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N° 1972

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946)

TOME V

DÉFENSE

PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES

MARINE

PAR Mme Marguerite LAMOUR,

Députée.

——

Voir le numéro : 1967 (annexe n° 11)

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I. —  LES CRÉDITS DE PRÉPARATION ET D’EMPLOI DES FORCES NAVALES : CONCILIER RATIONALISATION ET RESPECT DU CONTRAT OPÉRATIONNEL 7

A. LES RESSOURCES HUMAINES 10

1. La poursuite de l’effort de réduction des effectifs 10

2. Une politique de recrutement et de formation adaptée aux besoins 13

3. Une attention constante à la condition militaire 15

B. LE FONCTIONNEMENT COURANT ET L’ACTIVITÉ DES FORCES 19

1. Une stabilité bienvenue des dotations de fonctionnement 19

2. Des niveaux d’activité réalisés au plus juste 20

3. La rationalisation des fonctions administratives et de soutien : retour d’expérience sur la base de défense expérimentale de Brest 21

C. L’ENTRETIEN DES ÉQUIPEMENTS 23

1. Les bonnes pratiques du SSF 23

2. Une meilleure programmation des crédits 25

3. Une disponibilité variable 27

II. —  LES GRANDS ÉQUIPEMENTS DE LA MARINE : LES PERSPECTIVES TRACÉES PAR LA NOUVELLE LOI DE PROGRAMMATION 31

A. LA DISSUASION 31

B. LA CAPACITÉ DE PROJECTION ET D’ENGAGEMENT 32

1. Le groupe aéronaval 33

2. Les BPC 35

3. Les SNA Barracuda 36

4. Les frégates 36

5. Les systèmes d’armes 38

C. LES MISSIONS DE PROTECTION ET DE SAUVEGARDE 39

TRAVAUX DE LA COMMISSION 43

I. —  AUDITION DE L’AMIRAL PIERRE–FRANÇOIS FORISSIER, CHEF D’ÉTAT–MAJOR DE LA MARINE 43

II. —  EXAMEN DES CRÉDITS 60

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 63

INTRODUCTION

Grâce à l’adoption définitive, en juillet dernier, de la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, le budget de la défense peut désormais s’appuyer sur un cadre stratégique et financier pluriannuel lui permettant de mettre en œuvre tant les orientations stratégiques et capacitaires préconisées par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale que les évolutions structurelles induites par la Révision générale des politiques publiques (RGPP).

Le projet de budget de la défense pour 2010 constitue la deuxième annuité de cette programmation et s’inscrit, comme le budget 2009, dans un contexte de crise rendant encore plus nécessaires les rationalisations et modernisations entamées l’an passé.

La marine, comme les autres armées, s’est pleinement engagée dans ce processus de transformation, qu’il s’agisse de ses effectifs, de ses modalités de fonctionnement ou de ses équipements. L’effort devra se poursuivre en 2010, dans le souci constant de répondre pleinement aux missions d’armée de mer et de marine nationale qui lui sont confiées.

Dans la nomenclature budgétaire issue de la loi organique relative aux lois de finances, le budget de la marine n’apparaît plus en tant que tel, ses crédits étant répartis entre les différents programmes de la mission « Défense ». La spécificité de la marine et ses problématiques propres justifient cependant que, comme pour les autres armées, les moyens qui lui sont alloués fassent l’objet d’un examen particulier.

Les crédits destinés à la marine sont répartis entre plusieurs programmes de la mission « Défense », principalement le programme 178 « Préparation et emploi des forces » et le programme 146 « Équipement des forces ». Le programme « Soutien de la politique de la défense » (212) s’avère plus largement interarmées mais comprend également des moyens destinés à la marine, principalement en matière de politique immobilière et de systèmes d’information.

Le présent rapport a vocation à retracer les moyens humains, matériels et financiers dont sera dotée la marine en 2010 et à évaluer si ceux-ci correspondent au contrat opérationnel tel qu’il a été fixé par le Livre blanc et la nouvelle loi de programmation militaire.

Il s’appuie pour cela sur l’audition des différents responsables concernés (dont la liste est fournie en annexe) ainsi que sur un déplacement à Brest qui a permis au rapporteur de rencontrer tout à la fois le préfet maritime, les commandants des forces ainsi que de nombreux marins, civils et militaires, de toutes catégories.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2009, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 42 réponses étaient parvenues, soit un taux de 100 %.

I. —  LES CRÉDITS DE PRÉPARATION ET D’EMPLOI DES FORCES NAVALES : CONCILIER RATIONALISATION ET RESPECT DU CONTRAT OPÉRATIONNEL

Au sein du programme 178, l’action 3, dénommée « Préparation des forces navales », a pour finalité de maintenir et renforcer les capacités opérationnelles de la marine ; 4 876,16 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 4 246,26 millions d’euros de crédits de paiement (CP) sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010, soit + 6,1  % pour les AE et – 6,1  % pour les CP par rapport à 2009. Au total, cette action représente 21,35 % des crédits du programme.

Sur l’ensemble de l’action, les crédits se répartissent ainsi entre les différents titres :

évolution des crédits alloués à la préparation
et à l’emploi des forces navales

(en millions d’euros)

 Programme 178-3

2009

2010

Évolution

Évolution
en %

Autorisations d’engagement

titre 2*

2 714,46

2 617,45

-97,01

-3,57 %

titre 3

1 800,66

2 166,51

365,85

20,32 %

titre 5

80,44

92,20

11,76

14,62 %

total

4 595,56

4 876,16

280,60

6,11 %

Crédits de paiement

titre 2*

2 714,46

2 617,45

-97,01

-3,57 %

titre 3

1 720,61

1 551,90

-168,71

-9,81 %

titre 5

88,48

76,91

-11,57

-13,08 %

total

4 523,55

4 246,26

-277,29

-6,13 %

* y compris civils et pensions

Source : PLF 2010

Les crédits du titre 2 n’ont pas été programmés par la LPM, qui a seulement fixé des plafonds d’emploi. Pour 2010, les CP sont en diminution de 3,6 % par rapport à 2009, en cohérence avec les objectifs de réduction des effectifs de la marine. Au total, 2 454 ETPT (1) sont supprimés. Cette diminution se décompose en 823 suppressions d’ETPT au titre de la réforme globale du ministère de la défense, et 1 631 ETPT transférés hors de l’action 3.

Pour les crédits titre 3, il convient tout d’abord de noter que les distinctions effectuées jusqu’en 2008 entre les dotations selon qu’elles relevaient ou pas de la loi de programmation militaire n’ont désormais plus lieu d’être puisque le périmètre de la LPM 2009-2014 couvre l’ensemble des crédits du titre 3.

Comme chaque année, les transferts opérés en construction budgétaire entre actions et programmes rendent particulièrement délicate la comparaison entre les dotations 2009 et 2010. Ainsi, pour les crédits de fonctionnement, 12,35 millions d’euros sont transférés sur l’action 5 « Logistique et soutien interarmées » du programme 178, notamment pour la création du service du commissariat des armées. 23,6 millions d’euros correspondant aux crédits de maintenance des stations de transmission de la force océanique stratégique sont par ailleurs transférés sur le programme 146.

Toutes choses égales par ailleurs, les AE bénéficient d’une augmentation sensible par rapport à 2009 (+ 20,4 %), qui traduit la volonté du ministère de la défense de poursuivre sa politique de contractualisation pluriannuelle pour la maintenance et l’entretien afin de bénéficier des meilleurs prix.

En revanche, les CP sont en net recul (– 9,5 %), mais le montant inscrit en 2010 intègre le remboursement des crédits obtenus en 2009 au titre du plan de relance (23,5 millions d’euros) et de la majoration de l’avance forfaitaire (70 millions d’euros) qui ont permis de payer, dès 2009, des prestations programmées ultérieurement. Les crédits en carburant sont stables, conformément aux évolutions attendues du marché, et la dotation de fonctionnement a été maintenue à son niveau de 2009 malgré les gains attendus des mesures d’optimisation et de réduction des personnels.

La contrainte pèsera donc, en grande partie, sur l’entretien programmé du matériel (EPM), même si le recul des dotations devrait être partiellement compensé par les conséquences positives du plan de relance et les effets sur les coûts de la conjoncture économique.

Suivant cette même double logique d’économies et de contractualisation pluriannuelle, les crédits du titre 5 sont également marqués par l’évolution contrastée des AE et des CP, les premières observant une augmentation de 14,6 % alors que les seconds sont en baisse de plus de 13 %.

Douze sous-actions, présentées dans le tableau ci-après, permettent de détailler la ventilation des crédits de l’action 3 du programme 178.

Ventilation des crédits de paiement de l’action « préparation des forces navales »

(en millions d’euros)

 

Numéro et intitulé des sous-actions

Titre 2 (personnel)

Titre 3 (fonctionnement)

Titre 5 (investissement)

Total

Évolution en %

 

 

2009

2010

2009

2010

2009

2010

2009

2010

40

Commandement

145,08

165,69

47,53

46,89

 

 

192,61

212,59

10,37 %

41

Activité de la force d’action navale

717,80

665,37

99,56

98,23

 

 

816,30

763,60

-6,46 %

42

Activité des forces sous-marines

163,40

168,23

3,23

3,19

 

 

166,64

171,42

2,87 %

43

Activité de l’aviation navale

346,72

366,62

42,65

42,08

 

 

389,37

408,70

4,96 %

44

Activité de la force des fusiliers-marins commandos

101,07

136,17

2,61

2,58

 

 

103,69

138,75

33,81 %

46

Formation du personnel

324,23

371,62

14,87

15,15

6,87

6,28

345,97

393,06

13,61 %

47

Gestion, recrutement, fidélisation et reconversion

96,47

73,06

46,15

45,54

 

 

142,63

118,60

-16,85 %

48

Soutien de la force d’action navale

111,97

152,09

503,95

456,76

 

 

615,93

608,86

-1,15 %

49

Soutien de la force sous-marine

48,51

51,86

353,82

308,26

 

 

402,34

360,13

-10,49 %

50

Soutien de l’aviation navale

31,60

47,45

355,20

310,11

9,24

6,93

396,05

364,50

-7,97 %

51

Soutien de la force des fusiliers-marins commandos

18,45

20,11

10,09

15,11

 

 

28,54

35,23

23,44 %

54

Soutiens transverses

610,09

399,12

240,89

207,96

72,36

63,68

923,35

670,76

-27,36 %

 

TOTAL

2 714,46

2 617,45

1 720,61

1 551,90

88,48

76,91

4 523,55

4 246,26

-6,13 %

Source : PLF 2010.

Au-delà de cette comparaison entre budgets successifs, le rapporteur se doit de souligner que les dotations des titres 3 et 5 destinées à la marine, et notamment les crédits de paiement, marquent d’ores et déjà un décrochage sensible par rapport au référentiel de la LPM 2009-2014, comme l’indique le tableau ci-après :

Préparation et emploi des forces navales
(titres 3 et 5)

(en millions d’euros)

 

2009

2010

 

AE

CP

AE

CP

LPM

2 049

1 885

1 981

1 861

Loi de finances

1 881

1 809

2 259

1 629

Source : ministère de la défense.

S’il est normal que le contexte économique et financier global ait un effet sur le calcul des dotations attribuées en loi de finances, il ne faudrait pas que, sur l’ensemble de la programmation, le décrochage soit trop massif et que les crédits du titre 3 jouent une nouvelle fois le rôle de variable d’ajustement. Chacun sait que le sacrifice à court terme des dépenses d’entretien se révèle toujours coûteux à plus long terme, que ce soit au niveau des équipements mais également pour le moral des hommes et l’entraînement des forces. C’est tout l’intérêt d’une loi de programmation que d’éviter, dans le temps, des tels effets induits. Il serait regrettable de l’oublier aussitôt après l’avoir votée…

A. LES RESSOURCES HUMAINES

La LPM prévoit que le format général de la marine devra être ramené à 44 000 hommes en 2014-2015 (contre 48 000 – soit 40 000 militaires et 8 000 civils – en 2008), le Livre blanc précisant que « L’effort portera essentiellement sur les soutiens, les effectifs nécessaires à la réalisation des objectifs opérationnels […] devant être impérativement préservés ». (2). Cette réduction de format doit légitimement s’accompagner d’une politique dynamique des ressources humaines, tant pour soutenir les efforts de restructuration que pour améliorer la condition des personnels et préserver les capacités et les compétences.

1. La poursuite de l’effort de réduction des effectifs

Plus de 97 % des effectifs de la marine relèvent de l’action 3 « Préparation des forces navales » du programme 178 et sont rassemblés dans le budget opérationnel de programme (BOP) 178-21C.

Pour ce BOP, le plafond d’emplois autorisés par le projet de loi de finances s’élève à 43 601 ETPT, dont 37 297 militaires, contre 46 055 ETPT en LFI 2009, soit une réduction nette de 2 454 emplois. Toutefois, en comparaison avec les effectifs moyens d’emplois réalisés au 30 juin 2009 (soit 45 499 ETPT), la baisse est limitée à 1 898 emplois.

évolution du plafond d’emplois du BOP 178-21 C

(en ETPT)

 

PEA(1) 2009

EMRP(2)

PEA(1) 2010

Officiers

4 504

4 587

4 425

Sous-officiers

25 215

25 086

24 369

Militaires du rang

7 663

7 597

7 437

Volontaires

1 309

1 159

1 066

Total militaires

38 691

38 429

37 297

Catégorie A

390

416

423

Catégorie B

966

902

875

Catégorie C

2 490

2 521

2 009

Ouvriers d’État

3 518

3 231

2 997

Total civils

7 364

7 070

6 304

TOTAL

46 055

45 499

43 601

(1) Plafond ministériel d’emplois autorisés.

(2) Effectif moyen réalisé prévisionnel au 30 juin 2009.

Source : ministère de la défense.

Cette évolution des effectifs de la marine s’explique tout à la fois par des transferts et des suppressions de postes. Aucune création nette d’emploi n’est prévue en 2010.

— Au sein du programme 178, 1 519 emplois sont transférés, dont 1 420 ETPT vers la sous-action 82 « Soutien des forces par les bases de défense » de l’action 5 « Logistique et soutien interarmées » dans le cadre de la création des bases de défense expérimentales ; les transferts vers d’autres programmes sont de 99 ETPT et découlent principalement de la création de l’agence de reconversion de la défense et de la poursuite du développement de la direction interarmées des systèmes d’information (DIRISI).

— 405 emplois devraient par ailleurs être supprimés dans la marine en 2010, après 347 emplois en 2008 et 417 emplois en 2009 (évaluation en années pleines). La répartition de ces réductions d’emplois est détaillée dans le tableau ci-après :

Répartition des suppressions d’emploi dans la marine

 

2009

(EAP(1) 2008)

2009

2010

(EAP(1) 2009)

2010

Officiers

0

- 14

- 14

- 19

Officiers mariniers

- 208

- 203

- 203

- 197

Militaires du rang

- 87

- 8

- 8

- 61

Volontaires

0

- 100

- 100

- 43

Total militaires

- 295

- 325

- 325

- 320

Catégorie A

- 1

- 1

- 1

0

Catégorie B

0

0

0

0

Catégorie C

- 13

- 5

- 5

- 12

Ouvriers d’État

- 38

- 86

- 86

- 73

Total civils

- 52

- 92

- 92

- 85

Total

- 347

- 417

- 417

- 405

(1) Extension en année pleine.

Source : ministère de la défense.

Au total, 5 600 emplois seront supprimés d’ici 2015 sur le BOP 178-21C par rapport à la référence initiale de 2007. À ces emplois, il convient d’ajouter le retour de marins mis à disposition d’autres BOP et également soumis à des restructurations de leur organisme d’accueil. Le total global des réductions sera en conséquence de l’ordre de 6 000 postes de marins, répartis de la manière suivante :

– un tiers au titre du soutien dans le cadre de la RGPP ;

– un tiers au titre du Livre blanc, ce qui se traduira par le désarmement d’unités et/ou la fermeture de bases ;

– un tiers au titre de réorganisations internes et du retour de marins servant à l’extérieur de la marine.

Pour la marine, le problème principal n’est pas celui des suppressions de postes au sens strict car, de façon globale, les départs attendus sont supérieurs, sur l’ensemble de la période 2008-2015, aux réductions d’effectifs demandées. La difficulté est surtout de parvenir à faire coïncider – dans le temps et selon les types d’emplois – les départs naturels et les besoins en réduction de postes.

D’où la nécessité d’ajuster les nouveaux recrutements aux besoins les plus urgents, de mettre en œuvre des formations adaptées aux spécialités, d’assurer un soutien spécifique aux mobilités géographiques inévitables et, bien entendu, d’accompagner les départs et les reconversions.

Il faut cependant noter que la crise traversée depuis un an a eu un effet négatif sur les départs volontaires, les offres d’emploi s’étant contractées dans le secteur privé. Ainsi, la marine devrait terminer l’année 2009 avec un léger sureffectif de 250 personnes, le nombre des départs étant inférieur aux prévisions initiales malgré les dispositifs visant à les favoriser.

2. Une politique de recrutement et de formation adaptée aux besoins

Avec 40 000 militaires et 8 000 civils, la marine française est la plus petite marine polyvalente au monde. Il s’agit d’une armée technique et compacte capable de remplir des missions très diverses (dissuasion, projection de puissance, guerre des mines, force océanique de surface, sauvegarde maritime…). Elle a donc besoin de personnels qualifiés dans de nombreux domaines à forte exigence technique. Afin de maintenir les compétences et la capacité opérationnelle, la marine doit d’une part fidéliser ses personnels et d’autre part gérer des microflux de recrutement sur certaines spécialités cruciales pour la bonne réalisation de ses missions et la disponibilité de la flotte.

