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N° 1974

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946),

TOME II

FONCTION PUBLIQUE

PAR M. Bernard DEROSIER,

Député.

Voir le numéro : 1967 (annexe 25).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur au plus tard le 10 octobre 2009.

À cette date, environ 77 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur.

INTRODUCTION 5

I. ––  LE BUDGET DE LA FONCTION PUBLIQUE 7

A. L’ACTION DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE L’ADMINISTRATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE (D.G.A.F.P.) 7

1. L’opacité du projet de loi de finances sur les moyens de la DGAFP 7

2. Les crédits et les objectifs de la DGAFP 8

B. LA FORMATION DES FONCTIONNAIRES 8

1. Les écoles interministérielles de service public 8

a) L’École nationale d’administration 8

b) Les instituts régionaux d’administration 10

2. La formation interministérielle 11

a) Les crédits consacrés à la formation interministérielle 11

b) Les incertitudes sur le financement du droit individuel à la formation 12

3. Les perspectives de réforme de la formation des fonctionnaires de l’État 13

C. L’ACTION SOCIALE 14

1. La réforme du financement de la protection sociale complémentaire des agents 14

a) La définition d’un système de financement conforme au droit communautaire 14

b) Le renouvellement des opérateurs 14

2. Les prestations sociales interministérielles 15

a) La montée en charge des aides aux familles 16

b) Les aides au logement 17

c) La quasi suppression des aides aux retraités 18

d) La rénovation des restaurants inter-administratifs 18

e) Les crédits des sections régionales interministérielles d’action sociale 19

3. L’action sociale ministérielle 19

II. –– LA PRIORITÉ DONNÉE À LA RÉDUCTION DU COÛT DE LA FONCTION PUBLIQUE 20

A. LA POURSUITE DE LA RÉDUCTION DES EFFECTIFS DE FONCTIONNAIRES 20

B. LA RÉMUNÉRATION DES FONCTIONNAIRES SOUS CONTRAINTE 22

1. Une faible revalorisation du point d’indice 22

2. Les mesures particulières destinées à compenser les pertes de pouvoir d’achat 23

III. ––  LA POLITIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUE 26

A. LA DIVERSIFICATION DES RECRUTEMENTS 26

1. L’objectif de diversité dans la fonction publique 26

2. La place croissante du contrat 28

3. Le recrutement de la haute fonction publique 29

B. LA « DÉMARCHE MÉTIER » ET L’ACCROISSEMENT DE LA MOBILITÉ 30

1. Les fusions de corps 30

2. La loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique 31

C. L’AMÉLIORATION DU DIALOGUE SOCIAL 34

1. Le projet de définition d’un cadre juridique du dialogue social 34

2. L’ouverture de négociations sur les conditions de travail des seniors 35

EXAMEN EN COMMISSION 37

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 49

MESDAMES, MESSIEURS,

Le programme « Fonction publique » regroupe, au sein de la mission ministérielle « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » les crédits relatifs à la formation interministérielle des fonctionnaires et à l’action sociale interministérielle, ainsi que quelques crédits correspondant aux missions d’étude et de communication de la direction générale de l’administration et de la fonction publique. Ce programme ne recouvre donc pas l’ensemble des actions engagées au niveau interministériel en matière de fonction publique.

Ce périmètre limité explique la modestie des crédits consacrés au programme avec, en 2010, 246 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 222 millions d’euros de crédits de paiement, soit environ 2 % des crédits de la mission.

Par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale pour 2009, les autorisations d’engagement subissent une diminution de 46 %, tandis que les crédits de paiement sont réévalués de 1,2 %. Cette évolution s’explique principalement par la croissance du nombre de bénéficiaires des prestations d’action sociale et par l’arrivée à échéance en 2009 de la convention passée avec la Mutualité Fonction publique pour la gestion de ces prestations.

Le tableau suivant retrace la ventilation des crédits du programme entre les deux actions, « Formation des fonctionnaires » et « Action sociale interministérielle », ainsi qu’entre les différents titres.

 

Autorisations d’engagement
(en euros)

Crédits de paiement
(en euros)

 

LFI 2009

PLF 2010

FDC et ADP (1) attendus en 2010

LFI 2009

PLF 2010

FDC et ADP attendus en 2010

Programme « Fonction publique »

454 076 551

246 025 000

1 600 000

220 143 609

222 750 000

1 600 000

Formation des fonctionnaires

82 393 218

83 365 000

82 393 218

83 365 000

Action sociale interministérielle

371 683 333

162 660 000

1 600 000

137 750 391

139 385 000

1 600 000

Titre 2, dépenses de personnel

500 000

350 000

500 000

350 000

Titre 3, dépenses de fonctionnement

433 883 168

222 846 850

1 000 000

198 797 226

196 921 203

1 000 000

Titre 5, dépenses d’investissement

15 308 793

18 416 901

600 000

16 461 793

21 067 548

600 000

Titre 6, dépenses d’intervention

4 384 590

4 411 249

4 384 590

4 411 249

FDC : fonds de concours ; ADP : attribution de produits.

Source : documents budgétaires.

Au-delà des crédits du programme « Fonction publique », les dépenses totales liées à la fonction publique sont, comme au cours des années précédentes, sous contrainte. La priorité du Gouvernement reste la diminution du coût de la fonction publique au moyen de la réduction des effectifs et du ralentissement des revalorisations salariales.

En matière statutaire, après l’adoption de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, les principaux axes de réforme retenus par le Gouvernement pour l’année 2010 sont la réforme des modes de recrutement et la reconnaissance du dialogue social avec les organisations représentant les agents publics.

I. ––  LE BUDGET DE LA FONCTION PUBLIQUE

En 2010, les crédits de paiement du programme « Fonction publique » se répartissent entre 83,365 millions d’euros pour la formation des fonctionnaires et la politique de gestion des ressources humaines au niveau interministériel (37,4 %) et 139,385 millions d’euros pour l’action sociale interministérielle (62,6 %).

A. L’ACTION DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE L’ADMINISTRATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE (D.G.A.F.P.)

La principale mission de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) consiste à piloter la politique de la fonction publique au niveau interministériel. La DGAFP est ainsi en charge des évolutions statutaires générales, de la promotion de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, du dialogue avec les organisations syndicales et de la définition de la politique des ressources humaines, en particulier le développement d’une approche par métiers plutôt que par corps et l’extension de la rémunération à la performance.

1. L’opacité du projet de loi de finances sur les moyens de la DGAFP

L’action de la DGAFP n’apparaît pas en tant que telle dans le projet de loi de finances. Les crédits de personnel de cette direction ne sont pas, en effet, inscrits dans le programme « Fonction publique » mais dans l’action « Politique de la fonction publique » du programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État ». En 2010, ces crédits devraient s’élever à 10,8 millions d’euros, ce qui correspond à un plafond d’emplois de 149 emplois en équivalent temps plein travaillé.

On peut ajouter que, au sein de ce programme, 8,9 millions d’euros sont consacrés à la gestion des systèmes d’information et du système de la paye par l’Opérateur national de paye, qui est partiellement rattaché à la DGAFP (1). Un nouveau système d’information devrait ainsi être mis en place au niveau interministériel pour faciliter la gestion de la paye des fonctionnaires, ainsi que l’analyse et le pilotage des dépenses de personnel. Ce système d’information pourrait s’appliquer aux trois fonctions publiques.

Les moyens de fonctionnement courant de la DGAFP sont, pour leur part, mutualisés au sein du programme « Conduite et pilotage des politiques économiques et financière ».

2. Les crédits et les objectifs de la DGAFP

Au sein du programme « Fonction publique », les crédits de fonctionnement consacrés aux publications et au travail d’information de la DGAFP restent stables en 2010, comme l’indique le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES D’ÉTUDES ET DE COMMUNICATION

 

LFI 2007

LFI 2008

LFI 2009

PLF 2010

Revue « Service public »

600 000

650 000 €

650 000 €

650 000 €

Publications

400 000

400 000 €

380 000 €

380 000 €

Subventions aux associations

150 000

100 000 €

30 000 €

30 000 €

Conventions avec l’INSEE

30 000

30 000 €

 

Études et enquêtes

320 000

320 000 €

300 000 €

300 000 €

Organisation de séminaires, participation à des salons ou des colloques

200 000

200 000 €

150 000 €

150 000 €

TOTAL

1 800 000 €

1 700 000 €

1 510 000 €

1 510 000 €

Source : documents budgétaires.

Par ailleurs, le montant de l’enveloppe des subventions aux organisations syndicales est fixé à 2,36 millions d’euros en 2010, soit une diminution de 1,5 % par rapport à 2009. Cette somme sera répartie entre les huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique de l’État.

L’une des principales actions de la DGAFP consiste à organiser des conférences de gestion prévisionnelle des ressources humaines pour aider les différents ministères à développer une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC). Depuis 2007, tous les ministères participent à ces conférences, qui ont été au nombre de seize en 2009.

L’indicateur 1.1 du projet annuel de performance évalue les résultats obtenus par la DGAFP en la matière en mesurant l’état d’avancement de la mise en œuvre, dans chaque ministère, d’un plan de gestion prévisionnelle des ressources humaines, de scénarios sur l’évolution des personnels et d’un répertoire des métiers. L’objectif fixé en 2010 est de passer d’un taux de mise en œuvre de 85 % à 92 %, avec une cible de 100 % en 2011.

B. LA FORMATION DES FONCTIONNAIRES

1. Les écoles interministérielles de service public

a) L’École nationale d’administration

La dotation de l’École nationale d’administration (ENA) augmente de 1,3 % en 2010 pour tenir compte, d’une part, de l’évolution du taux du compte d’affectation spéciale « Pensions » et, d’autre part, de la création d’une classe préparatoire intégrée (2). Son montant s’établit à 36 135 000 euros et permet de couvrir les trois quarts des dépenses de l’École.

Environ 45 % de cette dotation finance la formation initiale des élèves fonctionnaires, qui devrait faire l’objet d’une nouvelle réforme de la scolarité. Le principal objectif de la réforme prévue est de réduire encore la durée des formations académiques au profit d’un allongement du stage en entreprise et d’une réduction de la durée totale de la scolarité de 27 à 24 mois. En outre, afin de professionnaliser le recrutement, serait introduite une période de formation en alternance entre l’affectation du fonctionnaire et la titularisation de celui-ci. Elle consisterait en un travail directement en rapport avec le futur poste, co-piloté par l’ENA et l’employeur.

Les dépenses de formation continue, de coopération internationale et de recherche sont financées en partie par la dotation budgétaire et en partie par les ressources propres de l’École, à travers les formations payantes. Il convient de signaler que la participation française au Master européen de gouvernance et d’administration (MEGA), un programme diplômant franco-allemand de formation des hauts fonctionnaires, n’est désormais plus inscrite au budget de l’État. Il reviendra à l’ENA de financer ce programme par des redéploiements de ses ressources. Il en est de même pour le Cycle des hautes études européennes. Du fait du désengagement de l’État, les formations internationales vont donc dépendre très largement des recettes propres de l’ENA, comme votre rapporteur l’avait souligné dans son rapport sur les formations internationales des agents publics (3).

En 2009, l’accroissement des dépenses de l’ENA aussi bien en matière de formation initiale que de formation continue a été compensé par une nette diminution des dépenses dites de « soutien » (- 33,5 %), notamment due à la diminution des charges de personnel.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L’ÉCOLE NATIONALE D’ADMINISTRATION
(en milliers d’euros)

 

2008

2009

Évolution 2008-2009

Formation initiale

14 520

16 372

+ 17,8 %

Formation continue

3 409

3 764

+ 10,4 %

Coopération administrative internationale

4 537

4 818

+ 6,2 %

Recherche et publications

792

1 208

+ 52,5 %

Aide à la préparation aux concours administratifs

7 519

9 499

+ 26,3 %

Centre des études européennes

3 590

3 630

+ 1,1 %

Soutien

11 458

7 617

- 33,5 %

Total

45 825

46 908

+ 2,4 %

Source : documents budgétaires.

b) Les instituts régionaux d’administration

La dotation des instituts régionaux d’administration (IRA) est fixée à 40 845 000 euros, soit une diminution de 1,9 % par rapport à 2009, malgré la stabilité du nombre d’élèves (640) et les charges nouvelles engendrées par la création de classes préparatoires intégrées et par la revalorisation du régime indemnitaire des personnels (4). Ces charges supplémentaires seront compensées par des économies de fonctionnement.

En 2009, les subventions versées aux IRA ont couvert près de 95 % des dépenses des IRA, les ressources propres ne représentant que 1,28 million d’euros. Les dépenses des IRA se sont réparties entre 34 734 000 euros pour la formation initiale (77 %) et 2 462 000 euros pour la formation continue (6 %), les fonctions supports représentant 7 721 000 euros (17 %).

Le 6 juillet 2009, une nouvelle convention pluriannuelle d’objectifs et de performance a été signée par le directeur général de l’administration et de la fonction publique et les directeurs des cinq IRA – Bastia, Lille, Lyon, Metz et Nantes.

