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N
° 1967

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2009

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

——

ANNEXE N° 30

OUTRE-MER

Rapporteur spécial : M. Jérôme CAHUZAC

Député

____

SYNTHÈSE 5

I.– L’OUTRE-MER A ÉTÉ AU CœUR DE L’ACTUALITÉ DE L’ANNÉE 2009. 7

A.– LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER ONT CONNU EN 2009 UNE CRISE SOCIALE MAJEURE. 7

B.– LA LOI POUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES OUTRE-MER A SERVI DE VECTEUR AU RÈGLEMENT DE LA CRISE SOCIALE. 9

1.– Le soutien au pouvoir d’achat 10

2.– Les zones franches d’activité 10

3.– Les exonérations de charges sociales 11

C.– MIS EN LUMIÈRE PAR LA CRISE SOCIALE, LE PROBLÈME DU PRIX DES CARBURANTS OUTRE-MER N’EST PAS ENCORE RÉSOLU. 12

D.– LES CONCLUSIONS DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE L’OUTRE-MER NE SONT PAS ENCORE MISES EN œUVRE. 15

E.– L’ANNÉE 2009 : POINT DE VUE BUDGÉTAIRE 16

1.– Les crédits de la mission Outre-mer ont été considérablement majorés en cours d’exercice. 16

2.– Le coût de certaines des mesures prises à la suite de la crise sociale de l’hiver 2009 n’est pas connu avec précision. 18

II.– LA MISSION OUTRE-MER REPRÉSENTE UNE FAIBLE PART DE L’EFFORT PUBLIC GLOBAL EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES. 21

A.– LE DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE RÉCAPITULE L’EFFORT FINANCIER DE L’ÉTAT. 21

B.– LE MONTANT DES DÉPENSES FISCALES EST EN CROISSANCE. 23

C.– L’OUTRE-MER PERÇOIT DES FINANCEMENTS COMMUNAUTAIRES. 25

1.– Les départements d’outre-mer 25

2.– Les autres collectivités 27

III.– LE PROJET DE BUDGET POUR 2010 29

A.– APERÇU GÉNÉRAL 29

1.– La maquette budgétaire de la mission Outre-mer est enfin stabilisée. 29

2.– Les crédits de la mission augmentent au-delà du plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques. 29

3.– La nouvelle administration de l’outre-mer a un an d’existence. 30

B.– LE PROGRAMME EMPLOI OUTRE-MER 31

1.– L’action Soutien aux entreprises 32

a) La dette de l’État auprès des organismes de sécurité sociale continue de se creuser. 32

b) La LODEOM a créé une aide au fret. 33

2.– L’action Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle 34

a) Le doublement des effectifs du service militaire adapté a été annoncé. 34

b) Les mesures de formation en mobilité ont été réformées par la LODEOM. 35

C.– LE PROGRAMME CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER 36

1.– L’action Logement 36

a) La réhabilitation de l’habitat outre-mer est une nécessité. 36

b) Les ambitions initiales de la politique d’accession à la propriété ne pourront être satisfaites. 38

c) Le financement du logement social combinera désormais la ligne budgétaire unique et un dispositif de défiscalisation dont l’efficacité est incertaine. 38

d) La dette de l’État auprès des bailleurs sociaux s’installe durablement. 42

e) La question de la disponibilité foncière reste posée. 42

2.– L’action Aménagement du territoire 43

3.– L’action Continuité territoriale 45

a) Le dispositif de continuité territoriale antérieur à la LODEOM reposait sur deux dispositifs imparfaits. 45

b) La LODEOM a introduit une réforme bienvenue de la continuité territoriale. 46

4.– L’action Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport pourrait relever d’autres missions du budget général. 47

5.– L’action Collectivités territoriales finance notamment la DGDE, dispositif contestable qui pourrait être réformé en 2010. 48

6.– L’action Insertion économique et coopération régionale finance essentiellement les fonds de coopération régionale. 50

7.– L’action Fonds exceptionnel d’investissement finance des investissements structurants. 50

EXAMEN EN COMMISSION 53

ANNEXE : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 57

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, toutes les réponses sauf une étaient parvenues au Rapporteur spécial. Si la qualité de certaines réponses pourrait être encore améliorée, il convient de saluer les efforts du secrétariat d’État à l’Outre-mer qui, auparavant, répondait partiellement et avec retard au questionnaire budgétaire.

Synthèse

● L’outre-mer a été sous les feux de l’actualité en 2009. L’hiver dernier, une grave crise sociale a affecté les départements d’outre-mer (DOM), essentiellement au sujet du pouvoir d’achat. Cette crise a eu, du point de vue budgétaire et fiscal, plusieurs conséquences dont le coût est mal évalué :

– des accords de sortie de crise ont été négociés, aboutissant notamment à la mise en place d’un revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA), que le présent projet de loi de finances entend rendre déductible de la prime pour l’emploi, ce qui est très critiquable ;

– la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) a servi de vecteur au règlement de la crise, de nombreuses concessions ayant été faites par le Gouvernement au regard du projet de loi initial ;

– l’État a décidé unilatéralement d’une baisse du prix des carburants dans les DOM, devenant ainsi débiteur des compagnies pétrolières.

● La mission Outre-mer finance une partie très minoritaire de l’effort public global en faveur des collectivités ultramarines, estimé à 16,9 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter les contributions de l’Union européenne.

● Le montant de la dépense fiscale, en progression de 6,3 % par rapport à 2009, reste très supérieur aux crédits budgétaires (3 620 millions d'euros contre 2 088 millions d'euros en autorisations d’engagement et 1 990 millions d'euros en crédits de paiement). Les crédits budgétaires sont en progression de 6,4 % depuis la loi de finances initiale pour 2009.

● Cette progression concerne essentiellement le programme Emploi outre-mer, et résulte notamment de :

– l’augmentation des crédits destinés à compenser aux organismes de sécurité sociale les exonérations de cotisations patronales ; mais celle-ci n’empêchera pas la dette de l’État auprès desdits organismes de se creuser encore en 2010 ;

– la progression des dépenses liées au service militaire adapté (SMA), dont le nombre de volontaires est appelé à doubler en trois ans.

● S’agissant du programme Conditions de vie outre-mer, il faut remarquer :

– que la ligne budgétaire unique (LBU) de financement du logement social a désormais vocation à être complétée par un dispositif de défiscalisation créé par la LODEOM, mais dont l’efficacité est plus qu’incertaine ;

– qu’une réforme de la dotation globale de développement économique (DGDE) de la Polynésie française est annoncée, ce qui est bienvenu eu égard au manque d’information quant à l’emploi de cette dotation ;

– que le fonds de continuité territoriale créé par la LODEOM a été considérablement abondé au cours de l’exercice 2009, sans que la nature des investissements engagés ait été précisée.

I.– L’OUTRE-MER A ÉTÉ AU CœUR DE L’ACTUALITÉ DE L’ANNÉE 2009.

La crise sociale survenue à l’hiver 2009 dans les départements d’outre-mer (DOM) et les accords qui ont permis d’en sortir ont eu plusieurs effets :

– le calendrier d’examen du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer (LODEOM) a été accéléré, et le contenu du projet sensiblement modifié ;

– la question du prix des carburants, particulièrement sensible dans les DOM, a fait l’objet de plusieurs rapports, dont les conclusions restent largement à mettre en œuvre ;

– des États généraux de l’outre-mer ont été organisés, afin de tenter de répondre aux revendications de tous ordres qui n’avaient pas vocation à être traitées dans la LODEOM ;

– d’un point de vue budgétaire, les conséquences de la crise sociale ne sont pas encore parfaitement claires.

Sur un plan plus strictement politique, la crise de l’hiver 2009 n’est sans doute pas étrangère au remplacement du secrétaire d’État chargé de l’Outre-mer, intervenu lors du dernier remaniement ministériel. En trois exercices budgétaires (2008, 2009 et 2010), le Rapporteur spécial aura donc connu trois secrétaires d’État successifs.

A.– LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER ONT CONNU EN 2009 UNE CRISE SOCIALE MAJEURE.

Des conflits sociaux très lourds se sont déroulés dans les DOM à l’hiver 2009. Les profonds désaccords entre les collectifs syndicaux et les représentants des employeurs se sont cristallisés autour de la question du pouvoir d’achat. Il faut en effet rappeler que le salaire moyen outre-mer est inférieur d’environ 10 % au salaire moyen en métropole, alors que les prix de certains produits, notamment de première nécessité, peuvent être supérieur d’un tiers à ceux pratiqués dans l’hexagone.

L’État et les exécutifs locaux ont du intervenir auprès des partenaires sociaux, non sans difficultés, pour promouvoir des accords de sortie de crise. L’encadré ci-dessous, issu en partie du rapport de notre collègue Gaël Yanno sur le projet de loi pour le développement économique des outre-mer (1), résume les principales étapes des conflits survenus dans les DOM.

Chronologie de la crise dans les DOM

Janvier

20 : une grève générale éclate, à l’appel du Comité contre l’exploitation outrancière (LKP, Lyannaj kont pwofitasyon) réunissant une cinquantaine d’organisations, qui réclame une hausse du salaire minimum de 200 euros. 3 000 personnes manifestent à Pointe-à-Pitre. Les gérants de stations-service sont en grève, pour dénoncer la multiplication des points de distribution du carburant.

24 et 30 : 8 000 à 25 000 personnes manifestent à Pointe-à-Pitre.

Février

1er : Yves Jégo, secrétaire d’État à l’Outre-mer, annonce, depuis la Guadeloupe « des mesures exceptionnelles » et l’application anticipée (dès 2009) du revenu de solidarité active (RSA).

5 : en Martinique, l’intersyndicale dite « Collectif du 5 février » proteste contre la vie chère sur l’île.

9 : Yves Jégo est rappelé à Paris. 12 000 personnes manifestent en Guadeloupe lors d’une « journée île morte ».

10 : à la suite du refus opposé par les représentants des employeurs à la demande d’augmentation des salaires de 200 euros, le Premier ministre annonce l’envoi sur place de deux médiateurs.

12 : les négociations entre le LKP et les médiateurs sont interrompues.

14 : 9 000 personnes (selon la police) à 50 000 (selon le LKP) manifestent en Guadeloupe.

16 : des barrages sont installés sur les routes et des magasins incendiés. Un appel à la mobilisation générale est lancé en Guyane.

17–18–19 : flambée de violences dans les nuits du 17 au 18 et du 18 au 19, à Pointe-à-Pitre. Un syndicaliste du LKP, Jacques Bino, est tué. Les forces de l’ordre sont mises hors de cause.

19 : le Président de la République annonce un effort de 580 millions d’euros pour tous les DOM. Le LKP accepte de reprendre les négociations. En Martinique, 8 000 à 10 000 personnes manifestent.

20 : entre 10 000 et 15 000 personnes manifestent à Paris pour soutenir la grève aux Antilles.

22 : en Guadeloupe, 4 000 personnes assistent aux obsèques du syndicaliste Jacques Bino.

24 au 26 : au cours de deux nuits de violences en Martinique, des voitures sont brûlées, des magasins pillés, trois gendarmes et neuf policiers sont blessés (dont deux par balles). Une centaine de personnes est interpellée.

26 : en Guadeloupe, un accord régional interprofessionnel prévoyant une hausse des salaires de 200 euros est signé. Mais son application est limitée à 15 000 à 30 000 salariés car le Mouvement des entreprises de France (Medef) le rejette.

28 : le meurtrier présumé de Jacques Bino, un Guadeloupéen de 35 ans déjà condamné pour violences avec armes, est mis en examen.

Mars

1er : le préfet de Guadeloupe appelle à « la reprise des activités ».

2 : le LKP examine le projet d'accord transmis par le préfet. RFO reprend ses programmes après 10 jours de grève.

3 : en Martinique, un accord est trouvé sur une hausse des bas salaires de 200 euros, mais pas encore sur les prix. La grève continue.

4 : en Guadeloupe, le LKP et le préfet signent un accord en 165 points appelant « à la reprise de l'activité normale », au quarante-quatrième jour de grève générale. L'accord dit « Jacques Bino », qui prévoit notamment une augmentation de 200 euros des bas salaires, lui est annexé.

5 : forte mobilisation à La Réunion contre la vie chère, à l'appel du Collectif des organisations syndicales, politiques et associatives de l'île (COSPAR). Au moins 10 000 personnes manifestent à Saint-Denis, et 5 000 à Saint-Pierre.

14 : un protocole de sortie de crise est signé en Martinique.

Avril

10 : le Gouvernement annonce l'extension à toutes les entreprises guadeloupéenne de l'accord du 26 février, à l'exception de l'article 5 qui prévoyait que la prime serait à la seule charge des employeurs au bout de trois ans.

B.– LA LOI POUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES OUTRE-MER A SERVI DE VECTEUR AU RÈGLEMENT DE LA CRISE SOCIALE.

Le projet de loi pour le développement économique des outre-mer avait été déposé sur le bureau du Sénat le 28 juillet 2008. Il a fallu attendre sept mois pour que le Gouvernement l’inscrive enfin à l’ordre du jour, au plus fort de la crise outre-mer, en déclarant l’urgence le 16 février 2009. Le Sénat a adopté le texte le 12 mars dernier, soit moins de trois semaines avant son examen par la commission des Finances de l’Assemblée nationale, examen anticipé en raison de la nécessité d’apporter, au moyen de la LODEOM, des tentatives de réponse à certaines des questions soulevées par la crise sociale. En effet, cette crise a conduit le Gouvernement et la majorité parlementaire à modifier le projet de loi initial.

Trois types de mesure seront à ce titre présentées ci-après : l’introduction de dispositifs de soutien au pouvoir d’achat ; l’élargissement et la majoration des zones franches d’activité ; le retour partiel sur la rationalisation des exonérations de cotisations de sécurité sociale opérée dans la loi de finances pour 2009. Les autres dispositions essentielles de cette loi seront rappelées et commentées plus loin dans le présent rapport ; on se reportera en outre utilement au rapport précité de M. Gaël Yanno.

1.– Le soutien au pouvoir d’achat

Des mesures nouvelles ont été introduites au Sénat, supposées soutenir le pouvoir d’achat. Le titre Ier de la loi prévoit notamment la possibilité pour l’État de règlementer les prix des produits de première nécessité dans les collectivités ultramarines où il a compétence pour le faire.

Le même titre prévoit d’exonérer de cotisations sociales le versement par les entreprises à leurs salariés d’un bonus de 1 500 euros maximum par an, en application des accords régionaux interprofessionnels de sortie de crise. Le secrétariat d’État à l’Outre-mer n’a pas été en mesure d’indiquer au Rapporteur spécial le coût de cette mesure.