— Un peu plus de 3 000 recrutements sont prévus pour 2010, sans aucune nouvelle création d’emploi. La répartition des recrutements par catégorie est détaillée dans le tableau ci-après :

répartition des recrutements par catégorie

Catégories

2007

2008

2009

2010 (1)

Officiers

299

280

256

230

Officiers mariniers

526

636

732

730

- dont externe

516

616

711

710

- dont interne

10

20

21

20

Quartiers maîtres et matelots

1 404

1 750

1 500

1 550

Volontaires

1 063

736

481

511

- dont officiers

80

85

80

80

- dont équipage

983

701

401

431

TOTAL

3 292

3 402

2 969

3 021

(1) Prévisions.

Source : ministère de la défense.

Depuis 2007, le recrutement des officiers a été réduit par cohérence avec la réduction des effectifs de la marine. Cette baisse a essentiellement concerné les métiers du soutien, les besoins en postes opérationnels étant maintenus. Elle devra néanmoins être stoppée dans les années à venir, compte tenu du nouveau format arrêté à l’horizon 2014, de la nécessité pour la marine de maintenir un flux constant de ses effectifs (pour conserver une moyenne d’âge cohérente avec les exigences du métier) et des demandes supplémentaires pour l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) en raison de la réintégration de la France dans le commandement militaire. Globalement, le recrutement des officiers ne pose pas de problème particulier pour l’ensemble des métiers et carrières proposés.

En revanche, le recrutement d’officiers mariniers rencontre des difficultés dans les spécialités opérationnelles (besoins des unités de surface et des sous-marins). Pour attirer les jeunes Français, la marine nationale a lancé une campagne de communication en mars 2009 qui a suscité une augmentation des candidatures. La promotion de février 2009 de l’école de maistrance a été honorée à 93 % et celle de septembre 2009 devrait avoisiner les 100 %, avec un volume important de candidatures de bon niveau.

Les objectifs de recrutement des quartiers-maîtres et matelots dans les spécialités techniques et opérationnelles n’ont pas été totalement atteints pour les contingents du début d’année 2009. Ici aussi, la campagne de communication a permis de mieux faire connaître les emplois de la marine et les objectifs de recrutement pour le second semestre devraient être plus facilement atteints.

Enfin, le nombre de places offertes aux volontaires « équipage » baisse depuis la mise en place du recrutement des quartiers-maîtres et matelots de la flotte, en remplacement des contrats d’engagement initial de longue et moyenne durées. Dorénavant, le volontariat est assimilable à un stage renouvelable, permettant à un jeune de concrétiser ensuite son projet par un recrutement comme quartier-maître ou comme officier marinier à l’École de maistrance. En revanche, le nombre de candidatures augmente parmi les étudiants de niveau Master pour le volontariat « officier aspirant », notamment pour exercer comme chef du quart à la passerelle d’un bâtiment. Ce stage d’une année remporte un vif succès grâce à l’expérience qu’il apporte aux futurs diplômés.

— Compte tenu d’un turn-over élevé lié à l’exigence de jeunesse des équipages, la marine doit faire un effort particulier sur la formation de son personnel. Cet effort est d’autant plus important que les compétences nécessaires ne sont généralement pas disponibles à la sortie du système éducatif. En outre, les personnels doivent en permanence s’adapter à l’évolution des équipements afin de garantir le maintien de la capacité opérationnelle.

Les coûts estimés de la formation pour l’année 2010 s’élèvent, comme en 2009, à 292 millions d’euros. Ils correspondent à 22 147 actions de formation. Ces coûts intègrent la formation de tous les marins militaires, y compris les formations mutualisées avec l’armée de terre et l’armée de l’air à l’extérieur des écoles de la marine, ainsi que la formation des pilotes de l’aéronavale.

Un sujet sensible : la succession de la Jeanne d’Arc

Admis au service actif en 1964, le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc, bâtiment emblématique du groupe école d’application des officiers de la marine depuis de très nombreuses années, sera désarmé à l’été 2010, après avoir effectué sa dernière campagne.

Pour son remplacement, la marine a écarté la possibilité de consacrer un bâtiment dédié à cette mission de formation. Cette solution s’avèrerait trop coûteuse dans le contexte actuel de réduction des dépenses et n’est pas optimale si l’on souhaite que les élèves officiers soient formés à l’utilisation des équipements et des systèmes d’armes les plus modernes, tels qu’ils les rencontreront ensuite, en opérations.

Afin de garantir à l’école d’application l’actualité de ses supports de formation, il a donc été décidé d’utiliser des bâtiments de la flotte, selon leur disponibilité. Compte tenu de leur forte polyvalence, les BPC Mistral et Tonnerre – et demain le troisième BPC, dont le plan de relance a permis d’avancer la commande – semblent particulièrement adaptés à l’accueil du groupe école, celui-ci pouvant effectuer des rotations sur les différents bâtiments. Les TCD Foudre et Sirocco peuvent également remplir cette fonction.

Afin de limiter l’impact de cette mission sur la tenue des contrats opérationnels, la formation des élèves officiers devrait être conduite pendant une mission réelle du bâtiment, comme cela a pu se faire occasionnellement avec la Jeanne d’Arc.

À plus long terme, si le rapprochement européen des formations des élèves officiers de marine devient une réalité, il pourrait être envisagé de doter l’Union européenne d’un navire école en usage partagé.

3. Une attention constante à la condition militaire

L’amélioration de la condition militaire est un élément important de la fidélisation des personnels, au moins tout autant que la gestion individualisée des carrières et le bon fonctionnement de « l’outil de travail », c’est-à-dire des bateaux.

Le budget 2010 poursuit la mise en œuvre des nouveaux statuts particuliers du personnel militaire et le reclassement indiciaire qui y est associé. Par ailleurs, il prévoit la deuxième tranche de revalorisation des grilles indiciaires dont l’achèvement est prévu en 2011. Ces mesures concernent l’ensemble des militaires et répondent aux recommandations du premier rapport du Haut comité d’évaluation de la condition des militaires.

Les autres mesures affectant la condition militaire des marins sont les suivantes :

– Les mesures indemnitaires

Le budget pour 2010 prévoit la deuxième tranche de la revalorisation de 30 % de l’indemnité spéciale des plongeurs d’armes, engagée en 2009. Celle-ci concerne une population sensible, employée dans des spécialités déficitaires (nageurs de combat et plongeurs démineurs). Le coût pour la marine s’élève à 188 000 euros.

Par ailleurs, 1,58 millions d’euros sont prévus au titre de l’indemnité de charge militaire pour les personnels liés par un pacte civil de solidarité.

Enfin, la réforme de l’indemnité d’installation dans les départements d’Outre-mer engagée en 2009 sera poursuivie (coût total pour les armées de 6,98 millions d’euros).

– Les mesures de fidélisation

La politique de fidélisation de la marine s’adresse en priorité au personnel dont le départ compromettrait la réalisation de ses missions, soit à court terme par la perte de compétences clés, soit à moyen terme par une remise en cause des flux nécessaires à la formation de personnel qualifié. Elle vise à inciter aussi bien le personnel non officier de carrière aux compétences sensibles à servir plus longtemps que les marins sous contrat à renouveler leur lien. Cette politique doit rester souple et réactive face aux évolutions des compétences et des besoins.

C’est pourquoi la prime de haute technicité et la prime réversible des spécialités critiques, peu efficaces comme outils de fidélisation, vont être remplacées par la prime réversible de compétences à fidéliser. Ce nouvel outil s’inspire de ce qui se fait dans les marines américaine et britannique où une prime importante est versée sous condition d’un engagement à rester au service pour une durée prédéterminée. Son financement se fera à bilan nul par cessation de paiement des primes précédentes. Depuis 2006, 81 primes réversibles des spécialités critiques ont été attribuées, pour un coût moyen annuel pour la marine de 700 000 euros.

– Les mesures d’accompagnement des restructurations

Afin de permettre l’adaptation du ministère de la défense aux nouvelles missions qui lui sont dévolues par le Livre blanc et la réforme globale du ministère, un dispositif d’accompagnement social a été mis en place afin de faciliter les réorganisations programmées à compter de 2009. Ce plan d’accompagnement social des restructurations (PAR) comprend des mesures d’incitation au départ et des mesures d’aide à la mobilité.

Pour les personnels militaires de la marine, les montants de ces différentes mesures, inscrites sur le titre 2 du programme 178 en 2009 comme en 2010, sont récapitulés dans le tableau ci-après.

Plan d’accompagnement des restructurations
personnels militaires de la marine

En millions d’euros

 

LFI 2009

PLF 2010

Incitations au départ

8,3

17,2

Dont

- Pécule d’incitation à une seconde carrière

8

16,9

- Indemnité de préparation à la reconversion

0,3

0,3

Surcoût chômage

0,2

0,2

Aides à la mobilité

0,6

0,5

Total

9,1

17,9

Source : ministère de la défense.

En revanche, les crédits relatifs au dispositif d’accompagnement social pour les personnels civils sont inscrits au programme 212 et ne permettent pas une individualisation par armées.

– Les mesures sociales et familiales

Les préoccupations de la marine en matière sociale ne différent pas fondamentalement de celles des autres armées et les attentes les plus fortes s’expriment notamment dans les domaines relatifs à la garde des jeunes enfants, au travail des conjoints et au logement. Cependant, la marine a des spécificités : la concentration de la majorité de son personnel dans les deux villes de moyenne importance que sont Brest et Toulon et l’absence du port base pendant plus de 100 jours par an pour près d’un tiers des ses effectifs.

En matière de garde des jeunes enfants, Brest et Toulon devraient être dotés de deux à trois crèches d’une capacité de 60 berceaux chacune. Compte tenu de l’importance des coûts d’infrastructure, supérieurs à 7 millions d’euros, l’ensemble des opérations de remise à niveau ou de transformation des installations existantes sera étalé jusqu’en 2011 et devrait permettre de bénéficier à terme de 350 berceaux.

Parallèlement, la marine s’attache à augmenter le nombre des réservations de berceaux auprès des municipalités ou des entreprises et étudie la possibilité d’achat auprès d’associations d’heures de garde à domicile en cas d’urgence sociale ou opérationnelle.

La création de réseaux d’assistantes maternelles favorisant l’emploi des conjoints du personnel est envisagée, en relation avec des associations. Dans ce domaine, compte tenu des résultats encourageants des cellules d’aide à l’emploi des conjoints (CAEC) de Brest et de Toulon, deux autres cellules ont été créées en 2009 à Lorient et à Cherbourg.

La politique de logement des familles du personnel de la défense est conduite par le secrétariat général pour l’administration (SGA) du ministère et ne relève donc pas directement de la marine. Il s’agit néanmoins d’un sujet suivi avec attention par les préfets maritimes, commandants de zone militaire, car il conditionne très largement le moral des troupes.

À Toulon, le parc utile total de la garnison compte 2 600 logements familiaux défense pour un effectif d’environ 25 000 ressortissants, civils et militaires. Ce parc permet de loger un ressortissant sur dix, ce qui est très insuffisant, la moyenne nationale du ministère étant d’environ un pour cinq. Par ailleurs, seules 59 % des demandes éligibles de logement déposées par les ressortissants auprès du Bureau interarmées du logement de la garnison (BILG) sont aujourd’hui satisfaites, dont 9 % en recourant au parc privé. Le parc de la garnison élargie Toulon/Hyères est donc insuffisant. En outre, les conditions de logement restent très onéreuses, tant pour la location que pour l’achat, même si la crise a entraîné un léger tassement des loyers, ce qui oblige les personnels de la défense à s’éloigner de plus en plus de la garnison ou à recourir au célibat géographique.

Pour atteindre le ratio de un pour cinq, il conviendrait d’augmenter le parc d’environ 2 100 logements, principalement à caractère social. Dans un premier temps, afin de satisfaire la seule demande liée aux mutations annuelles, il faudrait réceptionner un minimum de 125 nouveaux logements par an pendant plus de 5 ans. Or seuls 85 logements ont été livrés en 2008 et 65 en 2009. En outre, des besoins nouveaux apparaissent avec les restructurations.

Si le ministère est bien conscient de la priorité à donner au logement en région PACA, il n’en demeure pas moins que les opérations susceptibles d’intéresser le ministère de la défense y sont rares, les collectivités n’étant pas toujours prêtes à exploiter le foncier disponible et les promoteurs préférant privilégier les opérations d’accession à la propriété.

À Brest, le marché immobilier est moins tendu mais le parc de logements disponibles est vétuste et/ou inadapté aux besoins des locataires potentiels. Fin 2009, environ 1000 logements – sur un total de 2500 – seront rétrocédés afin de nouer de nouveaux partenariats et de conclure de nouvelles conventions pour environ 300 logements neufs. Cette réduction drastique du parc en quantité, en contrepartie d’une reconstitution partielle de qualité plus satisfaisante, devrait permettre d’offrir un cadre de vie confortable et sécurisant à une population assujettie à une fréquente mobilité.

Cette évolution est indispensable dans le contexte actuel car, compte tenu de la refonte de la carte militaire au plan national, la pointe de Bretagne ne devrait pas être jugée prioritaire en matière d’affectation de crédits dévolus au logement, dès lors que l’impact des restructurations restera relativement modéré sur la zone de Brest.

Contrairement à la politique du logement familial, la marine a une compétence exclusive en matière d’hébergement permanent du personnel militaire. La première phase du plan de réhabilitation du casernement a été lancée en 2001 avec pour objectif la modernisation de 600 lits par an et, au total, 12 842 lits en 2015. Au 31 décembre 2008, la situation fait état d’un parc de 6 655 lits aux normes (387 livrés en 2008), soit 53 % de la programmation. Compte tenu des prévisions et du rythme des livraisons, l’investissement à prévoir, au vu des besoins non réévalués, s’élève à 205 millions d’euros entre 2008 et 2015. La programmation pluriannuelle 2009-2011 fait état d’un besoin prévisionnel pour 2010 de 20 millions d’euros pour les opérations de casernement et de 3,3 millions d’euros pour celles concernant les logements pour nécessité absolue de service.

B. LE FONCTIONNEMENT COURANT ET L’ACTIVITÉ DES FORCES

1. Une stabilité bienvenue des dotations de fonctionnement

Les crédits alloués au fonctionnement courant de la marine en 2010 s’élèvent à 393 millions d’euros de CP, contre 387 millions d’euros en 2009. Pour comparer les budgets à périmètre constant, il convient néanmoins de prendre en compte les transferts de charge et de crédits qui ont eu lieu entre 2009 et 2010 pour un montant total de 10,6 millions d’euros (dont 8,1 millions d’euros pour la création du service du commissariat des armées).

Alors que la part dédiée au fonctionnement de la marine devrait décroître du fait de la réduction des effectifs et des transferts liés à la réorganisation du ministère, la dotation de fonctionnement courant de la marine est donc maintenue en 2010 au niveau de 2009 de façon à mieux couvrir des besoins qui présentent une faible élasticité.

Cette mesure, prise au regard des difficultés rencontrées en gestion 2009 pour certaines dépenses d’alimentation, de formation et de fonctionnement courant constitue a priori une bonne nouvelle pour l’ensemble des bases et des formations de la marine. Le rapporteur souhaite cependant insister sur la nécessité de définir, dès le départ, des dotations correspondant à une évaluation réaliste des besoins minimum, car les services se retrouvent bien trop souvent, dès le troisième trimestre, dans des situations de cessation de paiement particulièrement inconfortables.

Au regard de l’activité des forces programmées pour 2010 et de la consommation de carburant qu’elle devrait entraîner (soit 135 500 tonnes de combustible de navigation et 68 800 mètres cubes de carburéacteur), la dotation de carburants opérationnels s’élève à 109,56 millions d’euros, avec des hypothèses de tarif de 490 à 500 euros le mètre cube pour le carburéacteur et de 515 euros la tonne pour le combustible de navigation. Ces estimations correspondent à un cours du baril de Brent à 60 dollars, avec une parité de 1,40 dollar pour un euro.

En 2008, la marine avait pris des dispositions pour réduire les approvisionnements durant la période de forte augmentation des cours durant l’été. A ce titre, certaines missions opérationnelles ont été annulées, des déstockages importants ont été réalisés dans les ports de métropole et les réapprovisionnements auprès de marines alliées, qui offraient de bonnes conditions de prix, ont été privilégiés.

Compte tenu de l’évolution favorable des prix constatée en 2009, la marine a pu reconstituer ses stocks au premier semestre et la construction budgétaire retenue pour l’année 2010 semble raisonnable.

2. Des niveaux d’activité réalisés au plus juste

La LPM 2009-2014 rappelle que l’activité et l’entraînement des forces revêtent un caractère prioritaire et constituent des facteurs de motivation pour les hommes et de cohésion pour les unités. Les objectifs annuels d’activité qu’elle retient ont été bâtis afin de répondre aux contrats opérationnels et comprennent des normes de qualification nationales et de certification de OTAN.

Le tableau ci-dessous met en regard les objectifs fixés par les lois de programmation successives (qui sont demeurés inchangés) et les résultats obtenus depuis 2007, régulièrement inférieurs aux objectifs.

