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N
° 1970

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946),

TOME V

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET AMÉNAGEMENT DURABLES

par M. Jean-Jacques GUILLET,

Député

Voir le numéro 1967 (annexes n°s 13 et 14).

INTRODUCTION 5

I – LA RÉORGANISATION DE L’OUTIL DIPLOMATIQUE DE L’ETAT 7

A – UNE DOCTRINE ET QUATRE PRIORITÉS D’ACTION 7

B – UN OUTIL ORGANISÉ AUTOUR DES MINISTÈRES CHARGÉS DE L’ECOLOGIE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 11

1) La direction générale de la mondialisation 11

2) La direction générale des Affaires européennes et internationales du ministère chargée de l’Ecologie 11

3) La synergie entre les deux ministères 13

4) Des crédits adaptés aux missions 15

II – L’ÉMERGENCE D’UNE POLITIQUE DE PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ TERRESTRE ET MARINE ET DE LA BIOMASSE 17

A – LA STRATÉGIE NATIONALE POUR LA BIODIVERSITÉ 19

B – DES ACTIONS POLITIQUES DICTÉES PAR L’URGENCE 23

1) La protection internationale des requins : un dispositif dérisoire 23

2) La protection du thon rouge de Méditerranée : l’urgence d’un moratoire international sur la pêche 25

3) Ecarter la menace sur plusieurs espèces 26

C – UNE VISION RESTRICTIVE DE LA BIOMASSE 27

III – LA NÉGOCIATION SUR LE CLIMAT ET L’ÉNERGIE 29

A – LE PLAN CLIMAT, FONDEMENT DE LA POLITIQUE FRANÇAISE 29

B – LES OBJECTIFS DE LA FRANCE ET DE L’UNION EUROPÉENNE 32

C – LA CONFÉRENCE DE COPENHAGUE, UN PARI SUR LA VOLONTÉ POLITIQUE 34

EXAMEN EN COMMISSION 37

Mesdames, Messieurs,

Parmi les principaux dossiers diplomatiques examinés par la communauté internationale en 2009, l’environnement figure parmi les questions les plus importantes et les plus urgentes, au même titre que les effets de la crise financière et le conflit en Afghanistan. Mais à la différence des conflits, l’environnement présente la particularité de concerner l’ensemble des Etats de la planète. Tous, à des degrés divers, subissent les effets du réchauffement climatique, de l’acidification des océans ou de la diminution de la biomasse et de la biodiversité. L’environnement est notre bien commun et ne peut globalement être géré qu’à un échelon international.

Votre Rapporteur pour avis a décrit au printemps dernier dans un rapport d’information (n° 1669) l’importance nouvelle des questions écologiques pour la diplomatie française. Il s’agit d’un domaine dans lequel notre pays dispose d’atouts importants par la qualité de ses experts, ses entreprises qui exercent dans les domaines de l’énergie, de l’assainissement, de la forêt… Riche de façades maritimes sur tous les continents, responsable et garant d’une biodiversité de type continental et tropical, notre pays a des responsabilités particulières à assumer. Il peut, s’il en a la volonté, assurer un leadership dans l’ensemble des négociations sur l’environnement.

Les questions d’environnement, c’est une de leur spécificité, relèvent d’une diplomatie multilatérale, compte tenu à la fois de la globalité et de la diversité des thèmes sur lesquelles portent les discussions. Du sommet de Rio (1992) en passant par celui de Kyoto (1997) ou de Johannesburg (2002) – pour n’en évoquer que quelques uns –les négociateurs ont discuté des grands principes du développement durable, de la protection des biotopes, de la diversité biologique, du changement climatique, de la gestion des océans, des ressources en eau, de la santé, du logement, de la condition des femmes, des populations autochtones, du rôle des acteurs politiques et sociaux, de l’agriculture et des forêts, démontrant l’impact réciproque qu’exercent l’un sur l’autre l’environnement et les activités humaines. Ces thèmes sont désormais de la compétence du ministère des Affaires étrangères, au même titre que des domaines plus traditionnels de la diplomatie.

Le multilatéralisme répond largement à la vision française d’un monde multipolaire, où les nations sont liées par une communauté de destin. Aussi l’environnement constitue-t-il un nouveau champ d’action pour notre diplomatie, afin de défendre sur la scène internationale nos valeurs. La France, qui est souvent en faveur de politiques de coopération, voire de la mise en place d’une gouvernance mondiale en certains secteurs, peut ainsi trouver de nombreux alliés au niveau européen pour relayer sa vision d’un monde où les facteurs de la vie comme l’eau ou l’air ne sont pas livrés aux seules lois de l’économie de marché.

L’organisation administrative retenue par le gouvernement pour conduire son action internationale réunit le ministère des Affaires étrangères et celui chargé de l’Ecologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer. Les crédits sont retracés dans le rapport spécial de notre collègue de la commission des Finances. Votre Rapporteur analysera pour sa part, dans le présent avis, si l’outil diplomatique de la France a su s’adapter aux nouveaux enjeux et aux nouvelles méthodes exigés par les négociations internationales sur l’environnement et si, en tenant compte de la nécessaire rigueur budgétaire, nos moyens sont à la hauteur de nos ambitions. Rien ne serait pire en effet qu’un décalage qui réduirait notre action internationale à un affichage.

I – LA RÉORGANISATION DE L’OUTIL DIPLOMATIQUE DE L’ETAT

La sous-direction chargée de l’environnement a été créée au sein du ministère des affaires étrangères (MAE) en 1990. Dix-neuf ans après, par le décret n° 2009-291 du 16 mars 2009 portant organisation de l’administration centrale du ministère des affaires étrangères et européennes, le gouvernement a institué au sein du MAE la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, dont relève la sous-direction des biens publics mondiaux.

Entre ces deux dates, s’est écoulée une période qui a vu les questions environnementales internationales passer du stade de l’utopie au stade de la mise en œuvre de politiques certes âprement négociées, mais qui traduisent les préoccupations de la majeure partie des Etats quant à l’avenir de notre planète. L’accentuation du rythme des catastrophes naturelles, le coût économique et social de ces dernières et les prévisions alarmistes sur la montée des eaux et les migrations qu’elles entraîneront ont achevé une lente prise de conscience de la communauté internationale. L’environnement n’est plus considéré comme une donnée marginale mais trouve sa place au cœur de nombreuses politiques.

Une administration ne fait pas à elle seule une politique. Elle peut même constituer en certains cas un paravent qui masque l’inertie. Dans le cas de la France, un tel soupçon doit être écarté. La direction générale instituée par le décret du 16 mars 2009 précité traduit la volonté de doter notre pays d’un outil capable d’instruire et de porter sa vision sur la protection de l’environnement.

A – Une doctrine et quatre priorités d’action

Avant d’analyser notre outil administratif, il importe de comprendre la doctrine de notre pays sur l’environnement et d’en dégager les priorités d’action. Il existe en effet plusieurs manières et surtout plusieurs objectifs pour aborder les grandes négociations internationales, dont l’objet fondamental est de maîtriser notre avenir. Au-delà de la défense classique de positions économiques, chaque pays, par sa doctrine, révèle une vision prospective des relations internationales.

La doctrine de la France se résume en quelques lignes : elle part du constat de la dégradation de l’environnement à un rythme qui s’accélère, et à une échelle jamais atteinte à ce jour, comme en témoigne la violence des catastrophes naturelles. Ce constat est étayé par des analyses scientifiques (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, IFREMER, etc…) qui, si elles ne rencontrent pas toujours l’unanimité tant au sein des chercheurs que des responsables politiques, sont largement partagées et servent de fondement aux actions préconisées par la communauté internationale.

La mobilisation des opinions publiques, qui ont clairement pris conscience des dangers qu’encourt notre planète, oblige par ailleurs les Etats démocratiques à être les moteurs des actions de protection de l’environnement. Celles-ci mettent en effet en jeu des intérêts économiques et sociaux, parfois même stratégiques, qui exigent un large débat au sein de la société et donnent à l’Etat tout son rôle d’analyse prospective et d’arbitrage, avant de défendre ses positions au sein des instances internationales.

La politique menée par la France exprime clairement sa volonté de défendre l’environnement, même si la gestion des conséquences de cette dégradation n’est pas absente de nos préoccupations : risque de famines sporadiques, paupérisation, conflits liés à l’appropriation de ressources naturelles devenant rares sont pris en compte par la diplomatie française, mais ne sont pas encore considérés comme des questions mettant en cause notre sécurité nationale. A titre de comparaison, l’on peut observer que les Etats-Unis, qui s’intéressent vivement aux problèmes de l’environnement, ont une approche toute aussi volontariste que la France, mais les analysent au travers du prisme de leur sécurité nationale. Les autorités chargées de la politique étrangère et de la défense ne s’attardent pas sur les polémiques scientifiques qui entourent les questions environnementales (notamment climatiques) et considèrent qu’il vaut mieux déterminer en quoi ces questions posent un problème pour la sécurité des Etats-Unis.

Quatre priorités guident la politique française internationale en matière d'environnement : les négociations multilatérales notamment sur le climat ; la poursuite des négociations communautaires  après la présidence française de l'Union Européenne, l'Union pour la Méditerranée et enfin le Grenelle de l’environnement.

Les négociations multilatérales internationales

La fin de l’année 2009 et l’année 2010 seront marquées par la conférence de Copenhague. Si la conférence de Poznan a confirmé le calendrier et engrangé quelques progrès sur le fond, l’accord de Copenhague (décembre 2009) est loin d’être acquis. L'enjeu essentiel sera d'obtenir un accord sur le régime « post 2012 » pour limiter l'élévation des températures à 2°C depuis l'ère pré-industrielle. Le succès de Copenhague reposera sur notre capacité à trouver le juste équilibre dans la répartition des efforts d'atténuation entre les parties et dans les mécanismes qui régiront la future architecture financière internationale de lutte contre le changement climatique.

Par ailleurs, figurent notamment parmi les priorités dans les négociations multilatérales :

• la biodiversité : Les principales échéances de niveau ministériel concernant la biodiversité durant l’année 2010 commenceront à l’Unesco par le lancement de « l’année internationale de la biodiversité » en janvier 2010, et se poursuivront en février au conseil d'administration du PNUE sur cette thématique, et en septembre par une session spéciale de l’Assemblée générale des Nations Unies. Elles s’achèveront à Nagoya par la dixième Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB) en octobre 2010. Trois thèmes majeurs, qui constituent des priorités françaises, seront abordées dans les différents forums : le bilan des objectifs 2010 et la détermination de nouveaux objectifs, l’établissement d’un régime international sur les ressources génétiques, la création d’un groupement d’intérêt de la biodiversité.

• La relance du débat sur la gouvernance internationale de l'environnement : Les questions relatives au développement durable, et en premier lieu à l'environnement, demandent une gouvernance internationale, une action au seul niveau national ne pouvant suffire. L’amorce de celle-ci en a été créée avec la mise en place des conventions issues de la conférence de Rio (juin 1992) et notamment celle sur le climat. L’environnement est aujourd'hui traité au plan international par de nombreux acteurs institutionnels et dans une multitude d’accords thématiques juridiquement autonomes. La France plaide pour une gouvernance mondiale de l'environnement avec la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement, clef de voûte qui aurait vocation à fédérer les outils aujourd'hui dispersés.

• L'eau : le 6ème forum mondial de l'eau aura lieu en mars 2012 à Marseille. Ces forums, organisé tous les trois ans par le Conseil mondial de l’eau et le pays-hôte, réunissent l’ensemble des acteurs impliqués dans le domaine de l’eau et de l’assainissement (30.000 personnes environ par forum) et constituent une occasion unique de partager expériences et réflexions afin de mieux définir les politiques de l’eau. Le 6e forum permettra à la France et à Marseille de devenir la capitale mondiale de l'eau pendant plusieurs années, la semaine du Forum faisant l'objet d'un processus préparatoire long qui dure plus de trois ans.

Les négociations communautaires à l’initiative de la Suède :

Les priorités de la présidence suédoise s'articulent autour de 4 thèmes :

• La lutte contre le changement climatique : La présidence suédoise devra assurer la mise en œuvre du « Paquet Énergie Climat » adopté en décembre 2008. Une liste des secteurs soumis à des risques de fuite en carbone a été notamment examinée au Conseil européen d'octobre 2009. Pour la préparation de la Conférence des parties à Copenhague, le Conseil Environnement d'octobre devait adopter des conclusions définissant la contribution de l'Union européenne (UE) aux négociations multilatérales. Le Conseil européen de fin d'année, prévu les 10 et 11 décembre 2009, permettra à la présidence suédoise de prendre des initiatives en cas de blocage dans les discussions à Copenhague.

• L'environnement marin : la Commission européenne doit présenter une stratégie pour la mer Baltique. La présidence suédoise souhaite faire de cette dernière une initiative pilote de gestion intégrée pouvant servir d'exemple pour d'autres mers semi-fermées. Elle souhaite aussi contribuer à la mise en œuvre des premières mesures de la directive sur la stratégie marine.

• La biodiversité : la présidence suédoise, en s'appuyant sur le bilan de la mise en œuvre du plan d'action européen pour le ralentissement de la perte de la biodiversité à l’horizon 2010, préparera des conclusions au Conseil qui définiront la position de l'UE à la Conférence des parties d'octobre 2010 de la convention des Nations-Unies sur la diversité biologique.

• L'éco-efficacité : l'objectif de la Suède est de mettre en évidence les liens entre la compétitivité de l'UE, la lutte contre le réchauffement climatique et la durabilité de l'économie. Le sujet de l'économie verte a été abordé au Conseil Environnement d'octobre afin de fournir des idées au Conseil européen de décembre sur ses nouvelles orientations.

L'Union pour la Méditerranée

L’intervention israélienne dans la bande de Gaza a incontestablement freiné les activités de l’Union pour la Méditerranée. Le gel des réunions officielles a été annoncé par l'Égypte, au début de février 2009, et ce, jusqu'au sommet de la Ligue arabe, le 31 mars à Doha. Les réunions de travail se sont cependant poursuivies, notamment en vue de la préparation de la réunion sur les projets de développement durable qui a eu lieu à Paris le 25 juin.

Cette réunion a été un véritable succès et a permis de constater l'existence d'une union de projets. Les discussions se poursuivent actuellement entre les Etats pour déterminer les dates et lieux d'une réunion ministérielle sur l’énergie et l’environnement au cours du second semestre de 2009. D'autres réunions sont également programmées : réunion ministérielle sur les transports et le développement urbain, prévue à Rhodes, réunion ministérielle sur l'eau, au début de 2010 sous la présidence espagnole de l'UE, réunion ministérielle sur le développement urbain durable et une réunion ministérielle sur les questions maritimes.

Le volet international du Grenelle de l’environnement

Le Grenelle de l’environnement, en réunissant l’ensemble des acteurs intervenant dans le domaine du développement durable, l’État, les collectivités locales, les associations écologistes, les entreprises et les syndicats de salariés, a permis de modifier en profondeur notre regard sur nos modes de production et de consommation. Il a également conduit à l’élaboration, secteur par secteur, d’une stratégie de développement durable pour les dix ou quinze années à venir. Notre action internationale vise donc désormais à expliquer à nos partenaires étrangers cette réforme. Il ne s'agit évidemment pas de l'imposer à nos partenaires mais de faire vivre sa méthode et son approche dans les négociations internationales.

B – Un outil organisé autour des ministères chargés de l’Ecologie et des Affaires étrangères

Le Gouvernement a institué au sein du MAE le 16 mars dernier une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. En son sein figure la direction des biens publics mondiaux, qui constitue désormais l’outil chargé de définir et de mettre en œuvre la politique de la France, cette mission étant plus particulièrement assurée par la sous-direction énergie climat et la sous-direction de la gestion des ressources naturelles. En outre, l'ambassadeur délégué à l'environnement, qui bénéficie de l'appui des services du MAE et de ceux du ministère chargé de l’environnement, est appelé à jouer un rôle important.

1) La direction générale de la mondialisation

L’objectif de la direction générale de la mondialisation est de travailler sur les problèmes environnementaux selon une approche transversale. La plupart des activités humaines dans les domaines économiques et sociaux comprennent en effet des volets liés à l’écologie ou au développement durable. La nouvelle organisation retenue par le Gouvernement s’inspire d’exemples étrangers, comme le Global Affairs Department du Département d’Etat américain ou de l’organisation de la Commission européenne, qui dans les deux cas associent la gestion du climat et de l’énergie.

L’effectif des agents qui se consacrent à cette mission est établi à une vingtaine en administration centrale, dans le cadre de cette nouvelle organisation. A ces agents, il convient d'ajouter les correspondants environnement des postes diplomatiques (96 actuellement) qui se consacrent entre autres fonctions au suivi de ces questions.

2) La direction générale des Affaires européennes et internationales du ministère chargée de l’Ecologie

Le développement durable constitue une des priorités du Gouvernement dont la mise en œuvre nécessite une approche transversale. C’est pourquoi a été instituée au sein du ministère chargé de l’Écologie une direction des affaires européennes et internationales (DAEI), rattachée au Secrétariat général, bâtie en regroupant les services internationaux des pôles ministériels ayant constitué le ministère du développement durable et en les renforçant sur les thèmes prioritaires du nouveau ministère.

Elle est aujourd’hui constituée d’une centaine d’agents ayant à la fois une compétence technique forte dans les domaines d’actions du ministère et une large expérience des activités européennes et internationales. Dès sa création, la DAEI a été mobilisée pour piloter l’action européenne et internationale du ministère et, tout particulièrement, coordonner la présidence française de l’Union européenne en 2008 et les négociations internationales sur le climat.

La DAEI est en quelque sorte le point de contact privilégié de nos partenaires étrangers et des acteurs de la société civile sur tous les sujets internationaux liés au développement durable. Elle a en particulier pour missions :

– d’assurer la coordination générale des affaires européennes et internationales du ministère et des établissements publics placés sous la tutelle du ministère ;

– de préparer et piloter la politique européenne et internationale du ministère ;

– de coordonner les positions du ministère dans les instances chargées d’élaborer la position de la France sur les questions européennes et internationales et d’organiser la représentation du ministère auprès des organisations internationales et des institutions européennes ;

Elle est associée au suivi de la mise en œuvre par le ministère des engagements souscrits par le Gouvernement dans le cadre des institutions européennes et internationales et à la transposition de la législation européenne. Elle comporte trois sous-directions et une mission qui lui est directement rattachée, ainsi qu’une mission mise à disposition par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

– la sous-direction du changement climatique et du développement durable traite les questions communautaires et multilatérales relatives au changement climatique, à la maîtrise de l’énergie, à la biodiversité, aux milieux et au développement durable, ainsi que le volet international du Grenelle de l’environnement ;

– la sous-direction de la régulation européenne est chargée des questions relatives à la politique commune des transports, au marché de l’énergie, aux risques, à la pollution, à l’environnement, au marché intérieur et aux financements communautaires. Dans ces domaines, elle est responsable des relations bilatérales avec les États membres de l’Union européenne, l’Islande, la Norvège et la Suisse et des négociations multilatérales. Elle assure la cohérence de l’action européenne du ministère et le suivi de ses engagements européens ;

– la sous-direction des échanges internationaux est chargée de l’animation des relations bilatérales dans le monde entier, hors Union européenne, Islande, Norvège et Suisse, des jumelages, des relations avec les banques de développement, du soutien des entreprises à l’exportation et de la gestion du personnel à l’international.

En outre, est placé auprès du directeur le chef de l’équipe de négociation sur le climat composée d’agents de la direction et du ministère. En lien avec l’ambassadeur pour le climat, il coordonne la délégation française interministérielle aux négociations.

Le programme 217 du ministère ”Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer” comporte une action spécifique (action 6) entièrement consacrée à l'action européenne et internationale. Suivie par la direction des affaires européennes et internationales, cette action couvre l’ensemble des domaines d’activité du ministère et vise notamment à développer l’influence française, à faire partager sa conception du développement durable et à promouvoir le savoir-faire des entreprises françaises. Les moyens prévus au projet de loi de finances pour 2010 s'élèvent à 9,88 millions d’euros. Ces crédits recouvrent notamment les contributions obligatoires versées aux organisations internationales entrant dans le champ de compétence du ministère et transférées par le ministère des Affaires étrangères et européennes dans le cadre de la rationalisation de la gestion des contributions internationales et conformément aux recommandations du Parlement, les contributions volontaires aux organisations internationales entrant dans le périmètre du ministère, et le renforcement de l'association de la société civile à l'action européenne et internationale du ministère.

3) La synergie entre les deux ministères

L’un des objectifs de votre Rapporteur est d’évaluer si notre pays dispose des moyens humains adaptés aux objectifs ambitieux qu’il défend sur la scène internationale. Rien ne serait pire, dans un domaine qui met en jeu la survie de l’humanité, qu’un décalage entre les moyens et les enjeux. Un effectif d’une vingtaine d’agents à temps plein est un progrès indéniable, mais compte tenu de la multiplication des réunions internationales, il leur est impossible d'être physiquement présents à l’ensemble de ces rencontres. En revanche, le MAE peut utiliser le réseau diplomatique, très étendu, et demander à des agents des postes de le représenter à des réunions auxquelles il est impossible de se rendre. Dans ce cas, le ministère communique au poste des instructions écrites qui permettent d'assurer une représentation pertinente. Par ailleurs, la France s'appuie en tant que de besoin sur des représentations qui ne sont pas constituées par le seul MAE, mais aussi par les experts dépendant de ministères techniques, dont le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer (MEDEM), ce qui lui permet d'assurer une présence plus étendue.

Le MAE a développé, en liaison avec le ministère chargé de l’écologie, un réseau de correspondants environnement, présents dans 96 postes, y compris dans ses représentations permanentes auprès des organisations intergouvernementales. La multiplicité des négociations internationales dans les domaines de l'environnement et du développement durable, et les enjeux qui les accompagnent, ont incité le ministère à poursuivre ses efforts en mobilisant ponctuellement son réseau d’agents. Ainsi invite-t-il les postes à organiser des réunions périodiques avec leurs principaux homologues européens notamment allemands et britanniques, ainsi qu'avec la délégation de l’Union européenne. Les correspondants sont également incités à prendre contact dans les pays où ils sont en poste avec les personnes morales qui s’occupent des questions environnementales (administrations, ONG, entreprises, etc...).