2.– Les zones franches d’activité

Le projet de loi prévoyait la mise en place de zones franches d’activité (ZFA), reposant sur des exonérations fiscales (2) (impôt sur les résultats, taxe professionnelle, taxe foncière sur les propriétés bâties) au profit des entreprises situées dans les DOM et répondant aux critères suivants : satisfaire à la définition des petites et moyennes entreprises au sens communautaire (employer moins de 250 salariés et réaliser un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros), et exercer dans un secteur éligible à la réduction d’impôt sur le revenu prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts (pour les investissements productifs réalisés outre-mer).

Le texte initial prévoyait également un régime de ZFA dit « bonifié », autorisant une majoration des exonérations fiscales pour des entreprises vérifiant alternativement l’un des critère suivants : être situées dans des zones très isolées (Guyane, îles périphériques de la Guadeloupe) ; exercer dans un secteur désigné prioritaire par les collectivités concernées ; soutenir des projets de recherche conduits par des organismes publics ; opérer la transformation locale de produits bruts importés. Le tableau ci-dessous présente les avantages fiscaux prévus par le projet de loi initial.

DISPOSITIF « ZFA » PRÉVU PAR LE PROJET DE LOI

(en pourcentage d’abattement de la base imposable de chaque impôt)

 

De 2009 à 2015

2016

2017

2018

2019

ZFA

50 %

40 %

35 %

30 %

0 %

ZFA bonifiée

80 %

70 %

60 %

50 %

0 %

Au cours du débat parlementaire, essentiellement au Sénat, les avantages fiscaux ont été étendus : élargissement des secteurs prioritaires ouvrant droit au bénéfice de la ZFA bonifiée, majoration de l’abattement de taxe professionnelle (TP), exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des terres agricoles. Le tableau ci-dessous présente les avantages fiscaux finalement prévus par la loi.

DISPOSITIF « ZFA » PRÉVU PAR LA LOI

(en pourcentage d’abattement de la base imposable de chaque impôt)

 

De 2009 à 2015

2016

2017

2018

2019

ZFA

50 %

40 %

35 %

30 %

0 %

ZFA bonifiée

80 %

70 %

60 %

50 %

0 %

TP en ZFA

80 %

70 %

65 %

60 %

0 %

TP en ZFA bonifiée

100 %

90 %

80 %

70 %

0 %

Au final, le montant des dépenses fiscales générées par la mise en place des ZFA serait de 250 millions d'euros en 2010, pour un chiffrage initial de 224 millions d’euros.

3.– Les exonérations de charges sociales

Avant la loi de finances pour 2009, les entreprises éligibles au dispositif d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale spécifique à l’outre-mer bénéficiaient d’une franchise de cotisations à hauteur, selon les secteurs, de 1,3, 1,4 ou 1,5 SMIC, et ce quel que soit le niveau de salaire.

Ainsi, dans une entreprise éligible relevant d’un secteur à 1,5 SMIC, les salaires étaient totalement exonérés jusqu’à atteindre 1,5 SMIC. Au-delà, l’ensemble des salaires de l’entreprise étaient exonérés pour leur fraction allant de 0 à 1,5 SMIC.

La loi de finances pour 2009 a modifié le régime d’exonération sur plusieurs points :

– les secteurs ont été harmonisés (suppression de la distinction entre 1,3, 1,4 et 1,5 SMIC) ;

– le montant de l’exonération est devenu une fonction dégressive du montant du salaire. Dans les entreprises et secteurs éligibles, les salaires compris entre 0 et 1,4 SMIC étaient totalement exonérés. Le montant de l’exonération atteignait son maximum pour un salaire égal à 1,4 SMIC ; au-delà, ce montant décroissait et s’annulait pour un salaire de 3,8 SMIC. L’objet était de concentrer le dispositif sur les plus bas salaires.

Un régime bonifié était prévu, calé sur les critères de la ZFA bonifiée. Dans ces secteurs géographiques et économiques, l’exonération était maximale à 1,6 SMIC et s’annulait à 4,5 SMIC.

Lors de l’examen du projet de LODEOM, le Gouvernement a modifié l’équilibre trouvé en loi de finances pour 2009. Au Sénat, un plateau d’exonération entre 1,4 et 2,2 SMIC a été instauré pour les entreprises de moins de 11 salariés des secteurs non bonifiés. Le montant de l’exonération restait maximal pour les salaires compris entre 1,4 et 2,2 SMIC. S’agissant du régime bonifié, le plateau s’étendait de 1,6 à 2,2 SMIC. En commission des Finances à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a fait adopter un amendement étendant, dans toutes les entreprises éligibles des secteurs bonifiés, le plateau d’exonération de 2,2 à 2,5 SMIC.

L’article du projet de loi de finances pour 2009 qui prévoyait la rationalisation du dispositif était rattaché à la mission Outre-mer ; le Rapporteur spécial, dans son commentaire, indiquait que la mesure devait permettre de générer une économie pour le budget de l’État de 138 millions d'euros en année pleine. À l’issue de l’examen du projet de LODEOM au Sénat, le Gouvernement évaluait à 75 millions d’euros les modifications apportées au dispositif voté en loi de finances pour 2009, soit une économie finale de 63 millions d'euros par an. La LODEOM aura donc coûté au budget de l’État, pour son seul volet relatif aux exonérations de charges, 75 millions d'euros par an.

C.– MIS EN LUMIÈRE PAR LA CRISE SOCIALE, LE PROBLÈME DU PRIX DES CARBURANTS OUTRE-MER N’EST PAS ENCORE RÉSOLU.

En raison des spécificités des marchés « domiens », tenant à leur étroitesse et à leur éloignement de la métropole, les prix des carburants y demeurent administrés par les préfets, en application de l’article 1er de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, qui dispose que « dans des secteurs ou des zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d’État peut réglementer les prix après consultation du Conseil de la concurrence ».

Tendanciellement, le prix des carburants dans les DOM a longtemps été proche des prix pratiqués en métropole. Entre autres éléments d’explication, le niveau des droits sur les produits pétroliers, plus faibles qu’en métropole, compensait les surcoûts affectant la structure de prix, à savoir, entre autres :

– des coûts de raffinage importants. Créée en 1964 afin d’assurer l’indépendance énergétique des Antilles, la Société anonyme de raffinage des Antilles (SARA), dont le capital est détenu majoritairement par Total, est l’une des plus petites raffineries au monde ; ses coûts de production sont donc élevés ;

– pour les départements ne raffinant pas sur place, la nécessité d’importer du carburant respectant les normes européennes ;

– un niveau plus élevé des marges de détail, résultant de la faible automatisation des stations-service dans les DOM, stations-service qui sont souvent de véritables lieux de vie pour les consommateurs.

La très forte hausse du prix du baril de 2007 n’a pas été répercutée sur les prix à la pompe, les préfets ayant privilégié, sans doute sur instruction du ministre de l’Intérieur de l’époque, le maintien de la paix sociale, précieux en période préélectorale. Cette stratégie, incompatible avec les exigences de rentabilité des acteurs économiques, ne pouvait que conduire à une compensation ultérieure du manque à gagner des compagnies pétrolières. De fait, lorsque le prix du baril a chuté, la baisse n’a pas été répercutée par les préfets, afin de reconstituer les pertes subies par les compagnies. Ainsi, en décembre 2008, le prix du litre de supercarburant atteignait 1,77 euro en Guyane, soit le plus élevé d’Europe, contre 1,18 euro en moyenne en métropole.

Le niveau comparativement plus élevé des prix des carburants n’est pas étranger au déclenchement de la crise sociale qui a secoué les DOM au début de l’année 2009. Le Gouvernement a décidé, en décembre 2008, une baisse du prix des carburants dans les DOM. Mais cela ne règle aucunement le problème au fond. En effet, en application des dispositions règlementaires qui régissent la fixation des prix des carburants dans les DOM, c’est l’État qui devra, en dernière analyse, compenser aux compagnies pétrolières les pertes générées par la baisse des prix intervenue en décembre dernier, baisse supportée par les seules compagnies.

À cette fin, le décret d’avance n° 2009-862 du 13 juillet 2009 a ouvert 44 millions d’euros supplémentaires sur la mission Outre-mer, afin de « permettre l’indemnisation pour le manque à gagner subi par les compagnies pétrolières intervenant dans les départements d’outre-mer d’Amérique ».

Ce décret d’avance ne règle pas la question de l’endettement de l’État auprès des compagnies pétrolières. Tant que le prix administré ne sera pas au niveau du prix réel, les compagnies pétrolières subiront des pertes que l’État est tenu de leur compenser, étant à l’origine desdites pertes. Le projet de budget pour 2010 ne comporte pas de ligne consacrée à cette compensation ; or, le décret d’avance du 13 juillet 2009 a permis de couvrir les seules pertes constatées de décembre 2008 à fin mars 2009. Depuis lors, les compteurs tournent…

Selon les informations recueillies par le Rapporteur spécial, les 44 millions d'euros n’ont pas encore été versés aux compagnies, l’État ayant souhaité engager une négociation. Cette stratégie suscite l’interrogation : pourquoi avoir pris un décret d’avance, explicitement destiné à payer les compagnies, avant d’engager la négociation ? L’issue de celle-ci est quasi-certaine, puisque les compagnies connaissent précisément le montant que l’État est susceptible de leur verser. Le Gouvernement a, d’une certaine manière, abattu ses cartes avant le début de la partie. Le Rapporteur spécial a souhaité connaître le montant des sommes dues aux compagnies depuis début avril 2009 ; cette information ne lui a pas été fournie, alors qu’elle aurait permis d’éclairer la représentation nationale sur un sujet qui pourrait, à moyen terme, coûter quelques centaines de millions d’euros à des finances publiques déjà bien malmenées.

Au-delà de la mesure d’urgence consistant à réduire le prix des carburants, le Gouvernement a souhaité faire le point sur les mécanismes de formation des prix des carburants dans les DOM. Pour ce faire, deux études ont été commandées : l’une aux corps d’inspection compétents (Inspection générale des Finances, Inspection générale de l’Administration, Conseil général de l’Industrie, de l’énergie et des technologies) (3), l’autre à l’Autorité de la concurrence (4).

L’Assemblée nationale a jugé nécessaire de se saisir de cette question. À l’initiative de notre collègue Christiane Taubira, la commission des Affaires économiques et la commission des Finances ont créé une mission d’information commune, co-rapportée par Jacques Le Guen et le Rapporteur spécial.

Aux termes de nombreuses auditions, à Paris comme dans chacun des quatre DOM, la mission a constaté les multiples dysfonctionnements du marché des carburants. Chargés de fixer le prix des carburants, les préfets disposent en réalité d’une marge de manœuvre très limitée, et appliquent de surcroît une formule de calcul particulièrement obscure et dont certains éléments sont obsolètes. Du côté de la distribution, les compagnies pétrolières coopèrent entre elles de manière étroite, limitant ainsi le développement des distributeurs indépendants. La situation des détaillants est quant à elle assez contrastée : tandis que les propriétaires de stations-service bénéficient d’une forme de rente, les locataires sont dans une situation plus difficile, notamment du fait de clauses particulièrement contraignantes dans les contrats qui les lient aux compagnies pétrolières.

La mission a formulé 21 propositions, tendant notamment :

– au renforcement de la transparence dans le processus de détermination des prix, dans l’information donnée au consommateur et dans les relations entre compagnies pétrolières et détaillants ;

– au maintien d’un système de prix administrés, compte tenu des spécificités des marchés domiens et de la nécessité de préserver l’emploi. Mais ce système doit être amélioré en simplifiant la formule de détermination du prix ;

– au règlement par l’État de la dette contractée auprès des compagnies pétrolières. À cette fin, l’État pourrait utiliser une partie du produit de l’aide à la cuve, financée par un prélèvement sur les sociétés pétrolières : si le cours du baril est suffisamment bas pour que le versement aux ménages de la prime à la cuve ne soit pas indispensable, le produit collecté peut servir à rembourser aux compagnies ce qui leur est dû. Si les circonstances de marché ne permettent pas ce montage, il conviendrait alors d’augmenter le prélèvement sur les sociétés pétrolières afin de financer le remboursement du manque à gagner ;

– à plus long terme, à favoriser le rapprochement entre prix administré et prix réel, afin d’éviter d’entretenir la dette de l’État.

Pour davantage de détails sur le diagnostic et les propositions, on se reportera utilement au rapport de la mission commune d’information (5).

D.– LES CONCLUSIONS DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE L’OUTRE-MER NE SONT PAS ENCORE MISES EN œUVRE.

Le 19 février 2009, au plus fort de la crise sociale dans les DOM, le Président de la République a annoncé le lancement des « États généraux de l’outre-mer », définis comme « un débat sans tabou […] où chacun pourra apporter sa contribution ».

La consultation des acteurs socio-économiques et des citoyens ultramarins a été organisée autour de huit questions, arrêtées en concertation avec les élus locaux, et reproduites dans l’encadré ci-dessous.

Les huit questions des États généraux de l’outre-mer

1. Comment faire baisser les prix et garantir la transparence des circuits de distribution ?

2. Comment favoriser la production locale et diminuer les importations ?

3. Comment faire évoluer la gouvernance tant à l’échelon local qu’à l’échelon central ?

4. Quels grands projets structurants pour chaque territoire ?

5. Comment rénover partout le dialogue social ?

6. Comment mieux coopérer avec l’environnement régional de chaque département ou collectivité ?

7. Comment garantir l’égalité des chances et une meilleure insertion professionnelle en particulier des jeunes ?

8. Quel travail accomplir pour réconcilier mémoire, culture et identité ?

Les collectivités d’outre-mer (COM), eu égard à leur spécificité, ont pu adapter les thèmes étudiés. Parmi elles, ont participé aux États généraux : la Polynésie française, Mayotte (6), Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon.

Les ultramarins vivant en métropole, quant à eux, ont pu s’exprimer sur quatre sujets supplémentaires : culture et visibilité, mémoire et identité ; égalité et discriminations, citoyenneté ; sport ; autres problématiques liées à l’éloignement. Ces « États généraux dans l’Hexagone » ont été animés par la Délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’outre-mer.

Quatre phases sont prévues dans le déroulement des États généraux :

– la concertation locale s’est déroulée de mi-avril à fin juillet. Les questions ont été abordées au sein d’ateliers ouverts aux citoyens ;

– la restitution nationale a eu lieu le 1er octobre, en présence de la secrétaire d’État chargée de l’Outre-mer ;

– le Conseil interministériel de l’outre-mer (CIOM), créé par le décret n° 2009-182 du 18 février 2009, devrait se réunir pour la première fois en novembre 2009 pour prendre des décisions inspirées par la restitution des États généraux. Présidé par le Président de la République, le CIOM a une mission générale de définition et d’évaluation des politiques publiques spécifiques à l’outre-mer ;

– le comité de suivi du CIOM s’assurera de la bonne mise en œuvre des décisions.

