amendement tendant à l’élection d’un député unique pour les îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, ce qui risquerait d’aboutir, disent-ils, à une sorte de « mise sous tutelle », le poids démographique étant nettement en faveur de Saint-Martin – plus de 30 000 habitants contre 8 000. En dépit de leurs statuts et de leur proximité, les deux îles ont des projets distincts et même opposés à bien des égards. Une représentation commune ne garantirait donc aucunement à Saint-Barthélemy la réalité de son expression à l’Assemblée nationale. Je rappelle que la population de l’île équivaut à celles de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, territoires qui élisent chacun un député. Quelle est la position du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’intérieur. (…) Monsieur Quentin, la réforme de la carte militaire se traduit effectivement par un désengagement outre-mer, en particulier de l’infanterie de marine et des moyens aéroportés. Il n’est toutefois pas question de laisser nos compatriotes d’outre-mer dépourvus de moyens de sécurité et de sécurité civile. Avec le ministre de la défense, nous avons examiné les moyens de remplacer les forces militaires dont le départ est prévu en 2012 par des forces de gendarmerie nationale et de sécurité civile. J’ai également pour projet d’acheter des hélicoptères EC145. En cas de catastrophe majeure, les armées, qui disposent de bases à proximité, viendraient évidemment en complément, comme elles l’ont toujours fait.

Le référendum mahorais doit intervenir dans un délai d’un an après la consultation de l’assemblée territoriale. Il est prévu pour mars. Le processus est assorti d’obligations réciproques : ainsi, en accompagnement de la départementalisation, les Mahorais seront soumis à la fiscalité de droit commun. L’attribution des prestations sociales, notamment du RMI – nous irons sans doute plus vite pour les allocations en faveur des personnes âgées ou handicapées – n’interviendra pas à court terme. En effet il est nécessaire que l’identité des demandeurs soit connue avec certitude. Or l’état civil n’est valablement établi que pour environ la moitié de la population. Nous allons essayer d’accélérer le travail de la commission de révision de l’état civil, notamment dans la perspective du référendum.

Le troisième radar garantit une couverture totale de l’accès à Mayotte. L’acquisition de radars mobiles serait coûteuse et ne servirait pas à grand-chose, les radars fixes tombant rarement en panne. Plusieurs « kwasas-kwasas » sont d’ailleurs arraisonnés chaque semaine.

Les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, où je me suis rendue il y a peu, n’ont certes ni les mêmes préoccupations, ni la même situation, ni la même approche des problèmes, y compris en ce qui concerne leur rapport à l’Europe. La loi organique du 21 février 2007 a créé un siège de député pour chacune de ces collectivités. J’écoute toujours votre commission avec respect et attention mais je suis très attachée à ce que l’État tienne ses engagements et je note que le traitement de Saint-Pierre-et-Miquelon ne donne pas lieu à contestation.

M. le président Jean-Luc Warsmann. La situation de Saint-Pierre-et-Miquelon est tout de même différente…

Mme la ministre de l’intérieur. J’ai donné mon point de vue, mais la commission est naturellement libre de ses choix !

(…)

M. Jean-Christophe Lagarde. La départementalisation effective de Mayotte ne sera possible que lorsque la validité de l’état civil aura progressé. Songez que nous ne sommes qu’à 50 % alors que nous en étions à 45 % il y a trois ans. Il est impossible de distribuer des droits sociaux, même les plus élémentaires, lorsque la moitié de la population n’est pas identifiée. (…)

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, je vous avais adressé un courrier à propos des bureaux d’études, spécificité des préfectures d’outre-mer. J’ai fait l’objet de l’attention étroite de ce service de la préfecture de la Guadeloupe, avec une belle plainte et la mise en examen d’un colonel, très opportunément déplacé. Des fiches avaient été rédigées sur ma mère, mes frères, mes sœurs et moi-même. Que deviennent-elles ? Puis-je les consulter ?

Je vous remercie pour les engagements que vous avez pris, notamment à propos de la carte militaire et des moyens aéroportés, au sujet desquels nous étions inquiets. M. Jégo a annoncé 20 millions de compensation pour tous les outre-mers. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet ?

