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N° 1968

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2010 (n° 1946)

TOME IV

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Par M. Dominique LE MÈNER,

Député.

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Voir le numéro : 1967 (annexe n° 22).

INTRODUCTION 5

I.- UN BUDGET INTÉGRANT LA RÉFORME DE LA MASTÉRISATION 7

II.- LA REVALORISATION DU MÉTIER D'ENSEIGNANT : UNE POLITIQUE PRIORITAIRE AU SERVICE DE LA RÉUSSITE DES ÉLÈVES 9

A. UN MÉTIER AFFECTÉ PAR TROIS GRANDES MUTATIONS... 10

1. Un regard sur la profession qui change 10

2. Un niveau de formation initiale en hausse 13

3. Une contribution forte à l’amélioration de la gestion de l’emploi public 14

B. ...QUI JUSTIFIENT SA REVALORISATION PAR LE RECOURS À DES MESURES DIVERSIFIÉES 15

1. Une revalorisation financière ciblée 16

2. Une meilleure prise en compte de la performance devant les élèves et de la difficulté d’exercice du métier liée à l’âge 23

3. Une revalorisation morale fondée sur l’accompagnement des enseignants 28

4. Une circulation des compétences systématiquement encouragée 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

I.- AUDITION DU MINISTRE 37

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 75

III.- AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 77

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 79

INTRODUCTION

Le présent rapport pour avis porte sur la mission « Enseignement scolaire », qui comprend six programmes : deux d’entre eux ont un caractère transversal
– « Vie de l’élève » et « Soutien de la politique de l’éducation nationale » –, tandis que les quatre autres sont respectivement consacrés à l’« Enseignement scolaire public du 1er degré », l’« Enseignement scolaire public du 2nd degré », l’« Enseignement privé du 1er et du 2nd degrés » et l’« Enseignement technique agricole » (ce dernier programme relevant du ministère de l’agriculture).

Cette mission, la plus importante de l’État en volume, concourt à la scolarisation de douze millions d’élèves. Depuis la rentrée 2007, elle connaît un processus de réforme continu. En particulier, après la réforme du primaire en 2008 – celle-ci s’étant traduite par de nouveaux programmes et une nouvelle organisation de la semaine scolaire –, la généralisation, en 2009, de l’accompagnement éducatif dans les collèges, l’année 2010 verra se mettre en place la rénovation du lycée général et technologique, faisant suite à celle de la voie professionnelle, effective depuis cette rentrée, et la « mastérisation » du niveau de formation initiale des enseignants.

Les aspects budgétaires des programmes de la mission étant étudiés, en détail, par le rapport spécial de notre collègue Yves Censi, fait au nom de la commission des finances, le rapporteur pour avis a souhaité se pencher sur un chantier stratégique pour la poursuite de la réforme de l’École : la revalorisation du métier d’enseignant. On ne peut en effet demander à notre système éducatif d’améliorer ses performances sans faire en sorte de mieux reconnaître l’engagement professionnel des personnels sur qui repose cette stratégie d’optimisation. Cette démarche est d’autant plus nécessaire qu’au final, en revalorisant les enseignants, l’État se donnera davantage de moyens pour assurer la réussite de tous les élèves. Cependant, cette revalorisation ne saurait être que financière : ainsi que l’a souligné, le 6 octobre dernier, le ministre de l’éducation nationale, M. Luc Chatel, devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation, ce qu’il convient de mettre en œuvre, c’est, en réalité, un « nouveau « pacte de carrière », comportant un volet consacré à la revalorisation et un volet consacré à l’accompagnementdes personnels tout au long de leur carrière ».

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. Le rapporteur pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 15 septembre 2009. À cette date, 0,05 % des réponses lui étaient parvenues. À la date butoir, ce pourcentage était de 65,2 %.

I.- UN BUDGET INTÉGRANT LA RÉFORME DE LA MASTÉRISATION

Les crédits des cinq programmes de la mission « Enseignement scolaire » relevant du ministère de l’éducation nationale s’élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2010, à 59,6 milliards d’euros, contre 58,7 milliards d’euros en loi de finances initiales pour 2009.

Le budget de la mission reste, de fait, le premier, en volume, de l’État. À périmètre constant, il progresse, par rapport à la loi de finances initiale pour 2009, de près de 1 milliard d’euros (935,5 millions précisément), soit une augmentation de 1,6 %.

Ÿ Ce projet de budget porte l’empreinte de la mastérisation, c’est-à-dire de l’élévation de la formation initiale des enseignants au niveau du diplôme de master, à un double titre.

D’une part, ce projet de budget met en place des dispositifs sociaux d’accompagnement des étudiants se destinant au métier d’enseignant. Ceux-ci effectueront, dans le cadre de la préparation de leur master, des stages, pour une durée annuelle maximale de 108 heures, rémunérés à hauteur de 3 000 euros, une enveloppe de 100 millions d’euros étant prévue à cette fin. Par ailleurs, une enveloppe de 25 millions d’euros, en année pleine, permettra de verser une aide à ces mêmes étudiants, inscrits en deuxième année de master, sous la forme de 12 000 bourses au mérite d’un montant maximum de  2 500 euros et d’une bourse à caractère social de 1 450 euros pour ceux normalement éligibles à une bourse sur critères sociaux échelon « zéro ».

D’autre part, le schéma d’emplois du projet de budget est directement issu de cette réforme, dont l’un des effets est d’affecter, à compter du 1er septembre 2010, dans les écoles et les établissements scolaires, les enseignants nouvellement recrutés. En conséquence, en venant s’ajouter à la suppression de 600 emplois administratifs, cette mesure entraînera la suppression, à compter de cette date, de :

– 9 182 emplois d’enseignants stagiaires (soit 3 061 équivalents temps plein travaillé ou ETPT) dans le 1er degré ;

– 6 733 emplois d’enseignants stagiaires (soit 2 244 ETPT) et 411 emplois de conseillers principaux d’éducation stagiaires (soit 137 ETPT) dans le 2nd degré ;

– 1 876 emplois de stagiaires dans l’enseignement privé (soit 625 ETPT).

Le schéma d’emplois intègre toutefois des mesures de créations de postes liées à la démographie scolaire et à relance de la politique d’éducation prioritaire. Ainsi, dans le 1er degré, qui enregistre une hausse des effectifs d’élèves (+ 5 700 élèves prévus en 2010), les moyens augmenteront de 2 182 emplois d’enseignants (soit 728 ETPT), tandis que, dans le 2nd degré, 144 emplois supplémentaires, soit 48 ETPT, seront affectés aux établissements situés dans des zones défavorisées sur le plan socio-économique. En application du principe de parité, les moyens de l’enseignement privé des 1er et 2nd degrés augmenteront de 476 emplois (soit 158 ETPT).

Ÿ Comme dans le précédent budget, des mesures catégorielles sont prévues pour les personnels, représentant une enveloppe de 196 millions d’euros pour 2010.

À hauteur de 24,7 millions d’euros, cette enveloppe permettra de financer l’extension, en année pleine, des mesures décidées à effet de la rentrée 2009, en particulier la poursuite de l’intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles (10,6 millions d’euros) et le relèvement des taux de promotion des corps enseignants aux grades d’avancement (8,3 millions d’euros). Pour 171,3 millions d’euros, elle permettra de financer un ensemble de mesures nouvelles en faveur des personnels, dont :

– en lien avec la mastérisation du recrutement, la revalorisation de la carrière des enseignants du 1er et du 2nd degré, ainsi que celle des personnels d’éducation et d’orientation ;

– la poursuite de la revalorisation de la situation, en particulier du régime indemnitaire, des personnels non enseignants et d’encadrement ;

– un nouveau train de mesures en faveur des personnels de direction.

Ÿ Le projet de budget consolide les efforts engagés en vue de la scolarisation des élèves handicapés.

Les moyens mobilisés permettront ainsi d’accueillir en scolarité ordinaire 10 000 élèves supplémentaires en situation de handicap. Au total, 185 000 élèves handicapés sont scolarisés en milieu ordinaire en 2009-2010. Quant aux crédits que le budget prévoit de consacrer à l’accueil de ces élèves, ils s’élèvent à 292 millions d’euros, permettant, pour l’essentiel, d’assurer la rémunération des 11 000 assistants d’éducation mobilisés sur des fonctions d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) pour assurer un accompagnement collectif (50 millions d’euros pour 2 000 AVS-CO) ou individuel (225 millions d’euros pour 9 000 AVS-i). À ce total, s’ajoute la rémunération, à la charge de l’Éducation nationale, de plus de 10 000 emplois aidés exerçant des fonctions d’AVS-i, pour 33 millions d’euros.

Ÿ Comme en 2009, l’Éducation nationale emploiera, l’année prochaine, 42 500 personnes en contrats aidés, dont la rémunération sera cofinancée avec le ministère chargé de l’emploi, qui assureront des fonctions d’assistance aux directeurs d’école et d’accompagnement des élèves. 136,6 millions d’euros seront affectés à cette dépense.

II.- LA REVALORISATION DU MÉTIER D'ENSEIGNANT :
UNE POLITIQUE PRIORITAIRE AU SERVICE
DE LA RÉUSSITE DES ÉLÈVES

La partie thématique du présent rapport pour avis est consacrée à la revalorisation du métier d’enseignant. Aux yeux du rapporteur pour avis, et cette conviction s’est nourrie des propos entendus lors des seize auditions qu’il a menées, cette politique doit être la plus « large » possible. Elle doit en effet déborder les aspects liés à la rémunération des enseignants, même si ceux-ci sont essentiels, pour englober l’ensemble des mesures qui – de la formation continue à l’accompagnement « moral » des jeunes enseignants, en passant par les dispositifs dits de seconde carrière, etc. –, peuvent concourir à l’amélioration des conditions d’exercice de ce métier exigeant, qui connaît de profondes mutations.

De son côté, l’Exécutif a ouvert le « chantier » de la revalorisation dès 2007. Une commission, présidée par le conseiller d’État Marcel Pochard, qui a été entendu par le rapporteur pour avis, a été mise en place pour formuler, dans le cadre d’un Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant remis en janvier 2008 au ministre de l’éducation nationale, des propositions précises d’évolution du statut de ces personnels. Par ailleurs, depuis deux ans, des mesures de revalorisation financière, dont certaines d’entre elles ont vocation à être pérennisées, ont été décidées. Elles représentent, selon les indications fournies par le secrétaire général du ministère de l’éducation nationale, M. Pierre-Yves Duwoye, lors de son audition par le rapporteur pour avis, une dépense effective de près de 500 millions d’euros
– soit près de la moitié du coût du plan ou protocole « Jospin » de 1989 
(1). En outre, à compter de la rentrée 2010, tout un ensemble de mesures, actuellement à l’étude, concernant l’amélioration des débuts de carrière, l’ouverture de nouvelles perspectives en cours de carrière et une meilleure reconnaissance, notamment sur le plan indemnitaire, de certaines des missions confiées aux enseignants, devrait être mis en œuvre.

Cet effort financier de grande ampleur fait suite à l’engagement pris par le Président de la République dans sa Lettre aux éducateurs du 4 septembre 2007 : « Je souhaite faire de la revalorisation du métier d’enseignant l’une des priorités de mon quinquennat parce qu’elle est le corollaire de la rénovation de l’école et de la refondation de notre éducation ». Dans cette même lettre, le Président de la République écrit : « J’ai bien conscience que votre statut social, votre pouvoir d’achat se sont dégradés au fur et à mesure que votre tâche devient plus lourde, vos conditions de travail plus éprouvantes. La Nation vous doit une reconnaissance plus grande, de meilleures perspectives de carrière, un meilleur niveau de vie, de meilleures conditions de travail. ».

Reconnaissance : c’est peut-être le mot qui traduit le plus fidèlement la « philosophie » de la politique de revalorisation. En effet, cette démarche ne peut se résumer à une politique de justice sociale, qui ne se préoccuperait que du pouvoir d’achat des enseignants – même si cette dimension est essentielle. En réalité, ce qui est en jeu, c’est bien la réussite des élèves, qui ne peut être assurée que par des personnels – les enseignants – ayant le sentiment que leur mission, devenue plus difficile, est pleinement reconnue par la Nation.

Aussi la revalorisation est-elle, d’abord et avant tout, un investissement, fait à bon escient, dans l’accroissement des performances de notre système éducatif : l’Éducation nationale doit assurer la « promotion », dans tous les sens du terme, de ses personnels enseignants, chose qu’elle ne réussit aujourd’hui que difficilement, car ces derniers sont, au quotidien, les premiers agents publics de l’égalité des chances.

A. UN MÉTIER AFFECTÉ PAR TROIS GRANDES MUTATIONS...

La justification première de la revalorisation du métier d’enseignant est la réussite de l’élève. Cependant, trois autres raisons pressantes militent en faveur de l’adoption de mesures diversifiées pour améliorer les conditions matérielles d’exercice de ce métier si exigeant. Premièrement, le regard porté sur le métier est devenu très critique (même si, comme on le verra plus loin, cette évolution doit être nuancée) et réduit, de fait, l’attractivité de cette profession. Deuxièmement, la hausse du niveau de formation initiale, que la réforme dite de la mastérisation ne fait que consacrer, crée un décalage, difficile à justifier, entre les qualifications désormais exigées et les salaires en début de carrière. Enfin, les inquiétudes que suscite, sur les personnels, la stratégie de dynamisation de la gestion des ressources humaines mise en œuvre à l’occasion des départs à la retraite rendent d’autant plus nécessaire le respect du contrat moral qui lie l’exécution de cette politique à une meilleure reconnaissance du travail des enseignants.

1. Un regard sur la profession qui change

Si l’on parle tant de la « nécessaire » revalorisation du métier d’enseignant, c’est bien parce que l’on considère que ce dernier est, à certains égards, dévalorisé. C’est le point de départ du travail d’investigation du rapporteur pour avis. Certes, cela fait longtemps qu’on ne croit plus aussi fortement à l’existence des « hussards noirs », ces militants infaillibles de l’École dont la place dans la société était reconnue. Mais la nouveauté est que ce relatif désenchantement à l’égard de la profession enseignante se traduit par un « mal-être » statistiquement mesurable. Actuellement, six enseignants sur dix déclarent ressentir personnellement ce « malaise » dans leur profession (2). 93 % des enseignants de collèges et de lycées interrogés à l’occasion d’une étude récente pensent que le malaise enseignant existe réellement, 72 % d’entre eux se sentant personnellement concernés, un taux en hausse de 14 points par rapport à l’enquête de 2005 (3).

Comme on le verra plus loin, ce constat doit être affiné, mais il reste que les syndicats d’enseignants et les associations de parents d’élèves entendus par le rapporteur pour avis ont mis en avant deux changements majeurs dans le regard porté sur le métier d’enseignant, qui ont pour effet de réduire son attractivité.

Le regard « extérieur » porté sur les enseignants, c’est-à-dire le regard des parents d’élèves, n’est plus marqué par la révérence qui caractérisait auparavant leurs rapports avec les maîtres. De même qu’un patient n’hésite plus à contester, en excipant de ses « recherches » sur Internet, le diagnostic du médecin, la légitimité des enseignants en tant que pédagogues est, aujourd’hui, de moins en moins reconnue par certains parents d’élèves. Soucieux de voir leurs enfants réussir, ceux-ci peuvent s’irriter des échecs d’un système éducatif qu’ils imputent parfois, pour reprendre des propos tenus devant le rapporteur pour avis, à la volonté de certains enseignants de « ne pas sortir de ce vase clos qu’est l’Éducation nationale », conçu « pour et par d’anciens bons élèves » et rétif aux innovations pédagogiques. Résultat : ainsi que l’a indiqué au rapporteur pour avis un syndicat d’enseignant, « les liens avec les parents se sont distendus ». Selon les propos d’un autre syndicat « l’image de la profession s’est dégradée » dans la population, même si cette organisation ajoute que « les enseignants ressentent parfois plus fortement cette dégradation que le reste de la société ». Selon une étude publiée dans la revue Éducation et formations, parmi les causes du « malaise enseignant », la dégradation de leur image dans la société est citée par six professeurs de collèges et lycées sur dix et cinq professeurs des écoles sur dix (4).

Le regard « intérieur », c’est-à-dire celui porté par les enseignants eux-mêmes sur leur métier, a lui aussi considérablement changé. Le travail quotidien est en effet devenu plus difficile et peut générer de ce fait un sentiment d’impuissance. Selon l’étude précitée de la revue Éducation et formations, le comportement des élèves, terme qui recouvre aussi bien l’indiscipline que la démotivation de ces derniers, affecte huit professeurs de lycées et collèges sur dix et six professeurs des écoles sur dix, tandis que « faire progresser tous les élèves » est une difficulté éprouvée par deux tiers des professeurs des collèges et des lycées. Au total, un enseignant sur deux éprouve un « sentiment d’impuissance face à l’idéal de réussite de tous les élèves ». Ce sentiment reflète une réalité : les élèves ont changé depuis 25 ans et cette évolution impose aux enseignants de mettre en œuvre, ce que n’exigeaient pas les classes homogènes d’antan, des dynamiques pédagogiques individuelles et collectives.

La perception et le vécu de ces difficultés affectent donc l’attractivité du métier et ce, au plus mauvais moment, car 135 000 enseignants devraient partir à la retraite d’ici 2012 (5). Les signes de ce « désenchantement » sont en effet nombreux. On observera, en particulier, que le nombre de candidats présents aux concours externes et à la troisième voie pour l’agrégation et pour le CAPES/CAPEPS, a baissé de, respectivement, 33 % et 36 % entre 2005 et 2009. L’étude précitée de la revue Éducation et formations met par ailleurs en lumière une proportion importante de « désillusionnés » : quatre professeurs de collèges et de lycées et trois professeurs des écoles sur dix ne recommanderaient pas le métier alors qu’ils l’auraient fait par le passé. Autre signe révélateur : l’enquête effectuée par le ministère de l’éducation nationale auprès de 1 200 enseignants de collèges et de lycées publics indique qu’ils sont 41 % à souhaiter quitter définitivement l’enseignement secondaire (6).

Cependant, s’il est incontestable, ce « désenchantement » doit être nuancé, ainsi que l’a indiqué au rapporteur pour avis Mme Agnès van Zanten, sociologue, directrice de recherche au CNRS, qui a siégé à la Commission sur la condition enseignante présidée par M. Marcel Pochard. Par exemple, si l’on examine de près la façon dont les enseignants de collèges, sur lesquels cette chercheuse a enquêté, sont perçus par l’opinion publique, on s’aperçoit, que les parents d’élèves « sont, dans leur très grande majorité, satisfaits du corps enseignant », qu’ils jugent « qualifié » et « homogène sur le territoire » au sens où il n’y a pas, aux yeux des familles, de « sous-enseignants » dans les quartiers difficiles. En revanche, selon Mme Agnès van Zanten, les parents considèrent que les enseignants, aussi qualifiés soient-ils, « ne peuvent pas faire grand-chose » ou plus exactement « ne peuvent rien faire par rapport à la donne sociale » qui va orienter très largement les parcours scolaires. C’est en ce sens que les enseignants n’ont pas tout à fait tort quand ils disent ressentir moins de confiance de la part des parents d’élèves. Quant à la perception qu’ont les enseignants de leur métier, le facteur décisif est d’ordre générationnel, comme le montre l’encadré ci-après.

L’aspect générationnel de la dévalorisation du métier d’enseignant selon la sociologue Agnès van Zanten, auditionnée par le rapporteur le 15 septembre 2009

– Le sentiment de dégradation est le fait des enseignants les plus âgés pour lesquels on peut parler d’« effet nostalgie ». Ils ont en effet connu, en début de carrière, l’« âge d’or » de l’École, avant que celle-ci ne subisse le plein effet les grandes vagues de massification liées à la création du collège unique (loi « Haby » de 1975) et à la démocratisation du lycée. Ce sont donc ces enseignants, qui sont aussi les plus syndiqués, qui portent ce discours sur la « dégradation » du métier d’enseignant.

– Quant aux enseignants les plus jeunes, ils vivent une autre forme de dévalorisation. À la différence de leurs aînés, qui ont vécu en « vase clos », ils comparent leur statut avec celui des autres professions et mettent par conséquent l’accent sur leurs conditions de travail, jugées usantes (car répétitives), et sur l’absence de reconnaissance financière de leur métier. L’arrivée des nouvelles générations d’enseignants dans la carrière, couplée à la hausse de leur niveau de recrutement qui résultera de la mastérisation, renforcera ce sentiment de dévalorisation. Mais elle peut être aussi l’occasion – « historique » – de rénover le métier d’enseignant.

Au total, le sentiment de dévalorisation du métier d’enseignant, même s’il doit être nuancé, est réel et justifie l’adoption de mesures qui reflètent la reconnaissance de la Nation envers des personnels assumant une tâche aussi fondamentale que difficile et confortent ainsi l’attractivité de cette profession.

2. Un niveau de formation initiale en hausse

Un autre facteur justifiant la revalorisation du métier d’enseignant est la hausse du niveau de formation initiale de celles et ceux qui se destinent à l’exercer.

Annoncée en juillet 2008 par les ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, la mastérisation, qui commencera à s’appliquer à la session 2010 des concours, mais ne deviendra pleinement effective qu’en 2011, consiste à recruter les enseignants des 1er et 2nd degrés au niveau du master, soit à bac + 5. Ainsi, sauf pour l’agrégation, qui exigera la détention d’un master dès l’inscription au concours, les candidats aux autres concours, dont celui du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement secondaire (CAPES), devront être inscrits en deuxième année de master (M2) pour pouvoir s’inscrire, mais, pour être définitivement admis, ils devront pouvoir justifier de la validation du M2 (7).

Si le présent rapport pour avis n’a pas pour objet d’évaluer les vertus de cette réforme, le rapporteur pour avis tient néanmoins à souligner qu’elle répond à une exigence forte, parfaitement résumée par l’un des syndicats qu’il a entendu : le métier « exige des professionnels qualifiés ». En outre, la mastérisation ne fait que traduire dans le droit une réalité, à savoir, toujours selon ce même syndicat, que le recrutement à ce niveau est « déjà là ». Selon le Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant, 20 % des enseignants du second degré sont titulaires d’un diplôme de niveau bac + 5, cette proportion atteignant 47 % pour les seuls agrégés. Quant aux professeurs des écoles, ils sont actuellement plus d’un tiers à posséder une licence, 12 % une maîtrise (25 % pour les jeunes de moins de 25 ans) et 4 % possèdent un diplôme égal ou supérieur à bac + 5 (8). Aussi l’élévation du niveau de diplôme requis s’inscrit-elle dans le sens de l’histoire (les instituteurs ont été ainsi recrutés au niveau du baccalauréat à partir de 1959, puis de la licence en 1991) – tout comme dans celui de la construction d’un espace européen de l’enseignement supérieur autour des diplômes de la licence, du master et du doctorat.

L’élévation du niveau de qualification des enseignants étant désormais érigée en politique officielle, la question de la revalorisation du traitement financier de personnels qui seront, dès l’an prochain, recrutés au niveau du master se pose avec encore plus d’acuité. Comme l’ont fait remarquer de nombreux syndicats au rapporteur pour avis, l’indice de début de carrière d’un enseignant correspond à 1,2 fois le SMIC. Par conséquent, avec la mastérisation, le décalage entre les qualifications exigées des jeunes enseignants et leur premier salaire sera encore moins justifiable. Et ce sera d’autant plus vrai que si les comparaisons internationales peuvent parfois pointer les défaillances de notre système éducatif, ces mêmes données démontrent que les enseignants débutants sont, en France, moins bien lotis que leurs collègues des autres pays membres de l’Union européenne ou de l’OCDE.

Le salaire statutaire annuel des enseignants en début de carrière (2006)

 

Primaire

Premier cycle
du secondaire (équivalent du collège)

Deuxième cycle
du secondaire (équivalent du lycée)

France

23 317

25 798

26 045

Belgique (Fr.)

27 551

27 551

34 290

Angleterre

29 460

29 460

29 460

Allemagne

40 277

41 787

45 193

Moyenne OCDE

27 828

30 047

31 110

Moyenne UE
(19 pays)

28 536

30 545

31 706

Nota : Le salaire en début de carrière correspond au salaire annuel moyen brut des enseignants des établissements publics travaillant à temps plein et ayant le niveau de formation minimale requis pour commencer à enseigner, indiqué selon le niveau d’enseignement, en équivalents dollars US convertis sur la base des parités de pouvoir d’achat.