Le processus de consultation propre aux États généraux ne peut que recueillir l’assentiment du Rapporteur spécial. En revanche, il n’est pas possible, à ce stade, de porter un jugement sur les résultats de ces États généraux. Les décisions prises par le CIOM devront donc faire l’objet d’un suivi particulier dans les mois à venir.

Sans même attendre la réunion du Conseil interministériel, des perspectives s’ouvrent sur le plan institutionnel. En effet, la Martinique et la Guyane se prononceront le 17 janvier 2010, par référendum, sur un éventuel changement de statut de leur territoire. Il sera proposé aux électeurs de faire évoluer chacun de ces départements vers un statut de collectivité d’outre-mer, prévu par l’article 74 de la Constitution. En cas de réponse négative, un autre référendum aurait lieu le 24 janvier, proposant la création, pour chacun des deux territoires, d’une collectivité unique par la fusion du département et de la région.

E.– L’ANNÉE 2009 : POINT DE VUE BUDGÉTAIRE

1.– Les crédits de la mission Outre-mer ont été considérablement majorés en cours d’exercice.

 Le commentaire détaillé de l’exécution 2009 figurera dans le tome II du rapport sur le projet de loi de règlement pour 2009, qui sera publié en juin 2010.

Les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2009 au titre de la mission Outre-mer s’élevaient à 1 961,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 871,5 millions d'euros en crédits de paiement.

Une réserve de précaution a été constituée en début d’exercice, à hauteur de 85,3 millions d'euros en autorisations d’engagement et 80,8 millions d'euros en crédits de paiement. Au terme de différents mouvements intervenus sur cette réserve, notamment l’annulation de crédits pour contribution de la mission Outre-mer au financement de dépenses urgentes, la réserve de précaution a été ramenée à 79,3 millions d'euros en autorisations d’engagement et 70,2 millions d'euros en crédits de paiement.

 Les mouvements réglementaires intervenus sur les crédits de la mission Outre-mer, hors réserve de précaution, font apparaître une majoration très importante des crédits : 210,7 millions d'euros en autorisations d’engagement et 170,9 millions d'euros en crédits de paiement.

Cette majoration résulte pour l’essentiel :

– du plan de relance, qui a conduit à majorer les autorisations d’engagement de 145 millions d’euros (125 millions d'euros au profit du fonds exceptionnel d’investissement outre-mer et 20 millions d'euros au profit du logement) et les crédits de paiement de 92,3 millions d'euros (25 millions d'euros au profit du fonds exceptionnel d’investissement, 7,3 millions d'euros au profit du logement et 60 millions d'euros au profit du règlement de la dette contractée par l’État auprès des collectivités territoriales ultramarines dans le cadre des dispositifs contractuels) ;

– du décret d’avance précité du 13 juillet 2009, qui a ouvert 44 millions d'euros de crédits (AE = CP) pour financer le manque à gagner des compagnies pétrolières, généré par la baisse des prix des carburants dans les départements français d’Amérique, décidée par le Gouvernement (cf. supra).

 Au 31 août 2009, le taux de consommation des autorisations d’engagement était de 72,8 % et celui des crédits de paiement de 76,5 %.

S’agissant du programme Emploi outre-mer, le taux de consommation des crédits s’élève globalement à 94 % en autorisations d’engagement et 92,5 % en crédits de paiement.

S’agissant du programme Conditions de vie outre-mer, le taux de consommation des crédits s’élève à 46,7 % en autorisations d’engagement et 54,1 % en crédits de paiement. Ce taux relativement faible s’explique par la délégation tardive de certaines dotations au niveau des budgets opérationnels de programme (BOP), compte tenu des modifications apportées par la LODEOM (continuité territoriale par exemple). En outre, les évènements qui ont eu lieu en début d’exercice dans les DOM ont entraîné un retard dans la consommation de certains BOP.

2.– Le coût de certaines des mesures prises à la suite de la crise sociale de l’hiver 2009 n’est pas connu avec précision.

Le Rapporteur spécial a interrogé le secrétariat d’État à l’Outre-mer (SEOM) pour connaître le coût pour les finances publiques et les modalités de financement des mesures prises par le Gouvernement pour résoudre la crise sociale de l’hiver 2009.

Il lui a été répondu qu’il n’est « pas possible en l’état de dresser un état précis et exhaustif du coût pour les finances publiques des différentes mesures ainsi arrêtées ».

Sur la base des quelques informations fournies par le SEOM et de recherches complémentaires, le tableau ci-après tente de dresser un bilan, probablement non exhaustif, du coût (en année pleine) des différentes mesures de sortie de crise, autres que celles mentionnées plus haut dans le présent rapport, à savoir :

– le surcoût de la LODEOM par rapport au chiffrage du projet de loi initial (a minima 100 millions d’euros au titre des ZFA et des exonérations de charges) ;

– les différentes mesures intervenues en cours de gestion 2009 (170,9 millions d'euros en crédits de paiement et 210,7 millions d'euros en autorisations d’engagement) ;

– les 44 millions d’euros ouverts par le décret d’avance précité du 13 juillet 2009.

En additionnant à ces dépenses le total que le tableau ci-après fait apparaître, soit 385 millions d'euros, on parvient à une somme globale de 700 millions d'euros. Il est donc particulièrement regrettable que le Gouvernement n’ait pu fournir d’informations plus précises sur les modalités de financement.

L’une des mesures mentionnées dans le tableau ci-après mérite un développement particulier. Le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA) a été mis en place pour anticiper l’application du revenu de solidarité active (RSA) dans les DOM, attendue pour le 1er janvier 2011. Plus qu’une incitation au retour à l’emploi, finalité du RSA, le RSTA a pour objet d’apporter aux résidents des DOM un surcroît de pouvoir d’achat ; il s’agit en effet de verser une allocation forfaitaire de 100 euros par mois aux salariés dont la rémunération mensuelle n’excède pas 1,4 SMIC pour un temps plein. Financé depuis la mission Plan de relance de l’économie, le RSTA devrait concerner 185 000 personnes et coûter 280 millions d'euros. Le RSTA peut être complété, en application des accords de sortie de crise, de 100 euros mensuels supplémentaires, financés pour moitié par les employeurs et pour moitié par les collectivités territoriales.

L’article 11 du présent projet de loi de finances prévoit l’imputation sur la prime pour l’emploi (PPE) des sommes perçues au titre du RSA. Ainsi, un salarié qui aura perçu en 2010 1 200 euros au titre du RSTA verra ce montant déduit de la PPE dont il bénéficiera en 2011. Si cette imputation est prévue pour le RSA, elle n’en concerne qu’une fraction, celle venant en complément de l’actuel revenu minimum d’insertion, et liée à l’activité professionnelle du bénéficiaire. S’agissant du RSTA, la totalité de la prime forfaitaire serait déductible de la PPE.

Le Gouvernement attend de l’article 11 une économie de 110 millions d'euros en 2010, 140 en 2011 et 60 en 2012. Au titre de l’année 2010, le montant dont bénéficieraient les salariés modestes des DOM serait donc de 170 millions d'euros, et non de 280 comme annoncé initialement. D’une certaine manière, le Gouvernement reprend là d’une main ce qui a été donné de l’autre. Le Rapporteur spécial ne peut que regretter ce non-respect évident de la parole donnée. Lors de l’examen de la première partie du présent projet de loi de finances, un amendement du Rapporteur spécial tendant à supprimer la déductibilité du RSA a été repoussé, le Gouvernement n’ayant pas voulu reconnaître le caractère injuste du dispositif prévu à l’article 11.

ESTIMATION DU COÛT DE CERTAINES MESURES DE SORTIE DE CRISE DANS LES DOM : QUESTIONNAIRE SEOM

(en millions d’euros)

Mesure

Objet

Support juridique

Rattachement budgétaire

Coût

Revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA)

Anticiper l’application du revenu de solidarité active (RSA) outre-mer, prévue au plus tard en janvier 2011

Le RSTA prend la forme d’une allocation de 100 euros maximum versée aux salariés du secteur privé dont le revenu est compris entre 1 et 1,4 SMIC.

Décret n° 2009-602 du 27 mai 2009

Mission Plan de relance de l’économie

280

Prime de 200 euros

Fournir un « bon d’achat », sous forme de chèques emploi service universel, afin de financer des services à la personne

Décret n° 2009-479 du 29 avril 2009

 

48

Revalorisation de l’allocation logement

Revaloriser de 56 % des forfaits de charges applicables dans les DOM pour le calcul de l’allocation de logement.

Cette mesure a pour objet d’aligner le dispositif d’aide au logement sur celui de la métropole.

Arrêté ministériel du 23 juin 2009

 

34

Mesures de soutien aux personnes âgées et handicapées

Relever de 25 % sur cinq ans du minimum vieillesse et de l’allocation adulte handicapé

Décret n° 2009-353 du 31 mars 2009

Décret n° 2009-473 du 28 avril 2009

 

12

Augmentation de 20 % de la prime de restauration scolaire

Relever cette prestation de 20 %, en contrepartie de l’engagement des établissements à offrir aux élèves plus de 50 % de produits issus de l’agriculture locale

Arrêté ministériel du 24 août 2009

 

11

       

TOTAL
385

Source : commission des Finances

II.– LA MISSION OUTRE-MER REPRÉSENTE UNE FAIBLE PART DE L’EFFORT PUBLIC GLOBAL EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES.

Les crédits de la mission Outre-mer (1 990 millions d’euros en crédits de paiement représenteraient en 2010 11,8 % de l’effort global de l’État envers les collectivités ultramarines, estimé à 16,9 milliards d’euros, dont 3,6 milliards d’euros de dépenses fiscales. Il faut ajouter à cela les financements communautaires.

A.– LE DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE RÉCAPITULE L’EFFORT FINANCIER DE L’ÉTAT.

 Lors de la présentation des crédits de la mission Outre-mer à la commission des Finances, le Rapporteur spécial ne disposait pas du document de politique transversale (DPT). Déjà déploré lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, le caractère tardif du dépôt du DPT nuit au bon examen du budget.

L’effort budgétaire consacré par l’État à l’outre-mer s’élèverait, en 2010, à 13,4 milliards d’euros, contre 12,9 en 2009 (en crédits de paiement.

 Le DPT dresse notamment la liste des doits particuliers consentis aux agents publics en poste ou à la retraite dans les collectivités ultramarines (7) :

– majoration de la rémunération, par application d’un coefficient multiplicateur variable selon la collectivité concernée (de 1,35 en Guyane à 2,05 à Wallis-et-Futuna) ;

– indemnité de sujétion et d’installation en Guyane, à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon ;

– prime spécifique d’installation en métropole ;

– indemnité d’éloignement dans les autres collectivités d’outre-mer ;

– congés bonifiés ;

– majoration des retraites. Ce dernier droit particulier, fortement critiqué, a été réformé par la n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, réforme présentée dans l’encadré ci-après.

La réforme de l’indemnité temporaire de retraite (ITR)

 Depuis 1952, les pensions servies aux fonctionnaires civils et militaires retraités de l'État et résidant effectivement en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna étaient majorées de 75 %. Cette disposition était également applicable dans le département de La Réunion et à Mayotte, au taux réduit de 35 %, ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon (40 %). Des dispositions identiques étaient prévues pour les pensionnés relevant du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.

 Ce système a été fortement critiqué, tant du fait de l’ampleur des majorations que de l’absence de lien entre la majoration et le fait d’avoir servi sur place. Selon le secrétariat d’État à l’Outre-mer, le coût global de l’ITR était de 295 millions d’euros et augmentait de 10 % par an. Une réforme a donc été engagée dans le collectif de décembre 2008, qui permettra de générer, à terme, des économies.

 S’agissant des agents relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite, il faut désormais distinguer plusieurs situations :

– les pensionnés dont la date d’effet de la pension est antérieure au 1er janvier 2009 et la date d’effectivité de la résidence antérieure au 13 octobre 2008 ;

– les pensionnés dont la date d’effet de la pension est postérieure au 1er janvier 2009 ;

– les pensionnés dont la date d’effet de la pension est antérieure au 1er janvier 2009 et la date d’effectivité de la résidence postérieure au 13 octobre 2008.

Dans la première situation, les pensionnés restent soumis aux dispositions applicables depuis 1952, avec une diminution progressive de leurs indemnités temporaires, qui ne devront pas excéder au 1er janvier 2018 10 000 euros pour La Réunion, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, 18 000 euros pour la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française.

Dans les deux autres situations, l’attribution de nouvelles indemnités temporaires ne sera consentie qu’aux retraités dont la résidence est effective dans l’un des territoires mentionnés ci-dessus et qui ont accompli 15 années de service dans un ou plusieurs de ces territoires, ou qui ont un lien avec le territoire. Les taux de l’indemnité restent identiques, mais sont plafonnés à 8 000 euros jusqu’en 2018 pour La Réunion, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, et diminuent progressivement pour les nouveaux pensionnés de Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et de Polynésie française en fonction de l’année d’effectivité de la pension (de 17 000 euros en 2009 à 10 000 euros en 2014).

Par la suite, le plafond diminuera progressivement pour être nul en 2028 pour toutes les collectivités. Ainsi, à compter du 1er janvier 2028, il n’y aura plus de nouveau bénéficiaire de l’ITR.

En outre, un contrôle de l’effectivité de la résidence sera effectué systématiquement.

 Pour les pensionnés relevant du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, les taux de l’ITR restent les mêmes mais le montant de l’indemnité n’est pas plafonné.

B.– LE MONTANT DES DÉPENSES FISCALES EST EN CROISSANCE.

Les dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission Outre-mer devraient s’élever en 2010 à 3 620 millions d’euros, soit une progression de 6,3 % par rapport à 2009. Elles demeurent donc nettement supérieures au volume des crédits budgétaires.

Cette progression résulte essentiellement de l’adoption de la LODEOM, qui a créé de nouvelles dépenses fiscales et alourdi le poids de certaines mesures préexistantes. Il faut toutefois signaler que la loi entraîne également la réduction du coût d’autres dispositifs.

Tel est par exemple le cas de la taxe sur la valeur ajoutée dite « non perçue récupérable » (TVA NPR). La LODEOM a légalisé ce dispositif, qui reposait sur une instruction ministérielle de 1953, instruction qui n’avait jamais pu être retrouvée... Fonctionnant comme une quasi-subvention, la TVA NPR consistait à exonérer de TVA à l’import les biens figurant sur une liste de produits, puis à permettre aux assujettis d’imputer, comme s’il avait été acquitté, le montant de cette taxe dont ils ont pourtant été exonérés. La LODEOM a réservé le bénéfice de cette mesure aux seuls biens d’investissement. Évalué à 225 millions d’euros en 2008, le coût de la mesure serait ramené à 100 millions d'euros en 2010.

