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N
° 1967

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2009

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur général,

Député.

——

ANNEXE N° 21

ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Dominique BAERT

Député.

____

SYNTHÈSE 5

INTRODUCTION : L’ÉTAT SURENDETTÉ 7

I.– LE PROGRAMME CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L’ÉTAT : LE PARLEMENT EST INVITÉ À VOTER UN BUDGET VIRTUEL 13

A.– LA PERFORMANCE DU PROGRAMME CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L’ÉTAT 15

B.– LE NIVEAU SANS PRÉCÉDENT DU BESOIN DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT 18

1.– Le financement définitif de l’État en 2008 20

2.– Le programme révisé de financement de l’État pour 2009 22

3.– Le financement prévisionnel de l’État pour 2010 25

C.– LA CHARGE DE LA DETTE EN AUGMENTATION DE 4 MILLIARDS D’EUROS DÈS L’ANNÉE PROCHAINE 30

1.– Le paradoxe de 2009 : en dépit de l’explosion de la dette, des charges d’intérêt atténuées par la faiblesse des taux 33

2.– Une forte augmentation de la charge de la dette en 2010 : quand l’effet « taux » et l’effet « volume » jouent dans le même sens 37

D.– LES RISQUES LIÉS AU SURENDETTEMENT PUBLIC 44

1.– Le risque d’une stérilisation durable des marges de manœuvre budgétaires de l’État 44

2.– Le risque d’une perte de tout contrôle de l’évolution de la dette publique 45

a) Les possibles effets d’éviction liés à un excès d’endettement public 45

b) Un besoin de financement de l’État encore supérieur à 200 milliards d’euros en 2011 et en 2012 46

c) Les limites des perspectives pluriannuelles d’évolution de la dette publique présentées par le Gouvernement 48

II.– LE PROGRAMME APPELS EN GARANTIE DE L’ÉTAT : DES FINALITÉS HÉTÉROGÈNES 55

A.– LA PERFORMANCE DU PROGRAMME APPELS EN GARANTIE DE L’ÉTAT 55

B.– LES DÉPENSES DU PROGRAMME APPELS EN GARANTIE DE L’ÉTAT 56

1.– L’action Agriculture et environnement 57

2.– L’action Soutien au domaine social, logement, santé 57

3.– L’action Financement des entreprises et industrie 58

4.– L’action Développement international de l’économie française 58

5.– L’action Autres garanties 63

III.– LE PROGRAMME ÉPARGNE : DU REPORT DE CHARGES AUX DÉPENSES FISCALES, UN CALIBRAGE INCERTAIN 67

A.– LA PERFORMANCE DU PROGRAMME ÉPARGNE 67

1.– Favoriser l’investissement dans le logement 67

a) Favoriser l’accès au financement des organismes de logement social 67

b) Favoriser l’accession à la propriété 68

2.– Financer l’économie 69

B.– LES DÉPENSES DU PROGRAMME ÉPARGNE 70

1.– Les dépenses budgétaires : une sous-budgétisation critiquable 70

a) L’action Épargne logement 70

b) L’action Instruments de financement du logement 74

2.– Les dépenses fiscales : un pilotage peu convaincant 75

a) Un dispositif défaillant de prévision et de suivi 75

b) Cinq principaux objectifs 76

IV.– LE PROGRAMME MAJORATION DE RENTES : DES DISPOSITIFS EN VOIE D’EXTINCTION 79

EXAMEN EN COMMISSION 81

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, aucune réponse n’était parvenue au Rapporteur spécial, qui a dû attendre le 19 octobre pour disposer de l’ensemble des réponses à son questionnaire.

SYNTHÈSE

● « Exceptionnel », « historique », « sans précédent »... : les mots ne manquent pas pour qualifier le niveau d’endettement public en 2009 et 2010. Mais plus que son niveau, c’est aujourd’hui son emballement qui est en cause. Le besoin de financement de l’État, somme du déficit budgétaire et des remboursements des emprunts passés, culminerait à près de 253 milliards d’euros en 2009, avant – selon le Gouvernement – de revenir à 212 milliards d’euros l’année prochaine, sous l’effet de la réduction affichée du déficit budgétaire. Peut-on le croire ?

D’autant que ces montants ne prennent pas en compte le futur « grand emprunt », dont on ne connaît ni les finalités, ni les caractéristiques, ni l’ampleur. Le Parlement se trouve ainsi placé dans la situation assez déplaisante de devoir se prononcer sur un programme virtuel de financement de l’État et sur des évaluations de la charge de la dette qui, demain, se trouveront nécessairement remises en cause par les charges supplémentaires nées du remboursement du « grand emprunt ».

Après le répit offert en 2009 par des taux d’intérêt historiquement bas et par le report massif des investisseurs vers les valeurs refuge que constituent les emprunts publics, les dépenses du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État devraient augmenter d’environ 4 milliards d’euros en 2010, pour s’établir à 42,5 milliards d’euros.

Cette hausse n’est malheureusement qu’un prélude à une série d’autres augmentations, dont l’ampleur dépendra de l’évolution des taux d’intérêt, à laquelle la France se trouve d’autant plus exposée que 66 % de sa dette est dorénavant détenue par des non-résidents et que la part de son endettement à court terme s’est spectaculairement accrue (environ 18 % de la dette totale !). Des risques de défiance, d’assèchement de certains segments de titres publics, de liquidité et, au final, de hausse de taux ne sont plus à négliger. L’État est dorénavant surendetté.

Sans évidemment imputer au Gouvernement la responsabilité de la crise économique, le Rapporteur spécial ne peut que dénoncer l’absence de toute stratégie de sortie de crise et le fait qu’aucune perspective crédible de remise sous contrôle de l’endettement public ne soit même esquissée.

● Le programme Appels en garantie de l’État, dont les crédits sont globalement stables depuis plusieurs années, est principalement marqué par l’augmentation des dépenses liées aux garanties gérées par la Coface (86,1 millions d’euros pour 2010). Cette évolution est essentiellement imputable à la procédure de garantie du risque exportateur – dans l’actuel contexte de crise – ainsi qu’à l’assurance prospection, du fait des récentes réformes de ce dispositif.

● Depuis 2006, le programme Épargne est systématiquement sous-budgétisé, en raison de la sous-évaluation récurrente de ses crédits. En 2010, face à une augmentation prévisible des primes associées aux plans épargne logement (PEL), il n’est pas certain que les crédits proposés dans le présent projet de loi de finances (1 250 millions d’euros) soient suffisants. En tout état de cause, ils ne permettront pas de réduire la dette de l’État vis-à-vis du Crédit foncier de France qui, en raison de reports de charges récurrents, s’établissait à 963 millions d’euros à la fin 2008.

Par ailleurs, l’évaluation du montant et de l’efficacité des dépenses fiscales rattachées à ce programme, dont le montant total représente près de cinq fois les crédits budgétaires, demeure un enjeu essentiel des prochains exercices.

INTRODUCTION : L’ÉTAT SURENDETTÉ

 La mission Engagements financiers de l’État, qui mobiliserait 44,2 milliards d’euros en 2010 (1), réunit quatre programmes. Deux sont dotés de crédits évaluatifs (Charge de la dette et trésorerie de l’État et Appels en garantie de l’État), deux sont dotés de crédits limitatifs (Épargne et Majoration de rentes).

En principe, la relative hétérogénéité de ces programmes devrait être atténuée par la présentation d’ensemble de la mission, figurant en tête de l’annexe budgétaire jointe au présent projet de loi de finances. Force est toutefois de constater que cette présentation se révèle d’une particulière indigence :

– la « présentation stratégique » de la mission n’a de stratégique que le nom. Il s’agit en réalité d’une simple description de chacun des programmes ;

– la présentation pluriannuelle de l’évolution de la charge de la dette, qui constituait l’une des innovations très appréciables du projet de loi de finances pour 2009, ne comporte aucune évaluation (tout au plus est-il indiqué que la charge de la dette... « devrait s’accroître fortement à partir de 2011 ») ;

– la mise en exergue, au niveau de la mission, d’ « indicateurs principaux », puisés parmi les indicateurs des programmes, s’apparente à un gadget, dès lors que les objectifs sélectionnés ne font l’objet d’aucun commentaire. Pour que cette innovation ait un sens, il aurait fallu justifier le choix de ces indicateurs, en les reliant aux orientations fondamentales de la mission.

Ces remarques préliminaires, qui peuvent paraître excessivement formelles, visent à soulever un problème plus profond : celui de l’apparente déconnexion entre les documents budgétaires soumis au Parlement et la réalité de la gestion. Le lecteur qui débarquerait d’une autre planète devrait ainsi attendre la page 25 du projet annuel de performances (PAP) pour apprendre, au détour d’une phrase, l’existence d’une crise financière et économique mondiale !

Une telle déconnexion est d’autant moins compréhensible que, depuis 2008, la mission Engagements financiers de l’État se trouve placée
– avec d’autres – au c
œur de la crise : le programme d’emprunt de l’Agence France Trésor a dû s’adapter à des marchés mondiaux instables ; l’augmentation du besoin de financement de l’État oblige à des émissions massives de dette, notamment à court terme ; la charge de la dette a bénéficié en 2009 d’une diminution historique des taux d’intérêt ; l’État a accordé sa garantie à hauteur de 360 milliards d’euros pour refinancer et recapitaliser le secteur bancaire (via la SFEF et la SPPE) (2) ; les fonds issus de l’épargne réglementée ont été directement sollicités pour financer des prêts aux PME.

Sur tous ces points, directement liés aux différents programmes de la mission Engagements financiers de l’État, on s’étonne de ne pas trouver la moindre mise en perspective dans les orientations « stratégiques » présentées dans le PAP sous le timbre de la ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi ou sous celui du directeur général du Trésor et de la politique économique, responsable des quatre programmes de la mission.

 Sur le fond, un fait essentiel domine : le formidable accroissement des « engagements financiers de l’État », dans un contexte d’emballement de la dette publique. Selon les prévisions du Gouvernement associées au présent projet de loi de finances, après 67,4 % du PIB en 2008, l’endettement public atteindrait 77,1 % en 2009, puis 84 % en 2010. Ainsi, à la fin de l’année prochaine, la dette publique s’élèverait à plus de 1 650 milliards d’euros, soit plus de 25 700 euros par habitant (3).

Il y a quelques années, la littérature économique distinguait usuellement cinq phases distinctes dans l’évolution de la dette des administrations publiques en France depuis le début des années quatre-vingt. Force est de constater que, depuis 2007, une sixième phase d’évolution de la dette publique a commencé, qui s’apparente à une véritable explosion. À supposer que les prévisions du Gouvernement – d’autant plus optimistes que leur horizon est éloigné – soient vérifiées en pratique, la dette aura augmenté de près de 28 points de PIB entre 2007 et 2013 !

LES SIX GRANDES PHASES D’ÉVOLUTION DE LA DETTE PUBLIQUE

(en % du PIB)

Pour 2009-2012 : prévisions du Gouvernement associées au présent projet de loi de finances
(hors effet du futur « grand emprunt »).

Le graphique ci-avant présente les grandes phases d’évolution de la dette publique depuis trente ans. De 1981 à 1987, la dette progresse à un rythme de 1,8 point de PIB par an en moyenne, sous l’effet d’une augmentation sensible des dépenses publiques. De 1987 à 1991, la progression de l’endettement public ralentit, à la faveur notamment d’une croissance économique soutenue. La troisième phase d’augmentation de la dette, entre 1991 et 1997, est particulièrement marquée : après deux années de ralentissement de la croissance, la récession de 1993 (4) porte le déficit public à 6,4 % du PIB. De 1997 à 2001, grâce aux efforts d’assainissement budgétaire et à une forte croissance économique, le taux d’endettement public se stabilise en deçà de la limite « maastrichtienne » de 60 % du PIB. Les années 1999 à 2001 connaissent même une diminution de l’endettement, passé de 59,3 % en 1997 à 56,9 % en 2001.

La cinquième phase d’évolution, entre 2001 et 2007, voit la dette publique repartir à la hausse de 1,2 point de PIB en moyenne chaque année. Au demeurant, cette progression moyenne apparemment modérée est trompeuse. Elle intègre en effet la spectaculaire baisse de l’endettement public obtenue en 2006 (- 2,7 points de PIB) par des moyens en grande partie étrangers à l’amélioration de la situation des finances publiques (5).

Depuis 2007, la sixième phase d’évolution est celle d’une augmentation sans précédent de la dette publique, de 4,6 points de PIB en moyenne chaque année, pour atteindre plus de 91 % en 2013 (6). À plus brève échéance, en l’occurrence entre 2007 et 2010, la hausse de la dette serait supérieure à 20 points de PIB en trois ans. Cette situation n’est pas sans rappeler celle de la troisième phase précédemment décrite, marquée par la récession de 1993 puis par plusieurs années de progression incontrôlée de l’endettement. La conjoncture actuelle partage d’ailleurs un autre trait commun avec cette période : l’accroissement du recours par les pouvoirs publics à l’endettement à court terme. Ce constat est vrai pour les financements sociaux comme pour ceux de l’État.

Ainsi, faute de transfert à la CADES d’une nouvelle tranche de dette sociale, le déficit du régime général de la sécurité sociale, soit plus de 30 milliards d’euros en 2010, devra être directement supporté par l’ACOSS (7). Du fait des creux de trésorerie en cours d’année, une autorisation de découvert de 65 milliards d’euros est proposée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

En raison de l’ampleur de ce découvert, les avances de la Caisse des dépôts, habituelle source de financement de l’ACOSS, ne seront pas suffisantes. Par conséquent, l’ACOSS devra non seulement augmenter son programme d’émission de billets de trésorerie (auquel souscrira partiellement l’État), mais, compte tenu du manque de profondeur de ce marché, également faire appel aux marchés internationaux de court terme (8).

La dette de l’État, quant à elle, est marquée depuis 2008 par une forte augmentation des émissions de bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés (BTF), titres dont la maturité est inférieure à un an. À la fin de cette année, les titres à court terme représenteraient ainsi plus de 18 % de la dette de l’État (9). Quoique de tels pics soient concevables en période de dérapage soudain du déficit budgétaire (en témoignent les précédents de 1992 et de 2002-2003), il s’agit d’un niveau sans précédent (même en 1992, la part des BTF n’avait pas dépassé 15 %), qui expose dangereusement l’État à l’évolution des taux d’intérêt.

L’ACCROISSEMENT DE LA DETTE À COURT TERME DE L’ÉTAT

Sources : Situation résumée des opérations du Trésor, rapport public annuel de l’AFT, présent projet de loi de finances.

Bien sûr, dans l’actuel contexte de crise, l’augmentation de la dette publique est loin de constituer une spécificité française. La plupart des États ont vu leurs finances publiques se dégrader en raison des diverses mesures de relance budgétaire et, surtout, des pertes de recettes fiscales occasionnées par le repli de l’activité.

Toutefois, le risque est grand qu’une fois la crise passée, notre dette publique soit durablement hors de tout contrôle (10). De ce point de vue, le passé n’est pas de nature à rassurer : l’histoire financière française des trente dernières années témoigne de la très grande difficulté à maîtriser l’endettement public. La situation présente est tout aussi inquiétante : abstraction faite des effets de la crise, l’état des finances publiques constitue une préoccupation manifestement très secondaire de la politique menée par le Gouvernement, comme l’illustrent par exemple la diminution de la TVA dans le secteur de la restauration, la suppression non financée de la taxe professionnelle, nombre de « cadeaux fiscaux » ou encore la dérive des comptes sociaux.

Quant à l’avenir, en l’occurrence celui tracé par les perspectives présentées par le Gouvernement au-delà de 2010, il suscite un profond scepticisme : rien de concret ne permet d’étayer sérieusement la diminution annoncée du déficit public en 2011 et 2012. Au contraire un « grand emprunt » est annoncé, qui va s’ajouter – par son capital comme par les charges d’intérêts qu’il générera – à la dette de l’État. Au demeurant, faute d’intégrer ce futur « grand emprunt », les perspectives pluriannuelles d’évolution de la dette publique présentées par le Gouvernement apparaissent purement virtuelles.

I.– LE PROGRAMME CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L’ÉTAT :
LE PARLEMENT EST INVITÉ À VOTER UN BUDGET VIRTUEL

Le programme Charge de la dette et trésorerie de l’État représente à lui seul 96 % des crédits de mission Engagements financiers de l’État demandés pour 2010, soit 42,5 milliards d’euros. Composé de trois actions (Dette négociable, Dette non négociable, Trésorerie de l’État), il a pour objet de permettre à l’État d’honorer ses engagements financiers en toutes circonstances, au meilleur coût et dans des conditions de sécurité maximales : couverture du solde budgétaire, remboursement de la dette échue, financement quotidien et gestion de la trésorerie.

Les deux encadrés ci-après présentent les principales données chiffrées relatives à la dette et à la trésorerie de l’État et rappellent succinctement les grands principes de leur gestion.

Cependant, toutes ces données s’entendent hors « grand emprunt » et ne revêtent donc – malheureusement pour le contrôle parlementaire – qu’une signification limitée.

(en milliards d’euros)

LA DETTE DE L’ÉTAT EN 2010

I.– HYPOTHÈSES RETENUES

– Déficit à financer (en exercice) :

116,0

(141,0 en 2009)

– Amortissements de titres :

 

96,0

(111,8 en 2009)

– Émissions nettes à moyen et long terme 

175,0

(165,0 en 2009)

– Émissions nettes à court terme :

29,6

(68,8 en 2009)

– Taux d’intérêt moyens :

• à 3 mois en 2010 :

1,3 %

(LFI 2009 : 4,2 %)

 

• à 10 ans en 2009 :

3,9 %

(LFI 2009 : 4,2 %)

II.– ÉVOLUTIONS ATTENDUES

– Encours nominal de dette négociable fin 2008 :

1 017

(52,1 % du PIB)

– Projections d’encours 

• Fin 2009

1 142

(59,1 % du PIB)

 

• Fin 2010

1 258

(63,9 % du PIB)

– Charge nette :

• constatée en 2008 :

44,3

(solde primaire : – 12,0)

 

• prévue en 2009 :

38,4 (révisé)

(solde primaire : – 102,6)

 

• prévue en 2010 :

44,2 (PLF)

(solde primaire : – 73,8)

(après effet du programme de swaps : solde positif de 156 millions d’euros en 2008, 135 millions d’euros en prévision d’exécution 2009 et 280 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances pour 2010)

LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA GESTION DE LA DETTE
ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT

Au milieu des années 1980, il est apparu que les besoins de financement de l’État devaient s’accroître très fortement et que le Trésor ne pourrait plus recourir à ses moyens traditionnels de financement : principalement l’accès à des ressources non négociables, à bon marché. Le Trésor s’est fait alors l’instigateur et l’acteur principal d’une réforme visant à modifier profondément la nature des titres émis par l’État, ainsi que les conditions de leur mise sur le marché et de leur négociation sur le marché secondaire. Il a impulsé des mutations essentielles pour le financement de l’économie française. Trois principes structurent la politique d’émission.

1/ La simplicité. La dette négociable de l’État a été réorientée autour de trois composantes standardisées, les « valeurs du Trésor ». Elles se distinguent par leurs échéances, qui couvrent tous les domaines de la courbe des taux :

– les BTF (bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés) couvrent les besoins de trésorerie à court terme : leur durée de vie à l’émission est inférieure à un an. Ils financent les décalages temporaires de trésorerie entre les encaissements et les décaissements. Les BTF sont aussi une variable d’ajustement dans le programme de financement ; ainsi, leur encours peut varier d’une année sur l’autre. Un nouveau type de BTF à très court terme (de 2 à 6 semaines) a été créé en 2006 ;

– les BTAN (bons du Trésor à taux fixe et intérêts annuels) assurent un financement à moyen terme. Chaque année sont émis deux BTAN à 5 ans et deux ou trois BTAN à 2 ans ;

– les OAT (obligations assimilables du Trésor) sont l’instrument du financement à long terme du Trésor, qui sert d’emprunt de référence au marché obligataire français. Leur durée de vie à l’émission peut aller jusqu’à 50 ans. Deux lignes d’OAT à 10 ans sont émises chaque année, ainsi qu’une OAT plus longue (15 ou 30 ans) suivant la demande.

2/ La transparence. Pour assurer le placement de ses titres, le Trésor a fait le choix d’une procédure assurant l’égalité de tous les investisseurs et leur mise en concurrence : l’adjudication « à prix demandé ». Avant chaque adjudication, le Trésor annonce le volume total de titres qu’il souhaite émettre. Les offres des investisseurs soumissionnaires sont compilées par la Banque de France et présentées au Trésor de façon anonyme, classées selon leur prix. Le Trésor décide du montant des soumissions qu’il retient, dans la limite de la fourchette annoncée auparavant.

Par ailleurs, le Trésor publie en début d’année un calendrier prévisionnel d’émission et s’attache à respecter la régularité des appels au marché. Ainsi, une adjudication d’OAT a lieu le premier jeudi de chaque mois et les BTAN sont adjugés le troisième jeudi de chaque mois (sauf en août et décembre). Les BTF sont adjugés chaque lundi.

La procédure de syndication, qui consiste à pré-placer le montant de l’emprunt auprès d’un syndicat d’établissements financiers chargé d’assurer ensuite son véritable placement auprès des investisseurs, n’est plus utilisée que de façon exceptionnelle. L’État y a recours pour le premier placement de titres aux caractéristiques innovantes.

3/ La liquidité. Attirer les investisseurs vers la dette de l’État supposait que fût rénové par ailleurs, pour le dynamiser, le marché secondaire. Le dynamisme du marché repose en partie sur la liquidité des titres qui peuvent s’y négocier. C’est pourquoi le Trésor a fait le choix d’émettre des titres dits « assimilables », qui peuvent être rattachés à des lignes déjà existantes présentant les mêmes caractéristiques. Les titres nouvellement émis deviennent, après le versement de leur premier coupon, totalement indiscernables des titres anciens composant la ligne.

Le gisement total de la ligne peut ainsi devenir important, favorisant la liquidité des échanges. Une quinzaine de lignes ont ainsi un encours de l’ordre de 20 milliards d’euros chacune.

Sur toutes ces questions, afin de répondre au mieux à la demande des acteurs de marché, l’Agence France Trésor (AFT) bénéficie des conseils des spécialistes en valeurs du Trésor (SVT), ensemble de banques et d’institutions spécialisées, françaises ou étrangères, liées à l’État par une charte. Le renouvellement de cette charte et de la liste des SVT a été effectué en 2009. On relèvera notamment que la banque espagnole Santander a rejoint le groupe des SVT.

 

A.– LA PERFORMANCE DU PROGRAMME CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L’ÉTAT

Les orientations stratégiques du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État pour 2010 devraient théoriquement faire l’objet d’une présentation au début du projet annuel de performances (PAP) annexé au présent projet de loi de finances. En pratique, la « présentation stratégique » consiste en une série de développements descriptifs, susceptibles d’être reconduits à l’identique chaque année, redondants avec la présentation du programme figurant quelques pages plus loin et, de surcroît, dépourvus de tout lien avec l’actualité de la gestion budgétaire.

Sous cette réserve, la performance du programme peut être appréciée au moyen de 13 indicateurs associés à 8 objectifs, très bien éclairés par les commentaires figurant dans le PAP 2010 et dans le rapport annuel de performances (RAP) annexé au projet de loi de règlement du budget de 2008. Le Rapporteur spécial renvoie à son commentaire de ce dernier pour l’analyse des résultats obtenus l’année dernière (11), ainsi qu’à son appréciation globale du dispositif de performance associé au programme, présentée dans le rapport d’information de la commission des Finances de juin dernier (12).

Pour 2010, les objectifs figurant dans le PAP annexé au présent projet de loi de finances constituent, dans leur très grande majorité, une simple reconduction des objectifs des années précédentes. Le Rapporteur spécial se contentera donc ici de signaler deux évolutions notables.

D’une part, l’indicateur relatif au solde moyen de l’État à la Banque de France en fin de journée, qui vise normalement à se rapprocher d’une « trésorerie zéro », est modifié dans le projet annuel de performances 2010. La crise financière lui avait fait perdre beaucoup de son intérêt, dès lors qu’il ne prenait pas en compte les journées dites de « faibles taux », caractérisées par des conditions de rémunération sur le marché interbancaire moins favorables que celles offertes par la Banque de France. Depuis le début de la crise financière, ces journées ont en effet été très nombreuses : 135 jours en 2007 et, surtout, 354 jours en 2008. Le Rapporteur spécial s’était lui-même « interrog[é] sur le maintien d’un indicateur trop sensible au contexte » (13).