Source : D’après les « Regards sur l’éducation 2008 » de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

3. Une contribution forte à l’amélioration de la gestion de l’emploi public

Le nombre des enseignants a connu une croissance ininterrompue depuis le début du siècle dernier et ce jusqu’à très récemment, comme le souligne le tableau ci-dessous. L’engagement politique qui a été pris en 2007 de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite afin d’optimiser la gestion des ressources humaines « publiques » se traduit donc, pour l’Éducation nationale, par une véritable rupture, qui revêt une dimension non seulement arithmétique, mais aussi psychologique

Les effectifs enseignants dans l’enseignement public

Année

Enseignants du primaire

Enseignants du secondaire

1900

159 000

10 000

1960

220 000

68 000

2007

321 000

413 000

Source : Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant, janvier 2008

La rupture arithmétique tient au fait que les départs en retraite étant nombreux, en raison de la structure de la pyramide des âges des enseignants, l’application de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, même si elle doit s’effectuer à taux d’encadrement pédagogique constant, se traduit chaque année, par un nombre important de suppressions de postes. Ainsi, pour l’année 2010, le projet de loi de finances prévoit - 15 400 emplois d’enseignants et comme le ministère de l’éducation nationale table sur 33 054 départs à la retraite d’enseignants (dont 27 140 dans l’enseignement public), le taux de remplacement s’établit à 53,4 %.

Quant à la rupture psychologique, elle est double. D’une part, les enseignants s’inquiètent des effets du non-renouvellement des postes sur le taux d’encadrement. D’autre part, en raison des engagements du Président de la République et du Gouvernement, qui lient la mise en œuvre d’une gestion des ressources humaines de la fonction publique conçue au plus près des besoins à une meilleure rémunération des fonctionnaires, les enseignants exercent, pour la première fois, leur métier en étant conscients que l’effet « nombre », qui a bloqué, pendant des années, la mise en œuvre d’une politique de revalorisation ambitieuse, peut jouer, cette fois-ci, en leur faveur.

Ce changement nourrit des attentes qui ne doivent pas être déçues : en respectant sa parole, qui devient financièrement crédible, auprès des enseignants, l’État rend possible la conclusion d’un nouveau contrat moral entre ces personnels et les familles, dont le but ultime doit être de rendre un service d’exception à tous les enfants.

B. ...QUI JUSTIFIENT SA REVALORISATION PAR LE RECOURS À DES MESURES DIVERSIFIÉES

L’amélioration de la gestion de l’emploi public permet de dégager des marges de manœuvres financières qui, par définition, ne sont pas extensibles. C’est la raison pour laquelle la revalorisation financière, qui est la forme « classique » que revêt ce type de politique, doit être ciblée pour que les enseignants en bénéficient aux moments clefs de leur carrière. Par ailleurs, les mesures indemnitaires ou statutaires ne doivent pas épuiser, à elles seules, tout le champ de la revalorisation : le rapporteur pour avis est convaincu que celle-ci doit comporter une dimension morale forte, fondée sur l’accompagnement pédagogique des enseignants, et organiser des temps de « respiration » ou de « circulation » pour leur permettre de découvrir d’autres horizons professionnels. C’est d’ailleurs le vœu qu’a exprimé, le 6 octobre 2009, le ministre de l’éducation nationale, M. Luc Chatel, devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation : « Je souhaite que l’amélioration de la condition enseignante ne se résume pas à une série de gratifications ».

1. Une revalorisation financière ciblée

Avant de présenter ses propositions, le rapporteur pour avis tient à rappeler les mesures de revalorisation décidées par le Gouvernement au cours des deux dernières années.

 Des mesures décidées pour plus d’un demi-milliard d’euros

Les mesures indemnitaires et statutaires décidées depuis deux ans en faveur des enseignants représentent un effort financier considérable.

Synthèse des mesures statutaires et indemnitaires décidées
depuis deux ans en faveur des enseignants (en millions d’euros)

(en année pleine et hors progression de carrière (GVT) et augmentation du point fonction publique)

Mesures

Montants exprimés en année pleine

Exonération d’impôt sur le revenu et réduction de cotisations sociales des heures supplémentaires (en application de la loi « TEPA » du 21 août 2007)  + majoration du taux des heures supplémentaires effectives de 25 %

dont exonération fiscale
dont réduction de cotisations sociales
dont majoration du taux de l’heure supplémentaire effective

340 M€

190 M€
120 M€
30 M€

Poursuite de l’intégration des instituteurs dans le corps de professeurs des écoles (2007-2008-2009)

94 M€

Augmentation des ratios de promotion au grade supérieur (« taux pro/pro ») des personnels enseignants, d’éducation et d’orientation (2007 et 2008)

37 M€

Revalorisation de l’indemnisation liée à l’organisation du baccalauréat (taux de l’indemnité allouée à la correction des épreuves écrites du baccalauréat général et technologique porté à 5 € par copie corrigée)

13 M€

Prime spéciale d’un montant de 500 € pour les enseignants du secondaire effectuant 3 heures supplémentaires hebdomadaires, tout au long de l’année scolaire

21 M€

Prime d’entrée dans les métiers d’enseignement, d’éducation et d’orientation instituée par le décret n° 2008-926 du 12 septembre 2008 d’un montant de 1 500 euros, attribuée aux enseignants des 1er et 2nd degrés, aux conseillers principaux d’éducation et aux conseillers d’orientation psychologues nouvellement titularisés et affectés

34 M€

Revalorisation de l’indemnité de sujétions spéciales des directeurs d’école (part principale versée annuellement de 1295,62 € et part complémentaire versée en une seule fois de 200, 400 ou 600 € selon la taille de l’école)

17 M€

Indemnité de 400 euros au bénéfice des enseignants procédant aux évaluations des élèves des classes de cours élémentaire première année (CE1) et de cours moyen deuxième année (CM2) dans l’enseignement primaire

26 M€

Revalorisation de l’indemnité de suivi et d’orientation pour les professeurs principaux de lycées professionnels (2009-2014)

11 M€

Garantie individuelle du pouvoir d’achat (32 000 enseignants bénéficiaires)

34 M€

TOTAL

627 M€

Source : direction des affaires financières du ministère de l’éducation nationale, mai 2009

Le tableau ci-dessus intègre des mesures de revalorisations anciennes (comme les effets de la création, en 1990, du corps des professeurs des écoles) ou nouvelles (comme la reconnaissance du rôle des professeurs principaux dans l’enseignement professionnel) dont les effets sont étalés dans le temps. Il ne tient pas compte des mesures catégorielles prévues par le projet de loi de finances pour 2010 (voir la 1ère partie du présent rapport pour avis) ni de celles récemment adoptées, qui ont un caractère statutaire ou social et contribuent, elles aussi, à améliorer les conditions matérielles d’exercice de la fonction enseignante. Ces mesures, décidées entre l’hiver et l’été dernier, sont au nombre de trois :

– un décret du 21 janvier 2009 a porté de 16 à 30 euros le montant de la rémunération horaire des travaux supplémentaires réalisés dans le cadre de l’accompagnement éducatif par les professeurs chargés de fonctions de documentation et par les conseillers principaux d’éducation ;

– depuis le 1er juin 2009, tous les enseignants du 1er degré chargés de fonctions d’enseignement aux élèves handicapés dans certaines structures, notamment les classes d’intégration scolaire (CLIS), peuvent bénéficier de 27 points de nouvelle bonification indiciaire, soit 1 488 euros ;

– un prêt à taux zéro d’un montant de 30 000 euros pour le premier achat d’une résidence principale et de 15 000 euros pour l’achat ou la revente de la résidence principale a été mis en place à compter du 1er septembre 2009. Il s’adresse aux enseignants qui reçoivent leur première affectation ou sont mutés dans une autre académie. 5 millions d’euros, devant permettre de verser ce prêt à environ un millier d’enseignants, ont été budgétés à cet effet dans le projet de loi de finances pour 2010.

De leur côté, les syndicats souhaitent que la politique de revalorisation soit amplifiée. Leurs propositions en la matière sont toutefois très variables et certaines d’entre elles sont, d’un point de vue strictement budgétaire, difficilement soutenables. S’il est impossible d’établir, dans le cadre du présent rapport pour avis, une synthèse de toutes les mesures évoquées devant le rapporteur pour avis, certaines observations et propositions peuvent être utilement rappelées, car elles permettent d’illustrer la difficulté de l’exercice « revalorisation » : les revendications sont non seulement différentes d’un syndicat à l’autre, mais aussi, ce qui reflète parfois de vieilles différences « culturelles », d’un niveau d’enseignement à l’autre et d’un corps d’enseignant à l’autre. Ainsi, un syndicat propose d’indexer la valeur du point d’indice sur l’inflation pour lutter contre la réduction du différentiel entre le SMIC et le salaire des enseignants. Un autre revendique une fin de carrière, pour les enseignants certifiés, identique, sur le plan indiciaire, à celle des agrégés, tandis que la Société des agrégés de l’université rappelle que les professeurs de ce corps de classe normale, de hors classe ou de chaire supérieure ont été exclus de toute revalorisation depuis plus de 35 ans. Enfin, un syndicat relève que l’essentiel des mesures de revalorisation décidées depuis deux ans, soit environ 75 % du total, concerne le 2nd degré.

La revalorisation financière du métier d’enseignant suscitant de fortes attentes, qui ne peuvent être toutes satisfaites, le curseur des mesures à prendre doit être placé de façon équitable, afin que celles-ci soient les plus légitimes possibles. À cet égard, on peut considérer que pour être équitable, toute politique doit être fondée sur deux éléments complémentaires – la durée et l’objectivité – qui peuvent utilement guider le choix des mesures visant à améliorer la condition enseignante. Aussi la politique de revalorisation pourrait-elle, en premier lieu, être mise en œuvre dans le cadre d’un programme pluriannuel qui donnerait de la visibilité aux engagements de l’État – et rassurerait ainsi les enseignants. En second lieu, les mesures de revalorisation devraient être ciblées et fondées sur des critères objectifs et donc incontestables : elles devraient ainsi « viser » des moments clefs de la carrière des enseignants et rémunérer des aspects fondamentaux du métier qui, pour l’heure, ne bénéficient d’aucune reconnaissance financière.

 Revaloriser le début de la carrière

L’élévation du niveau de qualification résultant de la mastérisation et le différentiel de salaire existant entre les enseignants français qui débutent et leurs homologues de nombreux pays européens plaident – incontestablement – en faveur d’une revalorisation du début de carrière des jeunes enseignants. Cette meilleure reconnaissance de « l’engagement » intellectuel et moral que présuppose le choix d’exercer le métier d’enseignement est en outre indispensable pour prévenir une crise de recrutement qui, une fois déclenchée, serait extrêmement préjudiciable à la qualité du service public de l’enseignement.

La prime d’entrée dans les métiers d’enseignement et d’orientation instituée en 2008 et la création du prêt à taux zéro pour les enseignants mutés constituent un bon point de départ. Loin d’être anecdotiques, ces mesures sont le signe que, désormais, les enseignants tout juste sortis des instituts de formation des maîtres (IUFM) pour accomplir leurs premiers pas ne sont plus « livrés à eux-mêmes », une expression utilisée devant le rapporteur pour avis, mais soutenus par leur administration. Cependant, il convient d’aller plus loin, en mettant en place d’autres leviers de revalorisation des débuts de carrière.

– La prime d’entrée dans le métier pourrait évoluer, en distinguant, dans cette mesure, d’un côté, la part qui resterait indemnitaire, et de l’autre, la part qui, elle, serait indiciaire. En intégrant une dimension indiciaire, cette mesure pourrait se traduire par des versements d’un montant plus élevé (3 000 euros par exemple) que les 1 500 euros actuellement déboursés au titre de la prime instituée en 2008.

– En complément du prêt à taux zéro et compte tenu du fait que 45 % des jeunes enseignants sont affectés, pour leur premier poste, dans les académies de Créteil et de Versailles, un dispositif complémentaire, prenant la forme d’une « prime d’installation », pourrait être mis en place pour aider les jeunes enseignants à faire face au coût de la vie en région parisienne (logement, transport, etc.). Le rapport entre les dépenses contraintes, dans cette zone, et la faiblesse du salaire de départ (à l’indice majoré 349, un professeur certifié appartenant à la classe normale gagne 1 386 euros nets par mois hors indemnités et heures supplémentaires et 1 614 euros en intégrant ces éléments) est tel que, selon les indications données au rapporteur pour avis par un syndicat, le directeur des ressources humaines de l’académie de Créteil est dans l’obligation de distribuer à de jeunes enseignants des bons d’achat d’une valeur de 200 euros pour les produits alimentaires.

– Quant à la revalorisation indiciaire des débuts de carrière, elle s’impose, car c’est cette mesure qui traduira très concrètement, dans le traitement du jeune enseignant, la reconnaissance par l’État de sa qualification de niveau bac + 5. Dans le même temps, il s’agit d’une opération délicate, car toute revalorisation au bas de l’échelle implique de pratiquer ce qu’on appelle techniquement une « reprise d’ancienneté », c’est-à-dire de grimper les « barreaux » suivants de la grille indiciaire, pour éviter des effets de tassement trop importants. Ainsi, selon le ministère de l’éducation nationale, une revalorisation au 1er échelon pourrait entraîner une reprise d’ancienneté jusqu’au 7ème échelon. Lors de son audition par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, le 6 octobre dernier, le ministre de l’éducation nationale, M. Luc Chatel, a précisé que « la revalorisation des débuts de carrière ne pourrait être inférieure à une centaine d’euros ».

– Enfin, les besoins particuliers des jeunes enseignants du 1er degré qui, pour exercer au mieux leur métier, doivent disposer d’une documentation pédagogique (livres, logiciels, etc.), qu’ils ne peuvent pas toujours se procurer auprès de leurs écoles, parfois moins bien dotées en ressources documentaires que les établissements du 2nd degré, pourraient justifier le versement d’une prime spécifique. Cette « prime d’équipement pédagogique » ne serait pas annuelle, mais pourrait être utilement versée lors la première année d’exercice, en tant que titulaires, de ces enseignants.

 Élargir l’accès à la hors classe pour dynamiser les carrières

Revaloriser le métier d’enseignant, c’est aussi élargir les possibilités de promotion de ceux qui l’exercent. L’avancement de carrière des personnels enseignants s’organise autour de trois échéances : l’avancement d’échelon (du 1er au 11ème), l’avancement de grade (de la classe normale à la hors classe) et l’avancement de corps.

L’avancement de grade, qui a concerné, en 2009, 3 785 professeurs des écoles, 2 461 agrégés et 8 939 certifiés, permet des gains indiciaires importants. Par exemple, en fin de carrière, un professeur certifié « classe normale » perçoit environ 2 610 euros de rémunération nette mensuelle (sans indemnités ni heures supplémentaires), tandis que le même professeur « hors classe » perçoit environ 3 100 euros. Quant à l’avancement de corps, seuls de très petits effectifs en bénéficient. Ainsi, l’accès au corps des professeurs agrégés par liste d’aptitude, statutairement limité à 1/7ème du nombre de titularisations prononcées dans le corps au titre de l’année précédente, s’est traduit, en 2009, par 289 recrutements (9).

De fait, la carrière administrative des enseignants est principalement organisée autour de l’avancement d’échelon. Or ce type de promotion peut être frustrant, car il est davantage fondé sur des mécanismes en quelque sorte « automatiques » que sur la reconnaissance du mérite et de l’engagement individuels des enseignants. Dans le même temps, aux yeux des enseignants (comme de leurs syndicats), ces mécanismes les protègent contre tout arbitraire dans la notation et donnent de la régularité à leur déroulement de carrière. En effet, l’avancement d’échelon se fait par référence à la valeur professionnelle, mais aussi à l’ancienneté. En outre, pour apprécier cette valeur professionnelle, on se fonde sur la notation des intéressés, laquelle est fortement encadrée, sans tenir compte de l’appréciation qui doit statutairement accompagner cette note, dans la mesure où cette dernière, selon le ministère de l’éducation nationale, « n’offre pas toutes les garanties d’objectivité requises », une précision qui reflète bien la réticence des organisations syndicales face au développement d’une évaluation plus qualitative.

À l’inverse, le passage de la classe normale à la hors classe tient davantage compte de la valeur professionnelle des enseignants. En particulier, la sélection pour l’inscription au tableau d’avancement à ce grade se fonde sur trois éléments d’égale importance, dont le parcours professionnel, qui permet d’apprécier, sur la durée, l’intensité de l’investissement professionnel réel au bénéfice des élèves, à partir des avis « croisés » du chef d’établissement, de l’inspecteur et du recteur. Le ministère de l’éducation nationale indique ainsi que les nouvelles modalités de promotion à la hors classe ont amélioré « assez sensiblement » les profils des enseignants promus : la quasi-totalité des enseignants promus l’ont été sur la base d’une appréciation « exceptionnelle » de leur recteur et la part de promus du 2nd degré qui ont bénéficié de bonifications pour exercice durable (3 ou 5 ans) dans un établissement relevant de l’éducation prioritaire est en augmentation (10).

L’avancement à la hors classe devrait donc constituer, pour les enseignants, un moment privilégié de reconnaissance de leur mérite. Or c’est loin d’être le cas, car le système est conçu de telle manière qu’il récompense au compte-gouttes et fonctionne, ainsi que le souligne le Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant comme un « instrument de la politique des pensions ». Ces deux aspects sont étroitement liés. D’une part, les taux de promotion à la hors classe, même s’ils ont été revalorisés depuis 2006, sont trop faibles pour récompenser tous les enseignants dont le mérite est démontré. Ainsi, en 2009, le nombre de professeurs des écoles et d’enseignants certifiés et agrégés promus à la hors classe a augmenté, par rapport à 2008, de respectivement 29 % et 11 %, progression qui peut sembler importante, alors qu’en réalité, les taux de promotion sont fixés à 2 % pour les professeurs des écoles et à 7 % pour les certifiés et agrégés(11). D’autre part, l’accès à la hors classe est trop tardif dans la carrière pour être réellement significatif. Il a lieu à 55-56 ans, c’est-à-dire à un âge où l’enseignant pense plutôt à préparer sa retraite qu’à vivre un tournant dans son parcours professionnel. De fait, l’accès à la hors classe, qui peut en principe intervenir au 7ème échelon, se fait, dans la pratique, au 11ème échelon, c’est-à-dire au dernier échelon, dont le traitement indiciaire sert de base au calcul de la pension.

Afin que le changement de grade soit davantage corrélé à la reconnaissance de l’investissement professionnel des enseignants, deux mesures complémentaires devraient être adoptées. En premier lieu, un « rendez-vous de carrière » devrait être systématiquement organisé pour les enseignants appartenant à la tranche d’âge des 40-45 ans. Après vingt ans de métier (plus ou moins), il semblerait logique que l’administration et ces enseignants expérimentés puissent faire le point. Ce rendez-vous devrait aussi permettre de porter une appréciation sur la valeur professionnelle des intéressés en vue de prendre une décision relative à l’avancement de grade. En second lieu, une fois ce rendez-vous de milieu de carrière institutionnalisé, les taux pour l’accès à la hors classe devraient être élargis, pour que le ratio de promus atteigne un pourcentage significatif. Comme le faisait observer au rapporteur pour avis l’un de ses interlocuteurs, distinguer 7 enseignants sur 100 à partir de leur valeur professionnelle, c’est « danser sur une tête d’épingle ». À l’inverse, augmenter cette proportion, c’est signifier que l’Éducation nationale se soucie davantage de promouvoir les enseignants et parier qu’une relance de la carrière à « mi-parcours » aura des effets bénéfiques sur la motivation du corps enseignant.

Un autre rendez-vous, de « fin de carrière » cette fois-ci, pourrait être organisé pour les enseignants appartenant à la tranche des 55-60 ans. Il aurait pour but de permettre aux enseignants qui se sont pleinement investis tout au long de leur vie professionnelle dans un métier difficile d’accéder à un « étage » supplémentaire de promotion, avant la cessation de leur activité. Bien entendu, l’accès à ce nouveau grade se ferait, lui aussi, en fonction d’un taux de promotion fondé sur le mérite.

 Rémunérer les missions autres que d’enseignement

La revalorisation du métier d’enseignant passe aussi par la reconnaissance financière des tâches autres que d’enseignement. Ces tâches nouvellement assumées répondent à des attentes fortes la société, relayées par l’État : soutien apporté aux élèves en difficulté – avec son corollaire : une meilleure coordination pédagogique entre les enseignants des différentes disciplines –, suivi des enfants handicapés, implication dans le processus d’orientation des élèves, etc (12). À ces exigences s’ajoute celle du « compagnonnage » des enseignants débutants qui sera mis en œuvre dans le cadre de la réforme de leur recrutement. En effet, les étudiants reçus aux concours seront nommés fonctionnaires stagiaires et affectés dans une académie pour la durée du stage (un an), au cours duquel ils recevront une formation qui sera en partie dispensée sous la forme d’un tutorat.

Cette reconnaissance se heurte, pour l’heure, à l’obstacle des décrets du 25 mai 1950 qui définissent le service des enseignants du secondaire uniquement en horaires hebdomadaires d’enseignement (18 heures pour les professeurs certifiés et 15 heures pour les professeurs agrégés). Autrement dit, ces décrets ne disent rien des missions essentielles auxquelles les enseignants consacrent pourtant de plus en plus de temps, qu’il s’agisse du soutien qu’ils peuvent accorder à des petits groupes d’élèves ou du temps pris pour encadrer des travaux de recherche.

Il résulte de ce décalage absurde entre le droit et la pratique, qui n’ira qu’en se renforçant avec la mise en œuvre des politiques de tutorat des enseignants débutants et d’accompagnement des élèves en difficulté, que la « reconnaissance » de ces tâches ne peut se faire que par le biais de décharges de service. Un enseignant est ainsi déchargé d’une heure de cours, ici ou là, pour accomplir une mission qui devrait relever de son « cœur de métier ». Selon les propos tenus par M. Marcel Pochard devant le rapporteur pour avis, cette mécanique du « troc d’heures » permet aux établissements, aujourd’hui bridés par les décrets de 1950, de disposer d’une certaine souplesse dans leur organisation pédagogique. C’est pourquoi, selon cet interlocuteur, un chef d’établissement accorde à « ses » enseignants des décharges de service, puis les « récompense », pour avoir assumé des tâches non reconnues sur le plan statutaire et indemnitaire, en leur octroyant des heures supplémentaires rémunérées…Au vu de ces moyens « pauvrets », selon M. Marcel Pochard, « il faudrait tenter de l’indemnitaire ». Comment pourrait-on ne pas partager une telle conclusion ?

Le versement de rémunérations supplémentaires liées à ces missions est souhaitable, mais il ne sera possible que si ces tâches sont préalablement – et très précisément – référencées. On rappellera qu’une première tentative, concernant les missions des enseignants du secondaire, a eu lieu, mais qu’elle a échoué. En effet, un arrêté en date du 12 février 2007 définissant « les actions d’éducation et de formation autres que d’enseignement pouvant entrer dans le service de certains personnels enseignants du second degré » avait été pris par M. Gilles de Robien, alors ministre de l’éducation nationale, avant d’être abrogé, à la suite de contestations syndicales. Ce travail de clarification des missions des enseignants devra donc être repris, en le liant cette fois-ci à la politique de revalorisation.

Extraits de l’annexe de l’arrêté du 12 février 2007 (texte abrogé depuis)

Liste des actions d’éducation et de formation autres que d’enseignement :

1. Encadrement d’activités pédagogiques particulières au bénéfice des élèves de l’établissement ou d’un réseau d’établissements :

– Soutien et accompagnement d’élèves en difficulté scolaire ou en situation de handicap ;

– Activités culturelles ou artistiques (notamment chorales).

2. Coordination d’une discipline ou d’un champ disciplinaire, d’un niveau d’enseignement ou d’activités éducatives au titre d’un établissement ou d’un réseau d’établissements :

– Responsabilités pédagogiques liées au fonctionnement de l’établissement (coordination du fonctionnement de laboratoires scientifiques ou techniques ; suivi des supports pédagogiques propres à une ou à plusieurs disciplines ; coordination avec les collectivités territoriales pour les installations sportives) ;

– Coordination d’une discipline ou d’un champ disciplinaire ; coordination transdisciplinaire ;

– Appui pour la mise en œuvre de missions académiques ;

– Coordination d’actions dans le cadre de l’éducation prioritaire au niveau de l’établissement, d’un réseau d’établissements ou de l’académie ;

3. Formation et accompagnement d’autres enseignants :

– Appui au corps d’inspection ;

– Tutorat d’enseignants titulaires débutants ;

– Organisation au plan académique de formations à destination des enseignants.