Le concept nouveau de « développement endogène », qui figure dans le projet de loi de développement économique de l’outre-mer, dite LODEOM, est complètement illusoire. Le Premier ministre, M. François Fillon, est venu nous conseiller d’être « plus autonomes », bref, de nous débrouiller, de compter sur nos propres forces, comme l’on disait dans les années soixante. Je ne crois pas que des générations de ministres et d’élus d’outre-mer se soient trompées ; le concept de rattrapage n’est pas infamant. Nous créons davantage d’entreprises et d’emplois que la métropole mais la démographie nous empêche d’absorber le surplus de main-d’œuvre. Nous agissons donc déjà du côté de l’offre, et pas uniquement sur la demande.

En Guadeloupe, il faut 300 millions pour traiter les ordures ménagères ; l’État n’apporte que 8 millions. Pour l’assainissement, 300 millions sont aussi nécessaires ; l’État apporte zéro.

Pour le plan « Séisme », M. Dominique de Villepin avait annoncé 370 millions ; dans votre budget, il n’y en a que 2,4. Rien que pour reconstruire une cité scolaire et deux lycées aux normes Eurocode 8, on me demande 90 millions ; puisque la Guadeloupe est la région la plus endettée de France, de Navarre et d’outre-mer, j’ai demandé à l’État 20 millions afin de réaliser un PPP, un partenariat public-privé. Deux tremblements de terre majeurs ont récemment touché les Antilles françaises : en 2004, en Guadeloupe, la commune de Terre-de-Bas a été détruite ; la Martinique aurait pu l’être tout entière en 2007 si l’épicentre du séisme, d’une magnitude de 7,3, n’avait pas été aussi profond.

À notre demande, vous avez bien voulu créer le fonds exceptionnel d’investissement, doté de 16 millions en CP et de 40 millions en AE. Un très gros effort est nécessaire. Ce fonds doit être alimenté, par exemple, par la suppression de l’indemnité temporaire de retraite – ITR –, dont les abus approchent les 90 millions.

Vous consacrez 28 millions au développement des entreprises de fret, somme financée par une partie des recettes que vous allez tirer de la TVA NPR, c’est-à-dire la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable. Rien que pour la Guadeloupe, la TVA NPR représente 30 millions, auxquels il faut ajouter la même somme pour la Martinique et le double pour la Réunion. L’État fait donc quelques économies au passage alors que cette aide nous est nécessaire.

Oui au développement endogène mais oui aussi à la solidarité nationale ! Ce budget affiche une progression de 9,2 % en valeur comptable, je vous en donne acte. Cela dit, au regard du programme pluriannuel, sur un horizon de trois ans, il marque une décroissance relativement forte.

Le budget des outre-mers atteint 1,879 milliard d’euros mais le budget d’intervention ne sera que de 900 millions environ. Quel est le montant de la dette aux opérateurs sociaux ? Les chiffres d’Yves Jégo et de Jérôme Cahuzac diffèrent.

Une autre avancée conceptuelle intéressante est la distinction entre dette virtuelle et dette réelle. Je n’ai pourtant pas lu cela dans la LOLF. Faut-il intégrer cette notion dans nos classifications mentales ? J’aimerais comprendre.

Les crédits voués aux contrats aidés sont ramenés de 141 millions à 88 millions, fondus dans la mission Travail et emploi. Quelle quote-part sera réservée aux outre-mers pour y soutenir l’emploi ?

Je suis favorable à la départementalisation de Mayotte mais elle doit être assortie de précautions, concernant l’état civil et l’extension de certaines allocations. Enfin, il est nécessaire de tenir le calendrier et d’organiser le référendum en mars 2009.

La maîtrise des flux d’immigration a été couronnée de résultats incontestables en Guadeloupe et en Martinique – peut-être un petit peu moins en Guyane. Le problème se pose à Mayotte, en Guadeloupe et en Guyane. La Guadeloupe, qui est un archipel, a besoin de radars pour détecter les immigrants d’Haïti déposés par avion en Dominique et traversant le canal par bateau. Il m’avait été répondu que l’installation de radars est impossible mais nous croyons le contraire.

Que devient la prison de Basse-Terre, « pire honte de la République », comme l’a dit naguère notre ancien collègue Louis Mermaz ? J’ai mis un terrain à la disposition de l’État mais nous n’avons aucune information sur ce grand chantier.