Le nouvel indicateur figurant dans le projet annuel de performances 2010 distingue désormais deux cibles de solde du compte du Trésor en fin de journée : une cible haute de 290 à 310 millions d’euros pour les journées de « faibles taux » et une cible basse de 70 à 80 millions d’euros pour les autres journées. L’intitulé de l’objectif n° 4 est donc complété, afin de préciser qu’il s’agit d’optimiser le solde du compte de l’État « en fonction des conditions de marché ». L’indicateur correspondant renseigne désormais le pourcentage de journées où les cibles ont été atteintes, en l’occurrence 69 % en 2007, 76 % en 2008, puis 75 % dans les prévisions pour 2009 et 2010. Si ce nouvel indicateur est moins facilement « lisible » que le précédent (qui délivrait un solde moyen en millions d’euros), il est incontestablement plus pertinent (14).

D’autre part, alors qu’il n’était jusqu’alors pas renseigné en prévision, l’indicateur de taux d’annonce par les établissements publics nationaux auprès de l’Agence France Trésor (AFT) de leurs dépenses supérieures à un million d’euros (15) vise désormais une cible de 93 % (après 87 % en 2008 et 90 % en 2009), soit un taux proche de celui retenu pour les collectivités territoriales (95 %).

À titre de récapitulation, le tableau présenté ci-après rend compte de l’ensemble des performances du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État réalisées en 2008 et prévues pour 2010.

PERFORMANCE DU PROGRAMME
CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L’ÉTAT

Objectif

Indicateur

Résultat 2008

Prévision 2010

1. Couvrir le programme d’émission en toute sécurité

Adjudications non couvertes

0

0

Taux de couverture moyen des adjudications

BTF : 260 %

BTF : 200 %

OAT et BTAN : 256 %

OAT et BTAN : 150 %

2. Améliorer la pertinence des choix de mise en œuvre de la gestion de la dette obligataire

Indicateur « temps »

+ 4,1

+ 10 à – 10

Indicateur « allocation »

+ 0,5

+ 10 à – 10

3. Piloter la durée de vie moyenne de la dette après swaps

Durée de vie moyenne de la dette après swaps

Sans objet (a)

6,8 ans

4. Optimiser le solde du compte de l’État à la Banque de France en fin de journée en fonction des conditions de marché

Solde du compte de l’État à la Banque de France en fin de journée (pourcentage de journées où la cible est atteinte)

76 %

75 %

5. Placer les excédents ponctuels de trésorerie de l’État au meilleur prix

Rémunération des opérations de dépôts réalisées avec les SVT

EONIA – 0,0078 %

EONIA (b)

Rémunération des opérations de pensions livrées réalisées avec les SVT

swap EONIA 
– 0,004 %

swap EONIA
– 0,02 %

6. Améliorer l’information préalable par les correspondants du Trésor de leurs opérations financières affectant le compte du Trésor

Taux d’annonce par les collectivités locales de leurs opérations financières supérieures à un million d’euros et affectant le compte du Trésor

93 %

95 %

Taux d’annonce par les établissements publics de leurs opérations financières supérieures à un million d’euros et affectant le compte du Trésor

87 %

93 %

7. Optimiser la gestion de la trésorerie au regard de l’endettement public

Mise en œuvre de la feuille de route visant à une optimisation de la gestion de la trésorerie

79 %

100 %

8. Obtenir un niveau de contrôle des risques de qualité constante et qui minimise la survenance d’incidents

Qualité du système de contrôle : incidents ou infractions au cahier interne de procédures

0

0

Qualité du système de contrôle : notation externe du contrôle interne

(composite)

(composite)

Nombre d’incidents d’exécution des opérations de dette et de trésorerie

Dégradant le niveau du compte BdF : 10

Dégradant le niveau du compte BdF : 0

Ne dégradant pas ou améliorant le niveau du compte BdF : 36

Ne dégradant pas ou améliorant le niveau du compte BdF : 0

Autres incidents : 8

Autres incidents : 0

(a) La réalisation de cet objectif est conditionnée à la reprise du programme de swaps, interrompu depuis 2002. Pour mémoire, la durée de vie moyenne effective de la dette à la fin 2008 était de 6,8 ans, soit 6 ans et 276 jours.

(b) European overnight interbank average. Ce taux représente le taux moyen, pondéré par les volumes, des prêts à un jour réalisés sur le marché interbancaire par un panel d’établissements bancaires de la zone euro.

B.– LE NIVEAU SANS PRÉCÉDENT DU BESOIN DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT

Avant de s’intéresser à la dépense budgétaire que constitue la charge de la dette, il apparaît indispensable d’examiner les modalités de financement de l’État entre 2008 et 2010, la première dépendant très largement des secondes. Il conviendra ensuite de s’interroger sur les risques suscités par l’emballement actuel de l’endettement public.

Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF en 2006, le programme d’emprunt fait l’objet d’un vote du Parlement, qui se prononce sur le tableau de financement figurant à l’article d’équilibre des lois de finances.

En prévision, le programme d’emprunt éclaire l’origine du besoin de financement qui sera supporté par l’État l’année considérée et définit la structure des ressources qui seront utilisées pour le couvrir. En exécution, le tableau de financement retrace les conditions d’exécution des lois de finances, l’effet des éventuels rachats de titres avant échéance et l’évolution effective des ressources à court terme du Trésor (dont certaines, telles que les comptes de dépôt des correspondants, échappent à son contrôle).

Cette année, l’Assemblée nationale est placée dans une situation quelque peu singulière : le Rapporteur spécial est invité à commenter un programme d’emprunt virtuel. On sait en effet que ce programme a vocation à être prochainement revu (et augmenté) afin d’y intégrer l’ « emprunt national » annoncé par le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès le 22 juin 2009. Au moment où ces lignes sont écrites, le Rapporteur spécial n’a guère de connaissances des orientations que proposera la commission sur « les priorités stratégiques d’investissement et l’emprunt national », installée le 26 août dernier et coprésidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard. L’audition de ces deux personnalités par les commissions des finances et des affaires économiques, le 28 octobre 2009, n’a permis d’obtenir que des informations limitées, lesquelles nous permettront néanmoins d’analyser les incidences potentielles de ce grand emprunt.

Le tableau présenté page suivante rend compte des modalités de financement de l’État au cours de ces dix dernières années.

DIX ANS DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

 

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009
(révisé)

PLF
2010

Pour mémoire : déficit en exercice (y. c. FMI et FSC) (a)

31,2

48,7

55,9

44,7

44,9

37,0

38,1

54,7

141,0

116,0

Déficit en gestion (y. c. FMI et FSC) (b)

39,3

50,2

57,0

46,4

47,3

35,4

34,6

56,4

141,0

116,0

Amortissement des OAT

14,8

14,6

30,3

36,0

33,1

43,2

31,9

39,3

62,8

31,6

Amortissement des BTAN

36,5

44,8

32,2

30,5

32,5

34,4

37,2

58,3

47,4

60,3

Amortissement des dettes reprises par l’État (c)

2,8

0,6

10,3

1,6

4,1

Variation des dépôts de garantie et autres (d)

0,5

– 0,3

Total amortissements

51,3

59,4

62,5

66,5

65,6

80,4

69,7

107,9

111,8

96,0

Besoin de financement de l’État

90,6

109,6

119,5

112,9

112,9

115,8

104,8

164,0

252,8

212,0

Émissions brutes d’OAT (e)

51,6

53,9

66,3

76,3

75,5

62,8

62,3

76,1

   

Émissions brutes de BTAN (e)

42,0

43,0

52,6

55,2

50,9

58,3

45,3

54,5

   

Total Émissions brutes à moyen et long terme

93,6

96,9

118,9

131,5

126,4

121,1

107,6

130,6

   

Rachats avant échéance (e)

14,9

10,0

7,4

9,9

16,7

17,0

10,1

2,1

   

dont annulations par la CDP (f)

7,8

2,5

Total Émissions nettes à moyen et long terme

78,7

86,9

111,5

121,6

109,7

104,1

97,6

128,5

165,0

175,0

Variation nette des BTF

+ 9,4

+ 35,7

+ 20,5

– 11,6

– 1,7

– 29,1

+ 12,2

+ 59,8

+ 68,8

+ 29,6

Variation des dépôts des correspondants du Trésor

– 2,3

+ 5,1

– 14,6

+ 1,7

+ 6,7

+ 5,1

+ 2,6

– 1,6

– 0,7

– 3,0

Variation du compte courant du Trésor

+ 8,0

– 16,4

+ 0,2

– 2,2

– 5,9

+ 25,9

– 8,1

– 25,3

+ 15,9

+ 4,8

Divers

– 3,2

– 1,7

+ 1,9

+ 3,4

+ 4,2

+ 1,9

+ 0,5

+ 2,5 

+ 3,7

+ 3,1

Ressources de financement de l’État

90,6

109,6

119,5

112,9

112,9

115,7

104,8

164,0

252,8

212,0

(a) En 2006, le déficit indiqué est diminué de l’opération exceptionnelle de régularisation comptable des pensions de décembre 2005 (3,3 milliards d’euros). En 2007, le déficit indiqué est augmenté de l’opération exceptionnelle de cession de titres EDF (3,7 milliards d’euros) destinée à financer l’opération « Campus » en faveur des universités.

(b) Le montant indiqué ne rend compte que des opérations dénouées d’un point de vue bancaire sur le compte du Trésor entre le 1er et le 31 décembre.

(c) Ligne non renseignée avant 2006.

(d) Ligne non renseignée avant 2007.

(e) En valeur nominale. En 2008, cette ligne prend également en compte le bilan net (+ 0,2 milliard d’euros) de l’opération d’échanges de titres du 4 décembre 2008 (voir infra).

(f) CDP : Caisse de la dette publique (ligne créée par la loi de finances initiale pour 2007).

Source : Agence France Trésor.

1.– Le financement définitif de l’État en 2008

Les modalités de financement de l’État en 2008 ont été définitivement arrêtées, en exécution, lors de l’adoption de l’article 2 de la loi de règlement du budget de l’année 2008 (16).

LE FINANCEMENT DE L’ÉTAT EN 2008

(en milliards d’euros)

 

Prog. 2008
(déc. 2007)

Exécution
2008

I.– Besoin de financement

   

Déficit budgétaire

41,7

56,4

Amortissement de la dette à long terme

39,3

39,3

Amortissement de la dette à moyen terme

58,3

58,3

Amortissement de dettes reprises par l’État

2,4

10,3

Total Besoin de financement

141,7

164,0

II.– Ressources de financement

   

Émissions à moyen et long terme (nettes des rachats)...…...................

116,5

128,5

Annulation de titres par la Caisse de la dette publique

3,7

0

Variation nette des titres à court terme

+ 22,1

+ 59,8

Variation des dépôts des correspondants

– 2,7

– 1,6

Variation du compte courant du Trésor

+ 2,1

– 25,3

Autres ressources de trésorerie

+ 2,5

Total Ressources de financement

141,7

164,0

 Entre le programme de financement prévisionnel et son exécution, le besoin de financement de l’État s’est accru de 22,3 milliards d’euros.

L’essentiel de cette augmentation découle de la dégradation du déficit budgétaire en gestion, qui a excédé de 14,7 milliards d’euros la prévision initiale. Les pertes de recettes fiscales liées à la détérioration de la conjoncture et le dérapage de la charge de la dette (17) ont porté l’ « impact en trésorerie du solde de la gestion 2008 », au sens du tableau de financement, à 56,4 milliards d’euros (18).

De surcroît, les reprises par l’État de dettes d’autres organismes ont pesé sur son besoin de financement à hauteur de 10,3 milliards d’euros, au lieu de 2,4 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale : la dette de 8 milliards d’euros du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA), reprise en application de l’article 61 de la loi de finances initiale pour 2009, a en effet été remboursée en totalité par l’État dès la fin de l’année 2008.

On relèvera par ailleurs que les rachats de titres par l’AFT ont été sensiblement plus limités en 2008 que les années précédentes. Des OAT et des BTAN de maturité 2009 ont été rachetés de gré à gré pour un montant de 2,3 milliards d’euros, à comparer à 17,1 milliards d’euros en 2006 et 10,4 milliards d’euros en 2007 (19).

LES RACHATS DE TITRES EN 2007 ET 2008

(valeur nominale, en millions d’euros)

 

2007

2008

1. Rachats de gré à gré

10 366

2 285

- par l’État (AFT)

10 366

2 285

- par la Caisse de la dette publique (CDP)

2. Rachats par adjudications à l’envers (CDP)

Total des rachats de l’année n [(1) + (2)]

10 366

2 285

hors titres d’échéance de l’année n

10 066

2 285

Source : Rapports annuels de l’AFT.

 Pour faire face à l’augmentation du besoin de financement de l’État en 2008, les ressources de trésorerie ont dû être adaptées en conséquence :

– le programme d’émission de dette à moyen et long terme (OAT et BTAN) a été revu à la hausse de 9 milliards d’euros et porté à 128,5 milliards d’euros (à comparer à 97,6 milliards d’euros en 2007 et à 175 milliards d’euros en 2010) ;

– l’encours des emprunts à court terme (BTF) a augmenté de près de 60 milliards d’euros en cours d’année (soit 35,5 milliards d’euros de plus qu’en prévision). Dans le contexte de crise, les investisseurs se sont en effet montrés particulièrement attirés par des titres aussi sûrs que liquides.

En sens inverse, aucune opération de rachat de dette par la Caisse de la dette publique (CDP) n’a pu être réalisée en 2008. Quant au compte du Trésor, son encours a très fortement augmenté d’une année sur l’autre, passant de 21,9 milliards d’euros à la fin 2007 à 47,2 milliards d’euros à la fin 2008. Une telle variation, qui diminue d’autant les ressources de financement de l’année, a permis une mise en œuvre rapide des mesures prises en réaction à la crise. Plus précisément, le compte du Trésor a :

– financé l’apport de fonds propres de 10,5 milliards d’euros à six banques françaises en décembre 2008 et de 1 milliard d’euros au groupe Dexia par la Société de prise de participation de l’État (SPPE). L’État a ainsi fourni la liquidité nécessaire à la Caisse de la dette publique pour souscrire à l’emprunt obligataire émis par la SPPE, créée par la loi de finances rectificative n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 ;

– préfinancé la mise en œuvre du plan de relance de l’économie et le versement d’une dotation de 3 milliards d’euros au Fonds stratégique d’investissement (mesures définitivement adoptées quelques semaines plus tard, dans la loi de finances rectificative n° 2009-122 du 4 février 2009).

 En conséquence, l’encours de la dette négociable de l’État a augmenté de plus de 10 % en 2008, pour atteindre 1 017 milliards d’euros en fin d’année. En y ajoutant la dette non négociable et les autres emprunts, la dette de l’État s’est élevée à 1 029 milliards d’euros fin 2008, soit 52,1 % du PIB (après 48,6 % en 2007).

L’ENCOURS DE LA DETTE DE L’ÉTAT EN 2007 ET 2008

(en milliards d’euros)

 

2007

2008

1. Dette négociable (en valeur nominale)

920,7

1 016,7

OAT

640,7

680,6

BTAN

201,6

197,8

Sous-total Dette à moyen et long terme

842,3

878,4

BTF

78,5

138,3

2. Dette non négociable (a)

0,3

0,3

3. Autres emprunts (a)

9,2

12,0

Total Dette de l’État

930,2

1 029,0

(a) Au sens du Compte général de l’État. Les « autres emprunts » désignent notamment les dettes reprises de tiers, en particulier la dette du service annexe d’amortissement de la dette (SAAD) de la SNCF (8 milliards d’euros), reprise par l’État en application de l’article 82 de la loi de finances rectificative pour 2007.

2.– Le programme révisé de financement de l’État pour 2009

En raison de la récession qui a frappé l’économie française en 2009, le financement de l’État a connu de très substantielles modifications en cours d’année.

Le tableau ci-dessous en rend compte, en distinguant le programme officiel de financement, publié en décembre 2008 (première colonne), la version de ce tableau modifiée par l’article 7 de la deuxième loi de finances rectificative du 20 avril 2009 (deuxième colonne) et la dernière révision du programme de financement annoncée par l’Agence France Trésor le 30 septembre 2009 (troisième colonne).

TABLEAU PRÉVISIONNEL DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT EN 2009

(en milliards d’euros)

 

Prog. 2009
(déc. 2008)

LFR2
 2009

2009
(révisé)

I.– Besoin de financement

     

Déficit budgétaire

79,3

104,4

141,0

Amortissement de la dette à long terme

63,4

63,0

62,8

Amortissement de la dette à moyen terme

47,4

47,4

47,4

Amortissement des dettes reprises par l’État

1,6

1,6

1,6

Total Besoin de financement

191,7

216,4

252,8

II.– Ressources de financement

     

Produit des émissions à moyen et long terme (nettes des rachats)….

145,0

155,0

165,0

Annulation de titres par la Caisse de la dette publique

2,5

2,5

Variation nette de titres à court terme...

+ 23,0

+ 37,7

+ 68,8

Variation des dépôts des correspondants

– 

– 0,7

Variation du compte courant du Trésor

+ 19,0

+ 19,0

+ 15,9

Autres ressources de trésorerie

+ 2,2

+ 2,2

+ 3,7

Total Ressources de financement

191,7

216,4

252,8

La dégradation subie en cours d’année est impressionnante : la dérive du déficit budgétaire, passé de 79,3 milliards d’euros dans le programme de financement initial (20) à 141 milliards d’euros dans les prévisions associées au présent projet de loi de finances, explique la quasi totalité de l’augmentation du besoin de financement de l’État en 2009. Celui-ci atteindrait près de 253 milliards d’euros, un montant sans précédent : à titre de comparaison, la somme des besoins de financement de l’État des trois années 1998, 1999 et 2000 lui est inférieure (251,8 milliards d’euros).

Pour faire face à cette hausse du besoin de financement de l’État de plus de 60 milliards d’euros en cours d’année, l’AFT a porté son programme d’émission à moyen et long terme à 165 milliards d’euros (+ 20 milliards d’euros) (21) et a massivement augmenté ses émissions à court terme (BTF). D’après les prévisions révisées associées au présent projet, l’encours des BTF augmenterait ainsi de près de 69 milliards d’euros en 2009, pour atteindre environ 207 milliards d’euros à la fin de l’année (22).

Les autres ressources de financement connaissent également quelques ajustements, de bien moindre ampleur : l’absence de rachat de titres par la Caisse de la dette publique se confirme en 2009 (– 2,5 milliards d’euros) ; les retraits par les correspondants du Trésor d’une partie de leurs dépôts seraient plus importants que prévu (– 0,7 milliard d’euros) ; la réduction du solde du compte courant du Trésor serait moindre qu’escompté (– 3,1 milliards d’euros).

Le Rapporteur spécial rappelle qu’une fraction du programme de financement à moyen et long terme porte sur l’émission de titres indexés sur l’inflation française (depuis 1998) et sur l’inflation européenne (depuis 2001). Pour l’État, l’avantage est d’éviter d’intégrer au taux d’intérêt servi sur son titre la « prime de risque » généralement exigée des souscripteurs pour se protéger contre le risque d’erreur dans la prévision d’inflation sous-jacente à la formation des taux : en d’autres termes, l’émetteur s’expose à l’inflation, mais encaisse la prime de risque.

Depuis plusieurs années, la demande du marché – en particulier
des investisseurs institutionnels (fonds de pensions, compagnies d’assurance, etc.) – pour ce type de produits est forte. Toutefois, la crise a logiquement entraîné une baisse de l’appétence pour les titres indexés, dans un contexte désinflationniste de ralentissement économique et de préférence pour des actifs plus liquides. La demande s’est quelque peu redressée après le premier trimestre 2009, à mesure que les indices de prix cessaient de baisser. Au 30 septembre, 9,3 milliards d’euros de titres indexés avaient été émis, soit environ 6,7 % de l’ensemble des émissions brutes. Selon les informations recueillies par le Rapporteur spécial, en prenant en compte les rachats et les émissions à venir, les émissions nettes de titres indexés s’établiraient au total à 11,5 milliards d’euros cette année, après 15,5 milliards d’euros en 2008 et 18 milliards d’euros en 2007.

Dans ces conditions, compte tenu par ailleurs de l’arrivée à échéance de 13,8 milliards d’euros d’OATi le 25 juillet dernier, l’encours total de titres indexés pourrait s’établir à 133,8 milliards d’euros à la fin de cette année. Leur part dans la dette totale diminuerait ainsi sensiblement, passant de 16 % en 2008 à environ 11,7 % en 2009.

ÉVOLUTION DE LA DETTE INDEXÉE SUR L’INFLATION

(encours en fin d’année, en milliards d’euros)

 

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009 (p)

Total dette négociable

653

717

788

833

877

877

921

1 017

1 142

Dette indexée (a)

19

30

47

71

90

110

140

163

134

soit part dans la dette totale

3,0 %

4,1 %

5,9 %

8,5 %

10,3 %

12,6 %

15,2 %

16,0 %

11,7 %

(a) Ensemble des OAT et des BTAN indexés sur l’inflation française ou européenne.

3.– Le financement prévisionnel de l’État pour 2010

TABLEAU PRÉVISIONNEL DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT EN 2010

(en milliards d’euros)

I.- Besoin de financement

 

Déficit budgétaire

116,0

Amortissement de la dette à long terme

31,6

Amortissement de la dette à moyen terme

60,3

Amortissement de dettes reprises par l’État

4,1

Total Besoin de financement

212,0

II.- Ressources de financement

 

Émissions à moyen et long terme (nettes des rachats).............

175,0

Annulation de titres par la Caisse de la dette publique

2,5

Variation nette des titres à court terme

+ 29,6

Variation des dépôts des correspondants

– 3,0

Variation du compte courant du Trésor

+ 4,8

Autres ressources de trésorerie

+ 3,1

Total Ressources de financement

212,0

 Quoique situé à un niveau toujours historiquement élevé, le besoin de financement de l’État en 2010 serait inférieur à celui de 2009, passant de 252,8 milliards d’euros à 212 milliards d’euros.

La diminution du déficit budgétaire, prévu pour 2010 à 116 milliards d’euros, explique un peu plus de 60 % de cette évolution. Le reste tient à de moindres amortissements de titres venant à échéance : 96 milliards d’euros l’année prochaine, au lieu de 111,8 milliards d’euros en 2009. Comme de coutume, il convient de préciser que ces amortissements pourront être revus à la baisse d’ici à la fin de l’année, en fonction des rachats de titres de maturité 2010 qu’aura pu effectuer l’Agence France Trésor dans les prochaines semaines (23).

Au sein des amortissements, le remboursement de dettes reprises par l’État compterait pour 4,1 milliards d’euros en 2010, correspondant à des échéances de dettes :

– du service annexe d’amortissement de la dette de la SNCF (SAAD) pour 1,2 milliard d’euros (24). Cette dette ne devrait être totalement remboursée qu’en 2023 ;

– de Charbonnages de France pour 500 millions d’euros (25). L’amortissement complet serait acquis en 2013 ;

– de l’Entreprise minière et chimique pour 46,7 millions d’euros (26). La dernière échéance est prévue pour 2014 ;

– de l’Entreprise de recherches et d’activité pétrolières (ERAP) pour 2,4 milliards d’euros (27), permettant ainsi un amortissement complet de cette dette.

Le graphique ci-après présente l’évolution des deux principales composantes du besoin de financement de l’État depuis 1999. Au-delà de la forte augmentation enregistrée depuis 2008, il permet de constater la spécificité des années 2009 et 2010 : au sein du besoin de financement total, le déficit budgétaire pèse davantage que les amortissements de l’année.

STRUCTURE DU BESOIN DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT (1999-2010)

(en milliards d’euros)

 Les ressources de financement de l’État en 2010, soit 212 milliards d’euros au total, se répartiraient selon les modalités suivantes.

Les émissions de dette à moyen et long terme (OAT et BTAN), nettes des rachats, atteindraient 175 milliards d’euros. Ainsi, alors même que le besoin de financement attendu en 2010 serait moins important que celui de 2009, les émissions à moyen et long terme seraient supérieures de 10 milliards d’euros. Ce nouveau « record » vise probablement à limiter l’accroissement des titres à court terme au sein de l’encours total de dette (voir le graphique ci-après).

Dès lors, le plafond de variation de la dette négociable soumis au vote du Parlement est proposé à 83,1 milliards d’euros à l’article 34 du présent projet de loi de finances (28).

PRINCIPALES RESSOURCES DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT DEPUIS 1998

(en milliards d’euros)

Émissions à moyen et long terme : émissions d’OAT et de BTAN,
nettes des rachats et annulations.

Variation nette de la dette à court terme : variation de l’encours des BTF.

Par ailleurs, la Caisse de la dette publique annulerait 2,5 milliards d’euros de titres d’État l’année prochaine. Toutefois, depuis 2007, cette ligne du tableau de financement tend à devenir purement conventionnelle, dès lors que sa mise en œuvre suppose que la CDP bénéficie effectivement de l’affectation de recettes de cessions d’actifs lui permettant de procéder aux rachats et aux annulations de dette (29).

Le stock de dette à court terme augmenterait de nouveau en 2010, d’un montant de 29,6 milliards d’euros. Le niveau de l’encours de BTF est notamment déterminé par le niveau du compte du Trésor visé au 31 décembre 2010, afin de faire face aux substantiels amortissements de dette à moyen terme en janvier de l’année suivante (30).