2. Une meilleure prise en compte de la performance devant les élèves et de la difficulté d’exercice du métier liée à l’âge

La revalorisation du métier d’enseignant a pour corollaire la reconnaissance de deux vérités premières – l’une pédagogique, l’autre physique – propres à cette activité. D’une part, enseigner, ce n’est pas seulement être capable de dispenser un savoir disciplinaire, c’est aussi amener tous les élèves à réussir leur scolarité, c’est-à-dire à maîtriser les compétences et les connaissances de base et à sortir du système éducatif avec les qualifications requises. D’autre part, enseigner, c’est pratiquer, jusqu’à soixante ans, voire plus, un métier qui, au fur à mesure des années, devient plus fatiguant, voire usant.

 Apprécier la performance de l’enseignant devant les élèves

La revalorisation du métier d’enseignant implique de mieux reconnaître la performance pédagogique réelle de l’enseignant et de récompenser celle-ci.

Aujourd’hui, le système de notation est conçu de telle manière que ce qui est réellement évalué, pour l’essentiel, ce n’est pas la « plus value » des méthodes mises en œuvre pour faire progresser les élèves, mais la maîtrise de la discipline enseignée. À cette carence de fond, il faut ajouter d’autres faiblesses « structurelles » du système d’évaluation qui ont été mises en évidence par de nombreux rapports, en particulier le Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant. D’abord, l’évaluation individuelle n’est articulée sur aucune évaluation collective de l’équipe pédagogique ou de l’établissement alors que celle-ci est la « seule susceptible de lui donner le cadrage nécessaire ». Ensuite, l’évaluation in situ de l’enseignant n’intervient pas à une fréquence élevée. Dans le 1er degré, la note est attribuée par l’inspecteur de l’éducation nationale (IEN), qui vient inspecter un enseignant en moyenne tous les 3 à 5 ans. Dans le 2nd degré, les enseignants bénéficient de deux notes : une note administrative attribuée annuellement par le chef d’établissement, extrêmement encadrée et péréquée, et la note pédagogique attribuée par un inspecteur régional (inspecteur d’académie-inspecteur pédagogique régional) qui intervient tous les 6 à 7 ans. La première intervient pour 40 % et la seconde pour 60 % dans la note finale servant à déterminer les promotions d’échelon. Enfin, la note d’entrée dans le corps, pour laquelle le rang au concours de recrutement est prépondérant, alors que celui-ci n’a, évidemment, aucune valeur pédagogique, et l’ancienneté, comptent pour beaucoup dans la note pédagogique.

Ces différents paramètres rendent difficile l’exercice consistant à apprécier, de manière fine, le mérite réel d’un enseignant devant la classe – et singulièrement devant les élèves en difficulté. À l’inverse, plusieurs mesures, mais qui impliquent des réformes délicates à mettre en œuvre, permettraient de mieux apprécier la performance des enseignants devant les élèves :

– Les critères d’évaluation pourraient être rendus plus consistants, en s’appuyant sur des protocoles nationaux d’évaluation des acquis des élèves qui permettent d’appréhender les performances de chaque enseignant. Mais la définition de ces critères de valeur ajoutée « individuelle » risque d’être difficile. De plus, avec un tel dispositif, comme les inspecteurs ne pourront pas, chaque année, procéder eux-mêmes à l’évaluation des enseignants, ce seront ces derniers qui devront alimenter la grille d’évaluation, ce qui est de nature à remettre en cause sa fiabilité.

– Une autre solution consisterait à mettre en œuvre une évaluation moins formelle et plus qualitative, conduite conjointement par le chef d’établissement (ou le directeur d’école) et l’inspecteur. Cela suppose de conforter le rôle du chef d’établissement dans la notation, une évolution qui sera contestée par les enseignants, prompts à voir dans cette solution un encouragement à bien noter non pas, selon les propos d’un interlocuteur du rapporteur pour avis, les « bons » enseignants, mais ceux qui « savent plaire aux petits chefs ». Une telle solution implique, par ailleurs, de faire du directeur d’école, qui n’a aucune autorité hiérarchique sur ses pairs enseignants du primaire, un vrai chef d’établissement, ce qui suppose, au préalable, de régler le problème posé par l’absence de statut du directeur d’école.

– Une dernière solution consisterait à apprécier la valeur ajoutée « collective » de l’établissement, en évaluant ce qu’il a apporté de plus à ses élèves par rapport à des établissements comparables. C’est la proposition qu’a faite au rapporteur pour avis la sociologue Agnès van Zanten, en précisant que cette évaluation devrait bien porter non pas sur la connaissance des matières, mais sur les compétences de base. Dans un tel schéma, les établissements qui, collectivement, généreraient plus de valeur ajoutée recevraient plus de moyens de la part de l’État.

Le but ultime de ce type de dispositif est d’inciter les enseignants à améliorer leurs performances, en versant à ceux d’entre eux, dont l’action pédagogique est jugée exceptionnelle, des rémunérations complémentaires. Si, comme l’a indiqué au rapporteur pour avis un syndicat d’enseignant, « cette approche n’est pas dans « notre » culture », les vertus, comme les limites, d’une telle démarche, méritent d’être, à tout le moins, discutées dans le cadre du chantier de la revalorisation. Il paraît d’autant plus opportun d’engager une réflexion dans ce domaine que bien des pays ont mis en place des mesures d’incitation à l’amélioration des performances. Selon les Regards sur l’éducation 2008 de l’OCDE, dans « 15 pays membres et 3 pays partenaires de cette organisation, les enseignants peuvent prétendre à un avantage financier au titre de performances remarquables…Il est octroyé sous forme de prime ponctuelle dans la moitié de ces pays et sous forme de prime annuelle dans la plupart des autres pays. Dans 12 des 18 pays qui prévoient cet avantage (l’Angleterre, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, la Hongrie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la République tchèque, la Suède et la Turquie et, dans les pays partenaires, la Slovénie), la décision de l’octroyer peut être prise par les établissements ».

En attendant la mise en place de tels dispositifs, un premier ensemble de mesures de valorisation de la performance pédagogique pourrait être adopté au bénéfice d’un public d’enseignants ciblé – dont chacun peut s’accorder à reconnaître leur mérite au regard de l’environnement difficile dans lequel ils exercent leur métier.

Un tel système d’avantages existe d’ores et déjà pour les enseignants relevant de l’éducation prioritaire (13) : une indemnité de sujétions spéciales « ZEP » (dont le montant annuel est de 1 146,36 euros) (14) et des bonifications pour l’accès à certains corps ou grades leur sont ainsi attribuées. Par ailleurs, leur mutation est facilitée au bout de quelques années. Le dispositif de l’affectation à caractère prioritaire, qui a remplacé en 2005 l’ancien dispositif des postes à exigences particulières, permet en effet aux recteurs d’offrir une contrepartie aux enseignants qui, volontaires ou pas, se retrouvent à occuper des postes difficiles : une bonification de 300 à 400 points leur est accordée à l’issue d’une période d’affectation de 5 à 8 ans, cette mesure incitative contribuant à renforcer la stabilité des équipes pédagogiques dans les établissements jugés difficiles (15).

Cependant, ces mesures bénéficient pour l’essentiel à de jeunes enseignants sortant des IUFM. En effet, selon M. Pierre-Yves Duwoye, en raison du faible nombre de points dont ils disposent au titre du barème de mutation, 45 % des enseignants reçoivent, comme première affectation, les académies de Versailles et de Créteil, soit celles qui concentrent le plus d’établissements dits difficiles, classés « ZEP » (à Créteil, 40 % des postes relèvent d’établissements considérés difficiles).

C’est pourquoi le rapporteur pour avis considère que ce système d’avantages devrait être complété par un « dispositif exceptionnel de reconnaissance », s’adressant, cette fois-ci, aux enseignants expérimentés, ayant 10 ans d’ancienneté par exemple, qui souhaiteraient travailler dans les écoles et les établissements de l’éducation prioritaire. En effet, de la part de tels enseignants, un tel souhait est, à lui seul, la preuve d’un engagement et d’un dévouement certains. Par conséquent, il serait juste que ces volontaires, qui apporteraient leur savoir-faire dans des établissements difficiles et contribueraient ainsi à retisser le lien social dans les « quartiers », aient droit à la reconnaissance de la Nation. Celle-ci pourrait se traduire par la signature d’un « contrat d’engagement dans l’éducation prioritaire » aux termes duquel ces enseignants exerceraient leur métier pendant au moins cinq ans et bénéficieraient ensuite d’un « panier » d’avantages ainsi conçu : une indemnité « ZEP » plus élevée, un accès prioritaire à la hors classe (à condition d’être bien notés) et un bonus de mobilité qui permette de satisfaire rapidement leurs souhaits de nouvelle affectation ou de mobilité professionnelle (pour un détachement, une mise à disposition ou une disponibilité).

 Alléger le service d’enseignement des personnels âgés pour utiliser au mieux leur expérience

La revalorisation du métier d’enseignant implique aussi de reconnaître, ce que ne sait pas faire, aujourd’hui, l’Éducation nationale, que le facteur « âge » est une variable déterminante de ses conditions d’exercice. D’ailleurs, l’impact de cette variable ira en croissant puisque les enseignants, comme les autres fonctionnaires, ont vu leur carrière s’allonger avec la loi « Fillon » du 21 août 2003 portant réforme des retraites qui a porté la durée de services, bonifications comprises, nécessaire pour obtenir une liquidation au taux maximum dans la fonction publique à 41 annuités (16). Or cette durée de cotisation, appliquée à des enseignants qui commencent leur carrière assez tard, devrait les conduire à faire cours devant des classes comprenant, en moyenne, de 25 à 35 élèves bien au-delà de 60 ans, une perspective qui, pour nombre d’entre eux, paraît psychologiquement, voire physiquement, irréaliste. Un syndicat entendu par le rapporteur pour avis n’a pas hésité à qualifier ce problème de « bombe à retardement pour l’Éducation nationale ».

Si l’on exclut le retour à la retraite à 55 ans – préconisé par l’un des interlocuteurs du rapporteur pour avis – comme une solution viable, les leviers d’action pour désamorcer cette « bombe à retardement » ne sont pas nombreux. La loi « Fillon » du 21 août 2003 contient, à cet égard, une disposition importante relative aux « secondes carrières ». Son article 77 prévoit en effet que « les membres des corps enseignants pourront, sur leur demande et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, occuper, en position de service détaché, des emplois correspondant à leurs qualifications, nonobstant les règles relatives au recrutement de ces emplois dans les administrations de l’État ou des collectivités locales et les établissements publics à caractère administratif ». Ainsi, au cours des années scolaires 2007-2008 et 2008-2009, les missions « carrière » au sein des rectorats ont construit un réseau d’échanges réguliers avec leurs correspondants des trois fonctions publiques pour assurer l’information des personnels sur les procédures et les disponibilités existantes pour ce type de mobilité. Cependant, malgré ces efforts, les enseignants étant en situation de concurrence avec les fonctionnaires de catégorie A candidats au détachement et avec les agents directement concernés par les opérations annuelles de mutation, les effectifs bénéficiant du dispositif de seconde carrière sont maigres. Selon le ministère de l’éducation nationale, « quelques dizaines d’enseignants issus du 2nd et du 1er degrés ont été accueillis en 2007, puis en 2008, dans les services départementaux ou régionaux des ministères chargés de l’emploi, de la jeunesse et des sports, de la culture, de la santé et du ministère de l’écologie et du développement durable. En 2009, le même constat devrait être observé » (17).

Dans ces conditions, la seule mesure susceptible de concerner des effectifs importants d’enseignants consiste à moduler les obligations de service des plus âgés d’entre eux, ce qui suppose, pour le secondaire, de refondre les décrets statutaires de 1950. Il deviendrait alors possible d’alléger le service d’enseignement des professeurs de 50 ans ou plus pour qu’ils puissent consacrer le reste de leur temps de travail à l’accomplissement d’autres tâches, valorisantes pour eux : tutorat des enseignants stagiaires, coordination d’une discipline, renforcement de l’équipe de direction d’un établissement et, comme on le verra plus loin, appui pédagogique, si besoin est, des jeunes enseignants titulaires pendant leurs premières années. M. Rémi Boyer, le président de l’association Aide aux profs, spécialisée dans l’appui aux enseignants cherchant à se reconvertir, qui a été entendu par le rapporteur pour avis, propose, dans cette perspective, d’établir une grille de service qui varie en fonction de l’âge des enseignants et de la nature de l’établissement dans lequel ils sont affectés. Par exemple, les enseignants âgés de 51 à 60 ans n’enseigneraient plus que 15 heures au collège (12 heures au lycée), contre 18 heures actuellement pour les certifiés, et ceux âgés de plus de 60 ans enseigneraient seulement 12 heures en collège (9 heures en lycée) (18). Un système comparable pourrait être mis en place dans le primaire : un syndicat entendu par le rapporteur pour avis évoque la possibilité pour des enseignants qui, en raison de leur âge, n’ont plus le « tempo nécessaire » pour réagir aux humeurs d’une classe composée de très jeunes enfants, de bénéficier d’un mi-temps ou d’un temps réduit d’enseignement, couplé à un service de « formateur » des enseignants débutants. Toutes ces pistes méritent d’être explorées rapidement, en les intégrant aux négociations concernant les mesures de revalorisation.

3. Une revalorisation morale fondée sur l’accompagnement des enseignants

La revalorisation du métier d’enseignant doit comporter deux volets d’égale importance : le volet indiciaire et indemnitaire, d’une part, et le volet moral, cette dernière dimension étant essentielle aux yeux du rapporteur pour avis. En effet, tout doit être mis en œuvre pour que le jeune enseignant, qui est plus « fragile » que ses collègues expérimentés, se sente épaulé. De ce point de vue, l’Éducation nationale doit encore faire de grand progrès, car les pratiques actuelles conduisent ces enseignants « à se sentir en déshérence » pour reprendre les propos tenus par M. Marcel Pochard devant le rapporteur pour avis. Il convient donc d’assurer un meilleur accompagnement de ces personnels en se penchant sur deux aspects essentiels des conditions d’exercice de leur métier : les règles d’affectation d’une part, et l’appui pédagogique d’autre part.

 Faire de l’affectation un processus moins anonyme et plus régulé

Ainsi que cela a déjà été souligné, les règles actuelles d’affectation conduisent à faire assurer les vacances d’emploi dans les quartiers sensibles par des jeunes professeurs, « frais émoulus » des IUFM. C’est pourquoi, selon M. Marcel Pochard, dans les académies de Versailles et de Créteil, 60 % des postes relevant de l’éducation prioritaire sont confiés à des « néo-titulaires », c’est-à-dire à des enseignants qui accomplissent leur année de fonctionnaire stagiaire avant d’être titularisés.

Autant dire que les règles d’affectation, qui « protègent les enseignants âgés » selon les propos tenus par la sociologue Agnès van Zanten devant le rapporteur pour avis, fonctionnent actuellement comme une « machine à démobiliser » les jeunes enseignants. D’ailleurs, ces débutants, qui sont souvent nommés sur ces postes difficiles pour cinq longues années, appellent cette période le « purgatoire » et beaucoup d’entre eux n’hésitent pas à déclarer, à l’occasion des entretiens menés par cette sociologue : « Dans cinq ans, je deviendrai vraiment enseignant »…

Aussi le système d’affectation marche-t-il sur la tête, puisque là où le besoin d’expérience, de savoir-faire et d’autorité est le plus fort, on affecte les enseignants les moins « armés ». Il résulte de cette politique d’affectation que les réseaux de l’éducation prioritaire n’ont « de prioritaire que le nom » pour reprendre le jugement formulé par M. Marcel Pochard devant le rapporteur pour avis.

Une telle carence dans la gestion des ressources humaines n’est pas acceptable, car elle peut receler des abîmes de souffrance et de démotivation, dans lesquels pourront tomber, pour plusieurs années, de bons pédagogues, qui ont choisi la carrière d’enseignant par vocation. Plusieurs mesures permettraient d’y mettre fin :

– La politique de gestion qualitative des postes, qui permet d’affecter tel enseignant en fonction des besoins spécifiques de tel établissement, doit être amplifiée. En principe, depuis 2005, les règles des mouvements intra-académiques ne font plus référence à un barème fixé nationalement et relèvent directement des recteurs eux-mêmes. Cette souplesse permet donc de prévoir, au bénéfice des collèges et des lycées, des affectations en dehors du barème sur des « postes à profil », requérant une bonne adéquation entre leurs exigences et les capacités des candidats. À cet égard, les chefs d’établissement interviennent dans ce processus, en formulant un avis sur les candidatures qui leur sont transmises via le rectorat. Cependant, selon M. Marcel Pochard, ce processus de création de postes spécifiques « requiert, de la part du chef d’établissement, une énergie peu commune et ce qu’il a obtenu est perdu au bout de deux ou trois ans ». Ainsi, à peine plus de 2 110 postes spécifiques ont été définis et offerts au mouvement au sein des académies en 2009.

– On peut estimer, selon M. Marcel Pochard, qu’il existe des jeunes enseignants motivés souhaitant exercer leur métier en « ZEP » en nombre suffisant pour pourvoir tous les postes vacants dans les établissements concernés, seulement « le système ne permet pas de les repérer ». Il faut faire en sorte que ce soit le cas, puis, proposer à ces jeunes volontaires un « contrat d’affectation » qui indique très précisément dans quel type de classe ils seront affectés et à quelles conditions. Il doit être clair que ce contrat n’aura ni pour objet ni pour effet de transformer les enseignants signataires en contractuels, car ceux-ci resteront toujours des fonctionnaires de l’État. En revanche, sur le plan des bonnes pratiques de gestion des ressources humaines, on peut estimer que l’enseignant débutant qui est volontaire pour travailler en « ZEP » pendant plusieurs années sera plutôt rassuré de constater que son administration, en signant un tel contrat, accordera à cet engagement l’attention que celui-ci mérite et précisera ainsi, dans un document, ses devoirs (en rappelant par exemple les bonifications auxquels il aura droit) à son égard au lieu de considérer que l’opération d’affectation se réduit à déplacer, de manière impersonnelle, des pièces sur un échiquier.

– Enfin, il convient de réfléchir à de nouvelles règles nationales d’affectation des néo-titulaires. Un premier cap a été franchi à l’occasion du mouvement pour l’année 2009 dont l’un des objectifs, selon le ministère de l’éducation nationale, est « d’examiner avec attention la première affectation, afin d’éviter les postes les plus difficiles, notamment les postes en établissement relevant d’un réseau ambition réussite, sauf volontariat des enseignants concernés ». Mais, aussi cordiale soit-elle, « l’attention » peut s’avérer insuffisante. Peut-être faut-il aller plus loin, comme le propose le Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant, en exigeant que, chaque année, soit déterminé le nombre de postes dans lesquels des néo-titulaires peuvent être affectés, dans des écoles ou des établissements où l’enseignant débutant « sera dans une situation convenable de premier exercice », ou que soit fixé un taux maximum de néo-entrants pour une école ou un établissement. On observera que le système proposé s’apparente à une sorte de numerus clausus et qu’il ne peut fonctionner que si d’autres dispositifs incitent des enseignants volontaires à venir en nombre suffisant dans les écoles et établissements « difficiles ».

 Organiser un appui pédagogique au bénéfice des jeunes enseignants

Aux yeux du rapporteur pour avis, la clef de la revalorisation morale se trouve dans les dispositifs d’accompagnement pédagogique qui doivent être mis en place pour rompre l’isolement de l’enseignant face aux classes « difficiles ». « Ne pas laisser seul l’enseignant face à la difficulté », un impératif qui est doublé d’un autre : « Faire de l’enseignant non plus un exécutant des programmes, mais un concepteur de pédagogie » pour reprendre certains souhaits formulés par un syndicat qui a été auditionné.

Bien que le temps de formation initiale prévu par la réforme de la mastérisation (stages d’observation et de pratique d’une durée de 108 heures en M1, puis stages en responsabilité d’une même durée en M2 ; formation continue renforcée, sous forme de tutorat et de formation universitaire à visée disciplinaire ou professionnelle, équivalente à un tiers de temps de l’obligation de service, au cours de l’année de stage) soit très important, il ne pourra pas, selon certaines analyses entendues par le rapporteur pour avis, relever, à lui seul, le défi majeur que constitue la mise en place, en cas de besoin avéré, d’un accompagnement pédagogique des jeunes enseignants qui ne sont plus stagiaires mais titulaires.

Certains jeunes enseignants titulaires ressentent en effet, pendant leurs premières années de métier, un besoin d’accompagnement pédagogique qui résulte de trois facteurs. En premier lieu, pour Mme Agnès van Zanten, cette demande d’accompagnement est liée aux craintes qu’expriment les jeunes enseignants à l’égard de la « faiblesse » de leur formation professionnelle initiale. D’après cette sociologue, ces craintes résultent du « relatif échec » des IUFM, qui dispensent une faible formation dans les sciences humaines (psychologie et sociologie) alors même qu’elle pourrait aider les enseignants à apprendre à gérer les classes « difficiles ». À cette première carence s’ajoute celle de la formation continue, qui est peu conçue comme une « véritable » formation professionnelle à visée de perfectionnement pédagogique, mais est utilisée, par les enseignants, « pour se faire plaisir » ou, par le ministère de l’éducation nationale, pour « décliner ses réformes ». Enfin, le dernier facteur de faiblesse réside dans le « très mauvais encadrement » des enseignants, au sens où celui-ci ne dispose par des moyens nécessaires pour mettre en place un « collectif » pédagogique où les enseignants se formeraient les uns les autres. Les directeurs d’école du 1er degré, qui n’ont pas de statut, et les chefs d’établissement du 2nd degré, qui doivent « faire avec » la liberté pédagogique revendiquée par les professeurs, n’exercent qu’un faible leadership pédagogique sur les équipes enseignantes, pourtant indispensable à la coordination, et par conséquent, à l’efficacité des pratiques d’enseignement et de soutien scolaire. Ce constat est corroboré par M. Marcel Pochard : « il n’y a rien », aucun « corps intermédiaire », « entre l’enseignant, seul maître à bord, et sa classe », ce qui rend très difficile l’émergence de dynamiques collectives propices à une prise en charge efficace de la difficulté scolaire.

Or « faire face » à la difficulté scolaire, cela ne s’improvise pas. Ainsi, alors que dans de nombreux pays, selon Mme Agnès van Zanten, les enseignants auront appris, au cours de leur formation initiale, des techniques d’individualisation, en France, on recourt aux classes de niveaux, qui « concentrent » les élèves difficiles et rendent la tâche des enseignants encore plus délicate. Cette spécificité française explique pourquoi, dans notre pays, contrairement aux systèmes éducatifs qui obtiennent les meilleurs résultats, le travail en petits groupes et l’entraide entre les élèves, ne sont pas systématiquement utilisés – sauf peut-être dans les écoles primaires rurales.

Ultime paradoxe : le système éducatif forme peu à l’individualisation des pratiques pédagogiques dans la classe alors même que les réformes engagées depuis deux ans tendent à diffuser ces mêmes méthodes. Que sont en effet l’aide personnalisée de deux heures prévue dans le primaire et l’accompagnement éducatif après les heures de cours dans les collèges si ce n’est de la pédagogie différenciée – organisée cependant en dehors des heures « normales » de classe ? On peut d’ailleurs parier que la demande des familles concernant ce type de soutien augmentera jusqu’à ce qu’il soit nécessaire d’intégrer, en partie du moins, ces dispositifs d’aide dans les heures de classes de « droit commun ».

Pour répondre à ces exigences, les enseignants devraient être, pendant leurs premières années de titulaires, « épaulés » sur le plan de la pédagogie. Il conviendrait d’organiser à cet effet un appui pédagogique des jeunes professeurs qui souhaiteraient en bénéficier, en leur permettant de recourir aux conseils de professionnels expérimentés, qui pourraient intervenir en classe : inspecteurs de l’éducation nationale et inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux, dont les missions devront être redéfinies d’une part, et enseignants ayant une certaine ancienneté, d’autre part, dont le service d’enseignement devrait être, comme on l’a déjà vu, réduit pour consacrer du temps à l’accompagnement de leurs jeunes collègues.

