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N° 1968

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2010 (n° 1946)

TOME VIII

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET VIE ÉTUDIANTE

Par Mme Françoise GUÉGOT,

Députée.

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Voir le numéro : 1967 (annexe n° 36).

INTRODUCTION 5

I.- UN BUDGET DE MISE EN œUVRE DE LA LOI « LRU » 7

II.- QUEL POSITIONNEMENT POUR LES IUT DANS L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ? 9

A. LES RAPPORTS AVEC LES UNIVERSITÉS : SURMONTER LA CRISE DE CONFIANCE PAR LA CONTRACTUALISATION ET L’ADOPTION DE MESURES CONSERVATOIRES 10

1. La nouvelle donne créée par la loi « LRU » : un régime de « cohabitation » université-IUT pouvant être source de tensions 10

2. Une autonomie de gestion réaffirmée par l’État mais qui n’est pas encore reconnue sur tout le territoire 17

B. LA FORMATION ET LE DIPLÔME : UNE DOUBLE VOCATION D’INSERTION ET DE POURSUITE D’ÉTUDES À PRÉSERVER 22

1. Les IUT aujourd’hui, entre ruptures et continuités 22

2. Le positionnement du diplôme universitaire de technologie : une double finalité à respecter car elle constitue un atout 28

3. Une offre de formation devant évoluer de manière maîtrisée 32

C. L’ACCUEIL DES BACHELIERS TECHNOLOGIQUES ET DES ÉTUDIANTS EN SITUATION D’ÉCHEC DANS LES AUTRES FILIÈRES : UNE MISSION À CONFORTER 35

1. Des mesures incitatives plutôt que contraignantes pour renforcer la part des « bacs technos » en IUT 36

2. Des dispositifs « sur mesure » pour accueillir les étudiants en échec se réorientant vers les IUT 38

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 39

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 111

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 113

INTRODUCTION

La mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » est composée de dix programmes relevant de six ministères. À structure constante, les moyens de la mission s’élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2010, à 25,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 24,79 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une progression de, respectivement, 3,67 % et 2,88 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009.

S’agissant de l’enseignement supérieur, l’engagement présidentiel d’augmenter son budget de 1 milliard d’euros par an, pendant cinq ans, est tenu : + 922 millions en 2008, + 1,154 milliard en 2009 et + 995 millions en 2010.

Le présent rapport pour avis ne porte que sur les crédits proposés pour les programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante », le détail des moyens budgétaires faisant l’objet d’un rapport spécial présenté au nom de la commission des finances par notre collège Laurent Hénart.

Ce projet de budget, qui vise notamment à « traduire », en moyens de fonctionnement, la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et aux responsabilités des universités (dite loi « LRU »), incite à se pencher sur l’un des aspects essentiels de la politique de ces établissements, à savoir leurs rapports avec les instituts universitaires de technologie (IUT).

La rapporteure pour avis a en effet choisit comme thème d’investigation pour éclairer la discussion budgétaire la place des IUT dans l’enseignement supérieur. L’enjeu est de taille : ces instituts faisant partie des universités et celles-ci pouvant disposer, grâce aux nouvelles compétences prévues par la loi « LRU » de nouveaux moyens d’action, dont un budget « global », la filière de formation modèle constituée par les IUT va-t-elle conserver ou bien perdre ses spécificités ? Aux yeux de la rapporteure pour avis, les inquiétudes que l’on constate aujourd’hui doivent faire place à une logique de coopération, épaulée par l’État et permettant aux IUT de « rayonner » au sein de leurs universités, afin qu’ils puissent assumer pleinement leur vocation de formation débouchant sur l’insertion professionnelle ou la poursuite d’études et jouer leur rôle traditionnel d’ascenseur social.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. La rapporteure pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 15 septembre 2009. À cette date, 0,09 % des réponses lui étaient parvenues. À la date butoir, ce pourcentage était de 35,8 %.

I.- UN BUDGET DE MISE EN œUVRE DE LA LOI « LRU »

Les crédits de paiement demandés pour les programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante » s’élèvent à, respectivement, 12,1 et 2 milliards d’euros.

Tout comme pour le projet de loi de finances pour 2009, ces moyens traduisent trois grandes priorités :

Ÿ Augmenter les moyens des établissements, en mettant l’accent sur ceux qui accèdent aux compétences « LRU »

– Le transfert de 60 617 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT) et de 3,52 milliards d’euros du budget de l’État (titre 2) vers celui des établissements (titre 3) est prévu au bénéfice des 38 établissements qui accéderont, le 1er janvier 2010, aux libertés et responsabilités élargies prévues par la loi « LRU ». Ces 38 établissements comprennent 33 universités, 3 instituts nationaux polytechniques (ceux de Grenoble, de Lorraine et de Toulouse) et 2 écoles normales supérieures (« Ulm » et l’établissement issu du regroupement de l’École normale supérieure de lettres et sciences humaines et de l’École normale supérieure de Lyon). Au total, 63 % de la masse salariale imputée sur le titre 2 avant la mise en œuvre de la réforme sera confiée aux établissements.

– Après une année 2009 où les universités auront vu leurs moyens croître de 20,4 % en moyenne, 320 millions d’euros supplémentaires leur étant attribués par rapport à 2008 (elles ont ainsi reçu 150 millions en moyens nouveaux pour leur fonctionnement et 211 millions, en partie financés par le plan de relance, pour des actions exceptionnelles et des investissements de mise en sécurité), le projet de budget pour 2010 prévoit de leur verser 210,6 millions d’euros supplémentaires, en comptant le Plan « licence » (point développé plus loin), les crédits dédiés au passage à l’autonomie (+ 16,6 millions d’euros, dont un bonus « autonomie » de 12 millions d’euros permettant de majorer de 10 % l’enveloppe indemnitaire des universités autonomes), les moyens contractuels (+ 72,5 millions d’euros) et le chantier « carrière » (point développé plus loin).

– 2010 sera, par ailleurs, la deuxième année de mise en œuvre du nouveau modèle d’allocation des moyens aux universités, qui répartit les crédits en fonction de la performance à hauteur de 20 % et réunit les moyens consacrés à l’ancienne dotation globale de fonctionnement, aux allocations de recherche contractualisées, à la prime d’excellence scientifique et au nouveau contrat doctoral, ainsi qu’aux mesures nouvelles finançant le plan « licence » et une partie du plan « carrière ».

– Enfin, l’effort réalisé sur l’immobilier universitaire continuera de se déployer. L’année 2010 doit reconduire la couverture de l’annuité théorique de financement des contrats de projet État-régions, soit, en crédits de paiement, 203,7 millions d’euros pour le programme « Formations supérieures » et 27 millions d’euros pour le programme « Vie étudiante ». Par ailleurs, une enveloppe spécifique de 11 millions d’euros est inscrite pour la préparation de la dévolution du patrimoine, affecté ou mis à disposition par l’État, aux établissements qui en ont fait la demande.

Ÿ Renforcer l’attractivité des carrières

– Le projet de budget pour l’enseignement supérieur intègre des mesures catégorielles pour 37 millions d’euros, afin de poursuivre la mise en œuvre du chantier « carrière », cette enveloppe étant destinée à l’amélioration des carrières des enseignants chercheurs, à l’augmentation des taux de promotion des personnels enseignants et non enseignants, ainsi qu’à la progression des régimes indemnitaires. Les mesures liées à l’évolution du point fonction publique, une revalorisation de 0,5 % ayant été annoncée en juillet 2010, et à la garantie individuelle du pouvoir d’achat ont un impact de + 41,6 millions d’euros.

– Conformément aux engagements du Premier ministre, les suppressions d’emplois seront gelées en 2010, comme en 2011.

Ÿ Favoriser la réussite des élèves

– L’évolution des moyens des universités prend également en compte la poursuite du plan « licence », avec une dotation supplémentaire, pour l’année 2010, de 66,5 millions d’euros (au total, 169,3 millions d’euros seront alloués à cette politique l’année prochaine). Visant à diviser par deux le taux d’échec en première année à l’horizon 2012, ce plan permet de financer des dispositifs de tutorat des jeunes étudiants, la constitution des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle, le développement de la professionnalisation, l’évaluation des enseignements, etc.

– En ce qui concerne la vie étudiante, le projet de budget prévoit une progression des crédits destinés aux bourses (+ 21,15 millions d’euros), afin de revaloriser, à compte de la rentrée 2009, les taux des bourses sur critères sociaux (+ 1,5 % pour les échelons 1 à 5 ; + 3 % pour les boursiers du 6e échelon) et d’augmenter de 4,5 millions d’euros la dotation au Fonds national d’urgence. Il finance par ailleurs la poursuite de l’effort engagé en faveur de l’immobilier, qu’il s’agisse du logement étudiant (+ 10 millions d’euros au titre des crédits de paiement des contrats de projet État-régions) ou de la mise aux normes des bâtiments universitaires pour permettre l’accès des personnes handicapées (+ 5 millions d’euros). 25 nouvelles résidences universitaires seront ouvertes, dont 6 en Île-de-France, et 12 000 chambres supplémentaires seront livrées en 2009/2010.

II.- QUEL POSITIONNEMENT POUR LES IUT DANS L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ?

La partie thématique du présent rapport pour avis porte sur la place des instituts universitaires de technologie (IUT) dans l’enseignement supérieur.

Chacun en conviendra : la position occupée, au sein de notre système d’enseignement supérieur, par les IUT, qui, sont des composantes des universités, relevant de la catégorie juridique des « instituts et écoles [en] faisant partie » (1), est originale. Ils ont été créés, d’abord à titre expérimental, en octobre 1965, avant la mise en place, en janvier 1966, des 11 premiers IUT, pour élever le niveau de qualification des jeunes Français, tout en satisfaisant les besoins de développement économique du pays. Constituant, au départ, une filière de formation professionnalisante de niveau bac + 2, chargée de former les cadres intermédiaires de nos industries et de nos services, les IUT, au nombre de 115 aujourd’hui (2), accueillant 118 115 étudiants à la rentrée 2008, sont devenus des « instituts préparatoires à des études longues » pour reprendre l’expression utilisée devant la rapporteure pour avis par le directeur général de l’enseignement supérieur du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, M. Patrick Hetzel.

Le moment est donc venu d’examiner, avec attention, la situation des IUT, d’autant que l’année 2008 et une grande partie de l’année 2009 ont été marquées par une véritable crise de confiance entre ces instituts et les universités. Celle-ci s’est nourrie des inquiétudes suscitées par l’application qui a été faite de certaines dispositions de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et aux responsabilités des universités (dite loi « LRU ») et par la mise en œuvre d’un nouveau système d’allocation des moyens aux établissements qui, dans sa première version, semblait sacrifier la composante IUT. En particulier, cette filière de formation a pu craindre que certaines universités ne soient tentées de « diluer ses moyens » et, au final, « son savoir-faire », termes employés devant la rapporteure pour avis par le président de l’Assemblée des directeurs d’IUT, M. Jean-François Mazoin.

Au vu de ce contexte tendu, il convient de faire le point sur les rapports entre les IUT et les universités. En effet, si la crise de confiance devait perdurer, en raison de la mauvaise volonté persistante de certains acteurs, elle pourrait annoncer le dépérissement d’un modèle de formation qui a fait ses preuves. La rapporteure pour avis s’interrogera ensuite sur le devenir de cette filière et du diplôme auquel elle prépare (le diplôme universitaire de technologie ou DUT) et sa « vocation » d’accueil des bacheliers technologiques.

A. LES RAPPORTS AVEC LES UNIVERSITÉS : SURMONTER LA CRISE DE CONFIANCE PAR LA CONTRACTUALISATION ET L’ADOPTION DE MESURES CONSERVATOIRES

Qu’en est-il, aujourd’hui, de la crise de confiance université-IUT qui a vu l’année 2008 s’achever sur l’institution d’une instance de médiation – un « comité de suivi » regroupant, sous l’égide de la direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, des représentants de la Conférence des présidents d’université, de l’Assemblée des directeurs d’IUT et de l’Union nationale des présidents de conseils d’IUT ?

Il est clair que, malgré les engagements pris au cours de l’année 2009 par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Valérie Pecresse, concernant la reconduction a minima des moyens des IUT, toutes les craintes des instituts n’ont pu être apaisées. L’adoption de mesures conservatoires s’impose, sous peine de « voir se décourager », selon le président de l’Assemblée des directeurs d’IUT, les responsables d’une filière de formation qui se situe à l’avant-garde en matière de professionnalisation des cursus universitaires.

1. La nouvelle donne créée par la loi « LRU » : un régime de « cohabitation » université-IUT pouvant être source de tensions

Trois facteurs ont en fait contribué à « brouiller » la relation IUT-université : premièrement, le caractère quelque peu contradictoire de deux régimes d’autonomie, celui des universités et celui des IUT, qui doivent désormais « cohabiter » ; deuxièmement, la volonté de certains présidents d’université d’interpréter de manière « centralisatrice » la loi « LRU » ; enfin, la mise en place d’un nouveau système d’allocation des moyens aux universités qui, dans sa première version, minorait la part revenant aux IUT.

Ÿ Une « cohabitation » problématique entre deux régimes d’autonomie

L’autonomie des IUT a été consacrée par le législateur à l’article 33 de la loi « Savary » sur l’enseignement supérieur du 26 janvier 1984, devenu depuis l’article L. 713-9 du code de l’éducation. L’adoption de cet article constituait une réponse aux pressions qui furent alors exercées pour réduire l’autonomie des IUT, une situation qui s’était déjà produite au moment du vote de la loi « Faure » d’orientation du 12 novembre 1968, conférant aux universités la personnalité morale et l’autonomie financière. À l’époque, c’est un décret en date du 20 janvier 1969 qui avait garanti aux IUT leur autonomie.

L’article L. 713-9 du code de l’éducation dispose que les instituts faisant partie des universités sont « administrés par un conseil élu » et « dirigés par un directeur », élu par le conseil. Il précise par ailleurs les pouvoirs de leur directeur, en définissant le périmètre de l’autonomie de gestion dont bénéficient les instituts.

Le régime d’autonomie dérogatoire des instituts et écoles faisant partie des universités (extraits de l’article L. 713-9 du code de l’éducation)

Le conseil [de l’institut ou de l’école] définit le programme pédagogique et le programme de recherche de l’institut ou de l’école dans le cadre de la politique de l’établissement dont il fait partie et de la réglementation nationale en vigueur. Il donne son avis sur les contrats dont l’exécution le concerne et soumet au conseil d’administration de l’université la répartition des emplois. Il est consulté sur les recrutements.

Le directeur de l’institut ou de l’école prépare les délibérations du conseil et en assure l’exécution. Il est ordonnateur des recettes et des dépenses. Il a autorité sur l’ensemble des personnels. Aucune affectation ne peut être prononcée si le directeur de l’institut ou de l’école émet un avis défavorable motivé.

Les instituts et les écoles disposent, pour tenir compte des exigences de leur développement, de l’autonomie financière. Les ministres compétents peuvent leur affecter directement des crédits et des emplois attribués à l’université.

Ainsi, l’autonomie de gestion des IUT repose sur trois clefs :

– le « fléchage » des crédits attribués aux IUT par le ministère chargé de l’enseignement supérieur, qui résulte de la disposition selon laquelle les ministres compétents « peuvent leur affecter [aux instituts et aux écoles] directement des crédits et des emplois attribués à l’université ». Autrement dit, aux termes de l’article L. 713-9 du code, même si les universités jouissent de l’autonomie financière, elles n’ont pas « la main » sur le budget de leur composante IUT dès lors que les moyens des instituts sont affectés par la tutelle. Mais, comme on le verra plus loin, l’attribution, aux universités qui accèdent aux responsabilités et compétences élargies prévues par la loi « LRU », d’un budget global, dans lequel les moyens ne sont plus préaffectés, conduit à mettre fin au « fléchage » des crédits ;

– l’autorité qu’exercent les directeurs d’IUT sur les personnels, qui a pour corollaire qu’aucune affectation dans l’institut ne peut être prononcée s’ils émettent un avis défavorable motivé. Il y a lieu de noter que cette prérogative, qui est applicable aux personnels enseignants comme aux personnels de bibliothèque, ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service (BIATOS), a été étendue aux présidents d’université par la loi « LRU » (article L. 712-2 du code de l’éducation) ;

– la qualité d’ordonnateurs secondaires de droit des directeurs d’IUT, les directeurs des autres composantes de l’université ne pouvant en bénéficier que par délégation du président d’université.

Aucune des dispositions de l’article L. 713-9 du code n’a été directement modifiée par la loi « LRU ». Cependant, celle-ci confie aux présidents d’université de puissantes prérogatives qui, lorsqu’elles sont utilisées, peuvent entrer en contradiction avec le statut dérogatoire dont jouissent les IUT.

– En premier lieu, le « droit de veto » du directeur d’IUT sur les affectations de personnel doit être concilié avec celui du président d’université et la mise en place, dans le cadre de la loi « LRU », d’une nouvelle procédure de recrutement des enseignants-chercheurs reposant sur des comités de sélection institués dans chaque établissement. Les membres de ces instances sont proposés par le président et nommés par le conseil d’administration de l’université. La procédure antérieure était plus favorable aux IUT puisqu’un pré-classement des candidatures pouvait être établi par une « commission mixte », associant l’IUT et les anciennes commissions de spécialistes des universités auxquelles se sont substitués les comités de sélection.

– En second lieu, les crédits fléchés des IUT doivent s’effacer devant le budget global dont sont dotées les universités qui accèdent aux responsabilités et compétences élargies prévues par la loi « LRU ».

D’ici 2012, au plus tard, l’attribution d’un tel budget aux universités, qui comprend l’ensemble de la masse salariale auparavant gérée par l’État, deviendra la règle commune, car toutes les universités accéderont, de plein droit, aux nouvelles compétences définies par la loi « LRU ». Avant cette échéance, seules les universités qui le demandent peuvent bénéficier de cette autonomie renforcée, à condition d’avoir été auditées et reçu le feu vert de la tutelle. Elles sont au nombre de 18 depuis le 1er janvier 2009, auxquelles s’ajouteront 33 autres le 1er janvier prochain.

Pour les IUT, l’institution du budget global s’apparente à une révolution copernicienne. Ainsi que l’a souligné Mme Josette Travers, la présidente de la Commission consultative nationale des IUT, à la rapporteure pour avis, « jusqu’ici les instituts disposaient de moyens fléchés et d’une visibilité complète de leurs moyens. Demain, ce ne sera plus le cas, car c’est l’université qui sera chargée de redistribuer les moyens qui lui auront été alloués entre ses différentes composantes, dont les IUT ». La rupture qu’entraîne la mise en place du budget global est amplifiée par le fait « qu’au passage, les universités peuvent prélever des frais de maintenance », réduisant d’autant le volume des futures enveloppes qui seront effectivement versées aux IUT.

Ainsi, l’autonomie de gestion des IUT, qui s’appuie sur un article du code de l’éducation, formellement intouché par la loi « LRU », ne peut plus s’appuyer sur ce qui était, sans doute, son véritable socle, à savoir le fléchage des moyens, rendu impossible par le budget global. Une « brèche » étant ouverte dans le statut dérogatoire des IUT, certains responsables s’y sont engouffrés.

Ÿ La politique « centralisatrice » de certains présidents ou gestionnaires

La bonne intelligence des parties en présence aurait dû suffire à éviter les situations de tension – d’autant que les textes d’application de la loi « LRU » eux-mêmes encouragent le dialogue entre les organes centraux des universités et les composantes. En particulier, le décret n° 2008-618 du 27 juin 2008 relatif au budget et au régime financier des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) bénéficiant des responsabilités et des compétences élargies précise que le conseil d’administration de l’université doit arrêter la procédure interne d’élaboration du budget, notamment les modalités d’association des composantes, y compris des IUT (3).

Mais à lui seul, ce décret n’a pas toujours permis d’enclencher, sur le terrain, une dynamique de dialogue vertueuse, qui aurait pu donner corps à une autonomie de gestion des IUT en régime « LRU ».

Certaines universités se sont en effet montrées très réticentes à jouer le jeu de l’autonomie prévue par la loi du 10 août 2007, tout en respectant celle des IUT. Dans certains cas, la mise en application de la loi « LRU » va jusqu’à voir s’affronter deux discours difficilement conciliables. Il semble que ce soit le cas à Rouen. D’un côté, le président de l’université met en avant son souci d’optimisation budgétaire, qui se traduit par la volonté de gérer, de manière centralisée, afin de réduire les frais, les factures énergétiques des composantes et les heures complémentaires assurées par les enseignants. De l’autre, le directeur de l’IUT observe que l’université a « pris, en 2009, les trois-cinquièmes de notre budget, alors que les effectifs étudiants de l’institut ont augmenté de 5 %. À l’inverse, les effectifs de l’université ont baissé de 5 %, tandis que la dotation versée de l’État augmentait de 5,4 %... ».

De telles situations sont d’autant plus regrettables que l’attitude qui consiste à « grignoter » l’autonomie de gestion des IUT, au nom d’une volonté de « bien faire », revient, paradoxalement, à afficher – et à mettre en œuvre – une politique budgétaire qui pénalise une filière de formation connaissant un taux d’insertion professionnelle satisfaisant (ainsi qu’on le verra plus loin, 50 % de ses diplômés s’insèrent à court terme), un objectif que la loi « LRU » cherche précisément à promouvoir.

Aux yeux des responsables d’IUT, cette politique de « grignotage » est d’autant moins justifiable qu’elle bruisse – parfois – des échos d’un discours « militant » de lutte contre les coûts de formation, jugés excessifs, de cette filière. Or, ce coût, outre le fait qu’il est justifié par la charge pédagogique d’une formation impliquant un nombre important d’heures de cours (4), a fortement diminué, car les créations de nouveaux départements d’IUT n’entraînent plus, selon Mme Josette Travers, la présidente de la Commission consultative nationale des IUT, de créations de postes. La capacité de redéploiement des postes existants pour constituer l’équipe pédagogique d’une nouvelle spécialité destinée à être enseignée constitue, en effet, l’un des critères d’examen des demandes de création de départements par la Commission consultative nationale. De plus, la dépense moyenne par étudiant en IUT et celle à l’université tendent à se rejoindre, avec l’accroissement des moyens alloués à ce type d’établissement d’enseignement supérieur. Ainsi, en 2007, la parité était presque réalisée, avec une dépense moyenne par étudiant de 9 020 euros en IUT contre 8 970 euros à l’université (5). Elle sera vraisemblablement acquise dès l’année prochaine en raison des efforts financiers considérables consentis par l’État, depuis deux ans, pour « rebâtir l’Université française » (6).

Pourtant, malgré ces données incontestables, il existe, dans une partie du monde universitaire, selon un interlocuteur de la rapporteure pour avis, un « ressentiment très fort » à l’égard des instituts universitaires de technologie. Des universitaires peuvent ainsi dire de présidents de conseils d’IUT que ces derniers « n’ont jamais fait de recherche », comme si cette observation était de nature à les disqualifier, tandis que d’autres considèrent que les instituts sont « au service du patronat »…

Mais au-delà des postures idéologiques, qui doivent être vigoureusement combattues, l’autonomie de gestion des IUT est peut-être encore plus sérieusement menacée par ce qu’on pourrait appeler la « volonté de centralisation » excessive de certaines équipes de direction des universités. C’est cette logique centralisatrice, poussée, selon le directeur général de l’enseignement supérieur, M. Patrick Hetzel, par certains secrétaires généraux (devenus depuis juin 2009 des directeurs généraux des services) et agents comptables des universités, soucieux de gagner à leur « cause » les présidents et leurs équipes, qui constitue le vrai danger pour les IUT.

Car la « centralisation », qui simplifie la tâche des gestionnaires des moyens humains et financiers – désormais considérables – affectés aux universités, possède une indéniable force d’attrait. Or cette politique n’est pas acceptable, car elle reflète une vision réductrice de la philosophie de l’autonomie portée par la loi « LRU ». Aux yeux de la rapporteure pour avis, la loi du 10 août 2007 vise en effet à permettre aux organes centraux des universités d’imprimer une « direction » à l’établissement, à charge ensuite pour ses composantes, et singulièrement pour ses IUT qui bénéficient, de jure, d’une autonomie de gestion, de mener une véritable « politique de filière ». Aller à l’encontre de cette lecture de la loi « LRU », c’est, très exactement, aller à l’encontre de la démarche d’autonomie qu’a souhaité promouvoir le législateur.

Selon M. Patrick Hetzel, la circulaire budgétaire et comptable la M-9-3, relative aux établissements publics à caractère culturel, scientifique et professionnel, qui est en cours d’élaboration, devrait permettre de lutter contre cette tentation « centralisatrice ». En effet, elle traitera de la question des budgets propres intégrés – chaque école, institut et service commun disposant d’un « budget propre intégré au budget de l’établissement dont il fait partie » aux termes de l’article L. 719-5 du code de l’éducation –, et de leur définition, qui devra articuler l’identité budgétaire propre des IUT avec le principe d’autonomie des universités. En outre, avant même que cette circulaire ne soit publiée, le ministère de l’enseignement supérieur envisage d’édicter une circulaire ad hoc sur le budget propre intégré, dans le but de clarifier ce sujet, qui est au cœur des discussions entre IUT et universités.

Selon les informations communiquées à la rapporteure pour avis par la vice-présidente de la Conférence des présidents d’université, Mme Simone Bonnafous, à la suite d’un accord entre cette organisation, l’Association des directeurs d’IUT et l’Union nationale des présidents de conseils d’IUT, ce travail de clarification devrait permettre de préciser que le dialogue de gestion engagé entre une université et son ou ses IUT doit servir à identifier les « besoins propres » de cette composante. En outre, les universités devraient verser une « dotation d’équilibre » aux IUT, qui couvrirait la différence entre leurs besoins et leurs ressources propres, les heures complémentaires permettant aux IUT d’assurer leur charge d’enseignement entrant dans le calcul de cet abondement.

En conclusion, c’est bien une mauvaise interprétation de la loi « LRU » qui pourrait conduire à « détricoter » l’autonomie de gestion dont bénéficient les IUT. Mais si elle persistait, cette erreur manifeste d’interprétation pourrait avoir, à terme, des conséquences dramatiques.

– En premier lieu, les IUT sont, de par la nature même de la formation qu’ils dispensent, aux avant-postes de la professionnalisation des cursus dans l’enseignement supérieur, laquelle constitue un enjeu fondamental pour l’attractivité des universités – et du diplôme de licence. Par conséquent, une université qui, d’une manière ou d’une autre, s’adonnerait aux délices d’une centralisation qui malmènerait l’autonomie de gestion de son IUT, se tirerait une balle dans le pied, en se privant d’un point d’appui solide pour mener sa politique de professionnalisation.

D’ailleurs, un scénario dans lequel les universités « absorberaient » leurs IUT aurait pour conséquence d’empêcher ces instituts d’exercer un effet de « contamination positive » sur le développement de la professionnalisation. C’est ce qu’a souligné à la rapporteure pour avis l’un de ses interlocuteurs, en considérant que le climat universités-IUT est tel que certains directeurs envisagent de « baisser les bras, faisant perdre ainsi à l’Université tout l’aspect « professionnalisation » de sa politique ».

On peut aller même plus loin en estimant, comme l’ont fait les représentants du MEDEF entendus par la rapporteure pour avis, qu’une telle politique d’absorption pourrait « anéantir » la relation université-entreprise.

– En second lieu, la logique de performance introduite par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, ainsi que par le nouveau modèle d’allocation des moyens aux établissements, conduira à réorganiser le paysage universitaire autour des pôles d’enseignement et de recherche les plus florissants, c’est-à-dire autour de ceux qui attireront toujours davantage les meilleurs enseignants-chercheurs et les meilleurs étudiants. Or, selon le directeur de l’IUT de Rouen, M. Mohamed Ketata, l’intérêt bien compris des universités qui ne pourront pas s’adosser, en raison de leur implantation, à de tels pôles est de s’appuyer sur leurs IUT engagés dans une politique d’excellence en matière d’insertion professionnelle pour « ne pas tomber dans le groupe des universités de seconde catégorie ».

Aussi les universités et les IUT doivent-ils travailler, de toute urgence, en bonne intelligence pour renforcer, côte à côte, l’attractivité de leurs formations respectives. D’une manière générale, ce nouveau pacte IUT-université devrait être l’occasion, pour les universités, de mieux intégrer leurs composantes dans leur projet d’établissement et d’inverser ainsi leur politique traditionnelle de relative indifférence à l’égard des filières qui ne relèvent pas des grands secteurs traditionnels de formation et sont organisées autour d’écoles ou d’instituts spécialisés. On pense ici au cas des IUT mais aussi des IUFM…

Ÿ Un modèle d’allocation des moyens (« SYMPA ») inamical au départ

Les craintes des IUT relatives à la pérennité de leur autonomie de gestion ont été renforcées par la mise en route du nouveau modèle d’allocation des moyens aux universités, surnommé SYMPA. Appliqué pour la première fois le 1er janvier 2009, celui-ci a en effet minoré la part des moyens attribués aux IUT par rapport à celle générée par l’ancien modèle (dit SAN REMO).

Selon une estimation communiquée à la rapporteure pour avis par l’Assemblée générale des directeurs d’IUT, en précisant qu’il est extrêmement difficile de reconstituer à l’euro près, dans une enveloppe désormais globalisée, ce qui a été effectivement versé, l’ancien modèle avait attribué 145 millions d’euros de dotation globale de fonctionnement aux IUT, tandis qu’avec le nouveau modèle, ceux-ci ne devaient disposer que de 95 millions d’euros…

Cette minoration résulte des modalités de calcul utilisées par le nouveau modèle, lesquelles sont fort complexes. Pour l’essentiel, on rappellera que les crédits sont répartis en deux enveloppes principales, enseignement et recherche, qui se décomposent chacune en deux sous-enveloppes « activité » et « performance ». La part activité représente au total 80 % des moyens répartis, masse salariale comprise, et la part performance 20 %. Les moyens disponibles dans l’enveloppe activité/enseignement sont distribués au prorata du nombre d’étudiants présents aux examens de licences et de masters, pondérés selon leur discipline et en tenant compte du nombre de boursiers. Les pondérations utilisées sont de 2,4 pour les licences, les masters et les IUFM dits secondaires (scientifiques), de 2,8 pour les diplômes universitaires de technologie (DUT) secondaires et les formations internes d’ingénieurs, de 1,5 pour les DUT tertiaires (non scientifiques) et de 1,0 pour toutes les autres formations et la 1ère année de santé.

Le traitement réservé aux IUT a conduit les rapporteurs des commissions des finances et de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat à considérer qu’il « paraît logique que les formations technologiques, dont la charge pédagogique est supérieure aux autres formations,…soient mieux prises en compte pour l’application du système SYMPA ». Le rapport ajoute qu’une solution intelligente, qui, en raison du budget global, ne saurait être un fléchage des crédits, doit être trouvée, mais qu’en tout état de cause, « il ne faudrait pas que les formations professionnalisantes performantes, et dont les diplômés bénéficient d’un bon taux d’insertion professionnelle, fassent les frais d’un éventuel manque de rationalisation des moyens employés dans d’autres filières » (7).

En 2009, les IUT ont été associés aux travaux menés, depuis le second semestre de cette année, par le ministère, en liaison étroite avec la Conférence des présidents d’université, sur l’évolution du modèle d’allocation des moyens. Ceux-ci ont conclu à la nécessité d’augmenter les pondérations associées aux formations de DUT secondaires et de DUT tertiaires, ce qui doit conduire, ce point étant acté, à les porter, en 2010, de 2,8 à 4,0 et de 1,5 à 3,0. En outre, la répartition des moyens du modèle d’allocation « revu et corrigé » devrait compenser, pour partie, l’équivalence travaux pratiques (TD) = travaux dirigés (TP), qui affecte particulièrement les IUT (8).

2. Une autonomie de gestion réaffirmée par l’État mais qui n’est pas encore reconnue sur tout le territoire

Au cours de ses auditions, la rapporteure pour avis a pu mesurer combien les inquiétudes concernant le caractère pérenne de l’autonomie de gestion des IUT restaient fortes, malgré les engagements pris par le Gouvernement.

À la suite de la mobilisation des IUT, une Charte Université-IUT, rappelant les principes fondamentaux de cette autonomie, a été actée le 16 décembre 2008, au sein du « comité de suivi » installé le 2 décembre et associant, sous l’égide du ministère, la Conférence des présidents d’IUT, l’Association des directeurs d’IUT et l’Union nationale des présidents de conseils d’IUT. Ce document a été « converti » en circulaire adressée par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche aux présidents d’université et publiée au Bulletin officiel de l’Enseignement supérieur et de la recherche (circulaire n° 2009-1008 du 20 mars 2009).

La circulaire précise ce que recouvre très exactement l’autonomie de gestion dont bénéficient les IUT, en délimitant le périmètre de l’ordonnateur secondaire qu’est leur directeur (toutes les recettes, y compris les ressources propres de l’institut, comme la taxe d’apprentissage, ainsi que les dépenses relatives au fonctionnement global de l’IUT, y sont incluses) et l’autorité de ces derniers sur les personnels. Elle invite par ailleurs les universités à conclure un contrat d’objectifs et de moyens (COM) avec chacun de leur IUT, qui définisse l’activité, la stratégie et la performance attendue de l’institut, ainsi la nature et les modalités des services qu’elles échangent avec celui-ci. Enfin, la circulaire indique que les moyens affectés aux IUT seront consolidés au plan national et publiés par la direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle.

Extraits de la circulaire n° 2009-1008 du 230 mars 2009 sur les relations
entre les universités et les IUT

Chaque IUT dispose, dans le respect de la réglementation en vigueur, d’une autonomie de gestion qui s’exprime par :

– le périmètre de l’ordonnateur secondaire : le directeur de l’IUT est ordonnateur secondaire des recettes et dépenses, en application de l’article L. 713-9 du code de l’éducation. Toutes les recettes, y compris la part de la dotation de l’État attribuée par l’université et les ressources propres générées par l’IUT (taxe d’apprentissage, formation continue, etc.), et les dépenses relatives au fonctionnement global de l’IUT (fonctionnement, investissement, emplois et compétences), pour l’ensemble des formations qu’il dispense, sont contenues dans son périmètre. Les budgets des équipes de recherche sont par ailleurs traités selon les principes d’organisation budgétaires adoptés par le conseil d’administration.

– le périmètre de l’autorité sur les personnels : le directeur de l’IUT a autorité sur l’ensemble des personnels, en application de l’article L. 713-9 du code de l’éducation. Il définit les fiches de postes des personnels affectés à l’IUT, celles des enseignants-chercheurs étant établies conjointement avec le directeur du laboratoire concerné. Ces fiches de postes viennent en appui du dialogue de gestion engagé avec la direction de l’université.

Le ministre chargé de l’enseignement supérieur définit, sur proposition du comité de suivi, un contrat-cadre d’objectifs et de moyens entre l’université et l’IUT à partir des principes énoncés ci-dessus. Sur la base de ce contrat-cadre, chaque université conclut un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec l’IUT qui définit l’activité et la stratégie de l’IUT ainsi que la performance attendue. Il précise la nature et les modalités des services que s’échangent l’établissement et l’IUT.