La trésorerie de l’État serait mobilisée à hauteur de 1,8 milliard d’euros, conséquence d’une augmentation de 3 milliards d’euros des retraits des correspondants du Trésor (31) et d’une diminution de 4,8 milliards d’euros du compte du Trésor en fin d’année. Cette diminution intègre des perspectives de remboursements de l’État de 9,3 milliards d’euros par la SPPE, qui devrait dorénavant se financer directement sur les marchés (avec la garantie de l’État) (32).

Enfin, le tableau de financement pour 2010 prévoit 3,1 milliards d’euros d’autres ressources de trésorerie, au titre notamment de la provision pour indexation du capital des obligations indexées sur l’inflation (33).

 En conséquence de ce programme de financement, la dette négociable de l’État devrait s’établir à 1 258 milliards d’euros à la fin de l’année 2010, soit près de 64 % du PIB. Cet encours de dette se répartirait en 1 021 milliards d’euros d’OAT et de BTAN et 237 milliards d’euros de BTF. Ainsi, quoique la variation nette des émissions de BTF prévue pour 2010 soit inférieure à celles de 2008 et de 2009, l’endettement à court terme de notre pays continuera de progresser l’année prochaine : il représenterait près de 19 % de l’encours total de la dette de l’État (voir le tableau ci-après) (34).

Le niveau de la dette à court terme est d’autant plus préoccupant qu’en réponse à l’une des questions du Rapporteur spécial, le ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi a indiqué : « L’AFT ne s’est pas fixée de limite de recours aux bons à taux fixe [BTF] autre que celle qui pourrait amener les agences de notation à émettre un doute sur la stabilité de la note triple A de la France. Sans que celles-ci se soient explicitement prononcées sur le sujet, plusieurs indications laissent à penser que si la France dépassait nettement et durablement le seuil de 20 %, alors la qualité de sa signature pourrait susciter des interrogations. Cette limite de 20 % prévaut a priori pour l’ensemble des pays notés AAA ».

ÉVOLUTIONS COMPARÉES DE LA DETTE À MOYEN ET LONG TERME
ET DE LA DETTE À COURT TERME

(en milliards d’euros)

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Total dette négociable

717

788

833

877

877

921

1 017

1 142

1 258

Dette à moyen et long terme

629

679

736

782

810

842

878

935

1 022

Part dans le total

87,7 %

86,2 %

88,3 %

89,1 %

92,4 %

91,5 %

86,4 %

81,9 %

81,2 %

Dette à court terme

88

109

97

95

66

78

138

207

237

Part dans le total

12,3 %

13,8 %

11,7 %

10,9 %

7,6 %

8,5 %

13,6 %

18,1 %

18,8 %

Comme le Rapporteur spécial le soulignait dès l’année dernière, une telle évolution permet de mesurer très concrètement les dégâts collatéraux que peut causer l’effet « boule de neige » de l’endettement : sauf à étendre à l’excès son programme de financement à moyen et long terme (qui atteint d’ores et déjà des niveaux historiques), l’État est tenu d’accroître son financement à court terme et, ainsi, de s’exposer à l’évolution des taux d’intérêt (35).

Il convient enfin de signaler qu’une part croissante de la dette française est détenue par des investisseurs étrangers. Il n’y a en soi certes pas lieu de s’en offusquer, dès lors que ce financement permet d’apporter à l’État une certaine sécurité de refinancement face aux éventuels chocs de marché et de limiter les effets d’éviction au plan intérieur, en libérant a priori davantage l’épargne nationale pour le financement des entreprises.

PART DE LA DETTE FRANÇAISE DÉTENUE PAR DES NON-RÉSIDENTS

(en pourcentage en fin d’année)

 

BTF

BTAN

OAT

Total dette négociable

2008

68,3 %

88,2 %

58,8 %

65,6 %

2007

63,4 %

75,1 %

56,5 %

61,2 %

2006

69,5 %

73,5 %

53,2 %

58,9 %

2005

71,6 %

72,7 %

49,7 %

56,5 %

2004

64,5 %

71,8 %

45,1 %

52,7 %

2003

56,7 %

70,0 %

39,7 %

48,1 %

Sources : Banque de France et AFT.

PART DE LA DETTE FRANÇAISE DÉTENUE PAR DES NON-RÉSIDENTS

(en pourcentage de la dette négociable de l’État)

Sources : Banque de France et AFT.

Pour autant, la France se trouve ainsi placée dans une position de plus en plus dépendante de l’extérieur. À cet égard, il est regrettable qu’aucune donnée totalement fiable sur la nationalité des détenteurs de la dette française ne soit disponible. La dernière enquête du Fonds monétaire international remonte à 2007 : elle montrait qu’environ 55 % des obligations françaises (obligations d’État, mais aussi d’autres émetteurs français) étaient détenues par des investisseurs situés en dehors de la zone euro. L’AFT ne manque d’ailleurs pas de faire savoir que, chaque année, ses responsables se déplacent aux États-Unis, au Moyen-Orient, en Asie du Sud-est, en Chine ou au Japon pour tirer parti de l’intérêt des investisseurs de ces zones pour les titres financiers en euro. Il serait appréciable que le Parlement puisse bénéficier d’informations plus précises et plus régulières sur la répartition géographique des détenteurs de la dette française : le Rapporteur spécial est demandeur depuis maintenant deux ans (36).

C.– LA CHARGE DE LA DETTE EN AUGMENTATION DE 4 MILLIARDS D’EUROS DÈS L’ANNÉE PROCHAINE

À titre liminaire, le Rapporteur spécial rappelle que l’évolution de la charge d’intérêt annuelle de la dette de l’État ne saurait être considérée comme un quelconque indicateur de la performance du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État. Pour le responsable de ce dernier, la charge de la dette apparaît en effet très largement comme une contrainte exogène, sur laquelle il n’est possible d’agir qu’à la marge, au moyen d’une gestion « active » de la dette.

Techniquement, le montant de la charge de la dette de l’État résulte des opérations retracées sur le compte de commerce Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État (37). Sur sa première section sont imputées les opérations relevant du service primaire des intérêts de la dette, à savoir le versement des intérêts échus (en dépenses) et l’encaissement des coupons courus ou des revenus tirés de la rémunération de la trésorerie (en recettes). Cette section est équilibrée par un versement du budget général, égal au montant des crédits du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État (38). Conformément à l’article 113 de la loi de finances rectificative pour 2004, elle fait l’objet d’une autorisation de découvert évaluative, dont le montant est proposé pour 2009 à 15 milliards d’euros (article 38 et état E du présent projet), soit un niveau identique à ceux votés de 2006 à 2009.

La seconde section du compte de commerce retrace les opérations de gestion active de la dette via des produits financiers dérivés – c’est-à-dire les produits et les charges des opérations, autorisées en loi de finances, d’échange de devises ou de taux d’intérêt (swaps), ainsi que d’achat ou de vente d’options ou de contrats à terme sur titres d’État. Dénuée d’impact sur le budget général, cette section fait l’objet d’une autorisation de découvert limitative, qui serait fixée l’année prochaine à 1,7 milliard d’euros, à l’instar des années précédentes.

L’année dernière, la charge nette de la dette de l’État – avant impact des opérations de swaps – a atteint 44,5 milliards d’euros, soit 4,9 milliards d’euros de plus qu’en 2007. L’exécution 2008 a ainsi été marquée par un dépassement de 3,3 milliards d’euros des crédits votés dans la loi de finances initiale, en raison notamment du niveau particulièrement élevé de l’inflation au premier semestre. Le Rapporteur spécial renvoie sur ce point à son commentaire du rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement de 2008 (39).

Le tableau ci-après présente le détail de la composition de la charge de la dette prévue dans la loi de finances initiale pour 2009 et dans le présent projet de loi de finances pour 2010. On verra cependant qu’en exécution, la charge de la dette en 2009 se révèle sensiblement inférieure à la prévision initiale.

LA COMPOSITION DE LA CHARGE DE LA DETTE EN 2009 ET 2010

(en millions d’euros)

 

LFI 2009

PLF 2010

DETTE NÉGOCIABLE

   

Intérêts des BTF

4 718

3 616

Intérêts des BTAN

7 302,3

7 596

Intérêts des OAT (hors OAT indexées)

26 768,4

28 361

Intérêts des OAT indexées

3 782,2

3 432

Charge d’indexation du capital des OAT indexées

2 201,4

1 654

Frais et commissions

24

24

Intérêts sur autres dettes reprises par l’État

563

456

Intérêts couverture des risques

58

Intérêts appels de marge

Total charge brute de la dette négociable

45 359,3

45 197

DETTE NON NÉGOCIABLE

   

Charge d’intérêts

6

3

Intérêts sur autres dettes reprises par l’État

Total charge brute de la dette non négociable

6

3

GESTION DE LA TRÉSORERIE

   

Trésorerie : comptes de dépôts des correspondants

488,5

289

Trésorerie : intérêts des emprunts et mises en pension

Total charge brute gestion de la trésorerie

808

289

Charge brute de la dette

45 853,8

45 489

À déduire : Recettes en atténuation de la charge de la dette

2 874,8

3 009

Coupons courus des OAT et des BTAN

2 441,9

2 746

Commissions OAT aux personnes physiques

Couverture des risques

97

Rémunération compte Trésor à la Banque de France

7,1

3

Rémunération prêts court terme et pensions sur titres

425,8

163

Charge nette de la dette avant swaps

42 979

42 480

À déduire : solde des opérations de gestion active de la dette (A – B)

+ 50

+ 280

A. Recettes :

1 395

890

dont Intérêts perçus au titre des swaps

1 360

890

dont Rémunération des appels de marge sur swaps

35

B. Dépenses :

1 345

610

dont Intérêts payés au titre des swaps

1 310

590

dont Intérêts des appels de marge sur swaps

35

20

Charge nette de la dette après swaps

42 929

42 200

1.– Le paradoxe de 2009 : en dépit de l’explosion de la dette, des charges d’intérêt atténuées par la faiblesse des taux

L’année 2009 cultive le paradoxe : alors que le déficit budgétaire atteint un niveau historique de 141 milliards d’euros et que l’encours de la dette de l’État explose à près de 1 150 milliards d’euros, la charge d’intérêt versée au titre de cette dette s’avère relativement modérée et, en tout état de cause, inférieure aux crédits votés dans la loi de finances initiale.

Alors que les crédits initiaux du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État s’établissaient à 43 milliards d’euros, la dépense effective devrait être proche de 38,5 milliards d’euros avant swaps (40).

En effet, à l’instar du phénomène constaté depuis la fin de l’année 2008, l’effet « taux » représentatif des économies permises, dans le contexte de crise, par des taux d’intérêt largement inférieurs aux prévisions initiales, l’emporte très nettement sur l’effet « volume » entraîné par le recours accru à l’emprunt nécessité par l’augmentation du besoin de financement de l’État.

La seule charge de la dette à court terme, la plus directement sensible à l’évolution des taux de l’année en cours, devrait offrir des économies de l’ordre de 3 milliards d’euros : jusqu’à présent, le taux moyen servi sur les BTF en 2009 est d’environ 0,8 % (41) et ne devrait pas dépasser 1 % d’ici à la fin de l’année, à comparer à un taux à trois mois anticipé à 2,8 % dans le programme de financement initial. Cette baisse des taux à court terme est la conséquence directe des mesures prises par la Banque centrale européenne (BCE), en particulier la baisse de son principal taux directeur (aujourd’hui fixé à 1 %) et l’injection directe de liquidités dans l’économie (42).

Cette économie permise par la baisse des taux ne serait que partiellement contrebalancée, à hauteur de 0,4 milliard d’euros, par un volume d’émissions de BTF largement supérieur aux prévisions, qui devrait
porter leur encours en fin d’année à plus de 207 milliards d’euros (43
).
Le tableau ci-après décompose les deux effets « taux » et « volume » à l’
œuvre en 2009 sur la charge de la dette à court terme (44).

ÉVOLUTION DE LA CHARGE DE LA DETTE À COURT TERME EN EXÉCUTION : DÉCOMPOSITION DE L’EFFET « TAUX » ET DE L’EFFET « VOLUME »

(en milliards d’euros)

 

Taux moyen

Encours en fin d’année

Charges d'intérêt

Exécution 2009 (a)

1 %

207,1

2,1

LFI 2009

2,8 %

168,4

4,7

 

 

Écart

– 2,6

 

 

dont effet taux

– 3,0

 

 

dont effet volume

+ 0,4

Sources : prévision d’exécution du Gouvernement associée au présent projet de loi de finances ; calculs du Rapporteur spécial.

L’autre facteur jouant puissamment à la baisse sur la charge de la dette en 2009 est la particulière faiblesse de l’inflation observée au premier semestre. La charge d’indexation du capital des OAT et BTAN indexés sur l’inflation française ou européenne s’en trouve mécaniquement diminuée. La provision d’indexation, arrêtée à la date anniversaire des titres (soit le 25 juillet) dépend de l’inflation annuelle constatée en avril et en mai. L’inflation en France ayant été quasi nulle en avril puis négative en mai (- 0,3 % en glissement annuel), la provision budgétaire d’indexation a été limitée à 84 millions d’euros, au lieu de 2,2 milliards d’euros dans la loi de finances initiale pour 2009.

On retrouve ainsi l’une des caractéristiques notables des titres indexés sur l’inflation : si la charge de la dette est ainsi davantage soumise aux évolutions des prix, cette variabilité est partiellement compensée par un effet de « lissage » en fonction du cycle économique. En phase haute, du fait d’une inflation plus forte, le service de la dette indexée est généralement plus élevé et vient limiter les gains budgétaires provenant de meilleures rentrées fiscales ; en bas de cycle, le creusement du déficit budgétaire est partiellement compensé par l’amoindrissement de la charge de la dette indexée.

CHARGE DE LA DETTE INDEXÉE SUR L’INFLATION DEPUIS 2002

(en milliards d’euros)

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

LFI 2009

PLF
2010

Charge brute de la dette indexée

1,2

1,7

2,9

3,5

4,6

4,7

7,9

6,0

5,1

dont paiement des intérêts

0,8

1,2

1,8

2,1

2,5

2,9

3,3

3,8

3,4

dont provisionnement du capital

0,4

0,5

1,1

1,4

2,1

1,8

4,6

2,2

1,7

Coupons reçus

0,2

0,2

0,3

0,1

0,1

0,2

0,2

0,2

0,2

Charge nette de la dette indexée

1,0

1,5

2,6

3,3

4,5

4,5

7,7

5,8

4,9

Part dans la charge de la dette totale

3,2%

4,5%

7,6%

9,0%

11,8%

11,8%

17,4%

13,5%

11,5%

N.B. : En exécution, la charge de la dette indexée en 2009 sera sensiblement inférieure à la prévision. En particulier, la charge d’indexation du capital s’est établie à 84 millions d’euros, au lieu de 2,2 milliards d’euros prévus dans la loi de finances initiale.

Enfin, en sens inverse, les charges nettes de trésorerie devraient, en exécution, être supérieures d’environ 0,1 milliard d’euros à la prévision initiale pour 2009, en raison notamment de la baisse des rémunérations des placements des liquidités détenues temporairement par l’État.

Au total, la charge de la dette en 2009 devrait être inférieure d’environ 4,5 milliards d’euros aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale. Le tableau ci-dessous synthétise les principaux facteurs précités.

LA CHARGE DE LA DETTE DE L’ÉTAT EN 2009 : DE LA PRÉVISION À L’EXÉCUTION

(en milliards d’euros)

LFI 2009

43,0

Économie sur la dette à court terme

– 2,6

Économie sur la charge d’indexation

– 2,1

Charges de trésorerie et autres

+ 0,2

Exécution 2009

38,5

Le caractère exceptionnel de cette situation doit être souligné : il faut remonter à 2004 pour retrouver une charge de la dette de l’État (avant swaps) inférieure au montant désormais attendu pour 2009 : à l’époque, le déficit budgétaire était, à 43,9 milliards d’euros, trois fois moins important qu’aujourd’hui.

L’IMPACT DE LA CRISE SUR LA CHARGE DE LA DETTE EN 2009
SELON LE GOUVERNEMENT

En 2009, la part du déficit imputable à la crise est estimée à 96 Md€ dont 57 Md€ liés à la baisse conjoncturelle des recettes et 39 Md€ résultant de la mise en œuvre du plan de relance. Au déficit de crise s’est ajouté le financement du plan de soutien au secteur financier et, en particulier, le financement de la Société de prise de participation de l’État (SPPE) dont le montant, qui représentait 11,11 Md€ au 1er janvier 2009, atteignait le 30 septembre 20,36 Md€. Toutefois, la tranche de 11,11 Md€ sera remboursée à l’État avant la fin de l’année 2009, suite à la mise en place d’un financement autonome de la SPPE ou suite au remboursement par certains établissements bancaires des sommes qui leur ont été consenties.

La couverture du besoin de financement lié à la crise a été opérée, d’une part par une augmentation significative de l’encours de BTF (+ 68,8 Md€) et, pour le solde, par l’augmentation de l’encours de titres de moyen et long terme (+ 36,2 Md€). Il est à noter que le financement de la dégradation du déficit n’a pas été complètement réalisé par les titres courts, contrairement, par exemple, à ce qui s’était passé à l’occasion du ralentissement de 2002 et 2003.

La crise économique et financière contribue donc à l’augmentation de la dette négociable de l’État au cours de l’exercice 2009 à hauteur d’environ 105 Md€, soit 96 Md€ résultant du déficit et 9 Md€ au titre des prêts réalisés au profit de la SPPE à fin 2009.

Dans le même temps, les taux d’intérêt à court terme ont connu une baisse spectaculaire (...).

Pour définir l’effet volume lié à la crise financière, il faut tenir compte du préfinancement partiel en 2008 des mesures gouvernementales adoptées dans le cadre de la gestion de la crise, dont rendait compte l’augmentation du solde du compte du Trésor fin 2008 (+ 25,3 Md€) et le profil de décaissement de certaines mesures de trésorerie dès le début de l’année. Il convient ensuite de retrancher les intérêts perçus par l’État au titre des dépôts de liquidités qu’il a consenti pour le financement de la SPPE. Au final, l’effet volume s’établirait à un niveau proche de + 0,7 Md€.

L’effet taux lié à la crise est significatif. Sur la base d’un différentiel de taux moyen d’émission des BTF de 3,3 % entre le taux constaté avant la crise de janvier à septembre 2008 et le taux attendu en 2009, l’effet taux peut être évalué à environ – 5 Md€.

Ainsi, l’impact global de la crise sur la charge de la dette a contribué à en diminuer le montant d’à peu près 4,3 Md€.

Source : réponses au questionnaire budgétaire du Rapporteur spécial.

Le Rapporteur spécial se réjouit évidemment de la « bouffée d’oxygène » sur la charge de la dette qu’apporte provisoirement le niveau historiquement bas des taux d’intérêt depuis la fin 2008 (voir également l’encadré ci-avant). Il lui faut néanmoins remarquer que c’est essentiellement ce facteur qui, tel un effet d’aubaine, permettra probablement au Gouvernement de respecter en exécution 2009 la « norme de dépense » régissant l’ensemble du budget de l’État (45).

Malheureusement, la modération de la charge de la dette observée en 2009 n’a pas vocation à perdurer : à l’effet d’aubaine devrait rapidement succéder un effet boomerang.

2.– Une forte augmentation de la charge de la dette en 2010 : quand l’effet « taux » et l’effet « volume » jouent dans le même sens

En 2010, les crédits proposés pour le programme Charge de la dette et trésorerie de l’État atteignent 42,5 milliards d’euros. Comme de coutume, cela en fait le deuxième programme du budget général par le volume de ses crédits, après les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (78,4 milliards d’euros) et avant l’enseignement scolaire public du second degré (29 milliards d’euros).

 Ce montant correspond à la réalisation du programme de financement de l’État déjà commenté (46) compte tenu d’hypothèses de taux d’intérêt présentées dans le tableau ci-après.

HYPOTHÈSES DE TAUX D’INTÉRÊT RETENUES DANS LE PLF 2010

 

Taux à 3 mois

Taux à 10 ans

Fin 2008 (pour mémoire)

1,7 %

3,4 %

Fin 2009

1,0 %

3,6 %

Fin 2010 (septembre)

1,3 %

3,9 %

N.B. : Les hypothèses présentées dans le tableau ci-dessus ne constituent pas une prévision des choix à venir en matière de politique monétaire et ne sauraient être interprétées comme une anticipation officielle de l’évolution des taux.

Ces hypothèses de taux, émanant du Consensus Forecast de septembre 2009, demeurent particulièrement modérées : la remontée attendue dans les prochains mois s’annonce très progressive. Il est vrai que si, au cours des trois derniers mois, les conditions observées sur les marchés obligataires mondiaux témoignent du retour d’une plus grande confiance, les anticipations de reprise de l’activité se montrent encore assez prudentes.

Dans son bulletin mensuel de septembre dernier, la BCE relevait ainsi que « nonobstant la publication récente de données économiques très encourageantes, les rendements des emprunts publics à long terme de la zone euro étaient le 2 septembre inférieurs de 45 points de base à leur niveau de fin mai » (voir également le graphique ci-après).

RENDEMENTS DES EMPRUNTS PUBLICS À LONG TERME (10 ANS)

Source : Bulletin mensuel de la BCE, septembre 2009.

Il convient par ailleurs de souligner, par contraste avec la situation qui prévalait l’année passée, le net écartement entre les taux à court terme et les taux à long terme. Le PAP 2010 signale ainsi que « l’écart entre les taux à 2 ans et à 10 ans de la courbe française s’est accru, atteignant un point haut historique en juin dernier », de plus de 250 points de base. Dans le même sens, la courbe des taux sur titres d’État français s’est sensiblement « pentifiée », comme invite à le constater le graphique ci-après.

COURBE DES TAUX SUR TITRES D’ÉTAT FRANÇAIS

(valeur en fin de mois, en %)

Source : Bulletin mensuel de l’AFT, octobre 2009.

À l’heure actuelle, la France devrait continuer de bénéficier de conditions de financement plus favorables que l’ensemble de ses partenaires européens, à la notable exception de l’Allemagne. Les écarts de financement (spreads) entre les principaux États de la zone euro, qui s’étaient spectaculairement creusés à la fin de l’année 2008 et au début de cette année, sont en effet en voie de resserrement depuis que les résultats économiques du deuxième trimestre 2009 sont venus offrir des perspectives plus encourageantes aux investisseurs (47).

Le même constat vaut pour l’écart de financement moyen entre la France et l’Allemagne, illustré par le graphique ci-après.

ÉCART DE FINANCEMENT MOYEN ENTRE LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE

(en points de base)

Lecture : Un écart de financement de 15 points de base signifie que le coût moyen de financement de la France est supérieur au coût moyen de financement de l’Allemagne de 0,15 %.

Source : graphique établi à partir de l’indicateur de spread de l’AFT.

Ces écarts de financement méritent d’être interprétés avec précaution. Leur origine ne s’expliquerait qu’en partie par l’appréciation portée par les investisseurs sur la « qualité » des dettes considérées – qualité mesurée à l’aide des classements établis par les agences de notation, mais aussi par les évolutions (réelles ou supposées) à moyen terme des finances publiques. Un autre facteur essentiel à l’origine de l’accroissement des spreads vis-à-vis de l’Allemagne est la liquidité de sa dette publique, avantage technique (48) qui lui a d’autant plus profité en 2008 que la crise a entraîné une plus forte appétence des investisseurs pour les titres liquides, dans un contexte d’assèchement général. Une étude récente de la BCE portant sur la fin de l’année 2008 et sur le début de l’année 2009 conclut en ce sens que « l’écart de rendement élevé des obligations souveraines [françaises et allemandes à 10 ans] reflétait des facteurs de liquidité plus que des modifications importantes de la perception relative de la qualité du crédit des émetteurs souverains respectifs » (49).

 Dans ces conditions de taux encore favorables, et compte tenu de l’ampleur de la dette accumulée par l’État, la charge de la dette prévue pour 2010, soit 42,5 milliards d’euros, apparaît relativement modérée. Pour le calcul de la norme de dépense en 2010, toujours effectué par rapport à la loi de finances initiale de l’année précédente, la charge de la dette est même en diminution de 0,5 milliard d’euros en 2010.

Toutefois, par rapport au montant que devrait effectivement atteindre la charge de la dette en 2009, soit environ 38,5 milliards d’euros (50), l’accroissement attendu en 2010 s’élève à 4 milliards d’euros.

Cette augmentation s’explique principalement par :

– l’effet « volume » lié à l’augmentation de l’encours de dette à moyen et long terme enregistré en 2009, qui pèserait en 2010 à hauteur d’environ 1,8 milliard d’euros ;

– l’effet « taux », compte tenu de la hausse des taux d’intérêt à court terme anticipée par le consensus des économistes (1,3 % en septembre 2010 à comparer à un taux moyen des émissions de BTF en 2009 inférieur à 1 %). La charge de la dette s’en trouverait aggravée d’environ 0,6 milliard d’euros ;

– le retour de l’inflation en France et en zone euro l’année prochaine (respectivement : 1,2 % et 1 % en moyenne annuelle). La charge pour provision d’indexation des OAT et BTAN indexés sur les prix s’établirait à 1,7 milliard d’euros, soit 1,6 milliard d’euros de plus qu’en 2009.