Les correspondants environnement sont désignés par les ambassadeurs, en fonction de leurs compétences comme de leurs appétences. Ils peuvent être issus de l’ensemble des services des ambassades : chancelleries diplomatiques, services de coopération et d'action culturelle ou missions économiques... Le ministère entretient avec eux des relations régulières, sous la forme d'échange d'informations ou d'actions de formation (tel le séminaire biennal dont la prochaine session est prévue à Paris le 15 juillet 2009). Chaque correspondant est tenu d’adresser annuellement à l'administration centrale un rapport détaillé sur l'état de l'environnement dans le pays où il est en poste. Les rapports sont réunis et font l'objet d'une synthèse publiée par le MAE.

L’ensemble de ce dispositif optimise au maximum les ressources humaines d’un ministère qui a dû faire face à une réduction constante de ses effectifs depuis plusieurs années. Le Gouvernement s’efforce de doter notre diplomatie d’un réseau et d’un système capable de préparer nos positions et de les défendre dans les négociations internationales, d’autant que les effectifs du Quai d’Orsay sont renforcés par ceux du MEDEM.

Le ministère chargé de l’Ecologie a en effet procédé avant le MAE à une réforme interne, pour regrouper l’ensemble des moyens consacrés à ses activités internationales. Le pôle international du ministère est au sein de la direction des affaires européennes et internationales et regroupe les moyens auparavant dispersés entre l’ancien ministère de l’Environnement, la direction des affaires économiques internationales du ministère des Transports et le bureau des affaires internationales qui, au ministère chargé de l’Economie, avait compétence sur l’énergie. La direction rassemble une centaine d’agents à plein temps, principalement répartis entre la sous-direction des questions multilatérales, la sous-direction des questions européennes et la sous-direction des affaires bilatérales.

Il convient de rappeler que c’est en liaison avec le MEDEM que le Quai d’Orsay a mis en place le réseau des correspondants environnement au sein des postes diplomatiques. Cette coordination évite une duplication inutile des personnels. Pour le MEDEM, ce réseau ne sert pas uniquement aux actions internationales. Sa mission est en effet d’avoir une vision transversale de l’environnement, pour conduire une politique dont les aspects nationaux et internationaux sont souvent inséparables. A ce titre, les informations en provenance des postes diplomatiques servent aux deux volets de son action.

Au total, un peu de plus de 200 agents se consacrent entièrement ou partiellement aux questions environnementales internationales, répartis entre les deux administrations centrales et les postes diplomatiques. La coordination entre le MAE et le MEDEM est à l’évidence la clé d’un bon fonctionnement du système mis en place par le Gouvernement, et il semble, d’après les auditions conduites par votre Rapporteur, que celle-ci se déroule sans heurts. Ainsi l’ambassadeur délégué à l’environnement dispose-t-il de l’appui des deux ministères pour conduire sa mission.

4) Des crédits adaptés aux missions

L’effort de rationalité dans la gestion des emplois et de synergie entre les deux ministères précités trouve tout son sens à l’examen du document budgétaire de la mission Ecologie, développement et Aménagement durables. 10 % en administration centrale et 1 % en service déconcentré des 11 480 emplois en équivalent temps plein travaillé se consacrent aux activités internationales au sein du ministère chargé de l’Ecologie. Combinés aux personnels du ministère des Affaires étrangères, ils permettent à notre pays d’être présent dans la plupart des fora internationaux et de mieux préparer les nombreuses conférences. Il est toutefois indéniable que les personnels travaillent en flux tendu, selon une expression en usage dans l’industrie.

Les crédits de l’action internationale sont inscrits au programme 217 conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, à l’action n° 6 action européenne et internationale. Ils s’élèvent à 9, 882 303 millions d’euros, à raison de 1,354 532 millions en dépenses de fonctionnement et 8, 527 771 millions en dépenses d’intervention. L’action n° 6 regroupe 0,26 % des crédits du programme. Cette modestie, gage d’une bonne gestion, ne doit pas donner l’impression que l’action internationale est marginale, dans la mesure où il s’agit surtout de l’exercice d’une diplomatie d’influence, où la confrontation des idées a plus d’importance que le montant des crédits. Les crédits ouverts par la loi de finances pour 2009 s’élevaient à 9, 865 303 millions d’euros. L’augmentation de 17 millions est principalement liée à des transferts de charge en provenance du ministère des Affaires étrangères pour les contributions de la France à des organisations internationales.

Les crédits ont pour objectif de permettre aux agents des deux ministères de défendre la doctrine française d’une gouvernance mondiale sur les questions environnementales et d’expliquer les objectifs du Grenelle de l’environnement. Les dépenses de fonctionnement financent principalement le pilotage de l’action communautaire du ministère, les relations avec la Suisse, l’Islande et la Norvège et la participation aux frais de la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne. Dans le domaine de l’action multilatérale, elles permettent le suivi des négociations sur le climat, la biodiversité, ainsi que l’appui aux positions de la France sur la gouvernance internationale de l’environnement.

Les dépenses d’intervention comprennent les contributions obligatoires versées aux organisations internationales (5,527 millions), les contributions volontaires à ces organisations (2 millions) et le renforcement de l’aide à la société civile et aux ONG d’environnement (1 million). Les contributions obligatoires assurent le financement de la France à une vingtaine de conventions internationales (cf. répartition dans le tableau joint) ; celles qui sont volontaires participent à des actions dans les domaines de la biodiversité, de la lutte contre la désertification, du tourisme durable, du développement durable ou encore de la lutte contre les substances chimiques. Elles n’ont pas encore été réparties pour 2010.

Répartition des contributions obligatoires de la France

Organisation

Contribution (en euros)

Cuivre / GEIC

19 788

Nickel / GEIN

29 012

Plomb et zinc / EIP

11 827

Protection de l’Escaut

170 160

Accord de Bonn

16 438

Commission internationale de la Meuse

68 873

CIPEL (lac Léman)

50 451

CIPMS (Moselle et Sarre)

116 950

CIPR (Rhin)

255 171

Oiseaux migrateurs (PNUE)

133 539

Chauves souris / PNUE

58 039

ACAP (Albatros et Pétrels)

55 195

RAMSAR

177 968

Convention de Nairobi

55 977

Convention alpine

155 129

PROE (Océanie)

104 934

RAMOGE

36 136

Caraïbe environnement

9 450

Risques majeurs

285 211

AIE

1 555 723

AEN

734 486

AEN / banques de données

311 866

Produits chimiques

129 708

OCDE / Transports

652 944

OCDE / recherche sur les transports

65 739

Total

5 260 714

Source : ministère chargé de l’Ecologie

II – L’ÉMERGENCE D’UNE POLITIQUE DE PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ TERRESTRE ET MARINE ET DE LA BIOMASSE

La défense de la nature est un concept qui recouvre de nombreux thèmes. Les travaux de l’ONU ont mis en lumière deux d’entre eux, la biodiversité et l’écosystème. La biodiversité renvoie à l’ensemble des manifestations du vivant (espèces, gènes qui contribuent à leur variété) tandis que l’écosystème englobe des complexes dynamiques qui regroupent des espèces animales et végétales, ainsi que des micro-organismes qui interagissent entre eux et avec leur milieu. La protection de la nature exige que nous agissions à la fois sur la quantité d’espèces vivantes comme sur leur variété, car la disparition d’une espèce animale ou végétale peut en entraîner d’autres. Le concept de biodiversité s’est donc graduellement imposé car l’amplification des menaces sur la variété des espèces met à terme en danger la survie de l’être humain.

La diversité biologique est reconnue comme préoccupation commune de l’humanité et a été affirmée comme ressource naturelle par la résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale des Nations Unies, en décembre 1962. Il a fallu attendre vingt ans, en 1982, pour qu’un premier instrument juridique, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, régisse la protection de la biodiversité dans les océans, puis 1992, avec la Convention sur la diversité biologique. Le concept de biodiversité avait en effet pris toute sa portée en 1992 lors du Sommet de la terre, qui s’était tenu à Rio de Janeiro. L’article 2 de la Convention sur la diversité biologique le définit comme « la variabilité des êtres vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela comprend la diversité au sein des espèces ainsi que celle des écosystèmes ». En résumé, ce concept décrit la variété de la vie sur terre et reflète la façon dont cette diversité change géographiquement et temporellement.

La disparition d’espèces vivantes à grande échelle n’est pas un phénomène nouveau. Les biologistes ont identifié cinq phases de disparitions dans l’histoire de la terre, la plus notable étant sous la période géologique du Permien, 250 millions d’années avant notre ère, lorsque 70 % des espèces terrestres et 95 % des espèces marines ont disparu pour des raisons encore inexpliquées (anoxie des océans, impact d’une météorite en Sibérie…). Mais ces phénomènes se sont déroulés naturellement, sur une longue période, alors que la menace qui pèse actuellement sur les espèces vivantes est due à notre activité et constitue un processus rapide.

Le recensement des espèces menacées est effectué par plusieurs organismes publics ou privés. Les chiffres les plus souvent retenus émanent de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et du Programme des Nations Unies pour l’environnement. 44 838 espèces sont en danger, parmi lesquelles 16 928 sont menacées d’extinction à court terme. La destruction et la dégradation des habitats touchent ainsi 40 % des mammifères. Actuellement, 23 % des mammifères, 12 % des oiseaux, 32 % des amphibiens sont en danger de disparition, tandis qu’au sein des végétaux, 25 % des espèces de conifères sont en voie d’extinction.

La Liste rouge des espèces menacées est un indicateur désormais indiscutable des atteintes aux milieux vivants. Elle permet aux pouvoirs publics comme aux ONG d’orienter leur action. Comme en de nombreux domaines, l’action des pouvoirs publics est relayée par des ONG, et particulièrement, pour ce qui concerne notre pays, par le Comité français de l’UICN.

De son côté, le PNUE a établi en 2005 une évaluation des écosystèmes pour le millénaire (EEM) qui livre les résultats suivants :

– Au cours des cinquante dernières années, l’être humain a plus modifié les écosystèmes qu’au cours de toute l’histoire et a provoqué des pertes substantielles et sans doute irréversibles pour la diversité biologique.

– 30 % des mangroves ont été détruites, ainsi que 20 % des récifs coralliens et 50 % des zones humides.

– Le rythme d’extinction des espèces vivantes est 1000 fois plus rapide qu’aux époques antérieures de l’histoire.

– Le déboisement touche 6 millions d’hectares de forêts primaires chaque année.

L’atteinte à la biodiversité est souvent qualifiée de crise silencieuse. En effet, elle est souvent le corollaire de l’amélioration du niveau de vie (demande de bois exotiques pour des parquets, assèchement de marais pour des logements, destruction des mangroves pour construire des complexes touristiques). Les statistiques sur le PIB par habitant ne mesurent pas la dégradation des écosystèmes, l’accentuation de la pauvreté à laquelle elle conduit pour des populations vivant au contact de la nature, et ne prennent pas en compte la valeur à long terme de la biodiversité. Il s’agit bien d’une crise silencieuse au sens où l’humanité n’a pas conscience de la destruction de la biodiversité et ne réalise pas que sa propre existence est en jeu. Dans un monde où la majeure partie des êtres humains vit en milieu urbain, biodiversité et écosystèmes ne constituent pas une préoccupation centrale dans la vie quotidienne, au contraire du logement ou du transport, et ne sont en conséquence guère relayés par les responsables politiques.

La crise est d’autant moins perceptible qu’à la différence du climat, elle ne fait pas l’objet d’une approche globale. Il n’existe pas d’équivalent du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) pour la biodiversité. L’approche des scientifiques ou des politiques est souvent parcellaire, centrée sur une espèce, un ordre, un sous-ordre, une aire géographique. Rares sont les documents comme ceux de l’UICN ou du PNUE apportant une vision globale du phénomène. Celui-ci pourrait donc s’accentuer dans les prochaines années, avec une diminution de 20 % des forêts et des prairies humides d’ici à 2050. L’hypothèse de la disparition de 60 % des espèces vivantes est considérée comme vraisemblable.

Les origines de l’atteinte à la biodiversité sont également plus complexes, donc plus difficiles à appréhender que celles qui concernent le climat. Le dérèglement du climat semble lié à un facteur principal, l’émission excessive de carbone, alors que la destruction de la biodiversité provient d’activités humaines très diverses, comme l’agriculture, les infrastructures de transports, l’industrie, qui sont perçues positivement par nos populations. Or, un déséquilibre, même mineur, se répercute sur l’ensemble de la chaîne de la vie.

A – La stratégie nationale pour la biodiversité

La politique de protection de la biodiversité est par nature transversale. Toute action, qu’il s’agisse des transports, de la construction et de l’aménagement urbain, de l’agriculture, peut entraîner des conséquences sur la biodiversité.

La France appuie son action internationale sur le fondement de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) adoptée en 2004. Elle a pour objectif d’enrayer la perte de biodiversité en renforçant la politique du patrimoine naturel et en intervenant sur l’ensemble des politiques et activités sectorielles.

Notre pays porte une responsabilité forte et se doit d’être exemplaire. Il est en effet le seul pays présent dans cinq des 25 "points chauds" de la biodiversité mondiale (Méditerranée, Caraïbes, Océan Indien, Nouvelle Calédonie, Polynésie) et dans une des trois zones forestières majeures de la planète (Guyane / Amazonie). Son domaine maritime est le deuxième du monde. Sur son territoire métropolitain, elle accueille 4 des 5 zones biogéographiques de l’Europe occidentale et centrale. Elle doit donc moderniser sa politique du patrimoine naturel et plus largement de préservation et gestion durables de la biodiversité, en conservant les acquis, afin de mobiliser davantage les acteurs privés, les citoyens et les collectivités territoriales.

La stratégie nationale pour la biodiversité constitue le principal instrument de mobilisation nationale en faveur de la protection du patrimoine vivant. Ses deux objectifs sont :

– contribuer à inverser l’érosion de la biodiversité d’ici 2010, objectif fixé au Sommet de la Terre à Johannesburg, repris par l’Union européenne, et réaffirmé par le Président de la République en janvier 2005.

– valoriser les territoires par une gestion concertée et contractualisée du patrimoine naturel.

La SNB est mise en œuvre à travers des plans d’actions sectoriels, élaborés puis mis en œuvre par les ministères concernés, et complétés par un programme d’actions transversales. Ces plans d’action constituent un programme de travail pour les années à venir, et sont révisables tous les deux ans. Dix plans d’action sectoriels sont en cours de mise en œuvre pour la période 2009-2010 et intègrent les engagements du Grenelle de l’environnement : patrimoine naturel, agriculture, des transports, de l’urbanisme, de la mer, et actions internationales outre-mer, recherche, forêt, tourisme. Le plan d’action général outre-mer s’accompagne de stratégies élaborées par chacun des départements et collectivités d’outre-mer, détenteurs d’une biodiversité exceptionnelle.

La mise en place de la SNB résulte en grande partie des engagements internationaux de la France qui est signataire de nombreuses conventions internationales relatives à la protection des espèces ainsi que des obligations communautaires issues des directives européennes relatives à la protection des espèces. Les principaux textes internationaux signés par notre pays sont retracés ci-après :

– Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel : la convention a pour finalité de préserver les biens culturels et naturels, de valeur universelle exceptionnelle qui, par inscription à la demande des Etats parties sur la liste du patrimoine mondial, sont reconnus par la communauté internationale comme patrimoine mondial de l’humanité.

– Convention sur la diversité Biologique (CDB) : il s’agit du premier accord mondial sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique. Cette convention se fixe trois objectifs principaux : la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments constitutifs, et le partage juste et équitable des avantages qui découlent de l'utilisation des ressources génétiques, à des fins commerciales et autres. Elle reconnaît, pour la première fois, que la conservation de la diversité biologique est "une préoccupation commune à l'humanité" et qu'elle fait partie intégrante du processus de développement. La convention couvre tous les écosystèmes, toutes les espèces, et toutes les ressources génétiques. Elle s'étend également au domaine de la biotechnologie, en expansion rapide, puisqu'elle traite des questions du transfert et du développement des biotechnologies, du partage des avantages qui en découlent et de la bio-sécurité. Bien qu’intervenant sur des sujets complexes, la Convention possède un caractère juridiquement contraignant.

– Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques: jusqu’à présent seul protocole pris en application de la Convention sur la diversité biologique, le Protocole de Carthagène est aussi le premier texte international sur la prévention des risques biotechnologiques. C’est à la fois un texte de base et un texte novateur. Conformément à l'approche de précaution, il a pour objectif de contribuer à assurer un degré adéquat de protection de l'environnement, celui-ci étant entendu dans une acception très large (incluant la santé humaine) lorsqu’il y a transfert, manipulation et utilisation sans danger des organismes vivants modifiés (OGM). Son champ d'application couvre tous ces organismes, à l'exception des médicaments humains. Le Protocole réglemente plus particulièrement les échanges internationaux d’OGM susceptibles d'avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique.

– Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture : négocié dans le cadre de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, ce traité, qui a été récemment révisé, est intéressant car il applique à un secteur particulier, les ressources phytogénétiques (1) pour l’agriculture et pour l’alimentation, les principes proclamés par la convention sur la diversité biologique.

– Convention relative aux zones humides : son objectif est la conservation et la gestion naturelle des zones humides et de leurs ressources. Le choix de ces zones est effectué sur la base de critères parmi lesquels figurent  la présence d’espèces rares, d’espèces en danger ou encore d’espèces, qui sont, au contraire, en nombre significatif à l’échelle mondiale (oiseaux d’eau notamment) ; le rôle que jouent les zones humides dans le maintien d’activités économiques durables, qui, elles mêmes, conditionnent le maintien sur place des populations locales. Fondée à l’origine sur la préservation des habitats d’oiseaux d’eau, cette convention a maintenant élargi son champ de compétence à la protection de tous les aspects de la biodiversité et va même jusqu’à la protection des valeurs sociales et culturelles présentes sur le territoire des zones humides.

– Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (dite « CITES ») : la CITES repose sur le principe selon lequel en contrôlant et en limitant le commerce des espèces menacées d’extinction, on peut également contrôler les prélèvements de spécimens. Elle régule donc le contrôle du commerce international, ce dernier étant défini de manière à y inclure toutes les situations dans lesquelles une plante ou un animal d’une espèce inscrite dans les annexes de cette Convention vivant ou mort, entier ou pas ainsi que ses parties et produits dérivés, traversent des frontières internationales. La CITES réglemente ainsi l’importation, l’exportation, la réexportation et le transit des différents spécimens. Les espèces sont réparties dans les annexes I (espèces menacées d’extinction, II (espèces qui risquent de devenir menacées d’extinction si le commerce international de leurs spécimens n’est pas réglementé) et III (espèces qu’un pays soumet à une réglementation locale visant à restreindre l’exploitation, le contrôle de ces mesures nécessitant la coopération des autres Etats parties).

– Convention internationale pour la protection des végétaux: cette convention organise l’action commune pour empêcher la dissémination et l’introduction d’organismes nuisibles aux végétaux et aux produits végétaux, et promouvoir des mesures en matière de lutte contre les espèces exotiques envahissantes végétales, animales ou autres. Elle joue un rôle de premier plan dans le commerce.

– Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (dite «convention de Bonn ») : L’objectif de cette convention est d'assurer la conservation des espèces migratrices terrestres, marines et aériennes sur l'ensemble de leur aire de répartition.

A côté des textes internationaux, notre pays est également signataire de textes européens.

– Convention européenne du paysage : la convention vise à encourager les autorités publiques à adopter aux niveaux local, régional, national et international, des politiques et mesures de protection, de gestion et d’aménagement des paysages européens, dans une perspective de développement durable. Elle concerne tous les paysages, remarquables ou ordinaires qui déterminent la qualité du cadre de vie des populations, quel que soit leur état, dégradé ou non.

– Convention sur la protection des Alpes: cette convention porte sur la protection des Alpes et a pour objet l’harmonisation des politiques des parties en vue de concilier les intérêts économiques en jeu dans le massif alpin avec les exigences de la protection d’un patrimoine naturel menacé.

– Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe (dite « Convention de Berne ») : cette convention a pour objet d'assurer la conservation de la flore et de la faune sauvage ainsi que de leurs habitats naturels. Elle insiste, notamment sur les espèces et les habitats dont la conservation nécessite la coopération de plusieurs Etats. Une attention particulière est accordée aux espèces, y compris les espèces migratrices, menacées d'extinction et vulnérables. Les parties contractantes prennent les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de la flore et de la faune sauvage à un niveau qui correspond notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles.

– Accord relatif à la conservation des chauves-souris en Europe : cet accord protège toutes les espèces de chauves-souris d’Europe. Les obligations pour les Etats signataires sont les suivantes: interdire la destruction, la détention et la capture de chauves-souris, inventorier et protéger les sites les plus importants particulièrement les zones de chasse et s’efforcer de remplacer les pesticides et les produits chimiques de traitement du bois hautement toxiques par des substituts moins dangereux.

– Accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique et Eurasie : l’accord couvre 235 espèces d’oiseaux, qui dépendent écologiquement des marécages pour au moins une partie de leur cycle annuel ; parmi ces espèces se trouvent de nombreuses espèces de pélicans, de cigognes, de flamands roses, de cygnes, d’oies, de canards, d’échassiers, de mouettes, et d’hirondelles de mer.

B – Des actions politiques dictées par l’urgence

L’énumération des accords internationaux précités ne doit pas faire illusion. S’ils marquent l’engagement des Etats signataires, il est difficile de les faire bien respecter. De nombreux pays sont dépourvus d’administration pouvant protéger les milieux naturels face à la pression démographique, face à des projets de développement économique pourvoyeurs d’emplois, etc… Peut-on ainsi reprocher à l’Egypte, dont la vallée du Nil est surpeuplée, de vouloir urbaniser le littoral de la Mer rouge pour y fixer 5 de ses 90 millions d’habitants et de créer des emplois dans le tourisme ?

Dans les pays développés, les contradictions entre intérêts économiques et protection de l’environnement sont fréquentes : extension de lignes de télésièges dans les massifs alpins, investissements immobiliers sur le littoral, monoculture agricole, usage trop intensif d’intrants au détriment de la qualité des eaux, destruction des abeilles, principale espèce animale pollinisatrice dont on commence seulement à mesurer les effets catastrophiques.