Les réformes des IRA et de l’ENA n’ont pas d’impact significatif sur le coût annuel de la formation d’un fonctionnaire, retracé dans l’indicateur 2.1 du projet annuel de performance. Pour l’ENA, ce coût devrait stagner à 65 300 euros en 2010 et, pour les IRA, il devrait passer de 51 000 à 51 500 euros.

2. La formation interministérielle

a) Les crédits consacrés à la formation interministérielle

Les crédits consacrés à la formation interministérielle des fonctionnaires restent globalement stables en 2010, sous réserve de certains redéploiements internes.

En premier lieu, les crédits de personnels permettant de rémunérer les fonctionnaires qui assurent les formations passent de 500 000 à 350 000 euros, tandis que les crédits de fonctionnement consacrés aux actions de formation déconcentrées sont abondés de 150 000 euros. Selon les indications données dans le projet annuel de performance, ce redéploiement des crédits fait suite à la sous-consommation des crédits de personnels. Les formations sont plus fréquemment assurées par des prestataires extérieurs que par des fonctionnaires.

En second lieu, les crédits destinés aux associations et écoles intervenant en matière de formation sont réduits de 45 %. Cette économie de 20 000 euros permet de revaloriser le montant de la subvention versée à l’Institut européen d’administration publique de Maastricht, qui ne retrouve cependant pas son niveau de 2008.

CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT
CONSACRÉS À LA FORMATION INTERMINISTÉRIELLE

Actions de formation

LFI 2008

LFI 2009

PLF 2010

Dépenses de personnel

800 000 €

500 000 €

350 000 €

Organisation des concours d’entrée aux IRA

170 000 €

150 000 €

150 000 €

Formation interministérielle au niveau central

80 400 €

70 000 €

70 000 €

Formation interministérielle au niveau déconcentré

1 000 000 €

1 300 000 €

1 450 000 €

Actions de formation au niveau international

820 000 €

n.c.

n.c.

Instituts et centres de préparation à l’administration générale

416 000 €

415 500 €

415 500 €

Associations et écoles intervenant en matière de formation

44 500 €

44 500 €

24 500 €

Total des dépenses de fonctionnement

2 530 900 €

1 980 000 €

2 110 000 €

Subvention de l’Institut européen d’administration publique

65 000 €

35 000 €

55 000 €

Total des dépenses d’intervention

65 000 €

35 000 €

55 000 €

TOTAL

3 395 900 €

2 515 000 €

2 515 000 €

Source : documents budgétaires.

Une partie de la dotation de 415 000 euros versée aux instituts et centres de préparation à l’administration générale (IPAG/CPAG) sera consacrée au financement de classes préparatoires intégrées. Les IRA ont en effet conclu des partenariats avec les IPAG et les CPAG pour mettre en place leurs classes préparatoires. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le financement de ces programmes représentera un montant total de 100 000 euros.

Il convient enfin de signaler que l’organisation des formations au niveau déconcentré sera prochainement revue. Aujourd’hui, cette organisation repose principalement sur le réseau des délégués régionaux à la formation, qui mettent en place les programmes de formation continue interministérielle. Dans le cadre de la réforme de l’administration territoriale de l’État, un décret du 25 mai 2009 a prévu la constitution de plates-formes régionales d’appui interministériel à la gestion des ressources humaines (5). Le « conseiller formation » de chaque plate-forme sera désormais chargé de la mise en œuvre des formations interministérielles, mais devra également favoriser la mutualisation des moyens des différents ministères en matière de formation.

b) Les incertitudes sur le financement du droit individuel à la formation

Le niveau des crédits destinés à financer les actions de formation continue des fonctionnaires, qui reste inférieur à celui de 2008, laisse planer des incertitudes sur l’effectivité du droit à la formation reconnu aux fonctionnaires en 2007.

Les lois du 2 février 2007 relative à la modernisation de la fonction publique et du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale avaient pour ambition de développer un « droit à la formation tout au long de la vie » pour tous les agents publics. Leur mise en application montre des résultats beaucoup plus modestes.

Le droit individuel à la formation (DIF), pierre angulaire de la formation continue, reste subordonné à l’accord de l’employeur, qui juge si les demandes de formation sont compatibles avec les nécessités du service. Or la Cour des comptes a estimé le coût total du DIF, s’il est utilisé par tous les agents des trois fonctions publiques, à près de 5,5 milliards d’euros, dont la moitié pour l’État. Il en résulte que le DIF n’est pas encore mis en œuvre dans la plupart des administrations et qu’il n’est pas donné suite aux éventuelles demandes des agents. Votre rapporteur regrette, à cet égard, la suppression de tout indicateur relatif à la mise en œuvre et à la consommation du DIF dans le projet annuel de performances. Il serait extrêmement regrettable que le DIF reste un droit purement théorique pour les agents.

Selon les réponses adressées par le ministère à votre rapporteur, l’instauration du DIF ne devrait pas se traduire par un accroissement net de la formation. Ce nouveau droit se substituera aux actions de formation existantes. De ce fait, il ne peut que difficilement être qualifié de « droit individuel » s’il est utilisé pour les formations qui répondent aux besoins des administrations et non au souhait des agents. Les lois de 2007 n’entraîneront donc aucune amélioration de la formation des agents, qu’elles étaient censées développer.

En outre, dans la fonction publique territoriale, la loi du 19 février 2007 a eu des effets pervers. L’extension de la formation initiale obligatoire à l’ensemble des agents territoriaux à coûts constants s’est traduite par une réduction drastique de la formation des agents de catégorie A ou B. Leur formation initiale a ainsi été réduite à cinq jours, ce qui est jugé insuffisant par un grand nombre d’acteurs, notamment au regard des formations dispensées aux agents de l’État. Le reste des besoins en formation est ainsi renvoyé à la formation continue, et notamment au DIF.

Il apparaît, en définitive, que la loi a réduit la place des formations obligatoires au profit d’une formation continue qui reste largement facultative.

3. Les perspectives de réforme de la formation des fonctionnaires de l’État

En février 2009, M. Raymond-François Le Bris a remis un rapport sur la formation initiale des agents de l’État et les écoles du service public. Il recommande, à l’instar de la fonction publique territoriale, une réduction de la durée de formation dans les écoles, ainsi qu’une réduction systématique de moitié des formations théoriques, qui font souvent double emploi avec l’enseignement supérieur. La formation serait plus professionnalisée et laisserait une plus grande part aux stages. Il propose également de développer la formation en alternance, en partenariat avec les employeurs publics.

Par ailleurs, le rapport souligne que l’existence de 169 écoles du service public, réparties entre 99 villes, conduit à une dispersion des moyens et à des coûts de gestion élevés. L’État dépense ainsi 3,4 milliards d’euros par an pour la formation initiale de ses fonctionnaires. En conséquence, le rapport invite le Gouvernement à procéder à des regroupements au sein de ces écoles, notamment en supprimant certaines écoles implantées dans des villes de taille modeste. Des rapprochements pourraient également être effectués entre les corps relevant d’une même filière professionnelle ou entre les différentes fonctions publiques.

À la suite de ce rapport, une concertation a été engagée depuis mai 2009 avec les syndicats sur l’évolution de la formation professionnelle. Celle-ci deviendrait plus professionnalisée et plus individualisée. La durée des formations, notamment initiales, serait réduite afin d’en diminuer le coût.

C. L’ACTION SOCIALE

1. La réforme du financement de la protection sociale complémentaire des agents

a) La définition d’un système de financement conforme au droit communautaire

La loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique a défini un nouveau cadre juridique pour la participation des employeurs publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents, afin de rendre celle-ci conforme au droit communautaire. Ce dispositif est applicable aux trois fonctions publiques.

La mise en œuvre de ces dispositions dans la fonction publique de l’État a été relativement rapide, le décret d’application étant publié le 21 septembre 2007. Ce décret prévoit le financement par les employeurs publics d’un ou plusieurs organismes de référence, sélectionnés après mise en concurrence. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, la plupart des ministères ont sélectionné leur organisme de référence.

Il n’en va pas de même dans la fonction publique territoriale, où le nouveau dispositif n’est toujours pas applicable. L’adoption d’un texte réglementaire a été retardée en raison de la nécessité de modifier la loi. La loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a ainsi instauré des dispositions propres au financement de la protection sociale complémentaire des agents territoriaux. Le respect de la condition de solidarité pourra être apprécié au moyen d’un label, qui sera décerné par l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Les centres de gestion pourront se charger de la mise en concurrence et de la négociation de contrats-cadres, auxquelles les collectivités pourront souscrire. En raison de cette modification législative, l’adoption des textes réglementaires, qui conditionne l’entrée en vigueur effective du dispositif, ne pourra pas intervenir avant 2010.

Votre rapporteur souhaite que l’adoption des textes réglementaires relatifs à la fonction publique territoriale intervienne rapidement, afin de développer la participation des employeurs territoriaux à la protection sociale des leurs agents. Aujourd’hui, seule une collectivité sur cinq y participe. Or la protection sociale complémentaire revêt une importance croissante compte tenu de la baisse des taux de remboursement pratiqués par la sécurité sociale.

b) Le renouvellement des opérateurs

Afin de maîtriser les coûts de gestion liés aux différentes prestations sociales, le Gouvernement a délégué la gestion de certaines prestations à différents opérateurs à l’issue d’appels d’offres nationaux.

La convention entre l’État et la Mutualité Fonction publique est arrivée à échéance le 1er avril 2009, ce qui a imposé de trouver un nouveau prestataire pour les chèques vacances, l’aide à l’installation des personnels de l’État et le chèque emploi service universel (CESU). Les chèques vacances sont désormais gérés par la société Extélia et les CESU par la société ACE. L’aide à l’installation des personnels de l’État reste gérée par la Mutualité Fonction publique.

Cette mise en concurrence a tout d’abord l’avantage de sécuriser notre dispositif de participation à la protection sociale des agents au regard du droit communautaire. Elle a ensuite permis de sélectionner les opérateurs proposant les solutions financièrement les plus avantageuses. En conséquence, la part du coût de gestion des prestations est passée de 5,05 % en 2008 à 3,18 % en 2009. L’indicateur 3.2 du projet annuel de performance affiche l’objectif d’abaisser cette proportion à 1,2 % en 2010.

2. Les prestations sociales interministérielles

Les autorisations d’engagement prévues en matière d’action sociale interministérielle passent de 373 à 163 millions d’euros, soit une diminution de 56 %. Les autorisations d’engagement avaient en effet été fixées à un niveau particulièrement élevé en 2009 en raison de l’arrivée à échéance des conventions conclues avec la Mutualité Fonction publique pour la gestion des principales prestations sociales. Les nouvelles conventions ayant été conclues pendant l’année 2009, les besoins seront moindres en 2010.

Les crédits de paiement sont reconduits à leur niveau de 2009. À l’intérieur de cette enveloppe, il est procédé à une réorganisation de l’action sociale au profit des dispositifs créés en 2006 en matière d’aide aux familles et de la rénovation des restaurants inter-administratifs. La montée en charge de ces prestations est financée grâce à la suppression de l’aide ménagère à domicile pour les retraités.

RÉPARTITION DES CRÉDITS D’ACTION SOCIALE INTERMINISTÉRIELLE

 

LFI 2009

PLF 2010

Évolution 2009-2010

Autorisations d’engagement

373 317 942 €

162 660 000 €

- 56 %

Aide aux familles

305 495 942 €

125 874 513 €

- 59 %

Retraités

17 710 000 €

1 996 249 €

- 89 %

Logement

32 805 000 €

14 572 337 €

- 56 %

Restauration

15 507 000 €

18 416 901 €

+ 19 %

Sections régionales interministérielles d’action sociale

1 800 000 €

1 800 000 €

0 %

Crédits de paiement

139 385 000 €

139 385 000 €

0 %

Aide aux familles

87 760 000 €

100 641 366 €

+ 15 %

Retraités

17 710 000 €

1 996 249 €

- 89 %

Logement

15 455 000 €

13 879 837 €

- 10 %

Restauration

16 660 000 €

21 067 548 €

+ 26 %

SRIAS

1 800 000 €

1 800 000 €

0 %

a) La montée en charge des aides aux familles

La plupart des prestations destinées aux familles progressent de manière dynamique en raison de la croissance du nombre de bénéficiaires, à l’exception des chèques vacances.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
CONCERNANT LES AIDES AUX FAMILLES

(en millions d’euros)

Catégorie de prestations

LFI 2009

PLF 2010

Chèque vacances

42,21

34,7

CESU garde d’enfants de 0 à 3 ans

21,4

31,8

CESU garde d’enfants de 3 à 6 ans

14.64

23,5

Réservations de places en crèche

9,51

10,64

Source : documents budgétaires.

•  Les dépenses consacrées au chèque vacances sont estimées à 34,7 millions d’euros en 2010, soit une diminution de 17,8 % par rapport au montant prévu en 2009 (42,21 millions d’euros). Cette diminution n’est pas due à une diminution du nombre de bénéficiaires, puisque celui-ci était de 143 500 en 2008, de 144 000 en 2009 et est estimé à 145 000 en 2010. Elle s’explique partiellement par le fait que de nombreux plans d’épargne étaient arrivés à échéance en 2008-2009 et par le changement de prestataire. Ainsi, sur l’année 2009, seuls 30,82 millions d’euros devraient finalement être consommés.