Cette augmentation de 4 milliards d’euros de la charge de la dette entre 2009 et 2010 est sensiblement supérieure à celle qu’anticipait la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009, soit 2,2 milliards d’euros à périmètre constant (51). Cet important dynamisme de la charge de la dette d’une année sur l’autre est naturellement beaucoup plus significatif que la constatation de ce que, en valeur absolue, le montant finalement attendu pour 2010 est inférieur de 2,7 milliards d’euros à ce que prévoyait la loi de programmation des finances publiques (soit 45,2 milliards d’euros) (52).

L’IMPACT DE LA CRISE SUR LA CHARGE DE LA DETTE EN 2010
SELON LE GOUVERNEMENT

En 2010, la part du déficit imputable à la crise est estimée à 61,1 Md€ dont 57 Md€ d’effet base lié à la baisse conjoncturelle des recettes de 2009 et 4,1 Md€ résultant de la mise en œuvre de la tranche 2010 du plan de relance. En revanche, l’État sera remboursé des 9,25 Md€ de prêts [à la SPPE] restant dus au 31 décembre 2009. En conséquence, l’impact de la crise sur l’encours de la dette négociable à fin 2010 peut être estimé à 157 Md€ en cumulé.

Le nouveau besoin de financement de crise propre à 2010, égal à 52 Md€, sera financé par émissions de BTF à hauteur de 29,6 Md€ et par émissions de moyen et long terme pour le solde.

En 2010, l’effet volume cumulé consécutif à la crise résulte de plusieurs éléments : en premier lieu, le renouvellement en 2010 du surplus de BTF émis en 2009 ainsi que l’accroissement propre à 2010 de l’encours de BTF ; en second lieu, l’impact du supplément d’émissions à moyen et long terme de 2009 sur le montant des coupons payés en 2010. Au final, compte tenu des taux obtenus pour 2009 sur les titres à plus d’un an (environ 3 % jusque fin septembre) et des taux prévus à trois mois pour 2010 (1,3 %), l’effet volume lié à la crise en 2010 peut être estimé à 2,5 Md€.

L’effet taux est quant à lui composé de deux éléments : d’une part, l’impact de la différence de taux courts sur les émissions de BTF ; d’autre part, l’effet de l’écart des taux longs sur les émissions à moyen et long terme visant à renouveler le stock de dette. Les taux courts anticipés pour 2010 seraient supérieurs à ceux de 2009, mais resteraient très nettement en deçà du taux de 4,1 % en vigueur avant la crise. Au final, l’effet taux propre aux BTF serait moindre qu’en 2009, à – 4,2 Md€. Enfin, les taux à 10 ans étaient prévus à 4,2 % dans le PLF pour 2009 alors qu’ils devraient in fine être légèrement supérieurs à 3 %, de sorte que l’effet taux lié à la crise sur les titres de moyen et long terme serait d’environ – 1,0 Md€.

Au final, l’impact de la crise sur la charge de la dette en 2010 peut être estimé
à – 2,7 Md€
.

Source : réponses au questionnaire budgétaire du Rapporteur spécial.

Comme de coutume, c’est évidemment la charge de la dette négociable qui regroupe la quasi-totalité des crédits nécessaires (imputés sur l’action n° 1 du programme), soit 42 354 millions d’euros. Les intérêts de la dette non négociable (action n° 2) demeureraient négligeables, à 3 millions d’euros en 2010, après 6 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2009 (53). Enfin, comme en 2008 et 2009, la charge de la trésorerie de l’État (action n° 3) devrait se traduire par une dépense nette, les intérêts payés sur les comptes de dépôt des correspondants du Trésor étant appelés à excéder le produit des placements des excédents de trésorerie réalisés par l’État, sous l’effet d’une augmentation des encours rémunérés, du maintien d’un solde de trésorerie relativement bas et de conditions de placement sur les marchés moins favorables. La charge nette de la trésorerie s’établirait ainsi à 123 millions d’euros en 2010.

Enfin, une vision plus fine de la charge de la dette en 2010 suppose de prendre en compte les opérations d’échange de taux d’intérêt (swaps). Si le programme de swaps est interrompu depuis 2002 (54), les contrats d’échange de taux d’intérêts « courts » initialement conclus sont en revanche toujours renouvelés, afin de conserver un certain volume d’encours et d’éviter une exposition de l’État à la volatilité des taux infra-annuels. Au 30 juin 2009, l’encours du portefeuille de swaps s’établissait encore à 25 milliards d’euros.

Les dépenses et recettes (55) résultant de ces opérations sont, depuis 2006, retracées sur la seconde section du compte de commerce Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État. Les excédents qui en découlent peuvent être déduits de la charge nette de la dette afin de disposer d’une vision plus juste de cette dernière. Après 273 millions d’euros en 2007 et 156 millions d’euros en 2008, ces excédents atteindraient 135 millions d’euros en 2009, puis 280 millions d’euros l’année prochaine – une augmentation principalement liée à la remontée des taux d’intérêt attendue en 2010.

Dans ces conditions, la charge nette de la dette après swaps s’établirait à 42,2 milliards d’euros en 2010, en hausse de 3,8 milliards d’euros par rapport à la prévision d’exécution 2009 (voir le tableau ci-dessous). Le solde budgétaire de l’État se trouverait ainsi en situation de déficit primaire, à hauteur de près de 73,8 milliards d’euros.

SYNTHÈSE DE LA CHARGE DE LA DETTE DE L’ÉTAT

(en millions d’euros)

 

Exécution 2008

LFI
2009

Exécution
2009

PLF
2010

Charge brute dette négociable

46 649

45 359

 

45 197

Charge brute dette non négociable

14

6

 

3

Charge brute gestion de la trésorerie

751

489

 

289

Total charge brute

47 414

45 854

 

45 489

Recettes d’ordre (à déduire)

2 950

2 875

 

3 009

Total charge nette de la dette (hors swaps)

44 464

42 979

38 500

42 480

Excédent opérations swaps (à déduire)

156

50

135

280

Total charge nette de la dette après swaps

44 309

42 929

38 365

42 200

Rapportée aux recettes fiscales nettes attendues l’année prochaine, la charge de la dette de l’État représenterait 16,7 % en 2010, après 18,1 % en 2009 et 17 % en 2008. Le graphique ci-après permet de constater que, depuis 2006, l’État consacre une part croissante de ses revenus au paiement des intérêts de sa dette.

ÉVOLUTION DE LA PART DES RECETTES FISCALES CONSACRÉES AU PAIEMENT DE LA CHARGE DE LA DETTE DE L’ÉTAT

N.B. : L’histogramme rapporte la charge de la dette après swaps aux recettes fiscales nettes des remboursements et dégrèvements (échelle de gauche). La courbe rappelle l’évolution de la charge de la dette en milliards d’euros (échelle de droite).

Encore convient-il de préciser qu’en 2009 et 2010 le ratio entre la charge de la dette et les recettes fiscales nettes est, par rapport aux années précédentes, mécaniquement diminué par les changements de nomenclature entre recettes non fiscales et recettes fiscales effectués dans la loi de finances initiale pour 2009 (pour environ 5,2 milliards d’euros) et dans le présent projet de loi de finances (pour environ 4,2 milliards d’euros). À périmètre constant, c’est-à-dire avec la structure des recettes fiscales de 2008, le ratio s’établirait à 18,9 % en 2009 et à 17,4 % en 2010.

Enfin, le Rapporteur spécial souligne une fois de plus que les prévisions pour 2010 s’entendent hors « grand emprunt ». L’émission d’un emprunt supplémentaire aggravera le stock de dette (56) et, même si les conditions de taux demeuraient favorables, conduira à majorer la charge de la dette d’un montant non négligeable.

À titre purement indicatif (faute de connaître le volume et les modalités d’émission du futur emprunt), le tableau ci-après présente, toutes choses égales par ailleurs, les effets sur l’encours et la charge de la dette (en fonction de deux hypothèses de taux d’intérêt) d’un emprunt supplémentaire de, respectivement, 20, 50 ou 100 milliards d’euros.

EFFET EN ANNÉE PLEINE SUR L’ENCOURS DE LA DETTE PUBLIQUE ET SUR LA CHARGE DE LA DETTE DE L’ÉTAT D’UN « GRAND EMPRUNT » SUPPLÉMENTAIRE

Montant du « grand emprunt »
(en Mds€)

Effet sur l’encours de dette publique
(en % du PIB)

Effet sur la charge de la dette de l’État
(en Mds€)

Surcroît de dette

Dette publique totale

Emprunt
à 3 %

Emprunt
à 4,5 %

20

+ 1,0 %

85,0 %

+ 0,6

+ 0,9

50

+ 2,5 %

86,5 %

+ 1,5

+ 2,3

100

+ 5,1 %

89,1 %

+ 3,0

+ 4,5

Source : calculs du Rapporteur spécial.

D.– LES RISQUES LIÉS AU SURENDETTEMENT PUBLIC

1.– Le risque d’une stérilisation durable des marges de manœuvre budgétaires de l’État

L’endettement a aujourd’hui un coût relativement modéré. Le surendettement aura demain un coût sensiblement plus élevé, qui risque de priver l’État de toute marge de manœuvre budgétaire.

Les prévisions relatives à l’évolution de la charge de la dette pour 2011 fournies par le Gouvernement font état d’une augmentation par rapport à 2010 de l’ordre de 4 à 6 milliards d’euros (57). Afin d’en prendre la juste mesure, un tel montant est susceptible d’être comparé :

– à l’augmentation de la charge de la dette en 1994, après la récession de 1993 (soit 4 milliards d’euros) ;

– au dérapage de la charge de la dette en 2008 (4,9 milliards d’euros), dans le contexte inflationniste exceptionnel du premier semestre ;

– à la tranche 2010 du plan de relance de l’économie (4,1 milliards d’euros de crédits de paiement sont inscrits sur la mission éponyme) ;

– à l’augmentation des charges de l’État qu’autorise chaque année la norme de dépense. Autrement dit, compte tenu du dynamisme des intérêts de la dette, la stabilisation en volume des charges de l’État en 2011 équivaudra à un gel en valeur de l’ensemble des autres dépenses.

Encore cette prévision du Gouvernement est-elle fondée sur l’hypothèse d’une remontée progressive des taux d’intérêt. Il pourrait, à moyen terme, en aller autrement. De ce point de vue, les projections présentées dans le PAP 2010 du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État montrent qu’une hausse des taux globale et pérenne de 1 %, répercutée sur l’ensemble de la courbe des taux, entraînerait une augmentation des intérêts de la dette d’environ 2,5 milliards d’euros dès la première année, de 4,2 milliards d’euros l’année suivante, de 6,3 milliards d’euros la troisième année, jusqu’à environ 15 milliards d’euros à un horizon de dix ans. Dans une telle situation, la charge de la dette deviendrait rapidement
– probablement en 2014 ou en 2015 – le premier poste budgétaire de l’État, devant l’enseignement scolaire 
(58
).

Ces projections présentées dans le PAP 2010 appellent également l’attention quant à la particulière rapidité de l’intégration du surcoût entraîné par une hausse des taux. L’augmentation de la charge de la dette de 2,5 milliards d’euros qui en résulte dès la première année est très supérieure à celle présentée dans les simulations figurant dans les documents budgétaires des années précédentes, qui étaient de l’ordre d’un milliard d’euros. C’est la conséquence directe de l’exposition grandissante de la charge de la dette aux variations de taux, due au recours accru aux financements à court terme (59).

2.– Le risque d’une perte de tout contrôle de l’évolution de la dette publique

a) Les possibles effets d’éviction liés à un excès d’endettement public

Une dette publique importante n’est pas nécessairement problématique, dès lors que l’évolution de l’endettement reste compatible avec le maintien de la solvabilité à moyen terme des administrations publiques. Au contraire, l’emballement actuel de la dette – commencé bien avant la crise – est de nature à faire douter de la soutenabilité de nos comptes publics. Or, un endettement incontrôlé peut être source de multiples effets d’éviction :

– en limitant, au sein des dépenses publiques, les marges de manœuvre des pouvoirs publics. Ce risque, évoqué précédemment, se trouve par exemple réalisé en Grèce et en Italie, pays qui consacraient en 2008 respectivement 4,6 % et 5,1 % de leur PIB au paiement des intérêts de leur dette publique (60) ;

– en détournant l’épargne privée du financement de l’économie, au détriment de l’investissement des entreprises. L’économie japonaise fournit une illustration d’une telle situation depuis la fin des années 1990 ;

– en encourageant une épargne de précaution chez les ménages anticipant de futures augmentations des prélèvements obligatoires, entraînant un affaissement de la demande intérieure. La récession de 1993 a par exemple fait bondir le taux d’épargne des ménages de 14,6 % à 15,5 % de leur revenu disponible brut d’une année sur l’autre ;

– en conduisant à l’augmentation des taux d’intérêt à long terme, dissuadant l’investissement du secteur privé. Pour l’instant évité par des politiques monétaires particulièrement expansionnistes (mesures « non conventionnelles » des banques centrales permettant la monétisation directe ou indirecte des dettes publiques ; accumulation de réserves de change par les pays émergents), cet écueil pourrait resurgir lorsque les banques centrales procéderont à une normalisation de leurs politiques.

Face à ces multiples risques, la réponse du Gouvernement ne paraît pas à la hauteur des enjeux. En répétant, certes à juste titre pour une large part, que l’essentiel de la dérive des finances publiques constatée depuis 2008, est imputable à la conjoncture, sans proposer de stratégie crédible de « sortie de crise », les pouvoirs publics laissent accroire que la situation pourrait se rétablir d’elle-même avec le retour de « jours meilleurs ». Or, sans même discuter les évaluations gouvernementales du montant du « déficit de crise » (par opposition au déficit structurel), il est bien évident que, quelle que soit leur origine, les déficits de 2009 et de 2010 deviendront de la dette durable, dette que l’État sera contraint de refinancer et d’amortir dans les prochaines années. En d’autres termes, autant il est loisible d’évoquer un « déficit de crise », autant la notion de « dette de crise » n’aurait strictement aucun sens.

b) Un besoin de financement de l’État encore supérieur à 200 milliards d’euros en 2011 et en 2012

Afin d’illustrer concrètement ce qui attend d’ores et déjà nos finances publiques, le Rapporteur spécial présente ci-après, sous forme d’un tableau et d’un graphique, un échéancier de la dette négociable à moyen et long terme, établi en fonction des encours d’OAT et de BTAN au 30 septembre 2009.

ÉCHÉANCIER DE LA DETTE NÉGOCIABLE À MOYEN ET LONG TERME

(selon l’encours au 30 septembre 2009)

(en milliards d’euros)

Année

OAT

BTAN

Total

2009

19,22

 

19,22

2010

31,64

59,84

91,48

2011

52,05

58,23

110,28

2012

60,78

31,20

91,99

2013

56,35

29,53

85,88

2014

37,91

29,99

67,90

2015

61,41

 

61,41

2016

44,00

 

44,00

2017

57,99

 

57,99

2018

38,96

 

38,96

2019

46,29

 

46,29

2020

18,89

 

18,89

2021

21,68

 

21,68

2022

1,24

 

1,24

2023

34,75

 

34,75

2025

10,61

 

10,61

2028

0,02

 

0,02

2029

25,72

 

25,72

2032

29,03

 

29,03

2035

15,61

 

15,61

2036

23,89

 

23,89

2040

5,70

 

5,70

2041

6,00

 

6,00

2055

14,93

 

14,93

Total

714,68

208,79

923,48

Cet échéancier, qui s’étend jusqu’en 2055 (61), montre une concentration des échéances de remboursement sur une période d’une dizaine d’années. Les charges des remboursements de 2010 à 2012 sont comprises entre 90 milliards d’euros et 110 milliards d’euros, avant même l’impact du programme d’emprunt prévu pour 2010. Il faut attendre 2018 pour voir des échéances de remboursements inférieures à 40 milliards d’euros.

Naturellement, cet échéancier ne constitue qu’un « instantané » : il se borne à retracer l’encours et la structure de la dette tels qu’ils sont définis aujourd’hui. L’ampleur des déficits des années à venir ainsi que les modalités de leur financement sont, par nature, éludées. Ainsi, le volume des BTAN et des OAT a vocation, d’une part, à « glisser » progressivement sur l’axe du temps au fil du refinancement de la dette et, d’autre part, à s’accroître à due proportion des déficits futurs.

Afin de prendre en compte ces derniers, le PAP 2010 du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État indique, à titre purement illustratif, qu’ « avec une hypothèse conventionnelle de déficit de 90 milliards d’euros en 2011 et de 80 milliards d’euros en 2012, le besoin de financement resterait quasiment identique à celui de 2010, à un peu plus de 210 milliards d’euros. La réduction du déficit serait en effet compensée par un surcroît d’amortissement, particulièrement important en 2011 et 2012. À supposer, conventionnellement, que la totalité du besoin soit financée par les émissions à moyen et long terme, ces dernières s’élèveraient à 211 milliards d’euros en 2011 comme en 2012 ».

Autrement dit, il convient d’ores et déjà de s’attendre pour 2011 puis pour 2012 à un besoin de financement de l’État supérieur à 200 milliards d’euros, soit un ordre de grandeur identique à celui de 2010.

c) Les limites des perspectives pluriannuelles d’évolution de la dette publique présentées par le Gouvernement

 Au-delà de la situation de la seule dette de l’État, l’analyse mérite d’être élargie à l’ensemble de la dette publique, qui inclut également les passifs des organismes divers d’administration centrale (ODAC), des administrations publiques locales et des administrations de sécurité sociale.

Comme on l’a souligné dans l’introduction du présent rapport spécial, les perspectives d’augmentation de la dette publique ont, depuis 2008, littéralement changé d’échelle.

Alors qu’elle s’établissait à 63,8 % du PIB en 2007 et à 67,4 % en 2008, le Gouvernement s’attend en 2009 à une progression de la dette publique proche de 10 points de PIB, pour atteindre 77,1 % en fin d’année, soit près de 1 500 milliards d’euros.

Cette spectaculaire augmentation de la dette publique s’explique évidemment par la récession économique – qui accentue l’effet « boule de neige » de l’endettement (62) – et par l’ampleur de la dégradation des comptes publics (ou, plus exactement, du déficit primaire (63)). S’y ajoute l’effet de certaines opérations qui, quoique neutres sur le déficit public, n’en pèsent pas moins sur la trésorerie de l’État (effet dit « flux de créances et de dettes ») (64). C’est principalement le cas :

– des prêts à la filière automobile consentis au premier semestre 2009 (6,4 milliards d’euros) ;

– des remboursements anticipés de TVA (6,5 milliards d’euros) prévus dans le cadre du plan de relance de l’économie ;

– du financement des prises de participation de la SPPE dans les établissements bancaires. Entre décembre 2008 et la fin août 2009, la SPPE a ainsi injecté environ 20 milliards d’euros de fonds propres dans le secteur financier, dont une partie pourrait être prochainement remboursée par les banques (65).

En conséquence, l’augmentation de 9,7 points de PIB de la dette publique entre 2008 et 2009 peut être décomposée en trois facteurs présentés ci-après.

DÉCOMPOSITION DE L’AUGMENTATION DE LA DETTE PUBLIQUE ENTRE 2008 ET 2009

(en points de PIB)

Dette publique en 2008

67,4 %

Effet « boule de neige »

+ 3,1

Effet « déficit primaire »

+ 5,7

Effet « flux de créances »

+ 0,9

Dette publique en 2009

77,1 %

Sources : Rapport économique, social et financier ; notification à Eurostat du 1er octobre 2009 ; calculs du Rapporteur spécial.

Selon les informations recueillies par le Rapporteur spécial, la dette se répartirait entre les différentes administrations publiques selon les modalités indiquées dans le tableau ci-après.

RÉPARTITION DE LA DETTE PUBLIQUE EN 2009

 

 En Mds€

En %
du PIB 

En % de la dette totale 

État

1 161

60,1 %

78,0 %

Organismes divers d’administration centrale

124

6,4 %

8,3 %

Administrations locales

156

8,1 %

10,5 %

Administrations de sécurité sociale

48

2,5 %

3,2 %

Total dette publique

1 489

77,1 %

100 %

L’année prochaine, la dette publique augmenterait d’environ 7 points de PIB supplémentaires, pour atteindre 84 % à la fin 2010 (66). À la différence de 2009, l’évolution du ratio d’endettement bénéficierait d’une croissance du PIB positive (+ 2 % en valeur ; + 0,75 % en volume) (67).

Au-delà de 2010, en dépit d’un objectif de réduction du déficit public d’au moins un point de PIB chaque année, les perspectives pluriannuelles offertes par le Gouvernement montrent un endettement qui demeurerait supérieur à 91 % à l’horizon 2013 (voir le graphique ci-après).

PRÉVISIONS GOUVERNEMENTALES D’ÉVOLUTION DES FINANCES PUBLIQUES

(en % du PIB)

Source : présent projet de loi de finances.

 Pour le Rapporteur spécial, ces perspectives pluriannuelles appellent trois séries de réserves.

En premier lieu, si le Gouvernement se montre plutôt prudent dans sa prévision de croissance pour 2010 (+ 0,75 % en volume), il n’en va pas de même pour les années suivantes. Les perspectives de réduction du déficit public sont construites sur un retour de la croissance économique à 2,5 % en volume dès 2011, couplé à une inflation de 1,75 %, niveaux qui ne faibliraient pas jusqu’à la fin de la période considérée.

Or, rien ne garantit un rebond économique de cette ampleur, ni a fortiori le maintien d’un tel niveau d’activité pendant trois années. La sortie de crise pourrait, au contraire, prendre la forme d’une reprise très graduelle, dans un contexte d’affaiblissement de la croissance potentielle de l’économie.

En deuxième lieu, le « tabou » régnant autour de toute idée de relèvement de la pression fiscale conduit le Gouvernement à faire porter la quasi totalité de l’ajustement budgétaire annoncé pour 2011-2013 sur la limitation des dépenses publiques. Les perspectives gouvernementales intègrent un ralentissement de leur rythme d’évolution, à environ 1 % en volume en moyenne annuelle. La crédibilité d’un tel objectif, qui n’a été atteint qu’une seule fois ces dix dernières années (68), était déjà sujette à caution avant la crise : elle le sera davantage dans le contexte d’après-crise, ne serait-ce qu’en raison de l’inéluctable augmentation de la charge de la dette dans les prochaines années.

En troisième lieu, par construction, les perspectives pluriannuelles d’évolution de la dette publique présentées par le Gouvernement ignorent l’impact du futur « grand emprunt ». Que celui-ci soit contracté auprès des particuliers ou, comme cela semble désormais plus probable, auprès des marchés, la dette publique s’en trouvera de nouveau alourdie. Quant aux « dépenses d’avenir » appelées à financer des « priorités stratégiques d’investissement » grâce au produit de cet emprunt, elles constitueront sans doute, au moins partiellement, des dépenses publiques, creusant d’autant le déficit.

En jouant sur ces trois aléas susceptibles d’affecter la crédibilité des perspectives pluriannuelles associées au présent projet de loi de finances, le Rapporteur spécial expose ci-après deux variantes possibles du scénario d’évolution de la dette publique présenté par le Gouvernement.

ÉVOLUTIONS PRÉVISIONNELLES DE LA DETTE PUBLIQUE À L’HORIZON 2016

(en % du PIB)

N.B. : Pour les années 2014 à 2016, la courbe relative au scénario du Gouvernement constitue une extrapolation à partir des hypothèses sous-jacentes aux perspectives pluriannuelles associées au présent projet de loi de finances pour la période 2011-2013.

Le premier scénario alternatif (« Variante 1 ») est fondé sur des hypothèses qui, loin d’être catastrophistes, sont seulement moins favorables que celles retenues par le Gouvernement. La sortie de crise s’effectuerait plus graduellement : le PIB croîtrait de 1,5 % en volume en 2011, puis de 2 % les années suivantes (69). Les recettes publiques progresseraient légèrement plus vite que l’activité (soit une élasticité de 1,1). Les dépenses publiques évolueraient en moyenne annuelle de 1,3 % en volume, soit légèrement plus vite que dans les prévisions gouvernementales (70).

Dans un tel scénario, l’endettement public deviendrait très rapidement insoutenable : la dette publique excéderait 94 % du PIB en 2012 et franchirait le seuil de 100 % en 2014 (71).

Le second scénario alternatif (« Variante 2 ») proposé par le Rapporteur spécial repose strictement sur les mêmes hypothèses macroéconomiques que celui du Gouvernement (72). Mais il tend de surcroît à prendre en compte l’impact d’un « grand emprunt » supplémentaire.