La disposition relative au nombre de députés représentant Saint-Barthélemy et Saint-Martin avait été adoptée à l’unanimité. Si le principe qui a présidé à la nouvelle position était appliqué partout, il faudrait supprimer les députés de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Wallis-et-Futuna, voire de certains départements hexagonaux. Ne créez pas l’irréparable par calcul électoral. Vous allez provoquer une inimitié qu’il sera difficile de combattre. J’aimerais rester député de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy mais une loi a été votée ; elle n’est pas en faveur de mes amis politiques mais la population attend que l’engagement pris soit tenu.

(…)

Mme la ministre de l’intérieur. (…) Monsieur Lagarde, j’ai déjà expliqué pourquoi nous devons organiser le référendum rapidement mais il est hors de question d’étendre aux Mahorais le bénéfice des prestations sociales sans avoir au préalable des certitudes sur leur identité.

(…)

Monsieur Lurel, j’ai supprimé les bureaux d’études. Quant au fichier des personnalités, il est gelé et sera transformé ; avec la commission d’examen, nous examinons actuellement si les fiches seront purement et simplement détruites ou archivées. Vous avez peut-être quelques semaines pour aller consulter la vôtre mais je crains que vous ne soyez déçu car il paraît qu’elles contiennent peu d’informations, et qu’il vaut mieux passer par Google pour se renseigner sur quelqu’un. Je n’ai pas eu la curiosité d’aller voir la mienne !

Je n’ai pas employé l’expression « développement endogène » dans mon propos introductif. J’affirme seulement qu’il convient de développer les atouts naturels et culturels spécifiques à chacun des territoires d’outre-mer. Les DOM-COM bénéficient de concours financiers de l’État à hauteur de 200 millions ; si tous ceux que l’État laisse se débrouiller seuls recevaient autant, ils ne seraient pas mécontents.

Les exonérations de charges sociales s’élèvent à 1,1 milliard d’euros. Il ne s’agit pas de dettes envers la sécurité sociale. Le débat entre M. Jégo et M. Cahuzac provient du fait que celui-ci avait calculé le montant de la dette en soustrayant AE et CP, ce qui n’a rigoureusement aucun sens comptable.

Le dossier de la prison de Basse-Terre est de la compétence de Mme Dati, qui s’exprimera devant votre commission.

Dans certaines zones, les radars ne captent pas ou sont brouillés. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ils n’ont pas été déployés en Guadeloupe, mais je n’en ai pas la certitude.

Monsieur Nicolin, nous avons l’obligation de conduire un audit environnemental interministériel en 2009 en vue d’appliquer la loi Borloo. Cet audit portera sur l’ensemble de nos immeubles, commissariats et gendarmeries, y compris celles que nous louons à des collectivités territoriales.

*

* *

Après le départ de la ministre, la Commission examine les crédits de la mission « Outre-mer ».

Elle est tout d’abord saisie d’un amendement de M. Victorin Lurel tendant à supprimer l’article 65 du projet de loi de finances relatif à la réforme des exonérations des cotisations patronales en faveur de l’outre-mer.

M. Victorien Lurel. Avec l’article 65, on nous applique par anticipation tous les mauvais coups de la réforme des exonérations de cotisations alors que nous n’en touchons pas encore les bénéfices. Nous pourrons discuter du problème dans son ensemble lorsque la LODEOM sera soumise à la représentation nationale. C’est pourquoi je propose de supprimer cet article.

M. le rapporteur pour avis pour la mission Outre-mer. Je comprends les réticences de notre collègue mais j’invite la commission à rejeter son amendement car il incombe plutôt au Gouvernement d’améliorer la rédaction de l’article, qui contient des imperfections rédactionnelles et des erreurs de références. Ainsi le vote du projet de loi présente un risque : si celui-ci n’était pas adopté avant le 1er avril 2009, une grande partie des dispositions de l’article 65 du projet de loi de finances deviendraient caduques.

Après avoir rejeté l’amendement de M. Victorin Lurel, la Commission, sur proposition de votre rapporteur pour avis, donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2009.

© Assemblée nationale

1 () Projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juillet 2008, n° 496 (2007-2008).

2 () Rappelons qu’au total, les pensions et la charge de la dette absorbent désormais 70 % des marges de
man
œuvre budgétaires de l’État.

3 () Alors qu’elle comptait trois programmes distincts dans la loi de finances pour 2007.

4 () En Guyane, l’octroi de mer étant plus élevé, la TVA n’est provisoirement pas applicable.