Au plan national, les moyens affectés aux IUT seront consolidés et publiés par la direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle.

Un comité de suivi réunissant, sous l’égide de la direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle, la Conférence des présidents d’université, l’Assemblée des directeurs d’IUT et l’Union nationale des présidents d’IUT est mis en place. Il veille à la mise en œuvre des principes définis dans la présente circulaire. Il peut recourir à des expertises en cas de difficultés observées.

Parallèlement à la publication de ce texte, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, avec le soutien de la Conférence des présidents d’université, a demandé à tous les présidents d’université de garantir, pour 2009 et 2010, à chacun de leurs IUT, des moyens en crédits et en personnels au moins égaux à ceux de l’exercice précédent. De surcroît, dans le cadre du plan « Réussir en licence », des moyens supplémentaires ont été attribués aux IUT pour l’accueil des bacheliers technologiques (soit 10 millions d’euros en 2008, reconduits en 2009), tandis que 10 millions d’euros leur seront versés cette année pour financer l’équipement de leurs départements.

Force est de constater que la mobilisation de l’État n’a pas suffi à rassurer le réseau des instituts. Les propos tenus à la rapporteure pour avis par le directeur de l’IUT de Rouen, M. Mohamed Ketata, qui juge la situation « dramatique, car peu d’universités respectent la circulaire de mars 2009 », expriment un sentiment d’inquiétude largement partagé, que corrobore un taux de signature des contrats d’objectifs et de moyens (COM) pour le moins médiocre.

Le modèle de COM a été diffusé par circulaire le 17 avril 2009, une copie de chaque contrat devant être retournée pour le 30 juin. Une lettre de rappel a depuis lors fixé un nouveau délai au 10 septembre 2009. Or, au cours de son audition par la rapporteure pour avis, le directeur général de l’enseignement supérieur du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, M. Patrick Hetzel, a indiqué que le 7 septembre dernier, 49 COM (soit 42 % ) avaient été signés, 31 COM (27 %) été annoncés, 9 situations étaient identifiées comme « difficiles » (universités de Pau, Montpellier 2, Nancy 1, Toulon, Paris 7, Rouen et Paris 11) et aucune information n’était disponible pour 28 IUT (24 %)… Dans un cas, que M. Patrick Hetzel a qualifié d’« emblématique », le président d’une université qui bloquait la signature du COM a été mis en minorité par le conseil d’administration de l’établissement avec lequel il entretenait, jusqu’ici, de bonnes relations (9).

Commentant cette situation, le vice-président de l’Union nationale des présidents de conseils d’IUT, M. Jean-Pierre Lacotte, a estimé que ce taux de retour – 49 contrats signés pour 115 IUT – reflétait trois types d’attitude de la part des universités : « Il y a celles qui ne signent pas. Il y a celles qui essaient de pourrir la situation. Et il y a celles qui ont signé – puis envoyé une lettre de cadrage de leur budget contredisant le contenu de la circulaire… ».

Dans ces conditions, afin de s’assurer que l’autonomie de gestion des IUT ne devienne pas un vain mot pendant la « phase transitoire » ouverte par l’accession progressive des universités aux compétences élargies, des mesures conservatoires devraient être adoptées rapidement :

– Sur le plan juridique, les principes rappelés par la circulaire de mars 2009 devraient être intégrés dans le décret n° 84-1004 du 12 novembre 1984 relatif aux instituts universitaires de technologie. Ce texte doit être en effet modifié, dans les plus brefs délais, pour que soit consacré, au niveau d’un acte réglementaire, le périmètre exact des pouvoirs de gestion des directeurs d’IUT et l’existence des contrats d’objectifs et de moyens signés entre l’université et son (ou ses) IUT.

Si des « dérapages » inacceptables de la part de certaines universités devaient être constatés l’année prochaine, peut-être faudrait-il alors modifier l’article L. 713-9 du code de l’éducation, afin de préciser que l’autonomie de gestion des IUT s’exerce dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu avec leur université de rattachement, dans le respect des compétences élargies de cet établissement en matière budgétaire (c’est-à-dire du budget global).

En attendant, d’ici la fin du mois de novembre 2009, la rapporteure estime nécessaire, si le taux de signature des contrats d’objectifs et de moyens et la conformité de ces derniers aux prescriptions de la circulaire sont insatisfaisants, de recourir à une « coercition intelligente » pour mettre les universités face à leurs responsabilités.

La rapporteure pour avis tient à insister sur le fait qu’indépendamment de la base juridique – décret ou loi – utilisée pour la consolider, l’autonomie de gestion des IUT doit impérativement se traduire par la signature des contrats d’objectifs et de moyens avec les universités. Cependant, la contractualisation des rapports IUT-universités ne doit, sous aucun prétexte, être utilisée par les instituts comme un moyen de défendre leur pré carré. Elle doit être conçue comme un outil de responsabilisation des IUT. En effet, ceux-ci doivent s’engager, en signant ces contrats, à accroître leurs performances en termes de taux de réussite et d’insertion professionnelle de leurs étudiants, afin d’augmenter, au final, celles de leurs universités de rattachement. Et c’est bien en contrepartie d’un tel engagement, qu’une réelle liberté d’organisation et d’action doit être donnée aux IUT, afin de leur permettre de réaliser les objectifs fixés en commun avec l’université.

– Sur le plan des moyens, le niveau constaté en 2008 devrait être « sanctuarisé » par les universités, en y ajoutant un petit volant d’emplois et de crédits de fonctionnement, afin de donner aux IUT les marges de manœuvre nécessaires à leur développement.

Il doit être clair que ces marges de manœuvre ne devront pas avoir pour but d’avantager, de manière disproportionnée, les IUT par rapport aux autres composantes. Mais les moyens effectivement accordés aux instituts devront tenir compte du fait que cette filière est appelée à se développer, car elle est à la fois plébiscitée par les étudiants et largement responsable de l’élaboration des licences professionnelles (points qui seront évoqués dans le B du présent rapport pour avis).

Moyens en crédits de fonctionnement des IUT

Budget

Crédits de fonctionnement

Évolution annuelle

2003

138 204 936 €

 

2004

138 612 394 €

+ 0,3 %

2005

137 326 787 €

- 0,9 %

2006

144 080 267 €

+ 4,9 %

2007

146 413 389 €

+ 1,6 %

2008

149 554 077 €

+ 2,1 %

Source : Réponse au questionnaire budgétaire de la rapporteure pour avis

Moyens en emplois des IUT

 


2002


2003


2004


2005


2006


2007


2008

Évolution
2002/2008

Emplois enseignants

10 138

10 229

10 273

10 309

10 395

10 475

10 478

+3,35 %

Emplois IATOSS

4 496

4 539

4 551

4 555

4 629

4 680

4 667

+ 3,80 %

Total des emplois

14 634

14 768

14 824

14 864

15 024

15 155

15 145

+ 3,49 %

Source : Réponse au questionnaire budgétaire de la rapporteure pour avis

Si l’on tient compte des moyens accordés en 2008 et de l’ajout d’un volant d’une cinquantaine de millions d’euros de crédits et de quelques centaines d’emplois (enseignants et BIATOSS), l’enveloppe générée par l’ensemble des IUT devrait correspondre à 200 millions d’euros et 16 000 emplois.

Ainsi que cela a déjà été souligné, la sanctuarisation d’une telle enveloppe doit s’accompagner de la prise en compte, par le nouveau système d’allocation des moyens aux universités, de la charge pédagogique spécifique des formations technologiques.

Par ailleurs, l’impératif que constitue, dans le cadre de l’autonomie de gestion, l’entière maîtrise, par les IUT, de leurs ressources propres – taxe d’apprentissage, contrats de professionnalisation, etc. –, doit être respecté.

B. LA FORMATION ET LE DIPLÔME : UNE DOUBLE VOCATION D’INSERTION ET DE POURSUITE D’ÉTUDES À PRÉSERVER

Les développements qui suivent sont consacrés à la formation en IUT et au diplôme auquel elle prépare, le diplôme universitaire de technologie (DUT). Après avoir rappelé l’organisation et les succès de cette filière, la rapporteure pour avis se penchera sur deux aspects essentiels de son devenir : le positionnement du DUT (bac + 2) au sein d’un système d’enseignement supérieur organisé autour du triptyque licence (bac + 3), master (bac + 5) et doctorat (bac + 6) et l’évolution des « spécialités » de la formation.

Sur le premier point, il ne paraît pas opportun de transformer le DUT en diplôme du niveau de la licence, tandis que le développement des licences professionnelles doit continuer d’être piloté « localement », afin de répondre de la manière la plus souple qui soit aux demandes des entreprises.

Quant au second point, l’offre de formation doit s’adapter, en temps réel, aux exigences du marché de l’emploi, tout en étant maîtrisée, ce qui doit conduire à expérimenter les métiers dits émergents.

Mais avant d’aborder ces deux points, la rapporteure pour avis tient à souligner le rôle « structurant » de la filière IUT. Ainsi que l’a souligné une organisation étudiante, la répartition géographique des 115 IUT et la proportion importante d’étudiants boursiers inscrits dans cette filière sélective permettent aux instituts d’assumer une double mission, sociale et territoriale. Tout d’abord, grâce à leur implantation, les IUT apportent une contribution décisive à l’aménagement du territoire, « en dynamisant le tissu économique et social » des bassins d’emploi. Ensuite, ce même maillage territorial permet de multiplier les possibilités d’accès des étudiants issus de familles modestes à l’enseignement supérieur et à une vie plus autonome, ne serait-ce qu’en rendant possible la décohabitation : par exemple, s’il y a une seule filière IUT à Paris, on en compte plus de quinze en Seine-Saint-Denis. Le réseau très organisé des IUT constitue donc un véritable atout pour la démocratisation de l’enseignement supérieur.

1. Les IUT aujourd’hui, entre ruptures et continuités

La filière IUT possède de fortes caractéristiques : elle est « coconstruite » avec les professionnels, pour reprendre un terme utilisé par les représentants du MEDEF entendus par la rapporteure pour avis, tout en s’insérant dans un cadre national très régulé, auquel les personnels des instituts sont fortement attachés. En outre, la formation est dispensée par un corps enseignant pluridisciplinaire, ouvert sur le monde économique, et permet d’assurer un encadrement pédagogique semblable à celui du secondaire, propre à rassurer les étudiants. Enfin, elle laisse une large place à l’élaboration, par l’étudiant, de son projet professionnel.

À côté de ces éléments de continuité, qui définissent « l’identité » des instituts, cette filière a connu deux évolutions complémentaires qui conduisent à s’interroger sur le positionnement du DUT : la filière est de plus en plus utilisée comme un premier pallier dans la poursuite d’études dans l’enseignement supérieur et a elle a contribué au développement – fulgurant – des licences professionnelles.

Ÿ Un réseau de formation fortement piloté et associé au monde économique

Le réseau IUT est fortement piloté au plan national. Il se caractérise en outre par l’étroitesse de ses liens avec le monde économique – le Livre blanc sur le système IUT de 2007 considérant à cet égard que les instituts « constituent à l’heure actuelle l’interface la plus élaborée entre le monde du travail et l’Université » (10).

Ainsi, sur le plan national, une Commission consultative nationale des IUT (CCN-IUT), dont au moins 14 des 34 membres sont des personnalités appartenant au monde socio-économique (2 présidents de conseil d’administration d’IUT, 6 représentants des employeurs, 6 représentants des salariés et 6 personnalités qualifiées), est chargée de formuler des avis et des recommandations sur l’organisation des formations. À ses côtés, des commissions pédagogiques nationales, instituées pour chaque spécialité (ou groupes de spécialités) enseignée dans les IUT et composées d’enseignants-chercheurs ou enseignants, de représentants des employeurs intéressés par la spécialité, des salariés des professions concernées et des étudiants de la spécialité (soit cinq représentants pour chacune de ces trois catégories de membres), ainsi que de personnalités qualifiées, formulent des propositions sur les programmes conduisant à la délivrance du DUT et des avis sur les projets de développement des enseignements dans la spécialité ou le groupe de spécialités. Ces commissions apprécient également les formations délivrées dans les départements d’IUT relevant de la spécialité ou de groupe de spécialités.

La CCN-IUT donne par ailleurs son avis sur les propositions de création de nouveaux départements d’IUT transmises par les instituts, après que cette demande ait été expertisée par les commissions pédagogiques nationales. Pour réunir un avis favorable, plusieurs critères, qui visent à tenir compte de l’offre existante de formation, en particulier celle des sections de technicien supérieur (STS), doivent être satisfaits : aire de recrutement suffisante, environnement socio-économique porteur et, enfin, compte tenu des restrictions budgétaires qui conduisent à ne plus créer de postes supplémentaires lorsqu’un nouveau département est ouvert, capacité de redéploiement avérée de l’IUT pour constituer l’équipe pédagogique du nouveau domaine enseigné.

Sur le plan local, les IUT sont eux-mêmes fortement associés au monde économique par le biais de leurs conseils. En effet, l’article L. 713-9 du code de l’éducation prévoit qu’un « conseil élu » administre les instituts avec, d’une part, un président – personnalité extérieure –, élu par le conseil et, d’autre part, des personnalités qualifiées constituant 30 à 50 % des membres, dont « un ou plusieurs représentants des acteurs économiques ». Le président du conseil peut donc être un chef d’entreprise. En outre, le décret du 12 novembre 1984 relatif aux IUT précise que cette instance doit comprendre au moins un représentant des collectivités territoriales et que lorsque les statuts de l’institut prévoient la représentation d’organisations syndicales, les représentants d’organisations syndicales d’employeurs et de salariés doivent être en nombre égal.

Ÿ Une pédagogie centrée sur la professionnalisation des cursus

La pédagogie mise en œuvre au sein des IUT est réellement exemplaire en ce qu’elle permet d’assurer un suivi personnalisé des étudiants, qui est mis au service de la construction de leur projet professionnel.

– L’organisation des enseignements est centrée autour de la professionnalisation. Aux termes de l’arrêté du 3 août 2005 relatif au diplôme universitaire de technologie dans l’espace européen de l’enseignement supérieur, les enseignements sont dispensés sur deux ans, divisés en quatre semestres successifs (1, 2, 3 et 4), et organisés autour du « projet personnel et professionnel » de l’étudiant. Les IUT organisent ce cursus de manière à ce que la construction du projet personnel soit ancrée dans le monde de l’entreprise. À titre d’illustration, à l’IUT de Rouen, au cours des semestres 1 et 2, chaque étudiant doit élaborer un projet personnel et professionnel avec le concours d’un « binôme » enseignant-professionnel. Puis cet étudiant, lors des semestres 3 et 4, doit mener à bien un projet tutoré, en lien avec une entreprise, cette phase se terminant par un stage d’une durée de dix à douze semaines.

– Les cours sont dispensés par des équipes diversifiées, qui font souvent appel à des intervenants non enseignants. Ainsi, la pluridisciplinarité des enseignants en IUT, originaires du 2nd degré, de l’université et des branches professionnelles, garantit aux élèves que toutes les composantes de la professionalisation seront bien prises en compte. Pour le directeur de l’IUT de Rouen, M. Mohamed Ketata, le corps enseignant de cet institut, dans lequel les professionnels assurent 20 % de la charge d’enseignement, est particulièrement « équilibré – et ce au bénéfice des élèves ».

– Le taux d’encadrement pédagogique en IUT est particulièrement élevé, ce qui est très apprécié des étudiants. La formation en IUT possède un grand atout par rapport à l’enseignement de type académique dispensé à l’université : elle permet d’assurer, grâce à un nombre important d’heures de travaux pratiques, une certaine continuité, en termes d’encadrement pédagogique, avec ce qu’ont connu les étudiants lorsqu’ils étaient lycéens. En cela, elle se distingue clairement des filières généralistes universitaires et de leurs cours magistraux, qui peuvent donner aux étudiants le sentiment d’être livrés à eux-mêmes. Ainsi que l’a résumé un étudiant en IUT entendu par la rapporteure pour avis, « la formation en institut n’a rien à voir avec celle à l’université où on a une impression d’anarchie ».

Ÿ Une filière à succès en matière d’insertion professionnelle

Les IUT contribuent largement à l’objectif d’insertion professionnelle assigné à l’enseignement supérieur par la loi « LRU ». Certes, on peut relativiser un tel succès en rappelant que la vocation première de cette formation est, précisément, de permettre une insertion professionnelle rapide de ses diplômés. À l’inverse, on peut choisir, et c’est la position de la rapporteure pour avis, de mettre en avant les résultats obtenus par les IUT dans ce domaine, afin qu’ils servent d’« aiguillon » à des établissements, les universités, qui doivent encore fournir de grands efforts en matière de professionnalisation des parcours proposés en licence.

Quant aux succès remportés par les IUT, quelques chiffres suffiront à les illustrer :

– Selon la dernière enquête nationale sur le devenir des diplômés d’IUT, publiée en octobre 2008, 50 % des diplômés ont trouvé leur premier emploi au bout de deux mois, la durée moyenne de recherche de ce premier emploi étant de trois mois et demi pour les diplômés ayant obtenu leur DUT en 2004 ou 2005 (11). Par ailleurs, 92 % des diplômés n’ayant ni poursuivi ni repris d’études occupent un emploi 28 mois après l’obtention de leur diplôme. Enfin, trois diplômés sur quatre occupent un emploi en contrat à durée indéterminée, sont fonctionnaires ou travailleurs indépendants.

– D’une manière générale, les diplômés de filières professionnelles de niveau ont bac + 2 ont « un réel avantage sur le marché du travail par rapport à leurs homologues issus de formations générales » selon le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) (12). Ainsi, les titulaires d’un DUT tertiaire sont dans l’ensemble moins touchés par le chômage (9 %) que les détenteurs d’un DEUG, mais aussi d’une licence en lettres et sciences humaines (13 %). Les titulaires d’un DUT et d’un BTS industriel accèdent souvent à leur premier emploi via l’intérim, mais, ajoute le Céreq, « si ce dernier est souvent associé à la précarité, il représente toutefois pour ces jeunes un véritable tremplin qui leur permet de commencer à travailler relativement rapidement ». Enfin, les titulaires d’un DUT sont même mieux rémunérés (1 470 euros pour un DUT industriel) que les jeunes ayant choisi de poursuivre en licence générale (1 260 euros).

Ÿ Les poursuites d’études post-DUT : effet pervers ou levier d’excellence ?

Si le DUT était conçu, à l’origine, comme un diplôme de technicien supérieur permettant une insertion professionnelle rapide, aujourd’hui, la majorité des diplômés poursuivent leurs études au niveau de la licence comme du master.

Selon la cinquième enquête nationale sur le devenir des diplômés d’IUT parue en octobre 2008, un peu moins d’un étudiant sur cinq, parmi les diplômés de l’année 2005, cherche à s’insérer de manière durable, c’est-à-dire sans poursuivre ni reprendre ses études au cours des trois années qui suivent l’obtention d’un DUT. Les diplômés sont ainsi 21 % à effectuer une année d’études supplémentaires, 9 % à effectuer deux années d’études supplémentaires et 46 % à effectuer trois années d’études supplémentaires. Seuls 18 % d’entre eux s’insèrent de manière immédiate et durable

Selon les chiffres communiqués à la rapporteure par le directeur général de l’enseignement supérieur du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, M. Patrick Hetzel, plus de 78 % des diplômés de DUT poursuivent des études. Ainsi, sur cent étudiants, 28 % préparent une licence professionnelle, 24 % sont en 3ème année de licence et 15 % sont une école d’ingénieurs ou de commerce, le reste se répartissant entre diverses formations.

Quel jugement faut-il porter sur cette évolution des parcours des diplômés du DUT ? Pour certains observateurs, elle doit être condamnée, car c’est uniquement en restant fidèles à leur vocation d’origine, celle de filière professionnalisante courte, que les IUT pourront accueillir davantage de bacheliers technologiques, se destinant « naturellement » à une insertion rapide. À l’inverse, les stratégies d’études actuelles conduisent à faire des IUT, qui sélectionnent leurs étudiants sur dossier, « une voie d’accès parallèle et alternative aux classes préparatoires aux grandes écoles ou aux deux premières années à l’Université » (13).

C’est la raison pour laquelle cette filière est très largement « plébiscitée » : pour la rentrée 2009, 130 000 candidats ont déposé un dossier ou plus en vue de leur recrutement en IUT, tandis que le nombre d’étudiants en institut préparant un DUT ou un diplôme post-DUT (comme la licence professionnelle) est passé de 112 359 à 118 115 entre la rentrée 2004 et la rentrée 2008, soit une hausse de 5,1 % en quatre ans (14).

Pour sa part, la rapporteure pour avis considère que ce taux de poursuite d’études élevé ne témoigne pas d’un quelconque échec des IUT. Au contraire : ces poursuites d’études répondent à un fort besoin social. Ainsi que l’a souligné le président de l’Assemblée des directeurs d’IUT, M. Jean- François Mazoin, au cours de son audition, le DUT assure une « sécurisation importantes des parcours dans le supérieur qui est particulièrement appréciée par les familles les plus modestes ». La « tactique » qui consiste à obtenir un premier diplôme, en deux ans, avant de poursuivre ses études dans une autre filière ne prend en effet tout son sens que si l’on rappelle que les IUT accueillent de nombreux boursiers, soit un tiers des diplômés sortis en 2005, et plus d’enfants d’ouvriers et d’employés que les autres formations du supérieur (33 % des nouveaux inscrits dans les instituts, contre moins de 16 % en classe préparatoire aux grandes écoles) (15). En favorisant ainsi les poursuites d’études, les IUT jouent le rôle de levier d’excellence pour les bacheliers d’origine modeste.

D’une matière générale, on ne doit pas considérer que les poursuites d’études entreprises par les diplômés du DUT constituent une perte pour la Nation. Il s’agit plutôt d’une « singularité qui profite à l’enseignement supérieur », pour reprendre l’analyse de la présidente de la Commission consultative nationale des IUT, Mme Josette Travers : en effet, ces étudiants « réussissent plutôt bien » et leur parcours, incontestablement, les « valorise ». Selon cette interlocutrice de la rapporteure pour avis, combattre cette singularité, revient à vouloir imposer un « paysage uniforme » à l’enseignement supérieur, qui, à terme, conduit à « rapatrier toutes les formations » – les IUT, « classes prépas » comme les écoles d’ingénieurs – à l’université.

Ÿ Le développement rapide des licences professionnelles

Mise en place à la rentrée 2000, la licence professionnelle (LP) a connu un essor important dans la mesure où elle répond aux besoins d’obtention d’un niveau de qualification supérieure de certains étudiants engagés dans un parcours de formation technologique, ainsi qu’à la demande de certaines entreprises que soit mis en place un diplôme qui offre une sortie professionnalisante à bac + 3. Elle est présente dans tous les secteurs d’activités, secondaires et tertiaires, avec une prépondérance dans les secteurs « communication et information », « échange et gestion », « production et transformation ».

Ouverte aux étudiants justifiant soit d’un diplôme national sanctionnant deux années d’enseignement supérieur validées dans un domaine compatible avec celui de la licence professionnelle, soit de la validation d’études, d’expériences professionnelles ou d’acquis personnels, cette formation recrute majoritairement des titulaires de BTS et de DUT, qui représentent près des trois quarts de sa population étudiante. En effet, selon une étude effectuée en 2007/2008, 43,7 % des étudiants en licence professionnelle sont titulaires d’un BTS et 30,4 % sont titulaires d’un DUT, tandis que seulement 4,2 % ont une licence ou 7,4 % sont titulaires du baccalauréat et ont été admis après validation d’études ou d’expériences.

Le développement des licences professionnelles

Années

Nombre de licences habilitées

Effectifs d’étudiants en formation

Nombre de diplômés

2000-2001

178

4 364

3 620

2004-2005

997

27 486

23 874

2008-2009

1 806

44 698

40 000
(estimation)

Source : Réponse au questionnaire budgétaire de la rapporteure pour avis

S’agissant de l’insertion professionnelle, les résultats de la dernière enquête montrent que deux ans après l’obtention de la licence professionnelle, 81,5 % des diplômés ont un emploi, 8 % sont en recherche d’emploi et 7,8 % poursuivent leurs études. D’une manière générale, les détenteurs de la licence professionnelle sont dans une situation relativement favorable, ainsi que le relève le Centre d’études et de recherches sur les qualifications : « Plus de trois quarts ont un emploi à durée indéterminée. Ils sont moins touchés par le chômage que les titulaires d’une licence ou d’une maîtrise. Ils sont mieux rémunérés que les détenteurs d’une licence générale. Ils sont également mieux rémunérés que les jeunes ayant une maîtrise en lettres ou sciences humaines, mais sont aussi plus souvent cadres ou exercent plus souvent une profession intermédiaire » (16).

Dernière caractéristique : les licences professionnelles, si elles sont délivrées par les universités, sont « montées » à 60 % par les IUT, les autres étant organisées par des instituts ou des écoles d’ingénieurs, le CNAM, ainsi que par certaines unités de formation et de recherche d’universités. Le rôle fondamental joué par les IUT est le signe incontestable que le développement de ce diplôme, fruit d’un partenariat entre les instituts, les entreprises et les branches, correspond à une finalité d’insertion locale.

2. Le positionnement du diplôme universitaire de technologie : une double finalité à respecter car elle constitue un atout

Tout au long de ses auditions, la rapporteure pour avis a souhaité connaître la position de ses interlocuteurs sur la finalité de la formation dispensée en IUT : de formation professionalisante courte celle-ci ne devrait-elle pas se transformer en premier cycle universitaire, dont la durée serait portée de deux à trois ans et qui déboucherait sur la délivrance d’une « licence technologique » ?

Une telle évolution apparaît, du moins aux yeux de nombreux observateurs de notre système éducatif, comme étant souhaitable dès lors que l’on constate qu’une écrasante majorité (près de 80 %) de diplômés du DUT poursuivent leurs études après l’obtention de ce titre. La mise en place d’une licence technologique fait d’ailleurs l’objet d’un débat récurrent dans notre pays. Cependant, ainsi que le rappelle Le livre blanc sur le système IUT, la mise en place d’une licence universitaire de technologie s’est heurtée, dans les années 1990, à un « blocage convergent » du ministère de l’enseignement supérieur et de la Conférence des présidents d’université, d’une part, et des acteurs économiques, d’autre part : les premiers craignaient une extension des moyens accordés aux IUT et les effets de la concurrence exercée par le nouveau diplôme sur les licences classiques, tandis que les seconds n’étaient pas unanimement favorables à la création d’un tel diplôme.

La rapporteure pour avis présentera les arguments de fond en faveur de la transformation du DUT en diplôme de niveau licence, avant de donner sa propre position, qui se veut avant tout pragmatique.

Ÿ Un diplôme technologique en trois ans : les termes du débat

Plusieurs arguments conduisent à penser que « le niveau licence finira par s’imposer au dispositif IUT » pour reprendre les termes d’un interlocuteur de la rapporteure pour avis.

– On peut interpréter les poursuites d’études massives après le DUT comme le signe d’une transformation « rampante », qui doit être officialisée, de la filière IUT en 1er cycle, dont la vocation est de préparer à la poursuite d’études en master ou en école de commerce ou d’ingénieurs. Dès lors, pourquoi ne faudrait-il pas tirer, dès aujourd’hui, toutes les conséquences de cette évolution en créant, comme le propose une organisation étudiante entendue par la rapporteure pour avis, une vraie filière technologique avec sa licence, son master et même son doctorat, comparable avec ce qui se fait en Allemagne ?

– Par ailleurs, on peut se demander si « l’élévation » du DUT au niveau bac + 3 ne permettrait pas de mieux différencier ce premier diplôme du brevet de technicien supérieur (BTS), aujourd’hui obtenu, lui aussi, au bout de deux ans, et qui joue parfois, dans certains secteurs, un rôle de concurrent. Ainsi, cette évolution permettrait de mieux articuler le DUT et le BTS, en spécialisant davantage leur public « cible » d’étudiants. Elle est d’ailleurs justifiée par les stratégies d’études que l’on observe dans ces deux filières : si plus de 78 % des diplômes du DUT poursuivent des études, en revanche, selon le directeur général de l’enseignement supérieur du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, M. Patrick Hetzel, il ressort des suivis de cohorte effectués, que 52 % des titulaires d’un BTS obtenu en deux ans sont en poursuite d’études. Or, comme l’ensemble de ceux qui obtiennent le BTS en deux ans représentent 60 % des titulaires du diplôme, on peut conclure, sur ces bases, que le taux global de poursuite d’études après le BTS est seulement de l’ordre de 30 %.

– Enfin, une évolution du DUT vers le niveau « licence » peut se justifier au regard des enseignements que l’on peut tirer de l’utilisation qui est faite de ce diplôme et de la nature de la formation dispensée en STS et en IUT. Selon la Conférence des grandes écoles, dont le président, M. Pierre Tapie, a été entendu par la rapporteure pour avis, la spécificité du DUT, par rapport au BTS, tient au fait que le premier diplôme suppose une « capacité conceptuelle supérieure », ce qui légitime le souhait de ses titulaires de poursuivre leurs études. Par ailleurs, d’après M. Pierre Tapie, le DUT joue actuellement le rôle de « DEUG sélectionnant », car un tel diplôme n’existe pas à l’université. Son succès est donc ambivalent, puisqu’il n’a pas été conçu, à l’origine, pour servir de « premier « galon » de qualité de l’université » ce à quoi il sert aujourd’hui. Enfin, pour certains acteurs économiques, la formation en l’IUT n’est pas « suffisamment achevée sur le plan intellectuel et pratique », ce qui plaide en faveur d’un allongement de la formation, dont la troisième année serait effectuée en alternance, facilitant ainsi les embauches ultérieures. Tout ceci conduit à se demander s’il ne faut pas « faire évoluer le DUT vers un « standard » de licence professionnelle ».

Ÿ Une réponse pragmatique qui doit s’appuyer sur l’originalité du DUT

Faut-il, par conséquent, transformer le DUT en diplôme de niveau bac + 3 ? La rapporteure pour avis considère que la réponse à cette question ne doit pas s’appuyer sur des a priori théoriques, mais se fonder sur des arguments pratiques.

– En premier lieu, le DUT est le seul diplôme universitaire qui permette d’envisager à la fois une insertion professionnelle rapide et de qualité ou une poursuite d’études réussie, une double vocation officiellement reconnue par l’arrêté du 2 août 2005 relatif au DUT dans l’Espace européen de l’enseignement supérieur.

En effet, l’article 9 de ce texte indique que les parcours de formation conduisant à ce diplôme comprennent, d’une part, une majeure garantissant le cœur des compétences attendues dans le domaine professionnel visé et, d’autre part, trois types de modules complémentaires, dont l’un concerne l’« ouverture scientifique » en vue de « permettre une poursuite d’études vers une certification de niveau I » (bac + 5) (17).

Dans ces conditions, la poursuite d’études après le DUT ne doit pas être perçue comme posant, en soi, un problème d’ordre « théologique », qui appellerait une réforme majeure de ce diplôme, puisque cette possibilité est d’ores et déjà pleinement intégrée aux cursus de formation proposés.

– En deuxième lieu, force est de constater que l’ajout d’une année supplémentaire de formation en IUT ne fait pas l’objet d’une demande unanime de la part des entreprises. En effet, si certaines branches professionnelles souhaitent pouvoir recruter des diplômés technologiques formés pendant trois ans, d’autres continuent de considérer, comme à l’époque de la création des premiers IUT, qu’un recrutement à bac + 2 permet de satisfaire leurs besoins en cadres intermédiaires. De leur côté, les représentants du MEDEF entendus par la rapporteure pour avis ont estimé qu’il serait « anormal, tant qu’il y aura des jeunes qui souhaitent s’insérer, au bout de 2 ans de formation, dans le monde professionnel et des entreprises pour les recruter, de contraindre ce public à effectuer une année d’études supplémentaire ».

Par conséquent, plutôt que d’apporter une réponse nationale, « autoritaire », à ce débat, celui-ci devrait être mené branche par branche, de manière à juger, en fonction des besoins du « terrain », de l’opportunité d’allonger d’une année (c’est-à-dire de deux semestres) les cursus de formation en IUT.

– En troisième lieu, si le DUT doit évoluer de manière pragmatique, des passerelles doivent être impérativement établies entre ce diplôme et les licences générales, afin de faciliter les réorientations. À l’heure actuelle, l’inscription des diplômés du DUT en troisième année de licence n’est pas automatique. En effet, toute demande faite en ce sens doit être examinée par la commission de validation d’études de chaque faculté, cette instance se prononçant sur des critères académiques. Pour remédier à ce défaut d’articulation entre les deux diplômes, qui pénalise les titulaires du DUT souhaitant se réorienter, un accès de plein droit de ces derniers aux licences universitaires (qu’elles soient généralistes ou professionnelles) doit être organisé dès lors que celles-ci relèvent du même champ « disciplinaire ».

– Enfin, la question de la finalité de la licence professionnelle doit être posée.

On sait que les IUT proposent à leurs étudiants deux offres de formation : une offre « nationale » avec le DUT, qui fait l’objet, comme on l’a vu, d’un cadrage par des instances consultatives nationales, et une offre « locale » avec les licences professionnelles, qui sont « montées » avec l’appui des acteurs économiques.

Dans ces conditions, on pourrait considérer que la licence professionnelle constitue le débouché « naturel » du DUT, la combinaison de ces deux diplômes formant une sorte de licence universitaire de technologie sui generis que tous les étudiants en IUT souhaitant poursuivre leurs études devraient obtenir.

Cependant, une telle évolution ne serait pas souhaitable, car la licence professionnelle devrait devenir le « diplôme d’insertion » d’un public spécifique, celui constitué par les diplômés du BTS ou les étudiants en deuxième année de licence générale qui souhaitent trouver des débouchés dans les bassins d’emploi locaux, sans passer par l’obtention d’un DUT. La licence « pro » devrait en effet cibler soit les diplômés du BTS, soit les étudiants désireux de suivre une formation professionnalisante poussée, après s’être rendus compte que l’aspect trop théorique de l’enseignement délivré en licence classique ne leur convenait pas. C’est ainsi que l’IUT de Rouen se fixe comme règle, même si elle connaît des exceptions, de ne pas accueillir en licence professionnelle plus d’un tiers d’étudiants provenant des IUT.

Bien entendu, un tel « recentrage » de la licence professionnelle implique de faire de cette troisième année de formation une année qui laisse une large place à l’alternance – que ce soit par le recours à l’apprentissage (financé par la région) ou aux contrats de professionnalisation (financés par les entreprises).

3. Une offre de formation devant évoluer de manière maîtrisée

À l’occasion de ce travail de réflexion sur la place des IUT dans l’enseignement supérieur, la rapporteure pour avis a souhaité se pencher sur leur offre de formation, afin d’examiner les points suivants : l’évolution du nombre de départements et de spécialités d’IUT, l’articulation de ces spécialités avec celles proposées par les sections de technicien supérieur (STS) (18) et les métiers émergents.