•  Après un démarrage plutôt lent en raison d’un nombre élevé de crèches refusant ce moyen de paiement, le chèque emploi service universel CESU-garde d’enfant s’est diffusé plus largement en 2009. La généralisation de cette prestation est mise en évidence par l’indicateur 3.3 du projet annuel de performance, qui mesure le taux de pénétration des deux prestations CESU-garde d’enfant, destinées respectivement aux enfants de moins de trois ans et aux enfants de trois à six ans. Le CESU est aujourd’hui utilisé par 82 % des bénéficiaires potentiels, ce taux devant atteindre les 92 % en 2010, avec 172 000 bénéficiaires. Il apparaît donc que cette prestation correspond à un réel besoin des agents.

L’augmentation du nombre de bénéficiaires justifie une augmentation des crédits en 2010 de 48,6 % pour le CESU-garde d’enfant de 0 à 3 ans et de 41,2 % pour le CESU-garde d’enfant de 3 à 6 ans. Cette forte progression ne s’explique pas uniquement par l’accroissement du nombre de bénéficiaires, mais également par le fait que les crédits avaient été manifestement sous-évalués en 2009. La loi de finances pour 2009 reposait sur une estimation totale de 101 000 bénéficiaires, alors même que, dès 2008, on a compté près de 142 000 bénéficiaires.

•  Les crédits de paiement consacrés aux réservations de places en crèche augmentent de 11,9 % en 2010. Le nombre de berceaux ainsi réservés n’est pas précisé.

b) Les aides au logement

Les crédits d’aide au logement diminuent sensiblement du fait de la réduction des dotations allouées à l’aide à l’installation des personnels de l’État et au prêt mobilité. Ces deux prestations, qui ont été réformées en 2008, ont bénéficié à moins d’agents que prévu.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
CONCERNANT LES AIDES AU LOGEMENT

(en millions d’euros)

Catégorie de prestations

LFI 2009

PLF 2010

Aide à l’installation des personnels

7 390 000 €

6 117 337 €

Prêt mobilité

2 180 000 €

1 000 000 €

Réservations de logements sociaux

5 885 000 €

6 762 500 €

Les crédits destinés à l’aide à l’installation des personnels de l’État (AIP), qui permet aux agents tenus de déménager de percevoir un montant variant de 500 à 900 euros (6) pour compenser les frais d’installation, connaissent une diminution de 17,2 % en 2010. En effet, alors que le nombre de bénéficiaires de cette prestation était estimé à 9 000 en 2009, seules 8 000 demandes devraient finalement être enregistrées. En conséquence, l’estimation du nombre de bénéficiaires en 2010 a été ramenée à 8 400 personnes.

Les crédits consacrés au prêt mobilité, créé en 2007, font l’objet d’un réajustement similaire. En 2009, une dotation de 2,18 millions d’euros avait été prévue, sur la base de 15 000 bénéficiaires attendus. Or le nombre réel de bénéficiaires devrait rester très en deçà de cette estimation, probablement en raison du caractère encore récent de cette prestation et de l’insuffisante information des bénéficiaires potentiels. Ainsi, seules 249 personnes ont perçu un tel prêt en 2008 et environ 300 en 2009. En conséquence, la dotation prévue pour 2010 est réduite de 54 %, ce qui correspond environ à 600 bénéficiaires.

En revanche, les crédits consacrés aux réservations conventionnelles de logements sociaux, qui avaient connu une diminution de 4,4 % en 2009, sont réévalués de 15 % en 2010. Ce dispositif devrait en effet monter en charge avec retard du fait du délai qui s’écoule entre la signature de la convention de réservation de logements, qui intervient au moment où sont conclus les projets de construction, et la livraison des logements. Or seule la moitié du prix de la réservation est acquitté à la signature de la convention, l’autre moitié étant versée lors de la mise à disposition effective des logements.

c) La quasi-suppression des aides aux retraités

Les aides aux retraités ont représenté, jusqu’en 2008, une composante à part entière de l’action sociale interministérielle, reposant principalement sur l’aide ménagère à domicile. La suppression de cette prestation, qui n’est remplacée par aucun dispositif comparable, aboutit à une suppression de près de 90 % des crédits à destination des retraités.

L’aide ménagère à domicile a été supprimée à compter du 1er avril 2009 et ne bénéficie donc plus d’aucune dotation budgétaire. Cette suppression est d’autant plus regrettable que cette prestation répondait à un réel besoin des agents et connaissait une progression régulière du nombre de bénéficiaires. En outre, elle constituait le pendant d’une prestation versée aux salariés du secteur privé par la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le Gouvernement a mis fin à cette prestation pour engager une réflexion sur le champ et les modalités des aides aux retraités, parallèlement aux évolutions en cours des prestations de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Il semble toutefois à votre rapporteur qu’il n’était pas indispensable de supprimer la prestation pour réfléchir à son évolution. De plus, votre rapporteur n’a pas eu connaissance de travaux en cours sur une nouvelle aide au maintien à domicile.

La participation de l’État au financement de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est revalorisée, comme chaque année, au rythme de l’inflation. Elle est fixée à 1 996 249 euros, soit une augmentation de 0,3 %.

d) La rénovation des restaurants inter-administratifs

Le programme pluriannuel de rénovation des restaurants inter-administratifs de 2007 à 2012, dont le coût total est estimé à 100 millions d’euros, a pour but de remettre aux normes d’hygiène et de sécurité les restaurants inter-administratifs les plus vétustes d’ici 2013.

L’exécution de ce programme a connu un léger ralentissement en 2009, se traduisant par une nouvelle sous-consommation des crédits ouverts par la loi de finances. Ainsi, 20,7 millions d’euros d’autorisations d’engagement n’ont finalement pas été engagés, sans que les raisons soient exposées dans les documents budgétaires fournis par le Gouvernement. Le pourcentage de restaurants rénovés ne devrait pas dépasser les 60 % à la fin de l’année 2009, pour une estimation initiale de 63 %. Toutefois, la rénovation des restaurants inter-administratifs de Bourges, Châteauroux, Hérouville-Saint-Clair et Saint-Brieuc a pu être achevée.

L’objectif fixé pour 2010 est d’achever la rénovation de 67 % des restaurants, l’achèvement restant prévu pour 2013. À cette fin, le montant des autorisations d’engagement est augmenté de 19 % et celui des crédits de paiement de 26 %.

e) Les crédits des sections régionales interministérielles d’action sociale

Les crédits des SRIAS sont reconduits à l’identique en 2010, avec une dotation de 1,8 million d’euros. Le projet annuel de performance pour 2010 précise que la dotation des SRIAS sera utilisée, comme aujourd’hui, pour mettre en place des projets d’action sociale répondant à des besoins locaux particuliers, mais également pour financer les frais de déplacement des présidents et des représentants des personnels membres des SRIAS.

Au regard de l’évolution globale des crédits d’action sociale interministérielle, il apparaît que les progrès annoncés en matière sociale à la suite du protocole d’accord du 25 janvier 2006 ont surtout eu pour conséquence de substituer de nouvelles prestations aux prestations existantes, sans réelle amélioration globale pour les agents. Contrairement aux engagements pris par le Gouvernement, il ne semble pas qu’une partie des économies réalisées du fait de la réduction des effectifs de fonctionnaires soit affectée à une amélioration de l’action sociale.

3. L’action sociale ministérielle

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, les dépenses ministérielles en matière d’action sociale s’élèvent approximativement à 800 millions d’euros chaque année. Elles se composent d’offres de services collectifs, de prestations individuelles mais également de subventions à des associations ou à des mutuelles.

Parmi ces dépenses, les prestations interministérielles à réglementation commune représentent une dépense annuelle de plus de 60 millions d’euros (7). Il s’agit de prestations gérées au niveau ministériel mais régies par un cadre juridique interministériel. Elles comprennent en particulier :

––  des aides à la restauration pour les agents ;

––  des aides aux familles, notamment à destination des retraités ou finançant des séjours pour les enfants ;

––  des aides aux parents d’enfants handicapés.

Le montant de ces différentes prestations est revalorisé annuellement pour tenir compte de l’inflation de l’année précédente. Ainsi, au 1er janvier 2009, leur montant a été augmenté de 2,77 % (8).

Par ailleurs, en juin dernier, le ministre du budget a annoncé l’extension du versement du « capital décès » aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS). Dans sa rédaction actuelle, l’article D. 712-20 du code de la sécurité sociale réserve le bénéfice du capital décès, qui représente l’équivalent d’un an de traitement annuel, au conjoint et aux enfants du fonctionnaire. Cette mesure pourrait s’appliquer à 250 à 300 personnes par an.

II. –– LA PRIORITÉ DONNÉE À LA RÉDUCTION DU COÛT DE LA FONCTION PUBLIQUE

Votre rapporteur regrette la suppression du secrétariat d’État à la fonction publique à l’occasion du remaniement du Gouvernement du 23 juin 2009. Cette suppression, qui fait du ministre du budget le seul responsable de la politique de la fonction publique, confirme la vision exclusivement comptable de celle-ci. En outre, ce choix peut légitimement susciter des inquiétudes sur la disponibilité du ministre pour mener à bien le dialogue social avec les représentants des fonctionnaires.

A. LA POURSUITE DE LA RÉDUCTION DES EFFECTIFS DE FONCTIONNAIRES

En 2008, la diminution des effectifs a été plus importante que prévue, avec environ 28 000 suppressions de postes pour seulement 22 920 prévues.

Pour l’année 2009, 30 600 départs à la retraite devaient ne pas donner lieu à remplacement, soit 44 % des départs. Dans l’Éducation nationale, en particulier, 35 % des départs en retraite ne sont pas remplacés.

Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État a annoncé 33 754 suppressions d’emploi environ pour 2010, pour un total de 68 500 départs en retraite et une économie estimée à 956 millions d’euros. Seuls l’enseignement supérieur et le ministère de la justice seraient préservés de suppressions d’emplois, en 2010 et en 2011. En revanche, des coupes claires seront effectuées dans les ministères de l’éducation nationale (- 16 000 postes), de l’intérieur (- 3 450), du budget (- 3 020) et de l’écologie (- 1294).

L’ÉVOLUTION DES EFFECTIFS PRÉVUE EN 2010

Ministère ou budget

Solde des créations et suppressions de postes (en équivalent
temps plein)

Affaires étrangères et européennes

- 255

Alimentation, agriculture et pêche

- 730

Budget, comptes publics, fonction publique et réforme de l’État

- 3 020

Culture et communication

- 125

Défense

- 8 250

Écologie, énergie, développement durable et mer

- 1 294

Économie, industrie et emploi

- 324

Éducation nationale

- 16 000

Enseignement supérieur et recherche

0

Immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire

- 13

Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

- 3 450

Justice et libertés

400

Santé et sports

- 137

Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville

- 364

Services du Premier ministre

+ 19

Conseil et contrôle de l’État

+ 50

Total budget général

- 33 493

Contrôle et exploitation aériens

- 188

Publications officielles et information administrative

- 68

Total

- 33 749

Source : documents budgétaires.

Le président de la République a déclaré que « quelles que soient les difficultés, [il] ne reviendrait pas sur [son] engagement de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ». Or la réduction drastique des effectifs pose d’ores et déjà des difficultés, comme cela était prévisible. Selon un sondage réalisé en 2007, 51 % des Français jugeaient que la qualité de service se dégraderait du fait des fortes réductions d’effectifs dans la fonction publique. Au cours des auditions effectuées par votre rapporteur, les représentants des personnels ont tous souligné la dégradation des conditions de travail induite par la pression sur les effectifs. Cette situation ne peut que se répercuter sur la qualité du service public, en particulier sur la longueur des procédures administratives. En outre, dans l’administration territoriale de l’État, la volonté de réduire les effectifs se traduit fréquemment par la réorganisation du maillage territorial et la remise en cause du service public de proximité. L’égal accès des administrés aux services publics est remis en cause alors même que la mobilisation constatée sur la réforme de La Poste a mis en lumière l’attachement des citoyens à l’existence d’un service public de proximité.

Malgré les problèmes qui se présentent dans la fonction publique de l’État, le Gouvernement envisage d’étendre cette politique à la fonction publique territoriale. En septembre dernier, le Premier ministre a ainsi souhaité que les collectivités territoriales s’associent à la politique de réduction des effectifs de fonctionnaires, en regrettant l’embauche de « 36 000 fonctionnaires territoriaux par an ». Or la progression de la masse salariale des collectivités territoriales est très largement due aux transferts de personnels qui ont accompagné l’acte II de la décentralisation. Depuis 2004, ce sont ainsi plus de 125 000 emplois en équivalent temps plein travaillé qui ont été transférés aux collectivités territoriales. Il est pour le moins paradoxal de reprocher aux collectivités territoriales l’augmentation de leur masse salariale tout en leur confiant de nouvelles compétences et responsabilités. En outre, le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ne permet pas au Gouvernement d’imposer aux collectivités sa politique en matière de gestion des personnels.