Parallèlement à la mise en place de telles « équipes d’intervention pédagogique », des modules de formation à la « tenue de classe » devraient être proposés à tous les enseignants néo-titulaires lors de leur année de stage – sur le modèle de ce qui est d’ores et déjà proposé par le rectorat de l’académie de Créteil.

Enfin, la formation professionnelle continue des enseignants à la pratique pédagogique devrait être encouragée. Aussi le « perfectionnement pédagogique » pourrait-il devenir le cœur d’une politique ambitieuse de relance de la formation continue des enseignants – laquelle est d’ailleurs devenue un objectif européen aux termes des conclusions du Conseil des ministres de l’Union européenne adoptées sous Présidence française. Celles-ci invitent en effet les États membres à cibler leur coopération pour « améliorer l’offre et la qualité des programmes de développement professionnel continu des enseignants, ainsi que leur niveau de participation à ces programmes » (19). Ce recentrage pourrait donc être accompagné de l’adoption de dispositifs de valorisation (par le versement de primes ou l’octroi de points pour l’avancement) des enseignants participant aux programmes de formation continue, une politique déjà mise en œuvre par certains pays européens. Comme le note la Commission européenne, « en Espagne, au Luxembourg, en Pologne, au Portugal, en Slovénie et en Slovaquie, bien que la formation professionnelle continue soit facultative, elle entre clairement en ligne de compte dans l’évolution de la carrière et les augmentations salariales. En Espagne et au Luxembourg, les enseignants qui suivent un certain volume de formation peuvent prétendre à une prime salariale. Dans les quatre autres pays [Pologne, Portugal, Slovénie et Slovaquie], la participation à des programmes de formation continue donne lieu à des crédits qui sont pris en compte dans la promotion » (20).

4. Une circulation des compétences systématiquement encouragée

Le dernier aspect de la revalorisation traité dans le cadre du présent rapport pour avis, mais qui n’est pas moins aussi essentiel que les autres, concerne la multiplication des possibilités de mobilité ou de passerelles – internes à l’Éducation nationale ou « hors champ ». Ainsi que l’a souligné le Président de la République dans sa Lettre aux éducateurs du 4 septembre 2007, « le carcan des statuts doit s’ouvrir pour permettre que circulent les hommes, les idées, les compétences ».

Les effectifs enseignants en mobilité (non géographique bien entendu) sont aujourd’hui peu nombreux. Quelques dizaines, comme on l’a vu, s’agissant des dispositifs de « seconde carrière » mis en œuvre sur le fondement de l’article 77 de la loi « Fillon » du 20 août 2003 portant réforme des retraites. En ce qui concerne les détachements sur les fonctions non enseignantes, pour l’année 2008-2009, les effectifs sont de 1 719 dans le 1er degré et 3 201 pour le 2nd degré (4 305 et 6 245 respectivement pour les fonctions enseignantes : établissements relevant de l’agriculture et de la défense ou du réseau de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger) (21). Par ailleurs, chaque année, environ un millier d’enseignants intègrent les corps d’inspection et le corps des personnels de direction du 2nd degré. Enfin, dernier chiffre significatif, le ministère de l’Éducation nationale est celui qui connaît le taux de mobilité interministérielle le plus faible, soit 0,1 % en 2007 (22).

Ainsi que l’a fait observer au rapporteur pour avis le secrétaire général du ministère de l’éducation nationale, M. Pierre-Yves Duwoye, les flux potentiels de mobilité sont nécessairement limités en raison du nombre d’enseignants et de la capacité d’accueil réduite des autres administrations – centrales et locales. Cet obstacle ne doit pas pour autant empêcher l’Éducation nationale d’organiser, au mieux, la « prospection » des postes de mobilité et le « placement » de ses fonctionnaires, deux démarches devant faire partie intégrante d’une politique de gestion des ressources humaines qui doit être étoffée. Dans cette perspective, l’établissement de bilans de compétences et le recours au droit individuel à la formation (DIF) prévu la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, qui représente vingt heures, soit deux jours et demi, de formation par an, doivent être encouragés. Par ailleurs, les dispositions la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique – accessibilité de tous les corps et cadres d’emplois civils par la voie du détachement, possibilité d’un recrutement par intégration directe des fonctionnaires remplissant les conditions pour être détachés, institution d’un droit à la mobilité au bénéfice de tout fonctionnaire, l’administration ne pouvant refuser le détachement, la mise à disposition ou la mobilité que sous réserve des nécessités de service, un préavis pouvant être exigé –, doivent être systématiquement exploitées.

Cette politique générale d’encouragement à la mobilité devrait être complétée par deux autres mesures.

– En ce qui concerne la mobilité interne à l’Éducation nationale, les possibilités d’accès au corps des personnels de direction du secondaire doivent être renforcées.

Si l’on ne tient pas compte des recrutements par concours et par détachement (ce dernier étant ouvert aux personnels appartenant à un corps d’inspection, d’enseignement, d’éducation ou d’orientation, sous réserve d’une ancienneté de dix ans de service), nécessairement limités, la voie d’entrée la plus souple est le recrutement par liste d’aptitude, mais celui-ci est plafonné au 15ème des nominations dans le corps prononcées l’année précédente et bénéficie aux personnels occupant ou ayant occupé des fonctions de direction d’une structure de l’enseignement spécialisé ou de directeur d’école primaire, justifiant de cinq années d’exercice dans ces fonctions, ainsi qu’aux personnels d’éducation, d’orientation ou d’enseignement ayant occupé, en tant que « faisant fonction » (intérimaire), un emploi de personnel de direction pendant au moins vingt mois.

Pour « libéraliser » la procédure de recrutement, en la liant à la valorisation des enseignants expérimentés, le président de l’association Aide aux profs, M. Rémi Boyer propose que les enseignants âgés de 45 à 50 ans bénéficient d’un service d’enseignement réduit, en contrepartie duquel ils viendraient renforcer, grâce à leurs compétences, l’équipe de direction des établissements scolaires. Ils seconderaient ainsi, pendant deux ans, sur la base d’une lettre de mission, les proviseurs de lycées et les principaux de collèges. Si cette expérience réussit, l’enseignant pourrait demander à « faire fonction » sur un poste de chef d’établissement, sans passer le concours, tout en recevant une formation à l’École supérieure de l’éducation nationale. Après deux années en tant que faisant fonction et avoir subi une inspection réussie, ces personnels deviendraient chefs d’établissement, sans passer le concours.

Une mesure alternative consisterait à faciliter l’entrée de ces mêmes enseignants expérimentés, ayant secondé également pendant deux ans une équipe de direction, dans le corps des personnels de direction par liste d’aptitude, en augmentant le plafond qui limite actuellement ce type de recrutement. Outre qu’elle offrirait des voies de promotion nouvelles aux enseignants, une telle mesure permettrait de remédier aux difficultés de gestion que peuvent connaître les collèges et les lycées, lesquels sont, pour reprendre les termes d’un syndicat, « notoirement sous-administrés ».

– En ce qui concerne la mobilité externe, les enseignants qui souhaitent se lancer dans l’aventure de la création d’entreprise, tout en conservant leur emploi, devraient être encouragés à le faire.

Selon M. Rémi Boyer, le président de l’association Aide aux profs, le statut d’auto-entrepreneur, prévu par la loi de modernisation de l’économie n° 2008-776 du 4 août 2008 et applicable depuis le 1er janvier 2009, peut constituer, pour l’enseignant, un outil à la fois efficace et très pédagogique, puisque c’est, pour lui, l’occasion, sans prendre trop de risques, de connaître l’expérience du privé.

Cependant, cette possibilité de mobilité est limitée dans le temps : la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique précise que, pour un agent public, le cumul d’activités pour la création, la reprise ou la poursuite d’activité au sein d’une entreprise n’est ouvert, après déclaration à l’autorité dont il relève et examen de celle-ci par la commission de déontologie, que pour une période d’une année, renouvelable une fois (23). Autrement dit, au bout de deux ans, l’enseignant doit arrêter son activité ou démissionner.

Faut-il, par conséquent, comme le suggère M. Rémi Boyer, supprimer toute limitation dans le temps du cumul d’activités, en faisant valoir qu’elle permettrait de compenser, en partie, les pertes que subira une génération d’enseignant en termes de niveau de retraite ? Cette mesure étant quelque peu révolutionnaire, il convient, dans un premier temps, de multiplier par deux la durée du cumul d’activités autorisé, afin de donner aux enseignants tentés d’affronter la réalité économique le temps nécessaire pour prendre une décision définitive concernant leur avenir professionnel.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE

La commission des affaires culturelles et de l’éducation entend, en commission élargie à l’ensemble des députés, M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, sur les crédits 2010 de la mission « Enseignement scolaire », au cours de la séance du mardi 27 octobre 2009.

M. Didier Migaud, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission des affaires culturelles, et moi-même sommes heureux d’accueillir M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Cette première réunion de commission élargie sur la seconde partie du projet de loi de finances pour 2010 est consacrée à l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Je vous rappelle que cette procédure est destinée à privilégier les échanges. Il s’agit par conséquent de donner toute leur place non pas aux exposés mais aux questions des députés et aux réponses des ministres.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Monsieur le ministre, le 6 octobre dernier, devant la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, vous avez fait le point sur l’état d’avancement de divers chantiers lancés par vos prédécesseurs et sur trois nouveaux dossiers : la réforme du lycée, la revalorisation du métier d’enseignant, la réforme de l’orientation.

Nous nous retrouvons aujourd’hui dans un cadre budgétaire. Dans le projet de loi de finances pour 2010, la mission « Enseignement scolaire » est une nouvelle fois la plus importante du budget de l’État en termes de moyens financiers. C’est un budget de réforme, qui traduit la volonté de poursuivre les efforts en faveur de politiques à laquelle nous sommes tous très attachés, en particulier l’accueil des enfants handicapés et l’accompagnement éducatif dans les écoles et les collèges.

Le 6 octobre, vous avez déclaré : « Après le temps de l’école pour tous, vient le défi de la réussite de chaque élève. » Nous relevons tous ce défi.

M. Yves Censi, rapporteur spécial. Les moyens de la mission « Enseignement scolaire » s’élèveront en 2010 à 60,85 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une progression de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009, une progression forte compte tenu du taux d’inflation.

Le projet de loi de finances prévoit la suppression de 18 202 emplois de stagiaires enseignants et conseillers principaux d’éducation, en lien avec la mastérisation, ainsi que de 600 emplois administratifs. Par ailleurs, 2 802 emplois d’enseignants seront créés à la rentrée 2010. Le solde de ces mesures s’établit à moins 16 000 emplois.

M. Patrick Roy. Rien que ça !

M. Yves Censi, rapporteur spécial. Le nombre de départs à la retraite d’enseignants est évalué à 33 054, dont 27 140 dans l’enseignement public. Compte tenu des 15 400 suppressions nettes d’emplois d’enseignants prévues, le taux de remplacement sera de 53,4 %. L’effort de maîtrise de la dépense publique est donc bien poursuivi.

La réforme de la formation des enseignants permettra de lisser, sinon de neutraliser les effets des suppressions d’emplois de 2010. Mais le ministère réfléchit-il à la manière dont il gérera la baisse du nombre d’emplois publics en 2011 et 2012 ?

Le Président de la République avait décidé que la réduction du plafond d’emplois aurait pour contrepartie la revalorisation de la rémunération des fonctionnaires. Le ministère de l’éducation nationale a même annoncé que la fraction des économies réalisées consacrée à l’effort en faveur de la rémunération des enseignants ne serait pas de 50 %, comme pour les autres agents de l’État, mais de 60 %. Au-delà des mesures favorables au pouvoir d’achat des enseignants déjà prises depuis deux ans, où en est ce chantier ?

La réforme du lycée mettant en application les préconisations du rapport Descoings interviendra à partir de la rentrée 2010. Quelles seront ses principales conséquences budgétaires ?

L’un des objectifs de la réforme du lycée est de ne plus laisser les lycéens s’enfoncer dans une situation d’échec, ce qui suppose de rendre possibles les changements de filière. Mais les problèmes d’orientation apparaissent parfois en amont. Ne conviendrait-il donc pas de transposer ce principe excellent au collège ? Pour lutter plus efficacement, par exemple, contre l’illettrisme, qui concerne un pourcentage de jeunes croissant à l’école et au collège, l’accompagnement personnalisé s’impose mais, malgré ses qualités, il n’est plus adapté. Qu’en pensez-vous ?

Les situations d’échec peuvent cacher des troubles du langage et de l’apprentissage non détectés. Pour y remédier, ne serait-il pas utile d’envisager l’intervention de réseaux de compétences, composés notamment de médecins et d’orthophonistes ?

La loi du 5 janvier 2005 a partiellement solutionné le problème de statut des enseignants travaillant dans un établissement sous contrat d’association en les faisant tous relever des tribunaux administratifs. Mais il reste à régler la question des délégations syndicales et je crois qu’un accord a été conclu avec les organisations syndicales. N’est-il pas temps de le mettre en application ?

M. Dominique Le Mèner, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. J’ai souhaité me pencher, dans mon avis budgétaire, sur la revalorisation du métier d’enseignant.

Une commission d’experts, présidée par Marcel Pochard, ayant présenté l’année dernière un Livre vert sur la condition enseignante, j’ai pensé que le Parlement devait aussi s’intéresser à cette question cruciale, surtout si elle est présentée comme la contrepartie du non-renouvellement des postes.

Dans sa lettre aux éducateurs du 4 septembre 2007, le Président de la République écrivait : « La nation vous doit une reconnaissance plus grande, de meilleures perspectives de carrière, un meilleur niveau de vie, de meilleures conditions de travail. »

Le 6 octobre dernier, monsieur le ministre, vous avez vous-même indiqué avoir lancé, devant le comité technique paritaire ministériel, un « nouveau pacte de carrière, comportant un volet consacré à la revalorisation et un volet consacré à l’accompagnement des personnels tout au long de leur carrière ».

Comme vous, je suis persuadé que l’éducation nationale doit assurer la promotion, dans tous les sens du terme, de ses personnels enseignants, car ils sont, au quotidien, les premiers agents publics de l’égalité des chances.

Beaucoup de mesures de revalorisation financière ont été engagées depuis 2007 – prime d’entrée dans la carrière, prêt à taux zéro pour l’achat d’une résidence principale, augmentation des taux de promotion pour les avancements de grade, revalorisation de la rémunération de certains travaux supplémentaires –, pour un montant total de plusieurs centaines de millions d’euros, mais il faut aller plus loin.

D’après une enquête du ministère parue en octobre 2009, 93 % des enseignants de collèges et de lycées publics pensent que le « malaise enseignant » existe vraiment, 72 % d’entre eux se sentant personnellement concernés, un taux en hausse de 14 points par rapport à l’enquête de 2005.

Cette même enquête fait apparaître que 41 % des enseignants en collège ou lycée public souhaitent quitter définitivement l’enseignement secondaire.

Par ailleurs, l’élévation du niveau de recrutement entraînée par la mastérisation impose de revaloriser les débuts de carrière, d’autant que les enseignants débutants sont moins rémunérés en France que dans les autres pays membres de l’Union européenne et de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques.

Le 6 octobre dernier, vous aviez répondu à ma question relative au coup de pouce indemnitaire à donner aux enseignants en début de carrière. Aujourd’hui, j’aimerais connaître votre sentiment sur les thèmes suivants.

Que pensez-vous de l’institution de vrais « rendez-vous de carrière », par exemple à quarante ou quarante-cinq ans puis à cinquante-cinq ans, afin d’examiner la situation des enseignants et de relancer leur parcours professionnel, ou bien en les promouvant, à condition que cet avancement soit fondé sur le mérite, ou bien en facilitant leur mobilité ?

Une autre piste suppose une réforme du système de notation. Pourquoi ne pas prévoir une prime à la performance pédagogique réelle de l’enseignant devant les élèves ? Je note que, dans quinze pays membres de l’OCDE, les enseignants peuvent prétendre à un avantage financier au titre de performances remarquables.

En ce qui concerne la revalorisation morale des enseignants, 60 % des postes de l’éducation prioritaire étant attribués à des néo-titulaires – c’est-à-dire à des enseignants moins expérimentés –, ne conviendrait-il pas chaque année de déterminer le nombre de postes dans lesquels des enseignants stagiaires peuvent être affectés ?

Ne pourrait-on pas organiser des « équipes d’intervention pédagogique », constituées d’enseignants expérimentés et d’inspecteurs, pour épauler les équipes enseignant dans les établissements difficiles ?

Dans le même esprit, il faudrait proposer à tous les enseignants néo-titulaires, pendant leur année de stage, des modules de formation à la tenue de classe, sur le modèle de ce qui se pratique dans l’académie de Créteil.

Ne faut-il pas envisager de réduire le service d’enseignement des enseignants âgés de plus de cinquante ou cinquante-cinq ans ? Cela suppose de revoir, pour le secondaire, les décrets statutaires de 1950. En contrepartie, ces enseignants exerceraient des missions de conseil pédagogique ou viendraient épauler les équipes des proviseurs et des principaux de nos établissements scolaires, notoirement sous-administrés.

Enfin, quand un enseignant expérimenté aura secondé avec succès, pendant deux ans, un chef d’établissement, pourquoi ne pas l’autoriser à devenir proviseur de lycée ou principal de collège, sans passer le concours, mais après avoir subi une formation à l’École supérieure de l’éducation nationale ?

En 2008, le film Entre les murs avait valu la Palme d’or du Festival de Cannes à Laurent Cantet, qui y contait la gageure d’enseigner dans certains quartiers difficiles. Il est du rôle de l’État et de notre devoir à tous de faire en sorte que les jeunes des nouvelles générations puissent encore rêver de devenir enseignants.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. En consacrant le budget le plus élevé à la mission « Enseignement scolaire », l’État fait de l’éducation nationale une de ses priorités. Avec 59,6 milliards d’euros hors enseignement technique agricole, les moyens de la mission progressent de 1,6 % à périmètre constant, alors que le budget de l’État augmente globalement de 1,2 %.

Le budget de 2010 traduit la volonté de poursuivre les réformes en profondeur du système éducatif que vous avez évoquées : la réforme de l’école primaire, avec le socle commun de connaissances et de compétences ainsi que le nouveau système d’évaluation ; l’accompagnement éducatif des collégiens et plus généralement de tous les élèves rencontrant des difficultés, de l’école primaire au lycée ; la lutte contre les inégalités à l’école, avec notamment des mesures relatives au handicap.

Ce budget respecte le cadre pluriannuel en reprenant l’engagement du Président de la République de ne pas renouveler un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Nous vous proposerons donc un solde de non-renouvellement de 16 000 fonctionnaires de l’éducation nationale, compte tenu de la suppression de 18 202 emplois de stagiaires, en lien avec la mastérisation, et de 600 emplois administratifs, mais aussi de la création de 2 658 emplois dans le premier degré et de 144 emplois dans les établissements du second degré des zones défavorisées. Ce souci d’ajuster nos moyens à la réalité du terrain et à la démographie s’est traduit par l’ouverture de 500 classes nouvelles à la rentrée 2009. L’offre éducative n’est donc pas entachée et le taux d’encadrement des élèves est maintenu.

Monsieur Censi, il est évidemment trop tôt pour entrer dans le détail de ce que sera le projet de loi de finances pour 2011, mais je n’ai pas entendu le Président de la République et le Premier ministre indiquer qu’il fallait abandonner le principe du non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

M. Patrick Roy. Hélas !

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. Or l’éducation nationale emploie 50 % des effectifs de la fonction publique. Nous avons déjà eu l’occasion d’indiquer que la réforme des lycées, dont l’objet n’est pas de réaliser des économies, sera menée à taux d’encadrement constant. Nous travaillerons avec les commissions et leurs rapporteurs pour préparer sereinement la rentrée 2010 et le projet de loi de finances pour 2011.

Le Président de la République avait effectivement indiqué qu’une partie des économies réalisées grâce au non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux devrait servir à revaloriser la condition des fonctionnaires. J’ai la conviction que, pour les enseignants, nous devons aller plus loin et mettre en place une véritable politique des ressources humaines de l’éducation nationale, une politique beaucoup plus ambitieuse et audacieuse. Nos enseignants se retrouvent trop isolés face à leurs missions. Ils ne sont pas suffisamment accompagnés tout au long de leur carrière, qu’il s’agisse de la formation, des perspectives d’évolution mais également de la rémunération. Je rappelle qu’un jeune enseignant certifié néo-titulaire gagne 1 400 euros nets par mois, montant inférieur à celui constaté en moyenne dans les autres pays développés.

Le ministère vient de recruter une nouvelle directrice générale des ressources humaines, qui vient de la RATP. Je lui ai assigné pour priorité de mettre sur pied des dispositifs d’accompagnement tout au long de la vie, comme elle l’avait fait dans ses fonctions précédentes.

La revalorisation doit porter sur plusieurs volets.

Premièrement, comme je l’ai indiqué lors du comité technique paritaire ministériel de début octobre, la revalorisation en début de carrière ne saurait être inférieure à une centaine d’euros nets par mois, soit pratiquement l’équivalent d’un treizième mois sur l’ensemble de l’année. En période de crise, quelle entreprise adresse un tel message à ses salariés ?

Deuxièmement, pour ne pas créer de décalage avec les néo-titulaires, il importe d’adapter la rémunération des professeurs certifiés en début de carrière déjà en fonctions. Nous procéderons donc à un rattrapage équitable pour les premiers échelons.

Troisièmement, de nouvelles missions seront proposées aux enseignants, sur la base du volontariat, et feront l’objet de rémunérations complémentaires. Nous souhaitons par exemple que des enseignants interviennent comme tuteurs, tout au long de l’année, auprès d’un groupe d’élèves, ou encore accompagnent les élèves n’ayant pas trouvé leur voie et désireux de changer d’orientation ou de série, afin de les remettre à niveau. Ceux qui assumeront ces tâches percevront une rémunération spécifique.

Quatrièmement, un nouveau grade sera accessible aux enseignants dont l’engagement aura été particulièrement important.

Nous proposons donc une revalorisation globale, qui représente le montant significatif de plus de 190 millions d’euros.

Vous avez raison, monsieur Censi : c’est le système éducatif tout entier qui doit progressivement être revu. Mon prédécesseur, Xavier Darcos, avait déjà mis en place une réforme de l’école primaire fondée sur des programmes simplifiés, le socle commun des connaissances, un système d’évaluation et une aide personnalisée. Nous avons poursuivi ce travail en mettant en œuvre à la rentrée 2009 une réforme du lycée professionnel. Afin de mener davantage de jeunes jusqu’au « bac pro » – jusqu’à présent, un élève sur deux ayant choisi la voie professionnelle n’allait pas plus loin que le BEP –, et donc d’élever le niveau moyen de connaissances, nous avons ramené à trois ans la durée du cursus. Nous avons également simplifié l’organisation de l’enseignement et rendu possibles des passerelles entre les spécialisations et entre les filières. Ainsi, un élève ayant entamé des études en filière professionnelle pourra les poursuivre en filière technologique. Enfin, nous avons institué deux heures et demie par semaine d’accompagnement personnalisé de façon à lutter contre le « décrochage » scolaire et à apporter une réponse aux élèves en situation d’échec.

Après l’école primaire et l’enseignement professionnel, et alors que nous venons de présenter la réforme du lycée, il est temps d’engager un débat sur le collège. Si le collège unique a été le moyen de massifier le système éducatif, nous devons faire en sorte qu’il prépare mieux l’entrée au lycée. Rappelons que 120 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans rien, dont 50 000 au niveau du lycée. Cela signifie que 70 000 élèves sortent du système avant même la première orientation. Ils doivent constituer notre priorité.

D’autres mesures de lutte contre l’échec scolaire ont été mises en place par le Gouvernement. Je pense aux propositions faites par Martin Hirsch dans le cadre du Livre vert, qui ont conduit à la mise en place de plateformes de lutte contre le décrochage. J’ai la conviction que la réforme en profondeur de notre système d’orientation constitue une réponse à ce phénomène. L’élève ne doit pas subir l’orientation ; il ne doit pas la vivre comme un couperet, comme un engagement irréversible dans une voie déterminée. Si au contraire il se spécialise progressivement, s’il a le droit à l’erreur – et donc la possibilité de changer de série –, si nous parvenons à dédramatiser son parcours, il trouvera plus facilement sa voie, sera davantage épanoui, accompli, et plus intéressé par ses études.