Activité des forces navales

 

Objectifs LPM
2003-2008

2006
Réalisation

2007
Réalisation

2008
Réalisation

Objectifs LPM
2009-2014

2009
Prévision actualisée

2010
Prévision

PLF

Jours de mer par bâtiment
bâtiment de haute mer

100
110

92
109

94
110

87
94

100
110

100
110

100
110

Heures de vol par pilote de chasse qualifié nuit

180
220

167
196

172
199

170
200

180
220

180
220

180
220

Heures de vol par pilote d’hélicoptère

220

217

211

193

220

220

220

Heures de vol par équipage de patrouille maritime

350

342

339

325

350

350

350

Source : Projet annuel de performance 2010 – mission défense.

En réalité, malgré l’affichage du projet de loi de finances, il est peu vraisemblable que les objectifs d’activité des bâtiments de surface soient atteints en raison des tensions persistantes sur les crédits d’entretien et, partant, sur la disponibilité des bateaux. Ainsi, pour 2009 comme pour 2010, les niveaux d’activité devraient se situer autour de 90 jours de mer (et 99 pour les bâtiments de haute mer), sous réserve d’un maintien des cours du pétrole au deuxième trimestre. Les objectifs fixés par la LPM sont néanmoins impératifs si l’on souhaite maintenir le socle organique et préserver les savoir-faire des équipages.

En ce qui concerne l’aéronautique navale, les objectifs d’activité fixés par la LPM sont maintenus mais les contraintes financières pesant sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) et les potentiels d’heures de vol qui en découlent rendent ces objectifs difficiles à atteindre, malgré le maintien d’une politique de déflation des pilotes.

3. La rationalisation des fonctions administratives et de soutien : retour d’expérience sur la base de défense expérimentale de Brest

Échelon local d’une chaîne interarmées des soutiens, la base de défense (BDD) inclut, dans un espace géographique donné, tous les organismes du ministère de la défense (armées, DGA, SGA). Les fonctions d’administration générale et de soutien commun, que chacun exerçait isolément, y sont rassemblées et assurées par un groupement de soutien. Pour chaque BDD, le chef d’état-major des armées désigne un commandant responsable du soutien de toutes les formations du ministère présentes sur la base. Celle-ci dispose d’un budget de fonctionnement servant au soutien et à l’administration générale de l’ensemble des unités qui y sont rattachées. Les formations opérationnelles conservent de leur côté la responsabilité de leur personnel et de leurs matériels spécifiques et restent subordonnées à leur chaîne de commandement propre.

La base de Brest est devenue BDD au 1er janvier 2009 et constitue un ensemble très important puisqu’elle regroupe 18 400 personnes, soit le tiers des effectifs de la marine nationale.

La composition de ses activités est très variée : formations opérationnelles, états-majors, bases de soutien opérationnelles, écoles, services et directions de soutien spécifiques et spécialisés soit, au total, plus d’une centaine d’organismes et de formations à soutenir. Elle englobe par ailleurs l’ensemble des organismes et formations du ministère implantés dans le Finistère, la plupart étant regroupés dans un rayon de 50 kilomètres autour de Brest, soit à une heure de trajet pour les unités les plus éloignées.

Cette configuration permet à la fois des mutualisations par site et une concentration des effectifs favorisant les rationalisations, en particulier dans les domaines des approvisionnements, de la restauration et du transport. Le dimensionnement du groupement de soutien de la base de défense, bâti sur le socle de la direction locale du commissariat de la marine à Brest, permet de fournir un soutien de proximité cohérent dans tous les domaines.

L’organisation expérimentale retenue, à partir d’une structure centrale et d’antennes implantées au sein des grandes formations, est satisfaisante. Elle permet à la fois la mutualisation des soutiens communs tout en conservant, par la proximité géographique des unités opérationnelles, une excellente réactivité.

Malgré le surcroît d’activité requis par la réorganisation des structures de soutien, la mise en place de la base de défense s’est faite sans difficulté notable. La qualité des prestations fournies aux formations opérationnelles n’a pas chuté et celles-ci n’ont pas été à ce jour perturbées dans leurs activités d’entraînement ou opérationnelles. Par ailleurs, les bâtiments de la flotte conservent dans leur équipage le personnel strictement nécessaire pour assurer le soutien commun. Cette disposition, qui procède du caractère indivis des équipages, permet de garantir la cohésion, la performance et les capacités de projection de la marine nationale dans la durée.

Quelques enseignements particuliers peuvent d’ores et déjà être mis en relief dans le contexte de l’expérimentation brestoise :

– le concept des « antennes » a montré sa pertinence et sa flexibilité de mise en œuvre et mérite d’être pérennisé ;

– le pourcentage de personnel civil dans le groupement de soutien (59 %) est satisfaisant ; un effort doit néanmoins être fait pour dégager plus de postes à responsabilité chez les personnels civils ;

– le périmètre de responsabilité du commandant de base de défense pour ce qui concerne l’entretien des infrastructures spécialisées et les opérations d’investissement relatives à ces mêmes infrastructures mérite d’être clarifié.

En revanche, la question de l’organisation du commandement du soutien reste posée. Est-il notamment nécessaire de prévoir un niveau intermédiaire entre le commandant de BDD et le service de commissariat des armées ? La réponse dépendra nécessairement du schéma définitif qui sera arrêté pour l’implantation des bases de défense sur le territoire.

Pour ce qui concerne les bases navales, la prochaine étape consiste en la création d’une BDD pilote à Cherbourg au 1er janvier 2010. En fonction des choix de l’état major des armées, les implantations de la marine dans la région de Lorient pourraient à leur tour être intégrées dans une BDD, éventuellement celle de Brest si le rayon de responsabilité des BDD venait à être augmenté.

Quant aux bases de l’aéronautique navale, les unités de la base de Nîmes-Garons seront progressivement transférées à la base de Lann Bihoué en 2010 et 2011 et les bases de Lann Bihoué et de Hyères seront rattachés en 2011 à une base de défense. De leur côté, les implantations de Toussus le Noble et de Dugny, en région parisienne, seront fermées dans la perspective des regroupements des organismes de défense prévus en Île de France, notamment dans le nouveau périmètre de Balard.

L’activité aéronautique opérationnelle et d’entraînement devant néanmoins se poursuivre en Méditerranée, des études sont en cours pour déterminer la possibilité de conserver des détachements à Hyères et à Istres. La poursuite de l’activité aérienne de surveillance et de patrouille maritime sur la plate-forme de Nîmes-Garons, sous la direction d’un autre affectataire que le ministère de la défense, est également étudiée. Les besoins de la marine pour le soutien de ses activités en Méditerranée devraient en revanche pouvoir être satisfaits à partir des autres bases du Sud-est ; des études sont en cours avec l’armée de l’air pour répondre aux différents besoins.

C. L’ENTRETIEN DES ÉQUIPEMENTS

La LPM insiste sur la nécessité de rationaliser l’organisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) et de mettre en œuvre des maîtrises d’ouvrage déléguées sur le modèle de ce qui a été fait par le Service de soutien de la flotte (SSF) et la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle du matériel aéronautique (SIMMAD). Elle indique également que « la maîtrise des coûts devra faire l’objet d’une approche partenariale avec l’industrie » et que « les contrats devront prévoir des indices de performance et faciliter l’analyse des coûts complets des équipements » (3).

1. Les bonnes pratiques du SSF

Placé sous l’autorité du chef d’état-major de la marine, le service du soutien de la flotte (SSF) a été créé en juin 2000 pour assurer, dans une structure unique, la maîtrise d’ouvrage du MCO des bâtiments de surface et des sous-marins. Son rôle s’est élargi lors du changement de statut de DCN en 2003, puisqu’il assure désormais la gestion des rechanges, le stockage et la maintenance des munitions dans les pyrotechnies maritimes ainsi que la responsabilité de mise en œuvre des infrastructures nucléaires liées au MCO naval.

Outre la maîtrise d’ouvrage de l’entretien et des arrêts techniques des bâtiments, les efforts du service ont porté sur le renouvellement des marchés d’entretien, en respectant une ouverture à la concurrence.

Pour remplacer les 220 contrats internes apportés à DCN à sa création en 2003, le SSF a passé en 2005 des marchés publics selon une stratégie d’acquisition innovante, appelée CAP 2005, dans le but de rétablir la disponibilité des navires en maîtrisant les coûts. Plusieurs principes ont présidé à cette opération :

– réduire le nombre de contrats en regroupant dans un même marché l’entretien de plusieurs bâtiments durant plusieurs années (de 3 à 5 ans) ;

– baser les contrats sur des objectifs de résultats et non plus de moyens (pour certains marchés ce résultat consiste en une disponibilité à atteindre pour les navires) ; de telles dispositions offrent beaucoup de liberté à l’industriel pour organiser son activité ;

– ouvrir les marchés à la concurrence chaque fois que cela est possible.

Cette stratégie d’acquisition a permis de porter la disponibilité globale des bâtiments de 58 % en 2003 à plus de 70 % depuis 2005, grâce à une réduction significative de la durée des arrêts pour maintenance systématique et à une fiabilisation des travaux, entraînant moins d’aléas. Les coûts ont également été réduits d’environ 20 % par rapport au contrats internes précédents, soit une économie globale de l’ordre de 100 millions d’euros par an. Ceci a ramené les besoins financiers du SSF à un niveau très proche de l’objectif très ambitieux fixé par la LPM 2003-2008. Enfin, ces nouvelles pratiques ont permis l’arrivée de nouveaux industriels dans le MCO militaire.

Les contrats CAP 2008, qui s’appuient sur les principes de CAP 2005, ont été améliorés afin d’inciter les industriels à proposer une optimisation des politiques de maintenance. Les contrats sont regroupés par flotte et non plus seulement par port et leur durée a été étendue de 5 à 7 ans de façon à rentabiliser les investissements de productivité, tout en prévoyant un allotissement favorisant la mise en compétition et l’accès à la commande publique.

Les démarches contractuelles ont été lancées en 2007 et un certain nombre de marchés (comme ceux des frégates de surveillance, des bâtiments hydrographiques, des bâtiments écoles, des navires de moyen tonnage de Toulon, des remorqueurs de port à Brest, des pétroliers ravitailleurs, des voiliers) ont d’ores et déjà été confiés à des opérateurs privés. La compétition a incontestablement été un facteur très positif de maîtrise des coûts. L’exécution des premiers contrats notifiés fin 2008 donne entière satisfaction à ce jour.

Au total, la moitié des marchés de CAP 2005 ont été remportés par de nouveaux maîtres d’œuvre industriels et la même conclusion se profile pour les marchés en cours de contractualisation, avec peut-être davantage de contrats gagnés par des concurrents de DCNS. Les marchés remportés par ces nouveaux maîtres d’œuvre sont néanmoins à la mesure de leur taille : le SSF veille à ne pas mettre en péril une entreprise dont le chiffre d’affaires et l’expertise technique ne seraient pas en rapport raisonnable avec le marché auquel elle prétend.

Ainsi, les contrats accessibles à ces entreprises restent attractifs bien que représentant une faible part par rapport au montant des contrats confiés à DCNS (principalement le MCO des bâtiments à propulsion nucléaire – porte-avions Charles de Gaulle et sous-marins – , des frégates fortement armées et des torpilles). En réalité, près de 75 % de l’activité du SSF (en terme de chiffre d’affaires) continuent d’être confiés à DCNS de gré à gré et, dans le dernier quart ouvert à la concurrence, DNCS demeure titulaire d’environ un tiers des marchés.

2. Une meilleure programmation des crédits

Les crédits d’entretien programmé des matériels (EPM) s’élèveront en 2010 à 1,632 milliard d’euros d’AE (+ 25 % par rapport à 2009) et 1,04 milliards de CP (– 13,7  % par rapport à 2009).

Évolution et répartition des crédits epm de la marine

(en millions d’euros)

Programme 178

LFI 2009

PLF 2010

2010/2009 en %

Action 3 « Préparation des forces navales »

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Sous-action 48 – Soutien de la force d’action navale

378,07

413,49

499,69

535,57

32,17 %

29,52 %

Sous-action 49 – Soutien de la force sous-marine

433,24

353,08

642,82

307,23

48,38 %

-12,99 %

Sous-action 50 – Soutien de l’aviation navale

385,37

340,58

376,03

300,14

-2,42 %

-11,87 %

Sous-action 54 – Soutiens transverses des forces navales

104,77

98,77

113,48

79,05

8,31 %

-19,97 %

TOTAL

1 301,45

1 205,93

1 632,04

1 040,01

25,40 %

-13,76 %

Source : ministère de la défense.

Cette baisse apparente des CP correspond en réalité à une stabilité des crédits en volume compte tenu du remboursement des dotations obtenues en 2009 au titre du plan de relance et de la majoration de l’avance forfaitaire (soit, au total, 93,5 millions d’euros), ainsi que d’une marge de manœuvre complémentaire dégagée par l’évolution favorable de l’inflation constatée en 2009 et prévue en 2010.

En revanche, l’augmentation sensible des AE permettra de soutenir l’effort effectué par le SSF pour passer des contrats de maintenance pluriannuels. Ainsi, la marine disposera en 2010 de 400 millions d’euros d’AE pluriannuelles, contre 157 millions d’euros en 2009.

En outre, des mesures de réorganisation prises en construction budgétaire ont entraîné des transferts de crédits. Ainsi, la maintenance des systèmes de transmissions de la force océanique stratégique (FOST) a été transférée du programme 178 vers le programme 146 « Équipement des forces » à hauteur de 23,6 millions d’euros en AE et en CP. L’entretien du système d’information logistique propre au milieu naval est transféré du programme 178 vers le programme 212 pour 5,1 millions d’euros en AE et 5,4 millions d’euros en CP.

— L’augmentation des dotations pour la maintenance des bâtiments de surface permettra de prendre en charge un grand nombre d’arrêts techniques majeurs (ATM), rendus urgents par l’ancienneté des bâtiments concernés (Frégates Montcalm, Jean de Vienne, Aconit, Germinal, Georges Leygues, Floréal, Vendémiaire, BCR Var et Marne notamment). Les besoins sont également importants dans le domaine de l’entretien des armes-équipements, et notamment des moyens d’autodéfense des bâtiments qui constituent toujours une préoccupation majeure en raison de leurs nombreuses obsolescences.

De façon plus générale, le vieillissement de la flotte, dont la moyenne d’âge est supérieure à 21 ans, demeure une difficulté centrale pour le MCO. Les bâtiments récents souffrent quant à eux d’une absence de logistique initiale (rechanges majeurs) et de contrat d’entretien.

— En ce qui concerne la flotte sous-marine, la contraction des CP inscrits pour 2010 s’explique notamment par le fait qu’aucun arrêt technique majeur n’est programmé pour les SNLE avant fin 2010, date d’admission au service actif du Terrible. Le Vigilant entrera alors en IPER pour adaptation de son système d’arme de dissuasion au missile M51. Le plan d’entretien des SNA pour les années 2010 à 2014 est en phase finale d’approbation. Financièrement contraint, il imposera un allongement des durées d’indisponibilité pour entretien des sous-marins nucléaires d’attaque. La Perle est actuellement en IPER pour de nombreuses modifications techniques et le changement de son cœur nucléaire. Ce sera ensuite au tour du Saphir en 2010 puis du Casabianca en 2010-2011.

À titre indicatif, l’entretien de la flotte à propulsion nucléaire mobilisera 39 % des crédits d’EPM de la marine en 2010 et 55 % des crédits consacrés à l’EPM des navires.

— Le MCO des appareils de l’aéronavale a connu des progrès significatifs depuis la création de la SIMMAD, tant dans les résultats globaux que dans l’organisation et le pilotage de l’entretien. Les résultats se sont néanmoins infléchis en 2008 en raison des contraintes budgétaires toujours plus fortes (ralentissement de la régénération des stocks notamment) et de difficultés de recrutement de personnels techniques adaptés. La composante hélicoptère a tout particulièrement besoin d’un financement suffisant du MCO afin de permettre tout à la fois la tenue des contrats capacitaires (embarquements, missions de service public) et l’entraînement des équipages.

Compte tenu de la contraction des crédits inscrits en 2010 (–12 % par rapport à 2009), un nouvel effort devra être fait sur les dépenses de MCO aéronautique, ce qui appellera nécessairement des mesures physiques d’économie ou une réduction des heures de vol allouées.

–– Enfin, 10,23 millions d’euros sont consacrés au démantèlement des navires et des aéronefs. L’essentiel des ressources prévues pour 2010 couvre l’engagement d’un nouveau marché en vue du traitement des coques prioritaires pour un volume estimé à 31 000 tonnes.

La marine est actuellement dans une période de transition pour le renouvellement de ses moyens. Pour la composante aéronautique, l’année 2010 verra la poursuite de la montée en puissance du Rafale et l’arrivée du premier hélicoptère NH90. La composante navale verra la livraison de la deuxième frégate Horizon. De façon générale, le renouvellement des équipements se traduit par un nombre plus restreint de moyens, dotés de capacités supérieures mais entraînant des coûts de maintenance également supérieurs.

Il serait donc particulièrement dommageable que les crédits de MCO soient une nouvelle fois considérés comme une variable d’ajustement pour temps de crise. Comme le rapporteur l’a déjà souligné les années précédentes, sacrifier l’entretien des équipements revient à mettre en péril la disponibilité et l’entraînement des équipages, ce qui n’est pas sans conséquences sur la capacité opérationnelle des unités et des bâtiments.

3. Une disponibilité variable

— L’objectif de l’état major de la marine est de maintenir le taux moyen de disponibilité technique des bâtiments (4) au dessus de 70 %, en restant dans le cadre fixé par le rythme d’entretien des bâtiments et en recherchant un optimum économique ainsi qu’une amélioration de la disponibilité opérationnelle pour les navires en opération. Le taux moyen s’est élevé à 73 % en 2007, a légèrement fléchi en 2008 pour atteindre 70,5 %, et devrait s’établir en 2009 autour de 71 %.