1) La protection internationale des requins : un dispositif dérisoire

La mention des requins (élasmobranches) dans un rapport parlementaire pourrait prêter à sourire. La disparition accélérée de cette espèce est pourtant l’illustration même du concept de crise silencieuse qui affecte la biodiversité. En apparence, la pêche excessive dont elle est victime n’affecte pas directement le cours de notre existence. En réalité, le rôle indispensable que jouent les requins dans l’équilibre des océans, tant en zone tropicale que tempérée (élimination des poissons malades, protection du récif corallien par la prédation des tortues en nombre excessif..) rend leur protection prioritaire alors que le dispositif en est balbutiant.

Les élasmobranches sont largement exploités par la pêche partout dans le monde et une diminution alarmante des populations et stocks a amené la communauté internationale à lancer des messages d’alerte notamment aux organisations régionales de pêche à partir des années 1990. Quelques uns des pays pratiquant le plus la pêche se trouvent en Europe. Entre 1990 et 2003, les captures mondiales de requins ont augmenté de 22 %, 80 % de ces captures étant le fait de 20 pays dont l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni et la France.

Si des mesures commencent à être prises pour mieux gérer les stocks de ces espèces, les pouvoirs publics indiquent que des lacunes dans la connaissance de leurs biologie et écologie, et en conséquence l’insuffisance de suivi des captures et du débarquement, sont encore, notamment en Europe, un obstacle à une gestion de la ressource. Ce type d’expression, utilisé notamment dans une réponse ministérielle envoyée à votre Rapporteur, montre le décalage dramatique entre l’action des pouvoirs publics et l’urgence de la situation.

Les conventions internationales environnementales comportent dans leurs listes respectives d’espèces menacées ou protégées quelques espèces de requins. Ces listes se sont légèrement renforcées ces dernières années à la suite du constat alarmant des menaces pesant sur un nombre élevé d’espèces de raies et requins. La Liste rouge de l’UICN montre un nombre élevé d’espèces de requins migrateurs menacés : près de 49 % sont en danger critique, en danger ou vulnérables (11 % pour les non migrateurs). Tout comme la convention OSPAR de protection du milieu marin du Nord-Est Atlantique, qui a récemment ajouté à sa liste d’espèces menacées plusieurs espèces de raies et requins, la convention de Barcelone se prépare à compléter ses listes d’espèces protégées ou gérées. La convention de Bonn sur les espèces migratrices, outre l’ajout de nouvelles espèces dans ses listes, élabore un projet de mémorandum d’entente pour la conservation des requins au niveau mondial. Malheureusement, il ne s’agit pour l’heure que de projets…

Au niveau européen, la politique commune des pêches se révèle insuffisante pour protéger les élasmobranches. Officiellement, les quotas de prise attribués à chaque pays sont, ces dernières années, en constante diminution. De même, un règlement européen du 26 juin 2003, relatif à l’enlèvement des nageoires de requin à bord des navires interdit cette activité barbare. Toutefois les dérogations à cette règle et l’absence de possibilité de réellement les contrôler affaiblissent considérablement la portée de ce règlement…

La Commission européenne a publié une communication le 6 février 2009, en application du « plan d’action international » de la FAO de 1999, intitulée « Plan d’action communautaire pour la conservation et la gestion des requins ». Elle propose de mettre en œuvre un plan d’action poursuivant trois objectifs spécifiques :

– Approfondir les connaissances en ce qui concerne tant les pêcheries de requins que les différentes espèces de requins, et des espèces spécifiques associées (raies et chimères) et leur rôle dans l’écosystème ;

– Faire en sorte que la pêche ciblée de ces espèces soit durable et que les prises accessoires résultant d’autres types de pêche soient dûment réglementées ;

– Favoriser la cohérence entre les politiques intérieures et extérieures mises en œuvre par la Communauté en ce qui concerne les requins.

Certaines de ces mesures peuvent être mises en œuvre au niveau communautaire, alors que d’autres exigent une intervention au niveau des Etats membres ou l’approbation des organisations régionales de pêche.

Pour votre Rapporteur, il serait temps que les pouvoirs publics cessent de se cacher derrière des études complémentaires pour prendre des décisions. L’IFREMER, organisme public, et les dizaines d’ONG qui ont donné l’alerte sur la disparition des requins, ont parfaitement analysé les menaces pesant sur les élasmobranches. Les mesures (moratoire ou interdiction définitive de la pêche) qui assureraient leur protection sont évidentes. Il est également évident qu’elles porteraient atteinte, dans l’immédiat, aux intérêts des pêcheurs de certaines parties de notre littoral et des fournisseurs d’ailerons aux pays asiatiques, qui en sont les principaux consommateurs. Mais il faut avoir le courage politique, face à une situation qui met en péril l’ensemble de l’équilibre des océans, de prendre rapidement les mesures qui s’imposent.

2) La protection du thon rouge de Méditerranée : l’urgence d’un moratoire international sur la pêche

Le dossier du thon rouge illustre la nécessité d’une intervention ferme des pouvoirs publics, en deux étapes : mettre en œuvre immédiatement un moratoire de la pêche à l’échelle de l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée et réunir pour une négociation les représentants des pêcheurs, les organes scientifiques de l’Etat, les collectivités locales et les grandes ONG d’environnement.

Si rien n’est fait, le thon rouge disparaîtra de Méditerranée en 2012. Il y a aura une nouvelle fois atteinte à l’équilibre biologique de cette mer, et perte de revenus pour l’ensemble de la filière de la pêche. La population a décru de 75 % en cinquante ans, tandis que la taille moyenne des animaux est passé de 124 kg en 2001 à 65 kg en 2008. Or la taille des reproducteurs influe sur la perpétuation de l’espèce. Les thons géants (900 kg, qu’il était courant de trouver au début du XXème siècle) sont en mesure d’avoir plus de descendance que des thons plus petits.

Les stocks de thon rouge sont au bord de l’effondrement, en raison d’une surpêche irresponsable : surcapacité des flottes, non respect des quotas, pêche pirate au profit des flottes japonaise et taïwanaise, utilisation illégale d’avions de repérage, sous-déclaration des captures… Autant de pratiques connues auxquelles l’Etat pourrait mettre fin en donnant instruction à la gendarmerie maritime de les combattre.

Dans l’immédiat, il convient de fermer la pêche de cette espèce et de l’inscrire à l’annexe 1 de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage (CITES), pour que cesse son commerce international. Il faudra ensuite réunir l’ensemble des partenaires concernés par cette pêche pour qu’une fois l’espèce sauvée, elle puisse faire l’objet d’une gestion assurant sa pérennité.

Votre Rapporteur pour avis relève que les professionnels de la pêche ne sont pas opposés à un moratoire. Mais ce dernier ne peut être efficace que s’il est imposé à l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée et qu’il s’applique aux flottes de pays non méditerranéens, comme Taiwan ou la Corée du Sud. L’ensemble de la communauté internationale doit prendre la mesure du problème et agir en conséquence, non les seuls professionnels français.

3) Ecarter la menace sur plusieurs espèces

La Liste rouge de l’UICN a fait l’objet, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, d’une actualisation pour les espèces menacées en France métropolitaine et en outre-mer. S’agissant des espèces marines, apparaissent dans cette liste des oiseaux marins dont l’Albatros d’Amsterdam, le phoque moine, plusieurs espèces de poissons, mérou géant, présent en Guadeloupe et Guyane, esturgeon d’Europe qui vit sur le plateau continental mais se reproduit en eau douce – actuellement l’estuaire de la Gironde est le seul site au monde de reproduction de l’espèce – le thon rouge du Sud, plusieurs espèces d’élasmobranches (raies, requins, torpilles et poissons scie), deux espèces de tortues marines (tortue luth et tortue à écaille).

Cette approche des espèces menacées, reposant sur la liste mondiale de l’UICN, doit être complétée par celles des conventions internationales ou régionales de protection de la biodiversité qui peuvent établir des listes d’espèces menacées, sur la base d’autres critères et à des échelles géographiques différentes. On peut citer la convention d’OSPAR qui a établi entre autres pour la zone marine du Nord-Est Atlantique une liste d’espèces menacées comportant notamment des invertébrés marins, d’autres espèces de cétacés, plusieurs espèces de requins et de raies, les hippocampes…

L’actualisation en cours de la liste rouge pour la France conduite par le muséum national d’histoire naturelle et l’UICN ne concerne actuellement que la métropole. Elle fait apparaître des espèces marines telles que le pingouin torda et le macareux moine, victimes des pollutions marines mais également de la réduction de leurs ressources alimentaires (poissons) ou des mammifères marins: la baleine des Basques dont les populations qui fréquentaient le Golfe de Gascogne et l’Atlantique Nord-Est sont désormais probablement éteintes (la seule population mondiale ne comporterait plus que 300 individus le long des côtes d’Amérique du Nord), les phoques gris et brun, le rorqual commun et le marsouin commun.

Comme pour les élasmobranches et le thon rouge, l’urgence exige l’action. Il est inutile de lancer de nouvelles études qui ne feraient que différer les décisions nécessaires.

C – Une vision restrictive de la biomasse

Il existe deux définitions de la biomasse : en écologie, il s’agit de la masse totale des organismes vivants mesurée dans une aire géographique. Dans le domaine de l’énergie, elle désigne l’ensemble des matières organiques pouvant devenir sources d’énergie.

La bonne santé écologique d’un pays, d’une région, d’une aire géographique plus petite, est liée à une abondante biomasse comme à une importante diversité biologique. En d’autres termes, de multiples espèces végétales et animales en grande quantité. Une véritable politique en faveur de la biomasse doit permettre le développement de celle-ci et non son confinement.

Plutôt que cette approche écologique, notre pays a retenu une vision restrictive de la biomasse, la limitant à une politique de protection des forêts pour la fourniture de bois. Ce choix n’a rien de novateur car notre pays gère remarquablement ses forêts depuis le XVIIème siècle. Le Grenelle de l’environnement a retenu les objectifs suivants :

– Nécessité, afin d'atteindre l'objectif de 23 % d'énergie d'origine renouvelable en 2020 auquel la France s'est engagée d'une part, de renforcer l'utilisation de bois dans la construction en substitution à des matériaux non renouvelables et/ou fortement consommateurs d'énergie pour leur production d'autre part.

– Possibilité, compte tenu de l'accroissement de la forêt française en surface et en volume, d'accroître le prélèvement de bois, sous réserve du respect des écosystèmes, de la biodiversité, des projets de territoires et des attentes multiples des acteurs vis-à-vis de la forêt.

Pour que ce prélèvement de 12 millions de m3 en 2012 et de 21 millions de m3 en 2020 s'effectue de manière durable, l'Etat a prévu trois principaux dispositifs de prévention, de suivi et de contrôle :

– L'implantation de grandes unités énergétiques est retenue dans les appels d'offres et appels à projets de l'Etat sous réserve de la présentation d'un plan d'approvisionnement durable; la direction générale de l'énergie et du climat du ministère chargé de l’environnement a la responsabilité de la pertinence et de la viabilité de ce plan et de sa compatibilité avec la préservation des ressources en biomasse. Pour ce faire, les cellules "biomasse" placées auprès des préfets de régions, ont vu leur champ de compétence élargi au suivi de la ressource en biomasse pour s'assurer que les effets cumulatifs de différents projets n’épuisent pas les capacités de reproduction forestière.

– Le contrat d'objectifs signé entre l'Etat et l'Office national des forêts (ONF) pour la période 2007-2011 stipule que l'augmentation de mobilisation des bois dans les forêts publiques s'accompagnera du développement d'un outil de prévision de la récolte, qui garantira aux autorités de tutelle que seuls les prélèvements durables et compatibles avec la ressource disponible seront effectués. Cet outil en cours de déploiement complètera pour l'ONF le règlement national d'exploitation forestière et l'instruction nationale pour la prise en compte de la biodiversité dans les forêts publiques, en cours de signature ;

– Les travaux de l'Inventaire forestier national (IFN) permettent de suivre a posteriori l'évolution de la ressource. Cet organisme est unanimement reconnu pour la qualité et l'indépendance de ses publications statistiques et garantit ainsi un contrôle rigoureux de l'état de la ressource.

La doctrine de l'Etat en matière de préservation de la biomasse forestière s'articule donc autour des conclusions du Grenelle de l'environnement qui ont conclu à la nécessité de respecter quatre principes pour garantir sa gestion durable :

– possibilité de mobiliser plus de biomasse ;

– mieux préserver la biodiversité (simultanément, dans le même temps et dans les mêmes lieux) ;

– respecter le principe d'une gestion territoriale, au bon niveau administratif ;

– respecter la multifonctionnalité des forêts, affirmée par le Code forestier.

La pertinence d’une politique de la forêt n’est pas à contester. En revanche, on ne peut limiter le développement de la biomasse à cette seule politique.

III – LA NÉGOCIATION SUR LE CLIMAT ET L’ÉNERGIE

La loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (J.O. lois et décrets du 5 août 2009) a pour objet de définir les instruments politiques de mise en œuvre pour lutter contre le changement climatique. De nombreuses dispositions de la loi ont des répercussions au niveau international, principalement au niveau communautaire : Lutte contre le changement climatique, transports, recherche dans le domaine du développement durable, biodiversité, agriculture, prévention des risques, gestion des déchets, information et formation.

A – Le plan climat, fondement de la politique française

La politique climatique de la France est traduite dans le Plan climat révisé tous les deux ans conformément à l’article 2 de la loi du 13 juillet 2005. Depuis la dernière actualisation du plan climat (en 2006), le Grenelle de l’environnement est venu renforcer très largement la politique climatique de la France. Une nouvelle version du plan climat sera publiée à l’automne 2009. Alors que la mise en oeuvre de la loi du 3 août 2009 est aujourd’hui en cours, cet exercice d’actualisation a été l’occasion de réaliser la synthèse de l’ensemble des mesures prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France, mais surtout d’évaluer l’impact de la mise en oeuvre de l’ensemble des objectifs et engagements du Grenelle sur ces émissions.

Cette actualisation a servi de base au rapport sur les mécanismes de surveillance que la France doit transmettre à la Commission européenne tous les deux ans dans le cadre de la décision 280/2004/CE sur le suivi des émissions dans la Communauté et la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Elle sera également le support de la 5ème communication nationale de la France à la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) que la France publiera avant la conférence des parties de Copenhague en décembre 2009.

Par ailleurs, il convient de rappeler que conformément à l’article 28 de la loi n°2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, complété par l’article 169 de la loi n°2006-1771 du 30 décembre 2006, ont été institués des documents de politique transversale dont l’un est relatif à la lutte contre le changement climatique. Ce document comporte une présentation de la politique climatique de la France, la liste des programmes y contribuant ainsi qu’une description de la manière dont ceux-ci y participent, ainsi qu’une présentation par axe stratégique des objectifs et indicateurs de performance retenus et des valeurs associées. Enfin, ce document comporte une présentation détaillée de l’effort financier (dépenses budgétaires et dépenses fiscales) consacré par l’Etat à la politique transversale pour l’année à venir (PLF 2010), l’année en cours (LFI 2009) et l’année précédente (exécution 2008).

Enfin, si la France souhaite être exemplaire en termes de lutte contre le changement climatique et s’est engagée à réduire de manière importante ses émissions de gaz à effet de serre, elle considère qu’une action au niveau mondial est un enjeu majeur pour répondre au défi du changement climatique. La conclusion d’un accord international sur le régime post-2012 de lutte contre le changement climatique est impérative.

La France figure déjà parmi les économies industrialisées les moins émettrices de gaz à effet de serre, tant en termes d’émissions par habitant que par unité de PIB : la France représente ainsi 1,1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) en 2004 alors qu’elle contribue à hauteur de 5 % du PIB mondial. Par ailleurs, avec des émissions en 2007 inférieures de 5,6 % au plafond fixé par le protocole de Kyoto, la France est également un des rares pays industrialisés dont les émissions se situent d’ores et déjà en deçà de son engagement international.

Avec la loi du 3 août 2009 précitée, la France a résolument choisi d’aller encore beaucoup plus loin et d’accélérer sa transition vers une société et une économie sobres en énergie et en carbone. Les projections d’émissions de la France réalisées dans le cadre de la mise à jour du plan climat prévoient de réduire les émissions de carbone de la France en 2020, soit une réduction de 21,8 % par rapport à 2005 et de 22,8 % par rapport à 1990. La mise en oeuvre des objectifs du Grenelle permettra à la France de respecter ses engagements au titre du protocole de Kyoto sur la période 2008-2012, ainsi que les objectifs qui lui ont été fixés dans le cadre de l’accord sur le paquet énergie climat.

Projections d’émissions de la France à l’horizon 2020 dans le cadre d’un scénario « sans Grenelle » et d’un scénario « avec Grenelle »

Source : Inventaire CCNUCC, CITEPA, soumission 2009 et projections d’émissions, étude CITEPA, mars 2009

Conformément à la volonté de la France de jouer un rôle moteur et exemplaire sur la scène internationale, à la veille de la conférence de Copenhague, la loi du 3 août 2009 lui permet d’aller plus loin et de se placer déjà dans la perspective d’une réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE entre 1990 et 2020, réduction à laquelle l’UE s’engagera en cas d’accord international satisfaisant sur le régime post-2012.

La situation économique actuelle, même si elle provoque une réduction des émissions à court terme, pourrait entraîner, si les mesures du Grenelle de l’environnement n’étaient pas strictement mises en œuvre, une croissance à moyen terme des émissions. C’est pourquoi, dans le cadre du plan de relance, le gouvernement a mis l’accent sur les mesures favorables à l’environnement. Avec la loi du 3 août 2009 et le Plan climat, il s’agit donc bien d’asseoir un nouveau mode de croissance respectueux de l’environnement.

La taxe sur le carbone prévue dans le projet de loi de finances pour 2010 n’entre pas stricto sensu dans le cadre d’un avis budgétaire sur l’action internationale de la France en matière environnementale. On observera toutefois qu’une telle taxe, instaurée pour modifier le comportement de l’ensemble des acteurs de notre société pour qu’ils émettent moins de CO2, peut entraîner des écarts de compétitivité, notamment avec nos partenaires européens qui forment nos principaux partenaires et concurrents économiques. Plusieurs pays européens, parmi lesquels la Suède qui préside actuellement l’Union européenne, mais également le Danemark, ont mis en place une taxe carbone dans les années 90.

La taxe sur le carbone aux frontières, appelé ajustement aux frontières par le Programme des Nations Unies pour l’environnement et l’Organisation mondiale du commerce constitue un autre projet auquel notre pays est favorable. Elle consiste à taxer des produits en provenance de pays peu soucieux d’environnement, pour rétablir un équilibre entre les prix des différents produits, certains devant intégrer le coût d’investissements liés aux normes environnementales.

Plusieurs difficultés techniques entourent ce projet : il faut pouvoir attester de la similitude des produits importés, évaluer leur contenu en carbone. Les pays d’origine des produits peuvent de leur côté mettre en avant leur politique environnementale et contester l’instauration d’une telle taxe sur leurs exportations. La complexité technique se double de conflits politiques potentiels : il existe un risque sérieux de faire naître des guerres commerciales, par des mesures de représailles réciproques. L’unilatéralisme des Etats souffre en l’espèce de la globalité des problèmes. Jacques le Cacheux, économiste à l’OFCE, propose que le produit d’une telle taxe soit reversé aux pays en voie de développement pour financer les investissements réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit certainement d’une piste intéressante, car aucune taxe ne doit avoir pour effet de pénaliser les recettes d’exportation de ces pays.

Dans l’immédiat, la taxe sur le carbone aux frontières pourrait être mise en place à l’encontre des pays qui ne se soumettent pas à une politique de quotas d’émissions pour leurs industries les plus polluantes. Ainsi ceux qui refuseraient tout système contraignant verraient néanmoins leur économie pénalisée.

A ce jour, la politique des quotas a fait la preuve de sa pertinence à l’échelle européenne. Complétée par l’instauration d’un marché du carbone en 2005, elle a permis de fixer un prix du carbone, de lui donner une valeur monétaire permettant d’inciter à la diminution des émissions. Toutefois, le prix du carbone a chuté avec le ralentissement économique (10 euros la tonne à comparer à 30 euros au milieu de l’année 2008) alors que l’objectif de ce marché est de l’augmenter. Plusieurs institutions (Commission européenne, Centre d’analyse stratégique, Conseil économique et social) ont émis l’idée d’un prix plancher de la tonne de carbone, autour de 27 euros. Cette idée vise à bloquer la variation du prix vers le bas pour créer au contraire une tendance structurelle vers son augmentation. Certains analystes voient à moyen terme un prix avoisinant 100 euros en 2020, afin de poursuivre l’objectif de diminution de gaz à effet de serre.

B – Les objectifs de la France et de l’Union européenne

La France et l'Union européenne cherchent à obtenir un accord ambitieux à Copenhague, à savoir la rédaction de prises d'engagement qui permettront une limitation de l'augmentation de la température globale à 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle. Le chemin de la limitation de l'augmentation de la température est décrit par le rapport du groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) comme le moins périlleux pour l'avenir de nos sociétés : limiter le réchauffement global revient à limiter les risques nuisibles dus au changement climatique. Il s'agit donc de garder une approche qui vise à chercher la solution par rapport à une limite présentée par la science – puis répartir l'effort global entre pays - et non adopter une approche en fonction de ce que peuvent faire les États et dont le résultat global serait insuffisant par rapport aux limites préconisées par la science.

Ces prises d'engagement se traduiraient concrètement par la transcription des efforts que les États fortement émetteurs de gaz à effet de serre (GES) doivent accomplir pour que la concentration de GES dans l'atmosphère n'entraîne pas un dépassement des 2°C de réchauffement global.

Toute la difficulté de la négociation consiste dès lors à sortir de la division entre pays développés et pays en développement du Protocole de Kyoto qui, pour l'instant, ne permet pas aux pays émergents de prendre des engagements alors qu'ils sont fortement émetteurs, en trouvant un concept qui permette à tous les pays fortement émetteurs de GES, qu'ils soient développés ou en développement, d'inscrire des engagements (qu'il s'agisse d'une réduction des émissions, d'une augmentation de l'efficacité énergétique, d'une déviation de leur prévision d'émission par rapport à leur prévision de croissance...) comparables dans un accord international. Il faudra définir la proportion d'effort à assurer par chaque pays en fonction de ses spécificités, par rapport à l'effort global nécessaire ; et enfin s'accorder sur des mécanismes qui permettent aux pays en développement de continuer de se développer et ce, malgré les risques nuisibles du changement climatique auquel ils devront s'adapter – notamment des mécanismes de soutien financier et technologique à leurs actions.