Les mesures modifiées par la LODEOM sont grisées dans le tableau ci-après, qui dresse la liste des dépenses fiscales rattachées à la mission Outre-mer. Certaines ont été commentées plus haut, s’agissant notamment des zones franches d’activité. D’autres le seront plus bas, telle la nouvelle mesure relative à la défiscalisation du logement social.

Il faut par ailleurs signaler que la loi de finances pour 2009 a plafonné à 40 000 euros les réductions d’impôt auxquelles ouvrait droit la réalisation d’investissements productifs ou locatifs réalisés dans les DOM. Ce plafonnement avait été proposé par la mission d’information sur les niches fiscales, dont le Rapporteur spécial était membre (8). Pour l’heure, l’impact du plafonnement sur le volume de ces dépenses fiscales est faible : le chiffrage pour 2010 du montant global de la réduction d’impôt pour investissement productif est le même qu’en 2009 (800 millions d'euros) ; le coût de la réduction d’impôt pour investissement locatif se réduirait de 10 %, passant de 330 à 300 millions d'euros.

DÉTAIL DE LA DÉPENSE FISCALE EN FAVEUR DE L’OUTRE-MER

(en millions d’euros)

Objet de la mesure

2008

2009

2010

LODEOM

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme Emploi outre-mer

Régime particulier de TVA des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. Déductibilité de la taxe afférente à certains produits exonérés

225

160

100

Réforme de la TVA NPR

Abattement applicable aux bénéfices des entreprises provenant d’exploitations situées dans les départements d’outre-mer

-

90

90

Création des ZFA

Exonération de TVA de certains produits et matières premières ainsi que des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

85

80

80

 

Prise en compte sur une base réduite des résultats provenant d’exploitations situées dans les départements d’outre-mer. Dispositions applicables jusqu’au 31 décembre 2017

65

50

50

 

Exonération de base sur le chiffre d’affaires des opérateurs de communications électroniques établis dans les départements d’outre-mer, pour les activités qu’ils y exercent, jusqu’à la disparition des messages publicitaires sur le service public audiovisuel

-

5

5

 

Imputation sur le revenu global, sur agrément, des déficits industriels et commerciaux non professionnels provenant de la location d’un hôtel, d’une résidence de tourisme ou d’un village de vacances classé, situé dans les départements d’outre-mer, et ayant fait l’objet de travaux de rénovation ou de réhabilitation

3

2

2

 

Exonération, sur agrément, des bénéfices réinvestis dans l’entreprise pour les sociétés de recherche et d’exploitation minière dans les départements d’outre-mer

       

Exonération, sur agrément, des bénéfices en cas de création d’activité nouvelle dans les départements d’outre-mer

 

0

0

 

Total pour le programme

378

387

327

 

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme Conditions de vie outre-mer

Régime de TVA des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. Fixation des taux à : 8,5 % pour le taux normal ; 2,1 % pour le taux réduit

1 160

1 160

1 180

 

Réduction d’impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’outre-mer, avant le 31 décembre 2017

640

800

800

Modifications du régime

Déduction de l’impôt sur les sociétés des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements. Dispositions applicables jusqu’au 31 décembre 2017

150

150

300

Modifications

Réduction d’impôt au titre des investissements locatifs et de réhabilitation de logements situés dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises

300

330

300

Modifications

Réduction d’impôt sur le revenu, dans la limite d’un certain montant, pour les contribuables des départements d’outre-mer de la cotisation résultant du barème (30 % en Guadeloupe, Martinique et La Réunion ; 40 % en Guyane)

265

270

290

 

Exclusion des départements d’outre-mer du champ d’application de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants

131

131

131

 

Réduction d’impôt sur le revenu à raison des investissements dans le logement social et intermédiaire dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’outre-mer

-

-

110

Création d’un dispositif de défiscalisation du logement social

Taux de TVA de 2,10 % applicable aux ventes et apports de terrains à bâtir, aux constructions (LASM) et ventes de logements neufs à usage locatif réalisés dans le cadre d’investissements locatifs donnant lieu à défiscalisation

-

15

20

 

Réduction de 50 % des tarifs des droits d’enregistrement et de timbre en Guyane

2

1

1

 

Réduction du taux d’imposition des plus-values réalisées lors de la cession de participations substantielles par des contribuables domiciliés dans les départements d’outre-mer

2

1

1

 

Exonération de TVA des transports maritimes de personnes et de marchandises dans la limite de chacun des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

       

Total pour le programme

2 650

2 858

3 133

 

Dépenses fiscales sur impôts locaux, prises en charge par l’État, contribuant au programme Conditions de vie outre-mer

Abattement de taxe professionnelle sur la base nette imposable des établissements situés dans les départements d’outre-mer

-

80

80

ZFA

Abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties sur la base d’imposition des établissements situés dans les départements d’outre-mer

-

70

70

ZFA

Exonération partielle de taxe foncière sur les propriétés non bâties des terres agricoles situées dans les départements d’outre-mer

-

10

10

ZFA

Abattement du TFPB en faveur des immeubles anti-sismiques des départements d’outre-mer

0

0

Non connu

 

Total pour le programme

0

160

160

 

Total pour la mission Outre-mer

3 028

3 405

3 620

 

Source : projet annuel de performances

C.– L’OUTRE-MER PERÇOIT DES FINANCEMENTS COMMUNAUTAIRES.

1.– Les départements d’outre-mer

Les DOM font partie du territoire de l’Union européenne et bénéficient du statut de régions ultrapériphériques (RUP) ; à ce titre, ils sont éligibles aux fonds structurels de l’Union.

 Pour la période 2007-2013, dans le cadre de la politique de cohésion, les DOM bénéficieront de :

– 3,17 milliards d’euros au titre de l’objectif « Convergence », financé par le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds social européen (FSE) ;

– 96 millions d’euros au titre de l’objectif « Coopération territoriale », financé par le FEDER. Les régions d’outre-mer sont éligibles pour la première fois à la coopération transfrontalière en plus de la coopération transnationale, ce qui permet de renforcer substantiellement l’enveloppe de 17 millions d’euros attribuée pour la période 2000-2006. Désormais les DOM bénéficieront de 68 millions d’euros au titre de la coopération transfrontalière et de 28 millions d’euros au titre de la coopération transnationale.

MONTANT DES FONDS « CONVERGENCE » 2007-2013

(en millions d’euros courants)

RUP

FEDER

FEDER RUP

FSE

Total

%

Guadeloupe

422

120

185

728

23

Guyane

257

48

100

405

13

Martinique

310

107

98

515

16

La Réunion

808

206

517

1 531

48

Total

1 798

482

900

3 179

100

Source : secrétariat d’État à l’Outre-mer

MONTANTS DES FONDS « COOPÉRATION TERRITORIALE » 2007-2013

(en euros courants)

 

Transfrontalier

Transnational

Total

Caraïbes

28 086 740

19 795 368

47 882 108

Guyane

12 830 272

 

12 830 272

Océan indien

27 199 053

8 247 504

35 446 557

Total

68 116 065

28 042 872

96 158 937

Source : secrétariat d’État à l’Outre-mer

 Au titre de la politique de développement rural, les RUP françaises bénéficieront d’un montant de 631 millions d’euros du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

Outre les aides agricoles versées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), chaque DOM bénéficie d’un programme de développement rural régional (PDRR) sur la période 2007-2013. La répartition entre les quatre DOM est présentée dans le tableau suivant :

ÉVOLUTION FEOGA ET FEADER 2000-2006 / 2007-2013

 

FEOGA

%

FEADER

%

Différence
2000/2006

%

Guadeloupe

146

22

138

22

– 8

– 6

Guyane

69

11

74

12

+ 5

+ 8

Martinique

108

17

100

16

– 8

– 7

La Réunion

325

50

319

50

– 7

– 2

Total

648

 

631

 

– 17

+ 3

Source : secrétariat d’État à l’Outre-mer

 Au titre de la politique de la pêche, les DOM percevront 34,25 millions d’euros du Fonds européen pour la pêche (FEP).

2.– Les autres collectivités

Les collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution, de même que la Nouvelle-Calédonie, ne font pas partie du territoire de l’Union européenne. Elles bénéficient du statut communautaire de pays et territoires d’outre-mer (PTOM). Ce régime d’association implique l’éligibilité des PTOM au Fonds européen de développement (FED), qui reste largement inférieur aux aides dont bénéficient les RUP.

Les concours financiers communautaires alloués aux PTOM au titre des deux derniers exercices couvrent d’une part la période 2000-2007 pour le neuvième FED et d’autre part la période 2008-2013 pour le dixième FED. Une enveloppe de 286 millions d’euros sera destinée aux PTOM sur la période. Les financements du FED sont alloués à chaque territoire dans le cadre d’un document unique de programmation (DOCUP) approuvé par la Commission européenne. Les DOCUP du dixième FED sont actuellement en cours d’élaboration.

RÉPARTITION DU FED ENTRE LES PTOM

(en millions d’euros)

PTOM

Reliquats neuvième FED

Dixième FED

Nouvelle-Calédonie

19,75

19,81

Polynésie française

16,65

19,79

Terres australes et antarctiques françaises

-

-

Wallis-et-Futuna

11,5

16,49

Mayotte

15,2

22,92

Saint-Pierre-et-Miquelon

18,4

20,74

Source : secrétariat d’État à l’Outre-mer

III.– LE PROJET DE BUDGET POUR 2010

A.– APERÇU GÉNÉRAL

1.– La maquette budgétaire de la mission Outre-mer est enfin stabilisée.

Après avoir été plusieurs fois modifié au cours des dernières années, le périmètre de la mission Outre-mer est stabilisé pour 2010.

D’importantes modifications étaient intervenues dans les deux dernières lois de finances :

– transfert vers le ministère de l’Emploi des dispositifs d’aides à l’emploi de droit commun, suppression du programme Intégration et valorisation de l’outre-mer à la suite du rattachement au ministère de l’Intérieur des fonctions support (loi de finances pour 2008) ;

– transfert vers la mission Relations avec les collectivités territoriales de plusieurs dotations versées aux collectivités du Pacifique et de Mayotte, inclusion dans le périmètre de la mission Outre-mer des crédits destinés au financement des contrats de projets et des conventions de développement dans les collectivités d’outre-mer (loi de finances pour 2009).

Les modifications de périmètre intervenues les années précédentes ont amélioré la cohérence de la mission, tendant à en limiter le champ aux seuls crédits véritablement spécifiques à l’outre-mer.

Si des améliorations demeurent possibles (cf. infra), il faut néanmoins se satisfaire de la stabilité de la maquette, qui facilité l’analyse comparative des crédits d’un exercice sur l’autre.

2.– Les crédits de la mission augmentent au-delà du plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a créé, à l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, une nouvelle catégorie de lois. « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. »

Premier exercice du genre, la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009-2012 (LPFP) a fixé les plafonds des crédits alloués aux missions du budget général de l’État pour les années 2009 à 2011. S’agissant de la mission Outre-mer, le plafond pour 2010 s’élevait à 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 1,93 milliard d’euros en crédits de paiement.

Mais, ainsi que le soulignait le Rapporteur général dans son rapport sur le projet de loi de programmation (9), « dès lors que cette programmation s’effectue à droit constant, ces plafonds ne sont juridiquement qu’indicatifs : le Parlement demeurera naturellement libre de modifier, dans le respect de l’article 40 de la Constitution et de l’article 47 de la LOLF, les crédits des missions et des programmes soumis à son vote dans les différents projets de loi de finances ».

Le projet de budget pour 2010 illustre bien le caractère finalement indicatif des plafonds triennaux, puisque les crédits de la mission dépassent le plafond arrêté en loi de programmation, s’élevant à 2 088 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 990 millions d'euros en crédits de paiement (soit un dépassement de 4,4 % en autorisations d’engagement et 3,1 % en crédits de paiement). Les crédits progressent de respectivement 6,42 % (autorisations d’engagement) et 6,36 % (crédits de paiement) par rapport aux montants votés en loi de finances initiale pour 2009.

Les arbitrages de préparation du projet de loi de finances pour 2010 ont donc été favorables à la mission Outre-mer. Cela s’explique assez largement par les suites de la crise sociale de l’hiver 2009, qui a entraîné la prise de décisions impactant les finances publiques, et dont certaines relèvent de la mission, pour l’essentiel du programme Emploi outre-mer : compensation des exonérations de charges sociales plus généreuses, accordées par la LODEOM ; accroissement du nombre de volontaires du service militaire adapté (SMA), dans la perspective du doublement annoncé par le Président de la République. Ces mesures feront l’objet d’une analyse détaillée plus bas dans le présent rapport.

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME

(en millions d’ euros)

Mission/Programme

Plafond 2010 LPFP

Plafond 2010 PLF 2010

Évolution
(en %)

Crédits LFI 2009

Évolution PLF 2010 / LFI 2009
(en %)

Outre-mer

AE

2 000

2 088

4,4

1 962

6,4

CP

1 930

1 990

3,1

1 871

6,4

Emploi outre-mer

AE

1 242

1 314

5,8

1 191

10,3

CP

1 242

1 303

4,9

1 191

9,4

Conditions de vie outre-mer

AE

759

773

1,8

770

0,4

CP

685

687

0,3

680

1

Source : projet annuel de performances

3.– La nouvelle administration de l’outre-mer a un an d’existence.

Entrée en activité le 1er septembre 2008, la délégation générale à l’Outre-mer (DéGéOM) s’est substituée à deux directions d’administration centrale qui avaient été mises en place en 1979 : la direction des Affaires politiques, administratives et financières (DAPAF) et la direction des Affaires économiques, sociales et culturelles (DAESC).

Conforme aux orientations de la révision générale des politiques publiques (RGPP) arrêtées par le Conseil de modernisation des politiques publiques, la création de cette direction d’administration centrale au sein du ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales est l'aboutissement d'une réflexion entamée à la suite de la publication de divers rapports soulignant la nécessité pour le ministère chargé de l’outre-mer de réorienter son action vers des fonctions de pilotage et d’évaluation.

La délégation générale à l'Outre-mer est composée de trois services. Le service des politiques publiques anime et coordonne les politiques publiques conduites outre-mer. Le service des affaires juridiques et institutionnelles apporte conseil et assistance en matière juridique aux services de la délégation générale et aux représentants de l'État outre-mer. Le service de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État conduit ou coordonne l'évaluation des politiques engagées par l'État outre-mer, les études prospectives sur l'outre-mer ainsi que les réflexions et analyses stratégiques, territoriales ou thématiques.

Le plafond des emplois de la délégation est fixé à 142 postes, dont la répartition est marquée par la prépondérance des cadres (63 % des effectifs).