5 () Ce système permet aux entreprises locales de déduire la TVA qui aurait dû frapper le bien lors de son importation comme si elle avait été effectivement acquittée, alors même que cette TVA fait l’objet d’une exonération. Le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer prévoit d’en réserver le bénéfice aux seuls biens d’investissements.

6 () Abattement de 40 % en Guyane, dans la limite de 6 100 euros et de 30 %, dans la limite de 5 100 euros dans les autres DOM.

7 () En crédits de paiement. Les crédits de paiement non répartis entre collectivités et le coût de la gestion des services métropolitains ne figurent pas dans ce tableau.

8 () Chiffres fournis par le secrétariat d’Etat à l’outre-mer (données 1999 à 2007). Le PIB par habitant est de 28 721 euros en métropole.

9 () Saint-Barthélemy et Saint-Martin compris.

10 () Dans ce tableau, ainsi que dans ceux qui figurent dans la suite de cet avis, la mention « nd » pour «  non déterminé » signifie que la donnée n’a pas été portée à la connaissance de votre rapporteur.

11 () Règlement (CE) n°1080/2006 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relatif au fonds européen de développement régional.

12 () D’autres dispositifs de soutien aux investissements existent telle que la possibilité pour les sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés de déduire de leur résultat les investissements directs (productifs et immobiliers) effectués outre-mer, ainsi que les souscriptions au capital de certaines sociétés.

13 () Rapport d’information sur les niches fiscales, commission des Finances, de l’économie générale et du plan, MM. Didier Migaud, Président, Gilles Carrez, Rapporteur général, n° 946, 5 juin 2008.

14 () Rapport précité, p. 68.

15 () Un régime particulier est prévu pour les décisions d’investissement intervenues avant le 1er janvier 2009 mais dont la réalisation effective n’interviendrait qu’après cette date.

16 () Une mutualisation des activités dites support (gestion des ressources humaines, gestion budgétaire, systèmes d’information, gestion immobilière, logistique, etc.) au sein du ministère de l’Intérieur a permis de dégager des gains de productivité évalués entre 30 % et 50 % selon les secteurs d’activité.

17 () En application du décret n° 52-1050 du 10 septembre 1952.

18 () En application du décret n°54-1293 du 24 décembre 1954.

19 () Les fonctions publiques territoriale et hospitalière, ainsi que les départements français des Antilles n’entrent pas dans le champ de ce dispositif.

20 () L’Assemblée nationale a, lors de son examen du texte le vendredi 31 octobre, substitué à ce plafond unique de 8 000 euros des plafonds différenciés pour les différentes collectivités ultramarines, plafonds dont les montants devront être fixés par décret.

21 () Dotation globale de fonctionnement.

22 () Dotation globale d’équipement.

23 () Dotation globale de décentralisation.

24 () L’article 67 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l’actualisation et à l’adaptation du droit applicable à Mayotte.

25 () Elle a succédé au fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française (FREPF) prévu par la convention du 8 août 1996.

26 () Le nombre de bénéficiaires a été de 9 443 passagers aidés en 2004, 55 478 en 2005 et 63 776 en 2006.

27 () Document de politique transversale, page 11.

28 () En application de l’article 199 undecies B du code général des impôts.

29 () L’article 65 du projet de loi de finances pour 2009 réforme ce dispositif pour le simplifier et le concentrer sur les bas salaires, cf. supra.

30 () L’indicateur du taux de chômage est le rapport entre le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à la DTEFP et la dernière population active connue. Il ne s’agit donc pas du taux de chômage au sens du BIT tel que calculé mensuellement par l’INSEE.

31 () Des aides sont par ailleurs octroyées sous condition de ressources aux propriétaires occupants effectuant des travaux de remise aux normes de décence et de confort de leur logement : le montant alloué par le PLF à ces aides a été fortement réévalué, passant de 33,6 à 45,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 28,5 à 37 millions d’euros en crédits de paiement entre 2008 et 2009.

32 () Rapport précité.

33 () Selon les informations transmises à votre rapporteur, un projet de décret est actuellement en préparation qui vise à améliorer l’efficacité des FRAFU afin de concentrer l’action publique sur la production de foncier aménagé et de favoriser l’intervention des collectivités locales. Ce décret prévoit en outre d’étendre à Mayotte l’intervention des FRAFU.