B. LA RÉMUNÉRATION DES FONCTIONNAIRES SOUS CONTRAINTE

1. Une faible revalorisation du point d’indice

En février dernier, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État a annoncé une revalorisation de 0,8 % du point d’indice en 2009. En réalité, il s’agit d’une augmentation de 0,5 % en juillet suivie d’une augmentation de 0,3 % en octobre.

Cette décision aurait dû se traduire par une nouvelle réduction du pouvoir d’achat des fonctionnaires car le taux d’inflation pour l’année 2009 était estimé à 2 %. En réalité, l’inflation devrait vraisemblablement s’établir autour de 0,4 %, ce qui évite une nouvelle dégradation du pouvoir d’achat. En 2008, en effet, l’inflation s’était établie à 2,8 % alors que le point d’indice avait été revalorisé de 0,5 % en mars, puis 0,3 % en octobre (9).

Selon les annonces effectuées à l’issue de la négociation triennale sur les rémunérations tenue en juin dernier, le point d’indice devrait être revalorisé de 0,5 % au 1er juillet 2010, ainsi qu’au 1er juillet 2011. Or il est probable que l’inflation sera beaucoup plus élevée. L’estimation retenue par le projet de loi de finances est de 1,2 % pour l’année 2010.

À structure constante, le salaire moyen a poursuivi sa diminution en 2007. Selon les données publiées par l’Insee, le salaire moyen brut a diminué de 0,5 % en euros constants et le salaire moyen net de prélèvements de 0,6 %. Seuls les effets mécaniques dus aux progressions de carrière et l’accomplissement d’heures supplémentaires rémunérées (10) permettent d’éviter une dégradation générale du pouvoir d’achat des fonctionnaires en place. La possibilité de rachat des jours épargnés sur un compte épargne temps participe de cette évolution, les heures supplémentaires devenant une composante de la rémunération au lieu d’être récupérées. Toutefois, tous les agents ne bénéficient pas de ces possibilités, en particulier les agents âgés de plus de 50 ans qui sont arrivés en fin de grade. Ainsi, un quart des agents publics présents en 2003 et en 2007 ont vu leur salaire net diminuer en euros constants.

Cette évolution peu satisfaisante des rémunérations explique en grande partie la détérioration du climat social, qui s’est manifestée avec les journées d’action du 29 janvier puis du 19 mars 2009.

2. Les mesures particulières destinées à compenser les pertes de pouvoir d’achat

La revalorisation du point d’indice, mesure générale qui concerne tous les fonctionnaires, est accompagnée de plusieurs mesures particulières : la rénovation des grilles indiciaires, la garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA) et le développement de la rémunération à la performance.

•  La rénovation de certaines grilles indiciaires.

Selon les annonces initiales, la réforme de la catégorie B devait être achevée au printemps 2009 et celle de la catégorie A engagée au second semestre. Cette réforme, très attendue par les agents, a pris du retard.

Le projet de nouvelle grille salariale de la catégorie B a été présenté en avril aux organisations syndicales et devrait être mis en place de manière progressive d’ici la fin de l’année 2011. Il prévoit de relever les indices de rémunération en début et en fin de carrière, pour tenir compte de l’allongement de la durée des carrières et éviter un plafonnement précoce. Il met fin à la distinction entre les échelles de rémunération des personnels dits « B-type » et des personnels relevant du classement indiciaire intermédiaire (B-CII), qui sont recrutés au niveau bac +2. En contrepartie, il permet un recrutement direct dans un deuxième grade pour les personnes recrutées au niveau bac +2 (11).

Ce projet a suscité la déception des organisations syndicales rencontrées par votre rapporteur, qui regrettent la faiblesse de la progression de la rémunération attachée à chaque changement d’échelon. En outre, du fait de l’allongement des carrières, la nouvelle grille aboutit à des diminutions de traitement indiciaire à certains stades de la carrière. Le relèvement des indices de fin de grade est en effet insuffisant pour permettre un relèvement de l’ensemble des indices des échelons intermédiaires.

La rénovation de la grille indiciaire de la catégorie A a fait l’objet de discussions avec les organisations syndicales engagées à l’automne 2009.

Les négociations sur la rénovation des grilles indiciaires n’ont été ouvertes qu’aux organisations syndicales signataires de l’accord du 21 février 2008 sur le pouvoir d’achat. Votre rapporteur s’étonne de ce choix, alors que les syndicats non signataires de cet accord sont majoritaires dans la fonction publique (12).

•  La garantie individuelle du pouvoir d’achat

En 2008, la prime de GIPA a été perçue par près de 215 000 fonctionnaires qui avaient subi des pertes de pouvoir d’achat en raison d’une augmentation de leur traitement indiciaire inférieure à l’inflation.

BILAN DE LA G.I.P.A. EN 2008

 

Fonction publique de l’État

Fonction publique territoriale

Fonction publique hospitalière

Nombre de bénéficiaires

99 411

74 000

41 182

Montant moyen de la prime

754 €

378 €

645 €

En 2009, seuls les agents ayant atteint l’indice maximal de leur grade depuis quatre ans auraient dû bénéficier de cette prime, ce qui excluait un nombre significatif de fonctionnaires, ainsi que la totalité des agents non titulaires.

Le Gouvernement a cependant décidé d’appliquer à nouveau le dispositif de la GIPA en 2009, en modifiant celui-ci (13). Le dispositif bénéficiera aux fonctionnaires dont le traitement a augmenté moins vite que l’inflation entre le 31 décembre 2004 et le 31 décembre 2008. Ce revirement témoigne de l’ampleur des pertes de pouvoir d’achat dans la fonction publique dues aux insuffisantes revalorisations de la valeur du point d’indice.

•  Le développement de la rémunération à la performance.

Le développement de la rémunération à la performance se traduit, en premier lieu, par le développement des primes modulables, notamment avec l’institution de la prime de fonction et de résultats (PFR) (14). Le montant de cette prime est lié pour partie aux responsabilités et sujétions liées au poste et pour partie aux résultats personnels obtenus par l’agent, au vu de son entretien annuel d’évaluation. Elle se substitue aux régimes indemnitaires précédents.

La PFR a commencé à s’appliquer en 2009 aux corps d’encadrement intermédiaire de la filière administrative, c’est-à-dire les attachés. Elle sera étendue en 2010 aux administrateurs civils et aux chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, experts de haut niveau et directeurs de projets, ainsi qu’aux secrétaires administratifs (15). Elle a vocation à être transposée dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière.

Par ailleurs, l’indemnité de performance pour les emplois d’encadrement supérieur, qui bénéficiait aux directeurs d’administration centrale, a été étendue en 2009 aux secrétaires généraux (16).

Au total, selon l’indicateur 1.2 du projet annuel de performances, 70 % environ des emplois d’encadrement devraient être concernés par un dispositif de rémunération à la performance dès 2010, cette proportion atteignant 100 % en 2012. Pour 2009, la proportion indiquée est de 75 % car le champ des emplois d’encadrement retenu n’est pas le même. Votre rapporteur ne peut que regretter l’absence de données harmonisées permettant de réellement apprécier la diffusion de la rémunération à la performance.

En second lieu, le Gouvernement a annoncé la mise en place d’un mécanisme d’intéressement collectif, fondé sur les résultats collectifs du service, dans la fonction publique à compter de l’année 2010. En décembre 2010, une mission a été confiée à notre collègue Michel Diefenbacher, qui a remis son rapport en mai 2009. Ce rapport propose de moduler la prime en fonction de quatre objectifs : l’amélioration de la performance, de la qualité du service, de la situation financière et comptable ou de la situation sociale. Le versement de la prime serait réservé aux agents ayant montré une véritable implication dans le service.

Sur la base de ce rapport, une concertation a été engagée en mai 2009 avec quatre syndicats – l’UNSA, la CFDT, la CGC et la CFTC – en vue de la conclusion d’un accord-cadre pour la fonction publique de l’État et d’une mise en place de l’intéressement collectif à partir de 2010. Les syndicats non signataires de l’accord du 21 février 2008 sur le pouvoir d’achat n’ont pas été inclus dans cette négociation.

Si l’instauration de rémunérations accessoires peut parfois augmenter le pouvoir d’achat des agents, cela ne saurait compenser l’insuffisante revalorisation du point d’indice. Non seulement ces rémunérations sont inégalement distribuées dans la fonction publique, notamment entre ministères et entre catégories, mais elles ne sont pas prises en compte pour le calcul des pensions de retraite. Elles ne sont donc pas équivalentes à une augmentation du traitement indiciaire.

•  Le coût total de la progression des rémunérations est estimé par le Gouvernement à trois milliards d’euros pour le budget de l’État, dont 1,6 milliard relevant uniquement de la progression automatique de carrière et 513 millions des mesures catégorielles.

La fonction publique est très clairement mise en avant comme variable d’ajustement budgétaire, dans un contexte d’aggravation du déficit public. Or elle n’est en rien responsable de la situation financière française.

Les comptes des administrations publiques en 2008 font ainsi apparaître une diminution des dépenses publiques liées aux rémunérations. Ainsi, alors que les dépenses de l’État ont augmenté de 0,8 % par rapport à l’année 2007, les rémunérations des agents publics ont diminué de 1,1 %. Seules les dépenses liées aux pensions de retraite continuent à augmenter (+ 4,4 %).

Cette tendance se confirme dans le projet de loi de finances pour 2010, le total des dépenses de personnel du budget général de l’État passant de 119,484 à 117,041 milliards d’euros, soit une diminution de 2 %.

III. ––  LA POLITIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUE

Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État a présenté une feuille de route pour la fonction publique lors du conseil des ministres du 11 mars 2009. À cette occasion, il a mis l’accent sur la diversification des recrutements et la professionnalisation des concours, l’amélioration de la mobilité des fonctionnaires et la poursuite de la politique de fusion de corps. Il a également indiqué que la mise en œuvre des accords de Bercy du 2 juin 2008 sur l’amélioration du dialogue social constituait une priorité.

A. LA DIVERSIFICATION DES RECRUTEMENTS

1. L’objectif de diversité dans la fonction publique

Plusieurs initiatives ont été prises au cours de l’année 2009 afin d’accroître la diversité au sein de la fonction publique.

•  Le 24 février, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État a annoncé la création de classes préparatoires intégrées, réservées aux candidats aux concours de la fonction publique issus de milieux défavorisés. Elles doivent comprendre un nombre d’élèves égal à un tiers des postes ouverts au concours. Une classe préparatoire de 15 élèves a ainsi été créée à l’ENA à l’automne 2009, ainsi qu’une classe de 25 élèves dans chacun des IRA en vue du concours de février 2010 (17). Une classe préparatoire a également été créée pour la préparation du concours d’inspecteur du travail, auprès de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (18), ou pour les concours de l’École des hautes études de santé publique (19). Selon le projet annuel de performances, le coût des classes préparatoires intégrées s’élèvera à 185 000 euros pour l’ENA et à 250 000 euros dans les IRA en 2010.

Les élèves de ces classes préparatoires intégrées bénéficient d’un soutien pédagogique renforcé et de l’appui d’un tuteur. Certains d’entre eux peuvent bénéficier de l’allocation pour la diversité, comme l’a prévu un arrêté du 15 avril 2009 qui a redéfini cette prestation, voire être logés. Toutefois, votre rapporteur regrette que la réforme de l’allocation se soit accompagnée d’un durcissement des conditions pour en bénéficier. Ainsi, l’arrêté du 15 avril 2009 précité en a réservé le bénéfice aux étudiants préparant des concours de catégorie A ou B, à l’exclusion de la catégorie C, tout en abaissant le plafond de ressources permettant de la demander. En outre, il a supprimé la disposition prévoyant que l’allocation était versée pour une période d’un an. Parallèlement, les bénéficiaires qui ont été admis à un concours ne sont plus astreints, sous peine de remboursement, à rester pendant cinq ans dans la fonction publique.

•  Le 15 avril 2009, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) a recommandé au Gouvernement de supprimer la condition de nationalité pour l’accès aux emplois des trois fonctions publiques qui sont déjà ouverts aux ressortissants communautaires.

Depuis une loi du 26 juillet 2005 (20), seuls les emplois relevant de la souveraineté nationale ou de l’exercice de prérogatives de puissance publique sont réservés aux seules personnes de nationalité française. Tous les autres emplois publics peuvent être occupés par des ressortissants communautaires, en application du principe de libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne.

Il convient de s’interroger aujourd’hui sur la légitimité de cette interdiction d’accès des étrangers non communautaires à de tels emplois, qui crée une discrimination par rapport aux ressortissants des pays membres de l’Union européenne. Compte tenu de l’importance de la fonction publique parmi la population active, cette restriction est un obstacle à l’insertion des personnes de nationalité étrangère sur le marché de l’emploi.

En outre, on peut s’étonner que les étrangers ne puissent pas accéder au statut de fonctionnaire alors même qu’ils peuvent être recrutés en tant qu’agents non titulaires. Ainsi, de nombreux hôpitaux publics recrutent des professionnels de santé de nationalité étrangère qui restent dans une situation professionnelle précaire, sans évolution de carrière possible.