Ÿ Mieux réguler le développement des spécialités et des départements

Les spécialités de DUT sont, aujourd’hui, au nombre de 25, dont 16 dans le secteur « Production » (une ayant été créée à titre expérimental à la rentrée 2008), et 9 dans le secteur « Services ».

Certaines d’entre elles connaissant, en raison de la petitesse de leurs effectifs, des difficultés, la Commission consultative nationale des IUT a mis en place un groupe de travail sur le sujet, afin de pouvoir proposer des évolutions.

L’évolution des spécialités à petits effectifs

Les premières conclusions du groupe de travail de la Commission consultative nationale des IUT sur les spécialités à petits effectifs ont permis d’engager les réflexions ou travaux dans plusieurs directions.

– La première année des DUT « Génie du Conditionnement et de l’Emballage » et « Science et Génie des Matériaux » pourrait devenir commune.

– Des modules de formation dans le domaine de la reprise d’entreprise ou l’entreprenariat sont à l’étude dans la spécialité « Qualité, Logistique Industrielle et Organisation ».

– La spécialité « Gestion Mécanique et Productique » amorce une réflexion sur la possibilité d’un rapprochement avec d’autres spécialités.

Source : audition de M. Patrick Hetzel, directeur général de l’enseignement supérieur du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Cette réflexion doit être menée en parallèle avec la rationalisation du nombre de départements qui composent les IUT. En effet, si le nombre d’IUT est stable (115), celui des départements s’accroît régulièrement : à la rentrée 2009, on en compte 675 (393 départements « secondaires » et 282 départements « tertiaires »). Au cours des quatre dernières années, 33 départements ont été créés (19).

Ainsi que l’a noté le directeur général de l’enseignement supérieur, M. Patrick Hetzel, au cours de son audition, le « terreau est naturellement favorable au développement de l’offre, sans que se fasse pour autant le travail de suppression des filières ». Sur certains sites, on peut même parler, selon cet interlocuteur, d’« effet pervers », permettant « d’expliquer, localement, la poursuite d’études alors que ce choix n’est pas toujours pertinent ». La rationalisation de l’offre est rendue encore plus compliquée par le fait que les instances consultatives compétentes peuvent adopter des avis divergents, la Commission consultative nationale des IUT étant plutôt favorable à la création de nouveaux départements, tandis que les commissions pédagogiques nationales le sont moins.

Ÿ Expérimenter les métiers de demain avant de créer des spécialités

Si l’offre de formation des IUT doit être rationalisée, il est tout aussi indispensable qu’elle puisse préparer correctement les étudiants aux métiers de demain.

Cette politique d’adaptation de l’offre de formation aux domaines émergents peut être conduite de deux manières : d’une part, par la création de nouvelles spécialités ; d’autre part, par une « modulation », au niveau local, du contenu des enseignements dispensés qui tienne compte de l’environnement socio-économique des IUT.

– La décision de créer une nouvelle spécialité ne peut intervenir qu’après une phase d’expérimentation probante, permettant de conclure que la nouvelle formation répond à de véritables besoins, débouchant sur des métiers durables. Il faut en effet se méfier des fausses bonnes idées, qui peuvent être autant de « trappes à illusion » et miner la crédibilité du réseau IUT.

C’est l’approche qui a été choisie pour le projet de création de la spécialité « commercialisation de la distribution industrielle ». Actuellement à l’étude sur la base d’expériences locales menées à Charleville-Mézières (IUT de Reims) et à Vire (IUT de Caen), cette nouvelle spécialité pourrait être expérimentée à la rentrée 2010.

Quant au service à la personne, secteur dont on peut penser a priori que les besoins en emplois pourraient connaître une croissance exponentielle, il fait d’ores et déjà l’objet d’une expérimentation qui, semble-t-il, n’a pas été entièrement concluante. Un département « aide et assistance pour le monitoring et le maintien à domicile » a ainsi été ouvert en 2008 à l’IUT de Blagnac. Toutefois, le groupe de réflexion mis en place à cette occasion, auquel participait le Centre d’études et de recherches sur les qualifications, a estimé, même si un bilan définitif de cette expérience doit être encore réalisé, que, dans ce secteur, les besoins en emplois au niveau II ou III de qualification n’étaient pas avérés. À l’inverse, les solutions alternatives qui consistent à développer une option « service à la personne » dans la spécialité « carrières sociales » et/ou des modules complémentaires de formation dans les spécialités « gestion des entreprises » et « techniques de commercialisation – gestion administrative et commerciale » semblent plus prometteuses, car plus adaptées aux réalités des demandes de qualification constatées pour ce type d’emploi. Quoi qu’il en soit, ces propositions seront étudiées par la Commission consultative nationale des IUT d’ici la fin de l’année pour que le ministère de l’enseignement supérieur rende son arbitrage.

Quant à la thématique du développement durable, portée par les mesures du Grenelle de l’environnement, elle ne doit pas conduire à définir de nouveaux métiers – et par conséquent de nouvelles spécialités de DUT. La présidente de la Commission consultative nationale des IUT, tout comme l’Assemblée des directeurs d’IUT, ont considéré, devant la rapporteure pour avis, que cette problématique doit être intégrée dans les différentes spécialités, afin qu’elles aient toutes cette « coloration ». Cette évolution en douceur pourrait donc se faire en recourant aux modules complémentaires de formation prévus par l’arrêté du 3 août 2005 relatif au DUT.

– À côté de la création de nouvelles spécialités, une procédure particulièrement contraignante, faisant intervenir des instances nationales, et longue, si l’on tient compte de la phase d’expérimentation, les IUT doivent pouvoir disposer d’une certaine souplesse dans l’organisation de leur cursus pour les adapter aux besoins locaux.

L’arrêté du 3 août 2005 relatif au DUT prévoit ce type de souplesse en disposant qu’un IUT peut, après avis du conseil de l’institut et du conseil des études et de la vie universitaire de l’université, « définir des modalités d’adaptation de la formation à l’environnement, notamment professionnel, dans la limite de 20 % du volume horaire global de la formation de chaque spécialité ». Cependant, ce « volant d’adaptation locale » est insuffisant, car, ainsi que l’a relevé le directeur de l’IUT de Rouen, M. Mohamed Ketata, il ne permet pas d’explorer suffisamment en profondeur les potentialités offertes par de nouveaux métiers – par exemple, dans les domaines de la santé ou du tourisme. Il devrait donc être élargi pour que les instituts puissent adapter, de manière plus réactive, leur offre de formation.

Ÿ Rendre plus cohérente l’offre de formation courte

L’existence de deux formations professionnalisantes courtes se justifie pleinement. L’une, le BTS, vise des métiers plus ciblés que ceux auxquels prépare l’autre, à savoir le DUT. Ce dernier diplôme confère en effet à ses titulaires un « bagage plus large », ainsi que l’a souligné à la rapporteure pour avis l’Assemblée des directeurs d’IUT : le titulaire d’un DUT « doit être capable d’intégrer les concepts scientifiques et technologiques pour induire l’évolution des techniques dans son poste de travail ».

On constate en outre en outre une certaine complémentarité entre ces deux diplômes :

– dans les STS le recrutement majoritaire est celui des bacheliers technologiques (près de 60 %), tandis que les IUT accueillent majoritairement (près de 70 %) des bacheliers généraux ;

– les diplômés de BTS sont plus nombreux dans le domaine des services (74,3 %) que les diplômés du DUT (58,7 %) ;

– enfin, ainsi que cela a déjà été souligné, le taux de poursuite d’études après le BTS est de l’ordre de 30 %, les titulaires du DUT poursuivant, pour plus de 78 % d’entre eux, des études supérieures.

Cependant, se contenter du statu quo ne constitue pas une option viable, car les deux formations, sur certains territoires, peuvent se concurrencer, un effet indésirable encore accru par les points de convergence qui peuvent, en termes de contenu de formation, exister entre les 25 spécialités de DUT et les 87 spécialités de BTS (30 du secteur secondaire et 57 du secteur tertiaire).

C’est pourquoi il faut espérer que la mission conjointe, mise en place par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, de l’Inspection générale de l’éducation nationale et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche sur le choix des spécialités dans les STS et les IUT et la cohérence de la carte des formations fera, en la matière, des propositions novatrices, qui permettront de jouer sur les synergies entre les deux filières.

C. L’ACCUEIL DES BACHELIERS TECHNOLOGIQUES ET DES ÉTUDIANTS EN SITUATION D’ÉCHEC DANS LES AUTRES FILIÈRES : UNE MISSION À CONFORTER

Les IUT doivent pleinement contribuer à l’objectif, national et européen, de porter 50 % d’une classe d’âge à un diplôme de l’enseignement supérieur.

Dans ce but, ils doivent accueillir davantage de bacheliers technologiques et, dans une moindre mesure, professionnels, qui s’engagent dans des études supérieures, car ceux-ci y trouveront des conditions d’encadrement et une pédagogie adaptées à leur parcours antérieur.

Le projet annuel de performances de la mission « Recherche et enseignement supérieur » accompagnant le projet de loi de finances contient un indicateur (n° 2.1) qui fait explicitement référence à cette mission puisqu’il porte sur la « part des inscrits dans les formations professionnelles courtes STS et IUT parmi les bacheliers technologiques et professionnels poursuivant leurs études dans l’enseignement supérieur » (20).

Dans le même esprit, les IUT doivent accueillir des étudiants en situation d’échec dans les autres filières du supérieur en mettant en place des dispositifs pédagogiques adaptés à ce type de public.

1. Des mesures incitatives plutôt que contraignantes pour renforcer la part des « bacs technos » en IUT

La présence des bacheliers technologiques en IUT étant trop faible, ce phénomène s’expliquant par la prégnance exercée par le « bac S » sur le recrutement de l’ensemble des filières du supérieur, un rééquilibrage s’impose, au nom de l’égalité des chances.

En effet, le maintien du déséquilibre actuel, qui joue en faveur des bacheliers généraux, plus souvent issus des classes moyennes et supérieures que les bacheliers technologiques, plus souvent boursiers et/ou fils ou fils d’ouvriers et d’employés, ne permet pas à cette filière de jouer pleinement son rôle d’ascenseur social. Ainsi, à la rentrée 2008, les bacheliers généraux représentaient 68,6 % des nouveaux inscrits en IUT, contre 29,7 % pour les bacheliers technologiques (et 1,7 % pour les bacheliers professionnels).

Pour opérer ce rééquilibrage, un recours massif et brutal à des mesures coercitives, comme les quotas d’accueil des bacheliers technologiques, qui est parfois proposé, ne constitue pas, malgré son apparente « simplicité » et visibilité politique, une solution appropriée. En effet, s’il ne faut pas exclure de réserver des places aux bacheliers technologiques dans les IUT et les STS, cette solution ayant été avancée par le Président de la République dans son discours sur la réforme du lycée du 13 octobre dernier, il doit être clair qu’un tel dispositif devra être appliqué avec « doigté ». Ainsi, l’une des propositions du rapport de M. Benoist Apparu déposé à la suite des travaux de la mission d’information sur la réforme du lycée, qui suggère de réserver 50 % des places en IUT aux bacheliers technologiques, risque, par son ambition même, de manquer sa cible (21). Cette mesure paraît en particulier irréaliste à l’Assemblée des directeurs d’IUT qui a fait observer à la rapporteure pour avis que, dans certaines disciplines, il « n’y a tout simplement pas un « vivier » de bacheliers technologiques suffisamment important, ce qui conduira les IUT à réduire leur capacité d’accueil pour satisfaire le pourcentage requis ». Un tel quota pourrait en outre pénaliser les publics en réorientation (comme les bacheliers généraux en échec à l’université), tandis que, dans le domaine tertiaire, l’accueil des bacheliers ES pourrait être fortement compromis.

Par ailleurs, dans certaines filières d’IUT, on peut constater un phénomène que certains n’hésitent pas à qualifier d’« effondrement » du vivier de recrutement. Les bacheliers technologiques étaient ainsi 12 750 à s’être inscrits dans les instituts spécialisés dans la production à la rentrée 2008/2009, soit une diminution de 13,5 % entre 1998 et 2008. Ce recul s’explique, en partie, par l’image des filières industrielles (« des métiers où on a les mains dans le cambouis »), qui est moins valorisante que celle attachée aux métiers de gestion, secteurs dans lesquels, pourtant, ni les salaires d’embauche ni les possibilités de promotion ne sont toujours à la hauteur des attentes des étudiants.

C’est la raison pour laquelle le renforcement de la part des bacheliers technologiques inscrits en IUT, doit être avant tout piloté localement, institut par institut, avec le soutien de mesures incitatives mises en œuvre par le Gouvernement. Tel est l’objectif poursuivi par le système de « bonus financier » mis en place en 2008 et bénéficiant d’une enveloppe de 5 millions d’euros qui a été reconduite en 2009 (22).

Une première enveloppe de 4 millions d’euros a déjà été distribuée cette année sur la base des effectifs de bacheliers technologiques, mais aussi professionnels, présents au cours de l’année universitaire 2008/2009. Les dotations ainsi calculées s’échelonnent de 526 euros à 151 782 euros, avec une moyenne de 34 483 euros par IUT. Une seconde enveloppe de 1 million d’euros sera attribuée à l’automne en fonction de l’évolution du nombre de bacheliers technologiques à la rentrée 2009 par rapport à l’année précédente.

Ces crédits peuvent servir à deux types d’action :

– en amont, en communiquant auprès des publics concernés afin de les faire venir dans ces formations : campagne d’information dans la presse locale, animations autour de journées portes ouvertes, travail en amont avec les lycées…

– pendant la scolarité, en mettant en place des dispositifs pédagogiques permettant une plus grande réussite de ces publics (renforcement de l’encadrement, achat de matériel informatique …), compte tenu du fait que le taux de réussite, en deux ans, des bacheliers technologiques (55,4 %) reste inférieur à celui des bacheliers généraux (74,1 %) (23). On observera ainsi qu’à l’IUT de Rouen, un « tutorat d’accompagnement » des bacheliers technologiques, sous la forme de cours de rattrapage, est organisé par chaque département d’IUT, une demi-journée par semaine, dispositif qui mériterait d’être généralisé. À cet égard, le fait que l’action de soutien en faveur de l’accueil des nouveaux bacheliers technologiques en IUT soit reconduite en 2010 et fasse l’objet d’une dotation de 5 millions d’euros constitue un signal très positif.

Cette politique de renforcement de l’attractivité des IUT auprès des bacheliers technologiques ne pourra qu’être confortée par la réforme du lycée présentée par le Président de la République le 13 octobre dernier, car l’un de ses principaux piliers est la rénovation de la série « sciences et techniques de l’industrie » (STI), qui a été qualifiée d’« enjeu économique crucial pour notre pays ».

2. Des dispositifs « sur mesure » pour accueillir les étudiants en échec se réorientant vers les IUT

L’accueil, en IUT, d’étudiants en échec dans les autres filières du supérieur, comme en licence générale ou en classe préparatoire, contribuera aussi à la réalisation de l’objectif de 50 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur. Mais il ne peut être organisé que si des dispositifs particuliers d’accompagnement sont mis en œuvre pour que ces « parcours de la deuxième chance » conduisent à la réussite de l’étudiant.

À cet égard, une mesure prise par l’IUT de Rouen, et exposée par son directeur à la rapporteure pour avis, semble exemplaire et pourrait inspirer l’ensemble du réseau des instituts. En effet, afin de faciliter la réorientation vers le DUT des étudiants des autres filières ayant « décroché », un semestre décalé sera mis en place, pour la première fois, avec une « rentrée » prévue le 1er février 2010. Cette mesure devrait être complétée par l’institution d’un « semestre d’adaptation », afin d’initier ce type de public aux méthodes pédagogiques propres aux IUT, une initiative qui pourrait également viser les bacheliers professionnels admis dans cette filière.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La commission des affaires culturelles et de l’éducation entend, en commission élargie à l’ensemble des députés, Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits pour 2010 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » au cours de la séance du lundi 9 novembre 2009 à 15 heures.

M. Didier Migaud, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, M. Christian Jacob, président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Mme Laure de la Raudière, vice-présidente de la Commission des affaires économiques et moi-même sommes heureux de vous accueillir au sein de cette commission élargie consacrés aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie, m’a fait savoir ses regrets de ne pas être présent parmi nous : il est retenu par la discussion sur le projet de loi relatif à La Poste, qui se poursuit sans interruption depuis lundi dernier au Sénat ; cent trente amendements resteraient encore à examiner.

Vous connaissez, madame la ministre, la procédure de la commission élargie, destinée à faciliter les échanges d’idées entre la ou le ministre, les rapporteurs, les porte-parole des groupes et les députés.

L’intervention des nombreux rapporteurs ne traduira pas la qualité et l’importance de leur travail, qui va bien au-delà de la présentation des crédits d’une mission et s’exerce tout au long de l’année, à travers le suivi, le contrôle et l’évaluation des politiques, particulièrement importants lorsqu’il s’agit de la recherche.

Pour faciliter l’organisation de nos travaux, nous commencerons par l’examen des crédits consacrés à la recherche.

Pour ma part, je souhaiterais insister d’emblée sur deux aspects de la politique de la recherche et de l’enseignement supérieur : le crédit d’impôt-recherche et les pôles de compétitivité.

Le crédit d’impôt-recherche, particulièrement depuis la réforme de 2008, apparaît comme un instrument extrêmement puissant – voire le plus efficace d’Europe – de la politique de recherche. La Mission d’évaluation et de contrôle, au cours de ses auditions consacrées aux pôles de compétitivité, a pu apprécier le rôle central qu’il occupe, tant pour les entreprises que pour les organismes de recherche. Mais c’est aussi un instrument coûteux pour l’État, à un moment où la Commission des finances se montre très vigilante en matière de niches fiscales, dont le bien-fondé se doit d’être examiné avec exigence. Nous serons donc très attentifs aux informations que vous pourrez nous fournir sur l’exécution et l’évaluation du crédit d’impôt-recherche et sur ses perspectives.

Concernant les pôles de compétitivité, la Mission d’évaluation et de contrôle, qui associait des rapporteurs de la Commission des affaires économiques et de la Commission des finances issus de la majorité comme de l’opposition, a adopté un certain nombre de recommandations.

Nous avons décidé de saisir le Gouvernement le 23 septembre dernier, selon la procédure de l’article 60 de la LOLF. Fin novembre, nous devrions avoir reçu votre réponse sur les suites que vous entendez donner à nos recommandations. Celles-ci concernent, entre autres, une des faiblesses françaises : l’articulation entre la recherche-développement et le premier développement industriel, sujet sur lequel nous reviendrons lors d’un débat en séance publique.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Madame la ministre, nous sommes très heureux de vos accueillir aujourd’hui pour évoquer ces crédits. La Commission des affaires culturelles et de l’éducation se réjouit tout particulièrement, pour sa part, à l’idée de vous accueillir le 18 novembre pour procéder à votre audition, ce qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion de faire.

Comme l’a rappelé M. Migaud, les rapporteurs des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sont nombreux. Il y en a huit, dont deux rapporteurs pour avis de la Commission des affaires culturelles : Olivier Jardé, qui a travaillé sur la réforme du CNRS, et Françoise Guégot, qui a travaillé sur la place des instituts universitaires de technologie dans la mise en œuvre de la LRU.

Madame la ministre, je souhaiterais vous poser deux questions.

La première concerne l’évolution des effectifs d’enseignants-chercheurs à l’université. L’application de la LRU entraîne le transfert de postes du budget de l’État vers les universités autonomes. Pourriez-vous faire le point ?

La seconde concerne la réforme du CNRS, qui a suscité quelque inquiétude parmi les chercheurs. J’aimerais savoir dans quelles conditions cette réforme se met en place et ce que ces derniers vont pouvoir tirer de ce nouvel environnement.

Je vous prie enfin d’excuser certains de mes collègues, qui se trouvent à l’heure actuelle dans l’hémicycle pour examiner les crédits consacrés aux médias, et qui ne pourront donc pas assister à cette commission élargie.

M. Christian Jacob, président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la ministre, je n’ai rien à ajouter aux propos de Mme Tabarot. L’important est que l’on puisse échanger avec notre rapporteur. Je lui fais confiance, sinon pour le vote final, du moins pour le travail réalisé.

Mme Laure de La Raudière, vice-présidente de la Commission des affaires économiques. Madame la ministre, nous sommes heureux de vous accueillir cet après-midi pour examiner les crédits de la recherche. La Commission des affaires économiques s’est saisie des crédits des grands organismes, de la recherche industrielle et de la recherche en matière d’énergie et de développement durable.

Deux rapporteurs interviendront en son nom : M. Pierre Lasbordes, pour le budget des grands organismes, crédits répartis sur plusieurs programmes de la MIRES (Mission interministérielle pour la recherche et l’enseignement supérieur) et M. Daniel Paul, pour la recherche industrielle.

Mme Geneviève Fioraso, pour sa part, a travaillé sur les crédits de l’industrie et de l’énergie, notamment sur le programme 190 « Recherche dans le domaine de l’énergie et du développement durable ». Elle s’est déjà exprimée en tant que rapporteure lors de l’examen de la mission « Écologie ». Elle vous interrogera après que les porte-parole des groupes se seront exprimés et donnera son avis sur les crédits de l’industrie et de l’énergie au moment du vote des budgets, lorsque la Commission des affaires économiques se réunira à cette fin, après la commission élargie.

Madame la ministre, j’ai trois questions à vous poser.

Premièrement, quel est le lien avec le projet de loi « Grand Paris », s’agissant plus particulièrement de l’aménagement du plateau de Saclay ?

Deuxièmement, pourriez-vous nous parler, dans la perspective d’une sortie de crise, de la politique d’innovation et de valorisation industrielle de la recherche ? Je pense naturellement à l’incitation aux dépôts de brevets et aux transferts industriels des recherches.

Troisièmement, vous avez engagé une dynamique de regroupement des différents établissements d’enseignement supérieur et de recherche et créé des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES). Quel bilan peut-on en tirer ? Envisagez-vous de prendre de nouvelles mesures pour les renforcer ?

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial pour les politiques de la recherche. Madame la ministre, le Président de la République a fait de la recherche une des priorités de son quinquennat. La crise économique et financière a renforcé le caractère impérieux d’un effort national en sa faveur : c’est pour la France le seul chemin vers la croissance et le succès. Les discussions sur le contenu du futur grand emprunt ont désigné une fois de plus la recherche comme l’une des clés de l’avenir de notre pays. Il y a donc unanimité sur le sujet.

Ce budget concrétise cette prise de conscience et ces engagements, tant par l’augmentation des moyens financiers que par leur application à des réformes de structure mises en œuvre à l’université comme dans nos grands organismes de recherche. Cependant, pour avoir conduit avec mes collègues Claeys et Lasbordes les travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle sur les pôles de compétitivité, j’ai pu mesurer les difficultés persistantes que rencontre notre pays pour transformer les résultats de nos chercheurs en autant de réussites industrielles. De même, pour avoir rencontré les responsables de nos meilleurs organismes de recherche, j’ai pu mesurer leur volonté d’attirer les chercheurs de talent, mais aussi leurs besoins criants de moyens pour motiver et, surtout, retenir ceux-ci.

Nos efforts doivent aller dans ces deux directions : augmentation des moyens financiers et réformes des structures. Cependant, cela ne suffira pas si nous ne prenons pas davantage en compte l’aspect humain de la recherche et, en conséquence, les conditions de la réussite de nos chercheurs.

J’ai rencontré des responsables de recherche ou de laboratoire et j’ai constaté qu’ils ne réclamaient pas davantage d’argent pour eux-mêmes, mais des moyens supplémentaires pour chercher et trouver, et surtout des garanties juridiques et financières pour continuer d’attirer les meilleurs jeunes diplômés dans leurs équipes.

Il faut investir plus encore pour qu’une grande part d’entre eux s’engage dans la voie de la recherche. Il faut les payer davantage et les inciter à poursuivre leurs travaux le plus loin possible, jusqu’à l’aboutissement de ces travaux sur le marché. Je sais qu’il existe un clivage entre recherche fondamentale et débouchés industriels. Mais l’étude sur les pôles de compétitivité nous a montré qu’il fallait absolument réussir à construire un tel maillage. Or cette nécessité se heurte à la question statutaire, qui limite les rémunérations tout en freinant les recrutements, sans suffisamment sécuriser les chercheurs ni récompenser leurs résultats.

Nous ne ferons pas l’économie de ce choix. Il sera le vrai marqueur de notre nouvelle ambition nationale.

Madame la ministre, ma première question portera sur l’attractivité des carrières de la recherche et sur les mesures qui ont été prises pour l’améliorer. Le ministère a créé une nouvelle prime d’excellence pour les chercheurs et les enseignants chercheurs ; 130 chaires d’excellences seront financées. Ce sont de bonnes mesures, qui étaient très attendues par les chercheurs responsables d’organismes de recherche, soucieux de conserver ou d’attirer des scientifiques chevronnés ou de jeunes chercheurs prometteurs. Comment ces mesures sont-elles mises en œuvre aujourd’hui ?

Ces mesures sont néanmoins insuffisantes pour permettre aux organismes de recherche de recruter sur le plan international des chercheurs prometteurs ou de proposer des situations très attractives à de talentueux chercheurs français sollicités par les organismes ou les universités étrangères. Les directeurs des organismes de recherche voient souvent de jeunes chercheurs tout juste primés au sein de leur organisme accepter à l’étranger des postes dont les avantages élevés sont annoncés d’emblée dans l’offre de contrat. De leur côté, pour parvenir à offrir une position attirante, ils doivent réunir des primes en provenance de plusieurs organismes.

Il faut permettre aux organismes de recruter des chercheurs et ingénieurs en CDI pour développer un projet de recherche ou diriger une équipe.

Les directeurs d’organisme auditionnés ont souligné que nos laboratoires manquaient de chercheurs capables de diriger des équipes importantes. Il faut donc essayer d’attirer des chercheurs managers étrangers.

Notre recherche a besoin de cette souplesse de recrutement, car les possibilités actuelles, lorsqu’il s’agit de recrutement par contrat, hors position statutaire, sont limitées dans le temps – trois ans prolongeables deux ans.

Laissons aux organismes la latitude de fixer la rémunération à un niveau suffisant si l’on veut qu’elle soit attractive. Actuellement, les offres sont notoirement inférieures à celles proposées dans d’autres pays concurrents comme le Royaume-Uni, sans même se référer à ce qui se passe aux États-Unis. Les organismes de recherche se disent d’ailleurs prêts à faire face aux dépenses liées à ces contrats exceptionnels sur leurs ressources propres.

Je proposerai un amendement visant à accroître la liberté de recrutement des organismes de recherche.

La réforme des organismes de recherche est en œuvre depuis deux ans. Quels sont les résultats de la nouvelle organisation sur la programmation de la recherche ? Une coordination s’est-elle établie entre les organismes, en fonction des priorités définies par le Gouvernement ? Enfin, une coordination s’est-elle établie avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) ?

L’Institut Pasteur n’avait pas vu ses crédits augmenter pendant quatre années. Le Parlement a voté en loi de finances pour 2009 un amendement visant à augmenter ses crédits de 2 millions d’euros, amorçant un rebasage de sa subvention. Or l’exécution des crédits montre précisément un gel de 2 millions d’euros concernant l’Institut.

L’année dernière, deux chercheurs issus de cet institut ont reçu le prix Nobel de médecine. Le ministère doit accroître son soutien à cet organisme prestigieux, qui participe au rayonnement de la France.

L’Institut Pasteur poursuit un important programme de rénovation de bâtiments, financé par le ministère et la région, avec la construction d’une unité entière, qui abritera le futur centre de biologie intégrative des maladies émergentes, lequel doit entrer en service en 2011.

Pour prendre en considération les besoins d’investissement et de fonctionnement de l’Institut, je proposerai un amendement contribuant à la progression de sa dotation, tout en souhaitant que l’effort consenti lui profite réellement et ne soit pas, une fois de plus, annulé par l’effet des gels de crédits.

Ma dernière question portera sur la mobilité entre la recherche et l’entreprise, qui est encore très faible malgré les améliorations apportées par la loi d’orientation : quelle est la position du ministère et comment pourrait-on mettre en place des passerelles efficaces ?

M. Alain Claeys, rapporteur spécial pour la recherche dans les domaines du développement durable. Madame la ministre, je voudrais remercier vos services qui, cette année, ont répondu dans les temps à l’ensemble des questions que je leur avait posées.

Si la progression du budget de l’État est limitée à 1,2 %, les moyens budgétaires consacrés à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » progressent de 3,74 % en autorisations d’engagement et de 2,95 % en crédits de paiement, à structure courte. Toutefois, le budget de la recherche en faveur du développement durable ne représente qu’un dixième des crédits de la mission – en légère baisse par rapport à 2009 – et moins de 25 % des crédits alloués à la recherche. Les crédits demandés s’élèvent en effet, pour les deux programmes concernés (187 et 190) à 2,6 milliards d’euros en 2010.

Comme l’an passé et malgré un travail suivi, je m’interroge encore sur la réalité du milliard d’euros supplémentaire prévu en faveur de la recherche dans les domaines du développement durable par l’article 22 de la loi de programmation relative au Grenelle de l’environnement. Selon les derniers chiffres en ma possession, 47 % de cette somme, soit 470 millions d’euros, correspondent non pas à des crédits nouveaux, mais à des crédits redéployés. Pouvez-vous m’indiquer précisément l’origine de ces crédits redéployés et les thématiques de recherche qui ont été abandonnées au profit de la recherche dans les domaines du développement durable ?

Bien que je me félicite du succès du crédit d’impôt-recherche et que les PME en soient les principales bénéficiaires d’après les derniers chiffres que vous m’avez transmis pour la période 2004-2007, je souhaiterais savoir quand vos services seront en mesure d’apprécier les effets de la réforme du dispositif intervenue en 2008. Pourriez-vous notamment vous engager à nous transmettre les informations suivantes dès qu’elles seront en votre possession : quel est le gain de la réforme du crédit d’impôt-recherche par tranche d’entreprises ? Quelle est la répartition par secteur économique des entreprises qui déclarent des dépenses de recherche-développement ? Combien a été au total dépensé pour le crédit impôt-recherche depuis la réforme de 2008 ? Quelle est la part des dépenses de recherche-développement consacrées à des recherches dans le domaine du développement durable ? Quelles sont enfin les principales évolutions par rapport à la situation antérieure ?

S’agissant de la phase 2 des pôles de compétitivité, comme l’a rappelé le président Migaud, nous avons, avec mes collègues Jean-Pierre Gorges et Pierre Lasbordes, élaboré au nom de la MEC un rapport que nous avons remis le 23 septembre dernier. Celui-ci comportait quinze propositions pour améliorer l’efficacité de cette politique en faveur de l’innovation. Parmi ces propositions, certaines ont-elles déjà appelé votre attention et envisagez-vous d’y donner suite ? Dans le domaine du développement durable, le Gouvernement a lancé un appel à projets pour des pôles de compétitivité « éco-tech », projets qui ont en principe été rendus en octobre aux préfets de région. Comment les dossiers ont-ils été instruits, quels critères ont été pris en compte, quelles thématiques ont été retenues et quels montants ont été alloués ? La MEC a proposé de réserver la création de nouveaux pôles aux seuls projets non couverts par les pôles actuels et de créer un label « éco-tech » pour les pôles réalisant la moitié de leurs projets dans le domaine des éco-technologies. Que pensez-vous de cette proposition ?

Enfin, le Gouvernement a mis en place un comité stratégique des éco-industries le 10 juillet 2008. Celui-ci devait rendre ses conclusions fin 2008 pour qu’elles soient mises en œuvre en 2009. Il semblerait qu’à ce jour ce comité ne se soit réuni que trois fois. Quel est l’objet exact de ce comité stratégique ? Comment fonctionne-t-il et qu’en attendre ?

M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles pour les politiques de la recherche. Ce budget de la recherche est un bon budget. Mais qu’est-ce donc qu’un bon budget ? C’est pour moi un budget comportant des réformes de structure accompagnées, et c’est bien le cas de celui-ci puisqu’il augmente de plus de 5 %. Pour le centriste que je suis, les dépenses de recherche ne constituent pas des dépenses de fonctionnement, mais d’investissement à haute valeur ajoutée pour l’avenir, particulièrement importantes en période de crise.

L’ensemble des laboratoires scientifiques bénéficieront ainsi de 274 millions d’euros supplémentaires, dont 34 millions pour le CNRS, sur lequel j’ai centré mon rapport. Le CNRS est un très bel organisme, vieux de soixante-dix ans mais plein d’avenir, avec ses 35 000 chercheurs et le cap qui lui a été redonné. Les dix instituts verticaux rendent plus lisible cette magnifique structure même si, en matière de recherche, la transversalité et l’interface prévalent souvent sur la verticalité. Mais il en va là comme de l’IRM qui n’a jamais été mise au point pour la médecine, tout en constituant un formidable outil au service de notre santé. Il faut donc maintenir la structure verticale mise en place et se féliciter des 16 millions d’euros alloués pour accompagner cette restructuration, comme des 18 millions d’euros attribués pour la revalorisation des carrières.

Le crédit d’impôt-recherche est un dispositif de soutien nécessaire, nous en sommes tous d’accord. Il a permis que des laboratoires restent en France. Demeure toutefois le problème des docteurs, lequel, bien au-delà du crédit d’impôt-recherche, touche à l’organisation même du secteur scientifique en France. Quand réussira-t-on enfin à distinguer clairement ce qui relève respectivement des universités scientifiques et des écoles d’ingénieurs, entre lesquelles existe toujours une compétition ? On a incité en 2008 à l’embauche de docteurs, mais on n’y a eu que peu recours. Il faudra tirer cela au clair. Peut-on maintenir en France deux pôles avec, d’un côté, les écoles d’ingénieurs et de l’autre, les universités scientifiques. Pour ma part, je suis favorable à leur rapprochement et à une plus étroite coopération entre elles.

L’Agence nationale de la recherche (ANR) est une agence qui apporte ponctuellement des moyens à des projets précis, ce qui appelle le recrutement de personnels en CDD. Un amendement du Gouvernement vise à permettre l’embauche de personnels en CDI. Cela peut être pertinent dans certains cas. Mais je ne souhaiterais pas que l’on revienne à la situation d’avant 1984 avec des personnels hors statut et des statuts trop hétérogènes. Il ne faut donc y avoir recours qu’avec parcimonie.

S’agissant du préciput, complément de financement de 11 % versé par l’ANR à la tutelle qui héberge un laboratoire auteur de travaux qu’elle finance, on s’aperçoit qu’il sert plus souvent à changer les fenêtres ou le système de chauffage qu’à acheter du matériel ! Il faut s’interroger sur l’opportunité de continuer à verser cette somme à l’hébergeur, le plus souvent une université.