34 () Le développement des opérations de lutte contre l’orpaillage clandestin menées par les forces armées et de gendarmerie mobile spécialement dédiées, participe de la lutte contre l’immigration irrégulière en Guyane : ainsi au cours de l’année 2007, à la suite des opérations « anaconda », ce sont quelque 691 étrangers en situation irrégulière qui ont été reconduits à la frontière.

35 () Chiffres intégrés à ceux de la Guadeloupe, Saint-Martin étant encore à l’époque une commune de ce DOM.

36 () Il convient de préciser qu’en 2004, 139 policiers mahorais ont été intégrés à la police nationale, ce qui explique une partie de la forte augmentation globale des effectifs de la police à Mayotte.

37 () Les articles sont ceux du CESEDA.

38 () L’article R.761-1 de ce code permet par ailleurs à la Cour nationale du droit d’asile d’organiser des « audiences foraines ».

39 () Articles de l’ordonnance précitée.

40 () Rapport d’information n°2932, déposé le 8 mars 2006.

41 () Décret n° 2005-1620 du 22 décembre 2005 portant prorogation de la commission de révision de l’état civil à Mayotte.

42 () Il est à noter qu’en revanche, l’accord conclu avec le Suriname n’est pas encore entré en vigueur en raison de l’instabilité politique que connaît cet État.

43 () À Wallis et Futuna, 17 agents de la garde territoriale assurent en outre, sous l’encadrement des gendarmes, des missions de police de proximité.

44 () Les escadrons en charge de la Nouvelle-Calédonie interviennent également à Wallis et Futuna.

45 () Le ratio population/police est en métropole de 1 policier pour 429 habitants.

46 () Le ratio population/gendarmerie est en métropole de 1 gendarme pour environ 1000 habitants.

47 () Il convient de rappeler qu’aucun GIR n’a été mis en place à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna, en raison de la faiblesse de la délinquance. Les GIR non permanents mis en place dans les collectivités ultramarines de l’océan Pacifique peinent à se concrétiser du fait des larges compétences détenues par les gouvernements calédonien et polynésien.

48 () Rappelons que, à l’initiative de la France, un centre d’analyse et d’opérations contre le narcotrafic, opérationnel depuis avril 2007, a été créé à Lisbonne afin de renforcer la coopération entre les États membres (Espagne, Royaume-Uni, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal et France) et ainsi développer l’efficacité de la lutte contre le trafic maritime de cocaïne en provenance de l’Amérique du Sud.

49 () Départements français d’Amérique.

50 () Saint-Martin attire d’importants flux de voyageurs, équivalents, voire supérieurs, à ceux de la Martinique et de la Guadeloupe et bénéficie de nombreuses liaisons maritimes et aériennes directes depuis les continents américain et européen.

51 () L’article 140 du code minier prévoit ainsi la destruction des matériels ayant servi à commettre des infractions constatées par procès-verbal et sur réquisition du procureur de la République dans le cadre de la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane.

52 () En termes d’infrastructures, des efforts ont d’ores et déjà été réalisés pour les départements de la Guadeloupe (pour un montant de 1,9 million d’euros en 2007), de la Martinique (pour un montant de 1,8 million d’euros en 2007) de la Guyane et de La Réunion qui disposent désormais d’un centre opérationnel départemental (COD) modernisé. De même, le ministère de l’Intérieur et la collectivité départementale de Mayotte ont apporté en 2008 un premier concours financier à la préfecture de Mayotte au titre du projet de construction d’un bâtiment dédié à la gestion de crise et doté d’un COD.

53 () Cf. compte rendu de l’audition du ministre en annexe.

54 () La maison d’arrêt de Saint-Pierre-et-Miquelon, construite en 1851, est composée d’un bâtiment de détention et d’un logement occupé par un agent de service. Elle est placée sous l’autorité du Procureur de la République en vertu de la loi 85-595 du 11 juin 1985 fixant le statut de l’archipel.

55 () Le territoire de Wallis et Futuna ne dispose pas d’établissement pénitentiaire. Les locaux de détention se situent dans un bâtiment de la brigade de la gendarmerie de Mata Utu et se composent de trois cellules individuelles pour des détentions de 4 mois maximum. Les détenus condamnés à une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure sont transférés au centre pénitentiaire de Nouméa.