Les États-Unis, le Canada, le Mexique, la Russie, l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud, pays clé pour la réussite de la conférence de Copenhague ont rapproché leur position de celle de l’UE, en envisageant la possibilité de prendre des engagements, ce qui pourrait faire avancer de manière significative les débats. En l’absence, pour l’heure, de propositions concrètes de leur part, les pays précités, hors les Etats-Unis, indiquent cependant que l’accord ne pourra se faire sans les États-Unis et donc restent attentifs aux dispositions de la législation américaine.

À l'heure actuelle, on peut dire que les États-Unis et le Canada ne traduisent pas le même niveau d'ambition que l'Europe : L'UE a annoncé une réduction de ses émissions de GES de 20 % d'ici 2020 par rapport au niveau de 1990 avec une possibilité d'accroître cet effort jusqu'à - 30 % si un accord ambitieux était obtenu à Copenhague, alors que les États-Unis pour l'instant travaillent à une proposition de loi qui engagerait le pays à réduire de 5 % ses émissions par rapport à leur niveau de 1990.

Le sommet du G8 à l’Aquila en juillet 2009, sous présidence italienne, a permis plusieurs avancées en matière de développement durable, en préparation de la conférence de Copenhague. Les États membres du G8 ont reconnu sur la base des travaux du GIEC la nécessité de limiter l’augmentation des températures à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et de mener des actions d’atténuation mesurables, rapportables et vérifiables ainsi que des plans de croissance bas carbone. C'est une avancée significative que la France appelait de ses vœux et qui s'inscrit dans la continuité des engagements ambitieux déjà pris par l'Union européenne à travers le paquet énergie / climat. Mais ce n'est bien sûr pas suffisant : la France souhaite que les conditions de la maîtrise des émissions et le respect de ce plafond de deux degrés soient posées et définies à l'occasion de  la conférence de Copenhague. En particulier, cet engagement politique global pris par les membres du G8 en juillet dernier doit être décliné en engagements de réduction de leurs émissions, engagements assortis de chiffres et d'échéances précis et comparables aux engagements déjà annoncés par l’UE. C'est la condition indispensable pour obtenir des pays en développement et notamment des grands pays émergents qu'ils prennent des engagements de maîtrise de leurs émissions et participent également, comme cela est nécessaire, à la lutte contre le changement climatique.

C – La conférence de Copenhague, un pari sur la volonté politique

Alors que la communauté internationale a les yeux rivés sur l’échéance de la conférence de Copenhague, les négociations préparatoires sont ardues, et rien ne garantit que la conférence soit un véritable succès, avec un engagement concret des Etats sur la réduction de leurs émissions de carbone. Pourtant, un résultat s’avère indispensable. L’échéance de décembre 2009 est imposée par les délais de ratification d’un accord international qui prendra la suite du Protocole de Kyoto, qui arrivera à échéance en 2012.

On observera que la France et l’Union européenne attendent de cette conférence la signature d’un traité et non une simple déclaration de principes. Un traité contiendra les engagements chiffrés des Etats et aura valeur contraignante.

Sans engagement précis des Etats, il n’y aura ni efforts des pays industrialisés (sauf ceux qu’ils s’assignent eux-mêmes, comme l’Union européenne) ni mécanisme de solidarité financière pour aide les pays en voie de développement à mettre en place une économie sobre en émissions de carbone. Le risque d’un échec n’est hélas pas exclu et, comme le relève la journaliste Julie Chauveau, « tout se passe comme si, après avoir reconnu la nécessité de limiter le réchauffement à deux degrés par rapport à la période préindustrielle, la communauté internationale était tétanisée par l’importance des efforts à faire ». Tout repose sur la volonté commune des Etats, qui n’encourent aucune sanction en cas de réticence à un engagement chiffré de leurs obligations.

La conférence de Copenhague est aux prises avec une contradiction fondamentale : d’un côté, l’exigence d’une solidarité entre les nations pour préserver notre planète, de l’autre la liberté d’action que veulent conserver ces mêmes nations. Rien n’illustre mieux cette contradiction que l’échange entre les Etats-Unis et la Chine aux Nations-Unies, le 22 septembre dernier. Les déclarations des dirigeants des deux pays étaient très attendues, compte tenu de leur niveau élevé d’émissions de CO2. Le Président américain a rappelé ses engagements, avec notamment les 150 milliards de dollars qu’il entend consacrer aux énergies renouvelables dans les 10 ans à venir, mais il a aussi laissé entendre à quel point la négociation serait difficile avec le Congrès des Etats-Unis lorsqu’il s’agira d’assigner les efforts de chaque secteur de l’économie. Son homologue chinois a affirmé sa volonté de réduire la croissance des émissions de CO2 (et non d’en réduire le volume) mais plaidant pour une responsabilité différenciée des nations en développement, a rejeté toute contrainte, notamment tout engagement chiffré de réduction de gaz à effet de serre, et indiqué que la Chine demeurait juge des efforts à fournir et de leur rythme. Néanmoins, l’engagement de Pékin est un élément capital dans cette négociation.

« Nous sommes sur la voie de l’échec si nous continuons ainsi » a déclaré le Président Nicolas Sarkozy à la tribune des Nations-Unies le 22 septembre dernier. Ce sentiment est partagé par la grande majorité de la communauté internationale. Le défi à relever ne peut résulter que d’une volonté politique forte. L’humanité est en demeure de « casser le lien entre la croissance et les émissions de CO2 » (Nicholas Stern). Actuellement, la concentration de dioxyde de carbone est de 435 parties par million (ppm), et elle augmente de 2,35 ppm par an. A ce rythme, elle sera de 750 ppm en 2100, soit une augmentation de température de 5°, bien au-delà de l’objectif de 2° que s’assignent les Etats à Copenhague. Seule une division par quatre avant 2030 de l’intensité en carbone des économies américaine, européenne, japonaise, chinoise, brésilienne et indonésienne permettrait de l’atteindre.

L’engagement de la Chine constitue un premier pas. Dans la logique de la proposition de M. Hu Jintao appelant à un concours financier des pays développés pour que les pays en développement accèdent à des technologies respectant l’environnement, le Japon, puis le Mexique et la France, ont proposé la mise en place d’un tel concours auquel contribueraient les pays riches et émergents, au pro rata de leurs émissions de CO2 et de PIB. Ce mécanisme ne peut néanmoins fonctionner qu’avec des engagements précis de réduction d’émissions, ce à quoi aucun Etat ne s’est fermement engagé pour l’heure, à l’exception de l’Union européenne.

Les Etats ont également le plus grand mal à trouver un accord sur le financement de la lutte contre la déforestation, qui est un élément clé pour la réussite de la conférence. Conduits par la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Costa Rica, 40 pays regroupés au sein de la Rainforest coalition (groupe des pays disposant de forêts tropicales, certaines étant primaires) ont fait de ce financement la condition sine qua non de leur accord à tout mécanisme de réduction des émissions à effet de serre.

Les pays en développement n’accepteront d’accomplir des efforts que si les nations industrialisées s’engagent sur un chiffre de réduction. L’Union européenne et le Japon ont déjà fait part de leurs objectifs, mais l’attentisme américain –aucun engagement précis à ce jour – freine les progrès de la négociation. Par ailleurs, aucun Etat développé n’a réellement décrit la stratégie qu’il adoptera pour mettre en œuvre une économie sobre en émissions de carbone.

L’enjeu de la conférence de Copenhague est de créer un climat de confiance entre les Etats. A partir du moment où émerge une conscience mondiale sur la survie de l’humanité, il faudra trouver un mécanisme respectueux de la souveraineté des Etats, puisque aucun n’accepte de contraintes en matière environnementale. Ce mécanisme est celui de la coopération, par laquelle Etats industrialisés et Etats en voie de développement partageront un intérêt mutuel à modifier les structures de leurs économies. Seul un effort coordonné diminuera le coût des politiques unilatérales. Il s’agit d’un pari sur la confiance, d’un pari sur la volonté politique d’Etats qui, ayant opéré la même analyse, éviteront des solutions a minima et joueront la carte de la solidarité internationale.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie, sur les crédits de la mission « Ecologie, aménagement et développement durables » du projet de loi de finances pour 2010, au cours de sa séance du mercredi 28 octobre 2009.

M. le président Didier Migaud. Avec Patrick Ollier, président de la Commission des affaires économiques, Christian Jacob, président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et Jacques Remiller, qui représente le président de la commission des affaires étrangères, Axel Poniatowski, je suis heureux de vous accueillir, madame la secrétaire d’État chargée de l’écologie, à cette réunion de la commission élargie consacrée à la mission « Écologie, développement et aménagement durables » et aux comptes spéciaux qui lui sont associés.

La procédure de la commission élargie est destinée à privilégier les échanges directs entre les ministres et les députés en donnant toute la place aux questions et aux réponses.

Pour organiser nos débats, nous les avons divisés en deux thématiques distinctes. Sur les transports, nous avons entendu M. Dominique Bussereau cet après-midi ; ce soir, notre discussion s’engage sur les autres politiques de l’écologie et du développement durable. Nous commencerons par les questions des rapporteurs spéciaux de la commission des finances et des rapporteurs pour avis des trois autres commissions.

Avec la mission « Écologie, développement et aménagement durables », nous sommes au cœur des sujets de politique budgétaire. Entre la traduction du Grenelle de l’environnement et le verdissement de notre fiscalité, les priorités de ce projet de loi de finances s’inspirent en effet largement d’un esprit de développement durable.

Cette mission est également d’un intérêt particulier car on y voit agir les différents leviers d’action de l’État : des dépenses fiscales qui pèsent d’un poids comparable à celui des crédits budgétaires ; des opérateurs de l’État qui relaient son action et doivent agir dans le sens de ses priorités.

Enfin, le ministère que vous représentez ce soir doit relever un certain défi de gouvernance. Il est né du regroupement d’administrations diverses par leur objet, leurs effectifs et, parfois, leur culture. Certains se sont demandé si les ingénieurs de l’équipement pourraient travailler avec les « poètes » de l’environnement… Plus sérieusement, je me souviens des travaux menés en 2008 par la mission d’évaluation et de contrôle, qui avaient mis en évidence les problèmes de gestion des ressources humaines qui restaient en suspens.

Nous demandons aux rapporteurs d’être le plus précis et le plus concis possible. Leur introduction à nos débats ne saurait de toute façon donner la mesure de l’importance du travail qu’ils accomplissent tout au long de l’année. Je leur rends hommage, car la mission de contrôle et d’évaluation que nous souhaitons développer au sein de l’Assemblée se fonde notamment sur la qualité et la constance de leur travail.

M. le président Christian Jacob. À mon tour, je remercie les rapporteurs. L’essentiel est qu’ils puissent s’exprimer ce soir au nom de leurs commissions respectives.

M. le président Patrick Ollier. Je suis sur la même ligne : venons-en au fait.

M. Jacques Remiller, suppléant M. le président Axel Poniatowski. Je m’associe aux propos de mes prédécesseurs.

M. Jacques Pélissard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour la prévention des risques et la conduite et le pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer. Mon intervention concernera les programmes 181 – « Prévention des risques » – et 217 – « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer ».

Sur la forme, nous avons bénéficié cette année d’un excellent taux de réponse aux questionnaires budgétaires, puisque 96 % des réponses ont été apportées dans les délais. Un autre motif de satisfaction est que les indicateurs sont désormais bien définis et précis. Assortis de bons sous-indicateurs, ils permettent une approche pertinente.

Sur le fond, les crédits du programme « Prévention des risques » sont en augmentation de 30 % grâce, notamment, aux efforts consentis sur l’action « Prévention des risques technologiques et des pollutions ». Celle-ci bénéficie d’une hausse de 63,9 % en autorisations d’engagement et de 82,9 % en crédits de paiement, ce qui est une bonne chose, dans la perspective de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Ma première question concerne l’ADEME, principale bénéficiaire des augmentations de crédits. Sa subvention pour charges de service public au titre du programme « Prévention des risques » passe ainsi de 10 millions d’euros en 2009 à 42,5 millions en 2010. D’autres programmes financent l’ADEME à hauteur de 65 millions d’euros. En outre, l’agence bénéficie d’une part importante de la TGAP, à hauteur de 511 millions d’euros. J’aimerais d’ailleurs avoir des précisions sur l’utilisation de ces crédits. Quelles seront les principales actions de l’ADEME au titre du « fonds chaleur » et pour la réhabilitation des sites pollués – cette dernière action étant qui plus est renforcée de 20 millions d’euros au titre du plan de relance de l’économie ?

En ce qui concerne les risques technologiques, l’ambition du Gouvernement – d’ailleurs rappelée par une circulaire du 26 janvier 2009 – est de porter à 80 % à la fin de l’année 2010 le taux d’approbation des PPRT – plans de prévention des risques technologiques. Or, au 31 juillet 2009, seuls 13 PPRT ont été approuvés sur 420. Les objectifs du Gouvernement sont-ils réalistes ?

Les crédits dévolus à l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, relèvent également du programme « Prévention des risques ». Leur forte progression – 7,9 % – confirme qu’il s’agit d’un enjeu prioritaire. Une partie de ces crédits a vocation à financer les dépenses d’information du public. Or plusieurs incidents récents – je pense au stockage de plutonium non enregistré sur le site de Cadarache – ont provoqué l’inquiétude de la population. De quelle façon l’information des riverains pourrait-elle être améliorée ? Quelles actions de communication prévues en 2010 pourraient aller dans le sens d’une plus grande transparence ?

Le programme de soutien « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer » concentre les moyens du ministère destinés à mettre en place les réformes issues de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Pouvez-vous faire le point de l’application de ces réformes, au niveau tant de l’administration centrale que de l’administration territoriale ?

Enfin, les crédits du programme 217 restent constants, avec 3,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. On observe toutefois une forte progression – 11,59 % – des crédits de l’action « Politique et programmation de l’immobilier et des moyens de fonctionnement ». Il s’agit notamment de financer un projet intéressant de regroupement des sites boulevard Saint-Germain, à la Défense et dans l’est de Paris. Pourriez-vous préciser votre vision des choses ? Je note que le sous-indicateur « Dépenses liées à la fonction immobilière par m² rapportées à l’indice de référence des loyers en administration centrale » n’est pas très favorable. La prévision pour 2008 – 137,76 euros par mètre carré – a été largement dépassée. Parviendrez-vous à rester en deçà des 126 euros par mètre carré prévus pour 2010 ? La question me paraît intéressante dans la mesure où elle est liée à votre démarche de rationalisation des sites d’implantation du ministère.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la mission « Écologie, développement et aménagement durables ». Depuis plusieurs années, notamment depuis le Sommet de la terre qui s’est tenu à Johannesburg en 2002, l’environnement constitue un levier important de notre action diplomatique. Je m’étais donc inquiété de l’adaptation de notre diplomatie à une réalité qui conforte largement la vision française du multilatéralisme. La commission des affaires étrangères a la satisfaction de constater que cette adaptation est désormais intervenue. Nous apprécions la qualité de la collaboration engagée entre votre ministère, doté d’une direction générale des affaires européennes et internationales, et le ministère des affaires étrangères, lequel vient de créer une direction générale de la mondialisation. Il convient par ailleurs de souligner le rôle nouveau que jouent dans 96 postes diplomatiques les correspondants pour l’environnement, dont j’avais jusqu’ici déploré l’absence dans nos ambassades, y compris dans les plus importantes.

Ma première question concerne la protection de la biodiversité. Dans ce domaine, nous livrons une course contre la montre car le rythme de disparition des espèces s’accélère. Dans les réponses au questionnaire budgétaire que je vous ai envoyé, il est souvent fait état de la nécessité de réaliser des études, de comprendre les modes de vie des espèces animales avant de prendre des mesures. J’ai pour ma part l’impression qu’il y a urgence. Dès lors, quelles ambitions la France porte-t-elle dans les négociations internationales pour que des mesures concrètes de protection des espèces animales et végétales menacées – dont beaucoup sont en métropole, mais encore plus en outre-mer – soient prises dès 2010 ? Quelles espèces feront l’objet d’interdiction de chasse et de commerce ?

Je souhaite par ailleurs savoir où en sont les négociations préparatoires de l’importante conférence sur le climat doit se tenir à Copenhague. Quels sont les principaux clivages entre les États ? Des doutes subsistant sur les conclusions de cette conférence, il me paraît important de faire le point.

Le marché du carbone fonctionne plutôt bien, …

M. Yves Cochet. Ah non !

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis. …mais l’effet paradoxal de la crise économique est d’avoir fait diminuer le prix de la tonne de carbone, alors que la logique du système d’échange est justement de l’augmenter afin d’inciter les acteurs de la société à investir dans des équipements plus sobres. Que pensez-vous de l’idée d’imposer à l’échelle européenne un prix plancher de la tonne de carbone ? Par ailleurs, compte tenu de l’imbrication des économies américaine et européenne, que pensez-vous de la suggestion, faite par le Sénat américain, d’établir un système d’échange de quotas commun à l’Union européenne et aux États-Unis ? Certes, les bouquets énergétiques des deux zones sont très différents, mais le système européen n’a-t-il pas vocation à s’étendre à d’autres pays du monde, en particulier à ceux de l’OCDE ?

Enfin, si la pêche ne fait pas partie de vos attributions, elle a tout de même des conséquences en matière écologique. Or je vois poindre un séisme écologique, économique et social dans plusieurs régions, notamment dans le Golfe de Gascogne – risque d’effondrement de l’anchois – et en Méditerranée – raréfaction du thon rouge. Face à l’échec patent de la politique commune de la pêche, notre gouvernement est-il en mesure de porter à l’échelle européenne une nouvelle logique, consistant à mettre en accord pêcheurs et scientifiques, à appliquer un moratoire européen – et pas uniquement français – aux espèces les plus menacées et à lutter contre les pêches illégales effectuées par des flottes extra-européennes ?

M. Christophe Priou, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire pour la prévention des risques. Le programme « Prévention des risques » comprend quatre actions, concernant la prévention des risques technologiques et des pollutions, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, la prévention des risques naturels et hydrauliques et la gestion de l’après-mine. Les crédits attribués à l’ensemble du programme augmentent de 30 % par rapport au budget pour 2009. Mais les contraintes liées au contexte économique actuel ne vous paraissent-elles pas, madame la secrétaire d’État, de nature à ralentir la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, d’autant que tous les matériels destinés à la production d’énergie éolienne ou photovoltaïque sont fabriqués hors de notre pays ?

Dans le cadre du plan santé-environnement, pouvez-vous détailler les actions concrètes envisagées pour lutter contre les pollutions sonores et lumineuses ?

Pouvez-vous également préciser l’évolution des missions de l’établissement Météo France ? Quelles sont, le cas échéant, les missions touchées par les réductions d’effectifs ?

Dix ans après le naufrage de l’Erika, le procès est en cours. Quelles sont les perspectives de l’évolution du FIPOL, le fonds d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ?

Enfin, pouvez-vous préciser quels sont les moyens financiers et juridiques destinés à renforcer le rôle primordial que joue l’emblématique Conservatoire du littoral ?

M. Philippe Plisson, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire pour les politiques de développement durable. Pour la rédaction de mon rapport, j’ai auditionné Mme Michèle Pappalardo, commissaire générale au développement durable et déléguée interministérielle au développement durable, M. Jean-Marc Michel, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature, responsable du programme 113, et M. Didier Lallemand, secrétaire général du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, responsable du programme 217. J’ai pu ainsi apprécier leur compétence et leur disponibilité.

Je souhaiterais que le Gouvernement éclaire nos commissions sur plusieurs points précis concernant les crédits demandés au titre des programmes 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité » et 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’énergie, du développement durable et de la mer ».

Ces points précis seront détaillés naturellement dans l’avis que je déposerai sur ces deux missions.

J’évoquerai tout d’abord le financement de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Conformément aux dispositions de la loi du 3 août 2009, l’effort budgétaire de l’État en ce domaine est désormais identifié au sein du programme 113, et il fait, ce qui est une bonne chose, l’objet de projections pluriannuelles.

Cet effort augmente certes de façon significative, puisque les crédits passent de 39 millions à 61 millions d’euros. Mais compte tenu des enjeux que nous connaissons tous, n’est-il pas urgent de passer à une progression plus massive ?

Dans un contexte de mise en œuvre de la RGPP qui implique des pertes lourdes et continues en équivalents temps plein – une diminution de 1 400 ETP est prévue en 2009, puis de 1 294 ETP en 2010 et de 1 216 ETP en 2011 –, le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer a obtenu la création et le redéploiement de 1 450 ETP en trois ans pour la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, auxquels il faut ajouter 335 emplois créés au sein des opérateurs du ministère. Le Gouvernement pourrait-il nous donner leur répartition exacte par programme et par opérateur ? Si cette évolution mérite d’être saluée, pouvez-vous nous assurer que ces ETP seront réellement affectés à des tâches spécifiques au Grenelle et ne seront pas utilisés pour atténuer l’effet de la RGPP sur le schéma d’emplois du ministère ?

Le Gouvernement peut-il nous communiquer les projections d’évolution des ressources humaines liées à l’impact du Grenelle II ?

J’en viens aux structures administratives. Le Commissariat général au développement durable, dont le rôle est stratégique en matière de diffusion du développement durable dans l’ensemble des politiques publiques, voit ses moyens baisser de 2,1 %. Cette baisse est-elle compatible avec le renforcement des structures clé dans le processus du Grenelle ? Comment envisagez-vous de faire évoluer les effectifs affectés au commissariat général, où ne travaillent aujourd’hui que 499 personnes ?

La commissaire générale au développement durable cumule actuellement cette fonction avec celle de déléguée interministérielle au développement durable. Un tel cumul vous paraît-il de nature à garantir l’efficacité de l’action du ministère et à lui permettre de jouer son rôle d’aiguillon vis-à-vis des autres départements ministériels ? Envisagez-vous – et si oui à quelle échéance – de scinder les deux fonctions ? Quelle est votre vision du rôle de la délégation interministérielle au développement durable ?

En bonne logique, les crédits de l’ambassadeur chargé des négociations sur le climat, dont le rôle a été de préparer la négociation qui aura lieu au sommet de Copenhague au mois de décembre, auraient dû figurer dans l’action « Action européenne et internationale ». Or, ce n’est pas le cas. Pouvez-vous nous indiquer sur quels crédits sont imputées les charges liées à cette mission ?