Il faut aussi prendre en compte le problème des laboratoires détenteurs de brevets importants comme l’Institut de chimie du CNRS à Gif-sur-Yvette, qui avait déposé celui du Taxotère, source pour lui d’importantes recettes pendant longtemps. Or, ce médicament va tomber dans le domaine public. La diminution du budget qui s’ensuivra pour l’Institut ne sera compensée ni par le mécénat ni par l’industrie, et l’établissement sera bel et bien confronté à des difficultés de ce fait. Il en va de même pour l’Institut Pasteur avec les tests de dépistage du sida et de l’hépatite B. Il serait tout de même paradoxal qu’un laboratoire ne cherchant pas à valoriser sa recherche ait moins d’incertitudes quant à ses budgets futurs !

Je voudrais insister pour terminer sur la nécessité d’un plus grand nombre d’émissions scientifiques audiovisuelles. Celles-ci jouent un rôle déterminant dans l’orientation de nos jeunes et l’appréciation des familles sur cette orientation. Force est, hélas, de constater qu’il n’y a plus aujourd’hui d’émissions scientifiques à la télévision. (Mme la ministre fait un signe de dénégation). Non, madame la ministre, il n’y en a pratiquement plus, à l’exception de quelques émissions pseudo-scientifiques. Or, avec trois épisodes hebdomadaires d’une série permettant d’appréhender le travail de la police scientifique et les réalités de la médecine légale, on ne compte plus les vocations de médecin légiste ! Puissent des émissions scientifiques de qualité susciter autant de vocations scientifiques dans notre pays !

M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour les grands organismes de recherche. Les années se suivent, et heureusement pour le secteur de la recherche, se ressemblent. En effet, les moyens dévolus dans le projet de loi de finances pour 2009 à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) avaient augmenté de 1,27 %, hors ANR. Dans le projet de loi de finances pour 2010, l’augmentation est de 1,8 milliard d’euros, dont 804 millions d’euros pour la recherche. Cet effort mérite d’être souligné, d’autant que l’accent est mis sur l’attractivité des carrières et la gestion des ressources humaines, à laquelle je suis très attaché.

Satisfait de cette évolution, je n’aborderai que quelques points.

Tout d’abord, les réserves de précaution. Pour l’INRIA, elles sont de 1,54 million d’euros ; pour l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRA), de 4,2 millions d’euros ; pour le CNES, de 30,6 millions et pour le CNRS, bien sûr beaucoup plus élevées. Si l’on peut comprendre la philosophie d’un tel système, comment expliquer que le taux de réserve diffère pour les EPIC et les EPST ? Dans le cas d’un EPIC, il est de 0,5 % de la masse salariale et de 5 % des autres dépenses ; dans le cas d’un EPST, de 0,25 % de la masse salariale et de 2,5 % des autres dépenses. Dans un souci de clarification, et pour éviter qu’un type d’établissement ne soit pénalisé, je suggère d’appliquer dans les deux cas les taux de 0,25 % et 2,5 %. Si une telle harmonisation n’était pas possible dès cette année, je souhaiterais qu’elle soit étudiée afin de pouvoir être mise en œuvre l’an prochain.

Nul ne conteste le caractère positif du crédit d’impôt-recherche. J’aimerais toutefois, madame la ministre, que vous nous rassuriez car la rumeur court que ce sont les grandes entreprises qui en bénéficieraient, en particulier les banques et les assurances, plutôt que les PME. Qu’en est-il exactement ?

Enfin, quelques remarques sur le CNES et le CEA. Vous savez l’attachement que je porte à la politique spatiale et au CNES, premier contributeur à l’Agence spatiale européenne. Le CNES a besoin de davantage de crédits à la fois pour honorer sa dette et participer activement aux futurs projets de l’Agence européenne. Sa subvention devrait passer de 685 à 770 millions d’euros. Par ailleurs, j’ai appris, presque par hasard, que la loi de finances rectificative pour 2008 avait annulé 37,4 millions d’euros au détriment du CNES, dont 33 millions au titre du seul ministère de la recherche. Je regrette surtout que le CNES ait été ainsi pénalisé, mais aussi que nous n’en ayons pas été préalablement prévenus. Le CEA, pour sa part, s’il a beaucoup souffert ces dernières années, est satisfait de son budget pour 2010.

M. Daniel Paul, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour la recherche industrielle. C’est en mars 2000, à Lisbonne, que le Conseil européen a décidé de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde à l’horizon de dix ans », c’est-à-dire en 2010. Dès mars 2002, le Conseil européen de Barcelone précisait cet objectif, indiquant que 3 % du PIB seraient affectés aux dépenses de recherche-développement, deux tiers de cet effort devant provenir du secteur privé.

Hélas, même reporté à 2012, cet objectif ne sera sans doute pas atteint, du fait essentiellement de l’insuffisance de la recherche privée. De 2000 à 2007, avec une augmentation moyenne de 0,8 % par an, notre pays a connu un des plus faibles taux de croissance de dépense intérieure en matière de recherche-développement. Avec 2,04 % de son PIB consacré à la recherche-développement, la France est loin derrière le Japon, qui pointe à 3,44 %, les États-Unis à 2,68 % et l’Allemagne à 2,54 %. De même, avec 7,6 chercheurs pour mille actifs, notre pays est loin derrière les États-Unis, le Japon et les pays scandinaves, qui en comptent respectivement 10,7, 9,3 et plus de 12 pour mille.

Nul ne doute, dans ces conditions, qu’un effort soit nécessaire et que l’État doive donner une impulsion. Les mesures prises et accentuées, année après année, produisent-elles les effets escomptés ? Hélas, non seulement notre pays ne rattrape pas ses retards sur les pays comparables, mais l’effort des entreprises en matière de recherche-développement y demeure dramatiquement insuffisant, avec seulement 1,3 %, loin de l’objectif de 2 % fixé par le Sommet de Barcelone et qui a justifié les décisions budgétaires relatives à ce secteur, dont la Cour des comptes vient de confirmer que ce sont les grands groupes qui en bénéficient le plus. Vu les sommes en question comme les enjeux de développement, il est indispensable d’évaluer les effets concrets des mesures publiques en matière de recherche-développement. Je le réclame depuis des années.

Jusqu’à présent, on m’a fait valoir les contrôles fiscaux opérés, mais leur nombre – 270 en 2008 – est dérisoire par rapport à celui d’entreprises bénéficiaires. Or, la réforme du crédit d’impôt-recherche en a fait un guichet ouvert qui fonctionne sans aucun effort supplémentaire demandé aux entreprises en contrepartie. Le Gouvernement lui-même, dans un rapport au Parlement sur le sujet, soulignait la nécessité de « renforcer les capacités de suivi et de gestion de la mesure ». Avez-vous appliqué votre propre recommandation et, si oui, quelles sont vos conclusions ? Des éléments préoccupants laissent à penser que, loin d’être corrigées, a fortiori stoppées, les dérives actuelles risquent de perdurer, dans une véritable fuite en avant. Ainsi, pour certains groupes, ces aides constituent « des revenus » – c’est leur propre expression – qui remontent vers les holdings financières, sans entraîner nécessairement d’augmentation de l’effort de recherche-développement. Que comptez-vous faire pour y remédier ? Certains grands groupes intègrent dans leur stratégie une délocalisation de leurs moyens de recherche, y compris avec un pillage de brevets. Que prévoyez-vous pour contrer de telles opérations ? Votre collègue Christian Estrosi, dont j’espérais qu’il serait présent à vos côtés aujourd’hui, a tenu devant la Commission des affaires économiques des propos forts à ce sujet. J’aurais aimé qu’il les tînt de nouveau ici, mais peut-être le ferez-vous à sa place. Si certains ministres font valoir l’attractivité du crédit d’impôt-recherche pour des groupes qui pourraient installer en France leurs structures de recherche-développement, il faut veiller au maintien d’un lien entre la recherche-développement et l’ensemble de la chaîne industrielle. La production industrielle doit aussi se faire dans notre pays. Il faut éviter une recherche-développement « hors sol ». Quelles mesures avez-vous prévu en ce sens ?

L’heure est aussi à l’externalisation vers les laboratoires publics d’une part croissante de la recherche privée, en particulier dans l’industrie pharmaceutique. En clair, l’argent public financera les recherches sur l’efficacité des produits, toujours aléatoire, tandis que le secteur privé empochera seul les bénéfices, tout cela lui permettant de réduire ses efforts de recherche et donc d’augmenter ses profits. Confirmez-vous la création de « laboratoires communs public-privé » entre Sanofi-Aventis et l’INSERM, au moment même où Sanofi vient de consacrer 6 milliards d’euros à sa croissance externe et déclare vouloir réduire ses dépenses de 2 milliards ?

Confirmez-vous que la création des instituts hospitalo-universitaires se fera sur fond d’association de l’hôpital, de la recherche publique et de l’industrie, pour réaliser, en particulier, les essais cliniques que ne veulent plus financer les grands groupes pharmaceutiques qui les jugent trop aléatoires et y voient une menace pour leurs objectifs de rentabilité financière ?

Dans ces conditions, l’argent public ne viserait plus à favoriser la recherche-développement, à développer des coopérations fructueuses entre laboratoires publics et privés, mais à placer la recherche publique au service des entreprises, notamment de leurs stratégies financières.

S’agissant des pôles de compétitivité, je vous rappelle que je demande depuis longtemps qu’on améliore leurs liens avec le développement régional, que les partenaires sociaux participent à leur gestion et que ces pôles incluent un volet économique et social.

Étant donné l’absence d’évaluation satisfaisante des principaux dispositifs de soutien à la recherche en France, l’absence de contreparties en termes d’emploi ou d’effort exigées des entreprises bénéficiant de ces aides, le renoncement de l’État à d’utiles instruments de pilotage de grands projets industriels au profit d’un crédit d’impôt-recherche à guichet ouvert, l’échec du Gouvernement à rééquilibrer réellement l’effort de recherche entre privé et public, j’invite mes collègues à donner un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 192.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la Commission du développement durable pour la recherche dans les domaines du développement durable. Contrairement à notre collègue Olivier Jardé, je ne trouve pas que ce budget soit un bon budget. Insuffisant par ses crédits, ce budget n’est pas non plus à la hauteur des enjeux.

Les crédits du programmes 187 « Gestion des milieux et des ressources », pourtant ô combien d’actualité s’agissant du devenir de notre agriculture et de la préservation de notre environnement, n’augmentent que de 1,89 %, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Ceux du programme 190 « Énergie, aménagement et développement durables » augmentent certes de 4,01 % en autorisations d’engagement mais de seulement 1,24 % en crédits de paiement. Dans ces conditions, je donnerai bien entendu un avis défavorable aux crédits de ces deux programmes.

Les indicateurs de performance retenus, notamment pour la gestion des milieux et des ressources, qui privilégient une approche de compétitivité en s’appuyant notamment sur le nombre de publications scientifiques internationales et de brevets, ne donnent pas une idée exacte de la production scientifique des organismes concernés. Il est en effet très important que ceux-ci développent des concepts et des outils en lien avec les acteurs économiques de la société civile dans les territoires, et qu’ils mènent une réflexion scientifique sur les écosystèmes locaux. Or, sur ces deux points, il n’est pas possible de déposer des brevets. Résumer la performance au nombre de publications et de brevets est donc extrêmement réducteur.

Je citerai maintenant plusieurs cas patents d’insuffisance de crédits.

Ainsi l’IFREMER, qui travaille sur le test de la souris pour les huîtres du bassin d’Arcachon, a pris des engagements, dont je doute fortement qu’il puisse les tenir au vu des crédits qui lui ont été accordés. Plus de moyens financiers et humains lui seraient indispensables.

Une autre recherche serait urgente – d’ailleurs peut-être déjà engagée, le ministère de l’agriculture ayant appelé l’attention sur la question – afin de concevoir des bateaux plus économes en carburant. Cela irait bien entendu dans le sens du Grenelle de l’environnement mais contribuerait également à améliorer le revenu de nos marins-pêcheurs, dont 50 % des recettes sont aujourd’hui absorbés par le coût du carburant.

De même, vu les fortes exigences de la société civile dans certains domaines de recherche, des efforts sont indispensables en matière d’information, de communication et de transparence, qui exigent eux aussi des moyens. Nos concitoyens sont extrêmement attentifs par exemple à tout ce qui touche aux biotechnologies : la meilleure information et la plus grande transparence sont nécessaires à ce sujet. L’INRA fait d’ailleurs beaucoup d’efforts, pas toujours payés de retour, comme on l’a vu avec ce qui s’est passé en Alsace.

L’IFREMER aussi gagnerait à mieux communiquer avec les ostréiculteurs et les pêcheurs. Les différends qui existent entre scientifiques et professionnels pourraient pour l’essentiel sinon se résoudre, du moins se réduire notablement, grâce à davantage de concertation. Une structure regroupant les différents acteurs devrait notamment être mise en place, où chacun pourrait être régulièrement informé des problèmes qui se posent. Le plus souvent, les différends naissent d’un manque de transparence et d’information auprès des professionnels.

Enfin, j’évoquerai l’incident récent de Cadarache. Là encore, la transparence a fait défaut. Pour satisfaire cette forte exigence sociale, il faut non seulement des moyens financiers, mais aussi une détermination sans faille à œuvrer en ce sens.

M. le président Didier Migaud. Je donne la parole à notre collègue Daniel Garrigue qui avait formulé trois observations retenues par la Commission des finances.

M. Daniel Garrigue. J’ignore si cette procédure, jusqu’ici utilisée par la Commission des finances, est encore d’actualité…

Ma première observation porte sur la nécessité d’une plus large diffusion de la culture scientifique. La Mission de la culture scientifique qui existait jusqu’à il y a peu au sein du ministère de la recherche a disparu, mais il est vrai qu’a été créé depuis lors un nouveau pôle constitué de la Cité des sciences et du Palais de la découverte, présidé par Mme Claudie Haigneré, l’un de vos prédécesseurs, madame la ministre. Ce pôle pourrait en effet piloter une politique de diffusion de la culture scientifique, qui devrait être mise en œuvre non seulement sur le plan national, mais aussi sur le plan territorial, en direction notamment des jeunes. Il conviendrait également que cette politique soit plus lisible sur le plan budgétaire en faisant par exemple l’objet d’une ligne-programme dans le cadre de la LOLF : à l’heure actuelle, les crédits sont éparpillés entre un grand nombre de ministères.

Ma deuxième observation a trait à la politique européenne de la recherche. Il faut, notamment dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, améliorer la gouvernance et la coordination des politiques nationales et de la politique européenne de la recherche, aujourd’hui très intriquées. Cette coordination est aujourd’hui particulièrement défaillante. Il faudrait aussi développer des programmes conjoints entre États-membres. S’il est un domaine où il pourrait y avoir un ministère franco-allemand, projet dont on parle, c’est bien celui de la recherche. La coopération scientifique internationale vise toujours à l’excellence. Si les États européens avancent en ordre dispersé, il existe un risque certain de déperdition, alors qu’ils ont tout à gagner à une coopération plus étroite. Il faudrait enfin mieux articuler les outils européens et nationaux : ainsi serait-il judicieux que le Conseil européen de la recherche et l’Agence nationale de la recherche harmonisent leurs conditions et leurs domaines d’intervention.

Ma troisième observation consiste à suggérer une révision générale des politiques publiques de financement de l’innovation. Aujourd'hui, les outils sont multiples : les pôles de compétitivité, OSÉO, le crédit d’impôt-recherche, notamment. D’autres actions pourraient être engagées, pour mieux mobiliser les sommes collectées par l’assurance-vie en faveur des jeunes entreprises et des PME innovantes, et mettre l’accent sur la dimension européenne avec la Banque européenne d’investissement. Peut-être la Commission des finances pourrait-elle se charger de remettre à plat l’ensemble des dispositifs et d’étudier comment agir plus efficacement au service des entreprises, surtout des petites, qui concourent à l’innovation.

M. Claude Birraux. Quelle satisfaction, pour le groupe UMP, de constater, une fois de plus, l’augmentation des crédits – 804 millions de crédits budgétaires et au titre du crédit d’impôt-recherche ! De voir l’accent mis sur les laboratoires pour mieux valoriser l’excellence, sur les personnels avec la création de 130 chaires mixtes université-organismes, dont les titulaires auront les moyens de se consacrer entièrement à leur projet puisqu’ils recevront entre 6 000 euros et 15 000 euros ! De même, les crédits destinés à renforcer l’attractivité des carrières augmenteront pour atteindre 49,3 millions d’euros. La réforme du crédit d’impôt recherche permet de stabiliser l’effort de recherche des entreprises, et c’est d’autant plus important que nous sommes en période de crise. Nous nous réjouissons enfin de l’augmentation des moyens des organismes de recherche, de 2,5 % en moyenne.

Comment aller plus vite et plus fort en faveur du logement étudiant ?

Même si la dotation de l’Institut Pasteur augmente fortement cette année, la dotation de base reste insuffisante. Comment lui assurer des ressources stables et suffisantes ?

Enfin, depuis 2006, les gouvernements successifs ont soutenu continûment la recherche tant par des crédits que par des organismes nouveaux. Le Pacte pour la recherche, la loi de programme pour la recherche, la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités, les pôles de compétitivité, les réseaux thématiques de recherche avancée, la stratégie nationale de recherche et d’innovation ont véritablement structuré la recherche et permis son décloisonnement, réclamé depuis si longtemps. Olivier Jardé a cité l’exemple du CNRS, qui s’est décloisonné en s’organisant en instituts et en collaborant avec d’autres institutions – en particulier dans le cadre de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, ou de l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie à laquelle participent également l’Institut français du pétrole et le CEA –, qui fédèrent autour d’elles des tas d’autres organismes de recherche. Cette politique crée une dynamique qui renforcera notre force de frappe et améliorera la visibilité.

Toutes les actions que vous avez conduites, madame la ministre, pour mettre en ordre les structures administratives me confortent dans l’idée que j’ai été entendu : le mandataire unique dans les unités mixtes de recherche, la nouvelle structure pour le dépôt des brevets, l’émergence de deux structures qui sont aujourd'hui complètement insérées dans le paysage de la recherche. Il s’agit, d’une part, de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui porte 35 % de projets « blancs » et 50 % l’année prochaine. Selon sa directrice, que l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a rencontrée il y a quelques semaines, grâce aux projets de l’ANR, les sciences sociales ont vu leurs moyens augmenter de 35 %. Contrairement à ce que toutes les Cassandre ont prophétisé, l’ANR soutient et la recherche fondamentale, et les sciences sociales. D’autre part, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) a permis une unification de la méthodologie dans un esprit de dialogue constructif qui permet aux structures de progresser.

Voilà les acquis de notre majorité qui, sans relâche depuis 2006, a consacré toute son énergie à la recherche.

Le groupe UMP émet donc un avis favorable à l’adoption de ce budget.

M. Jean-Yves Le Déaut. Il y a au moins un point sur lequel je suis d’accord avec Claude Birraux et avec Mme la ministre : donner la priorité à la recherche. Il y a huit jours, Michel Rocard et Alain Juppé nous ont dit qu’il fallait consacrer le grand emprunt – qu’ils qualifiaient de « petit » puisqu’ils l’estimaient entre 20 et 40 milliards d’euros – uniquement à la recherche-développement parce que la France n’est pas au niveau de compétitivité des autres pays de l’OCDE. Il faut donc relativiser les efforts budgétaires.

Tout d’abord, j’ai du mal à comprendre votre budget, madame la ministre, car il mélange crédits budgétaires et crédits non budgétaires. Les 800 millions qui iront à la recherche, tels que les annonce Claude Birraux, recouvrent 530 millions au titre du crédit d’impôt-recherche et 274 millions de crédits budgétaires. Et, sur les crédits budgétaires, 206 millions iront aux organismes de recherche et 68 millions au secteur privé. Les 49 millions qui seront consacrés à la revalorisation des carrières des personnels sont en décalage par rapport aux 530 millions du crédit d’impôt, dont on ignore ce qu’il donne. L’évaluation qui a été demandée ne dit pas à qui il va. Tant qu’on ne le saura pas, nous ne ferons pas notre travail de parlementaires. Je souhaite, monsieur le président de la Commission des finances, pouvoir en discuter l’année prochaine.

Par ailleurs, en mélangeant les crédits d’impôt, les crédits budgétaires, des dotations de l’État et des emprunts, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, le tout provenant de plusieurs ministères, vous pouvez afficher un bon budget. Mais nous avons notre expérience de parlementaires. L’année dernière, vous annonciez une hausse de 4,6 % du budget de la recherche – nous de 1,1 % – et vous ne vouliez pas en démordre. Eh bien, regardez les consommations : nous sommes bien à 1,1 %, mais comme ces chiffres servent de base à vos projections, ils vous permettent de présenter une fois encore des crédits en augmentation. Il ne faut pas faire cela ! Nous devons pouvoir comparer ce qui est comparable !

Quand pensez-vous que nous consacrerons 3 % de notre PIB à l’effort de R&D ? Jacques Chirac prévoyait 2010. Je ne le pense pas.

À quand le bilan du crédit d’impôt-recherche ? C’est une demande très forte de notre groupe.

Comme Alain Claeys, je m’interroge sur la réalité du milliard d’euros supplémentaire affecté au développement durable. Aujourd'hui, le compte n’y est pas. La preuve en est que beaucoup des mesures préconisées par Alain Juppé et Michel Rocard s’y rapportent et qu’on n’a toujours pas le démonstrateur de biomasse de deuxième génération alors qu’il était annoncé il y a trois ans. Il n’y a toujours pas de pôle de l’eau aujourd'hui alors qu’il s’agit d’un enjeu considérable. J’espère que, dans les prochains pôles de compétitivité, il y en aura un.

M. Jean-Jacques Gaultier. Moi aussi.

M. Jean-Yves Le Déaut. Donner 30 millions à OSÉO est plutôt une bonne mesure, mais pourquoi cet établissement public ne travaille-t-il pas avec les régions qui aident les PME voulant investir dans la R&D ?

Pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, que l’articulation de la recherche entre les universités et les grands organismes est convenable ? Que dire de l’articulation avec la recherche européenne ?

Enfin, soutenir l’efficience, ce qui n’est pas contestable, ne conduit-il pas à recentraliser la recherche ? Les chiffres font état de 2 milliards au profit de la région parisienne contre 3 milliards seulement pour tous les autres pôles français. L’équilibre n’est pas satisfaisant.

Mme Marie-Hélène Amiable. Madame la ministre, vous annoncez des crédits en hausse et un effort supplémentaire de 1,8 milliard d’euros. Vous déclarez aussi que la recherche constitue la première priorité budgétaire pour la troisième année consécutive. Le projet annuel de performance de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour l’année 2010 est pourtant plus sobre. À structures constantes, les moyens de la mission s’élèvent à 25 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 24 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une progression respectivement de 3,67 % et de 2,88 %.

Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, la nouvelle structure de consultation que vous avez installée en octobre 2008, semble également moins enthousiaste dans l’avis qu’il vient de rendre sur le projet du budget : « Depuis 2002, où le ratio dépenses intérieures de recherche-développement/PIB était de 2,24 %, l’effort de recherche chute régulièrement. Avec un rapport de 2,04 % en 2007 et de 2,02 % en 2008, la France se situe au quatorzième rang mondial. Le taux de croissance de la dépense intérieure de recherche-développement française est ainsi le plus bas des pays de l’OCDE, le seul qui ait diminué depuis 1995 significativement en dessous de la moyenne de l’OCDE, qui s’établit à 2,29 %. Cette situation reste préoccupante. » Je continue : « Il convient de souligner l’accroissement d’année en année des annulations de crédit, entre le budget primitif du début d’année et le budget réalisé en fin d’année. »

En d’autres termes, les promesses ne sont pas tenues.

En outre, sur les 1,8 milliard d’euros annoncés, seulement 650 millions de plus sont prévus pour les établissements et les dispositifs de recherche et d’enseignement supérieur publics car 565 millions correspondent en réalité à des aides fiscales et 421 millions à des partenariats public-privé.

Les aides fiscales correspondent notamment au crédit d’impôt-recherche, c'est-à-dire à des réductions d’impôt égales à 30 % des dépenses de recherche dans la limite de 100 millions d’euros. Le crédit d’impôt-recherche engage des sommes considérables : 2 milliards d’euros en 2009. Surtout, l’industrie n’est pas la principale bénéficiaire du crédit d’impôt-recherche. Ce sont les services qui, avec 1 174 millions d’euros en 2007, absorbent près des deux tiers de la somme, en particulier les entreprises de services bancaires et d’assurance qui sont, avec 312 millions d’euros, les plus gros bénéficiaires. Ces éléments proviennent du rapport d’information du 2 juillet dernier sur l’application des mesures fiscales de Gilles Carrez. Il ajoute qu’à plus de 80 % ce sont les entreprises de plus de 250 salariés qui en profitent, et non les PME.

D’après ce rapport, l’investissement dans la recherche-développement engendrerait des externalités positives, la recherche contribuant à la création d’un stock de connaissances dont le bénéfice se diffuse à la société dans son ensemble. En 2007, ce sont près de 930 établissements bancaires qui ont obtenu 312 millions de crédit d’impôt-recherche au titre de la recherche sur les produits financiers. La société dans son ensemble a pu apprécier à quel point lesdites banques ont anticipé la crise !

L’année dernière, dans l’hémicycle, vous aviez accepté, madame la ministre, le principe d’une évaluation du crédit d’impôt-recherche. Vous avez pris un décret en août 2009 pour mieux sécuriser le mécanisme. Les entreprises pourront désormais obtenir en trois mois une prise de position formelle sur le caractère scientifique et technique de leurs projets, opposable à l’administration fiscale en cas de contrôle. De plus, l’absence de réponse vaut approbation.

Les parlementaires sont pourtant en droit d’obtenir la ventilation exacte des crédits sur lesquels ils doivent se prononcer. Nous constatons pour notre part que l’effort de recherche de la France est au plus bas – 2,02 % du PIB en 2008. Et si l’on exclut la recherche militaire, les financements budgétaires de la recherche civile ne représentent que 0,53 % du PIB, soit une baisse de 31 % en cinq ans. La recherche publique est en danger. Pour la deuxième année consécutive, la recherche privée recevra davantage que la recherche publique puisque 74 % des nouveaux crédits de la recherche lui sont destinés.

Les organisations syndicales déplorent la mise au pas des thématiques et des équipes, l’asservissement aux intérêts à court terme des grands groupes industriels, la mise en concurrence des individus et des laboratoires, la rationalisation des coûts et des implantations scientifiques, la casse des garanties du statut de fonctionnaire, voire du statut lui-même. D’après vos projets, le CNRS devrait ainsi être soumis à un contrat d’objectifs et de moyens qui entérine sa mise au pas.

Ces mêmes organisations réclament un plan de création de postes dans les organismes de recherche – 5 % des effectifs de titulaires des organismes parents – et dans les universités, et une augmentation immédiate des crédits de base des laboratoires de 25 %, afin de lutter contre l’emploi précaire et de leur permettre de se libérer d’une politique de projets à court terme tels que les financent l’Agence nationale de la recherche ou les programmes européens. Elles demandent aussi une revalorisation des carrières sur la base d’une reconnaissance des qualifications, sans prime individualisée.

Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie rappelle depuis plusieurs années « qu’une planification pluriannuelle de l’emploi scientifique est indispensable pour donner une visibilité à moyen terme et encourager les jeunes à s’engager dans la voie scientifique ». Et celui-ci d’ajouter : « pour assurer l’attractivité des métiers de la recherche, il est urgent de poursuivre l’effort de revalorisation de l’ensemble des métiers et des carrières. »

Vos services, madame la ministre, prévoient une chute de 30 % des doctorants d’ici à dix ans. Comment lutter contre cette tendance ?

Dans l’attente de vos réponses, madame la ministre, les députés de la Gauche démocratique et républicaine réaffirment à la nécessité de doubler le budget de la recherche publique pendant la législature. En l’état, ils donnent un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission.

Mme Colette Le Moal. Pour les raisons très bien exposées par Olivier Jardé, rapporteur pour avis, le groupe Nouveau Centre est favorable à l’adoption des crédits de la recherche.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je commencerai par le crédit d’impôt-recherche en balayant toutes les questions qui ont été posées.

Ce dispositif est destiné, je vous le rappelle, à éviter les délocalisations des centres de recherche privés, attirés par une parité euro-dollar défavorable à notre pays ou par la qualité du personnel scientifique, en Asie notamment ; et, symétriquement, à ancrer sur le sol français les centres de recherche des groupes internationaux, notamment leurs centres européens. Ils ne s’implantaient plus en France depuis des années. Il s’agit également de stimuler la création d’entreprises innovantes.

Les premiers résultats quantitatifs de la réforme de 2008 montrent que le crédit d’impôt-recherche a été un amortisseur dès le démarrage de la crise, et qu’il servira de tremplin quand elle s’achèvera.

Tout d’abord, la réforme, qui correspond à un triplement du crédit d’impôt-recherche, est plébiscitée par les entreprises. Le nombre d’entreprises déclarantes a très fortement augmenté : plus 24 %. En 2009, le nombre de nouveaux déclarants a même doublé par rapport à 2008, ce qui signifie que le crédit d’impôt-recherche bénéficie à toutes les entreprises, et pas seulement aux plus grandes. La réforme a provoqué une accélération sans précédent de l’utilisation du crédit d’impôt-recherche. C’est un résultat tangible de la simplification du mécanisme. Nous avons supprimé la part liée à l’accroissement de l’effort, ce qui rend l’outil beaucoup plus facile à utiliser pour les petites entreprises qui ont du mal à faire de l’optimisation fiscale.

Deuxième enseignement, la réforme a incité les entreprises à investir en recherche-développement malgré la crise. En effet, l’effort privé de recherche-développement s’est maintenu en 2008 à 15 milliards. C’est vraiment un très bon résultat alors que le dernier trimestre de l’année 2008 a été calamiteux pour les entreprises et que les dépenses de recherche-développement sont très procycliques. Comme elles sont les premières à être amputées en cas de difficultés de trésorerie, elles amplifient l’évolution de la croissance.

Derrière la stabilité globale se cache une très grande diversité de situations. La moitié des entreprises ont augmenté leurs dépenses de recherche-développement grâce au levier que représente le crédit d’impôt–recherche. L’ensemble des entreprises a augmenté son effort de 2 %, à l’exception de deux secteurs qui ont été particulièrement touchés dès 2008 : l’automobile et l’aéronautique, dont les dépenses de recherche ont diminué de 20 %. Parmi les secteurs les plus dynamiques se trouvent les services de recherche-développement, qui ont accru leur effort de 11 %. Il s’agit d’une nébuleuse qui comprend notamment les services en informatique et la sous-traitance pour les grands groupes.

Selon un récent sondage commandé par le ministère, 90 % des entreprises considèrent qu’elles doivent innover, particulièrement dans le contexte économique actuel. Par ailleurs, 61 % d’entre elles trouvent que le crédit d’impôt-recherche les incite à investir dans les nouveaux projets de recherche, en cohérence avec les 58 % mentionnés dans l’étude précédente.

Elles sont 34 % à trouver que le crédit d’impôt-recherche les incite à collaborer davantage avec les laboratoires publics, grâce au doublement de l’avantage fiscal, qui est passé de 30 % à 60 % lorsqu’un investissement de recherche privée est fait dans un laboratoire public. J’en profite pour répondre à l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés à ce sujet que c’est une très bonne chose.

Le jour anniversaire de la chute du mur de Berlin, je vous affirme qu’il subsiste d’autres murs, en particulier entre la recherche publique et la recherche privée. Faire de la recherche partenariale est un objectif d’intérêt général. Il s’agit non pas d’assujettir la recherche publique aux intérêts privés, mais de faire travailler ensemble la recherche appliquée et la recherche fondamentale en balayant une dichotomie artificielle et arbitraire.

Le crédit d’impôt-recherche doit avant tout accompagner les entreprises dans leur préparation de l’après-crise. Un bilan complet et une évaluation quantitative seront réalisés en 2010 sur la base des déclarations fiscales au titre de 2009.

De nouveaux projets de partenariat ont été annoncés, et c’est une excellente nouvelle pour notre pays. Je pense notamment à la poursuite du partenariat entre l’Institut national de recherche en informatique et en automatique et Microsoft, qui porte sur de la recherche ultra-fondamentale, contrairement à ce qu’on dit ici ou là. Microsoft investit dans les modèles mathématiques. Je me réjouis également du partenariat entre Sanofi et l’INSERM, de même que de l’engagement pris par une dizaine de laboratoires pharmaceutiques de doubler d’ici à 2012 leur budget de recherche partenariale avec l’Alliance des sciences de la vie et de la santé. L’accord a été signé au palais de l’Élysée. Ce sont des décisions de bon augure pour la recherche publique française.

La représentation nationale ne peut pas déplorer les difficultés qu’éprouve la recherche publique française à valoriser ses découvertes et, en même temps, critiquer les contrats passés avec la recherche privée.

Une dernière chose : le crédit d’impôt-recherche ne bénéficie pas particulièrement au secteur bancaire. Dans son rapport, Gilles Carrez dénonce la part croissante des banques et des assurances parmi les bénéficiaires du CIR. En réalité, cette évolution résulte d’un changement de traitement statistique par l’INSEE qui, en 2008, a revu ses nomenclatures d’activité et fait passer toutes les holdings des grands groupes industriels dans la catégorie « secteur bancaire, assurance, assistance et conseil ». Or les groupes industriels consolident leurs bénéfices au niveau de leur holding, qui bénéficie de ce fait du crédit d’impôt-recherche. Ainsi, si l’on retraite les chiffres de 2007, les holdings récupèrent 29,3 % du CIR et le secteur banques-assurances seulement 2,3 %. Autrement dit, le CIR profite à 60 % aux groupes industriels, à 29 % aux holdings, et à 2,3 % au secteur bancaire. Le reste se concentre sur des activités de services de R&D. J’insiste vraiment sur le fait que c’est le changement de nomenclature qui explique le phénomène mis en évidence dans le rapport. En aucun cas le CIR ne paie les bonus des traders ! Ainsi, Renault est une holding de groupe industriel classée par l’INSEE dans la nomenclature parmi les « banques et services financiers ». Le rapport sur le CIR a circulé puisque la Cour des comptes en fait état.

M. le président Didier Migaud. Le rapporteur général a lui-même apporté cette précision.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’en suis d’autant plus ravie que je viens de relire cette interprétation erronée dans Le Monde.

J’en viens aux pôles de compétitivité, pour commencer par saluer le rapport de la MEC qui fait une très belle place à la recherche et veut « renforcer le rôle d’interface des pôles entre la recherche et les entreprises ». Rapprocher la recherche des entreprises est une de mes priorités. Dans les partenariats dont je vous ai déjà parlé, il en est un exceptionnel : le projet CEA-Renault-Nissan-NEC sur les batteries électriques, dont nous espérons qu’il nous placera en position de pointe pour le développement des énergies renouvelables. Ce partenariat a pu se faire grâce à 50 millions de crédit d’impôt-recherche et 25 millions de ressources propres du CEA.

Nous faisons beaucoup de recherche partenariale. Nous menons aussi une politique de simplification, avec la création des alliances ou le mandat de gestion unique des brevets par exemple, et d’incitation avec les instituts Carnot et le doublement du crédit d’impôt-recherche. Cette politique commence à porter ses fruits. Mais nous devons faire plus, en particulier pour renforcer les liens entre les pôles de compétitivité et les pôles de recherche et d’enseignement supérieur.