Une de nos priorités est de détecter le plus possible en amont les situations d’échec scolaire. L’aide personnalisée est une première réponse : un million d’élèves ont ainsi bénéficié l’année dernière de ces deux heures hebdomadaires. C’est notamment un moyen d’éviter le décrochage en matière de lecture ou d’écriture. Jusqu’à présent, 15 % des élèves arrivaient en sixième sans maîtriser correctement ces deux savoirs, ce qui représente un handicap majeur pour la suite de leur parcours. Les études que nous avons réalisées le montrent, ce sont d’abord ces élèves-là qui sortent du système éducatif sans diplôme. Pour les élèves dont les difficultés sont plus profondes, des réponses spécifiques, comme les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED –, sont prévues.

Vous avez raison d’insister également sur la santé au sein du système scolaire. Le corps de santé de l’éducation nationale compte un peu plus de mille agents de catégorie A. Il existe des emplois de médecins, de conseillers techniques, d’infirmières, qui bénéficient de 300 postes supplémentaires. Mais le sujet est compliqué : en raison de la situation des professions de santé au niveau national, l’éducation nationale a du mal à recruter du personnel dans ce domaine. J’ai donc demandé à mes services d’élaborer des mesures plus incitatives afin de répondre aux besoins.

J’ai répondu à la question de Dominique Le Mèner sur la revalorisation de la profession d’enseignant, laquelle comprend deux volets, celui des ressources humaines et celui de la rémunération. Je souhaite maintenant revenir sur les propositions audacieuses qu’il vient de formuler.

En ce qui concerne la performance, il ne doit pas y avoir de tabou, y compris dans l’éducation nationale. Nous devons donc réfléchir – et je l’ai proposé aux syndicats dans le cadre du nouveau pacte de carrière – à un système d’évaluation tout au long de la vie, susceptible non seulement d’accompagner les enseignants dans leur métier, mais aussi de permettre des reconversions, de nouvelles carrières. Je suis sensible aux propositions du rapporteur pour avis à ce sujet. La possibilité pour les enseignants d’occuper des fonctions d’encadrement dans le cadre d’une deuxième carrière est à mes yeux une piste intéressante, sachant que des voies existent aujourd’hui pour l’accès à ces fonctions, comme celles du concours ou de la liste d’aptitude. Le détachement peut également permettre à certains enseignants ayant notamment exercé des fonctions de directeur-adjoint ou d’adjoint de personnel d’encadrement d’accéder à ces postes.

M. Yves Censi, rapporteur spécial. L’enseignement technique agricole fait partie des programmes de la mission « Enseignement scolaire », mais votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait l’habitude de dire qu’en tant que responsable de l’éducation nationale, il lui était difficile de répondre à des questions sur un sujet qui ne fait pas partie de son champ de compétence.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. Il n’avait pas tort !

M. Yves Censi, rapporteur spécial. Certes, mais cela pose un problème à la représentation nationale. Le budget de l’éducation est sous la double responsabilité du ministère de l’éducation nationale et de celui de l’agriculture. Or, en dépit des particularités de l’enseignement technique agricole, les différents domaines de l’éducation relèvent tous de la même ambition. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait mettre l’accent sur la dimension interministérielle de la mission ? J’aurais ainsi voulu interroger le Gouvernement sur la suppression de 145 postes prévue par le budget de 2010 dans l’enseignement technique agricole, mais le ministre de l’agriculture n’est pas là pour me répondre. Sans envisager une fusion de certains programmes, les assises de l’enseignement agricole ne seraient-elles pas l’occasion de lancer une véritable réflexion commune entre les deux ministères ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. Le budget de l’enseignement agricole représente 2,1 % de l’ensemble de la mission. Même si de nombreux sujets sont communs aux deux enseignements, la spécificité de l’enseignement agricole est bien connue. Plutôt que la fusion des programmes, une meilleure coordination du travail interministériel me semble constituer la meilleure réponse. Nous avons eu des échanges sur ce sujet à l’Assemblée comme au Sénat. Indiscutablement, le Parlement est le lieu qui facilite la coordination.

En tant qu’élu d’un département rural dans lequel est implanté un lycée d’enseignement agricole, je suis sensible à la spécificité de cet enseignement. Mais il ne doit pas pour autant constituer une exception lorsque certains principes propres à l’enseignement général doivent s’appliquer – je pense en particulier au non-renouvellement d’un départ en retraite sur deux.

M. André Schneider. Beaucoup de choses ayant été dites, je me contenterai d’aborder les différentes lignes de force de cet excellent projet de budget.

Je ne peux que me féliciter que le budget de l’enseignement scolaire reste le premier de la nation et nous permette de poursuivre les réformes déjà engagées, en particulier s’agissant de l’école élémentaire. Il faut donner à chaque enfant les clés de la connaissance et les repères sociétaux qui lui permettront de mieux comprendre les valeurs de notre République et de poursuivre sa scolarité dans de bonnes conditions – et c’est un ancien principal de collège qui le dit.

Dans ce but, une nouvelle organisation du temps scolaire a été mise en place, la suppression du samedi matin permettant de dégager du temps pour le soutien. Une aide complémentaire peut être proposée sous forme de stages de remise à niveau pendant les vacances : l’école de la République s’attache ainsi à réduire les inégalités sociales.

Au sujet de l’école maternelle, on a pu entendre tout et son contraire. Mais elle reste une des fiertés de notre pays et un modèle unique en Europe. Des crédits à hauteur de 4,5 milliards d’euros sont prévus pour la rénovation de cette école, avec notamment la création de cent postes d’inspecteurs de l’éducation nationale destinés à accompagner les enseignants dans leur mission éducative.

Yves Censi vous a déjà interrogé sur le collège. J’insisterai sur ce point, car le collège est un maillon très fragile de la chaîne éducative.

J’en viens aux lycées. Rappelons pour mémoire que 35 000 jeunes quittent le lycée sans le bac, et 80 000 bacheliers le système d’enseignement supérieur sans diplôme. Il était donc urgent d’intervenir. Je tiens donc à saluer votre courage, monsieur le ministre, pour avoir repris et porté cette ambitieuse mission, dont l’objectif est d’amener enfin 80 % d’une classe d’âge au niveau du bac et 50 % à un diplôme d’enseignement supérieur.

Sur l’orientation, vous vous êtes lancé dans une très grande réforme. C’est probablement sur cet aspect, ainsi que sur le collège, qu’il faut concentrer nos efforts. L’enjeu est particulièrement important.

Au nom de l’ouverture vers le monde extérieur, il est également indispensable, pour nos élèves, de parvenir à une amélioration de la maîtrise des langues vivantes. Chaque lycéen devrait être au moins bilingue, pour ne pas dire trilingue. Or un tel objectif passe nécessairement par le développement de l’enseignement de certaines disciplines fondamentales en langue étrangère.

Autre élément essentiel : l’accès à la culture. Les enfants doivent bénéficier d’un regard nouveau sur nos institutions, sur l’Europe et sur le monde. C’est une façon de leur ouvrir le chemin vers la tolérance. Comme le rappelait à juste titre le Président de la République : « La culture française est l’identité de notre pays. Nous devons faire partager ce trésor aux lycéens. »

Mais s’intéresser à l’éducation, ce n’est évidemment pas s’intéresser qu’aux enfants. Les personnels enseignants et d’éducation sont en effet le cœur du système éducatif. Ce budget prend donc en compte la réforme du recrutement au niveau du mastère et, bien sûr, la nécessaire revalorisation du noble métier de professeur. Je ne m’attarderai que sur la reconversion enseignante. Il ne faudrait pas que l’accès aux fonctions de direction constitue la seule voie de sortie pour les enseignants désireux de changer d’orientation en raison de la difficulté de leur métier.

Par ailleurs, nous ne devons pas oublier les autres partenaires du système éducatif. À cet égard, j’aimerais vous entendre évoquer le rôle tenu par les parents dans les écoles, en particulier au collège et au lycée. Ils contribuent à préparer l’avenir de notre jeunesse, et donc celui de notre pays. Or, dans l’exécution de cette partition, vous êtes, monsieur le ministre, un chef d’orchestre. Nous devons donc travailler en harmonie afin de donner un sens aux valeurs de la République, en faisant enfin de notre école un lieu ou l’égalité règne entre tous.

En dépit de ces interrogations, je tiens à vous assurer, monsieur le ministre, qu’en raison de la qualité de votre projet de budget, le groupe UMP vous soutiendra.

(M. Christian Kert remplace Mme Michèle Tabarot à la coprésidence de la commission élargie.)

Mme Martine Martinel. Je crains, monsieur le ministre, de ne pouvoir faire chorus avec l’orateur précédent.

Lorsque vous êtes venu devant notre Commission des affaires culturelles, le 6 octobre, vous avez déclaré : « Si l’augmentation des moyens suffisait à régler les problèmes auxquels doit faire face l’éducation nationale, cela se saurait. » Une telle assertion ne manque certes pas de bon sens, et nous tous, qui nous intéressons à l’école, savons bien que son sort ne se réduit pas à des comptes de boutiquier. À l’inverse, il faudrait être sot, ou plein de duplicité, pour ignorer que les moyens, à l’heure où nous examinons le budget de l’enseignement scolaire, sont la traduction de choix politiques et sociétaux fondés sur le respect de la laïcité et des principes républicains.

Lors de votre audition, vous avez insisté sur la fermeté de M. le Président de la République à tenir les engagements pris lors de sa campagne. J’avoue que nous ne sommes pas déçus, puisque 16 000 suppressions de postes sont annoncées dans le budget pour 2010, après les 13 500 postes supprimées en 2009 et les 11 200 de la rentrée 2008.

Nous avons du mal à saisir la cohérence entre les objectifs annoncés, les dispositifs et les moyens mis en œuvre. Le Président de la République s’est désolé que l’ascenseur social soit grippé. Il a déclaré que l’école savait autrefois distinguer et promouvoir les élèves méritants. Comment, monsieur le ministre, allez-vous satisfaire cette nostalgie d’une école fantasmée et lui donner chair ? Si le budget de l’éducation reste le premier, il est extrêmement faible. L’augmentation de ses crédits est à peine supérieure à 1 %. N’y a-t-il pas quelque malhonnêteté intellectuelle à valoriser ainsi le passé lorsque l’on fait des choix qui aggravent le présent et hypothèquent l’avenir, tant pour les élèves que pour tous les membres de la communauté éducative, des personnels administratifs aux enseignants – sans parler des professions de santé, infirmières, médecins, assistantes sociales, dont les auditions en commission nous ont permis de connaître les salaires misérables.

À l’occasion du vote de la loi Carle, M. Jean-Louis Debré a tenu des propos inquiétants : selon lui, la priorité donnée à l’enseignement public serait un préjudice porté à la liberté de l’enseignement. Or notre inquiétude est redoublée par la lecture du budget, qui accorde discrètement des privilèges à l’enseignement privé. Ainsi, le nombre des postes y augmente alors que celui des élèves baisse.

D’autres exemples permettent de souligner l’écart entre le dire et le faire, tant en ce qui vous concerne que s’agissant du Président de la République. Lorsqu’il a présenté la réforme du lycée, Nicolas Sarkozy a affirmé son désir de replacer la culture française au lycée – à supposer qu’elle y eût disparu –, de faire des langues vivantes une priorité et de revaloriser la série littéraire. Il a aussi posé un principe fort : « Le devoir de l’école est de valoriser toutes les compétences et tous les talents. » On ne peut que souscrire à une telle ambition. Mais comment comprendre alors que les crédits pédagogiques, dès le premier degré, passent de 12,26 millions d’euros en 2009 à 5,9 millions d’euros en 2010 ? Ces crédits sont pourtant destinés à financer des actions pédagogiques complémentaires à l’enseignement dans les domaines artistiques et littéraires et dans celui des langues étrangères. On l’a évoqué : tous les élèves devraient devenir bilingues, voire trilingues. Mais comment y parvenir alors que, dès le CP, les moyens dévolus à l’apprentissage des langues ne sont pas à la hauteur ?

D’une même voix, avec le Président de la République, vous ne cessez, monsieur le ministre, de rendre hommage aux enseignants. N’y a-t-il pas quelque tartufferie dans ces hommages appuyés tant sont mineures les mesures de revalorisation que vous annoncez à grand bruit ? Vous parlez ainsi d’une augmentation de 100 euros pour les nouveaux enseignants, mais ils en auraient bénéficié au bout de trois mois d’exercice de leur métier ! Et lorsque l’on sait à quel point celui-ci est fondé sur la maîtrise de savoirs en perpétuelle évolution, quelles peuvent être la valeur et la portée de tels discours alors que, dans le même temps, les crédits de formation baissent de 25 % dans l’enseignement primaire et de 55 % dans l’enseignement secondaire ? Rendrez-vous hommage aux rescapés lorsque la mastérisation, tant vantée lors de la réforme des IUFM, aura entraîné pour 2010 la suppression de 15 915 postes de stagiaires dans le primaire et dans le secondaire ?

Et que penser de cette chasse gardée du Président de la République qu’est la réforme des lycées ? Après bien des débats, bien des rapports, celui-ci promeut un lycée « plus souple » dont on a du mal à saisir les contours. Comment, et avec quels moyens, allez-vous concrétiser les choix annoncés ? Ce ne sont pas les préconisations très prudentes finalement adoptées qui risquent de faire « bouger les lignes ».

De votre côté, monsieur le ministre, vous avez axé votre communication sur l’accueil de 185 000 élèves handicapés. Il est vrai qu’il s’agit d’un progrès mais, dans le même temps, les moyens budgétaires alloués sont insuffisants. L’État se désengage en comptant sur les associations telles que l’UNAPEI. Mais aucune garantie n’est donnée dans le budget de 2010 quant à la pérennisation des subventions. Pouvez-vous, sur ce sujet, nous donner des réponses fermes et rassurantes ?

Ces choix budgétaires auront des conséquences violentes sur l’enseignement public et sur l’avenir de nos enfants. Et l’on peut se demander ce qu’il adviendra lorsque les collèges et lycées seront privés des dotations des collectivités territoriales, rendues exsangues par votre politique. Le Gouvernement tourne en fait résolument le dos à ce qu’il érige pourtant comme modèle : l’école comme ascenseur social, et l’autonomie des élèves. Car l’autonomie ne se décrète pas : on ne devient autonome que grâce à l’accompagnement régulier de plusieurs adultes. Vous comprendrez donc que le groupe SRC soit loin d’être enthousiasmé par ce budget.

Mme Marie-Hélène Amiable. Le groupe GDR déplore les conditions dans lesquelles ce budget est examiné cette année. Chaque groupe ne disposera que de cinq petites minutes d’explications de vote en séance publique, le reste des travaux se faisant au sein de cette commission élargie, avec une publicité moindre. S’agissant du premier budget de l’État, ce n’est pas acceptable : en 2000, par exemple, son examen s’était étalé sur deux séances publiques alors qu’il avait été adopté à l’unanimité par la Commission des finances. En outre, les indicateurs présentés ne permettent pas aux parlementaires d’évaluer correctement les programmes et actions engagés.

Sur le fond, ce budget ne répond pas aux difficultés que rencontrent les élèves, leurs parents, les enseignants et la communauté éducative dans son ensemble. Aux classes surchargées, aux problèmes de non-remplacements, à la dégradation des conditions de travail, vous opposez une réduction de 16 000 postes dans l’éducation nationale. Vous annoncez 2 658 créations de postes dans le primaire et 144 dans le secondaire, mais en vous gardant bien de dire que l’an dernier, dans le premier degré, vous avez réussi à consommer 1 232 postes de moins que le plafond annoncé, notamment grâce aux heures supplémentaires ou aux emplois précaires. Par ailleurs, 476 créations d’emplois sont prévues dans l’enseignement privé, en application d’un principe de parité que le Conseil constitutionnel, dans sa décision concernant la proposition de loi Carle, n’a pourtant pas voulu affirmer. Mais il semble que la perte de moyens, dans le privé, ne représente que 7,5 % de celle du public, alors qu’il accueille 20 % des élèves. Le secteur privé devrait être soumis aux mêmes contraintes que le service public.

Aucun bilan critique n’est effectué des réformes Darcos, dont 51 % des parents pensent qu’elles ne sont pas dans l’intérêt des élèves et dont même les rapports officiels n’arrivent plus à masquer les dégâts, par exemple pour ce qui est de l’assouplissement de la carte scolaire ou de la mise en place de la semaine de quatre jours. Vous dites que les nouveaux horaires répondent à la demande sociale de suppression des cours le samedi matin. Les syndicats qui ont appelé à la grève pour le 24 novembre seront heureux d’apprendre que vous êtes sensible à la demande sociale, mais ils attendent des réponses plus précises pour lever leur mouvement.

Vous avez supprimé 3 000 postes de RASED à cette rentrée. Les 1 500 que vous prétendez avoir créés, qui ont été financés par le reliquat du budget des rectorats, ne semblent pas apparaître dans ce budget. Que deviendront-ils à la rentrée 2010 ? Ces postes doivent non seulement être maintenus, mais développés, comme le montre une étude récente de l’Université Paris-Descartes. Ainsi, 20 % des élèves ayant suivi trente heures de soutien dans le cadre de l’aide personnalisée montrent des progrès dans les acquisitions scolaires – et exclusivement dans ce domaine. Mais 70 % des élèves ayant suivi trente heures d’aide rééducative dans le cadre de l’aide spécialisée des RASED font des progrès, non seulement dans les acquisitions scolaires mais également dans le domaine des compétences cognitives.

Sur les accompagnements scolaires, vous n’apportez aucun élément rassurant. D’après l’Union nationale pour l’avenir de l’inclusion scolaire, sociale et éducative pourtant, vos belles promesses du projet de loi sur la mobilité des fonctionnaires se soldent par un fiasco complet, le dispositif, un mois et demi après la rentrée, n’étant toujours pas opérationnel.

L’école maternelle enregistre une baisse de la scolarisation des moins de trois ans. La présentation du budget ose prétendre que son efficacité pédagogique n’est pas avérée. Mais le directeur général de l’enseignement scolaire avait déclaré qu’elle était nécessaire à l’égalité des chances… Bref, la confusion règne.

En outre, on peut déplorer une baisse de 50 % des crédits pédagogiques dans le premier degré public, qui financent des activités complémentaires et des partenariats dans le domaine artistique ou scientifique. Encore une fois, les collectivités locales devront mettre la main à la poche – si elles le peuvent, alors qu’elles assurent déjà 40 % des dépenses en matière d’éducation. Ceux qui veulent réduire ces crédits reprochent aux enseignants d’« aller se balader » avec les élèves. Mais il s’agit de les emmener dans les musées ou à l’opéra par exemple
– des lieux où certains d’entre eux n’iront jamais sans l’école.

Depuis 2003, près de 45 000 postes ont disparu dans le second degré. Les répercussions concrètes de ces suppressions ont-elles été évaluées – ou alors les 45 000 personnes concernées ne faisaient-elles rien ? Quel impact constate-t-on sur la réussite des élèves et l’organisation de l’enseignement ? Nous attendons une réforme ambitieuse, qui s’étende aussi au collège.

Il faudrait en profiter aussi pour s’attaquer à la division très sexuée des filières d’enseignement. Mais pour l’instant, le grand service public d’orientation qu’on nous promet semble se résumer à des plateformes régionales d’orientation en ligne. Peut-être nous donnerez-vous quelques précisions.

Vous ne vous engagez pas en faveur de l’éducation prioritaire, qui est pourtant complètement en panne. Les moyens consacrés aux réseaux « ambition réussite » sont d’une faiblesse notable. Quant à l’éducation physique et sportive, elle est dans une situation dramatique. Avec la disparition de 3 300 professeurs en quatre ans, 5 % des établissements ne peuvent assurer des horaires d’EPS à toutes leurs classes, et près de 15% des collèges, 40 % des lycées et 50 % des lycées professionnels ne peuvent enseigner la natation.

En matière de médecine scolaire, 30 % des enfants ne bénéficient pas du bilan de santé obligatoire à l’entrée en CP. Et nous ne voyons toujours rien venir en matière de revalorisation du métier d’enseignant, alors que le salaire de nos enseignants est inférieur de 20 % à ceux des autres pays de l’OCDE. Vous prétendez que la prime de 100 euros par mois des nouveaux recrutés au niveau mastère sera l’équivalent d’un treizième mois, mais en l’état actuel des choses, ces 100 euros s’obtiennent déjà au bout de trois mois. Enfin, vous annoncez que ceux qui accepteront de nouvelles missions seront payés. Encore heureux !

A propos des élèves en décrochage scolaire, vous dites avoir été inspiré par les théories d’Éric Maurin – qui est par ailleurs un économiste, pas un éducateur. M. Maurin évoque des primes pour les enseignants en fonction des résultats des élèves. Cela figure-t-il parmi vos intentions ?

La formation des enseignants reste la grande inconnue. Ce qui est sûr, c’est que des économies seront faites sur ce poste mais, pour tout le reste, les propositions du ministère restent très floues. Ce thème pourrait pourtant servir de base à une réflexion d’ensemble autour de l’école.

Pour toutes ces raisons, et parce que les richesses existent, dans notre pays, pour envisager une transformation ambitieuse de l’école qui permette de réussir l’éducation de tous les jeunes et de faire reculer l’échec scolaire, le groupe GDR n’adoptera pas ce budget à moins qu’il ne fasse l’objet de modifications significatives.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. M. Schneider a commencé par évoquer la lutte contre les inégalités. Un élève de seconde, s’il est enfant d’ouvrier, a cinq fois moins de chances d’être trois ans plus tard – seulement ! – en classe préparatoire que son voisin enfant de cadre. Et si 16 % des parents d’élèves de sixième sont des cadres, contre 55 % qui sont employés ou ouvriers, la proportion est exactement inverse en première année d’université. L’égalité des chances est donc pour nous un enjeu prioritaire.

Depuis trente ans, nous avons réussi la massification du système éducatif. L’école accueille tous les enfants de France. Il faut maintenant garantir la réussite de chacun d’entre eux. Pourquoi est-il tellement question aujourd’hui de décrochage alors qu’on n’en parlait pas il y a trente ans ? Parce que ces élèves n’étaient pas au lycée ! Lorsque seulement 25 % d’une classe d’âge allait jusqu’au bac, les autres trouvaient du travail avant. L’éducation nationale qui accueille l’ensemble de ces jeunes doit donc s’adapter. Nous devons conserver un système élitiste, qui conduise à l’excellence, mais qui donne aussi une solution à chacun.

C’est tout l’enjeu de notre réforme du lycée. Nous sommes partis de la situation observée : le problème aujourd’hui, c’est 50 000 élèves qui arrêtent avant le bac et un étudiant sur deux qui échoue en première année d’enseignement supérieur. Il est vrai qu’un élève qui n’a pas véritablement été l’acteur de son orientation se retrouve souvent en situation d’échec. Nous voulons donc mieux préparer les élèves, grâce à un parcours d’orientation choisi plutôt que subi. Il faut passer d’un système couperet à un système progressif et réversible. Le droit à l’erreur doit exister en matière d’orientation. Nous voulons que les élèves et les parents qui ne savent pas se débrouiller dans les arcanes du système d’orientation, généralement vécu comme une épreuve, puissent avoir un guide qui les accompagne dans leurs choix. Et nous voulons aussi rapprocher le lycée de l’enseignement supérieur, parce qu’un élève qui entre à l’université sans y avoir été préparé subit un véritable électrochoc.

L’apprentissage des langues constitue une autre priorité. Je ne me résigne pas à ce que notre pays soit 69e sur 109 au classement TOEFL. Nous allons donc mobiliser des moyens sans précédent au lycée pour que les lycéens puissent sortir bilingues, et certains trilingues dans les filières littéraires. Nous allons mettre en place des cours de littérature étrangère et des enseignements directement en langue étrangère. Les élèves seront divisés en groupes de compétences de niveaux homogènes – l’expérimentation a montré que cela donnait des résultats. Nous allons aussi, avec les régions, généraliser l’usage des techniques de communication modernes qui assurent un degré d’assimilation beaucoup plus élevé dans l’apprentissage des langues. Un cadre national permettra à chaque établissement de nouer un partenariat avec un collège ou un lycée étranger – et l’on revient ici à la lutte contre les inégalités : tous les élèves n’ont pas des parents qui les envoient un mois à l’étranger. Il y a donc une véritable mobilisation en faveur des langues.