Enfin, la première action du programme 217 ne consacre que 0,61 million d’euros aux mesures destinées à promouvoir l’écoresponsabilité dans les administrations. La faiblesse de ce montant vous paraît-elle compatible avec la nécessité de faire de l’État le meilleur exemple de gestionnaire intégrant le développement durable dans l’ensemble de ses activités ? Pourriez-vous informer la représentation nationale des résultats obtenus dans les autres ministères au moyen de 100 millions d’euros de crédits d’un fonds virtuel, les crédits étant débloqués en fonction des résultats obtenus par ces ministères en matière d’écoresponsabilité ?

M. Marc Goua, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur les crédits de l’énergie. Le programme 174, « Énergie et après-mines », représente environ 8 % des crédits de la mission. Il comprend trois actions relatives à la politique de l’énergie, à la gestion économique et sociale de l’après-mines et à la lutte contre le changement climatique. La modeste augmentation du budget – 1,3 % en autorisations de programme et 2,1 % en crédits de paiement – masque une situation contrastée. Alors que pour la politique de l’énergie, les crédits de paiement passent de 23,7 millions en 2009 à 38 millions d’euros en 2010, les crédits destinés à la gestion économique et sociale de l’après-mines –qui servent notamment à financer les retraites – diminuent de 4 % : 752 millions d’euros en 2010 contre 790 millions en 2009. Quant à la lutte contre le changement climatique, elle bénéficie d’une augmentation des crédits de 20 %.

L’augmentation du coût de l’énergie est une tendance lourde. Si nous ne faisons rien, la consommation d’électricité devrait quadrupler d’ici à 2050. Compte tenu de la raréfaction inéluctable des sources d’énergie, de l’effet de serre, du réchauffement climatique, il est nécessaire que notre économie réussisse sa mutation et devienne plus sobre, plus propre, notamment grâce au développement des énergies renouvelables. Je rappelle que la France est le cinquième importateur mondial de pétrole ; il convient donc d’assurer à long terme la sécurité de nos approvisionnements, même si l’insuffisance des réserves pose un certain nombre de questions. La Commission européenne a fixé un objectif « trois fois vingt » d’ici à 2020, mais en ce qui concerne la part d’énergies renouvelables dans la consommation, la France devrait atteindre 23 %.

Tout cela devra passer bien sûr par des mesures incitatives comme la taxe carbone, l’actualisation de la TIPP ou le « verdissement » des aides à la construction, mais nécessitera surtout des investissements colossaux – les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables étant estimés à 15 000 milliards de dollars !

En septembre, le Gouvernement a pris l’engagement auprès de la Commission européenne d’élargir l’ouverture des marchés de l’électricité. Un projet de loi est-il en préparation ? La valeur patrimoniale d’EDF sera-t-elle sauvegardée ? L’entreprise aura-t-elle des capacités d’investissement suffisantes pour renouveler le parc existant et construire les équipements futurs ? Comment la sécurité des approvisionnements sera-t-elle assurée ? Le système de production d’EDF ne va-t-il pas constituer une aubaine pour les concurrents qui vont entrer sur le marché et bénéficier de ses installations ? Que disent les premières études sur la prolongation de trente à quarante ans de la durée de vie des centrales ? Le nouveau PDG d’EDF devant continuer à siéger au sein de Veolia, doit-on pressentir un rapprochement entre les deux entités ? Avec quel projet industriel et quelles conséquences sur EDF et sur les tarifs ? L’ouverture à la concurrence va-t-elle freiner le soutien d’EDF à l’implantation de l’éolien ? Qu’est-il prévu pour le renouvelable, au moment où l’Allemagne se lance dans des investissements à grande échelle dans le photovoltaïque ?

On sait que le dividende qu’Areva verse au Commissariat à l’énergie atomique doit être réduit. De quels moyens le CEA disposera-t-il pour poursuivre les études sur les énergies renouvelables ? Où en est la vente de T&D : existe-t-il un projet industriel et social ? Connaît-on l’acquéreur ? Je rappelle que T&D, qui représente le tiers des résultats d’Areva, est un atout pour le développement du groupe à l’international. Enfin, sait-on qui seront les nouveaux actionnaires d’Areva, après son augmentation de capital de 15 % ?

Mme Geneviève Fioraso, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Je regrouperai mes remarques concernant les programmes 174 et 217 en trois thèmes.

Le premier concerne le soutien à l’efficacité énergétique. Plusieurs mois après le vote, à l’unanimité, de la loi Grenelle I – et en attendant un deuxième volet sans cesse repoussé – les modalités d’aide de l’État à l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments anciens ne sont toujours pas clarifiées. A Grenoble, malgré la forte volonté des collectivités territoriales, nous ne pourrons engager les travaux nécessaires dans les 1 300 logements diagnostiqués sans une aide de l’État, à hauteur de 30 %. Quel est le dispositif prévu au niveau national, sachant que l’habitat représente 20 % de nos émissions de gaz à effet de serre et que la consommation énergétique du secteur résidentiel a augmenté de 2,6 % en 2008, en partie en raison de l’utilisation des chauffages d’appoint électriques ? Il est par ailleurs urgent de mettre en place, avec les régions, de nouvelles formations pour les professionnels du BTP, en particulier pour la construction de bâtiments neufs : toutes les recherches montrent que les modes de construction devront s’industrialiser pour garantir la meilleure efficacité énergétique. Je n’ai rien vu dans le budget à ce sujet.

J’en viens à la fiscalité. Vous connaissez notre position quant à la taxe carbone : nous souhaitions une « contribution climat énergie » écologiquement efficace, d’un montant adapté, et, surtout, socialement juste, ce qui aurait impliqué la prise en compte des revenus des ménages pour la redistribution et la suppression du bouclier fiscal dont le maintien est incompréhensible en période de crise économique, sociale et environnementale. Elle aurait donc du s’intégrer dans une réforme fiscale beaucoup plus large. Aujourd’hui, le mal est fait : la taxe carbone apparaît comme un nouvel impôt, inefficace, symbole d’une fiscalité punitive et non pas incitative. Dommage pour l’environnement ! Des mesures sont-elles au moins prévues pour assurer la transparence de l’utilisation de cette taxe, qui doit servir à des actions environnementales et non à combler l’abyssal déficit budgétaire ?

Toujours sur le plan fiscal, si la prorogation jusqu’en 2012 du crédit d’impôt pour l’achat d’équipements vertueux en énergies renouvelables est positive, vous avez prévu de réduire le crédit d’impôt pour le remplacement des anciennes chaudières à bois par des appareils moins polluants et plus performants. Je proposerai par amendement de le maintenir. Par ailleurs, si le taux de la fiscalité spécifique qui frappe les entreprises du solaire, du photovoltaïque et de la biomasse a été reconduit pour 2010, elles s’inquiètent du manque de visibilité concernant son évolution. Le caractère rétroactif de cette taxe, qui s’applique à des actifs déjà en service, pèse en outre sur leurs capacités d’investissement. Pensez-vous encadrer ce taux et prévoir que tout changement ne s’appliquerait qu’aux investissements ultérieurs ?

J’aborderai enfin les éco-technologies. Ce budget, malgré ses bonnes intentions, ne nous permettra pas de rattraper notre grand retard dans le développement de véritables filières industrielles dans ce domaine. Les incitations fiscales en faveur du photovoltaïque bénéficient en priorité à des entreprises chinoises… Et il semblerait que certaines études sur l’équipement du toit de votre propre ministère recommandent ces fournisseurs lointains ! Non seulement elles ne prennent pas en compte le coût du transport et de la maintenance, mais elles nuisent au développement d’entreprises comme Photowatt, le numéro un des fabricants français, que les collectivités territoriales soutiennent à bout de bras depuis des années faute de marchés en France : plus de 80 % de son chiffre d’affaires se fait encore au Canada…

D’où l’urgence de développer une véritable filière du photovoltaïque deuxième génération, en s’appuyant sur l’expertise de nos centres de recherche, notamment le laboratoire Liten du CEA et l’institut national de l’énergie solaire. La volonté est là, mais pas les moyens. Le fonds démonstrateur de l’Ademe, très utile pour le démarrage de l’industrialisation, est insuffisant et son budget pour 2010 est déjà largement entamé. Allez-vous l’abonder ? Par ailleurs, l’objectif de mettre en place dans chaque région, chaque année pendant trois ans, une centrale photovoltaïque de 5 MW, qui n’est déjà pas à la hauteur d’un marché mondial évalué à 500 milliards d’euros, se heurte à des difficultés administratives : les installations ne seraient possibles ni en terrain agricole, même en jachère, ni dans les zones naturelles ou dans les friches industrielles. Mais alors où implanter ces centrales qui seules permettront de développer la filière ? La question est la même pour la biomasse, puisque tout reste à faire pour la filière bois.

Par ailleurs, rien n’est prévu, ou si peu, en faveur des smart grids, ces réseaux intelligents qui font l’objet de toutes les priorités aux Etats-Unis et au Japon et qui conviendraient bien à notre niveau d’expertise technologique. Pensez-vous les intégrer dans le grand emprunt ?

J’avais regretté, au moment de leur mise en place, le manque de pôles de compétitivité pour les éco-industries à rayonnement mondial et j’ai demandé en vain que l’on donne une dimension internationale au pôle Tenerrdis sur les énergies renouvelables. Aujourd’hui, un appel à projets a enfin été lancé pour des pôles de compétitivité dédiés aux éco-industries. Quels sont les thématiques, le calendrier, le nombre des candidatures, les critères de sélection ? Et ces nouveaux pôles spécifiques ne risquent-ils pas de dépouiller les pôles existants de leur volet développement durable, alors que ce dernier est par essence transversal ?

Enfin, quelle est la position précise de l’ANCRE, la toute nouvelle alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie, dont les missions semblent redondantes avec celles de l’Ademe ?

M. le président Didier Migaud. Je vous propose d’entendre les représentants des groupes avant que Mme la secrétaire d’État ne réponde à cette première série de questions.

M. Michel Havard. La considérable augmentation, de 30 %, du programme de prévention des risques doit permettre de donner suite au Grenelle, notamment en renforçant des institutions comme l’Ademe, l’Afsset, l’INERIS et l’IRSN. Ce programme se décline en quatre priorités : la prévention des risques technologiques et des pollutions, qui représente la moitié de ses crédits, la prévention des risques naturels et hydrauliques, la gestion de l’après-mines et la sûreté du nucléaire et de la radioprotection.

La prévention des risques technologiques et des pollutions est un sujet majeur dans tous les domaines, à commencer par les communications ou l’industrie, et il était important d’en faire une priorité. Mais comment s’articulent les mesures nationales en la matière avec la directive européenne REACH ? Quant à la question de la sûreté du nucléaire, avez-vous des précisions à nous apporter ?

Pour ce qui est des énergies, le contexte est connu : raréfaction des énergies fossiles, problématique de leur coût, nécessité absolue de lutter contre le réchauffement climatique et de limiter le recours aux énergies fossiles. Nous saluons l’objectif premier de la sobriété énergétique, que traduit notamment le Plan Bâtiment, qu’ont présenté ce matin Jean-Louis Borloo et Benoist Apparu. Il s’agit tout simplement de réduire la consommation à la source, parce que la meilleure des énergies est celle que l’on ne consomme pas. Nous nous réjouissons aussi de la décision de développer les énergies renouvelables tout en garantissant l’avenir de la filière nucléaire, dont on voit bien qu’elle peut apporter beaucoup. Pouvez-vous préciser les enjeux auxquels sont confrontés nos deux champions, EDF et Areva ?

Mme Geneviève Gaillard. Les crédits de la mission « Ecologie », certes en intégrant les transports et la sécurité routière, restent stables. Mais cela recouvre des augmentations en matière d’intervention et des baisses de dépenses de personnel, de fonctionnement et d’investissement. Pour répondre à l’urgence écologique soulignée par le Gouvernement et par le Parlement dans la loi Grenelle, il aurait fallu un véritable budget de rupture ! Nous sommes bien loin des objectifs de 450 milliards d’investissement de 600 000 créations d’emplois d’ici à 2020. Relevée par l’Observatoire de la délinquance, la forte augmentation depuis trois ans du nombre des infractions aux milieux – eau, air et atmosphère – montre que vous n’engagez pas les moyens nécessaires à la mise en œuvre des mesures que vous préconisez.

Vous avez annoncé la création d’un observatoire de la biodiversité, doté d’1,6 million d’euros. Dans quels délais, et selon quelles modalités ?

Les zones humides, extrêmement riches en biodiversité, contribuent aussi à la gestion des eaux. Quelles sommes seront consacrées à l’établissement public chargé de la gestion de l’eau dont le ministre a annoncé la création dans le marais poitevin ? Quand et comment sera-t-il mis en place ?

Un rapport confidentiel sur les marées vertes que le préfet des Côtes-d’Armor aurait, selon la presse, remis au Premier ministre, montrerait clairement du doigt la responsabilité de l’agriculture et de l’élevage. Il évoquerait la nécessité de révolutionner les pratiques agricoles et de changer complètement le modèle économique existant, mais en ajoutant que ce ne serait pas envisageable pour le moment, la profession n’y étant pas prête. Il conclurait que, pour éviter les recours, l’État doit afficher une politique véritablement déterminée. Dans le même domaine, la directive-cadre sur l’eau pose des objectifs extrêmement ambitieux. Quelles lignes budgétaires, dans le cadre de l’enveloppe du Grenelle de la mer, seront-elles mobilisées pour parvenir à réduire d’au moins 40 % les intrants dans la mer ?

Enfin, tant le principe de précaution que le principe pollueur-payeur, pourtant inscrits dans la Charte constitutionnelle de l’environnement, semblent largement ignorés ces derniers temps, comme l’a encore montré le dernier texte sur les OGM. Etes-vous satisfaite du bilan de l’application de la Charte de l’environnement, en général et dans ce budget en particulier ?

M. Yves Cochet. Je me réjouis, même si c’est modérément, de l’augmentation du budget de l’écologie, de l’initiative du grand inventaire de la biodiversité et de la petite revalorisation de la prévention des risques. Mais de nombreuses inquiétudes demeurent face à une vision du monde toujours productiviste et « croissantiste », face à cette foi absolue dans la croissance verte, dans le « green business » qu’illustre la considérable augmentation du fonds démonstrateur de l’Ademe en vue de nouveaux appels à projets.

Comme il y eut la bulle internet, il y aura une « bulle verdâtre », qui elle aussi explosera bientôt, faute d’avoir pris en compte dans la construction même du budget les lois de la thermodynamique et les faits géologiques En 2009, on ne peut plus se contenter d’établir un budget en euros : il faut une comptabilité physique, des kilowattheures par exemple, qui permette d’évaluer l’énergie nette de toute la filière avant de se lancer dans telle ou telle technologie verte. A défaut, on s’expose aux mêmes déconvenues qu’avec le programme électronucléaire de 1974. Je n’insiste pas sur ce dernier point : on verra très tôt non seulement les dysfonctionnements du nucléaire – on en constate déjà beaucoup alors que nous sommes censés être les meilleurs du monde ! – mais aussi son coût – écologique et même budgétaire – exorbitant.

L’an I de la taxe carbone s’annonce assez mal. Son niveau extrêmement faible, 17 euros la tonne, ne permettra pas d’infléchir les comportements des ménages ou des entreprises, ce qui était pourtant le but premier du Président de la République. Quatre centimes sur un litre de super, c’est moins que la différence entre deux stations service !

Par ailleurs, alors que les transports par voie d’eau et par rail y seront entièrement soumis, une large partie de l’article 5 vise à en exonérer le transport routier. Voilà qui contredit non seulement le Grenelle de l’environnement, mais aussi vos envolées lyriques sur le changement modal. On en est à la première application d’une fiscalité verte et on se trompe déjà d’assiette...

Le dispositif actuel prévoit d’un côté de rembourser la taxe carbone aux entreprises par le biais de la TIPP, soit tout de même 450 millions, et de l’autre de percevoir 200 millions de TGAP auprès des chargeurs : 450 millions d’exonérations et 200 millions de recettes, le compte n’est pas bon !

Les investissements routiers restent prédominants. Pourtant la France, avec plus de vingt mille kilomètres de routes, possède un des réseaux les plus étendus d’Europe. Continuer à promouvoir son développement est en contradiction, en tout cas partielle, avec les orientations du Grenelle. Et pourquoi la redevance domaniale des concessionnaires d’autoroutes n’a-t-elle pas augmenté, comme l’avait prévu le budget pour 2009 ?

La loi de finances ne donne aucun échéancier pour la mise en œuvre de la taxe kilométrique sur les poids lourds. En outre, plusieurs promesses de réduction ont été faites en 2009, notamment pour la Bretagne. Les conséquences financières en ont-elles été chiffrées ? Nous sommes bien entendu opposés à ces réductions.

Enfin, pouvez-nous nous donner un aperçu des choix du schéma national des infrastructures de transport en matière routière ?

Pour finir sur un autre sujet, et bien que votre budget soit en augmentation, votre ministère perd 1 294 postes. Pourtant, M. Borloo annonce une accélération des chantiers en 2010. Il faut bien que des gens contrôlent ces investissements ! Quels services et quels programmes du ministère vont-ils principalement pâtir de ces suppression de postes ?

M. le président Didier Migaud. Je vous rappelle que les questions de transport ont été traitées cet après-midi.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Pour répondre tout d’abord à M. Pélissard, l’Ademe a deux sources de financement : la subvention budgétaire, qui double cette année pour atteindre 107,9 millions, et surtout ses 511 millions de ressources fiscales affectées, dont 242 millions pour la poursuite de ses missions traditionnelles et 269 millions consacrés aux mesures du Grenelle de l’environnement. S’y ajoutent 20 millions de ressources propres, issus notamment d’actions de formation. Le fonds démonstrateur de recherche, doté de 375 millions, fait l’objet d’une gestion spécifique, avec des ressources affectées.

L’augmentation des crédits permet de doter le fonds chaleur, qui vise à développer de la production de chaleur d’origine renouvelable, de 314 millions en autorisations d’engagement – quasiment 800 millions en trois ans. Le fonds finance soit des projets d’une certaine importance sous forme d’appels d’offre, soit des projets présentés au fil de l’eau à l’Ademe. Nous étions assez inquiets quant à la possibilité de faire émerger des projets assez rapidement, mais la quasi-totalité des crédits sont consommés.

Le fonds chaleur finance également les opérations de méthanisation.

Le deuxième fonds, destiné aux sites et sols pollués, était doté l’année dernière de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement, à quoi s’ajoutent, dans le cadre du plan de relance, des financements visant particulièrement les friches urbaines et industrielles que les collectivités souhaitent réutiliser. Après quelques difficultés pour faire émerger les projets, ces 20 millions d’euros ont été très largement consommés.

Le troisième fonds, moins souvent évoqué, est destiné à la résorption des points noirs en matière de bruit et vient souvent en appui d’opérations menées directement par les collectivités. Il est doté de 64 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 35 millions d’euros en crédits de paiement.

Le fonds déchets, qui finance les opérations de prévention et de recyclage des déchets, s’élève à 157 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 83 millions d’euros en crédits de paiement

À cela s’ajoutent des crédits de communication, consacrés essentiellement aux économies d’énergie, pour 3 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.

Si, en matière de sols pollués, l’ADEME n’intervient que sur les sites orphelins, tel n’est pas le cas des d’opérations menées par des collectivités dans le cadre de véritables friches.

Nous savions depuis longtemps que nous ne pourrions pas tenir l’objectif fixé par la loi d’avoir approuvé tous les plans de prévention des risques technologiques le 31 juillet 2008. De fait, l’adoption d’une nouvelle méthodologie, répondant aux exigences européennes, a nécessité un temps d’adaptation. Il a ensuite fallu mener 2 000 études de danger, puis prendre le temps d’une concertation avec les riverains. Néanmoins, 423 PPRT ont été élaborés, dont la moitié seront prescrits et 5 % approuvés en 2009. Notre objectif est désormais que 95 % des PPRT soient prescrits, et 40 % environ approuvés. C’est la raison de l’augmentation des crédits qui leur sont destinés, qui seront consommés cette année ou l’année suivante. Nous introduirons en outre dans la loi Grenelle II des dispositions issues de la table ronde sur les risques industriels, notamment pour faciliter le financement tripartite des PPRT et débloquer ainsi diverses situations.

Bien que la question ne soit pas directement de ma compétence, je puis vous indiquer par ailleurs que l’augmentation de 7,9 % des crédits de l’Autorité de sûreté nucléaire au titre de l’information du public est destinée à financer de nouvelles missions telles que la protection des sources radioactives, les commissions locales d’information chargées d’informer les riverains, le développement de l’activité internationale de l’ASN en vue de l’exportation des procédures françaises de sûreté et l’activité du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, actuellement en phase de développement.

L’un des points les plus importants de la mise en œuvre de la RGPP a été la création des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, – les DREAL –, qui regroupent des services régionaux. Cette opération se déroule en trois phases et le calendrier est jusqu’ici respecté. Par ailleurs, la fin de l’ingénierie publique concurrentielle, hors ATSAT, pour les petites communes entraînera le redéploiement des emplois correspondants vers des missions Grenelle. La réforme des fonctions de support est également en cours.

L’augmentation des crédits destinés à l’immobilier est liée à celle de l’assiette des loyers budgétaires, le périmètre ayant été élargi.

Le regroupement des services centraux à La Défense est pratiquement achevé. Les services ont quitté l’immeuble Ségur, dans le VIIe arrondissement de Paris, et il reste à regrouper les différentes implantations qui se trouvent actuellement à La Défense. Cette grosse opération a été menée en un temps record et les agents du ministère ont été remarquables.

Monsieur Jean-Jacques Guillet, je vous remercie d’avoir tiré la sonnette d’alarme à propos de la biodiversité – je rappelle que 2010 sera l’année de la biodiversité – comme je ne cesse de le faire moi-même. Nous aurons gagné lorsqu’on nous demandera plus de trames vertes que de routes…

Vous me demandez quelles sont, au-delà des nombreux engagements portant sur des études, les actions que nous menons en la matière. J’évoquerai tout d’abord la création, prévue pour 2010, de l’IPBES (Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services), plate-forme scientifique équivalente au GIEC dans le domaine de la biodiversité, qui répond à une forte demande internationale et qui est désormais clairement actée à l’échelle européenne. Dans les négociations internationales, les réticences du Brésil, des États-Unis et de la Chine s’estompent et ces pays discutent désormais non plus du principe mais des modalités de la création de l’IPBES, seule à même selon moi de faire évoluer la situation internationale. Les grandes associations, notamment l’UICN, l’ICSU et Diversitas, ont d’ailleurs commencé à créer cette plate-forme de manière informelle.