Vous proposez de créer un fonds dédié à la maturation des projets de recherche innovants – une phase à laquelle nous ne consacrons pour l’instant pas assez d’efforts et qui permet pourtant de faire émerger des projets valorisables sous forme de licences transférées à l’industrie ou de création de start-up. Trois mécanismes existent déjà : les appels à projets Emergence de l’ANR – 5 millions par an – le soutien aux quatorze dispositifs mutualisés de valorisation – 4 millions – et les aides au transfert d’OSÉO – 3 millions. Je pense qu’il faut changer d’échelle : il s’agit d’une dépense d’avenir, avec un fort retour sur investissement de la collectivité. J’ai donc proposé à la commission chargée du grand emprunt de créer ce fonds, à un niveau soit national soit local, au sein même des PRES. J’espère de cette proposition sera retenue.

Vous proposez de formaliser les relations entre les pôles de compétitivité et les PRES et de former un correspondant « propriété industrielle » au sein de chaque pôle de compétitivité. Les travaux que nous menons sur sept sites pilotes nous poussent à rejoindre là encore votre analyse. Je souhaite créer des sociétés d’accélération de transfert de technologie sur les principaux campus universitaires, qui se substitueront aux dispositifs existants pour devenir un guichet unique et professionnel pour les chercheurs et les entreprises. Elles offriront leurs services aux pôles de compétitivité, qui sont déjà associés à l’expérience des sites pilotes et qui participeront à la gouvernance de ces sociétés.

Enfin, vous proposez de formaliser les relations entre les pôles de compétitivité et les PRES pour anticiper les besoins de formation et suivre l’insertion professionnelle des chercheurs au sein des entreprises du pôle. Sur ce point comme sur les autres, je vous rejoins. La formation fait partie des domaines où PRES et pôles de compétitivité doivent collaborer. J’ai demandé à l’inspection générale du ministère d’être particulièrement attentive à cette question dans le bilan des PRES qu’elle doit me remettre en janvier. Si des modifications législatives sont nécessaires, nous vous les proposerons.

Pour ce qui est des pôles de compétitivité « éco-tech », la MEC propose de réserver la création de nouveaux pôles aux projets non couverts par les pôles actuels et de créer un label « éco-tech » pour les pôles existants réalisant 50 % de leurs projets dans le domaine des éco-technologies. Dix-neuf projets de pôles « éco-tech » ont été reçus. Ils sont analysés sur les mêmes critères qu’en 2005. La sélection tiendra bien sûr compte de l’articulation avec les pôles existants. Quant au label « éco-tech », sachant que 30 % des projets du huitième appel du fonds unique interministériel concernaient les éco-technologies et le développement durable, cette proposition mérite d’être étudiée.

Mme Tabarot a évoqué l’évolution des effectifs d’enseignants-chercheurs dans les universités. Le budget de 2009 prévoyait la suppression de 225 postes statutaires. La globalisation des crédits et la bonne gestion due au passage à l’autonomie ont permis en fait de recruter 93 enseignants-chercheurs supplémentaires. Cela s’est fait sans création de postes : il y a dans les universités françaises plusieurs milliers de postes vacants dont les crédits, du fait de leur sous-dotation récurrente, étaient utilisés à d’autres fins. Grâce à l’augmentation dont elles ont bénéficié, elles ont pu les transformer en recrutements.

Quant à la réforme du CNRS, elle est bien engagée. Son décret constitutif a été révisé et un contrat d’objectifs avec l’État pour la période 2009-2013 signé, qui était demandé par l’ensemble de la communauté. Ce contrat n’est pas un outil de pilotage qui profite à l’État mais au contraire la base d’une relation plus saine : c’est l’assurance pour le CNRS d’être plus indépendant et de pouvoir mener une stratégie pluriannuelle, comme il le souhaitait.

Le décret relatif à l’organisation et au fonctionnement du CNRS, publié le 1er novembre, s’appuie sur trois grands axes. Le premier est une réorganisation en dix instituts bien visibles au plan national et international, fondés sur des disciplines fortes et bien structurées. Ils pourront se voir confier des missions nationales et participer à des structures de coordination inter-organismes. Seize millions y sont consacrés pour 2010, qui permettront à ces instituts de mener une stratégie scientifique propre et d’augmenter le financement des laboratoires les mieux évalués.

Le deuxième axe est un partenariat rénové avec les universités, grâce à un rôle accru du CNRS comme agence de moyens en faveur des unités mixtes de recherche hébergées par les universités, ce qui n’enlèvera rien à la tutelle scientifique qu’il exerce sur elles. Enfin, le décret prévoit une évaluation externe et indépendante de tous les organismes de recherche, selon les normes internationales, ce qui du reste simplifiera largement la vie des unités mixtes de recherche puisque cette unique évaluation tous les quatre ans remplacera quatre tutelles scientifiques.

Le contrat d’objectifs 2009-2013 avec l’État, qui a été approuvé par le conseil d’administration du CNRS le 25 juin, est une feuille de route qui engage les deux parties et qui fera l’objet, c’est nouveau, d’indicateurs de suivi. Il garantit le maintien de l’intégrité du CNRS et insiste sur le développement de l’interdisciplinarité. Il prévoit la création d’un dixième institut dans le domaine des sciences et technologies de l’information, qui aura une taille équivalant à celle de l’INRIA et qui permettra au CNRS de s’engager dans une alliance nationale avec tous les organismes concernés.

Le classement de Shanghai montre le retard de nos universités dans le domaine de l’informatique. L’INRIA, qui est une star dans certains domaines, et le CNRS doivent s’allier avec les universités pour y remédier. Nous avons raté le virage des technologies de l’information. Nous devons reprendre la main. Il faut coordonner les pôles d’excellence qui existent dans ce domaine et installer cette dynamique dans le secteur universitaire. Comme l’a bien montré l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, la création d’alliances ne conduit ni au démantèlement des organismes qu’elles regroupent, ni à la remise en cause du statut de leur personnel, mais à une coordination de stratégies extrêmement valorisante, qui a permis par exemple d’obtenir des réponses de la communauté scientifique sur le virus H1N1 dans des délais records.

Enfin, cette réforme du CNRS s’accompagne de moyens nouveaux très importants – 34 millions hors point fonction publique et pensions.

Mme de La Raudière m’a interrogée sur le lien entre le campus du plateau de Saclay et le Grand Paris. Le projet de loi relatif au Grand Paris va permettre de créer l’établissement public d’aménagement du plateau de Saclay ainsi qu’une autorité de transports propre, étape évidemment indispensable. Une étude préalable à la réalisation de l’opération campus est en train d’être finalisée et un plan d’ensemble doit m’être présenté à la fin du mois. Il faut aller vite. J’attends que la région Île-de-France concrétise son engagement. Par ailleurs, je souhaite que le campus de Saclay soit un véritable lieu de vie et serai vigilante sur sa qualité architecturale, ainsi que sur la discussion qui s’engage sur la préservation des espaces naturels. C’est une condition d’une cohabitation harmonieuse entre la cité scientifique, les habitants et les agriculteurs.

Pour ce qui est de la valorisation des brevets, nous sommes très en retard. Les contrats passés avec les entreprises représentent 4,6 % de la recherche publique, contre 11,8 en Allemagne, et cela malgré le doublement du crédit d’impôt-recherche ou la création des instituts Carnot. La recherche allemande, qui est une référence, s’appuie donc largement sur la recherche partenariale. Quant aux transferts de technologies, les licences concédées à l’industrie représentent 1 % du budget des universités françaises, contre 3 % aux États-Unis, en dépit de la présence de services de valorisation dans toutes les universités françaises.

Ce retard s’explique par plusieurs freins. D’abord, notre système est un véritable mille-feuille. Il décourage les entreprises. Aujourd’hui, 71 % de brevets publics sont déposés en copropriété. C’est ingérable. Ensuite, l’indispensable phase de maturation dont j’ai déjà parlé ne représente que 0,1 % du budget de la recherche académique. C’est le chaînon manquant de notre dispositif. Enfin, les services des valorisation, qui sont trop fragmentés, manquent de professionnalisme : la moitié comptent moins de 3,5 équivalents temps plein.

Je mène depuis plusieurs mois un travail de fond pour simplifier les collaborations entre la recherche publique et les entreprises, avec, par exemple, le mandataire unique pour la gestion des brevets, la création des alliances thématiques au niveau national ou la mutualisation du dispositif de valorisation de l’université. Les grands groupes ont pris acte de ces progrès, comme le montrent les récents accords de partenariat qui ont été signés.

En 2010, je souhaite décliner ce mouvement de la recherche à la valorisation. L’université doit être au cœur du dispositif, en s’appuyant sur des organismes de recherche stratèges, organisés en alliances. Au niveau local, les douze sociétés d’accélération de transferts de technologies, qui vont devenir des guichets uniques et professionnels, travailleront avec les pôles de compétitivité. Nous avons sept sites pilotes. Au niveau national, les filiales de valorisation des organismes de recherche doivent se mettre au service des alliances et se concentrer sur quatre missions : constituer des portefeuilles de brevets par champs disciplinaires, qui valent souvent plus cher que les brevets pris séparément, développer des activités de veille technologique au plan national, offrir des services de négociation de licence aux structures locales et augmenter leur capacité de financement de l’amorçage de start-up. Le grand emprunt pourrait être l’occasion de créer un fonds pour la maturation des projets innovants.

J’en viens au bilan des pôles de recherche et d’enseignement supérieur. Les PRES ont inscrit les établissements d’enseignement supérieur dans une dynamique de rapprochement et ont notamment permis, avec l’opération campus, de redessiner le paysage universitaire français. La répartition des crédits – 2 milliards pour Paris et 3 pour les régions – s’explique par le fait que la région Île-de-France concentre 40 % du total de la recherche. En outre, les opérations U3M et U 2000 ayant porté essentiellement sur les pôles universitaires de proximité, régionaux, ce sont les grandes métropoles régionales et l’Île-de-France qui sont le plus touchées aujourd’hui par la vétusté.

Aujourd’hui, les PRES permettent aux différents acteurs – universités, grandes écoles, organismes de recherche – de mettre en cohérence leurs actions, de mutualiser leurs services et de proposer une offre de recherche et de formation beaucoup plus lisible. Un PRES, aujourd’hui, c’est la délivrance d’un diplôme commun pour une formation assurée par un ou plusieurs membres, c’est une signature unique pour les publications scientifiques, indispensable pour être visible à l’international et progresser dans les classements de Shanghai, et c’est la possibilité de fusionner des établissements : nous avons eu la satisfaction de réconcilier Aix et Marseille, et Nancy et Metz, et nous œuvrons à l’université du grand Nord-Pas-de-Calais et à l’université unique de Montpellier.

Depuis 2006, quinze PRES ont été constitués, dont quatre cette année, qui regroupent quarante-quatre universités, trente-huit établissements, deux instituts nationaux polytechniques et trois grands établissements. Une évaluation sera conduite par l’inspection générale du ministère d’ici à la fin de l’année. Je souhaite aller plus loin dans la structuration de l’enseignement supérieur autour des PRES : nous devons réfléchir à une extension de leurs compétences, à leur politique de recherche, à la mutualisation systématique des activités de valorisation, et à l’optimisation de la gestion du patrimoine et des activités en faveur de la vie étudiante. Il faudra également renforcer leurs liens avec les pôles de compétitivité. Enfin, la structuration des PRES parisiens reste à faire. C’est une des missions, et pas des moindres, que je me fixe d’ici à la fin de l’année.

Jean-Pierre Gorges m’interroge sur le plan « carrières » et la politique valorisant l’excellence dans la recherche. La première priorité du budget de 2010 est la valorisation des personnels. Le chantier des carrières durera trois ans, avec 271 millions cumulés. Il s’articule autour de trois principes : la reconnaissance de l’excellence scientifique et – tout autant – pédagogique, la valorisation de l’engagement professionnel, l’évaluation par les pairs, collégiale et indépendante.

Tous les personnels sont gagnants. Pour ceux qui s’investissent dans l’enseignement, les salaires de recrutement tiennent compte des activités antérieures – ainsi, les salaires des jeunes maîtres de conférences augmentent-ils de 12 à 25 % cette année, ce qui n’est pas si courant. Ils sont désormais recrutés entre 2 347 et 2 861 euros bruts par mois. Toutes les activités sont valorisées –formation continue, enseignement à distance, insertion des diplômés, coopération internationale, notamment – alors que seules les heures passées devant les élèves pouvaient auparavant être rémunérées. Cette avancée considérable était attendue par les syndicats. Enfin, les primes de responsabilité pédagogique iront de 3 500 à 15 000 euros par an au lieu de 500 à 1 500 en moyenne, ce qui les place au même niveau que les primes d’excellence scientifique, n’en déplaise à ceux qui prétendent que nous ne valorisons que les activités de recherche.

Nous encourageons ainsi l’investissement pédagogique des chercheurs. Il est certes nécessaire que certains se consacrent à la recherche à temps plein, mais ils doivent en règle générale enseigner davantage, notamment au plus fort de leur activité. Il faut que nos jeunes soient au contact de ces chercheurs. La prime pédagogique incitative va donc être doublée : 3 870 euros par an pour un service d’enseignement de 64 heures. J’ajoute que la prime d’excellence scientifique sera accordée sous condition d’un tiers-temps d’enseignement. Contrairement à ce que j’ai entendu dire, ce n’est donc pas aux plus mauvais chercheurs que nous demandons d’enseigner !

La nouvelle prime d’excellence scientifique représentera de 3 500 à 15 000 euros par an, pour les chercheurs et enseignants-chercheurs. Elle doit bénéficier à 20 % d’entre eux. Cette prime individuelle peut se coupler avec une prime collective donnée par un organisme à une équipe. Nous faisons confiance aux organismes pour établir de bons critères pour l’attribution de cette prime, à condition de rechercher l’excellence, pas le saupoudrage.

Nous poursuivons aussi la mise en place des chaires d’excellence, qui permettent à des scientifiques prometteurs recrutés conjointement par une université et un organisme de recherche d’effectuer moins d’enseignement pour se consacrer à leur projet de recherche en bénéficiant d’une prime annuelle de 6 000 à 15 000 euros par an. Cent trente de ces chaires sont budgétées, dont soixante-dix sont pourvues.

Enfin, l’Institut universitaire de France représente une décharge d’enseignement pour les meilleurs enseignants. Ses membres doubleront entre 2007 et 2011, avec cent cinquante nouvelles recrues en 2010. Nous leur attribuerons de droit la prime d’excellence scientifique : 6 000 euros par an pour les maîtres de conférences et 10 000 pour les professeurs. Le personnel administratif et technique bénéficiera aussi d’une hausse de ses primes de 20 % d’ici à 2012.

Je suis tout à fait favorable à ce que les établissements publics scientifiques et techniques puissent recruter sous contrat à durée indéterminée. La loi LRU ouvre déjà cette possibilité pour les universités, qui peuvent désormais recruter en CDD ou en CDI pour des postes administratifs et techniques comme d’enseignement et de recherche. C’était indispensable pour le passage à l’autonomie, qui nécessite des compétences que l’université ne possède pas. Nous avons déjà pu mesurer, par exemple à Lyon 1 avec le recrutement de Mondher Toumi, tout le bénéfice de cette disposition qui permet d’attirer les meilleurs talents du monde entier sans la contrainte d’un cadre administratif trop strict. Elle ne doit pas être réservée aux universités. Par souci de cohérence pour l’ensemble de notre système de recherche, il est souhaitable de l’étendre aux organismes de recherche qui le souhaitent, et j’ai déposé un amendement qui répond à votre préoccupation.

La réorganisation de la recherche doit permettre à nos organismes d’être plus stratèges et plus ouverts. C’est pour cela que le CNRS et l’INSERM seront réorganisés en instituts. Parce que ces instituts incarneront des disciplines fortes, ils pourront financer les meilleurs laboratoires et cultiver une véritable pluridisciplinarité. Mais ils devront aussi faire vivre le dialogue avec l’université et le monde économique.

Cette coordination est l’objet des alliances qui unissent désormais l’ensemble des acteurs dans le domaine des sciences de la vie, de l’énergie, et bientôt, je l’espère, des sciences et technologies de l’information ou de la mer. Le but de ces alliances est de coordonner notre effort de recherche pour répondre aux grands défis de notre temps, parce que notre système est trop fragmenté. Ces alliances illustrent la confiance qu’accorde l’État aux acteurs scientifiques : s’ils acceptent de se coordonner, l’État accepte que les programmations issues de ces alliances aient une influence sur celle de l’ANR. Cela répond à une demande de la communauté scientifique. La programmation de l’ANR est ainsi légitimée grâce au décloisonnement et à la coordination de l’ensemble des acteurs de recherche. C’est un système gagnant-gagnant.

Les crédits de l’Institut Pasteur seront intégralement dégelés en 2009, soit 1 385 000 euros. L’Institut a bénéficié de 2 millions de crédits exceptionnels dans le cadre du plan de relance. Le projet de loi de finances pour 2010 lui accorde une augmentation de 3,5 millions, soit 6,7 %. Toutefois, l’Institut, qui vit essentiellement des dons et des contrats passés avec de grands groupes privés, est particulièrement tributaire du contexte économique. Compte tenu donc de la situation actuelle et de tout l’intérêt que nous portons à cet établissement phare, cher à notre cœur, une dotation complémentaire pourrait se justifier. Je regarderai donc avec bienveillance l’amendement que vous souhaitez déposer.

Le Président de la République a décidé d’engager un milliard d’euros supplémentaires d’ici à 2012, monsieur Claeys, pour les recherches sur les énergies renouvelables. L’utilisation de ce milliard se décomposera ainsi : au minimum 257 millions pour un redéploiement des priorités au sein des opérateurs de recherche ; 212 millions pour un effort supplémentaire de l’ANR sur des questions environnementales ; 450 millions pour la création d’un fonds de soutien aux démonstrateurs de recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie, fonds qui sera géré par l’ADEME ; 165 millions, enfin, de crédits supplémentaires pour des actions spécifiques pilotées par des opérateurs de recherche ou pour des appels à propositions de recherche.

D’après les projections des agences de financement des organismes de recherche, le cap du milliard d’euros devrait être largement dépassé en 2012. Le Grenelle ayant porté ses fruits et focalisé l’attention de tous les chercheurs, l’effort engagé devrait en effet dépasser 1,5 milliard d’euros, soit 150 % de l’objectif fixé pour le développement durable sur la période 2008-2012.

Les redéploiements au sein des organismes de recherche ont été effectués à l’initiative de ces établissements. Nous en établirons un bilan pour avoir une vision claire des choix ainsi faits. Ce résultat est le fruit d’une mobilisation exceptionnelle non seulement de l’État et des agences de financement, mais aussi des organismes de recherche et des chercheurs, qui ont compris la nécessité d’accompagner les mutations entamées par le Grenelle de l’environnement.

Au vu de l’ampleur des chantiers qui sont devant nous, l’effort engagé demandera à être soutenu et prolongé dans le cadre du grand emprunt. C’est, en tout cas, ce que j’ai demandé, en proposant un certain nombre de projets.

Vous avez demandé, monsieur Claeys, quel était le gain de la réforme du CIR par tranche d’entreprises. Il n’est pas encore possible de l’évaluer avec précision.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial. Ce sera l’objet de notre étude !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les entreprises de moins de 250 salariés ont reçu 22 % du CIR alors qu’elles ne représentent que 14 % des dépenses de R&D déclarées.

Je ne reviens pas sur l’analyse par secteurs.

Le comité stratégique des éco-industries – COSEI –, installé par les ministres de l’industrie et de l’écologie, a été chargé d’élaborer puis de suivre le plan Ecotech 2012, lancé en décembre 2008, pour faire de la France un pays leader dans les filières Ecotech. Son ambition est de générer 50 milliards d’activité supplémentaire, correspondant à 280 000 nouveaux emplois en 2020. L’évaluation à mi-parcours, en juillet 2009, a permis de constater que plus de la moitié des actions décidées étaient engagées.

En ce qui concerne la recherche, l’ANR a tenu ses engagements avec le nouveau programme Ecotech, qui représente quinze projets. Par ailleurs, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche participe à l’évaluation des futurs pôles de compétitivité Ecotech.

Nous avons fait, cette année, une petite révolution, monsieur Jardé, en faisant passer le doctorat du statut de diplôme à celui d’expérience professionnelle à part entière. C’est tout l’objet du contrat doctoral qui se substitue à l’allocation de recherche. Désormais, toutes les années de recherche effectuée dans le cadre d’une thèse et le grade obtenu à l’issue seront reconnus non seulement dans les secteurs académiques – les années de thèse compteront dans le calcul de l’ancienneté des jeunes chercheurs et des enseignants-chercheurs dans le cadre du chantier carrières, ce qui permettra les progressions de salaire que j’ai indiquées – mais également dans les secteurs administratifs : c’est la raison pour laquelle le ministère a demandé à tous les gestionnaires de corps administratifs de suivre l’exemple du corps des Ponts et chaussées et du corps des Mines, qui organisent désormais leur recrutement après la thèse en tenant compte des années de préparation de celle-ci.

Il reste la valorisation du doctorat dans les secteurs économiques : c’est l’objet du doublement du crédit d’impôt recherche – 60 % de défiscalisation pour les jeunes docteurs pendant cinq ans –, que je suis en train de populariser auprès des entreprises ; de la démarche « Pourquoi se priver des docteurs ? » engagée par l’association Bernard Gregory et le MEDEF ; de l’augmentation des contrats CIFRE de 16 % , et, enfin, du dispositif des doctorants-conseils qui permet aux doctorants d’effectuer des missions de conseil dans les entreprises et les administrations tout en faisant leur thèse en université ou dans un laboratoire de recherche.

Je suis consciente que la montée en puissance des financements de l’Agence nationale de la recherche conduit à une augmentation des contrats à durée déterminée, dont la durée est alignée sur celle des projets financés par l’ANR. Je rappelle, néanmoins, que ces contrats avaient été demandés lors des États Généraux de la recherche pour permettre de stabiliser l’emploi des post-doctorants. Cela étant, ils sont le plus souvent plus favorables que ceux du privé : ils sont en général d’une durée plus longue – pouvant atteindre quatre ou cinq ans – et le taux d’insertion des jeunes chercheurs à l’issue de ces CDD – soit dans un autre CDD, soit dans un emploi statutaire – est, d’après les premières évaluations réalisées par l’Agence, de 95 %, ce qui est une belle performance et prouve que ces contrats sont un bon marchepied pour entrer dans la carrière.

Nous souhaitons intégrer ces CDD. C’est pourquoi nous maintiendrons l’emploi dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, qui, selon l’engagement pris par le Premier ministre, ne seront touchés par la règle de non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite ni en 2010, ni en 2011.

Nous souhaitons, pour donner du temps à nos chercheurs, simplifier la gestion des unités mixtes de recherche grâce à la délégation globale de gestion : l’hébergeur – qui, la plupart du temps, est l’université – assurera la gestion administrative entière des laboratoires, ce qui mettra fin aux trois systèmes d’information régissant les 600 UMR, ces dernières étant soumises à trois tutelles ou plus. Nous devons utiliser les pratiques de gestion les plus favorables pour ces unités mixtes : services facturiers, cartes achats, cartes affaires, délégation de signature aux directeurs de laboratoire. La généralisation de ces bonnes pratiques est un travail à la fois de fourmi et de titan mais on en mesure l’intérêt quand on sait – et je vous demande de répandre cette information – que 25 % des commandes du CNRS sont de moins de 100 euros et que le coût – complet – de traitement d’une commande CNRS est de 80 euros. Nous devons en finir avec la suradministration des laboratoires et passer à un régime de confiance – encadré. Mais cela relève de l’organisation des laboratoires et des établissements publics eux-mêmes Je ne peux que leur préconiser des bonnes pratiques et j’ai donc publié une circulaire pour généraliser celles-ci.

Dès janvier 2010, vingt laboratoires, réunissant en tout 1 000 chercheurs, expérimenteront ce système. Afin de généraliser celui-ci et d’assurer une vraie transparence de la gestion des UMR, nous les accompagnerons par des formations, une modernisation de la gestion et une optimisation du système d’information et des budgets en coût complet.

En 2009, les EPST ont bénéficié, monsieur Lasbordes, d’une mise en réserve allégée : les crédits de fonctionnement des organismes de recherche ont été gelés à hauteur de 2,5 % et leur masse salariale à hauteur de 0,25 %, ce qui est un régime dérogatoire du droit commun. Les EPIC, eux, sont restés dans le droit commun.

Nous sommes actuellement en discussion avec Bercy pour que les EPST bénéficient d’une mise en réserve comparable en 2010 parce que c’est une année primordiale pour la réforme de la recherche. Si la représentation nationale veut nous appuyer pour que le même régime soit appliqué aux EPIC, nous ne sommes évidemment pas défavorables à l’idée.

Les annulations de crédits qui ont frappé le CNES au cours de l’année 2009 ont été compensées par les produits de cessions de Spot Image et par un bonus fiscal. La tenue du contrat s’apprécie sur quatre ans, la fin de celui devant intervenir en 2010, mais, comme nous sommes encore en discussion avec Bercy sur la fin de gestion 2009, je ne puis vous donner aucun élément à ce sujet aujourd’hui.

Les IHU – instituts hospitalo-universitaires –, monsieur Paul, ont deux objectifs : développer l’excellence de la recherche dans nos meilleurs CHU – je vous renvoie à ce sujet à la loi relative à l’hôpital – et favoriser la coopération public-privé, pour couvrir tout le spectre de la recherche, du laboratoire aux innovations thérapeutiques. Je suis au regret de vous dire que tous les rapports parus en France comme à l’étranger montrent que notre système pèche de ne pas avoir des lieux de ce qu’on appelle la recherche translationnelle, c’est-à-dire réunissant recherche publique et recherche privée.

Le Président de la République a proposé la création de cinq IHU en 2010 après appels à projets et décision par un jury international. Nous devons être très sélectifs pour faire émerger les meilleurs instituts. J’attends les recommandations de la mission que j’ai confiée au professeur Marescaux en phase 2 concernant le financement des IHU par le grand emprunt.

M. Christian Estrosi s’est saisi de la question du pillage des brevets par certaines grandes entreprises internationales qui rachètent des PME françaises innovantes pour récupérer leurs brevets, leur savoir-faire et leurs clients avant de fermer le site français en refusant les repreneurs potentiels. Cette question, qui dépasse la simple question du crédit d’impôt recherche, est à l’ordre du jour des États Généraux de l’industrie, qui ont été ouverts le 15 octobre dernier.

Je ferai part de votre intervention à M. Christian Estrosi, monsieur le député, mais sachez que je suis déjà intervenue auprès du Fonds stratégique d’investissement en faveur de PME particulièrement innovantes que mon ministère connaît pour avoir participé à leur création et qui étaient en péril d’être rachetées parce que les « capitaux-risqueurs » voulaient se désengager – ce qui est typiquement le cas au bout de cinq à six ans de développement d’un brevet. Nous travaillons actuellement sur ce sujet. Le FSI répond très favorablement quand nous lui demandons d’investir en capital dans des start-up innovantes. Le Président de la République a, d’ailleurs, indiqué que le FSI aurait une obligation d’investissement dans des petites et moyennes entreprises au cours de l’année qui vient. Il ne reste plus qu’à souhaiter que ces PME soient innovantes.

Nous avons signé, cette année, monsieur Chassaigne, un contrat avec l’IFREMER qui garantit les moyens de cet institut sur le long terme. D’un montant de 2,7 millions d’euros, correspondant à une augmentation des crédits de 1,8 %, ce contrat est en prise avec les attentes de la société et les orientations du Grenelle de l’environnement puisqu’il est prévu de travailler sur les énergies marines, les économies de carburant pour la flotte, la filière ostréicole et la coordination de la recherche sur les sciences de la mer, avec la création, à terme, d’une Alliance des sciences de la mer à laquelle nous voulons confier la gestion de la flotte. Je considère, en effet, que la flotte est une très grande infrastructure de recherche, actuellement très mal gérée, dont le fonctionnement mérite d’être optimisé.

Dans les trois cas que vous avez cités, monsieur Chassaigne – les recherches OGM de l’INRA à Colmar, les expertises sur les huîtres d’Arcachon par l’IFREMER et la question des déchets nucléaires à Cadarache – l’information et la transparence sont devenues cruciales.

À Colmar, on ne peut que regretter qu’une démarche exemplaire du point de vue de la concertation sur le court-noué, qui avait donné lieu à un consensus local exceptionnel et qui correspondait à l’amendement que vous aviez présenté dans le cadre de la loi Grenelle, se voie ruinée par l’action de fanatiques jusqu’au-boutistes qui n’avaient sans doute pas participé à la concertation. Cela ruine complètement l’équilibre qui avait été trouvé dans la loi Grenelle, par lequel nous nous déclarions favorable au renforcement de la précaution à condition que les chercheurs puissent travailler dans la sérénité. La recherche sur les OGM est une question de souveraineté nationale car, sans elle, nous ne pouvons pas connaître l’impact de ces organismes sur l’environnement et sur la santé.

Je regrette également l’agressivité dont ont été victimes les experts de l’IFREMER. Si leur expertise est contestée, il existe des procédures pour le faire valoir. La violence n’est pas de mise dans ce domaine.

Concernant l’incident survenu à Cadarache, le CEA doit, à l’évidence, agir en toute transparence. En tout cas, ce n’est pas une question de budget mais davantage d’approche. Comme vous l’aurez remarqué, j’ai souhaité, dans la stratégie nationale de recherche et d’innovation comme dans les conseils d’administration des organismes, permettre aux associations porteuses d’enjeux de se faire entendre.

La Cité des Sciences et le Grand Palais sont en train de fusionner, chaque établissement gardant cependant sa vocation propre. Cela va devenir le haut lieu de la diffusion de la culture scientifique, monsieur Garrigue. La Fête de la Science, avec les trois prix « le goût des sciences » que nous allons créer, va participer à cette diffusion. Je remettrai samedi les prix « le goût des sciences » au livre de vulgarisation, à l’action de communication et à l’initiative de vulgarisation les plus prometteurs. Il est important que nous travaillions à rapprocher les scientifiques de la société et à ouvrir les portes des laboratoires pour redonner confiance à nos concitoyens dans le progrès.

Une ministre franco-allemande de la recherche est un beau rêve. Cela étant, nous avons créé, sous la présidence française, un outil très précieux, à 100 000 lieues de la bureaucratisation du programme cadre : la programmation conjointe pour Alzheimer. Ce produit purement intergouvernemental, donc purement politique, fonctionne très bien puisqu’il regroupe maintenant 21 projets, sous la direction d’un Français : le professeur Amouyel. C’est une grande satisfaction. Nous devons étendre la programmation conjointe aux domaines de l’énergie, des batteries électriques et du cancer. Cet outil permet de programmer ensemble nos efforts de recherche, avec des appels à projets, de ne pas doublonner les travaux de nos laboratoires et de choisir les meilleurs. C’est essentiel.

Le taux d’admission au Conseil européen de la recherche pour les jeunes étant de 4 % – ce qui est un indice de la qualité des admis –, j’ai souhaité dispenser tous ceux qui étaient sur la liste complémentaire, c’est-à-dire les admissibles non admis, de redéposer un dossier à l’ANR et les faire bénéficier automatiquement des programmes jeunes chercheurs de l’ANR, afin de mettre fin à la « dossiérite » aiguë dont souffre la recherche française.

Je suis très favorable à la révision des politiques publiques en matière d’innovation, mais j’ajouterai à la liste impressionnante que vous avez citée, monsieur le rapporteur, les politiques régionales d’innovation qui doivent, elles aussi, passer par des guichets multiples.

Concernant le logement étudiant, monsieur Birraux, nous voulons aller plus vite et plus fort et, pour ce faire, nous faisons feu de tout bois. Comme vous l’avez remarqué, j’ai « sauté » sur les casernes d’Hervé Morin. Le patrimoine militaire étant, en général, en très bon état, la reconversion des logements est très rapide. Nous explorons également la piste des logements modulaires qui font florès dans les pays nordiques et aux Pays-Bas : cinq résidences modulaires sont en chantier. Les chantiers Bénéteau travaillent avec nous sur du logement modulaire en bois. L’architecte Jean-Michel Wilmotte m’a proposé de construire des résidences flottantes, en cabines de bateau, dans les endroits où il n’y pas de foncier. Il paraît qu’au Pays-Bas, cela marche très bien et que l’ambiance y est très bonne.

J’ai déjà répondu sur l’Institut Pasteur ainsi que sur les alliances. Je vous remercie de souhaiter que se taisent les Cassandres qui ne cessent de prédire l’échec des politiques de réforme du Gouvernement. C’est, là aussi, une belle utopie.

En plus de 29 projets très concrets issus de la stratégie nationale de recherche et d’innovation, j’ai soutenu, devant la commission présidée par M. Alain Juppé et M. Michel Rocard, cinq principes concernant le grand emprunt, monsieur Le Déaut.

J’ai soutenu que la recherche fondamentale était un choix politique que le grand emprunt devait soutenir dès lors que cette recherche est au meilleur niveau d’excellence. Le retour sur investissement prévu par la commission du grand emprunt doit s’apprécier, non pas au sens purement financier du terme – c’est-à-dire sur la capacité des laboratoires à générer des flux financiers leur permettant de rembourser le grand emprunt au bout de cinq ou dix ans –, mais au sens de Stiglitz, c’est-à-dire en tenant compte également des progrès pour la société. Je prends un exemple : une recherche fondamentale dans le domaine des sciences du vivant qui se traduit par un allongement de la durée de la vie a des répercussions financières positives qu’il faudrait être capable de chiffrer.

J’ai également soutenu que les projets financiers devaient s’inscrire, chaque fois que cela était possible, dans un cadre partenarial entre recherche publique et recherche privée, entre sciences humaines et sciences exactes, entre organismes de recherche et universités afin de décloisonner la recherche. Ces projets doivent intégrer la dimension de valorisation du transfert depuis la preuve de concept jusqu’au développement de marché.

J’ai aussi soutenu que le grand emprunt, s’il finance les investissements aux grandes infrastructures de recherche en plateformes de recherche partenariale, doit permettre de couvrir également les frais de fonctionnement. Ces derniers sont souvent oubliés et viennent ensuite grever, au grand désespoir de nos chercheurs, les budgets des organismes de recherche. Ces projets doivent s’intégrer dans le nouveau paysage de la recherche et de l’enseignement supérieur sans créer de nouvelles structures. Je crois avoir été entendue sur ce point.

Je vous ai répondu sur les campus.

Le démonstrateur de biomasse de deuxième génération a été annoncé, il y a trois semaines, par l’ADEME. Nommé Bio-T-Fuel, il sera opérationnel en 2013.

M. Jean-Yves Le Déaut. Ce dont vous parlez est un petit pilote de l’ADEME. Mais le gros démonstrateur de biomasse, de la taille de celui que les Allemands ont fait à Cochem, que l’office parlementaire réclame est, malheureusement, toujours dans les limbes.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le projet industriel de démonstrateur de biomasse de deuxième génération n’est pas mûr.