Le Rapporteur spécial a déjà souligné, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, qu’il était favorable au principe de cette réorganisation administrative. Il est néanmoins trop tôt pour en tirer un bilan renseigné.

B.– LE PROGRAMME EMPLOI OUTRE-MER

CRÉDITS DU PROGRAMME 138 EMPLOI OUTRE-MER

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitulé de l’action

LFI 2009

PLF 2010

Évolution
(en %)

LFI 2009

PLF 2010

Évolution
(en %)

1 – Soutien aux entreprises

1 038,3

1 130,7

8,9

1 038,3

1 130,7

8,9

2 – Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle

153,2

183,5

19,8

153,2

172,2

12,4

Total

1 191,5

1 314,2

10,3

1 191,5

1 302,9

9,3

Source : projet annuel de performances

1.– L’action Soutien aux entreprises

a) La dette de l’État auprès des organismes de sécurité sociale continue de se creuser.

 Les principales caractéristiques de la réforme des exonérations patronales de sécurité sociale propres à l’outre-mer ont été présentées plus haut. Il en ressort que l’économie pour le budget de l’État prévue par la loi de finances pour 2009, soit 138 millions d’euros en année pleine, a été ramenée à 63 millions d'euros par la LODEOM.

Il faut en effet rappeler qu’en application de l’article L.131-7 du code de la sécurité sociale, l’État est tenu de compenser aux organismes de sécurité sociale les sommes dont ils n’ont pu être crédités du fait de la mise en œuvre d’une politique d’exonérations.

Depuis que la compensation des exonérations est opérée par le ministère chargé de l’outre-mer (2005), le montant d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement est insuffisant pour couvrir le montant total des exonérations. Chaque exercice voit donc le montant des impayés s’accroître. Ainsi, fin 2007, l’État restait débiteur des organismes de sécurité sociale à hauteur de 541,1 millions d'euros, malgré l’intervention d’une convention d’apurement signée avec l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) le 1er octobre 2007, qui a permis de résorber la dette de 297,5 millions d'euros.

Au titre de l’exercice 2009, l’insuffisance de crédits devrait s’élever, selon le SEOM, à 163 millions d'euros. L’endettement de l’État auprès des organismes sociaux va donc se creuser encore, et devrait atteindre 609 millions d'euros fin 2009, sans même tenir compte des dettes antérieures à 2005 (10).

Le présent projet de loi de finances prévoit une dotation de 1 103,7 millions d'euros (AE = CP) au titre de la compensation des exonérations de cotisations sociales. Cette dotation est en progression de 92,7 millions d'euros par rapport à la dotation 2009, qui s’élevait à 1 011,3 millions d'euros. Elle demeurera néanmoins insuffisante pour compenser le coût des exonérations, qui devrait s’élever à 1 159 millions d'euros. Au titre de l’exercice 2010, la dette de l’État auprès des organismes de sécurité sociale devrait donc se creuser de 55 millions d'euros, pour atteindre 664 millions d'euros à la fin de l’année.

 L’indicateur 1.1 mesure l’Impact des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale sur l’évolution des effectifs salariés dans les DOM.

Les prévisions pour 2010 sont orientées à la hausse pour les deux sous-indicateurs :

– l’écart entre le taux de croissance de l’emploi dans les entreprises éligibles et le même taux dans les entreprises domiennes non exonérées devrait être de 0,6 point ;

– l’écart de taux devrait être nettement favorable (2,9 points) aux entreprises domiennes exonérées, comparativement aux entreprises métropolitaines bénéficiant de l’exonération de droit commun, dite « Fillon ». Ce sous-indicateur reste toutefois assez éloigné de la cible pour 2011, soit un écart positif de 3,7 points.

b) La LODEOM a créé une aide au fret.

Les caractéristiques géographiques et économiques des outre-mer générant des surcoûts de transport, le Gouvernement a souhaité instituer, dans la LODEOM, une aide budgétaire destinée à abaisser le coût du fret pour les intrants et les extrants, et dont la finalité est d’encourager le développement endogène des collectivités concernées, en favorisant la production locale.

Sont concernés les matières premières ou produits incorporés dans un cycle de production réalisé dans la collectivité concernée. Ces matières premières ou produits peuvent donc être des intrants, importés dans les collectivités concernées pour y entrer dans un cycle de production, ou des extrants, exportés vers l’Union européenne après un cycle de production dans les mêmes collectivités.

Le projet de loi initial concernait seulement les DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon. À l’initiative du Gouvernement, le dispositif a été étendu à Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Mayotte et Wallis-et-Futuna.

Avant même sa création par la LODEOM, l’aide au fret avait été budgétisée, la loi de finances pour 2009 ayant prévu une dotation de 27 millions d'euros depuis l’action Soutien aux entreprises du programme Emploi outre-mer. Le projet de loi de finances pour 2010 propose de reconduire cette dotation. Les 27 millions d'euros devaient initialement servir à financer l’aide prévue par le projet de loi. Or, du fait de l’extension géographique du dispositif, son coût devrait s’accroître, ce dont ne tient pas compte le projet annuel de performances.

2.– L’action Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle

a) Le doublement des effectifs du service militaire adapté a été annoncé.

 Le service militaire adapté (SMA) permet aux jeunes ultramarins de recevoir une formation professionnelle dans un cadre militaire. Il s’adresse essentiellement aux jeunes en situation d’échec. Les effectifs du SMA participent aux plans de secours et d’aide au service public (notamment en cas de catastrophe naturelle), ainsi qu’aux plans de protection et de défense.

Le SMA a été créé en 1961 sous la forme du régiment mixte des Antilles-Guyane, qui donnera par la suite naissance à quatre unités qui sont aujourd’hui les régiments SMA de Martinique, de Guadeloupe, de Cayenne et de Saint-Jean du Maroni. Le dispositif a par la suite été étendu à La Réunion, à la Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et à la Polynésie française.

Le SMA forme près de 3 000 volontaires entre 18 et 26 ans (garçons et filles), dans 37 filières professionnelles. En février 2009, au cœur de la crise sociale dans les DOM, le Président de la République a annoncé le doublement en trois ans des effectifs du SMA (dispositif dit « SMA 6000 »).

En conséquence, les crédits demandés pour 2010 au titre du financement du SMA sont en augmentation de 31 millions d'euros, passant de 113 à 144 millions d'euros. Les crédits supplémentaires permettront de préparer le doublement des effectifs, notamment en élargissant les capacités d’accueil des volontaires (+ 21,6 millions d'euros en autorisations d’engagement et 10,3 millions d'euros en crédits de paiement). Il faut relever que le nombre de volontaires devrait demeurer stable en 2010 ; de fait, le doublement des effectifs devra être réalisé en 2011 et 2012.

Le SMA rassemble désormais l’ensemble des personnels rattachés à la mission Outre-mer, soit 3 789 équivalents temps plein travaillé (ETPT), contre 3 715 en 2009. Le relèvement du plafond d’emplois à hauteur de 74 ETPT, correspond à des transferts d’emplois depuis d’autres programmes relevant du ministère de l’Intérieur. Ce relèvement se justifie, selon le projet annuel de performances, par la mise en place du SMA 6000, qui nécessite davantage de personnel.

Il faut en effet rappeler qu’en plus des 2 900 volontaires, le SMA emploie des militaires détachés par le ministère de la Défense, des personnels administratifs et techniques, des ouvriers d’État.

 Le SMA dispose d’un indicateur 2.1 dédié, qui mesure le Taux d’insertion des volontaires en fin de contrat. Le Rapporteur spécial a déjà eu l’occasion de souligner le succès de ce dispositif, confirmé par les résultats de l’indicateur ; celui-ci prévoit en effet un taux d’insertion de 77 % en 2009 comme en 2010, proche de la cible pour 2013 (80 %).

b) Les mesures de formation en mobilité ont été réformées par la LODEOM.

 L’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer (ANT) est opérateur de la mission Outre-mer. Elle est chargée par l’État de mettre en œuvre des dispositifs d’aide à la mobilité.

Les recettes de l’ANT proviennent :

– des subventions du SEOM, à savoir la subvention pour charges de service public (8 millions d'euros versés depuis le programme 138) et les crédits d’intervention destinés au financement de la formation professionnelle en mobilité des jeunes ultramarins (9,2 millions d'euros, dont 4,7 depuis le programme 138) ;

– des recettes provenant de l’Union européenne dont principalement du Fonds social européen (6 millions d'euros) ;

– d’une participation des collectivités territoriales d’outre-mer (12 millions d'euros) ;

– de prestations et produits divers.

Au total, le budget prévisionnel de l’ANT se monte à environ 36 millions d'euros.

 Depuis l’entrée en vigueur de la LODEOM, l’ANT est chargée de la mise en œuvre du « passeport-mobilité formation professionnelle », qui se substituera à compter du 1er janvier 2010 aux deux dispositifs préexistants, le « projet initiative-jeunes » et la « formation indivualisée mobilité ». (cf. infra)

Le passeport-mobilité formation professionnelle permet d’aider les personnes qui suivent une formation qualifiante hors de leur département ou de leur collectivité d’origine, lorsque la formation en question n’est pas dispensée sur place. Le dispositif comprend le versement aux stagiaires d’une aide à l’installation et d’une allocation mensuelle couvrant une partie des frais engendrés par l’éloignement, ainsi que le remboursement aux centres de formation des frais engagés pour les stagiaires ultramarins.

Le présent projet de loi de finances prévoit 23,8 millions d'euros (AE = CP) pour le financement de ce dispositif.

C.– LE PROGRAMME CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER

CRÉDITS DU PROGRAMME 123 CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitulé de l’action

LFI 2009

PLF 2010

Évolution
(en %)

LFI 2009

PLF 2010

Évolution
(en %)

1 – Logement

255,1

254,5

– 0,2

206,4

210,5

2

2 –Aménagement du territoire

178

178,7

0,4

145,6

156,8

7,7

3 – Continuité territoriale

52,9

54,5

3

52,8

54,5

3,2

4 – Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

35,2

34,6

– 1,7

35,1

34,6

– 1,4

6 – Collectivités territoriales

206,6

208,4

0,9

221,3

210,5

– 4,9

7 – Insertion économique et coopération régionales

2,9

2,8

– 3,4

2,9

2,8

– 3,4

8 – Fonds exceptionnel d’investissement

39,6

40

1

15,8

17

7,6

Total

770,3

773,5

0,4

680

686,7

1

Source : projet annuel de performances

1.– L’action Logement

a) La réhabilitation de l’habitat outre-mer est une nécessité.

 Le niveau d’habitat insalubre dans les DOM et à Mayotte est très préoccupant. 50 000 à 60 000 logements insalubres abritent plus de 150 000 personnes, et représentent 7 à 10 % du patrimoine bâti dans les DOM (contre 2,5 % en métropole). 26 % des logements y sont classés comme insalubres, contre 8 % en métropole. 3,2 % des métropolitains vivent dans de l’habitat insalubre, contre 8,4 % des ultramarins.

Parmi les quatre DOM, la situation de la Guyane est particulièrement préoccupante. Le taux de construction illicite s’y élèverait à près 30 % ; la moitié des logements en construction le serait sans autorisation. En Guadeloupe, le logement insalubre concerne près de 60 000 habitants, soit plus de 13 % de la population, et 18 000 logements, soit 10 % du parc. À La Réunion, le dernier inventaire a permis de recenser plus de 16 000 logements insalubres. La situation de Mayotte est atypique. L’habitat dit « traditionnel » y est souvent insalubre ; 50 % des logements sont ainsi qualifiés.

 Les crédits consacrés à la résorption de l’habitat insalubre (RHI) continuent d’augmenter. Le présent projet de loi de finances prévoit d’y consacrer 37 millions d’euros en autorisations d’engagement (contre 31,5 en 2009) et 26,1 millions d’euros en crédits de paiement (contre 24,6 en 2009).

Ces crédits permettront de financer un dispositif nouveau, à hauteur de 11 millions d’euros en autorisations d’engagement et 4 millions d’euros en crédits de paiement. La mission conduite par M. Serge Letchimy a en effet conclu à la possibilité de faire financer par le Fonds régional d’aménagement foncier et urbain (FRAFU) certaines opérations menées dans le cadre de la RHI, comportant essentiellement des travaux d’aménagement de réseaux et peu d’intervention sur le bâti.

Cette nouvelle orientation, qui devrait conduire à supprimer la participation à l’aménagement des quartiers (PAQ), s’inscrit dans le cadre de la réforme des FRAFU, annoncée lors de la conférence du logement outre-mer de 2007 et mise en œuvre par le décret n° 2009-787 du 23 juin 2009. L’objectif général de cette réforme est de recentrer l’action des FRAFU sur l’aménagement et la viabilisation du foncier, plutôt que sur des opérations de construction (cf. infra).

 Le Gouvernement a confié à notre collègue Serge Letchimy une mission sur l’habitat insalubre, tendant à l’établissement d’un diagnostic précis et à la proposition de solutions adaptées.

M. Letchimy propose notamment (11) :

– d’instaurer un véritable pilotage de la RHI, au niveau national, départemental et communal ;

– d’élargir l’action publique à la résorption de l’habitat dit « spontané » (RHS) ;

– d’étendre les missions de l’Observatoire de l’habitat indigne outre-mer à l’habitat dit « informel » ;

– de réformer les modalités d’expropriation, afin de permettre l’indemnisation des propriétaires des logements précaires, tout en excluant de cette indemnisation les « marchands de sommeil ».

 Au-delà de la lutte contre l’habitat insalubre, la réhabilitation des logements passe par des aides à l’amélioration de l’habitat privé, octroyées sous condition de ressources aux propriétaires occupants effectuant des travaux de remise aux normes de décence et de confort de leur logement.

Les crédits consacrés à ces aides sont en baisse depuis 2009 : 39,6 millions d’euros en autorisations d’engagement (contre 45,6) et 35,9 millions d’euros en crédits de paiement (contre 37). Cela résulte de la réduction des objectifs : alors que la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (dite « loi DALO ») prévoyait l’amélioration de 2 400 logements, le projet annuel de performances ramène la cible à 2 000 logements.

b) Les ambitions initiales de la politique d’accession à la propriété ne pourront être satisfaites.

En application de l’article 23 de la loi DALO, la construction de 2 000 logements en accession dite « très sociale » à la propriété a été programmée pour 2008. 46 millions d'euros d’autorisations d’engagement et 51,4 millions d'euros de crédits de paiement étaient prévus à cette fin dans le projet de loi de finances pour 2008.

Mais la mise en œuvre de ce programme a rencontré des difficultés, se traduisant par une production très inférieure à l’ambition initiale. L’objectif pour 2009 et 2010 a donc été revu à la baisse : il s’agira de construire 1 350 logements par an. À cette fin, le présent projet de loi de finances prévoit 37,8 millions d'euros d’autorisations d’engagement et 34,6 millions d'euros de crédits de paiement.

c) Le financement du logement social combinera désormais la ligne budgétaire unique et un dispositif de défiscalisation dont l’efficacité est incertaine.