La baisse des crédits pédagogiques dans le premier degré est simplement liée à la mastérisation et à la disparition des stagiaires dans le budget de 2010.

Quant au rôle des parents, je pense qu’à l’école chacun doit remplir sa mission. Il n’est pas question, par exemple, que les lycéens s’occupent d’établir les programmes du lycée, comme le demandait un de leurs syndicats ! Les parents ont évidemment un rôle majeur. Ils participent déjà à la vie des établissements, notamment en tant que membres du conseil d’administration, mais nous souhaitons qu’ils trouvent toute leur place dans un lycée qui deviendrait un lieu d’ouverture sur l’extérieur, et sur le monde de la culture notamment. On peut penser à la mise en place d’un cinéclub auquel les familles seraient associées… Mais leur rôle est différent de celui des enseignants, qui doivent assumer intégralement leurs propres missions.

Mme Martinel m’a interrogé sur les moyens de l’éducation nationale. C’est le premier budget de l’État. Jamais il n’aura été aussi élevé, en valeur absolue. Il connaît une augmentation de 1,56 % dans un contexte extrêmement contraint. C’est donc une priorité dans la politique du Gouvernement. Je rappelle que les 16 000 suppressions de postes s’effectuent à taux d’encadrement constant. Le nombre d’élèves par classes ne change pas : 25,8 élèves en préélémentaire et 22,6 en élémentaire, 24,1 élèves par division au collège, 19,1 en lycée professionnel et 28,4 en lycée d’enseignement général. J’ajoute qu’ils effectuent un tiers de leur emploi du temps en demi-groupes.

C’est ce non-renouvellement d’un poste sur deux qui nous permet de mener une politique très volontariste en matière de revalorisation, et aussi de proposer de nouveaux services, comme l’aide personnalisée, qui représente deux heures par semaine en primaire. Au collège, 800 000 élèves en bénéficient. C’est la réponse aux « orphelins de seize heures » : désormais, 40 % des collégiens, et leurs familles, ont une solution. Ils sont pris en charge de seize à dix-huit heures pour du soutien scolaire, du sport ou des activités culturelles.

Pour ce qui est de la répartition entre public et privé, nous respectons scrupuleusement la proportion des élèves, qui est de 20 % pour le secteur privé. C’est le taux qui est appliqué, dans le premier comme dans le second degré, depuis 2004. Cela se traduit, pour la rentrée 2010, par une réduction de 1 400 emplois, la suppression de la totalité des emplois de stagiaire, remplacés par des enseignants nouvellement recrutés, et la création de 476 emplois. C’est une stricte application de la règle de parité.

Contrairement à Mme Martinel, jamais un hommage rendu aux enseignants ne pourra me paraître ridicule. Les enseignant font un métier difficile. Nous les formons, nous leur proposons une affectation mais, ensuite, nous les laissons beaucoup trop seuls. Cela explique une bonne partie de nos mauvais résultats. Les enseignants ont besoin d’être soutenus et accompagnés, tout au long de leur parcours. M’étant, dans une autre vie, occupé de ressources humaines, c’est le devoir que je me fixe. Et je n’ai pas l’impression qu’une prime équivalant à un treizième mois, en cette période de crise, soit une insulte en matière de revalorisation. Car il ne s’agit pas de donner une prime pour trois mois, mais de modifier l’ensemble du début de carrière.

Quant à l’accueil des enfants handicapés, nous y consacrons 292 millions. Certes, ce ne sera jamais suffisant, et il y a encore beaucoup à faire. Mais je voudrais souligner le travail remarquable qui a été fait depuis cinq ans. La loi de 2005 a permis un changement radical. Depuis 2005, l’école accueille 40 % d’élèves handicapés supplémentaires – 185 000 en cette rentrée. Nous créons en cette rentrée 200 unités pédagogiques et 5 000 postes d’auxiliaire de vie scolaire individuel. Par ailleurs, pour éviter les difficultés que cause la fin de contrat d’un auxiliaire qui accompagnait un enfant depuis plusieurs années, j’ai signé avant la rentrée une convention permettant au monde associatif de reprendre ces contrats. Enfin, nous avons créé et pérennisé 1 500 postes en RASED.

Pour ce qui est du bilan des réformes engagées, je dois dire que l’évaluation est un souci permanent du ministère. Nous disposons de deux inspections générales de grande qualité, celle de l’éducation nationale et celle de l’administration de l’éducation nationale, qui suivent entre autres les effets des lois ou dispositions nouvelles.

Le nouveau service public de l’orientation, qui résulte d’un amendement parlementaire dans le projet de loi sur l’orientation professionnelle, sera une grande avancée. D’abord, il était important que l’État considère que l’orientation constitue un véritable service public. Ensuite, il fallait clarifier et coordonner l’intervention des très nombreux acteurs de ce domaine – différents ministères au sein de l’État, les collectivités locales mais aussi d’autres organismes. Les familles sont aujourd’hui tellement perdues dans les méandres du système, je le constate en tant que maire, que nous n’aurons pas grand’peine à l’améliorer.

Je tiens également à vous donner certaines garanties.

Tout d'abord, l’ONISEP restera sous la tutelle de l'éducation nationale. Les conseillers d'orientation et les plateformes d'orientation de l’ONISEP telles que celle qui a été expérimentée dans l'académie d'Amiens seront généralisés. Il s'agit là d'un outil formidable pour informer les familles des différents métiers possibles.

En matière d'éducation prioritaire, deux types de réseaux existent depuis 2006 : les réseaux « ambition réussite », qui concernent 281 000 élèves du premier degré et 118 000 du premier cycle de second degré, soit 25 lycées, 254 collèges et 1 710 écoles et 11 collèges privés, et les réseaux de réussite scolaire, qui concernent environ 700 000 élèves du premier degré et 395 000 du second degré, soit 5 259 écoles et 851 collèges. Les moyens consacrés à l'éducation prioritaire, en augmentation dans le cadre du budget 2010, s'élèvent à 1,204 milliard d’euros. Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit également 278 millions d'euros pour l'accompagnement éducatif que nous avons mis prioritairement en œuvre dans le système de l’éducation prioritaire.

Pour ce qui concerne enfin le sport à l'école, je vous rappelle que, dans le cadre de l'accompagnement éducatif, nous proposons notamment aux élèves des collèges un renforcement du temps consacré l'éducation physique et sportive, qui vient s'ajouter à ce qui existe aujourd'hui. Le volume de crédits prévus au titre de l’éducation physique et sportive est, je le rappelle, de 3,3 milliards d'euros.

Mme Françoise de Panafieu. Le rapport du rapporteur pour avis évoque avec précision, aux pages 12 à 14, la rémunération des enseignants et la revalorisation de leur profession. Les plus jeunes des enseignants estiment à cet égard que la dévalorisation de leur profession est due en partie à la différence entre les salaires qui ont cours en France et dans les autres pays de l'Union européenne.

Par ailleurs, les zones accueillant des populations difficiles doivent recevoir des enseignants chevronnés, possédant une vraie formation. Il conviendrait de reconnaître par une revalorisation de leur rémunération le statut particulier de ces enseignants auxquels une grande expérience permet de prendre en charge les élèves en grande difficulté dans les zones plus difficiles. Quelle est, monsieur le ministre, votre position à cet égard ?

Je souhaiterais également connaître votre sentiment sur la question de l’illettrisme, évoquée par M. Censi. Les illettrés – qu’il faut distinguer des analphabètes, sont ceux qui, après quatre ou cinq ans de vie scolaire, ne parviennent pas à apprendre à lire et à écrire. On en compte aujourd'hui environ 3 millions en France et il conviendrait d'engager une véritable démarche en leur faveur. Je vous conseille à ce propos de regarder ce soir l'excellente émission que France 5 consacre à cette question, intitulée Les mots me manquent.

Enfin, comment situez-vous la place de l’école dans le grand débat qu'on nous annonce sur l'identité nationale ? Je n'imagine pas un instant que le ministère de l'éducation nationale ne prenne pas toute sa part dans un tel débat.

(Mme Michèle Tabarot reprend la coprésidence de la commission élargie.)

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, je suis un peu gêné pour vous poser des questions sur le budget qui nous est soumis, car je vous trouve sympathique, et même touchant dans vos commentaires, notamment dans votre défense de l'égalité des chances. Il n'en reste pas moins que le rôle d'un ministre n'est, non pas de faire des commentaires, mais d'agir.

Votre budget est insincère, et j’évoquerai quatre points pour vous le prouver – sans rien dire de l’exécution des budgets précédents, les 1 232 postes prévus dans le budget de 2008 et les 4 304 postes du budget de 2007 n'ayant pas été créés.

Revenons au budget pour 2010. La baisse démographique que vous invoquez pour justifier la suppression des postes dans le second degré, si elle est réelle pour le lycée, est totalement fausse pour le collège, où l’augmentation des effectifs est sensible – elle est de 1 200 élèves. Or, chacun s'accorde à reconnaître, comme M. Schneider, que le collège est le maillon faible, sur lesquels doivent porter des efforts importants. Le Président de la République, dont on ne peut douter qu'il tiendra ses engagements, ayant déclaré récemment, dans le cadre de la réforme du lycée, que l'on ne toucherait pas aux moyens donnés à celui-ci, comment pourrez-vous soutenir le collège en supprimant des postes face à l’augmentation des effectifs ? Le secondaire perd, je le rappelle, 3 437 « temps plein ».

En deuxième lieu, s’il n'y a, selon vous, pas de problème en matière de remplacements, nous attendons toujours la création de l’agence pour le remplacement promise par M. Darcos, votre prédécesseur. Dans la plupart des académies, le remplacement des titulaires absents est actuellement impossible, faute d'enseignants disponibles. Dans l'académie de Lille, par exemple, on ne peut plus remplacer les enseignants d'anglais absents : qu’adviendra-t-il de votre défense de l'enseignement des langues et de l'obligation pour les élèves d'être bilingues, voire trilingues, au bac ?

En troisième lieu, bien que vous affirmiez ne pas avoir l'intention de supprimer l'école maternelle, il apparaît que, sans même parler de la difficulté de scolarisation des enfants de trois ans dans la plupart des académies, celle des enfants de deux ans est passée de 35 % à 17 %. Il s'agit donc bien d'une suppression rampante de l'école maternelle !

En quatrième lieu, votre souhait d’améliorer les conditions de travail et la vie des enseignants et votre discours touchant d’hommage aux enseignants, qu’évoquait tout à l’heure Mme Martinel, ne tient pas compte du fait que les enseignants ont aussi besoin d’échapper à la précarité. Or, en 2008, le nombre d’emplois contractuels a augmenté de 10 % et ce mouvement s’accroîtra nécessairement. De fait, la mastérisation – qui exclut par ailleurs toute formation professionnalisante – provoquera une augmentation de la précarisation et du recours aux contractuels, car, alors que 79 000 mastères 2 ont été décernés par les universités dans les deux dernières années, il en faudrait le double – sans parler des remplacements – pour pourvoir les postes rescapés de votre budget. La solution que vous avez adoptée, consistant à recourir systématiquement à des contractuels, et donc à une précarisation de l'enseignement public et des enseignants, va à l'encontre de vos discours.

Voilà donc, monsieur le ministre, pourquoi votre budget n'est pas sincère.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le ministre, la présentation de la programmation pluriannuelle fait clairement apparaître que les réformes seront poursuivies, ce qui est indispensable.

Je souscris aux inquiétudes de M. Durand quant aux perspectives des remplacements.

Pour ce qui concerne le socle commun de connaissances et de compétences défini par la loi Fillon de 2005, les indicateurs présentés par la mission font apparaître des résultats insuffisants, avec des taux de 72 % pour la maîtrise de la langue française et 74 % pour les éléments de mathématiques en CE1, de 88 % pour le français et de 90 % pour les mathématiques en CM2, à la fin de l’enseignement primaire. Après trois ans de mise en œuvre de cette réforme, une évaluation plus approfondie s'impose. Une mission d'information parlementaire pourrait s'atteler à cette tâche, mais, à titre personnel, je serais également favorable à ce que le Haut conseil de l'éducation soit saisi de cette question importante, afin de permettre aux élèves de poursuivre leur scolarité et de s'insérer dans le monde professionnel dans les meilleures conditions.

Pour ce qui concerne l'organisation des établissements, les conseils pédagogiques créés par la loi de 2005 jouent un rôle primordial dans l'élaboration du projet d'école dans le primaire et du projet d'établissement dans le secondaire. Je suis ainsi favorable à une plus grande autonomie des établissements en termes de dotation globale horaire et de gestion des moyens. En utilisant l'assouplissement de la carte scolaire et le droit à l'expérimentation, également prévus par la loi de 2005, chaque école, chaque collège et chaque lycée pourra affirmer ses pôles d'excellence et ses priorités. S’il est relativement aisé de faire évoluer les choses dans les collèges et les lycées, où les chefs d'établissement président les conseils pédagogiques, il conviendra de faire évoluer la situation dans les écoles élémentaires, où les directeurs d’école n'ont aucun statut et se voient confier un nombre croissant de tâches administratives et le soin de veiller au bon fonctionnement de leur école alors qu'ils n'ont ni vocation à le faire ni autorité à cette fin.

J'ai bien noté qu'il était prévu de nommer 3 400 nouveaux directeurs à la rentrée prochaine, qui devront accomplir cinq semaines de stage de formation obligatoire, pour une dépense de 1 million d'euros. Il me semble cependant que les directeurs d'école n’attendent pas seulement de la formation, mais aussi un statut, qui devrait s'inscrire dans le cadre de la création d'établissements publics d'enseignement primaire. Doter les écoles de la personnalité morale et d'un statut juridique permettra une gestion pédagogique plus efficace, tant en milieu rural qu'en milieu urbain. Je regrette que la loi du 13 août 2004, qui prévoyait des expérimentations dans ce domaine, n'ait jamais fait l’objet des décrets d'application correspondants, de telle sorte que nous ne disposons d'aucune expérimentation sur les résultats de laquelle nous pourrions nous appuyer pour aller de l'avant. Je souhaiterais donc connaître votre avis sur cette question.

M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, il y aurait beaucoup à dire de ce budget, qui poursuit dans la voie de la misère éducative, mais je me limiterai à une question, peut-être un peu décalée, que j’avais posée lors de votre audition par notre Commission, voici quelques semaines, et à laquelle votre réponse m'avait quelque surpris par sa désinvolture ou par l'ignorance qu'elle trahissait du sujet : je veux parler des écoles amiantées.

Nous envoyons en effet des enfants respirer un air amianté, avec tous les risques que cela suppose. Les maires sont donc confrontés à un choix impossible : réaliser des travaux très coûteux qu’ils sont souvent dans l’incapacité d’assurer – il faudrait parfois reconstruire les écoles –, ou fermer les établissements par mesure de précaution. Je vous laisse imaginer les réactions des parents dans ce second cas.

Vous avez répondu à cette question avec un effet de manche, affirmant que les écoles primaires étaient du ressort exclusif des communes – ce qui revenait à dire que celles-ci n’avaient qu’à se débrouiller.

Cependant, monsieur le ministre, si les écoles sont dans l'état où elles sont, c'est bien par la faute de l'État, laquelle a été reconnue très officiellement en la matière. L'État étant en cause, pourquoi ferait-on porter aujourd'hui sur les communes ce fardeau moral et technique ? Je reviens donc à charge : allez-vous encore balayer d'un revers de main ce grave problème, à propos duquel je n’ai rien vu dans le projet de budget, ou envisagez-vous des réponses efficaces ? Le maire que je suis écoutera votre réponse avec un grand intérêt.

Mme Marie-Hélène Amiable. Monsieur le ministre, je vous adresse la question formulée par mon collègue Daniel Paul.

Malgré les protestations des enseignants et des parents d'élèves, le Gouvernement a maintenu et fait adopter la réforme du bac professionnel en trois ans, contre quatre auparavant, soit deux ans de BEP et deux ans de bacs professionnels. Nul n'est dupe des motivations : cette réforme permet de gagner une année et s'intègre donc dans l'objectif de réduire chaque année le nombre d'enseignants. Ainsi, dès cette année 2009-2010, il n'y a plus de recrutement en première année de BEP : les élèves entrent directement dans un cursus de trois ans, à l'issue duquel ils se présenteront aux épreuves du bac professionnel.

Une question importante demeure cependant : que deviendront l'année prochaine, c'est-à-dire à la rentrée 2010-2011, les élèves qui sont actuellement en deuxième année de BEP et auxquels, à la fin de la troisième année, il avait été promis qu’ils pourraient poursuivre en bac professionnel à l’issue de leur BEP. Cette promesse doit évidemment être respectée. Devront-ils entrer en première année de bac professionnel, auquel cas ils auront besoin de trois années de scolarisation, ce qui se traduira par un bac professionnel en cinq ans ? Entreront-ils directement en deuxième année ? Dans ce cas, pourront-ils obtenir la certification intermédiaire prévue même s'ils n'ont pas suivi la première année de bac professionnel ? Dans cette hypothèse, leur cursus s’étalera encore sur quatre ans.

Quelle que soit la solution retenue, elle ne pourra se faire à moyens constants, ces élèves venant s'ajouter soit à ceux qui entreront en première année de bac professionnel en sortant de troisième, soit à ceux qui entreront en deuxième année de bac professionnel et qui sont déjà dans le nouveau dispositif. Quelles solutions sont aujourd'hui prévues ? Quels moyens envisagez-vous au titre non seulement des prospects nécessaires, mais aussi des contenus pédagogiques, pour ces élèves qui ont réussi le BEP ?

M. David Douillet. Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment sur la formation par alternance. Alors que le plan de cohésion sociale prévoit que cette formation touche cette année 500 000 enfants, 400 000 seulement en bénéficient. Pour avoir été touché de près par ce dispositif, je sais qu'il s'agit d'une véritable forme d'insertion dans l'entreprise. On constate en effet que les enfants qui ont suivi de telles formations ont beaucoup plus de chances que les autres de trouver un emploi. Il importe donc de développer ce type de formation, qui est d'ailleurs le mode de fonctionnement adopté par toutes nos grandes écoles.

Je souhaiterais par ailleurs vous soumettre une idée que m'ont suggérée les dysfonctionnements observés dans l'emploi du temps des établissements accueillant notamment – mais pas seulement – des sections sportives. La création d'établissements à thème, dans les domaines sportif ou culturel, par exemple, ou dans celui des arts plastiques – à l’échelle du département ou de la région, en fonction de la demande – permettrait de disposer d'établissements phares dans lesquels les élèves poursuivant un double projet auraient la possibilité de le faire efficacement. De fait, ces enfants présentent un taux de réussite supérieur de 30 % à celui des autres élèves. Il ne serait donc pas inutile d'explorer cette voie.

M. Michel Ménard. Le budget de 2010 fait l'impasse sur l'avenir et aggrave les problèmes déjà rencontrés à l'occasion des rentrées précédentes. Chaque année, le constat est le même : les conditions d'enseignement se dégradent pour les élèves et pour les enseignants, avec la suppression des options, la rationalisation des filières, tout particulièrement des filières professionnelles, la surcharge des classes, les difficultés du remplacement des enseignants, la non-scolarisation des enfants de deux ans et la diminution de l’offre de formation professionnelle des enseignants.

Monsieur le ministre, vous obtenez les 16 000 suppressions de postes exigées par le Président de la République par la suppression de 15 915 postes de stagiaires, après avoir supprimé l'année précédente de nombreux postes de remplaçants. Que préparez-vous pour 2011 ? La remise en cause de la scolarisation des enfants de moins de trois ans – certes déjà engagée – et le transfert des charges sur les collectivités locales, avec les jardins d’éveil ? Préparez-vous la diminution importante de cours en secondaire pour gagner des postes budgétaires ?

Par ailleurs, vous aviez annoncé la suppression de 3 000 postes de RASED en 2009, ce chiffre ayant été ramené, comme vous l’avez rappelé, à 1 500. J’ai constaté que 1 500 de ces postes avaient été « sédentarisés », ce qui revient à mettre en situation de face-à-face pédagogique, avec le maintien de la prime de 60 euros qu'ils percevaient précédemment, des personnels qui n'exercent plus la fonction de rééducateur qui était la leur.

Pour ce qui concerne, enfin, les auxiliaires de vie scolaire individuels, les AVSi, que nous avions évoqués lors de votre audition devant la Commission des affaires culturelles, il me semble que l'écart est important entre vos annonces et la réalité du terrain. Je suis pour ma part sollicité en permanence par des parents qui, après avoir obtenu l'accord de la maison départementale des personnes handicapées pour bénéficier du soutien d'un personnel d'accompagnement de leur enfant, constatent qu’aucun poste n’a été créé. Même si des délais de mise en place sont compréhensibles à la suite du vote de l'amendement au mois de juillet, bien des semaines ont déjà passé depuis la rentrée. Nous avions d'ailleurs alerté votre prédécesseur dès le mois d'avril sur les risques importants de non-prise en charge induits par la suppression des auxiliaires de vie scolaire et des emplois de vie scolaire. Pouvez-vous nous indiquer le nombre de postes réellement créés en compensation des 32 000 suppressions de postes d’AVSi et d’EVS au 30 juin ?

La prime de 100 euros attribuée aux enseignants en début de carrière sera-t-elle pérennisée ou ne s’appliquera-t-elle que durant les trois premiers mois, jusqu’au changement d'échelon ? Dans le cas où elle serait pérennisée, cette prime serait-elle maintenue durant toute la carrière ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. Madame de Panafieu, vous m’avez interrogé sur les zones d'éducation prioritaire. Je rappelle que le ministère de l'éducation nationale a déjà pris pour ces zones des mesures assurant des dotations de personnel supplémentaire, l'accompagnement des équipes pédagogiques par les corps d'inspection, la diminution du nombre d'élèves par classe et des dédoublements de cours plus fréquents.

Nous avons en outre créé une indemnité de sujétion spéciale, versés depuis 2008 au personnel d'enseignement et de documentation exerçant des responsabilités dans les établissements situés en zone d'éducation prioritaire. Au 1er juillet 2009, cette indemnité, d’un montant de 1 146,36 euros, bénéficiait à 86 000 fonctionnaires de l'éducation nationale, ce qui représente un montant total de 98 millions d'euros dans le budget.

En matière de lutte contre l'illettrisme, il nous faut intervenir à tous les niveaux, car il n'existe pas de réponse unique à la situation. Il faut intervenir le plus tôt possible. C'est la raison pour laquelle mon prédécesseur a mis en place une réforme des programmes concentrée sur l’essentiel et recentrant ces programmes sur les fondamentaux dans le domaine de la lecture. C'est également la raison pour laquelle nous avons mis en place le système d'aide personnalisée, qui permet de détecter très tôt ces difficultés – j’ai déjà évoqué, à cet égard, les classes spécialisées en collège et en lycée. Je ne suis pas certain que ce dispositif soit suffisant et j'ai demandé à mon équipe de travailler activement sur le sujet, l’illettrisme prenant des proportions trop importantes dans un pays comme le nôtre.

Quant à la place de l'école dans le débat sur l'identité nationale, elle doit selon moi être prépondérante. L'école est plus que jamais le lieu où se forme la citoyenneté, le lieu de l'égalité des chances et de l'accès au savoir pour tous – j’ai déjà évoqué à cet égard le chantier de la réduction de l’inégalité. L'école est le lieu où se forge et se perpétue l'identité nationale, et ce rôle essentiel passe à la fois par le contenu des programmes, la façon d'enseigner et l'accompagnement particulier qu'il convient d'assurer aux élèves qui doivent être pris en charge à ce titre.

Je n’ai pas l’impression d’être un simple « commentateur », monsieur Durand, lorsque je propose une réforme d’ampleur de notre système d’orientation, reposant sur des parcours beaucoup plus évolutifs, qui permettront aux lycéens de changer de filière, ou lorsque j’étends le dispositif des heures d’aide personnalisée à tous les lycéens, quelles que soient leurs difficultés. Ceux qui obtiendront de bons résultats pourront ainsi être mieux préparés aux techniques et aux méthodes de l’enseignement supérieur.