Faute de disposer d’informations sur les caractéristiques et sur l’ampleur de ce futur emprunt, le Rapporteur spécial a opté pour des hypothèses conventionnelles particulièrement prudentes : cet emprunt national serait émis en 2010, pour un montant de 2 % du PIB (soit un peu moins de 40 milliards d’euros), sans renchérissement du coût de la dette et – ce qui paraît plus difficilement concevable – sans aucun effet sur le niveau des dépenses publiques. En bref, l’impact du l’ « emprunt national » sur les finances publiques serait limité à l’augmentation du stock de dette en 2010.

En revanche, le Rapporteur spécial ne fait pas sien l’argument selon lequel les dépenses financées par le « grand emprunt » permettraient de stimuler la croissance du PIB au point de la porter au-delà de 2,5 % en volume à moyen terme. Tout au plus peut-on considérer que les investissements réalisés pourraient contribuer à crédibiliser quelque peu les perspectives de croissance du Gouvernement déjà présentées.

Dans ces conditions, la courbe d’évolution de la dette publique correspondant à ce second scénario épouse globalement la même forme que celle correspondant aux perspectives présentées par le Gouvernement. En revanche, elle montre un endettement public qui approcherait 90 % du PIB dès 2011, portant le bilan de l’augmentation de la dette sous la XIIIe législature à près de 26 points de PIB.

II.– LE PROGRAMME APPELS EN GARANTIE DE L’ÉTAT :
DES FINALITÉS HÉTÉROGÈNES

Placé sous la responsabilité du directeur général du Trésor et de la politique économique, le programme Appels en garantie de l’État retrace les dépenses budgétaires découlant de la mise en jeu de la garantie de l’État. Conformément à l’article 10 de la LOLF, les crédits de ce programme sont évaluatifs.

Le présent projet de loi de finances propose d’ouvrir 247,8 millions d’euros de crédits pour 2010, soit exactement le montant prévu l’année dernière lors de la présentation de la programmation triennale 2009-2011. Le respect de cette programmation est néanmoins facilité par l’existence d’une provision pour appels en garantie non anticipés au moment de l’élaboration du projet de loi de finances : alors qu’elle était fixée, pour 2010, à 150 millions d’euros dans la programmation triennale, cette provision est finalement ramenée dans le présent projet de loi de finances à 124,4 millions d’euros (73).

Il convient par ailleurs de signaler que le présent projet de loi de finances pour 2010 comporte deux articles, rattachés à la mission Économie, relatifs à la garantie de l’État :

– l’article 53 tend à proroger jusqu’au 31 octobre 2010 la garantie accordée l’année dernière à Dexia, conjointement avec la Belgique et le Luxembourg ;

– l’article 54 prévoit les modalités de « mise en sommeil » de la garantie accordée à la Société de financement de l’économie française (SFEF) (74).

A.– LA PERFORMANCE DU PROGRAMME APPELS EN GARANTIE DE L’ÉTAT

Du fait de sa pauvreté, le volet « performance » du PAP 2010 appelle peu de commentaires.

Le Rapporteur spécial renvoie sur ce sujet à son analyse du RAP annexé au projet de loi de règlement du budget de l’année 2008 (75), ainsi qu’à son appréciation globale du dispositif de performance associé au programme, présentée dans le rapport d’information de la commission des Finances de juin dernier (76).

Pour 2010, les objectifs assignés à l’action Développement international de l’économie française – la seule à faire l’objet d’une mesure de la performance – sont strictement identiques à ceux de la loi de finances initiale pour 2009. Il s’agit :

– du maintien d’une cible de « risque pays » du portefeuille de l’assurance-crédit géré par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) compris entre 2 et 4,5 ;

– de la gestion à l’équilibre du dispositif de garantie de change (mesurée par l’indicateur dit de « position nette réévaluée ») ;

– de l’objectif de faire bénéficier de la garantie de change 120 entreprises, dont 20 PME (à comparer à une réalisation de 115 entreprises, dont 20 PME, en 2008) ;

– d’un effet de levier de l’assurance prospection permettant de voir un euro versé générer vingt euros d’exportations ;

– d’un taux de retour de l’assurance prospection en fin de période garantie de 25 %, soit le même niveau que le taux constaté en 2008.

B.– LES DÉPENSES DU PROGRAMME APPELS EN GARANTIE DE L’ÉTAT

Le tableau ci-après présente les crédits et les dépenses correspondant à l’ensemble des garanties couvertes par le programme.

CRÉDITS ET DÉPENSES DES PROCÉDURES DE GARANTIE DU PROGRAMME

(AE=CP, en millions d’euros)

Actions

Agriculture et environnement

Soutien au domaine social, logement, santé

Financement des entreprises et industrie

Développement international de l’économie française

Autres garanties

Total

2007

Crédits initiaux

5,5

24

32

52

179,1

292,6

Dépenses

22

13

40,7

206,9

282,5

2008

Crédits initiaux

2,5

24,4

16

52

192,8

287,7

Dépenses

22,2

37,7

174,0

234,0

2009

Crédits initiaux

1,1

25,2

16

68

168,5

278,8

Dépenses (a)

22,2

15,9

82,8

120,9

2010

Crédits initiaux

1,1

26,2

86,1

134,4

247,8

Dépenses

(a) Au 1er octobre 2009.

1.– L’action Agriculture et environnement

Comme pour 2009, les seules dépenses attendues sur l’action Agriculture et environnement l’année prochaine sont liées aux appels en garantie de l’État par la Caisse régionale du Crédit agricole corse dans le cadre de la procédure d’abandon de créances et de restructuration de la dette des agriculteurs installés en Corse. Les crédits nécessaires pour 2010 sont de 1,1 million d’euros, un montant identique à celui de 2009.

2.– L’action Soutien au domaine social, logement, santé

Les dépenses les plus significatives sur cette action concernent les prêts à l’accession sociale (PAS) et les prêts à taux zéro (PTZ) antérieurs à 2007, engagements pris en charge jusqu’à 2006 par la société chargée de gérer le Fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (FGAS). Le Rapporteur spécial rappelle que l’article 34 de la loi de finances pour 2006 a organisé la reprise par l’État de la totalité des engagements antérieurement souscrits par cette société, les disponibilités du FGAS au 31 décembre 2005 étant corrélativement reversées en totalité au budget de l’État. Désormais, ce dernier indemnise donc les établissements de crédit en fonction des sinistres constatés et non plus par le versement d’une cotisation annuelle à un fonds (77).

Cette réforme entraîne deux types de dépenses sur l’action Soutien au domaine social, logement, santé :

– l’indemnisation des sinistres des prêts PAS et PTZ des générations 1993 à 2006, soit un encours au 31 décembre 2008 estimé à 32,4 millions d’euros. En 2010, la dépense serait limitée à 3,1 millions d’euros (soit 0,3 million d’euros de plus qu’en loi de finances pour 2009). Toutefois, la conjoncture économique et la baisse des prix sur le marché immobilier incitent, selon les termes du PAP, « à être prudent sur la prévision des sinistres » ;

– le remboursement d’une créance conditionnelle des établissements de crédit d’un montant total de 100 millions d’euros, réparti entre chacun d’eux. Le remboursement effectif de cette créance est conditionné, pour chaque établissement, au maintien de la sinistralité constatée sur les prêts repris par l’État à une valeur inférieure au plafond de malus tel qu’il résulte des conventions en vigueur. Le montant annuel du remboursement est égal au cinquième de la créance totale, soit 20 millions d’euros. S’y ajoutent des intérêts, qui s’élèvent à 2,9 millions d’euros en 2010, portant la dépense totale à 22,9 millions d’euros (78).

RÉPARTITION DU MONTANT DE LA CRÉANCE CONDITIONNELLE

(en milliers d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011

Total

Principal

20 000

20 000

20 000

20 000

20 000

100 000

Intérêts

903,7

1 543,4

2 202,6

2 882

3 582,2

11 114,9

Total

20 903,7

21 543,4

22 202,6

22 882

23 582,2

111 114,9

Source : Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

En ajoutant les dépenses liées aux prêts de consolidation consentis aux rapatriés (100 000 euros) et à la garantie donnée par l’État au Crédit foncier de France et à Entenial au titre des prêts complémentaires aux fonctionnaires (100 000 euros), les dépenses totales sur l’action Soutien au domaine social, logement, santé atteindraient 26,2 millions d’euros en 2010, après 25,2 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2009.

3.– L’action Financement des entreprises et industrie

Aucune dépense n’est prévue pour 2010 sur cette action, qui retrace notamment : la garantie d’emprunts émis ou contractés par les établissements et entreprises contribuant à la réalisation du « plan de modernisation et d’équipement », emprunts souscrits par la Caisse française de développement industriel et par le Crédit d’équipement des petites et moyennes entreprises ; la garantie des prêts consentis par la Banque européenne d’investissement pour des projets à réaliser sur le territoire français ; la garantie d’emprunts à l’ERAP, contractés dans le cadre de son soutien d’actionnaire à France Télécom.

L’encours couvert par ces garanties s’établissait à 53,7 millions d’euros au 1er janvier 2009, après 67,3 millions d’euros au 1er janvier 2008.

4.– L’action Développement international de l’économie française

Cette action regroupe les crédits consacrés aux garanties à l’exportation. Elle se compose de six sous-actions, chacune correspondant à un instrument mis par l’État à la disposition des exportateurs. À l’exception de la garantie de taux d’intérêt qui relève directement de Natixis, l’ensemble de ces procédures de garantie est géré par la Coface (79). Cette dernière exerce en effet à la fois des activités pour son compte propre (assurance crédit, information commerciale, recouvrement de créances) et des activités pour le compte de l’État.

Le tableau ci-après présente les crédits consacrés à l’action Développement international de l’économie française de 2008 à 2010.

CRÉDITS DE L’ACTION DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE

(en millions d’euros)

 

2008

LFI
2009

PLF
2010

 

LFI

Exécution

Assurance crédit

Assurance prospection

36

36,1

52

63

Risque de change

6

Risque économique

16

1,6

14

8,6

Stabilisation de taux d’intérêt

Risque exportateur

2

8,5

Total action

52

37,7

68

86,1

● L’assurance crédit couvre un exportateur (assurance crédit fournisseur) ou sa banque (assurance crédit acheteur) contre le risque de défaut de remboursement d’un crédit à l’exportation. À la fin mars 2009, l’encours couvert par ce dispositif s’établissait à 46,4 milliards d’euros.

Depuis 1995, l’assurance crédit présente un solde excédentaire et ne suscite donc plus de dépense budgétaire. Le tableau ci-après permet cependant de constater que si les produits perçus par la Coface continuent de dépasser les indemnités versées, les récupérations prévues en 2009 et 2010 sont nettement inférieures à celles des années précédentes. Cette diminution apparaît comme le « contrecoup » des nombreux remboursements anticipés enregistrés en 2005, 2006 et, dans une moindre mesure, 2007 et 2008 (80).

RÉSULTAT COMPTABLE DES PROCÉDURES COFACE (assurance crédit)

(en millions d’euros)

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009 (p)

2010 (p)

I. Produits

               

Récupérations

1 524

1 806

2 982

5 558

1 519

2 307

586

592

Primes

241

216

155

206

159

131

249

235

II. Charges

               

Indemnités

485

384

254

87

31

27

112

250

Résultat brut

1 280

1 638

2 883

5 677

1 648

2 411

723

577

Source : Coface.

Les excédents dégagés par la Coface permettent à l’État de la mettre à contribution pour abonder ses propres recettes (81). Ainsi, 2,9 milliards d’euros ont été prélevés en 2007, puis 2,5 milliards d’euros en 2008, afin d’abonder les recettes non fiscales du budget général.

Du fait de la diminution du résultat de l’assurance-crédit, le prélèvement de l’État sur la trésorerie de la Coface reviendrait à un milliard d’euros en 2009, puis à 700 millions d’euros en 2010. Toutefois, comme l’a récemment relevé M. le Rapporteur général, « compte tenu des difficultés actuelles du secteur de l’assurance-crédit, il n’est pas impossible que l’État doive renoncer à tout ou partie de ce prélèvement » (82). Il faut en ce sens rappeler qu’au premier semestre 2008, Eurostat a considéré que l’État ne pouvait s’octroyer une recette supérieure au résultat d’exploitation de la Coface, requalifiant en conséquence la fraction de la recette excédant ce résultat courant (soit 1,3 milliard d’euros) et majorant d’autant le déficit 2007 de l’État en comptabilité nationale.

PRÉLÈVEMENT DE L’ÉTAT SUR LA COFACE

(en millions d’euros)

2007

Exécution

2 900

2008

Exécution

2 500

2009

LFI 2009

1 500

Révisé 2009 du présent PLF

1 000

2010

Présent PLF

700

● Gérée elle aussi par la Coface, l’assurance prospection a pour objet, d’une part, de couvrir les dépenses de prospection des entreprises recherchant de nouveaux marchés (moyennant le paiement d’une prime) et, d’autre part, de couvrir les frais engagés dans la participation à une manifestation commerciale agréée.

Le présent projet prévoit une dépense de 63 millions d’euros à ce titre en 2010, soit 11 millions d’euros de plus qu’en loi de finances initiale pour 2009. En dehors de la hausse des coûts de gestion de cette procédure (+ 2 millions d’euros), cette augmentation résulte d’une dégradation du solde entre les indemnisations, d’une part, et les récupérations et primes, d’autre part. Selon le PAP, l’augmentation attendue des indemnités est « due au recours croissant des entreprises à cette procédure suite aux réformes de janvier 2008 et dans une moindre mesure de juin 2009 ».

Ces réformes (83) ont en effet rendu cette procédure plus attractive, notamment pour les entreprises innovantes. L’objectif est de parvenir, d’ici à 2012, à un stock de 10 000 entreprises bénéficiaires de l’assurance prospection (à comparer à environ 5 000 actuellement), générant un chiffre d’affaires à l’exportation de 1,8 milliard d’euros (au lieu de 0,7 milliard d’euros en 2008).

● La garantie de change offre une protection contre la baisse éventuelle des devises de facturation des exportations. Elle permet de couvrir le risque de change auquel les exportateurs français font face lors d’appels d’offres internationaux concurrentiels (entre la remise d’une offre et la signature éventuelle du contrat, puis pendant la période de paiement). Cette procédure fonctionne selon un impératif de gestion à l’équilibre et généralement sans coût budgétaire pour l’État. Les crédits demandés pour 2010 s’élèvent cependant à 6 millions d’euros, ce qui, selon les informations elliptiques fournies par le PAP, « correspond à une estimation des coûts de gestion de la procédure ».

● La garantie du risque économique a pour objet de couvrir les entreprises contre la dérive de leurs prix de revient dans les marchés d’exportation conclus à prix fermes ou à prix révisables plafonnés et relatifs à la fourniture d’équipements élaborés.

Du fait de la modération de l’inflation et, partant, de l’absence de nouveaux bénéficiaires, l’encours garanti diminue sans discontinuer depuis plusieurs années. Compte tenu des engagements antérieurs, les crédits relatifs à cette action seraient de 8,6 millions d’euros en 2010, soit 5,4 millions d’euros de moins que dans la loi de finances initiale pour 2009.

● La garantie de taux d’intérêt de crédits à l’exportation constitue l’une des missions assurées par Natixis pour le compte de l’État (84). Elle permet de proposer à un emprunteur étranger, au moment de l’offre d’un contrat commercial, un taux fixe défini par les autorités françaises selon les règles de l’« arrangement OCDE » (85) sur les crédits à l’exportation. Natixis prend en charge – ou reçoit – le différentiel entre le taux du crédit et le coût de la ressource bancaire, majoré d’une marge définie par l’État. En outre, Natixis peut procéder à la mise en place d’opérations de couverture du risque de taux, afin de constituer un portefeuille de swaps « payeurs » annulant le risque supporté par l’État qui est engagé dans des flux opposés.

À l’instar de ces dernières années, aucun crédit n’est prévu à ce titre pour 2010, du fait de prévisions excédentaires offertes par les couvertures mises en place sur les marchés financiers.

● La garantie du risque exportateur, sixième sous-action du programme introduite depuis 2008, regroupe deux garanties créées en 2005 et 2006 :

– la garantie des cautions permet à un exportateur d’honorer un contrat à l’international en lui fournissant les cautions de bonne fin et de restitution d’acomptes exigées par l’acheteur ;

– la garantie des préfinancements, qui couvre un prêt consenti par une banque pour financer le lancement d’un contrat d’exportation.

La dépense budgétaire prévue à ce titre pour 2010 est de 8,5 millions d’euros, après 2 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2009. Cette évolution s’explique par une hausse des demandes dans l’actuel contexte de crise et par la réforme de la procédure à l’automne 2008 (suppression des seuils quantitatifs ; relèvement des quotités garanties ; relèvement du niveau de chiffres d’affaires en-deçà duquel les entreprises bénéficient d’une quotité garantie majorée).

À titre de synthèse, le tableau ci-après présente les encours garantis par les procédures de garanties précédemment décrites (hors risque exportateur).

ENCOURS GARANTIS PAR LES PROCÉDURES COFACE

(en millions d’euros)

Sous-actions

2003

2004

2005

2006

2007

2008

1. Assurance-crédit

58 308

51 540

50 357

42 956

42 111

42 401

dont moyen terme

55 930

49 482

48 702

42 475

41 774

42 134

dont court terme

2 378

2 058

1 655

482

337

267

2. Assurance prospection

121

107

106

110

123

148

3. Garantie de change

3 420

2 360

1 930

1 900

2 104

1 690

4. Garantie risque économique

4 942

4 749

4 607

4 277

4 228

4 069

5. Stabilisation de taux d’intérêt

           

Euro

3 900

3 200

3 036

2 689 

2 348

2 352

Dollar

8 900

7 800

5 350

5 395 

4 529

4 141

Source : Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Ce tableau permet de constater la diminution globale, depuis plusieurs années, des encours couverts par les procédures d’aide à l’exportation gérées par la Coface. Toutefois, on observe en 2008 une légère hausse de certains encours garantis, en particulier ceux couverts par le dispositif d’assurance crédit (+ 0,7 %).

Par ordre décroissant, les risques garantis par l’assurance crédit se concentraient, à la fin 2008, sur la Chine (4,6 milliards d’euros), la Suisse (4,1 milliards d’euros d’encours), l’Égypte (2,7 milliards d’euros), les Bermudes (1,8 milliard d’euros), le Maroc (1,7 milliard d’euros), l’Inde (1,5 milliard d’euros), les États-Unis (1,5 milliard d’euros), le Pakistan (1,3 milliard d’euros), la Turquie (1,1 milliard d’euros) et l’Indonésie (1,1 milliard d’euros). Ces dix pays représentaient, à cette même date, 51 % de l’ensemble des encours. Quant aux principaux sinistres ayant entraîné des indemnisations par la Coface pour le compte de l’État, ils ont avant tout concerné, en cumul depuis 2005, des contrats au Pakistan, dans les Îles Marshall, en Grèce et au Zimbabwe.

Toutefois, la « logique pays » est moins pertinente qu’autrefois : l’encours garanti par la Coface traduit aujourd’hui la prise de risques sur d’importants acheteurs privés, tout spécialement dans les secteurs naval et aéronautique. Une crise majeure dans ces secteurs pourrait donc générer des sinistres importants. Au 31 décembre 2008, la répartition des créances à échoir par secteur et par nature de débiteurs s’établissait comme indiqué dans le tableau ci-après.

CRÉANCES À MOYEN TERME AU TITRE DE L’ASSURANCE CRÉDIT

(en milliards d’euros)

 

Public

Privé

TOTAL

Airbus

2,0

5,9

7,9

ATR

0,1

0,3

0,4

Bateaux de croisière et ferries

6,2

6,2

Centrales nucléaires

3,5

0,7

4,2

Équipements militaires

5,3

1,3

6,6

Autres

6,4

4,1

10,4

TOTAL

17,3

18,5

35,8

Source : Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

5.– L’action Autres garanties

En dépit de la diversité de son objet, cette action est la plus importante du programme Appels en garantie de l’État en volume de crédits. En 2010, elle mobiliserait en effet plus de 54 % des dépenses, soit 134,4 millions d’euros (après 184,5 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2009 et 192,8 millions d’euros en 2008).

Outre la provision déjà mentionnée de 124,4 millions d’euros constituée pour faire face à des appels en garantie non connus à ce stade (après une provision de 50 millions d’euros en 2009), l’essentiel des crédits de cette action concerne les garanties de l’État en faveur de dispositifs d’aide économique et financière au développement (86).

Ces garanties sont accordées afin de favoriser l’octroi de prêts sur fonds propres des établissements concernés – en particulier l’Agence française de développement (AFD) – ou pour faire face à un risque de retrait des États bénéficiaires du mécanisme de refinancement par don découlant du volet bilatéral de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).

Il s’agit principalement :

– des prêts accordés par l’AFD aux pays de l’Afrique subsaharienne et aux pays éligibles à l’initiative PPTE ;

– des prêts accordés par l’AFD au titre de l’initiative PPTE et devant faire l’objet, dans le cadre du volet bilatéral complémentaire à cette initiative, d’un refinancement par dons (contrats de désendettement et de développement dits « C2D ») ;

– des prêts accordés par la Banque européenne d’investissement (BEI) aux États d’Afrique, des Caraïbes, du Pacifique et aux collectivités d’outre-mer dans le cadre de la mise en œuvre des conventions de Lomé et des accords de Cotonou.

Les mises en jeu de la garantie de l’État ne sont pas comptabilisées dans l’aide publique au développement (APD) au sens de l’OCDE. Toutefois, l’action Autres garanties retrace également les dépenses liées à l’indemnisation de Natixis en cas d’annulation par le Club de Paris de certaines créances garanties par l’État (87) : de telles annulations sont comptabilisées dans les statistiques d’aide publique au développement.

Pour 2010, les dépenses prévues se répartissent en deux catégories.

D’une part, 4 millions d’euros de crédits seraient nécessaires au titre des prêts de la BEI, compte tenu notamment des incertitudes entourant le traitement de la dette des Industries chimiques du Sénégal.

D’autre part, les appels en garantie de l’AFD atteindraient 6 millions d’euros, du fait de la mise en œuvre pour la première fois de la garantie accordée par l’article 97 de la loi de finances initiale pour 2007 au bénéfice de la Facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFIm) (88). Cette dernière, née d’une initiative conjointe du Royaume-Uni et de la France, affectataire de 10 % du produit de la contribution de solidarité sur les billets d’avion (89), vise à financer des programmes sanitaires dans les pays pauvres.

L’État a accordé sa garantie à l’AFD, afin que celle-ci couvre pour son compte, à hauteur de 372,8 millions d’euros au maximum, le remboursement d’une partie de la première émission obligataire de l’IFFIm, réalisée en novembre 2006. Cette garantie s’exerce dans l’hypothèse où le produit de la contribution sur les billets d’avion ne permet pas de couvrir l’intégralité des engagements de l’État envers l’IFFIm. Cela devrait être le cas en 2010 : le produit affecté de la contribution devrait s’établir à 15,9 millions d’euros, alors que le montant du remboursement dû à l’IFFIm s’élève à 21,9 millions d’euros (90). Le versement de 6 millions d’euros par le programme Appels en garantie de l’État couvrirait le différentiel, permettant à l’État d’honorer ses engagements.

III.– LE PROGRAMME ÉPARGNE :
DU REPORT DE CHARGES AUX DÉPENSES FISCALES, UN CALIBRAGE INCERTAIN

Le programme Épargne mérite de retenir l’attention à un double titre : ses crédits sont régulièrement sous-évalués depuis 2006 ; les dépenses fiscales qui y sont rattachées, près de cinq fois plus importantes que les crédits, représentent 8 % de l’ensemble des dépenses fiscales du budget de l’État en 2010.

A.– LA PERFORMANCE DU PROGRAMME ÉPARGNE

L’objet du programme Épargne est de favoriser et d’orienter l’épargne des ménages afin de permettre à l’économie française d’en retirer un bénéfice maximal.

1.– Favoriser l’investissement dans le logement

a) Favoriser l’accès au financement des organismes de logement social

Une partie des produits de l’épargne réglementée (livrets A, bleus, d’épargne populaire et de développement durable) est centralisée au fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations. Ces dépôts sont mobilisés notamment pour permettre aux organismes sociaux d’avoir accès à des moyens de financement attractifs, afin de favoriser le logement social.

Après un creux à 53,2 % en 2008, le pourcentage des ressources centralisées au fonds d’épargne employées au financement du logement social (indicateur n° 1.1) devrait remonter à 60 % en 2009. En 2010, il est prévu que cet indicateur dépasse 60 %. Cet objectif semble à première vue satisfaisant, car il paraît confirmer une tendance conduisant à diriger davantage de fonds vers le financement du logement social.