 La situation du logement social dans les DOM se caractérise par des besoins très importants en raison d’une part de la croissance démographique (quatre fois supérieure à celle des départements métropolitains) et d’autre part de la très forte proportion des ménages à bas salaire.

La population « domienne » est éligible à 80 % au logement social, contre une moyenne nationale de 68 % en 2005. Selon les estimations des directions départementales de l’équipement, le nombre de demandeurs de logements sociaux serait de 62 000, décomposés par département comme indiqué dans le tableau ci-après.

DEMANDEURS DE LOGEMENTS SOCIAUX PAR DÉPARTEMENT

Guadeloupe

15 000

Martinique

10 000

La Réunion

26 000

Guyane

11 000

Total

62 000

Source : secrétariat d’État à l’Outre-mer

L’article 23 de la loi DALO a fixé un objectif de production de 5 400 logements locatifs sociaux par an. Or, la production des dernières années n’est pas à la hauteur des besoins, ainsi que l’illustre le tableau suivant.

PRODUCTION GLOBALE DE LOGEMENTS SOCIAUX DEPUIS 2003

Moyenne 1999/2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

5 176

4 432

3 226

4 711

4 021

3 480

3 676

Source : secrétariat d’État à l’Outre-mer

 Pour 2010, le Gouvernement se fixe un objectif ambitieux, et curieusement précis, de 5 343 logements sociaux :

– 2 100 logements locatifs sociaux, financés par la ligne budgétaire unique (LBU) (12) à hauteur de 63 millions d’euros en autorisations d’engagement) ;

– 1 543 logements locatifs très sociaux financés de la même manière (61,7 millions d’euros en d’autorisations d’engagement) ;

– 1 700 logements grâce au nouveau dispositif de défiscalisation du logement social, avec un complément de LBU à hauteur de 5 millions d’euros.

Ce dispositif est censé compléter la LBU dont le montant, accru en 2009 et stable en 2010, ne permet pas de financer les besoins en logement social.

La LODEOM ambitionne en effet d’orienter la défiscalisation locative vers le logement social. À cette fin, il est prévu d’une part l’extinction progressive des dispositifs de défiscalisation du logement libre et intermédiaire. Il est d’autre part créé, à l’article 199 undecies C du code général des impôts, une réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements réalisés dans le secteur du logement locatif social. La réalisation d’un tel investissement ouvre droit à une réduction d’impôt égale à 50 % du prix de revient des logements, dans la limite d’un plafond de 2 194 euros par mètre carré.

Le bénéfice de la réduction d’impôt est conditionné :

– à la location des logements défiscalisés à un organisme de logement social (OLS) pendant au moins cinq ans ;

– à la sous-location par l’OLS des logements à des personnes physiques, sous conditions de ressources ;

– à la réalisation dans les logements de certaines dépenses tendant à la réalisation d’économies d’énergie ;

– à la rétrocession à l’organisme de logement social locataire du bien défiscalisé de 65 % de l’avantage en impôt perçu par le contribuable.

Le dispositif prévu par l’article 199 undecies C du code général des impôts est donc un décalque de celui prévu par l’article 199 undecies B du même code pour les investissements productifs. Des contribuables souhaitant réduire leur impôt sur le revenu vont constituer une société qui va construire des logements. La réalisation des investissements nécessaires à la construction ouvrira droit à une réduction d’impôt égale à 50 % du montant desdits investissements. Les contribuables se partageront l’avantage en impôt, en proportion des parts détenues dans la société propriétaire des logements. 65 % de cet avantage en impôt devront être rétrocédés, sous forme de bonification des loyers, aux OLS locataires des appartements pendant au minimum cinq ans. Ceux-ci devront à leur tour louer le bien à des locataires auxquels est ouvert le bénéfice de l’accès au logement social. Au terme des cinq ans, l’OLS deviendra propriétaire des logements défiscalisés.

Le seul énoncé du montage suffit à en dépeindre la complexité. Par ailleurs, ainsi que l’a montré le rapport d’information précité de la commission des Finances sur les niches fiscales, dont un extrait figure ci-dessous, le dispositif de l’article 199 undecies B du code général des impôts génère une « perte en ligne » importante. Le dispositif de défiscalisation du logement social devrait souffrir des mêmes défauts.

Défiscalisation et « évaporation fiscale »

En matière de défiscalisation des investissements outre-mer, la procédure la plus utilisée, en montant global comme en nombre de dossiers, est celle prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts. Les développements suivants s’efforcent de décrire la mécanique d’un montage type, à savoir un investissement externalisé réalisé par une société en nom collectif (SNC) qui va louer le bien concerné à une société exploitante, celle-ci ne pouvant pas ou ne souhaitant pas réaliser directement l’investissement. Dans un souci de clarté, la présentation est très simplifiée.

Soit une entreprise ultramarine exerçant ses activités dans un secteur éligible. Cette entreprise (l’exploitant) souhaite pouvoir utiliser un bien de production, d’une valeur de 100. L’exploitant s’adresse à un intermédiaire (le cabinet de défiscalisation) qui se charge d’organiser le financement du bien. À cette fin, une société en nom collectif (SNC) est constituée entre des personnes physiques souhaitant bénéficier de la réduction d’impôt permise par la réalisation de l’investissement (les apporteurs de capacité fiscale). La SNC opte pour la transparence fiscale : ses membres seront redevables de l’impôt sur le revenu et non de l’impôt sur les sociétés. La SNC procède à l’investissement, qu’elle finance de la manière suivante :

– 50 par un emprunt contracté auprès d’établissements bancaires ;

– 30 par les fonds propres apportés par les membres de la SNC ;

– 20 par le dépôt de garantie de l’exploitant, caution de son implication réelle dans le projet.

La réduction d’impôt, à répartir entre les membres de la SNC à raison de leurs parts sociales respectives, s’élève à 50, soit 50 % du montant de l’investissement. Pour obtenir le gain net produit par l’opération au profit des apporteurs de capacité fiscale, il faut retirer de ces 50 :

– la commission perçue par les cabinets de défiscalisation pour couvrir les frais de montage et de gestion de la SNC (soit environ 6 en moyenne) ;

– 60 % de l’avantage fiscal (soit 30), qui doivent être rétrocédés à l’exploitant sous la forme d’une réduction des loyers versés par celui-ci à la SNC pendant 5 ans, soit la durée minimale pendant laquelle la SNC doit conserver l’investissement.

Pour un investissement de 100, l’avantage fiscal net au profit du contribuable est donc de 14 (soit 50 - 6 - 30).

Pendant les 5 années minimales de conservation du bien, la SNC perçoit les loyers versés par l’exploitant et rembourse ainsi les établissements bancaires qui ont apporté 50 dans le montage. Au terme de ces 5 ans, la SNC revend le bien à l’exploitant. Le bien est en général cédé à l’euro symbolique : les loyers versés pendant 5 ans, le dépôt de garantie apporté initialement par l’exploitant et le montant de la rétrocession ont en principe permis d’en couvrir le coût total. Pour l’exploitant, le gain permis par ce montage se résume donc à la rétrocession d’une partie de l’avantage fiscal procuré à la SNC, rétrocession qui lui permet d’acquérir le bien au terme d’une location-vente à loyer bonifié.

L’aide perçue par l’entreprise grâce à ce montage (soit 30 sous forme de rétrocession) aura coûté 50 à l’État, en termes de moins-values fiscales (30 au profit de l’exploitant + 14 au profit des membres de la SNC + 6 au profit du cabinet de défiscalisation). 40 % des recettes auxquelles l’État renonce volontairement dans l’objectif de concourir au développement économique de l’outre-mer (13) sont in fine captés par d’autres destinataires que les exploitants ultramarins. Cette part de la dépense fiscale s’assimile à de l’« évaporation fiscale », à de la « perte en ligne », à tout le moins au regard de l’objectif final poursuivi par la défiscalisation, à savoir le développement économique de l’outre-mer.

Dans un référé adressé en juin dernier à la commission des Finances, la Cour des comptes a dressé un bilan sensiblement identique du dispositif de défiscalisation des investissements réalisés dans le secteur du logement intermédiaire. En effet, « la Cour observe que les règles en vigueur conduisent l’État à ne pouvoir refuser d’investisseurs métropolitains de simples avances d’une durée de cinq ans portant intérêt à un taux […] supérieur à 11 %. » Au regard des taux des emprunts d’État à cinq ans, « le coût de ce dispositif fiscal est donc exorbitant : il serait nettement moins coûteux pour l’État de subventionner directement ces opérations, si leur intérêt économique et social le justifie ».

En dernière analyse, il aurait sans doute été préférable, pour relancer la construction de logements sociaux, d’accroître la LBU que d’instaurer une nouvelle dépense fiscale (pour un coût estimé à 110 millions d’euros en 2010), dont l’efficacité sera, selon toute vraisemblance, plus faible.

d) La dette de l’État auprès des bailleurs sociaux s’installe durablement.

Depuis près d’une dizaine d’années, le montant des crédits de paiement destinés à couvrir les engagements de l’État auprès des opérateurs de logement social est systématiquement insuffisant. Il en résulte donc une dette de l’État auprès de ces organismes : en fin d’exercice, des factures dûment émises ne sont pas payées.

Au cours de l’année 2006, après que cette dette ait été évaluée à 115 millions d'euros, des mesures exceptionnelles ont été prises par le Gouvernement : 60 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires ont été octroyés au cours des exercices 2006 et 2007 pour résorber cette dette

À la fin de l’exercice 2007, le montant de la dette a été ramené à 38 millions d'euros, puis à 17 millions d'euros un an plus tard. Pour ce faire, la loi de finances pour 2008 avait prévu une augmentation significative des crédits de paiement (+ 13,8 %).

Selon les informations transmises par le SEOM, le stock de dette devrait rester stable au 31 décembre 2009.

Le Gouvernement qualifie cette dette de « frictionnelle », et indique que la légère progression des crédits de paiement de l’action Logement devrait permettre, pour 2010, « de ramener les retards de paiement de l’État à un niveau compatible avec les capacités financières des opérateurs de logement social ». Il semblerait donc que le choix de faire peser sur la trésorerie des OLS la dette contractée par l’État soit désormais assumé. Le Rapporteur spécial ne peut que le déplorer.

e) La question de la disponibilité foncière reste posée.

 La situation des collectivités ultramarines se heurte d’une manière générale à une pénurie de foncier, liée à une forte croissance démographique, à l’insularité et aux risques naturels et sismiques.

La maîtrise foncière relève principalement de la compétence des collectivités territoriales à travers l’élaboration de leurs documents d’urbanisme. L’État, garant de la politique du logement social, incite les collectivités à une meilleure mobilisation du foncier pour ce type de logement, à des coûts compatibles avec les loyers maîtrisés. Les difficultés financières et techniques des collectivités locales en matière d’aménagement foncier accroissent davantage encore la pénurie de logements sociaux.

 Cette situation a justifié la création des FRAFU, dont le décret précité du 23 juin 2009 a engagé la réforme, autour de quatre axes :

– recentrer les objets éligibles aux fonds sur des actions d’aménagement opérationnel et non sur des actions de construction ;

– modifier les conditions d’éligibilité en supprimant l’obligation d’accueillir 60 % de logements sociaux dans les opérations ;

– créer une subvention spécifique de l’État au titre du logement social, définie proportionnellement au nombre de logements sociaux compris dans les opérations d’aménagement ;

– améliorer le dispositif de gestion des fonds par une programmation pluriannuelle validée par les partenaires.

Ce dernier axe est pris en compte par le dispositif de mesure de performance de l’action Logement. En effet, l’indicateur 1.1 mesure le pourcentage des crédits de cette action engagés dans le cadre d’une convention d’action foncière. Le dispositif consiste à inciter les maires à accroître dans leurs documents d’urbanisme leurs réserves foncières, au profit du logement social ; en contrepartie, l’État s’engagera à financer en priorité les projets de la collectivité.

 Certaines des mesures de la LODEOM sont de nature à faciliter la mise à disposition des réserves foncières :

– la création d’un groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété dans les DOM et à Saint-Martin, afin de faciliter la cession des terrains ;

– la définition d’une procédure permettant la mise à disposition des communes des terrains à l’état d’abandon manifeste ;

– la facilitation de l’aménagement des espaces urbains situés dans la zone des 50 pas géométriques.

Il est encore trop tôt pour tirer un bilan des différentes mesures intervenues en 2009. Mais le Rapporteur spécial est, par principe, favorable aux dispositifs qui permettront de rendre disponible le foncier et d’en assurer l’aménagement et la viabilisation.

2.– L’action Aménagement du territoire

Cette action permet au ministère chargé de l’outre-mer de contribuer au financement des infrastructures des collectivités territoriales.

L’essentiel des crédits concerne les opérations contractualisées : 167 millions d’euros d’autorisations d’engagement sur 174 au total ; 145 millions d’euros de crédits de paiement sur 152 au total.

Cela concerne les contrats de projets État-régions 2007-2013, qui mobiliseront 703,48 millions d’euros au total, dont 268 millions d’euros à la charge du programme Conditions de vie outre-mer. Pour 2010, sont prévus 35 millions d’euros de crédits de paiement, répartis ainsi : 9,5 millions d’euros pour la Guadeloupe, 7,3 millions d’euros pour la Guyane, 7,1 millions d’euros pour la Martinique et 11,2 millions d’euros pour La Réunion.

Sont également financées les dépenses engagées au titre des contrats et conventions conclues avec les COM et la Nouvelle-Calédonie :

– environ 1,7 million d’euros de crédits de paiement au titre du contrat de développement 2007-2013 de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

– les contrats signés les 4 et 6 mars 2006 avec la Nouvelle-Calédonie d’une part, les trois provinces, l’agglomération du Grand Nouméa et les autres communes d’autre part, ont engagé l’État à hauteur de 393,4 millions d'euros pour la période 2006-2010, dont 200,5 millions d'euros sont à la charge du programme 123. 55 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus pour 2010 ;

– 5,3 millions d’euros de crédits de paiement au titre du contrat de développement des îles Wallis-et-Futuna ;

– 20,5 millions d'euros de crédits de paiement au titre du contrat de projet en Polynésie française ;

– 1,5 million d’euros d’autorisations d’engagement au titre du financement des actions d’investissement contenues dans le contrat urbain de cohésion sociale de l’agglomération de Papeete ;

– 26,1 million d’euros de crédits de paiement au titre du contrat de projets signé le 28 mars 2008 entre l’État et Mayotte pour la période 2008-2014 (337 millions d'euros dont 265 imputés sur le programme 123).