Néanmoins, selon les informations communiquées à votre rapporteur, le Gouvernement n’envisage pas de modifier les conditions de nationalité exigées pour l’accès à la fonction publique.

2. La place croissante du contrat

L’objectif de favoriser la diversité dans le recrutement des agents publics est progressivement mis en avant pour justifier les remises en cause du recrutement par concours et la promotion du contrat intervenues depuis plusieurs années. Dans son rapport sur le système de formation des agents de l’État, M. Raymond-François Le Bris appelle ainsi à contractualiser les recrutements pour accroître la diversité et à créer un véritable contrat d’apprentissage dans la fonction publique, qui serait valorisé par la suite dans les épreuves de recrutement. Il suggère également d’organiser une plus grande diversité de régimes d’emplois, en faisant cohabiter le statut avec des contrats de courte ou de longue durée.

Or le recours au contrat a déjà sensiblement augmenté dans les dernières années. De 1996 à 2007, le nombre de personnels sous contrat est ainsi passé de 294 300 à 334 800 personnes dans la fonction publique de l’État et représente aujourd’hui 16 % des agents. Cette évolution est encore plus marquée dans la fonction publique hospitalière, où le taux de personnels contractuels est passé de 8,2 % à 13,9 %. Il est pour le moins paradoxal de promouvoir ce mode de recrutement au nom de l’égalité des chances quand on connaît la précarité attachée aux contrats. Le Médiateur de la République avait notamment souligné les conditions d’emploi déplorables des vacataires dans l’Éducation nationale dans son rapport annuel pour 2009. La possibilité de conclure un contrat à durée indéterminée (CDI) à l’expiration d’une durée de six ans n’est pas une réponse suffisante aux problèmes de précarité tant cette possibilité est limitée par des conditions strictes et ne permet pas un réel déroulement de carrière.

Quant à l’apprentissage, celui-ci ne constitue pas une réelle nouveauté puisqu’il est déjà utilisé dans la fonction publique. Il a notamment connu une forte progression dans la fonction publique territoriale, où le nombre de contrats a crû de 80 % entre 2000 et 2006. À la différence du PACTE (21), l’apprentissage ne permet pas de déroger aux règles de recrutement posées par le statut pour intégrer la fonction publique sans concours. Néanmoins, un nombre significatif d’apprentis intègrent la fonction publique à l’issue de leur contrat d’apprentissage.

Le Gouvernement a souhaité accroître le recours à ce type de contrats, dans le cadre du développement des formations en alternance et de la politique d’insertion des jeunes peu diplômés. Une mission sur le développement de l’apprentissage dans la fonction publique a ainsi été confiée en juin 2009 à notre collègue Laurent Hénart. Le rapport, remis en octobre dernier, propose de mettre en œuvre un programme national concerté afin d’atteindre l’objectif de 100 000 jeunes formés en alternance dans le secteur public, soit 2 % des effectifs de la fonction publique, notamment grâce à une meilleure information et à une simplification des procédures. Les apprentis pourraient bénéficier d’un complément de revenu équivalent au RSA, d’un montant de 200 euros par mois environ. La mise en place d’un véritable accompagnement de l’apprenti vers l’emploi en fin de contrat est également recommandée, notamment pour la préparation des concours.

Par ailleurs, après avoir mis fin à la plupart des dispositifs d’emplois aidés dans le secteur public à partir de 2002, notamment les emplois jeunes, le Gouvernement a décidé de rétablir ce type d’emplois aidés. En juillet dernier, le secrétaire d’État à l’emploi, M. Laurent Wauquiez, a annoncé la création de « contrats passerelle vers l’emploi » dans les collectivités territoriales. Ces contrats seront destinés aux jeunes âgés de 16 à 25 ans, non diplômés et sans expérience professionnelle. L’État prendra en charge 90 % du SMIC brut par heure travaillée. Alors que le nombre d’emplois aidés dans les collectivités territoriales est approximativement de 6 000, l’objectif retenu est la conclusion de 30 000 contrats passerelle. Votre rapporteur s’étonne que le Gouvernement demande aux collectivités territoriales de conclure 30 000 contrats passerelles alors même qu’il les invite simultanément à ne plus effectuer d’embauches.

3. Le recrutement de la haute fonction publique

L’objectif du Gouvernement est de diversifier le recrutement de la haute fonction publique, tout en « professionnalisant » le processus de sélection.

En premier lieu, le système du classement pour déterminer les affectations à la sortie de l’École nationale d’administration est supprimé au profit d’une procédure laissant plus de liberté de choix aux différentes administrations. Cette nouvelle procédure devrait être définie avant la fin de l’année, pour être appliquée aux élèves commençant leur scolarité en 2010. Une commission de professionnalisation doit définir les nouvelles modalités d’affectation des élèves garantissant le caractère objectif du recrutement.

Cette réforme, censée lutter contre la reproduction sociale, pourrait avoir des effets inverses de ceux souhaités. L’ENA avait été créée en 1945, entre autres, pour mettre fin à la cooptation à l’entrée des grands corps de l’État. L’examen des dossiers des candidats risque de faire peser certains critères comme l’âge, le sexe, le cursus scolaire et le type de concours réussi (externe ou interne), au détriment du principe d’égalité. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a refusé de supprimer les classements de sortie des autres écoles administratives, à l’occasion de l’examen en commission des Lois du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (22).

En deuxième lieu, une réforme du recrutement au tour extérieur des administrateurs civils a été engagée. La principale innovation est l’introduction d’une reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle dans le processus de sélection des candidats. Cela pourrait prendre la forme de la description d’une réalisation pratique dans le dossier, suivie d’un entretien avec le jury sur cette réalisation. Par ailleurs, à l’instar de ce qui est prévu pour le recrutement par la voie de l’ENA, l’affectation ne se fera plus sur la base du classement.

Enfin, le troisième axe de réforme est l’élargissement des viviers de recrutement pour l’accès aux corps d’encadrement supérieur et aux emplois de direction. Un groupe de travail composé de cadres dirigeants du secteur public et du secteur privé a présenté plusieurs propositions en juillet 2008 en matière de nomination aux emplois supérieurs, mais également en matière d’évaluation et de rémunération. Une concertation est actuellement en cours entre les différents ministères.

B. LA « DÉMARCHE MÉTIER » ET L’ACCROISSEMENT DE LA MOBILITÉ

Le projet de substituer au système des corps un système de cadres statutaires, prôné par le Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique de M. Jean-Ludovic Silicani, n’a pas eu de suites immédiates. Toutefois, outre la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, plusieurs mesures traduisent une inflexion vers une fonction publique de métiers.

1. Les fusions de corps

Les fusions de corps constituent l’instrument privilégié de la promotion de la « démarche métier » dans la fonction publique.

Près de 440 corps ont déjà été concernés par des fusions depuis 2006 afin de remédier au morcellement de la fonction publique et de simplifier la gestion de ces personnels. L’objectif est de constituer progressivement des « familles de métiers ». Certains corps similaires mais relevant de ministères ou de services différents ont ainsi été fusionnés. Des fusions ont également été effectuées entre corps de niveaux différents, le corps supérieur devenant un grade d’avancement, ce qui favorise le déroulement de carrière des personnels. En avril 2009, le Gouvernement a annoncé une accélération du programme de fusion des corps, avec l’objectif de faire passer le nombre de corps de la fonction publique de l’État de 685 à 380 au 1er janvier 2010.

La réduction du nombre de corps pourrait être poursuivie au cours des années suivantes, avec l’objectif d’arriver à 350 corps en 2010 et 320 corps en 2011. On dénombrerait ainsi 223 corps de catégorie A, 31 de catégorie B et 66 de catégorie C. Ces objectifs font l’objet de l’indicateur 1.3 du projet annuel de performance.

En particulier, plusieurs nouveaux corps interministériels devraient être créés, notamment pour les secrétaires administratifs et les adjoints administratifs, dans l’optique d’accroître la mobilité des agents. La création de nouveaux corps interministériels devrait être facilitée par la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels, qui a permis de déroger au statut général pour gérer des corps interministériels au sein de chaque ministère ou établissement public employeur (23).

En outre, la réforme de la catégorie B, en particulier, devrait être l’occasion de procéder à des fusions de corps relevant du même métier.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le coût engendré par les fusions de corps est imputé sur les économies générées par le non-remplacement des fonctionnaires partant en retraite.

2. La loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique

La loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, qui avait pour objectif initial de favoriser la mobilité des fonctionnaires, a finalement modifié de nombreux aspects du statut de la fonction publique.

La loi a élargi les possibilités de mobilité offertes aux fonctionnaires entre corps et cadres d’emplois de niveau comparable, ainsi qu’entre les trois fonctions publiques. L’objectif est de leur offrir des perspectives de carrière plus riches et plus variées. Pour cela, la loi supprime plusieurs obstacles à la mobilité des agents :

–– les obstacles statutaires. La possibilité de détachement et d’intégration dans un corps ou cadre d’emplois de niveau comparable est généralisée à tous les corps, même si les statuts particuliers ne le prévoient pas, à l’exception des seuls corps comportant des attributions juridictionnelles. Les possibilités de détachement de fonctionnaires civils dans des corps militaires et réciproquement sont élargies. En outre, la loi permet l’intégration directe d’un corps, sans période de détachement préalable. Enfin, l’agent détaché depuis une durée de cinq ans bénéficiera d’un droit à l’intégration définitive dans le corps d’accueil ;

––  les obstacles dus aux pratiques de l’administration. La loi consacre un « droit au départ » du fonctionnaire, l’administration ne pouvant refuser sa mutation ou sa mobilité qu’en cas de nécessités de service ou d’avis négatif de la commission de déontologie. Dans les autres cas, elle pourra seulement exiger de l’agent qu’il respecte un délai de préavis ;

––  les obstacles liés au déroulement de carrière. Les avancements obtenus dans le corps d’accueil seront reconnus dans le corps d’origine, et réciproquement.

Toutefois, la loi a été l’occasion de créer un cadre juridique pour accompagner les nombreuses suppressions d’emplois résultant de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Ainsi, les fonctionnaires dont l’emploi a été supprimé à l’issue de restructurations de son administration pourront faire l’objet d’une procédure dite de « réorientation professionnelle ». L’administration ne sera plus tenue de le réaffecter sur un autre poste (24), mais uniquement de l’appuyer dans ses démarches pour l’aider à retrouver un emploi, le cas échéant dans un autre corps, un autre service ou une autre fonction publique, voire dans le secteur privé. Si un fonctionnaire placé en réorientation professionnelle refuse trois offres d’emploi public correspondant à son grade, il est placé en disponibilité d’office ou admis à la retraite.

Pour faciliter le reclassement dans la fonction publique territoriale, il est prévu que la mise à disposition d’un fonctionnaire de l’État auprès d’une collectivité territoriale peut partiellement déroger à l’obligation de remboursement de la part du bénéficiaire. Les agents conservent, à titre individuel, leur régime indemnitaire d’origine si celui-ci est plus favorable que le régime indemnitaire du cadre d’emplois d’accueil. Il est pour le moins paradoxal que le Gouvernement invite les collectivités territoriales à réduire leurs effectifs de fonctionnaires tout en se déchargeant sur elles de fonctionnaires de l’État en surnombre.

Selon une logique comparable, la loi prévoit également que le transfert à une personne morale de droit privé d’une activité exercée par une personne publique s’accompagne du transfert des agents publics non titulaires à cette personne privée.

Bien qu’affichée comme renforçant les droits des agents à la mobilité, la loi crée surtout les moyens d’une mobilité forcée des agents pour accompagner les restructurations.

Parallèlement, plusieurs dispositions tendent à aggraver la précarité de nombreuses situations professionnelles dans la fonction publique, au motif d’offrir aux gestionnaires une plus grande flexibilité dans la gestion des ressources humaines.

La loi favorise le recrutement de personnels non soumis au statut de la fonction publique, notamment en élargissant les possibilités de recrutement d’agents contractuels par l’État ou en autorisant les personnes publiques à recourir aux services d’agences d’intérim. Elle participe ainsi au démantèlement progressif des principes fondateurs de la fonction publique en vertu desquels le service public administratif doit être confié à des agents publics et les emplois permanents doivent être occupés par des fonctionnaires. Le rapporteur de la commission des Lois du Sénat, M. Hugues Portelli, avait remarqué à juste titre que « même si la souplesse offerte par l’intérim est avérée, il n’en reste pas moins discutable de confier aux salariés de travail temporaire qui, par nature, assurent des missions fugaces chez des employeurs successifs de toutes natures, des fonctions de puissance publique » car « le sens du service public s’acquiert par une longue pratique et par l’application d’un statut spécifique » (25). L’assouplissement des méthodes de recours à des personnels non titulaires se traduira, en outre, par un accroissement de la précarité dans la fonction publique.

Par ailleurs, elle permet, à titre expérimental, de nommer des fonctionnaires dans plusieurs emplois à temps non complet, éventuellement dans des fonctions publiques différentes, plutôt que sur un seul emploi à temps complet. Les règles applicables à ces emplois pourront déroger au statut général de la fonction publique.