Cependant, pour séduisant que soit cet indicateur en termes d’affichage de volonté, il ne renseigne ni sur les besoins de financement des organismes de logement social, ni sur les montants effectivement prêtés. Il est donc peu pertinent. Le Rapporteur spécial a déjà préconisé l’utilisation d’un indicateur construit autour d’une évaluation de la part des ressources « fonds d’épargne » dans le total des ressources des organismes de logement social (91). Cet indicateur aurait l’avantage de mettre en évidence l’attractivité de la ressource publique. Jusqu’à présent, le Gouvernement ne s’y est pas montré favorable, en dépit des observations du Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP), qui a notamment relevé que les objections opposées au Rapporteur spécial « ne sont pas entièrement convaincantes » (92).

L’indicateur n° 1.2 fournit des indications d’une utilité plus évidente. La marge moyenne des établissements de crédit sur les prêts locatifs sociaux (PLS) ne devrait pas excéder 10 points de base en 2010, après avoir vraisemblablement atteint un pic à 11 points de base en 2009. Ce résultat est à mettre en relation avec les marges nulles réalisées en 2007 et 2008. La tendance constatée est donc un brutal renchérissement de ce type de produit. Il est cependant difficile d’évaluer la fiabilité des prévisions pour 2010 : alors que la marge prévue pour 2009 ne devait pas excéder 5 points (PAP 2009), la prévision actualisée prévoit une marge de 11 points, soit plus de deux fois supérieure.

b) Favoriser l’accession à la propriété

Les dispositifs qui visent à faciliter l’accession à la propriété sont principalement les produits d’épargne logement : plans épargne logement (PEL) et, plus accessoirement, comptes épargne logement (CEL). Ces dispositifs ont un double objectif : ouvrir droit à un prêt, tout en permettant préalablement au bénéficiaire de se constituer un apport personnel.

Le taux de clôture de PEL donnant lieu à un prêt épargne logement est un indicateur pertinent du bon fonctionnement du mécanisme puisqu’il permet de vérifier que les PEL sont utilisés conformément à leur objectif (deuxième sous-indicateur de l’indicateur n° 1.3). La tendance récente semble marquée par une plus grande satisfaction des objectifs poursuivis. Le taux, qui était de 10,85 % en 2007 est passé à 19,29 % en 2008 et devrait atteindre 25 % en 2009. Un taux de 30 % est prévu pour 2010. Cet indicateur est cependant imparfait, car il procède d’une comparaison en nombre et non en valeur. C’est pourquoi il est utilement complété par un indicateur rapportant l’encours des prêts à l’encours des dépôts (premier sous-indicateur de l’indicateur n° 1.3) (93). Ce taux de transformation des dépôts en prêts s’est, lui aussi, légèrement redressé en 2008, à 5,7 % (voir le graphique ci-après). Cette tendance devrait se prolonger dans les années à venir, sous l’effet de la réforme de 2003, qui conditionne, pour les générations de PEL postérieures au 12 décembre 2002, l’octroi de la prime à la souscription effective d’un prêt (94).

ÉVOLUTION DE LA TRANSFORMATION DES DÉPÔTS D’ÉPARGNE LOGEMENT EN PRÊTS

(échelle de gauche en milliards d’euros)

Le prêt social de location-accession (PSLA) permet à certains locataires de logement social d’en devenir propriétaire. L’indicateur n° 1.2 (second sous-indicateur) fournit la marge moyenne des établissements de crédit sur le financement des PSLA accordés à partir des fonds d’épargne. Il est prévu que la marge n’excède pas 15 points de base en 2010. Pour 2009, la marge initialement prévue à 12 points de base a été actualisée à 15. S’il donne des informations relatives au coût du PSLA, cet indicateur ne permet pas de connaître le taux de satisfaction des demandes ou, mieux encore, le taux de satisfaction des demandes en fonction des ressources disponibles. Il ne permet donc pas d’apprécier toute l’ampleur du dispositif. Une approche comparative entre les conditions de financement couramment pratiquées par les établissements de crédit dans le cadre « normal » de l’accession à la propriété et dans le cadre des PSLA pourrait être un bon complément permettant d’apprécier qualitativement le dispositif.

Par ailleurs, en 2010, la part des « fonds libres » finançant les prêts à l’habitat devrait peu évoluer selon l’indicateur n° 1.3 (3ème sous-indicateur) : un léger reflux devrait être constaté avec une part de 93 %, après 93,5 % en 2009.

2.– Financer l’économie

À titre liminaire, il convient de souligner l’extrême complexité des dispositifs fiscaux rattachés au programme Épargne. La lisibilité est rendue plus difficile encore par la superposition de différentes réformes. Il est clair que cela prive une partie des bénéficiaires potentiels – ceux qui ne disposent pas de conseil – des avantages qu’ils pourraient retirer de tels dispositifs. Par suite, cela prive l’économie française d’une partie du bénéfice attendu de l’utilisation des mécanismes mis en place.

L’un des objectifs du programme Épargne est de stimuler le développement de l’épargne individuelle à long terme, afin de contribuer au financement des entreprises. Cet objectif est nouvellement affiché dans le projet annuel de performance 2010. Précédemment, il en était fait mention dans l’évaluation des dépenses fiscales dites « à forts enjeux ». Le nouvel indicateur n° 3.1 montre que la part de l’assurance-vie dans l’épargne financière des français s’élevait à 40 % en 2007 et 2008 et qu’elle devrait rester stable entre 2009 et 2011.

Autre innovation du présent projet de loi de finances, l’indicateur n° 3.2 donne des informations sur la destination des fonds collectés par les compagnies d’assurance dans le cadre des contrats d’assurance-vie. Pour l’année 2009, comme en 2008, 50 % des fonds collectés devraient être utilisés conformément à l’objectif indiqué, c’est-à-dire la détention d’actions, d’obligations ou d’immeubles des entreprises. En 2008, 1 620 milliards d’euros ont été ainsi investis dans le financement des entreprises par les compagnies d’assurance-vie. Selon le PAP, cet indicateur ne devrait pas sensiblement évoluer en 2010 et 2011.

Ces deux indicateurs semblent pertinents pour apprécier la propension du dispositif à satisfaire l’objectif affiché. La proportion de 50 % de fonds finançant les entreprises paraît raisonnable, compte tenu des impératifs prudentiels qui doivent présider à la gestion des fonds d’assurance-vie. Il serait possible d’affiner cet indicateur en distinguant les fonds, selon qu’ils participent au financement d’entreprises françaises, européennes ou d’États tiers, ou encore de les ventiler par taille d’entreprise (TPE, PME, ETI, grandes entreprises). À ce titre, il est regrettable que ces informations, qui figuraient jusqu’alors, certes très partiellement, dans l’évaluation des dépenses fiscales « à forts enjeux », ne soient pas présentées dans le PAP 2010. Cette disparition est d’autant plus paradoxale que la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009 vise à systématiser l’évaluation des dépenses fiscales (95).

B.– LES DÉPENSES DU PROGRAMME ÉPARGNE

1.– Les dépenses budgétaires : une sous-budgétisation critiquable

a) L’action Épargne logement

Les produits d’épargne logement donnent lieu, sous certaines conditions, à l’octroi d’un prêt épargne logement et d’une prime versée par l’État. Comme le montre le tableau ci-après, l’action Épargne logement a été caractérisée depuis l’année 2006 par une sous-évaluation des crédits nécessaires au paiement des primes.

LES REPORTS DE CHARGES SUR L’ACTION ÉPARGNE LOGEMENT

(en millions d’euros)

 

2006

2007

2008

2009
(prévision)

Crédits ouverts en loi de finances initiale

1 191,1

1 143,2

1 122

1 157

Fonds appelés par le CFF (paiement des primes + frais de gestion)

1 794,6

1 489,4

1 610

1 050

Versement du Trésor au CFF (hors frais de gestion) (a)

1 175

1 142

1 121

1 156

Report de charges dues au titre de l’année n-1

95,7

495

622

963

Charges à payer au titre de l’année n

715,3

842

1 113

856

Ouverture de crédits en LFR ou par décret d’avance

220

220

150

n.d.

Charges restant à payer au titre de l’année n après LFR

495

623

963

n.d.

(a) En 2006, la différence entre les crédits ouverts en LFI et les versements au CFF (15 millions d’euros) correspond au solde dû à la Banque Postale au titre du paiement des primes d’épargne logement lors du changement de statut de La Poste.

Source : Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Depuis plusieurs années, l’action Épargne logement est en effet marquée par l’important mouvement de fermetures de PEL entraîné par les changements de leur régime fiscal et social décidés en 2005 (voir l’encadré ci-après).

LES MODIFICATIONS DU RÉGIME FISCAL ET SOCIAL DES PEL EN 2005

 L’article 10 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (n° 2005-1579 du 19 décembre 2005) a fixé la date de versement des prélèvements sociaux sur les PEL :

– au 1er janvier 2006 pour les plans de plus de dix ans à cette date et pour ceux ouverts avant le 1er avril 1992 dont le terme est échu avant le 1er janvier 2006 ;

– à la date du dixième anniversaire du PEL ou, pour les PEL ouverts avant le 1er avril 1992, à leur date d’échéance ;

– lors du dénouement du PEL s’il intervient antérieurement au dixième anniversaire ou antérieurement à la date d’échéance pour ceux ouverts avant le 1er avril 1992 ;

– lors de leur inscription en compte, pour les intérêts courus à compter du 1er janvier 2006 sur des plans de plus de dix ans ou sur des plans ouverts avant le 1er avril 1992 dont le terme est échu.

 L’article 7 de la loi de finances pour 2006 (n° 2005-1719 du 30 décembre 2005) a prévu l’assujettissement à l’impôt sur le revenu des nouveaux intérêts générés à partir du 1er janvier 2006 sur les PEL détenus depuis plus de 12 ans (ou arrivés à l’échéance de leur contrat, pour les PEL ouverts avant le 1er avril 1992). Le contribuable peut choisir entre l’application du barème progressif de l’impôt sur le revenu ou le prélèvement forfaitaire libératoire.

Comme le montrent les tableaux reproduits ci-après, ces réformes ont amorcé un mouvement de « décollecte » à compter de l’année 2006, ce qui a donné lieu à l’augmentation du montant global des primes versées.

ÉPARGNE LOGEMENT : ÉVOLUTION DE L’ENCOURS DES DÉPÔTS

(en milliards d’euros)

 

2005

2006

Écart

2007

Écart

2008

Écart

Comptes

39,3

38,7

– 1,6 %

38,1

– 1,4 %

37,1

– 2,8 %

Plans

227,8

208,5

– 8,5 %

191,7

– 8,1 %

172,1

– 10,2 %

Total

267,1

247,1

– 7,5 %

229,8

– 7,0 %

209,2

– 9,0 %

Source : Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

ÉPARGNE LOGEMENT : ÉVOLUTION DU MONTANT GLOBAL DES PRIMES VERSÉES

(en milliards d’euros)

 

2005

2006

Écart

2007

Écart

2008

Écart

Comptes

48,0

34,4

– 28,4 %

48,5

+ 41,1 %

63,3

+ 30,4 %

Plans

1 049,7

1 749,9

+ 66,7 %

1 427,3

– 18,5 %

1 524,9

+ 6,8 %

Total

1 097,7

1 784,3

+ 62,6 %

1 475,8

– 17,3 %

1 588,1

+ 7,6 %

Source : Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Ce phénomène s’est traduit corrélativement par une forte hausse de la dépense budgétaire (1,4 milliard d’euros en 2006, contre 1,1 milliard en 2005). Au-delà du léger infléchissement constaté en 2007, la charge est restée élevée et a de nouveau augmenté en 2008. Les crédits ouverts en loi de finances initiale (1 122 millions d’euros) et les crédits supplémentaires ouverts en loi de finances rectificatives (150 millions d’euros) n’ont pas suffi à faire face aux charges incombant à l’action Épargne logement. La pratique du report de charges a donc été massivement utilisée entre 2006 et 2008.
Le découvert de l’État auprès du Crédit foncier de France (CFF), établissement chargé de la liquidation des primes pour le compte de l’État, est passé de 95,7 millions d’euros à l’issue de l’année 2005 à 963 millions à l’issue de l’année 2008.

Cette sous-budgétisation a été mise en lumière à plusieurs reprises par le Rapporteur spécial qui dénonce notamment l’insincérité de la prévision budgétaire (96). Comme le montre l’encadré ci-après, la Cour des comptes a également souligné ce manquement.

Il est toutefois constant qu’à terme, l’augmentation du versement des primes associées aux PEL ne doit pas s’interpréter comme un surcoût du dispositif, mais comme une dépense avancée : en tout état de cause, ces primes auraient dû être versées tôt ou tard.

LE POINT DE VUE DE LA COUR DES COMPTES
SUR LA GESTION BUDGÉTAIRE DES PRIMES D’ÉPARGNE LOGEMENT

Comme les années précédentes, les crédits ouverts en loi de finances [pour 2008] au titre des dépenses d’épargne logement ont été très insuffisants au regard des besoins, mais aussi des prévisions disponibles (de 466 M€ en 2008 contre 593 et 332 M€ en 2006 et 2007). Cet état de fait pouvait être expliqué, en 2006, par l’incertitude qui prévalait alors sur l’effet qu’aurait la modification, fin 2005, du régime fiscal et social de l’épargne logement sur le montant des remboursements par l’État des primes dues aux banques lors de la clôture par les ménages de leurs plans d’épargne logement. Il n’en était plus de même en 2007 et, a fortiori, en 2008.

L’insuffisante dotation du programme 145 Épargne constitue donc une entorse manifeste au principe de sincérité fixé par l’article 32 de la LOLF. Mais elle s’est accompagnée de deux autres irrégularités. Tout d’abord, l’État a financé cette dépense budgétaire par des avances de trésorerie du Crédit foncier de France (715 M€ en 2006, 843 M€ en 2007, 1 083 M€ en 2008). Cette pratique contrevient en particulier à l’article 6 de la loi organique, en application duquel la loi de finances doit retracer l’ensemble des dépenses budgétaires de l’État.

De surcroît, outre qu’elles affectent le solde budgétaire, les modalités de financement des primes d’épargne logement retenues par le Gouvernement induisent des reports de charges croissants sur l’exercice suivant (495 M€ en 2006, 623 M€ en 2007, 953 M€ en 2008). Ceci contrevient au principe de l’annualité budgétaire fixé par la LOLF.

Source : Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État en 2008, p. 77.

Pour l’année 2009, le Gouvernement prévoit une baisse sensible du montant versé par le CFF au titre des primes associées aux PEL. De janvier à août de cette année, le montant des primes versées est inférieur de plus d’un tiers à celui constaté en 2008 à pareille époque.

Deux facteurs semblent être à l’origine de cette baisse. D’une part, certaines générations de PEL (de 1997 à 1999) ayant atteint au moins 10 ou 12 ans d’ancienneté n’ont pas été clôturées, leur rémunération étant jugée intéressante par rapport au taux des autres produits réglementés. D’autre part, les générations de PEL de 1996, 1997 et 1998 ont déjà connu des niveaux de clôture élevés en 2008 (respectivement 47 %, 35 % et 41 %).

Si ces prévisions se confirmaient, cela permettrait de réduire le découvert de l’État de l’ordre de 100 millions d’euros, pour le ramener à environ 856 millions d’euros. Toutefois, au 31 août, les paiements effectués sur l’action Épargne logement s’élèvent à 1 083 millions d’euros, ce qui représente un taux de consommation des crédits de 94 %. Au 31 juillet 2008, ce taux s’élevait à 87 %. La potentialité d’une réduction du découvert au titre de l’année 2009 peut donc légitimement être mise en doute. Le graphique ci-après vient d’ailleurs rappeler que, ces trois dernières années, les dépenses de l’État au titre des primes d’épargne logement ont toujours largement excédé les crédits initiaux : quoique d’ampleur insuffisante pour permettre l’apurement de l’ensemble du passif de l’État, des ouvertures de crédits supplémentaires (par décret d’avance ou en loi de finances rectificative) ont toujours été nécessaires.

CRÉDITS INITIAUX ET DÉPENSES BUDGÉTAIRES
AU TITRE DES PRIMES D’ÉPARGNE LOGEMENT

(en milliards d’euros)

Une augmentation du montant des primes d’épargne logement est attendue en 2010. Elle résulte de l’arrivée à 10 ans d’une génération de PEL importante, ainsi que du probable taux élevé de clôture de la génération de PEL 1999, qui a jusqu’ici connu un taux de clôture relativement faible. Les contribuables pourraient anticiper la fiscalisation des nouveaux intérêts sur cette génération, qui atteindra 12 ans en 2011.

Selon le PAP, l’augmentation des crédits prévus pour 2010, soit 1 250 millions d’euros (après 1 157 millions d’euros en 2009) devrait permettre de faire face à cette augmentation prévisible du versement des primes. Cependant, compte tenu de l’analyse précédente et de l’expérience des années 2006 à 2008, le montant des crédits ouverts peut à nouveau sembler sous-évalué. En tout état de cause, les crédits ouverts ne devraient pas permettre de réduire significativement le découvert de l’État contracté auprès du Crédit foncier de France.

b) L’action Instruments de financement du logement

Consacrée essentiellement à des dispositifs en voie d’extinction (97), l’action Instruments de financement du logement est évanescente. La dépense budgétaire qui s’y rapporte devrait s’élever à 4,4 millions d’euros en 2010, à comparer à 6,8 millions d’euros en 2008 et 5,3 millions d’euros en 2009.

2.– Les dépenses fiscales : un pilotage peu convaincant

a) Un dispositif défaillant de prévision et de suivi

Les dépenses fiscales relatives au programme Épargne devraient représenter 8,5 % de l’ensemble des dépenses fiscales (hors plan de relance de l’économie) pour l’année 2009. En intégrant les mesures fiscales du plan de relance, ces dépenses devraient représenter près de 8 % de la dépense fiscale totale. Pour l’année 2010, le montant de ces dépenses fiscales devrait très légèrement diminuer, passant de 6,024 milliards d’euros à 6,014 milliards d’euros. En proportion, la baisse serait un peu plus sensible : en faisant abstraction du plan de relance, les dépenses fiscales afférentes au programme Épargne sont estimées à 8,3 % de l’ensemble des dépenses fiscales (98).

Sur les trente dispositifs fiscaux mentionnés dans le PAP 2010, huit sont indiqués comme étant « non chiffrables », et cinq ne sont pas pris en compte car ils représentent une dépense fiscale inférieure à 0,5 million d’euros. L’évaluation des dépenses fiscales en est rendue pour le moins approximative. Deux questions peuvent dès lors être soulevées : celle de l’opportunité de conserver des dispositifs d’importance très relative (inférieurs à 500 000 euros), ainsi que celle de l’appréciation de la performance de mesures qui ne sont pas chiffrables. Dans ce dernier cas, comment est-il possible de justifier de l’efficacité du dispositif, notamment de son bilan coût-avantage pour la collectivité ?

De plus, seules six dépenses font à l’heure actuelle l’objet d’une déclaration détaillée dans les bases d’imposition et peuvent, dès lors, être exactement chiffrées. Ces dépenses devraient représenter pour l’année 2009 un total de 645 millions d’euros soit à peine 10,7 % de la dépense fiscale totale du programme (les déductions de cotisations versées au titre de l’épargne individuelle et facultative constituée du PERP (99) et des produits assimilés représentent à elles seules 410 millions d’euros).

Les autres dépenses sont en général estimées par le produit d’une base taxable et d’un taux marginal d’imposition. En l’absence de données déclaratives, l’administration est contrainte de caractériser les bénéficiaires des exonérations afin d’effectuer des recoupements avec les données figurant sur leurs déclarations fiscales. Cette méthode ne semble pas marquée du sceau de la précision. Un progrès doit cependant être relevé dans l’évaluation de certaines dépenses fiscales : les modalités de taxation retenues pour le calcul sont désormais, entre le barème de l’impôt sur le revenu et le prélèvement forfaitaire libératoire, les plus favorables pour le contribuable. En revanche, les exonérations de gains de cession ne dépassant pas un certain montant ne sont plus prises en considération.

Comme l’indique le tableau reproduit ci-après, la dépense fiscale relative au programme Épargne a connu une forte augmentation ces dernières années. Le coût devrait cependant se stabiliser entre 2009 et 2010.

COÛT TOTAL DES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES AU PROGRAMME ÉPARGNE

(en millions d’euros)

 

Coût 2007

Coût 2008

Coût 2009

Coût 2010

Ensemble des dépenses fiscales rattachées au programme

4 976

5 616

6 024

6 014

Source : PAP 2009 et 2010.

b) Cinq principaux objectifs

Afin d’offrir une vision plus claire des dispositifs rattachés au programme, le Rapporteur spécial procède ci-après à la ventilation de la dépense fiscale en fonction des principaux objectifs affichés.

● Orienter l’épargne vers des produits de moyen-long terme

Le tableau ci-après reproduit les deux dépenses fiscales principales destinées à orienter l’épargne vers des produits de moyen ou de long terme. La tendance est nettement à l’augmentation de cette dépense. Celle-ci a progressé de 14,4 % entre 2007 et 2008. Elle devrait augmenter de 12,8 % en 2009 par rapport à 2008, puis de près de 6,9 % en 2010. La dépense la plus importante, qui concerne l’exonération ou l’imposition réduite des produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation et d’assurance-vie devrait représenter près de la moitié de la dépense fiscale du programme Épargne prévue pour 2010 (3 milliards d’euros sur un total de 6 milliards d’euros). La hausse attendue entre 2009 et 2010 devrait représenter 13,3 % de l’augmentation totale de la dépense fiscale (hors plan de relance de l’économie).

PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES DESTINÉES À ORIENTER L’ÉPARGNE VERS DES PRODUITS DE MOYEN-LONG TERME

(en millions d’euros)

 

Coût 2007

Coût 2008

Coût 2009

Coût 2010

Exonération ou imposition réduite des produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation et d’assurance-vie

2 200

2 500

2 800

3 000

Abattement et crédit d’impôt en cas de reliquat d’abattement sur les produits imposables attachés aux bons ou contrats de capitalisation et d’assurance-vie d’une durée au moins égale à 8 ans

55

80

110

110

Total

2 255

2 580

2 910

3 110

Source : PAP 2009 et 2010.

● Orienter la dépense fiscale vers l’investissement des salariés dans le capital de leur entreprise

Le tableau ci-après reproduit les trois dépenses fiscales principales destinées à orienter l’épargne des salariés vers le capital de leur entreprise. On constate que ces dépenses devraient représenter 1,6 milliard d’euros en 2009 et qu’elles devraient décroître de 100 millions d’euros en 2010.

PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES DESTINÉES À ORIENTER L’ÉPARGNE DES SALARIÉS VERS LE CAPITAL DE LEUR ENTREPRISE

(en millions d’euros)

 

Coût 2007

Coût 2008

Coût 2009

Coût 2010

Exonération des sommes versées au titre de la participation, de l’intéressement et de l’abondement aux plans d’épargne salariale

900

1 000

1 100

1 000

Exonération des revenus provenant de l’épargne salariale (participation et plan d’épargne salariale)

300

300

300

300

Exonération des gains réalisés lors des cessions à titre onéreux de titres acquis dans le cadre des dispositifs d’épargne salariale (participation aux résultats de l’entreprise, plan d’épargne entreprise, actionnariat salarié régi par la loi du 27 décembre 1973)

200

250

150

150

 Total

1 400

1 550

1 550

1 450

Source : PAP 2009 et 2010.

● Favoriser l’épargne afin de financer des missions d’intérêt général, notamment d’investissement dans l’immobilier social

La dépense fiscale dans ce domaine a fortement augmenté entre 2007 et 2008, avec un accroissement en valeur de 130 millions d’euros, soit une augmentation d’environ 36 %. Elle devrait encore augmenter en 2009 avec un supplément de dépense de 100 millions d’euros, représentant une augmentation de la dépense fiscale de 20 % par rapport à 2008. En 2010, le niveau de la dépense devrait être ramené en dessous du niveau constaté en 2008.

PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES DESTINÉES À FINANCER DES MISSIONS D’INTÉRÊT GÉNÉRAL, NOTAMMENT D’INVESTISSEMENT
DANS L’IMMOBILIER SOCIAL

(en millions d’euros)

 

Coût 2007

Coût 2008

Coût 2009

Coût 2010

Exonération des intérêts des Livrets A

180

250

300

250

Exonération des intérêts des Livrets d’épargne populaire

90

100

110

100

Exonération des intérêts des Livrets de développement durable

80

130

130

100

Exonération partielle des intérêts des Livrets bleus

10

10

50

30

Total

360

490

590

480

Source : PAP 2009 et 2010.

● Orienter l’épargne vers la préparation de la retraite

Le tableau suivant reproduit la dépense fiscale liée aux déductions des cotisations versées au titre de l’épargne individuelle et facultative (PERP et produits assimilés). Après une augmentation de 20 millions d’euros entre 2007 et 2008, et une augmentation de même envergure prévue entre 2008 et 2009, la dépense fiscale destinée à orienter l’épargne vers la préparation de la retraite devrait se stabiliser entre 2009 et 2010.