Le Rapporteur spécial, lors de l’examen des précédents projets de loi de finances, s’inquiétait de l’existence de créances impayées aux collectivités territoriales, au titre des différents dispositifs contractuels. Selon les informations recueillies, les insuffisances de crédits de paiement se montaient à environ 80 millions d’euros fin 2008, dont 30 millions d'euros dus à la Nouvelle-Calédonie. Interrogé sur le niveau des éventuelles créances en 2009 et 2010, le SEOM n’a pas apporté de réponse précise, ce qui est regrettable.

3.– L’action Continuité territoriale

a) Le dispositif de continuité territoriale antérieur à la LODEOM reposait sur deux dispositifs imparfaits.

 La dotation de continuité territoriale était versée par l’État aux quatre régions d’outre-mer, à la collectivité départementale de Mayotte, à la collectivité de Saint-Barthélemy, à la collectivité de Saint-Martin, à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux territoires des îles Wallis-et-Futuna. Son objet principal était de faciliter les déplacements des résidents ultramarins entre leur collectivité de résidence et la métropole, en contribuant au financement d’une aide au passage aérien. Les conditions d’attribution de cette aide étaient déterminées par la collectivité de résidence. La dotation devait en principe être complétée par un cofinancement des régions ou collectivités concernées.

Dans son rapport public annuel 2008, la Cour des comptes a dressé un bilan négatif des premières années d’application de la dotation de continuité territoriale :

– les cofinancements attendus de la dotation n’ont jamais été mis en œuvre. Initialement fixé à 30 millions d'euros, le financement de l’État avait vocation à être complété par des crédits européens et une contribution des collectivités concernées, afin de porter à 90 millions d'euros le montant globalement disponible. Or, ni les collectivités ultramarines ni l’Union européenne n’ont jamais abondé le financement étatique ;

– les résultats obtenus s’en sont ressentis. Pour un objectif de 200 000 voyageurs aidés à hauteur de 150 euros chacun, les chiffres de 2006 faisaient état d’une aide moyenne de 356 euros versée à 63 776 passagers ;

– la détermination par les collectivités concernées des critères d’attribution de l’aide a conduit, selon la Cour, à « de sensibles disparités […] pour les bénéficiaires selon leur collectivité d’appartenance » ;

– la Guyane n’a quant à elle jamais mis en place la dotation de continuité territoriale.

 Le passeport-mobilité était un dispositif visant à faciliter les déplacements des jeunes ultramarins :

– le passeport-mobilité « étudiants » concernait les étudiants de moins de 26 ans résidant outre-mer ou dont la famille y résidait, et qui suivaient un cursus d’enseignement supérieur en métropole ou dans une autre collectivité ultramarine que celle de leur résidence. Ce volet du passeport-mobilité était géré par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) et les vice-rectorats ;

– le passeport-mobilité « formation » concernait, dans les mêmes conditions, les jeunes de 18 à 30 ans suivant en métropole ou dans une autre collectivité ultramarine que celle de leur résidence une formation ou un projet d’insertion professionnelle. Ce volet était géré principalement par l’ANT.

L’aide de l’État consistait à financer, pour les publics éligibles, un aller-retour par an entre la collectivité de résidence et la collectivité dans laquelle se déroulait la formation.

Ainsi que l’a montré le rapport d’information de notre collègue Michel Bouvard publié en mars 2007 (14), le passeport mobilité « étudiants » a été victime de son succès. Le nombre de bénéficiaires est passé d’environ 2 000 lors de sa mise en place en 2002 à plus de 24 000 en 2007. Le coût du dispositif est passé de 8,3 millions d’euros en 2003 à 22 millions d’euros en 2005.

L’engouement suscité par cette mesure témoigne sans doute de son utilité, mais également de certaines dérives. Michel Bouvard a relevé de nombreux abus ; ainsi, « la possibilité d'acheter un aller simple puis un retour simple, nécessairement plus onéreux qu'un aller-retour, et la liberté totale de choisir la date du voyage, qui favorise l'achat de billets au dernier moment et aux dates où les tarifs sont les plus élevés, constituent autant de facteurs de dérive des coûts ». Il faut également relever que le passeport-mobilité n’était soumis à aucune condition de ressources. Par ailleurs, la ligne budgétaire consacrée au financement du passeport-mobilité a parfois été sous-dotée, faisant peser sur les CROUS une partie du coût du dispositif.

b) La LODEOM a introduit une réforme bienvenue de la continuité territoriale.

 La LODEOM a créé un fonds de continuité territoriale, rassemblant au sein du même dispositif la dotation de continuité territoriale et le passeport-mobilité.

En effet, ce fonds finance :

– une « aide à la continuité territoriale » ;

– des aides destinées aux étudiants de l’enseignement supérieur et aux élèves du second cycle de l’enseignement secondaire (le « passeport-mobilité études ») ;

– des aides liées aux déplacements justifiés par la formation professionnelle en mobilité (le « passeport-mobilité formation professionnelle »).

La loi a introduit une condition de ressources au bénéfice des aides versées par le Fonds de continuité territoriale.

Tirant les conséquences de l’échec de la décentralisation de la dotation de continuité territoriale, la LODEOM a confié par principe à l’État la gestion des aides du fonds de continuité territoriale. Cette gestion peut toutefois être déléguée à un opérateur unique, qui devrait être l’ANT.

 Le présent projet de loi de finances prévoit une répartition indicative des dépenses du fonds de continuité territoriale (15) :

– 29,5 millions d'euros (AE = CP) au titre de l’aide à la continuité territoriale ;

– 16 millions d'euros au titre du passeport-mobilité études ;

– 4,5 millions d'euros au titre du passeport-mobilité formation professionnelle (pour son volet aide au transport (16)).

 Le dispositif de mesure de la performance s’est adapté à la réforme de la continuité territoriale, puisque l’indicateur 3.1 mesure désormais le coût moyen de l’ensemble des dispositifs, et non plus, comme jusqu’en 2008, du seul passeport-mobilité.

4.– L’action Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport pourrait relever d’autres missions du budget général.

Cette action finance essentiellement le fonctionnement de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna, à hauteur de 23,2 millions d'euros (AE = CP).

Comme dans son précédent rapport, le Rapporteur spécial s’interroge sur la pertinence de conserver au sein de la mission Outre-mer l’intégralité des crédits financés depuis cette action.

Les actions de promotion et de diffusion des cultures des outre-mers revêtent une particularité qui peut justifier leur rattachement à la mission Outre-mer.

En revanche, d’autres mesures inscrites sur cette action paraissent pouvoir être gérées par les ministères sectoriels sans pour autant méconnaître la spécificité des collectivités ultramarines ; ainsi, les actions sanitaires pourraient être transférées dans le champ de compétence du ministère de la Santé, eu égard notamment à la technicité requise pour mener à bien les actions de politique publique en ce domaine.

5.– L’action Collectivités territoriales finance notamment la DGDE, dispositif contestable qui pourrait être réformé en 2010.

 Cette action finance pour l’essentiel des dotations spécifiques versées par l’État aux collectivités territoriales ultramarines. Le projet annuel de performances fournit une liste exhaustive de ces dotations, sur lesquelles le Rapporteur spécial ne s’attardera donc pas.

 La plus importante des dotations servies depuis l’action Collectivités territoriales est l’aide à la reconversion de l’économie polynésienne : 182 millions d'euros en autorisations d’engagement (stable depuis 2009) et 175 millions d'euros en crédits de paiement (en recul de 13 millions d'euros).

L’aide à la reconversion comprend deux dispositifs :

– la dotation globale de développement économique (150 millions d'euros en autorisations d’engagement) ;

– le versement des reliquats de subvention au titre de l’ex-fonds pour la reconversion de l’économie de la Polynésie française (FREPF).

La DGDE a été instituée par une convention conclue le 4 octobre 2002 entre le Premier ministre et le président du gouvernement de la Polynésie française. À compter du 31 décembre 2002, la DGDE s’est substituée au FREPF. Ce fonds avait été créé en 1996, par voie de convention, afin de compenser les pertes économiques et financières consécutives à l’arrêt des essais nucléaires en Polynésie. Prévu pour durer dix ans, le fonds était doté chaque année de 150 millions d’euros par l’État. Le fonds a été finalement remplacé par la DGDE dès 2003.

Une convention en date du 25 juillet 1996 précisait les modalités de fonctionnement du fonds. La Polynésie présentait à l’État un plan stratégique de développement, soumis à l’agrément préalable d’un comité mixte paritaire. L’État conservait donc un pouvoir d’approbation de chaque projet a priori, et déléguait les crédits (autorisation de programme et crédits de paiement) au fur et à mesure.

La DGDE poursuit le même objectif que le fonds : maintenir les ressources jadis apportées par le centre d’expérimentation nucléaire. La DGDE intervient pour le financement d’investissements divers : aides aux entreprises, grands travaux, logements sociaux. Jusqu’en 2005, la DGDE était inscrite au budget des charges communes de l’État. Depuis, elle figure sur la mission Outre-mer. Il faut préciser que contrairement au fonds qu’elle a remplacé, la DGDE n’est pas limitée dans le temps.

Les modalités de fonctionnement de la DGDE sont très différentes de celles du fonds, et le contrôle de l’État est quasi-inexistant. L’État verse chaque année la DGDE de manière globale. Le gouvernement de la Polynésie affecte ensuite les crédits reçus aux projets du plan quinquennal d’investissement prévu à l’article 5 de la convention du 4 octobre 2002. Une fois les projets en question achevés, la Polynésie notifie leur achèvement à l’État, pièces administratives et comptables à l’appui. L’État ne donne donc plus d’agrément préalable aux projets entrepris. L’article 8 de la convention du 4 octobre 2002 stipule que « les projets financés par la DGDE font l’objet d’un suivi annuel d’exécution […] et d’un compte rendu d’exécution du gouvernement de la Polynésie française à l’État ».

Une avancée en matière de contrôle semble être intervenue en février 2006 : un avenant à la convention du 4 octobre 2002 a créé un comité de suivi. Ce comité mixte, comprenant six représentants de l’État et six représentants de la Polynésie française, est coprésidé par le haut-commissaire de la République et le président du gouvernement de Polynésie. Il doit se réunir une fois par an.

Les reliquats de subvention au titre de l’ex-FREPF doivent s’éteindre en 2010, ce qui permettra d’engager une réforme de la DGDE, pour laquelle le haut-commissaire a reçu un mandat de négociation des ministres chargés de l’outre-mer et du budget le 31 mars dernier.

Cette réforme vise à assurer une meilleure transparence dans la gestion et le contrôle des fonds publics. Afin de clairement indiquer que la DGDE n’est pas une dotation de fonctionnement, le nouveau dispositif doit comprendre trois instruments dont les principes se rapprochent du droit commun des collectivités :

– une dotation globale d’autonomie. Il s’agirait d’une dotation de fonctionnement, dont l’emploi serait libre, et qui répondrait à la préoccupation du gouvernement de la Polynésie française ;

– une dotation d’investissement aux communes ;

– une troisième part à contractualiser entre l’État et la Polynésie afin de financer des projets d’investissements structurants.

Le recul du niveau des crédits de paiement (cf. supra) s’explique selon le SEOM par l’anticipation de cette réforme, « pour acter du principe d’un financement des opérations d’investissement au fur et à mesure de leur réalisation ». Seraient donc versés en 2010 137 millions d'euros de crédits de paiement, et non 150.

Le Rapporteur spécial accueillera favorablement toute réforme de nature à rendre plus transparent le soutien de l’État à l’économie polynésienne qui, s’il n’est pas contestable dans son principe, doit être irréprochable dans ses modalités. À ce stade, il n’est pas encore possible de porter un jugement averti sur le schéma proposé par le Gouvernement. Il faudrait néanmoins veiller à ce que le soutien de l’État à la Polynésie reste concentré prioritairement sur les dépenses d’investissement, et non de fonctionnement.

6.– L’action Insertion économique et coopération régionale finance essentiellement les fonds de coopération régionale.

Il existe quatre fonds de coopération régionale (un par département d’outre-mer), auxquels est venu s’ajouter un fonds de coopération régionale pour Mayotte.

Les crédits destinés à la coopération régionale sont utilisés pour le financement de projets acceptés par les préfectures à l’occasion des comités de gestion du fonds de coopération régionale (FCR). Ces projets visent au développement économique, social ou culturel des départements de la zone Caraïbe (Guadeloupe, Guyane, Martinique) ou de l’Océan indien (La Réunion, Mayotte). Entre 2001 et 2007, 452 projets ont été financés avec une contribution totale des fonds de coopération régionale de près de 12 millions d’euros. Parmi les thématiques, le FCR a financé 160 projets dans le domaine des échanges artistiques, des événements sportifs et culturels.

Les financements sont destinés le plus souvent à la mise en place de partenariats bilatéraux ou multilatéraux avec les États voisins de l’outre-mer et la participation des collectivités aux programmes des organisations régionales. De par la nature des dépenses de fonctionnement (premiers contacts, missions exploratoires, échanges professionnels), les FCR sont devenus un outil financier permettant « l’effet de levier » de projets structurants, avec les autres fonds de l’État, les fonds régionaux et les fonds européens.

Les projets retenus par les comités de gestion sont intervenus pour l’essentiel dans le domaine du développement économique. Ils contribuent par exemple au renforcement des moyens de la pêche dans les zones concernées ou encore à la formation et à l’équipement des acteurs économiques des États voisins des collectivités françaises.

7.– L’action Fonds exceptionnel d’investissement finance des investissements structurants.

 Créé par la LODEOM, ce fonds est destiné à participer au financement des équipements collectifs portés par des personnes publiques dans les DOM et les COM, en partenariat avec les collectivités territoriales. Il s’agit, dans un but de rattrapage économique, de réaliser des opérations portant sur des équipements publics structurants.

Le Rapporteur spécial avait appelé de ses vœux la création d’un tel fonds. Dans sa contribution au rapport d’information précité sur les niches fiscales, il considérait que la part de la dépense fiscale à destination de l’outre-mer qui rémunère les intermédiaires via une commission et les contribuables via un avantage en impôt « pourrait, sous la forme d'une dépense budgétaire, utilement abonder un fonds d'aide aux collectivités d'outre-mer pour assurer le financement de leurs investissements publics ou l'amélioration des services publics locaux, tels les transports en commun ».

 Le fonds avait été doté par anticipation en loi de finances pour 2009, à hauteur de 40 millions d'euros en autorisations d’engagement et 16 millions d'euros en crédits de paiement.