J’en viens aux effectifs. Ce qui compte, c’est le nombre d’élèves par classe. Or, il y aura 24,1 élèves par division au collège, ce qui correspond au taux d’encadrement atteint il y a une dizaine d’années. Les enseignants doivent être au bon endroit, devant les élèves, et le niveau de l’investissement et des moyens affectés aux élèves doit être maximal – voilà ce qui est important.

Vous vous étonnez que le taux d’encadrement reste constant alors que nous allons réduire le nombre de postes. C’est que la mastérisation permettra de supprimer 16 000 emplois de stagiaires sans rien changer au nombre d’élèves par classes.

En ce qui concerne les remplacements, force est de constater que la situation actuelle n’est pas optimale : il y a, dans certaines académies, des réserves d’enseignants disponibles et, dans d’autres, des classes privées de tout remplacement. Xavier Darcos avait évoqué la création d’une « agence » – terme qui, je dois le préciser, ne me semble pas nécessairement le plus approprié. J’ai demandé à l’ancien directeur administratif et financier du ministère de me remettre un certain nombre de préconisations dans les semaines qui viennent. Comme je l’ai annoncé aux organisations syndicales, je proposerai au début de l’année 2010 des mesures tendant à renforcer la réactivité et la souplesse du système actuel.

Affirmer que le Gouvernement a l’intention de supprimer l’école primaire relève du procès d’intention. Nous renforçons, au contraire, les moyens dont elle dispose et nous avons nommé des correspondants pour la maternelle dans chaque inspection académique.

J’ai le souvenir qu’une candidate à l’élection présidentielle proposait de rendre la scolarité obligatoire de trois à dix-huit ans, ce qui n’était pas une si mauvaise idée : il existe déjà une obligation d’accueil des enfants de trois à six ans et le Gouvernement a décidé d’instaurer une obligation de formation pour les jeunes de seize à dix-huit ans.

Contrairement à ce qui a pu être dit, la mastérisation ne portera pas préjudice à la formation professionnalisante. Elle consiste en effet à allonger d’une année la formation des enseignants dans le but de mieux les armer pour exercer leur métier. Comme je l’avais annoncé avec Valérie Pécresse, nous avons constitué des groupes de travail pour définir le contenu des formations supplémentaires dont les enseignants bénéficieront dans ce cadre.

En application de la loi Fillon de 2005, dont M. Reiss était le rapporteur, des attestations de connaissances et de compétences sont aujourd’hui délivrées dans tous les collèges et l’ensemble des programmes du collège a été dûment révisé. A compter de l’année 2011, la maîtrise du « socle commun » sera ensuite prise en compte pour l’obtention du brevet. Je suis ouvert aux propositions que pourrait formuler le Haut conseil de l’éducation pour aller au-delà.

Je suis également ouvert à une réflexion sur le rôle des directeurs d’école, dont les responsabilités se sont effectivement accrues au cours des dernières années sans qu’un statut propre soit créé à leur destination. C’est par cette question qu’il faudra commencer par s’interroger avant d’envisager une évolution du statut des établissements.

Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur Roy, que j’ai traité avec désinvolture la question de l’amiante lors d’une précédente audition. Sur cette question extrêmement grave de santé publique, l’État a pris ses responsabilités pour les bâtiments dépendant de lui, comme l’université de Jussieu. Par ailleurs, bien que les communes soient maintenant en charge de la construction et de l’entretien des écoles, elles peuvent bénéficier d’un accompagnement de la part de l’Observatoire de la sécurité des établissements scolaires.

La réforme du bac « pro » a pour objet de porter 80 000 élèves supplémentaires au niveau du baccalauréat et de revaloriser la filière en alignant le nombre d’années d’études sur celui du bac général et du bac technologique. Pendant la période de transition, les élèves issus de BEP pourront bénéficier de formules passerelles. Là aussi, nous tenons nos promesses.

Cette revalorisation de la filière professionnelle devrait contribuer à répondre à vos inquiétudes concernant la formation en alternance, monsieur Douillet. De nombreux élèves et de nombreux apprentis rencontrant des difficultés à trouver des stages, j’ai demandé la mise en place d’interlocuteurs et la constitution de banques de stages dans chaque académie.

S’agissant de la création d’établissements « à thème », suggérée par M. Douillet, je rappelle qu’il existe déjà des classes à horaires aménagés dans le domaine artistique, considéré comme prioritaire dans le cadre du renforcement de l’enseignement des arts et de la culture à l’école. Une réflexion est en cours en ce qui concerne les sections sportives, qui ont fait l’objet d’un rapport de l’inspection générale. Je souhaite naturellement que l’ensemble des partenaires soit associé à cette réflexion.

Nous ne supprimons pas d’heures de cours dans les lycées, monsieur Ménard. Il n’est pas question d’instaurer un lycée light. Les emplois du temps de nos élèves étant les plus chargés de l’OCDE – ils suivent, chaque année, 100 heures de cours de plus que la moyenne –, les deux heures d’accompagnement individuel seront en revanche intégrées dans les horaires actuels.

S’agissant des RASED, 1 500 postes seront effectivement sédentarisés pour permettre une meilleure adaptation aux difficultés du terrain.

Quant aux AVSi, il y a eu un léger décalage chronologique mais la situation est en train de rentrer dans l’ordre grâce au portage par les associations, autorisé par voie d’amendement, et au déploiement de 5 000 personnes supplémentaires. Comme l’a reconnu hier un important responsable syndical, le nombre d’enfants sans AVSi est aujourd’hui très minoritaire.

Enfin, la « prime » de 100 euros est en réalité une augmentation de traitement qui ne concernera pas que les personnels en début de carrière – un rattrapage aura lieu à chaque échelon.

M. Laurent Hénart. J’aimerais revenir sur la question de la professionnalisation des études, déjà abordée par David Douillet.

Dans notre pays, le taux d’activité des seize-vingt cinq ans, qui comprend l’emploi, la formation professionnelle et le travail occasionnel, est inférieur de moitié à celui du reste de l’OCDE.

Comment envisagez-vous l’évolution du service public de l’orientation ? Allez-vous l’ouvrir aux collectivités territoriales ? Celles-ci ont en effet ouvert des maisons de l’emploi qui permettent de mieux anticiper les besoins en main-d’œuvre des employeurs publics de mettre en réseau les organisations consulaires, les branches professionnelles et les partenaires sociaux. Elles sont également fort utiles en matière d’information, d’accueil des collégiens dans le cadre des options et des modules de « découverte professionnelle », mais aussi d’offre de stages et de contrats de professionnalisation et d’insertion.

On peut également s’interroger sur le développement de l’apprentissage. La rémunération des stages longs devrait aller dans le bon sens et nous pouvons nous appuyer sur des centres de formation pour apprentis, les CFA, et des unités de formation par apprentissage, les UFA, de grande qualité, mais la loi Fillon de 2005 avait fixé comme objectif de doubler le nombre d’apprentis en cinq ans. Où en sommes-nous ?

Mme Monique Boulestin. Le développement personnel et la réussite scolaire des enfants peuvent être handicapés par des maladies chroniques et des troubles organiques qui ne seraient pas pris en compte rapidement. C’est pourquoi la médecine scolaire revêt une importance considérable. Mme Lagarde a affirmé qu’il fallait porter une attention particulière aux publics présentant des difficultés spécifiques. Or nous savons que, pour certaines familles durement éprouvées par la crise, le médecin de ville ne remplacera pas le médecin scolaire. Je demande donc la constitution d’une mission sur la réalisation des bilans de santé à l’école.

M. Alain Marc. Avec mon collègue Xavier Breton, nous avons fait un certain nombre de recommandations concernant l’évaluation des élèves, qui est aujourd’hui une nécessité compte tenu du taux d’élèves en échec à la sortie du primaire.

Le rôle des maîtres étant essentiel dans l’éducation des élèves, la formation des enseignants revêt une importance considérable. Le développement des stages et du tutorat sous la férule de maîtres expérimentés va dans le bon sens, mais on pourrait envisager que les stages réalisés permettent d’obtenir un bonus au concours. C’est en effet un bon moyen pour évaluer la motivation et les compétences des candidats.

J’aimerais également savoir combien de semaines de formation pratique sont prévues dans le cadre de la mastérisation.

M. Patrick Bloche. Le ministre de la culture s’est récemment félicité de l’augmentation des crédits affectés à l’éducation artistique. Or, chacun sait que l’essentiel des crédits concernés relèvent, en réalité, du budget de l’éducation nationale.

Lorsqu’il a présenté la réforme du lycée, le Président de la République a rappelé que l’éducation artistique constituait une des missions fondamentales de l’éducation, mais il y a malheureusement un écart entre les discours et les actes. La Commission européenne a ainsi déploré, dans un récent rapport, la faiblesse de l’effort consacré à l’éducation artistique. On pourrait également revenir sur le triste sort réservé au plan Lang-Tasca de 2000.

Dans ces conditions, ne croyez-vous pas qu’il faudrait consacrer du temps et des crédits supplémentaires à l’appréhension de l’art et à l’éducation à l’image ? Les inégalités sociales sont particulièrement criantes en la matière. Les résultats encourageants de l’enquête sur les pratiques culturelles de nos concitoyens devraient nous inciter à un peu plus de volontarisme.

M. Claude Bodin. Les réformes de l’éducation nationale se succèdent depuis quarante ans au rythme des changements de gouvernement, souvent sur le seul fondement de rapports remis par des spécialistes sans consultation de la représentation nationale.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de s’étonner du bilan actuel : 15 % des enfants ne maîtrisent pas suffisamment le langage pour accéder à d’autres apprentissages ; l’orientation vers la seconde générale reste massive à la sortie du collège, ce qui conduit 15 % des élèves à redoubler ou à se réorienter ; 150 000 jeunes sortent, chaque année, du système scolaire sans aucun diplôme ni qualification.

Le dogme de l’égalitarisme – même école et même collège pour tous sans prise en considération des capacités et des aspirations des élèves – a provoqué le nivellement des exigences vers le bas. Les principales doctrines en vigueur reposent sur trois fausses bonnes idées : l’école obligatoire jusqu’à seize ans, l’objectif de porter 80 % d’une tranche d’âge au baccalauréat et le rejet de toute sélection.

Tous les obstacles à franchir entre le primaire et l’université ont donc été levés : le niveau exigé pour l’entrée en sixième a été considérablement réduit, le brevet, hier passeport pour entrer au lycée, est devenu une simple formalité, et le baccalauréat, toujours requis pour rejoindre le cycle universitaire mais trop généreusement délivré, a été fortement dévalorisé, ce qui explique l’échec d’un grand nombre d’étudiants dès la fin de la première année à l’université.

Je ne reviendrai pas sur la question de l’apprentissage, déjà abordée par certains collègues. Mais, ne pensez-vous qu’il serait judicieux de réintroduire des filtres dans notre système éducatif ? Je pense notamment à l’instauration d’un examen de passage pour l’entrée en sixième des élèves dont les résultats seraient jugés insuffisants et à la revalorisation du brevet des collèges, qui devrait témoigner d’un certain niveau de connaissances et valider des aptitudes permettant d’accéder au second cycle.

Il faudrait également en finir avec l’objectif de porter 80 % d’une tranche d’âge au baccalauréat.

Mme Colette Langlade. Parmi les indicateurs et les objectifs de performance qui nous sont présentés figure l’idée que l’école a pour mission de former des citoyens responsables et autonomes, notamment en favorisant l’apprentissage de la vie collective, le développement de l’esprit de solidarité et l’engagement dans les instances lycéennes.

D’ici à 2011, vous espérez ainsi augmenter le nombre d’élèves détenteurs d’une licence d’association sportive d’établissement. Comment comptez-vous y parvenir compte tenu des suppressions d’options et des difficultés de remplacement que l’on connaît aujourd’hui ?

M. Jean-Luc Reitzer. Ma question portera sur le plan « écoles numériques rurales », qui a été lancé, au printemps dernier, en faveur des communes de moins de 2 000 habitants, en partenariat avec l’Association des maires ruraux de France. L’objectif est de lutter contre la fracture numérique, qui handicape de nombreux territoires et empêche de nombreux enfants à accéder à l’école du XXIe siècle.

Ce plan a été victime de son succès, car plus de 8 000 communes se sont portées candidates alors que 5 000 projets étaient prévus. Les moyens disponibles étant insuffisants, près de 38 % des projets n’ont pu être acceptés – dans mon département, par exemple, il y en a près de 25 dans ce cas.

Comptez-vous lancer un second plan pour satisfaire les demandes non satisfaites ?

En second lieu, pourrions-nous connaître plus précisément les critères retenus ?

Mme Dominique Orliac. Avec 16 000 postes en moins et un budget qui stagne – 0,4 % d’augmentation, quand le Gouvernement prévoit une croissance du PIB d’environ 0,75 % –, la part de l’éducation nationale dans le budget global de la nation continue de fondre. Vous ne faites que confirmer ce que l’on constate depuis plusieurs années : l’éducation n’est plus une priorité du Gouvernement et de la majorité, alors que c’est le meilleur investissement pour surmonter la crise actuelle et anticiper les crises futures.

Les suppressions de postes devaient avoir pour contrepartie la revalorisation salariale des enseignants, mais les premières mesures annoncées sont bien en-deçà des attentes. Les nouveaux recrutés au niveau du mastère débuteraient avec une majoration de 100 euros, augmentation qui était jusque-là obtenue au premier changement d’échelon, au bout de trois mois d’ancienneté. À cela s’ajoute la prime au mérite – ou plutôt au zèle. Allez-vous engager une véritable politique de revalorisation des traitements des enseignants qui soit autre chose qu’un saupoudrage au bénéfice de quelques-uns ?

Les crédits pédagogiques pour le premier degré de l’enseignement public connaissent une baisse sans précédent, passant de 12,3 à 5,9 millions d’euros. Veut-on une école publique refermée sur elle-même faute de moyens financiers pour des activités complémentaires et des partenariats dans les domaines artistiques, culturelles et scientifiques, ou encore pour l’éducation à la santé ou à l’environnement ? L’école de la République n’a-t-elle pas aussi pour mission de former des citoyens ouverts sur la société qui les entoure ?

M. Bernard Perrut. Trop de jeunes sortent du système scolaire sans diplôme et limiter ce nombre suppose une politique volontaire et ambitieuse, comme celle que vous nous proposez. Que pensez-vous des résultats des réseaux « ambition réussite » et des réseaux de réussite scolaire, ainsi que du volet éducation de la dynamique Espoir banlieues, résultat que le rapporteur lui-même qualifie dans son rapport de « mitigés ».

En matière de lutte contre le décrochage scolaire, dont le Président de la République a fait une priorité, comment comptez-vous assurer la poursuite du financement des 5 000 postes de médiateurs de réussite scolaire, créés au début de l’année pour compléter l’action des missions générales d’insertion, les MGI, et financés pendant douze mois par le plan de relance ? Enfin, selon quelles modalités et avec quels moyens comptez-vous mettre en œuvre les plateformes régionales d’orientation et plus généralement les actions de terrain destinées à lutter contre le décrochage scolaire, étant donné le rôle assigné par le Président de la République aux missions locales dans ce combat ?

Ma dernière question portera sur le système des aides financières aux élèves. L’audit de modernisation dont celui-ci a fait l’objet en 2008 concluait au manque de lisibilité du dispositif et à la nécessité de simplifier un système créé en 1959. Où en sommes-nous ?

M. Louis-Joseph Manscour. Mes deux questions concernant les moyens que vous comptez mobiliser pour l’outre-mer, et particulièrement pour les Antilles, menacées par votre logique de surenchère en matière de suppression des postes et des moyens.

Sur les 16 000 postes dont vous annoncez la destruction, combien seront supprimés outre-mer, notamment en Guadeloupe et en Martinique ? Vous connaissez le degré de dégradation atteint par la situation des jeunes, qui représentent 58 % de nos chômeurs. La communauté éducative, les familles, les syndicats, les collectivités tirent la sonnette d’alarme : tous refusent de croire que l’école de la réussite, qui a jusqu’à présent maintenu le pacte social, s’inscrive dans la société de l’échec, de l’explosion sociale et de la violence. La diminution du nombre d’élèves, dont vous tirez argument pour justifier la suppression de postes, ne vaut pas pour l’outre-mer. Quand 20 % du territoire est classé en ZEP, que le taux de réussite au baccalauréat y est très inférieur à ce qu’il est en France hexagonale, et que le taux d’illettrisme reste élevé, ce n’est pas une suppression des postes, mais plutôt une réorganisation des moyens et une réduction des effectifs qui s’impose si l’on veut assurer un meilleur suivi des élèves. Même si je ne doute pas de votre bonne volonté, monsieur le ministre, en matière d’éducation, on ne peut pas faire mieux avec moins.

Nous n’avons de cesse, depuis 2002, de déplorer les centaines de situations de postes, les couples claires et le démantèlement des réseaux d’aides aux élèves en difficulté, au moment même où l’académie de Martinique voulait rattraper la moyenne nationale. Ces choix de rupture et de destruction ne feront qu’aggraver les difficultés de nos régions.

Je voudrais savoir ensuite quelle politique spécifique vous comptez mettre en œuvre pour offrir à la jeunesse de nos territoires de nouvelles perspectives ?

M. Philippe Armand Martin. Je voudrais vous interroger sur la scolarisation des enfants handicapés, plus particulièrement sur les auxiliaires de vie scolaire, les AVS. Les progrès que l’AVS fait accomplir à son élève ne doivent rien au hasard : ils sont dus à la véritable relation de confiance que l’auxiliaire a su nouer avec l’enfant dont il a la charge, dans la durée. Mais la fin du contrat des AVS est souvent traumatisante pour l’enfant handicapé, provoquant, pour lui-même comme dans sa famille, stress et angoisse, et il arrive qu’un enfant refuse le nouvel auxiliaire. Envisagez-vous de créer des postes d’AVS qui accompagneraient les enfants durant toute leur scolarité ?

Mme Martine Faure. Nous ne pouvons pas, monsieur le ministre, être satisfaits de vos annonces concernant l’école maternelle et l’enseignement pré-élémentaire – nomination de cent inspecteurs, taux d’encadrement de 25,8 %, budget constant. Des objectifs tels que la réussite pour tous ou la lutte contre les inégalités se préparent très en amont, dès l’âge de deux ans.

L’action 1 pour l’enseignement pré-élémentaire précise bien que « la maternelle a pour finalité d’aider chaque enfant à devenir autonome, à s’approprier les connaissances et les compétences afin de réussir au CP les apprentissages fondamentaux ». Pour cela, l’école maternelle a besoin des moyens qu’elle n’a plus, d’enseignants plus nombreux et mieux formés et d’effectifs réduits. Allez donc essayer de passer une journée avec une classe de trente-deux élèves ! Et nombreuses sont les classes qui affichent un tel effectif.

La réussite passe aussi par l’accueil en maternelle dès l’âge de deux ans, comme le démontre un rapport de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance : celui-ci indique que 90,8 % des enfants scolarisés à deux ans parviennent au CE2 sans redoubler, contre 87,7 % scolarisés à trois ans et plus. La preuve est faite également que l’accueil en maternelle coûte nettement moins cher que n’importe quel autre mode de garde, notamment les jardins d’éveil, coûteux à la fois pour les familles et pour les collectivités locales, qui n’auront plus demain les moyens d’en assurer le fonctionnement. C’est pourquoi je vous demande si vous comptez donner à l’école maternelle et à l’enseignement pré-élémentaire les moyens d’exercer les missions que, vous comme nous, nous lui assignons.

M. Marc Bernier. Je souhaiterais vous interroger sur la nécessité de faire une plus grande place à l’éducation artistique et culturelle. Nous sommes nombreux, au sein de la toute nouvelle Commission des affaires culturelles, à souhaiter qu’une mission évalue l’impact de cette éducation à l’école.

On connaît la profondeur des inégalités entre nos territoires dans le domaine de l’offre culturelle : j’aimerais en savoir un peu plus sur vos projets pour les réduire.

Deuxièmement, si la loi sur le handicap du 11 février 2005 a fait de la scolarisation en milieu ordinaire des enfants handicapés une de ses priorités et si nous ne pouvons que nous féliciter du doublement, depuis 2002, du nombre d’élèves handicapés accueillis en milieu ordinaire, cet accueil pose des problèmes de financement aux écoles privées, celles-ci devant procéder aux travaux nécessaires pour assurer l’accessibilité de l’établissement. Le problème se pose avec une acuité particulière dans les communes où l’école privée est le seul établissement scolaire. C’est le cas de certaines communes de mon département, la Mayenne. Sur quelles aides pourront-elles compter ?

M. Pascal Deguilhem. Parlons-nous réellement de la même école et des mêmes enseignants, monsieur le ministre ? Au-delà d’une rentrée techniquement réussie, ce qui est bien le moins de nos jours, les problèmes subsistent faute d’une réponse de votre part : c’est du moins la conclusion à laquelle je parviens si je regarde ce qui se passe dans mon département. Comment y assurer l’accompagnement des élèves en difficulté quand huit postes spécifiquement dédiés à cette mission ont disparu ?

Quant à l’enseignement obligatoire d’éducation physique, affiché comme un objectif prioritaire de santé publique, comment l’assurer quand 1 200 postes sont supprimés, pour seulement 400 créations de poste ?

Enfin, nous ne savons pas comment vous allez mettre en place les stages pédagogiques prévus dans le cadre de la mastérisation et de la formation continue des enseignants. Dans ce domaine, même les professeurs d’IUFM ignorent ce qu’il en sera en 2011.

M. Gérard Gaudron. Mes questions ayant été posées par de précédents intervenants, je renonce à m’exprimer.

M. Régis Juanico. En tant que rapporteur du budget du sport, de la jeunesse et de la vie associative, j’aurai demain l’occasion de faire des propositions pour promouvoir l’activité physique et sportive tout au long de la vie, notamment à l’école. Ainsi, je proposerai quatre heures d’éducation physique et sportive pour les élèves de tous niveaux, mais j’ai eu la surprise de constater que la réforme du lycée ne prévoyait rien en matière d’EPS.

Il faut avant tout assurer le respect des horaires obligatoires d’EPS, ce qui n’est pas le cas. A l’école primaire, par exemple, alors que l’horaire théorique est de trois heures, l’horaire réel est de deux heures douze.

Que comptez-vous faire pour enrayer la baisse du recrutement des professeurs d’EPS, une personne sur trois partant à la retraite n’étant pas remplacée depuis quatre ans, ce qui s’apparente à une véritable saignée ?

Deuxièmement, pouvez-vous nous assurer que les trois heures forfaitaires assurées par les professeurs d’éducation physique pour l’UNSS, l’Union nationale du sport scolaire, seront maintenues – on sait le travail formidable accompli par l’UNSS, ainsi que par l’Union sportive de l’enseignement du premier degré, dans l’école primaire et au collège ? Quel sera le sort des postes de coordinateurs des professeurs d’EPS dans les districts et les territoires, qui étaient jusqu’ici financés sur les dotations en heures supplémentaires des collèges ?

L’accompagnement éducatif et son volet sportif, en dépit de ses insuffisances, peut être un bon complément au sport scolaire, s’il est assuré en partenariat avec les clubs sportifs. Cette mission est aujourd’hui gérée par le Centre national pour le développement du sport, le CNDS, à hauteur de 20 millions d’euros, dont 7 pour les équipements. Les 12 ou 13 millions restants ne devraient-ils pas faire l’objet d’une subvention du ministère de l’éducation nationale ?

M. Michel Heinrich. Je ne peux qu’approuver une réforme du collège, qui n’est plus du tout adapté à la diversité du public qu’il est censé accueillir. À leur entrée au collègue, les enfants ont besoin de repères et de référents.

Mais je vous interrogerai plus particulièrement sur un point d’importance, même s’il peut sembler anecdotique à première vue. Vous qui êtes maire, monsieur le ministre, vous savez que les communes mettent souvent des éducateurs sportifs à disposition des établissements scolaires, notamment des opérateurs territoriaux des activités physiques et sportives, titulaires d’un brevet d’État d’éducateur sportif. Ceux-ci doivent avoir été titularisés avant 1992 pour obtenir un agrément de l’éducation nationale qu’un simple vacataire, titulaire du même diplôme, voire un parent, peut obtenir sans difficulté. J’espère que vous saurez, monsieur le ministre, mettre fin à ce qui constitue à mes yeux une véritable aberration.