Les crédits nationaux consacrés à la biodiversité ont augmenté de 113 % depuis 2007, afin de soutenir les engagements du Grenelle, en vue notamment d’accroître le réseau et les aires des espèces protégées. Nous avons lancé les projets du Parc des calanques et du Parc forestier de plaine et nous annoncerons bientôt trois périmètres d’étude pour un parc en zone humide.

La trame verte et bleue sera à l’évidence l’enjeu majeur de l’année 2010. Le comité opérationnel se réunit jusqu’à la fin de l’année pour en définir les modalités.

La question de la défense et du bon état des milieux aquatiques se pose également.

Nous souhaitons engager en 2010 un inventaire national de la biodiversité, essentiellement à l’échelle communale, car un engagement populaire est nécessaire pour que chacun ait conscience que la biodiversité ne concerne pas seulement des espèces exceptionnelles qu’on ne voit qu’à la télévision, mais que le problème est d’abord celui de la biodiversité ordinaire.

Pour ce qui concerne la chasse, un moratoire sur cinq espèces d’oiseaux a été retenu lors de la table ronde du 26 juillet 2008. La création du Groupe d’experts sur les oiseaux et la chasse, ou GEOC, permet désormais une approche plus scientifique qui dépassionne un débat dans lequel chasseurs et écologistes se réclament souvent d’arguments scientifiques opposés.

Sur les 131 plans d’action pour les espèces protégées prévus, 59, me semble-t-il, sont déjà élaborés.

Le difficile problème du thon rouge renvoie à la question que vous posez sur la pêche. La France a proposé l’inscription de cette espèce à l’Annexe II de la CITES, avec un moratoire d’au moins deux ans, à l’issue duquel l’inscription à l’Annexe I pourrait être envisagé si la situation ne s’est pas améliorée. Cette position correspond aux recommandations formulées par les scientifiques français en vue de la reconstitution de la population. Le vrai problème reste que la commercialisation de ce poisson n’est pas interdite, notamment en France.

Le moratoire sur la pêche est une question bien difficile. La pêche durable doit être au cœur de la réforme de la politique commune de la pêche, dans une démarche environnementale reposant sur une approche du milieu et non pas seulement sur une gestion quantitative du volume de poisson qui pourrait être pêché. La prise en compte de l’écosystème est en effet essentielle pour la défense de ces espèces. Par ailleurs, le cadre de droit commun de la gestion des pêcheries pourrait être plutôt la pêcherie ou l’unité de gestion concertée. En troisième lieu, malgré les progrès réalisés, les contrôles doivent être beaucoup plus dissuasifs. Enfin, nous devons pouvoir disposer de travaux scientifiques à l’appui des décisions politiques, car toute gestion des ressources doit être fondée sur les travaux les plus récents.

Les négociations en vue du sommet de Copenhague, peu avancées lors des grandes réunions de septembre, notamment à l’Assemblée générale des Nations Unies ou au Forum des économies majeures, ont quelque peu progressé à Bangkok. La position de la Chine a évolué : si ce pays n’a pas annoncé d’engagements chiffrés, il s’est clairement engagé à prendre des mesures pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. C’est un pas énorme. Par ailleurs, la Chine investit des milliards dans les nouvelles formes d’énergie et l’« économie verte ». Pour notre part, nous pensons que si les pays développés doivent s’engager à réduire les émissions de 20 % ou 30 % en 2020 et de 80  ou 85 % en 2050, des engagements chiffrés ne sont pas nécessaires pour les pays les moins avancés.

Les financements doivent également être distincts. Il faut ainsi financer sur fonds publics la transition énergétique des pays les moins avancés et des Etats insulaires menacés de disparition – l’Afrique, par exemple, possède un potentiel énergétique considérable. Le financement de la méthanisation est également prévu. Les fonds publics peuvent représenter des montants importants et les mécanismes de financement reposer aussi bien sur la « proposition mexicaine », forme de taxe imposée aux pays en fonction de leur PIB et de leurs émissions de gaz à effet de serre, que sur des mécanismes innovants tels que la taxe internationale sur les transactions financières. Pour les pays en développement, des financements sur le marché peuvent être envisagés, avec des financements publics très minoritaires. Les pays industrialisés, quant à eux, se financeront eux-mêmes.

Nous pensons aussi qu’il faut prendre en compte la forêt, avec le niveau d’exigence le plus élevé possible. Nous sommes parvenus à faire inscrire dans la position européenne le recours systématique au dispositif Redd+ (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation forestière, conservation, gestion durable des forêts, et renforcement des stocks de carbone forestier dans les pays en développement), en s’attachant non seulement à la reforestation, mais aussi à la protection de la forêt primaire.

Il conviendrait, enfin, de créer une organisation mondiale de l’environnement, chargée de veiller au respect des engagements qui seraient pris en la matière à Copenhague. Nous sommes favorables au principe d’un financement anticipé qui pourrait être mis en place dès 2010. L’Europe a réussi à se mettre d’accord sur une position environnementale, mais pas sur le financement. Il incombera donc aux chefs d’État et de gouvernement de trancher et de proposer une position commune. Je ne pense pas qu’il y aura un « plan B » à Copenhague.

L’idée d’instaurer un prix plancher pour le marché du carbone a souvent été évoquée, mais la directive européenne de 2009 ne prévoit pas cette mesure. En revanche, elle n’interdit pas aux pays d’appliquer un prix de réserve lors de la mise aux enchères des quotas de CO2, sous condition de l’accord de tous les autres États membres. Le prix plancher est une idée séduisante pour éviter les mouvements de yoyo, qui tiennent essentiellement à un mauvais fonctionnement du marché actuel, ce qui rend la révision nécessaire. A partir de 2012, le marché sera beaucoup plus opérationnel.

Un lien entre les différents marchés de quotas est souhaitable. Cela rejoint l’idée d’un prix unique du carbone, qui est une préconisation forte du rapport de Jean Tirole pour le Centre d’analyse stratégique. La Commission européenne a affiché son ambition de lier d’ici à 2015 les systèmes de quotas des différents pays de l’OCDE, puis d’envisager une connexion des systèmes d’ici à 2020. Le principe est acquis et nous y sommes très favorables.

Vous demandez, monsieur Priou, si la crise retarde la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. D’une manière très schématique, on pourrait répondre que c’est le cas pour les transports, la contraction du système financier pénalisant le financement. Dans le bâtiment, en revanche, la diminution du carnet de commandes a permis aux professionnels de prendre le temps de se former et de traiter toutes les commandes liées à la rénovation des bâtiments. Alors que le nombre de rénovations lourdes était jusqu’à présent de l’ordre de 40 000 par an, en moins de six mois, on compte déjà 50 000 dossiers d’éco-prêt à taux zéro destinés à financer ces opérations. Certes sans atteindre les 400 000 rénovations escomptées chaque année, le rythme a déjà plus que doublé.

Le deuxième plan national santé environnement – le PNSE II – prévoit la lutte contre les pollutions sonores et visuelles, à laquelle un fonds est déjà consacré. Nous étudions. Des expérimentations menées à Lyon, Marseille et Toulouse permettront de mieux étudier le couplage de la rénovation thermique et acoustique, en particulier pour les riverains des aéroports. La difficulté tient au fait que les deux rénovations peuvent reposer sur des porteurs de projets différents. Pour les riverains des aéroports qui n’ont pas les moyens de prendre en charge, même très partiellement, les travaux d’insonorisation, le dispositif sera adapté pour permettre un financement à 100 %.

Il conviendra également de nous doter d’outils permettant d’appréhender l’impact sanitaire du bruit. Nous avons ainsi demandé à l’Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail de définir des indicateurs de référence pour évaluer les niveaux en deçà desquels les effets sanitaires pourraient être écartés.

L’essentiel des dispositions relatives à la pollution lumineuse figure dans la loi Grenelle II, qui permet de définir des prescriptions techniques pour les différents types d’éclairage, par exemple pour les flux d’éclairage et leur direction, ainsi que pour leur implantation. Le Sénat a adopté des amendements permettant d’étendre ces dispositions aux publicités lumineuses.

Un nouveau réseau territorial a été arrêté pour Météo France qui, avec 108 implantations, était présente dans l’ensemble des départements. Des regroupements seront opérés et les effectifs seront réduits. Aucune fermeture de site n’interviendra en 2010 et 2011, qui seront des années de transition et de concertation et permettront d’identifier les cas individuels qui ont besoin d’accompagnement. Les fermetures auront lieu progressivement entre 2012 et 2017, avec un préavis minimum de 3 ans. Même avec les 55 centres que Météo France prévoit de conserver, ce réseau restera le plus dense d’Europe. Aussi compréhensible que soit l’attitude des élus, j’insiste sur le fait que la mise en œuvre de ces dispositions sera très progressive.

Le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures intervient pour couvrir les indemnités dépassant le plafond de celles que verse le propriétaire du pétrolier qui a causé la pollution. Nous en avons eu deux exemples malheureux avec les naufrages de l’Erika et du Prestige, Dans le cas de l’Erika, 7 000 demandes d’indemnisation avaient été déposées, ce qui dépassait de loin les possibilités de l’armateur. L’État français et la compagnie Total ont laissé la priorité aux autres demandeurs, qui ont été remboursés intégralement. Par la suite, le FIPOL a versé 41 millions à l’État français sur le reliquat possible et Total n’a pas été indemnisé.

Monsieur Plisson, vous m’avez interrogée sur le manque de moyens destinés à la biodiversité. À cette période de l’année, nous n’avons généralement pas consommé tous les crédits, car toute mise en place d’une aire protégée ou d’un parc nécessite une assez longue concertation. Sans doute en sera-t-il l’année prochaine comme cette année, et n’aurons-nous pas consommé l’ensemble des crédits.

Quant aux moyens humains affectés aux différents opérateurs au titre des emplois Grenelle, on compte 142 équivalents temps plein supplémentaires pour les parcs nationaux, 35 pour les aires marines, 100 pour l’ADEME, avec des emplois nouveaux et le redéploiement d’emplois du ministères, 23 pour l’'Institut national de l'environnement industriel et des risques – et 28 pour les agences de l’eau. Au sein du ministère, la répartition des emplois entre les missions traditionnelles et les missions Grenelle fait encore l’objet d’un dialogue de gestion qui s’achèvera en décembre. Je pourrai donc vous communiquer cette information ultérieurement.

Le Grenelle II n’a pas d’impact en termes d’emplois, car tous ces effets ont été intégrés dès le Grenelle I.

Les moyens du Commissariat général au développement durable tiennent davantage à sa matière grise qu’à ses crédits car il ne s’inscrit pas dans une logique d’investissement ou d’intervention. Le CGDD est financé par le programme de soutien du ministère, à hauteur de 25 millions d’euros, et par le programme de recherche du ministère, pour le même montant. À cela s’ajoutent les 600 000 euros du programme d’information géographique. Le CGDD compte 498 emplois, dont 323 de catégorie A et A+. Il réfléchit notamment aux futures filières vertes et il a identifié 17 filières d’écotechnologies que nous devrons développer. Le CGDD n’a d’ailleurs pas demandé de moyens supplémentaires, la principale difficulté ayant consisté cette année à agréger les différentes cultures.

Le CGDD se distingue de la déléguée interministérielle au développement durable en ce qu’il est le support interne assurant une logique transversale entre toutes les directions du ministère. La déléguée interministérielle a quant à elle, comme son nom l’indique, une mission qui touche à l’ensemble des ministères. À cela près, la mission intellectuelle des deux entités est assez proche. Pour l’essentiel de sa mission de déléguée interministérielle, Michèle Pappalardo s’appuie sur des chargées de mission spécifiques en fonction des thématiques.

Brice Lalonde a été recruté en 2007, dans le cadre d’un contrat de trois mois, comme ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique. Sa rémunération est imputée sur les crédits du cabinet et ses frais de logement sur ceux du ministère des affaires étrangères.

Dans une circulaire adressée à l’ensemble des ministères, en date du 3 décembre 2008, le Premier ministre a précisé que l’achat d’une vingtaine de familles de produits serait désormais soumis à des critères environnementaux et que les services des achats nouvellement créés devraient tenir compte de cet engagement en faveur du développement durable. Chaque administration doit également présenter un rapport annuel sur les mesures adoptées dans le domaine de l’environnement et un dispositif de bonus- malus a été provisionné de 100 millions d’euros. C’est un bon début ; nous verrons où nous en serons à la fin de l’année.

En ce qui concerne les bâtiments de l’État, en 2009, 22 millions de mètres carrés ont fait l’objet d’un audit énergétique, l’objectif étant d’arriver à 50 millions de mètres carrés à la fin de l’année, et des travaux ont été engagés pour un montant de 150 millions d’euros.

Il faut reconnaître, monsieur Goua, que la précédente organisation du marché de l’énergie était fort complexe et relativement pénalisante, car le niveau des prix ne correspondait pas aux coûts de production. Nous avons indiqué à la Commission européenne que la France souhaitait donner une suite favorable aux conclusions de la commission Champsaur, qui a préconisé de maintenir les prix réglementés pour les petits consommateurs et d’attribuer à tout fournisseur un droit d’accès à l’électricité de base à un prix régulé reflétant les conditions économiques du parc nucléaire historique. L’objectif est de maintenir une régulation forte, plutôt favorable à EDF et aux petits consommateurs, tout en favorisant le développement de la concurrence en aval. Pour le moment, il semble que nous bénéficiions d’un accord de principe de la Commission européenne.

Chaque centrale nucléaire est soumise à une visite décennale de l’Autorité de sûreté nucléaire, chargée de se prononcer sur la prolongation de sa durée d’exploitation. Sur le fondement de données collectées dans d’autres pays, notamment aux Etats-Unis dont les centrales reposent sur les mêmes technologies que le parc français, l’exploitant souhaite maintenant une prolongation de la durée de vie des installations au-delà de quarante ans – mais c’est à l’ASN, je le répète, de trancher. La troisième visite décennale a commencé dans les centrales les plus anciennes, notamment celles de Fessenheim et du Tricastin, mais nous n’en connaissons pas encore les résultats.

Je n’ai pas de scoop à vous livrer concernant Henri Proglio. Comme vous le savez, ce dernier a pour intention de se maintenir très temporairement à la tête de Véolia, notamment afin de voir si des synergies sont possibles avec EDF.

Avec l’accord de l’Etat, AREVA a prévu en juin dernier que des partenaires industriels stratégiques, dont la liste n’est pas encore connue, pourraient entrer au capital du groupe à hauteur de 15 % du total. Il a également été décidé qu’AREVA se concentrerait sur son cœur de métier en cédant son activité de transmission et de distribution, ainsi que ses participations minoritaires dans ERAMET et STMicroelectronics, lesquelles devraient toutefois rester sous actionnariat public compte tenu de leur nature stratégique. J’ajoute que les dividendes versés par AREVA sur les résultats de 2010 seront déconnectés de la question des besoins de financement du CEA, qui seront désormais couverts par l’État.

M. Marc Goua, rapporteur spécial. La solution préconisée par la commission Champsaur ne mettrait pas EDF dans une situation favorable : le prix de vente de l’électricité de base n’intégrant pas tous les paramètres de production du nucléaire, des concurrents pourraient faire leur apparition sur le marché en bénéficiant de conditions plus avantageuses que celles de l’opérateur historique.

Sachant que la subvention de 24 millions d’euros prévue cette année a été gelée, ce qui met le CEA en difficulté, on peut également se demander comment l’État assurera son financement dans les années à venir.

M. François Brottes. Faisons attention à ne pas faire dire à la commission Champsaur, dont j’ai été membre, ce qu’elle n’a pas dit…

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Il existe aujourd’hui deux dispositifs pour le financement de la rénovation du bâti : un éco-prêt à taux zéro en faveur du secteur privé, cumulable avec le crédit d’impôt et qui a plutôt bien fonctionné, et, pour les logements HLM, une enveloppe de 1,2 milliard d’euros de prêts à un taux de 1,9 %, prévue dans le cadre d’une convention signée par l’État et la Caisse des dépôts en accord avec l’Union de l’habitat social, ce dispositif étant cumulable avec les exonérations de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Une commission dite « verte », composée de quatre parlementaires issus à parité des rangs de la majorité et de l’opposition, de deux chefs d’entreprise, d’un représentant des associations de consommateurs, de deux représentants des syndicats, de deux représentants des ONG environnementales, de deux représentants de l’État, de deux économistes et de deux personnalités qualifiées indépendantes, sera chargée de veiller à la transparence de la taxe carbone. Cette commission devra notamment s’assurer que le dispositif retenu est progressif et juste, et que le produit du nouveau prélèvement est effectivement restitué aux Français.

Je suis, pour ma part, favorable au maintien du crédit d’impôt de 40 % pour le renouvellement des chaudières à bois : les anciennes chaudières, qui ne bénéficient pas du label « flamme verte » posent en effet des problèmes d’émission de particules et de pollution de l’air. Nous avons besoin d’un dispositif incitatif dans ce domaine.

À l’occasion du salon Pollutec qui a été organisé en décembre 2008, le comité stratégique des éco-industries, créé en juillet précédent, a proposé en faveur des technologies vertes une première série de mesures devant faire l’objet d’appels à projets. En parallèle du Grenelle de l’environnement, des études ont également été réalisées en vue d’évaluer le chiffre d’affaires et les créations d’emplois à attendre dans chaque filière.

Des mesures destinées à stimuler la demande ont été prévues dans le cadre du Grenelle, mais il faudra également veiller à améliorer l’offre afin d’éviter qu’on n’importe des panneaux solaires, comme c’est aujourd’hui le cas – le bilan des émissions de CO2 risquerait en effet de ne pas être positif. Nous avons demandé au commissariat général au développement durable d’identifier les filières présentant des perspectives de croissance et sur lesquelles notre positionnement pourrait être intéressant. Un total de 17 filières a été retenu, notamment le secteur photovoltaïque au sens large du terme. Ce travail va maintenant faire l’objet d’une large concertation avec les acteurs industriels, l’objectif étant d’adopter un plan d’action au début de l’année prochaine.

En matière d’énergie solaire, le Président de la République a apporté son soutien au projet INES 2. Je tiens également à dissiper un malentendu concernant l’installation des panneaux solaires au sol, qui ont fait l’objet d’un appel à projets : le critère retenu est un minimum – et non un maximum – de deux fois cinq mégawatts. Un arrêté à venir précisera que les panneaux solaires ne devront pas être installés dans les espaces naturels ou sur les terres agricoles, mais sur des friches par exemple, à défaut de l’être sur les toits comme c’est préférable.

Je précise également que les smart grids font partie des 17 filières identifiées comme nécessitant un soutien industriel spécifique.

Une vingtaine de projets de pôles de compétitivité centrés sur les éco-industries sont en cours d’instruction. La décision finale devrait être connue au mois de décembre.

Contrairement à l’ANCRE, l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie, qui rassemble notamment le Commissariat à l’énergie atomique, le Centre national de la recherche scientifique et l’Institut français du pétrole, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) n’est qu’une agence d’expertise : elle ne fait pas directement de la recherche, mais elle établit des feuilles de route pour les acteurs concernés, après avoir identifié les filières d’avenir. Dans cet esprit, le fonds démonstrateur de recherche de l’ADEME intervient à un stade compris entre la recherche fondamentale et la recherche industrielle.

Des taxes spécifiques ont été mises en place afin de maintenir un lien entre les territoires et le développement des énergies renouvelables, qui aura certainement pour conséquence de renforcer la dimension territoriale de la production. Le niveau de taxation devrait permettre ce développement, mais il faut être conscient que les difficultés rencontrées ne sont pas uniquement de nature financière.

L’application de la direction Reach, qui a été si difficile à adopter, se fait dans de bonnes conditions, monsieur Havard, même si le processus est plus long que prévu. Le ministère a multiplié les initiatives de sensibilisation à destination des entreprises, notamment en matière de déclaration des activités, et nous avons instauré l’un des régimes de sanctions les plus rigoureux d’Europe. Il existe en outre, pour ces entreprises, un service d’information et d’assistance, assuré en particulier par l’INERIS, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques.

Dans l’affaire de Cadarache, le scandale n’est pas tant la découverte inattendue de dépôts de plutonium – c’était la première fois qu’une telle opération de démantèlement était menée – que le manque de transparence : il a fallu quatre mois pour que l’opérateur transmette l’information en bonne et due forme. Vous avez mené des auditions sur ce sujet et le parquet d’Aix-en-Provence a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire. Cette affaire a démontré, s’il en était besoin, qu’on ne peut pas soupçonner l’ASN et l’opérateur de collusion. L’ASN a pleinement joué son rôle.

M. Yves Cochet. C’est faux !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Le budget s’élève donc à 19 milliards d’euros, à quoi s’ajoutent les engagements triennaux et ceux du plan de relance, qui consiste en réalité à accélérer la réalisation de programmes déjà prévus. Si l’on arrive à 440 milliards d’euros d’investissements, c’est en additionnant les efforts réalisés par le secteur public et par le secteur privé – les travaux de rénovation du parc par les acteurs privés sont, par exemple, inclus dans ce total. De même, les emplois attendus devraient être répartis entre le secteur public et le secteur privé, en particulier pour le bâtiment. Pour le moment, nous sommes à peu près en phase avec les prévisions initiales.

L’Observatoire de la biodiversité sera installé dès que possible, probablement au cours de l’année prochaine. Pour avoir une idée claire de la biodiversité, nous avons en effet besoin d’une échelle d’observation fine – au niveau de la commune. C’est ainsi que nous parviendrons à sensibiliser nos concitoyens à cette exigence.

L’établissement public du Marais poitevin, dont j’ai défendu le principe devant le Sénat dans le cadre du Grenelle II, a pour but de rassembler les différentes actions menées par l’État – en regroupant les crédits correspondants – et d’éviter ainsi qu’il y ait des discordances entre les territoires concernés. Il en résultera une amélioration de la gouvernance sans création de charges supplémentaires pour les collectivités. Une redevance aujourd’hui perçue par l’agence de l’eau sera reversée aux collectivités, l’État assurant le complément.