On peut donc conclure à une réelle stabilisation de la disponibilité de la flotte, les résultats 2007 et 2008 ayant été principalement impactés par les mauvaises performances des SNA.

évolution du taux de disponibilité technique réalisé
des principaux bâtiments de la marine

 

2006

2007

2008

2009(1)

Porte-avions Charles de Gaulle (2)

78,9 %

-

-

40 %

Projection de forces (TCD/BPC)

91,2 %

76,6 %

76 %

88,5 %

Lutte antiaérienne

81,7 %

59,6 %

77,3 %

69,9 %

Lutte anti-sous-marine

73,2 %

74,9 %

72,6 %

75,2 %

SNA

55,5 %

47,9 %

40,3 %

51,8 %

Guerre des mines

80,3 %

82,6 %

79,3 %

83,9 %

Frégates La Fayette

74,9 %

85,0 %

74,0 %

67,7 %

Avisos

75,9 %

76,5 %

76,7 %

80,3 %

Ravitaillement

82,1 %

70,0 %

67 %

65,4 %

Frégates de surveillance

77,3 %

81,4 %

82,1 %

78,5 %

P 400

71,7 %

81,8 %

73,6 %

73,5 %

BATRAL

76,0 %

80,4 %

79 %

88,7 %

(1) bilan au 30 août 2009.

(2) Porte-avions Charles de Gaulle : à 100 % du 1er janvier au 1er septembre 2007, date d’entrée en IPER ; IPER jusqu’à fin 2008 ; en indisponibilité pour avarie matérielle du 13 mars au 11 mai 2009 puis en indisponibilité pour entretien jusqu’au 25 août 2009.

Source : Service de soutien de la flotte.

En ce qui concerne les forces sous-marines, le niveau de disponibilité des SNLE respecte le contrat opérationnel de la posture de dissuasion.

La disponibilité des SNA s’est sensiblement améliorée entre la fin des années 90 et la période 2003-2005 mais en 2007, cette tendance s’est inversée en raison de retards enregistrés en sortie d’IPER, d’indisponibilités dues à des avaries répétées de certaines installations et de l’accident du Rubis en mars 2007. La période difficile est désormais dépassée, le Saphir et le Rubis ayant recommencé à naviguer. La disponibilité s’est nettement redressée à la mi-2009 et devrait atteindre un résultat supérieur à 50 % sur l’ensemble de l’année.

Pour les bâtiments de surface, la réalisation de l’objectif global varie selon le type de bâtiment considéré, tout en se situant, dans la grande majorité des cas, au-dessus de l’objectif moyen annuel fixé (supérieur à 70 % pour 2009). La disponibilité est globalement stable ou en augmentation par rapport à 2008, avec une disponibilité moyenne de 71 % au 30 août 2009.

Si le taux de disponibilité technique s’avère satisfaisant et permet de mettre les bateaux à la mer, l’indisponibilité des armes et équipements impacte encore trop souvent l’aptitude des bâtiments à remplir totalement la mission pour laquelle ils ont été conçus (c’est-à-dire leur disponibilité opérationnelle). Ces armes et équipements, principalement composés de systèmes électroniques fabriqués en petite série, sont en effet régulièrement frappés d’obsolescence, ce qui rend leur entretien difficile et onéreux.

— En ce qui concerne l’aéronavale, le taux moyen de disponibilité technique a atteint 55,2 % au premier semestre 2009, contre 51,6 % en 2008. Ce taux exprime le rapport entre le nombre d’aéronefs disponibles dans les unités ou pouvant être rendus disponibles dans un délai de 6 heures et le nombre d’appareils en service (5) dans les forces.

évolution de la disponibilité des aéronefs de la marine

Type d’aéronef

Aéronefs

Taux de disponibilité

2007

2008

1er sem. 2009

Aviation embarquée

E2-C HAWKEYE

65 %

59 %

61 %

SUPER ÉTENDARD MODERNISE

45 %

41 %

42 %

RAFALE F1

58 %

17 %*

-

RAFALE F2/F3

68 %

59 %

53 %

Aviation de patrouille et surveillance maritime

ATL2

54 %

51 %

56 %

FALCON 50 SURMAR

87 %

79 %

79 %

GARDIAN

58 %

65 %

 

Aviation de soutien

FALCON 10

78 %

75 %

74 %

XINGU

66 %

67 %

64 %

CAP 10

68 %

53 %

43 %

RALLYE

67 %

64 %

69 %

Hélicoptères

SUPER FRELON

51 %

32 %

44 %

LYNX

40 %

41 %

52 %

DAUPHIN SP

95 %

95 %

95 %

DAUPHIN Pedro

51 %

66 %

66 %

PANTHER

46 %

60 %

69 %

ALOUETTE III

56 %

49 %

51 %

TAUX GLOBAL AÉRONAVALE

54,50 %

51,6 %

55,2 %

* Plus de Rafale F1 en flottille depuis le 29/04/08.

Source : ministère de la défense.

Au sein du groupe aérien embarqué, la disponibilité du Rafale atteint un niveau maximum durant les embarquements et détachements. En revanche, la remise en condition des aéronefs et l’application de directives techniques contribuent à une dégradation de la disponibilité. De plus, les Rafale F1 sont arrêtés depuis mai 2008 et font l’objet d’un chantier de modifications avant d’être stockés dans l’attente de leur « rétrofit » au standard F3.

La disponibilité du Super Étendard Modernisé connaît quant à elle un ralentissement depuis 2006. La concentration de l’activité aérienne sur un nombre limité d’avions en raison du « rétrofit » au standard 5 et de la priorité accordée à la mission en Afghanistan a conduit à modifier les besoins de maintenance programmée, de nombreux aéronefs atteignant plus rapidement que prévu leur limite de potentiel.

Enfin, le parc des 3 Hawkeye est structurellement déficitaire au regard du contrat opérationnel puisque le plan d’entretien entraîne la présence quasi permanente d’un appareil chez l’industriel.

En matière de patrouille et surveillance maritime, la disponibilité est constante sur les Atlantique 2 mais le chantier de mise à niveau OACI (6)et le traitement des obsolescences de l’avion vont altérer davantage sa disponibilité dans les cinq prochaines années alors même qu’il est fortement sollicité.

La situation des hélicoptères continue par ailleurs à être préoccupante, l’âge moyen du parc étant particulièrement élevé. La décision de retirer les Super Frelon du service actif fin 2009 début 2010 a permis de prendre des mesures dont les effets sur la disponibilité ont été immédiats, les appareils sans potentiels étant utilisés comme « magasin ». Mais le répit ne sera que de courte durée.

L’amélioration de la disponibilité des Lynx est également liée à la baisse du nombre d’aéronefs en service dans les forces (le nombre d’appareils en flottille étant resté relativement stable) mais la situation logistique demeure critique.

Enfin, la disponibilité du parc de Dauphin SP est optimale par rapport au nombre d’appareils en ligne mais médiocre par rapport à l’objectif fixé en raison du nombre d’appareils immobilisés en visite chez l’industriel.

II. —  LES GRANDS ÉQUIPEMENTS DE LA MARINE : LES PERSPECTIVES TRACÉES PAR LA NOUVELLE LOI DE PROGRAMMATION

La loi de programmation militaire 2009-2014 a globalement confirmé les orientations capacitaires retenues par le Livre blanc. Le format retenu pour la marine privilégie la capacité hauturière en prévoyant la mise en œuvre de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), un porte-avions et son groupe aérien, 18 frégates de premier rang et quatre bâtiments de projection et de commandement (BPC). Les appareils de l’aéronavale sont inclus dans une composante aérienne unique de 300 avions de combat modernes, Rafale et Mirage 2000 polyvalents.

De façon moins précise, la LPM prévoit également que la marine doit disposer des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions de sauvegarde maritime (bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers, patrouilleurs maritimes et avions de surveillance et d’intervention maritime).

Cependant, à l’exception de la capacité de dissuasion sous-marine, l’essentiel de la modernisation des équipements de la marine est plutôt prévu sur la seconde phase de la programmation (2015-2020), qu’il s’agisse des premières livraisons d’équipements dont les programmes sont déjà engagés (comme les FREMM, les SNA Barracuda ou les missiles de croisière naval) ou du lancement de programme importants et attendus comme les bâtiments de surveillance et d’intervention maritime (BATISMAR), les avions de surveillance et d’intervention maritime (AVISMAR), les pétroliers ravitailleurs de nouvelle génération, les bâtiments d’intervention et de souveraineté pour le transport outre mer (en remplacement des BATRAL) ou encore la composante guerre des mines (système de lutte anti-mines futur – SLAMF).

Si tous ces programmes semblent répondre en qualité aux besoins de la marine, cet étalement du renouvellement des équipements risque de générer des ruptures capacitaires temporaires et des réductions de format qui pourraient s’avérer préjudiciables à la bonne exécution des missions de la marine. Une vigilance toute particulière sur la tenue des calendriers et le respect de financements programmés sera donc nécessaire.

A. LA DISSUASION

La LPM prévoit que « La permanence de la composante océanique sera assurée par quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) […] progressivement armés, à partir de 2010, de missiles intercontinentaux M51 équipés de têtes nucléaires TN75. Ces têtes seront remplacées à partir de 2015 par les têtes nucléaires océaniques (TNO) adaptées à de plus longues portées. Le renouvellement de la flotte des sous-marins de la composante océanique s’achèvera en 2010 avec la livraison du quatrième SNLE NG, « Le Terrible », en version M51. À partir de 2010, les trois premiers SNLE NG seront à leur tour adaptés au M51. »(7).

Les crédits prévus au budget 2010 s’inscrivent dans cette orientation.

La sous-action 13 de l’action 6 (dissuasion) du programme 146 prévoit 32,3 millions d’euros d’AE et 117,22 millions d’euros de CP pour l’achèvement du chantier du Terrible, quatrième et dernier SNLE-NG. L’année 2010 devrait voir l’admission au service actif du bâtiment, équipé du missile M51.

Les sous-actions 14 et 15 correspondent au missile nucléaire mer-sol M51 destiné à équiper les nouveaux SNLE de type Le Triomphant. La première capacité opérationnelle est prévue pour 2010 sur le SNLE Le Terrible. 409,31 millions d’euros d’AE et 685,76 millions d’euros de CP figurent à la sous-action 14 pour financer la poursuite du programme et la sous-action 15 comprend 231 ,51 millions d’euros d’AE et 164,11 millions d’euros de CP destinés à financer l’adaptation des trois premiers SNLE-NG et du centre d’entraînement des forces sous-marines au missile M51.

La crédibilité de la dissuasion océanique passe également par la capacité de mettre en œuvre des forces capables de soutenir les SNLE et d’intervenir en haute mer à leur profit, sans être pour cela exclusivement dédiées à cette mission. Le renouvellement de la composante frégate (avec les FREMM) et des sous-marins nucléaires d’attaque (avec les Barracuda) s’inscrit dans cette exigence.

B. LA CAPACITÉ DE PROJECTION ET D’ENGAGEMENT

Le contrat opérationnel de la marine fixé par la LPM maintient les missions actuellement exercées tout en concentrant le parc d’équipements sur des moyens hauturiers, modernisés et polyvalents.

Il prévoit, tout d’abord, le déploiement d’une « force navale ou aéronavale de combat de 2 à 3 groupes d’intervention » (8) sur un théâtre distant de 7 000 à 8 000 kilomètres. La marine doit également, comme les autres armées, tenir prête, en permanence et sous bref préavis, une capacité de réaction pouvant être engagée dans un cadre national ou international. Enfin, comme le précisait le Livre blanc, elle doit disposer des moyens lui permettant de remplir des missions de renseignement, d’assumer le commandement de la composante maritime d’une force interarmée, de projeter une capacité de guerre des mines et de disposer d’une flotte de soutien adaptée aux missions.

Le projet de budget pour 2010 poursuit l’effort engagé par le budget 2009 et le plan de relance pour la modernisation des moyens de l’aéronavale ainsi que des flottes de SNA et de frégates.

1. Le groupe aéronaval

La LPM a confirmé les grandes orientations du Livre blanc, c’est-à-dire le report à 2011/2012 de la décision concernant la construction d’un second porte-avions et la constitution d’un parc unique de 300 avions de combat modernes et polyvalents autour des Rafale et des Mirage 2000.

— Le report de la commande d’un second porte-avions est logique dans le contexte budgétaire actuel et répond à l’obligation de faire des choix parmi les équipements prioritaires. La nécessité de doter la France d’un second porte-avions demeure néanmoins car elle conditionne la permanence à la mer du groupe aéronaval, gage de sa crédibilité. Le porte-avions Charles de Gaulle n’est en effet disponible que 65 % du temps et sa prochaine IPER, d’une durée de 15 mois, est programmée pour 2016-2017. En outre, il n’est pas à l’abri des avaries, comme l’a montré la récente indisponibilité, de mars à août 2009, à la suite de problèmes sur les lignes propulsives.

L’année 2010 doit donc être mise à profit pour conduire à son terme la réflexion sur le second porte-avions, tout particulièrement en matière de propulsion, afin d’être en mesure de proposer rapidement au Président de la République les meilleures solutions technique, économique et industrielle.

–– Les appareils de l’aéronavale

La dotation actuelle théorique en flottille est de 19 Rafale F2/F3 et de 25 Super-Etendard modernisés (SEM). En réalité, le nombre d’aéronefs affectés est inférieur en raison de la difficulté de régénérer le potentiel du parc de SEM et de la réalisation de chantiers de modification et de modernisation sur les appareils (passage au standard F3 pour les Rafale et au standard 5 pour les SEM).

Pour répondre à l’orientation de la LPM relative à la constitution d’un parc unique d’avion de combat, la marine et l’armée de l’air ont créé en juin 2009 un comité d’orientation de l’aviation de chasse. Son objectif est de piloter la gestion commune de la flotte Rafale et Mirage 2000 dans tous les domaines qui intéressent la préparation opérationnelle. Outil de réflexion et de pilotage, le comité est coprésidé par les majors généraux de l’armée de l’air et de la marine nationale et se réunit tous les six mois.

Son mandat porte sur l’entraînement et la préparation des forces, la recherche d’une meilleure coordination des activités opérationnelles, la formation du personnel navigant et technicien, le soutien logistique et technique, la réflexion capacitaire et le partage du retour d’expérience.

Quatre sujets seront étudiés en priorité :

– la montée en puissance de l’escadron de transformation Rafale à Saint-Dizier, à laquelle la marine va s’associer dès l’été 2010 ;

– la coordination de l’entraînement et de l’activité sur la période 2010-2011 ;

– l’emploi croisé des moyens de simulation Rafale de Saint-Dizier et de Landivisiau ;

– la convergence des politiques de soutien technico-logistique.

Dans le cadre de la fermeture de la base de Nîmes-Garons, un point de situation sera également fait avant la fin de l’année 2009 sur la capacité d’accueil sur la base d’Istres des déploiements du groupe aéronaval et des séances d’appontage simulés sur piste.

Le Rafale est un avion de combat polyvalent qui a vocation à remplacer, à terme, les SEM. Le programme Rafale actuel comprend la fourniture de 58 avions à la marine (et 228 à l’armée de l’air).

Pour 2010, 1,69 milliard d’euros d’AE et 1,11 milliard d’euros de CP sont inscrits sur la sous-action 59 de l’action 9 (engagement et combat) afin de financer la poursuite du programme et la livraison de 11 unités, dont, théoriquement, 3 pour la marine.

Dans la perspective du retrait de service du Super Étendard, l’aéronautique navale a cependant besoin de disposer de 40 à 45 Rafale F3 en ligne en 2015. Or la LPM a retenu un étalement de la cadence de livraison des Rafale et un report du rétrofit des appareils F1 au standard F3 au-delà de 2017. Cette orientation met en cause le format capacitaire du groupe aéronaval et sa capacité à se régénérer, le format risquant de passer sous la taille critique de 40 appareils en 2015. Ce format de 40 appareils est un minimum pour maintenir la composante aérienne de la dissuasion et la projection sur le porte-avions Charles-de-Gaulle d’un groupe aérien de 30 appareils, tout en poursuivant en métropole l’indispensable formation en vol. En deçà, c’est bien la pérennité du groupe aérien embarqué qui est menacée.

C’est pourquoi il convient de se féliciter que le plan de relance ait permis de ne pas procéder à l’étalement des livraisons initialement prévu pour 2009 et 2010 et que 285 millions d’euros d’AE soient, en 2010, destinés au rétrofit au standard F3, opération indispensable pour que la marine puisse à nouveau utiliser les 10 appareils actuellement placés « sous cocon ».

L’autre grand programme de l’aéronavale est celui de l’hélicoptère NH90, qui a vocation, dans sa version marine (NFH), à remplacer les hélicoptères Lynx et Super Frelon. Ses principales missions seront d’assurer la sûreté des forces navales, dont les luttes anti-sous-marine et anti-navire à partir de frégates, le transport à partir de la terre ou de bâtiments ainsi que des missions de service public, de sauvegarde et de sauvetage.

27 NH90 en version marine ont été commandés mais, en raison de retards successifs sur le programme (tant au stade du développement, lancé en 1992, que de la production, en cours depuis 2000), la première livraison n’est toujours pas intervenue et est désormais attendue pour mai 2010, dans une version intermédiaire (appelée STEP A) qui devra ensuite être rétrofitée pour atteindre le standard définitif. Au mieux, il faudra attendre 2021 pour que la totalité des 27 appareils soit livrée.