Sous couvert d’encourager la mobilité, la loi du 3 août 2009 a ainsi porté de nouvelles atteintes au statut de la fonction publique. Elle est ainsi une nouvelle étape de la politique consistant, depuis 2002, à remettre en cause par touches successives les principes fondateurs du statut, sous couvert d’aménagements et de modernisation, pour rapprocher l’emploi public de l’emploi privé. Il apparaît notamment que la notion vague de « parcours professionnels » recouvre en réalité une évolution vers une logique de l’emploi, au détriment du système de la carrière. Il s’agit tout simplement d’une succession d’emplois au service de personnes publiques diverses.

De toute évidence, la réforme est motivée par des considérations financières plus que par la volonté d’améliorer les droits des agents publics. Cela témoigne, une fois de plus, du fait que la fonction publique est surtout considérée comme une charge pour les finances publiques.

C. L’AMÉLIORATION DU DIALOGUE SOCIAL

1. Le projet de définition d’un cadre juridique du dialogue social

À la suite de la signature, le 2 juin 2008, des accords de Bercy sur la rénovation du dialogue social dans la fonction publique (26), un projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale le 1er avril 2009.

Ce projet de loi reprend certaines des grandes orientations des accords de Bercy :

––  la consécration d’un champ du dialogue social dans la fonction publique, qui comprendrait la négociation annuelle sur les rémunérations et le pouvoir d’achat, ainsi que les négociations relatives aux conditions de travail, aux déroulements de carrière, à la formation professionnelle, à l’action sociale, à la sécurité et à la santé au travail, à l’insertion professionnelle des personnes handicapées et à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ;

––  l’amélioration de la représentativité des organisations syndicales. L’exigence préalable de représentativité pour se présenter aux élections professionnelles serait supprimée et l’élection des comités techniques serait généralisée. En outre, le projet de loi introduit la notion d’accord majoritaire, au terme d’une période transitoire s’achevant en 2013. Pendant cette période transitoire, un accord sera considéré comme représentatif si les organisations syndicales signataires ont rassemblé au moins 20 % des suffrages aux élections professionnelles et s’il ne rencontre pas l’opposition d’organisations syndicales représentant 50 % des voix ;

––  la dynamisation du dialogue social aux différents niveaux, avec la création d’un conseil supérieur commun aux trois fonctions publiques ;

––  la réforme des comités techniques, dont les compétences seraient clarifiées ;

––  la concomitance des différentes élections professionnelles.

Par ailleurs, le projet de loi revient sur la composition paritaire des instances de dialogue social, en application des orientations fixées par le président de la République à Nantes en 2007 (27). Seuls les représentants des organisations syndicales seraient ainsi amenés à voter dans les conseils supérieurs et dans les comités techniques, ainsi que dans les comités consultatifs nationaux de la fonction publique hospitalière. Au sein du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, les représentants des employeurs voteraient, mais au sein d’un collège spécifique. C’est principalement cette réforme qui a motivé l’avis défavorable rendu par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale sur ce projet de loi. Si la plupart des mesures prévues dans les accords de Bercy permettent une modernisation bienvenue du dialogue social, la suppression du paritarisme conduit à dénaturer le fonctionnement des instances consultatives en retirant son sens à l’échange entre représentants des employeurs et des agents.

Enfin, le projet de loi ne reprend pas le volet des accords de Bercy relatif à l’amélioration des droits et moyens des organisations syndicales, à l’exception d’un article prévoyant que les compétences acquises dans l’exercice d’un mandat syndical sont prises en compte au titre des acquis de l’expérience professionnelle. La plupart des avancées prévues ne relevant pas du domaine de la loi, il est prévu d’engager une concertation avec les syndicats sous la forme d’un groupe de travail qui pourrait être constitué avant la fin de l’année 2009. À titre préalable, le ministère du budget a confié à une mission d’inspection interministérielle la réalisation d’un état des lieux.

En dépit du caractère prioritaire de cette réforme affiché par le Gouvernement, aucune initiative n’a été prise depuis la suppression du secrétariat d’État chargé de la fonction publique. En particulier, aucune indication n’est donnée sur le calendrier de l’examen du projet de loi par le Parlement ou sur la date prévue pour les prochaines élections professionnelles générales. Il serait difficilement compréhensible que cette réforme, qualifiée par le ministre du budget de « tournant historique pour la fonction publique », reste lettre morte.

2. L’ouverture de négociations sur les conditions de travail des seniors

Le 15 juillet 2008, une négociation a été engagée avec les organisations syndicales sur l’emploi et les conditions de travail des seniors dans la fonction publique. Deux groupes de travail thématiques sur les conditions de travail des seniors ont ainsi été réunis respectivement à l’automne 2008 et au printemps 2009. Les représentants des employeurs territoriaux et hospitaliers ont été associés à une partie de ces travaux. En revanche, les discussions sur l’emploi des seniors ont été repoussées à 2010, pour être organisées dans le cadre des discussions sur les retraites.

À l’issue de ces travaux, le Gouvernement a formulé plusieurs propositions visant à améliorer les outils de prévention en matière de sécurité et de santé au travail, ainsi que le traitement des congés pour raisons de santé.

En premier lieu, il a proposé de mettre en place des instances et acteurs opérationnels dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Cela supposerait, par exemple, de transformer les comités d’hygiène et de sécurité en comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Les agents chargés du conseil dans la mise en œuvre des règles d’hygiène et de sécurité, les services de santé et sécurité au travail, les médecins de prévention et les inspecteurs en hygiène et sécurité verraient leurs fonctions redéfinies.

En deuxième lieu, le Gouvernement a proposé la mise en place de nouveaux outils de prévention des risques professionnels, notamment aux fins d’évaluation et de prévention des risques psychosociaux, des troubles musculo-squelettiques et des risques « cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques » (CMR).

Enfin, le Gouvernement propose d’améliorer la chaîne administrative et médicale de traitement des congés pour raison de santé, en améliorant le fonctionnement des instances médicales, en gérant mieux le régime d’invalidité des fonctionnaires de l’État et en sécurisant la gestion des congés pour raison de santé. Des données chiffrées relatives à ces congés seraient collectées.

Les propositions relatives à la création de CHSCT et aux acteurs de prévention et aux instances médicales ont fait l’objet de deux groupes de travail en octobre 2009. Il est envisagé de conclure la négociation en novembre 2009 par la signature d’un accord.

EXAMEN EN COMMISSION

Avant d’émettre un avis sur les crédits du programme « Fonction publique », la commission a procédé, le 28 octobre 2009, à l’audition, ouverte à la presse, de M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.

M. le Président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le Ministre, je vous remercie tout d’abord d’être parvenu à libérer une heure dans votre emploi du temps particulièrement contraint en cette période d’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour nous présenter les crédits d’un des programmes de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » qui ressortit au champ de compétences de la commission des Lois : la fonction publique.

Je voudrais pour ma part rappeler l’attention portée cette année par la commission à ce sujet, avec l’adoption de la loi du 3 août dernier sur la mobilité et les parcours professionnels dans la fonction publique, et alors que nous sommes saisis depuis plus d’un an du projet de loi sur le dialogue social dans la fonction publique, dont je ne doute pas que vous pourrez nous donner des précisions sur son calendrier d’examen.

Je vais maintenant vous laisser la parole, en soulignant que les crédits du programme fonction publique (222 millions d’euros) sont évidemment très loin de retracer l’effort de l’État en la matière et sont quasi-exclusivement consacrés à des actions de formation et d’action sociale.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Je me réjouis de cette occasion qui m’est donnée au delà de la présentation des crédits du programme « Fonction publique » de vous exposer les grandes orientations et les principaux chantiers du Gouvernement en matière de fonction publique pour 2010.

En ce qui concerne le programme « Fonction publique » ; l’année 2010 est largement une année de reconduction des moyens budgétaires que vous avez votés pour 2009. En effet, les crédits demandés en 2010 s’élèvent à 246 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 223 millions d’euros en crédits de paiement (CP). L’action sociale interministérielle représente un peu moins des deux tiers du programme, le tiers restant étant consacré à la formation des fonctionnaires.

Les moyens de formation (83 millions d’euros) demandés pour les instituts régionaux d’administration (IRA) et pour l’École nationale d’administration (ENA) sont stables. Le financement des engagements en matière de diversité et d’égalité des chances devant se trouver à partir de redéploiements. Enfin, ainsi que nous en avions pris l’engagement le contrat d’objectif et de performance de l’ENA sera signé avant la fin de l’année. Je tiens ce document à votre disposition.

Les crédits concernant l’action sociale interministérielle (un peu moins de 140 millions d’euros) permettront d’accompagner le fort dynamisme :

––  des aides aux familles au travers le chèque vacances et le chèque emploi service universel (CESU) garde d’enfants ;

––  de même que les offres de services collectifs (réservations de logements et réservations de places dans les crèches, mise aux normes des restaurants inter administratifs). Ces dépenses concourent à l’amélioration des conditions de vie des agents et de leurs familles et se traduisent par plus de pouvoir d’achat pour les agents en réduisant leurs charges directes.

J’en viens à la politique du Gouvernement en matière de fonction publique. C’est un levier de modernisation de la fonction publique et qui permet de mieux rémunérer les agents Le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux est un levier d’action essentiel pour maîtriser la masse salariale, améliorer la productivité de l’administration qui n’est pas nécessairement synonyme de dégradation de la qualité du service public et revaloriser les rémunérations des agents publics avec le retour de la moitié des économies réalisées.

En 2010, nous avons comme objectif de ne pas remplacer 34 000 agents. Au total, les effectifs de l’État auront diminué de 100 000 personnes depuis 2007. Les retours catégoriels ont été de 554 millions d’euros en 2009, ils seront de 644 millions d’euros en 2010.

Tous les pays européens se sont engagés dans une voie similaire parfois de façon plus brutale, y compris dans des gouvernements de gauche, comme au Portugal qui a connu entre 2006 et 2009, une réduction de 75 000 emplois dans la fonction publique, soit 10 % des effectifs cumulés de la fonction publique de l’État (FPE) et de la fonction publique territoriale (FPT) portugaises. C’est comme si nous avions supprimé non pas 100 000 emplois mais 250 000 emplois pour la seule fonction publique de l’État et 170 000 emplois pour la fonction publique territoriale, soit plus de 400 000 emplois pour la FPE et la FPT. On est bien loin de ces chiffres en France où l’on réduit certes les effectifs, mais plus doucement.

Mais l’État ne peut être seul à s’appliquer une vraie discipline budgétaire en la matière. La fonction publique territoriale doit aussi s’engager dans une maîtrise des effectifs. Il ne s’agit pas de stigmatiser les collectivités territoriales mais l’effort doit être partagé.

Entre 2000 et 2007, les effectifs physiques des collectivités territoriales ont augmenté de 376 000 personnes (+ 27,5 % sur la période). En neutralisant les transferts (49 200 agents), la croissance nette des effectifs est de 330 000 agents (+ 24 %). Les collectivités ne peuvent pas continuer à augmenter la fiscalité comme elles l’ont fait ces sept dernières années avec, à la clé, une augmentation de 51 % de leurs dépenses de personnel. La Cour des comptes, dans son rapport public sur la décentralisation, indique que s’il existe un lien général entre la décentralisation et la montée en puissance de la fonction publique territoriale, la progression est particulièrement forte pour des échelons territoriaux qui ne sont pas concernés au premier chef par la décentralisation. Je le disais déjà il y a deux ans au comité des finances locales et cela m’avait valu des remarques !

Dans la fonction publique hospitalière, j’entends trop souvent dire que l’on supprime des effectifs. Or, entre 2000 et 2007, les effectifs ont augmenté de 136 000 personnes (+ 15 % sur la période). Les projets de réductions d’effectifs évoqués ici ou là concernent des établissements qui ont recruté au-delà de leurs capacités budgétaires. Mais ils ne correspondent pas à une tendance nationale, qui est à la hausse. De plus, on ne parle pas assez des hôpitaux qui continuent de recruter, comme le centre hospitalier régional (CHR) de Lille par exemple. On polémique souvent autour de l’idée qu’il y aurait moins de monde dans les hôpitaux, ce qui est faux ! Au total, les recrutements supplémentaires sont allés bien au-delà de la compensation des 35 heures.

Pendant des années, la France n’a pas eu de politique salariale. Tout se réduisait à l’augmentation du point d’indice. Depuis 2 ans, nous en construisons une. Mes principes sont simples :

––  aucun fonctionnaire ne perd de pouvoir d’achat ;

––  les augmentations ne se fondent plus uniquement sur l’ancienneté ou les progressions automatiques de carrière, mais également sur le mérite ;

––  certains métiers doivent être mieux valorisés.

Sur le premier point, la défense du pouvoir d’achat, j’ai créé il y a deux ans la garantie individuelle de pouvoir d’achat (GIPA) qui permet de verser une prime correspondant exactement à la perte de pouvoir d’achat que connaissent certains fonctionnaires (130 000 en 2008).