Il n’y a pas de rapport confidentiel sur les algues vertes : seul existe, pour le moment, un document présentant la position du préfet dans cette affaire. Une mission interministérielle a en effet été constituée, le mois dernier, pour traiter le problème au fond, car on ne pourra pas se contenter de ramasser les algues dans les zones touchées : il faudra réduire à la source le taux de nitrate en descendant bien en deçà de la norme fixée au niveau européen. Du point de vue budgétaire, nous ne pourrons prévoir les moyens nécessaires qu’au vu des conclusions de la mission, qui dispose de trois mois pour se prononcer. Les crédits devraient essentiellement provenir du ministère de l’agriculture, mais aussi du ministère de l’environnement, car le développement des algues vertes est également lié aux pollutions émises par certaines collectivités.

Si l’on a constaté un doublement du nombre des infractions au code de l’environnement, c’est essentiellement dû au regroupement des services chargés d’assurer la police de l’environnement. Des conventions ont, en outre, été conclues entre ceux-ci et les parquets pour éviter que les procédures ne soient classées sans suite. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’évolution du taux d’infractions constatées est donc un signe positif. Il reste encore du chemin à parcourir, mais nous avançons dans la bonne direction.

Monsieur Cochet, je ne reviens pas sur la question des transports, déjà longuement abordée cet après-midi à propos de la taxe carbone applicable aux routiers.

Les réductions d’effectifs prévues résultent, pour l’essentiel, de deux réformes : la suppression de l’ingénierie publique concurrentielle, exception faite des petites communes, et la rationalisation des fonctions de support. Bien que 1 294 départs à la retraite n’aient pas été compensés, nous avons en revanche redéployé 470 personnes sur des missions relevant du Grenelle de l’environnement.

M. Serge Poignant, vice-président de la Commission des affaires économiques. Pour la clarté des débats, je rappelle que le rapport pour avis sur les entreprises a été présenté hier à l’occasion de la commission élargie sur la mission « Economie » et que les questions relevant de la recherche le seront lors d’une prochaine réunion.

Je suis heureux, madame la secrétaire d’État, que vous nous ayez exposé ce que sera la position française à la conférence de Copenhague. Avec mon collègue Plisson, nous avons rencontré, il y a quelques jours à Copenhague, nos collègues parlementaires des pays industrialisés du G8 et des pays émergents du G5 – la Chine, l'Inde, le Brésil, le Mexique et l'Afrique du Sud. Nous sommes parvenus à nous mettre d’accord sur un objectif global de 85 à 90 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, sur des contraintes pour les pays développés, et des actions pour les pays en voie de développement, notamment pour la forêt, et sur des transferts de technologie. La question des financements constituera la vraie difficulté. Je confirme l’engagement de la Chine. L’auteur de la proposition de loi Waxman-Markey était également présent.

J’ai trouvé la commission des affaires économiques bien négative. Vous avez tout de même répondu sur la question des engagements pris en ce qui concerne le bâtiment, sur les énergies renouvelables et les engagements financiers. Pour ma part, je me limiterai à la question de la production de chaleur – je déposerai d’ailleurs à ce sujet un amendement aux articles rattachés.

Je me réjouis du succès du Fonds chaleur, qui avait été préconisé par Christian Jacob, avec notre soutien, quand il était rapporteur de la loi Grenelle I. Je propose le maintien d’un taux de 40 % pour le crédit d’impôt en faveur du remplacement des chaudières à bois anciennes. Si nous avons bien progressé s’agissant des pompes à chaleur, nous stagnons en ce qui concerne l’énergie géothermique : tout ce qui est forage et pose de sonde devrait bénéficier du même crédit d’impôt. Je suggérerais enfin qu’on ne diminue pas trop vite le taux de ce crédit d’impôt, même si je suis conscient des contraintes budgétaires.

En ce qui concerne l’énergie photovoltaïque, à laquelle j’ai consacré un rapport, nos dispositifs d’incitation, à savoir le tarif fixé dans le cadre de l’obligation d’achat et le crédit d’impôt pour les particuliers, sont les meilleurs du monde. Je partage totalement votre avis sur les fermes, et, même si nous avons beaucoup à faire en ce qui concerne les toitures, nous n’avons vraiment pas à rougir des engagements pris par la France relativement à cette énergie d’avenir.

M. Jacques Remiller, suppléant M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Même si nous avons déjà beaucoup parlé de la conférence de Copenhague, madame la secrétaire d’État, vous me permettrez de compléter la question de notre rapporteur, Jean-Jacques Guillet, à laquelle Serge Poignant vient d’apporter un début de réponse. Vous nous avez déjà exposé les objectifs principaux de la France : nous souhaiterions connaître également les principaux points de divergence, si divergence il y a, entre la France et l’Union européenne, d’une part, et les autres partenaires. Vous avez déjà répondu en ce qui concerne la Chine, et Serge Poignant nous a donné des éléments sur la position des États-Unis.

Deuxièmement, la réforme de votre ministère a permis de regrouper les moyens consacrés aux activités internationales. Comment ce service coordonne-t-il son action avec celle des correspondants « environnement » présents dans nos postes diplomatiques ? Les moyens dont vous disposez vous paraissent-ils adaptés à cette nouvelle diplomatie d’influence, ou faudra-t-il à terme envisager des redéploiements ?

M. André Chassaigne. Avant de vous poser mes petites questions, madame la secrétaire d’État, je voudrais vous rappeler deux des neuf orientations de la mission : « L’aménagement équilibré et durable des territoires à forts enjeux » et « La mise en œuvre du plan climat : politique d’efficacité énergétique et réduction des émissions néfastes pour le climat et l’atmosphère ».

Ces orientations ont sans doute fait l’objet d’une réflexion de la part de la Commission nationale du débat public, qui s’intéresse aux enjeux socio-économiques et aux impacts attendus de vos propositions sur l’environnement ; du commissariat général au développement durable, la « matière grise » que vous évoquiez, et qui réfléchit notamment sur les effets attendus en matière de croissance verte, de responsabilité sociétale ou de solidarité écologique ; ou encore des services de votre ministère, en dépit de la perte de 6 000 emplois. Ce sont là autant de leviers à votre disposition.

Tous ces organismes et toute la « matière grise » qu’ils vous apportent vous ont-ils permis de réfléchir aux effets qu’aura l’adoption de la taxe carbone pour les espaces ruraux isolés, notamment pour leurs habitants les plus modestes ? Leur mode de vie est généralement économe en biens de consommations, comporte une part non négligeable d’autoproduction de denrées alimentaires et implique des réseaux sociaux de solidarité intergénérationnelle qui limitent le recours aux activités de service. Avez-vous évalué l’impact social de cette taxe pour cette population ?

Deuxièmement, pensez-vous que la taxe carbone incitera ces habitants à moins utiliser leur automobile, ce qui est son objectif affiché ? Dans cette logique, comptez-vous œuvrer au rétablissement de services publics essentiels de proximité – écoles, postes, hôpitaux, services fiscaux, agences d’EDF ou de France Télécom – ? Toute cette matière grise vous a-t-elle fait songer qu’une réduction des trajets entre le domicile et le travail suppose la relocalisation des entreprises ?

L’avenir de territoires entiers sera-t-il modifié, de sorte que nos espaces ruraux vont retrouver une activité qui avait pu disparaître ?

Croyez-vous que l’appel à la responsabilité individuelle qui est le cœur de votre politique suffira à résoudre le problème climatique et les questions environnementales ?

En définitive, n’y aurait-il pas autant d’écologie dans la taxe carbone que d’arêtes dans une dinde, comme disait le curé de Cucugnan ?

M. Robert Lecou. Je voudrais vous interroger, madame la secrétaire d’État, sur la pêche durable en Méditerranée.

Le thon rouge focalise souvent l’attention, même s’il convient de ne pas oublier les autres pêches de cette mer. Un moratoire sur cette pêche est-il à l’ordre du jour et, dans cette hypothèse, quelles mesures de soutien sont envisagées pour ce secteur, qui s’est équipé en matériels aujourd’hui jugés trop performants alors qu’ils ont été financés hier par des subventions européennes ? Qu’il s’agisse d’un moratoire ou de quotas de pêche, les mesures d’encadrement ne peuvent pas être réservées aux pêcheurs français, ni même aux pêcheurs de l’Union européenne, mais doivent concerner tous les pays de la région. Comment peut-on faire respecter l’équité et l’efficacité et instaurer une pêche du thon contrôlée et respectueuse de la ressource ?

Quant aux autres pêches, quid de la réglementation au-delà de la zone des dix milles ? La gestion de la pêche en Méditerranée relève souvent d’institutions étrangères à la Méditerranée : pourquoi ne pas la confier à des organisations spécifiquement méditerranéennes, telles que la Commission générale des pêches pour la Méditerranée, la CGPM ?

M. Jean Launay. Je regrette, madame, de ne pas vous avoir entendue lors de l’examen du projet de loi de finances, dans le cadre duquel a été votée la taxe carbone. Notre déception a été d’autant plus grande que le ministre des comptes publics s’est montré si préoccupé de défendre son bouclier fiscal qu’il a négligé le débat sur la possibilité de provoquer ainsi des changements de comportements.

La taxe carbone produirait deux milliards d’euros en provenance des entreprises. À quoi ces recettes seront-elles affectées ? Puisqu’il n’était pas envisageable de mettre en place un fonds dédié, sur le modèle du fonds de réserve des retraites, pourquoi ne pas avoir créé un programme « Pour une économie décarbonée » ?

Je voudrais vous interroger également sur le programme 217, « Soutien et conduite des pilotages des politiques », et sur la réorganisation du ministère. Avec Michel Piron, nous avions, dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle, commis un rapport sur la gestion des ressources humaines dans votre ministère. Derrière les sigles et les organigrammes, il y a des hommes, dont j’avais alors mesuré le désarroi, quelle que soit leur qualification, face à la rapidité des changements. Existe-t-il, au-delà de la RGPP, une véritable gestion des ressources humaines dans ce ministère ?

M. Michel Bouvard. J’ai eu beaucoup de mal à retrouver dans les documents budgétaires la contribution du ministère au financement du service de restauration des terrains en montagne. Celui-ci est censé provenir à la fois du budget de l’agriculture et de celui du développement durable, mais je n’ai pas retrouvé cette deuxième source de financement.

Des moyens sont-ils prévus pour les zones d’adhésion prévues par les chartes des parcs nationaux ? En effet, le vote de la loi relatif aux parcs nationaux devait se traduire, non seulement par une politique de protection, mais également par une véritable politique de développement durable des différentes communes situées sur le territoire d’un parc national. Qu’en est-il ?

Ma troisième question porte sur les agences de l’eau. Celles-ci distribuent des subventions financées par des prêts souscrits auprès de fonds d’épargne de la Caisse des dépôts. Elles sont censées rembourser ces emprunts une fois qu’elles auront moins d’investissements à financer. Mais je n’ai encore vu aucun document assurant qu’elles le pourront sans relever leurs tarifs et sans faire appel à des dotations d’État. N’y a-t-il pas là une pure et simple « débudgétisation » ?

Je voudrais, après le rapporteur Marc Goua, m’étonner qu’aucun projet de station de transfert d’énergie par pompage ne soit envisagé, alors qu’on sait que ces stations sont beaucoup plus efficaces du point de vue environnemental, en cas de pointes de consommation, que les centrales thermiques. La tarification d’accès au réseau et le coût de l’énergie utilisée pour faire remonter l’eau en périodes creuses constituent les seuls obstacles à la réalisation de ces projets. Le ministère envisage-t-il de modifier une réglementation qui nous prive d’ouvrages écologiquement performants ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Le crédit d’impôt que vous évoquez, monsieur Poignant, ne pose pas problème seulement du point de vue budgétaire : en dépit des effets de la crise, le marché de certains équipements est arrivé à une maturité qui rend moins légitimes ces mesures de soutien.

En ce qui concerne les pompes à chaleur géothermales, c’est le coût du forage qui pose problème : on pourrait imaginer – je parle avec la plus extrême prudence – un soutien spécifique au forage.

Les ministres de l’environnement de l’Union européenne ont réussi à se mettre d’accord sur la plupart des dispositions, monsieur Remiller. Il y a toujours des réserves sur le principe d’une taxe carbone aux frontières, même si ce n’est pas un argument de négociation : nous n’atteindrons pas nos objectifs si nous autorisons le « dumping environnemental ». Les modalités du financement font également débat, certains jugeant que c’est trop, d’autres pas assez. On ne peut pas mettre dans le même paquet financements publics et financements privés, pays les moins avancés, pays développés et pays en voie de développement, qui posent des problèmes extrêmement différents.

Pour ce qui est de la question des moyens à l’international, nous avons déjà renforcé les équipes du ministère à l’occasion de l’adoption du paquet « énergie-climat ». Nous bénéficions également de la mise en place, au sein du ministère des affaires étrangères, d’une direction générale de la mondialisation et d’une direction des biens publics mondiaux, avec laquelle nous collaborons étroitement.

S’agissant de nos relais, nous sommes bien implantés à Bruxelles : notre représentation permanente auprès de l’Union européenne y bénéficie de l’expérience tirée de la négociation du paquet « énergie-climat » et du travail remarquable du représentant permanent adjoint Philippe Leglise-Costa. Nous avons enfin développé un réseau de services environnementaux dans nos ambassades, notamment dans les pays cibles.

Ce ne sont pas 6 000 postes qui ont été supprimés, monsieur Chassaigne, mais 1 294.

L’ADEME a mesuré l’incidence de la taxe carbone sur les comportements de la population décile par décile et en distinguant urbains et ruraux. Selon cette étude, pour les cinq premiers déciles de la population urbaine et pour les sept premiers de la population rurale, le « chèque vert », ou le crédit d’impôt, est supérieur au coût de la taxe carbone : cela se vérifie particulièrement dans les premiers déciles. L’enjeu, c’est le transport routier et le chauffage.

Vous me demandez si la taxe carbone permettra de réduire la place de l’automobile. Si elle est en elle-même une incitation à modifier ses comportements, elle ne sera efficace que si elle s’accompagne des investissements nécessaires. S’agissant par exemple des investissements dans de nouvelles formes de véhicules, électriques ou hybrides, les constructeurs se sont engagés à proposer d’ici 2011 dix modèles de ces nouveaux types au prix des modèles ordinaires. A cela devront s’ajouter 2 000 kilomètres supplémentaires de lignes TGV. L’État compte financer à nouveau des transports en sites propres : le contrat signé par Jean-Louis Borloo permettra de doubler le nombre de lignes de tramways financées par l’État.

Votre question sur la relocalisation est très pertinente. Dans dix ans, nous atteindrons le pic pétrolier, le pic gazier dans vingt ans, et le pic charbonnier beaucoup plus rapidement que prévu, selon tous les spécialistes, à cause du développement de la Chine et de la volonté de certains de transformer le charbon en liquide. Le problème principal qui se posera alors sera celui du transport de marchandises, rendant inéluctable, aux yeux de la plupart des spécialistes, la relocalisation de la production.

Ce modèle de développement mettra cependant un certain temps à s’installer. La taxe carbone doit nous permettre d’anticiper cette évolution au lieu de la subir. Les acteurs économiques, les particuliers comme les entreprises, doivent être incités, par tous les dispositifs de l’État, à anticiper de tels investissements, plutôt que de subir les variations erratiques du prix de l’énergie. La loi Grenelle II comporte d’ailleurs des dispositifs spécifiques pour l’urbanisme.

La responsabilité individuelle ne suffit pas sans « signal prix » et sans cette « internalisation » du coût du carbone par le biais de la taxe carbone, ou d’ailleurs des bonus-malus. Deuxièmement, il y a une responsabilité collective, qui fonde le concept des biens publics mondiaux et celui d’organisation mondiale de l’environnement.

La responsabilité individuelle a cependant une place majeure, même si l’État doit jouer son rôle de régulateur et internaliser ces externalités. Cette place est d’autant plus grande dans une démocratie comme la nôtre, où on ne peut pas changer les valeurs de la société sans l’adhésion de celle-ci.

La question de la pêche en Méditerranée est bien délicate, monsieur Lecou. Tout ce qui concerne les mesures de soutien à la filière pêche relève du ministère de l’agriculture et de la pêche. L’intervention de mon ministère se limite à la création d’aires marines protégées, qui doivent favoriser le renouvellement de la ressource. En outre, les mesures d’encadrement de la pêche sont définies au niveau européen. Les décisions relatives au thon rouge seront prises dans le cadre de la négociation de la Convention pour le commerce international des espèces menacées, la CITES, qui débute en novembre. D’ici là, nous nous fondons sur les avis des scientifiques parce que c’est la survie de ce poisson qui est en jeu. Un moratoire n’aura de sens que s’il est décidé dans le cadre de la CITES, faute de quoi des pays comme la Chine ou le Japon pourraient venir pêcher dans la Méditerranée.

J’ajoute enfin que le ministre d’État s’est prononcé en faveur de l’extension de la zone économique exclusive en Méditerranée.

Si je ne suis pas intervenue sur la taxe carbone, monsieur Launay, c’est que ce sont les ministres en charge de l’économie et du budget qui sont traditionnellement habilités à se prononcer sur ce sujet.

On peut considérer que l’objectif d’une « économie décarbonée » que vous nous proposez inspire les mesures déjà mises en place en ce qui concerne la demande, telles que le plan énergies renouvelables, le Fonds chaleur etc. Il nous manque encore des dispositifs agissant sur l’offre, qui supposent la création de filières industrielles.

Il faut enfin introduire une plus grande cohérence dans ce qui peut apparaître comme une accumulation de mesures, alors qu’il s’agit avant tout de respecter les engagements du Grenelle.

S’agissant de la gestion des ressources humaines du ministère, il y a toute une politique d’accompagnement du regroupement, et ce n’est pas une mince affaire. De nombreuses actions de formation sont également menées pour accompagner la reconversion des agents.

Monsieur Bouvard, vous m’avez interrogée sur les moyens et le périmètre d’adhésion des parcs nationaux. Une part des crédits consacrés à la biodiversité, qui ont doublé depuis 2007, va bien entendu aux parcs nationaux. Sur les périmètres d’adhésion, j’imagine que vous avez une demande particulière dont vous pourrez m’entretenir. Mais soyez rassuré : d’une manière générale, nous accompagnons les modifications de périmètre et le renouvellement des chartes. Nous avons quasiment terminé, et tout s’est plutôt bien passé.

Pour ce qui des pointes de consommation électrique, un groupe de travail, copiloté par Serge Poignant et Bruno Sido, a été mis en place. Cette question doit être traitée de manière très approfondie. C’est en effet la plus problématique dans la mesure où ont été construits beaucoup de logements tout béton chauffés à l’électricité.

S’agissant des agences de l’eau, je n’ai pas d’inquiétudes particulières. Leurs recettes sont constituées à 80 % du produit des redevances et de 15 % à 20 % du remboursement des avances qu’elles peuvent consentir. Sur les 14 milliards d’euros prévus pour les six prochaines années, 7,6 milliards sont consacrés à l’assainissement. Toutes les actions en la matière ont été intégralement financées, notamment par le prêt de la Caisse des dépôts et consignations aux agences et l’augmentation du taux de la redevance. De même, les marges de manœuvre financières sont suffisantes pour parvenir au bon état écologique des eaux. Nous sommes confiants sur la capacité des agences à honorer leurs engagements, y compris de remboursement.

Mme Claude Darciaux. Les populations ont si peur des risques liés aux installations classées qu’elles s’opposent parfois farouchement à toute implantation sur leurs territoires. Si le risque zéro n’existe pas, le risque potentiel doit être aussi limité que possible. Or, le nombre de contrôles de ces installations n’augmente que très faiblement. Voilà plus d’un an que dans ma commune, une installation classée, alors même que je l’ai signalée à la préfecture, à la DRIRE et même au procureur, s’est implantée sans autorisation et pollue de plus en plus, au grand dam des riverains.

Dix pour cent des PPRT auraient été approuvés en 2009, 5 % seulement réalisés. Comment pensez-vous atteindre l’objectif de 40 % que vous avancez ?

Quels seront les moyens dévolus à la prévention des accidents dans le domaine du transport des matières dangereuses ? Ma commune, déjà concernée par un PPRT, l’est également par de tels transports.

Enfin, s’agissant de la prévention des risques naturels, il me paraît important d’améliorer l’information des élus et d’organiser avec eux une concertation approfondie. En effet, les zones inondables sont trop souvent délimitées à partir de modèles mathématiques sans tenir assez compte des réalités locales.

M. Dominique Caillaud. Avant d’en venir à ma question qui a trait à la mission d’information géographique, je souhaite saluer la réorganisation du ministère avec la création du Commissariat général au développement durable.

Les différents partenaires attendent avec impatience les décrets modificatifs du Conseil national de l’information géographique et espèrent qu’au final, les partenaires privés et les collectivités territoriales seront mieux représentés dans un CNIG réellement autonome.

L’IGN, quant à lui, doit se moderniser et redevenir un leader accepté de tous sans réticence. Pour cela, son modèle économique doit évoluer. L’institut n’est aujourd’hui que partiellement subventionné pour ses missions de service public, ce qui l’amène à refacturer ses licences, y compris aux services de l’État, alourdit considérablement les procédures et nourrit des suspicions entre lui et ses partenaires privés. Dans le nouveau modèle, les référentiels grande échelle seront-ils diffusés gratuitement auprès des collectivités et de l’État ?

Dans la phase actuelle de consultation européenne autour de la directive INSPIRE et de la banque de données EURADIN, afin de définir les nouvelles normes géographiques et les conditions de leur diffusion, le lobbying exercé par la France est, hélas, morcelé : des experts de l’IGN travaillent de leur côté, tandis que les régions et les professionnels qui devraient faire remonter leurs besoins ne le peuvent pas. Le renouvellement du modèle économique et de la gouvernance de l’IGN doivent permettre d’en faire un leader de lobbying et surtout un animateur de ce travail auprès de la Commission européenne.

M. François Brottes. Madame la ministre, je vous remercie de vos réponses qui nous permettent un échange d’excellente qualité.

Il y a dans votre budget, et il faut vous en remercier, les moyens de mener des expérimentations d’abaissement de la puissance des antennes de téléphonie mobile. Pensez-vous qu’il faudra passer par la loi de façon que certaines jurisprudences actuelles des tribunaux, qui se fondent essentiellement sur le principe de précaution, ne soient pas aussi arbitraires qu’elles le sont ?