136,86 millions d’euros d’AE et 295,43 millions d’euros de CP sont inscrits en 2010 sous la sous-action 47 de l’action 8 pour la poursuite du programme.

2. Les BPC

La LPM a repris les conclusions du Livre blanc (qui soulignait l’importance de la capacité de projection stratégique par voie maritime) en confirmant une cible de quatre bâtiments de projection et de commandement (BPC). La marine dispose actuellement de quatre unités : deux BPC (le Mistral et le Tonnerre, qui ont d’ores et déjà fait la preuve de leur efficacité et de leur polyvalence) et deux bâtiments de transport de chalands de débarquement (TCD) Foudre et Sirocco, dont les capacités d’accueil en personnel et les moyens de communication sont inférieurs à ceux des BPC.

Le TCD Foudre sera remplacé en 2012 par un troisième BPC commandé au titre du plan de relance de l’économie. L’acquisition d’une quatrième unité en remplacement du TCD Sirocco, éventuellement d’un nouveau type, est prévue à l’horizon 2020.

Le programme du troisième BPC étant financé à partir des crédits du plan de relance de l’économie, les dotations n’apparaissent pas directement dans le programme 146 : 438,8 millions d’euros d’AE ont été ouverts en 2009, pour des CP associés de 187 millions d’euros en 2009 et 128,47 millions d’euros en 2010.

3. Les SNA Barracuda

La LPM 2009-2014 confirme le rôle clé conféré aux sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), qui « apportent une contribution essentielle à la sûreté de la force océanique stratégique (FOST) et à la protection du groupe aéronaval. Ils participent également aux opérations spéciales, aux frappes dans la profondeur et à la maîtrise de l’espace aéro-maritime » (9).

C’est pourquoi le programme des 6 SNA Barracuda fait l’objet d’une priorité dans la première période de programmation, pour une première livraison en 2017. Ce programme permettra le remplacement des Rubis. La LPM précise que « les Barracuda mettront en oeuvre la torpille lourde, le missile de croisière naval et un moyen de mise en oeuvre de nageurs de combat. » (10).

Le marché est constitué sous forme de tranches ; la commande de chaque sous-marin est affermie par une tranche conditionnelle. Le second sous-marin a été commandé en juin 2009. Les suivants le seront à raison d’un tous les deux ans. En raison d’un décalage de six mois des dates de livraison destiné à étaler les paiements, la livraison du premier bâtiment est prévue pour décembre 2017. Le rythme de livraison sera ensuite d’un bâtiment tous les deux ans.

Il est absolument nécessaire que le programme se déroule sans encombre afin de préserver la capacité opérationnelle de la flotte de SNA.

Le PLF 2010 s’inscrit dans ce calendrier en dégageant les crédits nécessaires à la poursuite du programme : 95,68 millions d’euros d’AE et 463,82 millions d’euros de CP sont prévus sur la sous-action 74 de l’action 9.

4. Les frégates

La LPM a confirmé le format retenu par le Livre blanc pour la marine à horizon 2023, soit 18 frégates de premier rang (2 Horizon, 11 FREMM, 5 La Fayette). Les frégates La Fayette sont d’ores et déjà en service, le programme Horizon touche à son terme et la première FREMM – frégate européenne multimissions – devrait être livrée en 2012.

Compte tenu de l’étalement dans le temps du programme FREMM, il est vraisemblable que, d’ici son achèvement, le nombre moyen de frégates disponibles soit plutôt de 16 que de 18 en raison du désarmement des bateaux les plus anciens. La sûreté de la FOST restant prioritaire, c’est la capacité de la marine à répondre aux sollicitations en matière d’escorte, de renseignement et de prévention des crises ou de traitement des différentes menaces à la mer qui pourra être affectée.

–– Les frégates Horizon

Les frégates Horizon sont des bâtiments de défense aérienne capables d’assurer la direction de la lutte antiaérienne et le commandement des opérations aériennes en mer et depuis la mer. Elles peuvent assurer la protection d’une force aéronavale ou d’un groupe de bâtiments faiblement armés, comme une force amphibie, contre les attaques massives d’avions et de missiles. Elles mettent en œuvre le système PAAMS, à base de missiles Aster 30 et 15 ainsi que des capacités anti-navires et des moyens d’autodéfense contre les sous-marins.

La cible initiale du programme avait été fixée à quatre bateaux ; seuls deux ont finalement été construits en raison de la décision de transformer deux bâtiments du programme FREMM en frégates de défense aérienne (FREDA).

La réception de la première frégate Horizon, le Forbin, a eu lieu en décembre 2008. Celle-ci a depuis effectué une traversée de longue durée de l’océan Atlantique jusqu’en océan Indien. Cette mission, au résultat très positif, a permis d’éprouver le bâtiment dans la durée et de vérifier ses capacités militaires au cours de manœuvres avec les marines rencontrées, en particulier avec le groupe du porte-avions américain USS Eisenhower en mer d’Arabie. L’admission au service actif du Forbin devrait intervenir à l’automne 2009.

Le Chevalier Paul a rallié Toulon en octobre 2008 et termine actuellement sa dernière période de travaux avant les essais d’acceptation du logiciel du système de combat dont la qualification, point critique du programme, vient de se terminer. Le Chevalier Paul devrait entamer une traversée de longue durée à partir de février 2010, à l’issue du premier tir du missile MM 40 block 3 d’une plate-forme navale. Son admission au service actif est prévue mi-2010.

11,7 millions d’euros d’AE et 128,2 millions d’euros de CP sont inscrits sur la sous-action 84 de l’action 10 (protection et sauvegarde) dans le PLF 2010 pour l’achèvement du programme.

–– Le programme FREMM

Les frégates multimissions (FREMM) constitueront la base de la force navale dans les différents domaines de lutte à la mer (lutte anti-aérienne, anti-navire, anti-sous-marine). Le programme a pour objet de remplacer la plupart des frégates de la marine) au fur et à mesure de leur arrivée en fin de vie. Les deux frégates antiaériennes de type Cassard seront remplacées vers 2020 par deux des onze FREMM dont le système d’armes sera adapté à la mission de défense aérienne et antimissiles de zone au profit d’un groupe naval.

Les conséquences du Livre blanc et des travaux de programmation conduits en 2008 ont conduit à revoir en profondeur la cible et le périmètre du programme, le calendrier de livraison et les besoins annuels de financement en fonction des ressources disponibles et en tirant parti des perspectives d’exportation. Le périmètre a ainsi été revu pour réduire la cible du programme de 17 à 11 frégates, dont neuf en version anti-sous-marine (ASM) et deux en version de défense aérienne (FREDA).

La commande des huit premières frégates, inscrite dans la loi de programmation 2003 – 2008, a été notifiée en novembre 2005. La commande des trois dernières frégates est prévue en 2009. Le nouveau calendrier de livraison (en moyenne une frégate par an entre 2012 et 2022) est cohérent avec l’objectif de livraison à la marine de huit frégates ASM d’ici 2020. L’étalement du calendrier de production a permis de rendre les besoins financiers annuels du programme compatibles avec le référentiel de programmation.

Initialement, le coût global du programme s’élevait à environ 7 milliards d’euros pour 18 frégates. Compte tenu des révisions de périmètre et de cible, le coût unitaire moyen de production d’une FREMM version ASM est actuellement évalué à 482 millions d’euros et celui d’une FREMM version FREDA à 500 millions d’euros. Il serait néanmoins simpliste de se contenter de diviser le montant total du marché par le nombre de frégates actuellement commandées (soit 11 par le France et une par le Maroc) car, d’une part, le coût d’une frégate en version FREDA est nécessairement plus important et, d’autre part, il est vraisemblable que de nouveaux contrats à l’exportation soient conclus d’ici l’achèvement du programme.

Le budget 2010 prévoit 149 millions d’euros d’AE et 387,43 millions d’euros de CP inscrits sur la sous-action 73 de l’action 9.

5. Les systèmes d’armes

–– Les missiles

Le missile de croisière naval (MDCN) est destiné à la conduite d’opération vers la terre en disposant d’une capacité de frappe dans la profondeur sur les FREMM et sur les sous-marins Barracuda. Le besoin a été réévalué à 200 composites (missiles et propulseurs), plus 150 conteneurs de tir vertical pour un emploi sur FREMM et 50 dispositifs de changement de milieu pour un emploi sur sous-marin Barracuda. Une première commande de 50 missiles a été passée en 2006, pour une réception du premier lot de missiles en 2013. En cohérence avec la progression des programmes FREMM et Barracuda, la commande des 150 missiles restants a été passée en 2009. 25,9 millions d’euros d’AE et 107,5 millions d’euros de CP sont inscrits à cet effet sur la sous-action 56 de l’action 9.

Le programme FSAF (famille de systèmes sol-air futurs) est notamment destiné à doter les bâtiments de la marine d’un système d’autodéfense contre les attaques de missiles manoeuvrants, les avions de chasse et les avions de type patrouille maritime. Au total, le programme comprend 200 missiles ASTER 15 (dont 60 pour le porte-avions Charles de Gaulle et 140 pour les FREMM) ; 160 unités ont à ce jour été commandées et 60 ont été livrées. Les crédits destinés à ces armements sont compris dans la sous action 82 de l’action 10.

Enfin, 48 millions d’euros de CP figurent à la sous-action 85 de l’action 10 pour l’achèvement du programme PAAMS (système principal de missiles antiaériens), destiné aux frégates Horizon. Au total, 2 systèmes, 40 missiles Aster 15 et 80 missiles Aster 30 auront été livrés entre 2005 et 2010, la cible ayant été révisée en fonction du nombre de frégates finalement construites.

–– Les torpilles

La future torpille lourde Artémis (F21) est destinée à détruire ou à neutraliser des bâtiments de surface ou des sous-marins dont la plupart sont dotés de systèmes de détection et de contre-mesure anti-torpille. Intégrée sur les sous-marins, la F21 est destinée à remplacer l’équipement actuel d’ici 2015. Le programme comprend l’acquisition de 93 torpilles de combat, le système de soutien associé, les moyens d’essai et l’intégration à bord des SNLE de type Le Triomphant et des SNA de type Barracuda et Rubis. Les 6 premières unités ont été commandées en 2008 et les premières livraisons sont attendues pour 2015. 7,68 millions d’euros d’AE et 38,09 millions d’euros de CP sont inscrits à la sous-action 69 de l’action 9 afin d’assurer la poursuite du programme.

Conduit en coopération avec l’Italie, le programme de la torpille MU90 est destiné à assurer la lutte contre les sous-marins nucléaires et conventionnels les plus performants. Cette torpille sera mise en œuvre à partir des frégates, des avions de patrouille maritime ATL2 et des hélicoptères Lynx et NH90. En cohérence avec les orientations du Livre blanc, la cible initiale de 600 torpilles a été ramenée à 300 unités, déjà commandées. 175 torpilles ont jusqu’à maintenant été livrées et une nouvelle livraison de 75 éléments est prévue pour 2010. 7,25 millions d’euros d’AE et 25,9 millions d’euros de CP sont inscrits à cet effet à la sous-action 70 de l’action 9.

C. LES MISSIONS DE PROTECTION ET DE SAUVEGARDE

La LPM rappelle que « la sauvegarde maritime participe à la fonction protection et aux missions d’action de l’État en mer. Elle s’appuie sur un ensemble de moyens armés par la marine et par la gendarmerie maritime. ».

Les équipements nécessaires à l’accomplissement de cette mission – qu’il s’agisse des bateaux, des avions ou des hélicoptères – sont aujourd’hui anciens et appellent un modernisation ou un renouvellement rapides qui, tout en étant pris en compte par la LPM, risquent de ne pas intervenir dans des délais suffisants.

Ainsi, sur la première période de programmation, seuls sont prévus le remplacement, à partir de 2014, de la flotte actuelle de bâtiments de sauvegarde, d’assistance et de dépollution (11 bateaux dont 4 affrétés) par 8 bâtiments hauturiers de type « supply ships » et « la conversion en patrouilleurs hauturiers des 9 avisos A69 à partir de 2009 et la conversion en avions de surveillance maritime de 4 Atlantique 2 et des 4 Falcon 50 retirés de la flotte à usage gouvernemental. » (11).

La marine déploie actuellement une vingtaine de patrouilleurs, pour la plupart en fin de vie, qui sont répartis pour moitié outre-mer et en métropole. Leur renouvellement par des patrouilleurs dotés de réelles capacités hauturières (18 unités) n’est prévu qu’à partir de 2017, ce qui conduit à une réduction temporaire de capacité jusqu’en 2023. Cette situation sera partiellement compensée par l’affectation des 9 avisos A69 déclassés en patrouilleurs. Par ailleurs, les 6 frégates de surveillance de type Germinal, toutes affectées outre-mer seront remplacées à partir de 2023.

La composante d’avions d’intervention et de surveillance maritime ne comprend plus que 4 Falcon 50 basés à Lann Bihoué et 5 Falcon 200 Guardian basés dans le Pacifique (retrait des Nord 262 début 2008). Dans l’attente de l’arrivée de nouveaux appareils (18 unités), reportée à 2018, le déficit capacitaire sera partiellement compensé par l’utilisation du potentiel des 4 Atlantique 2 et, à partir de 2011, par la conversion des 4 Falcon 50 à usage gouvernemental.

Enfin, la composante « hélicoptères de secours maritime » connaît un déficit temporaire de capacités en raison de la chute de disponibilité des Super Frelon en fin de vie, conjuguée au retard de la livraison des NH90. Cette situation a nécessité d’affréter deux hélicoptères de type Dauphin pour la Méditerranée et de déployer en renfort un hélicoptère lourd de type Caracal à Lanvéoc. En outre, pour assurer la continuité de cette mission entre le retrait définitif des Super Frelon fin 2009 début 2010 et la prise d’alerte opérationnelle des hélicoptères NH 90, prévue fin 2011, l’achat de deux hélicoptères lourds de type EC225 vient d’être décidé.

Compte tenu de ces capacités plus que contraintes, la marine va devoir déployer beaucoup d’efforts dans les années à venir pour parvenir à remplir de façon satisfaisante sa mission de sauvegarde maritime, qui a tout à la fois vocation à faire face aux menaces susceptibles de venir de la mer (terrorisme, narcotrafic, piraterie, transport illicite de migrants…) et à assurer la défense des droits souverains en mer ainsi que la maîtrise des risques liés à l’activité maritime (accidents de mer, pollution…).

Les moyens dédiés aux équipements de sauvegarde maritime financés sur la LPM 2009-2014 sont répartis dans le programme 146 entre diverses actions et parfois fondus dans des lignes de crédits globalisées qui rendent délicate l’identification des crédits dégagés.

Dans le cadre des travaux de programmation, les crédits de paiement prévus pour les moyens de sauvegarde maritime sont les suivants :

– SPATIONAV : 33 millions d’euros sur la période 2010-2015 (dont 2,5 millions d’euros dans le PLF 2010) ;

– bâtiments de sauvegarde et d’assistance hauturiers : 10 millions d’euros en 2014 et 48 millions d’euros en 2015 ;

– conversion des 4 Falcon 50 à usage gouvernemental en avions de surveillance maritime (les deux premières transformation étant réalisées au titre du plan de relance) : 49 millions d’euros sur la période 2009-2015 (dont 14,8 millions d’euros dans le PLF 2010) ;

– achat et maintien en condition opérationnelle de deux hélicoptères de type EC 225 : 65 millions d’euros sur 2010 et 2011 (dont 45 millions d’euros dans le PLF 2010).

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. —  AUDITION DE L’AMIRAL PIERRE–FRANÇOIS FORISSIER, CHEF D’ÉTAT–MAJOR DE LA MARINE

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2010 (n° 1946), au cours de sa réunion du mercredi 14 octobre 2009.

M. le Président Guy Teissier. Nous sommes très heureux d’accueillir le chef d’état-major de la marine, l’amiral Pierre-François Forissier.

Les crédits que vous allez nous présenter, amiral, seront ouverts par la loi de finances, mais ils s’inscrivent également dans le cadre préalablement fixé par la loi de programmation militaire. À ce titre, pourriez-vous revenir sur le surcoût des onze frégates FREMM ? Ce que nous avons appris par l’intermédiaire de la presse est-il exact ? A quoi est dû le surcoût éventuel ?

Pourriez-vous également revenir sur le démantèlement des bâtiments de guerre ? Je rappelle que notre rapporteure, Marguerite Lamour, avait abordé ce sujet dans un rapport d’information remis en 2007 à la suite de l’affaire du Clemenceau, qui avait beaucoup marqué les esprits. Dans leur rapport sur la loi de programmation militaire, nos collègues Patrick Beaudouin et Yves Fromion ont par la suite démontré tout l’intérêt du démantèlement des équipements de la défense pour l’industrie et la recherche. Pouvez-vous nous dire s’il y eu un travail de réflexion dans ce domaine ?

Amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine. C’est la deuxième fois que j’ai le plaisir et l’honneur de m’exprimer devant les membres de votre commission à l’occasion de l’examen du projet de budget. Cette audition devant la représentation nationale revêt pour moi un grand intérêt, car ce rendez-vous annuel est un moment privilégié pour présenter l’avenir de la marine.

En toute rigueur, je ne suis que le gestionnaire d’un BOP – budget opérationnel de programme – du programme 178, mais j’ai également pour mission de garantir la cohérence de notre marine. Je serais donc heureux de vous apporter un éclairage transversal sur l’ensemble des crédits.