M. Jean-Yves Le Déaut. Il n’en finit pas de mûrir !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Mieux vaut qu’il mette du temps à mûrir plutôt que d’être financé à fonds perdus. Les rapports sur la faisabilité de ce projet sont très mitigés. Mais nous continuons à travailler sur le sujet. Nous ne l’abandonnons pas.

M. Claude Birraux. Il faut « chauffer » le boulevard Saint-Germain pour qu’il mûrisse !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je compte sur la représentation nationale pour porter le message au-delà du boulevard Saint-Germain.

Les annulations de crédits intervenues en 2008, madame Amiable, ont souvent été neutres pour les organismes, notamment pour ceux qui ont bénéficié d’un bonus fiscal et d’une plus-value de produits de cession. Les annulations réelles ont représenté, au total, 0,5 % des subventions des organismes.

Les arbitrages ayant été rendus ce matin, j’ai le bonheur de vous annoncer que, pour 2009, l’enseignement supérieur et la recherche sont très largement exonérés d’annulations.

Les chiffres du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie qui vous ont été donnés, madame Amiable, sont faux : le nombre de doctorants a augmenté de 6 000 entre 2001 et 2009, et le nombre de docteurs de 3 000 depuis 2001. Nous mettons en place un groupe de travail pluraliste avec les syndicats pour travailler sur l’emploi scientifique de façon à ce que des incompréhensions de ce type ne se reproduisent plus.

M. Bernard Gérard. Ma question porte sur les conditions de mise en œuvre du crédit d’impôt recherche. Les dispositions applicables en ce domaine limitent le bénéfice de cette mesure aux entreprises industrielles, commerciales et agricoles soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Certaines associations professionnelles, qui regroupent des dizaines d’industriels travaillant dans une même filière – je pense, par exemple, au textile technique – sont parfois appelées, au-delà de la veille technologique et de la mise en réseau pour des projets techniques ou commerciaux multipartenariaux, à financer elles-mêmes la recherche sur des produits innovants. Or, elles sont exclues du dispositif, ce qui, bien évidemment, les pénalise alors qu’elles pourraient être, selon certaines modalités à définir, des acteurs tout aussi performants et créatifs. Ne serait-il pas possible d’étudier la possibilité d’une extension du champ des bénéficiaires du crédit d’impôt recherche afin de favoriser l’émergence d’un maximum de projets possibles ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Votre demande n’est pas injustifiée, au contraire, mais il n’est pas aisé de la satisfaire car, comme un certain nombre d’entre vous l’ont souligné, il est difficile de tracer une frontière pour éviter les effets d’aubaine. Mais je suis d’accord pour étudier cette question avec mes services afin de voir ce qu’on peut faire.

Mme Marietta Karamanli. Pour utile que soit la rectification que vous avez apportée concernant le CIR dans le secteur bancaire, madame la ministre, elle ne clôt pas le débat. Pour éviter que ne se reproduise un « buzz » de ce genre sur le net et que ne s’expriment des interrogations sur l’affectation du CIR à des dépenses privées portant l’estampille « recherche » sans que leur utilité pour la collectivité soit avérée – certains témoignages de chercheurs du privé laissent dubitatif : projets réalisés et rentabilisés mais passés en CIR pour gonfler la marge bénéficiaire, achats de matériel sans affectation à une activité de recherche, embauches défiscalisées sous couvert de recherche –, pensez-vous pouvoir répondre favorablement à notre demande, que nous présentons chaque année, d’un rapport d’évaluation sur le CIR ?

En l’absence de contrôle effectif, celui-ci apparaît comme générant un effet d’aubaine, certes intéressant pour le monde de l’entreprise, mais pas forcément pour les priorités de la puissance publique en matière de recherche. Il est nécessaire de préciser et de hiérarchiser les secteurs prioritaires en ce domaine et de démontrer l’intérêt de la recherche donnant droit au CIR. Les chercheurs publics passent beaucoup de temps à constituer des dossiers pour justifier du bien-fondé de leurs demandes de subventions. Il ne serait pas anormal que les entreprises y consacrent également un peu de temps afin de prouver à la collectivité la pertinence de leurs demandes d’attribution du CIR.

Pensez-vous pouvoir répondre favorablement à notre demande de rapport d’évaluation ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. La réponse est « oui ». Il est difficile d’évaluer un dispositif avant que soit écoulée une année pleine, mais le rapport sera disponible l’an prochain.

M. Bernard Carayon. La recherche dans le domaine des technologies de l’information et de la communication occupe beaucoup moins de place en Europe qu’aux États-Unis ou au Japon. De même, les crédits publics qui lui sont destinés sont beaucoup plus faibles en France que dans d’autres pays européens et, a fortiori, qu’aux États-Unis ou au Japon.

Cela peut paraître d’autant plus paradoxal que notre pays compte des entreprises, grandes et petites, qui possèdent dans ce domaine une expertise de très haut niveau, certaines étant leaders mondiaux dans leur spécialité, par exemple en cryptographie. Les enjeux sont très importants, tant pour l’État en termes de sécurité de ses infrastructures critiques que pour les entreprises en termes de compétitivité, ou pour les particuliers en termes de protection de l’intimité de la vie privée.

Pourquoi la France accuse-t-elle un tel retard, s’agissant de mutualiser expertises et moyens budgétaires comme de développer, à partir de plates-formes communes, des programmes à la fois publics et privés, ou civils et militaires ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les réponses sont complexes. Tout d’abord, l’excellence de l’école mathématique française, qui est la deuxième au monde, a étouffé le secteur informatique, les mathématiques pures ayant longtemps attiré davantage les talents que les mathématiques appliquées, jugées moins nobles.

Une deuxième réponse est que l’informatique est le parent pauvre de nos universités, les meilleurs résultats de recherche dans ce domaine étant souvent obtenus dans les grandes écoles d’ingénieurs. Du reste, alors qu’une dizaine d’universités françaises figurent dans les 100 premières places du classement de Shanghai pour les mathématiques, aucune n’y est citée pour l’informatique.

Nous avons corrigé le tir avec la création de l’INRIA, auquel de nouveaux moyens ont été donnés. Les engagements du contrat pluriannuel conclu avec cet institut ont été tenus, ce qui représente cette année une progression de 5 %. L’an dernier, 130 emplois ont été créés, malgré un contexte de suppressions de postes. Selon le rapport d’évaluation qui lui est consacré, l’INRIA est « star » dans certains domaines de recherche, mais ne devrait pas recruter davantage : mieux vaudrait pour lui se focaliser sur ses domaines d’excellence et tisser des liens avec l’université – ce qui est précisément l’objectif de l’alliance que nous allons établir entre cet institut, le CNRS et les universités. Les réticences du CNRS face à la création d’un dixième institut dédié à l’informatique s’expliquaient sans doute par la crainte d’un éventuel démembrement – crainte infondée car, comme on l’a vu dans le domaine des sciences du vivant, les alliances n’affectent ni le statut du personnel, ni la structure des organismes concernés, mais sont seulement destinées à permettre l’indispensable coordination de la réflexion stratégique en matière de recherche et de formation. Les excellents chercheurs du CNRS et de l’INRIA, les universités – qui, elles, souffrent de lacunes – et les grandes écoles doivent s’unir pour définir une stratégie dans ce domaine des technologies de l’information.

Les formations font défaut dans certains de ces domaines et de nombreux jeunes Français vont apprendre aux États-Unis à développer des logiciels sur certains supports. L’alliance devra donc formuler des propositions en matière de programmation Internet et de formation. Je tiens toutefois à préciser que nous avons eu l’immense satisfaction de voir décerner en 2008 le prix Turing – l’équivalent du prix Nobel pour les technologies de l’information – à Joseph Sifakis, chercheur d’un pôle d’exception développé autour de l’INPG et de l’université Joseph-Fourier de Grenoble.

Les pôles de compétitivité doivent travailler en lien avec les universités dans ces domaines. La question est donc tout à fait pertinente. Nous devons nous battre pour réaliser cette alliance en informatique.

Mme Geneviève Fioraso. J’évoquerai le programme 190, consacré à la recherche dans le domaine du développement durable et de l’énergie. Tout en me félicitant que les technologies vertes fassent l'objet d'une attention particulière, je m'interroge tout d'abord sur l'absence, dans le budget, de mesures destinées à aider des filières industrielles qui perdent aujourd'hui des emplois, comme la chimie et la papeterie, dans leur mutation vers les éco-technologies et la chimie propre, alors que les expertises sont voisines et qu’un tel accompagnement serait facile. Pensez-vous prendre des initiatives en ce sens ? Les pôles de compétitivité ou les programmes partenariaux pourraient être utilement mis à profit à cet effet.

Par ailleurs, les programmes de recherche envisagés dans ces secteurs présentent une trop grande dispersion thématique – trente pour le Grenelle I et une vingtaine préconisés par Mme Jouanno. Avons-nous les moyens de cette abondance et ne vaudrait-il pas mieux nous concentrer sur quelques thématiques vraiment stratégiques, susceptibles de donner naissance à une filière industrielle avec des emplois à la clé et une compétitivité internationale qui s'appuierait sur des compétences distinctives identifiées ? Je pense notamment aux nanotechnologies, au solaire photovoltaïque de seconde génération, à la biomasse, aux véhicules propres, à l'aéronautique sobre et aux réseaux intelligents. En nous concentrant ainsi sur un peu moins d'une dizaine de technologies réellement solides, nous pourrions éviter le saupoudrage.

Je partage les interrogations d'Alain Claeys sur le milliard d’euros qui est devenu 1,5 milliard dans la bouche du Président de la République. On ne sait en outre si ce milliard fantôme sera ou non intégré dans le grand emprunt.

La faible valorisation de notre recherche a déjà été évoquée dans le rapport que Claude Birraux et moi-même avons rédigé pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. À cet égard, il semblerait utile de développer les fonds démonstrateurs de l’ADEME, qui sont une bonne étape vers l'industrialisation, mais pas une industrialisation proprement dite. De tels fonds seraient particulièrement bienvenus s’agissant par exemple de la biomasse ou du véhicule propre.

Je me réjouis que vous ayez évoqué le FSI, dont je ne pensais pas parler. En effet, le premier FSI était tout à fait opaque et ses critères d'attribution n'étaient pas connus. Censé favoriser les « gazelles » – ces PMI et PME innovantes de taille moyenne que nous ne savons pas bien développer en France, à la différence de l'Allemagne, où elles sont soutenues par les instituts Fraunhofer –, il ne consacrait à ces entreprises que 5 % des montants investis en 2009. La marge de progression est donc importante.

Je conclurai en évoquant l'inquiétude que suscitent les efforts annoncés au titre du Grand Paris, qui risquent de siphonner les ressources des autres territoires. Il serait préférable de répartir les moyens sur l’ensemble du pays, avec des têtes de réseaux qui entraîneraient l'ensemble des territoires. Le travail en réseau devrait en effet faire l'objet d'une plus grande attention.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. La région Rhône-Alpes ne peut pas se plaindre du traitement qu'elle a reçu dans le cadre du plan Campus, qui l’a dotée de deux campus. Ce plan était destiné à valoriser l'excellence : quand on est bon, on reçoit des crédits.

Saclay représente 15 % de l'ensemble de la recherche française – et non pas seulement francilienne – et cette proportion est encore destinée à augmenter avec les nouveaux arrivants. Ce pôle exceptionnel, d’importance mondiale, doit donc être considéré comme « hors sol » lorsqu’on évalue la répartition des ressources. Et notre souci n’était pas l'aménagement du territoire, mais bien la qualité de la recherche, ce qui explique d’ailleurs que Lyon et Grenoble aient été tous les deux sélectionnés.

Pour ce qui concerne l’ADEME, un budget de 450 millions d'euros n'est pas négligeable, surtout en partant de rien. Quant au montant de 1,5 milliard d'euros, j'ai consacré une conférence de presse à la présentation de ces crédits et je pourrai vous faire parvenir les chiffres afin que vous puissiez identifier leur destination.

Vos questions relatives à la chimie seraient très pertinentes dans le cadre des états généraux de l’industrie, qui doivent permettre de vérifier l’aide que notre stratégie industrielle apporte à la reconversion. La croissance verte étant une priorité, la chimie est un thème qui a toute sa place dans le débat.

À propos de la dispersion des programmes thématiques de recherche et du saupoudrage des moyens, je rappelle que j'ai réorienté les programmes de l’ANR en demandant qu’on y ménage 50 % de « blanc », afin de permettre à la créativité de s’exprimer. De fait, j’ignore pour ma part quelles seront les technologies du futur, notamment dans le secteur énergétique et il me semble préférable de laisser les projets d'excellence se développer. Je ne suis pas non plus favorable au saupoudrage et souhaite plutôt favoriser les bons projets, comme j'ai proposé de le faire dans le cadre du grand emprunt pour un petit nombre de projets énergétiques à gros budget.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial. L'année 2010 sera marquée par le démarrage de la phase de réalisation des trois satellites CSO MUSIS, très importants pour la future capacité d'observation spatiale. Les crédits seront-ils suffisants, compte tenu des besoins de ce programme, et la France pourra-t-elle tenir ses engagements ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. La négociation du contrat du CNES est en cours et ce contrat doit être signé d'ici à la fin de l'année. Le CNES a formulé des demandes afin de pouvoir financer divers projets au titre du grand emprunt. L'objectif est au moins de tenir nos engagements, voire de proposer deux nouveaux satellites, dont l'un permettrait l'observation des émissions de gaz carbonique et l’autre – Megasat – la couverture à très haut débit de l’ensemble du territoire, qui est une alternative économiquement pertinente au projet de certains ministres qui proposaient de couvrir la France de fibre optique à très haut débit.

M. Daniel Goldberg. Madame la ministre, j'ai trouvé un peu rapides certaines de vos réponses sur le crédit d’impôt recherche. Tout d’abord, la plupart des entreprises bénéficiaires comptent plus de 250 salariés, alors que ce dispositif était destiné à favoriser de petites structures créatrices d'attractivité. En attendant l'évaluation qui doit être rendue dans un an, les 530 millions d'euros supplémentaires inscrits au budget auront été dépensés.

Par ailleurs, la réforme permet aux entreprises de percevoir une aide même si les dépenses de recherche diminuent. Il ne s'agit donc plus d'un effort pour la recherche, mais d'une aide de l'État pour les dépenses en volume. Je souhaiterais connaître votre opinion à cet égard.

Pour ce qui concerne le plan Campus, les 164 millions d'euros budgétés doivent être mis en regard des crédits de 5 milliards d’euros prévus sur cinq ans, sachant que la vente des actions EDF a rapporté 3,2 milliards d’euros. Dans le cas du campus Condorcet, dont vous êtes venue annoncer la création à Aubervilliers, quelle sera la part du financement de l’État sur les 600 millions d’euros qu’il coûtera ?

Quant à Saclay, à la veille de l’examen par la Commission du développement durable du projet du Grand Paris, quel effet attend-on de ce type de dispositif ? Quel pilotage prévoyez-vous en lien avec votre ministère ? La création d’un établissement sui generis n’ajoutera-t-elle pas une couche au mille-feuilles ? La mono-activité dans ce secteur est-elle une bonne chose ?

Vous avez lancé sur ce secteur un plan Campus qui prévoit des opérations d’aménagement sur une zone. Une opération d’intérêt national a été décidée par l’État et mise en place en mars 2009 sur une autre zone et le projet présenté par M. Christian Blanc concerne une troisième zone, beaucoup plus étendue. La cohérence de l’action de l’État sur ce secteur, si important soit-il en termes de recherche et de développement, n’est pas très claire.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le crédit impôt recherche avait trois objectifs, dont le premier était de soutenir les entreprises innovantes – ce que permet la mobilisation anticipée du CIR, dont les entreprises bénéficient même lorsqu’elles ne font pas de bénéfices. Un autre objectif était de prévenir et d’empêcher les délocalisations des laboratoires de recherche des grands groupes. Ne vous y trompez pas : lorsque les grands groupes quittent un territoire, les sous-traitants et les entreprises innovantes le quittent aussi.

Il faut bâtir un écosystème de l'innovation allant du laboratoire au grand groupe, en passant par l'entreprise innovante. On ne peut pas davantage opposer la recherche dans les grands groupes et dans les start-up qu'on ne peut opposer la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Peut-être ne sait-on pas faire grossir les start-up pour en faire de grands groupes ou éviter qu'elles ne soient absorbées par ces derniers, mais s’il n’y a pas de grands groupes dans le rôle de donneurs d'ordres, il n'y aura pas non plus de start-up.

Éviter les délocalisations était un objectif crucial et le péril n’avait rien d’illusoire. Lorsque j'étais députée, ma circonscription comptait trois ou quatre laboratoires qui avaient déjà annoncé leur délocalisation en Chine et qui y ont renoncé grâce au CIR. Des entreprises comme Thales, Rhodia ou Alcatel et toute l’industrie aéronautique ont déclaré que, sans le crédit impôt recherche, elles auraient fermé leurs laboratoires de recherche en France. Évitons d'opposer les grandes entreprises aux petites. En revanche, évitons aussi les effets d'aubaine ou d'optimisation fiscale pour des dépenses qui ne sont pas strictement liées à la recherche. Croyez que nous serons particulièrement vigilants sur ce point.

Pour ce qui concerne ensuite le plan Campus et Aubervilliers, gardez-vous des mauvaises interprétations : les 164 millions d’euros inscrits au budget sont les intérêts des cinq milliards de ressources affectées à notre budget. Tant que les partenariats public-privé ne sont pas signés et que les bâtiments n’ont pas été construits, il n'est pas question de payer les loyers.

L'intérêt du partenariat public-privé réside en effet dans le décalage qu’il permet entre le moment où l'on paie et le moment où l'on finance. Il s’agit en somme d’une autorisation d’engagement plutôt que d'une dépense. C'est tout l'intérêt de ce mécanisme en période de crise, avec des entreprises du bâtiment qui ont envie de construire et sont prêtes à préfinancer.

Je le répète, ces cinq milliards existent bel et bien et le pôle d'Aubervilliers percevra bien une dotation en capital de 450 millions d’euros. Lorsque, après vingt-cinq ans, il aura fini de payer les constructions qu’auront permis de financer ces 450 millions d'euros, il pourra en financer d’autres. Il s'agit là d'un mécanisme fédérateur, qui cimente les communautés scientifiques. J'ajoute que je suis heureuse d'avoir vu l'institut d'urbanisme de l'université Harvard me présenter les plans de son magnifique projet pour Aubervilliers – avec piscine et jardin zen pour la méditation ! –, que vous pourrez voir à la Cité universitaire internationale.

Pour Saclay, nous avons créé une fondation de coopération scientifique qui regroupe tous les acteurs scientifiques et à qui j’ai donné l’argent, comme je l'avais d'ailleurs fait aussi à Aubervilliers, après un arbitrage gouvernemental permettant que les fonds du plan Campus soient attribués non à l’établissement d’aménagement qui sera créé pour l’aménagement du foncier, mais à cette fondation. Je tenais en effet à ce que ces crédits financent des bâtiments universitaires et que le campus, lieu de vie, soit l’embryon de l'opération d’aménagement du plateau de Saclay. Nous avons besoin d'un campus universitaire conçu sur le modèle de ceux de Berkeley, de Stanford ou des plus beaux campus américains. Ce projet ne doit pas se faire au détriment de la nature. Il doit, bien au contraire, créer un nouvel espace naturel sur le plateau de Saclay.

Mme Annick Girardin. Dans ce budget, si on fait abstraction de l’IFREMER, l’effort pour la recherche maritime n’est ni assez visible, ni assez lisible – et cette observation est à la fois une critique et un souhait pour l'avenir. À la différence en effet de la recherche agricole, clairement identifiée sous des programmes spécifiques consacrés par exemple à l’alimentation ou à la sécurité alimentaire, la recherche maritime n'est envisagée que sous l'angle de la gestion des milieux.

J'ai bien entendu certaines de vos réponses, comme votre volonté de cohérence et de performance en la matière ou votre souhait de créer autour de l'IFREMER une alliance pour les sciences de la mer, à laquelle vous entendez confier la gestion de la flotte. Cependant, comme l'a déclaré notamment le PDG de l'IFREMER, cette alliance doit pouvoir assurer une programmation conjointe et être présente sur toutes les zones maritimes de la France. Les meilleurs outils du monde ne remplaceront jamais une véritable volonté de l'État de donner à la France les moyens d'assumer pleinement sa vocation maritime.

Pouvons-nous être plus vigilants quant à la présence de la France dans les missions scientifiques internationales ? Je pense en particulier à une grande mission que viennent de lancer le Canada, le Royaume-Uni et l'Espagne sur Saint-Pierre-et-Miquelon dans le cadre de l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest – l’OPANO – et à laquelle la France, volontairement ou par méconnaissance, ne participe pas. Votre budget pour 2010 donnera-t-il de nouveaux moyens dans ce domaine, compte tenu notamment du Grenelle de la mer et des propos qu'a tenus vendredi le Président de la République sur l'outre-mer et la place que les ministères doivent faire à celui-ci dans la recherche et dans un développement économique tourné vers les nouvelles ressources alimentaires, la santé, les énergies renouvelables et les hydrocarbures ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, vous avez tout à fait raison. Le Grenelle de la mer pourrait être l'occasion de faire, même si l'exercice est difficile, un bilan utile de l'ensemble des recherches consacrées à la mer. Ce sera du reste l’un des objectifs de l'alliance de la mer. Beaucoup de moyens ont toutefois été consacrés récemment à la mer, notamment dans le cadre du plan de relance pour la flotte. Il serait assurément bon de disposer à cet égard d’un bilan consolidé.

M. Bernard Carayon. Madame la ministre, nous sommes encore loin du modèle des universités américaines que vous évoquiez tout à l'heure. Harvard, par exemple, dispose de 34 milliards de dollars de dotation en capital.

Ma question porte cependant sur les pôles de compétitivité, qui rassemblent des acteurs publics et des entreprises aussi bien françaises qu'étrangères, et où l’on travaille parfois sur des questions sensibles, en particulier sur des technologies relevant de la souveraineté nationale. Le périmètre de ces technologies de souveraineté est-il défini dans le cadre des accords régissant les pôles de compétitivité et, si c'est le cas, qui en est le garant ? L'étude de ce périmètre de sécurité doit-elle être confiée à des administrations centrales de l'État, à des agences telles que l’Agence pour le développement de l'information technologique – l’ADIT – ou à des partenaires privés ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cette question devrait plutôt être transmise au ministre de l'industrie.

Pour ce qui concerne la dotation en capital d’Harvard, si nous capitalisions l'ensemble des dotations apportées par l'État aux universités françaises, nous aurions des surprises.

M. le président Didier Migaud. Le débat est clos pour les crédits de la recherche.

Nous abordons à présent l’examen des crédits de l’enseignement supérieur.

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Madame la ministre, je ne commenterai pas les chiffres que les parlementaires et vous-même connaissez.

Le milliard d’euro prévu, conformément aux engagements présidentiels, est présent dans ce budget. Il témoigne du développement, à plein régime, de programmes que vous avez lancés dans la foulée de la loi « LRU ». Il s’agit des mesures de revalorisation des carrières des personnels : près de 208 millions d’euros sont inscrits en plus à ce titre, la moitié étant consommée par les pensions, l’autre étant consacrée à la politique salariale. Pour 2010, l’engagement de maintenir les emplois est respecté, le « plan licence » continue sa montée en puissance et la réalisation des programmes Campus s’amorce. Pour ce qui est de la vie étudiante, deux éléments me paraissent importants : le développement de la politique sociale à destination des étudiants, avec le sixième échelon de bourse qui arrive à maturité et l’engagement du chef de l’État de développer un dixième mois pour certains étudiants ; le dépassement des objectifs en matière de rénovations de logements et un progrès substantiel concernant les constructions, dans le cadre de la mise en œuvre du rapport Anciaux. Enfin, au 1er janvier de l’année prochaine, une majorité de nos universités – 51 – exerceront les nouvelles compétences définies par la loi d’août 2007.

Mes questions concernent le personnel, l’immobilier et la vie étudiante.

Les deux premières portent sur les crédits de personnel et de fonctionnement.

Comment est financée l’équivalence de rémunération entre heures de travaux pratiques et heures de travaux dirigés prévue par le nouveau décret, mesure attendue que vous avez validée ?

Comment envisagez-vous d’équilibrer les dotations entre universités dans le cadre du modèle de répartition SYMPA, adopté suite aux travaux du Parlement sur les règles de répartition des moyens alloués par l’État aux universités ? Le Premier ministre s’était engagé, avec vous, à compenser les suppressions d’emplois en 2009. Cette compensation a pu être réalisée. Mais, dans les travaux de mise en œuvre de SYMPA, vous aviez constaté des écarts entre des universités bien dotées et d’autres qui l’étaient sensiblement moins, écarts qu’il faut évidemment compenser. Comment procédez-vous à cet effet ?

La mission d’évaluation et de contrôle, dans des travaux qu’Alain Claeys et moi avions rapportés, avait insisté sur les critères de performance et la prise en compte des données socio-économiques relatives aux étudiants accueillis par les établissements. Les critères d’évaluation de la performance sont en cours de finalisation. Comment les données socio-économiques sont-elles prises en compte ?

Ma troisième question concerne l’immobilier. Comment se fait, dans le détail, le financement des projets ajoutés aux dix projets Campus retenus initialement – Lille, Lorraine et les campus prometteurs et innovants ? Quelles sont les modalités retenues, notamment pour le recours au PPP ?

Pour ce qui est de la réhabilitation des logements destinés aux étudiants, les objectifs du rapport Anciaux sont dépassés puisque 8 412 chambres ont été réhabilitées à la rentrée 2009. En revanche, malgré un progrès sensible, l’objectif de construction de 5 000 chambres par an n’est pas atteint. En fait, les crédits permettraient cet effort de construction, mais c’est la mobilisation du foncier qui fait problème. Quelle solution vous proposent vos services sur ce point ?

Mes deux dernières questions ont trait à la vie étudiante.

S’agissant du dixième mois de bourse, annoncé par le Président de la République, comment envisagez-vous et selon quel calendrier d’évaluer cette dépense – qui ne l’est pas aujourd’hui de manière détaillée – et de la financer puisque les crédits du projet de loi de finances pour 2010 ne couvrent pas cet engagement ?

Enfin, de nombreux rapports ont souligné l’importance du sport universitaire, mais aussi la difficulté de l’organiser tant les acteurs sont morcelés. Que pensez-vous du rapport Auneau-Diagana et de ses préconisations, notamment de celle qui vise à instituer un droit obligatoire afin d’assurer un financement transparent de ce sport universitaire ? Quid également de l’organisation – ou de la réorganisation des structures, en vue d’une mise en convergence, sachant que se pose la question très particulière de l’évolution des situations administratives des personnels de la Fédération française du sport universitaire, qui se heurte visiblement à des contraintes réglementaires ?

Mme Françoise Guégot, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Je salue les trois orientations majeures de ce budget : accompagner l’autonomie des universités, favoriser la réussite de tous les étudiants et renforcer l’attractivité des carrières.

J’ai souhaité me pencher plus particulièrement, dans le cadre de cet avis budgétaire, sur la place des instituts universitaires de technologie dans l’enseignement supérieur.

Pour ma part, je considère que tout doit être fait pour que se mette en place une politique contractuelle de coopération entre les universités et les instituts, épaulée par l’État et permettant aux IUT de diffuser, par un effet de « contamination positive », leur approche de la professionnalisation des cursus.

Or c’est le contraire qui semble se produire aujourd’hui, car l’année 2008 et une bonne partie de cette année ont été marquées par une véritable « crise de confiance » entre les IUT et les universités. Cela s’explique par le fait que l’autonomie de gestion des IUT, telle que l’organise l’article L. 713-9 du code de l’éducation, formellement intouché par la loi « LRU », ne peut plus s’appuyer sur ce qui était sans doute son véritable socle, à savoir le fléchage des moyens, rendu impossible par le budget global.

Institué par la loi « LRU », ce budget global permet en effet aux universités de répartir elles-mêmes leur enveloppe entre leurs différentes composantes et de prélever, au passage, des frais de gestion.

Sous couvert de ce budget global, des présidents d’université ou certains directeurs généraux et agents comptables mettent en œuvre une politique centralisatrice qui a pour effet une réduction des moyens pour certains IUT.

De telles situations sont d’autant plus regrettables que l’attitude qui consiste à « grignoter » l’autonomie de gestion des IUT, au nom d’une volonté de « bien gérer », revient, paradoxalement, à afficher – et à mettre en œuvre – une politique budgétaire qui pénalise une filière de formation connaissant un taux d’insertion professionnelle satisfaisant – objectif que la loi « LRU » cherche précisément à promouvoir.

Certes, la « centralisation » simplifie la tâche de ceux qui ont à gérer les moyens – désormais considérables – affectés aux universités. Mais cette politique n’est pas bonne car elle reflète une vision réductrice de la philosophie de l’autonomie portée par la loi « LRU ». En effet, la loi du 10 août 2007 vise à permettre aux organes centraux des universités d’imprimer une « direction » à l’établissement, à charge ensuite pour ses composantes, et singulièrement pour ses IUT, de mener une véritable « politique de filière ».

Aller à l’encontre de cette lecture de la loi « LRU », c’est, très exactement, aller à l’encontre de la démarche d’autonomie qu’a souhaité promouvoir le législateur.

C’est bien ce que vous avez rappelé, madame la ministre, en demandant que soient reconduits les moyens des IUT a minima, en instituant un comité de suivi réunissant les acteurs concernés, en faisant ainsi adopter une charte Universités-IUT, puis en « convertissant », en mars 2009, cette charte en circulaire, qui rappelle aux présidents d’université les principes de l’autonomie de gestion des instituts.

Mais tout n’est pas réglé, comme le prouve le taux de signature, encore assez médiocre à ce jour, des contrats d’objectifs et de moyens que la circulaire demande aux universités de passer avec leurs IUT.

Alors que faut-il faire, madame la ministre ? Inscrire les principes d’autonomie de gestion rappelés par la circulaire dans un décret ? Que peut-on envisager pour faire cesser les comportements inacceptables qui perdurent ? Et comment organiser durablement le dialogue de gestion entre universités et IUT ?

J’en viens à un autre sujet d’inquiétude pour les IUT : le modèle d’allocation des moyens aux universités, qui a été modifié. Il s’agit là notamment de bien prendre en compte la charge spécifique des formations technologiques et l’impératif que constitue l’entière maîtrise par les IUT de leurs ressources propres, notamment celles issues de la taxe d’apprentissage et des contrats de professionnalisation. Pouvez-vous nous confirmer que les pondérations associées aux formations de DUT secondaires et de DUT tertiaires seront augmentées ?

Par ailleurs, au cours des auditions, j’ai souhaité connaître la position de mes interlocuteurs sur le statut du diplôme universitaire de technologie, en leur demandant si la formation devait être portée de deux à trois ans. Ces échanges me confortent dans l’idée que le DUT peut conserver sa spécificité de diplôme ayant une double vocation, c’est-à-dire préparant soit à une insertion rapide et de qualité dans le monde professionnel, soit à une poursuite d’études réussie. Pouvez-vous nous donner votre position sur ce sujet ?

Enfin, s’agissant de l’accueil des bacheliers technologiques, le Président de la République a annoncé, dans son discours sur la réforme du lycée, que des places en STS et en IUT doivent être réservées à ces diplômés. Quelles peuvent être les modalités d’application de tels quotas, sachant qu’un pourcentage massif, imposé de manière uniforme, risquerait de compromettre l’accueil en IUT des bacheliers généraux, qui trouvent dans cette formation une sécurisation importante de leur parcours dans le supérieur, particulièrement appréciée par les familles les plus modestes ?

M. Pascal Deguilhem. Madame la ministre, nous déplorons que vos efforts soient essentiellement concentrés sur l’affichage, voire sur les « têtes de gondole ». En effet, les différents « rayons » de la mission ne sont pas suffisamment remplis pour faire de l’université – de la connaissance – un pilier de la croissance durable et du développement social.

C’est un budget en trompe-l’oeil. On voudrait accepter en première intention ce qui, en réalité, n’est qu’une illusion parce que l’augmentation affichée n’est pas concentrée sur les crédits destinés à la vie étudiante, à la lutte contre l’échec – qui doit être une priorité – et à l’amélioration des conditions des enseignants.

Votre budget comporte bien comme prévu une augmentation de 1,8 milliard d’euros, mais, sur cette masse, à peine plus d’un tiers correspond à de nouvelles inscriptions budgétaires pour le service public de l’enseignement supérieur. L’effort portant essentiellement sur le budget de la recherche, il ne bénéficie en effet que de 995 millions dont plus de 130 issus d’un redéploiement du budget de l’État pour les retraites.

Votre ministère a été épargné par les suppressions de postes, dites-vous. On pourrait s’en satisfaire, sauf que, au regard de la priorité qui est la vôtre et celle du Président de la République, vous n’en créez pas, alors même que vous nous avez dit tout à l’heure qu’un certain nombre de postes n’étaient pas pourvus aujourd’hui – en réalité, plusieurs centaines.

La lutte contre l’échec des étudiants en premier cycle suppose une amélioration du taux d’encadrement ; or nombre d’universités ne disposent pas des moyens humains suffisants. La réussite de votre « plan licence » passe, elle, par des mesures d’accompagnement des étudiants et par des recrutements d’enseignants chercheurs, mais avec 170 millions d’euros, vous ne pouvez satisfaire à cette exigence. Et, s’agissant du fonctionnement des universités, il n’y a pas de création de postes d’ATOSS alors qu’il s’agit de ressources qui manquent cruellement aux établissements.

Transférant la gestion budgétaire de plus de 60 000 emplois à des universités aux responsabilités et compétences élargies, vous risquez de fragiliser les personnels et peut-être de créer davantage de précarité, du fait d’une compensation sans doute insuffisante.

Faiblesse des moyens pour soutenir les missions de l’université donc, mais aussi largesses fiscales en direction des entreprises. Au regard des plus de 2 milliards affectés en 2009, sans compter le remboursement des années antérieures, nous ne pouvons pas être totalement convaincus par votre analyse des premiers résultats du crédit impôt-recherche qui, sans bilan clair et trop facile d’accès, offre sans doute un effet d’aubaine à une grande majorité de déclarants. Je rappelle avec Jean-Yves Le Déaut l’urgence d’un rapport parlementaire à ce sujet.

Autre élément fort de votre communication, madame la ministre : le plan Campus, qui est une autre mystification. Cela ne pourra pas être 5 milliards d’euros sur cinq ans si l’on regarde les chiffres – intérêts des placements des 3,2 milliards de la vente des actifs d’EDF, 164 millions engagés pour cette année –, même si vous y comptabilisez – ce qui est abusif budgétairement – les PPP. Je pense que beaucoup d’universités et d’étudiants attendront encore longtemps les effets de ce plan Campus. Les bâtiments attendront, mais les étudiants aussi, car le programme 231 « vie étudiante» est selon nous – nous n’avons pas les mêmes chiffres que vous – en baisse de 38,7 millions d’euros, alors même que s’aggravent les inégalités d’accès et la dégradation de leurs conditions de vie.