Je ne vous interroge pas sur la quatrième licence, ayant bien compris que cela ne relevait pas de votre champ de compétences.

J’en viens à quelques questions sur l’énergie. On ne sait pas si les nouvelles instructions qui seront données à la personnalité pressentie pour la future présidence d’EDF sur la filière nucléaire seront d’introduire un peu plus de cohérence entre son entreprise et Areva, ce qui paraîtrait souhaitable compte tenu du fait que l’actionnaire principal est dans les deux cas l’État. Peut-être avez-vous un avis sur ce point…

Le rapporteur spécial indique dans son rapport que l’on s’oriente vers une hausse de 55 % de la consommation d’énergie dans les années à venir, ce qui ne manque pas de surprendre. En effet, si on vise une plus grande efficacité et une plus grande sobriété énergétiques, on ne peut pas miser sur toujours plus d’investissements pour toujours plus de consommation. C’est sinon marcher sur la tête. La question de la gestion des pointes demeure posée. Certes, un groupe de travail a été mis en place, piloté par Serge Poignant et Bruno Sido. La commission Champsaur a également abordé le problème. Mais celui-ci n’a été pour l’instant traité ni par les tarifs ni par la taxe carbone, ni par une volonté affirmée d’améliorer notre efficacité énergétique, ce qui ferait que nous aurions moins besoin d’importations – il est vraiment dommage, vu notre production, que nous soyons parfois obligés d’importer de l’électricité, à des prix parfois exorbitants ! Exclure totalement l’électricité de l’assiette carbone, y compris celle produite lors des pics de consommation à partir de centrales thermiques à flamme, lesquelles émettent beaucoup de gaz à effet de serre, ne me paraît pas une bonne idée. Régler ce problème des pointes passe par l’installation de compteurs intelligents – que nous attendons toujours –, une taxation et un prix différents entre périodes de pointe et périodes de base – c’est l’une des pistes proposées par le rapport Champsaur –, mais aussi par l’amélioration du taux de disponibilité de notre parc nucléaire.

Pour avoir été membre de la commission Champsaur et en assumer pleinement le rapport, je souhaiterais qu’on ne le caricature pas. Que l’on approuve ou non en l’espèce les directives européennes, et personnellement je n’y suis pas favorable, force est de constater que la France ne s’y conforme pas. Notre pays et ses entreprises s’exposent donc à une amende extrêmement élevée. Nous avons le choix entre la solution préconisée par la commission Champsaur ou faire en sorte qu’EDF vende une partie de son parc de centrales nucléaires à des acteurs privés. Il faut poser clairement tous les termes du problème, sans rien caricaturer. Nous aurons d’ailleurs prochainement un débat très intéressant au Parlement sur le sujet.

Je souhaite maintenant appeler votre attention, madame la ministre, sur la constitution d’oligopoles pour la gestion des réseaux : télécommunications, énergie – gaz et électricité –, eau… Les collectivités n’auront quasiment plus qu’un seul interlocuteur pour l’ensemble des services de première nécessité rendus à la population. Il nous faut d’ores et déjà réfléchir à des dispositifs de réglementation et de régulation, car ces oligopoles risquent de faire augmenter les prix et de rendre plus difficile la gestion de l’environnement.

S’agissant de l’électricité d’origine hydraulique, je partage les remarques de notre collègue Michel Bouvard. Notre potentiel annuel de production hydro-électrique est de 57 térawatts/heure mais nous n’en produisons que 13 : c’est dire la marge qui existe, malheureusement inexploitable en raison de contraintes environnementales, sans doute justifiées, mais n’est-il pas tout aussi pertinent de produire de l’énergie propre à partir de l’hydraulique ? Enfin, pourquoi l’État s’entête-t-il à ne pas taxer un peu plus ceux qui produisent de l’hydro-électricité dans des centrales déjà largement amorties ? Le plafonnement actuel n’est pas une bonne idée.

M. Gérard Gaudron. Existe-t-il dans votre budget, madame la ministre, les crédits nécessaires à une indemnisation des victimes de l’amiante et comment voyez-vous l’évolution en ce domaine ? Il semble que le nombre de victimes à indemniser aille croissant.

De même, disposez-vous de moyens budgétaires pour aider les collectivités à financer les travaux de désamiantage, qui coûtent de plus en plus cher ? Ainsi dans ma commune, le désamiantage de l’usine CMMP devrait revenir à 10,5 millions d’euros, ce que ne peuvent bien entendu payer ni les collectivités ni le pollueur.

Reprendra-t-on les opérations de géothermie profonde qui ont été totalement arrêtées dans le Bassin parisien, alors qu’elles présentent un intérêt environnemental certain, dans la mesure où cette source d’énergie n’émet pas de gaz à effet de serre ?

Ma dernière question concerne l’alimentation du réseau d’eau potable à partir des eaux souterraines. Il est souvent plus facile de capter les eaux de surface, mais ce n’est pas la meilleure solution sur le plan écologique car c’est plus coûteux, à la fois en énergie et en produits chimiques de traitement.

Mme Catherine Quéré. La réorientation de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » avec la protection et la restauration du vivant sauvage avait pour objectif de préserver les ressources du milieu naturel ainsi que de procéder à un aménagement concerté des espaces, dans la perspective d’un développement durable et équilibré des territoires.

Les nouvelles trames vertes et bleues, outils d’aménagement essentiels, visent à assurer une continuité écologique au travers du territoire. Ces infrastructures écologiques bénéficieront-elles de moyens juridiques et financiers suffisants pour être considérées comme prioritaires par rapport aux autres infrastructures, notamment d’équipement ?

Les agriculteurs obligés de céder des terres pour la constitution de corridors ou le long des rivières seront-ils indemnisés, notamment pour les bandes enherbées obligatoires ? Dans le contexte de crise qu’ils subissent actuellement, il sera difficile de leur demander de faire des efforts sans compensation.

Par ailleurs, l’État est-il prêt à dresser l’inventaire de son patrimoine naturel avec le même soin et la même précision que celui de son patrimoine culturel ?

Enfin, mettrez-vous à disposition les moyens nécessaires pour donner corps à une trame ambitieuse, véritable infrastructure écologique permettant de répondre, dans l’intérêt de tous, aux enjeux climatiques et de sauvegarde de la biodiversité ?

M. Antoine Herth. Où en sont les réflexions du ministère sur l’évolution des tarifs de rachat de l’électricité d’origine photovoltaïque ? Beaucoup de dossiers sont en projet. Les opérateurs aimeraient avoir une certaine visibilité afin de pouvoir prendre leurs dispositions.

Ma deuxième question a trait à la préservation de la biodiversité, notamment du grand hamster d’Alsace, espèce protégée en voie de disparition. En Alsace, lorsque des hamsters sont découverts par exemple sur le lieu prévu pour la construction d’un lotissement, les maires concernés sont vraiment confrontés à une difficulté, d’autant qu’ils ne savent pas vraiment quelles sont les règles du jeu ni comment négocier avec l’administration. Quelle est la doctrine exacte du ministère en matière de mesures compensatoires ?

M. Louis-Joseph Manscour. Je souhaite vous interroger, madame la ministre, sur le plan Séismes aux Antilles. Comme vous le savez, les Antilles sont exposées à quantité de risques naturels – sismique, volcanique, hydraulique… La Martinique a ainsi connu le 29 novembre 2008 un séisme d’une magnitude de 7,7 sur l’échelle de Richter, qui a causé de lourds dégâts. Dans le programme opérationnel « Prévention des risques naturels et hydrauliques » pour la période 2007-2010, un plan Séismes a été élaboré qui comporte un volet spécifique pour les Antilles, lequel a été présenté en Conseil des ministres en janvier 2007, et porte sur une période de sept ans pour un financement annoncé de 340 millions d’euros, constitué à la fois de crédits d’État et de fonds européens. Mais il semble avoir du mal à s’appliquer concrètement sur le terrain. Où en est-on de son exécution ? Lors de l’examen de la loi Grenelle I, la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de ce plan avait été soulignée, d’autant qu’il existe un fort risque de séisme dans un avenir proche aux Antilles, tout particulièrement en Martinique.

M. Jean Lassalle. Une remarque générale tout d’abord. Comment se fait-il que des budgets aussi importants que celui des transports tout à l’heure, de l’écologie en ce moment et de l’agriculture demain, soient présentés ici, salle Lamartine, et non dans l’hémicycle où est examiné en ce moment le projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Seraient-ils considérés comme des budgets au rabais ? Le nombre de commissaires présents atteste au contraire de toute leur importance.

Tout me convient, madame la ministre, tant qu’on parle de pompes à chaleur, d’hydroélectricité et d’économies d’énergies… mais cela va beaucoup moins bien quand on en vient aux parcs nationaux. J’ai été profondément choqué et blessé du déni inacceptable de démocratie dont l’État a fait preuve pour agrandir ceux qui existaient et en ouvrir de nouveaux. Je ne comprends pas pourquoi, alors qu’il y a tant d’endroits en danger sur notre planète. on s’acharne à surprotéger des zones que des hommes ont aimées au point d’y vivre et d’en cultiver amoureusement les terres de père en fils, et on s’emploie à y créer des réserves d’Indiens pour les exterminer par des méthodes d’une violence inouïe dignes d’un autre âge. J’ai toujours défendu les fonctionnaires, mais il semble que moins il y en a, moins ils ont de crédits et plus ils ne sont là que pour interdire : c’est ce qui se passe dans mon département. Avec les parcs nationaux, on crée des zones d’exception. On trompe les habitants en leur faisant croire que ce sont là des structures de développement, alors qu’ils ne visent qu’à la protection. A quoi bon surprotéger ce qui est déjà extrêmement protégé ? L’argent qui y est consacré serait mieux utilisé à un plan de relance pour des régions qui sont en train de mourir… en silence. Je ne me fais aucune illusion sur votre réponse, madame la ministre. Je l’écouterai néanmoins avec attention et bienveillance.

M. William Dumas. Je souhaite vous interroger, madame la ministre, sur le plan Vidourle, arrêté il y a quelques années par Mme Bachelot. La première phase des travaux concernant les digues principales va s’achever. En revanche, d’après mes informations, il semblerait que le syndicat interdépartemental Gard-Hérault ait du mal à trouver les financements nécessaires, du fait du désengagement de l’État en ce qui concerne notamment les digues de second rang, prévues dans le programme initial et très importantes pour assurer la protection de certaines populations. Qu’en est-il exactement ? Les engagements pris par Mme Bachelot seront-ils tenus ?

Ma seconde question a trait au transport des matières dangereuses. J’ai moi aussi dans ma circonscription une usine classée Seveso où jusqu’à présent, les matières dangereuses étaient acheminées par rail depuis la Suisse. La SNCF ne souhaitant plus assurer le transport par wagon isolé si ce n’est à un prix prohibitif, la direction de l’établissement envisage de les faire transporter par la roue. Qu’en pensez-vous à un moment où on cherche à prévenir les risques technologiques et où on vante le développement durable ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Même si le Président de la République a annoncé une relance du nucléaire, aujourd’hui paré de toutes les vertus pour lutter contre le changement climatique, il ne faut pas oublier que si l’atome ne produit pas de CO2, il produit des déchets radioactifs. C’est certes en faible quantité – deux kilos par an et par habitant en France, contre 360 kilos d’ordures ménagères et 2,5 tonnes de rebus industriels –, mais la gestion de ces déchets constitue un enjeu environnemental majeur, ainsi qu’un défi sur le plan économique et financier. Leur durée de vie peut aller de quelques jours à des milliers d’années et si certains sont faiblement radioactifs, d’autres le sont très fortement.

Après un demi-siècle d’existence, l’industrie du nucléaire n’a toujours pas trouvé de solution pour gérer ses déchets et commence seulement d’essayer de faire face au problème. Les déchets hautement radioactifs s’accumulent : de près de 2 300 m³ en 2007, ils passeront à plus de 5 000 m³ en 2030, faisant peser une menace croissante sur l’environnement et les générations futures. Les déchets qui dégagent de la chaleur sont non seulement les plus dangereux, concentrant à eux seuls 95 % du niveau de radioactivité de tous les déchets confondus, mais ont aussi une durée de vie estimée à plusieurs milliers d’années. Dans l’attente de la construction d’un centre de stockage profond, ils sont pour le moment entreposés à La Hague, Marcoule et Cadarache. Face à ce casse-tête insoluble, l’enfouissement souterrain en profondeur est présenté comme la seule possibilité. Mais cela est loin de faire l’unanimité. Si la Suède a choisi cette solution, avec une centre de stockage dont la construction devrait débuter en 2015 pour une mise en service en 2023, elle est la seule. Tous les autres pays du monde tergiversent et s’interrogent. Aux États-Unis, Barack Obama a mis un terme au projet d’enfouissement de ces déchets dans les roches volcaniques du désert du Nevada. En Allemagne, le projet de stockage dans une mine de sel en Basse-Saxe a été gelé. Le Japon, le Canada et l’Angleterre cherchent des sites. L’Espagne privilégie pour l’instant l’entreposage. La Chine, l’Inde et la Russie, quant à elles, n’ont pas arrêté de position. Madame la ministre, comment la France compte-t-elle gérer les 5 000 m³ de déchets hautement radioactifs dont elle aura la charge en 2030 ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Madame Darciaux, nous augmentons le nombre d’inspecteurs des installations classées pour la protection de l’environnement. Il y en aura 75 de plus en 2010, l’objectif étant d’atteindre un effectif de 1 500 inspecteurs en 2012, soit 300 de plus qu’en 2007, et de 1 700 en 2015, conformément aux engagements pris lors de la table ronde sur les risques industriels. Il n’y a donc pas de diminution du nombre de contrôles et il faudra me faire part de votre cas particulier, afin que mes services le traitent.

Nous avions pris du retard, mais nous sommes désormais dans la norme en ce qui concerne le nombre de PPRT prescrits. Nous n’avons aucune inquiétude concernant l’approbation des PPRT de phase 1. Une vingtaine de plans sont très onéreux et très complexes ; nous avons donc réuni les préfets concernés. Toutefois, le plus grand nombre seront approuvés dans les temps impartis.

S’agissant de la prévention des risques naturels, la transposition de la directive européenne « Inondations » a été assurée par l’adoption par le Sénat d’un amendement au projet de loi « Grenelle II ». Elle a précisément pour objet d’améliorer l’information et de promouvoir une gestion plus globale, notamment en amont, du risque inondation.

Monsieur Caillaud, je n’ai pas de date précise à vous donner concernant la parution du décret sur le Conseil national de l’information géographique. Une concertation est en cours avec l’ensemble des acteurs ; le débat porte, en particulier, sur la place que devra occuper l’Institut géographique national. Nous souhaitons, pour notre part, qu’elle soit centrale. La réforme du modèle économique de l’IGN est précisément l’enjeu du prochain contrat d’objectifs et de moyens, actuellement en cours de discussion avec Bercy.

Monsieur Brottes, s’agissant des antennes téléphoniques, nous préférerions attendre le résultat des expérimentations engagées pour proposer un éventuel projet de loi global, plutôt que de prendre hâtivement une mesure spécifique dans le cadre de la loi « Grenelle II ». Sur ce sujet hautement sensible, le débat reste cependant ouvert.

Nous avons pris des engagements très clairs en matière de réduction de la consommation d’énergie : 50 % des centrales au charbon seront déclassées d’ici 2015, la consommation de gaz et de pétrole sera réduite et celle d’électricité demeurera stable – en raison du développement des véhicules électriques. L’objectif de 23 % d’énergies renouvelables en 2020 tient d’ailleurs compte de la diminution de 20 % de la consommation d’énergie.

Il était difficile de mettre en œuvre une gestion de la pointe électrique dans le cadre de la taxe carbone, faute de pouvoir l’identifier avec précision. Nous utiliserons pour ce faire la variable tarifaire. Par ailleurs, 300 000 compteurs intelligents sont en cours d’expérimentation, notamment à Lyon, à Tours et à Paris ; ce dispositif est appelé à être généralisé.

Quant à l’hydroélectricité, j’y suis favorable, à condition de prendre en considération les contraintes environnementales, relatives notamment à la qualité des eaux et à la préservation des espèces. C’est pourquoi les possibilités de développement actuelles ne sont pas à la hauteur de certaines prospectives. Prenons garde à ce que le climat ne nous fasse pas oublier la biodiversité ! Par ailleurs, lors du renouvellement des concessions hydroélectriques, le montant des redevances sera revu. Des dispositions du Grenelle II traitent spécifiquement de cette question.

Monsieur Gaudron, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est un établissement public à caractère administratif placé sous la double tutelle des ministères chargés de la sécurité sociale et du budget. Il permet aux victimes de l’amiante et à leurs ayants droit d’obtenir la réparation intégrale de leur préjudice, en complément des sommes versées par les régimes de sécurité sociale. Son rôle est d’éviter une procédure contentieuse. Nous ne disposons d’aucun élément laissant entendre qu’il risquerait de manquer de moyens.

Peut-être le désamiantage pose-t-il des problèmes spécifiques de financement à Aulnay-sous-Bois. Certaines collectivités territoriales ont estimé que l’on ne prenait pas en charge tous les coûts, mais elles avaient choisi des solutions techniques qui n’avaient pas été validées par les experts.

Les expérimentations de géothermie menées dans le bassin parisien s’effectuent, non à grandes profondeurs, comme à Soultz-sous-Forêts, mais à moyennes profondeurs. Grâce au Fonds chaleur et au Fonds de couverture des risques géothermiques de l’ADEME, nous relançons la géothermie en Ile-de-France, en Aquitaine et en Alsace. Il s’agit d’un volet très important du Grenelle de l’environnement.

S’agissant de l’alimentation en eau, on arbitre au cas par cas entre eaux souterraines et eaux de surface. Les premières sont plus difficiles à capter, mais, contrairement aux secondes, elles ne nécessitent pas de traitements. Il n’y a pas de règle préétablie.

Madame Quéré, tous les projets d’infrastructure doivent désormais intégrer dans leur financement une quote-part pour l’accompagnement environnemental. Elle était par exemple de 0,4 % pour la LGV Tours-Bordeaux. Il n’est donc pas question que la trame verte et bleue s’efface devant les autres priorités d’aménagement du territoire. Nous avons d’ailleurs précisé lors des différentes négociations qu’elle devait être intégrée à tous les documents. Au-delà, le ministère accompagne financement sa mise en œuvre. C’est l’un des points encore en discussion au sein du Comité opérationnel.

L’inventaire du patrimoine naturel de l’État, c’est une très belle idée, assez onéreuse certes, mais qui fait partie de nos projets pour l’année internationale de la biodiversité, en 2010.

Monsieur Herth, l’arrêté fixant les tarifs de rachat de l’électricité produite par les installations solaires photovoltaïques vise précisément à donner une visibilité à trois ans, afin d’éviter des soubresauts. Il prévoit un tarif de 60 centimes d’euro par kilowattheure, le plus élevé au monde, pour les installations avec intégration au bâti, de 45 centimes pour les installations d’intégration simplifiée, et de 30 centimes pour les installations au sol. Ces tarifs seront stables jusqu’en 2012.

En ce qui concerne le grand hamster d’Alsace, soyons clairs, la Commission européenne est très en colère. Cela nous coûtera plusieurs milliers d’euros d’astreinte par jour. La France se trouve donc dans une situation délicate, d’autant que la Commission ne prend en considération que les résultats, à savoir l’état de la population du grand hamster.

Les mesures compensatoires consistent essentiellement en achats de foncier et de cultures sur pied. Il existe en outre des compensations spécifiques aux grands projets d’infrastructures.

Monsieur Manscour, je suis complètement d’accord avec vous : il est nécessaire d’accélérer la mise en œuvre du plan séisme Antilles. L’État finance d’ores et déjà le renforcement de certains édifices, notamment des bâtiments de la sécurité civile et des hôpitaux. Nous allons, Marie-Luce Penchard et moi-même, réunir très prochainement les élus concernés afin de faire le point et d’examiner comment améliorer notre collaboration pour aller plus vite. En ce qui concerne les moyens, l’État peut mobiliser le Fonds de prévention des risques naturels majeurs. Le financement des centres de secours sera assuré en priorité, via le fonds exceptionnel d’investissement.

Je me demande, monsieur Lassalle, si vos observations appelaient véritablement une réponse de ma part… Les parcs nationaux sont un outil majeur de valorisation du territoire. En la matière, nous avons toujours privilégié la concertation : il s’agit simplement de protéger un territoire exceptionnel.

Monsieur Dumas, en ce qui concerne le transport des matières dangereuses, le problème des plateformes intermodales a été évoqué par l’ensemble des participants à la table ronde sur les risques industriels. Nous avons commandé des études sur le sujet et un amendement au projet de loi Grenelle II vise à donner des pouvoirs de police spécifiques à l’administration en ce domaine. Bien entendu, la relance du fret ferroviaire fournira une solution de remplacement au « tout camion » pour le transport des matières dangereuses.

S’agissant du plan Vidourle, nous avons donné la priorité à la réalisation des digues de premier rang. Par ailleurs, le sénateur Jean-Paul Fournier a déposé, au projet de loi Grenelle II, un amendement visant à favoriser l’émergence de maîtres d’ouvrage chargés de l’entretien des digues.

Monsieur Chanteguet, en matière de gestion des déchets nucléaires, nous privilégions toujours l’option du stockage géologique profond réversible. Dans le même temps, nous développons la recherche sur le devenir de ces déchets. Nous en sommes au stade de l’étude en laboratoire. Je précise que le choix des sites donnera obligatoirement lieu à des enquêtes publiques et sera soumis au volontariat des collectivités concernées. Nous n’avons donc pas changé de position depuis la loi de 2006.

M. le président Didier Migaud. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, pour ces réponses extrêmement complètes. Notre réunion a été longue, mais fort intéressante.

*

A l’issue de la commission élargie, la commission des affaires étrangères examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Jacques Guillet, les crédits de la mission Ecologie, aménagement et développement durables du projet de loi de finances pour 2010.

Suivant les conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

© Assemblée nationale

1 () Les ressources phytogénétiques peuvent se définir comme les ressources génétiques d'origine végétale, ce qui inclut le matériel de reproduction et de multiplication végétative. Elles sont le plus souvent obtenues par la sélection des semences ou par l'hybridation. Dans la période la plus récente, ces techniques ont été enrichies par les biotechnologies qui permettent de manipuler le vivant en agissant directement sur les gènes d'une espèce.