L’adoption de la loi de programmation militaire, qui met en œuvre les orientations retenues par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, lequel suscite un grand intérêt chez nos homologues étrangers, car il établit un lien entre deux questions jusque–là distinctes, a constitué une période charnière pour les armées.

Avant d’évoquer le projet de loi de finances, je commencerai par rappeler les finalités de la marine au travers de ses activités opérationnelles.

En moyenne, trente bâtiments et huit aéronefs de la marine participent chaque jour, en mer ou au–dessus de la mer, à des missions opérationnelles.

Sur le plan des opérations militaires, la force océanique stratégique a continué d’assurer la permanence de la mission de dissuasion, rarement évoquée, mais qui représente pour nous un travail énorme depuis trente-cinq ans.

Dans le nord de l’océan Indien, la marine poursuit son engagement dans la lutte contre le terrorisme en participant à l’opération Héraclès, volet maritime de l’opération interalliée Enduring Freedom. Nous avons maintenu une présence quasiment constante au sein de la Task Force 150, dont nous avons assuré le commandement depuis le bâtiment de commandement et ravitailleur – BCR – Marne, entre le 9 avril et le 20 juillet dernier.

Dans la zone sensible de la Corne de l’Afrique, la marine nationale a poursuivi son engagement au sein de l’opération EU NAVFOR Atalanta. Deux frégates et un avion de patrouille maritime sont actuellement déployés en permanence dans cette zone et le resteront aussi longtemps que nécessaire. Cette opération, à laquelle nous prenons une part active, constitue la première opération maritime de l’Union européenne. Elle témoigne de la volonté des États membres, en particulier la France, d’apporter une réponse durable à la piraterie dans cette région.

Je précise que les unités françaises présentes dans cette zone restent sous le contrôle opérationnel et l’assistance logistique de l’amiral commandant la zone maritime de l’océan Indien. En fonction des besoins opérationnels, elles peuvent être amenées à réaliser d’autres actions spécifiques, telles que l’opération de vive force menée pour libérer les otages du voilier Tanit en avril dernier, le repêchage des boîtes noires de l’Airbus A 310 de la compagnie Yemenia en juin dernier, ou encore la protection de la flotte de pêche au thon française.

Sur la façade ouest de l’Afrique, la marine participe à l’opération Corymbe, destinée à prévenir les crises et à participer à leur règlement dans le golfe de Guinée. La présence française est assurée par un TCD – transport de chalands de débarquement – ou un aviso, prêts à procéder à l’évacuation éventuelle de nos ressortissants. Ces bâtiments réalisent également des actions de coopération civilo-militaire au cours de leurs nombreuses escales dans la région.

Cette année encore, la marine a assuré une présence importante en Méditerranée dans le cadre de missions nationales de sécurité et de sûreté maritime, mais aussi en coopération avec les marines riveraines. Dans le cadre de l’opération Impartial Behaviour de soutien à la force des Nations Unies déployée au large du Liban (FINUL), un bâtiment a ainsi maintenu une présence dans la zone jusqu’en mars 2009 tout en participant à l’opération nationale Baliste.

Dans l’Atlantique, nous avons déployé de très importants moyens, notamment le Mistral (BPC), une frégate de surveillance, un sous-marin nucléaire d’attaque, un Falcon 50 et un avion Atlantique 2, pour rechercher les corps, les débris et les enregistreurs du vol AF 447 Rio-Paris.

En juillet dernier, nous avons également escorté jusqu’à Djibouti le premier sous-marin malaisien, le Tunkul Abdul Rahman, que nous avons ensuite remis aux autorités malaisiennes au début du mois de septembre.

La sauvegarde maritime, qui représente une part non négligeable de l’activité de la marine nationale, constitue un autre aspect important de sa contribution à la sécurité des Français. Depuis le 1er janvier 2009, 582 vies ont déjà été sauvées en mer grâce à des moyens déployés par la marine.

La marine est très engagée dans les Antilles ainsi qu’en Méditerranée occidentale dans la lutte contre le narcotrafic. Les interventions réalisées ont permis de dérouter quatre navires et de saisir près de quatre tonnes de stupéfiants.

En Méditerranée, la marine participe aux missions de l’agence européenne FRONTEX, mise en place pour lutter contre l’immigration clandestine. Elle a notamment pris part aux patrouilles Poséidon en mer Égée et Indalo en mer d’Alboran, à l’ouest de la Méditerranée. Trente navires transportant des passagers clandestins ont été interceptés et 709 immigrants ont été remis à la police à la frontière grecque.

Nous luttons également contre la pêche illicite : la marine a participé à deux campagnes « Thon rouge », à une campagne « Cabillaud », ainsi qu’à une campagne dans les Terres australes et antarctiques françaises. Dans ce cadre, 867 navires ont été contrôlés et 14 déroutés.

La protection de la mer fait aussi partie de nos missions. Notre action de prévention des pollutions est efficace, car nous avons de moins en moins de cas à traiter. Les bâtiments de la marine ont détecté depuis le début de l’année 14 pollutions accidentelles et un cas de pollution volontaire, qui a conduit au détournement du navire.

Le renforcement de l’action de l’État en mer et la création de la fonction de garde-côtes, annoncés par le Président de la République au Havre, le 16 juillet dernier, représentent pour nous une avancée très significative. Nous travaillons d’arrache-pied pour la concrétiser.

Bien que notre bilan soit relativement positif, la disponibilité fluctuante des moyens aéromaritimes n’a pas été sans conséquences pour l’efficacité de nos opérations et le respect de notre contrat opérationnel. Le vieillissement des parcs d’hélicoptères obère notamment l’aptitude de la marine à projeter des frégates embarquant des aéronefs fiables et à réaliser ses missions de service public. Or, nous ne voulons pas être responsables de la disparition en mer de vies qui auraient pu être sauvées.

Pour remédier à cette situation, nous poursuivons nos efforts en matière de disponibilité des moyens, objet d’un véritable combat. Les résultats sont encourageants, car le taux moyen de disponibilité technique des bâtiments se maintient au dessus de 70 % depuis plus de trois ans. C’est la conséquence de la réorganisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) au cours des dernières années : nous avons progressé dans la voie d’une contractualisation associant pluri-annualité, mise en concurrence et responsabilisation des titulaires sur les résultats.

Alors que la première IPER – indisponibilité périodique pour entretien et réparation – du porte-avions Charles-de-Gaulle s’était remarquablement déroulée grâce à la mobilisation de l’ensemble des acteurs – équipage, services de soutien de la marine, industriels maîtres d’œuvre et sous-traitants –, le porte-avions a subi une avarie sur un arbre de transmission, qui a provoqué son arrêt de mars à septembre. Après enquête, il est apparu que l’avarie résultait de la conjonction d’un sous-dimensionnement au moment de la conception et d’une erreur de fabrication de la pièce de rechange installée pendant l’IPER.

La détection rapide du problème, grâce au professionnalisme exemplaire de l’équipage et de l’industriel, a permis d’arrêter à temps le bâtiment et d’éviter la catastrophe : cet incident aurait pu causer des avaries considérables et faire des victimes humaines. D’une certaine façon, nous avons eu de la chance dans notre malheur. Il n’en demeure pas moins que cet incident a beaucoup perturbé la remontée en puissance du groupe aéronaval et la requalification des pilotes, qui a aujourd’hui repris.

Au plan budgétaire, le plan de relance nous a apporté une bouffée d’oxygène appréciable en nous permettant de financer un troisième bâtiment de projection et de commandement (BPC), ainsi qu’un certain nombre d’actions peu visibles, mais présentant un réel intérêt : nous avons pu consacrer 48 millions en autorisations d’engagement et 24 millions en crédits de paiement à la passation de commandes supplémentaires de rechanges.

A cause de l’insuffisance des rechanges, de l’âge moyen du parc et des pertes de compétence technique, le taux de disponibilité de l’aéronautique navale demeure un grave sujet de préoccupation. Nous avons lancé de nombreux chantiers pour remédier à cette situation.

L’arrivée d’un hélicoptère EC 725 de l’armée de l’air dans la base de Lanvéoc est effective depuis février 2009. Du fait du prochain retrait de service des hélicoptères Super-Frelon, nous souhaitons toutefois disposer de deux hélicoptères lourds supplémentaires pour assurer nos missions de sécurité maritime en attendant la livraison des NH 90 en version sécurité maritime. La DGA y travaille. D’autre part, nous nous efforçons d’améliorer l’organisation interne de la maintenance aéronavale en renforçant les synergies entre nos équipes et celles du service industriel de l’aéronautique – le SIAé.

Alors que nous étions très préoccupés l’an dernier par l’augmentation du prix du pétrole, nous avons profité de l’évolution favorable de la conjoncture pour reconstituer nos stocks de combustibles, dans lesquels nous avions beaucoup puisé. L’activité de nos forces est garantie pour cette année et le niveau des stocks devrait être satisfaisant en fin d’année même s’il sera sans doute inférieur au niveau atteint par le passé.

En début d’année, les opérations concernant nos infrastructures ont été perturbées par les conditions de construction du budget, qui faisait largement appel à des ressources extrabudgétaires finalement absentes. Des re-dotations ont permis de débloquer la situation, mais nous avons pris du retard dans la contractualisation d’un certain nombre d’opérations.

En revanche, le renouvellement de la flotte se poursuit conformément aux prévisions. Ont ainsi été commandés un deuxième sous-marin, les trois dernières des onze frégates FREMM prévues – je rappelle que la commande initiale portait sur huit unités avant d’être modifiée –, dont les deux dernières, les FREDA, viendront en complément des frégates de défense aérienne Horizon dont les essais sont en cours d’achèvement, neuf avions Rafale destinés à la marine et 150 missiles de croisière naval, dont 50 à destination de nos sous-marins. À cela s’ajoutent la commande d’un troisième BPC, financée grâce au plan de relance, et celle de quatre petits engins de débarquement. Tout cela nous permettra de disposer d’un parc cohérent et moderne.

Nous attendons également deux Rafale, ce qui ne fera malheureusement que nous ramener à la case de départ, car nous venons d’en perdre deux. Cinquante torpilles Mu 90 sont également en cours de livraison, et nous allons bientôt conclure les essais du sous-marin nucléaire lanceur d’engins – SNLE – n°4, le Terrible. Le dernier tir de maquette du missile M 51 s’étant bien déroulé cette semaine, nos programmes concernant la dissuasion océanique sont parfaitement en phase.

L’année 2009 est marquée par une réorganisation générale du ministère, à laquelle la marine prend sa juste part, notamment avec l’expérimentation conduite dans la base de défense de Brest. Les retours d’expérience sont tout à fait intéressants et pourront utilement être mis à la disposition de l’ensemble de la communauté militaire.

J’en viens au budget pour l’année 2010. Avant de présenter les programmes dont je suis « client », je dois rappeler qu’il est de plus en plus difficile d’identifier les crédits qui nous reviennent précisément, car il n’y a plus de budgets distincts pour l’armée de terre, l’armée de l’air et la marine. Nous travaillons de plus en plus en synergie, ce qui est heureux : l’essentiel est de disposer d’un ensemble d’armées cohérent et fonctionnant bien. Cela étant, nous travaillons à la mise en place d’une comptabilité analytique et nous commençons à avoir une image assez précise de la façon dont nos crédits sont utilisés dans les faits.

J’en viens au programme « Préparation et emploi des forces », qui concerne la quasi-totalité des unités en service de la marine et rassemble 90 % du personnel, dont 15 % est aujourd’hui composé de civils. Afin de participer aux efforts demandés au ministère, nous devrons porter nos effectifs à 44 000 personnes en 2015 – 37 000 militaires et 7 000 civils – ce qui représente une réduction de 12 %, soit 850 personnes par an. La manœuvre sera difficile : il faudra trouver de nouveaux modes de fonctionnement, notamment en matière de soutien, pour continuer à assurer nos missions. Nous devrons veiller à maintenir l’équilibre de la balance « entrées-sorties » pour conserver les compétences opérationnelles dont la marine a besoin et maintenir la jeunesse de nos équipages, dont la moyenne d’âge est aujourd’hui comprise entre 26 et 28 ans.

Pour cela, il sera nécessaire de fidéliser les compétences, notamment dans les spécialités critiques, et de piloter les départs, lesquels ne doivent pas seulement s’envisager d’un point de vue quantitatif, mais être ciblés. Nous devrons aussi assurer un bon niveau de recrutement, principalement dans notre cœur de métier, en veillant à conserver un bon ratio entre les forces et le soutien, et enfin adapter les pyramides des grades pour répondre aux besoins de demain tout en offrant des cursus professionnels diversifiés et valorisants.

Après avoir connu des difficultés de recrutement en 2008, qui avaient occasionné un sous-effectif d’environ 500 personnes, nous avons redressé la barre, et les départs en retraite ont été moins nombreux que prévus à cause de la crise. Si l’on fait la moyenne des deux dernières années, les résultats sont conformes à la trajectoire que nous devons suivre pour atteindre notre objectif de format. À la fin de l’année, nous constaterons un léger sureffectif par rapport à nos objectifs initiaux, mais la réduction des effectifs reste pilotée de façon satisfaisante.

Pour l’année 2010, la baisse des crédits du titre 2 sera de 3,6 %, ce qui correspond à une baisse d’effectifs de 822 postes au titre des mesures d’économies et à un transfert de 1 631 postes résultant de changements de périmètre dans le cadre des restructurations en cours.

Plusieurs mesures de revalorisation salariale et catégorielle sont toutefois prévues au profit du personnel militaire et civil pour un montant de 10 millions d’euros. Il s’agira en particulier de poursuivre la revalorisation des parcours indiciaires du personnel militaire.

Les mesures d’accompagnement social des restructurations, destinées à renforcer les incitations au départ s’élèveront à près de 17 millions d’euros, dont près de 9 millions d’euros supplémentaires au titre des pécules des personnels militaires.

La part relative des dépenses liées aux produits pétroliers continue d’augmenter : en 2010, elle atteindra 28 % des crédits alloués au fonctionnement des forces. Cependant, l’augmentation de la dotation correspondante est limitée en valeur absolue, puisqu’elle passe de 106 à 110 millions d’euros. Au cours actuel, cette dotation permet d’assurer normalement l’activité des forces.

Outre notre contribution à la dissuasion, les grandes lignes de notre activité en 2010 comportent le retour dans le cycle opérationnel du porte-avions Charles-de-Gaulle, dont deux déploiements sont programmés, la poursuite de la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes, ainsi que deux campagnes du groupe école d’application des officiers de marine – la première avec la Jeanne d’Arc, la seconde avec le Tonnerre, dans un paysage opérationnel. En effet, il est prévu de passer quasi instantanément de la mission « école » à la mission « opérations » si nécessaire.

En matière de MCO, l’enveloppe des autorisations d’engagement – 1 632 millions d’euros – augmente de 20 %, ce qui est considérable. Cette évolution, durement négociée, s’inscrit dans le cadre d’une évolution du partage des risques entre l’État et les industriels. Le développement des engagements contractuels pluriannuels devrait nous permettre d’obtenir des réductions de prix et ainsi de réduire la facture dans les années à venir.

La dotation en crédits de paiement – 1 040 millions d’euros – est, en revanche, beaucoup plus contrainte. D’où la recherche de nouvelles économies, notamment grâce au retrait du service de petits bâtiments ou de bâtiments anciens et à une réduction de nos activités. Cela signifie que nous ne disposons pas de marges de manœuvre pour aller au-delà de ce que prévoient nos contrats opérationnels : quand il faut aller ramasser les débris d’un avion, nous devons nécessairement réduire nos activités dans d’autres domaines. Ces contraintes sont naturellement partagées entre les flottes – navale et aéronavale.

Je vous avais fait part, l’an dernier, de mes craintes concernant l’envolée des prix du MCO pour l’aéronautique navale, du fait de l’arrivée en service de nouveaux aéronefs et de l’augmentation des coûts de rechange. C’est une question sur laquelle nous travaillons avec l’armée de l’air et la SIMMAD – la structure de maintenance du matériel de l’aéronautique de défense. La situation n’est finalement pas aussi grave qu’on pouvait l’imaginer, mais elle reste critique, car il n’est plus possible de régénérer la totalité de notre potentiel. Nous modulons donc notre volume d’heures de vol en fonction des contraintes du MCO.

La dotation pour 2010 ne permettra pas d’améliorer la situation et pourrait même conduire à une baisse de la disponibilité. La taille et l’ancienneté des parcs d’aéronefs rendent, en effet, l’aéronautique navale plus sensible aux aléas budgétaires que d’autres armées. Nous avons des micro-parcs d’avions vieux et nous serons contraints de gérer des reliquats tant que nous ne disposerons pas d’appareils plus récents.

On pourrait certes espérer que les conditions économiques actuelles conduisent à une stabilisation, voire à une baisse des prix, mais notre paysage industriel, marqué par une situation de concurrence insuffisante, ne s’y prêtera pas nécessairement. De concert avec les industriels, notamment DCNS, nous devrons veiller à diversifier les clients et les fournisseurs. Pour cela, nous disposons d’un avantage particulièrement intéressant pour les marines européennes : l’existence, très peu fréquente à l’étranger, de chantiers navals à l’intérieur d’enceintes protégées, à savoir nos bases navales. Cela pourrait inciter un certain nombre de clients étrangers à s’adresser à nous.

Le renouvellement de nos moyens se poursuit dans le cadre du programme 146. Il s’agit principalement de la commande d’un troisième BPC et de la mise en service du Terrible. Après quelques difficultés dans la mise au point des systèmes de combat, le programme de frégates de type Horizon avance également à un bon rythme. Ces bateaux, aux qualités exceptionnelles, vont bientôt rejoindre les forces vives de la marine. Nous attendons, par ailleurs, trois Rafale au standard F3 et la livraison des quatre premiers hélicoptères NH 90, dont l’absence nous fera malheureusement défaut pendant les nuits d’hiver qui viennent.