PRINCIPALE DÉPENSE FISCALE DESTINÉE À ORIENTER L’ÉPARGNE VERS LA PRÉPARATION DE LA RETRAITE

(en millions d’euros)

 

Coût 2007

Coût 2008

Coût 2009

Coût 2010

Déduction des cotisations versées au titre de l’épargne individuelle et facultative : PERP et produits assimilés (PREFON, COREM et CGOS)

370

390

410

410

Source : PAP 2009 et 2010.

● Favoriser l’épargne des contribuables modestes

En dehors des livrets d’épargne populaire (mentionnés ci-avant), un autre dispositif existe depuis 1992 en vue de favoriser l’épargne des contribuables les plus modestes. Il s’agit des plans épargne populaire. En 2007 et 2008, son coût fiscal s’est élevé à 400 millions d’euros. Il devrait rester inchangé en 2009 et 2010.

*

* *

IV.– LE PROGRAMME MAJORATION DE RENTES :
DES DISPOSITIFS EN VOIE D’EXTINCTION

Ce programme, doté d’une action unique, comporte les crédits par lesquels l’État participe aux majorations de rentes viagères, dispositifs en voie d’extinction (100). Compte tenu du caractère « fermé » des procédures concernées et de l’absence d’intervention directe de l’État dans leur gestion, ce programme est – à juste titre – dépourvu de dispositif de mesure de la performance.

Les crédits votés en 2008 s’établissaient à 227 millions d’euros. Une partie d’entre eux (5 millions d’euros) a servi de gage à des ouvertures de crédits par le décret d’avance n° 2008-1244 du 28 novembre 2008. Compte tenu des crédits reportés depuis l’exercice 2007, les crédits ouverts sur ce programme en 2008 ont atteint 222 millions d’euros, pour une dépense effective de 221,8 millions d’euros. Les crédirentiers ayant bénéficié de majorations légales, de 78 ans d’âge moyen, sont au nombre d’environ 476 000.

Pour 2009, les dépenses ne devraient pas excéder 210 millions d’euros, soit légèrement moins que les crédits initiaux (216,3 millions d’euros) (101).

Pour 2010, le présent projet de loi de finances propose d’ouvrir 205,5 millions d’euros, à répartir entre 188,5 millions d’euros de majorations servies par les compagnies d’assurance et 17 millions d’euros de majorations servies par les mutuelles.

La baisse tendancielle des dépenses devrait se poursuivre dans les prochaines années : elles pourraient s’établir à 191 millions d’euros en 2011.

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* *

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de la séance du 29 octobre 2009 à 17 heures, la commission des Finances examine les crédits de la mission Engagements financiers de l’État.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial pour la mission Engagements financiers de l’État. Au préalable, je veux vous inviter à relativiser la portée de ce travail – comme la portée du vote sur ces crédits – puisqu’aucun des chiffres contenus dans ce rapport ne peut tenir compte du futur « grand emprunt ».

La mission Engagements financiers de l’État, dotée de 44,2 milliards d'euros, est la troisième mission du budget général. Elle comporte quatre programmes : le programme Appels en garantie de l’État, avec 247,8 millions d’euros, décroît régulièrement depuis 2007 ; le programme Épargne est d’une assez grande stabilité avec 1 150 millions d’euros ; le programme Majorations de rentes n'appelle pas de commentaire particulier.

Le programme Charge de la dette et trésorerie de l'État représente, avec 42,5 milliards en 2010, 96 % des crédits de la mission. Il est le plus important du budget général après les Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État. C’est un programme en constante augmentation – 39,2 milliards d’euros en 2007, 40,8 milliards en 2008, 43 milliards en loi de finances initiale pour 2009. Compte tenu de son poids, les crédits de la mission varient parallèlement aux siens. C’est donc à l’examen de son évolution que je consacrerai l’essentiel de mon propos.

Je n’insisterai pas sur la stratégie associée au programme, qui n’a pas subi de grandes modifications. Les principes de la politique d’endettement de l’État n’ont pas changé, ni sur la nature des titres, ni sur les principes d’émissions. Une précision cependant : en 2009, la banque Santander a rejoint le « club » des établissements bancaires spécialistes en valeurs du Trésor. Je n’insisterai pas davantage sur la performance du programme, mesurée par des objectifs et indicateurs à la fois éprouvés et solides : celle-ci est globalement satisfaisante.

L’observation des chiffres m’amène à formuler trois constats. Le premier est que la charge de la dette sera en forte augmentation en 2010. Nous assistons à une spectaculaire dégradation des comptes publics, qui présente plusieurs caractéristiques.

Le besoin de financement de l'État – constitué du déficit budgétaire et du montant des amortissements de titres arrivés à échéance – atteint des montants historiques. Pour 2009, il est de 252,8 milliards, un montant supérieur à la somme des besoins de financement des trois années 1998, 1999 et 2000.

Ce besoin de financement, 2,5 fois supérieur à celui de 2007 - 252,8 milliards contre 111 milliards –, est en croissance rapide pour chacune de ses composantes, qu’il s’agisse du déficit budgétaire, 3,5 fois supérieur à celui de 2007 –141 milliards contre 42 milliards –, de l’amortissement de la dette à long terme, qui a doublé – 62,8 milliards contre 31,9 milliards –, ou de l’amortissement de la dette à moyen terme, qui a augmenté de 30 % – 47,4 milliards contre 37,2 milliards.

Le besoin de financement ex ante annoncé n’est plus jamais le besoin de financement ex post constaté. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2008 annonçait un besoin de financement de 145 milliards ; 164 milliards ont été réalisés. Pour 2009, 191,7 milliards étaient annoncés ; 252,8 milliards seront réalisés. Dès lors, faut-il considérer comme sincère la prévision gouvernementale pour 2010 – 212 milliards – qui ne prend même pas en compte le grand emprunt ?

Le besoin de financement n’est pas prêt de décroître. D’après les projections, il convient de s’attendre pour 2011 et 2012 à un besoin de financement supérieur à 200 milliards.

Enfin, dernière caractéristique, le déficit budgétaire en 2009 et en 2010
– 141 milliards puis 116 milliards – est plus important que les remboursements des emprunts arrivant à terme.

Le deuxième constat est que l’État finance de plus en plus ses besoins à court terme. Le programme d'émission de titres à moyen et long terme (BTAN et OAT) atteint des niveaux sans précédent : 165 milliards d’euros en 2009, puis 175 milliards en 2010, après 128,5 milliards en 2008. Mais cela n’empêche pas l’encours de la dette à court terme (les bons du Trésor à taux fixe, ou BTF) de s’envoler : après une très forte augmentation en 2008 (+ 59,8 milliards d’euros), il continuerait de progresser en 2009 et 2010 (+ 69 milliards et + 30 milliards). À la fin 2010, la dette à court terme de l'État s'établirait à environ 237 milliards, contre 78 milliards à la fin 2007.

Certes, la signature de la France est toujours respectée sur les marchés et, en dépit de l’importance croissante de son besoin de financement, notre pays n’éprouve aucune difficulté à se financer. Il nous faut pourtant formuler trois remarques : dorénavant, l’État finance de plus en plus ses déficits structurels – de moyen et long terme – sur du court terme ; ce faisant, il assume un risque de rupture de liquidité de ses sources de financement ; enfin, l’État finance à court terme, voire à très court terme, la totalité de ses charges d’intérêt et une bonne part de son fonctionnement courant, ce qui est loin d’être vertueux.

Si l’État était un particulier ou une entreprise, il se trouverait en situation critique de surendettement et il est fort à parier que son banquier, s’il n’avait déjà dénoncé son concours, serait mis en cause pour soutien abusif ! Mes chers collègues, les comptes que je vous présente sont ceux d’un État surendetté !

Troisième constat : si la charge de la dette est contenue grâce à des taux d’intérêt encore bas et à une faible inflation –  d’un montant de 38,4 milliards, elle serait inférieure d’environ 4,5 milliards aux crédits votés en loi de finances initiale –, cela ne durera pas. Selon les prévisions du Gouvernement, la charge de la dette augmentera de presque 4 milliards pour atteindre 42,2 milliards en 2010, puis encore de 4 à 6 milliards en 2011.

J’entrevois trois conséquences à cela. Quand bien même les taux d'intérêt demeureraient modérés, l'effet « volume » lié aux émissions massives de dette de 2008 à 2010 risque d'obérer l'essentiel des marges de manœuvre budgétaires de l'État. Celui-ci devra consacrer de plus en plus d’argent au financement des intérêts de sa dette.

Par ailleurs, les titres à court terme représentant aujourd'hui environ 18 % de l'encours total de dette, la hausse des taux se répercutera très rapidement sur la charge de notre dette. À titre indicatif, une hausse des taux globale et pérenne d’un point entraînerait, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation des intérêts de la dette d'environ 2,5 milliards dès la première année, de 4,2 milliards l'année suivante, de 6,3 milliards la troisième année, jusqu'à environ 15 milliards à un horizon de dix ans.

Enfin, nos conditions d’emprunt risquent de se dégrader, ce qui creuserait l’écart avec l’Allemagne en cas de divergence des stratégies budgétaires suivies à la sortie de crise.

Au-delà de la question de la charge de la dette, c'est, plus généralement, le problème de l'emballement de l'endettement public qui est aujourd'hui posé. La question clé des années qui viennent sera celle de la soutenabilité de nos comptes publics. Après 63,8 % du PIB en 2007 et 67,4 % en 2008, le ratio d'endettement public devrait, selon les prévisions du Gouvernement, atteindre 77,1 % en 2009, puis 84 % en 2010. Le chiffre de 100 % en 2012 n’est plus impossible.

Il ne faut pas négliger cette perspective, ne serait-ce que du point de vue macroéconomique. Un endettement incontrôlé peut être source de multiples effets d'éviction : il limite, au sein des dépenses publiques, les marges de manœuvre des pouvoirs publics ; il détourne l'épargne privée du financement de l'économie, au détriment de l'investissement des entreprises ; il encourage une épargne de précaution chez les ménages anticipant de futures augmentations des prélèvements obligatoires, ce qui entraîne un affaissement de la demande intérieure ; enfin, il peut conduire à l'augmentation des taux d'intérêt à long terme, dissuadant l'investissement du secteur privé. Pour l’heure, les politiques monétaires sont expansionnistes et l’inflation est basse. Mais lorsque s’engagera un relèvement des taux courts et que le trésor public ne se financera plus à court terme, les besoins cumulés pousseront mécaniquement à la hausse les taux longs.

Le programme Appels en garantie bénéficierait de 247,8 millions d’euros de crédits en 2010. Les principales dépenses concernent des garanties de prêts de l'Agence française de développement et des garanties d'aides à l'exportation de la Coface. D’un montant de 86,1 millions, les crédits de l’action développement international de l’économie française progressent sensiblement depuis 2008, mais cette augmentation est essentiellement imputable à la modification administrative du champ des garanties. Cela dit, je me félicite de cette augmentation, qui traduit un plus grand effort de soutien à l’exportation.

Les crédits du programme Épargne sont affectés à des dépenses budgétaires et à des dépenses fiscales. Pour les dépenses budgétaires, les crédits s’élèveraient à 1 254,4 millions. Ils sont essentiellement destinés à assurer le financement des primes payées par l'État aux détenteurs de comptes d’épargne logement et de plans d’épargne logement, par l'intermédiaire du Crédit foncier de France.

L’occasion m’est donnée de revenir sur une vérité financière critiquable. Depuis 2006, les crédits ouverts par les lois de finances initiales se sont systématiquement avérés insuffisants. Les ouvertures complémentaires en lois de finances rectificatives n'ont pas permis de couvrir la totalité des appels de fonds du CFF. Il en est résulté une augmentation brutale du découvert de l'État auprès du CFF : de 96 millions fin 2005, il a, en trois ans, été multiplié par dix, atteignant 963 millions à l'issue de l'année 2008.

Si, en 2006, le Gouvernement pouvait plaider l'effet de surprise, il n'en va pas de même pour les exercices suivants. Il convient bien de parler de sous-budgétisation récurrente, comme l’a fait la Cour des comptes.

En 2009, les crédits permettront de réduire le découvert de seulement 100 millions. En 2010, l'augmentation des crédits proposée – 93 millions de plus qu’en 2009 – pourrait peut-être suffire à compenser l'augmentation attendue de la charge de l'État, mais non permettre de résorber le découvert de l'État auprès du CFF, qui reste un banquier non assumé de l’État.

Les dépenses fiscales afférentes au programme Épargne sont évaluées à 6,1 milliards en 2010. Elles ont augmenté ces dernières années, passant de 4,9 milliards en 2007 à plus de 6 milliards en 2009. Mais leur évaluation reste plus qu'approximative, malgré les dispositions de la loi de programmation des finances publiques. Nous recommanderons donc d’améliorer ce point.

Les années précédentes, c’est toujours mû par un esprit de responsabilité que j’exprimais mon avis de rapporteur spécial sur l’adoption des crédits de cette mission et donc que je vous appelais à les voter. Cette année, je ne le ferai pas. Pourquoi ?

D’abord, les chiffres que je viens de vous communiquer ne tiennent pas compte de l’incidence du grand emprunt, ce qui les rend tout à fait hypothétiques. Ensuite, l’évolution est préoccupante. Le contexte économique est certes aujourd’hui relativement favorable – liquidité des marchés, politique monétaire expansionniste et donc des taux d’intérêt bas, une économie ralentie et donc une capacité aisée du Trésor français à lever des fonds –, mais une hausse de 1 % des taux d’intérêt majorerait significativement la charge de la dette, à tel point qu’elle pourrait alors devenir en 2014 ou 2015 le premier poste budgétaire, devant l’enseignement scolaire – mission dont les crédits s’élèvent actuellement à 60,8 milliards d’euros. Les coprésidents de la commission sur le grand emprunt, MM. Juppé et Rocard, font eux-mêmes ce constat. Mais les pouvoirs publics ne semblent pas se soucier de cette réalité.

Présenter des crédits, c’est aussi susciter une prise de conscience, engager le débat. C’est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, un vote négatif, qui se veut un cri d’alarme. J’espère qu’il sera entendu, par-delà l’hémicycle.

M. Richard Dell’Agnola. Monsieur le rapporteur spécial, nous partageons tous le constat que vous venez de dresser et personne dans la majorité n’interprète autrement les chiffres que vous venez de présenter. Cela dit, il fallait prendre des mesures face à la crise financière et économique mondiale : le Gouvernement a réagi vite pour empêcher l’effondrement des banques puis pour mettre en œuvre un plan de relance. Ces actions ont permis à la France de connaître une décroissance moindre que celle des autres pays industrialisés, et même d’entrevoir une légère croissance pour 2010. Nous n’avons pas décroché par rapport à nos concurrents. La France conserve d’ailleurs une signature notée triple A.

Il ne faut pas céder au catastrophisme ambiant. Les hommes publics doivent appréhender la situation, aussi délicate soit-elle, et agir en conséquence. Certes, ils peuvent ne traiter que l’aspect comptable des choses, mais l’obtention de meilleurs équilibres financiers se fera au détriment d’une amélioration de la situation économique et sociale. Mais ils peuvent aussi choisir de pédaler pour ne pas tomber de la bicyclette et de faire en sorte que, le moment venu, notre pays soit de nouveau en situation au sein de l’ensemble des économies mondiales.

Certains regrettent que l’État emprunte à court terme. Or, avec le grand emprunt, c’est l’inverse qu’il se propose de faire, puisqu’il s’agit de mettre en place sur le long terme des moyens importants au service de dépenses d’avenir, l’objectif étant que l’emploi, la croissance et le niveau de prospérité de notre pays s’améliorent demain.

Certes, votre analyse est fondée, mais je n’ai pas entendu proposer d’autres solutions que celles mises en œuvre voilà quelques mois, que celles du plan de relance, et qui ont permis à la France de ne pas décrocher par rapport à des pays dont la situation est comparable, et qui lui permettront demain, quand la conjoncture sera meilleure, de tirer avec d’autres son épingle du jeu.

M. Jean-Yves Cousin. Comme l’a fort justement souligné le rapporteur spécial, dont nous partageons l’analyse, la caractéristique de cette mission tient à la forte augmentation de la charge de la dette. Peut-on à cet égard connaître la part de la dette détenue par les investisseurs étrangers ?

M. Thierry Carcenac. Lorsque l’on s’endette – on le voit bien dans nos collectivités locales –, c’est pour investir. Or, selon le rapport qui vient de nous être présenté, tel ne semble pas être tout à fait le cas aujourd'hui.

S’agissant justement du placement de la dette, quelle est notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur ?

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, comment appréciez-vous la gestion de l’agence France Trésor ?

Enfin, s’agissant du stock de la dette, confirmez-vous le chiffre de 1 500 milliards d’euros évoqué ?

M. Marc Goua. Si l’on ne peut que partager les inquiétudes du rapporteur spécial – que je remercie pour la clarté de son exposé – pour ce qui est du volume de la dette, il convient aussi de s’interroger sur la structure de celle-ci. Sachant que le PIB américain s’est sensiblement redressé et que la Fed envisagerait d’être moins laxiste en matière de distribution de crédits, une remontée des taux pourrait non seulement agir rapidement sur notre économie, mais même la mener à l’asphyxie si cette remontée était de deux ou trois points.

Quant à établir des comparaisons avec d’autres pays, il suffisait d’écouter le réquisitoire du président de la Cour des comptes ce matin : nous ne sommes pas dans la même situation que l’Allemagne. Non seulement notre déficit public continue à être structurel comme avant la crise, mais il restera largement au-dessus des critères de Maastricht tandis que celui de nos voisins retombera rapidement au-dessous de la limite à ne pas dépasser.

Plus généralement, si un problème de dépenses se pose, le problème de recettes devient, lui, récurrent. À cet égard, des propositions ont été faites concernant les niches fiscales et le bouclier fiscal !

M. Richard Dell’Agnola. Philippe Séguin a aussi indiqué que la France avait connu une inflation du nombre des fonctionnaires depuis une quinzaine d’années. L’État a recruté, mais les collectivités locales et les intercommunalités aussi, quand bien même des services étaient transférés. Il y a là manifestement des gains de productivité à dégager. Si des déficits structurels existent, c’est par des mesures structurelles qu’il faut agir. La France n’était pas moins bien gouvernée en 1992 avec un million de fonctionnaires en moins. Aussi peut-on souligner les efforts réalisés par le Gouvernement dans une période difficile.

M. François Scellier. Il ne faut pas s’étonner de la situation actuelle sachant que, pendant des décennies, on a dépensé plus qu’on ne gagnait. Au reste, pourquoi les embellies budgétaires ont-elles été consacrées, plutôt qu’à la réduction de la dette, à des dépenses de fonctionnement nouvelles qui n’ont fait qu’aggraver la situation à terme ? Nous avons tous une lourde responsabilité dans cette affaire, et ceux qui assumeront les responsabilités dans les années qui viennent, devront faire des miracles pour redresser la situation. En tout état de cause, ce n’est pas en larmoyant, mais en se retroussant les manches que l’on y parviendra, notamment en faisant en sorte qu’enfin l’on ne dépense pas plus que ce que l’on gagne et que l’on ne réduise les recettes que pour autant que l’on diminue corrélativement les dépenses.

M. le président Didier Migaud. C’est un débat que nous avons déjà eu en introduction de la première partie du projet de loi de finances et que nous aurons à nouveau à l’occasion de la discussion du texte financier qui nous sera présenté en janvier ou février prochain.

La commission des Finances, au-delà des différentes sensibilités, partage pour le moins une certaine préoccupation par rapport à l’évolution de nos comptes publics. S’il est vrai que nous connaissons une récession moins forte que celle qui frappe d’autres pays, nous enregistrons malheureusement une dégradation de nos comptes publics plutôt plus importante, cela alors que notre réactivité pour améliorer la situation est sûrement moins grande. De même, des différences existent en matière de chômage – c’est d’ailleurs à ce niveau que l’on peut apprécier les effets des divers plans de relance.

La réunion de commission d’hier avec deux de nos anciens Premiers ministres, eux-mêmes préoccupés par la situation actuelle, a mis en évidence le fait que, dans une conjoncture difficile, il convenait d’être encore plus vigilant en matière de priorités budgétaires. Ainsi, peut-être aurait-il été préférable de consacrer 3 milliards à l’économie de la connaissance, à la recherche et à l’innovation, ou en faveur du fonds stratégique d'investissement (FSI), plutôt qu’à la baisse de la TVA dans la restauration !

En tout cas, dans l’ensemble qui nous a été présenté hier, seule la partie relative aux avances remboursables ou aux dotations en capital m’a semblé correspondre à une intervention utile de l’État, l’autre partie m’ayant paru plutôt concerner les sous-dotations qui ont touché ces dernières années tel ou tel secteur.

J’adresserai d’ailleurs un courrier au ministre concerné afin que, maintenant que l’on sait à peu près quel sera le montant du grand emprunt, nous puissions apprécier les conséquences, d’une part, d’un emprunt supplémentaire d’une quarantaine de milliards sur la dette de 2010, de 2011 et de 2012, et, d’autre part, des variations possibles des taux d’intérêt – variations que l’on peut effectivement redouter. Normalement, cela devrait faire partie de l’étude d’impact préalable, mais on peut d’ores et déjà suggérer un tel travail.

M. Michel Bouvard. Je souscris volontiers à l’idée de disposer d’un scénario de consolidation si celui-ci ne devait pas figurer dans l’étude d’impact. Cela permettra de mieux placer le curseur entre la partie du grand emprunt qui peut se rembourser par elle-même et celle qui ne fera qu’accroître la dette publique. Ainsi, dans nos collectivités, nous distinguons entre la dette remboursable et celle qui impacte directement le budget. Autant ce qui a trait à des prises de participation, à des avances remboursables et autres mécanismes en la matière ne soulève pas de problème de plafond, autant ce qui accroît la dette en pose. Il est donc important de disposer d’une consolidation.

Tout est lié à la capacité que nous aurons ou non à sortir de la crise plus forts qu’auparavant. Ce qui a régulièrement pénalisé notre pays dans le passé, c’est le fait que, alors que les crises y étaient moins dures qu’ailleurs, la sortie de crise s’effectuait plus tard et avec des taux de croissance plus faibles, ce qui empêchait de « revenir » sur les dépenses supplémentaires consacrées pendant la période de crise, notamment en matière sociale.

Par ailleurs, a-t-on déjà connu dans le passé une structure de dette à court terme aussi importante et aussi sensible à une remontée des taux d’intérêt ?

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. Il ne vous aura pas échappé, monsieur Dell’Agnola, que je n’ai pas imputé au Gouvernement la responsabilité de la crise économique. Ce que j’ai souligné, en revanche, c’est l’absence d’affichage d’une stratégie de sortie de crise qui permette notamment de sortir de ce carcan des finances publiques dans lequel nous nous enfermons progressivement. Sans vouloir participer au catastrophisme ambiant, il faut cependant reconnaître que les chiffres obéissent à une loi qui peut parfois être difficile et cruelle. Et si notre signature sur les marchés peut attester d’une situation plutôt appréciable, encore ne faut-il pas oublier les évolutions des dérivées premières, en particulier les conséquences d’une pente ascendante du volume de la dette.

Le besoin de financement doit certes tenir compte du déficit budgétaire de l’année, mais aussi de l’amortissement de la dette à moyen et long terme nécessaire à la couverture des déficits budgétaires antérieurs. Or, on assiste non seulement à un envol du besoin de financement, mais également à un emballement de la mécanique : de 164 milliards d’euros en 2008, les besoins de financement de l’État passeront à plus de 250 milliards en 2009 et seront supérieurs à 200 milliards en 2010, 2011 et 2012. Au total, voilà déjà plus de 1 000 milliards de besoins de financement de l’État qui sont impactés par le seul mouvement macroéconomique, ce qui viendra auto-entretenir la charge de la dette au moins dans son effet volume.

À cela peut s’ajouter un effet prix lié à l’évolution des taux d’intérêt, même si aujourd'hui ceux-ci sont exceptionnellement bas – le Trésor se finance actuellement sur les marchés au taux de 0,65 % à douze mois et de 0,36 % à trois mois. En vous donnant le chiffre que m’a communiqué l’AFT elle-même, j’ai souligné ce que représenterait une augmentation de 1 point par rapport à la charge annuelle de la dette – je laisse Marc Goua faire la multiplication lui-même pour avoir la réponse à son interrogation au sujet d’une hausse de 2 ou 3 points.

Comme l’a indiqué Michel Bouvard, nous assistons à une montée progressive du financement à court terme. Jamais durant les vingt dernières années nous n’avons connu une part aussi élevée du court terme dans la dette, même en 1992-1993. Aujourd'hui, cette croissance est très rapide puisque les chiffres trimestriels concernant la part du court terme dans le financement de la dette communiqués par l’agence France Trésor font état d’une proportion de 13,6 % fin 2008 et de respectivement 15,4, 16,2 et 18,6 % pour les trois premiers trimestres de l’année 2009, la conséquence de cette situation étant d’accroître notre sensibilité aux mouvements des taux d’intérêt.