M. Lionnel Luca. Je voudrais à mon tour vous interroger sur la situation des AVS. J’entends dire que tous les postes sont occupés, mais ce n’est pas le cas dans ma circonscription, où beaucoup de familles attendent encore, en cette période des vacances de la Toussaint, de bénéficier des services d’un AVS, pour la simple raison qu’on ne trouve pas de personnes suffisamment formées. Il faut reconnaître ces difficultés et la nécessité de pérenniser ce qui est devenu un véritable métier. M. Darcos m’avait assuré l’an passé qu’une réflexion était engagée à ce sujet. Où en sommes-nous ? Sans nécessairement passer par un statut, on pourrait imaginer des garanties, sur le modèle des maîtres auxiliaires, qui ont finalement tous été résorbés.

Mme Chantal Berthelot. Je partage les inquiétudes exprimées par mes collègues du groupe SRC à propos des remplacements, de l’illettrisme ou du bilan santé, mais vous me permettrez de m’arrêter plus particulièrement sur la situation de la Guyane.

L’éducation nationale est le premier employeur dans ce département où 50 % de la population a moins de trente-cinq ans, 35 % moins de quinze ans, et qui compte autant d’enfants scolarisés que d’actifs, à savoir 70 000. C’est une situation unique. Nos résultats scolaires sont les plus mauvais de France. Seulement 46 % d’élèves rentrent en sixième avec au moins un an de retard, 16 % ont obtenu le bac général, 10 % le bac technologique ou professionnel. Comment comptez-vous améliorer ces résultats ?

Comment, avec un budget qui n’est pas de nature à nous rassurer, pourrons-nous ensemble – car les collectivités sont vos partenaires obligés – faire de la cohésion sociale une réalité dans ce département ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. Je partage votre vision de l’apprentissage, monsieur Hénart. L’apprentissage est non seulement un système complémentaire de l’éducation nationale, mais il est aussi un outil au sein même de l’éducation nationale. Depuis 2005, les établissements publics d’enseignement comptent 10 823 apprentis supplémentaires, soit une augmentation de 39,7 % du nombre de nos jeunes préparant une formation par la voie de l’apprentissage dans les lycées.

En ce qui concerne le service public d’orientation, l’objectif est d’abord d’améliorer la coordination entre les différents acteurs, qu’ils relèvent de l’État – ils seront alors placés sous la responsabilité du délégué interministériel à l’orientation – ou qu’il s’agisse d’acteurs extérieurs, tels que les régions.

Monsieur Perrut, pour ce qui est des plateformes d’orientation, aujourd’hui gérées par l’ONISEP, les opérateurs répondent aux élèves ou à leurs parents, par téléphone, par l’Internet ou au travers de sites de chat très interactifs. Ils dispensent en outre des informations de géolocalisation, notamment sur les débouchés dans la région concernée.

Pour ce qui est de la médecine scolaire, madame Boulestin, le budget prévoit 1 320 équivalents temps plein de médecins et 7 168 d’infirmières. Même si nous augmentons les postes mis au concours, nous nous heurtons à de telles difficultés de recrutement que 450 postes n’ont pas été pourvus. C’est pourquoi, avec mon équipe, nous travaillons actuellement à mettre en place des dispositifs d’incitation afin que davantage de médecins et de personnels infirmiers soient attirés vers l’éducation nationale, où ils jouent un rôle absolument essentiel dans la prévention et l’accompagnement des élèves.

M. Marc m’a interrogé sur les stages dans le cadre de la mastérisation de la formation des enseignants. Tout d’abord, ces stages seront encouragés dès la licence. Ensuite, il y aura à la fois des stages d’observation sans tuteur, des stages de pratique accompagnée et des stages en responsabilité, dans la limite également de 108 heures. Une fois que les étudiants auront obtenu leur diplôme, un tiers de leur emploi du temps durant leur première année d’exercice sera encore consacré à la formation, si bien qu’au final plus de temps aura été consacré à la formation pédagogique que dans le dispositif actuel.

M. Bloche, pour sa part, m’a questionné sur l’enseignement artistique. Le Gouvernement en a fait une priorité. L’histoire des arts est enseignée depuis la rentrée 2008 dans le premier degré et depuis la rentrée 2009 dans le second degré et, à partir de l’année prochaine, cet enseignement fera l’objet d’une évaluation dans le cadre du brevet des collèges. Un tiers des élèves qui bénéficient aujourd’hui d’un accompagnement éducatif au collège reçoivent en outre dans ce cadre une ouverture à la pratique artistique et culturelle. Par ailleurs, depuis avril 2009, les enseignants du primaire et du secondaire peuvent accéder gratuitement aux collections permanentes des musées nationaux afin de leur permettre de mieux préparer leurs cours. Un portail en cours de création pourra aussi les y aider. Enfin, la réforme du lycée renforcera la culture au lycée en généralisant la présence d’un référent culturel dans chaque établissement, en facilitant l’accès aux grandes expositions nationales puisqu’il sera désormais possible dans chaque lycée d’avoir accès par le biais de France Télévisions, libres de droits, à des documents pédagogiques reproduisant ces grandes expositions. Cela est de nature à réduire la fracture culturelle dont souffrent les territoires ruraux, évoquée par M. Bernier.

M. Bodin a soulevé la question de l’égalitarisme, évoquant à la fin de son intervention un « filtrage ». Pour passer d’un système quantitatif à un système qualitatif, il faut nous adapter à la situation de chaque élève et permettre à chacun de réussir avec les talents qui sont les siens. Tout en renforçant nos grands principes fondamentaux, comme celui d’égalité sur l’ensemble du territoire national, avec le maintien de programmes nationaux, de diplômes nationaux et de concours nationaux pour le recrutement des enseignants, il nous faut aussi personnaliser et adapter l’enseignement dispensé aux élèves tout au long de leur scolarité. D’où notre politique d’aide personnalisée, d’accompagnement éducatif, d’accompagnement personnalisé en lycée professionnel, lequel, après la réforme, sera généralisé à tous les lycées.

Madame Langlade, je puis vous rassurer : il n’est pas question de supprimer d’options. S’agissant de l’apprentissage de la vie collective, deux compétences sur sept du socle commun y ont d’ores et déjà trait : compétence civique et sociale, autonomie et initiative des élèves. La réforme du lycée prévoit par ailleurs la mise en place d’un livret de compétences valorisant les engagements des élèves au-delà du domaine strictement scolaire, de renforcer les instances de la vie lycéenne et de développer l’autonomie des élèves. Seront notamment relancés tous les chantiers de maisons des lycéens.

Monsieur Reitzer, le plan de développement du numérique dans les écoles rurales concerne 5 000 écoles au départ. Cinquante millions d’euros ont été dégagés à cet effet dans le cadre du plan de relance, dont dix millions consacrés aux établissements privés, dans le strict respect du quota de 20 %. Vingt millions d’euros ont été débloqués dès juin 2009, trente millions l’ont été en septembre. Plus de huit mille projets ont été déposés par les communes pour un montant global de plus de 60 millions d’euros. A ce jour, un accord définitif a été donné à 4 169 projets sur l’ensemble du territoire. Afin que tous les dossiers déposés puissent être financés, j’ai demandé au Premier ministre que certains crédits soient redéployés au sein du plan de relance et sollicité 17 millions supplémentaires.

Madame Orliac a regretté que la part des moyens de l’éducation nationale diminue. Il n’en est rien. Même dans le contexte actuel de crise, le budget de l’éducation nationale augmente davantage que celui de l’ensemble de l’État et la France continue d’investir en moyenne un point de plus de PIB dans l’éducation que la moyenne des pays de l’OCDE. Cela étant, il est un moment où la solution n’est pas d’apporter toujours davantage de moyens financiers – au vu des moyens engagés, nous devrions avoir les meilleurs résultats en matière d’insertion professionnelle de nos élèves et de nos étudiants ! –, mais d’adapter le système éducatif à la situation de chaque élève, en améliorant l’orientation, qui doit être à la fois plus progressive et réversible, en organisant un accompagnement permettant d’assurer le soutien nécessaire aux élèves en difficulté et d’éviter les décrochages. C’est ainsi que nous obtiendrons de meilleurs résultats et que nos moyens seront vraiment optimisés au bénéfice de la réussite de chaque élève.

Quant à la revalorisation du métier d’enseignant, elle comporte bien quatre volets, et non un seul. Il est prévu d’apporter une amélioration en début de carrière, de procéder à des rattrapages, de rémunérer les nouvelles missions et de travailler sur l’ensemble de la carrière. La diminution des crédits pédagogiques, je l’ai déjà expliqué, résulte de la mastérisation.

M. Perrut m’a interrogé sur les réseaux Ambition réussite et le plan Espoir banlieues. A ce que j’ai déjà répondu tout à l’heure, j’ajoute que le développement des internats d’excellence constitue une autre réponse dans les quartiers en difficulté. Nous avons ouvert en septembre à Sourdun le premier de ces internats qui accueille des élèves de milieu défavorisé possédant de réelles capacités scolaires, afin de favoriser leur réussite. Notre objectif est d’en ouvrir dix d’ici à la rentrée 2011. S’agissant des plateformes régionales d’aide personnalisée à l’orientation, sur lesquelles portait aussi l’une de vos questions, l’expérimentation conduite à Amiens, avec notamment des postes de médiateurs de la réussite scolaire, sera généralisée dans toute la France. Pour lutter contre le décrochage scolaire, nous travaillons à des mesures structurelles – l’amélioration de l’orientation est une réponse, les plateformes, auxquelles nous avons travaillé avec Martin Hirsch, en sont une autre – en même temps que nous menons des expérimentations locales. Les médiateurs de la réussite scolaire peuvent permettre de lutter contre l’absentéisme scolaire, lequel aboutit en général progressivement au décrochage.

M. Manscour et Mme Berthelot m’ont interrogé sur la situation de l’outre-mer.

En Martinique, les contrats de projet État-région seront intégralement couverts fin 2009 en autorisations d’engagement et à 89 % en crédits de paiement. Fin 2010, ils le seront totalement en crédits de paiement également.

Nous avons su, je le crois, adapter nos moyens à la situation particulière de l’outre-mer et tenir compte des réalités locales. Nous l’avons montré en Guyane en renonçant aux suppressions de postes et aux fermetures un temps envisagées. Nous nous sommes également adaptés à la situation démographique particulière de ces académies, notamment celle de Guyane. Cela se traduit en matière d’investissements, pour lesquels l’État continue d’avoir compétence, et de personnels. Pour le reste, je suis ouvert à la discussion avec les différentes collectivités : j’ai déjà reçu les présidents de la région et du département de Guyane. Les problèmes d’éducation ont également été abordés dans le cadre des états généraux de l’outre-mer.

M. Martin m’a interrogé sur les problèmes soulevés par le non-renouvellement du contrat de certains AVSi. Comme vous le savez, un amendement a été adopté autorisant désormais le portage par une association afin d’éviter toute rupture, traumatisante pour les familles mais aussi pour les enfants, en particulier autistes. Une convention a été signée avec trois grandes organisations nationales couvrant l’ensemble du territoire avant la rentrée scolaire, et le dispositif monte progressivement en puissance. Des difficultés peuvent subsister dans certains cas particuliers, comme l’a souligné M. Luca, mais elles sont en voie de résorption. La création de 5 000 postes supplémentaires d’AVSi à la dernière rentrée devrait améliorer la situation. Mais il faut le temps de les recruter et la procédure est longue. Dans le premier degré, ils sont recrutés par des établissements de référence qui les mettent ensuite à disposition des écoles. Nous avons essayé de répondre au mieux à court terme à la situation que j’ai trouvée lorsque j’ai pris mes fonctions. A moyen terme, il faut bien sûr travailler sur la pérennisation et la professionnalisation de ces métiers de l’accompagnement des enfants handicapés.

Mme Faure a jugé insuffisant le taux d’encadrement en maternelle. Le nombre moyen d’élèves par classe est de 25,8. On peut certes trouver des classes de 32, mais il en est aussi de 14 ou moins en milieu rural. Lors de cette rentrée, nous avons, je le crois, adressé des signaux clairs montrant qu’il n’est pas question de remettre en cause la maternelle.

M. Deguilhem a évoqué la question de l’enseignement de l’éducation physique et sportive. Si certains postes ont disparu ces dernières années, c’est aussi parce que le taux de remplaçants disponibles en EPS était plus élevé que dans les autres disciplines. Le ratio enseignants/élèves n’a pas été substantiellement modifié. S’agissant de la formation pédagogique dans le cadre de la mastérisation, j’ai déjà répondu.

M. Juanico propose que tous les élèves bénéficient de quatre heures hebdomadaires d’éducation physique et sportive. Qui ne le souhaiterait ? Le problème est de savoir sur quoi prendre ces heures car je ne pense pas que l’on puisse augmenter encore le temps scolaire, notamment au lycée, où les élèves ont des emplois du temps déjà surchargés – si l’on ajoute aux enseignement obligatoires et aux options le travail personnel, certains lycéens travaillent largement plus de 35 heures par semaine ! L’éducation physique et sportive n’a pas été oubliée dans la réforme du lycée. Aujourd’hui, les élèves choisissent à 97 % une deuxième langue vivante comme enseignement d’exploration en classe de seconde. Nous allons intégrer la LV2 au tronc commun et l’éducation physique et sportive fera partie des enseignements d’exploration : les élèves pourront donc être plus nombreux à la choisir. Enfin, nous avons maintenu l’option éducation physique et sportive et préservé les trois heures de l’UNSS.

Monsieur Heinrich, s’agissant des agents qui ont été recrutés avant la création du corps d’opérateurs territoriaux ou qui n’ont pu obtenir leur agrément après l’examen professionnel organisé en 2007 par le Centre national de la fonction publique territoriale – 300 personnes environ y ont échoué –, le ministre chargé de la fonction publique et son collègue chargé des collectivités territoriales examinent actuellement les modalités de régularisation et de titularisation des agents concernés.

M. Yves Censi, rapporteur spécial. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces précisions.

Je souhaite revenir sur les résultats des évaluations réalisées dans le primaire. Très utiles à l’élaboration des projets annuels de performance, ce sont elles qui nous permettent de mesurer, en toute objectivité et à partir de critères partagés, l’efficacité des politiques mises en œuvre. Il faut que leurs résultats soient publiés de façon tout à fait transparente, notamment pour le socle commun de connaissances et de compétences. D’après ces évaluations, 83 % des élèves entrant en sixième maîtriseraient la langue française, 82 % le niveau de pratique attendu d’une langue étrangère, 84 % les éléments nécessaires de mathématiques et de culture scientifique. Je crains, hélas, que ces résultats ne soient particulièrement optimistes, quand d’autres études révèlent un fort taux d’illettrisme et un taux important d’élèves de sixième lisant avec difficulté et dont la compréhension des textes est insuffisante. Dans ces conditions, comment ne pas douter de l’exactitude des résultats de ces évaluations ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. J’ai lu avec beaucoup d’attention le rapport de MM. Marc et Breton sur les évaluations dans l’enseignement primaire. Ces évaluations sont essentielles pour adapter notre système d’enseignement et le renforcer là où sont repérées des difficultés. Des écarts apparaissent entre leurs résultats et ceux d’autres études. J’ai demandé à l’inspection générale de l’éducation nationale d’examiner le problème. Il nous faut garantir une totale transparence.

M. le président Didier Migaud. Michèle Tabarot et moi-même vous remercions, monsieur le ministre, ainsi que l’ensemble de nos collègues.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition de M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, la commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis, sur le rapport de M. Dominique Le Mèner, les crédits pour 2010 de la mission « Enseignement scolaire » au cours de sa séance du mardi 27 octobre 2009.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous devons maintenant nous prononcer, en donnant un avis, sur l’adoption des crédits pour 2010 de la mission « Enseignement scolaire ». Je rappelle qu’ensuite nos collègues de la commission des finances doivent aussi se prononcer.

Je me tourne maintenant vers notre rapporteur pour avis pour lui demander s’il donne un avis favorable à l’adoption des crédits.

M. Dominique Le Mèner, rapporteur pour avis. Tout à fait !

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2010 de la mission « Enseignement scolaire ».

La Commission est saisie de l’amendement 1 AC de M. Gérard Gaudron.

M. Gérard Gaudron. L’application, à l’école, de la loi du 11 février 2005 sur le handicap se fait – parfois – dans des conditions difficiles. Afin que nous disposions d’éléments objectifs et précis, mon amendement prévoit de demander au Gouvernement de transmettre au Parlement, d’ici le 30 juin 2010, un rapport sur les moyens financiers et en personnels consacrés à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants handicapés.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Quel est l’avis de notre rapporteur ?

M. le rapporteur pour avis. Cher collègue, nous ne pouvons que nous féliciter de votre initiative.

Je rappelle que les données que vous demandez sont collectées auprès des services académiques et que les moyens consacrés par l’Éducation nationale à la scolarisation des élèves handicapés en milieu ordinaire figurent dans les différents documents annexés aux lois de finances.

Par ailleurs, je crois qu’il faut souligner les résultats obtenus dans ce domaine depuis quelques années. Certes, on n’en fait et on n’en fera jamais assez. Mais je tiens à souligner que 174 673 élèves handicapés ont été scolarisés en 2008-2009 au sein des établissements scolaires publics et privés et que, depuis la rentrée 2004-2005, l’effectif d’enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire a progressé de 40 800 élèves, soit une progression annuelle moyenne de 7 %.

Je rappelle d’autres chiffres : à la rentrée 2009 en dénombrait 1 748 unités pédagogiques d’intégration auxquelles s’ajouteront, en 2010, 200 autres.

Enfin, des programmes d’enseignement de la Langue des Signes française (LSF) sont entrés en vigueur, à la rentrée 2008 pour l’école primaire et, à la rentrée 2009, pour les collèges et les lycées.

Avis favorable donc, car un tel rapport nous permettra de disposer d’une vision d’ensemble de cette politique d’accueil, qui ne pourra qu’inciter le Gouvernement à mieux faire.

La commission adopte l’amendement 1AC.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité.

III.- AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Article additionnel

Amendement n° 1 AC présenté par M. Gérard Gaudron

Après l'article 58, insérer l’intitulé et l'article suivant :

« Enseignement scolaire

«  Au plus tard le 30 juin 2010, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur les moyens financiers et en personnels consacrés à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves handicapés. » 

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE) Mme Christiane Allain, secrétaire générale, et Mme Cécile Blanchard, chargée de mission

Ø Fédération nationale de l’enseignement, de la culture et de la formation professionnelle Force ouvrière (FNEC-FP-FO) Mme Fabienne Fourcade, secrétaire nationale du Syndicat national des instituteurs et professeurs des écoles de l'enseignement public Force ouvrière (SNUDI-FO), et M. Christian Girondin, secrétaire national du Syndicat national Force ouvrière des lycées et collèges (SNFOLC)

Ø Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUIPP) M. Gilles Moindrot, secrétaire général

Ø Association Aide aux profs M. Rémi Boyer, président fondateur

Ø Association de parents d’élèves de l'enseignement libre (APEL National)M. Christophe Abraham, délégué aux relations extérieures

Ø Société des agrégés de l’université M. Jean-Michel Léost, président, et M. Stéphane Cardini, secrétaire général

Ø Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) Mme Claude Caux, vice-présidente, et M. Daniel Schwarz, trésorier général

Ø Syndicat national des enseignements du second degré (SNES) M. Daniel Robin, co-secrétaire général

Ø Syndicats généraux de l’éducation nationale CFDT (SGEN-CFDT)M. Bruno Jaouen, secrétaire national, et Mme Odile Ravaux, secrétaire nationale

Ø Mme Agnès van Zanten, sociologue, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), chercheuse à l’Observatoire sociologique du changement, centre de recherche de Sciences Po et du CNRS

Ø Ministère de l’éducation nationale M. Pierre-Yves Duwoye, secrétaire général, et M. Thierry Le Goff, directeur général des ressources humaines

Ø M. Marcel Pochard, conseiller d’État, président de la Commission sur la condition enseignante

Ø Syndicat des enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) - M. Christian Chevalier, secrétaire général, M. Guy Barbier, secrétaire national, et Mme Dominique Thoby, secrétaire nationale

Ø Syndicat national des lycées et collèges (SNALC)Mme Michèle Houel, vice-présidente, et M. Frédéric Seitz, membre du bureau national

Ø Syndicat national des écoles (SNE) – M. Vincent Gavard, secrétaire général, et M. Rémi Candelier, secrétaire général

Ø Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN) – M. Michel Richard, secrétaire général adjoint, M. Philippe Vincent, secrétaire national, responsable des carrières, et Mme Isabelle Bourhis, responsable pédagogique

© Assemblée nationale

1 () Lancé par M. Lionel Jospin quand il était ministre de l’éducation nationale, ce protocole de revalorisation de la condition enseignante a été complété par les protocoles Lang et Bayrou et s’est étalé de 1989 à 1998.

2 () « Les enseignants français : une identité particulière en Europe ? », Nadine Esquieu, Éducation et formations n° 78, novembre 2008.

3 () « Enseigner en collège et lycée 2008 », interrogation effectuée auprès de 1 200 enseignants du 2nd degré dans des collèges et lycées publics, « Les dossiers du ministère de l’éducation nationale », octobre 2009.

4 () « Les enseignants français : une identité particulière en Europe ? » article précité.

5 () Selon les projections du Conseil d’orientation des retraites pour la période 2008-2012 citées par le Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant, ce qui représente une moyenne annuelle de 27 000 départs.

6 () « Enseigner en collège et lycée 2008 », dossier précité.

7 () Décrets du 28 juillet 2009 modifiant les conditions de titre pour chaque corps (certifiés, agrégés, professeurs de lycée professionnel, conseillers principaux d’éducation, conseillers d’orientation-psychologues, professeurs des écoles et professeurs d’éducation physique et sportive). À titre exceptionnel, pour la seule session 2010, seront aussi autorisés à se présenter aux concours, les étudiants présents aux épreuves d’admissibilité de la session 2009 et les étudiants inscrits en M1 dans une composante universitaire à la rentrée 2009. Par dérogation, les lauréats des concours titulaires du M1 seront recrutés comme fonctionnaires stagiaires dès la rentrée universitaire 2010.

8 () « Les enseignants français : une identité particulière en Europe ? », article précité.

9 () Éléments tirés des réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur pour avis.

10 () Éléments tirés des réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur pour avis.

11 () En 2006, ces taux étaient de 1,15 % en 2006 pour les professeurs des écoles, 3,82 % pour les agrégés et 4,23 % pour les certifiés.

12 () Il y a lieu de noter que les enseignants du 2nd degré perçoivent une indemnité de suivi et d’orientation des élèves dont le montant annuel est de 1 190 euros et qui a représenté, en 2008, une dépense de 461 millions d’euros.

13 () Rappelons qu’en 2006, suite à la relance de la politique d’éducation prioritaire, les « ZEP », même si ce terme est encore utilisé, ont laissé la place aux réseaux « ambition réussite » et aux réseaux de réussite scolaire.

14 () Lorsque l’établissement est classé en « zone sensible », les régimes indemnitaires propres à ce dispositif se substituent à ceux propres aux ZEP : ainsi les enseignants du 2nd degré touchent 30 points de nouvelle bonification indiciaire en lieu et place de l’indemnité de sujétions spéciales « ZEP ».

15 () Pour le mouvement des personnels enseignants de l’année 2009, les académies ont classé 1 416 établissements en affectation à caractère prioritaire.

16 () De son côté, la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a porté la limite d’âge d’exercice dans la fonction publique à 65 ans pour les corps ou cadres d’emploi pour lesquels il n’était pas possible de poursuivre un exercice jusqu’à cette âge.

17 () Réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur pour avis.

18 () En revanche, les enseignants âgés de 36 à 45 ans effectueraient respectivement 21 heures et 18 d’enseignement en collège et en lycée.

19 () Conclusions du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 21 novembre 2008 – « Préparer les jeunes au XXI° siècle : un programme de coopération européenne en matière scolaire ».

20 () « Responsabilités et autonomie des enseignants en Europe », Eurydice et Commission européenne, juin 2008.

21 () Réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur.

22 () Rapport annuel 2008-2009 sur l’état de la fonction publique, volume 1, Faits et chiffres, octobre 2009.

23 () La loi du 2 février 2007 précise que pour exercer le cumul, l’autorisation d’accomplir un service à temps partiel est accordée de plein droit.