Le programme 212, « Soutien de la politique de défense », disposera de dotations budgétaires un peu mieux équilibrées que l’année dernière pour soutenir les opérations d’infrastructure. Cependant, les montants consacrés à la marine – 170 millions d’euros – ne correspondent qu’à 80 % de nos besoins annuels, sans compter l’effort de rattrapage du retard pris en 2009. La gestion sera donc tendue, et nous devrons veiller à utiliser au mieux les marges de manœuvre dont nous disposerons.

La priorité sera donnée à la réfection des installations de l’Île Longue où les travaux devront se poursuivre à un rythme soutenu. Il est notamment prévu de poursuivre la refonte des installations électriques, dont l’achèvement est prévu en 2012, et celle de la station d’eau de mer de réfrigération, absolument nécessaire pour assurer la sécurité et le soutien de nos sous-marins nucléaires. Des travaux d’infrastructure sont également prévus dans les autres ports, notamment pour l’accueil des sous-marins de type Barracuda et des frégates FREMM, qui nécessitera l’adaptation des postes d’amarrage de Brest et de Toulon.

À côté des travaux portant sur les installations, lesquelles représentent l’essentiel des infrastructures de la marine, un effort d’amélioration des conditions de vie est également programmé. Je pense en particulier à la création d’une maison de l’enfance à Brest, dont le but est de permettre aux jeunes mères de famille de concilier plus facilement leurs contraintes familiales et professionnelles.

La gestion pourrait subir, en 2010, des aléas liés à nos opérations de réorganisation, à commencer par celle des structures : un commissariat des armées sera créé le 1er janvier prochain, ce qui aura pour effet de supprimer le commissariat de la marine, même si un service spécifique, nommé « service logistique de la marine »,  subsistera pour nos besoins propres. À cela s’ajoutera le déploiement du nouveau système d’information financière de l’État – CHORUS –, qui bouleversera complètement nos méthodes de travail. Nous devrons faire en sorte que l’impact des à-coups soit aussi limité que possible.

À l’heure où le Président de la République appelle à la reconstruction d’une politique et d’une ambition maritimes pour la France, mais aussi à l’heure où la menace devient plus diffuse, où la mondialisation ne fait qu’accroître l’incertitude stratégique et renforcer l’importance des espaces maritimes, la marine nationale continue d’intervenir et d’assurer une présence vigilante et active sur l’ensemble des mers du globe, au plus loin, comme au plus près. Ses capacités demeurent un formidable levier d’action et de puissance.

La rédaction du Livre bleu, qui doit définir la nouvelle stratégie maritime française, et la réunion d’un comité interministériel de la mer d’ici à la fin de l’année sont autant d’opportunités à saisir. Elles devraient avoir avec un impact considérable sur la politique maritime de notre pays dans les années à venir.

L’application de la nouvelle stratégie de sécurité nationale définie par le Livre blanc et l’adoption de la loi de programmation militaire confortent la marine dans ses missions. Pour nous, marins, il s’agit maintenant de participer avec détermination à cette transformation majeure de l’outil de défense à laquelle nous devons prendre toute notre part.

M. le président Guy Teissier. Il a été question d’un surcoût de 66 % pour les frégates FREMM, ce qui est tout-à-fait considérable. Est-ce un chiffre exact ?

Amiral Pierre-François Forissier. Je ne peux pas répondre précisément à cette question. Nous sommes en train d’analyser ce chiffre qui, je dois l’avouer, me surprend beaucoup. Il faut faire attention aux définitions précises des périmètres considérés : le programme actuel comprend la construction de deux frégates de défense aérienne (FREDA), bâtiment d’un type nouveau qui reste à développer, ce qui augmentera naturellement les coûts. On ne peut pas en déduire une variation du coût unitaire du bateau de série, lequel n’augmentera pas de 66 %. Le coût total du programme s’élève à 7,07 milliards d’euros, ce qui correspond au montant initialement prévu.

D’autre part, tout dépendra du succès du programme à l’export : les conditions industrielles et économiques sur lesquelles le programme a été établi reposaient sur la fabrication de 17 unités ; pour le moment, 12 bateaux ont été commandés, dont un par le Maroc. Il manque encore 5 bâtiments pour que le coût unitaire initialement prévu soit respecté, mais les perspectives actuelles nous laissent bon espoir d’y parvenir.

M. le président Guy Teissier. Je précise que le chiffre provient des déclarations du ministre. Nous passerions d’un coût de 382 à 636 millions d’euros.

Amiral Pierre-François Forissier. Le ministre a fait mention du coût complet du programme, sans détailler ce qu’il comprend. Or, on ne peut pas se contenter de diviser par 11 le coût total. Le développement d’une FREDA n’est pas comparable avec celui d’une frégate multi-mission. Le chiffre de 66 % ne correspond donc pas à la réalité.

Mme Marguerite Lamour, rapporteure. L’évolution des ressources humaines sera délicate à gérer, près de 6 000 emplois devant être supprimés d’ici à 2015. Or, le format actuel de la marine résulte déjà d’un grand effort de rationalisation engagé depuis plusieurs années et vous devez, pour préserver la capacité opérationnelle des forces, renouveler sans cesse de très petits effectifs, dotés de compétences rares et très spécifiques, faisant l’objet d’une forte évasion vers le secteur civil.

Dans ce contexte, pensez-vous que vous pourrez tenir les objectifs annuels de réduction des emplois militaires qui vous sont fixés ? Ne serait-il pas plus raisonnable de vous laisser fixer le calendrier de déflation des effectifs ?

La LPM renvoie l’essentiel de la modernisation des équipements de la marine, quels que soit le degré d’urgence, à une seconde phase de programmation, comprise entre 2015 et 2020. En outre, le ralentissement du rythme de production des programmes en cours, tels que les FREMM et les sous-marins nucléaires d’attaque, retardera d’autant les délais de livraison. Cet étalement des dates de livraison ne risque-t-il pas de susciter des ruptures capacitaires temporaires ainsi que des réductions de format préjudiciables aux missions de la marine ?

La LPM renvoie à 2011-2012 la décision de construire un second porte-avions. Nous sommes nombreux ici à considérer que la France ne peut pas faire l’impasse sur ce programme. Reste à savoir de quelle façon nous nous doterons de ce second porte-avions. Mettra-t-on à profit la période actuelle pour reprendre la réflexion sur le mode de propulsion ? Fait-on travailler les industriels sur les solutions techniques les plus économiques et les plus rapides ? Serait-il imaginable de disposer d’un bâtiment pour la prochaine IPER du Charles-de-Gaulle, qui devrait finalement avoir lieu en 2016 ou 2017 ?

Le Grenelle de la mer aidant, le démantèlement des bateaux, sujet sur lequel j’ai eu l’occasion de rédiger un rapport d’information en 2007 lors de l’affaire du Clemenceau, prend une importance croissante, et c’est heureux. Quels moyens la marine compte-t-elle consacrer à cette activité ? Ne pourrions-nous pas envisager un travail commun avec la filière civile, à l’échelle européenne ?

Amiral Pierre-François Forissier. Nous gérons effectivement des micro-flux de micro-populations extrêmement spécialisés. C’est pourquoi, dans la « manœuvre RH » de la marine, le quantitatif passe après le qualitatif. Mais la question n’est pas de savoir si nous devons annualiser ou globaliser la réduction des effectifs : nous devrons de toute façon remplir nos objectifs. Se fixer un objectif annuel permet de savoir où on en est. Nous serons peut-être en avance certaines années et en retard à d’autres moments, mais l’objectif est d’être sur la bonne pente, avec pour horizon l’année 2015.

J’ajoute que nous sommes engagés dans la réduction des équipages embarqués depuis très longtemps : l’équipage d’une frégate anti-sous-marine à vapeur était de 350 personnes, contre 108 pour une frégate FREMM. Grâce à de tels changements, fruits de vingt années d’études, nous devrions parvenir à réduire les équipages en préservant leur qualité. La manœuvre est certes délicate, mais il semble possible de réaliser notre objectif tout en préservant nos forces opérationnelles dans des conditions satisfaisantes.

La marine risque effectivement d’être confrontée à des contraintes de capacités dans les années à venir. Je vous donne un exemple. Le Rubis, qui aurait dû être désarmé cette année, va devoir être maintenu en service entre huit et neuf années supplémentaires, ce qui n’est pas négligeable pour un sous-marin nucléaire. Nous essayons d’exploiter toutes les marges de manœuvre possibles, dans les limites du raisonnable, mais l’on ne peut pas exclure des réductions temporaires de capacités dans les dix ou douze prochaines années. De façon transitoire, nous pourrions disposer de cinq SNA au lieu des six dont nous avons absolument besoin, et notre parc de 18 frégates pourrait temporairement se réduire à 16 bâtiments. Il faudra bien que nous gérions cette situation.

Cela étant, ce ne sera pas la première fois que nous subirons des crises de cette nature : le taux de disponibilité était par exemple très mauvais à la fin des années 90. Pour respecter notre contrat, nous devrons faire en sorte que le nombre de bateaux disponibles augmente, de même que la capacité de nos équipages, mesurée en jours de mer. Ce qui compte, ce n’est pas le nombre de bateaux en parc, mais celui des bateaux disponibles. La situation ne sera pas facile tous les jours, mais il n’y a pas de raison de renoncer.

Les incidents que nous avons connus cette année démontrent, s’il en était besoin, la nécessité d’un second porte-avions, sujet sur lequel nous ne sommes plus liés aux Britanniques. Nous travaillons avec les industriels pour définir des solutions aussi économiques innovantes et efficaces que possible en raisonnant en coûts complets pendant toute la durée de vie du bateau. Nous verrons si la propulsion nucléaire constitue une solution réalisable dans des conditions économiques satisfaisantes. Lorsque l’heure du choix sera venue, nous présenterons les choix envisageables à coûts / efficacité convenables au Président de la République.

Grâce à la triste affaire du Clemenceau, nous avons maintenant acquis une bonne maîtrise de la question de la déconstruction, que nous avions, je dois l’avouer, sous-estimée. Notre objectif est de mettre à la disposition du monde industriel français notre retour d’expérience et de faire mieux la prochaine fois. Il reste que la marine n’a pas vocation à se transformer en déconstructeur de navires. Nous attendons donc que les industriels fassent des propositions. Il serait naturellement souhaitable que la déconstruction coûte le moins cher possible à l’État, voire rien du tout, ce qui n’est pas absurde compte tenu de la valeur des matériaux à bord des bateaux. Comme nous ne sommes plus dans une phase d’appel d’offres, nous avons entamé avec les industriels des discussions qui faciliteront le partage des retours d’expérience et aideront nos partenaires à nous faire des propositions économiquement intéressantes.

Je dois préciser que la déconstruction des sous-marins nucléaires est un cas particulier et complexe, justifiant un traitement spécifique. Pour cela, nous avons du temps devant nous, car les bâtiments peuvent être stockés de façon satisfaisante. Jusqu’à présent, la déconstruction était impossible, car elle aurait donné accès à des informations sensibles, les systèmes d’armes embarqués étant encore en service sur d’autres unités. La mise en œuvre du M 51 nous permet maintenant de réfléchir à un calendrier de déconstruction des sous-marins de la génération précédente.

M. Gilbert Le Bris. D’un certain point de vue, la lutte contre la piraterie fonctionne bien : vos commandos ont fait la preuve de leur efficacité en permettant à quatre thoniers concarnois d’échapper à leurs prédateurs. Il reste que la justice ne suit pas. Dans l’affaire de l’attaque du BCR Somme, cinq pirates ont été remis aux autorités du Puntland, ce qui signifie qu’ils ont été remis en liberté. Les onze pirates arrêtés lors des attaques contre les thoniers concarnois ont également été remis en liberté par les autorités des Seychelles et les accords conclus avec le Kenya ne fonctionnent pas. Sans pendre les pirates haut et court, ne pourrait-on pas cesser d’être aussi naïfs ?

Autre question : allons-nous être obligés, un jour, de recruter des ingénieurs atomiciens des pays de l’Est pour travailler dans nos SNLE ?

M. Michel Voisin, président. Je voudrais vous interroger sur la base militaire de Djibouti, dont chacun connaît l’importance stratégique. Des moyens supplémentaires sont-ils prévus pour l’ouverture de l’implantation d’Abu Dhabi, ou bien les moyens actuels devront-ils être partagés entre les deux bases?

Par ailleurs, quelle sera l’évolution du commandement qui relève aujourd’hui d’Alindien, l’amiral commandant de la zone maritime de l’océan Indien ?

M. Christian Ménard. L’action des commandos marine embarqués sur les bateaux de pêche mérite toutes nos félicitations. J’espère qu’elle servira de leçon.

L’opération Atalanta risquant de durer quelques années, serait-il possible d’embarquer sur les vaisseaux de marine marchande des fusiliers marins réservistes ? La loi permet-elle de le faire ?

Djibouti, dont je reviens, risque fort de devenir une poudrière : on compte aujourd’hui 15 000 réfugiés « officiels » et 200 000 clandestins pour une population d’environ 800 000 habitants. Gardons-nous de sous-estimer les risques et de dégarnir cette base.

Amiral Pierre-François Forissier. Je ne voudrais pas sortir de mon domaine de compétence mais je dois dire que vous trouve bien sévère envers la France : nous sommes les premiers à avoir envoyé des pirates dans nos prisons. D’autre part, nos juristes travaillent d’arrache-pied pour que nous puissions juger nous-mêmes les pirates, et nous avons profité de la présidence française de l’Union européenne pour porter ce sujet au niveau européen. L’opération Atalanta repose aujourd’hui sur une base juridique beaucoup plus robuste que l’action menée par le reste de la communauté internationale : au lieu de remettre les pirates en liberté, nous les transférons aux États de la zone avec lesquels nous avons signé des accords. Notre dispositif reste sans doute perfectible, mais je fais partie de ceux qui estiment que le bilan est plutôt positif.

En ce qui concerne les atomiciens, je n’ai pas constaté de difficultés particulières de recrutement et de formation. Notre seule préoccupation concerne leur fidélisation, la filière nucléaire étant en plein développement. Comme nous l’avons fait hier avec les pilotes, nous travaillons avec les industriels pour répartir la ressource humaine dans l’intérêt de tous, à commencer par les ingénieurs eux-mêmes. L’hypothèse que vous envisagez, monsieur Le Bris, n’est pas à l’ordre du jour.

Pour des raisons géographiques et historiques, Djibouti constitue un point d’appui naval incontournable. Il n’a jamais été question d’abandonner cette implantation ou de réduire son importance. Les capacités offertes par Djibouti en matière d’escale en territoire étranger et de soutien logistique et technique présentent un intérêt vital. Pour s’en convaincre, il suffit de voir le nombre de pays présents dans ce port. La géographie est la même pour tous.

La montée en puissance de la base d’Abu Dhabi, initialement navale et aujourd’hui interarmées, s’explique par des raisons totalement différentes, qui relèvent des équilibres géostratégiques propres au golfe arabo-persique et de la défense de nos intérêts dans cette zone, située sur la route du pétrole. Ce besoin, qui a été identifié par le Livre blanc, justifie les efforts qui devraient encore s’accroître. Cela ne se fera pas au détriment de Djibouti mais grâce au prélèvement de capacités aujourd’hui projetées depuis la métropole, alors qu’il serait plus commode de les prépositionner là où le besoin s’en fait sentir.

Jusque-là rattaché au port de Toulon, alors qu’il était en réalité embarqué dans l’océan Indien, Alindien est désormais basé à Abu Dhabi d’un point de vue administratif, ce qui simplifie grandement la situation. Nous allons maintenant devoir trouver un équilibre entre sa présence à la mer et à Abu Dhabi. C’est un réglage de curseur à établir, sachant que les forces navales à la mer se commandent, par définition, à la mer.

Tous les commandos sont des fusiliers marins, mais tous les fusiliers marins ne sont pas des commandos – ces derniers relèvent des forces spéciales et exercent un métier très pointu, qui exige un véritable savoir-faire. Il n’est pas nécessaire, en revanche, d’appartenir aux commandos pour assurer la protection des bâtiments civils. Au demeurant, je ne suis pas certain que nous n’ayons pas déjà fait appel à des réservistes pour assurer cette mission. Cependant, l’actualité a montré que les intéressés peuvent se trouver dans des situations difficiles, nécessitant l’emploi des armes en application de règles d’engagement délicates : il faut donc des personnels dont la formation et l’entraînement soient irréprochables. Compte tenu des risques collatéraux, nous n’avons pas droit à l’erreur. Je vais étudier la question, mais il va de soi que les réservistes éventuellement concernés devront faire des périodes très fréquentes et qu’ils devront présenter de très fortes garanties de professionnalisme, ce qui me semble difficilement compatible avec des périodes limitées à trente jours.

M. Etienne Mourrut. Quelles sont les conditions d’affection des marins embarqués sur des bateaux de pêche ? Ce type de dispositif peut-il être étendu à d’autres types de bâtiments ?

J’aimerais également connaître le calendrier retenu pour la fermeture de la base aéronavale de Nîmes-Garons. Selon les informations portées à ma connaissance, la tour de contrôle devrait continuer à être gérée par la marine. Qu’en est-il exactement ?

M. Dominique Caillaud. L’embarquement de commandos sur les bâtiments à protéger est–il ponctuel ou systématique ? Dans ce dernier cas, il pourrait y avoir des conséquences sur le format de ces unités.