Cette dotation initiale a été majorée à deux reprises :

– pris en application de la loi de finances rectificative de février 2009 (17), le décret n° 2009-203 du 19 février 2009 a porté le montant des autorisations d’engagement à 115 millions d'euros et celui des crédits de paiement à 31 millions d'euros, par un transfert depuis la nouvelle mission Plan de relance de l’Économie au titre du plan de relance de l’économie ;

– le décret n° 2009-778 du 23 juin 2009, pris en application de la loi de finances rectificative de mars 2009 (18), a abondé le fonds de 50 millions d'euros en autorisations d’engagement et de 10 millions d'euros en crédits de paiement, dans un contexte de tensions sociales dans les DOM (depuis la mission Plan de relance).

Pour 2010, la dotation prévue est sensiblement identique aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2009 : 40 millions d'euros en autorisations d’engagement et 17 millions d'euros en crédits de paiement.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 13 octobre 2009 à 16 heures 45, la commission des Finances examine les crédits de la mission Outre-mer, en commençant par l’exposé du Rapporteur spécial.

M. Alain Rodet. Vous avez noté que les objectifs fixés en matière de logement social n’ont pas été atteints et vous vous êtes félicité de la création d’un groupement foncier d’intérêt public. J’y insiste : la situation est extrêmement préoccupante, singulièrement aux Antilles, et il faudra mener une action vigoureuse et résolue. On sait, par ailleurs, l’extrême fragilité des finances locales dans les DOM ; qu’en sera-t-il après la réforme territoriale ?

M. le rapporteur spécial. Tous les rapporteurs spéciaux du budget, puis de la mission de l’Outre-mer ont successivement demandé la création d’un groupement foncier d’intérêt public. Mais, outre la volonté, qui existe chez beaucoup d’élus et de la part de l’État, il faut des moyens, et ils manquent.

Quant aux conséquences de la réforme de la taxe professionnelle, elles seront, si le texte n’est pas modifié, celles que connaîtront les collectivités métropolitaines, mais de manière amplifiée. Le contrat d’objectif communal d’aide à la restructuration et au développement économique, dit « dispositif COCARDE », vise à assainir les finances des collectivités qui contractualisent à cette fin avec le secrétariat chargé de l’outre-mer. Mais leurs finances sont mises en péril par le poids de la charge salariale, pour deux raisons : d’abord, l’emploi public a longtemps pourvu à de nombreux emplois outre-mer ; ensuite, le surplus de rémunération des fonctionnaires de métropole affectés outre-mer a eu pour conséquence l’augmentation, sur place, du prix des produits, y compris des produits de première nécessité. On peut donc comprendre que certains élus aient souhaité augmenter le salaire de leurs agents pour leur assurer de quoi vivre.

M. Gaël Yanno. Je me félicite de l’augmentation de 6,4 %, à périmètre constant, des crédits de cette mission ; c’est une bonne chose pour l’outre-mer. L’an dernier, le changement de périmètre rendait la comparaison malaisée ; ce n’est plus le cas. D’autre part, comme vous l’avez rappelé, ces crédits ne représentent que 11, 8 % de l’effort global de l’État, estimé en tout à quelque 17 milliards d’euros.

Estimez-vous que le montant de l’aide au fret suffira à couvrir les dépenses afférentes ?

Je rappelle que les onze collectivités ultramarines sont singulières et qu’il faut prendre garde à ce que les financements ne soient pas seulement dévolus à celles qui ont connu de graves conflits sociaux – je crains, en particulier, un glissement économique global du « Pacifique » vers l’« Atlantique ».

S’agissant de la défiscalisation, l’augmentation de la dépense fiscale de 6,3 % – elle atteindra 3,62 milliards – tient-elle compte des conséquences du plafonnement global et, plus particulièrement, de celui de la défiscalisation ? Pour ma part, je suis assez sceptique quant au soutien à la politique du logement et à l’investissement productif. De la même manière, la comparaison entre les chiffres de 2009 et ceux de 2010 est-elle réellement significative dès lors que la LODEOM renforce les conditions d’agrément ? J’ajoute que le conseil interministériel consacré à l’outre-mer de novembre prochain modifiera peut-être la donne budgétaire, ce qui impliquera de réviser certains points.

Je m’inquiète de l’accroissement de la dette de l’État auprès de certains organismes de sécurité sociale – l’action de soutien aux entreprises et la compensation des exonérations de cotisation sociale entraînent une augmentation de cette dernière de 55 millions d’euros – mais, également, auprès des organismes de logements sociaux – hausse de 17 millions d’euros à la fin de 2009 –, auprès des compagnies pétrolières et, enfin, auprès de certaines collectivités ultramarines – des contrats de développement 2006-2010 ont été signés pour la Nouvelle-Calédonie mais les crédits de paiement sont insuffisants. Je souhaiterais donc connaître le « hors bilan » de ces dettes, pour employer un terme de commissaire aux comptes.

M. le rapporteur spécial. L’augmentation de 6,4 % s’explique essentiellement par la hausse des crédits liés au service militaire adapté, le SMA – une trentaine de millions – et aux exonérations de charges sociales.

M. Gaël Yanno. Je rappelle que la Nouvelle-Calédonie, notamment, n’est pas éligible à la ligne budgétaire unique – la LBU –, dont les conditions d’application diffèrent en fonction des territoires.

M. le rapporteur spécial. Je n’ignore pas ce qu’il en est en Nouvelle-Calédonie et loin de moi l’idée de sous-estimer les spécificités de cette collectivité. De façon générale, la politique du logement social doit à mon avis relever d’une dépense budgétaire plutôt que d’une dépense fiscale, et il va de soi que l’ensemble de l’outre-mer doit être partie prenante.

Le budget de l’aide au fret, quant à lui, demeure en effet constant malgré une augmentation sensible du périmètre concerné – en l’occurrence à Saint Martin, Saint Barthélemy, Mayotte ainsi qu’à Wallis-et-Futuna –, ce qui rend son efficacité à tout le moins douteuse. Vous avez par ailleurs raison de noter la tendance au « glissement » vers l’Atlantique, fût-il dû ou non aux protestations qui s’y sont fait jour. Quoi qu’il en soit, je ne dispose pas encore du document de politique transversale permettant de dresser un état des lieux chiffrés précis, par collectivité.

S’agissant de la défiscalisation, le budget ne prévoit pas une différence sensible entre 2009 et 2010 car le plafonnement global permet une économie relativement faible, de 20 millions environ, alors que le Gouvernement et M. le rapporteur général en attendaient dix fois plus. En l’état, le plafonnement des niches n’entraînera vraisemblablement aucune diminution de la défiscalisation. En ce qui concerne, plus précisément, le logement social, la dotation de 110 millions d’euros ne sera pas effective en raison de la complexité du dispositif. Enfin, la demande systématique de l’agrément devrait incontestablement constituer un frein à l’investissement.

En ce qui concerne les carburants, aucune ligne budgétaire n’est prévue en 2010. La mission conjointe des commissions des Affaires économiques et des Finances a proposé que, tant que le prix du baril n’atteindra pas celui qui a justifié l’instauration de la prime à la cuve, la collecte du montant de cette prime auprès des compagnies pétrolières demeurera, son produit servant précisément à l’État à rembourser ce qu’il leur doit. Lorsqu’il en ira différemment, cette prime retrouvera bien entendu sa destination première. In fine, cela dépend néanmoins des nouvelles règles de fixation des prix des carburants outre-mer ainsi que de leur application.

Enfin, s’agissant des contrats avec les collectivités, le secrétariat d’État à l’outre-mer n’a pas communiqué de chiffre nouveau de la dette depuis qu’a été indiqué pour 2008 le chiffre global de 80 millions d’euros – dont 30 millions pour la seule Nouvelle-Calédonie.

M. Gaël Yanno. Une enveloppe budgétaire globale en CP, incluant la métropole et l’outre-mer, est-elle dédiée à cet engagement de l’État ?

M. le rapporteur spécial. Je ne le pense pas.

M. Gaël Yanno. Il serait intéressant, monsieur le président, de disposer de ce type d’information.

M. le président Didier Migaud. Il est possible de le demander.

M. Jean-Louis Dumont. J’étais rapporteur du budget relatif au logement lorsque les crédits concernant ce domaine en outre-mer ont été affectés à ce dernier secteur. Or, l’échec est patent, la dotation budgétaire diminuant d’ailleurs pour 2010 alors que la plupart des sociétés d’HLM sont en grand danger, certains établissements étant même proches du dépôt de bilan.

Par ailleurs, je ne suis pas sûr qu’il soit tenu compte des spécificités de l’outre-mer sur le plan foncier, certains fonctionnaires raisonnant comme s’ils étaient en banlieue parisienne. Quelles propositions pouvez-vous faire en la matière, monsieur le rapporteur spécial ?

Enfin, si l’État ne débloque pas les crédits nécessaires et si l’action des organismes HLM n’est pas relancée, je crains que nous n’allions d’échecs en échecs avec les conséquences économiques et sociales que l’on peut redouter, notamment pour nos jeunes compatriotes vivant dans des conditions d’insalubrité absolument indignes.

M. le rapporteur spécial. Il conviendrait qu’un office foncier soit mis en place pour acheter des terrains. Par ailleurs, la politique du logement social passe en effet également par la lutte contre l’habitat insalubre – notre collègue Serge Letchimy conduit en ce moment même une mission à ce sujet. Enfin, un rapport récent de la Cour des comptes atteste que les logements sociaux qui ont été construits ne sont pas conformes aux normes antisismiques.

Mme Annick Girardin. Outre que nous sommes nombreux à regretter que le RSA ne soit pas plus rapidement applicable dans les outre-mers, je rappelle que les accords concernant le versement de 200 euros de prime – dont une moitié au titre du RSTA et l’autre versée par les entreprises et les collectivités – n’ont été signés qu’aux seules Antilles.

S’agissant de l’aide au fret, je suis très inquiète quant aux entrants et aux extrants puisque le budget demeure constant.

Il en va de même s’agissant de la recentralisation, en particulier à Saint-Pierre-et-Miquelon, où il convient de tenir compte d’un grand nombre de spécificités. En tout état de cause, le « glissement » vers les DOM dont faisait état M. Yanno me semble patent. J’ajoute que des mouvements sociaux se dessinent partout, fussent-ils de moindre importance que ceux ayant affecté les Antilles.

Les états généraux, enfin, ont suscité une attente très forte à laquelle ce budget ne répond pas, le Gouvernement préférant empiler des dispositifs dans l’urgence et réagir promptement quand les médias s’emparent d’un dossier, sans toutefois développer une vision globale permettant de passer de l’assistanat au développement économique durable.

De surcroît, qu’en est-il du détail des investissements qui ont été réalisés, sachant qu’une deuxième tranche devait être prévue en fonction de la consommation de la première ? Sur ce plan-là, l’Europe semble considérer les outre-mers comme les plus mauvais élèves, mais n’y aurait-il pas moyen, entre le fonds exceptionnel et les réserves de l’Union, de travailler de concert ?

Par ailleurs, les élus ultramarins ont fait état l’an dernier de leur inquiétude lorsqu’une partie des crédits relatifs à l’emploi outre-mer a été transférée à la mission Travail et emploi. La baisse de 748 millions d’euros des crédits de cette mission, prévue pour 2010 vient renforcer ces craintes.

Enfin, je note qu’en l’état, les territoires n’ayant pas le statut de DOM paieraient la taxe carbone sans bénéficier pour autant d’une redistribution, ce qui est une anomalie.

M. le rapporteur spécial. Je vous donne acte de vos propos sur le RSTA ; il n’est pas le même partout. Je regrette que cette prime soit en fait partiellement reprise dans le budget de 2010 en raison de son imputation sur la prime pour l’emploi, point sur lequel le Gouvernement devra s’expliquer.

L’aide au fret, quant à elle, sera nécessairement plus faible pour chaque territoire, dès lors que son périmètre a été étendu, comme je l’ai indiqué.

Si je ne suis pas particulièrement jacobin, j’ai néanmoins eu l’occasion de constater que la décentralisation d’un certain nombre de dispositifs n’était pas efficace partout. Sans doute aurais-je dû présenter un rapport plus détaillé en fonction des territoires mais l’utilisation générale des fonds demeure globalement insatisfaisante. Je ne suis donc pas hostile à la recentralisation car elle permettra de créer un mécanisme qui me semble nécessaire pour accroître les ressources ou les revenus. Enfin, dès lors que de nouvelles règles auront été posées, une nouvelle décentralisation sera tout à fait envisageable.

La taxe carbone, quant à elle, n’est pas directement liée au budget du secrétariat d’État à l’outre-mer.

Quant à l’adoption des crédits, enfin, M. le président, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte les crédits de la mission Outre-mer, le groupe SRC votant contre.

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ANNEXE

Liste des auditions réalisées par le Rapporteur spécial

– Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État chargée de l’Outre-mer

– M. Richard Samuel, délégué général à l’Outre-mer.

© Assemblée nationale

1 () Document Assemblée nationale n° 1579, avril 2009.

2 () Dégressives jusqu’à s’annuler en 2019.

3 () Rapport sur La fixation des prix des carburants dans les départements d’outre-mer, mars 2009.

4 () Avis n° 09-A-21du 24 juin 2009 relatif à la situation de la concurrence sur les marchés des carburants dans les départements d’outre-mer.

5 () Jacques Le Guen et Jérôme Cahuzac, Les prix des carburants dans les DOM : vers la transparence et la clarification, doc. AN n° 1885, septembre 2009.

6 () Mayotte deviendra département à compter de 2011, consécutivement au référendum du 29 mars 2009.

7 () Notre collègue Jean-Pierre Brard a consacré un rapport d’information à ce sujet : La légitimité des compléments de traitement et de pension outre-mer est-elle toujours fondée ?, doc. AN n° 3780, mars 2007.

8 () Didier Migaud, Gilles Carrez, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Charles de Courson, Gaël Yanno, Maîtriser la dépense fiscale pour un impôt plus juste et plus efficace, doc. AN n° 946, juin 2008.

9 () Gilles Carrez, doc. AN n° 1155, octobre 2008, page 16.

10 () Cette dette, qui concerne la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, est de 35,8 millions d'euros.

11 () L’habitat insalubre et indigne dans les départements et régions d’outre-mer : un défi à relever, septembre 2009 (http://www.outre-mer.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_letchimy.pdf).

12 () La LBU s’élèverait en 2010 à 135,5 millions d’euros en d’autorisations d’engagement et 113,3 millions d’euros en crédits de paiement. En plus des logements proprement sociaux, elle finance des logements dits « spécifiques » (logements étudiants, hébergement d’urgence), pour 5,6 millions d’euros.

13 () Soit 20 sur 50.

14 () Le passeport mobilité menacé par ses dérives : 20 propositions pour une réforme urgente, doc. AN n° 3781.

15 () Le fonds avait été doté par anticipation en loi de finances initiale pour 2009.

16 () Ses autres volets étant financés depuis le programme 138 (cf. supra).

17 () Loi n° 2009–122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009.

18 () Loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009.