Malheureusement, nous ne pourrons saluer le dixième mois de bourse, que le Président de la République s’est empressé d’annoncer, car il n’est pas financé dans votre budget, madame la ministre : il manque 155 millions d’euros. Comment allez-vous trouver les crédits nécessaires ?

Pour ce qui est du logement, j’ai bien entendu le rapporteur spécial dire que les réhabilitations se portent plutôt bien, mais le plan Anciaux prend du retard année après année. Avec 3 800 constructions nouvelles, nous serons loin des objectifs fixés au terme du plan. Dans le même temps, le coût du logement privé et la quasi-impossibilité pour une grande majorité d’étudiants d’accéder à un logement étudiant contribuent, aussi, à l’échec, en particulier en premier cycle.

Un autre point d’interrogation, sinon d’inquiétude, concerne le passage des emplois liés à la vie étudiante, et particulièrement des enseignants du SUAPS, du programme 231 au programme 150. N’est-ce pas là affaiblir leur spécificité ? Nous aimerions également en savoir davantage sur le sort des postes antérieurement mis à disposition de la FFSU.

Je n’ai pas évoqué les problèmes de statut, ni de revalorisation des enseignants, mais un certain nombre d’interrogations demeurent à ces égards aussi.

Dans le prolongement du rapport de ma collègue Guégot, je voudrais vous entretenir, madame la ministre, des difficultés auxquelles est confrontée aujourd’hui une grande majorité d’IUT, qui seront d’ailleurs devant l’Assemblée nationale demain après-midi. Malgré votre circulaire de début avril, visant selon vos propres termes à préserver une filière de réussite dans le cadre de l’autonomie des universités, tout le réseau des IUT est menacé, ce qui ne laisse pas d’inquiéter les élus locaux, les collectivités et les entreprises dans les territoires. Avec les ponctions financières et les prélèvements de personnel, avec les refus de signature de contrats d’objectifs et de moyens et la centralisation des fonctions et des budgets, tout ce qui a fait la force du réseau des IUT est remis en cause actuellement. Demain, vous rencontrerez les directeurs de ces instituts ; vous le savez, ils demandent un retour au fléchage de leurs moyens financiers et humains pour 2010. Pouvez-vous, madame la ministre, vous engager à afficher les moyens générés par les IUT dans chaque université à partir du mode de répartition de l’allocation de moyens, le SYMPA ? Pouvez-vous vous engager à intégrer les contrats d’objectifs et de moyens dans les contrats d’établissement, de façon à assurer à la fois leur lisibilité, leur existence future et le contrôle de leur application ?

Pour terminer, votre collègue Chatel a indiqué au Sénat, il y a une quinzaine de jours, qu’il souhaitait « proposer une solution pour chaque élève : l’excellence pour les meilleurs et une place dans l’enseignement supérieur pour les autres ». Je m’interroge sur cette formulation, sans doute, malheureuse. En tout état de cause, vos choix budgétaires semblent confirmer que les préoccupations du Gouvernement ne vont pas à l’enseignement supérieur ; c’est pourquoi nous ne voterons pas votre budget.

M. Olivier Jardé. Madame la ministre, je salue l’effort fait pour les étudiants avec une augmentation du coût par étudiant qui sera progressive sur trois ans, avec le plan « Réussir en licence », avec les crédits de « vie étudiante » et le maintien des effectifs.

Une seule chose m’ennuie : les départs massifs d’enseignants des universités dans les années à venir, car le vivier est insuffisant pour les remplacer. Il faudra impérativement s’attaquer à cette difficulté.

J’en viens à un problème plus circonscrit : nous avons voté l’année dernière l’augmentation des plages d’ouverture des bibliothèques universitaires ; or cette mesure, bien que financée, n’est pas toujours appliquée. Que peut-on faire pour y remédier ?

Le Nouveau Centre votera le budget.

M. Jean-Jacques Gaultier. En vous priant d’excuser l’absence de notre collègue Birraux, je donne, au nom du groupe UMP, un avis favorable à ce budget.

M. Daniel Paul. Je vous prie également d’excuser l’absence de Mme Amiable.

Sur l’augmentation annoncée de 1,8 milliard d’euros, seuls 650 millions sont effectivement prévus pour les établissements et les dispositifs de recherche des enseignements supérieurs – et, en fait, pour celui-ci, l’augmentation ne sera que de 376 millions. Or la conférence des présidents d’université, organisme raisonnable s’il en est, a jugé qu’il manquait entre 150 et 200 millions d’euros pour envisager une véritable politique à l’égard des personnels.

Les valorisations, à hauteur de 253 millions d’euros, consistent pour moitié en une hausse mécanique et en l’octroi de primes individualisées, alors que, globalement, les attentes sont tout autres.

Il faut mettre fin aux quelque 30 000 à 50 000 contrats précaires, engager le recrutement massif d’enseignants chercheurs et de BIATOSS et décider enfin de l’augmentation du point d’indice. Les organisations étudiantes préconisent un plan de recrutement de 2 500 enseignants chercheurs et de 2 500 personnels administratifs par an pendant cinq ans. Et en ce qui concerne les attributions, malgré une relative transparence, vous avez fait le choix de financer les universités en fonction, non de leurs besoins, mais de critères de performance : nombre d’étudiants présents aux examens, taux d’insertion professionnelle des étudiants, taux de réussite et nombre de publications de recherche. Vous pénalisez, de fait, les universités qui jouent pleinement leur rôle de service public en accueillant les étudiants les plus défavorisés. Certaines filières pourraient en outre disparaître par manque de financement.

De même, les écarts de dotation entre les filières vont du simple au triple entre l’université la moins bien dotée et l’université la mieux dotée. Les IUT, qui bénéficiaient auparavant d’une dotation, doivent désormais négocier leurs moyens avec la présidence de leur université de rattachement ; or, fin octobre, 59 n’avaient pas obtenu un tel accord. Qu’allez-vous leur proposer ? Allez-vous maintenir les fléchages qui leur ont permis d’élaborer des politiques de la réussite, comme peut en témoigner le président d’IUT que j’ai été pendant quinze ans ?

L’objectif du plan « Réussir en licence » est d’amener 50 % d’une classe d’âge au diplôme de licence, en luttant contre l’échec au cours des premières années. Or, 40 % seulement des universités auraient mis en place des parcours pluridisciplinaires en première année. Certaines – Bordeaux IV, Paris II – détourneraient, nous a-t-on dit, les moyens alloués à ce « plan licence » pour créer des filières d’excellence au profit de leurs meilleurs étudiants de première année. Est-ce la réalité ?

Selon vos données, la dépense annuelle de l’État par étudiant devrait avoir augmenté de 1 710 euros entre 2007 et 2010 pour atteindre 9 511 euros. Mais, si l’on y regarde plus précisément, hors partenariats public-privé, elle sera de 8 377 euros pour un étudiant d’université, contre plus de 13 880 euros pour un étudiant en classe préparatoire aux grandes écoles.

Le dixième mois de bourse, annoncé par le Président de la République, ne figure pas dans votre projet de budget. J’ai compris que vous n’y étiez pas favorable : l’an dernier, vous avez précisé dans l’hémicycle que l’année universitaire dure, non pas dix mois, mais neuf. « Je ne souhaite d’ailleurs pas, avez-vous ajouté, qu’elle dure davantage car il faut que les étudiants puissent l’été partir trois mois en stage ou à l’étranger ». Que déciderez-vous finalement ?

Vous prétendez que les objectifs des plans « Anciaux » sont dépassés cette année. Pourtant, vous prévoyez de ne livrer que 3 639 constructions en 2010. Qu’en est-il de l’objectif de 50 000 nouveaux logements sur dix ans figurant dans le premier rapport ?

Nous sommes très inquiets pour le développement du sport à l’université. Les financements n’apparaissent pas dans le programme « Vie étudiante ». L’an passé, 4,3 millions d'euros étaient pourtant affectés au fonctionnement des services universitaires et interuniversitaires d’activités physiques et sportives. Dans cette discipline, depuis quatre ans, pour trois départs à la retraite, deux postes sont supprimés.

Nous, députés communistes, républicains et membres du parti de gauche, préconisons de porter à 12 000 euros par an et par étudiant l’effort budgétaire public pour l’enseignement supérieur. En l’état, nous ne voterons pas ce budget.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Hénart, depuis une vingtaine d’années, l’équivalence entre travaux pratiques et travaux dirigés faisait l’objet d’une demande récurrente des universités scientifiques. C’est l’une des grandes avancées du nouveau statut. Le coût de cette mesure est estimé à 45 millions d'euros. L’enveloppe, qui sera répartie entre les universités au prorata des étudiant concernés, est incluse dans le modèle d’allocation des moyens.

Ce modèle évoluera. Notre objectif, fondé sur l’équité, la transparence et la valorisation des performances, fera l’objet d’ajustements en 2010 pour mieux prendre en compte la diversité des établissements. Conformément aux propositions des présidents, l’enveloppe dédiée à la licence sera augmentée, et celle consacrée au mastère diminuée. Cette évolution est bénéfique aux instituts universitaires de technologie, et cohérente avec les moyens que l’État consacre depuis 2008 à la réussite en licence. La situation des universités les plus petites – celles qui comptent moins de 11 000 étudiants – sera mieux prise en compte. Les 10 000 premiers étudiants représentent en effet un coût fixe. La pondération des étudiants des IUT et des écoles d’ingénieurs sera relevée. Ces évolutions techniques sont nécessaires pour garantir l’équité du système d’allocation des moyens.

Il n’y aura pas en 2010 de redéploiements d’emplois entre universités. En revanche, la compensation de l’État sera augmentée pour les universités dont les emplois sont moins nombreux que ce que justifieraient leur activité et leurs performances. Ce rééquilibrage est destiné à apporter une réponse à la question de l’efficience, posée par les présidents et certains d’entre vous. La compensation se fera sur la base de 45 000 euros par emploi manquant – c’est le coût moyen d’un emploi de catégorie A. Ces crédits permettront les recrutements dont les universités ont besoin. Les écarts historiques entre universités pourront ainsi être résorbés, sans redéploiements – ils sont terriblement impopulaires, j’ai pu le constater l’an dernier –, en cinq à sept ans ; dès lors que les moyens financiers en seront donnés aux universités, plusieurs milliers d’emplois vacants recensés pourront être pourvus.

Monsieur le rapporteur spécial, la prise en compte de la valeur ajoutée mesurée par rapport à l’étudiant à son entrée dans l’université a le très grand intérêt de permettre d’apprécier la réussite des étudiants en fonction de leur origine socio-économique et de leur retard. Nous avons pleinement repris les recommandations de la Mission d’évaluation et de contrôle à laquelle vous avez participé. Cette donnée est intégrée dans notre modèle depuis 2009. Elle commande  5 % des moyens attribués au titre de la performance dans le volet de formation.

Les moyens consacrés aux partenariats public-privé ne sont pas inclus dans la dépense par étudiant calculée par le ministère. Dans le budget de 2010, 420 millions d'euros d’autorisations d’engagement sont inscrits en faveur de ces PPP. Dans ce cadre, l’effort en faveur de l’immobilier universitaire est inédit. Nous l’avons lancé dès cette année, dans les limites de l’enveloppe dont nous disposions. Nous souhaitons que les moyens dégagés permettent de faire émerger des campus de rang international, offrant des conditions de travail et d’études véritablement attractives. Ils s’ajoutent à ceux des contrats de projets État-régions, dont l’exécution est désormais conforme aux prévisions. À mi-parcours, grâce aux 305 millions d'euros figurant dans le budget 2010, 51 % des crédits prévus auront été engagés. Nous aurons rattrapé en trois rentrées le retard d’engagement de 18 mois constaté en 2007.

L’effort consacré aux PPP n’a pas été obtenu au détriment des moyens de fonctionnement nouveaux  attribués aux universités. Le montant de ceux-ci – 150 millions d'euros en 2009, 138 millions en 2010– est sans comparaison avec ce qu’il était avant 2008 : de l’ordre de 9 millions d'euros par an.

La participation de l’État aux PPP va permettre le lancement d’actions très concrètes : l’opération de Toulouse-Le Mirail, celle des « campus innovants », lancée en 2008, et celle des « campus prometteurs » les plus avancés – Dijon, Le Havre, Valenciennes, Clermont-Ferrand, Nice, Bretagne et Nantes. Ces opérations sont la traduction budgétaire des engagements pris par l’État.

Au titre du plan de relance, l’État a affecté 75 millions d'euros aux études préalables aux contrats de partenariat. Elles sont lancées ; les contrats peuvent être conclus d’ici à la fin de l’année 2010 – le souhait de l’État est qu’il en soit signé le plus grand nombre dans cette période – et la programmation des travaux a déjà commencé.

Les engagements pris par l’État en matière de PPP pour l’immobilier universitaire sont de l’ordre de 900 millions d'euros. Les PPP ne seront pas tous signés en 2010. Les 420 millions d'euros d’autorisations d'engagement permettront de couvrir non seulement les investissements mais aussi la maintenance des bâtiments ; celle-ci, vous le savez, a parfois été négligée par le passé. S’ajoutent donc aux autorisations d’engagement des provisions pour le gros entretien et le renouvellement ; finalement, l’État s’engage sur une valeur totale cumulée de près d’un milliard d'euros.

Des efforts d’investissement et de recherche foncière considérables ont été entrepris pour augmenter massivement la construction et la réhabilitation de logements étudiants. Depuis trois rentrées, nous les accélérons sans cesse. Ils commencent à porter leurs fruits. Cette année, pour la première fois depuis le rapport Anciaux de 2004, nous allons dépasser l’objectif de réhabilitation : nous livrerons 8 400 chambres réhabilitées. Grâce à la combinaison du plan de relance et de l’augmentation massive du budget, nous atteindrons en 2010 l’objectif annuel de construction. En 2009, 3 700 constructions nouvelles ont déjà été réalisées, nous permettant d’achever la livraison des 12 000 chambres nouvelles demandées par le rapport Anciaux. En 2010, non seulement nous livrerons le même volume de chambres, mais, qui plus est et au contraire de 2009, nous le ferons en respectant le rapport demandé entre construction et rénovation. Ce sera le total le plus élevé depuis la parution du rapport.

Je m’emploie à travailler sur l’offre foncière disponible, notamment en région parisienne. Nous innovons : j’ai parlé du logement modulaire, des casernes ; nous développons la colocation dans le parc public. Nous avons ouvert pour cette rentrée 26 nouvelles résidences étudiantes.

Vous avez noté que le budget ne comportait pas les crédits nécessaires au financement du dixième mois de bourse. Dans le contexte économique difficile que vous connaissez, nous voulons favoriser la réussite et l’insertion des étudiants, en portant une attention particulière à ceux d’entre eux qui sont les plus fragiles. C’est tout le sens des mesures en faveur de la jeunesse présentées à Avignon, le 28 septembre dernier, par le Président de la République. Aux termes de son discours, l’attribution du dixième mois de bourse sera fonction de la durée réelle de l’année universitaire. Ainsi, à la rentrée 2010, cette dixième mensualité sera versée aux étudiants pour qui l’année universitaire s’allongera d’un mois.

Je vais organiser une réunion avec les présidents d’universités pour pouvoir disposer d’un diagnostic. Ce dixième mois de bourse devrait concerner principalement les étudiants des classes préparatoires, de BTS, d’IUT et de première année de licence. Avec la mise en place progressive du plan « licence », et la multiplication des stages de pré-rentrée, les étudiants reviennent de plus en plus tôt dans les universités. En revanche, en général, l’année de mastère dure huit mois et demi, de la mi-octobre jusqu’à la fin du mois de mai. Nous reverrons la question si les universités souhaitent allonger l’année universitaire – et je rappelle que la durée des stages imposés par les études y est incluse.

Conformément à la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, Luc Chatel a décidé de transformer en détachements toutes les mises à disposition à titre gratuit de personnels de l’éducation nationale auprès d’associations. Le ministre a précisé que chacune des quelque 35 personnes placées auprès de la Fédération française du sport universitaire serait accompagnée individuellement par le ministère au cas où, ne souhaitant pas être détachée, elle voudrait être candidate à des postes ouverts au sein de l’éducation nationale. Par ailleurs, la subvention versée à cette association sera augmentée pour lui permettre de couvrir les frais supplémentaires qui en résulteront pour elle, et pour assurer sa pérennité. Ce sera également pour nous l’occasion de travailler avec la FFSU à repenser ses missions et sa place dans le développement du sport à l’université.

Nous partageons le même constat, monsieur le rapporteur. J’ai demandé au professeur d’université Gérard Auneau et au grand sportif Stéphane Diagana des propositions pour réorganiser l’offre de sport à l’université et clarifier le rôle des différents acteurs. Les présidents d’université et moi-même travaillons à leur mise en œuvre. La principale d’entre elles consiste en la généralisation de l’obligation d’une offre optionnelle de sport – sans mise en concurrence avec d’autres options – dans toutes les licences. La conférence des présidents d’université prépare une charte en ce sens.

C’est la présentation désormais globalisée du budget qui fait que les 4,3 millions d'euros consacrés au financement des activités sportives à l’université n’apparaissent pas ; ils sont toujours bien présents ! De plus, en 2009, le plan de relance a permis d’affecter près de 15 millions d'euros supplémentaires au financement d’équipements sportifs comme la très belle « Halle des sports » de Saint-Étienne. 

Le rapport Diagana a proposé un « droit sport » obligatoire de 20 euros par an et par étudiant. Attentif au pouvoir d’achat des étudiants – dans le contexte de crise que vous connaissez –, le Gouvernement a décidé de ne pas mettre en œuvre cette proposition et opté pour l’augmentation la plus faible possible des droits d’inscription, soit 2 euros pour la licence. C’est l’augmentation la plus faible depuis cinq ans. La proposition Diagana reste cependant à l’étude pour une période plus faste.

Madame Guégot, la globalisation des dotations aux universités est au cœur de l’autonomie que la loi du 10 août 2007 leur a reconnue. Maintenir dans l’université les fléchages antérieurs, serait-ce au profit des IUT, irait à l’encontre de cet objectif d’autonomie.

Celle-ci a parfois suscité des inquiétudes au sein des IUT. Je sais l’importance de ces instituts pour vos territoires et pour notre système d’enseignement supérieur, dont ils sont des piliers, notamment en matière de professionnalisation. La mise en œuvre de la loi doit valoriser leur personnalité, leur réussite, et ne pas conduire à leur faire quitter les universités. Ils disposent, je le rappelle, d’un budget propre comprenant des éléments aussi essentiels que les ressources qui leur sont directement affectées ou les crédits permettant le paiement des heures complémentaires, décidées au sein de l’université. Autrement dit, un IUT dispose des moyens de mener une véritable politique de formation. Le recteur en charge du contrôle budgétaire et de la légalité est le garant de la bonne mise en œuvre des relations entre l’université et les IUT.

Un dialogue fructueux, mené entre IUT et universités sous l’égide du ministère, a débouché sur une charte. Celle-ci a désormais valeur réglementaire et est intégrée au sein du code de l’éducation. Les universités et les IUT se sont liées par des contrats d’objectifs et de moyens. La moitié de ceux-ci ont été négociés harmonieusement et sont déjà signés.

À ma demande, les présidents d’universités ont accepté de s’engager en 2010, comme ils l’avaient fait en 2009, en faveur de la sanctuarisation des moyens des IUT. Ceux-ci ont vocation, eux aussi, à bénéficier de l’exceptionnelle augmentation de crédits – 20 % en moyenne en 2009 – dont bénéficient les universités. Le nouveau modèle d’allocation des moyens prend déjà en compte le coût plus élevé de la formation des étudiants inscrits en DUT. La pondération des étudiants d’IUT sera encore revue à la hausse en 2010. La référence à la performance en matière de réussite aux examens et d’insertion professionnelle profitera elle aussi à ces établissements.

Dans un très grand nombre de cas, les relations entre IUT et universités sont bonnes. C’est le sens d’une tribune que des présidents d’IUT et d’universités d’Île-de-France m’ont fait parvenir. Dans d’autre cas, l’application sur le terrain des principes qui doivent guider leurs relations est plus difficile. Pour cette raison, mon cabinet et les services du ministère que je dirige reçoivent actuellement chaque président d’université ou directeur d’IUT rencontrant des difficultés particulières à dialoguer. De ces discussions, il ressort chaque fois que des solutions d’accord peuvent être trouvées et qu’il y a en réalité, d’un côté comme de l’autre, méconnaissance des possibilités offertes.

J’ai demandé à la conférence des présidents d’universités de me rendre compte, IUT par IUT, de la tenue des engagements qu’ils ont pris envers moi. Les cinquante premiers résultats sont bons. À quelques exceptions près – nous verrons si elles sont légitimes –, les moyens des IUT ont été stabilisés ou ont augmenté.

A partir du socle absolument stratégique que constituent les IUT, je souhaite, madame Guégot, que s’engage une réflexion globale sur la structuration des filières technologiques dans notre pays : faut-il maintenir des diplômes de niveau bac + 2 ou s’engager dans la généralisation des licences professionnelles ? Nous devons examiner cette question cruciale en lien avec le monde socio-économique et les universités.

Monsieur Deguilhem, il n’y aura en 2010 ni redéploiement d’emplois entre universités, ni suppressions de postes. Voulant apporter une véritable réponse au sous-encadrement, nous allons compenser les emplois manquants. Cette décision pourra aboutir à des recrutements contractuels ou statutaires sur les emplois vacants. Leur nombre se monte à plusieurs milliers ! Notre objectif est de réaliser le rattrapage en cinq à sept ans.

Les crédits de fonctionnement et d’investissement des universités ont progressé de plus de 25 % entre 2008 et 2010. C’est absolument inédit ! Même si du temps sera encore nécessaire pour achever le rattrapage dont elles ont besoin, bien des secteurs du service public aimeraient profiter d’augmentations de 138 millions d'euros de crédits de fonctionnement en 2010.

Selon certains, les marges de manœuvre des universités  sont insuffisantes. Il est vrai qu’une fois écartés les moyens donnés pour des actions ciblées – plan licence, avancées statutaires, paiement égal des heures de travaux dirigés et de travaux pratiques, bonus pour le passage à l’autonomie, enveloppes contractuelles, plan carrières – il ne reste plus de moyens supplémentaires. Cependant, le raisonnement développé à partir d’un tel postulat est inacceptable. Deux millions d'euros – globalisés – attribués à une université au titre du plan licence, c’est autant pour son cœur de métier. Si elle les refuse, qu’elle les rende au ministère ! Considérer qu’une fois les dotations supplémentaires déduites, le budget des universités ne comporte pas de dotations supplémentaires est une tautologie inacceptable. Même si, je le sais, la disparition du fléchage des crédits est une révolution pour une université, c’est désormais la règle. En réalité, les universités disposent, pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés, d’une enveloppe d’un montant inédit. La réussite en licence aurait dû être pour les universités un objectif bien avant que leurs moyens ne soient augmentés par le plan licence ! Le discours selon lequel les moyens des universités n’augmentent pas du fait des nouvelles missions qui leur seraient données est irrecevable.

Toutes les universités qui choisissent l’autonomie reçoivent, dès l’année de ce passage, un bonus de 10 % pour verser des primes à leurs personnels, quel que soit leur statut. C’est une nouvelle politique.

Contrairement à ce qui a été dit, les crédits versés au titre de la vie étudiante ne sont pas réduits, monsieur Deguilhem. Ils sont simplement transférés directement aux universités dans le cadre du budget global. De plus, ils s’accroissent, pour augmenter le montant des bourses ainsi que la dotation du fonds national d’aide d’urgence – qui reçoit 4,5 millions d'euros de plus. Quant aux crédits pour le dixième mois de bourse, qui ne sont pas inscrits dans l’actuel projet de loi de finances, ils viendront en cours d’année.

Il est par ailleurs paradoxal d’entendre les syndicats d’étudiants et d’enseignants expliquer à la fois que le taux de 30 % d’étudiants boursiers en classes préparatoires est dû à l’augmentation du nombre des bourses et que ce nombre n’augmente pas. Si la France compte 60 000 boursiers supplémentaires, c’est bien que les crédits pour les bourses ont été augmentés.

Monsieur Jardé, les départs en retraite offrent d’abord de formidables perspectives de recrutement pour nos jeunes. Ils justifient une politique de recrutement que nous voulons très attractive, avec une augmentation des salaires de début de carrière.

À ce propos, je signale à M. Paul que, depuis les états généraux de la recherche, nous avons recruté 6 000 personnes dans la recherche et l’enseignement supérieur. Il faut y ajouter, depuis 2008, 2 100 supports de monitorat – 700 équivalents temps plein – en faveur des doctorants, au titre du plan licence. Depuis 2005, les moyens en personnel de l’université n’ont jamais été aussi importants. En outre, 93 enseignants-chercheurs ont été recrutés cette année par mobilisation d’emplois vacants.

Lors de ma prise de fonctions, les horaires d’ouverture hebdomadaire des bibliothèques étaient de 57 heures. Ils sont aujourd’hui de 60 heures. Nous devons poursuivre notre effort, de façon à atteindre 65 heures en 2011. Les moyens supplémentaires que nous y affectons chaque année rendront possible l’obtention de ce résultat. Une inspection permettra de vérifier qu’ils y sont bien consacrés.

Monsieur Jean-Jacques Gaultier, je prends acte de votre avis favorable.

Monsieur Daniel Paul, l’objectif principal du plan « Réussir en licence » est de réduire le taux d’échec en première année d’université. Il repose sur le renforcement de l’accompagnement des étudiants et le renouvellement des pratiques pédagogiques. Parmi ses moyens figurent les 700 équivalents temps plein créés à des fins de monitorat que j’ai évoqués. Nous souhaitons aussi rémunérer les étudiants de mastère 2 pour des tâches de tutorat, attribuer des primes aux enseignants référents, et développer l’enseignementdes langues et des nouvelles technologies, y compris par l’embauche de contractuels et de professeurs du second degré – ceux-ci seront rémunérés sous forme d’heures complémentaires. 730 millions d'euros seront consacrés entre 2008 et 2012 à ce plan. Un premier bilan est en cours. À des fins de développement des bonnes pratiques, mes services travaillent actuellement à mettre en exergue les initiatives les plus notables et les réussites des universités. Une mission d’inspection s’y consacre spécifiquement. Au printemps 2010, nous vous proposerons, université par université, une description claire de la mise en œuvre du plan et des résultats obtenus.

M. Étienne Pinte. Dans la suite logique du rapport que j’ai remis au Premier ministre sur le logement social et l’hébergement d’urgence, permettez-moi, madame la ministre, de revenir sur le logement étudiant.

Je mesure bien les efforts que vous avez déployés pour développer l’offre en la matière, mais, alors que 550 000 de nos deux millions d’étudiants sont des boursiers, les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ne disposent que de 163 000 places pour les accueillir. En 2003, 50 000 nouvelles places en cinq ans avaient été promises ; 15 000 seulement ont été réalisées. Même en y ajoutant les résultats de vos premiers efforts, en particulier la réhabilitation de 8 400 chambres, le total est insuffisant pour rattraper le considérable retard de la France.

N’hésitez pas, madame la ministre, à solliciter la participation des collectivités locales et des bailleurs sociaux pour la construction de logements pour étudiants. J’ai procédé ainsi lorsque j’étais maire de Versailles.

D’autre part, pourquoi le Gouvernement n’inciterait-il pas plus vigoureusement les préfets à réquisitionner des immeubles vacants depuis très longtemps, parfois depuis 40 ans comme cet immeuble situé  place des Vosges, qui occupe l’actualité ? Aujourd’hui, des étudiants, exploités par des marchands de sommeil, logent dans des caves. D’autres, en particulier des jeunes femmes, se prostituent pour bénéficier de logements à bon marché.

L’annonce de la suppression de nombreuses chambres dans la cité universitaire d’Antony suscite beaucoup d’inquiétudes ; pouvez-vous nous préciser ce qu’il en est ?

Je vous félicite d’avoir transformé, après treize années d’atermoiements, et de négociations difficiles – avec des responsables publics ! – les anciens bâtiments de l’école normale supérieure de Fontenay-aux-Roses en logements pour étudiants.

J’approuve également votre politique de transformation de casernes rendues libres, à condition bien sûr que leur réhabilitation ne soit pas trop dispendieuse par rapport à l’implantation de logements modulaires. Je ne comprends du reste pas pourquoi nous n’avons pas recours à ce type de logements, très utilisés dans les pays nordiques et aux Pays-Bas. Ils sont peu coûteux, très rapidement réalisables et tout à fait adaptés aux besoins des étudiants. Madame la ministre, il y a urgence !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous savez que le logement étudiant est un sujet qui me tient beaucoup à cœur. Nous avons considérablement accéléré les efforts depuis trois ans : un total de 30 000 places a été livré à la rentrée dernière dans le cadre de programmes de rénovation et réhabilitation, ce qui constitue un effort sans précédent. À cela s’ajouteront 12 000 unités supplémentaires l’année prochaine, ce qui porte le nombre des places supplémentaires à 42 000 places en quatre rentrées. Nous n’aurons jamais été aussi vite.

Dès lors que leur gestion n’est pas assurée par le CROUS, les logements construits par les bailleurs sociaux et les collectivités locales ne sont pas comptabilisés dans les statistiques du logement étudiant, ce qui fausse gravement les perspectives. Le pilotage de la politique du logement étudiant souffre naturellement de cette défaillance de notre tableau de bord.

Chacun sait que nous gagnerions beaucoup à associer davantage les collectivités locales, notamment là où il existe des pénuries. Lorsque j’étais députée de la circonscription de Versailles, nous sommes ainsi parvenus à construire 500 logements supplémentaires à Vélizy et à Voisins-le-Bretonneux en encourageant les élus à construire des logements étudiants avec l’intervention des bailleurs sociaux dans le cadre de la loi SRU. Certains élus ne sachant pas que les logements étudiants peuvent être pris en compte pour l’application du quota de logements sociaux prévu par la loi SRU, je compte améliorer l’information dans ce domaine.

Nous avons de très bons retours en ce qui concerne les opérations de réhabilitation de casernes : elles sont aisées et peu coûteuses à réaliser, car les militaires entretiennent bien leur patrimoine. Ce type d’opération est globalement une bonne affaire pour le ministère.

Je suis très favorable au développement des logements modulaires. L’idée de loger des étudiants dans des containers s’est d’abord heurtée à un certain nombre de réticences psychologiques et culturelles, mais nous avons réalisé un premier projet au Havre, ville portuaire, et nous avons maintenant des demandes en région parisienne. Je rappelle que ce type de solution a permis de réaliser aux Pays-Bas des logements très confortables, très pratiques et tout à fait adaptés. On peut construire de la sorte des logements deux fois plus grands, deux fois moins chers et deux fois plus rapidement.

J’ajoute que j’ai lancé un partenariat avec les chantiers Bénéteau pour construire des logements modulaires en bois sur le modèle estonien, comme nous l’avons déjà fait à Compiègne. Le résultat est certes un peu spartiate, mais très beau et très écologique. Je suis également parvenue à débloquer un certain nombre d’autres projets encalminés depuis des années, notamment à Fontenay-aux-Roses, à Bobigny et à Bures-sur-Yvette.

La réquisition des logements vacants ne dépend pas de moi. C’est à la représentation nationale de prendre ses responsabilités dans ce domaine.

Dès mon entrée en fonctions, les associations étudiantes m’ont alertée sur la vétusté de la cité universitaire d’Antony, généralement considérée comme une honte pour la République. La commission de sécurité a conclu qu’on ne pouvait plus louer le bâtiment C, qui n’était plus aux normes – il est notamment trop vétuste et amianté. J’ai pu constater sur place, en compagnie de Patrick Devedjian, que les chambres étaient effectivement dans un état de délabrement inouï et posaient des problèmes de sécurité.

Même si tous les goûts sont dans la nature, force est de constater, par ailleurs, que la conception des bâtiments, repliés sur eux-mêmes, va à l’encontre de notre politique de développement de campus ouverts sur la ville et qu’il est aberrant, d’un point de vue architectural, de tourner le dos au parc de Sceaux, situé juste à côté. Je ne suis pas la seule de cet avis, car un bâtiment a déjà été détruit dans les années 1980 à la demande expresse de François Mitterrand, qui s’était étonné de la présence d’une telle verrue.

Eu égard au caractère politiquement sensible de ce doosier, cette résidence ayant notamment hébergé d’illustres responsables du parti socialiste tels que Lionel Jospin, Claude Allègre et Jean-Paul Huchon, et surtout considérant la pénurie aiguë de logements en Ile-de-France, j’ai demandé des garanties avant le transfert de propriété des locaux, qui est de droit en application de la loi du 13 août 2004. Le président du conseil général des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, a pris l’engagement de construire 3 000 nouveaux logements nets au cours de son mandat et de construire 1,2 logement avant la destruction de toute place dans la résidence universitaire d’Antony.

Il faut également être conscient que les 800 logements qui doivent être détruits ne pouvaient plus être loués à cause de leur vétusté. Dans l’immédiat, d’autres logements du CROUS ont été attribué à tous les occupants concernés. Les locaux actuels seront ensuite remplacés par 1 500 logements neufs pour lesquels des financements ont déjà été réunis.

Au total, la construction de 1 000 chambres a été lancée dans le seul département des Hauts-de-Seine, celle de 800 autres est financée et 250 ont été livrées à la rentrée. La superficie de ces chambres est comprise entre 14 et 18 mètres carrés, contre seulement 10 mètres carrés à Antony, où les toilettes sont au fond du couloir. Il n’est donc pas question de supprimer des logements pour les étudiants dans les Hauts-de-Seine, mais au contraire d’héberger ces étaudiants dans des conditions plus dignes.

Mme Marietta Karamanli. Quelques observations générales pour commencer : le rapport de M. Hénart n’était pas disponible ce matin sur le site internet de l’Assemblée. J’observe, en outre, que le programme annuel de performances n’apporte guère d’indications précises concernant la répartition et la variation des crédits sur lesquels nous devons nous prononcer. En l’absence de renseignements clairs sur les changements de périmètre, il nous est bien difficile d’apprécier l’évolution réelle des crédits.

Peut-être nous direz-vous que les députés ne sont pas à votre niveau, madame la ministre, ou que les syndicats de l’enseignement supérieur sont de mauvaise foi, mais il faut tout de même avouer que la présentation de ce budget a suscité bien des interrogations. Nous n’approuvons pas les orientations retenues pour le programme « Concours de l’État aux collectivités territoriales », qui dépend du ministère de l’intérieur, mais il existe au moins un consensus sur les chiffres, ce qui n’est pas le cas pour votre ministère.

Pour la sérénité de nos débats, il serait bon que nous disposions de documents plus nombreux, plus clairs et présentés en temps utile. Il me semble en particulier qu’un tableau d’ensemble nous aurait permis de mieux appréhender les évolutions d’un exercice à l’autre.