56 () En vertu de l’article 1er de cette loi organique, les conseils généraux et régionaux d’outre-mer disposent désormais de la possibilité, sur habilitation accordée par le Parlement, d’adopter eux-mêmes, dans des matières législatives, des dispositions dérogeant au droit commun. Il s’agit d’une innovation juridique et politique considérable, dont l’article 73 de la Constitution a arrêté le principe en 2003 et dont le législateur organique a précisé les conditions de mise en œuvre, en veillant à la constitutionnalité, à la transparence et au caractère démocratique de la procédure.

57 () Pour une description précise de ces modifications, on pourra se reporter à la troisième partie de l’avis rendu au nom de la commission des Lois par votre rapporteur l’an dernier (n°281).

58 () À la suite de l’adoption d’un amendement de M. Victorin Lurel à l’Assemblée nationale.

59 () À la suite de l’adoption d’un amendement de M. Christian Cointat par le Sénat.

60 () Ces collectivités avaient jusqu’alors un statut communal au sein du département d’outre-mer de Guadeloupe.

61 () L’article 74 de la Constitution, qui régit les COM prévoit en effet que leur « statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante » de chaque collectivité concernée.

62 () La mise en place d’un statut de COM avait été approuvée par 76 % des électeurs de Saint-Martin et 95 % de ceux de Saint-Barthélemy.

63 () Articles L.O. 6214-3 et L.O. 6314-3 du CGCT.

64 () L’île présente notamment un intérêt économique non négligeable : avec environ 2 kilomètres carrés de terres émergées mais une zone économique exclusive s’étendant sur 425 000 kilomètres carrés, elle a notamment permis à la France de bénéficier de quotas de pêche au thon dans le Pacifique Est.

65 () Décret du 12 juin 1936 relatif au rattachement de l’île de Clipperton au Gouvernement des établissements français de l’Océanie.

66 () Ce territoire est actuellement administré par le haut-commissaire de la République en Polynésie française, par délégation du ministre chargé de l’outre-mer.

67 () L’article 3 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte prévoyait l’application de plein droit à Mayotte non seulement des textes « qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinés à régir l’ensemble du territoire national », mais aussi des normes relatives au droit de la nationalité, au droit civil et au droit pénal, à la procédure administrative, au droit électoral, au droit des postes et télécommunications. Cet article étendait également, à compter du renouvellement du conseil général de Mayotte en 2007, l’assimilation législative à deux autres matières, relatives à l’organisation et à l’administration des conseils généraux, ainsi qu’aux règles applicables aux juridictions financières.

68 () Le nouvel article L.O. 6113-1 du CGCT dispose que demeurent soumises au principe de spécialité législative les matières relevant de la loi organique en vertu de l’article 74 de la Constitution (compétences et pouvoirs consultatifs de la COM, règles d’organisation et de fonctionnement de ses institutions, ou encore régime électoral de son assemblée délibérante), mais aussi le droit fiscal, le droit de l’urbanisme, de la construction et du logement, l’aménagement rural, le droit social, le droit des étrangers, ainsi que les finances communales.

69 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République (article 6).

70 () Ce seuil est plus démocratique que celui de 10 % retenu dans la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

71 () L’organe délibérant ainsi saisi n’est toutefois tenu ni d’organiser la consultation demandée, ni d’en suivre le résultat.

72 () L’article 2 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001, précisait originellement qu’« à compter de la première réunion qui suivra son renouvellement en 2010, le conseil général de Mayotte peut, à la majorité des deux tiers de ses membres, adopter une résolution portant sur la modification du statut de Mayotte », ce texte devant ensuite conduire au dépôt d’un projet de loi en ce sens. La transmission de la résolution du Premier ministre ouvre alors un délai de six mois, au terme duquel un projet de loi portant modification du statut de Mayotte doit être déposé au Parlement, « conformément aux dispositions de l’accord du 27 janvier 2000 sur l’avenir de Mayotte ».

73 () Décision du Conseil constitutionnel n° 2005-547 DC du 15 février 2007.

74 () Rapport d’information sur la situation de l’immigration à Mayotte, M. René Dosière, Président, M. Didier Quentin, rapporteur (n°2932 - déposé le 8 mars 2006).

75 () Loi n° 78-1018 du 18 octobre 1978 modifiant les articles 4 et 12 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer.

76 () Loi n° 95-173 du 20 février 1995 du 20 février 1995 modifiant la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 et portant dispositions diverses relatives aux territoires d’outre-mer et loi n° 95-97 du 1er février 1995 étendant dans les territoires d’outre-mer certaines dispositions du code de la route et portant dispositions diverses relatives à l’outre-mer.