La rémunération au mérite est un axe majeur de notre politique salariale. Elle participe à la reconnaissance du travail des fonctionnaires, elle permet d’améliorer la qualité du service. Nous la développons sous deux formes :

––  individuelle : avec la mise en place d’une prime modulée selon la performance de l’agent : la prime de fonctions et de résultats (PFR) permet de prendre en compte les responsabilités exercées et varie au vu de la performance individuelle de l’agent, comme cela fonctionne dans presque 100 % des entreprises privées ;

––  collective : Je souhaite que l’intéressement collectif aux résultats soit instauré dans les services publics d’ici 2010. Il reposera sur des indicateurs de performance lié au management des équipes par objectifs (qualité du service rendu, productivité,…). J’en profite pour saluer la qualité du rapport du député Michel Diefenbacher.

Par ailleurs, nous valorisons aussi les fonctionnaires qui décident de travailler davantage, que ce soit par l’attribution d’heures supplémentaires (280 millions d’euros de supplément de salaires pour les fonctionnaires) que par la monétisation des jours accumulés sur les comptes épargne-temps.

Nous avons également entrepris avec les quatre organisations syndicales signataires du relevé de conclusions relatif aux carrières et aux politiques indemnitaires dans la fonction publique de février 2008 une reconstruction des grilles des corps de catégorie B, comme nous l’avions déjà fait pour la catégorie C, en regroupant dans un même cadre les corps relevant du « B type » et du « classement indiciaire intermédiaire », ce qui est de nature à favoriser la mobilité. Ces grilles améliorent les perspectives de fin de carrière des agents en relevant le sommet de grille. Le même travail est en cours sur la catégorie A avec les mêmes organisations syndicales signataires.

Enfin, nous consacrons des financements spécifiques à l’amélioration de la condition de certains métiers, grâce au retour catégoriel. Par exemple, dans le secteur de l’Éducation nationale, des primes ont été créées pour les jeunes enseignants, pour les directeurs d’école dans le premier degré, pour les professeurs en lycée professionnel ou pour les proviseurs et de leur adjoint. Les policiers et les agents pénitentiaires bénéficient de plans pluriannuels de revalorisation salariale qui courent jusqu’en 2012.

Enfin, le Gouvernement mène une véritable politique de ressources humaines. Dans un contexte de réformes, la santé et la sécurité au travail et la gestion des contractuels dans la fonction publique sont des sujets essentiels.

Sur la santé au travail, le stress, les conditions de travail nous avons achevé hier une série de réunions avec les organisations syndicales. Nous avons notamment abordé les risques psychosociaux ; un plan sur ce sujet sera établi. Nous devons mettre la fonction publique aux normes du secteur privé, ce qui n’était pas le cas auparavant. J’ai bon espoir que presque toutes les organisations syndicales pourront signer ce plan, car le dialogue sur la question des conditions de travail a été enrichissant. La vision générale des conditions de travail, et non administration par administration, qui en ressortira constituera une grande première pour la fonction publique.

La fusion des corps nous permet d’avancer vers une fonction publique de métiers. La fonction publique territoriale est déjà organisée par cadres d’emplois et la fonction publique hospitalière en fonction des métiers. Nous devons le faire dans la fonction publique de l’État. J’espère donc réduire le nombre de corps, cela dépendra de la qualité des réponses des ministères, qui restent assez réticents à aller dans cette direction. Depuis 2005, nous sommes déjà passés de 685 à 380 corps, mais nous devons intensifier notre effort, tout particulièrement en catégorie A qui rassemble désormais 60 % des corps, et seulement 48 % des effectifs avec les enseignants et 23 % sans eux.

L’année 2010 sera également marquée par la rénovation du dialogue social. Je vous remercie d’avoir nommé un rapporteur, M. Pierre Morel-A-L’Huissier, sur le projet de loi relatif au dialogue social. C’est une priorité, même si la date d’inscription au calendrier parlementaire de la traduction législative de cet accord que l’on peut qualifier d’historique n’a pas encore été arrêtée. J’ai bon espoir que cela puisse aboutir d’ici le début de l’année prochaine.

J’aborderai les concours, qui ont été sensiblement rénovés, et je suis à votre disposition pour répondre à des questions sur ce sujet.

Le Gouvernement mène une politique volontariste d’ouverture de la fonction publique à la diversité. J’ai mis en place une classe préparatoire à l’ENA, comme dans les IRA et dans l’ensemble des écoles de la fonction publique d’État. J’espère que la fonction publique hospitalière fera de même. Il me semble important que des jeunes qui n’ont pas forcément le niveau scolaire mais ont le niveau intellectuel puissent intégrer la fonction publique. J’ai inauguré voici quelques jours, la classe préparatoire de l’ENA qui réunit 15 élèves – 11 de sexe féminin et 4 de sexe masculin – qui vont préparer le concours externe : ils bénéficient d’un tutorat et d’une remise à niveau mais passeront le même concours que les autres candidats.

Par ailleurs, la fonction publique continue de progresser en matière de recrutement de handicapés, et conformément aux engagements pris lors de la dernière Conférence Nationale du Handicap, le Gouvernement s’est doté des moyens pour atteindre les 6 % exigés par la loi pour le 31 décembre 2012.

Enfin, j’évoquerai rapidement la fin du classement de sortie de l’ENA. Il me semble préférable que se soient les administrations qui recrutent leurs futurs agents, plutôt que l’inverse ! Sur la base des candidatures des élèves, les employeurs sélectionneront parmi des dossiers anonymes les candidats qu’ils souhaitent recruter. J’espère que cela fluidifiera l’ENA et nous veillerons à éviter tout détournement du système.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Comme ce serait bien d’avoir un secrétaire d’État à la fonction publique !

Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir répondu à 75 % des questions que j’ai adressées en vue de l’examen du budget de la fonction publique, même si un quart des questions sont restées sans réponse. J’espère que les résultats seront meilleurs l’an prochain.

S’agissant des corps, je remarque qu’un indicateur de performances relatif au nombre de corps de fonctionnaires, qui ne figurait pas dans le projet annuel de performances pour 2009, a été rétabli cette année. Pouvez-vous en indiquer la raison ? Est-ce le signe d’un travail plus approfondi sur le sujet ? Je prends acte de l’intention que vous avez manifestée de poursuivre la réduction du nombre de corps.

Vous avez parlé de l’ENA. Serait-il envisageable de mener une enquête de satisfaction relative à la formation délivrée par l’ENA comme cela avait été fait pour les IRA ? Vous justifiez la suppression de sortie de l’ENA par le fait que l’administration doit choisir ses fonctionnaires, mais avez-vous comme objectif d’assurer une meilleure adéquation entre les compétences des élèves et les postes proposés à l’issue de la scolarité ?

Je souhaiterais également connaître votre sentiment face aux propositions que j’ai formulées dans le cadre d’un rapport d’information sur les formations internationales des agents publics, remis le 8 juillet 2009. Ce rapport appelait notamment à définir une stratégie globale en matière de formations internationales et à mieux valoriser celles-ci au cours de la carrière.

S’agissant de la mise en œuvre du droit individuel à la formation (DIF), il est dommage que le projet annuel de performances pour 2010 ne prévoie plus d’indicateur, ce qui prive la représentation nationale de moyens de suivre la mise en œuvre de la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie. Pourquoi cet indicateur a-t-il été abandonné alors que le DIF est un élément important pour la qualité des fonctionnaires ? Les administrations informent-elles bien les agents de l’existence de ce droit et donnent-elles suite aux demandes ou bien privilégient-elles leurs plans de formation ? Je remarque par ailleurs que les dépenses de personnel prévues pour la formation des fonctionnaires sont en baisse de 150 000 euros par rapport à 2009 et de 450 000 euros par rapport à 2008. Un indicateur sur les demandes de formation et les formations délivrées serait utile pour apprécier les réalisations dans ce domaine.

En matière d’action sociale interministérielle, qui est très importante pour les fonctionnaires, l’arrivée à échéance de la convention relative à l’aide ménagère à domicile au 1er avril 2009 s’est traduite par la disparition de cette prestation, ce qui n’est pas satisfaisant pour les fonctionnaires retraités qui en bénéficiaient. Le nombre de bénéficiaires du prêt mobilité était de 249 en 2008 et était estimé à 15 000 pour 2009. Pouvez-vous indiquer quel sera finalement le nombre de bénéficiaires et si vous estimez ce dispositif efficace ? Il serait souhaitable que les projets annuels de performances comprennent davantage d’éléments qualitatifs sur l’action sociale.

Enfin, les suppressions de postes sont devenues l’alpha et l’oméga de votre politique. Cependant, la connaissance de la stratégie globale de l’État en matière de missions de service public exercées par les fonctionnaires est insuffisante. Serait-il possible de disposer d’une information plus précise sur les effectifs et les missions exercées, par exemple au moyen d’un indicateur clair permettant d’apprécier la gestion prévisionnelle des emplois et des effectifs, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ? Se pose la question des missions que l’État doit continuer ou non à assurer. Par exemple, quels sont les critères objectifs de modernisation liés aux 33 749 suppressions d’emplois annoncées pour 2010 ? Par ailleurs, le Gouvernement déclare que la moitié des économies réalisées seront consacrées à la revalorisation du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Comment cet objectif est-il réalisé aujourd’hui ?

M. le Ministre. S’agissant de la question posée sur la fusion des corps et les indicateurs qui s’y rapportent, le Gouvernement souhaite poursuivre la politique de réduction du nombre de corps au sein de la fonction publique. Je ne suis, toutefois, pas encore en mesure de vous transmettre des chiffres pour l’année 2009 car il s’agit d’une démarche interministérielle, qui ne relève donc pas du seul ministère chargé de la fonction publique. L’indicateur de performance correspondant avait été supprimé en 2008 mais son rétablissement a été décidé depuis lors. Sur le fond, si la mise en place d’une fonction publique de métiers a pu être légèrement ralentie en raison du contexte d’inquiétude créé par la crise, les fusions de corps seront bien poursuivies à l’avenir. Notre objectif demeure de favoriser l’apparition d’une fonction publique de métiers, fondée sur de véritables filières professionnelles offrant aux agents de meilleures perspectives de carrière et de mobilité.

S’agissant ensuite de la réforme de l’ENA, je suis tout à fait prêt à accepter qu’une enquête de satisfaction soit conduite, comme elle l’a été pour les instituts régionaux d’administration (IRA). La suppression du classement de sortie de l’ENA a été approuvée par les élèves et les réticences proviennent plutôt de grands corps de l’État, qui pourraient craindre que le nouveau mode de recrutement ne se caractérise par une moindre sélection. Cette réforme permettra d’affecter les élèves sur un poste adapté au vu de l’ensemble de leur parcours, ce qui sera plus humain et plus subtil que l’application actuelle du seul classement de sortie. Le succès de la démarche suppose que toutes les administrations « jouent le jeu », sans recréer officieusement leurs propres procédures de sélection, afin que la nouvelle politique de recrutement assure l’adéquation entre l’offre et la demande pour ces emplois publics.

S’agissant de la formation internationale des agents publics, je ne dispose malheureusement pas, pour le moment, des éléments requis pour vous répondre.

S’agissant des droits inidividuels à la formation, il faut souligner qu’ils demeurent peu utilisés parce que, depuis le début de l’année 2009, la plupart des agents publics n’ont pas encore pu acquérir les 30 heures requises. Dans ce domaine comme dans les autres, le Gouvernement rétablira bien entendu les indicateurs souhaités par le Parlement, même si l’existence d’un trop grand nombre d’indicateurs est souvent critiquée !

S’agissant des prestations sociales à domicile, la réforme menée par le Gouvernement vise à mieux prendre en compte les besoins réels des agents et a été conduite en concertation avec les organisations syndicales, même si elles n’y ont pas nécessairement adhéré. Pour ces aides comme pour les prestations sociales en général, il faut essayer de raisonner davantage en fonction d’objectifs qualitatifs et pas seulement quantitatifs. Là encore, un travail pourra être engagé avec votre Commission pour définir des indicateurs pertinents.

Je voudrais vous dire, enfin, qu’il est très abusif de résumer la politique du Gouvernement à l’égard de la fonction publique aux seules suppressions de postes. Le non renouvellement de postes correspondant à la moitié des départs en retraite s’inscrit dans une réflexion plus complexe et plus profonde. Nous constatons que les effectifs de la fonction publique ont beaucoup augmenté ces dernières années et que les nombreux départs en retraite prévus nous offrent une opportunité pour réduire ces effectifs et, ainsi, retrouver des marges de manœuvre pour mieux rémunérer les fonctionnaires. En outre, des efforts de productivité peuvent encore être accomplis pour que nos services publics délivrent aux usagers un service au moindre coût.

Les modalités de redistribution aux fonctionnaires des économies ainsi réalisées font l’objet de négociations avec les organisations syndicales, qui permettent aussi d’aborder la modernisation de la gestion des ressources humaines. Le Gouvernement est prêt à accepter de restituer aux agents, pendant les premières années des restructurations, plus de la moitié du budget économisé, car la réorganisation de la fonction publique de l’État constitue un investissement pour l’avenir.