À cet égard, le stock de dette détenu par des non-résidents – question qui a été soulevée par Jean-Yves Cousin et Thierry Carcenac –, est en croissance constante puisque, après avoir atteint 20 % en 1997 puis 41,9 % en 2002, elle est aujourd'hui passée à 65,6 %. Ces détenteurs sont en outre présents sur tous les segments de la dette, qu’il s’agisse du long terme – 58 % des obligations assimilables du Trésor (OAT) –, du moyen terme – 88 % des bons du Trésor à intérêts annuels (BTAN) – ou du court terme – 68 % des BTF.

En ce qui concerne l’origine de ces détenteurs, une étude réalisée sous l’égide du FMI voilà deux ans a simplement fait apparaître que 55 % des obligations françaises étaient détenues par des investisseurs situés hors zone euro. Votre rapporteur spécial n’a pu obtenir de plus amples précisions en dépit de ses demandes réitérées depuis deux ans. Le Parlement mériterait pourtant de bénéficier d’une telle information de façon régulière car la réactivité – parfois politique – de l’investisseur peut être un facteur de tension s’agissant de la liquidité de nos propres emprunts.

L’agence France Trésor, monsieur Carcenac, a fini, avec ses spécialistes de haut niveau et de grande qualité, par trouver ses marques. Elle accomplit un double travail, c'est-à-dire à la fois la gestion primaire et la gestion active de la dette. La réforme qui a abouti à bien spécialiser sa fonction me paraît être une réussite.

J’ai parlé d’un stock de dette de 1 500 milliards en 2010. Il s’agissait du stock global de la dette publique, la dette de l’État devant être de l’ordre de 1 300 milliards. Au 30 septembre 2009, les chiffres, tels que vient de me les communiquer l’agence France Trésor, donnent un encours de la dette de l’État de 1 134 milliards, qui se décomposent en 717 milliards pour les OAT, en 209 milliards pour les BTAN – soit au total exactement 923,5 milliards pour le long et le moyen terme – et en 210,9 milliards pour les BTF, soit 18,6 % du total. La valeur absolue de ce que lève l’État à court terme sur les marchés est également importante : alors qu’elle était de 138,2 milliards fin 2008, elle a atteint 210 milliards au troisième trimestre 2009. Une telle croissance peut nourrir quelques inquiétudes s’agissant du volume et de la structure de la dette – ce que je voulais mettre en exergue dans mon rapport.

Enfin, même si nous partageons le diagnostic, je tiens également à insister sur ces évolutions des dérivées premières et donc sur les risques sous-jacents que cela comporte à moyen et à long terme. Si une prise de conscience peut intervenir, j’aurai rempli ma mission.

M. le président Didier Migaud. On peut avoir d’autant plus le vertige que le rapport de notre collègue Yves Bur sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale fait apparaître un besoin de financement de 170 milliards à l’horizon 2013 pour la sécurité sociale.

Je rappelle que le rapporteur spécial a exprimé un avis défavorable à l’adoption des crédits de cette mission.

La Commission adopte les crédits de la mission Engagements financiers de l’État sans modification.

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© Assemblée nationale

1 () Dans le présent rapport spécial, il est traité indistinctement des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP), la mission Engagements financiers de l’État étant entièrement construite sur une budgétisation en AE=CP.

2 () SFEF : Société de financement de l’économie française ; SPPE : Société de prise de participation de l’État.

3 () La seule dette négociable de l’État représenterait, quant à elle, près de 1 260 milliards d’euros à la fin 2010.

4 () Le PIB diminue alors de 0,9 % en volume.

5 () L’année 2006 a été marquée par un volume exceptionnel de produits de cessions d’actifs affectés au désendettement de l’État (13 milliards d’euros, apportés par les privatisations des sociétés d’autoroute) et par des mesures massives d’optimisation de la trésorerie publique (en particulier la réduction de l’encours du compte du Trésor en fin d’année de près de 26 milliards d’euros). Ces deux facteurs, non reconductibles, expliquent plus des trois quarts de la diminution du taux d’endettement public entre 2005 et 2006.

6 () Selon les prévisions du Gouvernement présentées à l’appui du présent projet de loi de finances.

7 () CADES : Caisse d’amortissement de la dette sociale ; ACOSS : Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

8 () L’ACOSS dispose de l’autorisation d’émettre des billets de trésorerie depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (article 38). L’émission de titres à court terme sur le marché européen s’effectuera avec l’appui technique de l’Agence France Trésor.

9 () Voir également infra, I, B

10 () Voir également infra, I, D.

11 () Rapport sur le projet de loi de règlement du budget de l’année 2008, n° 1775, juin 2009, Tome 2, p. 173.

12 () Rapport d’information relatif à la performance dans le budget de l’État, n° 1780, juin 2009, p. 163.

13 () Rapport d’information relatif à la performance dans le budget de l’État, n° 1780, juin 2009, p. 165.

14 () En appliquant les nouveaux critères, environ 200 journées auraient ainsi été prises en compte en 2008. Restent en revanche exclues les journées où des incidents techniques empêchent le pilotage du compte dans des conditions normales, ainsi que les journées dites de « faible demande » : en 2008, une cinquantaine de journées auraient été exclues à ces deux titres.

15 () En application du décret n° 2007-1393 du 27 septembre 2007.

16 () Voir également les observations du Rapporteur spécial sur l’exécution 2008 dans le Rapport sur le projet de loi de règlement du budget de l’année 2008, n° 1775, juin 2009, Tome 2, p. 173

17 () Voir également infra, ainsi que Dominique Baert, Rapport spécial sur la mission Engagements financiers de l’État, projet de loi de finances pour 2009, n° 1198, annexe n° 21, novembre 2008.

18 () Le Rapporteur spécial rappelle que ce montant ne correspond ni au déficit en exercice, qui s’est établi à 56,3 milliards d’euros, ni au déficit en gestion, qui s’est élevé à 55,9 milliards d’euros (montants exprimés, dans les deux cas, hors FMI).

19 () Par ailleurs, pour la première fois, l’AFT a procédé à une opération d’échange de titres le 4 décembre 2008 : environ 1,1 milliard d’euros de titres de maturité 2032 ont été échangés contre des titres de maturité 2038. Selon l’AFT, « cette opération de gestion active de la dette n’a pas d’incidence sur le programme de financement de l’État. Elle illustre la stratégie mise en avant par l’AFT depuis de nombreuses années de promouvoir la liquidité sur l’ensemble de la courbe des taux des titres français, ceci afin d’avoir, dans la mesure du possible, une courbe des rendements la mieux arbitrée sans tension. À l’avenir, l’AFT n’exclut pas de conduire d’autres opérations de même nature ».

20 () Rappelons la singularité de la fin de l’année 2008 en matière de prévision du déficit budgétaire pour 2009 : alors que le projet de loi de finances pour 2009 prévoyait à l’origine (septembre 2008) un déficit de 52,1 milliards d’euros, la loi de finances initiale pour 2009 (décembre 2008) intégrait finalement un déficit de 67 milliards d’euros. L’encre de cette dernière était à peine sèche qu’un projet de loi de finances rectificative pour 2009 était déposé le 19 décembre 2008, revoyant le déficit prévisionnel à 79,3 milliards d’euros : c’est ce montant qui figure dans le programme officiel de financement de l’État rendu public à la fin décembre 2008. Cette première loi de finances rectificative pour 2009 (n° 2009-122 du 4 février 2009) a, in fine, porté le déficit prévisionnel à 86,8 milliards d’euros.

21 () Au 30 septembre 2009, l’État avait émis 136,6 milliards d’euros de titres à moyen et long terme, net des rachats.

22 () Ce montant pourrait néanmoins être inférieur du fait des remboursements par les banques des aides apportées par la SPPE. Une dizaine de milliards d’euros pourrait ainsi être remboursée d’ici la fin 2009, ce qui permettrait de réduire d’autant les émissions de BTF en fin d’année ou, en fonction des conditions de marché, au début de l’année 2010.

23 () Au 6 octobre 2009, l’AFT avait racheté 2,6 milliards d’euros de titres de maturité 2010. Dans son bulletin mensuel d’octobre, l’Agence indique qu’ « en raison du bas niveau des taux d’intérêt prévalant sur les marchés, et d’un taux de réalisation de 92,2 % du programme 2009 (au 19 octobre 2009), l’AFT se situe dans une position particulièrement confortable pour préfinancer les besoins de l’année 2010 ».

24 () Article 82 de la loi de finances rectificative pour 2007.

25 () Article 55 de la loi de finances pour 2008.

26 () Article 133 de la loi de finances pour 2006.

27 () Article 62 de la loi de finances pour 2009.

28 () Aux termes de l’article 34 de la LOLF, ce plafond concerne la seule dette négociable dont la durée de vie à l’émission est supérieure à un an, c’est-à-dire les OAT et les BTAN.

29 () Comme pour 2009, le PAP 2010 du compte spécial Participations financières de l’État prévoit des recettes de cessions d’actifs de 4 milliards d’euros l’année prochaine, qui seraient affectées pour 2,5 milliards d’euros à la Caisse de la dette publique et pour 1,5 milliard d’euros à l’Établissement public de financement et de restructuration (EPFR), chargé de l’amortissement de la dette contractée à l’égard du Crédit lyonnais.

30 () En l’occurrence l’arrivée à échéance d’un BTAN d’une valeur nominale de 23,4 milliards d’euros en janvier 2011.

31 () Selon l’AFT, cette variation des dépôts des correspondants « d’une part, anticipe une décollecte partielle des banques centrales de la zone Franc après l’augmentation significative des dépôts en 2008 et, d’autre part, prend en compte le contrecoup sur les dépôts de la Commission européenne du retour au calendrier habituel de versement des aides agricoles ».

32 () En application de l’article 6 de la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie n° 2008-1061 du 16 octobre 2008. Il faut rappeler que la SPPE avait bénéficié dès décembre 2008 d’un apport de liquidités de 11,5 milliards d’euros (voir supra, 2), qui ont vocation à être remboursés en cours d’année 2009.

33 () Cette charge est en effet incluse dans le déficit budgétaire (qui constitue un besoin de financement), alors qu’à cette provision ne correspond pas de flux en trésorerie. La provision pour indexation comme ressource de financement est donc la contrepartie de la provision incluse dans le solde budgétaire en besoin de financement.

34 () Voir également l’introduction du présent rapport spécial.

35 () Comme on le verra (infra, C, 1), ce choix s’avère actuellement indolore, en raison de l’exceptionnelle – et non durable – faiblesse des taux à court terme.

36 () Voir Dominique Baert, Rapport spécial sur la mission Engagements financiers de l’État, projet de loi de finances pour 2008, n° 276, octobre 2007, annexe n° 15, p. 47.

37 () Le II de l’article 22 de la LOLF dispose en effet que « les opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de l’État, à l’exclusion de toute opération de gestion courante, sont retracées sur un compte de commerce déterminé. Ce compte est divisé en sections distinguant les opérations selon leur nature. Chaque section est dotée d’une autorisation de découvert (…) ».

38 () Les versements se font les 6, 16 et 26 de chaque mois, avec deux versements spécifiques en début et fin d’année, à hauteur du solde apparaissant à la première section.

39 () Rapport sur le projet de loi de règlement du budget de l’année 2008, n° 1775, juillet 2009, Tome 2, p. 173. Voir également, Dominique Baert, Rapport spécial sur la mission Engagements financiers de l’État, projet de loi de finances pour 2009, n° 1198, annexe n° 21, novembre 2008, p. 30 et s.

40 () Soit 38,4 milliards d’euros après swaps, compte tenu d’une prévision d’excédent au titre de ces opérations de 135 millions d’euros (au lieu de 50 millions d’euros prévus dans la loi de finances initiale). Sur les opérations de swaps, voir infra, 2.

41 () À la fin du mois d’août 2009, 1,5 milliard d’euros de BTF à 7 semaines ont été adjugés à 0,309 %, ce qui, à la connaissance du Rapporteur spécial, constitue le taux le plus bas jamais servi par le Trésor français sur les marchés de capitaux.

42 () Allongement de la maturité des facilités, élargissement de la gamme des contreparties éligibles et du périmètre du collatéral admissible pour le refinancement des banques, mise en place de politique d’achat de titres de créance publiques et/ou privés. En outre, la BCE a mis en place un accès illimité au refinancement en euro à taux fixe (à un taux proche du principal taux directeur) à toutes les maturités comprises entre une semaine et six mois (porté ensuite à 1 an), ainsi qu’un accès au refinancement en dollar et franc suisse à taux fixe pour les maturités supérieures à trois mois.

43 () Voir également supra, B, 2.

44 () Il convient de rappeler que, pour les OAT et les BTAN, la technique dite de l’assimilation impose de percevoir à l’émission le montant du coupon couru depuis la date de versement du coupon précédent. Ainsi, les émissions de référence changeant tous les six mois, la charge brute des émissions d’une année est compensée à hauteur des trois quarts environ par les recettes de coupons courus encaissées cette même année. Dans ces conditions, la charge nette de la dette à moyen et long terme dépend principalement du niveau des taux d’intérêt servis sur l’encours à moyen et long terme de l’année précédente. En exécution, ce sont donc les variations de l’encours des BTF et des taux d’intérêt à court terme qui déterminent l’essentiel de l’évolution de la charge de la dette de l’année en cours.

45 () Par « norme de dépense », on entend la stabilisation en volume de l’ensemble formé par les dépenses nettes du budget général et par les prélèvements sur recettes.

46 () Voir supra, I, B, 3.

47 () Voir en ce sens le graphique reproduit dans le PAP 2010 du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État, qui compare les taux d’une dette sur le marché secondaire à une moyenne pondérée des conditions de financement des pays de la zone euro sur l’ensemble des maturités.

48 () Les emprunts allemands constituent en effet les sous-jacents des contrats à terme de référence (Schatz, Bobl et Bund) négociés sur la plateforme Eurex, utilisés comme instruments de couverture privilégiés des transactions sur le marché obligataire en euro. Ces contrats de taux, dont les paniers de titres livrables sont exclusivement dédiés à des souches émises par l’Allemagne, bénéficient, en période de forte volatilité des taux d’intérêt, d’une liquidité accrue qui rejaillit de facto sur les obligations allemandes.

49 () Bulletin mensuel de la BCE, septembre 2009, p. 38.

50 () Voir supra, 1.

51 () La progression prévue par la loi de programmation s’établissait à 1,7 milliard d’euros hors effet du plan de relance et hors effet de la révision des hypothèses de déficit consécutive aux résultats de 2008 et à 2,2 milliards d’euros compte tenu de ces deux effets.

52 () Constatation mise en avant par le Gouvernement dans le dossier de presse associé au présent projet de loi de finances.

53 () Les dépenses liées à la charge de la dette non négociable dépendent de la présentation physique pour remboursement, par le porteur, des titres d’emprunts d’État restés sous forme « papier » lors de l’opération de dématérialisation de la dette de l’État intervenue en 1984, ou de titres amortis à cette date et restés sous forme « papier ». Il s’agit essentiellement de bons du Trésor sur formules dont l’émission s’est poursuivie jusqu’en 1998. D’une durée de 5 ans, ils ouvrent droit à des intérêts capitalisés qui se prescrivent 30 ans après l’échéance.

54 () Sur cette question, voir Dominique Baert, Rapport spécial sur la mission Engagements financiers de l’État, projet de loi de finances pour 2008, n° 276, annexe 15, novembre 2007, p. 22.

55 () Il s’agit essentiellement des recettes de coupons courus des OAT et des BTAN.

56 () Sur ce point, voir également infra, D, 2, c.

57 () Cette estimation, qui intègre une remontée progressive des taux d’intérêt, repose sur les hypothèses conventionnelles suivantes : un déficit budgétaire de l’ordre de 90 milliards d’euros en 2011 ; un rythme d’inflation de 1,75 % en France et dans la zone euro ; un besoin de financement né du déficit (90 milliards d’euros) et des amortissements de dette (121 milliards d’euros) entièrement financé par les émissions de moyen et long terme de sorte que l’encours de BTF en fin d’année ne serait pas modifié par rapport à 2010. Notons que cette estimation n’intègre évidemment pas les modalités de remboursement du futur « grand emprunt ».

58 () Hors mission Remboursements et dégrèvements. Pour 2010, les crédits de paiement de la mission Enseignement scolaire sont proposés à 60,8 milliards d’euros, à comparer à 42,5 milliards d’euros pour le programme Charge de la dette et trésorerie de l’État.

59 () Sur ce point, voir supra, introduction et I, B.

60 () À comparer à 2,8 % du PIB pour la France en 2008.

61 () Il faut rappeler qu’en 2005, l’AFT a, pour la première fois, émis une OAT à 50 ans. Après avoir été significativement affectée par les développements de la crise en 2008, la demande des investisseurs pour les titres à très longue échéance est redevenue très vive en 2009. Dans un contexte de taux d’intérêt à long terme particulièrement bas, l’AFT a augmenté la part de ses émissions sur les maturités postérieures à 15 ans pour la porter, au 30 septembre dernier, à 17,8 % du programme d’émission réalisé à cette date (au lieu de 10,4 % en moyenne sur l’ensemble de l’année 2008). En particulier, une OAT à taux fixe de maturité 2041 a été émise au premier semestre, souscrite principalement par des investisseurs français (30 %), britanniques (30 %), néerlandais (20 %) et scandinaves (10 %).

62 () L’effet « boule de neige » est, par définition, d’autant plus fort que l’écart entre le taux d’intérêt apparent de la dette publique et le taux de croissance nominale du PIB est grand.

63 () Le déficit primaire désigne le déficit hors intérêts de la dette.

64 () Ce n’est en revanche plus le cas des émissions de dette de la SFEF, qui ne sont désormais plus comptabilisées dans la dette publique : depuis le 15 juillet 2009, Eurostat qualifie cet établissement d’institution financière, située hors du champ des administrations publiques.

65 () Jusqu’à présent, les prises de participation de la SPPE ont été financées sur des fonds prêtés par l’État, par l’intermédiaire de la Caisse de la dette publique (soit plus de 20 milliards d’euros, sous forme d’obligations à un an à un taux égal à l’EONIA). À l’avenir, c’est la SPPE qui devrait emprunter directement sur le marché, via un mandat de gestion confié à l’AFT, essentiellement sur le segment du papier commercial américain  Ces émissions en dollars à court terme permettront notamment à la SPPE de rembourser les liquidités prêtées par l’État, améliorant ainsi la trésorerie de ce dernier en 2010. Ces perspectives de remboursement sont intégrées dans le tableau de financement présenté supra (B, 3), à la ligne « Variation du compte courant du Trésor ».

66 () Sur l’évolution de la dette publique, voir également l’introduction du présent rapport.

67 () Pour 2009, les estimations de croissance associées au présent projet de loi de finances sont de
– 0,9 % en valeur et de – 2,25 % en volume.

68 () Si la progression des dépenses publiques a été limitée à 0,8 % en volume en 2008, leur évolution annuelle moyenne entre 1997 et 2008 est d’environ 2,3 % en volume.

69 () L’inflation s’établirait par ailleurs à 1,6 %.

70 () Mais beaucoup moins vite, on l’a vu, que la moyenne de ces dix dernières années (2,3 % en volume).

71 () À titre de comparaison, en septembre dernier, le Centre de prévision de l’Expansion tablait sur une dette publique à 100 % du PIB en 2015.

72 () Même croissance du PIB et mêmes taux d’évolution des recettes et des dépenses publiques.

73 () Cette provision est conventionnellement rattachée à l’action Autres garanties.

74 () Les deux garanties précitées, ainsi que la garantie accordée à la SPPE (voir supra, I, B), résultent de l’article 6 de loi de finances rectificative n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 pour le financement de l’économie.

75 () Rapport sur le projet de loi de règlement du budget de l’année 2008, n° 1775, juin 2009, Tome 2, p. 178.

76 () Rapport d’information relatif à la performance dans le budget de l’État, n° 1780, juin 2009, p. 163.

77 () Il convient par ailleurs de signaler que la garantie du FGAS s’applique désormais aux « éco-prêts » à taux zéro finançant des travaux de rénovation destinés à améliorer la performance énergétique des logements anciens (article 244 quater U du code général des impôts, introduit par l’article 99 de la loi de finances initiale pour 2009).

78 () Les intérêts ont été calculés à partir du 1er janvier 2006 au taux TEC 5 constaté en moyenne du 15 novembre au 15 décembre 2005, soit 3,06 %.

79 () La Coface est elle-même une filiale de Natixis.

80 () Il s’agit, le plus souvent, de remboursements anticipés obtenus en contrepartie d’abandons de créances décidés par le Club de Paris.

81 () Prélèvement figurant à la ligne de recettes n° 2602 de l’état A annexé au présent projet de loi de finances.

82 () M. Gilles Carrez, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2010, n° 1967, Tome 1, octobre 2009, p. 99.

83 () Notamment : élargissement du champ d’éligibilité ; majoration de la quotité garantie pour les entreprises innovantes ; simplification de la procédure ; développement de la commercialisation du produit.

84 () Conformément à l’article 116 de la loi de finances rectificative pour 2005 (n° 2005-1720 du 30 décembre 2005).

85 () L’ « arrangement relatif aux crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public » est un accord multilatéral né en 1978 sous l’égide de l’OCDE – et transposé en droit communautaire – tendant à encadrer l’intervention publique dans les échanges et favoriser la transparence en vue de maintenir des conditions de concurrence fondées sur des déterminants techniques, commerciaux et non financiers.

86 () À ce titre, cette action participe à la « politique transversale » que constitue, au sens de l’article 128 de la loi de finances rectificative pour 2005 (n° 2005-1720 du 30 décembre 2005), la politique française en faveur du développement.

87 () Au début des années 1980, Natixis (ex-BFCE) a refinancé des créances dans le cadre d’accords de consolidation décidés en Club de Paris. En contrepartie, l’État a accordé à Natixis sa garantie sur ces prêts.

88 () IFFIm : International finance facility for immunisation.

89 () Le reste du produit est affecté à la Facilité internationale pour l’achat de médicaments (Unitaid).

90 () Voir l’échéancier présenté dans le rapport spécial de M. Henri Emmanuelli sur la mission Aide publique au développement, projet de loi de finances pour 2007, n° 3363, annexe 5, octobre 2006, p. 91.

91 () Notamment : Dominique Baert, Rapport spécial sur la mission Engagements financiers de l’État, projet de loi de finances pour 2009, n° 1198, annexe 21, novembre 2008, p. 56. 

92 () Rapport d’audit du CIAP sur le programme Épargne, décembre 2007, p. 18.

93 () Alors que les deux méthodologies se sont régulièrement succédées, elles semblent désormais appelées à cohabiter (voir les remarques du Rapporteur spécial dans le Rapport d’information relatif à la performance dans le budget de l’État, n° 1780, juin 2009, p. 168).

94 () Cette réforme n’a cependant d’impact que très progressif, puisque le versement de la prime ne peut pas intervenir avant le troisième anniversaire du plan (50 % du montant de la prime, puis 100 % au bout de quatre ans) : concrètement, les comptes ouverts à partir du 12 décembre 2002 (date d’entrée en vigueur de la mesure) n’ont donc donné lieu à une « demi prime » que depuis le 12 décembre 2005 et à une prime complète que depuis le 12 décembre 2006.

95 () L’article 11 de cette loi dispose que le Gouvernement devra présenter au Parlement une évaluation de l’efficacité et du coût de l’ensemble des dépenses fiscales existantes, au plus tard au 30 juin 2011.

96 () Notamment : Dominique Baert, Rapport spécial sur la mission Engagements financiers de l’État, projet de loi de finances pour 2009, n° 1198, annexe 21, novembre 2008, p. 59 s. ; Rapport sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2008, n° 1775, tome 2, p. 180 et 181.

97 () Tels que les prêts spéciaux du Crédit Foncier de France, certains prêts aidés pour l’accession à la propriété ou les primes pour l’amélioration de l’habitat rural.

98 () En 2010, les dépenses fiscales sont estimées à 74,8 milliards d’euros, soit 72,2 milliards d’euros hors plan de relance.

99 () PERP : plan d’épargne retraite populaire.

100 () Les contrats de rente viagère sont des conventions de droit privé par lesquelles un débirentier, en général une société d’assurance ou une mutuelle, s’engage à verser une rente à un crédirentier jusqu’à son décès. L’État majore certaines de ces rentes : rentes viagères constituées auprès des compagnies d’assurance-vie au titre de la loi du 2 août 1949, rentes allouées en réparation d’un préjudice (loi du 24 mai 1951), rentes constituées auprès des caisses autonomes mutualistes et de la caisse nationale de prévoyance par des anciens combattants (loi du 9 juin 1948 et article L. 321-9 du code de la mutualité). Depuis plusieurs années, l’État ne participe plus qu’au financement des rentes correspondant à des contrats souscrits avant le 1er janvier 1987.

101 () Un décret d’avance devrait prochainement annuler 1,8 million d’euros d’AE et 1,2 million d’euros de CP sur ce programme.