77 () Ordonnance n° 98-730 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable dans territoires d’outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte, loi n° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux et ordonnance n° 2000-350 du 19 avril 2000 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable outre-mer.

78 () Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

79 () Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

80 () Sont visés les lois et décrets « applicables, en raison de leur objet, à l’ensemble du territoire national ».

81 () Aux termes de l’article 10 de la loi du 29 juillet 1961, l’administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna est assisté d’un conseil territorial qu’il préside et qui comprend les « trois chefs traditionnels » de ces îles, ainsi que trois membres qu’il nomme parmi les citoyens français jouissant de leurs droits civils et politiques.

82 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

83 () Le droit commun prévoit dans un tel cas une entrée en vigueur du texte dès le lendemain de sa publication. Le délai dérogatoire ainsi institué pour les collectivités de l’océan Pacifique vise à accorder à l’administration les moyens de mieux prendre en compte l’impact de ces textes sur le droit local, celui-ci se caractérisant par sa complexité et un grand nombre de spécificités.

84 () L’article 73 de la Constitution prévoyait ainsi que « le régime législatif et l’organisation administrative des départements d’outre-mer peuvent faire l’objet de mesures d’adaptation nécessitées par leur situation particulière ».

85 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République (article 9).

86 () Cette deuxième faculté n’étant pas ouverte à La Réunion, conformément au choix exprimé à l’époque par les représentants de ce DOM au Sénat.

87 () Le quatrième alinéa de l’article 73 de la Constitution précise que « ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, la garantie des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral ». Il est également précisé au sixième alinéa de ce même article que cette forme d’habilitation ne peut être accordée « lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti ».

88 () L’article 73 de la Constitution prévoit également que la loi organique pourra préciser et compléter la liste des matières législatives pour lesquelles les DOM-ROM ne peuvent fixer eux-mêmes de règles.

89 () Amendement présenté par M. Christian Cointat.

90 () Voir article 105 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

91 () Auquel ont participé 32 listes dans les six circonscriptions, soit le même nombre qu’en 2004.

92 () Dans le cadre de cet accord de Gouvernement, le chef de file des indépendantistes a été élu à la présidence de l’assemblée de la Polynésie française.

93 () Les données démographiques qui seront prises en compte pour fixer le nombre de députés seront pour les DOM issues du recensement et pour les COM et la Nouvelle-Calédonie, fondées une « évaluation » elle-même fondée sur le dernier recensement réalisé dans chaque collectivité. Les dernières données démographiques datent de 2007 pour Mayotte, ainsi que pour la Polynésie française, 2004 pour la Nouvelle-Calédonie et 2003 pour Wallis-et-Futuna.

94 () Deux sénateurs en Nouvelle-calédonie et en Polynésie et un sénateur dans les îles Wallis et Futuna, en vertu de l’article L.O. 438-1 du code électoral, deux sénateurs à Mayotte en vertu de l’article L.O. 473 du même code et un sénateur à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, respectivement en vertu des articles L.O. 500, L.O. 527 et L.O. 555 du même code.

95 () À l’occasion du renouvellement du Sénat du 21 septembre, ont été élus sénateur de Saint-Barthélemy M. Michel Magras et sénateur de Saint-Martin M. Louis-Constant Fleming.

96 () Ordonnance n° 59-227 du 4 février 1959 relative à l’élection des députés à l’Assemblée nationale représentant les territoires d’outre-mer.

97 () Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer.

98 () Loi organique n° 61-817 du 29 juillet 1961 modifiant l’ordonnance n° 58-1065 du 7 novembre 1958 relative à la composition et à la durée des pouvoirs de l’Assemblée nationale et abrogeant l’ordonnance n° 59-225 du 4 février 1959 relative au nombre des députés à l’Assemblée nationale pour les territoires d’outre-mer.

99 () Conseil constitutionnel, décision n° 61-13 DC du 28 juillet 1961, Loi organique modifiant l’ordonnance n° 58-1065 du 7 novembre 1958 relative à la composition et à la durée des pouvoirs de l’Assemblée nationale et abrogeant l’ordonnance n° 59-225 du 4 février 1959 relative au nombre des députés à l’Assemblée nationale pour les territoires d’outre-mer, considérant 1.