M. Jacques Valax. Je voudrais faire une observation concernant l’augmentation des charges des collectivités locales. Le ministre a affirmé que celles dont les dépenses avaient le plus augmenté n’étaient pas forcément celles auxquelles le plus de compétences avaient été transférées. Je tiens à élever une protestation contre ces propos, car ils ne correpondent pas à la réalité. J’ai constaté moi-même que dans le département du Tarn, le transfert des agents techniciens, ouvriers et de service (TOS) provenant des directions départementales de l’équipement (DDE) avaient, à eux seuls, porté les effectifs de 1 000 à 1 600 personnes en 2006. Le chiffre atteint même 1 670 personnes si l’on tient compte de l’abandon par l’État des contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) ! La charge supplémentaire de 14 millions d’euros qui en a résulté pour le département correspond à 9 points de fiscalité locale supplémentaire, alors même que le département n’a augmenté cette fiscalité que de 6,9 %. Il faut donc que les membres du Gouvernement modèrent leur discours, ou mettent en place avec tous les partenaires concernés une commission chargée d’établir la réalité des chiffres sur ce sujet.

Par ailleurs, je souhaiterais savoir si M. le ministre peut nous confirmer l’engagement pris par Mme Michèle Alliot-Marie, ministre chargé de la justice, de réserver 450 postes de greffiers aux personnels des études d’avoués au sein des tribunaux.

M. André Vallini. Nous avons entendu, de la bouche du ministre, la rengaine habituelle consistant à dénoncer l’augmentation des effectifs des collectivités locales. Ce ton moralisateur et culpabilisant doit maintenant cesser. Le fait que les collectivités locales aient beaucoup augmenté leurs effectifs ces dernières années, au-delà même des transferts de personnels, s’explique par le très fort dynamisme des dépenses sociales dont elles ont désormais la charge, parce que le nombre de personnes en situation de détresse sociale ou de dépendance a beaucoup augmenté. La façon dont les deniers publics ont été utilisés pour l’organisation à Paris du sommet de l’Union pour la Méditerrannée, le 13 juillet 2008, ne met pas l’État en situation de donner aux collectivités locales des leçons de rigueur de gestion ; cela devrait plutôt l’inciter à la modestie !

M. Claude Bodin. Avant toute chose, je tiens à souligner la qualité des réformes courageuses menées par le Gouvernement dans le domaine de la fonction publique et à vous féliciter, M. le ministre, d’avoir introduit davantage de mérite et une dose d’intéressement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires. J’émets toutefois certaines réserves au sujet de l’abandon du classement de sortie des grandes écoles, qui me semble présenter des risques pour la promotion des élèves aux origines les plus modestes.

Ma question concerne le statut de la fonction publique. J’observe que, du fait de la titularisation au terme d’un stage probatoire pouvant durer jusqu’à un an, certains fonctionnaires se retrouvent protégés par leur statut alors même qu’ils ne satisfont pas aux besoins de leurs employeurs. J’aimerais donc savoir si le Gouvernement entend préparer une réforme du statut de la fonction publique, qui permette de remédier à ces situations.

M. Guy Geoffroy. M. le ministre, pouvez-vous nous préciser la place accordée à la validation des acquis de l’expérience des fonctionnaires ?

Ma seconde question a trait à la tenue, par les collectivités territoriales, de l’objectif de recrutement de 6 % de personnes handicapées dans la fonction publique, qui a été fixé par la loi de 2005 sur le handicap. Eu égard aux spécificités des règles de mutation de la fonction publique territoriale par rapport à la fonction publique d’État, comment atteindre cet objectif ? Faut-il – ce qui me semble très délicat à envisager – intégrer le handicap comme un critère de sélection pour les mutations ? Quelles réflexions et pistes l’État peut-il apporter aux collectivités territoriales en la matière ?

Mme Aurélie Filippetti. M. le ministre, pouvez-vous nous préciser quelles mesures sont envisagées pour améliorer la santé et le bien-être des fonctionnaires au travail ? Je pense tout particulièrement aux personnels de l’éducation nationale et de la police, exposés à des difficultés criantes. Des mesures particulières sont-elles envisagées les concernant ?

M. le Ministre. En matière de dépenses des collectivités territoriales, je ne stigmatise personne. Je constate simplement. L’État n’a pas de leçons à donner, mais il peut tout de même formuler des observations car il contribue aussi à l’équilibre des finances publiques locales en versant chaque année 90 millions d’euros aux collectivités territoriales. Il me semble donc important que ces collectivités, au même titre que l’État, s’interrogent sur la meilleure manière de maîtriser la dépense publique. Car, ne l’oublions pas, leurs dépenses entrent dans l’agrégat des déficits au sens du traité de Maastricht.

M. le rapporteur pour avis. Absolument pas ! Les collectivités territoriales ont toutes l’obligation de présenter des budgets en équilibre et elles n’alimentent pas les déficits publics.

M. le Ministre. Vous savez bien que les collectivités territoriales ont des besoins de financement couverts par l’emprunt qui, évidemment, entrent dans la définition des déficits publics au sens de la comptabilité européenne. Les comptes publics de la France sont d’ailleurs jugés dans leur globalité, par l’agrégation de ceux de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales.

C’est donc ma responsabilité de faire passer un certain nombre de messages. S’agit-il pour autant d’une rengaine ? Dans ce cas, à chacun la sienne : à moi, celle de l’augmentation des dépenses des collectivités territoriales qu’il faut juguler ; à vous, mesdames et messieurs de l’opposition, celle du bouclier fiscal.

Je ne m’attarderai pas sur les remarques déplaisantes relatives au coût de la présidence française de l’Union européenne, si ce n’est pour observer que les dépenses de cette présidence se sont élevées à 151 millions d’euros alors que le budget voté à cet effet par le Parlement était de 190 millions d’euros. L’État a donc dépensé moins que prévu et, qui plus est, moins que l’Allemagne à l’occasion de sa propre présidence de l’Union.

Pour ce qui concerne le classement de sortie à l’ENA, j’estime que l’abandon du critère du rang de sortie dans le recrutement par les administrations est utile. Toutefois, il nous faudra veiller à la qualité et à l’organisation des recrutements dans leur nouvelle formule. M. Jean-Pierre Jouyet, président de l’AMF, préside justement un groupe de travail chargé du suivi de cette réforme. Nous aviserons en fonction de ses observations et préconisations.

S’agissant du statut de la fonction publique, j’affirme qu’il n’est pas question de le remettre en cause. D’ores et déjà, près de 17 % des effectifs sont recrutés sous statut contractuel, plus souple dans sa gestion. Naturellement, le statut de la fonction publique doit pouvoir évoluer pour s’adapter à notre temps. C’est l’objet de nos actions en direction d’une meilleure individualisation de la gestion des carrières, d’une meilleure appréciation de la qualité du service fourni et de l’assignation d’objectifs.

En matière de validation des acquis de l’expérience, beaucoup de choses ont été prévues dans la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, récemment adoptée par le Parlement et promulguée le 3 août dernier. Pour faire plus précisément suite à vos demandes, M. Geoffroy, je vous ferai parvenir des éléments détaillés sur le sujet.

Ainsi que je l’ai dit, la fonction publique est en passe d’atteindre l’objectif de recrutement de 6 % d’handicapés d’ici la fin de 2012. Des progrès importants ont été accomplis et, il faut le souligner, les administrations ont un comportement exemplaire. Certes, les pénalités financières les y incitent mais, en la matière, elles montrent la voie, notamment aux acteurs privés.

Enfin, s’agissant de la sécurité des fonctionnaires à leur travail, je rappellerai qu’une réunion conclusive s’est tenue hier avec les organisations syndicales afin de mettre sur pied un plan de 15 mesures faisant le plus grand cas des difficultés psychosociales pouvant être parfois ressenties par les agents. Ce plan, qui sera signé par les organisations syndicales mais qui engage aussi les employeurs publics, constitue une première.

À l’issue de l’audition du Ministre, la Commission, contrairement aux conclusions du rapporteur, donne un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Fonction publique » pour 2010.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Union des fédérations CFDT des fonctions publiques et assimilées

—  Mme Brigitte Jumel, secrétaire générale

—  Mme Mylène Jacquot, secrétaire générale adjointe

Union syndicale Solidaires Fonctions publiques et assimilés

—  M. Jean-Michel Nathanson, délégué général

Fédération générale des fonctionnaires FO

—  M. Claude Simoneau, secrétaire général adjoint

Fédération générale des fonctionnaires CFTC

—  M. Michel Moreau, président

—  M. François Bos, membre du conseil fédéral

Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT

—  M. Stéphane Julien, secrétaire

—  M. Vincent Blouet, secrétaire

© Assemblée nationale

1 () L’Opérateur national de paye est un service à compétence nationale rattaché conjointement à la direction générale des finances publiques (DGFIP) et à la DGAFP.

2 () Voir le III, A, 1 (page 26).

3 () Les formations internationales des agents publics, rapport d’information au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République présenté par M. Bernard Derosier, XIII° législature, n° 1809, 8 juillet 2009.

4 () Le régime indemnitaire des personnels des IRA est aligné sur celui des autres agents du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.

5 () Décret n° 2009-587 du 25 mai 2009 relatif aux missions des secrétaires généraux pour les affaires régionales.

6 () Le montant de l’AIP est de 900 euros en Île-de-France, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et dans les zones urbaines sensibles, mais de 500 euros dans le reste du pays.

7 () En 2008, le total de ces prestations s’est élevé à 63,1 millions d’euros.

8 () Toutefois, l’allocation pour les enfants infirmes poursuivant des études ou un apprentissage entre 20 et 27 ans a été revalorisée de 3%.

9 () Décret n° 2009-824 du 3 juillet 2009 portant majoration à compter du 1er juillet 2009 de la rémunération des personnels civils et militaires de l’État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d’hospitalisation et portant attribution de points d’indice majoré ; décret n° 2009-1158 du 30 septembre 2009 portant majoration à compter 1er octobre 2009 de la rémunération des personnels civils et militaires de l’État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d’hospitalisation.

10 () Les dépenses de l’État relatives au paiement des heures supplémentaires ont augmenté de 10 % en 2008 par rapport aux années 2006 et 2007.

11 () Toutefois, cette intégration à une échelle unique n’est pas applicable aux corps placés sous statut spécial, qui conservent une grille de rémunération particulière, et aux corps relevant des professions sanitaires ou sociales réglementées, qui ne recrutent qu’au niveau bac +2.

12 () Il s’agit de la CGT, de la FSU, de FO et de Solidaires.

13 () Décret n° 2009-567 du 20 mai 2009 modifiant le décret n° 2008-539 du 6 juin 2008 relatif à l’instauration d’une indemnité dite de garantie individuelle du pouvoir d’achat.

14 () Décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 relatif à la prime de fonctions et de résultats.

15 () Décret n° 2009-1211 du 9 octobre 2009 relatif à la prime de fonctions et de résultats des chefs de service, des directeurs adjoints, des sous-directeurs, des experts de haut niveau et des directeurs de projet ; Arrêté du 9 octobre 2009 portant extension de la prime de fonctions et de résultats au corps des administrateurs civils et fixant les montants de référence de cette prime ; arrêté du 9 octobre 2009 fixant les montants de référence de la prime de fonctions et de résultats applicables au corps des secrétaires administratifs.

16 () Décret n° 2009-261 du 6 mars 2009 modifiant le décret n° 2006-1019 du 11 août 2006 portant attribution d’une indemnité de performance en faveur des directeurs d’administrations centrales.

17 () Ces classes préparatoires intégrées ont été créées par deux arrêtés ministériels du 18 mai 2009.

18 () Arrêté du 29 mai 2009 organisant l’ouverture d’une classe préparatoire intégrée au concours d’inspecteur du travail.

19 () Arrêté du 30 juin 2009 organisant l’ouverture d’une classe préparatoire intégrée aux concours externes de recrutement des personnels de direction des établissements mentionnés aux 1° et 7° de l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, de directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, d’attachés d’administration hospitalière et d’inspecteurs de l’action sanitaire et sociale.

20 () Il s’agit de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.

21 () Parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d’État.

22 () Voir le compte-rendu n° 57 du 17 juin 2009.

23 () Cette disposition, prévue par l’article 19 de la loi du 3 août 2009 précitée, figure à l’article 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.

24 () En principe, c’est un droit pour tout fonctionnaire en activité de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.

25 () M. Hugues Portelli, Rapport fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, Sénat, n° 291, p. 62.

26 () Le relevé de conclusions a été signé par la CFDT, la CGC, la CGT, la FSU, Solidaires et l’UNSA.

27 () Dans son discours prononcé devant l’IRA de Nantes, le 19 septembre 2007, le Président de la République avait déclaré : « Je suggère que l’on abandonne la composition strictement paritaire des instances de dialogue social, qui a mal vieilli. Que d’heures perdues à tant de formalisme au lieu de discuter vraiment des préoccupations des fonctionnaires ! La fonction publique hospitalière a renoncé au paritarisme dans ses comités d’établissement : ce n’est donc pas insurmontable. Le dialogue social n’en est pas moins réel. »