En procédant par recoupements, nous avons cru comprendre que le total des crédits affectés aux mesures nationales en faveur du personnel s’élevait à 182,7 millions d’euros. J’aimerais savoir quel montant exact est consacré aux mesures de revalorisation des enseignants du supérieur, aux effets du GVT, le « glissement vieillesse technicité », et aux créations de postes.

Les organisations syndicales s’inquiètent, en outre, des effets qui pourraient résulter de l’absence d’actualisation des moyens transférés aux universités devenues autonomes. Quelles précisions pouvez-vous nous apporter à ce sujet ?

J’aimerais également avoir quelques précisions sur les partenariats public-privé, dont le montant devrait être de 420 millions d’euros l’année prochaine, dont 170 millions au titre des reports de 2009 à 2010. Je rappelle que le Premier président de la Cour des comptes s’est interrogé devant la Commission des lois sur la pertinence de ce système pour la réalisation des missions régaliennes de l’État : le coût final est plus aléatoire et sans doute plus élevé pour les finances publiques que celui d’opérations plus classiques, ne comportant pas de rémunération des acteurs privés sur le long terme. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?

Pour les raisons que je viens d’indiquer, il nous est difficile de faire la part entre les évolutions pérennes et les évolutions ponctuelles des moyens. Je m’interroge en particulier sur les crédits de paiement alloués aux universités. Ils devraient augmenter de 2,9 %, mais leur hausse ne dépasse pas en réalité 1,5 ou 1,7 % si l’on déduit l’inflation. Avouez que c’est peu pour un sujet dont le Gouvernement prétend faire une priorité.

J’aimerais, en outre, que vous nous présentiez en parallèle l’évolution du nombre d’étudiants et celle des crédits. Il nous a semblé que le nouveau système d’allocation des moyens ne prenait pas en considération la question du taux d’encadrement ni le nombre des étudiants boursiers.

Si l’on rapporte les crédits consacrés à la lutte contre l’échec scolaire – 170 millions d’euros en 2010 – au nombre d’étudiants estimé sur la base de l’année 2007 – soit 291 000 environ –, on obtient seulement 584 euros par étudiant. Pouvez-vous confirmer ce chiffre ?

De façon plus générale, les crédits consacrés à chaque étudiant en cycle universitaire – 8 970 euros, montant auquel il faut retrancher 3 000 euros au titre des dépenses de recherche – sont très inférieurs à ceux dont bénéficient les élèves des classes préparatoires et les sections de techniciens supérieurs – 14 000 euros. Comptez-vous assurer une convergence ? Comment y parvenir ?

M. le président Didier Migaud. Je rappelle que les rapports ne sont définitifs qu’après la réunion de la commission. En revanche, il est vrai que les travaux des rapporteurs spéciaux ne sont pas toujours portés à la connaissance de tous en temps voulu, car nous travaillons en flux tendus en cette période budgétaire. Nous essayons de remédier à cette difficulté dont nous sommes bien conscients.

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial. Pour sa part, la commission tente de fournir une réponse à toutes les questions qui lui sont adressées au préalable. Le ministère ayant répondu à quasiment toutes les questionnaires budgétaires que nous avons envoyés, nous avons pu réaliser un rapport très complet.

Je vous invite à consulter le tableau figurant à la page 9 du projet de rapport, qui est à votre disposition dans la salle. Vous y trouverez tous les éléments d’information concernant les personnels, notamment les droits à pension, les mesures salariales et le GVT.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je note que les avis divergent : contrairement à vous, madame Karamanli, le président Migaud m’a félicité pour la clarté de mon Powerpoint. Je vous y renvoie, vous y verrez que, comme il n’y aura pas en 2010 de créations d’emplois dans le périmètre relevant de mon ministère, les crédits auxquels vous avez fait référence iront intégralement à la revalorisation des carrières : 130 millions d’euros sont prévus pour les droits à pension, 55,4 millions pour le chantier « carrières » proprement dit, 52,1 millions pour les hausses de salaires, 14 millions pour la pérennisation des 45 000 euros de compensation pour les emplois non remplacés et 12 millions pour le bonus accordé aux universités autonomes. Vous le voyez, nous avons essayé de porter à votre connaissance tous les éléments utiles.

Le modèle d’allocation des moyens prend naturellement en compte le nombre d’étudiants boursiers – la réussite des publics les plus fragiles importe pour l’évaluation de la performance des universités – et le taux d’encadrement, qui fait l’objet d’un rééquilibrage.

Pour le reste, j’ai du mal à comprendre les chiffres que vous avez cités. Je ne sais pas à quoi correspondent les 3 000 euros que vous voulez retrancher au titre de la recherche aux 8 900 euros de dépense moyenne par étudiant, ni le chiffre de 14 000 euros par étudiant en classes préparatoires – M. Paul évoquait tout à l’heure un montant de 13 000 euros.

M. Daniel Paul. 13 880 euros.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il faut en finir avec les fantasmes concernant les classes préparatoires. Pour mesurer précisément les efforts, il faut être conscient de la diversité, de nature comme de montant, des crédits. Aux sommes versées par l’État s’ajoutent en effet des montants correspondant à des contrats passés avec les entreprises, à des actions de mécénat, à des crédits versés par les régions et par les chambres de commerce et d’industrie, ainsi que les frais d’inscription. À périmètre constant, la dépense moyenne de l’État par étudiant passera de 7 801 euros en 2007 à 9 511 euros en 2010. Nous nous rapprochons donc de la dépense moyenne par lycéen, et nous comptons aller très vite au-delà. C’est en effet une honte que notre République finance moins généreusement les lycéens que les étudiants.

Mme Marietta Karamanli. Les 3 000 euros que je citais correspondent aux crédits qui sont en réalité affectés à la recherche.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cela n’a pas de sens : les crédits pour la recherche sont imputés sur une autre enveloppe budgétaire. La dépense moyenne de l’État que je citais inclut, en revanche, tous les crédits mobilisés en faveur des étudiants, à l’exclusion des PPP.

Mme Marietta Karamanli. Il y a eu des changements de périmètre.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pas du tout, si l’on veut bien faire exception des crédits alloués à la vie étudiante. Les chiffres présentés par le rapporteur sont à périmètre constant…

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial. … depuis que nous appliquons la LOLF.

M. François Scellier. Je comptais vous interroger sur le logement étudiant et sur les relations entre les IUT et les universités de rattachement, mais vous avez déjà apporté des réponses précises à ces questions.

Notre collègue Robert Lecou, qui n’a pas pu se joindre à cause d’un problème de transport, m’a chargé de vous demander des précisions sur l’application du plan Campus dans l’université de Montpellier. Pour ma part, j’aimerais savoir de quelles mesures l’université de Cergy, qui ne jouit pas de ce label, pourrait bénéficier.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’université de Cergy, de taille limitée, mais très dynamique, est classée « campus innovant ». Elle recevra 20 millions d’euros pour réaliser deux projets, l’un en faveur de l’excellence universitaire, l’autre de l’égalité des chances : il s’agit de créer un institut pour l’accueil des chercheurs internationaux et de favoriser l’accès aux études universitaires de jeunes n’ayant pas le baccalauréat ou ayant échoué à l’issue de la première année.

Vous pourrez dire à M. Lecou, qui s’est beaucoup mobilisé en faveur du campus de Montpellier, que le dossier avance bien. Il s’agit en effet d’un véritable campus au cœur de la ville. Une dotation en capital de 325 millions d’euros permettra de financer plus de 140 millions d’euros d’investissements. J’ajoute que la région s’est engagée à apporter la moitié de cette dotation en capital.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je dois vous féliciter pour votre pugnacité, madame la ministre, mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec vos chiffres. Le 23 septembre dernier, vous déclariez que la dépense moyenne de l’État pour chaque étudiant allait passer de 7 200 euros en 2007 à 9 200 euros l’année prochaine, ce qui ne correspond pas aux chiffres que vous donnez aujourd’hui.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il arrive que l’on se trompe. Mea maxima culpa.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je ne parviens pas non plus à comprendre comment vous en arrivez aux chiffres actuels en vous appuyant sur les documents à notre disposition. Il faudra que vous nous indiquiez la règle du jeu avant la présentation du budget. Sans cela, quel contrôle pouvons-nous exercer ? Comment mesurer l’effort réellement consenti en faveur des premiers cycles et du plan « licence » que vous avez évoqué ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous avez raison, nous vous fournirons la méthodologie.

M. Jean-Yves Le Déaut. On a l’impression que vous jouez avec les chiffres. Le Président de la République s’était engagé sur un montant d’un milliard par an, PPP compris. Or, vous venez d’indiquer qu’on ne pouvait pas considérer ces opérations comme des dépenses tant que les contrats n’étaient pas signés. Il y a donc une contradiction.

La conférence des présidents d’université nous a indiqué qu’un tiers seulement du milliard prévu était effectivement disponible cette année – 376 millions d’euros pour être précis, contre 792 millions d’euros l’an dernier. Cela fait une différence considérable !

Le « bleu » budgétaire fait état d’une augmentation de 379 euros des crédits alloués par étudiant en 2010. Or, si l’on multiplie ce chiffre par le nombre d’étudiants, estimé à 1 252 000, on arrive à 474 millions d’euros. Où les avez-vous trouvés ? Vous n’avez que 376 millions de crédits budgétaires à votre disposition.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Toutes les écoles du supérieur, notamment celles qui appartiennent au secteur privé, ne sont pas sous la tutelle du ministère. Votre calcul est donc erroné : nous ne finançons même pas un million d’étudiants.

Cette situation ne facilitant pas le rapprochement avec les universités, je ne demande pas mieux que d’exercer une tutelle sur l’ensemble des écoles. J’ai d’ailleurs proposé à Polytechnique, qui souhaite délivrer des diplômes nationaux, de passer sous double tutelle.

M. Jean-Yves Le Déaut. Ce sont seulement 13 % des cinq milliards d’euros de crédits prévus pour le plan Campus qui iront aux universités de Lille, de Valenciennes, d’Amiens, de l’Artois, de Rouen, Caen, Rennes, Brest, Lorient, La Rochelle, Nantes, Poitiers, Tours, Dijon, Besançon, Metz, Strasbourg, Nancy, Troyes, Reims, Mulhouse et le Mans. Et la proportion ne dépasse pas 6,5 % si l’on ôte Strasbourg de la liste. Chacun peut constater que les crédits ne bénéficient quasiment qu’à quelques villes du Sud et à Paris. Ce n’est pas de cette façon que vous aiderez les universités françaises à entrer dans le XXIe siècle !

Ma dernière question porte sur le gel des crédits, qui s’élevait à 450 millions d’euros l’an dernier. Quel niveau atteindra-t-on en 2010 ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Comme je l’ai indiqué, les arbitrages ministériels rendus ce matin nous ont réservé de bonnes surprises : le projet de loi de finances rectificative sera très favorable à l’Université. Il n’y aura quasiment pas de gel dans le périmètre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Je ne peux pas accepter ce que vous dites à propos du plan Campus.

Tout d’abord, si toutes les universités ne reçoivent pas les mêmes crédits, c’est que nous partons de situations immobilières très différentes. Les plans U3M et U2000 ayant surtout bénéficié aux IUT et aux petites universités pluridisciplinaires, il est normal que les grandes métropoles régionales et Paris intra muros disposent maintenant de crédits supplémentaires. Elles n’ont pas pu construire de locaux neufs, contrairement à d’autres. Au lieu de saupoudrer les moyens, nous avons choisi de les affecter là où il y a des problèmes de vétusté et là où il existe des projets. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas de péréquation territoriale.

Je rappelle enfin que le montant du plan Campus est égal au cumul des plans U2000 et U3M, respectivement lancés par Lionel Jospin et par Claude Allègre. Ils apprécieront certainement vos propos sur l’entrée dans le XXIe siècle. Nous allons deux fois plus vite qu’eux !

Par ailleurs, les présidents d’université prétendent que les partenariats public-privé sont trop nombreux, mais ils seront contents de trouver par ce moyen des crédits pour rénover leurs campus ! Ces 420 millions d’euros existent bien, et vont permettre de rénover les campus des universités qui en ont dramatiquement besoin. Vous le savez bien d’ailleurs, monsieur Le Déaut, puisque vous vous êtes battu, comme M. Rossinot, pour obtenir que le campus lorrain en bénéficie.

M. Jean-Yves Le Déaut. Les présidents d’université ont simplement dit qu’ils avaient moins de crédits budgétaires que l’an passé.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est faux ! Certes, l’augmentation des crédits sera en 2010 inférieure de 12 millions à celle de 2009, mais ils avaient alors augmenté de 20 % !

M. Jean-Yves Le Déaut. Une ville du sud de la France reçoit 475 millions tandis qu’une autre, dont les besoins en matière de rénovation sont identiques, ne reçoit que 110 millions : je considère que la commission qui a fait cette répartition n’a pas bien fait son travail.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est un jury international qui a évalué le potentiel scientifique des campus. Nancy, dont le projet était très intéressant, est arrivée à la douzième place. La ville n’a pas encore la visibilité scientifique de Grenoble, mais cela viendra, j’en suis persuadée, compte tenu du dynamisme du pôle lorrain.

M. Jacques Grosperrin. Je trouve nos amis socialistes un peu durs avec vous, madame la ministre. La politique que vous menez depuis deux ans est exceptionnelle, et les universitaires l’attendaient depuis longtemps.

Je voudrais néanmoins faire trois remarques. En ce qui concerne les IUT, une charte de bonne conduite a été adoptée. Vous souhaitiez que les acteurs trouvent un compromis à partir de la circulaire de mars 2009, mais à ce jour, la Conférence des présidents d’université refuse d’en appliquer une partie.

Depuis plusieurs mois, le président et le directeur de l’IUT demandent audience au président de l’université de Franche-Comté, mais ils n’ont toujours pas reçu de réponse. Il y a deux ans, madame la ministre, vous aviez proposé que le président de l’université ne soit pas un enseignant-chercheur. Si, dans le cas présent, il n’avait pas été enseignant-chercheur, nous aurions peut-être réglé bien des problèmes. Sur cette question, je partageais la position de Claude Goasguen, et je le regrette profondément aujourd’hui.

La taxe d’apprentissage pose des problèmes aux IUT. Par ailleurs, ils délivrent un diplôme national, ce qui peut aussi poser un problème d’équité. Nous attendons du Gouvernement qu’il intervienne par voie réglementaire, mais puisque nous avons voté l’autonomie des universités, il nous est difficile de revenir à une certaine dépendance.

Le nombre d’étudiants en STAPS – Sciences et techniques des activités physiques et sportives – ayant baissé dans les universités, les besoins en enseignants sont moindres. Pourquoi ne pas rapprocher les SUAPS – Services universitaires des activités physiques et sportives – et les STAPS, et créer un corps unique pour permettre aux enseignants en SUAPS de venir enseigner en STAPS, et inversement ?

Les comités régionaux sportifs universitaires – CRSU – dépendent de la Fédération française des sports universitaires, mais en raison de leur forme associative, il existe un véritable vide juridique. Je connais des enseignants de STAPS, devenus directeurs de CRSU, qui ne savent pas s’ils seront payés par l’université ou par la FFSU. Doivent-ils rester à leur poste ou retourner à l’université, leur corps d’origine ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’invite le président de l’université et celui de l’IUT de Franche-Comté à venir me voir. Je proposerai demain à la DIUT de généraliser ce que nous avons mis en place et qui fonctionne très bien : l’entretien de conciliation avec la Direction générale de l’enseignement supérieur. Ces entretiens nous montrent la désinformation qui existe à tous les niveaux. La taxe d’apprentissage n’est pas un problème, puisque selon la nouvelle circulaire, les IUT la perçoivent directement. Il y a de la peur du côté des IUT, et de la méconnaissance du côté des présidents d’université. Je les invite à se rencontrer, sous l’égide de mon ministère. Si 50 % des contrats d’objectifs ont été signés, c’est que l’on a pu triompher ainsi des incompréhensions mutuelles. L’État peut jouer le rôle de médiateur.

Faire des STAPS et des SUAPS un corps unique, pourquoi pas, mais il y a déjà suffisamment de changements au sein de l’université française sans que l’on y ajoute une telle fusion. Quant aux CRSU, nous devrions reprendre sur notre masse salariale les enseignants de la FFSU, mais je préfère répondre par écrit à votre question précise.

Mme Geneviève Fioraso. J’admire, madame la ministre, la facilité avec laquelle vous jonglez avec l’assiette de votre budget ! L’an dernier, lorsque j’ai dit que le budget était gonflé par des arriérés d’impayés de retraite, on m’a répondu que c’était faux. Il est satisfaisant d’avoir raison un an après…

Grenoble ne reçoit pas 475 millions d’euros en dotations en capital, mais 400 millions d’euros. Une dotation en capital, ce n’est pas une subvention - l’équivalent, sous forme de subvention, représentant 180 à 190 millions d’euros. Sur ce point, les annonces sont très ambiguës. Il était prévu un euro régional pour un euro national, or nous en sommes à deux euros régionaux pour un euro national.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. La région Rhône-Alpes contribue à hauteur de 85 millions d’euros !

Mme Geneviève Fioraso. Les autres collectivités également. Les Équipements européens ne sont que pour 25 % français, et nous avons beaucoup d’autres dotations.

Les nouvelles missions des universités sont diverses : plans campus, recherche de partenariats avec le privé, montage de projets partenariaux dans le cadre des pôles de compétitivité – les clusters – avec d’autres universités en Europe, mise en place de fondations, missions de valorisation, mais également insertion professionnelle et orientation des étudiants. Ces missions complexes exigent des compétences en matière d’ingénierie financière, de management, de conduite de projets, de connaissance du tissu économique et industriel, d’aménagement d’urbanisme opérationnel. Or les cadres A qui pourraient mener à bien ces missions n’existent pas à l’université. Comment allez-vous aider les universités à les embaucher, faute de quoi elles ne pourront mener à bien toutes ces missions ?

La désaffection des jeunes pour les formations scientifiques a un impact négatif sur notre économie, mais rien n’est prévu dans votre budget pour décloisonner les disciplines. Dans certains pays, il est possible de mener frontalement un mastère en arts plastiques et un mastère en physique, mais ce n’est pas le cas en France. Lorsque vous avez présenté vos propositions pour le grand emprunt, vous avez insisté sur les sciences humaines et sociales, mais une seule personne, sur la trentaine de celles qui avaient été sollicitées pour les tables rondes, venait de ce secteur. Si nous voulons favoriser les vocations, nous devons rapprocher les sciences humaines et sociales des sciences dites dures.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le compte d’affectation spéciale Pensions ne correspond pas à un arriéré de retraites non payées, mais à la cotisation, inscrite dans le budget annuel de l’université, destinée à payer les retraites des salariés. Les personnels statutaires paient une cotisation supplémentaire, mais ils sont sûrs de percevoir un jour leur retraite. Il était nécessaire de franchir ce cap, en satisfaisant à une obligation légale, car il n’était pas question, en baissant le niveau des cotisations retraite, de sacrifier les retraites des fonctionnaires.

Mme Geneviève Fioraso. C’était pourtant mentionné comme tel par des organismes comme l’INRIA !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ces organismes souhaitaient que leurs crédits apparaissent hors CAS Pensions, ce que nous avons fait cette année.

Le fait de proposer aux cadres des contrats à durée indéterminée facilitera leur recrutement. Les universités autonomes recevront 10 % de bonification de l’enveloppe de primes, soit environ 700 000 euros. L’université Paris VI percevra 800 000 euros, ce qui lui permettra de procéder à un certain nombre de recrutements. À cela s’ajoutent la compensation des emplois vacants, qui se monte à 45 000 euros par emploi, et la pérennisation de la compensation des emplois supprimés l’année dernière, du même montant. Les universités auront donc les moyens de recruter les cadres dont elles auront besoin – la difficulté pour elle étant plutôt de trouver des personnes qualifiées.

S’agissant du décloisonnement des disciplines, je partage tout à fait votre avis. D’ailleurs, vous en conviendrez, c’est moi qui ai mis en place les pôles de recherche de l’enseignement supérieur. Mais reconnaissez que dans une ville comme Grenoble, il n’est pas simple de rapprocher sciences humaines et sciences dures…

M. Yves Censi. Avec trois de mes collègues, dont Jean-Pierre Gorges ici présent, j’ai déposé un amendement relatif aux établissements de l’enseignement supérieur privé associatif reconnus par l’État. Ces établissements, qui accueillent 2,5 % des étudiants mais dispensent 10 % des diplômes de l’enseignement supérieur, reçoivent des étudiants issus de tous les milieux sociaux et dont la seule ambition est de réussir.

Vous avez, madame la ministre, engagé une vaste concertation pour les inciter à s’engager dans la voie de la contractualisation, et la ligne consacrée dans le projet de budget 2010 à l’enseignement supérieur privé associatif est en augmentation de 4,5 milliards d’euros par rapport à l’année dernière. L’utilité et l’excellence de ces établissements doivent être reconnues. Pourtant, entre 2007 et 2009, la dépense moyenne par étudiant a augmenté de 1 320 euros, contre 40 euros dans les établissements privés sous contrat. Cet écart pourrait être réduit.

Certes, ces établissements ne sont pas véritablement sous la tutelle de votre ministère, mais il vous est toutefois possible de mener avec eux des expérimentations, des partenariats, des échanges de bonnes pratiques pour qu’ils occupent une place comparable à celle des universités publiques, pour ne pas en écarter les étudiants venant de milieux défavorisés.

Vous avez beaucoup fait pour la contractualisation. Celle-ci comprend deux volets : celui des devoirs et des charges, qui incombent aux établissements, et celui du financement, qui relève de l’État. Ce financement apparaît insuffisant pour l’année 2010, mais il devrait s’accompagner, dans la convention pluriannuelle, de certaines garanties. Pouvez-vous d’ores et déjà nous préciser ces garanties, sachant que les besoins de financement de ces établissements pourraient s’élever à 150 millions d’euros ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. 2010 sera une année importante pour les établissements d’enseignement supérieur privé associatif, qui attendent la contractualisation depuis une promesse que leur avait faite Jack Lang en 1992. Cette démarche, qui engage fortement l’État, sera mise en place en 2010 – à l’heure actuelle, seuls deux établissements en bénéficient : l’ENSAM et SUPELEC. Ce doit être une démarche gagnant-gagnant, c’est pourquoi nous tenons à avoir un droit de regard sur la qualité de la formation dispensée dans ces établissements. Nous souhaitons donc leur étendre les procédures d’évaluation en vigueur à l’université, notamment pour mesurer la qualité de leur formation, les résultats de leurs recherches et la réalité de leur partenariat avec les universités, cette démarche s’accompagnant de moyens financiers nouveaux.

Nous avons beaucoup travaillé avec les fédérations. À leur demande, je me suis engagée à accepter la contractualisation avec tous les établissements qui en feront la demande, et pas seulement avec les meilleurs d’entre eux. À terme, nous avons décidé que les financements seraient modulés en fonction de la qualité de l’enseignement et de la recherche, sur la base d’une évaluation de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement.

S’agissant des moyens, l’État est au rendez-vous, et plus encore. En 2009, les moyens de ces établissements – qui avaient déjà augmenté de 2,6 millions par rapport à 2008 – s’élevaient à 62 millions d’euros de subventions, s’ajoutant aux 14 millions d’euros qui ont pu être dégagés en 2008 parce qu’ils étaient exonérés de taxes sur les salaires. En deux ans, leurs subventions ont augmenté de 23 % !

En 2010, leurs moyens seront encore plus importants. À ses 4,5 millions d’euros de budget – contre 2,6 millions l’année dernière –, afin d’enclencher le processus de contractualisation, mon ministère ajoutera 2 millions d’ici à la fin de l’année. À ces 6,5 millions s’ajouteront encore les 7 millions d’euros provenant du budget du secrétaire d’État à l’emploi, au titre de l’insertion et de la formation professionnelles, aux termes d’un amendement voté au Sénat dans la loi relative à la formation professionnelle.

En 2010, les établissements d’enseignement supérieur privé verront donc leur budget augmenter de 24 %. L’État fait donc un geste très significatif pour accompagner la démarche de contractualisation.

J’en ai pris l’engagement auprès de ces établissements, les nouvelles offres de formation des maîtres seront financées. Elles le seront à hauteur de 10 millions d’euros, pris sur le budget de l’éducation nationale.

Vous proposez dans votre amendement d’amputer les crédits de la recherche publique pour abonder les établissements d’enseignement supérieur privé. Pour ma part, je pense qu’il n’est pas souhaitable de priver un secteur en pleine réforme, dont les crédits augmentent de 2,5 %, pour abonder un secteur dont le budget, lui, augmente de 24 %.

M. Yves Censi. Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous proposons de déplacer les crédits de la recherche publique vers une autre ligne budgétaire. Vous avez amélioré la situation et je vous en rends hommage, mais nous partions de très bas. Les progressions dont vous avez fait état sont certes notables, mais l’écart reste considérable. Peut-on, dans le cadre de la contractualisation, espérer des engagements pluriannuels ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les budgets sont certes très différents, mais l’enseignement privé sélectionne ses élèves, d’une part, et perçoit des frais d’inscription, d’autre part : deux possibilités refusées aux établissements publics.

M. Yves Censi. Gardons-nous de les dresser les uns contre les autres !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est également ma préoccupation. C’est la raison pour laquelle une partie des crédits est financée sur le budget de la formation professionnelle, et non sur celui des universités publiques.

La contractualisation est un processus qui se met en place de manière pluriannuelle. Cette enveloppe est destinée aux universités qui contractualiseront cette année, elle sera suivie d’autres enveloppes pour les années suivantes.

Mme Annick Girardin. Je souhaite vous faire part de la préoccupation de Mme Chantal Berthelot, députée de Guyane. Les crédits « Recherche et enseignement supérieur » s’élèvent en Guyane à 97 millions. Or, il semble que plus de 76 millions correspondent à l’action « Recherche spatiale »… Confirmez-vous cette répartition ? Comment expliquez-vous une telle confusion ?

M. le président Didier Migaud. Pour le calcul des bourses, on tient compte de l’éloignement entre le domicile et l’université. Or, pour un certain nombre de communes de montagne, la distance est mesurée à vol d’oiseau, ce qui donne des résultats « particuliers » dans un département comme l’Isère. Il faut mettre fin à une telle aberration.

Vous aviez pris, madame la ministre, un certain nombre de dispositions pour améliorer ce calcul, mais elles ne semblent pas parvenues jusqu’aux rectorats… Nous souhaitons que les distances soient désormais calculées en fonction des routes.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le dossier suit son cours. J’ai personnellement saisi le recteur, car il est évident, en effet, qu’il y a là une aberration. Cela dit, les recteurs d’Ile-de-France pourront demain me demander de tenir compte des embouteillages…

Concernant les crédits de l’enseignement en Guyane, je ne suis pas en mesure de vous répondre, madame la députée. Ayez l’obligeance de dire à Mme Berthelot que je lui adresserai une réponse écrite.

M. le président Didier Migaud. Nous avons consacré cinq heures aux crédits de la recherche et de l’enseignement supérieur, ce qui a permis des discussions dont nous vous remercions, madame la ministre.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis les crédits pour 2010 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sur le rapport de M. Olivier Jardé (Recherche) et de Mme Françoise Guégot (Enseignement supérieur et vie étudiante).

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous devons maintenant nous prononcer, en donnant en avis, sur l’adoption des crédits pour 2010 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

J’ai retenu que nos rapporteurs pour avis donnent un avis favorable.

Mme Françoise Guégot, rapporteure pour avis. Tout à fait !

Conformément aux conclusions des rapporteurs pour avis, la commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2010 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP) Mme Michèle Lauton, secrétaire générale adjointe, et M. Pierre Duharcourt, membre du bureau national

Ø Commission consultative nationale des instituts universitaires (CCN-IUT)Mme Josette Travers, présidente

Ø Union nationale des syndicats autonomes de l’éducation (UNSA-Éducation)M. Luc Bentz, secrétaire national, secteur éducation-recherche, M. Jean-Georges Gasser, professeur des universités (Sup’Recherche), M. Jacques Drouet, secrétaire général du SNPTES (ingénieurs, techniciens et personnels de bibliothèque), et Mme Marie-Claude Gailhard (syndicat de l’Administration et de l’Intendance), membres du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER).

Ø Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) Mme Claire Guichet, présidente, M. François-Loïc Pichard, vice-président en charge de l’enseignement supérieur

Ø Union nationale interuniversitaireM. Rémi Martial, délégué national

Ø Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche – Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelleM. Patrick Hetzel, directeur général

Ø Confédération étudiante M. Diego Melchior, secrétaire national, et M. Alexandre Boff, trésorier

Ø Promotion et défense des étudiants (PDE)M. Guillaume Joyeux, président, et M. Matthieu Bach, délégué général

Ø Syndicat national des personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur (SNPREES-FO) M. Bernard Rety, secrétaire général

Ø Conférence des grandes écoles (CGE)M. Pierre Tapie, président, et M. Hervé Biausser, vice-président

Ø Union nationale des étudiants de France (UNEF) M. Thierry Le Cras, vice-président, et MM. Azwaw Djebara et Karl Stoeckel, membres du bureau national

Ø SGEN – CFDT Mme Colette Guillopé, secrétaire fédérale, M. Albert Ritzenthaler, secrétaire national, et M. Olivier Adam, maître de conférences à l’institut universitaire de technologie de Créteil

Ø Assemblée des Directeurs d’IUT (ADIUT) M. Jean-François Mazoin, président, MM. Christian Cuesta et Gilles Broussaud, vice-présidents

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF)M. Francis Da Costa, président de la commission formation, M. Bernard Falck, directeur éducation formation, Mme Anne-Florence Fages, chef du service éducation et formation initiale, et Melle Audrey Herblin, chargée de mission à la direction des affaires publiques

Ø Conférence des présidents d’université (CPU)Mme Simone Bonnafous, vice présidente

Ø Union nationale des présidents de conseils d’IUT (UNPIUT)M. Jacques Singer, président d’honneur, et M. Jean-Pierre Lacotte, vice-président

• Déplacement le 21 septembre 2009 à Rouen

Ø Université de RouenM. Cafer Ozkul, président

Ø Table ronde à l’Institut universitaire de technologie de Rouen :

– M. William Barlaguet, président du conseil

– M. Mohamed Ketata, directeur

– M. Philippe Salaün, chef du département chimie

– M. Pascal Plouchard, chef du département mesures physiques

– M. Attilio Pavan, chef du département génie électrique et informatique industrielle

– M. François Petit, chef du département génie thermique et énergie

– M. Franck Beharelle, chef du département services et réseaux de communication

– M. Stéphane Hérauville, chef du département réseaux et télécommunications

– M. Ludovic Maupas, chef du département carrières juridiques

– M. Khaled Gherzouli, chef du département technique de commercialisation

– M. Valentin Guillot, membre du bureau de l’Association des étudiants en technologie (AET), étudiant du département mesures physiques

– M. Simon Senecal, membre du bureau de l’Association des étudiants en technologie (AET), étudiant du département mesures physiques

© Assemblée nationale

1 () Selon les termes de l’article L. 713-9 du code de l’éducation.

2 () Depuis la rentrée 2009, avec la fusion des IUT A et IUT B de l’Université de Lyon I.

3 () En ce qui concerne les EPSCP ne disposant pas des compétences élargies, le décret n° 94-39 du 14 janvier 1994 modifié relatif au budget et au régime financier de ces établissements précise que, suivant l’équilibre financier et les grandes catégories de recettes et de dépenses du budget arrêté par le conseil d’administration, le directeur de l’IUT élabore le projet de budget de l’institut et le projet de budget de gestion, qui sont soumis pour adoption au conseil de l’IUT. Le conseil d’administration approuve ensuite le budget de l’IUT.

4 () Étant précisé que la durée des enseignements dispensés en IUT sous forme de cours, de travaux dirigés et de travaux pratiques, est, selon les spécialités, soit de 1 800 heures soit de 1 620 heures.

5 () Chiffres tirés de « L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche en France », n°2, ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, décembre 2008.

6 () Termes utilisés par le Premier ministre, M. François Fillon, dans sa Déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale du 3 juillet 2007.

7 () « Autonomie budgétaire et financière des universités et nouveau système d’allocation des moyens (SYMPA) : le chemin de la vertu ? », rapport d’information n° 532 présenté par MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont, 7 juillet 2009.

8 () Le décret relatif au statut des enseignants-chercheurs a prévu une équivalence entre les heures de TP et de TD. Pour compenser les heures de cours à faire en dehors des heures fixées par le décret, les universités ont recours à des heures complémentaires, ce qui représente un coût d’environ 45 millions d’euros, dont 27 millions d’euros pour les IUT.

9 () Le 27 octobre 2009, on dénombrait 57 COM signés (soit 50 %), 26 annoncés (22 %). Aucune date de signature n’était disponible pour 22 COM (19 %) et les 9 situations difficiles n’avaient pas évolué.

10 () « Livre blanc sur le système IUT – Après 40 ans d’existence : Histoire, Bilan et Perspectives », Assemblée des directeurs d’IUT et Union nationale des présidents de conseils d’IUT, janvier 2007.

11 () « Le DUT : un passeport pour la réussite », Cinquième enquête nationale du réseau des IUT sur le devenir des diplômés d’IUT, octobre 2008.

12 () « Être diplômé de l’enseignement supérieur, un atout pour entrer dans la vie active », Céreq, Bref n° 253, juin 2008.

13 () « L’enseignement supérieur en France – État des lieux et propositions », rapport établi sous la direction de M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, mai 2007.

14 () Réponse au questionnaire budgétaire de la rapporteure pour avis.

15 () Chiffres respectivement tirés de la 5ème enquête nationale sur le devenir des diplômés d’IUT et de « L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche » publié par le ministère de l’enseignement supérieur en décembre 2008.

16 () « Être diplômé de l’enseignement supérieur, un atout pour entrer dans la vie active », article précité.

17 () Les deux autres modules complémentaires concernent, respectivement, « l’approfondissement technologique » en vue « d’améliorer l’insertion au niveau III » (bac + 2) et le « renforcement des compétences professionnelles » en vue de « préparer l’accession à une certification de niveau II » (bac + 3 et 4).

18 () À la rentrée 2008, on compte 234 2000 étudiants en sections de technicien supérieur, lesquelles sont implantées dans 1 875 établissements.

19 () Réponse au questionnaire budgétaire de la rapporteure pour avis.

20 () Cette part dans les seuls IUT, s’agissant des bacheliers technologiques, est de seulement 12,9 % en 2008 selon le projet annuel de performances de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du PLF 2010.

21 () « Une nouvelle ambition pour le lycée », rapport d’information n° 1694 déposé le 27 mai 2009 par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale.

22 () Pour mémoire, rappelons que le décret n° 2008-265 du 17 mars 2008 prévoit l’admission de droit en IUT des titulaires d’un baccalauréat technologique (relevant du champ professionnel du département de l’institut) ayant obtenu une mention « bien » ou « très bien ».

23 () La réussite cumulée en 3 ans des bacheliers généraux est, elle aussi, plus forte que celle des bacheliers technologiques (respectivement 82 % et 66,9 %).