Après le récent accident impliquant deux Rafale, la flottille embarquée pourra-t-elle être complétée rapidement ou bien faudra-t-il attendre ?

Qu’en est-il des deux Caracal qui pourraient être mis en service sur la base de Lanvéoc ? Comme vous l’avez indiqué en termes pudiques, nous nous heurtons à un vrai problème de disponibilité opérationnelle des moyens de secours en mer.

La programmation des équipements prévoit-elle l’armement des BPC en moyens de défense anti-aérienne ? Il est nécessaire, pour le moment, de déployer des frégates anti-aériennes lorsque ces bâtiments sont envoyés dans des zones sensibles.

M. Nicolas Dhuicq. L’administration américaine a décidé d’abandonner le bouclier anti-missiles continental mais pas le système de combat Aégis, qui équipe notamment les destroyers de classe Arleigh Burke aux États-Unis et les destroyers Kongo et Kirishima au Japon. Où en est la marine nationale dans sa réflexion sur l’utilisation des frégates Horizon dans le cadre d’une défense avancée du continent et des forces opérationnelles à la mer ?

Amiral Pierre-François Forissier. Nos moyens étant limités, je ne vous cache pas que nous ne pouvons pas embarquer des équipes de fusiliers marins sur tous les bateaux. Nous ne le faisons que ponctuellement et de façon ciblée, pour des bateaux à haute valeur économique, patrimoniale ou humaine. Compte tenu de ce qui s’était passé et des renseignements dont nous disposions, nous avons décidé de protéger les thoniers au large des Seychelles.

Cela étant, nous faisons déjà le maximum : si nous devions protéger d’autres navires, il faudrait choisir lesquels nous ne protégeons plus. Le principe est que les bateaux doivent participer à des convois, mais nous faisons également, dans la stricte limite de nos moyens, du « sur-mesure » pour ceux qui ne peuvent pas participer à ce type de dispositif.

S’agissant de la base de Nîmes-Garons, la marine sera remplacée par des unités de l’armée de terre au sein de la base de défense de Nîmes, de sorte que la population militaire devrait rester à peu près identique sur le site. Nos installations ne seront pas démantelées : elles changeront simplement d’utilisateur. Cette question est distincte de l’avenir de la tour de contrôle, qui relève aujourd’hui de la marine. Si la plateforme aéronautique n’a pas vocation à perdurer, il n’y aura pas lieu que la tour de contrôle reste en service ; nous la fermerons donc progressivement jusqu’à l’arrêt total de l’activité. Dans le cas contraire, je m’engage à passer le relais à l’organisme « repreneur » dès qu’il sera identifié en prenant le temps qu’il faudra pour assurer la continuité. Mais en tant que telle, la décision de maintenir ou non cette activité ne m’appartient pas.

La perte de deux Rafale contrecarre naturellement la montée en puissance de la deuxième flottille, à laquelle nous travaillions ; elle sera décalée d’autant.

Les appareils affectés à la base de Lanvéoc seront des EC 225 qui ne deviendront des Caracal qu’une fois leur mission de sauvegarde en mer terminée. En effet, nous avons besoin d’hélicoptères rapidement disponibles pour nos missions de sécurité maritime. Une fois que les NH 90 seront là, nous remettrons ces appareils à la disposition de l’ensemble de la communauté de défense et ils pourront alors recevoir des équipements complémentaires. La DGA met toute l’énergie qu’on lui connaît à résoudre les difficultés auxquelles nous nous heurtons pour obtenir ces appareils, notamment au plan industriel, mais je ne sais pas quand ils pourront être déployés sur le terrain.

Le modèle des forces résultant du Livre blanc comportait quatre BPC. Comme nous disposions de TCD relativement récents, la livraison de deux BPC avait été remise à plus tard, mais nous ne nous plaindrons pas du fait que le plan de relance ait accéléré le calendrier, bien au contraire : il est toujours préférable de disposer d’un parc aussi homogène que possible.

S’agissant de l’armement de ces BPC, la plus grande prudence me semble de mise : on ne peut pas se défendre contre les menaces aériennes sans disposer d’un système de défense complet. C’est pourquoi notre concept de forces navales comporte des bâtiments de protection spécialisés. Je n’imagine pas un seul instant de laisser un BPC sans couverture aérienne quand bien même il serait doté d’armes d’autodéfense. Nous ne pouvons pas courir de risque, surtout quand il y a des milliers de personnes évacuées à bord. Ce fut d’ailleurs la mauvaise surprise rencontrée lors de l’opération Baliste au large du Liban : les premiers renseignements dont nous disposions écartaient tout risque de tir de missile, si bien que le BPC était parti sans accompagnement ; quand nous avons appris que le Hezbollah disposait en réalité de missiles antinavires qu’il pouvait tirer depuis la terre, nous avons dû déployer très rapidement une frégate anti-aérienne. Le BPC est un bateau rustique et peu cher, qui correspond parfaitement à nos besoins. Comme il ne peut pas rester sans défense, nous sommes en train de l’équiper de moyens légers d’autodéfense, mais il n’est pas question d’aller au-delà, sans quoi nous en ferions un bateau ne correspondant plus à notre concept initial.

En revanche, grâce aux capacités extraordinaires des frégates Horizon, nous disposerons d’une véritable capacité de défense anti-aérienne de théâtre. Le système d’armes embarqué ne sera pas pour le moment utilisable contre des missiles balistiques, mais ses performances pourraient lui permettre d’atteindre ultérieurement cet objectif s’il était fixé par l’autorité politique, comme ce fut le cas aux États-Unis. Ce serait alors une simple question de coûts et de délais.

M. Damien Meslot. Quels sont les effectifs engagés dans l’opération Atalanta ? Quel en est coût ? Qu’est-il prévu pour le démantèlement et le remplacement de la Jeanne d’Arc ?

M. Philippe Folliot. Compte tenu des difficultés cumulées – un âge moyen des bâtiments de 21 ans, un maintien en condition opérationnelle de plus en plus difficile, des retards de livraison, un déficit à court terme en patrouilleurs et en avions de surveillance maritime –, la marine nationale aura-t-elle les moyens d’assurer dans de bonnes conditions ses différentes missions, notamment la protection de nos zones économiques exclusives – ZEE –, qui ne couvrent pas moins de 11 millions de kilomètres carrés ?

Amiral Pierre-François Forissier. La notion d’opérations extérieures revêt un sens particulier dans le cas d’activités navales. Quand on déploie des forces terrestres en Afghanistan, il y a des personnels, aisément identifiables, qui sont directement engagés sur le théâtre d’opération ou en soutien. Un bateau de la marine est, au contraire, en mission dès qu’il s’éloigne du port et il peut réaliser plusieurs missions différentes par jour. D’autre part, le jour de mer coûte aussi cher que l’on soit au large de Toulon ou dans le cadre d’Atalanta. Dans le cadre d’une opération militaire, la seule différence est la consommation de munitions.

Il est donc très délicat d’évaluer précisément le coût de l’opération Atalanta pour la marine. Ce que nous connaissons, ce sont nos coûts fixes. En réalité, la question ne porte pas sur ce que nous dépensons, mais à quoi nous le dépensons. En l’occurrence, bien que la participation à Atalanta soit variable dans le temps et dans l’espace, nous y consacrons en moyenne deux frégates et un avion.

Pour exister en tant que puissance maritime, il faut être en mer à certains endroits pendant un nombre suffisant de jours. Une marine restant à quai en attendant d’être déployée en cas de besoin n’est pas compatible avec la réalité de l’univers maritime. Si nos bâtiments ne participaient pas à Atalanta, ils ne resteraient donc pas à quai, mais seraient ailleurs en mer pour affirmer notre présence. Le fait de chasser ou non le pirate est secondaire de ce point de vue.

Nos ZEE ont l’inconvénient d’être grandes, éloignées et désertiques. Il n’est donc pas raisonnable d’envisager d’y être présents en permanence. Il faut avant tout être efficace. Si vous luttez contre les éléments pendant des semaines dans les « 40e Rugissants », vous êtes à la mer, mais vous n’y faites rien. Mieux vaudrait rester à quai pour économiser le pétrole et vos capacités. Notre présence dans les départements et collectivités d’outre-mer me semble, en revanche, indispensable. Contrairement aux Britanniques, qui n’ont plus de territoires d’outre-mer, nous ne pouvons pas envisager nos missions au départ de la métropole. Il faut que nous soyons capables de nous déployer en fonction de la demande, qui est difficilement anticipable. C’est pourquoi nous avons besoin d’au moins un moyen naval dans chaque collectivité d’outre-mer. C’est le cas aujourd’hui, et cela le demeurera, même si des réductions temporaires de capacité pourront se produire.

Notre vieille Jeanne d’Arc a parfaitement rempli ses missions, mais elle a fait son temps. Il faut bien en prendre acte. Nous n’avons plus les moyens d’affecter un bâtiment de combat à la fonction « école ». A l’heure actuelle, un porte-hélicoptères d’assaut tel que la Jeanne d’Arc doit être intégré dans les forces opérationnelles. Cela étant, les marins ne se forment pas en chambre : ils ont besoin de recevoir une instruction en opérations, c’est-à-dire loin, longtemps et en équipage. Comme nous avons un parc de grands bâtiments faits pour embarquer d’autres personnes que leur seul équipage, nous allons les utiliser à des fins de formation en opération. Nos élèves y côtoieront des personnels de l’armée de terre, ce qui leur sera utile dans une perspective interarmées et ils utiliseront un matériel moderne dont ils seront appelés à se servir plus tard.

C’est pourquoi je m’oppose formellement à ce que le nom de Jeanne d’Arc soit donné à un nouveau bâtiment : il finirait par être dédié uniquement à la fonction « école ». La mission remplie par la Jeanne d’Arc perdurera en revanche : les missions de formation réalisées par le Tonnerre, puis par d’autres bateaux, continueront à s’appeler « campagnes de formation Jeanne d’Arc ».

II. —  EXAMEN DES CRÉDITS

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Marguerite Lamour, les crédits de la Mission « Défense » : « Préparation et emploi des forces (marine) » pour 2010, au cours de sa réunion du mercredi 28 octobre 2009.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

Mme Patricia Adam. Je suis d’accord sur plusieurs points avec la rapporteure, notamment sur l’effort déjà réalisé par la marine en matière d’effectifs et d’organisation. Deux bases de défense sont de fait déjà en place à Toulon et à Brest et ont déjà permis des économies d’échelle.

S’agissant de l’étalement des programmes, je rappelle que, dans le rapport d’information sur l’exécution de la précédente loi de programmation militaire, nous avions souligné qu’un tel étalement avait conduit à accroître le coût unitaire des équipements et, finalement, à ne pas atteindre les objectifs prévus, faute de moyens budgétaires suffisants. Nous entrons dans la deuxième année d’application de la LPM et il semble que, déjà, on cherche à étaler les programmes. On peut donc être inquiet sur le respect des objectifs de cette loi.

Concernant le deuxième porte-avions, une mission d’information de notre commission, à laquelle je participais ainsi que la rapporteure, avait proposé de retenir un mode de propulsion nucléaire. Or, on se repose aujourd’hui cette même question et, après le choix fait à l’époque par le Président de la République, nous revenons au point de départ en ayant entre-temps perdu près de trois ans. Si une nouvelle mission devait être lancée à présent, elle aboutirait aux mêmes conclusions. Il est dommage de ne pas profiter du retour d’expérience du prototype que constitue le premier porte-avions Charles de Gaulle. Je trouve d’ailleurs les médias particulièrement sévères à son égard quand on connaît l’appréciation très positive portée par les états-Unis.

Mme Marguerite Lamour, rapporteure pour avis. La présente LPM a, contrairement à la précédente, intégré l’étalement des programmes. S’agissant du deuxième porte-avions, le choix du propulseur nucléaire était la suite logique de l’expérience tirée du premier bâtiment. Quant au retard enregistré, il s’explique par la difficulté à dépasser la « bosse » budgétaire mais également par les contraintes liées à la coopération franco-britannique sur le projet. Aujourd’hui, chacun s’accorde à travailler pour proposer le format le plus économique possible et répondant au mieux aux besoins opérationnels.

M. Bernard Cazeneuve. Je suis plus réservé que vous sur l’acceptation par la marine nationale des efforts supplémentaires qui lui sont demandés. Elle en avait déjà fait beaucoup avant l’application de la RGPP et du Livre blanc et on lui demande d’en faire encore plus que les autres armées, en lui imposant une réduction de 11 % de ses effectifs : cela pose aux officiers chargés de la mettre en œuvre des problèmes inextricables.

Concernant le programme FREMM, il a été lancé lors de la précédente législature sans que son financement soit garanti : 6/19e devaient être financés par le ministère de la défense et le solde par le ministère du budget, mais les crédits correspondant à cette seconde part n’avaient pas été budgétés. Ce mode de financement est-il toujours en vigueur ou a-t-il été modifié dans le cadre de la LPM ?

Au sujet de l’étalement des programmes, j’observe que pour les FREMM, il ne s’agit pas d’un étalement, mais bien d’une réduction du format, qui passe de 19 à 11. Le programme Barracuda a un an et demi de retard par rapport à ce qu’avait prévu le contrat signé entre DCN et l’État : quelles précisions pouvez-vous apporter sur le calendrier de sa réalisation ? Quant au second porte-avions, ce qui avait présidé au choix du propulseur nucléaire était le coût de la maintenance, intégré à l’évaluation budgétaire : a-t-on refait des évaluations en la matière ? Est-on sûr que le coût de la propulsion nucléaire soit supérieur à celui d’une propulsion classique ?

Mme Marguerite Lamour, rapporteure pour avis. Le témoignage que je vous ai apporté découle directement des entretiens que j’ai eus avec les marins de tous grades que j’ai pu rencontrer. Il est vrai que la réalisation du plan de réduction des effectifs est complexe à réaliser, tout particulièrement durant ses premières années car la réorganisation du ministère nécessite, en parallèle, la création de nouveaux postes d’encadrement. Mais la marine se conformera aux objectifs finaux qui lui ont été fixés. Le programme FREMM a certes été à la fois réduit et étalé, avec un objectif de réalisation en 2015-2020. En revanche, son financement est intégralement prévu par la LPM. S’agissant du second porte-avions, on étudie actuellement les moyens d’en réduire le coût global : une enveloppe d’une cinquantaine de millions d’euros est prévue à cet effet dans les crédits recherche. Enfin, si le programme des SNA Barracuda ne devrait pas faire l’objet d’étalements supplémentaires, les périodes d’indisponibilité pour entretien et réparation (IPER) des bâtiments de type Rubis ont quant à elles été espacées pour raison d’économies, ce qui risque d’entraîner des réductions temporaires de capacités.

M. François Cornut-Gentille. Je rappelle que, pour les FREMM comme pour les Rafale, les projections de la LPM ne seront tenables que si ces équipements sont également exportés.

*

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission de la défense a donné un avis favorable au programme « Préparation et emploi des forces (marine) ».

*

* *

La commission de la défense a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la Mission « Défense ».

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

1. À Paris :

— l’amiral Pierre-François FORISSIER, chef d’état-major de la marine ;

— le vice-amiral Benoît Olivier LAJOUS, directeur du personnel militaire de la marine ;

— M. Jean-Michel LABRANDE, directeur du service de soutien de la flotte (SSF) ;

— M. Patrick BOISSIER, président directeur général de DCNS.

2. À Brest, le 9 octobre 2009 :

— le vice-amiral d’escadre Anne-François de SAINT SALVY, préfet maritime et commandant en chef pour la zone maritime Atlantique (CECLANT) ;

— le vice-amiral Jean-François BAUD, commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique (ALFOST) ;

— le capitaine de vaisseau Bertrand DEMEZ, adjoint du contre-amiral Jean-Pierre Labonne, adjoint organique à Brest de l’amiral commandant la force d’action navale ;

— le contre-amiral Franck JOSSE, commandant de la base de défense de Brest ;

— des personnels de tous grades et toutes affectations sur la base navale de Brest.

N. B. : Le déplacement à Toulon, prévu le lundi 12 octobre, a dû être annulé au dernier moment et sera réalisé par le rapporteur durant le mois de novembre 2009.

© Assemblée nationale

1 () Équivalent temps plein travaillé.

2 () Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (tome 1), juin 2008, p. 228.

3 () Loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense ; rapport annexé.

4 () Le taux de disponibilité technique correspond au pourcentage de jours durant lesquels le bâtiment a été effectivement disponible au cours d’un mois. Seuls sont pris en compte les bâtiments qui ne sont ni en « indisponibilité périodique pour entretien et réparation » (IPER), ni en « indisponibilité sur aléas » (IA). La disponibilité technique garantit l’aptitude à prendre la mer en remplissant au moins une des missions génériques : il s’agit d’une mesure qui repose principalement sur la disponibilité des plateformes et plus particulièrement des systèmes propulsifs. Cela ne signifie pas que les navires soient en pleine capacité opérationnelle.

5 () En maintenance (sur base) ou en ligne (flottille).

6 () OACI : Organisation de l’aviation civile internationale.

7 () Loi programmation militaire pour les années 2009 à 2014, rapport annexé, op. cit.

8 () Ibid.

9 () Loi programmation militaire pour les années 2009 à 2014, rapport annexé, op. cit.

10 () Loi programmation militaire pour les années 2009 à 2014, rapport annexé, op. cit..

11 () Loi programmation militaire pour les années 2009 à 2014, rapport annexé, op. cit.